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Egalementdisponible:

Jeuxinterdits

À15ans,j’airencontrémonpireennemi.SaufqueTristanQuinnétaitaussilefilsdelanouvellefemmedemonpère.Etqueçafaisaitdeluimondemi-frère.Entrenous,laguerreétaitdéclarée.Etonn’apastenudeuxmoissouslemêmetoit.À18ans,leroidesemmerdeursrevientdupensionnatoùilaétéenvoyépourlelycée.Ilasondiplômeenpoche,lesyeuxlesplusperçantsquisoientetunsourireinsupportablequej’aienvied’effacerdesagueuled’ange.Oud’embrasserjustepourlefairetaire.

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Encore!

Miatientlecourrierducœurauseind’unecélèbreradiodeSeattle,écoutant,conseillant,rassurantsanscesselescœursmaladesquil’appellentsouventtarddanslanuit.Maisseulederrièresonmicro,lecœurbriséparunerelationquis’estmalterminée,lajeunefemmenecroitplusenl’amour,ellepourtantsiapteàenparlerauxautres…Parleplusgranddeshasards,soncheminvacroiserceluideHarryBannister,milliardairerécemmentéluHommedel’année.Pragmatique,controlfreak,solitaire,Harryesttoutsoncontraire.Etpourtant,ilsvontdécouvrirensemblequelaviepeutêtrebienplusdouceetdrôleàdeux!

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Moninconnu,monmariageetmoi

GraceestàLasVegaspourassisteràunmariage.Aprèsunesoiréebienarrosée,elleseretrouveaumatinmariéeàCaleb,unhommerencontrélaveille,sansavoiraucunsouvenirdelacérémonie.Ilestcharmant,ceCaleb,ilestmêmecarrémentcanon,etenplusilesttrèsriche,maissemarier,cen’étaitpasdutoutdanslesprojetsdeGrace.Saliberté,elleytient.Lehic,c’estquesoncherépoux,dontellenesaitrien,nesemblepasdécidéàaccepterl’annulationdeleurmariage…

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Mavie,mesrêvesetlui

Dèsqu’ils’agitdesentiments,JuneSachsestunegrandeempotée!Ellenepossèdepaslemoded’emploiluipermettantdedécoderlesintentionsdesautres.RaphaëlWarrenestsûrdelui,trèssûrdelui…etheureusement,carilvadevoirl’êtrepourdeux!

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Luirésister…oupas

JosephButlerestunhommed’affairesredoutéquin’apasl’habitudequ’onluirésiste.OliviaScottestuneétudianteendroitquiadécidédeneplusselaisserfaire.Entreeux,larelationvavitetourneràlaconfrontation.EtsiJosephinsistepourêtrelepatrond’Olivia,ilnesedoutepasunseulinstantdecequeledestinleurréserve…

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RoseM.Becker

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SEXFRIENDSETPLUSSIAFFINITÉS

Volume3

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1.Lapeurdemavie

Une forte odeur d’antiseptique me pique les narines, odieuse et entêtante. Fermant les paupières,j’appuiematêtecontrelemur,lanuquedouloureuseetlesjambeslourdes.Jen’aipasbougédepuisdeuxheures.Jesuisraidecommeunbâton.Dansmapoitrine,moncœurtambourineaurythmedemapeur.Àchaquebattement,ilscandelemêmenom:Eva,Eva.Enboucle.Eva,Eva…

–C’estuncauchemar…,dis-jeàvoixbasse.

Hagardeetincrédule,j’entremêlemesdoigts,assisesurunluxueuxfauteuilprunedelasalled’attente.Àlademanded’Anthony,mafilleaététransportéeenurgencedansunecliniqueprivéedeSanFrancisco,situéedanslequartierhuppédeRussianHill.Leslarmesmepiquentlesyeux,brûlantes.Jemeretiensdepleurer,decraquer.Encemoment,ma filleestauxmainsdesmédecins,en traindepasserunscanneraveclameilleureéquipemédicaledel’État.Jemeraccrocheàcettepensée.

–Jesuislà,Jane…

Àcôtédemoi,Anthonymetendlamain.Depuisl’accidentd’Eva,ilnem’apasquittéeuneseconde,ilnem’apasabandonnéedepuisquenoussommesmontésdansl’ambulancequiroulaitàtouteallureverslaville.Jamaisjen’aiautantregrettéd’habiterlacampagnequ’aumomentoùlevéhiculedesurgencescahotait surune interminable routeponctuéed’ornières.Àchaquenid-de-poule, je serrais lesdentsentenantlapetitemenottedemonbébéallongésurunbrancard.

Dans la salle d’attente, je saisis compulsivement les doigts d’Anthony, tournant vers lui un visageravagéparl’angoisse.Touts’estpassédurantmonabsence.PendantmaviréeshoppingàMonterey,mafille est tombée de sa chaise haute.Hope, l’amie dema grand-mère qui la gardait, s’est tournée pourrépondreautéléphone…etledrameaeulieu.Mafilleabasculéenavant,satêtepercutantlecarrelagedelacuisine.Elleaperduconsciencesurlecoup.Queseserait-ilpassésiAnthonyn’étaitpaspasséparlààcemoment?J’enailachairdepoule.

– Essaie de ne plus y penser, me chuchote sa voix rauque, comme s’il lisait dans mes pensées.Concentre-toisurEva.

Ilaraison…Maisjenepeuxempêchermonespritdevagabonder.J’imaginecentfoiscettescènequeje n’ai pas vécue.Ma fille. Son petit corps inerte par terre. Hope, pétrifiée, incapable d’appeler lessecoursouderéagir.EtAnthony,venurendrevisiteàmagrand-mèrepour luiparlerde l’encombrantelivraisondelampionsfaitedanssesvignespoursonmariageavecJohn.Moncœurseserre,mapoitrinesembleprisedansunétau.J’ail’impressiond’étouffer.

–Respire,Jane!Respire,machérie!

C’estlapremièrefoisqu’ilm’appelle«chérie».Doucement,ilposeunemainsurmanuqueetm’aideàmepencher en avant, à placerma tête entremes genoux afin que je reprennemon souffle.La pièce

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tourne autour de moi, tanguant comme un navire à la dérive. Il me murmure à l’oreille des motsrassurants, collé à mon dos. Et il a le tact de ne pas me mentir, de ne pas prétendre que « tout vas’arranger».Carnousignoronssic’estlecas.

Nos doigts se nouent, ne formant qu’une seule main. Je m’agrippe à lui comme à une bouée desauvetageet ilnesedérobepas. Ilcontinueàmeparler,encaressantmes longscheveuxnoirs,enmejurantqu’ilferatoutpournousaider,Evaetmoi.Jelecrois.Pourlapremièrefoisdepuisdesmois,jecroisunhomme.Parcequec’estlui.Quandjetournelatêtedanssadirection,uneuniquelarmeroulesurmajoue,traçantunsillondesel.

–Est-cequ’ellevas’ensortir?

Ilpresseplusfortmamainetsesgrandsyeuxnoirsplongentdanslesmiens,sansfaux-semblant.

–J’ensuiscertain,Jane.

***

Quelques minutes s’écoulent au rythme des allées et venues du personnel médical. Une infirmièrepasse devant nous en courant, deux ambulanciers poussent un brancard vide dans l’ascenseur et lasonneriedutéléphones’élèveàplusieursreprisesmalgrél’heuretardive.Sommes-nousenpleinenuit?Jejetteuncoupd’œilparlafenêtreetdiscernelasilhouetteorangeduGoldenGateBridgeàl’horizon,perdudanslesrouleauxdebrumequis’enroulentautourdeseshautescolonnes.Lapénombrerègnesurlavilleetlapenduleau-dessusducomptoird’accueilaffiche21h45.

–MademoiselleSullivan?

Jebondis demon siège, commemontée sur ressort.Du fonddu couloir unebelle femmeenblouseblanches’approche.Sescheveuxblondfoncésontsoigneusementretenusenunépaischignon.Unbloc-notes à lamain et le sourire aux lèvres, elle vient versmoi et salueAnthony d’un petit signe de têtecomplice.Sij’étaismoi-même,j’endéduiraisqu’ilsseconnaissent.Maispourl’heure,jem’enmoque.Riennecompteen-dehorsd’Eva.

–Jemeprésente,jesuisledocteurMcEnroe.C’estmoiquisuischargéedesoignervotrepetitefille.–Est-cequ’ellevabien?Jevousensupplie,dites-moiqu’ellevabien!Jenepourraispasvivresans

elle!Je…Je…

Mavoixsebriseetlesouriredumédecinseteinted’uneévidentebienveillancemêléedecompassion.Alorsqu’elleposeunemaindoucesurmonépaule,Anthonyserapprochedemoi,commes’ilétaitmongardeducorps. Il sembleprêt à intervenir aumoindreproblème.Cesdernières secondesd’attentemesontinsupportables.

–Votrefillevabien,mademoiselleSullivan.

Lesmotsmettentquelquessecondesàparvenirjusqu’àmoncerveauengourdiparlaterreur.Déjà,ledocteurenchaîneenconsultantsesnotes,préciseetcompétente.Elleestsansdouteunmodèled’efficacité

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auseindecetteclinique.

– J’ai les résultats de son scanner et elle ne souffre d’aucune fracture. Pas d’œdème cérébral, pasd’hémorragieinterne…Rienqu’unepetitefilleenparfaitesanté!

–Mais…Mais…

Maisjecherchelapetitebête,encorefolledepeur.

–Elleesttombéeet…–Elleaunelégèrecommotion.–Unecommotion?jerépète,déraillantdanslesaigus.

J’en étais sûre ! Une commotion !Ma fille a une commotion…Au fait, qu’est-ce que c’est unecommotion?

–Riendetrèsméchant,préciseledocteurd’unairengageant.Maisparmesuredesécuritéetauvudesonâge,noussouhaiterionsnéanmoinslagarderenobservationpendantquarante-huitheures.

–Deuxjours?

Crised’hyperventilation:encours.

–C’estlaprocédurehabituelledansnotreclinique.Simplemesuredeprécaution.Votrefillen’arien,mademoiselleSullivan.Jevousl’assure.

Ledocteurplongesesgrandsyeuxbleumarinedans lesmiensavec toutesaforcedeconviction.Etenfin, elleparvient àmecommuniquer son calmeaupointque je finispar la croire :Evaest horsdedanger,elleestsaineetsauve.Alors,contretouteattente, j’éclateensanglots.Jecachemafiguredansmesmains, laissant le soulagementdéferler tel un raz-de-marée.À traversmes larmes s’écoulentmonangoisse,matristesseetmapeine…Jeneretiensrien.

–Jane…,souffleAnthony.

Sesbrasserefermentsurmoi,m’enveloppantdansuncocon.Jemelaisseallercontresapoitrine,àboutdeforce,àboutdenerfs.Matêteposéesursontorse,jemouillesachemiseblanchedemespleurs,incapable deme contenir plus longtemps.Ma fille est sauvée ! Solide comme un roc, Anthony ne sedérobepas,m’étreignantdetoutesonâmepourmetransmettresoncourage.Dansmondos,jedevinelesouriredumédecin,heureusedecedénouement.

–Toutirabien,murmureAnthony.– Vous devriez écouter mon frère, confirme le docteur McEnroe. Il a toujours raison, ce qui est

particulièrementagaçantquelquesfois!

Denouveau,larévélationmepercuteavecuncertainretard…Jerelèvelatêtesanspourautantquitterlesbrasréconfortantsd’Anthonyet jeposesur ledocteurdesyeuxourlésderouge, levisageàmoitiémangéparleslonguesmèchesbrunesdemacheveluredénouée.Dansmonjeanetmachemiseàcarreaux,jeressembleàunépouvantail.Ouàunemèreaffolée.

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–Votrefrère?–Erinestmademi-sœur,répondAnthonyàsaplace.Jet’enaidéjàparlé,tutesouviens?

Jehochelatête,unpeugroggy,tandisqu’Erinplantelespoingssurseshanches.

–J’espèrequ’ilnevousapasdittropdevacheriessurmoiparcequejen’aipasencorepassél’âgedeluimettreuneraclée!

–Nel’écoutepas,Jane.Ellement.Ellen’ajamaiseuledessussurmoi,mepréciseAnthonytoutbas.

Ilmefaitunpremiervraisouriretandisquesonaînéepartd’ungrandrire,ravieparl’escarmouche.Àl’évidence, ils s’entendentbien.Etd’unseulcoup, lavie reprendsesdroitsaveccettepetitebulledegaieté. Je me garde néanmoins de répondre, secouée par la révélation assez inattendue dans cesconditions.Pleined’empathie,ledocteurMcEnroes’enaperçoit.

–Nefaitespasattentionànous.Detoutemanière,lemomentn’estguèrepropiceàdesprésentations.

Son bipper retentit au même moment. Jetant un coup d’œil à l’appareil accroché au revers de sablouse,ellesoupire:

–Jevaisvouslaisserseuls,ledevoirm’appelle.–Quandpourrais-jevoirEva?–Dansunquartd’heure.Lesinfirmièressontentraindepréparersachambre.

J’acquiesce.

–Mercidocteur.

Cettefois,cesontdeslarmesdegratitudequicoulent.

***

Assiseauchevetd’Eva,jenebougeplus.Jemesensàmaplace,maplacedemaman.Juchéesuruntabouret, je ne quitte pas des yeux le lit à barreaux où elle repose, paisible et silencieuse. Vêtue dupyjama rose qu’elle portait lors de l’accident, elle sembleminuscule sur ce grandmatelas.Dans sonsommeil, elle se raccroche à ma main, ses petits doigts s’agrippent aux miens. Nous n’avons pasl’habitude d’être séparées, toutes les deux. Et à peine suis-je entrée dans sa chambre, tout à l’heure,qu’elles’estilluminéeàmavue.Biensûr,j’aifonduenlarmes.

Unevraiemadeleine.

–Toutirabienmalouloute,dis-jeavecunpeuplusd’assurance.

Lanuit règnederrière les fenêtres, jetantunvoilenoir sur lavilleet sonport.Parcequ’Erinest lasœurd’Anthony,j’aiobtenuledroitderesterauprèsdemafillecettenuit,unemesureparfoisaccordéeauxmamansdejeunesenfants.Detoutemanière,j’auraiscampédevantlaclinique.Peut-êtremêmequej’auraisescaladélesmursàlafaçondeSpidermanpourrejoindremonbébé.Dansmonétat,impossiblederesterloind’elle.J’aibesoindelavoir,delatoucher.

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–Pardonne-moi,mapuce!

Mavoixsebrisesurcesderniersmots.Unebouled’épinesdanslagorge,jeretiensunsanglot.Jen’aipas le droit de me laisser aller devant elle, même si je suis rongée par la culpabilité. Car je suisresponsabledesonaccident.Oùétais-jeaumomentoùelleaeuleplusbesoindemoi?Entraindecourirlesboutiquespourséduireunhomme!Jememordsleslèvres,honteuse.Jemesenssuperficielle,égoïsteetaffreuse!Jenetrouvepasdemotsassezdurspourqualifiermaconduite.

–Situsavaiscommejesuisdésolée.Toutcequejepeuxfaire,c’esttejurerqueçanesereproduirapas.

Jemarqueunbrefarrêt,déterminée.

–Jamais.

Devenirunemauvaisemamanestmahantise.Aucoursdemagrossesse,mesparentsetmesamisn’onteudecessedemeserinerlamêmechose:«Tun’espasprête,Jane.Tufaisuneénormeerreur.Tuvasgâchertavieengardantcebébé.Tuestropjeunepouréleverunenfant!».J’aivoululeurprouveràtousqu’ils se trompaient et avec quel résultat ! Par ma faute, ma fille est allongée sur un lit d’hôpital,innocenteetfragile.Jen’aipassuveillersurelleetlaprotéger.

Jemesensnulle.Vraimentnulle.

Jepasselanuitàréfléchir,alternantpériodesdeveilleetbrèvessomnolences.Parmoments,jepiquedunezetrelèvelatête,surmesgardes.Parchance,Evadortcommeunloir,rassuréeparmamainsurelle.Versminuit,uneinfirmièremeproposed’installerunlitpliantmaisjedéclinesonoffre.Àcroirequejeveuxmepunir…Maissurtout,jerefusedequittermafilleuneseconde.

Je prends finalement une décision, à peine dérangée par les bruits discrets dans les couloirs de lacliniquedeluxe.Deservicedenuit,Erinpasseunefoiss’assurerqu’Evaseportebien.Anthony,lui,estrentré dans son domaine àma demande.Une lourde journée de travail l’attend demain alors qu’il separtageentrelesiègesocialdesonentrepriseàLosAngelesetsesvignes,oùilcontinuedesuperviserlerachatdesterresvoisinesauxsiennes.

–Cen’estpluspossible,dis-jeaupetitmatin.

Lorsquelesoleilselève,jetantsesrayonsd’orrosésurl’océanPacifique,jesuissûredemoimalgréles cernes gris sousmes yeux. Je sais ce qui convient lemieux àma fille.Même si cela impliqueunénormesacrifice.

***

À l’heure des visites, la chambre d’Eva se remplit à la vitesse d’un hall de gare. La première àfranchirleseuilestmagrand-mère.Alarmée,Serenityseprécipiteversnousdanssalonguerobehippiebleue. Une foule de bracelets cliquettent à ses bras et c’est sans parler de ses innombrables colliersparmilesquelsunpenduleetunedentderequin.ElletransporteplusdequincailleriequeMisterT.!Et

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malgrésaminceur,ellemesoulèvepresquedeterreenm’étreignantavantdefondresurmafille.

–Jesuisvenuedèsquej’aisu,mespetitsanges!Quellehistoireépouvantable!

Puis c’est au tour de John, son fiancé, de poser une bise bourrue et affectueuse surma joue avantd’attacherquelquesballonsrosesaumontantdulitdemafille.Nousn’échangeonspasplusdedixmotsmais ilme transmet sa tendresse, son soutien, sans trop en faire.Et trenteminutes plus tard, le défilécontinue…avecHope.Cettefois,jemeraidissurmonsiège.C’estàcaused’ellesimafilleesttombéedesachaise,malattachée.Etpirequetout,ellen’apassuréagiràtempspourlasauver.

–Situsavaiscommejesuisdésolée,Jane!–Jem’endoute.

Mavoixestfroide,presqueglacée.Certes,j’aimapartderesponsabilitédanscetteaffairecarc’estmoiqui lui ai confiéma fille, c’estmoiqui étais absente…Mais jenepeuxm’empêcherd’engarderrancuneàlavieilledame.

–Jesuissicontentequ’Evanesoitpasblessée.Quandjel’aivueparterre,inerte…J’aicruque…

Dieusoit loué,elleneterminepassaphrase.Carl’imagesansviedemapetitefille,étenduesurlecarrelaged’unecuisine,m’est insupportable. Je secoue la tête, chassant l’horriblevision,avantdemeconcentrer sur l’amie de ma grand-mère, venue dans un improbable jogging lavande. Devinant sonsentimentdeculpabilité,jemeforceàsourire,mêmesilecœurn’yestpas.

–Quandsortira-t-elle?medemande-t-elletimidement.–Sonmédecinveutlagarderdeuxjourscomplets.

Commejenedéveloppepas,Hopesetordlesmains,triturantaupassagesesgrossesbaguesenambre,descréationsoriginalesdeSerenity.Etc’estlecriducœur:

–Oh,Jane!Pourras-tuunjourmepardonner?–Oui, sansdoute.Maisdonne-moiunpeude temps, s’il teplaît. J’aibesoindedigérer toute cette

histoire.

Je reste seule jusqu’à l’heure du déjeuner.Alors seulement, c’est le visage d’Anthony qui apparaîtdansl’entrebâillementdelaportetandisqu’ilfrappedoucement.Moncœurfaitunbonddansmapoitrineetjemelève.Voilà,c’estlegrandmoment!Ilentresurmoninvitation,lesbraschargésd’unénormeoursen peluche acheté en chemin. Et dire qu’il a trouvé le temps de quitter son bureau, ses affaires, sesmilliersderesponsabilitéspourvenirprendredesnouvellesdemafille!

Cen’estpasunhommecommelesautres.

Hélas,cen’estpasnonplusunhommepourmoi.

–Commentseportenotrepetitemiraculée?

Jel’examinependantqu’ilpénètredanslagrandechambre.Ilestàtomberparterre.Sescheveuxnoirs

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bouclentautourdesonvisageauxtraitsfins,àlamâchoireaffirmée,volontaire.Aujourd’hui,unelégèrebarbebruneombresesjoues.Iln’asansdoutepaseuletempsdeseraseravantdepartiraubureau.Avecsesyeuxnoirsd’encre, soulignéspar ses épais sourcils, il ades airsdemauvaisgarçon. Il passeunemainsursa joue, faisantcrépitersabarbe,etsurses lèvrescharnues,outrageusementsensuelles.Danssoncostumenoir,ilestl’imagedelavirilité.

#souffrance

–Ellevabien.Elleadormicommeunange.

Et maintenant qu’elle est réveillée, elle adresse à Anthony un sourire ravageur. C’est vrai qu’ellecraquepourlui,elleaussi.Sepenchantverselle,ilcaressesajouesibienqu’ellebatfurieusementdesjambes.Allezcomprendrepourquoi!Anthonyéclatederire.

–Toujoursunsacrénuméroàcequejevois!

Il dépose l’ours au bout de son lit, une bête quasiment aussi grosse qu’elle, ce qui comble lademoiselle!Elleadéjàunfaiblepourlesgrands…

–Anthony…

Ilyaunetellefêluredansmavoixqu’ilseretourneaussitôt,lessourcilsfroncés,l’airgrave.Ilfaitunpasversmoi,prêtàmesoutenir,àm’ouvrirsesbras.Cettefois,moncœursebrise.Jamaisjenepourraisoublier soncomportementdurant lanuit.Sesbras autourdemoi, sesmurmures, sonétreinte.Sa façond’essuyermeslarmes,dem’écouter,demesoutenirjusqu’aubout.

Jel’aime.

L’évidences’imposeàmoi,énorme,viscérale.Enfait,jem’ensuisvraimentrenducomptecettenuit,danslasalled’attente.Jel’aimeintensément,passionnément.Peut-êtredepuislepremierjourmaisjenemel’avouequemaintenant,aumomentoùjem’apprêteàleperdre,àrompreaveclui.

–Jevoudraisteremercierpourcettenuit.–Tuplaisantes!C’étaittoutàfaitnormal…Etjedoist’avouerquemoiaussi,j’étaistrèsinquietpour

Eva.

Jesourisfaiblementmêmesiçaressembleplutôtàunegrimace.Anthonyserapprocheencorejusqu’às’arrêterdevantmoi.Sachaleurm’enveloppe,toutcommesonparfumaudacieuxetentêtant:InvictusdePacoRabanne. J’aiaperçu le flacondanssasalledebainsaprèsnotresoiréedans leschais.Cen’estpourtantpaslemomentdereculer…

–Qu’est-cequinevapas,Jane?–Jecroisqu’ilvautmieuxneplussevoirpourlemoment.–Pourquoi?–Parcequejenesuisplusassezprésentepourmafille.Parcequ’elleabesoindemoi.Etparcequeje

meursdetrouilled’êtreunemauvaisemère.

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Voilà,c’estdit.

Anthony reste un moment interdit par mon aveu. Puis, il serre les poings dans cette attitude decombattantquejeluiconnaisbien.Toujoursprêtàmonteraufront,àsebattrepoursesconvictions,ilmeregardedroitdanslesyeux,desonregardd’ébèneauqueljepeinetantàrésister.

–Tun’asriend’unemauvaisemère,Jane.Etcrois-moi,j’enconnaisunrayonsurlesujet,ironise-t-il.–Jefaisaisdushoppingquandmafilleafrôlélamort!–Déjà,ellen’ajamaisétéendangerdemort.Etensuite,tuasbienledroitdet’amuserdetempsen

temps.Tun’espasunemachine.–J’auraisdûmetrouverprèsd’elle!–Soisraisonnable.Tunepeuxpassurveillertafillevingt-quatreheuressurvingt-quatre.Ettun’esen

rienresponsabledecetaccident!

Jesecouefarouchement la têteet jevidemonsac.Jemesenscoupableàcausedenotre liaison,denotrepactedesexfriendscarilaeudesconséquencessurmafille.Anthonyenserremesépaulesàdeuxmains.

–Tuasledroitd’avoiruneviedefemme,Jane!Celanefaitpasdetoiunmauvaisparent.C’estmêmeindispensableàtonéquilibre.Tunepeuxpast’oublierauprofitd’Eva.C’estinsensé.

–Jenechangeraipasd’avis,Anthony.Mafillepasseavantmoi,c’esttout.

Les doigts dumilliardaire me relâchent et il recule en secouant la tête. Il ne semble toujours pasd’accordmaisjedemeureinflexible,refusantderevenirsurmadécision.

–Jedoismemontrerresponsable.–Tucommetsunegraveerreur,Jane.

Surcesderniersmots,Anthonymedépasse,soulevantunelégèrebrisequimecaresse.Etenquittantlasalle,ilneclaquepaslaporte.IllarefermedoucementpournepasdérangerEva,cequiestencorepire.Jefermelespaupières.Carcetteportequiseclôt,c’estlepointfinaldenotrehistoire.

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2.Quelqu'unsurquicompter

Jeconduispiedauplancher,moiquid’habituderoulecommeune tortue.Agrippéeàmonvolant, jenégocie un tournant particulièrement raide en pleine campagne et fonce à cent kilomètres-heure. Àl’intérieurdemaBatmobile(monpick-up,quoi), jesuisennageparcequ’il faitchaudetparceque jen’aipasl’habitudedeconduiresivite.Engénéral,mêmelestracteursmedépassent.Etlesscooters.Etlesskateboards.Maispourunefois,jesuisseuleauxcommandespendantqu’Evasereposeàl’hôpital,àlachargedesmédecins.

–J’yseraidansunedemi-heure,dis-jeàvoixhaute.

Jejetteunnouveaucoupd’œilàlapenduledutableaudebord.Leschiffreslumineuxindiquentqu’ilest11h03 . Jememords les lèvrescaràcausedemon travail, j’aiétécontraintedequitterma fillependant deux heures. Ce qui explique les bouffées d’angoisse. Pour la peine, j’abaisse ma vitre enpressantun simplebouton, c’estbeau lamodernité.L’airquime fouette levisageme rassérène.C’estridicule,biensûr.Jesaisqu’Evanecraintrienàlaclinique…Maisdepuisl’accident,impossibledemeraisonner.

Attention,jesuisunpeu,légèrement,untantinetstressée.

Malheureusement,monboulotn’attendpas.Aprèsunejournéed’absence,mesclientssesontrappelésàmoi sous la forme perfide et insistante du téléphone. Je pense que les portables sont l’invention dudiable. Un peu comme la téléréalité. Cédant à la pression, j’ai finalement livré plusieurs meublesrestaurés au coursde lamatinée.Sansparlerde l’e-mail d'Apple&Cabbage, legrossiste en fruits etlégumesbioquimeréclameplusieurskilosdecourgesdanslesjoursàvenir.

Par chance, c’est le dernier jour d’Eva en observation. Ce soir, nous quitterons la clinique etregagneronsnotre ferme,où jeme sentirai enfinen sécurité.De soncôté,ma fillepète le feu.Ellenegardeaucuneséquelledesachute:elleattaquesesorteilsavecappétit,souritàlarondeetgigotecommeunver.Plusdepeurquedemal,donc.Mêmesilanuitdudrameseclasseentêtedemonpetitcataloguedecauchemarspersonnels.Quepeut-ilarriverdepireàunemèrequedeperdresonenfant?

Trenteminutesplus tard, jemegaresur leparkingde lacliniqueaprèsuneinterminablemanœuvre.Vousavezdéjàessayédepiloterunengindelatailled’unpaquebot?Jen’aitoujourspasmanouvellecamionnette dans l’œil. Et au terme de cette lutte épique pour garer mon vaisseau amiral entre deuxminusculescitadines,jequittel’habitacle,arméed’unsacXXL.Commetoutemamanquiserespecte,jetransportetouteslesaffairesdemafilleavecmoi.Suruneseuleépaule.

–BonjourmademoiselleSullivan!melancel’infirmièredegarde,lesourireauxlèvres.

Le personnel est adorable ici, ce qui est assez logique dans un établissement de luxe à deuxmilledollars la nuit. Je lui rends son salut, absorbée dansmes pensées.C’estAnthony qui s’est occupé deréglerlanotecequimegêneterriblement.Jemesensredevable.Carmalgrémonéloignement,ilcontinue

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àm’aider,àrépondreprésent.N’est-ilpasl’exactopposédeMark,monexquiafuisesresponsabilitéspourréussirsacarrière?Impatiente,jepousselaportedelachambred’Eva…etmefige.

Euh…LepèreNoëlaouvertunesuccursaleàSanFrancisco?

–Qu’est-cequec’estqueça?

Abasourdie, j’embrassed’uncoupd’œil lesdizainesdepelucheséparpilléesdans lasalle.Degrosballonsenformed’animauxsebalancentaupieddu litetunmagnifiquemobile,à l’effigiedusystèmesolaire,pendau-dessusdemafille.Àterre,unéléphantrosegéantpointelatrompedanssadirection.Etaumilieudecettedébauche,mademoiselleEvas’éclateentendantsesbraspotelésenl’airdansl’espoirdedécrocherlalune…

Commentdire…?

–Jereviensdansuneminute,mapuce!jelanceàmafille.

Quin’apasunregardpourmoi,l’ingrate.

Tournant les talons, je sors dans le couloir etmanquedepercuterErindeplein fouet.Venant àmarencontre,ledocteurMcEnroeajusteletempsdes’écarteravantlacollision,sonéternelbloc-notesàlamain.Moi,jevacillesurmesjambesetmerattrapeàunsiègedelasalled’attente.

–Oups!s’amuseErin.Jeneregardaispasoùj’allais.–Non,c’estmoi.–Commentallez-vous,Jane?JepeuxvousappelerJane?

Je hoche la tête alors qu’ellem’entraîne déjà, chaleureuse et compétente, vers la chambre demonbébé. C’est exactement le genre de femmes à savoir prendre toutes les situations en main avecprofessionnalisme.Parfaiteavecsonchignonblond,sondiscretmaquillageetsesescarpinsvernis,elleme filerait presquedes complexes.Pourquoi «presque» ?Elleme file des complexes.Direque j’aisautédanslepremierjeanvenuenrentrantàlamaison!Erinn’estsansdoutejamaisenretard,neditpasdegrosmotsetjepariequ’ellenevapasnonplusauxtoilettes.Ensemble,nousfranchissonsl’entréedeToys’R’Us.

–JevenaisrendrevisiteàEva.–Et…Vousn’avezrienremarqué?–Ehbien,elleseportecommeuncharme.Vouspourrezlaramenerchezvouscesoir,commeprévu.–C’estmerveilleux,docteur!Mais…– Appelez-moi Erin, je vous en prie. Avec le mariage de nos grands-parents, nous serons bientôt

parentes.

Jeluisouris,unpeudésemparée.Puisj’écartelebrasavecunemouecomique:

–Dites-moiquejenesuispasfolleetquevouslesavezremarqués,vousaussi?–Quoi?Ohoui,lesjouets!

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Elleéclatederire.

–Biensûr!Àforcedelesvoir,jem’ysuishabituée.Anthonylesafaitlivrerenvotreabsence.–Ilacambriolél’atelierdupèreNoël?–Presque!Enfin,vousleconnaissez,ajoute-t-elleavecunsourireentendu.Ilnefaitjamaisriendans

lademi-mesure.

Haussantlessourcils,jesoulèveuneravissantelampebleueetduveteuse,enformedenuage.

–Non,vouscroyez?

Erincontientàgrandpeinesonfourirependantquej’agiteuneboîteàmusiquecapabledeprojeterauplafonddesimagesdejoliesballerines.C’est trop,beaucouptrop.Touchantaussi…Commetouteslesattentions d’Anthony envers Eva. Malgré notre séparation, il s’inquiète toujours pour ma fille et luienvoiedescamionsenprovenancedupôleNord.Ànouveau,avecunpetitpincementaucœur,jenoteladifférenceavecMark,cepèreabsent,invisible,égoïste.

–C’est…–…unpeutrop?conclutErinàmaplace.Écoutez,jevousproposedegarderquelquesbabiolespour

Evaetdedonnerleresteauxenfantsmaladesdelaclinique.

J’hésite.

–CelanevexerapasAnthony?–Quelle idée ! Il en sera enchanté. Il fait régulièrement ce genre de dons aux hôpitaux de la ville

mêmes’il tientàresteranonyme.C’estd’ailleursgrâceàsonprogrammedesoutienquenouspouvonsaccueillirdesenfantsdéfavorisésentrenosmurs.

Je hoche la tête, émue et impressionnée.Cette générosité discrète lui ressemble tant ! Tout commecetteincroyabledébauchedecadeaux…

AnthonyRoy…Aurez-vousjamaisfinidem’étonner?

***

Endébut de soirée, je quitte la clinique avecun indicible soulagement,ma fille dans unbras,monénorme«sac-valise-maison»ambulantdansl’autre.Aprèsavoirremerciélepersonnelmédical,jesorsrapidementde l’ascenseur, impatientederetrouver laquiétudedemafermeetd’oubliercecauchemar.Evasomnolecontremapoitrine,sescheveuxblondsébourifféssoussonturban.Etdirequej’auraispulaperdre!Avecunfrisson, jefranchis lesportesvitréesquis’ouvrentautomatiquement.Et je l’aperçois.Commentlamanqueraussi?IlyaunesuperbePorschegrisegaréedevantl’entrée.Et,assissurlecapot,l’hommelepluscanondelaplanète,lesbrascroiséssurlapoitrine.

Anthony.Whoelse?

Dèsqu’ilm’aperçoit,sonvisages’illumine.Ilquittesonperchoir,sesRay-Bansurlenez,vêtud’unjeannoiretd’unblousondecuirquiluidonnedesairsdebadboy.Pourmonplusgrandplaisir,iln’apas

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rasélabarbedetroisjoursquiombresesmâchoiresviriles.Ilpasseunemaindanssesbouclesnoiresens’approchantdenous.

Ausecours,jefonds!

–Anthony?fais-jed’unevoixvacillante.Quefais-tulà?

Jenesuispasencoreassezfortepourunface-à-faceavecAdonis.Ah?J’aiditAdonis?JevoulaisdireAnthony…Carpour l’heure, jene suispas immuniséecontre soncharme ravageur.Commeàpeuprès toutes les femmesdupays.Luime sourit avantdegratouiller lementondema fillequiouvredegrandsyeuxéblouis.C’estàpeinesiellen’enpoussepasunpetitsoupirdecontentement.

Latraîtresse.Impossibledecomptersurelle.

–Jevousattendais,mesdemoiselles.–C’estque…

C’estquejesuisprisedecourt,là.

–Net’inquiètepas,j’aiparfaitementreçulemessaged’hier,m’assure-t-il.Simplement,jeseraisplusrassuréenvousreconduisantmoi-mêmeàlaferme.

–Oh,c’est…

Jedoisàtoutprixdépasserlestadedesdeuxsyllabes.Rightnow.

–C’esttrèsgentilàtoi.Jenesaispasquoidire.Jenem’yattendaispas.

Personnenem’ajamaisattendue,personnenes’estjamaisinquiétédemoioudemafillecommelui.Trèstouchée,jejetteunregardinquietendirectiondemonpick-up,garéàl’autreboutduparking.

–Un demes employés viendra le récupérer tout à l’heure. Tu le trouveras devant chez toi demainmatin.

Ilapenséàtout,commetoujours.MonsieurOrganisationaencorefrappé.

–Allez,monte.TudoisêtreépuiséeetEvaaussi.

Iln’apastort.Pourêtrehonnête,jemevoyaismalprendrelevolantavecmespaupièreslourdesetmanuqueraideàforcederesterassiseauchevetdemonbébé.Commeilm’ouvregalammentlaportière,jegrimpe dans sa voiture de sport et garde Eva blottie contremon cœur, non sans un regard amusé aumagnifiqueintérieur.

– Du cuir blanc ? Avec Eva, six mois, championne des renvois lactés ? Tu aimes vivredangereusement,toi!

Iléclatederireenseglissantderrièreletableaudebordpatiné.Puis,retirantseslunettesdepilote,ilmecouleunregardnoir,veloutéetintense,quimeclouesurmonsiège.

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Breakingnews:cethommen’estpashumain.

Uneminuteplustard,ildémarreentrombe,faisantcrissersespneussurlebitumeavantdes’élancervers la route. J’en profite pour le remercier au sujet des jouets mais il hausse les épaules avecnonchalance.Etl’espaced’uninstant,jenepeuxm’empêcherdepenserqu’unhommepareil,dansmavieetcelled’Eva,estpeut-êtreunebénédiction.

Etsijem’étaistrompée,hiersoir?

Ets’ilavaitraison?

Le trajet sedérouledansun silenceouaté, seulement troubléparquelquesnotesde jazz.AnthonyabranchésonlecteurMP3,profitantdesgadgetstechnologiquesdesonbolide.EtendépassantlavilledeMonterey,ilposeunemainfurtivesurmongenou.Celanedurequ’uneseconde.Trèsvite,illaretiresanscesser de surveiller la route. Moi je suis chamboulée. J’aimerais faire un pas vers lui, évoquer madécisiondem’éloigner.Maisj’aitoujoursunepeurbleuedel’engagement,desrelationssérieusesmêmes’iln’enajamaisétéquestionentrenousàcausedenotrepacte.

Lasituationestcompliquée.

Quand il segaredevantmamaison, jen’en revienspas.Soit ila laconduitesportive, soit je roulecommeunescargot.Non.Non,jeneveuxpasconnaîtrelaréponseàcettequestion.Jemetourneversluiaumomentoùilcoupelemoteur,décidéàm’escorterjusqu’àlaporte.

–Cen’estpaslapeine,tusais.–N’insistepas,Jane.Jenepartiraiqu’aprèsvousavoirvutouteslesdeuxàl’intérieur,ensécurité.–Trèsbien,monsieurlegentleman…

Ilmedécoche un sourire ravageur et emportemon sac super lourd avec une facilité déconcertante.Pendantce temps, jem’extirpede l’habitacleavec lagrâced’unpachydermeet le rejoinssur leseuil.Eva dort dans mes bras. Tout est calme autour de nous. On perçoit seulement, dans le lointain, lescaquètementsdemespoules.Enmonabsence,magrand-mères’estoccupéedemesvolaillescarnivoresàsesrisquesetpérils!Meprenantlesclésdesmains,Anthonydébloquelaserrureetpousselebattant.

Nousyvoilà.

Lemomentdevérité.

Moncœurbatlachamadecommesij’étaisunecollégienneramenéeparsonboyfriendaprèslebaldepromo.Anthonyneditrien,meregardantderrièresespaupièresmi-closes.Ilaunpetitquelquechosededangereux,presquefauve.Sansdoutedanssafaçondesepencherversmoi,dem’envelopperdanssonombrealorsqu’uneboufféedesonparfummechatouillelesnarines.Sansm’enrendrecompte,jecessederespirer.Cequipeuts’avérervaguementproblématique.

–BonsoirJane…

D’unreversdelamain,ileffleuremapommette.C’estfugace,rapide.Etsisensuel.Peut-êtreparce

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queseslèvrespleines,ourlées,sonttropprochesdesmiennes.Peut-êtreparcequejesenslachaleurdesoncorpsetsesmusclesdursetnerveuxsoussachemiseblanche.L’odeurdevieuxcuirdesonblousonmefaittournerlatête.

–MerciAnthony.DufondducœuretpourtoutcequetuasfaitpourEvaetpourmoi…–Tum’asdéjàremerciéplusieursfois.Etsi je l’aifait,c’estparcequevousêtes importantespour

moi.

Sepenchantversmoi,ileffleuremaboucheetjerestepétrifiéetandisquemonsangbouillonnedansmesveines.

–Passeunebonnenuit,souffle-t-il.

Quandilseredresse,jen’aiplusqu’uneenvie:leretenir,legarderavecmoiunpeupluslongtemps.Toujours,sipossible.Alors,lesmotssortenttoutseul:

–Tuneveuxpasentreruneminute?

Surprisparmoninvitation,Anthonymesuitàl’intérieur.Jenel’abandonnequ’uninstantpourcoucherEvadanssachambre.Àl’étage,jemecherchetoutessortesd’excusespourjustifiermonoffre.Aprèstoutcequ’ilafaitpournous,jeluidoisbienundernierverre.Oumieux,undîner.Jepariequ’iln’apasprisle tempsdemanger.C’est lamoindredespolitesseset jenesuispasunefillemalélevée.Enplus,çan’engageàrien.Jetiensjusteàremercierunami.Voilà,exactement.

Franchement,àquijeveuxfairegoberça?

EnvoyantundernierbaiseràEvaduboutdeslèvres,j’éteinslalumièreettraverselecouloir.J’hésiteàmeruerdansmachambrepourmechanger,enfilerunedemestuniquesneuvesetmerepoudrerlenez…Maisqu’enpensera-t-il?Ilsediraprobablementquejechercheàledraguer,cequin’estpasdutoutlecas,voyons!Jerefermelespansdemongiletautourdemoi.Tantpis.Jedevraismecontenterdemesvieillesfripes.

–Jetesersunverre?dis-jeenlerejoignantausalon.

Mavoixn’estpastrèsassuréemaisj’afficheunsourire(faussement)détendu.Occupéàexaminerledécoraveccuriosité,Anthonyseretourne.Parpolitesse,ilnes’estpasassis,attendantquejeluioffreunsiège.

Deshommescommeça,onn’enfaitplus.

–Jet’enprie,installe-toi.Mets-toiàl’aise.– Ce n’est pas difficile dans une pièce aussi accueillante, sourit-il. Ton intérieur est à ton image,

chaleureuxetconfortableavecunetouched’exubéranceetunpetitgraindefolie.

Sansdoutea-t-il remarqué lemobileencoquillagesbizarroïdesque j’aiaccrochédevant la fenêtre.Oulenaindejardinjuchésurmatablebasse.

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– Toi, tu as fait connaissance avecmonsieurGrincheux ! je constate enm’emparant de la ridiculestatuette.J’aitrouvécemalheureuxabandonnésouslapluie,aufonddujardinetjen’aipaseulecœurdem’endébarrasser.

Anthonysecouelatête,amusé.

–Tuesunique.

Je lui décoche un clin d’œil avant de retourner fouiller dans mon minibar. Une appellation bienpompeusepourdésigner leminusculeplacardpleindepoussièreoùsebattentenduelunebouteilledecognacetuneautredeliqueurdebananesuperécœurante.

–Cognacoucognac?–J’hésite.Lechoixestcornélien.– Oh ! Ne te moque pas ! J’ai déjà honte de servir du mauvais alcool au plus grand vigneron

californien!dis-jeenluitendantsonverre.

Toutsemblesinaturel,sifacileavecAnthony.C’estcommesinousétionschacunparfaitementànotreplace.Carendépitdesabeautéfracassante,desonblousonluxueuxetdesavoituredesport,ilnedétonepas dansmon salon cosy et sans prétention. Buvant une gorgée, ilm’observe de ses yeux rieurs par-dessussonverre.Alors,ilmevientuneidée.Oui,çam’arrivequelquefois.

–Attendsuneminute!

Teluntourbillon,jemeprécipitehorsdelapièce,emportéeparmonélan.Unesecondeplustard,jesorsdelamaisonetmerueversmonatelieroùjerécupèresoncadeau.J’aiterminémontravailsurlefauteuilqu’ilm’avaitconfiéquelquesjoursplus tôt.Déjààcemoment, je tenaisà leremercierdesonaidepour sa séancedebaby-sitting improvisée.Mais à la suitedes récents événements, ceprésentnesembleplussuffisant.C’estundébutnéanmoins.Nonsanspeine,jeleportejusqu’ausalon.

–Fermelesyeux!jecriedepuislecorridor.

Anthonymarmonne.Visiblement, iln’aimepas l’idéedeperdre l’undesessensoudesemettreuninstantàmamerci…

–Jet’entends,tusais!

Sibienqu’ils’exécutenonsanscontinueràbougonnerdanssabarbe,histoired’avoirlederniermot.C’estuntraitdecaractèrequej’adorechezlui,d’autantplusquejemarquemoi-mêmepasmaldepointsdanslacatégorie«mauvaisefoi».Enahanant,j’apportelesiègeetleposefaceàluiavantdem’écrier,excitéecommeunepuce:

–Çayest!

Anthonyrouvre lentement lespaupièreset l’expressionquisepeintsurses traitsmerécompensedetousmesefforts.D’abord,ilestsurprisparcequ’ilnereconnaîtpastoutdesuitesonfauteuil.Ilestvraiqu’ilasubiunesacréetransformationentreletissudamassélie-de-vin,lesclousd’oretleboisdécapéet

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repeintennoirsousunecouchedevernis…Puis,vient l’incrédulité.Etenfin,unepointed’admirationpeut-être?Sesmagnifiquesyeuxnoirssepromènentdufauteuilàmoi,àplusieursreprises.Commes’ilnousévaluaittouslesdeux.

–Jane,c’est…

Ilcherchesesmotspendantquejemetordslesmains,unpeunerveuse.

–Correct?Satisfaisant?jepropose,enmebalançantd’unejambesurl’autrecommesijemourraisd’enviedecourirauxWC.

–C’estbluffant!

Grossoupirdesoulagement.Anthonyquittesaplacepouradmirermontravaildeplusprès.Ilsemetàtournerautourdesonfauteuil,telunexpert,etexaminesoigneusementchaquefinition.Iladesmanièresd’esthète:safaçondecaresserl’accoudoirduboutdudoigt,d’effleurerletissu…

–C’estmoderne,c’estsurprenant…Etquellepersonnalité!Tuasuntalentincroyable.Vraiment.–Çat’étonne?–Biensûr.Maistunecessespasdemesurprendreetj’adoreça.J’imaginequetuassuiviuncursus

enartpourréaliseruntravailaussiméticuleux?–Non.Pasdutout.

J’éclatede rire envoyant sonexpression stupéfaite. Iln’apas l’airdemecroiremais j’insiste, luidévoilantunnouveaupandemonpassé.

–Aprèslelycée,j’aisuividesétudescommerciales.–Jen’aipasoublié.Tum’enasparlélorsdenotrepremierdîneraurestaurant.Maisl’unn’empêche

pasl’autre.Parcequetuasforcémenttravailléavecunartisanouunmaîtretapissier!– Non, je t’assure. J’étais seulement étudiante à la Columbia Business School de New York en

managementinternational.

Anthonys’interromptavantd’émettreunpetitsifflementadmiratif.Jenotelalueuradmirativedanssonregard.

–Ils’agitdel’unedesplusgrandesécolesdupays,s’amuse-t-il.Tutedestinaisauxhautessphèresdel’économie?

–Moinon.Maismesparentsoui!–Quand je disais que tu es une jeune femme étonnante. Tu as encore beaucoup de secrets comme

celui-là?UnstageàlaNasa?UnprixNobeldemédecine?

J’éclatederire.

–C’estlemulti-diplômédeBrownquiosemedireça!

Plantantlespoingssurleshanches,jeledéfieduregard.

–Pourquimeprenais-tu,aujuste?Unegardiennedepoules?Unepaysanneillettrée?

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Anthonyserapprochedemoidesadémarcheféline,réduisant l’espaceentrenousetmonapportenoxygène.J’aichaud,trèschaud.Aumomentoùilseplantedevantmoi,jen’osemêmeplusrespirer.Alorsil prend mon visage en coupe entre ses mains. Ses paumes chaudes se déploient sur mes joues, nosregardssecroisent.Ilsepassealors le«truc».Cetrucquin’appartientqu’ànousetquicirculedansl’air,teluncourantélectrique.

–Pourcequetues,Jane:unefillebrillante,originale,flamboyante.Spéciale.Veux-tuquejeteconfieunsecret?

J’avalesifortmasalivequelebruitrésonnedanslapièce,tirantunbrefsourireàAnthony,conscientdesonimmensepouvoirsurmoi.

–Iln’yariendeplusexcitantqu’unefemmeintelligente…

J’ouvrelabouchemaisilmelacloued’unbaiser.Unbaiserbrûlant,intense.Unbaiseràhérissertouslespoilsducorps,mêmeceuxqu’onasoigneusementrasés!Unbaisercommeuneondedechoc,demanuque au creux demes reins. Nos langues s’entremêlent, nos salives semélangent. Je nouemes brasautourdelui,possédée.Luimedévore,prenantmeslèvresavecuneaviditécroissante.Enuneseconde,ilréduitànéantmesbonnesrésolutions,meseffortspourresteréloignéedelui.

L’histoirededeuxaimants.

Notrehistoire.

Sesgrandesmainscourentsurmoi, fébriles,s’invitantsousmongilet, sousmon t-shirtkaki.J’enaidesfrissonspartout…Jeluiarrachesavesteencuiravantdecaressersesomoplates,sondospuissantetbiendessiné.Jevoudraisqu’ilmeprennelà,sur-le-champ.Aussi,quandilmepoussecontrelemurdusalon, je ne proteste pas. J’en ronronne plutôt de plaisir. Il mordille ensuite le lobe de mon oreille,enfouit sonvisagedansmacrinièrebrunepourenhumer leparfum.Quand il lâchecettepetitephrasedansmoncou:

–Est-cequetuenas...?

Jerelèvelatête,sanscomprendre.

–Despréservatifs?insiste-t-ild’unevoixrauquededésir.

Moi?Avoirdespréservatifs?Aprèsunand’abstinenceetunedemanded’uncouventpourquejerejoigneleursrangs?

–Euh…

Pasbesoinde lui faireundessin.Auprixd’uneffort surhumain,Anthonys’arrachedemoiavecunénormesoupirdefrustration.Etilsedétournetandisquemeshalètementsremplissentencorelapièce.

–Ceserapouruneautrefois,murmure-t-ilavecunsouriredetravers.

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#jedétestemavie

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3.Ledébutdelagloire

Àlafindelajournée,jem’écrouledansunvieuxfauteuil.Surlesrotules,jesenspoindreundébutdemigraine.Uneexplication?Attaquepardespoulescarnivores+livraisondelégumes+restaurationdemeubles+grossecolèred’Eva+pizzafroideaudîner=Janeauboutdurouleau.Pourcouronnerletout,Anthonyaquittésesvignesquelquesjours,rappeléàLosAngelespoursontravail.Leseulpointpositifc’estquej’aiperdu400grammes!

475grammes,pourêtreprécise.

Applause,now!

Les cachets auxplantes deLucy agiraient-ils enfin ?Dois-je doubler la dose ?La quadrupler ?Sij’ingurgite toute la boîte, me transformais-je en Kate Moss… ou en fougère ? Forte de ces penséeshautement philosophiques, je brûle d’envie d’appeler la seule personne apte à me comprendre, mameilleureamie.Etaprèsavoiralluméunbrind’encensàlalavande(Eh!Jenesuispaslapetite-filledeSerenitypourrien),jemelovesousl’épaischâleencachemireoffertparAnthony.

Encorelui.

TouslescheminsmènentàAnthony

Pelotonnéedansmonsiège,jecomposelenumérodeLucy.ÀNewYork,ilestdéjàvingt-troisheureset je doute qu’elle ne décroche.Grâce à sa boutique demode, elle passe son temps dans des soiréesbranchéesencompagniedesvedettesqu’ellearelookées.Uneexistencemenéeàcentàl’heure,quejepartageaisautrefois.Dansuneautrevie,unevieantérieureoùj’étaismince,capabledegarderlesyeuxouvertsaprèsdix-neufheurestrenteetsansenfant.

Uneviesansgrandintérêtdonc.

Maisavecquelquesattraits…

–LucyWaters.

Derrièreelle, jeperçois lesvibrationsd’unesonopousséeaumaximum.Et jemepincelenezpourtrafiquermavoix:

–MademoiselleWaters?Jevousappellepourunrelookingdel’extrême.Mesfessesn’arriventplusàentrerdansaucunpantalon…Vouspourriezm’aider?

Monamieéclatederire.

–Jane!

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J’entends aussitôt un bruit de course, des pas précipités. Peu à peu, la musique diminue jusqu’àdisparaîtrecomplètementetjenedistingueplusquesonsoufflerapide.Sansdoutes’isole-t-elledansunendroittranquille.

–Excuse-moimabelle!Jen’avaispasreconnutonnuméro.Ilyaunmondefouici,cesoir.–Oùes-tu?–AuGriffin.

Ladernièreboîteàlamode.Forcément.

–Ettoi?–TheFarm.L’ambianceestdélirante.

Nos éclats de rire grésillent sur la ligne tandis que derrière moi sonne le carillon de ma vieillependule.Toutestcalmeautourdemoipournepasdiremort.À l’étage,Evadortenfinaprèssongroscapriceetuneinondationenrègledelasalledebains.

–Jenevaispastedérangerlongtemps…–Tuplaisantes?J’aitoutmontempspourtoi,Jane.J’aitrouvéunpetitsalondésert.Enplus,laboîte

denuitaétéprivatiséepourunanniversairecesoir.Onnerisquepasd’êtredérangées.

Tantmieux.Carjeneconnaisriendeplusagréableetdrôlequ’uneconversationavecLucy.Quelquesminutes plus tard, nous pouffons de rire comme deux gamines.On se croirait revenues à l’époque ducollège, les soirsoùon s’appelait endoucedepuisnos chambres au lieude fairenosdevoirs. Il étaittoujoursquestiondefringuesetdegarçons.Rienn’avraimentchangé.

–Tusaisquetesgélulesauxplantesmarchentdutonnerre?jelance,enthousiaste.–Ah,tuvois!Jeneteracontaispasdescraques.Ettusaisquoi?J’aidécouvertunenouvellediète

géniale.–Tusuisdeuxrégimesàlafois?

Lucy-la-brindillenesemblepaspercevoirlanuanceréprobatricedansmavoixetencoremoinsmoninquiétude.

–Ils’agitdurégimelunaire.–Oui…J’enaientenduparler.

Nemedemandezpasoù.

Jamais.

–Onmangeseulementlorsdecertainesphasesdelalune,non?fais-je,unpeualarmée.–C’estça.Encemoment,c’estlanouvellelunedoncjenemangerien.Pourêtrehonnête, jeneme

suisjamaissentieaussibien.Moncerveausécrètedixfoisplusd’endorphines.–Faisattention,quandmême…

Monavertissementestcouvertparsesrires.Et je l’imagine,superbedansunfourreauultra-moulant

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avecsachevelureroussedesirène,sesyeuxvertémeraudeetsafinesilhouettedemannequinslovènededouze ans. Devinant mon malaise, Lucy déporte rapidement la conversation sur Anthony. Elle saitcommentmepiéger!Etsanscomprendrecomment,jemeretrouveàévoquermadécisiondem’éloigneretnotrebaiser.Parcontre, je lui tais l’accidentd’Eva. Inutilede l’affolerpour rienmaintenantque ledangerestpassé.

–C’est luiquiaraison.Tuas ledroitdemeneruneviedefemmeépanouie.Je te l’aidéjàditcentfois.Tonexistencenes’arrêtepasparcequetuesdevenuemaman.

Defilenaiguille,j’abordeégalementlelourdpasséd’Anthony.Trèsmarquéeparsonabandon,jeluiparledesonhistoire,desamèrequiarenoncéàsesdroitsparentauxenéchanged’ungroschèque.

–C’estmonstrueux!s’exclameLucy.

Aupassage, je lui répète les confidencesde Johnqui estimecettehistoiremoins clairequ’ellen’yparaît.Meconfieràmonamiemefaitunbienfouetmefaitéconomiser200dollarsdepsychanalyse.Carcettesombreaffairemetravailledepuisdesjours.

–J’aimeraisaiderAnthony.Jesaisqu’ilpenseencoreàsamère,quoiqu’ils’endéfende.–C’estévident.Sanscela,ilnegarderaitpasunephotod’elledanssonportefeuille,confirmeLucy.–Jecroisqu’ilsouffreprofondémentd’ignorercequ’elleestdevenueetsiellevitencore.Maisjene

saispasquoifairepourl’apaiser.

Lucylaissefilerquelquessecondestandisquej’enroulelefildemonvieuxtéléphoneautourdemondoigt.Ici,toutaunmilliond’années.Surtoutmoiaprèsunejournéedeboulotéreintante!

–Etsituengageaisundétectiveprivé?–Quoi?Tuasperdulatête!Jen’enaipaslesmoyens…–Net’inquiètepaspourça.Tuterappellesd’Andrea,monex?

Lucyatellementd’exqu’ellepourraitécrireunannuaire.Commejesèche,ellefinitparmetendrelaperche,agacée:

–Legrec…–LeDJdeMykonosauxyeuxdebraise?–Voilà!Ilétait…miam-miam!Tutesouviensdesesfesses?Deuxpommesrondesetfermes…

Commej’étouffeunfourire,ellesereprend.Celadit, jenepeuxpas luidonner tortcar lederrièred’Andreaétaitatomique.Classéaupatrimoinedel’UNESCO.

– Bref… Son frère aîné, le très sexy Loannis, dirige une agence de détective privé et me doit unservice.Ilpourraitretrouverlamèred’Anthonygratuitement.

Je reste sans voix. Certes, l’offre est tentante mais je demeure réticente parce que je n’ose pasm’immisceràcepointdansl’existenced’Anthony.

–Noussommesseulementsexfriendsetilm’aracontésonpassésouslesceaudusecret.Jeneveux

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pasremuerdessouvenirsaussidouloureuxetmemêlerdesesaffaires.–C’estpourtantleseulmoyendel’aider.–Tucrois?–Oui!Etsituespèresunjourquevotrerelationdépasselecadredevotrefichucontrat,tuasintérêtà

t’investirdavantage.

Jemelaisseconvaincremalgrémeshésitations.Lucysemblepersuadéequenotrehistoirepeutdevenirsérieuse.Etencore,elleignoreàquelpointjesuisattachéeàAnthony!

Àmoinsquesonintuitiondemeilleureamienesoitenéveil?

Au moment de raccrocher, j’accepte l’aide de son ami détective, ce qui me fait passer une nuithorrible.Jen’arrêtepasdemetourneretmeretournerdansmonlitenfixantleplafond,prisederemords.Dequeldroitjefouinedanslepasséd’Anthony?Ilnem’ariendemandé!

Aupetitmatin,jerappelleLucy.JesuisencoreenpyjamaaveclacoupedecheveuxdeCyndiLauperquandjem’emparedel’appareil.Grâceaudécalagehoraire,Lucyestdéjàréveilléedepuisaumoins…deuxminutes.

–Jepréfèrenepasmenerd’enquêtesurlamèred’Anthony,dis-jetoutdego.–Troptardmabelle.J’aidéjàappelémonex!

Noooon!

–Rassure-toi,tuneleregretteraspas.

Après cette brève conversation, j’essaie de me rassurer. Ce détective va seulement me fournirl’adresse de lamystérieuse SarahRoberts. Ensuite, jeme contenterai de la transmettre àAnthony quiagiraàsaguise.Àluides’enservirounon.Jememordsleslèvrescarjenemesenspastrèsàl’aise.

***

Lasemaines’écoulelentement,sansdouteparcequ’AnthonysetrouveàLosAngeles,occupéàgérerses millions et ses employés. J’en profite pour travailler d’arrache-pied, multiplier les nouveauxcontacts,etréfléchiràlacréationd’unsiteInternetconsacréàmestravauxderestauration.Mêmesicelareprésente un sacré budget.Après quelques jours intenses, jem’octroie une petite promenade en villeavecEva.Profitantde l’airmarinetunpeucoupantde la finmars, jepousse son landaudansMarketStreet,laplusgrandeartèrecommercialedeSanFrancisco.

–Jet’aidéjàditqu’Anthonyrentrecesoir?

Mafillemeregardedesesyeuxbleusperçants.Jecroisqu’ellemejuge…mal.PauvreEva,saouléepar mes histoires de sex friends. Sur le trottoir encombré de touristes, je slalome en direction d’unkiosqueàjournaux.Nonloin,unvendeurambulantproposedesclamschowder,c’est-à-direunpetitpaincreuxremplid’unesucculentesoupedepalourdes.Unedélicieusespécialitéàlaquellejedoisrésister.

Necraquepas,Jane.Necraquepas.

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Deuxminutesplustard,buvantunegorgéedel’onctueuxpotage,jereprendsmarouteverslemarchanddejournaux.

Quoi?Faitescommesivousn’aviezrienremarqué…

Jem’arrêtedevantlesrevuesdedécorationàlarecherchedenouvellesidées.J’airécemmentacquisplusieurs ouvrages consacrés à la restauration mais ma bible reste Design, le plus grand magazineconsacré au mobilier et à l’architecture. Fouillant le portique, j’y débusque un exemplaire avec unesuperbe couverture glacée qui représente une piscine en forme de spirale entourée de pins. Puis jefeuillettelespagesettombesurlaphotod’unfauteuilmagnifiqueentissulie-de-vin,tendupardesclousd’oretauxpiedsrecourbésenboisnoir.Minute!

Jesuisvictimed’unehallucinationouc’estlefauteuilquej’aioffertàAnthony?

Fébrile,jedoism’yreprendreàtroisfoispourlireletexteenmargeducliché:«RestauréaveclafraîcheuretlacréativitédelajeuneartistecalifornienneJaneStewart…»JaneStewart?C’estbienmonprénommais…Stewart?Jepenseinstinctivementaunomdemagrand-mère,SerenityStewart…Puisjecontinueàparcourir lesquelques lignes,enproieàuneexcitation(etune incrédulité)croissante.Maisnon, je ne rêve pas car comme le précise le reporter, le cliché a été pris dans la villa demonsieurAnthonyRoy.

MontravaildansDesign…

MONTRAVAILDANSDESIGN!

Maiscommentest-cepossible?

***

Lesoirvenu,jemerendsaumanoirpourinterrogerAnthony.Aumoins,jen’aimêmepasbesoind’unprétextepoursonneràsaporte!Marevuesouslebras,jesautedemonpick-upensachantmafilleavecSerenity,venueregarderunfilmchezmoi.Depuisl’accident, jeneconfieplusmafillequ’àmagrand-mère.Introduiteparunedomestiquedansl’aileest,jedécouvreAnthonydanssachambre,plusséduisantquejamais,sesvalisesouvertesetàmoitiédéfaitessursonlit.

Anthony.Unlit.NonJane,non!Resteconcentrée.

–Jane,quellebonnesurprise!

Posantsurmoisesyeuxd’unnoirintense,ilsetourneetrévèlesalégèrebarbedetroisjours.Iln’apas eu le tempsde se raser dans l’avion et arbore cette petite ombrebrunequime fait fondre.De sadémarcheféline,ils’avanceversmoietdéposeunbaiserfugacesurmeslèvres.Unvraibaiserdesexfriends:sensuel,rapide,ambigu.Commenotrerelation.

–J’allaistetéléphonermaisondiraitquetum’asdevancé.–BonsoirAnthony.–Queltonformel!

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Avant qu’il n’ajoute un mot, je brandis le magazine à la page incriminée (et relue une bonnecinquantainedefois,jel’avoue).Jenesuispasdugenreàtournerautourdupot.

–Est-cequetupeuxm’expliquerça?

Etlà,jevoislevisagedutout-puissantmilliardaire,patrondecentainesd’employésetvigneronhorsducommunsedécomposercommes’ilétaitprisenfaute.Ilmordseslèvrescharnues,cequilerendsexyen diable. Il nem’aura pas cependant.Ou pas tout de suite. Tout dépendra de son histoire. J’agite lemagazinesoussonnezalorsqu’ilfaitminedes’absorberdanslacontemplationdel’image.

–Laphotoestmagnifique,tunetrouvespas?Cettelumièremetbientonsiègeenvaleur.–Anthony…–Etpuis,iloccupeunepleinepage.Onnevoitquelui.–Anthony!jegrondeplusfort.Commentlefauteuilquej’airestaurépourtoiapuseretrouverdans

lespagesdeDesign?EtêtreattribuéàunecertaineJaneStewart?

Rendant lesarmes, ilcroise lesmainsdanssondos. Ilessaiebiendeprendreunemined’enfantdechœurmais avec ses cheveuxmi-longs, ses yeux de braise et sa tête demauvais garçon, ce n’est pasgagné.

–C’estunelonguehistoire…–Jesuistouteouïe.

Grossoupirducondamné.

–JesuisamiavecCynthiaVaugner,larédactriceenchefdumagazine.

Là, jem’étrangle pour retenir un cri strident. CynthiaVaugner. La papesse de la déco.Mon idole.Allez,jelaissetoutdemêmeéchapperuncouinement.

–Commej’aieuungroscoupdecœurpourcefauteuil,jel’airamenédansmamaisonàLosAngeles.C’était trop bête de le laisser dans les vignes où je ne viens normalement qu’à la période desvendanges…

–Tugagnesdutemps,Anthony!–J’avoue…fait-ilavecunsourirecoupableetcraquant.Lasemainedernière,j’aiorganiséundîner

d’affaireschezmoiavecquelquescollaborateurs.Cynthiaétaitinvitéecarelleestmariéeàl’undemesactionnaires.Elleesttombéeenadmirationdevanttonfauteuil.Etlamachineétaitlancée…Jen’aipaspul’arrêter,personnenepeut.Elleaabsolumenttenuàlephotographieretleprésenterdanssarubrique«Objetdumois».Commej’aiétéprisdecourt,j’aidonnétonprénometlenomdetagrand-mère:JaneStewart.Fautedet’enavoirparléavant,j’ignoraissijepouvaisdévoilertonidentité.Maiscen’estpastout.

Ah?

–Ellem’atéléphonécesoiretilparaîtquec’estunvéritableraz-de-maréeàNewYork.Lesiègedumagazineestsaturéd’appelsdelecteursavidesdeseprocurerdesfauteuilssimilaires.

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Oh.

–Tuasreçudesdizainesdecommandes.Etencoreautrechose…

Jesuisàcourtdevoyelle,là.

– Cynthia souhaite t’interviewer. Elle adore mettre en lumière des artisans locaux avant que leurcarrièren’explosesurlascèneinternationale.Elleaproposédeterencontrervendredidansseslocauxnew-yorkais.Or,ilsetrouvequejemerendslà-baspouraffairesetjemesuispermisd’accepterpourtoi.J’aipenséquenouspourrionsvoyagerensemble.

Petitsilence.

–Ceseraitformidablepourtacarrière.

Ils’apprêteàajouterunmotmaisjelefoudroieduregard.Jerêveoùilvientderemplirmoncarnetdecommandes,déciderd’uneinterviewetm’imposerunvoyagesansjamaissollicitermonavis?

–Etàquelmomentavais-tuprévudemeconsulter?Jamais?–J’allaist’appeler,jetel’aidit.–Anthony!Quit’aditquejevoulaisapparaîtredanscetterevue?Etcommentveux-tuquej’honore

descentainesdecommandes?C’est…c’estaberrant!Jesuisseule, jevisdanslacambrousse!Tu…Je…

Grrr!

Excédée,énervée,jelèvelesbrasauciel.

–C’estpasvrai!MonsieurOrganisationaencorefrappé!

BringbackMisterFever!

Souslecoupdelacolère,jetournelestalonsetmedirigeverslaporte.Anthonychercheàmeretenirmaisjem’engouffredanslecouloir.Etsansunregardenarrière,jequittelamaison,furieuse.Commenta-t-ilpumefourrerdansuntelpétrin?Certes,sesintentionsétaientlouablesmais…

Stop!

Jem’arrêteaumilieudelacourenapercevantmonrefletdanslepare-brisedupick-up.Etjemesensidiote.Certes,l’affaireaprisdesproportionsinattenduesmaisAnthonyn’a-t-ilpascherchéàm’aider?LemagazineDesign,quandmême!Sansmoncaractèredecochon,j’auraissûrementréagiautrement.Jefaisdemi-tour,lecœurbattant.Àbienyréfléchir,ilvientpeut-êtredem’offrirlaplusbelleopportunitédemavie.N’ai-jepastoujoursvouluréussirmacarrière?

Etpuis,jesuistrèstouchéeparsonintérêt,parlemalqu’ilsedonnepourmoialorsquenoussommesseulementamis…avecbénéfices.Quandjerouvrelaportedesachambre,ilm’attenddéjàparcequ’ilm’asûrementvuerebrousserchemindepuissafenêtre.Moncœurfaitunnouveaubond.

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–Anthony…

Ilseretourne,incrédule.Etjeluiadresseunsourireradieuxavantdemejeterdanssesbras,sautantsansvergogneducoqàl’âne.

–Que…Quoi?–Merci!–Tun’esplusfâchée?demande-t-il,lesyeuxécarquillés.

Ilestlargué,lepauvre.

Bienvenuesurmesmontagnesrussesémotionnelles.

–J’aiétéstupide,pardonne-moi.JevaisalleràNewYork,devenirlapluscélèbredesignerdemonépoque,gagnerdesmillionsdedollarsetvolerlaplacedeCynthiaVaugner…Toutçagrâceàtoi!

***

Trois joursplus tard, j’embarquedans le jetprivéd’Anthonyavecdesétoilesplein lesyeux.Avantmêmeledécollage,jemedélectedudécorauluxeébouriffant.Siègesencuircrème,minibarenmanguierbruni,orchidéesblanchesdisséminéessurlecomptoiretpersonneldebordauxpetitssoins.Sansparlerdel’appartementsituéàl’arrièredel’appareil.Amusé,moncompagnonacceptedemefaireunepetitevisite:salonauxvastesproportionsavecécranplasmagéantetfauteuilsChesterfield,chambreavecunlitrondetbureauultramodernemunid’unetabletransparente…Pasuneseulefautedegoût!

– C’est décidé ! dis-je en examinant le mur végétal de la salle de bains. J’emménage ici. Je nedescendraipasdecetavion.

Anthonysouritalorsquel’hôtessenousrappellediscrètementàl’ordre.Lepiloteareçul’autorisationdedécolleretn’attendquenous.Jerejoinsmaplaceetm’assurequ’Evaestbienattachéeàsonsiège.Car ma fille est venue avec nous… Après son séjour à l’hôpital, je refuse de me séparer d’elle silongtemps. Et je ne fais plus confiance aux amies de ma grand-mère. Or, entre ses ventes de bijouxmagiquesetsespréparatifsdemariage,Serenityn’étaitguèredisponible…

–Vousêtesprêtes,lesfilles?interrogeAnthony.

Ilestsuperbedanssoncostumedebusinessmangrisperlequiadoucitsesyeuxdebraiseetsonteintmat.Jehochelatêteaumomentoùlejetcommenceàroulersurlapiste,prenantpeuàpeudelavitesse.Rienàvoiravecunvolclassique!Lesrouessemblentglissersuruntapisdevelours.Jedevineàpeinequandnousquittonslesol.Àcôtédemoi,Evapousseuncrideravissement.Jeluimontrelecielbleuparlehublotetelletendlamainpourattraperquelquechose.

–Elleaimelesnuages?s’amuseAnthony.

Trèspoétiquemais…

–Tuparles!Ellelesconfondavecdelabarbeàpapa!Ehoui,elleenadéjàmangéàsonâge.La

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pommenetombejamaisloindel’arbre.

Il secoue la tête, hilare. Pendant que l’avion se stabilise avec une grâce surprenante, j’essaie decouchermafille,surexcitéeparlevoyage.Àmonarrivée,j’aiprévudelaconfieràmesparents.C’estmamèrequim’aproposécettesolutionenapprenantnotrevenue:«Tun’esjamaislà!C’esttellementrareque je vois la petite…».La traditionnelle salvede critiques a suivimais j’ai accepté sonoffre.Malgrénotrebrouille,jerêvederesserrerlesliensentreEvaetsesgrands-parents.Mafillen’apersonneen-dehors demoi et Serenity.Qu’est-ce qu’il se passerait en cas demalheur, si je disparaissais ? Jeréprimeunpetitfrissonenrabattantsurmonbébésajoliecourtepointebrodée.Parchance,elles’endortd’épuisement,nonsansdegrosronflements.

Classeetdistinction.LadevisedesSullivan.

–Veux-tu te reposer, toi aussi ?medemandeAnthony,prévenant. Ilyaunmasqueetdesbouchonsd’oreillessituésdansletiroiràtadroite.

De son côté, il sort déjà son ordinateur portable, prêt à mettre à profit nos heures de vol pourtravailler sans relâche.Pourmapart, jemesensbarbouillée. Je ferme lesyeux, lanuqueposéesur lemerveilleuxappui-têterembourré.

Notepourplustard:levoler.

Saufquejen’enprofitepasvraiment.Uneaffreusenauséemesoulèvelecœur,envahissante.Audébut,je tentebiende fairebonne figure, lespaupières closes, l’airdétendu.Mais rapidement,monestomaceffectueunesériedeloopingsetjeposeunemainsurmonblazerrosepoudré.Cinqminutesplustard,jeme lèved’unbondpour foncerendirectiondes toilettes.L’hôtessede l’aira tout juste le tempsdesejetersurlecôté.Jeclaquelaporteetvomis.

Classeetdistinction.N’oubliezpas.

J’entendsdescoupsfrappésàlaporte.C’estAnthonyquitambourine.

–Jane?Jane?Est-cequetoutvabien?

Jenerépondspas,tropoccupéeàrendremonpetit-déjeuner.

Notepourplustard,bis:neplusjamaismangerd’œufsbrouillés.

Quand je ressors de l’étroite cabine, je suis blanche comme un linge et prête à tomber dans lespommes.Victimed’unvertige,jetitubejusqu’àmaplace,épauléeparAnthony.Entourantmondosd’unbrasprotecteur,ilm’aideàm’asseoirets’agenouilleprèsdemoi,trèsinquiet.Ilnelâchepasmamain,pressantmesdoigtsentrelessiens.Carmonétatnes’améliorepas.Depetitesgouttesdesueurglissentsurmonfrontetmanuque.J’étouffe.Etj’ail’impressionquelesoltanguedangereusement.

–Tuaslemaldel’air?s’enquiertAnthony.

Puis,àl’adressedel’hôtesse:

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–Trouvezquelquechosedansl’armoireàpharmacie,s’ilvousplaît.Vite.– Non, je ne comprends pas, dis-je d’une petite voix. J’ai pris l’avion des dizaines de fois sans

problème…

Etjem’interromps,luttantcontreunenouvellenausée,encoreplusviolentequelaprécédente.Jefileencourantverslescommodités.C’estbienmaveine.Jemetrouvedansunjetprivéavecleplussexydesmilliardairesetjepasseletrajetàdégobiller.Àmonretour,Anthonydéploiesurmesgenouxunegrandecouvertureblanche,douceetmoelleuse.Carjeclaquemaintenantdesdents.

–Tun’aspeut-êtrepasdigéréunaliment?hasardeAnthony,sansparveniràmasquersonangoisse.–Jen’airienmangédespécial.Je…

Une curieuse idéeme traverse l’esprit. Je tends lamain versmon sac et en sors la petite boîte degélulesamaigrissantesquej’absorbereligieusementàchaquerepasdepuisdeuxsemaines.Jenemanquejamaisuneprise.

–Jeprendscespilulespourmaigrir.Tucroisque…?

Ilmelesarrachepresquedesmainspourlirelacompositionavantdeposersurmoidesyeuxnoirsetdurs.

–Tuasperdulatête?explose-t-il.–Cenesontquedesplantes.Çanerisquerien.–Desplantes?Oui, labelladoneaussi estuneplante, Jane !Tuesen trainde t’empoisonnerpour

perdredupoids.Maisqu’est-cequetuasdanslacervelle?Riennevautquetumettestasantéendanger.–Maisj’aiperduunkilo!

Anthonylèvelesyeuxauciel.

–Et lepire, c’estque tun’asmêmepasbesoindeperdredupoids.Tuesparfaite, Jane.Commentpourrais-jefaireentrerçadanstatêteenbois?

Encadrantmonvisageentresesmains,ilplongedansmesyeux.

Mmm…Çamesembleêtreuneexcellenteméthode.

Jen’oseplusbouger,hypnotiséeparsonregardnoir.Jepourraismeperdredanscettenuitdevelours.Desespouces,ilcaressemesjouesetrépètedesontimbrechaud,envoûtant:

–Tuesdivine,Jane.Laplusbellefemmequejen’aijamaistenuedansmesbras.J’aimetesformes,j’aimetoncorps.

–Mêmemescuisses?–Oui.–Mêmemesfesses?–Surtouttesfesses.

C’estnotremomentJean-LucGodard.

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Convaincueettouchéeenpleincœur,jepousseunpetitsoupiralorsquelanauséereflueparvague.

Maîtrisantsacolère,Anthonyseforceàsourire.

– Il est question de ta santé, Jane. Tu ne peux pas jouer avec ces choses-là. Tu aurais pu finir àl’hôpital…Onnesaitmêmepascequecontiennentcesgélules!ajoute-t-ilensecouantlapetiteboîte.

Jerougis.Iln’apastort.Jemesensterriblementbête.

–Onlesjetteàlapoubelle?meproposeAnthony.

J’acquiesced’unhochementdetêteetaussitôt,illalancedanslacorbeille.Panier!Ilmesourit,fierdemoi,demadécision.Maisdéjà,jesomnole,emportéeparunsommeillourdetopaquedemalade.Àmonavis,jerisquededormirlerestantduvoyage.

–Bonnenuitmapetitefolle,murmureAnthonyendéposantunlégerbaisersurmonfront.

N’empêche…J’aiperduunkilo.

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4.NewYork,NewYork

Dans lacabinede l’ascenseur, legroomnousadresseunsourireneutreetpoli. Je jetteuneœilladeentendueàAnthonyquisemordles jouespournepasrire.Nousressemblonsàdeuxgaminsespièglesplanquésderrièreleurmaîtred’école.Biensûr,nosbagagesnousontprécédés,portésavecdiligenceparunchasseurduNewYorkPalace,l’hôteldeluxeoùnousdescendonsdurantnotreséjoursurlacôteest.Remisedemonmalaisepost« cachet-surprise», jeportema fille contremoncœur lorsque la cabinelambrissées’arrêteànotreétage.

–Madame,Monsieur…

Le jeunehommeenblazernoir s’effacedevantnous et jeposeun regard admiratif sur ledécor. Jecontemplelamoquetteépaissequiétouffelespas,lespampillesdeslustresquicascadentduplafond,lessuperbes plantes qui égayent les commodes, les secrétaires et autres bonheurs-du-jour datant del’Empire…J’aipresquel’impressionderemonterletemps,àl’époqueoùjen’étaispasencoremaman,oùjevivaisavecmesrichesparentsetcourraislessoiréeshuppéesetlesgarden-partys.

JesuisderetouràNewYorkpourtroisjoursmaisseulement,j’aichangé.Jen’aiplusrienencommunavec la jeune fillemince commeun fil, étudiantedansunegrande écolede commerce, qui est tombéeenceinteparhasardd’ungoujat.Fermièrebio,restauratricedemeublesetmamanavecquelqueskilosentrop:maviearadicalementchangé.

Etj’ensuisfière.

–Tuasl’airbienpensif,chuchoteAnthonyàmonoreille.

Ilmesourit,beauàtomberparterreetparfaitementàsaplacedanscedécordeluxe.

Fièred’êtreàsescôtés,aussi.

Je lui rends son sourire en écoutant le groom nous vanter les mérites de l’hôtel tandis que nousparcouronsdeskilomètresdetapis.Eva,elle,ouvredegrandsyeux.Mapetitecampagnardes’apprêteàdécouvrirlesjoiesdelavieurbaine.Cequimeravit.Elleaussiavaitbesoindechangerd’air.

–Voschambresontétépréparéesavecleplusgrandsoin.

Jem’apprêteàposerunequestionquandjemefige.Ai-jebienentendu?

Voschambres?

VOSchambres?

C’estquoiceplanpourri?

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L’employéouvreunepremièreporteaveczèle : lasuiteréservéeàAnthonyquimedécocheunclind’œil narquois. À croire qu’il lit dans mes pensées et se fiche de moi ! Essayant de masquer mafrustration…ouma déception, jem’écarte pendant que le groompénètre dansma chambre. Et la têtehaute,jem’avancedanssonsillage,mafilleàchevalsurunedemeshanches.

–Lavueestsuperbelorsquelesoleilselève,annoncenotreguideavecenthousiasme.

Lesrideauxécartésoffrentunevuesaisissantesuruneforêtdebuildingsetleshautesflèchesdeverrepointées vers le ciel. Dans une rue proche, je devine l’imposant édifice du Rockefeller Center.J’apprécieraissûrementsijeneboudaispas.Anthonym’observe,adosséaumur,lesbrascroiséssurlapoitrine,unsouriremoqueuraucoindeslèvres.Ilmedéfiedesonregardténébreux.

–Alors,amis?

Jepinceleslèvrescommesij’avaisunmancheàbalaicoincédanslesfesses.Aprèstout,ilrespecteseulementmavolonté!

Quandsoudain je la repère.Laportecommunicante.Laportequiunitnosdeuxchambres,avecuneélégantediscrétion.Commetoujours,Anthonymelaisselechoix.Jepivoteverslui,sisoulagéequec’enestpresquecomique.Toutçadansledosdugroomquicontinueàdébitersonlaïus.

Nous,amis?Tuparles!

–C’estbiencequejemedisais…murmureAnthony,amusé.

***

Uneheureplustard,jesonnechezmamèredansunopulentimmeubledel’UpperEastSide.Ungrossacmulti-pochessurl’épauleetuneénormevaliseàmespieds,j’attendssurlepalier.C’esticiquej’aigrandi et passémon adolescence avant de claquer la porte à cause demon ventre qui s’arrondissait.Nerveuse,jedéposeunbaiserdanslescheveuxblondsd’Eva.Pourlapremièrefois,mafilles’apprêteàséjourner plusieurs jours chez ses grands-parents. Je l’ai habillée comme une vraie poupée avec unepetiterobeàvolantsetdesbabiesvernis.

–Maisquivois-je?s’écriemamèreenouvrantlaporte.

Elleesttellequejel’aitoujoursconnue:parfaite.Chevelurenoirecoupéeaucarré,sansunemèchequi dépasse.Maquillage discret. Tailleur en tweed blanc sigléChanel. Chaussures à petits talons. Lagrandebourgeoisedanstoutesasplendeur.Sondélicatvisageestéclairéd’unsourire,elletendlesbrasversmonbébé.

–C’estlapetiteEva!glousse-t-elleenmelaprenantdesmains.Dieuquetuasgrandi,maprincesse!

Puis,posantsurmoiunregardpleindereproches:

–Tuesenretard,Jane.

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Letonestdonné.

EllemeconduitdansmonanciennechambretransforméeennurseriepourEva.Mesparentsauraientpu débarrasser, je ne sais pas… la chambre d’amis ou la bibliothèque.Mais non ! Ils ont choisi debazardermesaffaires,ycompris lasupercollectionderomansd’amourquejeplanquaissousmonlit.Mêmemonprixgagnélorsduconcoursdesinventeursenterminaladisparu.Etmesvêtements?Oùsontmesbeauxvêtements?Ok,jenerentreplusdedansmaisquandmême!Lemessageestclair.

Dubalai,Jane!

–Oùavez-vousrangémesaffaires?–Onadonnélesmeublesàuneassociation,répondmamère,évasive.–Etmeshabits?–Lucyestvenueleschercher.

GodblessLucy.

–Tuauraispumedemandermonavis,maman.

CatherineSullivanpivoteversmoi,mafilledanslesbras,etmetranspercedesonregarddetueuse.

Épousedebanquier,c’estunecouverture.Enfait,elleestunagentduKGB.

–C’esttoiquiespartie,Jane.

Unsilence,lourddenon-ditsetderancunes,tombesurnous.

Oui,jesuispartie.Parcequevousnem’avezpaslaissélechoix!

Je retiens de justessema réplique, bien décidée à ne pas jeter de l’huile sur le feu.Qu’est-ce querecommandemonCDderelaxationfavori?Ahoui!«Fermezlesyeuxetimaginezlebruitdelapluie…»

Commesilebruitdelapluieallaitm’aider!

Je me force à sourire, un beau sourire plus proche de la grimace qu’autre chose. Ma mère, elle,enchaîneaveclavisitedelanurserie,memontrantlepetitlitàbarreauxblancs,lespeluches,latableàlanger,lesjouetsachetéspourEva.Aumoins,mafilleseratraitéecommeunereineparmamère.Mieuxquemoiàsonâge,enfait !Dubitative, je tripoteuneveilleuseenformedechenille.Après l’école, jen’avaispasledroitdem’amuser.Mamèremeforçaitàprendredescoursparticuliersd’allemandetdefrançais…quandellenemefaisaitpasécouterdel’opéra.

Lestempschangent.Lesgensaussi.

–Jesuissiheureuse!s’enthousiasmemamèresanshausser le ton.J’aiachetéplusieurspaquetsdecouchesàl’avance,dutalc,unelotionàlarose…J’aimêmepenséàlacrèmepourpeauxirritées.

–Maman,j’aitoutamenéavecmoi.

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–Oh…

Ellesembleétonnée.Etmoi, jebouillonne!Commenta-t-ellepuimaginerquejen’emporteraispaslesaffairesd’Evadurantmonvoyage?Croit-ellequejenesaispasm’occuperdemafille?Laréponseselitsursonvisage.J’expirelonguementpouréviterd’exploser.QueditmonCDderelaxation,déjà?«Nevouslaissezpasperturberparlesondesetlespenséesnégativesdevosproches.»

Rappelez-moidelejeterquandjerentrerai.

Durantunquartd’heure, je subis lebabillagedemamère, enchantéepar lagarded’Eva.Elle fonddevantlapetiteetmeraconteleurprogramme«entrefilles»:sortiesauparc,visitesdemusée,ateliersd’éveil…

–Jeregrettetantquetunemelaconfiespasplussouvent.–S’ilteplaît,maman…–Quoi?J’ailedroitdedirelavérité.

Savérité.

–Tuveuxprendreuncaféavantdepartir,Jane?–Non.Jen’aipasletempsmaisc’estgentil.–Àquoipeux-tudoncêtresioccupée?

Traduction:toiquinefaisriendetesjournées…

–Jetravaille,maman.–Ah?Tuastrouvéunemploi?

Respirer,respirer.S’imaginerentraindepiétinermonCDdedétente.

– J’ai déjàunboulot.Plusieursmême : je vendsdes légumesbio, je restauredesmeubles…Tu tesouviens?

–Biensûr,biensûr,machérie.Cen’estpascequejevoulaisdire.Jepensaisjusteàunvraitravail.

Ellemesouritavantdetournerlestalons,prêteàmereconduireàlaporte.Réfrénantmesenviesdemeurtre,jemepencheau-dessusd’Evaetl’embrassesurlefront.Ouplutôt,jedéverseunepluiedepetitsbaiserssursonvisage, lui tirantunadorablegloussement.Mamèresourit,attendrie.Carellen’estpasseulement un robot conçu pour les soiréesmondaines et les galas de charité. Je sais qu’elle m’aimesincèrementmêmesijeladéçois.Cequ’ellemerappelleàchaqueseconde.

–Vousêtesadorables,touteslesdeux.Jeregrettedenepasavoirmonappareilphoto.–Tunesauraispaslefairefonctionner,voyons.

Mamèreglousse,unriredistinguéetétoufféderrièresamain,commesielleredoutaitdefairedubruitoudecommettreunimpair.Vivrevingtansdansl’ombretyranniquedemonpèrelaissedestraces.

– Tu as raison. J’arrive à peine à mettre en marche le grille-pain. Je déteste les nouvelles

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technologies.– Non, ce sont elles qui te détestent, je rectifie, amusée. Si tu veux, je t’installerai Skype sur

l’ordinateurdusalon.Aveccelogiciel,nouspourronsdiscuteràdistanceetnousvoirplussouvent.–Oh!CeseraitformidableJane!

Nous traversons levaste appartement côte à côte, complices.Moiaussi, je l’aime.Et je souffredenotrebrouille.Jem’arrêtesurlepalierpourluifairelabise.Enfin,labisedesSullivan,c’est-à-diresanssetoucher,sanslabouche.Onembrasselevideeneffleurantlespommettes.Toutunart.

–Oùestpapa,aufait?–Ilestdixheuresdumatin,machérie.Iltravaille,lui!

Lui.

Ai-jevraimentbesoindetraduire?

Jepousseunprofond,unénormesoupir,enmeretenantdeleverlesyeuxauciel.

–Bonnejournée,maman.

Enquittantl’immeuble,j’ailemoraldansleschaussettes,mêmesijesuisrassuréesurlesortd’Eva,laissée entre de bonnes mains. Je dévale le parvis quand mon portable sonne au fond de ma poche.Numéroinconnu.Jedécrochetoutdemême,nonsansunelégèreappréhension.

– Mademoiselle Sullivan ? Robert Mayer, à l’appareil. Je suis l’un des détectives de l’agenceDimopoulos.

Ledétectiveprivé.Jel’avaiscomplètementoublié,celui-là!

– Je vous appelle pour vous prévenir des avancées demon enquête. Je suis sur la trace de SarahRoberts.

–Oh…Formidable!jesouffle,malàl’aise.– Je vous ferai parvenir un premier rapport dès ce soir par e-mail. MademoiselleWaters nous a

transmisvoscoordonnées.

Aprèsavoirraccroché,jeresteimmobilesurletrottoir,aumilieudesrichesjoggeursetdesvieillesdamesentraindepromenerleurpetitchien.CommentparlerdecetteenquêteàAnthony?Quedira-t-ilenapprenantmesrecherchespourretrouversamère?Jememordsleslèvres.

Moral:moins1000points.

***

Quelest lemeilleurmoyende retrouver le sourireàNewYork?Leshopping,biensûr !Maispasseule… Profitant de l’absence d’Anthony, retenu par ses obligations professionnelles, je traverse lequartierdeSohoenmétro.Etjerentredansuneboutiquecoloréeoùdesvêtementshorsdeprixoccupentdesvitrinespanoramiques.Sur lesportiques, se trouventdes robesminiatures,desvestesà épaulettes

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canonsettoutessortesdemerveilles.Àmonentrée,lavendeuselèvelatête,lessourcilsfroncés…Jenesuis sans doute pas le genre de cliente de lamaison. Trop petite, trop ronde, pas assez riche. Je luiadresse un grand sourire avant de gagner le fond de la boutique, en dépassant des casiers remplis dechaussuresauxsemellesabsolumentimportables.Dumoinssimarcherfaitpartiedevospriorités.

Etjelarepèresanspeine.Ellesetientdedos,occupéeàvérifierlesravissantescabinesd’essayageauxporteslaquées.Sacrinièrerousseretenueparunepincepailletée,elleacamouflésesformesmenuessousunerobe-chemisierbleue,agrémentéedesabotsàtalonsenbois.

–Etc’estmoilafermière!jem’exclame,hilare.

Lucy se retourne. Ménageant ma surprise, je ne l’ai pas prévenue de mon arrivée si bien qu’ellepousseuncristridentàbrisertouteslesvitresdesaboutiquedédiéeaurelooking.

–Jaaaaaane!

Prenantsonélan,mameilleureamiesependàmoncou.Jel’étreinsdetoutesmesforces,enessayantde ne pas tomber à la renverse. Heureusement qu’elle pèse douze kilos ! Nous nous étreignonslonguementavantqu’ellenem’écarteenmetenantparlesépaules.

–Regarde-toi!Cettevesterosepoudréeestravissante.

IrremplaçableLucy.Iln’yaqu’unemeilleureamiepourremarquerlanuanceexactedevotreblazer.

– J’adore l’association avec ta jupe fluide couleur châtaigne. Par contre, tu aurais pu mettre deschaussuresplus«fun».

Sans attendre, elle se précipite vers une étagère pour m’apporter une paire de chaussures à hautstalons.Etmoncœurfaitunesériedebonds.Engénéral,onappelleçalecoupdefoudre.Jedéglutisavecpeinealorsqu’ellemeprésentedeuxsandalesdotéesd’unefinelanièreàlacheville.

–Voilàquiapporteraunpetittwistàtatenue.–Tuesfolle,jen’aipaslesmoyens!–Cadeaudelapatronne.

Jem’apprêteàrefuserquandellemelesfourredeforcedanslesmains.

–J’aiencoreledroitdegâtermameilleureamie!

Jenepeuxpasrésister.Jesuiscommeenvoûtée.Commetoutenew-yorkaisequiserespecte,jeperdstoutcontrôleenprésenced’unepairedeLouboutin.Àmontour,jepousseuncristridentàdécrocherlelustreduplafond.Etj’enfilemessouliersdeCendrillon.

–Tuespasséed’unetenueéléganteàunetenuecanon,s’amuseLucy.–Tusaisquetuesdouée?–Jesais.Etjesuisprêteàteleprouveraucoursd’uneséanceshopping!–Tupeuxabandonnertonmagasin?

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–Eh!Jesuislaboss.Jefaiscequejeveux.

Deuxfilles.Lesruesnew-yorkaises.Descentainesdeboutiques.IlnemanqueplusquelamusiquedePrettyWoman!Pendantdeuxheures,Lucyetmoiquadrillonslacinquièmeavenue,juchéessurnostalonsvertigineux.Pasquestiond’acheterpourmoimaisnousnousamusonscommedes folles à essayerdesrobesdecréateursimprobablesetd’affreuxpullsenpoilsd’alpaga.Lucyenprofitepourmeracontersondernierrégime,découvertdansunmagazine:

–C’estfini,lesphasesdelalune?jeluidemande,surprise.–Oui,jesuispasséeàladiète«horologique».–Horror…quoi?–Horologique.Tumangesunelisted’alimentsautorisésuniquementàcertainesheuresdujour.Cela

favoriseunemeilleuredigestion.

Ellecommenceàmefairepeur.Depuisquelquessemaines,c’estimpossibledeluiparlersansqu’elleévoquesonpoids.Çavirepresqueàl’obsession.Jem’apprêteàouvrirlabouchequandellem’attrapebrutalementparlecoudeetm’entraîneendirectiond’unedevanturenoireetrose.

–J’aitrouvécequ’iltefaut!–C’estuneboutiquedelingerie?

Devantlaporteenverre,Lucymeprendentrequatreyeux,l’airsérieuxcommeunpape.

– Jane, j’ai vu ta culotte lors de ma dernière visite à la ferme. Il s’agit d’un plan de sauvetaged’urgence.

J’aimeraismerécrier,scandalisée(etunpeuhonteuse)maisellem’entraînedéjààl’intérieur.Etjemeretrouvedansletempledustringensatinetdusoutien-gorgeendentelle.Lucydéambuleentrelesrayonsavec l’aisance d’un top-modèle sur un podium. Demon côté, j’ai l’impression d’être un éléphant aumusée de la porcelaine. J’examine un string turquoise d’unœil dubitatif. Euh…Une lanière si petiterisquedeseperdredansmesfesses.Parcequejenetaillepasdudouzeans.

–Etsinon,ilyaunesectionpourlesnon-anorexiques?

Mameilleureamies’esclaffealorsquej’agitelestringsoussonnez.Endehorsd’Eva,jenevoispasquipourrait l’enfiler.Pourtant, jenesuispasgrosse, loinde là.D’accord, j’aicinqkilos (etdemi)entrop et de petites poignées d’amour.Mais je suis une femme normale et à cause des magazines, descouturiersetdesfilmsaucinémapeuplésdenymphettes,jemesensénorme.Cequimemetenrogne.Hé,jesuisjustenormale!Àcetinstant,unevendeuses’approchedemoi,unebêcheusequimedétailleavecdédain.

–Vous auriez cemodèle adapté à un être humain ? fais-je enbrandissant une culotte en satin rose,nouéesurlecôtéparunravissantnœudnoir.

–Pa…pardon?–Jevoudraiscetteculotteentaille40.

Ellemeregardeavecdesyeuxronds,commesijevenaisdeproféreruneénormité.

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–Je…Jevaismerenseigner.Maisjevouspréviens,onnetaillepasgrand,ajoute-t-elle,perfide.

Etpendantqu’elles’éloigneverslaréserveenfaisantclaquersestalons,j’entraîneLucydehors.Nousallonschercheruneboutiquedelingerieadaptéeauxpersonnesquimangentplusd’unpetitpoisparjour.Auxfillescommemoi,quoi.

***

Lelendemainmatin,jesuisbranchéesur100000volts.Certes,l’achatdenouvellesculottessexym’aunpeudétenduehiermaisjesuisànouveaunerveuse.Hiersoir,jen’aimêmepaspumontrermessous-vêtementscoquinsàAnthony.Etpourcause!Jenel’aipasvudelasoirée.Retenuàsasuccursalenew-yorkaise, iln’est rentrédans sachambrequ’àuneheuredumatin, sansoserme réveiller. Je le croisedoncaupetit-déjeuner,avantdemerendreàmoninterviewavecCynthiaVaugner.J’entreencoupdeventdanssasuite,sansm’annoncer.

–Commenttumetrouves?jel’interrogeentournantsurmoi-même.–Tues…Waouh!

Jepouffederiretandisqu’ildétaillemeslonguesjambes(épilées,biensûr)visiblessouslacorolleenmousselinerougedemarobe.SurlesconseilsdeLucy,j’aiégalementenfiléleblousonencuirmarronqu’ellem’aprêtéhier.Messandalesargentéespimententletout,enplusd’unlégermaquillagequimetenvaleurmesyeuxdorés.

–Jenesuispassûrdetelaissersortirdecettepièce!ajoute-t-ilavecsonsourireencoin.

Anthony,lui,estsuperbe.Pourchanger.Vêtud’unsimplepeignoirenépongeblanc,sesbouclesnoiresébouriffées autour de son visage en un halo ténébreux, il fait grimper le baromètre de cette finmars.MisterFeverdanstoutesasplendeur.Mieuxvautquejeparteavantdeluisauterdessus.

–Souhaite-moibonnechance!–M*!

Jem’apprêteàfranchirleseuilquandilm’interpelle.

–Jetenaisàm’excuserpourhier,Jane.J’auraisvouluêtrelà,avectoi.Jeteprometsdemerattrapercesoiravecunesurprise.

–J’aidéjàhâte.–Amis?medit-ilavecunsourireamusé.–Amis!fais-jed’unevoixenrouée.

Amisetriend’autre.

J’effectue le trajet jusqu’ausiègedumagazineDesign en taxi.Dans l’immensehall enverre, jemesensaussinerveuseque le jourdemapremièreéchographie.Je remarqueàpeine lasecrétairequimeproposedepatienterdanslasalled’attente,situéeautrentièmeétage.Anxieuse,jemeraccrocheàmonbook.J’aiamenéavecmoiunéchantillondemescréations,desphotosdetouslesfauteuils,commodeset

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armoiresrestaurésaucoursdesdeuxderniersmois.

JevaisêtreinterviewéeparCynthiaVaugner!Moi!

Àdixheurespile,laportedubureaus’ouvre,livrantpassageàunegrandefemmeauxcheveuxblondscoupéstrèscourtsetauxyeuxfardésdekhôl.C’estelle.C’estlareinedeladéco,lapapessedudesign,ladéessedelapressespécialisée.

–MademoiselleJaneStewart?lance-t-elled’unevoixautoritairemaisagréable.

Jemetsunesecondeàréagirparcequ’elleaemployémonpseudonyme,trouvéparAnthony.Cequinemedérangepas,d’ailleurs.J’ai toujoursétéfièredemonlienavecSerenity,denotrecomplicité.Et jeseraisheureusedefairecarrièresouscenom…

–Oui.Jesuisenchantéedevousrencontrer.

Jesuissurtoutàdeuxdoigtsdetomberdanslespommes.J’avanceverselle,unsourireprofessionnelvisséauxlèvres,etluiserrelamain.Fidèleàl’éducationdemesparents,j’arriveàdonnerlechange.Nesuis-je pas en train de jouer mon avenir à cette minute ? Madame Vaugner tient peut-être ma futureréussite entre sesmains.Simonentretien la convainc, elle peut faire demoi la nouvelle sensationdumoment.J’ail’estomacnoué.

– Installons-nous sur le canapé,propose-t-elle enme laissantpénétrerdans son antre.Ce seraplusconvivial.

Jeprendsplacesurunincroyablesofadontledossierformeunesériedevagues.Lemeublesembleonduler. Il reste néanmoins confortable avec ses épais coussins en velours gris. Très vite, je ne peuxm’empêcher de dévorer des yeux le décor, en tout point remarquable. Des vases en verre, tels desaquariumsenformed’amphores,renfermentdeminusculespoissonsnoirs.Etquediredel’éclairage,unesortedesculpturemétalliquesuspendueauplafondenunecouléedelongstubesargentés?C’estàlafoismoderne,uniqueetbeau,àl’imagedesarevue.

–Celavousplaît?s’amuselarédactrice.Ai-jebienpassél’examen?

Jepiqueunfardtandisquesasecrétairenousapportedeuxtassesdecafé,qu’elledéposesurunetablebassetransparente,enformedevirgule.

–Excusez-moi.Jesuistropcurieuse…– Personne n’est jamais trop curieux ! s’exclamemadameVaugner, amusée parma subite rougeur.

C’estgrâceàmacuriositéquej’ensuislà.Etc’estencoregrâceàellesij’aidécouvertvotretravaildanslesalond’unbonami.

L’évocation d’Anthony me réchauffe le cœur. J’ai l’impression qu’il veille sur moi à distance,protecteur,réconfortant.

–Vousavezraison.C’estgrâceàluisijemetrouvefaceàvous,dansvotrebureau.

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MadameVaugnermeregarde,interloquée.

–Vousvousméprenez,mademoiselleStewart.Sinoussommesici,entraindediscutertouteslesdeux,c’est grâce à votre talent.Rien d’autre.Vous faites l’erreur demaintes jeunes femmes, intelligentes etbrillantes,àl’aubedeleurcarrière.

Ellemarqueunbrefarrêttandisquejel’interrogeduregard.Ellesemblesivive,sicharismatiqueetsûre d’elle. Âgée d’une cinquantaine d’années, sanglée dans un tailleur-pantalon kaki d’inspirationmilitaire,elleestprécisémentlegenredefemmesauxquellesjerêvederessembler.

–Voulez-vousconnaîtrevotreerreur,missStewart?–Je…Oui.Autantlaréparertoutdesuite.

Unlentsourire,sincèreetsolaire,étiresesfineslèvrespeintesenrouge.

–Vousvoussous-estimez.

Je reste interdite. Puis je décide de répondre avec franchise, sans réaliser que l’interview a déjàcommencé.Cynthiam’écoutepourtantavecattention.Etelletendbrièvementlebrasenarrière,peut-êtrepourarrangeruneplante.

– Je ne sais pas. J’ai du mal à évaluer la qualité de mon travail. Peut-être parce que je suisautodidacte?Jen’enaid’ailleurspashonte,aucontraire.Jemeformesurletas,petitàpetit,avecuneimmenseadmirationpourlesgrandsnomsdudesign.Maisunechoseestcertaine, j’aienviederéussirdanscettevoie.

Jemetaisavantd’ajouter,lesyeuxbrillants:

–J’aienviederéussirtoutcourt.

À son tour, les yeux de la grande patronne étincellent, peut-être parce qu’elle se reconnaît enmoi,l’espaced’uninstant.

–LefauteuilquevousavezrestaurépourAnthonyRoyestremarquable.Tellementfraisetnovateur.Jen’airienvudepareildepuisdesannées.Auriez-vousd’autresexemplesdevotretravailàmemontrer?

Je lui tends mon book. Et c’est parti ! Durant une heure, nous discutons restaurations, techniques,matériel,avenir.J’évoquemafascinationpourleschaisesdeMarcNewsonetmesdifficultésàconjuguercarrièreetviedefamille.Mariéeetmèrededeuxgrandsgarçons,Cynthiaacquiesceàplusieursreprises.Jemeconfieaisément,sanstropendire.Etquandelleselève,àlafindel’entrevue,jesuissidérée.Est-cedéjà terminé?Elleéteint l’enregistreurplacésurunpetit chevet,derrière lecanapé. Jecomprendssoudaincequ’elleafait,toutàl’heure,enfrôlantlaplante.

– J’ai tout ce qu’il me faut, mademoiselle Stewart. Assez de matière pour travailler, en tout cas.J’aimevotresincérité.

–Direquej’avaisunetrouillebleueavantdevenir!

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C’estsortitoutseul.Cynthiaéclatederire.Cettefemmedégageuneautoriténaturelleimpressionnante.

–Voilà ce quime plaît dans votre travail : cette spontanéité qui nous saute à la figure commeunebombe.Jevousprédisunebellecarrière,mademoiselleStewart.Croyez-enmonexpérience.

Franchement,jenedemandepasmieux.

Enquittant les locauxdu journal, j’ai l’impression de flotter sur un nuage.Après tous cesmois degalère,est-ceenfinleboutdutunnel?D’humeurradieuse,j’enprofitepourfaireunsautàl’appartementdemesparentsetembrasserEva.Àcetteheure,Anthonyestentraindeprésideruneréunionconsacréeàl’exportationdesesbouteillesenAsie,où ildévore lespartsdumarché japonaisetchinois. Ilm’enatouchédeuxmotsavantnotredépart.Deretourdansl’UpperEastSide,j’entredansl’immeublesécurisé,sonneàlaporteetmeretrouvenezànezavecmonpère.

–Jane.

Jane.Etriend’autre.

–Bonjourpapa.

Pasderéponse.Ilsecontentedemefixeretl’atmosphèreserafraîchitconsidérablement.J’aisoudaintrèsenviedemigrerenSibérie,làoùilfaitpluschaud.Ilépoussettelesmanchesdesoncostumemarronqui peine à dissimuler son embonpoint. Il a l’air si sérieux, si austère. Même ses lunettes carréesdurcissentsestraitssévères.Sesyeuxbrunsmedétaillentensilence,dansl’attentequej’ajouteunmot,sansdoutedesexcuses.Etcommeriennevient,ilfinitparprendresaservietteencuiretsetourneversmamère,quinousarejointsdesonpasfeutrédanslecouloir.

–Jerentrepourledîner,Catherine.

Passant sous mon nez, il s’engouffre dans la cabine de l’ascenseur, tire la grille en fer forgé etdisparaîtdemavue.Çanes’estpassimalpassé,finalement.Entoutcas,c’étaitmieuxqueladernièrefois.Mieuxque le soir où ilm’aordonnéde fairemesvalises après avoir apprismagrossesse, justeavantquemamèrenelecalme.Ilm’aensuite toléréequelquessemainessupplémentairessoussontoitsansdaignerm’adresserlaparoleen-dehorsdestraditionnels«bonjour»,«bonsoir»et«passe-moilesel».

–Tonpèrevatravailler.Ilestenretard,m’expliquetrèsvitemamère.

Lesjouesrouges,ellechercheàjustifiersoncomportementetj’aisoudainpitiéd’elle.Parcequ’ellesupporte son caractère impossible depuis des années. Parce qu’elle s’excuse pour lui depuisma plustendreenfance.Jedéposeunrapidebaisersursajoue.Décontenancée,ellereculeeneffleurantsapeau.Mesparentsonttoujourseudumalavecleseffusionsetautresembrassades.JedoistenirmoncôtétactiledeSerenity.

–Ilesttoujoursfâchéaprèsmoi?–Non,enfin…Ilnecomprendpascequetuficheslà-bas.–Jevismavie.Jetravaille.J’élèvemafille.

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Jetombeamoureused’unhommequimevoitcommesasexfriend.

–Nesoispasridicule.TunepeuxpasdonneruneéducationcorrecteàEvadanscettefermedélabrée.–Maman,essaiederespectermeschoix,s’ilteplaît.

Troptard.Mamèreselancedansuneinterminablediatribesurlesenfants,moninconséquence,moninexpérience,monincompétencetoutenmeconduisantverslachambre.Jepousseunsoupir,conscientequecettevisitevaêtrelongue,trèslongue.

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5.Monexetmonprince

Comme à chaque visite, je quitte l’appartement demes parents un peu (beaucoup) déprimée. Je neregrettepasmonchoixcarEvapassedu tempsauprèsdesagrand-mèreet toutesdeuxs’apprivoisent.Seulement, qu’est-ce que je prends ! Arriverai-je un jour à entretenir une relation apaisée avec mesparents?Enquittantlaroutequ’ilsm’avaienttracée,endérogeantàleursattentes, jesuisdevenueunedéceptionpermanentepoureux.Maisnepeuvent-ilspasm’aimertellequejesuis,aulieudemerêvertellequ’ilsmevoudraient?

C’estprofondça.Jedevraislenoterquelquepart.

Je traverse lehall enboutonnant lecoldemaveste. J’avaisoubliécombien l’hiverest rigoureuxàNewYork,mêmeàl’approcheduprintemps.Uneautreraisond’apprécierlacôteouest.Jesuisdevenueunevraiecalifornienne.Leshoppingmisàpart,jenesuisplusaussifascinéeparlaBigApple.Jesalueleportierd’unsignedetêteetremontelarueàgrandspasquandunhommemepercutedepleinfouet.

Aïe!

Ilm’adéboîtél’épaule.

–Désolé!marmonne-t-il.

Ils’apprêteàtracersaroute,indifférent.Maisaulieudemefâcher,jem’immobilise.J’aireconnusavoix dès la première syllabe.Et à son tour, il s’arrête quelquesmètres plus loin.Autour de nous, lespassantscontinuentàalleretvenir.

–Jane?souffle-t-il.–Mark?

Mark.«Le»Mark.Monex.Lepèredemafille.

Nous restons interdits,plantés sur le trottoir.Lesbrasballants, je le fixecommeun revenant.Maisn’est-cepasunpeulecas?Iln’aplusjamaisdonnésignedeviesuiteànotrerupture.Iln’amêmepascherchéàrencontrersafilleetilignorejusqu’àlacouleurdesesyeux.Bleus,commelessiens.Ilafficheunsourireradieux.

–Jane...Çafaitunbail!

J’enrestemuette.Ilsemblesiàl’aise,siassuré.C’estduMarkDavistoutcraché.

–Tun’aspaschangé!

Ilmedétaillediscrètementetlespectaclenesemblepasluidéplairealorsqu’ilexaminemeslonguesjambes,monépaissecrinièrebrunelâchéesurmesépaulesetmesyeuxdorés.Unbrefinstant,j’aperçois

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unepetitelueurfamilièrechargéededésirdanssonregard.Ilavaitexactementlamêmelanuitoùnousavonsconçunotrefille.Lacolèrem’envahit,mebrûlantlecœurcommedesflammes.

–Tuessuperbe,ajoute-t-il.Ettuastoujourslesplusbeauxyeuxdumonde…

Je serre les poings si fort que j’imprime lamarque demes ongles au creux demes paumes. Celam’évitedeluisauteraucoupourl’étrangler.Àmoinsquejenelepoignardeavecmalimeàongles?

Dilemme.

–C’esttoutcequetutrouvesàmedire?J’espèrequetuplaisantes!

Marksemordleslèvres,conscientquesonnumérodecharmenemarcherapas.Petitrequindumondedelafinance, ilesthabituéàjouerdesaprestance,desabellegueuledegrandblondauxyeuxclairs.Saufquecelane fonctionneplusavecmoi.Depuis longtemps.Depuisqu’ilm’a jetéecommeunvieuxkleenex.

–Tun’asriend’autreàdireàlamèredetafille?

MavoixclaquecommeunfouetetMarkreculed’unpas.Àcet instant, jevoisenfinsonmasquesefendiller,sonassuranceglissercommeunmanteaudesesépaules.Jen’aiaucuneenviederentrerdanssonpetitjeu.Sansdoutequel’ancienneJaneseseraitlaisséeprendreaupiègesaufquejenesuispluslamême.Àcausedelui,notamment.Maisavanttoutgrâceàmeschoix.

–Jane,je…–Tusavaisquec’estunepetitefille,aumoins?–Oui,je…J’ailutalettre.

Lalettrequejeluiavaisécritelorsdemonséjouràlamaternité,justeaprèslanaissance.Evadormaitprèsdemoidanssacouveuseetj’étaisseuledansmachambre.

–Jel’aiappeléeEva.–Jesais.C’estunprénommagnifique.

Ilbaisselesyeuxtandisquejelefoudroieduregard.Quandsoudain,l’évidencemefrappe.Commesiquelquechoseclochait.

–Qu’est-cequetufichesici,Mark?

Jene crois plus aux coïncidences et croisermon ex à une ruede l’appartement demesparentsmesembleparticulièrementsuspect.Que fait-il ici,etmaintenant?Commeparhasard le jouroù je traînedanslesparages?

–Je…

Hésitant, il bafouille avant de relever la tête pour affrontermon regard dur, presquemétallique. Jerestelespoingsplantéssurleshanches.Jeneressembleplusàlatimideetnaïveétudiantequ’ilaconnue.

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–Jesuisrestéencontactavectamère,avoue-t-ilpiteusement.–Quoi?

Jem’étrangle.Ou plutôt, je tombe des nues. Il continue à téléphoner ou rendre visite àmamère ?J’ouvrelabouchesansproférerunson.Puisjemesouviensqu’ilatoujoursétélechampiondeCatherine,l’homme « bien sous tout rapport » et « promis à un bel avenir » qu’elle me rêvait pour époux.Apparemment,endépitdetouteslescrassesqu’ilm’afaites,ellen’endémordpas.Jenesuispasdéçue,jesuisassommée.Etjemesenstrahie.

–Nem’enveuxpas,Jane.–T’envouloirdequoi?D’avoirexigéquej’avorte?Dem’avoirlaisséetomberaupiremoment?De

t’être évaporé dans la nature durant ma grossesse ? De ne pas m’avoir rendu visite aprèsl’accouchement?Detedésintéressertotalementdetafille?Oud’entretenirdesrelationssecrètesavecmamère?

Lavache!Qu’est-cequeçafaitdubien!

Horsd’haleine,jereprendsmonsouffle.Markrentrelatêtedanslesépaules,malàl’aise.Luin’apaschangéd’uniota.IlportetoujourslesmêmescostumesArmanihorsdeprix.Aujourd’hui,ilaunevestebleu acier, probablement destinée à rehausser l’éclat de ses yeux. Seule son attitude contrite medécontenance.

–J’aiconsciencequeriennepourrajamaiseffacermeserreurs.

Attendez.Rembobinez,s’ilvousplaît.

MarkDavisreconnaîtsestorts?

– Si je n’ai pas repris contact avec toi c’est parce que je n’osais pas. J’avais trop honte demoncomportement.

–Netefichepasdemoi!

Levibratodanssavoixmedéstabilise. Ilsoutientalorsmonregardetmeprendpar lesépaules.Jen’ai pas le temps de reculer que ses doigts s’enfoncent déjà dans le cuir demon blouson. Il semblesoudainsisérieux,sisincère.Non,cen’estpasleMarkquej’aiconnu.

–Tun’asaucuneraisondemecroire,jem’enrendsbiencompte.Pourtant,jetedislavérité.Jane…

Sesmainsm’enserrentplusfort.

–J’aimeraisrevenirprèsdetoi.Devous.–Pardon?

C’estuneblague?Unecaméracachée?Uneautredimension?

–N’as-tujamaispenséànousaccorderunesecondechance?Jeneméritepastonpardonetjeneteledemandepas.Maisjevoudraisquetum’accordesl’opportunitédemeracheter.J’aichangé,je…

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–Tais-toi!

J’aicriési fortqu’ungroupede touristeschinoisseretourne,surpris.Et jem’arracheauxmainsdeMark,incapabledesupportersoncontact.Jesuiscertainequ’ils’agitd’uncoupmonté,quemamèrel’aprévenudemavisitedèsquej’aifranchileseuildesonappartement.Néanmoins,ilsemblesisincère…

– C’est trop tard. Tu n’étais pas là à la naissance de ta propre fille et ça, je ne pourrais jamaisl’oublier.

–Jane,jet’enprie.–Non,Mark!Arrête!Tunousfaisdumalàtouslesdeux!

Me détournant vivement, je m’enfuis en courant malgré mes talons aiguille, malgré la foule despromeneurs qui se presse autour demoi et encombre les trottoirs new-yorkais. Je fonce droit devant.Maisc’étaitsanscomptersurlesmotsdemonexquimepoursuiventjusqu’àmonhôtel.Carunequestionmetrottedanslatête:ets’ilvoulaitvraimentfaireamendehonorable,quedevrais-jefaire?

***

MaconversationavecMarkmehantependantplusieursheures.Jeneparviensà l’oublierqu’enmepréparantpourledîner.Enfind’après-midi,Anthonyatéléphonépourm’avertirqu’unevoiturepasseramechercherversvingtheures.

–Etnemeposepasdequestion.C’estunesurprise!

Sa voix chaude et assuréeme réconforte tel un baume surmon cœurmeurtri. Pourquoi n’ai-je pasrencontré cet homme en premier, à la place deMark ? Puis je soupire. Quelle idiote ! J’oublie tropsouventqu’Anthonyneveutpass’engager,qu’ilfuitlesrelationssérieuses.Notrepacteetnotrerelationdesexfriendsluiconviennentparfaitement.Iln’ajamaisétéquestiond’amour.Etcen’estpassafautesimoncœurbatplusfortchaquefoisqu’ilentredansunepièce.

Frustration.

Versdix-huitheures,ungroomfrappeàmaporteavecunehousseépaisse,uncartonentrelesbrasetunepetitecarte.Jelecongédiepolimentavantdemejetersurlebristol.

«Tuesparfaitementcapabledechoisirtesrobes,jesais…Maisjen’aipaspum’enempêcher.Nem’enveuxpas.MonsieurOrganisation.»

J’éclatede rire.Anthonygardeunsouvenircuisantdenotreaccrochageaprèsqu’ilm’aitoffertunerobe du soir pour notre premier rendez-vous. Cette fois, je n’appelle pas pour le houspiller. Jem’approcheplutôtdumiroirpouradmirerlesuperbefourreauenmousselineblanchequ’ilachoisi.Unerose authentique fichée à la poitrine, la robe est décorée par une centaine de boutons de roses quis’épanouissentdelahanchedroiteàl’ourlet.C’estunevéritableœuvred’art.

–Anthony…Tuasencorefaitdesfolies!

Deuxheuresplustard,jegrimpedanslalimousinequistationneaupieddel’hôtel,vêtuedemarobe

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decontedefées.Avecmescheveuxnoirstressésenunelonguenatteindiennerabattuesurmonépaule,jeressembleàuneprincesse.Etj’oublietout:messoucis,monex,mesparents…J’aiseulementlecœurqui bat la chamade lorsque le chauffeur s’arrête etm’ouvre la portière, à l’autre bout de la ville. Enpremier, j’aperçoisunbâtimentdeverre,unegrandeserresurmontéed’unecoupoleetdresséesurunearmatureenferdélicate.N’est-cepaslejardinbotaniquedeNewYork?

Puisjelevois.

Ettouts’arrête.

Lemonde,moncœur.Tout.

Anthonym’attenddevant l’entréedubâtiment, superbe en costumenoir et chemiseblanche.Pour lapremière fois, il porte un nœud papillon, sa concession aux habits du soir qu’il abhorre tant ! J’ai lesoufflecoupéalorsqu’ils’avanceversmoi,sesbouclesnoirestombantjusqu’àsamâchoirevirile.Sesyeux fiévreux,couleurébène,nemequittentpas.Seigneur ! Il estdivinavecson teinthâlé, ses lèvresourlées, son charisme ténébreux. Il a en lui une chose spéciale et inexplicable, ce qu’on appelle unsupplémentd’âme.

–TuesmagnifiqueJane,murmure-t-ilenmeprenantlamain.

Ployantlanuque,ilmegratified’undélicatbaisemain.

–Uneroseparmilesroses,s’amuse-t-il.Etnon,jen’aijamaisététrèsdouépourlapoésie!

J’éclatederiretandisqu’ilprendmonbras.Lorsqu’ilmeregarde,j’ail’impressiond’êtreprécieuse,uniqueetdifférentecommesi j’étais laseule femmesur terre.C’est laplusmagiquedessensations. Ilm’entraîneensuiteàl’intérieurdelaserre,gracieuseetélégante,oùnousattendunserveurstylé.

–J’aifaitprivatiserlebâtimentpourlasoirée,m’explique-t-il,trèsnaturellement.

Oh.Biensûr.Entoutesimplicité.

Subjuguée,jemelaisseentraînerverslegrandbassinquijouxtelaserre.Descentainesdenénupharss’épanouissent dans l’eau, à l’ombre des palmiers et des plantes tropicales. Ils ondoient à la surface,telles des taches de couleur. J’étais déjà venue auparavantmais jamais encore je n’avais admiré cetendroitaucalme.Sanslahordedevisiteurs,laserresetransformeenunécrinluxuriantetromantique.J’aperçois aussi notre table dressée pour un souper en tête-à-tête. Couverts en argent, nappe blanche,champagnemillésiméetdesmilliersdebougiesflottantesajoutéesdanslesbassinsenvironnants.

–Anthony,c’est…

Jecherchelemotexact.

–C’estféerique!– J’aime ton regard Jane,me répond-il spontanément. J’aime comme il brille. J’aime ta capacité à

t’émerveiller.Tuespure,tun’esblaséederien.

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–Attends…Onpeutêtreblaséd’untelparadis?fais-je,enouvrantlesbraspourembrasserledécor.

Anthonysourit.

–Certainespersonnes,oui.Maistoi,tuneressemblesàpersonne.

Il s’apprête à ajouter unmot, comme s’il hésitait,mais il se contentede tirerma chaise, enparfaitgentleman. Je m’assois dans une envolée de mousseline blanche, le cœur affolé par sa présence.S’installant en face, il couvremamain de la sienne etme propose une coupe d’une voix charmeuse,basse,affreusementsexy.Notredînersedéroulecommedansunrêve.Bienquedélicieux, lesplatsnelaissentpasunsouvenirimpérissabledansmonpalaiscarc’estluiquejedévoredesyeux.NousparlonsdemoninterviewavecCynthiaetdesesambitionspourlemarchéasiatique.

Etavantl’arrivéedudessert,Anthonyposeunlargeécrindeveloursbleudevantmoi.Jelèveversluidesyeuxétonnés.

–Encoreunesurprise?fais-je,lagorgenouée.–Pourfêtertaréussite.–Etsil’entrevues’étaitmalpassée?–Ehbien…Celat’auraitconsoléedetonéchec.

J’esquisseunsourire,amuséeparsapirouette.Etjesuisémue,trèsémue.

–Vouspensezvraimentàtout,monsieurRoy.

J’ouvrelentementlaboîteoùs’étalelenomdeCartierenlettresd’or.

–OhmonDieu!

Anthonyéclatede rirealorsque résonnemoncride joiestrident.Sous lechoc, jem’éventeàdeuxmains.Unmagnifiquependentif s’offreàmavue, suspenduauboutd’une interminablechaîne. Il s’agitd’uncroissantdelune,taillédansunmystérieuxfiletd’orblancquitiententresespointesunsaphirjaune.Une pierre aussi rare que belle, dorée comme mes yeux. Un bijou superbe qui me correspondparfaitement, comme s’il avait étédessinépourmoi.À l’évidence, l’hommequi l’a choisimeconnaîtbien.

–C’esttrop…Jenepeuxpas…–Quandaccepteras-tulescadeauxsanstesentircoupable,Jane?

Jesourismalgrémoi. Ilaraisonbiensûr, j’aiunmalfouàrecevoir.Quittantsachaise, ilseglissederrièremoietsortlecollierdesaboîte.Soulevantmanatteavecdélicatesse,ileffleuremanuquedeseslongsdoigts etmedonneun long frisson. Je le devinedansmondos, ses larges épaulespenchées au-dessusdemoitandisqu’ilrefermel’attache.Mapeausehérissed’unefinechairdepoule.Maisaulieudes’éloigner,Anthonyposesabouchecharnueaucreuxdemonomoplate.Jesensd’abordsarespiration,puissabouchepossessiveetunpeuhumide.

–Dèsquej’aivucependentif,j’aipenséàtoi.

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Sonsoufflebalaiemonépaule,sensuel.Etsesmainsglissentdemesépaulesàmesbrasenunecaressebrûlante. J’en ferme les paupières, uneboule dans la gorge.Ledésirmonte, puissant, irrépressible. Ilsuffitqu’ilmetouchepourm’embrasertelleunetorche.

–Est-cequenotrepactetienttoujours,Jane?–Plusquejamais.–Tunepensespluscequetum’asditàl’hôpital,l’autrejour?Tun’asplusenviederesteréloignée

demoi?–J’ensuisincapable!

Ilsouritàsontour,satisfaitdemaréponse,demaredditionetpeut-êtredesonpouvoirsurmoi,quicomblesonorgueil.Lapointedesonnezeffleuremapommette,ma joue,moncou tandisqu’il inspiremonparfum.

–Etsinoussautionsledessert?

Ledessert?Queldessert?

Cinqminutesplustard,nousnousembrassonsàpleinebouchesurlabanquettearrièredelalimousinequinousramèneàl’hôtel,pasassezviteàmongoût.Jenevoispaslechemindéfiler,jeneremarquenilesbuildings,nilacirculationencombrée.Jesuistropenvoûtéeparlesyeuxdeveloursd’Anthonyetsabouchequimepicore,medévore,merendfolle.J’ignorecommentnousparvenonsjusqu’àsachambreaudernierétagedupalace.Jen’entendsqu’unechose,lebruitdelaportequiserefermesurnous.

Donnant un tour de clé,Anthony se tourneversmoi, ses pupilles noires dilatées. Il ressemble à unfauve.Moi, jereste immobileaumilieude lachambre.Seulunmètrenousséparemaisc’estunocéanpourdesamants.Nousrestonsuninstantsansbouger,laissantledésircrépiterentrenous.L’airestlourd,chargéd’envie,depromesses.Desondesbrûlantesémanentdemonmilliardaire.Jeleregardesousmespaupièresmi-closes,tentatrice.C’estunefacettedemoiquejeneconnaissaispas,quejenemontrequ’àlui.Puisjeluitendslamain.

C’estledéclic.

Ledébutdufeud’artifice,delabatailledescorps.

Anthonysejettesurmoi,entourantmatailleàdeuxbras.Dansunfroissementdemousselineblanche,ilsecolleàmoi.L’espaced’uneseconde,noscorpssemblentsoudés,collésl’unàl’autre.Pourtant,nousnesommespasassezprès.Jamais!Sesmainsglissentdansmondos,chaudes,audacieuses.Jesenssespaumesàtraversl’étoffetandisquejel’agrippe.Plantantmesonglesdanssesomoplates,jel’étreinsdetoutemonâme,detoutesmesforces.

–Anthony…

Commenta-t-ilpuprendreunetelleplacedansmoncœuretdansmavieensipeudetemps?Jenemeposepaslongtempslaquestion.Déjà,sabouches’abatsurlamienneavecvoracité.Telsdeuxaffamés,nousnousentre-dévoronsmêmesi ses lèvres restentdouces sur lesmiennes. Il aungoûtprononcédechampagneetdementhe,songoûtàlui.Nossalivessemêlent,formantcetélixirmagiquequim’enivre.

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Jeperdslatête,jeperdspied.Augréd’unballetcompliqué,noslanguesdansent,secaressent.Messeinsdurcissentcontresontorse,jusqu’àpointersousmarobe.

Jeleveux.

Toutdesuite.

–Nebougepas…

Maboucheposéesurlasienne,jemurmuredesortequenossoufflessemélangent.Puisjemordillesalèvreinférieure,latirantdélicatementavecmesdents,lasuçotantavantdel’abandonner.Anthonypousseunrâlerauque,frustrécarjefaisminedem’éloigner,détachantnosbustes.Saufqu’ilnelepermetpas.Sesbrasserefermentplusfort,m’attirantàlui.J’éclatederire,fiévreuse.

–Situveuxquejem’occupedetoicorrectement,tudoismelaisserbouger…–Cequejeveux,c’esttegarderprisonnière.

Monsourire s’agrandit etnosbouches se retrouvent enun jeudélicieux.Nos lèvres sepicorent, secherchent,seperdent,s’effleurentenunerondeinfinie.Jesensledésird’Anthonymonterd’uncran,trahipar la bossedans sonpantalon, deplus enplusdure. Il gonfle contrema cuisse.Enmême temps, sespaumes explorent mon dos jusqu’à s’arrêter sur mes fesses. Anthony les empoigne, jouant de mesrondeurs.J’engémisdeplaisir.Sesdoigtssontfermesetdouxalorsqu’ilmecaresseàtraversletissu.

–Cequejeveux,c’estqueturetirescetterobe…–Çapeutsefaire…

J’essaiedem’échappermaisAnthonymecompliquelatâche.Aumilieudesrires,ilmeretiententreses bras fermés comme des pinces autour de ma taille. Je me débats tant bien que mal, comme uneanguille.Maisjeneparviensqu’àfrotternosdeuxcorps.Etc’estinsoutenable.C’estcommesijegrattaisdeuxallumettes.

–Anthony,s’ilteplaît…

Il rit de plus belle avant de plonger la tête pourmordillermon cou,me chatouillant au passage lamâchoiredesesbellesbouclesnoires.

Mmm…C’estbon…

J’enailebas-ventrequisenoue.D’autantplusquesabraguetterâpetoujoursmacuisse.S’iln’arrêtepastoutdesuite,jerisquedenepastenirlecoup…Sonparfumdivinm’enveloppedansunnuageviril,unnuagedelui.J’aimesonodeur,j’aimesongoût,j’aimesapeau.

–Tuneleregretteraspas,jesouffleàsonoreille.

Àsontourdefrissonner,dereleverlatêteavecdesyeuxperdus,égarésparledésir.Posantmesdeuxpaumessursontorse, jeprofitedecebrefinstantpourm’écarterdelui.Entrenous, lamagieneromptpas.L’airgrésille, chargéd’électricité. Je faisunpasenarrière, sans lequitterdesyeux.Etavecune

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lenteurdélibérée,j’atteinslafermeturedemarobeetl’ouvre,centimètreaprèscentimètre.Anthonys’enmordleslèvres,gonfléesparnosbaiserssauvages.Bientôt,lamousselinedemonfourreautombeàmespieds,révélantmessous-vêtementsendentelleblanche.Ilenavalesasalivedetravers.

–Jane…Cen’estpasdujeu…

Sonsourireencoinapparaît,ravageur.

–Tuveuxmerendrefou?

Iltendlesbrasversmoimaisj’assèneunepetitetapesursesmains,leschassantenvitesse.S’ilmetouche,jerisquedem’enflammercommeunetorche,cequinerentrepasdutoutdansmonprogramme.Cesoir,c’estàmontourdeluirendreunpeucequ’ilm’adonné.Auliteten-dehors.Langoureuse, jesorsunpiedaprèsl’autredelaflaquesoyeuserépanduesurlamoquette.Avecunjeudejambesdigned’unepin-up, jem’échappedemarobe.Plusdecomplexes ! Ilmeregardeet jemevoisbelle.Mêmeavecmonpetitbourrelet,mêmeavecmeskilosentrop.

Parcequejesuisbelle.

Parcequejesuisbelleaveclui,prèsdelui,pourlui.

Féline,jem’approcheetposeunindeximpérieuxsursaboucheavantqu’ilneprononceunmot.

–Chut,chut,chut…C’estmoiquidécidecettenuit.

Ilvarépliquermaisjefaisclaquermalanguecontremonpalais.

–Qu’est-cequejeviensdedire?

Ilmesouritenhaussantlesépaules,espiègle.Etjel’englobedespiedsàlatêteavecunepetitemouesexy.

–Quevais-jefairedevous,monsieurRoy?

Hum…J’aibienmapetiteidée…

Je posemesmains sur ses épaules, le fixe dans les yeux et lui ôte sa veste. Jememets ensuite àtournerautourdelui,promenantmamainsursondos,l’embrassantsurlanuque,humantsapeaubrûlante.MisterFeverestentraindeseconsumersousmesdoigts.Revenantàmonpointdedépart,jemeplantedevant lui et entreprends de lui ôter son nœud papillon avant de déboutonner sa chemise. Bientôt, jerévèlesontorseathlétiqueetposeunebouchegourmandesursespectoraux,laissantunetracedesalivesursesmusclesdurs.Ilestsuperbe.Del’index,jeredessineleslignescreuséespardesheuresdesport.

Ilestbeauàcouperlesouffle.Etilestàmoi.

Mesongles laquésgriffent son torseavecdouceur,descendantvers saceinture.Anthony retient sonsouffle.Ilfaitchaud,trèschaud.Jem’attaquealorsàlaceinturedesonpantalon,ladénouantavantdelabalancerparterre.Jem’appliquetantqu’unpetitboutdemalanguedépasse,prometteur.Ettoutçasans

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le quitter des yeux. C’est torride. Anthony passe ses deuxmains dans ses cheveux, les repoussant enarrière.

–Tumerendsdingue…–Etencore!Tun’asrienvu.

Jem’agenouille sur lamoquette, simoelleuse qu’elle n’égratigne pasmes jambes nues. Je suis enlingerie devant lui, encore chaussée de mes sandales à talon. Je lui retire ses mocassins, l’un aprèsl’autre.Puisjefaiscoulissersabraguetteavantdedénudersesjambes.Ilm’aidepourensortir,avecungrognement sourd. Puismesmains remontent le long de sesmollets vers ses cuisses. Àmon tour, jem’attardesursesfessesrondesetfermes.Desfessessiappétissantes,sidures!

–Ont’adéjàditquetuescanon?jeluidemanded’unevoixlascive.

Il aimerait en riremais seul un râle lui échappe carmesmains se posent sur sa virilité, tendue etgonfléeàtraverssonboxermoulant.Mapaumel’entoure,lepressedéjà.Luirenverselatêteenarrièreaumoment où je glisse deux doigts sous l’élastique pour lui retirer son sous-vêtement. Je le libère,découvrantlaforcedesondésir.Etmoncœurbatplusvite.Àl’évidence,ilatrèsenviedemoi.

–Jane…gémit-il.

Cela ressemble à une prière à laquelle je réponds en prenant son sexe dans mamain, formant unanneauparfaitavecmonpouceetmonindex.Jelefaiscoulisserentremesdoigts,d’abordlentement.Jemonte et descends, imprimant un rythme que j’imagine délicieusement douloureux. Anthony reste lespaupièrescloses,peut-êtreparcequemilleétoileséclatentdevantsesyeux.Mapaumedevientplusfermeetsansqu’ils’yattende,jeleprendsdansmabouche.Jegoûtesapeauveloutée,auparfumlégèrementsalin.Puisjelefaiscoulisserenmoi.

Anthonyrouvrelesyeuxd’unseulcoup.Ilmefixe,lesyeuxembuésdedésirpendantquejelecaressedemalangue,demeslèvres.Àgenouxdevantlui,jemesensenconfiance.C’estmoiquiailepouvoirencet instant.C’estmoiqui lui donneduplaisir alorsqu’il s’abandonne àmes caresses.Perduedans lachaleurdemabouche,savirilitésegorgedesève.Jecontinuedel’entoureravantdeleserreraussid’unemain.Etdemesdoigtslibres,jecaressel’intérieurdesescuisses,puisjemonteplushaut,toujoursplushaut.

–Jane,Jane…

Sa tête se balance d’une épaule à l’autre. Je le sens proche de craquer, tendu à l’extrême quandsoudain,ilseretirelui-mêmedemabouche.Sesyeuxnoirsmangentsafigure,étincelants.Etpressé,ilmesoulèvedeterre.Jen’aipasletempsderéfléchirqu’ilm’emporteverslelit,nousrenversanttouslesdeux.Nosjambess’emmêlent,noscorpsroulent l’unsur l’autredanslesdraps.Parcequ’ils legênent,Anthonyjettesansvergognelesoreillersàtraverslapièce.Et jemefais littéralementdévorer.Àquoibonluttercontrecemerveilleuxsupplice?Saboucheestpartoutsurmoi,dansmoncou,surmapoitrine.Sesmains arrachentmon soutien-gorge tandis qu’il aspire l’une des petites pointes durcies et tenduesverslui.

–Jane,Jane…

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Commeuneincantation.Commeunelitanie.

Sesmainsbrûlantesm’ôtentmaculottedansl’enchevêtrementdenoscuisses.Etsesdoigtss’invitenten moi, écartant mes lèvres humides, glissant au creux de mon corps, déjà prêt à l’accueillir. Noussommes tous lesdeux en apesanteur, dansun autremonde : le nôtre.Desgémissements remplissent lachambreetilmefautquelquessecondespourreconnaîtremavoix.Àprésent,lamainexperted’Anthonyjoueentremesreplisdechairalorsquesabouches’appropriemesseins.

Jenesuispasenreste.Animéeparlafièvre,jecaressesondos,jenouemesjambesautourdelui.Leschevillescroiséesauniveaudeses reins, j’essaiede le rapprocherdemoi.Anthony, lui,accomplituneffortsurhumainpourralentir lerythme.Ilessaiedenepasperdre la tête.Enfin,pas toutdesuite…Iltendlebraspourattraperunpréservatifdanslatabledechevet.Moi, j’aidéjàl’impressiondeplaner.Toutema peau est à vif, sensible à l’extrême. Il suffirait d’un souffle pour que jeme brise enmillemorceaux,éparpilléeparleplaisir.

–Viens,jet’ensupplie…

Anthonyseperddansmesyeuxavantdeplongerenmoi.Toutdesuite,lerythmeestintense.Moncœurcogneàtouteallureetnosbassinsondulentdeplusenplusvite.Aumilieudesdrapsfroissés,nousneformonsplusqu’un seul corps traversédeplaisir.L’orgasmenous surprendaumêmemoment, auboutd’unepoignéedesecondes.C’estunséisme,unvéritabletremblementdeterre.J’ail’impressiondemedissoudreenlui,àmoinsqu’ilnes’infusedansmachair?Àcetinstantprécis,jecessed’exister.Iln’yaplusquelui,moietleplaisirféroce,sauvage.

Secouésde spasmes, soudés l’un à l’autre, nousoublions tout.Et il faut longtemps, très longtemps,avantquelatempêtenes’apaise.Avecunsoupir,Anthonysecouchefinalementsurmoiavantderoulersurleflanc,pournepasécraser.Ilm’emporteaveclui,m’étreignantàdeuxbras,megardantcontrelui.Jemelaissefaire,àl’abandon.Anthonyenprofitepourdéposerunbaisersurmonfront,puisàlaracinedemescheveux.Ma longuenatte s’estdéfaitedans le feude l’actionet il enfoncesesdoigtsdansmachevelure.Moi,jeplaquemajouesursontorse.

Il respire fortet soncœurcognevite.Maisni l’unni l’autreneparlons.Nousprofitonsdusilence,envahiparnosrespirationsheurtées.Etsanstropsavoirpourquoi, j’éprouveuncurieuxpincementàlapoitrine.Commesicemoment,rareetprécieux,nedevaitplusjamaissereproduire.Commesij’avaisunmauvaispressentiment.

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6.Lechoix

Depuis cinqminutes, je m’escrime à débusquer le pot de sirop d’érable dans les placards de macuisine. Eva me surveille, perchée dans sa chaise haute, et bien attachée. Suite à son accident, j’airedoublédeprudence.Grossomodo, j’envisagede lui louerungardeducorpsà l’année.Jesecoue latête,amusée,enessayantdenepaspenseràmonséjournew-yorkais.Rentréedeuxjoursplustôtaveclejetprivéd’Anthony,j’aireprismeshabitudes.Maisjerêveencoreànotrenuitmagique.Cequiafaillimecoûter lavie car accaparéeparmes souvenirsbrûlants, jen’aipas évité à temps l’attaquedemespoulescarnivorescematin.

Dieubénissel’inventeurdesbottesenplastique.

Apercevant enfin ma bouteille, je pousse un cri d’épouvante. Long et déchirant. Elle est vide !Autrementdit,jesuisàsec!Jen’aiplusd’essence,plusdecombustible,plusderaisond’être!Àquoibonmanger des pancakes sans sirop d’érable ?C’est comme un barbecue sans brochette, un été sanssoleil,uneviesansamour!J’ensuisàcespuissantesconsidérationsexistentiellesquandmontéléphonesonne.

–Allô?

Avec un clin d’œil à Eva, je m’entortille dans le fil du vieil appareil, fidèle à notre jeu du «saucissonnage».Raviedemesfacéties,lapetitetapedanssesmainsjusqu’àcequejeperdelesourire.

–Jane?C’estmoi,Mark.

Quelquessecondess’écoulentensilence,letempsquejereprennemesesprits.Àl’autreboutdufil,monexseraclelagorge,malàl’aise.Commentose-t-ilm’appelerdansmaferme?Etsurtout,commenta-t-ilobtenumonnuméro?Monpoulss’affoletandisquejemebagarrecontrelefilentortilléautourdemapoitrine.Plusquestiondeplaisantercarentendre lavoixdemonexdansmacuisinemefait l’effetd’unchoc,d’uneintrusion.

–Quit’adonnécenuméro?–Tamère.

Super.Mercimaman.Mercipourlasolidaritéfamiliale.

–Netefâchepas,Jane!s’exclame-t-ilvivement,commes’ilredoutaitquejeraccroche.

Bienvu.

–Écouteaumoinscequej’aiàdire.–Parcequetum’asécoutée,toi?Tuasprisletempsd’entendremesargumentsdanscerestaurant,le

soiroùjet’aiannoncémagrossesse?–Jane,jet’enprie…

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Sontonsefaitsuppliant,uneintonationnouvelleetinattendue.Ilapresquel’airsincère.Exactementcommedanscetteruenew-yorkaise,lorsdenotredernièrerencontre.Jen’aimecertespassesméthodespour me retrouver mais son comportement me perturbe. Et depuis mon retour, je n’ai pas arrêté deréfléchirànotrebrèveconfrontation.Queveut-ilvraiment?

–J’aicommislapireerreurdemaviecesoir-là.J’aitrèsmalréagi,j’aiétéégoïste…–Tul’admets?–J’aichangé,jetel’aidit.J’aibeaucouppenséàtoidepuisnotreruptureetj’airéalisél’énormitéde

mabêtise.

J’enailachiquecoupée.

Quiêtes-vousetqu’avez-vousfaitdeMarkDavis?

–Tamèrecroyaitbienfaireenmedonnanttonnuméro.J’aitellementinsistéqu’elleafiniparcraquer.Neluienveuxpastrop,c’estmafaute.

Mamère.Elle,parcontre,nechangerajamais.Toujoursàsemêlerdecequinelaregardepas.

–Dis-moiplutôtcequetuveux,Mark.Pourquoiappelles-tu?

Jerestesurmesgardes,prudente.

– Jeveuxque tum’accordes, que tunous accordes, une seconde chance. JeveuxconnaîtreEva. Jeveuxm’occuperdemafilleetdetoi.

–Mark…–Jenetedemandepasuneréponseimmédiate.Simplement,réfléchisàmapropositionàtêtereposée.

Tuesencolèrecontremoietc’estnormal.Maisjerestelepèred’Evamalgrétout.–Cen’estpassisimple…

Enraccrochant,quelquesinstantsplustard,j’ailecœurlourd.Ilaraison.Endépitdenosdifférends,il demeure le géniteur de ma fille même si je m’interroge sur les causes de son revirement. Je suisseulementcertained’unechose,c’estquejen’aipasledroitd’écartersademanded’unreversdelamainsousprétextequejesuisencoremeurtrieetfâchée.Lebien-êtred’Evapasseavanttout.

***

Ma journée est agitée. Après une commande de nouveaux matériaux pour mes fauteuils, je livreplusieurscagettesdecourgesàApple&Cabbage.Jen’arrêtepas!Etpourtant,jenecessedepenseràlademande deMark. Il s’est comporté commeun salaudmais peut-être qu’il amûri ?Ai-je le droit depriverEvadesonpère?Deretourà lamaison, jemegaredansl’alléeetremarquelapuissantemotodevantmaporte.

Anthony.

Je cesse aussitôt deme tourmenter, deme posermille questions.Mon cœur s’emballe,mon poulss’affole.Enfait,moncorpsréagitavantmoncerveau,enmanqued’oxygène.Etj’aisoudainenviedeme

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jeterdanssesbras,demeraccrocheràluiavecuneforcedésespérée.Jel’aime.Biensûrquejel’aime.Impossibledemeleurreràcesujet.Saufqu’ilestseulementmonsexfriend,saufqu’ilnem’ajamaisrienproposéd’autrealorsqueMark,lui,estlepèredemonenfant.Jememordsleslèvresendescendantdemonpick-up,mapetitefilledanslesbras.Enjeanetbottesdemotard,Anthonyvientversmoi,souriantettorride

–Jevoulaistefaireunesurprise.–TuesrentrédeLosAngeles?

AprèsnotreretourdeNewYork,Anthonys’estdirectementenvolépourlacitédesanges,appelépourdesaffairesurgentesausiègedesacompagnie.

–Pourunejournéeoudeux.Jefinaliseplusieursactesdeventechezlenotaire.

Àmon tour, jem’approche de lui avec une boule au ventre parce que j’éprouve toujours ce désirinexplicabledem’abriterdanssesbras,aucreuxdelui.Jemeforceàsourire.Etnoslèvress’effleurentenunecaressefugacejusqu’àcequ’Evatendesespetitesmenottesverslafigured’Anthony.Ellenenouslaissepastranquilles,lachipie!

–Bonsoirmademoiselle.Tuessaiesd’arrachermonvisage?Tuesaucourantqu’ilnes’agitpasd’unmasque,aumoins?

Melaprenantdesbras, il labranditdanslesairs,au-dessusdesa tête.Etnousentronsausalonaurythmedeséclatsderireetdesgazouillements.Profitantdeleursjeux,j’enlèvemachinalementmavesteetl’accrocheàlapatère.Puis,commelerépondeurclignote,j’appuiesurlebouton.

«Vousavezdeuxnouveauxmessages.»

D’abordunecliente.MadameThompsonquimeréclameunautrefauteuildanslesplusbrefsdélais.J’esquisseunsourireenrécupérantEvadanslesbrasd’Anthony.MisterFeverm’asuivieàl’intérieur,sanspourautantôtersonblousondecuir.Jem’apprêteàl’inviteràdînerquanduneautrevoixs’élève,uséeparletabacetvaguementfamilière.

«BonsoirmademoiselleSullivan.DétectiveRobertMayeràl’appareil,del’agenceDimopoulos.Jevoustéléphoneausujetdel’enquête.Bonnenouvelle,jeviensderetrouverl’adressedeSarahRoberts.Jevouslacommuniqueparmaildanslecourantdelasoirée.Àbientôt.»

Biiiiip.

Oups.

Jen’oseplusbouger,plus respirer.Et encoremoinsme retourner. Jedevine laprésenced’Anthonydansmondos,sasombrecarruredécoupéedansl’embrasuredelaporte.Unsilenceglacétombesurlapièce, refroidissant l’atmosphère d’une dizaine de degrés. Pourquoi ai-je consulté ce fichu répondeurdevantlui?

–SarahRoberts?répèteAnthonyd’unevoixblanche.Commemamère?

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–C’est-à-direque…

Jepivote lentementetdécouvresonvisagelivide,blanchipar lafureur.Lespoingsserrés,sesyeuxnoirsétincelantsd’unerageaveugle,ilcherchemonregard.Jenemedérobepas,prêteàassumer.

–J’aibiencompris?Tuasfaitappelàundétectiveprivéafinderetrouvermamère?–Je…

Àquoibonnier?

–Oui.

Et brutalement,Anthony ravage la commode demon salon, envoyant valser une pile demagazines.Tousmes numéros deDesign et deMarie-Claire s’étalent sur le sol dans un horrible froissement depapier.Lesmâchoirescontractées,ilretientuncriderage.Maisau-delàdelacolèreoudeladéception,c’estladouleurquejelisdanssesyeuxnoirs.Cettesouffranceénorme,commeuneplaieinfectée,quiestcellequej’avaisentraperçuedanslescavesdeschaislorsqu’ilm’avaitparlédesonpassé.Or,c’estcetteblessuresuppurantequim’adécidéeàagir.

–Comment?Commentas-tupufaireunechosepareille?–Anthony,calme-toi.–Commentas-tuoséfouillerdansmonpassé?

Ilyadetelsaccentsdedétressedanssavoix,mêlésàunerageviscérale,quejereculed’unpas.

–Jevoulaist’aider.Tonhistoirem’abouleverséeetjenepouvaispasresterlesbrasballants.Celanemeressemblepas.

Jeparletrèsvitepouréviterqu’ilnem’interrompe.

–Quandtum’asracontétonabandon,j’aivoulufairequelquechosepourtoi.Parcequejetiensàtoi.Tellement plus que tu ne peux l’imaginer ! Je ne pouvais pas te laisser souffrir commeça. Je voulaist’apaiser,t’aideràrenoueraveccepasséquitedétruitensecret…

–Tunemeconnaispas!

C’estlecriducœur.Uncriquim’écorchevive.

–Et tu as cherchémamère dansmondos, sansme demandermon avis une seule fois ! conclut-il,lapidaire.

Je déglutis avec peine tandis quema fille rentre la tête dans les épaules, inquiète. Elle devine latensionentrenoussansencomprendrel’origine.

–As-tuenvisagéunesecondequejen’avaispeut-êtreaucuneenviederetrouvercettefemme?

Sescriséclatentdans lapièce,m’amenantauborddes larmes.Lepirec’estque jenepeuxpas luidonner tort. Certes, mes intentions étaient louables mais sa colère me paraît légitime. Pourquoi ai-je

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écoutéLucy?Pourquoiai-jeengagécemauditdétective?

– Je memoque de cette femme éperdument ! Tu entends ? Je ne veux rien savoir d’une personnecapabled’abandonnersonfilscontredufric!

Ladouleur tordles traitsdesonbeauvisage.Cen’estplusseulement l’hommequej’aidevantmoi,c’est l’enfant, l’adolescent rongé par le doute, par le rejet, par la souffrance d’avoir été vendu à sonpropre père. S’il se voyait dans un miroir, à cet instant, sans doute comprendrait-il ma démarche…Commentaurais-jepuaccepterdelelaisserdanscetétatd’incertitudeetdedouleur?

–Anthony,attends…

Illèvelesdeuxmainsenl’air,déçu,trahi.Etaprèsundernierregard,illanceduboutdeslèvres:

–Commentas-tupumefaireça?

Laporteclaquederrièrelui,manquantdedécrocheruncadredumur.Moi,jeresteaumilieudusalon,immobile,secouéeparlaviolenceduchoc.Ya-t-ilunmoyenderattrapermonerreur?

***

Lelendemain,jelaisseplusieursmessagessurlerépondeurd’Anthonyquinedécrochepasunefois.Ànouveau, jem’explique, jem’excuse. Je suisbientôt coupéepar labande.C’estdingue, ça !Même lamachineneveutpasm’écouter!Finalement, jepasse la journéeà l’extérieur,obligéedemerendreauFarmersMarketdeSanFrancisco.JeregrettedenepaspouvoirpasseraumanoirdesRoy,retenuepard’interminablesdiscussionsavecdenouveauxgrossistes.

Enfind’après-midi,jereprendslechemindelaferme.JedoisensuiterécupérerEvachezmagrand-mère.Malgrélespréparatifsdesonmariage,Serenityaacceptédeveillersurmafillepourmedépanner.Dois-jeaussiessayerdevoirAnthony?Dansquelétatest-il?Jememordsleslèvresenabordantl’alléede ma maison. Et comme la veille au soir, une haute silhouette m’attend devant la porte. Mon cœurmanqueunesériedebattements.

–Anthony?dis-je,dansunmurmure.

Entourépar lapénombre, il se retourne.Saufque…cen’estpasAnthony.Unemain sur laportièreouvertedemonpick-up,jeresteinterdite.

Pincez-moi,jerêve!

–Mark?

Enchairetenos.Dansmonjardin.EnCalifornie.Lesyeuxécarquillés,jeledétailledepiedencaptandisqu’ils’avanceversmoid’unpasconquérant.Danssonluxueuxmanteauencachemire,ildétoneaumilieududécorchampêtreetdesbâtimentsenvieillespierres.

–Jane,enfin!Pendantunmoment,j’aieupeurdem’êtretrompéd’adresse.

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–Mais…Qu’est-cequetufaislà?–Jevoulaisteparler.–Tuesaucourantdel’existencedutéléphone?

Ilsouritbrièvement.

–Vulerésultathiermatin,j’aipréférépasserenpersonne.–Alorstuassautédansunavionettraversétoutlepays?–Engros.

Je le regarde longuement, déstabilisée.Cette action spontanéeet surprenantene ressembleguère auMark d’autrefois. Pas plus que son insistance, sa détermination à revenir dansma vie et celle d’Eva.Markn’ajamaissupportéqu’onluidisenonetjel’aiplusieursfoisvusedétournerdeprochesamispourmoinsqueça.Soitvousluidonnezcequ’ilveut,soitvousdisparaissezdesavie!

–Tuasamenétesvalises?jeremarqueenmetournantverssavoituredelocation.

Ondistinguedeuxgrosbagagesencuirposéssurlabanquette,etcouvertsd’uncélèbremonogramme.

–J’envisagederesterquelquesjourspourteconvaincre.Etpourvoirnotrefille.

Notrefille.

L’expressionmechoqueaupointdemelaissermuette.«Notrefille».Pourl’instant,Evaaseulementétémonenfant,monbébé.Pourtant,ilestvraiqu’elleaunpère,aussiabsentetégoïstesoit-il.

–Net’inquiètepas,jenecomptepasenvahirtespénates.Toutàl’heure,jevaismechercherunhôtelpastroploind’ici.

Cettefois,j’éclatederire.

–Jetesouhaitebonnechance!Parcequetunetrouveraspaslamoindreaubergeàdeskilomètresàlaronde.Tuauraisdûterenseigneravantdevenir.Noussommesdanslacambrousse!

–Oh.Jevois.

Ilsouritàsontour.Etpourlapremièrefois,nouséchangeonsautrechosequedescris,desinjuresoudegrandssilenceschargésd’incompréhension.

–Danscecas…Pourrais-tum’hébergercettenuit?Justeletempsquejemeretourne.Jet’endemandebeaucoup,jesais,ettun’assûrementaucuneenviedemevoirtraînerdanstamaison…Maisjet’enprie,Jane,écoute-moi.Accorde-moicettesecondechancequejetedemandedepuisdesjours!

Desjours?Ilnefautpasexagérerquandmême!

Voilàaumoinsundétailquin’apaschangé:Markesttoujoursunexcellentbonimenteur.Beauparleuretsûrdelui,ilselancedansunlongdiscours,pleindefeuetdetrémolossurlepardonqu’ilneméritepas,sonchangementetsondésirderegagnermesfaveurs.Ilmeparleaussidesafillequ’ilneconnaît

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pas.Jel’écouteenhochantlatête,surmesgardesettouchée.Jenepeuxpasluiclaquermaporteaunez.Biensûr,jesuisencorefurieuseaprèslui.Maisiln’estpasquestiondemoi.Ils’agitd’Eva,maintenant.D’Evaetdesonpère.

–Mark, tu ne peuxpas revenir comme ça, la bouche en cœur, et attendre que je t’accueille à brasouverts.

–Jesais.Maislaisse-moiaumoinsteprouverquejenesuispluslemême.–Écoute,tupeuxrestercesoirmais…–Yes!

Avecuncridegamin,ilm’interromptenbrandissantlepoingdefaçoncomique.Àcroirequ’ilvientdegagnerlegroslotàlaloterie.Réprimantunpetitsourire,jecontinue:

–…maisnousdevronsparlertouslesdeuxdemain.–Toutcequetuvoudras!

Quandsoudain,undiscrettoussotements’élèvederrièremoi.JemeretourneetmeretrouvenezànezavecAnthony. Jene l’aimêmepasentenduarriver, complètementobnubiléeparmaconversationavecMark.Toutjustearrivéàpieddesapropriété,Anthonymeregardeavecintensité,visiblementgênédem’interrompre.

Jesais.Mavieestpirequ’unsoapopera.

–BonsoirJane…

LavoixsexyetchaudedeMisterFevercouleàmonoreille,unpeuécorchée.Moncœurs’arrêtedebattreparcequejen’aivraimentaucuneenviequemonprincecharmantetmonexsecroisentdevantmaporte.

Àvouslesstudios!Reprenezl’antenne…Pitié!

Hélas,personnenevientàmonaideetjemeretrouveplantéeentrelesdeuxhommes.Markfroncelessourcils, comme s’il était muni d’un radar apte à repérer les rivaux potentiels. Face à Anthony,incroyablementvirilavecsalégèrebarbededeuxjours,outrageusementbeauavecsesbouclesnoiresetsesyeuxdebraise,ilseraidit.MaisquipourraitfairelepoidsfaceàAnthonyRoy?

Desoncôté,monsexfriendnesembleguèredéstabilisé.Toutjustecurieux,enfait.Unechoseestsûre,c’estqu’iln’apasl’airdeprendreMarkpourunadversaireetmefixeavecgravité.Ilsemblesurlepointd’ajouter un mot, sans doute désireux d’évoquer tous mes récents messages. Mais d’une politessescrupuleuse,ilsecontentedetendreunemainfrancheàMark.

–Bonsoir.AnthonyRoy…UnvoisinetamideJane.

Monexluiserrelamain,leslèvrespincées.

–MarkDavis.Lepèred’Eva.

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Pourquoi?Pourquoia-t-ilfalluqu’illedisecommeça?Paniquée,jemetourneversAnthonydontlevisagedemeuresansexpression.Enhommed’affairesrompuàtouteslestactiquesdenégociation,ilsecontentedehocherlatête.Ilsembledemarbre.Impossiblededevinercequ’ilressent.Maiséprouve-t-ilseulementquelquechose?

–Jevaisvouslaisserentrevousdanscecas.Jerepasseraiplustard.

Comme il tourne les talons, j’hésite une seconde.Mon regard se pose alternativement surMark etAnthony.Legrandblond,pèredemafille,etlesuperbebrun,seulhommeàfairebattremoncœuretmedonnerdespapillonsdansleventre.J’ail’impressiond’êtrepriseentredeuxfeux.Trêvederéflexion!Jem’élancederrièreAnthony.Monexabienungestepourmeretenirmaisjedévaledéjàl’allée.

–Attends!

Anthonycontinuedemarchersansseretourner.Àsahauteur,jel’attrapeparlecoude,horsd’haleine.

–Jesuisdésolée.–Pasautantquemoi.

Jecroiseenfinsonregardetmoncœursebrise.Ilsemblesouffrirmêmesij’enignorelacauseexacte.À cause demon enquête ? Ou à cause deMark ? Non, non, je ne suis pour lui qu’une amie « avecbénéfices»,unesimpledistraction…Iln’ajamaisétéquestiond’unerelationsérieuseentrenous.

–J’ignoraisqueMarks’apprêtaitàmerendrevisite.Jetelejure.–Tun’aspasàtejustifierdevantmoi,Jane.C’esttavie.Tulamènescommetul’entends.

Ilmarqueunbrefarrêt,puis:

–C’estdansnotrecontrat.Nousn’avonspasdecomptesànousrendre.

Sesparolesmefontl’effetd’unedouchefroide.Commentai-jepucroireunesecondequ’ilesttristeàcausedemoi?Jeserrelespoings,furieusecontremoi,contrelui.Jenesaisplustrop.

–Tuasraison.

Etj’ajoute,encolère,blessée,perdue:

–Alorsc’estfini,cettefois?–Oui,jecrois.

Ilneprotestepas.Ilsecontentedehocherlatête,enaccordavecmoi.Maisàquoim’attendais-jeaujuste?Espérais-jequ’ilmecontredirait,qu’ilsebattraitpourmerécupérer,qu’ilsejetteraitàmespiedspourselancerdansunegrandedéclaration?Alorsmêmequejel’aitrahilaveilleaveccettehistoirededétective privé ? Alors même que je m’apprête à donner une seconde chance au père de ma fille ?D’autantplusqu’ilnem’ajamaismentinifaitmiroiterautrechosequenotrefameuxpacte.

Revienssurterre,Jane!

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– De toute manière, cela n’a jamais réellement fonctionné entre nous, dis-je avec une pointed’amertume.En-dehorsdenotreattirancephysique,nousn’avonspascessédefaireunpasenavantetdeuxpasenarrière.

–C’estvrai.Etjesuisfatiguédecepetitjeu.Commetoi,jepensequ’ilvautmieuxenresterlà,Jane.–Oui.Définitivement.

Anthonyme sourit.Un sourire sans joie,mélancolique. Il caresse alorsma jouedubout des doigtsavecuneinfiniedouceuravantdepartir.Jeleregardes’éloigner,disparaîtredanslesténèbres.Jelesuisduregardjusqu’aubout,sansbouger.Etçayest,iln’estpluslà.Jel’aiperdu.Vraimentperdu.Dansmapoitrine,moncœursebriseenmilleéclats.Cettefois,c’estirrémédiable.Maispourmoi,pourEva,jedoism’enteniràmonchoix.

Quoiqu’ilm’encoûte.

Àsuivre,nemanquezpasleprochainépisode.

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Egalementdisponible:

SexFriends-Etplussiaffinités,4

Unanaprèss’êtrefaitlarguerparsonpetitami,Janes’estinstalléesurlacôteOuest,fuyantsonpasséetsafamille…Ellequin’attendplusriendesesrelationsavecleshommestentedesereconstruireàlacampagne,loindesesdéboiresamoureux.

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Egalementdisponible:

Désirsetdésastres

Lunaire,attachanteetimprévisible,ElenaLavignevitl’unedespiresjournéesdesavie.Envingt-quatreheures,cettejeuneétudianteenartestrefouléedelagalerieoùellevientprésentersesœuvresetseretrouveàjouerlesnaturistesenpleingaladansunpalace.C’estlacatastrophe!Jusqu’àcequ’ellecroiselarouted’unséduisantinconnuensetrompantdevestiaire.Leproblème?Elleestensoutien-gorge,luiensmoking.Cequin’empêchepaslecoupdefoudre…

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Page 75: Sex Friends - Et plus si affinités, 3 (French Edition)ekladata.com/tLkWWyAwxuyPKkHLrAQVdxLVh9g.pdf · la ville. Jamais je n’ai autant regretté d’habiter la campagne qu’au

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