Seur a Habit Er 2013
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Habiter le Grand Paris / AIGP 2 / saison 1
Le logement en Ile-de-France,une "bombe à retardement"
équipe SEURA
SE
UR
Aéq
uipe
Habiter le Grand Paris / AIGP 2 / saison 1
Le logement en Ile-de-France, une "bombe à retardement"
Paris - mars 2013
équipe SEURA
3
sources Aphaville/Seura
SEURA architectesF.Bougnoux J. M.Fritz D.Mangin
E. Roncen M.H.Simonpoliarchitectes associés
J. M. FritzM. Girodo
Gares
A.Garès
paysages/risques/économie créative
Aménageurs
E. Bérard
F. BougnouxJ.P. TraisnelEco-logique(s)
OLMP. Coignet
M. TalagrandPaysagistes
M. Reghezza-Zitt
La MachineF. Delarozière
Economiecréative
Economie immobilière
V. Renard3FP.BrideyP.Paulot
réative
AAmméénnaaggeeuurrss
e
prospectives économiques
CVLJ. Le GrelleProspective commerce
B.MarzloffSociologie
NTIC Mobilité
TETRAS. BrunetProspective
logement
S.LoewDéveloppement
urbain anglo-saxon
AlphavilleF. MonjalProspectiveprogramme
projet
Y.Laffoucrièrepolitique du logement
IdF
R.Dorval public / privé
AIGP
Cons
eil sc
ientifi
que
E
David ManginArchitecte urbaniste
mandataire
1 à 2 experts
OLMP. Coignet
M Ta
Y. BeltrandoGouvernance
Urbanisme réglementaire
Démocratie locale
gouvernance/mobilité
Y.CrozetEconomiste transports
E. CharmesDynamiques résidentielles
M.Schwartze- Rodrian
label Grand Paris
L. DablancLogistique
Mobili
tés, urbanisme, transports
Marc Wiel
4
Le logement, une "bombe à retardement"Seura/David Mangin + Marc Wiel ........3Seura/David Mangin + Marc Wiel ........3
(dé)mesures et (dé)croissancesDu bon usage de la rente foncièreDu bon usage de la rente foncièreMarc Wiel ........15Marc Wiel ........15
Tout ne viendra pas des garesTout ne viendra pas des garesYves Crozet ........27Yves Crozet ........27
L'aménagement de nos moyens L'aménagement de nos moyens Vincent Renard ........43Vincent Renard ........43
fonciers (in)visibles, fonciers (in)accessibles : mythes et réalitésSi la question du logement se jouait au-delà de la Francilienne?Si la question du logement se jouait au-delà de la Francilienne?Eric Charmes ........41Eric Charmes ........41
L’espace agricole : réserve foncière L’espace agricole : réserve foncière versus réserve alimentaire ? réserve alimentaire ?Marion Talagrand + Philippe Coignet ........55Marion Talagrand + Philippe Coignet ........55
Les centres commerciaux, "locomotives" ou freins du renouvellement urbain?Les centres commerciaux, "locomotives" ou freins du renouvellement urbain?Jérôme Legrelle + Nicolas Douce ........75Jérôme Legrelle + Nicolas Douce ........75
Les risques : effets domino et effets de levierLes risques : effets domino et effets de levierMagali Reghezza-Zitt ........87Magali Reghezza-Zitt ........87
quels outils d'aménagement pour la métropole?Pour des SPL d'intérêts métropolitainsPour des SPL d'intérêts métropolitainsEric Bérard + Rémi Dorval + Alain Garès Eric Bérard + Rémi Dorval + Alain Garès ......103......103
Le logement du Grand Paris : le point de vue d'un bailleur social. Le logement du Grand Paris : le point de vue d'un bailleur social. Pierre Paulot - 3F ......111Pierre Paulot - 3F ......111
5
sources Aphaville/Seura
sources David Mangin/Seura6
Communes, Paris-métropole, Etat et Région
partagent l'objectif de construction de 70000
logements par an. Aujourd'hui, il se construit moins
de 40000 logements par an. Ce faible niveau de
production traduit une situation bloquée notamment
par :
- une rente foncière élevée qui rend les terrains
inaccessibles dans les zones denses
- des coûts de sorties inaccessibles, 80% des
ménages n'ont pas les revenus suffi sants pour devenir
propriétaires
- des investissements concentrés sur les
infrastructures de transports
- un retrait des maires bâtisseurs, même dans
des intercommunalités effi caces, le maire est seul
responsable du permis de construire
- une faiblesse des outils et des compétences
d'aménagement dans les communes de moins de
30000 habitants
Ces blocages produisent une situation
insoutenable; un "immobilisme résidentiel", un
inconfort dans les déplacements quotidiens, des
inégalités sociales et territoriales et, à court terme,
une dégradation de la compétitivité de la région-
capitale, car les entreprises cherchent à réduire les
déplacements domicile/travail et les jeunes actifs
renoncent à venir ou à rester dans une région où le
logement est hors de leur portée.
Le logement, une "bombe à retardement"Seura/David Mangin + Marc Wiel
Notre contribution, dans cette première étude,
plutôt que de développer un nouveau grand plan
pour la mégapole ou des analyses territoriales
ciblées, s'est plutôt attachée à poser les questions
du logement à l'échelle métropolitaine en abordant
la problématique foncière à travers stratégies,
tactiques et outils, et plus précisément: les modes de
régulation du foncier, les conditions d'accessibilité
à des fonciers trop accessibles ou (in)visibles et
les outils d'aménagement adaptés à des politiques
urbaines de logements.
Nous nous sommes interrogés sur la pertinence
des raisonnements, qui induisent et soutiennent
les conséquences des investissements en
infrastructures sur le développement économique,
et la production de logements. Il faut mobiliser
l'essentiel des moyens pour redynamiser et orienter
la rente foncière vers la production de logements
près des emplois et optimiser les rabattements sur
les réseaux existants.
7
du bon usage de la rente foncièreLe blocage dans la production de logement,
est avant tout une question d'aménagement, c'est-
à-dire qu'elle relie des questions fi nancières et des
questions foncières, les communes seules n'ont ni les
moyens fi nanciers, ni techniques pour répondre aux
objectifs de production de logements; une nouvelle
gouvernance intercommunale et métropolitaine
permettrait d'organiser des péréquations
fi nancières entre les territoires de la métropole
et de coordonner les politiques de transports et
d'aménagement.
Les travaux de J.Friggit montrent que la question
du coût des logements n’est pas seulement liée au
déséquilibre de la demande et de l’off re et que c'est
aussi une question macro-économique, celle
de la rente foncière. Les investissements publics
(dans les transports et les équipements) ont jusqu’à
présent participé au renchérissement de cette rente.
La liaison du RER A et de la Défense produit une
concentration de bureaux et de leur valeur mais elle
a aussi renforcé celle du foncier de l’Ouest parisien.
Elle demande toujours plus d’investissement public
pour pallier les problèmes d’accessibilité. Les
investissements dans les projets d’aménagements
pourraient être arbitrés en fonction de leur utilité
métropolitaine au regard de la question principale :
comment remédier à la pénurie de logements ?
Une autorité métropolitaine, à défi nir, devrait
organiser des péréquations fi nancières locales
et métropolitaines pour pallier les inégalités
territoriales scandaleuses. On imagine alors que
les entreprises contribueraient aux investissements
dans les transports en fonction des déplacements
qu’elles généreraient. Cela permettrait, d’une part,
de contribuer à l’édifi cation d’un réseau à l’échelle
métropolitaine, d’autre part, de promouvoir la
mobilité locale et l’émergence de bassin de vie.
La mise en œuvre de cette stratégie nécessite
une nouvelle donne institutionnelle pour des
intercommunalités compétentes en matière de
transport, politique fi scale et aménagement.
tout ne viendra pas des garesYves Crozet relativise les eff ets attendus du
Grand Paris Express (GPE) sur le développement
économique de l’Ile-de-France. Il propose une
stratégie d’optimisation du réseau existant articulée
autour de la desserte des aéroports, des grandes gares
et des gares déjà saturées. En eff et, le modèle des
gares japonaises n’est pas pertinent pour toutes les
gares du GPE, notamment lorsqu’elles sont loin de
la zone dense. La rentabilisation et la dynamisation
de l’économie autour de ces gares nécessiteraient un
fort affl ux migratoire vers la région parisienne depuis
d'autres territoires.
Il fait écho à Jean-Pierre Orfeuil dans la voie
de l’optimisation de la mobilité francilienne tout
mode, le renforcement du maillage local doit être
considéré avec le même égard que la construction
du réseau du GPE. Celui-ci ne devant être réalisé que
progressivement si on ne veut pas créer des sections
non rentables et hypothéquer des ressources pour
l'aménagement et le logement. Cela engage à fondre
les fi nancements de la création et de la rénovation
du réseau dans un "pot commun" et renouveler
la contribution des entreprises, des particuliers et
des collectivités au transport. En d’autres termes,
l’amélioration de l’off re de transport francilienne passe
par une réorganisation de la politique tarifaire, de
la fi scalité et de la gouvernance articulées avec les
ambitions d’une politique foncière.
Notre équipe, forte de ses expertises, et de ses
expériences a voulu aussi aller plus loin dans ce qu'il
est convenu d'appeler "les fonciers invisibles". Aussi
après avoir rappelé les 6 grands marchés fonciers
"révélés" de l'Adef, nous avons tenté d'explorer,
avec lucidité, les diffi cultés et les eff ets de leviers
souhaitables pour rendre ces fonciers invisibles plus
accessibles.
(dé)
mes
ures
et (
dé)c
roiss
ance
s
8
au-delà de l'A104, des fonciers trop accessibles...
L’approche macro-économique des mécanismes
de la rente est modérée par une réaction de Vincent
Renard, pour qui il faut eff ectivement défi nir la
stratégie d'aménagement de nos moyens, dans laquelle
la mise sur le marché de nouveaux fonciers, facilement
mobilisables dans les secteurs périurbains, peut aussi
jouer un rôle dans la production d'une nouvelle off re
de logement. Et Eric Charmes a tenté d'évaluer,
au-delà de l'idée de densifi cation, les eff ets et les
modalités de l'urbanisation de fonciers qui resteront
très attractifs, autour des bourgs et des villages
proches des stations RER, au-delà de la Francilienne.
En eff et, 80% de la baisse de la production entre
1980 et 2000 de logement est liée à la baisse de la
construction dans la grande couronne. Les causes
de ce malthusianisme sont multiples : l’émiettement
de la structure institutionnelle (1281 communes dont
85% de moins de 2000 habitants), l’exercice local de
la compétence d’urbanisme, la lutte contre l’étalement
urbain, et la prépondérance de l’interdiction sur
l’incitation renforcent le phénomène de clubbisation.
Cela nécessite des processus opérationnels pour
rééquilibrer les pouvoirs locaux et métropolitains,
et mettre en projets les territoires de la deuxième
couronne pour défi nir des qualités d’une nouvelle
off re de logement péri-urbaine plus proche de la
nature, plus accessible mais surtout plus concentrée
près des bourgs et des villages.
les espaces agricoles, réserves alimentaires vs. réserves foncières
Dans les faits et au-delà des pétitions de principe
sur l'agriculture urbaine, l'espace agricole est mal
aimé et surtout méconnu. Marion Talagrand et
Philippe Coignet analysent les diff érentes situations
métropolitaines de l'agriculture pour mieux
comprendre son fonctionnement, les eff ets spéculatifs
sur les terrains agricoles et les transformations en
cours.
Les politiques et les dynamiques de
remembrement ont conduit les exploitations
à s'agrandir toujours plus. Les fi lières se sont
spécialisées sur les grandes cultures céréalières ou de
protéagineux. Les agriculteurs regroupés au sein de
coopératives vendent l'essentiel de leur production
sur les marchés spéculatifs mondialisés. L'agriculture
s'adapte au marché et à la pression foncière, de
plus en plus mobile. Les espaces agricoles se
déterritorialisent.
Pourtant, cette situation n'est pas une fatalité,
il existe dans la région des lieux de résistance et de
renouveau pour une agriculture reterritorialisée.
Elle émerge à travers la promotion de circuits
courts ou semi-longs, cela passe par des initiatives
de contractualisation entre producteurs et
consommateurs (AMAP, Ruche qui dit oui,
cueillette...). Elles sont parfois soutenues pas des
institutions publiques comme à Villarceaux (95),
Montesson (78) ou encore pour le fameux Triangle
Vert (91).
Cette meilleure connaissance de l'agriculture et
la prise en considération de cette activité comme une
fonction métropolitaine, au sens plein du terme, sont
des points d'appui : pour construire une nouvelle
représentation, y compris cartographique, plus
fi ne de l'agriculture, défi nir des territoires et des
fi lières économiques, et territorialiser l'agriculture à
plusieurs échelles locales, métropolitaines ou extra-
régionales.
fonc
iers
(in)
visb
les/
fonc
iers
(in
)ace
ssib
les
9
les zones inondables, de l'effet domino à l'effet de levier
La constructibilité des zones inondables est
aussi sujette à controverses. Magali Reghezza Zitt
redéfi nit les aléas liés aux inondations en Ile-de-
France; elle distingue 3 niveaux de vulnérabilités
et montre comment la prise en charge du risque,
inéluctable, peut-être un puissant levier pour le
renforcement du fonctionnement de la métropole.
"Th e Big One", l’inondation centennale, est
chaque année de plus en plus probable, elle pourrait
même être plus importante que prévue. Dans le
Grand Paris, l’impact de l’inondation se mesure
au-delà de la zone d’immersion. L’inondation
serait longue, plusieurs semaines avant la décrue, et
stagnante, car produite par la remontée des nappes.
Ce phénomène rsique de mettre en péril les réseaux
souterrains d’alimentation (eau potable, électricité,
gaz...) mais aussi les réseaux de transports souterrains
existants et à venir. Cette rupture probale des réseaux
critiques met en évidence la vulnérabilité de la
région parisienne. Elle impose de penser le risque
d’inondation au-delà du secteur des plus hautes
eaux connues et des PPRI émiettés pour mettre au
point une stratégie de résilience métropolitaine.
Celle-ci peut-être un levier pour l’organisation
des quartiers en bord de Seine, le renforcement de
«l’image » du Grand Paris métropole durable, et le
développement d’une ingénierie du risque appuyée
sur un territoire. C’est-à-dire, par exemple, montrer
comme à New-York, que même sans métro, la
Défense peut rouvrir deux jours seulement après la
catastrophe.
l e s c e n t r e s c o m m e r c i a u x " locomot ives" ou f re ins au renouvellement urbain
Les grandes emprises commerciales sont souvent
identifi ées comme un foncier facilement mobilisable.
Jérôme Legrelle et Nicolas Douce analysent les
possibilités de mutation des fonciers commerciaux
en s'appuyant sur la redéfi nition des proximités
commerciales sous la pression du e-commerce, et
de la saturation du marché. Ils proposent des pistes
d'actions pour organiser le commerce et la grande
distribution à des échelles intercommunales ou
régionales et accompagner la transformation des
sites actuels, à partir d'une réfl exion sur la création
de valeurs. Cet enjeu touche évidemment les grands
centres commerciaux régionaux placés sur les rocades
mais aussi les nationales de sorties de la capitale.
des Sociétés Publiques Locales d'intérêts métropolitains
Trois acteurs de la construction et de
l'aménagement Eric Bérard, Rémi Dorval et Alain
Garès proposent un outil adapté au pilotage politique
et aux échelles des secteurs d'aménagement dans
la région. Il est articulé avec les propositions de
réorganisation de la gouvernance envisagée par Marc
Wiel. La Société Publique Locale (SPL) introduite
par une loi spécifi que concernant les sociétés
d’aménagement de 2006 (création des SPLA),
complétée en 2010 (création des SPL). Cette structure
de droit privé est considérée comme l’extension des
services de la collectivité pour laquelle elle peut être
désignée aménageur, sans mise en concurrence. La
SPL semble particulièrement adaptée pour devenir
la structure opérationnelle de mise en œuvre des
Opérations d'Intérêts Métropolitains (OIM) ou
des Contrats de Développement Territoriaux
(CDT), ou tout autre projet issu d’une coopération
intercommunale ou métropolitaine. Elle doit
disposer de fonds propres suffi sants pour avoir les
moyens d’une politique foncière et immobilière
à l’échelle de ces projets (750 à 2000ha). Dans le
maquis des opérateurs d’aménagement entre les
SEM locales, en concurrence, et les EPA de la région
parisienne, les moyens devront être redéployés selon
les thématiques pour s’articuler avec ce nouvel outil
de l’aménagement. Ces SPL pourraient être le lieu
d’une coopération renforcée entre les acteurs publics
et privés de l’aménagement pour passer d’une
culture de l’aménagement réglementé en ZAC à
un aménagement de projets.
fonc
iers
(in)
visib
les/
fonc
iers
(in
)ace
ssib
les
10
construire plus, le point de vue du groupe 3F
Pierre Paulot (directeur de l'architecture - I3F)
apporte le témoignage d'un bailleur social, quant
aux tendances et évolutions de la construction de
logement social en Ile-de-France. L’action des
bailleurs est une exception française. Ailleurs en
Europe, ce sont surtout les programmes d’aide à
la personne qui sont privilégiés. Ces opérations
de logements interrogent la question des échelles
pertinentes par rapport à la ville. L'adaptabilité et
la mutabilité demandent de la cohérence entre les
structures foncière et de gestion; le contraire d’un
macrolot technique. L’échelle raisonnée de l’opération
est aussi un facteur d’intégration et d’adaptation au
quartier, aux mutations technologiques. La limitation
de la dépendance automobile implique une réduction
de la demande de stationnement, en imaginant que la
programmation et la conception des stationnements
doit être réversible, les hauteurs sous-plafond,
l’intégration en super-structure sont des éléments
déterminants le potentiel de leur mutabilité. La
question des rez-de-ville est primordiale. Elle
participe de l’intégration urbaine des logements.
Même s'ils ne peuvent pas toujours accueillir
commerces ou activités, ils peuvent être l’étage d’une
innovation typologique pour accueillir logements en
duplex, traversants ou transitoires, logements étudiants
par exemple. Enfi n l’acceptation de la construction
des logements sociaux dans tous les quartiers de la
mégapole doit s’articuler avec une réfl exion sur les
outils de représentation de la planifi cation urbaine.
Des PLU en 3 dimensions seront des bons outils de
concertation, de compréhension et d’acceptation du
projet, facteurs clés pour la réussite d’une opération.
Pour assurer la production des 70 000 logements
dont 35 000 logements sociaux, 3F propose de fi xer
aux aménageurs des objectifs de production de
foncier comme indicateurs d’une politique foncière
à l’échelle mégapolitaine.
en conclusion
En promouvant la question du logement,
autrement que comme une question purement
quantitative et exclusivement sociale, on pourra en
faire la question stratégique métropolitaine première.
Dans la démarche du Grand Paris, un certain
consensus a fait, jusqu’à présent, de la question de
la mobilité, la principale question métropolitaine,
celle à partir de laquelle il convenait de décliner
les autres, en particulier en donnant une priorité
à l’urbanisation autour des gares. La question
de la mobilité est évidemment importante tant
économiquement que socialement. Mais elle n’est pas
première car pour l’essentiel, les problèmes résultent
de notre incapacité à résoudre celle du logement,
laquelle renvoie à l’absence de régulation politique
de la dynamique qui tendanciellement modifi e
l’agencement urbain, la disposition spatiale des
ménages et des entreprises.
Or cette dimension stratégique de la question
du logement et son incidence sur toutes les autres
crises entremêlées (économique, environnementale,
gouvernance) n’a pas été perçue. Si bien que pour
démêler le problème contemporain du développement
de l’Ile-de-France on n’a pas tiré le bon bout de la
fi celle, et, en poursuivant de cette façon, on risque
donc bien de nouer encore un peu plus fort le
nœud formé par ces crises multiples. La question
du logement serait depuis toujours une simple
question d’intendance… et non pas d’orientation
stratégique. Le logement, restons sérieux, est
aujourd'hui une question purement locale…. Aussi
est-elle est toujours évoquée comme une question
quantitative, pour laquelle il faut trouver des trous
à boucher (agricoles, friches, terrains inondables
etc…) dans le tissu urbain. Les questions nobles,
vitales, stratégiques, sont à l’évidence les questions
du développement économique et de la mobilité qui
lui est étroitement liée. Nous, nous pensons que c’est
l’inverse, ou plutôt que c’est devenu l’inverse.
quel
s ou
tils
d'am
énag
emen
t?
11
sources David Mangin/Seura
3. rendre accessible les quartiers anciens et nouveaux, aux segments d’activités et de services métropolitains
4. renforcer les transports en commun sur les segments quand le niveau de rentabilité des investissements en infrastructures est atteint.
1. aujourd’hui, peu de grands pôles économiques, une immobilité résidentielle accrue, des déplacements longs pour accéder à l’emploi
2. Une stratégie : créer des pôles d’emplois diversifi és, rattachés à des bassins d’habitat
12
Notre actuelle dynamique des territoires repose
sur quelques données simples. L’Etat, au travers
du schéma d’aménagement de Delouvrier fi t de la
question du desserrement de l’emploi son objectif
stratégique principal. Les villes nouvelles et la
Défense furent les vecteurs de ce desserrement. On
en attendait une moindre pression foncière, et une
gestion de la mobilité moins insoluble. Ce ne fut
pas le cas. L’emploi, en se spécialisant, est resté
relativement concentré - métropolisation oblige -
quand le logement, en se spécialisant également,
se dispersait. La demande de mobilité croissait
naturellement avec le déménagement urbain que
cette dynamique impliquait. Un savant découpage
des départements devait contenir la pauvreté dans
ses murs. Mais tout se dérégla. La bulle immobilière
rendit inaccessible l’ouest aux couches moyennes qui
de ce fait débordèrent de Paris vers les départements
limitrophes les plus populaires (gentrifi cation).
Mais on garda la prétention de concentrer l’emploi
métropolitain sans lui faire payer le coût de cette
concentration. Nous sommes maintenant avec
des territoires qui veulent tous de l’emploi (d’où
l’attente messianique d’un métro supposé distribuer
la manne de l’emploi) mais qui ont une toute autre
attitude vis-à-vis de l’habitat. Soit ces territoires sont
(trop souvent) rétifs à l’accueil de logements nouveaux
(ouest et périurbain), soit ils sont spatialement
bloqués (Paris et une partie de la première couronne),
soit ont des moyens trop limités pour organiser cet
accueil… Blocage à ne surtout pas débloquer par la
seule mobilité facilitée.
Désigner les lieux de la densifi cation où
l’emplacement des nouvelles gares dont il faudrait
urbaniser ou re-urbaniser l’environnement ne
suffi t donc pas. Il faut mutualiser les moyens de
l’aménagement et garantir une cohérence entre
emploi et habitat suffi sante pour ne pas faire de la
mobilité facilitée un vecteur d’incohérence urbaine
aggravée.
C’est ainsi que la question du logement est passée
du statut de question locale à celle, avec l’aménagement,
de question métropolitaine. Certes il faut développer
la contractualisation entre les niveaux territoriaux
mais beaucoup moins entre les communes et l’Etat
qu’entre les intercommunalités et la Région. Et il
faut bien les moyens de la contractualisation donc
un dispositif qui fournit des aides inégales pour
accueillir les logements sociaux (accession et locatif ),
certaines activités prioritairement selon les lieux, et
fournir les moyens de l’aménagement aux terrains les
mieux placés malgré leur coût. Le marché n’opérera
pas ces régulations de lui-même. Les grands plans
viendront avec et après.
Si le pôle métropolitain est la ruse pour empêcher
de créer une règle du jeu nouvelle (ou en limiter
l’importance) susceptible d’activer une confrontation
entre le niveau local renouvelé (intercommunalités
assez grandes pour fédérer le développement des
communes) et le niveau métropolitain (Région
appuyée par l’Etat et non l’inverse), nous aurons tout
simplement compromis l’avenir.
Nous proposons donc d'ouvrir des questions
vives qui demandent surtout de changer de points
de vue sur l'enchaînement des eff ets et des causes
à l'heure de la (dé)croissance. Il faut passer d'un
urbanisme en "ré" (ré-nover, ré-habiliter) vers
des projets en "dé" ((dé)valoriser, (dé)placer, (dé)
fricher...) qui off rent options et processus, et inverser
les priorités. Le "comment faire ?" en période de (dé)
investissements, c'est d'abord cela.
13
sources David Mangin/Seura
(dé)mesures et (dé)croissancesDu bon usage de la rente foncièreDu bon usage de la rente foncièreMarc Wiel Marc Wiel ........15........15Tout ne viendra pas des garesTout ne viendra pas des garesYves Crozet Yves Crozet ........27........27L'aménagement de nos moyens L'aménagement de nos moyens Vincent Renard Vincent Renard ........37........37
15
sources David Mangin/Seurasources David Mangin/Seura
2000 - 2010
Chacun chez soi
1970-2000
le grand «chassé-croisé» /
C.Guilluy
1- desserement vers les
villes nouvelles
2- regroupement familial
dans les cités
3-"gentrifi cation" partielle
de l’Est Parisien
4- «lotissements» de 3ème
couronne
16
comment coordonner les réponses aux crises du logement, de la mobilité, et de la gouvernance ?
Cette crise est grave. Elle n’est pas seulement grave
pour les gens non logés, mal logés, ou qui peuvent
se plaindre du coût trop élevé de leur logement
(comme l’a bien montré les travaux de la fondation
Abbé Pierre), elle est aussi grave du fait de ses
conséquences environnementales. Ce sont en eff et,
au moins partiellement, les mêmes causes qui
provoquent la crise du logement et qui génèrent
une périurbanisation trop émiettée. L’accessibilité
insuffi sante aux logements ou aux emplois de son
choix allonge les temps de déplacements et donc exige
des investissements en infrastructures nouvelles de
transports. Enfi n la majoration du coût du logement
et du coût des transports pour les particuliers aura
pour conséquence pour les entreprises un coût du
travail majoré pour les entreprises ce qui nuira à
l’attractivité économique de l’Île-de-France, et en
déséquilibrera la structure sociale. De même que les
subprimes en Amérique ont déstabilisé le monde,
la non résolution de la crise du logement en Île-
de-France peut déstabiliser l’économie francilienne
et donc probablement aussi, in fine, l’économie
nationale.
La démarche du Grand Paris de ces dernières
années a modifi é chez de nombreuses personnes la
compréhension des problèmes et donc le jeu entre
les acteurs. Son point de départ était juste. En 2008
il fallait eff ectivement développer un peu plus de
préoccupations programmatiques dans le SDRIF et
penser ce dernier un peu plus comme une ouverture
au Monde. Mais très vite la question du transport1,
pourtant très liée à la question du logement comme
à celle de la gouvernance en Île-de-France, a pris le
dessus, s’est autonomisée, et est devenu l’objet fétiche
du renouveau de la région-capitale. Evidemment on
a un problème de transport. 40% des actifs franciliens
habitent à plus de 30 minutes de leur travail et ce n’est
pas la conséquence de la périurbanisation. Il suffi rait
qu’il n’y ait plus que 30% dans ce cas pour qu’il n’y ait
plus de problème de transport, du moins en matière
de congestion2. Trente minutes, ce n’est pas très
ambitieux. C’est déjà une durée très supérieure à la
moyenne des temps de trajet pour aller au travail en
province… Mais ceci n’est pas possible fi nancièrement
en donnant une totale liberté de s’installer où chacun
veut, puis de chercher à mieux desservir les ménages
et entreprises en transport collectif. Il convient de
concevoir des mécanismes d’incitation, de régulation,
mieux « intégrés » entre le transport et l’urbanisme.
Il faut donc comprendre la démarche développée ici
comme susceptible de faire baisser et non augmenter
la demande de déplacements3. Or elle passe par une
autre politique des déplacements et par une réforme
suffi samment radicale du fi nancement du logement
et de l’aménagement.
On ne retient trop vite de cette crise du
logement que les prix des logements sont élevés
parce que la production de logements nouveaux est
insuffi sante (on produit eff ectivement en gros un
peu plus de la moitié des besoins) et cela du fait
(théoriquement) du manque de terrains constructibles
1. Le Grand Paris, sortir des illusions, approfondir les ambitions, par Jean Pierre Orfeuil et Marc Wiel, éditions Scrineo 2012
2. Il resterait en eff et à garantir un niveau de service plus satisfaisant sur de nombreuses relations encore mal desservies par les transports collectifs3. cf.contribution de Yves Crozet
Du bon usage de la rente foncière.Marc Wiel
17
et qu’il faut donc encourager la densifi cation autour
des futures gares pour les uns ou mieux organiser
la périurbanisation pour les autres. Je pense que
le diagnostic est incomplet et oublie de se référer
suffi samment à la formation de la rente immobilière
(qui se répercute sur la rente foncière) et qui empêche
l’accession normale à la propriété des primo accédants.
Si nous réintroduisons la rente immobilière dans la
compréhension du fonctionnement du marché du
logement (en la prenant comme une cause et non plus
que comme une conséquence) on peut comprendre
comment le système institutionnel actuel n’est pas
adapté à la résolution de cette crise, car il ne met pas
spontanément en place le système de redistribution
spatiale de l’argent public nécessaire pour contrarier
les méfaits de cette rente immobilière, donc la
pénurie immobilière, une demande excessive en
déplacements, la ségrégation, l’atonie de l’emploi,
etc….
comprendre la contribution de la formation de la rente immobilière à la crise.
Les travaux de Jacques Friggit ont montré que,
en marché stabilisé (la précision est importante
et signifi e que l’approche suivie est délibérément
macroéconomique et non microéconomique), le
prix moyen des logements suivait les revenus des
habitants de la même unité territoriale formée par
ceux qui partagent, en gros, les mêmes emplois.
Je pense que nous n’avons pas tiré tout le profi t de
cette « découverte »… fi nalement assez triviale. Les
logements sont plus chers dans les agglomérations
dont les habitants sont plus riches. Cela veut dire que
dans deux agglomérations diff érentes les gens n’ont
pas des modes de vies assez diff érents les uns des
autres pour ne pas consacrer (en gros et en moyenne)
la même part de leur revenu à leur habitat plutôt
qu’à d’autres usages ou à d’autres consommations…
Cela parait marqué au coin du bon sens. Cela veut
dire que, si le marché fonctionne normalement,
n’est pas trop contraint pour une raison ou pour
une autre, les prix du logement résultent plus d’une
approche macro économique que microéconomique.
Il peut y avoir pénurie de logements, ce n’est pas
elle qui fera montrer sensiblement les prix. Dans
un marché dit « stabilisé » (sans à coup notoire en
matière démographique ou sur le plan de l’emploi)
la hiérarchie du parc de logement fera que les
moins fortunés occuperont les logements les moins
convoités et s’il en manque, ceux qui ne sont pas
à la rue cohabiteront plus tardivement chez leurs
parents où s’entasseront un peu plus… C’est la raison
qui justifi e des logements sociaux dont la fonction
sera de donner à ces ménages un habitat décent (et
dont le jeu du marché n’induira pas spontanément
la construction). Les travaux de la fondation Abbé
Pierre sont explicites et ne font pas l’erreur d’imputer
le prix des logements à la pénurie. Car en tout état
de cause les ménages les moins fortunés, condamnés
à se serrer la ceinture, ne seront jamais assez riches,
même s’ils sont nombreux pour interférer dans la
compétition des plus riches pour l’espace et peser sur
les prix à l’achat des logements de ces plus riches. Il
ne leur restera que la voie (la voix ?) politique pour
s’exprimer. On ne peut comparer le marché d’un bien
durable, non déplaçable et qui obéit à une sélection
hiérarchique entre les catégories sociales, à un marché
d’un bien non durable, déplaçable, et rigoureusement
interchangeable entre ses utilisateurs (par exemple
des fruits).
Bien que ce raisonnement macroéconomique
soit imparable l’opinion se réfère naturellement
au raisonnement microéconomique habituel4.
L’absence d’un nombre de logements suffi sants5
expliquerait le prix des terrains et des logements.
Cette mauvaise lecture n’est pas sans conséquence.
Elle va privilégier une approche physique des
problèmes d’urbanisme et empêcher d’intégrer une
approche fi nancière6. D’où un déploiement du zèle
4. Le raisonnement microéconomique reste utile pour comprendre par exemple l’écart entre le montant des loyers privés et celui des loyers publics par exemple, ou pour expliquer comment les ménages arbitrent entre la qualité de l’accessibi-lité et l’environnement social du logement.5. Pénurie bien réelle comme l’a fort bien mis en évidence la fondation de l’abbé Pierre.6. Cette diffi culté ne résulte pas seulement d’une ignorance économique. Elle correspond implicitement au rejet d’une marchandisation excessive des sols. Le sol comme l’air et l’eau sont estimés des biens communs. La rente immobilière est associée à un enrichissement sans cause et la concentration urbaine comme
un moyen commode de s’enrichir individuellement (spéculer). Entre le statu quo qui rechigne à égratigner le droit inviolable à la propriété et le principe de
18
à trouver des terrains à urbaniser et un manque
de zèle suffi sant pour mettre en œuvre de circuits
fi nanciers nouveaux en particulier pour mutualiser
le coût de l’aménagement des opérations jugées
les mieux placées… C’est ce déplacement de
l’analyse que nous voudrions opérer ici pour rendre
possible un déplacement de l’action collective. Il faut
des terrains certes mais il faut surtout de l’argent
pour équilibrer un nombre suffi sant d’opérations
suffi samment bon marché pour accueillir une
diversité de type de logements. Donc il faut savoir
à qui prendre cet argent, comme il faut savoir à qui
le donner prioritairement et sous quelles conditions.
Alors seulement commencerons-nous à sortir de
l’incantatoire. Cela va amener à concevoir plus
fi nement qu’actuellement une territorialisation des
aides au logement et à l’aménagement, corrigeant ce
que les dynamiques de marché ne pourront jamais
corriger d’elles mêmes. Pour l’instant la mobilité
sert de seule variable d’ajustement et donc fi nit par
majorer quand même la demande d’investissement
public, car son effi cacité n’est que temporaire, les
ménages et entreprises se relocalisant et re-saturant
les infrastructures. Nous resterons dans l’impuissance
tant que les communes qui ont simultanément à la
fois les terrains et l’argent pour les équiper ne seront
pas assez nombreuses pour construire à la place des
« autres communes ». Ces autres communes sont
celles qui ont l’argent mais pas les terrains ou les
terrains mais pas l’argent. C’est même pour cette
raison que l’on a inventé l’intercommunalité il y a
plus de cinquante ans, laquelle ne s’est développée
suffi samment qu’en Province. En Ile-de-France il
faut inventer les circuits fi nanciers de substitution à
ce retard institutionnel. C’est ce qui permettra par la
suite le comblement de ce retard.
Finalement, le raisonnement macro économique
est pertinent pour expliquer la valeur et l’évolution
moyenne de la rente immobilière (ce que la valeur
d’un bien doit à son contexte, à sa localisation)
dans chaque grand secteur de la Région, alors que
municipalisation des sols il peut y avoir de nombreuses positions intermédiaires. Mais on ne les trouvera et les légitimera que si on ne surestime pas l’aptitude du marché à réguler de lui-même le processus, si on ne continue d’ignorer que le manque logement est une résultante logique, à défaut d’être normale, mais du droit de propriété dans une société aussi nombreuse que disparate socialement.
le raisonnement microéconomique permettra lui
d’expliquer surtout comment s’ajuste les localisations
résidentielles au sein de ces mêmes grands secteurs.
Le raisonnement microéconomique est plus pertinent
pour expliquer, comme pour une agglomération de
province (dont le marché sera naturellement par sa
plus faible taille suffi samment unifi é) les écarts à cette
moyenne dans chaque grand secteur. En donnant
assez de place au raisonnement macroéconomique
on comprend que c’est le mécanisme de la formation
de la valeur de la rente immobilière, et l’inertie de
son évolution, qui amplifi e la pénurie de logement
et non l’inverse. Dés lors on peut aussi comprendre
que la périurbanisation éparpillée est très diffi cile à
contrarier même si on construit assez de logement
au total. On ne la limitera seulement, que si l’on off re
une alternative fi nancière aux ménages pour qu’ils
ne se péri-urbanisent pas, et si, en même temps, on
ne favorise pas les déplacements habitat travail (en
voiture comme en transports collectif ) au même
niveau que les déplacements interurbains. De même
on comprendra mieux, comme nous le verrons ci-
après, l’impact négatif de la bulle immobilière sur
l’ensemble de la dynamique spatiale d’aménagement
(spécialisation sociale et fonctionnelle plus forte,
alourdissements fi nanciers de toutes les politiques
publiques correctrice des choix de localisation
des particuliers). Approfondissons donc d’abord
la notion de formation de la rente immobilière
(pourquoi les prix ne dépendent pas de la pénurie) et
examinons ses méfaits, car cela va nous mettre sur les
pistes des circuits fi nanciers à inventer.
les composantes de la rente immobilière moyenne et en un lieu.
Comme J. Friggit l’a judicieusement montré, un
logement aura un prix au mètre carré proportionnel
aux ressources des ménages d’un grand secteur
de la région (de l’ordre, en échelle d’espace, aux
départements actuels de première couronne). Ce
rapport n’est pas intangible ; il peut varier dans la
longue durée et donc lentement, soit parce que le
coût proprement dit de la production des logements
se renchérit ou soit parce que les franciliens modifi ent
19
leur structure de consommation (par exemple
préfèrent partir plus en vacances que dans d’investir
dans leur habitat). Mais ces deux raisons ne vient pas
brusquement et ne peuvent expliquer l’envolée des
prix du logement de la dernière décennie.
Plusieurs facteurs peuvent venir perturber cette
belle corrélation prix /revenus qui voudrait que le
prix au m2 francilien ne refl ète que l’écart de revenu
moyen entre l'Ile-de-France et la Province
La conjoncture économique mondiale pourra
inciter certains ménages (ou certains grands
investisseurs mais ce n’est pas le cas semble-t-il) à
plus investir dans l’immobilier (acheter plus grand
ou mieux placé pour leur propre usage ou pour
louer malgré le relativement faible rendement de
la location) du fait qu’on craint l’évolution de la
bourse. Ce souci de placement fi nancier peut plus
aff ecter l’Île-de-France et/ou certains territoires dans
l’Île-de-France. La facilité du crédit peut amplifi er
ce comportement. On rentre alors dans une bulle
immobilière momentanée mais plus ou moins longue
selon la conjoncture mondiale et l’attractivité de la
bourse. Apparemment la décrue s’est fait attendre
mais elle a commencé, tout en étant encore très loin
des prix du point de référence d’avant bulle (1998).
Dans le même esprit, une attractivité touristique
supplémentaire peut venir ajouter à une demande
d’habitat supplémentaire à celle émanant des
personnes qui travaillent dans la région. De façon
générale les secteurs les plus convoités subiront
plus nettement que les autres les eff ets de la bulle
immobilière.
Ces trois composantes (revenus des ménages,
attractivité touristique et conjoncture favorable au
placement dans l’immobilier )7 forment l’essentiel
de la valeur moyenne de la rente. Il y a une dernière
7. Qui aff ectent diff éremment les territoires. Pour affi ner notre propos on ajoutera les processus de valorisation de certains secteurs dont la logique ne peut totalement être assimilée à une logique de placement boursier. La Seine Saint Denis et le Val de Marne, par exemple, ont connu un rattrapage du ratio prix sur revenu des appartements qui renvoie à la logique spatiale du processus de gentrifi cation (débordement des couches moyennes supérieures sur la frange des communes limitrophes de Paris, et au dynamisme économique des certains territoires de ces départements qui, dans la décennie récente ont accueillis plus de construction neuves que les autres).
composante, très minoritaire sur le total mais qui
(hors bulle immobilière, par exemple en 1998) fait
la diff érence entre Paris et la province. Elle est liée
au fait que dans une très grande agglomération, une
trop forte discordance entre le parc de logement et
les emplois là où les emplois sont les plus concentrés,
comme c’est le cas en Île-de–France dans l’ouest
parisien et son prolongement sur les Hauts-de-
Seine, va simultanément allonger les trajets habitat
travail et majorer la rente immobilière.
Au total nous voyons bien que la rente immobilière
moyenne n’a pas besoin de la pénurie pour être
expliquée. La rente immobilière commandant
l’existence de la rente foncière8. la périurbanisation
ne sera réductible que si le péage routier a un rôle
dissuasif et surtout si quelqu’un fi nance la rente
immobilière des espaces agglomérés au profi t des
nouveaux accédants. A défaut nous aurons, comme
actuellement, à la fois beaucoup de périurbanisation
et une production de logement insuffi sante du fait
que cette périurbanisation n’est pas le projet de tous.
Certains y renonceront en acquérant dans l’ancien
ou en restant locataires plus longtemps. C’est cette
situation, installée depuis plusieurs décennies, que la
bulle immobilière vient durcir.
La rente en un lieu s’écartera de la moyenne d’un
grand secteur selon les écarts d’accessibilité, le souci
de pouvoir rester « entre soi » de la part de certaines
catégories sociales, ou des préférences manifestées
pour bénéfi cier de ce qu’on appelle généralement les
aménités urbaines et qui recoupent le plus souvent
ce que les urbanistes appellent la qualité urbaine ou
l’urbanité.
Naturellement la représentation courante de la
formation de la rente immobilière se fera à partir
de la petite échelle comme s’il s’agissait d’une
agglomération de province dont le marché est
naturellement unifi é en raison de sa petite taille.
On dira que la rente immobilière enregistre donc
des avantages relatifs aux aménités urbaines. Que la
collectivité doit payer des terrains qu’elle a contribué
à valoriser. C’est plus vrai à l’intérieur de chaque
8. Au travers la méthode dite du calcul à rebours.
20
grand secteur de l’Ile-de-France mais moins vrai
entre les secteurs de l’Ile-de-France. La diff érence
entre les secteurs va surtout venir du fait que l’habitat
et les emplois des riches s’attirent mutuellement et
que le logement comme « placement » n’a pas le
même intérêt partout. Il faut donc une régulation
qui contrarie et encadre le jeu des marchés à la
grande échelle, c’est à dire à l’échelle régionale, et
qui complète les dispositifs purement réglementaires
(comme la défi nition du droit des sols). Il faut une
péréquation fi nancière métropolitaine qui n’est pas
inscrite dans la structure institutionnelle actuelle. Au
contraire le dispositif institutionnel actuel encourage
le processus de blocage de l’urbanisation. Il y a bien
un dispositif métropolitain pour gérer la mobilité
mais pas de dispositif métropolitain pour corriger
les inconvénients des logiques de localisation des
investisseurs (ménages ou entreprises). Le Grand
Paris doit inventer le dispositif capable de
contrarier ce déséquilibre. C’est ce déséquilibre
qui nuit fi nalement à l’attractivité économique de
la région. Nous vivons encore sur le mythe que le
transport est aff aire collective et l’habitat aff aire
locale. C’est pour cela que crise de la mobilité, du
logement et de la gouvernance sont étroitement
imbriquées.
les méfaits de la rigidité à la baisse de la rente immobilière.
Le méfait principal sera d’abord de renchérir les
politiques publiques compensatoires de nos choix
de localisation : déplacements, habitat social, aides à
l’accession, politique de la ville, besoins nouveaux en
équipements de proximité, restauration des espaces
publics, politiques foncières etc….
L’inélasticité de la rente immobilière à la pénurie
locale et sa grande sensibilité à la conjoncture
internationale aura pour eff et d’amplifi er la
concentration ou la dispersion de certains emplois
et de certains logements. Ce simple eff et spatial
renforcera le coût des politiques publiques de
déplacement.
Prenons un exemple. Dans la situation actuelle
on subventionne (de diverses façons) un emploi
supplémentaire à la Défense sans lui faire payer ce
qu’il induit en transport ou, via la majoration de la
rente immobilière, ce qu’il coûte en logement sociaux
supplémentaires. Il y a par exemple 40% de plus de
logements sociaux en Île-de-France qu’en province
(proportionnellement à la population) alors que les
franciliens sont 40% plus riches que les provinciaux.
La rente immobilière en empêchant l’accession à
la propriété, sans que les investissements en locatif
privé le compensent, crée le besoin de plus de locatifs
sociaux. On pourra conduire un raisonnement
analogue pour la politique de la ville.
L’excès de concentration d’emploi (par rapport
à l’habitat proche) ne va pas impacter que la
demande de déplacement, mais aussi le besoin
de logements sociaux ou de crédits publics pour
la politique de la ville, ou encore pour éponger les
défi cits d’aménagement de nouvelles opérations
d’urbanisme9. On retrouve d’ailleurs de cette façon
l’intuition de l’urbaniste Bernardo Secchi d’éviter
l’excès de concentration (à la grande échelle) de
certaines polarités d’emploi en cherchant plus à
susciter des centralités disposées linéairement, sur
un réseau de transport maillé, lui même pas trop
hiérarchisé.
comment assurer une production suffi sante de logements et contrarier les méfaits du mode de formation de la rente immobilière?
Nous examinerons successivement, comment
fi nancer l’accession à la propriété et sous quelles
conditions, et comment fi nancer l’urbanisation
(donc l’aménagement) puis les dimensions
politiques de ces mesures. Nous n’examinerons pas la
9. Et pour cette raison j’ai proposé (cf .op.cité) le principe général (qui réclamera beaucoup de temps à se mettre en place car on ne bouleverse pas d’un coup les habitudes prises, fussent elles critiquables) de taxer le choix de loca-lisation en proportion des couts des politiques publiques induits par ces choix de localisation. Cette perspective de long terme pourrait contrarier les eff ets pervers de l’actuelle organisation institutionnelle. Celle-ci, par construction en quelque sorte, organise tout un système de péréquation qui revient à faire payer les renchérissements de politiques publiques à ceux qui n’en sont pas la cause mais parfois les victimes
21
sources M.Wiel
POLITIQUE DES MOBILITESEffets négatifs dans la durée, des surinvestissements routiers rapides et des sous investissements TC de proximité en périphérie des décennies antérieures. Tarifi cation des TC et absence de péage encourage la périurbanisation
POLITIQUE D’URBANISMEParti spatial (ville nouvelle+
Défense) devenu inadapté à gouvernance (décentralisation). Planifi cation ineffi cace car trop réglementaire et pas assez pré
opérationnelle ni cohérente avec la fi scalité.
CONTEXTE GENERALMondialisation + fi nanciarisation = délocalisation + métropolisation +tertiarisation +… 2 bulles immobilièresModes de vies : plus d’autonomie et plus d’individualisme = plus de concurrence et moins de sécurité qui infl uent sur les comportements
Localisations non maitrisées ni régulées fi scalement…provoquent:- une crise du logement (prix/confort) -une crise de la mobilité (temps, cout, confort)…réagissant sur l’attractivité (coût du travail, qualité résidentielle) de la métropole pour des politiques publiques correctrices des choix de localisation (habitat, transport, foncier, politique de la ville environnement, etc..) plus coûteuses et moins performantes
POLITIQUE D’AMENAGEMENT ET DU LOGEMENTPas de régulation fi nancière métropolitaine pour avantager les opérations spatialement opportunes dans un contexte de rente immobilière croissante qui contrarie la dimension sociale des politiques du logement (locatif et accession).Pas de mesures anti rétention foncières et un régime des participations pouvant contrarier les exigences de diversifi cation de l’habitat. Déconnexion de l’aide à l’accession sociale et des localisations, au contraire PTZ péri-urbanisant
GOUVERNANCEDécentralisation inadaptée à Île-de-FranceCrise du leadership métropolitain (Paris, Region, Etat)Communalisme récurrent.Intercommunalités insuffi santes (bridées par l’existence des départements en première couronne). Organisation transport trop concentrée/Organisation aménagement trop émiettée.
22
question du fi nancement du logement social, qui est
certainement aussi un problème important mais dont
les supporters sont déjà à notre avis assez nombreux
pour ne pas nous intéresser spécifi quement à ces
problèmes. Il en est de même de ce que nous appelons
classiquement la politique foncière qui appelle des
mesures nouvelles permettant des anticipation dans
l’acquisition des sols (portage foncier) et des mesures
fi scales associée (dissuasion de la rétention foncière).
comment fi nancer l’accession à la propriété des primo accédants?
L’Etat est pour l’instant le principal fi nanceur.
Les mesures contenues dans le bouclier fi scal (lors du
mandat présidentiel précédent) ont fait long feu. Les
entreprises y contribuent également (un peu) via le
1%. L’Etat a dans le passé surtout toujours voulu faire
« du chiff re » (maximiser le nombre de logements
construits à l’échelle nationale) ce qui veut dire que
ses aides à l’accession donnaient surtout priorité à
l’emploi dans le bâtiment. Le PTZ s’accordait bien
avec cet objectif. Il a alimenté la périurbanisation.
Après le Grenelle il serait judicieux de raisonner
diff éremment. La périurbanisation n’est pas un
mal en soi10 mais exige (pour l’avenir) qu’elle soit
mieux encadrée, surtout si les autres solutions pour
construire en zone agglomérée sont jugées trop
coûteuses ou insuffi samment effi caces eu égard aux
préférences des ménages. Et même dans ce cas on
n’aidera que les secteurs périurbains susceptibles de
permettre aux ménages dans le futur de s’adapter plus
facilement aux problèmes énergétiques de demain.
Même si l’Etat, depuis quelque temps, concentre
plus ses aides sur l’Ile-de-France,, on ne doit pas trop
compter sur l’Etat. Outre son incapacité fi nancière
durable l’Etat représente une solidarité fi nancière
province /Ile-de-France qui n’a sans doute pas lieu
10. Eric Charmes défend l’idée que le sort du développement de l’Ile de France est peut-être au delà de la Francilienne. Il veut rappeler que ces territoires font partie de la métropole et peuvent légitimement réclamer de pouvoir améliorer leur organisation. Mais nous avons changé d’époque et leur contribution au déve-loppement de l’Île-de- France dépendra beaucoup de l’impossibilité politique et fi nancière de prévoir ce développement dans d’autres territoires. Ceci dit il a raison de signaler qu’il serait dommageable de le laisser croire si ce n’est pas vrai. La mesure fi nancière des objectifs de resserrer un peu l’urbanisation sur l’agglomération parisienne actuelle doit être vérifi ée.
d’être ici. Les franciliens doivent, selon moi, fi nancer
les aides à l’accession à la propriété qui les concernent.
Qu’est ce qu’est devenue l’accession à la propriété ?
Un droit d’accès à la rente immobilière. C’est doute
pour cela que les nouveaux accédants continuent
à s’endetter de plus en plus malgré les prix. On
peut alors penser que le club11 des bénéfi ciaires
de la rente immobilière puissent autofi nancer
son élargissement. On taxerait la progression de
la rente immobilière des propriétaires12 (et non les
plus values qui supposent transaction) dépassant un
seuil de revenu imposable, proportionnellement à la
progression de la rente immobilière moyenne dans
le secteur considéré de la région. Pour les logements
achetés avant 1998 la progression de cette rente
démarrerait à cette date et s’il est acheté après
1998 la progression partirait de la date d’achat. La
progression de la rente viendrait rendre possible
l’extension du nombre de propriétaires. Au-delà des
aides que l’Etat met déjà dans la primo accession, on
peut imaginer l’existence d’un fonds qui collecte des
ressources auprès des propriétaires franciliens et les
redistribuent auprès des primo accédants dans le but
de leur permettre de diff érer le remboursement de la
part du coût du logement qu’ils achètent, expliquée
par sa localisation. Ainsi réduirait-on l’obligation de
se péri-urbaniser sans en empêcher la préférence. A
la limite (dans certains cas) le fonds serait remboursé
à la revente du bien ou à sa transmission aux héritiers.
L’Etat pourrait d’autant mieux concentrer ses
moyens sur l’aide au locatif social. Ce fonds pourrait
être géré en collaboration avec les représentants
des associations de propriétaires (analogie avec le
dispositif de fi nancement de l’ANAH).
Toutefois cette aide rendant possible le diff éré
du fi nancement de la rente immobilière par les
primo accédants devrait n’être distribué de façon
prioritaire qu’aux candidats à des opérations dont
la localisation et le programme sont optimales pour
rapprocher emploi et actifs. Chaque sous territoire
11. Le fi nancement de l’ANAH obéit déjà cette logique12. Rappelons les chiff res établis par Joseph Comby qui évalue à 500 milliards d’euro (France entière) le montant de la valorisation des biens immobiliers liés à la bulle depuis 19998. Si cette bulle se dégonfl e le besoin de fi nancement diminue ‘et des moyens plus classiques devraient suffi re.
23
représentatif de la conception de l’Etat et de la
Région de ce que devrait être les périmètres futurs de
l’intercommunalité aurait un objectif de logements
neufs à construire suivant son contexte en matière
de déplacement et le déséquilibre entre les emplois
de son territoire et l’habitat de son territoire. La
possibilité pour une opération publique ou privée
d’être labélisée comme susceptible de recevoir ces
prêts serait à la base d’une négociation globale entre
les promoteurs et la Région (ou l’autorité régionale
du logement).
comment fi nancer l’urbanisation ?
L’autre volet de mes propositions concerne
la création d’une contribution régionale à la
diminution de la charge foncière des opérations pour
faciliter la diversifi cation des programmes d’habitat
ou la relocalisation d’entreprises.
Une autorité régionale cogérée par la région
et les intercommunalités distribuerait des moyens
fi nanciers pour permettre aux opérations privées
ou publiques plus coûteuses mais bien placées de
pouvoir accueillir un programme socialement et
fonctionnellement diversifi é. Ces moyens fi nanciers
proviendraient de plusieurs sources.
L’Etat pourrait y contribuer pour pouvoir en
contrepartie faire valoir son exigence de localisation
privilégiée des logements locatifs sociaux dans
l’utilisation de ce fonds.
Les entreprises (contrairement au fond
précédent dont les moyens émanent des ménages),
dont la localisation renchérit par leur excès
de concentration les politiques publiques des
collectivités, verraient leur taxation locale majorée
(par exemple le Versement Transport). On peut aussi
l’indexer sur la longueur des trajets des salariés
(cf la proposition de Jean Pierre Orfeuil). Il s’agit
d’inciter les entreprises à bien se localiser pour
minimiser l’élévation de la rente immobilière ou
plus généralement compenser le coût public qu’elles
induisent. Cet argent pourra pour partie faciliter la
relocalisation des entreprises en comblant le défi cit
d’opérations ciblant des activités. Les représentants
des entreprises participeraient à la gestion de ce fonds
que l’on pourrait appeler « fonds de mutualisation des
défi cits des opérations d’aménagement ».
L’autre source de fi nancement de ce fonds
proviendrait des collectivités locales (communes,
intercommunalités et départements) qui ne
construisent pas suffi samment (qu’elles ne le veulent
pas ou qu’elles ne le peuvent pas) par rapport à des
objectifs assignés qui intégreraient la réduction des
discordances locales (à moins de trente minutes) entre
emploi et parc de logement. On considérerait qu’un
pourcentage de la DGF est aff ecté à cette mission
collective d'accroître l’ensemble du parc de logement
et de repositionner l’emploi. Les communes qui y
contribuent suffi samment ou dont le potentiel fi scal
est trop faible (après péréquation) seraient exonérées
de cette contribution. Les autres alimenteraient ce
fonds à concurrence de la part de DGF supposée
répondre à cet objectif commun. Il servirait à
compenser les défi cits des opérations qui, bien que
bien placés dans certains cas mais aussi parce qu’elles
sont bien placés dans d’autres cas, sont plus coûteuses
à monter du fait de la rente foncières locale, de besoin
de dépollution ou d’accès à des réseaux techniques.
La région optimiserait l’allocation des ressources de
ce fonds aux diverses opérations candidates.
Il nous paraîtrait judicieux d’accompagner cette
facilité nouvelle pour monter des opérations par un
changement d’optique concernant les participations
justifi és par les dépenses liés les équipements de
proximité. On peut imaginer que ces équipements
de proximité relèvent du fi nancement normal, c'est-
à-dire par les contribuables des communes ou des
intercommunalités13 dont font partie ces opérations.
Il faut surtout que les collectivités puissent dans
ce cas emprunter à long terme. Il s’agit de ne pas
hypothéquer la capacité de négocier la diversité des
types d’habitat avec les promoteurs par des exigences
de charge foncière trop élevée. Le projet d’agence
pour le fi nancement des projets à long terme des
13. Cf les analyses de Joseph Comby consultable sur : www.comby-foncier.com et en particulier son article intitulé « qui doit payer l’urbanisation? ».
24
collectivités en facilitant la prise en charge fi nancière
des équipements de proximité devrait faciliter un
assainissement des relations public/privé.
Des territoires seraient aidés de cette façon pour
accueillir plutôt de l’emploi14, d’autres pour accueillir
plutôt de l’habitat. Ces aides rendraient possible les
opérations les plus utiles collectivement dans une
approche intégrée c'est-à-dire prenant le contre pied
de la solution d’investir toujours prioritairement
dans l’amélioration de la mobilité.
Néanmoins cette reforme ambitieuse pourrait
devenir aussi un puits sans fond pour les collectivités
si les relations entre les propriétaires des terrains
et la puissance publique n’étaient pas également
assainie. Il conviendrait de mettre en place des
mesures minimales pour empêcher la rétention
foncière (et reconstituer des réserves foncières).
Diverses mesures pourraient y pourvoir (exemple
de la taxe sur le foncier non bâti) et nous n’avons
pas de raison d’en préférer plus l’une plus que l’autre.
Mais cette rétention étant supposé réduite il faudra
également pouvoir conduire avec les propriétaires
privés des négociations sur la base de ce que les
professionnels du foncier appellent « le compte
à rebours ». La valeur d’un terrain se déduit d’un
calcul qui tient compte d’un prix de vente possible
des biens construits diminués d’un certain nombre
de sujétions diverse (dépollution, raccordement à
des équipements, marges bénéfi ciaires, taxes, coût
de construction etc...). Contrairement à l’immobilier
où les transactions eff ectués récemment aux alentour
sont un repère intéressante, deux terrains ne peuvent
pas prétendre avoir la même valeur du fait de
leur localisation avant de savoir le programme de
construction visé. Cette situation est indéniablement
un facteur de blocage (ou de ralentissement) de
l’urbanisation. Les propriétaires peu pressés de
vendre se refuseront souvent de raisonner par la
méthode du compte à rebours. Si on les rend plus
pressés de vendre d’une manière ou d’une autre, il
faut simultanément les avertir assez tôt de la vraie
14. Les opérations nouvelles d’habitat devront certes intégrer des activités mais se feront plus couramment sur des zones d’activités parfois partiellement en
friches et où certaines activités nécessiteraient redéploiement
valeur de leur bien (selon le programme). Cela veut
dire également que la défi nition du droit du sol
devra éclairer les variantes de programme possible,
au moins sur certains secteurs stratégiques, pour
pouvoir annoncer l’ordre de grandeur du prix
envisageable. La planifi cation urbaine doit donc
incorporer des préoccupations pré-opérationnelles
et rendre possible de travailler avec les représentants
des propriétaires pour clarifi er les données de la
transaction à faire aboutir pour pouvoir construire.
les dimensions institutionnelles de ces propositions.
C’est l’ensemble du fi nancement de
l’urbanisation qu’il nous faut reconstruire pour
débloquer la situation parisienne sans rêver à des
projets de transports trop lourds fi nancièrement mais
inappropriés à la réalité des raisons du blocage de
l’urbanisation. Les pistes suggérées ici réclameraient
des simulations fi nancières à l’échelle régionale, car ce
sont elles qui en défi nitive crédibiliseront la nécessité
de plus ou moins s’appuyer sur une périurbanisation
mieux organisée pour éviter de continuer de bloquer
l’urbanisation de l’Ile-de-France comme cela se fait
depuis plusieurs décennies. La quantité d’espace
constructible dans les Plu, comme le montant des
investissements transports ne sont plus les bonnes
variables à utiliser pour le savoir.
Cette recomposition du fi nancement
de l’urbanisation accompagnera la reforme
institutionnelle qui fait actuellement l’objet des
réfl exions en cours dans le cadre de l’association Paris-
Métropole. Contrairement à la province, en Île-de-
France, le développement de l’intercommunalité, qui
est certes indispensable, ne sera pas suffi sant pour
débloquer l’urbanisation. En Province la commune
est le local et l’intercommunal le métropolitain.
En Île-de-France, la commune est le micro-
local et l’intercommunalité est elle ce que nous
désignons par le local en province. Même grosse
l’intercommunalité pourra faire du localisme, c'est-à-
dire, parfois, jouer contre l’intérêt métropolitain. On
a bien besoin d’un pouvoir métropolitain régulateur
25
qui suppose évidemment une bonne collaboration
entre l’Etat et la Région. Mais on peut concevoir
ce pouvoir métropolitain plus comme travaillant
avec les intercommunalités (même grandes pour
devenir plus effi caces) que contre elles. C’est sans
doute l’intérêt d’un cheminement suffi samment
lent de la réforme institutionnelle (à laquelle Paris
Métropole réfl échit) afi n de mettre en place des
pratiques de collaboration entre les institutions
avant de concevoir une nouvelle répartition des rôles
de chaque niveau institutionnel.
Il est nécessaire de disposer de deux scènes de
négociation, articulées entre elles, rassemblant les
collectivités locales. La première (le pouvoir local
en voie de constitution) rassemble les communes et
les intercommunalités correspondant aux bassins
d’emplois locaux (de l’ordre de la moitié des
départements de première couronne). Le deuxième
(le pouvoir métropolitain, actuellement déséquilibré
par la priorité accordée au transport) devra préciser
les objectifs quantitatifs et quantitatifs de départ
pour chaque bassin d’emploi local (un secteur de
la Région où l’ambition sera de relier tous les lieux
d’emplois et tous les actifs résidents en moins de 30
minutes en TC, et donc des territoires plus petits
que les départements de petite couronne). Les
collectivités de ces bassins précisent leurs besoins
fi nanciers pour mener à bien ces objectifs. Suivant
les moyens dont le pouvoir métropolitain disposera,
ce pouvoir optera pour aider sélectivement chaque
bassin d’emploi local (qui aura un jour vocation à
devenir le territoire d’une communauté urbaine).
On peut imaginer que ne disposant pas d’assez
de moyens pour hisser la construction neuve
dans la partie agglomérée de l’Île-de-France, elle
puisse décider de soutenir une périurbanisation
mieux canalisée, n’exigeant pas d’investissement
de transport trop coûteux. La région sera alors en
mesure de montrer les conséquences à terme de
l’insuffi sance des fi nancements et éventuellement
susciter la révision à la hausse des contributions
fi scales réclamées à chacun.
Nos propositions tendent à montrer la nécessité
d’avoir le schéma d’aménagement de nos moyens
et non l’inverse. Il faut eff ectivement partir du
projet pour mieux planifi er, mais exclusivement du
projet «fi nançable», ce qui exige de savoir qui paye,
en partant des ressources limitées des collectivités.
Sinon la vision à long terme et les moyens à court
terme ne se rejoindront jamais. Or il faut cet exercice
pour que le fi nancement de l’urbanisation soit
reconnu comme une priorité collective. Sinon les
égoïsmes locaux seront les plus forts et se pareront
de la dernière idéologie à la mode pour justifi er de
ne pas participer à l’eff ort collectif.
26
Idées clés :
- la formation de la rente immobilière
moyenne dans une partie d’une grande
métropole est mieux expliquée par une
approche macroéconomique. Elle est liée à trois
composantes: au contexte économique aux
revenus des ménages, et l'accessiblité du bassin
d'emploi. Cette dernière composante est plus
importante en ile de France . C’est le niveau élevé
de la rente qui engendre la pénurie de logement
et non l’inverse.
- une primauté excessive des investissements
public pour une mobilité rapide renforce
l'attractivité de certains territoires mais ne
compense par d’autres investissements publics
dans l’aménagement, elle renchérit l’ensemble
des politiques publiques. Il vaut mieux réserver
la vitesse à certains fl ux métropolitains plutôt
qu’a l’ensemble des pendulaires
- la régulation optimale de l’agencement
urbain passe par le croisement d’une fi scalité
des localisations, - faire payer la concentration
comme l’éparpillement - et de la mobilité -
péage routier, tarifi cation TC diff érenciée et
diff érenciation des vitesses - de façon adaptée
aux types de déplacements - proximité, bassin
d’emploi, métropolitain.
- cette fi scalisation des localisations et des
mobilités rend possible une redistribution
sélective des aides provenant d’un pouvoir
métropolitain aux diverses intercommunalités
pour leur permettre de réaliser leurs projets les
plus conformes à l’intérêt métropolitain.
- l’éventuelle future réforme institutionnelle
redéfi nissant périmètres et compétences sera le
produit de ces nouvelles règles du jeu associant
pouvoir métropolitain et intercommunalités.
27
sources David Mangin/ Seura28
1/ "toile inter urbaine"
autoroutes et nationales, radiales et concentriques
2/ "grande boucle"
TGV interurbains (150 km/h) de pôle à pôle
40 km de ligne nouvelle / 6 nouvelles gares
réalisation 2020/2030
3/ rocades TC/VP
optimiser les pôles / lignes existantes
coûts et délais réduits
4/ maillages intermédiaires :
maillage TC : rocade métro, lignes tangentielles BHNS, avenues métropolitaines ...
1
2
3
4
Tout ne viendra pas des garesYves CrozetNote d'analyse réalisée pour le compte de la CCI Paris Ile-de-France - novembre 2012
72 gares réparties au long des 130km d’un
nouveau réseau de métro automatique, tel est en
résumé le contenu du Grand Paris. En plaçant les
gares au cœur de ce projet, ses promoteurs ont voulu
insister sur la dimension spatiale de leur ambition
politique de dynamisation de la métropole parisienne.
Comme le montrent les missions de la Société du
Grand Paris, nous ne sommes pas seulement en
présence d’un projet de transport. L’objectif central
est l’aménagement du territoire et la maîtrise du
développement que devraient entraîner la création de
nouvelles gares et la croissance de l’activité de gares
déjà existantes. Nous nous interrogerons donc dans
les lignes qui suivent sur le rôle des gares dans un
réseau de transport collectif principalement destiné
à la mobilité quotidienne. Comment s’assurer de la
performance des gares ? Quelles sont les conditions
de leur succès et quelles en seraient les implications
pour les entreprises ?
Pour répondre à ces questions, nous
commencerons par rappeler le rôle que joue la
mobilité dans la dynamique métropolitaine en
soulignant un certain couplage entre croissance
économique et mobilité, couplage (1). Puis nous
nous intéresserons aux implications de ce couplage
qu’il ne faut pas confondre avec une causalité.
Peut-on vraiment attendre un rebond de croissance
provoqué par une amélioration de la mobilité ? Et
comment cette dernière sera-t-elle impactée par les
contraintes liées au développement durable ? (2). Ce
tour d’horizon des principaux enjeux du Grand Paris,
analysé à travers le prisme des gares, nous conduira
à préciser les conclusions que l’on peut en tirer pour
les entreprises (3).
la mobilité au cœur de la dynamique métropolitaine
D’après les résultats de l’enquête nationale
transport-déplacements (ENTD), la mobilité des
personnes a continué à progresser en France entre
le milieu des années 1990 (date de la précédente
ENTD) et les années 2007-2008. La distance
moyenne parcourue est passée en un peu moins de 15
ans de 36,3 à 40km par jour et par personne de plus
de 6 ans. Sur ce total, la mobilité locale est passée
de 21,6 à 23,8km par jour et par personne alors que
la mobilité à grande distance a progressé de 14,7 à
16,2km. Au total la mobilité locale représentait en
2007-2008 8700 km par et par personne contre 5894
km pour la mobilité à longue distance. La mobilité
totale, soit 14 594 km, a progressé de 10% en un peu
moins de quinze ans. Ce mouvement doit bien sûr
être relié à la croissance économique comme nous y
invite la notion de couplage. Plus le niveau de vie
progresse, plus s’allongent les distances parcourues.
Une analyse rétrospective conduite par A. Schafer
(2009) sur l’ensemble des pays du monde pour la
période 1960-2000 a même conduit cet auteur à
envisager une élasticité positive de 1 entre mobilité et
29
vers un réseau de voies rapides apaisées et multimodales
30
p
les boulevards et avenues métropolitaines
croissance économique : pour chaque accroissement
de 1% du niveau de vie, il y aurait une croissance de
1% de la mobilité !
En reprenant les données françaises rappelées ci-
dessus, nous observons que l’élasticité n’est pas de 1
mais de 0,4 puisque la mobilité a cru de 10% alors
que la croissance du PIB/tête atteignait 25%. Nous
observons donc bien un couplage, mais moins net
que pour les décennies passées. Il est possible que
dans quelques décennies, notamment sous la pression
des contraintes liées au développement durable,
la croissance économique s’accompagne d’une
très faible croissance de la mobilité des personnes.
Cela s’explique par le fait que la croissance de la
mobilité, et notamment celle de la mobilité locale,
se heurte à l’impossibilité d’accroître indéfi niment
les vitesses de déplacement. Or les gains de vitesse
sont indispensables pour obtenir l’allongement des
distances parcourues à budget temps de déplacement
constant. D’ailleurs, à regarder plus en détail les
résultats de l’ENTD, on se rend compte que la
mobilité locale n’a pas progressé en France pour les
actifs ou pour les scolaires. Par contre elle a crû de
plus de 40% pour les retraités qui ont plus de temps
disponible et peuvent également choisir les heures
creuses pour leurs déplacements. Nous découvrons
ainsi que le couplage n’est pas une loi universelle
s’appliquant à tous, en tous lieux et en tout temps. La
dilatation des espaces-temps de notre vie quotidienne
(Crozet & Joly 2004) se réalise sous conditions. La
première de ces conditions est la hausse du revenu,
mais elle n’est pas la seule. Il est aussi nécessaire que
des gains de vitesse soient possibles. La mobilité
se développe donc d’autant plus que, d’une part le
coût monétaire du déplacement ne pèse pas trop
par rapport au revenu et que d’autre part le budget
temps de transport (BTT) reste dans des volumes
acceptables.
La question du BTT doit être abordée en
rappelant qu’il est très rigide à la baisse mais
beaucoup moins à la hausse ce qui implique les deux
tendances suivantes.
Lorsque des gains de vitesse sont off erts, les
usagers des transports ne réduisent pas leur budget
temps, ils augmentent les distances parcourues. Il y
a donc un réinvestissement des gains de temps dans
une consommation accrue d’espace pour la simple
raison que ce réinvestissement off re des opportunités
nouvelles de choix de localisation résidentielle,
d’emploi, d’activités de loisirs etc. C’est pourquoi dans
son discours tenu en avril 2009 pour le lancement
du Grand Paris, le président Sarkozy n’a pas été bien
inspiré en annonçant que le nouveau métro allait
permettre de réduire de 30 mn par jour le BTT des
Parisiens. Off rir un métro plus rapide aux habitants
du Grand-Paris revient à leur off rir des opportunités
nouvelles dont ils vont évidemment se saisir non pas
en réduisant le BTT quotidien mais en allongeant la
portée des déplacements.
Ce phénomène est encore plus évident en région
parisienne où les enquêtes spécifi ques menées dans la
région constatent un BTT moyen de 90 minutes par
jour contre 60 à Lyon ou à Bordeaux. Si les Parisiens
acceptent un BTT plus élevé que dans les autres
agglomérations, c’est du fait de l’importance et de
la diversité des off res de l’agglomération parisienne.
Accroître de 10 à 15 minutes le BTT domicile travail
permet à un Francilien d’accroître signifi cativement
le nombre d’opportunités accessibles. Par exemple en
trouvant un logement plus adapté à son budget ou
off rant pour le même prix plus de surface habitable.
Ainsi, en matière de mobilité, la notion clé est
celle d’eff et rebond. Dès que l’on off re une baisse du
coût et/ou une hausse des vitesses de déplacement,
les usagers s’en saisissent pour étendre la portée de
leurs déplacements, et cela est encore plus manifeste
lorsque les opportunités sont nombreuses dans la
zone concernée. Devons-nous en conclure qu’il est
toujours bénéfi que pour l’usager et pour la collectivité
d’avoir accès à une mobilité plus rapide et moins
coûteuse ? Est-ce une perspective durable ?
31
32
les prévisions (optimistes) de développements urbains : immobilier actif et résidentiel...
sources Alphaville d'après SGP
peut-on croire à un rebond durable de croissance fondé sur un regain de mobilité ?
Le projet du Grand-Paris s’inscrit dans une
logique volontariste visant à dynamiser la croissance
économique en France en général et dans la région
parisienne en particulier. Deux arguments clés
viennent soutenir cette idée.
La première est que les conditions de transport
se sont plutôt dégradées dans la région parisienne
depuis une vingtaine d’années. La congestion routière
ne s’est pas réduite alors même que des phénomènes
de saturation se sont multipliés dans les transports
collectifs, accompagnant, sur certaines lignes, une
évidente dégradation de la qualité de service. La
saturation se manifeste aussi dans plusieurs gares,
pour les trains et autres RER, mais plus encore pour
les passagers. Il en résulte un coût accru de la mobilité
et donc une moindre fl uidité du marché du travail.
La seconde s’inscrit dans la logique des « wider
economic eff ects » développée par l’économiste
anglais Venables (2006). Cet auteur insiste pour que
les investissements en infrastructure privilégient les
zones où la productivité est déjà élevée car cela peut
y attirer des nouveaux actifs provenant de zones où
la productivité est structurellement moins forte. De
même que la croissance des 30 glorieuses en France
a été le fruit du transfert vers l’industrie d’actifs
provenant d’un milieu rural où la productivité était
faible, de même l’accroissement de l’emploi dans la
région parisienne profi terait à la fois à la zone et,
par eff et de structure, à la France entière puisque le
PIB de l’Ile-de-France représente un quart du PIB
français.
En mettant face à face ces deux « bonnes raisons
» de faire le Grand Paris, découvre que le projet de
Grand Paris doit être évalué à l’aune de ces deux
critères : permettra-t-il une plus grande fl uidité des
déplacements et un développement signifi catif de
l’emploi ?
Pour répondre à cette question, il faut éviter de
transformer le couplage croissance - mobilité en
causalité, surtout si c’est pour enfourcher l’idée très
répandue, mais fausse, selon laquelle tout surcroît de
mobilité serait une source de croissance économique.
Il est vrai que l’enrichissement s’est historiquement
traduit par une demande accrue de mobilité, plus
précisément par une demande de vitesse du fait d’une
valeur du temps qui augmente. Plus on est riche et
plus le temps devient rare. Mais la causalité ne doit
pas être renversée, les gains de vitesse ne créent pas
de la richesse. Les « eff ets économiques élargis » dont
parle Venables sont conditionnels. Ils supposent
qu’une main d’œuvre nouvelle soit associée à des
capacités de production inutilisées, ou nouvellement
installées. C’est l’investissement productif qui prime,
pas les infrastructures de transport. La séquence
basique de la croissance économique c’est quand
l’investissement dans les capacités de production
(capital et ressources humaines) autorise une
croissance accrue, laquelle conduit à une demande
de gains de temps. La séquence inverse n’existe pas
comme le montre l’exemple de l’Espagne qui traverse
une crise profonde alors même qu’elle dispose d’un
excellent réseau routier et autoroutier et du réseau
de lignes à grande vitesse le plus étendu d’Europe !
Le généreux dimensionnement de ses infrastructures
de transport n’est pas un substitut à un appareil de
production trop peu diversifi é et trop centré sur le
bâtiment.
Il faut donc se défi er du fétichisme des
infrastructures qui ne peuvent rien à elles seules.
Cela ne signifi e pas bien sûr que nous ne devons rien
faire en France et plus particulièrement en Île-de-
France. Mais il faut se demander si l’off re de vitesse
accrue d’un métro automatique de 130km est bien
la bonne réponse aux questions qui se posent pour
les prochaines décennies. Quels sont en eff et les
besoins de l’Ile-de-France en matière de mobilité ?
Est-ce à ces besoins que répondent le projet de métro
automatique et ses 72 gares ?
• Le premier besoin, ici comme ailleurs (que
l’on pense au réseau routier ou aux lignes ferroviaires
hors Île-de-France) est la maintenance du réseau
existant et au moins le maintien de la qualité de
service pour les déplacements actuels impliquant
33
34 sources Alphaville d'après SGP
les développements tendanciels de l'activité économique
Paris et la première couronne. Ce doit être la
première ambition, d’autant que le réseau actuel
connaît en plusieurs points des prolongements de
lignes de métro, souvent connectées à de nouvelles
lignes de tramway, qui vont mécaniquement
alourdir la pression des usagers en heure de pointe.
Notons que les améliorations off ertes par les lignes
de tramway ne sont pas fondées sur des gains
sensibles de vitesse, mais sur le confort, la fi abilité,
la fréquence, la régularité... Le long de ces nouvelles
lignes, la problématique clé n’est pas celle des gares,
mais celle de la densifi cation résidentielle le long de
la ligne. Avec ces projets, les responsables politiques
ont choisi d’off rir aux habitants une plus grande
accessibilité non pas fondée sur la vitesse mais sur
la densité et l’interconnexion des réseaux. C’est un
choix cohérent qui fait de la densifi cation l’objectif
central car c’est cette dernière qui donne du sens aux
investissements en transport collectif.
Le second besoin est l’amélioration des lignes
RER et de la connexion avec la seconde couronne . Là
encore des projets existent, qui visent à dé-saturer les
lignes A et B, et certaines gares centrales parisiennes,
par exemple en prolongeant la ligne EOLE vers la
Défense. Le projet de métro automatique du Grand
Paris doit pour partie aider à résoudre certains de
ces problèmes puisqu’il comporte quelques tronçons
radiaux comme le prolongement de la ligne 14 au
Nord (St Ouen) et au Sud (Orly). La mise en place
d’une liaison rapide entre les aéroports parisiens et
le centre de Paris est nécessaire et centrale dans le
projet. C’est elle qui a poussé en avant la question de
la vitesse dès les premières réfl exions sur le Grand
Paris. Mais faut-il généraliser aux déplacements de la
mobilité quotidienne cette appétence pour la vitesse
des voyageurs à revenus élevés qui descendent d’un
avion ?
Cela n’a de sens que si cette vitesse ne se traduit
pas par un simple allongement des portées de
déplacement qui n’aurait rien de durable, ni pour
l’environnement (émissions de C02, consommation
d’espace…), ni pour le budget des habitants, ni pour
celui de la collectivité. Ainsi, ce qui ne serait pas
durable serait un simple desserrement de la ville sous
forme de transfert de population interne à la région
parisienne, au bénéfi ce de la Seconde Couronne. Si
ce scénario-là devait se réaliser, alors le Grand Paris
serait en contradiction avec les eff orts entrepris
depuis de nombreuses années pour mieux irriguer et
donc pour densifi er la Première Couronne.
Ce qui est donc en jeu avec le Grand Paris,
comme le souligne l’accent mis sur les gares, est le
développement d’une urbanisation maîtrisée et
conforme aux projections démographiques françaises
des 30 ou 40 prochaines années. Or c’est là que le bât
blesse car la population totale de la France en 2050
ne sera pas très supérieure à celle d’aujourd’hui. Pour
que l’ensemble du réseau de métro automatique du
Grand Paris ait un sens, et pour que cela ait sur la
croissance économique les impacts élargis annoncés
par Venables, il faudrait envisager une migration
importante vers l’agglomération parisienne au
détriment de plusieurs autres régions françaises. Si
ce mouvement migratoire n’avait pas lieu, beaucoup
de gares périphériques du Grand-Paris resteraient
sous-utilisées.
enjeux et impl icat ions du développement des gares pour les entreprises
Le détour analytique a été un peu long mais il
était nécessaire pour que la problématique des gares
échappe aux simples vœux pieux associés à quelques
traits de crayon sur une carte. Les entreprises ne
doivent pas se laisser prendre aux charmes des grands
projets qui mélangent choix pertinents et occurrences
impossibles. Il faut faire le départ entre les deux en
se souvenant qu’il n’y a pas plus de baguette magique
avec les gares qu’avec les infrastructures de transport.
Le modèle qui fait rêver, celui des gares japonaises, ne
s’applique en Île-de-France que dans les situations
de forte densité. De même que ce n’est pas la mobilité
qui fait la croissance mais la croissance qui fait la
mobilité, de même c’est la densité qui détermine le
fonctionnement de la gare et non la gare qui suscite
de la densité. Sur la base de cet indispensable rappel,
on peut distinguer diff érentes catégories de gares
35
parisiennes pour lesquelles des questions cruciales se
posent. C’est sur cette base qu’il faut ensuite aborder
les gares du Grand Paris en particulier.
Parmi les gares parisiennes, une première
catégorie doit retenir notre attention, celle des gares
existantes et déjà très actives, voire saturées. Sans
le projet du Grand Paris et plus encore avec, ces
gares vont connaître dans les prochaines années des
problèmes récurrents de congestion, pour la simple
raison que la multiplication des améliorations et
extensions du réseau suscite immédiatement une
demande nouvelle. Dans sa partie la plus dense,
le réseau de transport en commun de la région
parisienne connaît ce que l’on a appelé le paradoxe de
Downs pour les réseaux routiers : toute off re nouvelle
et pertinente attire une demande nouvelle qui sature
en quelques années l’infrastructure. Ce sont donc ces
points de congestion qu’il faut traiter prioritairement.
Une seconde catégorie concerne les connexions
avec les trains à grande vitesse. Le développement
en cours des lignes nouvelles nous rappelle que
les phénomènes de saturation les plus aigus se
manifestent dans les gares (stockage des trains,
nombre de voies et de quais, espace pour les fl ux de
voyageurs). Là encore, avec ou sans le Grand Paris,
ces points de congestion sont prioritaires.
En ce qui concerne les aéroports, une meilleure
connexion avec Paris est nécessaire mais la question
qui se pose est bien de savoir si les fl ux qui y sont
associés peuvent être mêlés ou non aux déplacements
de la mobilité quotidienne. La réponse est peut-être
diff érente pour Orly et Roissy, mais la question doit
être traitée de façon à ce que les questions propres
à la desserte des aéroports soient confondues avec
celles de la mobilité quotidienne.
Une fois rappelées ces trois priorités générales, on
se rend compte que les 72 gares du projet du Grand
Paris ne peuvent être mises sur un pied d’égalité. Il
suffi t pour dessiller nos yeux de regarder quelle est
aujourd’hui la densité d’emplois et d’habitants à
proximité des dites gares.
Là où la densité est déjà forte, comme par
exemple au Sud de Paris, le long de l’ex projet Orbital,
il y a de vraies opportunités de développement,
lequel doit être pensé dans un espace déjà urbanisé.
Les entreprises et les ménages ont déjà et auront
plus encore intérêt à se localiser à proximité de ces
gares, mais ce sont des zones où la rente foncière est
déjà élevée. Ce que doivent faire les entreprises ici
est d’inciter la collectivité à récupérer d’une façon ou
d’une autre cette rente foncière. La substitution d’un
impôt foncier au versement transport serait une idée
à creuser.
Mais dès que le réseau du Grand Paris s’éloigne
de la Première Couronne, et que les gares sont
programmées dans des zones de faible densité, le
doute doit par principe l’emporter sur l’acte de foi.
S’il existe eff ectivement quelques gares qui pourront
être le lieu d’une véritable dynamique urbaine
accompagnée de densifi cation, elles se comptent
sans doute sur les doigts d’une seule main. Plutôt
que d’espérer être parmi ces « happy few »,», il est
nécessaire de s’interroger sur la masse de population
et d’emplois qui serait nécessaire pour assurer une
véritable urbanisation autour de chacune de ces
gares. On se rend alors très vite compte que chacun
espère attirer à lui des emplois et des habitants que
les autres convoitent également. Or, si le jeu n’est
pas à somme nulle, le nombre d’habitants va croître
en Île-de-France, il n’est pas pour autant à somme
démesurément positive.
conclusion
Face aux ambitions du Grand Paris, les
chefs d’entreprise doivent avoir la même prudence
que dans la gestion de leurs propres aff aires où ils
savent que le « wishful thinking » est risqué. Ils savent
bien qu’il ne suffi t pas d’un projet de transport pour
développer en Île-de-France une nouvelle « Silicon
Valley ». La prudence commande donc de distinguer
ce qui semble pertinent de ce qui l’est moins. Pour
y parvenir, les différentes composantes du projet
de Grand Paris doivent être regardées séparément,
d’autant que même si les financements étaient
36
Idées clés :
- il n'existe pas de lien mécanique entre
accroissement des vitesses de déplacements dans
le système et (dé)croissance économique
-le potentiel total de développement autour
des 72 gares du grand 8 surévalue largement la
dynamique de la démographie de l'île de France
- la stratégie du grand 8 doit permettre de
mieux relier les aéroports et les gares à grandes
vitesses aux territoires de la métropole, permettrre
de décongestionner les gares régionales saturées
- l'amélioration du système des déplacements
dans la mégapole passe par un décloisonnement
des fi nancements des infrastructures entre
nouveaux projets et optimisation des réseaux
existants tout mode confondus
assurés, il va de soi que la réalisation serait phasée. Il
y a fort à parier que pour ce qui concerne la mobilité
quotidienne des Franciliens, la priorité sera donnée
aux zones déjà densément peuplées. Les parties les
plus périphériques du projet sont tout sauf assurées
de voir le jour, d’autant que l’on espère les fi nancer
en récupérant une rente foncière qui risque de ne
pas être à la hauteur des espérances. Du point de
vue des payeurs de taxes que sont les entreprises, la
réponse logique au projet de Grand Paris se situe sur
le terrain de la fi scalité. Puisque ce projet s’appuie
beaucoup sur l’idée de capitalisation foncière, il faut
le prendre au mot et demander qu’il s’accompagne
d’une substitution d’une taxe foncière modernisée au
versement transport. Qui a parlé de compétitivité et
de coût du travail ?
37
sources Seura/ADEF38
délaissés d'infrastructure
/ autour de l'A86
au bord des fl euves
/ Nogent-sur-Marne
emprise ferroviaire
/ Vaires-sur-Marne
grands ensembles sur dalle
/ Bobigny
aires commerciales
/ Rosny II
la hauteur
/ le cours de Vincennes
1
2
3
4
5
6
1
2
3
4
5
6
terrains naturels ou
agricoles achetés pour une
utilisation agricole ou
forestière
0,5 à 2 € / m²
terrains naturels
ou agricoles achetés pour un
usage de bien-être ou de loisir
3 à 20 €/m²
terrains naturels ou
agricoles achetés pour être
aménagés et urbanisés
25 à 300 €/m²
nouveaux terrains à bâtir
300 à 800 €/m²
terrains urbains à
recycler (terrains bruts du
renouvellement urbain)
droits à bâtir en
renouvellement urbain
les 6 marchés fonciers d'après V.Renard/J.Comby
L'aménagement de nos moyens Vincent Renard
Les trois crises; logement, transport et foncières,
sont entremélées et interagissent, il n’aurait guère
de sens de vouloir les réduire « par silos » , pour
employer un mot à la mode. Un mot tout de même
pour dire que les prix fonciers et immobiliers sont
d’une certaine façon une cristallisation de cette crise
globale, la politique menée doit avoir non pour objet
premier mais pour conséquence observable une
modération de ces prix.
Par contre le parallèle avec la crise des
«subprime» aux USA trouve sa limite. La pratique
du «mortgage» et le comportement des banques, à
l’origine de cette crise, n'apparaît pas en France.
Le lien entre urbanisme et transport, Marc
Wiel a déjà beaucoup écrit là-dessus. Et en eff et
la focalisation sur le GPE biaise complètement
le raisonnement. Mais c’est aussi l’occasion
de remettre à sa place la fausse bonne idée du
fi nancement de l’infrastructure par les plus values
foncières qu’il génère. D’abord la fi gure juridique
n’existe pas en droit français. D’autre part elle
induirait un biais problématique par la corrélation
entre le choix du tracé et la maximisation de ce type
de fi nancement. On sait déjà qu’une grande partie
des 72 gares ne générerait guère d’urbanisation
ni de développement économique, ce mode de
fi nancement ne pourrait qu’accentuer les inégalités
entre les territoires. Ce point est en parfaite
cohérence avec le développement sur la contribution
de la formation de la rente immobilière à la crise.
Ce n’est pas en eff et la pénurie qui explique le prix
des logements. Ceci posé, l’hypothèse est faite d’un
marché stabilisé, on peut penser que les marchés
seront de plus en plus cycliques, induisant des
comportements de « market timing » dans lesquels
les acteurs jouent sur les phases des cycles, limitant
la portée du raisonnement.
Sur la mécanisme de production de la rente,
sur le plan microéconomique, pour produire beaucoup
de terrain bien placés et pas cher ( le paradis foncier),
on ne peut se contenter du raisonnement du
type «off re foncière», assouplissons la contrainte
réglementaire, l’off re augmentera et le prix baissera.
L’histoire et la comparaison internationale montre
l’échec récurrent de ces politiques . Particulièrement
dans le cas du Grand Paris, la seule stratégie effi cace
en la matière est de passer à une planifi cation
urbaine de type proactif volontariste, à commencer
par un schéma directeur qui remplisse les fonctions
qui lui sont assignées par les textes. Et, comme le
suggère Eric Charmes , d’étendre le raisonnement
au-delà de la francilienne…
La transparence des marchés serait ici
un prérequis évident, il reste beaucoup de travail à
faire, elle pourrait contribuer utilement à limiter
l’eff et cliquet dans la baisse des prix post bulle. Et
surtout une mutualisation des moyens au niveau
métropolitain, incluant la dimension foncière.
C’est plus largement aff aire de territorialisation des
politiques du logement.
Je ne peux que souscrire aux principes qui
sous tendent les propositions sur le fi nancement de
l’urbanisation. Cette question est en eff et cruciale,
les procédures traditionnelles d’aménagement sont
largement en panne. Ceci posé, à moins d’une
révolution fi scale induite par les lois à venir, lois
Lebranchu, loi Dufl ot II et surtout loi de fi nances
pour 2014, les propositions paraissent complexes à
mettre en œuvre, entre les opérateurs, les collectivités
de tous niveaux et les propriétaires fonciers. Et
mesurer que les aides puissent conduite à une hausse
des prix récupérée par les propriétaires.
Au niveau du grand Paris, il faut un
«schéma d’aménagement de nos moyens » et non
l’inverse.
39
sources David Mangin/Seura
fonciers (in)visibles, fonciers (in)accessibles : mythes et réalitésSi la question du logement se jouait au-delà de la Francilienne?Si la question du logement se jouait au-delà de la Francilienne?Eric Charmes Eric Charmes ........41........41L’espace agricole : réserve foncière L’espace agricole : réserve foncière versus réserve alimentaire ? réserve alimentaire ?Marion Talagrand + Philippe Coignet .Marion Talagrand + Philippe Coignet ........55.......55Les centres commerciaux, "locomotives" ou freins du renouvellement urbain?Les centres commerciaux, "locomotives" ou freins du renouvellement urbain?Jérôme Legrelle + Nicolas Douce .Jérôme Legrelle + Nicolas Douce ........75.......75Les risques: effets domino et effets de levierLes risques: effets domino et effets de levierMagali Reghezza-Zitt Magali Reghezza-Zitt ........87........87
ponctuée des villes nouvelles, des bureaux, Universités,
La Francilienne est
la Nouvelle Frontière
et d'hôtels et des pôles touristiques: aéroport de Roissy, logistiques, aérodromes ,Disney…
« prise en écharpe » des forêts métropolitaines (Forêt d’Armainvilliers, de Sénart, de Saint Germain, de Montmorency)
sources Seura42
Si la question du logement se jouait au-delà de la Francilienne?Eric Charmes
Les territoires périurbains sont l’une des clés
de la question du logement en Ile-de-France. Ils
ne représentent certes que 15 % de la population
de l’aire urbaine de Paris (et encore une partie de
ces territoires incluent des villes telles que Meaux
ou Rambouillet), mais ils couvrent une large part
du territoire avec 1385 communes, soit 77 % des
communes de l’aire urbaine de Paris (aire urbaine qui
aujourd’hui dépasse largement les limites de l’Ile-
de-France, sauf en Seine-et-Marne). Ces territoires
sont très faiblement urbanisés et constituent donc
une importante réserve pour des extensions urbaines.
Ces réserves sont exploitées, mais on construit
actuellement beaucoup là où il ne faudrait pas le
faire, c’est-à-dire dans les secteurs les plus ruraux et
les plus éloignés du centre de Paris, et on construit
en revanche peu, voire très peu, dans les secteurs les
mieux situés, où la demande est la plus forte et où
l’accessibilité est la meilleure.
Pour surmonter ce problème, on verra qu’il
convient de réviser les discours sur le périurbain.
Celui-ci est non sans raison considéré comme le
lieu de l’étalement urbain et il apparaît porteur de
pathologies qui menacent la durabilité des villes.
Ces menaces sont réelles, mais elles sont quelque
peu surestimées : tout bien considéré, le périurbain
ne pose pas particulièrement plus de problèmes que
les autres territoires qui composent les villes. Même
l’artifi cialisation est un problème exagéré, au moins
sur le plan quantitatif. L’enjeu est moins de réduire
quantitativement l’artifi cialisation que d’organiser
qualitativement l’urbanisation. On peut continuer à
construire des maisons individuelles, si celles-ci sont
à moins de 10 minutes en vélo de gares. Simplement,
cela suppose une planifi cation et une coordination
des projets d’aménagement que l’Ile-de-France, et à
fortiori l’aire urbaine de Paris, n’ont pas les moyens de
mettre en œuvre. Une métropole peut diffi cilement
se planifi er et s’aménager avec une juxtaposition de
centaines de règlements d’urbanisme qui se décident
dans des conseils municipaux élus par quelques
centaines d’habitants. De fait, 85 % des communes
de la couronne périurbaine de Paris comptent moins
de 2000 habitants. On pourra faire tous les plans
et élaborer tous les projets que l’on voudra pour le
Grand Paris, rien de signifi catif ne se fera sans traiter
cette question.
la périurbanisation en Ile-de-France : une source de production de logements qui a fortement perdu de sa vigueur sans que le renouvellement urbain ne prenne le relais
On peut distinguer deux fi lières de production
de logements : l’une, que l’on peut dire intensive,
est dominée par l’habitat collectif et la densifi cation
d’espaces déjà urbanisés ; l’autre, que l’on peut dire
extensive, est dominée par l’habitat individuel et par
l’artifi cialisation d’espaces non urbanisés. La fi lière
intensive prédomine dans les pôles urbains, tandis
que la fi lière extensive domine dans les couronnes
périurbaines. Or, dans ces dernières, en Ile-de-
Idées clés :
- 80 % de la baisse du rythme de construction
neuve entre le début des années 1980 et le milieu
des années 2000 s’explique par la baisse en grande
couronne (dont le territoire est pour l’essentiel
périurbain)
- un renouvellement urbain qui ne prend pas
le relais
43
44
France, la production de logements s’est largement
réduite (du moins si on les considère à périmètre
constant). Ainsi, alors qu’entre 1982 et 1990, la grande
couronne (qui représente approximativement les
territoires périurbains) participait pour trois-quarts à
la progression du parc de résidences principales, elle
ne contribue plus que pour la moitié entre 1999 et
2006 (voir tableau ci-contre).
Cette évolution du parc est largement liée à la
baisse de la construction de logements neufs. Entre
1982 et 1990, la production annuelle en grande
couronne est passée de 31 600 à 19 100 logements,
soit une baisse de 12 500 logements. Dans le même
temps, en Ile-de-France, on a construit en moyenne
54 500 logements par an entre 1982 et 1990, contre
38 600 entre 1999 et 2006. Ainsi, près de 80 % de
la baisse du nombre de logements construits vient
de la grande couronne ! Et tout laisse à penser que
la baisse de la production de logements en grande
couronne n’est pas terminée.
Même si ces chiff res ne permettent pas d’aller
suffi samment dans le détail, ils laissent penser que
la fi lière de production de logement par extension
urbaine (qui domine en grande couronne) s’est
largement réduite quand, en parallèle, la fi lière de
production de logement par renouvellement urbain
(dominante en première couronne et plus encore à
Paris) n’a pas pris le relais. Bien au contraire, si on
accepte de prendre le nombre de constructions neuves
à Paris et en première couronne comme indicateur du
renouvellement urbain, sa dynamique s’est aff aiblie :
ainsi, à Paris et en première couronne, la production
annuelle est passée de 22 900 logements entre 1982
et 1990 à 19 500 entre 1999 et 2006.
L’enjeu des règlements d’urbanisme et la responsabilité des communes
Quelles sont les causes de cette réduction de la
contribution de la grande couronne ? Certainement
pas la rareté du foncier. Les communes périurbaines
de l’Ile-de-France, localisées pour l’essentiel en
grande couronne, sont très peu urbanisées. Dans 85
% des cas, ces communes sont rurales au sens où leur
agglomération principale compte moins de 2000
habitants. Ces communes off rent de larges espaces
non bâtis et beaucoup sont extrêmement bien
placées. Autour de la francilienne, de larges portions
du territoire sont dominées par l’agriculture (voir
photo ci-dessous).
Pourquoi ces espaces ne sont-ils pas bâtis,
malgré une pression foncière et immobilière intense
? S’agit-il de rétention foncière comme on le dit
souvent ? Dans les discours actuels sur la nécessité
de libérer du foncier1 en eff et, l’acteur clé est souvent
présenté comme le propriétaire spéculateur, qui
attend la meilleure opportunité pour vendre et qui
ce faisant fait obstacle à la circulation marchande
des biens fonciers. Ces comportements existent
incontestablement, mais on peut faire l’hypothèse
qu’en Ile-de-France, la priorité n’est pas de libérer
le foncier des griff es des propriétaires. Il est d’abord
à libérer du carcan réglementaire dans lequel il est
enserré par des citadins désireux de préserver leur
cadre de vie.
Dans les territoires périurbains, et
particulièrement ceux de l’Ile-de-France, les
1. Charmes E., 2007, « Le Malthusianisme foncier », Etudes foncières, n° 125, janvier-février, pp. 12-16
Wiel M. (Coord.), 2002, Les Raisons institutionnelles de la périurbanisation, Paris, rapport pour la DRAST et le PREDIT
Idées clés :
- les territoires périurbains sont avant tout
composés de communes très résidentielles.
85 % des communes périurbaines d’Ile-de-
France comptent moins de 2000 habitants. Ces
communes, soucieuses de préserver leur cadre de
vie, ont des règlements très malthusiens
- pour redynamiser la production de
logement en grande couronne, il faut questionner
ce malthusianisme
45
Taux de croissance du nombre de logements par commune dans les Yvelines en 1999 et en 2010.
La baisse générale du taux est très nette dans ce département devenu globalement très malthusien. La croissance
ne reste signifi cative que sur le territoire de l’OIN de Saclay et au nord. Il est à noter qu’à l’échelle de la France, les
productions de logements en 1999 et en 2010 ont été très proches (cartographie : Eric Charmes, données INSEE et IAU
Ile-de-France, cartes réalisées avec Cartes & Données, Arctique)
46
politiques sont dominées par le malthusianisme
foncier. Parmi les nombreuses communes de moins
de 2000 habitants, deux profi ls se dessinent : les
communes éloignées, les plus rurales, qui s’ouvrent
volontiers à l’urbanisation, pour redynamiser l’école
ou pour bénéfi cier de plus-values foncière (les enjeux
sont couramment de l’ordre du million d’euros
par ha pour les propriétaires concernés). Mais ces
ouvertures à l’urbanisation se font précisément là où
il est le moins pertinent de le faire, loin du cœur de la
métropole. A tel point qu’aujourd’hui, ces ouvertures
se font pour l’essentiel hors des limites de l’Ile-
de-France. Seul le front est de la périurbanisation,
encore inclus dans les limites de la Seine-et-Marne,
fait exception.
Les petites communes périurbaines les plus
proches de l’agglomération de Paris tendent pour
leur part à se fermer à l’urbanisation. Ces communes
deviennent de véritables clubs résidentiels avec des
habitants avant tout soucieux de préserver leur cadre
de vie, cadre de vie dont les qualités principales sont
la faible densité et l’abondance d’espaces non bâtis2.
Ces demandes se traduisent par des règlements
d’urbanisme souvent très malthusiens. Ainsi,
beaucoup de communes périurbaines bien placées
dans la région Ile-de-France perdent des habitants
et demeurent très peu urbanisées. Si le marché jouait
librement, elles se densifi eraient et seraient quasi
intégralement urbanisées. Les éventuelles pratiques
de rétention foncière n’auraient été que des obstacles
temporaires.
Il apparaît donc que l’un des enjeux clés pour
revitaliser la production de logements en grande
couronne est de mettre en question le malthusianisme
foncier inscrit dans les PLU de nombreuses
communes périurbaines. Il ne s’agit évidemment
pas ici de plaider en faveur d’une déréglementation
urbaine, comme certains libéraux le font en mettant
en avant le modèle de Houston. Il s’agit plutôt de
réfl échir aux conditions d’élaboration des règlements
et à leurs enjeux et à la confrontation des intérêts
locaux et métropolitains.
2. Charmes E., 2011, La ville émiettée. Essai sur la clubbisation de la vie urbaine, Paris, PUF.
un malthusianisme local qui trouve des relais à l’échelle métropolitaine et qui entretient l'étalement urbain
Les règlements d’urbanisme sont pour
l’essentiel élaborés à un niveau local en fonction
d’enjeux locaux. Il faudrait donc changer l’échelle
à laquelle sont déterminés les PLU. Ceci étant, un
tel changement serait loin de suffi re. C’est que les
politiques malthusiennes se chevillent bien aux
impératifs associés à la ville durable et à la ville
compacte, portés par l’Etat et les gouvernements
métropolitains. Beaucoup de communes périurbaines
reprennent à leur compte ces impératifs et légitiment
la limitation de leur croissance par la nécessité de
lutter contre l’étalement urbain. D’une manière
générale, la société valorise de plus en plus les maires
« protecteurs », respectueux de l’existant et plus
particulièrement des espaces naturels, au détriment
des maires « bâtisseurs », engagés dans une logique
progressiste, favorisant le développement de leur ville
par le logement et l’emploi. Refl et de cette situation,
la question qui préoccupe aujourd’hui le plus la
recherche urbaine dans les pays les plus riches est
moins la « growth machine » que les « no-growth
coalition ». Et ici, l’égoïsme NIMBY est loin d’être
seul en cause. Ainsi, les discours environnementaux
et plus particulièrement ceux sur l’étalement urbain
favorisent une restriction de la croissance.
Idées clés :
- un repli des « maires bâtisseurs » au profi t
des « maires protecteurs »
- des malthusianismes qui favorisent
l’étalement des aires urbaines
- 40 % des communes de l’aire urbaine de
Paris (en 2010) se trouvent hors de l’Ile-de-
France
47
sources google earth
Typologie des communes selon l’IAURIF.
Les communes « rurales », au sens statistiques, sont en fait presque toutes périurbaines en 2010, du fait d'un espace aggloméré
principal de moins de 2000 habitants.
Des espaces extrêmement bien placés mais peu urbanisés. En Seine-et-Marne, près du terminus nord du RER B, Mitry-Claye
(au nord-ouest sur le cliché).
48
Pour autant, la restriction de la croissance se fait
de manière désordonnée, étant mise en œuvre à des
échelles très locales en fonction d’intérêts très locaux.
Preuve de ce manque de coordination globale, le
blocage des constructions de logement à proximité
des agglomérations est loin de limiter l’étalement
urbain3. Au contraire, il le renforce en repoussant
plus loin le front de l’urbanisation. Les ménages qui
cherchent à acquérir une maison individuelle neuve
restent nombreux ; ne trouvant pas de logement dans
les premières couronnes périurbaines, ils prospectent
plus loin. Ils rencontrent alors des communes rurales
souvent très intéressées à les accueillir et à ouvrir pour
ce faire des terrains agricoles à l’urbanisation. Les
accédants modestes à la propriété vont ainsi chercher
à plus de 100 km de Paris la possibilité d’acquérir un
logement (généralement une maison) qui répond à
leur projet (voir à ce sujet sur le site de France 5, le
« webdocu » de Robert Genoud, « La vie rêvée des
pavillons » tourné à Bray-sur-Seine).
En tout état de cause, comme le montre la fi gure
ci-après , l’aire urbaine de Paris s’est signifi cativement
étendue entre 1999 et 2010. Celle-ci est passée de
1584 à 1796 communes.
cesser de se focaliser sur la lutte contre l’étalement urbain et passer du quantitatif au qualitatif
Dans le périurbain comme ailleurs, la production
de logement peut se faire par densifi cation. On
peut ainsi promouvoir la transformation de certains
quartiers pavillonnaires en quartiers d’habitat
collectif par des procédures de type ZAC. On peut
également promouvoir leur densifi cation sans mettre
en cause leur caractère pavillonnaire (par exemple par
les démarches de type BIMBY).
Mais l’un des mécanismes centraux de la
production de logements périurbains réside dans
l’ouverture de terrains nouveaux à l’urbanisation, le
3. Floch J-M. et Lévy D., 2011, « Le nouveau zonage en aires urbaines de 2010. Poursuite de la périurbanisation et croissance des grandes aires urbaines », Insee Première, n° 1375, octobre
plus souvent à destination de quartiers pavillonnaires.
Ce mécanisme se heurte à diverses injonctions qui
ont envahi le débat public et les discours politiques
sur la ville et l’aménagement et qui reposent sur
l’idée que la maison individuelle et la ville peu dense
sont les ennemis de la ville durable. Ces discours
sont largement discutables voire invalides, qu’il
s’agisse de consommation d’énergie dans le bâtiment
(les économies se font d’abord dans les techniques
constructives et l’habitat individuel est très plastique
et adaptable) ou de l’impact de la mobilité (ce que la
densité fait gagner dans la mobilité quotidienne, elle
peut le reperdre dans la mobilité de loisir comme l’a
confi rmé la thèse récente d’Hélène Nessi).
Concernant l’artifi cialisation des sols, des chiff res
alarmants circulent. Un département disparaissait au
début des années 2000 tous les 10 ans. Actuellement,
le rythme serait d’un département tous les 7 ans4. Ces
chiff res sont largement trompeurs car ils invitent à
extrapoler des dynamiques qui ne dureront pas. Si
on prend le ratio de mètres carrés artifi cialisés par
habitant du périurbain et qu’on l’applique à la France
entière, on augmente la surface artifi cialisée de
l’ordre d’un point seulement, en passant de 9 % à 10
% à l’échelle nationale. Ce chiff re peut surprendre,
mais en appliquant ce ratio, on ne périurbanise pas
seulement la France urbaine, mais aussi la France
4. Agreste, 2009, « Des territoires de plus en plus artificialisés. La maison individuelle grignote les espaces naturel », Agreste-primeur, n° 219, janvier
Idées clés :
- les politiques se focalisent à tort sur
des objectifs de réduction quantitative de
l’artifi cialisation
- il faut organiser les ouvertures à
l’urbanisation plutôt qu’il ne faut les interdire.
- dans ce cadre, il faut s’interroger sur
l’émiettement plutôt que sur l’étalement.
- il faut aussi s’interroger sur l’éloignement
des accédants modestes à la propriété
49
L'accroissement des aires et pôles urbains de Paris au sens de l'INSEE.
50
Idées clés :
- sortir d’une appréhension du périurbain
comme pathologie. L’enjeu est d’aménager le
périurbain
- cet aménagement ne passe pas par la seule
promotion de la densité, mais par l’organisation
planifi ée du territoire sur une longue durée, avec
une articulation entre urbanisation et réseaux de
transports collectifs
- mettre en place des obligations de faire pour
contrer le malthusianisme des communes
rurale. Or si la périurbanisation étale les villes, elle
densifi e le rural…
En Ile-de-France, d’après les données Teruti-
Lucas, le taux d’artifi cialisation est de l’ordre de 21 %
avec environ 2500 km² de sols artifi cialisés (données
2010). Prenons un scénario extrême, que beaucoup
jugeraient catastrophique, en supposant que,
pendant les 20 prochaines années, 30 000 maisons
individuelles soient construites chaque année sur
des parcelles de 500 m². Si on multipliait par deux
les surfaces ainsi urbanisées pour tenir compte des
infrastructures, des commerces, des équipements
(espaces verts compris) et des lieux d’emploi, on
obtiendrait une augmentation certes importante de
la surface artifi cialisée (de l’ordre d’un quart), mais
cela conduirait à un taux d’artifi cialisation de l’ordre
de 26 %. Un taux qui resterait très inférieur au taux
actuel d’artifi cialisation des Pays-Bas dans leur entier.
Celui-ci atteint en eff et 37 % .
Il ne s’agit pas ici de prendre position en faveur
d’une artifi cialisation massive. Il s’agit avant tout de
souligner qu’on ne saurait faire de la limitation de
l’artifi cialisation un objectif absolu et non négociable
des politiques d’aménagement. En réalité, le
problème actuel n’est pas tant le contrôle quantitatif
de l’ouverture de terres non bâties à l’urbanisation,
que la maîtrise qualitative de la localisation des
nouvelles ouvertures à l’urbanisation. Actuellement,
comme on l’a vu celles-ci se font à très grande
distance de Paris (en partie en conséquence des
restrictions aux ouvertures à l’urbanisation près du
cœur de la métropole). Cela produit un éloignement
et un émiettement néfastes.
Pour les accédants modestes à la propriété,
l’éloignement veut dire étirement des trajets. Il accroît
les distances parcourues quotidiennement et donc
les consommations d’énergie dans les transports.
L’enjeu n’est pas seulement environnemental, il est
aussi social. Les accédants à la propriété du lointain
périurbain ont typiquement des revenus mensuels
de l’ordre de 2500 € / mois. Or un éloignement de
seulement 10 km pour deux actifs peut représenter
un surcoût de l’ordre de 200 € par mois.5
Par ailleurs, l’urbanisation est très émiettée :
comme indiqué plus haut, 85 % des communes
périurbaines ont moins de 2000 habitants et leur
territoire est largement dominé par l’agriculture ou
par les espaces naturels. Cet émiettement permet aux
périurbains de jouir d’un cadre de vie rural mais, à
surface artifi cialisée égale, il est particulièrement
problématique. En eff et, il démultiplie les contacts
entre l’agriculture et les activités urbaines, et il
favorise la rupture des corridors écologiques.
Il faut donc reprendre le débat sur l’artifi cialisation
et la volonté de réduire cette dernière sur des
bases seulement quantitatives. Le problème est
moins l’artifi cialisation des sols que l’organisation
de la croissance urbaine. Où et comment se fait
l’urbanisation ?
5. Charmes E., 2010, « Faut-il lutter contre l'étalement urbain ? », entretien avec Stéphane Fuzesséry et Nathalie Roseau, Laviedesidees.fr
51
aménager le périurbain plutôt que d’en faire une pathologie des métropoles.
Les discours actuels sur l’étalement urbain
tendent à faire du périurbain un état pathologique
des viles. L’objectif serait la résorption de cette
pathologie et le retour à un état normal où une ville
dense et compacte ferait face à un espace à la ruralité
retrouvée. Pour des raisons développées ailleurs par
nous et d’autres (Martin Vanier notamment), cet
objectif a peu de chances d’être atteint. Le périurbain
est un état durable d’une large part du territoire
français et notamment des espaces qui entourent les
métropoles.
Dans ce cadre, l’enjeu est de sortir du discours
appréhendant le périurbain comme une pathologie.
Il faut en faire un espace à aménager. Nous pouvons
ici rependre une des conclusions tirées par Martin
Vanier, Romain Lajarge et Stéphane Cordobès d’un
travail prospectif sur le périurbain : « Le problème
posé par la périurbanisation n’est pas tant l’étalement
urbain et le caractère insoutenable de la « ville » qu’il
fait advenir ; c’est l’absence, ou la grande faiblesse, du
projet territorial qui la déploie et la gouverne ici et là,
ou, dit autrement, la défaite du politique qu’elle sous-
entend » (2010, p. 22)6.
Cela ne veut pas dire qu’il faut considérer le
périurbain comme un état abouti de l’organisation
des territoires, erreur que font certains thuriféraires
actuels du périurbain, comme emportés par leur
élan. Les territoires périurbains soulèvent de
nombreux problèmes, à commencer par celui de leur
émiettement qui est à la fois leur principal attrait
pour leurs habitants et l’une des principales sources
de leurs diffi cultés.
Dans ce cadre, l’enjeu est d’aménager les couronnes
périurbaines en favorisant leur organisation autour :
1 - de centralités majeures (villes nouvelles, villes
6. Cordobès S, Lajarge R. et Vanier M, 2010, « Vers des périurbains assumés. Quelques pistes stratégiques pour de nouvelles régulations de la question périurbaine », Territoires 2040, n°2, pp. 21-32.
Vanier M. 2011, « Le périurbain comme projet », metropolitiques.net
de plusieurs dizaines de milliers d’habitants intégrées
dans l’orbite de Paris, telles que Rambouillet, Meaux,
etc. ).
2 - de lignes structurantes de transports
ferroviaires en suivant une logique de corridor de
développement, mais en sortant de la logique des
lignes radiales, (tout en sachant que, comme le
rappelle utilement Yves Crozet dans ce volume, tout
ne viendra pas des gares et que le transport ferroviaire
n’est qu’un levier qui prend sens dans le cadre d’un
projet d’aménagement).
3 - des bourgs et petites villes qui parsèment
le périurbain (dès 3000 habitants, un bourg peut
constituer une centralité qui structure un bassin de
vie local).
Le travail sur cette structuration du territoire est
au moins aussi important que la seule recherche de
la densité ou que la lutte contre l’étalement urbain.
Ainsi, des recherches en cours d’Antoine Brès,
prolongées avec Xavier Desjardins montrent bien
que, dans le périurbain, l’usage des transports en
commun n’est pas seulement aff aire de densité, mais
aussi d’organisation du territoire7. La comparaison
de l’Allemagne et de la France le prouve : la
planifi cation sur une longue durée de l’articulation
de l’urbanisation, même à faible densité, et des
réseaux de transports collectifs fait la diff érence.
Autrement dit, on peut continuer à construire des
maisons individuelles si celles-ci sont à moins de
10 minutes en vélo de gares ferroviaires ; si les voies
qui conduisent aux gares sont équipées pour des
déplacements à pied et à vélo ; et si les équipements
(à commencer par les écoles) sont concentrés autour
des gares.
En dehors de cela, on ferait beaucoup en rendant
cyclables les départementales qui relient les villages
périurbains aux bourgs où se trouvent les collèges8.
7. Desjardins X., 2007, Gouverner la ville diff use. La planifi cation territoriale à l ’épreuve, Th èse de doctorat sous la direction de Francis Beaucire, Université Paris I.
Bres A., Mariolle B. et Delaville D., 2011, Les fi gures d'une éco-mobilité périur-baine entre intermodalité obligée et densité dispersée. Le Carré Picard au fi ltre de l'accessibilité durable, rapport pour le PUCA.8. Le Gal Y, 2010, « Promouvoir la marche et le vélo grâce à un plan de modération
52
D’une manière générale, et contrairement aux
idées reçues, les périurbains eff ectuent beaucoup
de déplacements sur des distances courtes et ces
déplacements pourraient être eff ectués en vélo ou
à pied si les voies de circulation n’étaient pas quasi
exclusivement aménagées selon une logique routière.
On ferait également beaucoup en développant des
modes de transports collectifs adaptés à la faible
densité (avec le covoiturage qui connaît actuellement
une forte croissance, ou avec le transport à la demande
dont l’intérêt a été prouvé dans de nombreux
contextes).
redistribuer les pouvoirs d’urbanisme à l’échelle des aires urbaines : une nouvelle frontière pour les coopérations intercommunales
Plus encore que dans les agglomérations, le
gouvernement des espaces périurbains est fragmenté.
L’aire urbaine de Paris compte 1 385 communes
périurbaines sur un total de 1 796 (1 281 pour la
région Ile-de-France). Si certaines sont parfois
des villes importantes (Meaux, Rambouillet,
Fontainebleau, etc.), 85 % d’entre elles comptent
comme on l’a déjà dit moins de 2 000 habitants. Et
c’est à cette échelle que se décide pour l’essentiel les
contenus des PLU.
Dans le périurbain plus qu’ailleurs, un changement
d’échelle pour la planifi cation et l’aménagement
s’impose. Comment une région métropolitaine de
premier plan peut-elle être aménagée et planifi ée
dans un contexte où les pouvoirs d’urbanisme sont
entre les mains de près de 1 800 maires (1281
pour l’Ile-de-France) qui tirent leur légitimité d’un
corps électoral composé en moyenne de quelques
centaines d’électeurs ? La réponse à cette question
est une des clés essentielle du problème que pose
aujourd’hui le Grand Paris, pour ne pas dire la clé
essentielle. Comme on vient de le voir avec le cas de
l’Allemagne, l’enjeu clé est la coordination entre les
transports et l’urbanisation, autant que la lutte contre
des vitesses », Ville Rail et Transports, n° 510, décembre.
l’artifi cialisation ou la densifi cation. Mais comment
organiser cette coordination quand l’urbanisme est
pour l’essentiel régulé à l’échelle villageoise, qui plus
est dans les territoires à fort potentiel ?
Une solution, vers laquelle la loi sur le Grand Paris
s’est orientée, est le recours à l’autorité de l’Etat, au
travers notamment des Opérations d’intérêt national.
Mais cette perspective a de fortes limites, dans un
contexte où la foi en l’intérêt général s’est largement
érodée, où la démocratie locale a le vent en poupe
et où l’Etat a peu de moyens fi nanciers (et même
humains) mobilisables. L’enjeu est plutôt de faire
coopérer les municipalités dans un contexte où il n’est
pas question de remettre en cause les prérogatives des
élus locaux à brève échéance (ceci d’autant moins que
ces prérogatives, dans le périurbain, répondent à des
attentes fortes et sont cohérentes avec les discours sur
la démocratie de proximité).
Idées clés :
- l’Ile-de-France compte 1281 communes qui
chacune contrôle règlementairement les usages
de leur territoire. Un changement d’échelle
s’impose, dans le périurbain plus qu’ailleurs.
- des communautés de communes dont le rôle
peut être signifi catif pour organiser les polarités
élémentaires du périurbain
- reconnaître au périurbain un droit à exister
et une identité propre
- construire des espaces de coopération
politique entre les pôles urbains et les communes
périurbaines
- l’échelle de la région Ile-de-France est
particulièrement pertinente, mais il faut garder
à l’esprit les limites de la région sont largement
dépassées par la périurbanisation.
53
Sur ce plan, on peut considérer avec intérêt les
intercommunalités qui se sont développées dans
le périurbain et notamment les communautés de
commune. La carte intercommunale est certes
particulièrement complexe en Ile-de-France mais
dans le périurbain on observe une structuration
autour d’unités d’une dizaine de communes (en
Seine-et-Marne, en 2012, les EPCI comprenait
11 communes en moyenne). Or, à cette échelle, les
territoires périurbains peuvent commencer à se
structurer avec une hiérarchisation plus accentuée
de l’urbanisation, polarisée plus nettement par des
bourgs et petites villes. En tout état de cause, l’échelle
des intercommunalités périurbaines correspond
à celle des communes allemandes, du moins dans
le territoire étudié par Antoine Brès et Xavier
Desjardins.
Ceci étant, comme en Allemagne, les projets
périurbains devront être encadrés aux échelles
métropolitaines, par exemple pour organiser
l’articulation entre réseaux de transports et
urbanisation. C’est sans doute sur ce terrain qu’il
sera le plus diffi cile d’avancer sans imposer aux
communes et aux intercommunalités l’autorité d’un
échelon supérieur.
Il est diffi cile ici de faire des propositions
concrètes, car l’enjeu est avant tout celui d’une prise
de conscience politique. En toute hypothèse, il ne
sera pas possible de dialoguer avec les territoires
périurbains et de construire des projets avec eux sans
leur avoir reconnu une légitimité à être et sans être
pour cela sorti des discours faisant du périurbain un
espace pathologique. Cela implique notamment de
reconnaître une identité spécifi que au périurbain
comme tiers espace entre ville et nature, puis, sur
cette base, de développer des projets d’aménagement
propres au périurbain (voir Vanier).
Ensuite, il faudra construire des espaces de débat
métropolitain incluant les communes périurbaines.
La région Ile-de-France semble ici une échelle
pertinente, mais il faut noter que l’aire urbaine de
Paris déborde aujourd’hui très largement de l’Ile-de-
France, puisque 40 % des communes de cette aire ne
font pas partie de la région. C’est ainsi hors de l’Ile-
de-France que se joue une part importante de l’avenir
de la métropole parisienne. D’une manière ou d’autre
donc, l’Etat devra rester dans le jeu.
54
55
Les nappes de 5 à 10 hectares
ressemblent parfois à des
secteurs.
l'enclavement progressif du territoire par pièces de 5 à 10 ha : l'eff et arlequin
Formes introverties / nature
L’eff et de l’Arlequin : le mitage
par nappes de 5 à 10 ha
provoque l’enclavement des
pièces agricoles (3e couronne)
Le territoire devient une
addition d’enclaves de 5 à 10
hectares.
sources David Mangin/Seura56
L’espace agricole :réserves foncières versus réserves alimentaires ?Marion Talagrand + Philippe Coignet
L’accroissement de 4,4 millions d’habitants en
Ile-de-France entre 1954 et 2011 (pour atteindre
11,7 millions) s’est traduit à la fois par la densifi cation
des pôles urbains existants et par la mutation
progressive d’espaces agricoles en périphérie des villes
en quartiers de logements et d’activités complétés
par un réseau d’infrastructures sans précédent. La
relation ville-agriculture qui nous intéresse ici peut
être ainsi mesurée en trois temps :
- la conquête, de l’urbain sur l’agricole
- l'acceptation, ou la tolérance, entre les deux
systèmes
- la réciprocité, chacun a besoin de l’autre
pour exister et vivre mieux.
Actuellement, la disparation d’hectares se fait
à un rythme un peu moins soutenu (1300 ha/an)
qu’entre 1950 et 2000 (2000 ha/an), les 578 000 ha de
terres en cultures restantes sont soumis à d’intenses
pressions, grâce à des mesures de protections et
d’intérêts de la part de plusieurs acteurs de l’échelle
européenne à celles de l’agriculteur et de l’habitant.
Dans le cadre de l’Atelier du Grand Paris, trois
questions majeures doivent être posées au regard de
la problématique du logement en Ile-de-France :
1. Peut-on appréhender la question du
foncier agricole à l’échelle du Grand Paris ?
2. L’agriculture est-elle un "ingrédient" du
projet métropolitain ?
3. En combinant ces deux questions : quel
«dessein agricole métropolitain » ?
57
sources IAURIF58
Nous essaierons de répondre à ces questions à
travers un portrait de l’agriculture francilienne et
des tendances majeures aujourd’hui, puis en étudiant
4 cas particuliers qui démontrent des dynamiques
émergentes de « reterritorialisation » de l’agriculture.
Enfi n la troisième partie propose quelques pistes de
réfl exion méthodologique pour appréhender à la fois
globalement et localement la problématique de la
relation agriculture – habitat.
Dans cette première partie, nous dressons un état
des lieux synthétique de la situation agricole dans
l’espace métropolitain francilien :
- Quelles sont les caractéristiques de
l’agriculture francilienne (en termes d’inscription
spatiale, de typologies d’exploitations, de produits et
de fi lières) ?
- Quelles sont les relations qui existent
entre la ville et l’agriculture (relations spatiales,
fonctionnelles et sociales) et comment elles ont
évolué ?
- Comment se caractérise plus précisément le
lien entre foncier et agriculture ?
paysages et fi lières
Si l’agriculture de l’Ile-de-France s’organise
traditionnellement en fonction des grandes unités
géographiques que sont les plateaux, vallée et
coteaux, il est curieux de voir que l’Atlas agricole
et rural édité par l’IAU et la DRIAF surimpose à
cette cartographie une typologie en fonction de la
distance avec l’espace urbain aggloméré. Il distingue
ainsi les paysages agricoles périurbains1 situés dans
une couronne entre continuum urbain et continuum
agricole. Cette ceinture correspond peu ou prou
à la ceinture verte du SDRIF. La SAFER estime
qu’environ 40% des surfaces agricoles se situent dans
ces zones. C’est l’espace le plus « actif » pour ce qui
concerne les mutations foncières. La majeure partie
du foncier agricole y est consommée et l’on sait que le
total de la surface agricole urbanisée en Ile-de-France
entre 1982 et 1999 s’élève à 2350 ha annuellement.
En 2001, le prix moyen des terres agricoles libres à la
1. Atlas rural et agricole de l’île de France, DRIAF-IAURIF, 2004
vente se situe à 5 490 €/ha en Ile-de-France (contre
410 €/ha en France métropolitaine).
Les grandes cultures dominent le paysage
agricole francilien : les céréales et les oléo-
protéagineux occupent plus de 60 % de la surface
agricole utile (SAU) et 70% des exploitations
franciliennes font de la grande culture. La présence
d’autres cultures, voire d’élevages, est résiduelle, « elle
est plus souvent la marque du passé que celle d’une
réelle diversifi cation de l’agriculture francilienne ».
Les grandes exploitations sont largement
majoritaires en lien avec la l’omniprésence des
grandes cultures. 75% d’entre elles ont une
taille moyenne de 136ha. La taille moyenne des
exploitations n’a cessé d’augmenter depuis les années
70 tandis que le nombre d’agriculteurs n’a cessé de
décroître. « Cette course à l’agrandissement a connu
une accélération depuis le recensement de 1988 ». Le
phénomène est lié à la reprise des terres libérées lors
de cessations d’activité par des agriculteurs en place
qui agrandissent leur exploitation. Ces évolutions
expliquent que le fermage soit le mode d’exploitation
le plus répandu.
Le débouché de la production est structuré par
un réseau de coopératives implantées en Ile-de-
France mais aussi dans les régions voisines. Celles-ci
écoulent 70 % des céréales et oléo-protéagineux.
Les agriculteurs y livrent leurs récoltes et peuvent
aussi y acheter leurs intrants (semences, engrais,
produits phytosanitaires…). Depuis le début du
20ème siècle, on assiste à un transfert progressif
des établissements agro-alimentaires de Paris vers
la petite couronne et la grande couronne. Trois
facteurs de localisation expliquent cette migration :
éloignement des riverains, coût du foncier, desserte
routière et ferroviaire.
La vente aux grossistes et négociants, implantés
entre autres sur le marché d’intérêt national (MIN)
de Rungis, est un débouché important pour les
producteurs franciliens de produits frais. 25% des
ventes régionales de légumes se fait sur le MIN et
la quasi-totalité des espèces produites dans la région
59
Les vulnérabilités de l'agriculture dans le Grand Paris
60
sources P.Coignet + M.Talagrand
61
sont représentées sur ce marché. Ce système mis en
place dans les années 50, s’est substitué à un ensemble
de fi lières de distribution plus locales.
Des formes de diversifi cation des fi lières de
distribution s’organisent cependant. Ainsi, plus
de 20% des agriculteurs franciliens pratiquent la
vente directe (marchés ou ferme) et une trentaine
d’exploitants ont mis en place une activité de
cueillette.
l’agriculture périurbaine entre m i t o y e n n e t é ( s p a t i a l e ) e t indépendance (fonctionnelle)
Cette situation présente, brossée à grands traits,
résulte de transformations de l’espace agricole depuis
plus de 40 ans et qui ont recomposé les relations qui
existaient entre ville et agriculture.
Traditionnellement, l’agriculture de l’Ile-de-
France était fortement liée à son territoire à diff érents
degrés. La diversité de la géographie francilienne
off re en eff et des valeurs climatiques et pédologiques
naturellement propices à des cultures et des modes
d’exploitation variés. L’agriculture diversifi ée selon
les terroirs (plateau, coteau et vallées) et riche en
produits frais (arboriculture, maraîchage, élevage)
trouve des débouchés directs sur le marché urbain
local. Dans ce contexte d’intégration économique,
les agriculteurs sont des fi gures reconnues dans les
communes rurales qui entourent la ville.
Un renversement de cette situation s’est opéré
progressivement au cours des 40 dernières années2.
D’un rapport d’interdépendance, on est passé à un
rapport distancé à diff érents degrés, entre :
- l’agriculture et le substrat géographie:
: la modernisation a permis de limiter le facteur
pédologique. Elle a conduit à une homogénéisation
des cultures et une simplifi cation des paysages
agricoles.
2. M. Mazoyer et L. Roudart, Histoire des agricultures du monde, Points Seuil, 2002, (Voir plus particulièrement les chapitres 10 : la deuxième révolution agri-cole des Temps Modernes et chapitre 11 : crise agraire et crise générale).
- l’agriculture et la ville : les débouchés
de l’agriculture ont évolué. La part nourricière
s’est rétractée au profi t de cultures industrielles
ou à destination animale. Les fi lières se sont ainsi
aff ranchies du marché urbain local pour s’inscrire
dans des fi lières de transformation et de distribution
régionales, nationales et parfois internationales.
- l’agriculteur et les terres : les exploitations
se sont considérablement agrandies et les exploitants
ont été amenés à cultiver des terres éloignées de leur
espace d’appartenance sociale et aff ective.
- l’agriculteur et les habitants : la diminution
du nombre d’agriculteurs et leur part très aff aiblie
au sein des communes agricoles a conduit à un
aff aiblissement des liens entre agriculteurs et
population locale. Plus largement, l’agriculture est
souvent dévalorisée dans les médias par sa capacité à
polluer les sols, à trop utiliser les ressources naturelles
comme l’eau et a nourri un questionnement sur le
bien-fondé du modèle agricole productiviste.
L’agriculture « péri-urbaine » peut-être ainsi
défi nie comme une agriculture en situation de
mitoyenneté avec la ville mais qui n’entretient pas (ou
que faiblement) des liens fonctionnels avec l’espace
urbain.
62
une agriculture de plus en plus mobile ?
Cette distanciation de l’agriculture vis-à-vis de
la ville se décline diff éremment selon les situations,
d’enclavement, de contact avec la zone agglomérée
ou d’éloignement.
Dans l‘espace péri-urbain stricto-sensu (tel que
défi ni dans l’Atlas agricole et rural de l’Ile-de-France
i.e une couronne de plusieurs km de diamètre entre
l’espace aggloméré et le continuum des grandes
plaines agricoles), l’enclavement et le fractionnement
créés par les extensions urbaines et infrastructurelles
engendrent des diffi cultés d’exploitation pour
les agriculteurs. De surcroît, l’instabilité de
l’environnement engendre une précarité de l’activité.
L’agriculteur a développé une hyper-adaptabilité
à l’espace péri-urbain en développant des stratégies
de mobilité à diff érentes échelles spatiales et
temporelles qui jouent avec les contraintes et les
incertitudes attachées à l’environnement où elle
s’inscrit.
- La pratique généralisée de la culture
céréalière annuelle (disparition de l’élevage,
de l’arboriculture et diminution constante du
maraîchage) et l’intégration au système cultural de
mises en jachères permettent de moduler le plan de
culture quasi annuellement.
- L’exploitation est le plus souvent
constituée de l’agrégation de surfaces discontinues.
Elle ne forme pas une entité d’un seul tenant ni ne
recouvre une propriété unique. Ces confi gurations
agricoles rendent possible une adaptation aux
transformations spatiales de l’environnement. Elle
permet la migration progressive de l’activité en
réponse à l’avancée du front urbain notamment à
l’occasion de cessations d’activités et de successions.
- Certains agriculteurs développent des
stratégies économiques et patrimoniales à des
échelles extra-régionales voire européennes et
internationales (organisation des fi lières sur des
bassins agricoles vastes, déconnectés des aires
urbaines ; investissements patrimoniaux dans
d’autres régions agricoles).
L’exploitant agricole a dû s’adapter à son nouvel
environnement périurbain instable et concurrentiel
et est devenu plus mobile : mobilité de son lieu de
vie, mobilité de ses terres, mobilité pendulaire entre
lieu de résidence et lieu de travail, mobilités de ses
productions inscrites dans des circuits toujours plus
longs.
Il ressort également que si le foncier demeure
l’indispensable support de la production agricole,
il n’est qu’un outil parmi d’autres outils que sont le
matériel, le capital fi nancier… La valeur économique,
sociale et symbolique qui lui est attachée n’est plus
aussi forte qu’elle le fût.
Dans ce contexte, on peut se demander si
l’agriculture peut être un outil de garantie et de
sécurisation foncière ou, inversement, quel outil
de sécurisation foncière permettrait de stabiliser
l’agriculture ? On peut également se demander quelles
modalités de coopérations territoriales permettraient
de garantir la préservation du foncier et asseoir la
pérennité de l’agriculture dans cet environnement
périurbain facteur de vulnérabilité ?
63
Marcoussis
Coubron
Montesson
Chaussy
0 1 2 Km
0 1 2 Km
0 1 2 Km
0 1 2 Km
0 500 m
0 500 m
0 500 m
0 500 m
Les vulnérabilités de l'agriculture dans le Grand Paris
la Bergerie de Villarceaux (95)
la plaine de Montesson (78)
Coubron (78)
sources P.Coignet + M.Talagrand/IAURIF/google earth64
lieux de résistance et de renouveau
Dans cette deuxième partie, nous décrivons
quelques situations où la protection d’une certaine
partie de l’agriculture permet de résister à la pression
urbaine et d’établir des liens avec la ville. Ces
situations sont des cas particuliers et ne sont pas
forcément représentatives d’une tendance à grande
échelle en Ile-de-France, ni a priori reproductibles.
Mais elles ne sont pas sans enseignement sur les
questions à considérer pour mieux appréhender
l’agriculture dans l’espace métropolitain.
Ce que l’on voit émerger et ce dont on parle
notamment dans le cadre des débats sur le Grand
Paris (ce qui ne se voit pas sur les cartes)
Au-delà des tendances confi rmées précédemment
et qui ont fondamentalement transformé l’espace
agricole francilien (régression de la surface
agricole, fractionnement et perte de la diversité,
remembrement), d’autres enjeux ont émergé qui
interrogent fortement le rôle assigné à l’agriculture
péri-urbaine. De nombreux auteurs3 ont décrit les
attentes sociales nouvelles adressées à l’agriculture
à la fois comme cadre de vie et comme source de
notre alimentation.
Dans l’espace péri-urbain, le citadin dont la
sensibilité paysagère est souvent nourrie par un
imaginaire rural ancien, demande à l’agriculture de
participer à l’édifi cation d’un cadre de vie répondant
à ses aspirations d’espace de loisir, de liberté et de
nature (Enquête sur la perception de l’espace rural par
les habitants de l’espace rural francilien – IAURIF
2003). Dans l’ensemble de la société, une demande
de protection environnementale et une exigence de
qualité et d’authenticité des produits est adressée
à l’agriculture. Dans cette perspective, il ne s’agit
donc pas seulement de limiter la consommation de
foncier agricole mais d’assigner à l’agriculture un rôle
spécifi que répondant à ces attentes sociales plurielles.
Les traductions à l’échelle francilienne de ces
mouvements de fond portés principalement par
3. B. Hervieu et J. Viard, Au bonheur des campagnes, L’Aube, La Tour d’Aigues, 2001.
la société civile et trouvant écho dans certaines
«localités » sont diverses.
- une approche de sécurisation foncière a été
déclinée par la planifi cation et la réglementation) et
de nombreux outils opérationnels de maîtrise foncière
(ENS / PRIF / ZAP, zone agricole protégée…).
- plus récemment des outils méthodologiques
d’appréhension des conditions de viabilité
économique de l’agriculture ont été élaborés
notamment par l’IAU (approche fonctionnelle des
espaces ouverts).
- impulsés par les professionnels et des
mouvements citoyens, des réseaux liant citadins
et agriculteurs ont été mis en place. Ce sont
notamment les fameuses AMAP qui développent les
circuits courts pour les produits frais non transformés
principalement (pas d’intermédiaire entre producteur
et consommateur).
- enfi n, les programmes agri-urbains sont
des projets de territoire structurés autour de
l’agriculture entendue comme espace et activité. A
l’initiative croisée des professionnels, collectivités et/
ou associations locales, ils se concrétisent sous forme
d’aménagements à moyen et long termes, de gestions,
de programmes et de partenariats. La Région IDF
recense 10 projets agri-urbains en 2005.
Quatre situations sont décrites ci-dessous et
choisies en fonction de leur distance à Paris ce qui
implique une plus ou moins grande exposition à
la pression de l’urbanisation ainsi que des atouts
diff érenciés pour établir des liens avec la ville.
en situation enclavée
Dans ces deux situations, l’agriculture subit
directement les pressions urbaines et est fortement
fragilisée (enclavement et accessibilité difficile /
concurrence avec d’autres usages tels les pratiques de
loisirs ou pratiques informelles et mal contrôlées /
surface en deçà de la taille critique défi nie par l’IAU).
La Plaine de Montesson (78) est un territoire
65
La Carte des Chasses, une représentation des activités agricoles: sylviculture, prairies, champs cultivés, réserves de gibiers, parcs… l'exemple du plateau de Saclay 1820.
Carte IGN (2009) et photo aérienne masquent les modes d'exploitation des espaces agricoles
sources IGN66
resté ouvert à moins de 20 km du centre de Paris au
cœur d’un méandre de la Seine. Elle est caractérisée
par une forte identité culturelle, historique et
économique :
- Production maraîchère et une activité
encore fonctionnelle et pérenne ;
- Positionnement sur l’axe historique de
Paris avec en horizon La Défense et St-Germain.
Son équilibre est cependant menacé par la pression
urbaine (le front urbain ne cesse d’avancer depuis 20
ans et de réduire l’espace agricole), le morcellement
par les infrastructures (projet d’échangeur de l’A114)
et des pratiques peu maîtrisées induites par la
situation d’arrière de ville (décharge, extraction…).
Plusieurs acteurs, professionnels et
institutionnels, se sont rejoints dans l’objectif de
préserver l’agriculture de la Plaine. Depuis près de
20 ans, un projet se construit peu à peu à travers
diff érentes actions émanant des agriculteurs et des
collectivités (intercommunalité et Conseil Régional
et Région) :
- La sécurisation foncière à travers
l’identifi cation de la Plaine au SDRIF de 1994,
puis la mise en place successive d’un périmètre de
préemption au titre des ENS et d’un PRIF ;
- La consolidation des conditions
techniques d’exploitation ;
- Le développement de liens fonctionnels
avec l’environnement urbain mitoyen
(développement de la vente directe mais aussi
revalorisation du site pour des activités de loisir et
de tourisme).
Coubron (93), cette commune du Nord-
Est est située à 20 km de Paris et inscrite dans
la ceinture verte de Paris, ancienne ceinture
maraichère. Uniquement desservie par des routes
départementales, elle ne recense que 4500 habitants
sur une surface de 478 hectares, soit 10 habitants/ha.
L’habitat majoritairement individuel contraste avec
les ensembles collectifs de Villepinte et de Clichy-
sous-Bois situés de part et d’autre de Coubron.
La spécifi cité de cette commune est de n’être
bâtie que sur 1/3 de sa surface. Le deuxième tiers est
occupé par les boisements et le dernier tiers par une
agriculture maraichère. Suite au départ à la retraite
des 2 agriculteurs de la commune, l’agence des
espaces verts de l’Ile de France a racheté les terrains
et permis à un seul agriculteur de gérer l’ensemble des
terres et de vendre les produits localement.
Grâce à une diversifi cation des produits (élevage,
vignes, arboriculture, prairies sèches, maraichage…)
et la future mise en œuvre d’une ferme pédagogique,
les terrains exposés au Sud garantissent à la
commune de conserver son aspect rural et de
contenir partiellement la mutation des terres. Un
projet d’aménagement prévoit cependant une zone
d’activités de 6 hectares, des logements individuels
et un EPHAD. Cette mutation doit être l’occasion
d’amorcer une nouvelle manière d’habiter (répétition
des pavillons ? nature et typologie des jardins ?
qualités des limites avec les terres agricoles ?), non
loin du futur Grand Paris Express à moins de 2km.
en situation « péri-urbaine »
En situation « péri-urbaine », continuum urbain
et continuum agricole interfèrent. L’agriculture
est sous forte pression mais le plus souvent encore
en contact avec les plateaux et plaines agricoles
périphériques.
Le Triangle Vert (91), situé à moins de 25 km
de Paris, au milieu des zones fortement urbanisées
du nord-ouest de l’Essonne (Courtaboeuf, les Ulis,
Longjumeau, Massy...), le territoire du projet du
Triangle Vert, crée en juin 2003, représente un
peu plus de 4 800 ha, ceinturé de grands axes de
communication (A10, N20, N104). Il est relativement
épargné par l’urbanisation dense, mais compte
près de 30 000 habitants. Derrière cette situation
enclavée apparaît un territoire attractif, fondé sur une
répartition équilibrée entre : agriculture 40 % ; forêt
26 % ; espaces urbanisés 24 % ; divers 10 %.
Ce “ triangle vert ” est occupé par des espaces
naturels riches (pôle naturel majeur des Buttes du
67
Projet agri-urbain du Triangle Vert
sources P.Coignet + M.Talagrand68
Hurepoix, dont la forêt départementale du Rocher
de Saulx, grands parcs, bords de l’Yvette, vallées du
Rouillon et de la Salmouille, coteaux boisés etc.) et
surtout de vastes espaces agricoles (pour une Surface
Agricole Utile de 1 716 ha), cultivés principalement
par des exploitations au siège local.
Les orientations du projet du Triangle Vert sont
les suivantes :
- assurer le maintien et le développement de
l’agriculture, pérenniser la destination agricole des
sols et minimiser les contraintes d’origine urbaine
pesant sur cette activité.
- valoriser et mettre à profi t la proximité
urbaine. Elle ne doit plus être considérée comme
une menace ni un handicap, mais favoriser le
développement d’activités économiques et sociales
nouvelles, liées à la proximité de la ville et adressées
à ses habitants.
- faire reconnaître la valeur
environnementale, culturelle, paysagère et
récréative du territoire, en permettre la connaissance
afi n d’en assurer le respect et d’en encourager le partage.
L’accent est mis sur l’explication de l’agriculture aux
citadins et sur l’intégration de l’agriculture au projet
urbain des communes. Il s’agit aussi de prendre en
compte les enjeux environnementaux, en favorisant
une agriculture respectueuse de la ressource en eau,
des paysages, et de l’environnement (faune, fl ore).
En situation « ouverte »
Les plateaux agricoles ne sont pas directement
soumis à la pression urbaine. Les développements
des bourgs ponctionnent des surfaces mais celles-ci
restent fonctionnelles.
La Bergerie de Villarceaux, Chaussy (95), est
attenante au château éponyme et est située à environ
70 km du centre de Paris dans le PNR du Vexin
Français. Elle a été modernisée dans les années
70 (remembrement, abandon de la polyculture au
profi t d’une céréaliculture sans partage). Un projet
d’urbanisation dans les années 80 a vu le jour puis a
fi nalement été abandonné. Le château a été racheté
par la Région dans les années 90 et la ferme confi ée
à la fondation C.L. Meyer qui investit depuis pour
mettre en place un nouveau système agricole.
Sur 20 ans, a été opérée la transition d’un modèle
conventionnel vers un modèle durable grâce à
diff érents aménagements de l’espace :
- réintroduction de l’élevage (le cycle de
rotation prairies et cultures permet de ne pas utiliser
d’intrants extérieurs et artifi ciels) ;
- fractionnement du parcellaire et introduction
de haies (la recréation d’une vie biologique et d’une
chaîne alimentaire garantissent la protection des
cultures des insectes prédateurs) ;
- mise en place d’agroforesterie (il s’agit
de cultures étagées, le plus souvent céréaliculture
et arboriculture, qui permettent d’augmenter les
rendements moyens à l’hectare par comparaison avec
un système juxtaposé ;
- développement de circuits courts (vente
directe) et de circuits « semi-longs » (structuration
d’une fi lière territoriale et régionale).
enseignements et perspectives ?
Ce que l’on voit émerger à travers ces exemples,
c’est une forme de « reterritorialisation » de
l’agriculture (Ph. Lacombe, 2002 et M. Calame,
2008). Nous proposons trois pistes de réfl exion - non
exhaustives - pour mieux appréhender la question
agricole métropolitaine et reconsidérer le foncier
comme ressource alimentaire et lieu de pratiques
de loisirs et non plus simple réserve foncière4. Nous
considérerons successivement trois enjeux de :
- connaissance de l’espace agricole
périurbain et de partage de cette connaissance ;
- reconnaissance des fonctions plurielles
de ces territoires agricoles du périurbain et de
sécurisation de leur espace d’assise ;
- réinscription de la fonction nourricière
de l’agriculture dans l’organisation de l’espace
métropolitain et à l’agenda de sa gouvernance.
4. Ph. Lacombe, L’agriculture à la recherche de ses futurs, Datar, Editions de L’aube, 2002
69
Ferme de la Haute Borne, propriété de la ville de Paris,, dans la Plaine de Pierrelaye
sources P.Coignet + M.Talagrand70
Nous accompagnons ces réfl exions de quelques
références historiques parfois très lointaines qui
ne sont pas à interpréter comme l’expression d’une
nostalgie mais plutôt comme une invitation à ressaisir
des héritages pour inventer des solutions nouvelles.
représenter l’agriculture
A travers ces exemples, se joue, la reconstruction
d’une réalité agricole articulée à des fonctions
plurielles et nourrie par des imaginaires divers.
Une volonté partagée s’exprime à diff érentes niveaux
citoyens et politiques en vue de favoriser les pratiques
agricoles (même sur des parcelles de taille modeste),
de recréer des liens avec les habitants et de garantir
une certaine qualité des espaces ouverts, moins
coûteuse que la mise en place d’une trame verte.
Pour autant, les outils de représentation de ce
qu’est l’agriculture périurbaine sont assez limités.
Est privilégiée l’approche statistique et foncière
(outils issus des Chambres d’agriculture) tandis
que la réalité sensible, ou la « géographicité » (C.
Brand et S. Bonnefoy, 2011) de l’agriculture sont peu
appréhendées. Les projets émergeant conduisent
à dessiner l’espace en transformation dans une
perspective cognitive et méthodologique. De
nouvelles cartes sont produites qui donnent à voir,
à connaître et à comprendre. Mais ces cartes restent
fragmentaires.
Dans une perspective d’appréhension d’ensemble
de l’espace agricole périurbain, se pose la question
d’établir à grande échelle, une cartographie «sensible
et objective » montrant à la fois la réalité concrète
et à l’échelle parcellaire de ce qu’est l’agriculture
et le système socio-économique de cette activité. Il
s’agirait à la fois de :
- déconstruire les visions citadines de
l’agriculture qui oscillent entre vision négative de
l’agriculture hyper-productive et représentations
idylliques d’une agriculture rurale disparue (en Ile de
France);
- assembler les connaissances, portant sur
l’espace « ouvert » du Grand Paris et renouveler les
représentations et les imaginaires pour reconstruire
une vision partagée.
délimiter, borner, marquer: de nouveaux « domaines agricoles »
On voit émerger, à travers ces exemples, de
nouveaux périmètres agricoles. Ces périmètres ne se
défi nissent pas par l’unité de la propriété, ni celle de
l’exploitation ou de la culture ou encore celle du «
substrat géographique » et des conditions naturelles
qu’il off re. Elles se défi nissent par une hybridation
complexe entre des:
- formes de culture diversifi ées (réinvention
de la polyculture) ;
- liens usagers et fonctionnels entre la ville
et l'agriculture (approvisionnement en produits
frais, accueil d’activités de loisir citadin, gestion
des espaces naturels intersticiels, aménagement des
espaces ouverts pour permettre des usages mixtes…);
- modalités de propriété, d’exploitation et
de gestion du sol plurielles mais encadrées par une
gouvernance unifi ée et institutionnalisée (avec le
plus souvent une maîtrise publique foncière partielle
mais structurante).
Nous y voyons une sorte de « domaines agricoles»,
forme contemporaine et actualisée des domaines
historiques, assis sur une identifi cation à la fois
géographique, économique et culturelle locale. Leur
dimension (de quelques centaines à quelques milliers
d’hectares) vérifi e une taille critique déterminante en
termes de lisibilité et de fonctionnement.
A cela se combine des formes de mise en valeur
du sol (moins volatiles que ne l’est la grande culture
annuelle) et engageant un retour sur investissement
de moyen, long terme. Le maraîchage, l’arboriculture,
l’élevage réintroduits supposent des aménagements
pérennes de l’espace (haie, chemin…) et assurent une
identifi cation des paysages.
D'autres époques ont vu l’invention de formes
71
Transports des produits de l'agriculture. à la fi n du moyen-âge in Fernand Braudel, l'identité de la France, éd Flammarion, Paris 1999
72
de « domaines » liés à la recomposition des relations
économiques entre ville et agriculture et des relations
politiques entre paris et la banlieue. Rappelons ainsi
l’expérience des champs d’épandages de la Ville de
Paris situés dans les Plaines de l’Ouest parisien.
Avant que la pollution des sols par les métaux
lourds issus des déchets urbains ne soit suspectée
puis vérifi ée, ces espaces agricoles étaient conçus
comme des lieux d’innovation et d’expérimentation.
Ils s’organisaient pour partie en « domaines » : les
pépinières de la ville de Paris à Achères, la ferme de
la Haute Borne à Pierrelaye et Méry-sur-Oise. Ces
domaines étaient caractérisés par une unité foncière
en l’occurrence détenue par la Ville de Paris.
considérer toutes les échelles des liens nourriciers ville – agriculture
On voit émerger, à travers ces exemples, le
développement de nouveaux liens fonctionnels
entre ville et agriculture notamment à travers
les circuits courts dont le succès repose sur
la convergence de plusieurs attentes sociales
(reconstitution de l’imaginaire rural de la ceinture
maraîchère, exigence de qualité et de traçabilité des
produits, recherche de sécurité alimentaire, recréation
du lien social…)5.
Ceux-ci portent principalement sur une petite part
de l’alimentation (les produits frais principalement
maraîchers et animaux). Mais, une grande partie de
l’approvisionnement de la ville repose sur le stock, la
conservation et l’acheminement de denrées (c’est en
lien avec l’évolution de ces techniques que la grande
ville s’est développée).
Parallèlement à ces dynamiques locales, des
réfl exions émergent à un niveau institutionnel et
scientifi que, sur la gouvernance alimentaire des
métropoles (Hungry-City, 2012)6. La compréhension
5. Caroline Brand et Serge Bonnefoy, « L’alimentation des sociétés urbaines : une cure de jouvence pour l ’agriculture des territoires métropolitains ? », et M. Poulot, « Des arrangements autour de l ’agriculture en périurbain : du lotissement agricole au projet de territoire », VertigO - la revue électronique en sciences de l'environne-ment [En ligne], Volume 11 Numéro 2 | septembre 2011
des liens fonctionnels et nourriciers entre ville et
agriculture conduisent à envisager une structuration
des fi lières à diff érents rayons d’action ( Johaness
Wiskerke, et Gille Billen, 2012):
- les circuits courts : ils consistent en un
lien direct entre producteur et consommateur
et concernent un rayon réduit autour de la ville
(mitoyenneté agriculture / ville) 7;
- les circuits semi-longs : ils consistent
en des fi lières production, transformation et
consommation organisées à l’échelle d’un territoire
et sans intermédiaires et concernent donc dans le
cas du Grand Paris, un rayon élargi dépassant les
limites de la Région mais n’excédant pas celles des
régions agricoles voisines.
Structurer des fi lières à diff érents rayons
d’action, c’est organiser la sécurité alimentaire des
villes mais c’est aussi structurer l’espace péri-urbain
à diff érentes échelles et maîtriser indirectement
le foncier en consolidant et territorialisant les
économies agricoles.
conclusion
Les documents et références étudiées mettent en
relief des plans d’actions et des outils qui concernent
la mise en valeur de certains produits agricoles, la
relation avec les habitants, la création de nouvelles
centralités agricoles (via des fermes pédagogiques)
pour accueillir un nouveau public urbain, la mise
en place de zones qui délimitent et protègent des
espaces ouverts8.
Mais peu abordent concrètement à l’échelle de
la parcelle, la relation entre espace bâti et agricole
qui est le sujet de tensions entre les diff érents
6. A. De Biasi, D. Pujol, Les programmes agri-urbains : un partenariat entre agri-culteurs et collectivités, un nouveau mode de gouvernance, IAURIF-DRIAF, 20057. Hungry City « un premier rendez-vous international autour de la gouvernance alimentaire des régions urbaines » 6-7 décembre 2012, Conseil régional d’Ile-de-France, Paris et notamment Gilles Billen, « Paris et les campagnes qui la nourrissent : le passé, le présent et l ’avenir » et Johaness S.C. Wiskerke, Wageningen University (Pays-Bas), « Construire des chaînes d’approvisionnement alternatives »8. M. Poulot, « Résurgences paysagères et nouvelles économies agricoles dans le périurbain francilien », publié dans « Projets de paysage » : URL : http://www.projetsdepaysage.fr/fr/resurgences_paysageres_et_nouvelles_economies_agri-coles_dans_le_periurbain_francilien
73
sources P.Coignet + M.Talagrand
le bassin agricole (gris clair) dépasse largement le bassin francilien ( gris foncé)
74
Idées clés :
- l'agriculture est structurée par des caractères
géographiques et des fi lières économiques
- l'économie agricole s'est déterritorialisée
sous l'eff et de la mondialisation du marché
agricole et de la spéculation foncière sur les
terrains agricoles parfois très accessibles
- la déprise agricole n'est pas une fatalité
des circuits courts et des partenariats entre
agriculteurs, citoyens et institutions sécurisent
des espaces agricoles urbains
- l'agriculture francilienne est méconnue,
des nouvelles cartes sont nécessaires pour mieux
raconter ses fi lières, ses territoires
- une politique agricole urbaine renforce la
vocation économique de l'agriculture, stabilise le
foncier, et relie des espaces habités/urbanisés et
des espaces ouverts/cultivés
acteurs. Peut-on ainsi imaginer une méthode/
charte… qui développe un certain nombre de
dispositifs pour mieux gérer la relation ville/
agriculture et appréhender le « comment faire » du
développement périurbain :
- le rôle du jardin et de sa limite avec l’espace
agricole.
- continuités et accès
- espace boisé et haies existantes comme
interface
- co-visibilité et hauteur bâtie
- typologies végétales de l’espace périurbain
- ….
Par ailleurs, la question d’une gouvernance
à l’échelle métropolitaine-cf. l'article de Marc Wiel
– pour orchestrer et coordonner ensemble les
diff érentes actions sur la défense/mise en valeur de
l’agriculture et en relation avec les développements
urbains autour des gares, des zones périurbaines et
des villes nouvelles doit être maintenant posée.
75
sources CVL/Seura76
De 1991 à 2000.
Nouvelles connections aux TC et développements lisés au 'tout-voitures', mais une baisse de la construction
De 2001 à 2012.
Un retour au modèle de distribution historique : des nouveaux projets sans desserte TC, notamment depuis 5 ans.
Avant 1975.
Les précurseurs : un mode de développement fondé sur les grands axes de fl ux voitures
De 1976 à 1990.
Les pôles historiques connectés et des pôles majeurs sont créés en lien avec les stations de TC, sans conviction du côté des opérateurs
Les centres commerciaux, "locomotives" ou freins du renouvellement urbainJérôme Legrelle + Nicolas Douce
un modèle génét iquement consommateur de foncier :
Les centres commerciaux, et plus généralement
les zones commerciales ont été et demeurent
fortement consommateurs de foncier. Cette
situation est liée à la fois aux principes qui ont guidé
le développement de la distribution en France, mais
aussi à ceux qui ont dicté la conception du magasin
«idéal ».
En eff et, les principes qui dirigent la conception
d’un magasin idéal sont portés par l’idée (vérifi ée)
que les clients n’aiment ni monter, ni descendre
les niveaux, et que le plain-pied est la meilleure
solution. Il en résulte un étalement d’autant plus
important, que la forme du local répond elle-même
à des caractéristiques de formes géométriques
contraignantes, ne favorisant pas l’optimisation des
coeffi cients d’emprise au sol.
De plus, le développement des centres
commerciaux s’est fait sur le postulat que la taille
était l’un des moteurs de l’effi cacité commerciale. Le
principe du « tout sous le même toit » lancé par les
hypermarchés a été largement repris par les centres
commerciaux, phénomène accentué jusque dans les
années 2000, avec la création de « fl agships », où le
gigantisme était synonyme de puissance (Saturn,
IKEA, …). Les raisons de ce modèle s’appuyaient
sur les objectifs suivants :
- pouvoir exprimer l’off re la plus large possible
afi n d’off rir un choix des plus vaste,
- attirer des clientèles importantes et variées
(le mass market),
- créer des fl ux denses, réguliers et récurrents,
garants des performances commerciales du site.
De tels objectifs ont conduit à la conception de
grands magasins, aux premiers rangs desquels on
retrouve les hypermarchés, couvrant des surfaces
pouvant dépasser les 20 000 m² de plancher
(Carrefour à Portet-sur-Garonne et Villiers-
en-Bière, Auchan Vélizy-Villacoublay,…). Mais
autour de ces machines à trafi c, se sont rapidement
agglomérés d’autres magasins apportant une off re
complémentaire, renforçant ainsi la dynamique des
zones commerciales en question. Le corollaire fut le
développement de la plupart des zones commerciales
que nous connaissons aujourd’hui, soit sous une
forme organisée et structurée (le centre commercial)
soit sous une forme « aléatoire » (les parcs d’activités
commerciales).
La consommation foncière a été d’autant plus
importante, que ces développements se sont fait
sur des espaces périurbains, sans réelles contraintes
urbaines. Construit pour attirer de loin (les
premières zones de chalandise étaient calculées à une
heure, voir au-delà !), il fallait inévitablementdes
nappes de parkings gigantesques pour accueillir
tous ces clients, nappes elles-mêmes fortement
consommatrices de foncier. C’est l’ensemble de ces
principes qui a conduit au développement de ces
ensembles commerciaux,en périphérie et parfois
même en milieu urbain ou péri-urbains, ancrées par
des moyennes surfaces du type supermarché s’étalant
sur plusieurs milliers de m² (Bobigny, Boissy 2, …)
En synthèse, le modèle de développement des
centres commerciaux des dernières décennies, s’est
fait en France, au moyen de consommation de
foncier en abondance :
77
Stratégie de mutation progressive d'une zone commerciale en faubourg urbain
l'arrivée de transports en commun
des équipements voire des logements
des nouveaux logements et des commerces
des nouveaux commerces
sources David Mangin/Seura78
- parce que développé en milieu péri urbain,
non contraint,
- parce que conçu pour accueillir des fl ux
venants de loin, nécessitant des parkings en quantité
(entre 3 et 5 places par 100 m² de SHON construite),
- parce que l’attractivité était fondée sur
le moteur de l’off re la plus large et plus diversifi ée
possible,
- parce qu’ancrée par des grandes et moyennes
surfaces.
la simple contestation ou remise en cause du modèle, peut-elle suffi re à engendrer des changements ?
Le débat sur cette consommation immodérée
de foncier conduit à questionner cette forme de
développement. Mais est-ce bien réaliste de vouloir
poser cette question, sans toucher aux fondements
même du commerce et sans nuire à l’activité
commerciale qui concentre à la fois des enjeux
économiques, urbains et mêmes sociaux ?
Cette remise en cause est tout d’abord portée
par un certain rejet plus ou moins subjectif de cette
forme de distribution :
- raisons architecturales : massacre des entrées
de villes,
- raisons environnementales : contre le
principe de l’usage des véhicules et des déplacements
longs,
- raisons idéologiques : rejet du modèle censé
représenter une société de consommation qui serait
révolu,
- consommation désordonnée et excessive du
foncier.
Cependant, plus appuyées par des ressentis
et des points de vues souvent idéologiques, niant
la nécessité d’une organisation effi cace de la
distribution répondant aussi à des attentes et
habitudes des consommateurs, ces discours n’ont
et n’auront que peu d’eff ets sur les soit disant
responsables de ces situations : ils se heurtent aux faits
et aux réalités issues de nos besoins et envies auxquels
est censée répondre ce mode de distribution. Il suffi t
de prendre en considération les chiff res suivants pour
mesurer la puissance de ce modèle.
- un hyper peut drainer jusqu’à 100 000
passages caisse/jour,
- un hyper réalise plusieurs dizaines, voire
quelques fois centaines de millions d’euros de
- chiff re d’aff aires,
- un centre commercial génère plusieurs
centaines de millions d’euros de chiff re d’aff aires,
- les 4 Temps : 40 millions de visiteurs, Rosny
2 : 18 millions de visiteurs,
- la voiture représente toujours le mode d’accès
privilégié au grand commerce : au mieux,hors Paris,
la part des transports en commun ne dépasse pas ¼
de l’accès des clients, et représente encore moins en
termes de chiff re d’aff aires.
Toute modifi cation physique de ces ensembles,
par récupération de foncier, limitations des emprises
parkings, … se heurtera d’abord aux contraintes
fi nancières qui ne manqueront pas d’apparaître,
en remettant en cause l’équilibre économique
de ces systèmes qui profi tent non seulement
aux distributeurs, mais aussi aux foncières ou
propriétaires, comme aux collectivités !
Elles se heurteront aussi à des contraintes
juridiques et réglementaires lourdes (par quel droit
forcer à l’application de nouvelles règles sur de
l’existant ?). Enfi n, l’organisation juridique de la
plupart de ces ensembles en multi ou copropriété
complexifi e singulièrement la conduite de projets,
devant être nécessairement porté par une vision
commune (on reviendra plus loin sur ces éléments
essentiels).
Non, le modèle qui prédomine n’est pas mort,
et il continue même de se développer ! Les derniers
programmes ouverts (Le Millénaire), ceux qui vont
ouvrir (Villeneuve-la-Garenne), ou encore ceux qui
sont en projet, consomment des emprises foncières
toujours aussi importantes ; même l’augmentation
signifi cative du coût des fonciers n’a pas ralenti sa
79
sources CVL/Seura80
situation :
- CA en M€
- copropriété
- bâti
- off re / demande
densifi cation extension
diversifi cation fonctionelle
sur sol
sous-sol
même sol
mutation (vente) ou transfert
Scénarios pour créer de la valeur pour plus de mixité fonctionelle
consommation, restant pour les promoteurs de ces
projets, à la fois nécessaires au fonctionnement des
sites créés, et toujours aussi avantageux par rapport à
la valeur créée. La raréfaction du foncier disponible
peut induire la construction de stationnement en silo
ou en infra mais le fait est, qu’au vu du coût de tels
aménagements, les opérateurs privilégient dès que
possible, les parkings en surface qui consomment
d’autant plus de foncier.
Ceci étant dit, la situation est-elle pour autant
fi gée et la question de la récupération, ou à tout le
moins, d’un meilleur usage de foncier des centres
commerciaux doit-elle être totalement écartée ? La
réponse est la aussi, négative. Les commentaires
faits plus haut démontrent simplement que l’usage
du foncier est directement corrélé au mode de
fonctionnement du commerce, et que par conséquent,
toute évolution passera par un changement de
paradigme, une modifi cation des moteurs du
commerce.
la modif ication des critères de conception des centres commerciaux est en cours
Le changement est en marche, et ce de manière
structurelle et forte. Les ressorts du commerce
moderne sont en train de se modifi er en profondeur
sous l’eff et conjugué de plusieurs événements.
Souvent conçus hors des villes, ces ensembles
sont aujourd’hui « ensevelis » par l’urbanisation
galopante, et doivent répondre à des zones de
chalandise primaire qui se sont renforcées
La puissance d’attraction de ces sites se réduit
fortement sous l’eff et conjugué de moindre recours
à la voiture et à la limitation des déplacements
motorisés, densifi cation des m² commerciaux, avec
pour corollaire l’accroissement,l"off re (et donc de
la concurrence), laquelle réduit mécaniquement
l’eff et d’attraction d’un site et pose la question de
la taille optimum à avoir, la perte de puissance des
locomotives, tels que les hypers ou autres moyennes
surfaces (FNAC, Saturn,…).
Le-commerce vient concurrencer le centre
commercial sur son terrain, avec une off re plus large
et facilement accessible
Le développement du multi-canal permet aux
enseignes de démultiplier leurs points de contacts
avec le consommateur : les grands sites deviennent
un canal parmi d’autres.
La crise impacte la consommation et vient
renforcer la pression sur les rendements; l’apparition
des premières vacances sur des durées longues
(structurelles ?) fait craindre l’apparition de friches
commerciales.
Les modes de consommation ont évolué avec la
remise en cause, réelle, par le consommateur du site
unique où faire ses courses : il y va moins souvent, il
utilise d’autres canaux, il s’y rend de plus en plus en
transport en commun.
-La notion de proximité revient en force :
proximité géographique, proximité d’idée ou de
goût (naissance des communautés), proximité par
des services dédiés, proximité par le mcommerce
(smartphones)….
- …
D’où ce constat qui petit à petit s’impose, et
qui génère un début de recherche de solutions : le
modèle construit sur le principe du tout sous le
même « grand » toit n’est plus pertinent, et s’il
l’était encore, il n’est plus dominant et ses bases sont
menacées. La question pour les distributeurs et les
enseignes n’est plus d’attirer le chaland, mais d’aller
à sa rencontre, d’où l’émergence de l’omnicanal, qui
favorise l’éclatement des points de ventes, en dur
comme virtuel, pour « coller », aller au devant du
consommateur. « Où je veux, quand je veux, comme je
veux ». Le modèle dominant doit s’adapter et laisser
de la place pour d’autres formes de distribution.
81
Le système est donc en train de s’inverser, ou à tout
le moins de se diversifi er au profi t du consommateur
qui redevient maître du jeu. La crise économique
qui aff ecte la consommation a cette vertu de mettre
en exergue cette donnée, et permet d’eff ectuer un
tri sévère entre les centres commerciaux. A terme,
cette tendance pourrait être fatale pour ceux d’entre
eux qui n’auront pas su évoluer et/ou résister. Il faut
remarquer que nous n’en sommes plus à imaginer
des risques, mais bien dans le constat. On citera
pour exemple, les quelques sites bien connus, en proie
à ces diffi cultés et devant initier des restructurations
lourdes pour tenter de se repositionner sur le marché
: Bobigny 2, Boissy 2, SQY Ouest à Saint Quentin
en Yvelines, Domus à coté de Rosny 2…
Même les derniers centres sortis de terre
récemment, peinent à trouver leur place (le
Millénaire, à Aubervilliers). L’omni-canal vu par une
enseigne Le client au centre du réseau d’Altaréa-
Cogedim
vers un redimensionnement des centres au profi t de la proximité (des proximités)
L’ensemble des points évoqués plus haut
montre que la puissance liée à la taille s’estompe, ce
phénomène ayant déjà touché les enseignes elles-
mêmes, lesquelles ont commencé à revoir leur concept
sur des dimensions plus restreintes, en même temps
qu’elles se rapprochent de leurs clients : (grande
distribution dans l’alimentaire : Carrefour, Casino,.. ;
dans l’équipement de la maison : But, Conforama,…
; Culture loisir : FNAC,… ). Les conséquences de
cette double tendance de rapprochement vers le client,
et de réduction de surfaces, doivent naturellement
ouvrir des possibilités pour libérer du foncier et en
tous cas, minimiser la consommation de ce dernier
et notamment sur tous nouveaux projets :
- le besoin en parkings est limité par la
recherche d’une clientèle de proximité avec un
moindre usage de la voiture, et l’utilisation plus facile
des TC,
- les surfaces nécessaires sont adaptées et
réduites, pour répondre à une demande plus ciblée,
- la génération et la captation des fl ux sont
optimisées par la densifi cation et la mixité des
fonctions regroupées en un endroit ou une zone
dédiée.
L’intégration urbaine et la mixité sont donc
à retrouver ou peut-être même à réinventer,
pour mettre en place les « nouveaux ressorts
» de l’attractivité : limitation des emprises aux
stricts besoins, tout en renforçant l’attractivité
par la diversité de l’off re au sens large (culturelle,
administratives, services…), le tout en lien avec
la diversité de la population et sa densité. Ainsi
apparaît de plus en plus « nécessaire et utile » le
développement de programmes intégrés pouvant
cumuler diverses fonctions, comme celles du
commerce et de l’habitation, et/ou de bureau.
Ce faisant, si la démultiplication des points de
commerces réduira leur impact en termes d’emprise
foncière et de création de parkings, avec un meilleur
usage du foncier et une plus grande densifi cation,
cela impliquera néanmoins de se poser la question du
bon maillage du territoire (proximité) et de la bonne
répartition de cette off re commerciale. L’échelle du
territoire à retenir pour observer, apprécier et décider
des bons équilibres est sans doute plus large que celle
de la commune, tant l’intégration et la densité du
tissu urbain est forte en Région Parisienne et qu’une
vision globale s’impose. En synthèse, les évolutions
structurelles de l’off re commerciale conduisent à
la remise en cause du postulat de l’importance de
la taille, au profi t de celui de la proximité, sous des
formes les plus variées. Cela doit naturellement
conduire l’off re commerciale à :
- faire un meilleur usage du foncier (moindre
consommation, intégration et plus de densité),
- favoriser une meilleure répartition du
territoire, plus équilibrée,
- assurer une meilleure planifi cation et
anticipation des besoins, pour privilégier l’équilibre
entre les diff érentes polarités
82
les contraintes financières et les rigidités administratives et juridiques peuvent–elles contraindre ou altérer ce processus ?
Les prémices de ce processus d’évolution vers des
centres plus denses et off rant une certaine proximité
n’est pas un phénomène totalement nouveau : il s’est
amorcé depuis quelques années, avec certaines villes
qui donnent les premiers exemples de ce qu’il est
possible de réaliser.
Argenteuil a ainsi permis, en 2001, la réalisation
d’un programme mixte, associant bureaux,
logements, commerces (29 000 m²) et parkings.
Boulogne Billancourt avec l’opération des Passages
est un bel exemple d’intégration urbaine et de mixité
d’usage ; plus récemment Th ionville a vu son centre-
ville bénéfi cier d’un projet de cette nature. Demain,
ce sera Annemasse avec un projet intégré, off rant
logements, commerces, bureaux et loisirs sur des
emprises foncières réduites et densifi ées, sans pour
autant avoir dénaturé le coeur de ville. Conçus dans
la cadre de projets urbains souvent initiés par la ville
et au travers de procédures ad hoc telles que les ZAC,
ces projets ont pu émerger, parfois après de longues
périodes de gestation et de multiples diffi cultés qui
ont pu décourager en chemin nombre d’opérateurs,
quand ce n’est pas la conjoncture économique qui y
a mis un terme.
Cependant, que peut–il en être dès lors
qu’il s’agit de reconfi gurer, et réadapter des sites
existants ? La captation de ce foncier, pour en
optimiser l’usage, n’est-elle pas de ce fait un
objectif, illusoire, plus ou moins voué à l’échec ?
En préalable, un constat simple s’impose : dès
lors que le site considéré « fonctionne », il sera très
diffi cile, sinon impossible économiquement, de « libérer
» du foncier à un prix qui ne soit exorbitant et qui
rende, par exemple, une opération de logements
économiquement viable ; ceci tout simplement, parce
que le rendement fi nancier du commerce (et donc
sa valeur) est dans cette hypothèse, très largement
supérieur à celui du logement. Autrement dit, ce
n’est que lorsque le commerce est en diffi culté que la
valeur de l’immobilier qui l’abrite diminue fortement,
et qu’il devient possible d’imaginer une meilleure
valorisation. Mais cette condition nécessaire n’est
pas suffi sante et va souvent se heurter aux coûts
de transformation à mettre en oeuvre, pour «
reconstruire » un nouveau programme que ce soit
en totalité ou partiellement.
Le cas de Bobigny 2 est à cet égard
particulièrement édifi ant quant aux diffi cultés
rencontrées et aux obstacles à surmonter, pour
envisager une évolution du site. Ce centre souff re,
malgré une localisation qui présente de nombreuses
qualités, de faibles performances et une vacance qui
a fi ni par devenir quasi structurelle. Ses parkings
sont trop importants, et très faiblement utilisés. Les
propriétaires en sont conscients depuis plusieurs
années et plusieurs projets de restructuration lourde
ont été étudiés. La ville est même entrée au sein de
la copropriété pour tenter d’infl uer sur le cours des
choses et favoriser la transformation du site. Les
deux principaux obstacles à la mise en oeuvre d’un
projet qui réadapterait le site à son environnement
sont d’une part la diffi culté à trouver un équilibre
fi nancier à l’opération, et d’autre part la structure
juridique de la propriété.
En eff et, l’équilibre fi nancier passe d’abord par
l’augmentation des droits à construire et donc la
densifi cation du site, pour du commerce ou d’autres
fonctions. Les coûts sont donc limités aux contraintes
liées à la mise en oeuvre de la densifi cation, sans perte
signifi cative de m² commerciaux. Mais déjà, ce simple
processus de rajouter des m² est particulièrement
complexe et coûteux à mettre en oeuvre et nécessite
un potentiel de commercialisation et de valorisation
à même de rentabiliser l’opération.
La structure juridique de la copropriété oblige
à trouver un accord unanime sur le projet à mettre
en oeuvre : un seul regard sur la diversité de ces
copropriétaires permet de comprendre qu’il s’agit
là d’une mission quasi impossible, car l’intérêt
d’un grand distributeur (Immochan) n’est pas celui
de la ville (Bobigny), ni celui d’un investisseur
83
institutionnel (La Française), ni celui d’une foncière
spécialisée (Unibail-Rodamco)…
Derrière ces notions fi nancières et de propriété,
se pose la question de la nécessaire conduite de
projet qui doit pouvoir être menée, dans la mesure
du possible, dans un cadre réglementaire, juridique
et décisionnel le plus simple possible : la maîtrise
du foncier et de l’actif est aussi sans doute l’une
des clés pour pouvoir mener à bien ces opérations.
Pour en arriver là, pour tous les sites qui, comme
celui de Bobigny 2, gagneraient à être restructuré
commercialement, il faudrait sans doute imaginer
de nouveaux outils non seulement réglementaires,
mais aussi opérationnels qui permettent de prendre
le contrôle des opérations et surtout de les mener à
bien :
- le projet serait défi ni en fonction de ce qui
correspond le mieux à l’intérêt général,Bobigny 2
- la contrepartie des droits à construire
additionnels donnerait droit à la puissance public à
impulser et conduire le cas échéant l’opération (on
peut espérer que cette seule menace soit suffi samment
convaincante, pour ne pas en arriver là…),
Ainsi, la mise en oeuvre, à défaut d’être assurée
par les propriétaires, pourrait être prise en charge par
des équipes spécialisées.
Il y a donc tout un champ d’investigation à mener,
pour défi nir les conditions juridiques et les moyens
opérationnels de cette mise en oeuvre. Partant du
principe, que ces mouvements de transformation
ne se feront que dès lors que l’économie du projet
sera trouvée (diminution de la valeur commercial du
site favorisant sa mutation vers d’autres fonctions
et création de droits à construire), il n’y aura lieu
de mobiliser, le cas échéant, que des ressources
opérationnelles dans un cadre juridique qui reste à
imaginer.
Il faut enfi n noter que les leçons tirées de
l’exemple de Bobigny, valent aussi pour les sites situés
en entrée de ville, comme c’est le cas pour Montigny-
Lès-Cormeilles, comme pour ceux constitués d’un
grand hypermarché et d’une galerie avec des hectares
de parkings. Dans ce dernier cas, suivant l’intégration
urbaine ou non du site, une densifi cation devra être
compatible (en harmonie ?) avec l’environnement
avec les diffi cultés d’intégration habituelles
d’autres fonctions sur des parkings commerciaux :
accessibilités et confl its d’usage, commercialisation
de logements donnant sur des parkings et/ou des
zones logistiques...
Au-delà de toutes ces considérations, Il est
essentiel de bien garder en mémoire qu’avec le
commerce, il est impossible de décréter les choses
pour qu’elles se mettent en place et encore moins,
pour que cela fonctionne. Comme cela a été déjà
évoqué, le point de départ des réfl exions sur la
mutation du foncier, passe par la prise en compte
d’une situation commerciale dégradée, et ou par la
possibilité d’une création de valeur : autrement dit,
une possibilité de sortie par le haut.
ce mouvement de restructuration affectera-t-il tous les formats commerciaux de la même façon ?
Force est de constater que tous les formats
commerciaux rayonnants ne sont pas égaux
face à ces évolutions profondes des modes de
consommation.
La carte ci-dessous réalisée par l’IAU IDF
représente les grands pôles commerciaux existant
dans l’agglomération de Paris. Comme on l’a vu
plus haut, le commerce se nourrit de fl ux et si l’on
recoupe cette carte avec le réseau viaire, on peut
constater que si les trois grandes rocades que sont le
boulevard périphérique, l’A86 et la francilienne ont
vu s’implanter des formats de centres commerciaux,
les grandes pénétrantes comme la N7, la N13, la N20,
la D11 et la D14 ont plutôt connu le développement
de parcs d’activités commerciales (zones de « boîtes).
Ces derniers ont été depuis rattrapés par
l’urbanisation et sont desservis par des axes devant
en partie muter vers de véritables urbains qui
84
peuvent induire une réduction des fl ux de véhicules
vers ces parcs. Par ailleurs, l’évolution des modes de
consommation et les premiers impacts observés sur
la distribution indiquent une fragilité de ce modèle
pour un enfrichement qui a déjà débuté. Si des
opportunités foncières peuvent être identifi ées pour
une mutation du commerce vers d’autres fonctions,
certaines de ces zones sont des cibles à privilégier.
L’écueil restera celui de la valeur des actifs
commerciaux sur ces zones, pour des valeurs locatives
potentielles bien supérieures à ce que peuvent payer
de l’activité économique ou du logement, même si
un enfrichement organisé afi n d’abaisser la valeur
globale de certains secteurs et la mise en place de
projets urbains dédiés peuvent contrebalancer cette
diffi culté.
peut-on laisser le mouvement de restructuration s’opérer « naturellement » ?
Il a déjà été répondu par la négative, à cette
question, au regard des contraintes inhérentes à
chaque site.
On peut aussi ajouter que ce processus ne peut
pas se faire naturellement par décantation, car cela
serait trop long et dangereux : si la question de la
mutation n’est réellement posée que lorsque la
situation est critique, ou lorsque la perte de valeur
commerciale, et/ou fi nancière est avérée, le tissu
urbain et social est doute déjà gravement aff ecté,
avec les dégâts collatéraux qui vont avec à savoir
dégradation des lieux et la montée de l’insécurité. Le
sujet dès lors, n’est plus la densifi cation foncière, ou
la récupération de foncier invisible, mais purement
et simplement la requalifi cation urbaine.
Le laisser faire n’est aussi pas possible parce que
toute restructuration comme cela a été déjà dit, doit
être dirigée:
- pour faire converger les diff érents acteurs
(enseignes, bailleurs,…),
- pour s’assurer de bonnes conditions de
portage pendant les conversions ou modifi cations,
- pour pouvoir intervenir au travers des
réglementations, à modifi er et à adapter aux besoins,
- pour vérifi er que ces adaptations intègrent
dans une vision plus large que celle du site lui-même.
L’une des problématiques essentielles
du commerce en Ile-de-France a été celle de
l’absence de document de planifi cation à une
échelle pertinente. En eff et, le SDRIF a jusqu’à
présente été particulièrement peu disert sur la
fonction commerciale tandis que les SCOT ne se
sont que peu développés sans parler des Documents
d’Aménagement Commercial (DAC) qui le sont
moins encore.
Certains territoires d’intervention
d’Etablissements Publics d’Aménagement ont
bénéfi cié d’analyses commerciales poussées, certains
EPCI également mais les initiatives sont globalement
restées relativement isolées. La Ville de paris a eu de
son côté une politique commerciale off ensive et des
positions très tranchées sur certains sites mais avec
des résultats mitigés : volonté de ne plus développer
d’équipement de la personne sur les Champs Elysées
mais désaveu des refus de la CDAC par la CNAC et
le Conseil d’Etat, refus de l’ouverture des magasins
du boulevard Haussmann le dimanche d’où une
évasion vers des pôles situés en périphérie de Paris
(les 4 Temps)…
Le nouveau SDRIF est beaucoup plus explicite
et cohérent avec la réglementation de l’urbanisme
commercial. Le corpus réglementaire dispose
désormais d’une base solide mais doit maintenant
se voir prolongé par la mise en place de Documents
d’Aménagements Commerciaux au sein des SCOT,
déclinés dans les PLU et PLUI. Ce mouvement
prendra toutefois du temps et pose la question de la
capacité des SCOT et EPCI à prendre à bras le corps
la question du commerce à la bonne échelle.
85
sources Seura/AlphavilleCVL86
Rosny 2: quand l'extension du réseau de TC peut servir de leviers de la diversifi cation fonctionnelle
Domus Rosny 2
Station RER E
Rosny-Bois-Perrier
Cités
Cités
UGC
A86
A3
Paris
quelques pistes de réfl exions et de préconisations :
Raisonner à l’échelle du territoire, car la
pérennité de chaque site dépend aussi de la
concurrence et donc du bon maillage.
Identifi er les sites menacés ou trop consommateur
de foncier, ou pouvant être densifi és afi n d’anticiper
les actions susceptibles d’être mises en oeuvre :
faut- il créer un observatoire, un plan directeur à
l’échelle de la région ?
Se doter de compétences, au travers d’un
organisme acteur, coordinateur du mouvement,
capable d’initier et de conseiller les communes pour
mettre en oeuvre tous les outils du changement
: réglementations, les moyens juridiques, moyens
techniques et opérationnels…
Rassembler et mobiliser tous les opérateurs
privés qui, au travers du recensement de ce foncier
invisible (inexploité ou gâché…) pourraient prendre
conscience des enjeux, qui touchent d’abord leurs
propres coeurs de métiers, mais aussi l’ensemble des
autres acteurs et plus généralement notre propre
société.
Défi nir des modes et stratégies d’intervention
dédiés et économiquement viables afi n
d’accompagner les mutations. Un aménageur
pourrait par exemple acquérir un parc de
stationnement dédié à un équipement commercial,
y construire un parking silo de manière à libérer du
foncier pour implanter un bâtiment non commercial
et équilibrer un bilan, puis revendre ceparking silo au
propriétaire initial au prix d’acquisition du foncier.
conclusion
Face aux grandes étendues de stationnement
aérien, souvent basiques et non végétalisés, il peut
apparaître comme tentant de les reconvertir en
totalité ou en partie sur d’autres fonctions dans
une logique de densifi cation urbaine, ceci afi n de
tourner la page de sites commerciaux de périphérie
rattrapés par l’urbanisation. De même, le contexte
économique et les profondes évolutions en matière
Idées clés :
- la grande distribution s'est développée sur
un modèle fortement consommateur de foncier,
largement dépendant du tout automobile sur un
modèle toujours plus grand pour avoir tout sous
le même toit.
- le niveau de la rente foncière et le droit du sol
limitent les interventions publiques volontaires
sur les emprises commerciales
-les deux leviers de la mutation d'un site
commercial sont le ralentissement de son activité
et la création de valeurs
-la mégapole doit se doter d'outils de
régulation de l'immobilier commercial à l'échelle
mégapolitaine
- défi nir des modes et stratégies d’intervention
dédiés, économiquement viables et des
partenariats entre les acteurs citoyens, publics et
privés afi n d’accompagner les mutations des sites
commerciaux
de consommation et de distribution ne rendent pas
impossible dans les prochaines années d’envisager la
fermeture pure et simple de centres commerciaux
qui n’auront pas su s’adapter, ce qui n’a pour l’instant
jamais été le cas en France, d’où une logique à vouloir
les remplacer par d’autres fonctions.
Toutefois, comme on l’a vu, cela ne sera possible
que via une réelle création de valeur économique à
même de convaincre les opérateurs privés de faire
muter des actifs souvent amortis comptablement
via des projets de restructuration complexes et
coûteux. Cela passe nécessairement par le montage
de projets d’ensemble associant la collectivité,
les services de l’état et les opérateurs privés, dans
une logique d’incitation plus que de coercition,
ne serait-ce que parce que les outils et moyens
d’imposer de telles évolutions à un opérateur privé
sont aujourd’hui extrêmement limités pour ne pas
dire presqu’inexistant.
87
neutralise les réseaux de transports
rend impossible la disribution d'eau (en rouge) et d'électricité ( en bleu)
remonte dans les sous-sol (en rouge)
En cas d'inondation de type crue 1910, les nappes saturées et la Seine débordante...
sources M.Reghezza-Zitt/Seura88
Les risques: effets domino et effets de levierMagali Reghezza-Zitt
En France, les inondations menacent près
d’une commune sur trois (dont 300 grandes
agglomérations) , soit un peu plus de 6 millions
d’habitants. C’est donc un risque majeur qui a un
coût très important pour la société : depuis trente
ans, chaque grande inondation a coûté entre 500
millions et 1,5 milliards d’euros. C’est d’ailleurs une
inondation causée par la crue de la Seine et de ses
affl uents qui est susceptible de provoquer en France
métropolitaine la plus grande catastrophe nationale
après un séisme à Nice.
Trop longtemps, l’aménagement de la région
parisienne a négligé l’existence de la menace. La
Seine n’ayant plus connu de crue exceptionnelle
depuis 1955, la conscience du danger s’est peu à peu
aff aiblie, alors même que l’essentiel de l’urbanisation
s’est opéré dans des zones inondables. L’IAU-ID
note ainsi qu’entre 1982 et 2008, près de 1445 ha ont
été urbanisés dans ces espaces . Si désormais le taux
de croissance urbaine y diminue sensiblement, les
projets de renouvellement urbain, en particulier au
centre de l’agglomération, rendent toute son actualité
à l’épineuse question du devenir des espaces à risques.
La forte demande de logements dans un contexte
de pression foncière soutenue, la requalifi cation
d’anciens sites industriels situés en bords de fl euve,
la volonté de rééquilibrer une région urbaine
dans laquelle les inégalités socio-économiques
n’ont cessé de se creuser ou encore la nécessité de
poursuivre une politique ambitieuse d’intégration
à la mondialisation, interrogent l’aménagement de
territoires stratégiques mais inondables.
Face au risque, la tentation est grande de réduire
le débat au dilemme entre développement et sécurité,
comme si le seul choix possible résidait entre le
laisser-faire (n’importe quoi) et le gel des terrains.
Aménager les territoires en « oubliant » le risque
constituerait une véritable bombe à retardement
pour la métropole. Mais refuser par principe
l’occupation des zones inondables provoquerait des
risques économiques, sociaux et environnementaux
tout aussi insupportables pour la société.
À quelles conditions techniques, mais aussi et
surtout sociétales et politiques, peut-on aujourd’hui
occuper des zones inondables et quel est le coût de
cette occupation ? Nous proposons ici un éclairage
afi n de poser les termes du problème.
de l’aléa d’inondation à la paralysie métropolitaine
En temps normal, la Seine atteint 2,50 mètres
au pont d’Austerlitz et les voies sur berges sont
fermées à partir de 3,20 mètres. Une crue centennale
de la Seine, c’est-à-dire une crue qui se produit en
moyenne tous les cent ans ou encore, qui a une
chance sur cent par an de se produire (soit quand
même deux chances sur trois sur une période de 80
ans), correspond à une hauteur d'eau de 8,62 mètres
l'échelle de Paris-Austerlitz, (2400m3/s de débit),
c’est-à-dire à peu près à la ligne d'eau atteinte lors de
la crue de janvier 1910. La période à risque se situe
89
au-delà du PPRI, un nouvelle culture du risque à l'échelle de la mégapole
1 1
12
22
3
3
3
4
4
5 5
5
1 2 3
4 5
quartier d'aff aires
risque fonctionnel
centre historique et musées
risque matériel
quartier résidentiel
risque structurel
centre logistique
risque fonctionnel
infrastructure inondée
risque fonctionnel
rsique structurel
sources M.Reghezza-Zitt/Seura90
entre novembre et mars, mais les crues majeures du
XXe siècle se sont toujours produites en janvier et
février.
Si le pic de crue dure en moyenne sept jours, la
crue elle-même peut durer plusieurs semaines : la
décrue est lente et de nouveaux épisodes pluvieux
peuvent provoquer de nouvelles ondes de crue.
En 1910, l’inondation avait durée 45 jours. À cela
s’ajoute le temps du pompage, séchage et de la remise
en état.
La durée de l’inondation n’est pas un facteur
anodin, car une submersion prolongée cause des
dommages matériels considérables, même si le
niveau d’eau est très bas. Plus largement, c’est tout le
fonctionnement de la première région française qui
va être durablement perturbé.
l’aléa : une inondation qui en cache deux autres
En cas de crue centennale, la région métropolitaine
serait inondée de trois façons diff érentes, sachant que
selon les endroits, les submersions apparaîtront bien
avant la ligne d’eau de 1910.
L’inondation est d’abord liée au débordement
des cours d’eau. L’eau se répand sur la chaussée et
stagne pendant plusieurs jours. Cette stagnation
est à l’origine de nombreux risques car cette eau
turbide et nauséabonde dégrade tout ce qu’elle
touche. Lorsqu’elle se retire, elle laisse derrière elle
un enchevêtrement inimaginable de matériaux
de construction, de gravats, de végétaux en
décomposition, de cadavres d’animaux, mélangés à
des boues qui peuvent être souillées par des produits
toxiques, des hydrocarbures, des métaux lourds, etc .
Cette inondation de surface est accompagnée
d’une inondation souterraine, liée notamment à la
remontée de la nappe alluviale. En temps normal,
la Seine draine la nappe qui alimente le cours d’eau.
Mais l’écoulement s’inverse en période de crue : la
Seine vient alimenter la nappe dont le niveau s’élève.
Plus on s’éloigne du fl euve, plus l’infl uence de la
crue est faible et plus elle est ressentie avec retard
: l’arrivée de l’eau peut ainsi avoir entre dix jours
et trois semaines de retard. Il faut ajouter à cela
d’anciens bras du fl euve qui pourraient se remettre
en eau lors de la crue.
L’eau souterraine a une action très problématique
car elle menace l’équilibre hydrostatique des ouvrages.
L’eau arrache les particules fi nes, très nombreuses
en sous-sol, dans les remblais ou les mortiers,
déchaussant les fondations des bâtiments.
La remontée de la nappe est un phénomène
d’autant plus préoccupant que l’urbanisme souterrain
s’est fortement développé au cours du XXe siècle :
près de huit niveaux sont enterrés sous les pieds
des Parisiens. Ils abritent des caves, des parkings,
mais aussi des ouvrages souterrains tels que les
tunnels et les voies du métropolitain, les égouts, les
canalisations, etc. S’ajoutent des niveaux techniques
enterrés, des salles de réunion, des espaces de
stockages, etc. Le risque est ici très important : on
connaît très mal ces écoulements souterrains. Qui
plus est, la cartographie des sous-sols est rendue très
diffi cile par la multiplicité des formes d’occupation et
des statuts juridiques.
Or, à ces deux types d’inondation s’ajoute
celle provoquée par l’hydrosystème urbain. Les
villes contemporaines ont en eff et développé un
réseau hydrographique artifi ciel : c’est le système
d’évacuation des eaux usées et pluviales. En cas de
fortes précipitations, des galeries directement reliées
à la Seine – les déversoirs d’orage – sont utilisées.
Des « pompes usines », installées en bord de fl euve,
prennent le relais et déversent les eaux de pluie dans le
fl euve. Mais dans le cas d’une crue exceptionnelle, ces
mécanismes de sécurité ne peuvent plus fonctionner.
Le fl euve inonde alors la ville par les égouts. Or, ces
circuits d’évacuation permettent à l’eau de se diff user
très rapidement à tous les niveaux souterrains et de
remonter à la surface, loin du fl euve. Ainsi, en 1910,
le parvis de la gare Saint-Lazare, pourtant situé à
1400 mètre de la Seine, avait été inondé, l’eau s’étant
infi ltrée accidentellement par le puits d’aération d’un
chantier.
91
le Th ames Gateway, Londres, métropolisation et résilience ( d'après S.Beucher)
Le Th ames Gateway a accueilli la plupart des infrastructures des Jeux Olympiques de 2012. Il doit
accueillir plus du quart des besoins en logement du Grand Londres.
Au départ, c’est un projet de développement d'e water front de 38000 ha. Ce territoire est soumis à des risques
de submersions majeurs, avec un danger direct pour la vie des personnes. Selon l'Association des assureurs
britannique, 91% des nouveaux logements projetés sont situés en zone inondable; une inondation majeure dans
le Th ames Gateway pourrait coûter entre 14 et 21 milliards de livres.
Suite aux grandes inondations de 2007, la nécessité d’envisager des constructions résilientes, qui permettent
de réintégrer les locaux moins de trois semaines après un sinistre et non plus seulement résistantes s’impose
progressivement. Le TE2100 est alors lancé : ce programme vise à élaborer une « gestion intégrée des lits majeurs
afi n de trouver un compromis entre leur urbanisation et la prise en compte du risque d'inondation ». Cette stratgéie
off re la possibilité aux citoyens d'acquérir des terrains pour une durée de vingt-cinq ou trente ans. Une ville
durable est une ville qui s’adapte, en un renouvellement permanent: démolition/reconstruction.
Ce projet est désormais intégré aux objectifs de développement durable de la métropole et à la réfl exion sur
les conséquences du changement climatique avec la probable augmentation du niveau de la mer. Il associe des
mesures techniques de protection (surélévation des digues, grande barrière dans l’estuai re) à des mesures
architecturales (augmentation de la résistance des bâtiments) et une redéfi nition des modes de gouvernance
du risque, en particulier des acteurs impliqués. .
sources S.Beucher
92
Par conséquent, la carte des plus hautes eaux
connues ne correspond pas à la carte de risque eff ectif.
La zone impactée est en réalité beaucoup plus vaste
et discontinue que la zone inondée en surface.
un endommagement considérable
La crue ne provoquerait pas de victimes
directes. On peut toutefois craindre les accidents, en
particulier les incendies ou des noyades accidentelles.
On peut également redouter une augmentation de la
mortalité des personnes les plus fragiles et un risque
sanitaire au moment de la décrue.
Les dommages matériels seraient en revanche
considérables. On évalue pour l’instant à 17
milliards d’euros les dommages directs, chiff re qui
semble d’emblée largement sous-évalué puisqu’il ne
prend pas en compte les atteintes aux réseaux. Les
estimations les plus pessimistes prévoient jusqu’à 40
milliards .
Les perturbations fonctionnelles seraient en
outre absolument catastrophiques. Elles aff ecteraient
non seulement la vie quotidienne des populations
mais aussi la vie économique de la première région
française. Selon les estimations, 800000 personnes
seraient directement inondées, 2 millions seraient
privées d’électricité, et 2,7 millions seraient
aff ectées par des coupures d’eau potable. 170000
entreprises seraient touchées, dont 86000 inondées
et 70% du réseau de métro et de RER serait
arrêté pendant 30 à 50 jours . Ces perturbations
fonctionnelles seront essentiellement provoquées par
l’interruption des réseaux dits critiques (eau, énergie,
télécommunication, transports). En cas d’inondation,
ces réseaux seront soit directement atteints, soit
interrompront leur service de façon préventive (les
opérateurs pouvant ainsi non seulement garantir
la sécurité des usagers mais aussi la protection de
l’infrastructure).
L’arrêt ou le fonctionnement en mode dégradé
de ces réseaux aura des conséquences multiples, dans
et hors de la zone inondée :
M.Reghezza-Zitt/Seura
un lent retour à la normal après la crue
Idées clés :
- une crue inéluctable, dont le niveau peut
être supérieur au niveau de référence centennal.
- une situation de crise partiellement
imprévisible.
- la nécessité de distinguer des dommages
matériels, essentiellement situés en zone
inondée, des dommages fonctionnels, qui se
diff usent rapidement à l’ensemble du territoire
métropolitain, voire bien au-delà.
- une région métropolitaine menacée de
paralysie pendant le temps de la crue, mais aussi
de la décrue, soit au moins 45 jours.
- des conséquences décalées dans l’espace
(la paralysie aff ecte les espaces non inondés, les
impacts de la crue se diff usent hors du territoire
francilien) et dans le temps.
93
L’ouragan Sandy à New-York, retour d'expérience
L’ouragan Sandy a frappé New York le 29 octobre 2012, provoquant des inondations, en particulier dans
le sud de Manhattan et dans le métro. C’est la première fois qu’une ville globale est atteinte par une catastrophe
naturelle de cette ampleur. À ce titre, les retours d’expérience de Sandy doivent être examinés avec soins, car
ils nous renseignent sur ce qu’il pourrait advenir en cas de crue centennale dans la métropole parisienne, avec
deux diff érences toutefois : l’inondation a été rapide (et non lente), avec une eau salée (et non douce) qui a
provoqué la corrosion des matériaux.
Quel bilan tirer de Sandy ?
- la gestion de crise, en particulier, l’alerte et l’évacuation ont bien fonctionné, avec une communication
maîtrisée pendant la durée de la crise.
- l’approvisionnement en eau et denrées alimentaires a posé de graves problèmes, dans les quartiers
inondés, mais aussi dans ceux qui étaient privés d’électricité notamment pour les de Manhattan.
- la fourniture énergétique a été très pertubée : électricité et combustibles
- l’inondation des voies de circulation et celle du métro ont provoqué des embouteillages.Manhattan et
Wall Street ont été isolés pendant plusieurs jours, entraînant de lourdes pertes économiques.
- les solutions de protections contre l'inondation du métro se sont révélées insuffi santes et les dégâts
causés très cher ( + 4 Mds€).
- pendant l’inondation, un incendie s’est déclenché dans le Queens détruisant de nombreuses habitations
- les pollutions consécutives à l’inondation sont nombreuses. Elles posent la question des risques
environnementaux et sanitaires.
- la réouverture de la bourse a marqué symboliquement la résilience de la ville et la continuité
d’activité.
- la question de la reconstruction est aujourd’hui posée, avec la destruction de nombreuses habitations
abîmées par l’eau et le métro
sources Reuters
94
- la vie quotidienne sera extrêmement diffi cile
dans la zone inondée, nécessitant l’évacuation d’une
partie populations.
- les populations hors des zones non inondées
connaîtront aussi les eff ets de la crise, avec une vie
quotidienne dégradée pendant plusieurs semaines,
des diffi cultés pour se rendre à leur travail, pour
s’approvisionner en eau potable, denrées alimentaires,
essence, etc.
- la crue entraînera une paralysie plus ou
moins importante de l’activité économique, aussi
bien locale que régionale. Les impacts à l’échelle
nationale seront importants, quoique diffi ciles à
estimer. Les conséquences pour la métropole, à
l’échelle européenne et mondiale dépendront de sa
capacité à se relever rapidement.
Il est aujourd’hui impossible de prévoir l’ampleur
des perturbations : la multiplicité des enjeux et des
territoires ne permet pas de savoir le déroulement
exact de la crise. L’incertitude est un élément
fondamental dans ce type de situation, dont les
gestionnaires doivent tenir compte. Quelle que soit la
fi abilité des scenarii, il existe de nombreux imprévus :
la gestion du risque dans une métropole s’opère ainsi
partiellement à l’aveugle, mobilisant la capacité de
réaction et d’adaptation de chacun.
adapter la gestion du risque en fonction des espaces
Face à cette menace exceptionnelle, les pouvoirs
publics ont mis en œuvre des plans d’action qui se
déclinent en plusieurs volets : prévision, protection,
prévention. Ils répondent à plusieurs objectifs
: diminuer au maximum l’ampleur de l’aléa par
des actions techniques qui permettent de limiter
la hauteur d’eau et prévenir les débordements
; diminuer au maximum les conséquences de
l’inondation lorsqu’il est impossible de l’empêcher
en protégeant les personnes, en préservant les biens
lorsque cela est possible, en maintenant une activité
des infrastructures qui permettent le fonctionnement
de l’agglomération, même en mode dégradé ; assurer
un retour à la normale le plus rapide possible.
des solutions traditionnelles de gestion nécessaires mais insuffi santes
Les mesures de gestion les plus anciennes
conjuguent actions préventives en amont sur l’aléa,
avec en particulier, la construction de lacs réservoirs
et la modifi cation des conditions d’écoulement
(calibrage des berges, creusement des lits, etc.)
et actions de protection des populations et des
biens par des dispositifs techniques (murettes,
digues, batardeaux). Ces solutions off rent un gain
appréciable – à condition qu’elles fonctionnent
toutes, mais ne suppriment pas le risque. Elles
pourraient être complétées par l’augmentation des
capacités de stockage autour du projet de la Bassée,
qui serait là encore toutefois insuffi sant. Par ailleurs,
digues et murettes donnent un sentiment illusoire
de sécurité, qui encourage la perte de conscience du
risque. Or, les ruptures de ces dispositifs linéaires sont
particulièrement dangereuses car elles provoquent
des submersions rapides des espaces qu’elles sont
supposées protéger.
À partir du milieu des années 1990, alors que les
études réalisées par l’Institut interdépartemental des
barrages-réservoirs du bassin de la Seine (IIBRBS)
concluent à la non effi cacité économique de
nouveaux barrages, la loi Barnier instaure un zonage
réglementaire visant à contrôler l’occupation des sols.
Des Plan de prévention des inondations (PPRI)
sont ainsi prescrits avec des fortunes diverses. Leur
effi cacité est aujourd’hui très discutée dans la mesure
où ils sont très peu contraignants en zone déjà bâtie
et qu’ils ont fait l’objet de multiples dérogations
pour les zones à construire. Celles-ci sont autant
de contournements pour continuer légalement
l’urbanisation des secteurs jugés stratégiques pour le
développement métropolitain. Ils ont par ailleurs été
fortement contestés par les populations et les élus.
À l’heure actuelle, le bilan des PPRI est donc très
mitigé. Ils ont indéniablement suscité une prise de
conscience du danger dans les secteurs concernés,
mais ils ont aussi été vus comme une menace pour
les territoires et ont pu parfois servir d’alibi pour
continuer à urbaniser les zones inondables sans
95
prise en compte réelle du danger, alors même qu’ils
devaient permettre de contrôler cette urbanisation.
Des actions visant à réduire la vulnérabilité
matérielle des bâtiments (surélévation,
étanchéisation) ou des réseaux (renforcement de la
robustesse) sont aussi entreprises depuis la fi n des
années 1990 avec, là encore, une grande diversité
de résultats en fonction des acteurs, de leur degré
de sensibilisation aux risques et de leur moyens
fi nanciers.
Quoi qu’il en soit, ces mesures ne sont que
partiellement effi caces. Les pouvoirs publics ont
conscience que l’objectif n’est plus d’empêcher l’aléa
ou d’atteindre un niveau de protection absolu, mais
de s’adapter à un événement que l’on sait inéluctable
pour faire en sorte que la situation de crise ne se
transforme pas en catastrophe et que le retour à la
normale soit le plus rapide possible. Une telle posture
renvoie à une logique de résilience : résister mais
aussi s’adapter pour faire face et rebondir.
Ainsi, le plan de secours de la Zone de défense,
élaboré à partir des années 2000, qui s’inscrit
aujourd’hui dans le dispositif ORSEC, organise
non seulement la protection des Franciliens,
préoccupation fondamentale de la puissance publique,
mais coordonne également la gestion de crise entre
les diff érents acteurs. Ce plan distingue les questions
de sécurité civile (protection des populations,
évacuation, organisation de la vie quotidienne en
conditions dégradées, approvisionnement) des
questions de continuité d’activité qui relèvent des
acteurs privés. La cellule inondation sera appuyée
par les forces civiles et militaires, sachant que les
ressources sont beaucoup moins importantes qu’en
1910 (ainsi, le plan Neptune prévoit le déploiement
de 10000 militaires contre 100000 en 1910). Les
acteurs, privés et publics, sont invités à élaborer leurs
propres plans de secours, en fonction de leurs besoins
et de leurs ressources spécifi ques, pour pouvoir, une
fois l’alerte lancée, faire face de façon autonome à
la crise. La continuité d’activité, pendant et après la
crise, devient pour eux un objectif prioritaire.
du r isque urbain au r isque métropolitain
L’espace francilien a pour particularité de
superposer deux logiques géographiques distinctes
: une logique urbaine, qui renvoie aux pratiques
du quotidien, à l’espace proche et aux relations de
proximité, mais aussi à des fonctions économique
et politiques qui relèvent de la polarisation
traditionnelle des services dans des villes, et une
logique métropolitaine, qui concerne cette fois-ci
l’intégration d’une région urbaine à la mondialisation
et aux systèmes des métropoles internationales. Cette
logique métropolitaine repose sur la concentration/
spécialisation des activités de commandement de
la mondialisation, autour de services dit rares, qui
concernent aussi bien les fonctions fi nancières,
économiques, logistiques, scientifi ques, culturelles,
etc.
La métropolisation de l’espace francilien a eu des
conséquences majeures dans la transformation du
risque : pour un aléa de départ identique, on aura des
conséquences bien plus graves, qui ne peuvent être
imputées uniquement à l’augmentation du nombre
d’enjeux exposés du fait de l’urbanisation.
L’agglomération parisienne est ainsi soumise à
deux risques confondus : un risque urbain classique,
que l’on retrouve dans n’importe quelle ville
française, qui concerne les populations et les biens
directement exposés à la submersion ; un risque
métropolitain, qui a pour caractéristique d’être
ubiquiste (plusieurs territoires sont touchés en même
temps), multiscalaires (une perturbation locale a des
conséquences à l’échelle de l’agglomération, de la
région urbaine, du pays) et largement imprévisible
(on passe du registre du risque, où la probabilité
d’occurrence d’un événement est mesurable et
où des scenarii peuvent être proposés, à celui de
l’incertitude).
Ce risque métropolitain est produit par
la transformation de l’espace consécutive à la
métropolisation. Celle-ci a suscité l’émergence de
pôles, qui concentrent l’ensemble des fonctions
96
stratégiques de commandement politique,
économique, culturel, logistique, etc. Ces pôles,
physiquement éloignés les uns des autres,
fonctionnent en réseau de sorte qu’ils se trouvent
en situation d’interdépendance importante. Ils
commandent en outre des territoires de plus en plus
vastes. Lorsqu’une perturbation les aff ecte, elle va se
propager rapidement à l’ensemble des territoires qui
dépendent d’eaux. Aussi, un aléa au départ localisé
peut-il avoir des conséquences sur des espaces situés
à plusieurs dizaines voire centaines de kilomètres.
La Défense, Rungis, Roissy, le plateau de Saclay,
Marne-la-Vallée, pour ne citer que quelques centres
métropolitains, subiront des perturbations majeures
alors même que ces lieux ne sont pas inondables.
La métropolisation a par ailleurs eu des
conséquences sur l’habiter des populations, de sorte
que le risque métropolitain croise le risque urbain.
Dans la métropole, la généralisation de la voiture
individuelle et des transports en commun ont permis
une dissociation des lieux de résidence, de travail, de
loisirs et de consommation. Dès lors, les individus
plus mobiles, sont aussi plus dépendants des réseaux
de transports. Plus largement, le progrès technique
a permis une amélioration sans précédent des
conditions de vie, qui passe par une forte dépendance
aux réseaux de distribution d’eau, d’énergie, de
télécommunications.
Cette dépendance implique des perturbations
majeures en cas de panne : l’incapacité de l’un de
ses réseaux à assurer son service a des eff ets aussi
bien sur la vie quotidienne que sur les activités
économiques. Que l’origine de la panne soit
volontaire (acte de terrorisme ou de malveillance)
ou accidentelle, qu’il s’agisse des conséquences d’une
tempête, d’une inondation, d’un accident industriel
ou d’une épidémie, le résultat est identique : des
coûts fi nanciers élevés et une désorganisation plus
ou moins importante du corps social, pouvant aller
jusqu’à la paralysie.
Le risque métropolitain est aujourd’hui le plus
diffi cile à appréhender car il ne relève pas des schémas
classiques de gestion : l’objet n’est pas la sécurité civile
mais les pertes matérielles et la continuité d’activité
; les dommages matériels sont certes importants,
mais infi niment moindre que les coûts engendrés
par les perturbations fonctionnelles ; les pertes sont
en partie intangibles et décalées dans le temps ; le
territoire du risque n’est pas celui de l’aléa (ici la zone
inondée) ; les solutions classiques de protection,
prévention et gestion de crise ne sont pas adaptées à
la problématique posée.
des vulnérabilités différenciées selon les enjeux et les territoires
Dans ces conditions, avant même de vouloir
urbaniser les zones inondables (ou interdire leur
urbanisation), encore faut-il savoir à quel risque
elles sont exposées et rappeler que la logique
métropolitaine (et donc les projets d’aménagement
qui visent à développer la métropolisation) produit
du risque hors des zones inondables.
Il est alors nécessaire de qualifi er préalablement le
type d’espace en fonction du risque et des vulnérabilités
qu’il présente, en distinguant les vulnérabilités
matérielles (potentiel d’endommagement matériel,
c’est-à-dire d’atteinte à l’intégrité physique des biens
et des personnes) des vulnérabilités fonctionnelles
(potentiel de perturbations fonctionnelles). Il
faut également souligner qu’il n’est pas nécessaire
d’être matériellement endommagé pour subir ces
perturbations : le réseau RATP n’assurera pas son
service du fait des fermetures préventives et de l’arrête
de l’alimentation électrique ; les entreprises hors
zones inondables ne pourront pas travailler car leurs
employés ne pourront pas se rendre sur le site, etc.
Par ailleurs, les perturbations fonctionnelles peuvent
provoquer des dommages matériels (le court-circuit
qui provoque l’incendie, la panne d’électricité qui
ne permet plus d’alimenter la chaîne du froid et qui
fait que les produits se périment, etc.). La relation
qui unit vulnérabilité matérielle et vulnérabilité
fonctionnelle n’est donc pas linéaire.
Pour expliquer ceci, il faut ajouter un troisième
type de vulnérabilité que nous appellerons «
vulnérabilité structurelle » et qui désigne le potentiel
97
d’endommagement lié à la structure ou à l’organisation
de l’enjeu, du système, du territoire concerné. Ainsi,
si un territoire est fortement d’indépendant d’un
autre territoire, il sera lourdement aff ecté par la
perturbation de ce dernier, même si lui-même n’est
pas directement atteint. Un réseau à la structure
maillée off rira des trajets alternatifs à ses usagers, qui
limiteront considérablement les perturbations en cas
d’atteinte de l’une des stations. Une organisation très
centralisée subira des perturbations considérables si
le centre est endommagé alors qu’une organisation
polycentrique verra la perturbation se diff user
très rapidement, du fait des interdépendances des
éléments qui la composent.
Il est à noter ici que la distinction proposée
s’applique aussi bien à l’échelle du bâtiment
que du quartier, du territoire communal ou de
l’agglomération métropolitaine.
Dans ces conditions, on peut distinguer des
profi ls de territoires, qui présentent des vulnérabilités
particulières et appellent donc un traitement adapté.
Pour déterminer ces profi ls, nous croisons un certain
nombre de critères :
- le gradient de centralité : plus l’espace est
proche du centre de l’agglomération, plus la mixité
fonctionnelle est grande. Ces espaces centraux ont
pour caractéristiques de mélanger des logiques
urbaines et métropolitaines et de présenter des
vulnérabilités multiples.
- le degré d’insertion au processus
métropolitain : plus l’espace est intégré à la
dynamique de métropolisation, plus la vulnérabilité
fonctionnelle est importante.
- le caractère stratégique de l’espace, qui
dépend en partie des fonctions qu’il assure dans la
métropole.
à quelles conditions peut-on urbaniser des zones inondables ?
L’urbanisation des zones inondables en Île-
de-France, et plus largement dans une région
métropolitaine demande donc de changer de logique.
Il ne s’agit plus de prévenir un risque sur un territoire
mais d’intégrer l’existence des risques à la réfl exion
sur le devenir de ce territoire, autrement dit encore,
de ne plus gérer un risque sur un territoire mais de
gouverner un territoire à risques.
Ce changement de logique radical fait passer
l’aménagement d’une impossible quête du « risque
zéro » à la prise en compte d’un risque acceptable
collectivement défi ni et négocié. L’aménagement
doit ici créer les conditions du « vivre avec l’eau » :
il fabrique de nouveaux territoires et transforme les
modes d’habiter.
définir le niveau de r isque acceptable pour chaque territoire
Quel risque la société est-elle prête à admettre?
Quels risques chacun est-il prêt à prendre? Quel
bénéfi ce est attendu en contrepartie? Quel prix est-
on individuellement et collectivement prêt à payer
pour sa sécurité?
On peut poser ici une limite claire, qui est
celle implicitement défi nie par les pouvoirs publics
lorsqu’ils élaborent le dispositif ORSEC inondation.
Lorsque des vies humaines sont en jeu, la puissance
publique a pour devoir de mettre en place des
politiques dites de «sécurité civile» qui traitent les
conséquences négatives du risque et tentent de le
prévenir en amont. Le seuil de risque acceptable n'est
alors pas négociable : il est défi ni socialement par le
principe qui veut que l'État protège la vie humaine et
que tout risque pour les personnes est inadmissible.
Dans ce contexte, il semble par exemple totalement
contre-productif de poursuivre l’urbanisation
des zones inondables à des fi ns de spéculation
immobilière dans des secteurs non stratégiques.
Dans le cas où la vie humaine n’est pas en danger,
98
mobilités, et donc la dépendance à ces réseaux, et
produire des vulnérabilités inutiles et extrêmement
coûteuses.
- enfi n, on peut agir sur la vulnérabilité
structurelle en travaillant selon une démarche
transversale et globale, qui prend en compte
l’organisation spatiale des territoires, les relations
d’interdépendances entre les lieux, leur inscription
dans des systèmes territoriaux plus vastes. Pour
cela, il est nécessaire de penser le risque à l’échelle
du territoire fonctionnel, qui n’est pas défi ni par les
périmètres administratifs classiques mais qui tire sa
cohérence des solidarités entre les diff érents lieux, des
mobilités, des fl ux, des échanges, des spécialisations
et complémentarités qui se dessinent peut à peu à
l’échelle de la région métropolitaine.
Par conséquent, les choix d’aménagement doivent
s’opérer en fonction de la nature des territoires, de
leur exposition directe et indirecte au risque, de
leur rôle dans l’espace urbain et métropolitain. Si
le gel de certains projets d’aménagement aurait
des conséquences extrêmement lourdes pour les
territoires, ces derniers ne peuvent faire abstraction
de l’existence du risque. Celui-ci doit être intégré
systématiquement dans la réfl exion sur le devenir
de la métropole et des espaces urbains, non pas du
point de vue d’une utopique recherche du risque
zéro, qui conduit la plupart du temps à l’incurie et à
la négation du danger, mais à partir d’une logique de
risque acceptable dans laquelle l’aménagement est un
outil qui permet justement d’agir sur les vulnérabilités
matérielles, structurelles et fonctionnelles.
accompagner les mesures techniques d’un dispositif préventif
Si l’urbanisme de zone inondable a connu
d’énormes avancées, l’existence de solutions
techniques permettant d’occuper les zones
inondables doit être impérativement accompagnée
d’un dispositif préventif qui repose sur trois volets :
- l’information des populations, qui demande
d’affi cher le risque et non plus de le cacher ;
- la mise en place d’un dispositif
l'objectif de la gestion est autre. Il s'agit de rechercher
un équilibre, un compromis, entre les avantages
et les inconvénients des prises de risques des
projets collectifs ou individuels de développement
économique, urbain ou encore social. On passe alors
d’une logique de « sécurité civile » à une logique de
« sûreté individuelle » dans laquelle chacun défi nit
le niveau de risque qu’il est prêt à prendre, tout
en respectant le cadre général fi xé à une échelle
collective, à partir de principes éthiques et selon des
modalités démocratiques. La prise de risque doit être
ici calculée et affi chée : elle implique de transférer la
responsabilité de la décision, avec des contreparties
lourdes puisqu’en cas d’inondation, ce sont les
individus, les entreprises ou les communes et non la
société solidaire, qui devront payer les pertes.
adapter l’urbanisme
Dans le cas où la vie humaine n’est pas en danger,
un certain nombre de mesures techniques peuvent
permettre de réduire la vulnérabilité. On peut agir
sur les trois niveaux de vulnérabilité :
- des mesures architecturales peuvent être
appliquées à l’échelle des bâtiments afi n de réduire
sa vulnérabilité matérielle. L’ingénierie propose
désormais de nombreuses solutions techniques,
tant en termes de matériaux résistants à l’eau que
de normes de construction, qui peuvent se révéler
très effi cace en cas de sinistre. Si leur coût peut être
important, leur intégration au cahier des charges
de la construction durable leur permettrait d’être
facilement valorisées en tant que telles. Elles peuvent
aussi être accompagnés de dispositifs ponctuels de
protection, adaptés au niveau des plus hautes eaux
connues pour un territoire donné.
- au-delà du bâtiment, c’est l’ensemble de
l’urbanisme qui doit être repensé pour permettre
de limiter les vulnérabilités fonctionnelles. Une
attention particulière doit être apportée aux
réseaux techniques critiques. Ainsi, implanter des
infrastructures de transport en commun en site
inondable (en surface ou en sous-sol) alors même
que la construction de ces transports va modifi er les
99
organisationnel à l’échelle du territoire, qui permette
en cas de crue de réagir de façon adéquate et de
limiter les dommages ;
- une réfl exion préventive sur l’après-crise, avec
en particulier la question de fonds d’indemnisation
spécifi ques propres aux territoires (problème de
l’assurance et du coût des primes), du nettoyage et de
la reconstruction.
Cette urbanisation « s ous conditions » demande
une fois de plus de changer de culture du risque : les
solutions techniques ne sont qu’un outil au service de
l’aménagement. Elles ne peuvent être un alibi pour
faire n’importe quoi ni donner un illusoire sentiment
de sécurité
gérer le risque selon une logique métropolitaine : de la ville durable à la métropole résiliente
Si le risque est longtemps apparu comme une
contrainte à l’aménagement, il peut - et doit - être
envisagé comme une opportunité, dans la mesure
où la sécurité et la capacité de résilience d’une
métropole sont désormais considérées comme un
avantage comparatif favorable dans la compétition
internationale. La question n’est plus de savoir si l’on
est exposé ou non à un risque, dans un univers rendu
incertain par la globalisation fi nancière, les menaces
environnementales planétaires ou la fi n des équilibres
géopolitiques traditionnels. La métropole, et avec elle
le pouvoir politique et les habitants, doivent montrer
qu’ils capables de faire face à ces incertitudes, de
s’adapter aux mutations rapides des environnements,
de dépasser les perturbations, de se reconstruire si
possible en mieux, en tirant les leçons des crises.
Cet impératif est désormais porté par le
qualifi catif « résilient », qui est présenté comme
une injonction par les instances internationales.
Construire des villes résilientes est un projet
ambitieux, qui ne saurait se limiter à un affi chage
marketing : c’est un défi technique, mais aussi et
surtout politique, qui demande de bâtir une nouvelle
culture du risque. Le risque n’est plus caché : il est
mis en avant.
Affi cher le risque reste en France un impensé
de la gestion et de l’aménagement des territoires,
car l’association d’un risque-territoire est fortement
stigmatisante pour ce dernier. Alors même que la
reconquête des berges de fl euves est devenue un volet
important des projets d’aménagement « durables »,
alors même que ces berges deviennent de plus en
plus attractives du fait des aménités paysagères et
de la qualité de vie qu’elles sont supposées off rir, le
caractère inondable de ces espaces est tu, quand il
n’est pas nié purement est simplement, par crainte de
dégrader l’image du lieu (et donc sa valeur foncière).
Or, d’autres pays ont fait des choix radicalement
opposés, sans voir pour autant l’attractivité des espaces
concernés décliner : personne n’ignore que Tokyo ou
Los Angeles sont soumis à des risques sismiques
majeurs ; New York a su faire face à des attaques
terroristes de grande ampleur et à deux cyclones ;
Londres et la Randstad hollandaise se préparent à des
inondations majeures. Dans tous les cas, l’attractivité
de ces métropoles ne faiblit pas : le risque est affi ché
et la capacité à y faire face est valorisée. La gestion
des risques est intégrée dans une réfl exion plus large
sur la transition écologique, la ville durable, etc.,
les villes devenant des laboratoires grandeur nature
d’innovation. Les techniques développées off rent
une valeur ajoutée aux constructions, participent
à la création d’une image positive des territoires
métropolitains. Elles sont accompagnées de la
mise en place de mobilisations populaires, avec une
implication plus ou moins forte des habitants de
ces territoires, qui contribue à redéfi nir de nouvelles
formes de citoyenneté urbaines. La ville s’adapte,
dans sa dimension matérielle, fonctionnelle mais
aussi organisationnelle et politique.
Défi nir le risque acceptable ne signifi e pas céder
au fatalisme et légitimer l’incurie ; promouvoir à
l’adaptation et redéfi nir les responsabilités de chacun
ne saurait en aucun cas cautionner le désengagement
des pouvoirs publics de leurs missions régaliennes ;
l’objectif de résilience ne doit pas non plus conduire
à conforter, voire à créer, des inégalités entre les
100
Idées clés
- la crue centennale est à l’origine de deux
dynamiques de risque diff érentes : un risque
urbain classique et un risque spécifi que aux
espaces métropolitains fortement intégrés à la
mondialisation.
- les solutions traditionnelles de gestion
permettront d’assurer la sécurité des personnes
et de limiter l’endommagement matériel mais
elles ne sont pas adaptées à la problématique
métropolitaine.
- dans le cas francilien, les solutions
traditionnelles de gestion ont pour objectif non
pas d’empêcher la crise, mais d’y faire face et de la
dépasser le plus rapidement possible.
- la double nature du risque demande de
considérer la spécifi cité des territoires.
territoires et les individus (entre ceux qui seraient
résilients et ceux qui ne le seraient pas).
Le devenir d’un territoire est d’abord un choix
politique : en ce sens, la gouvernance du risque
est un volet de la gouvernance métropolitaine.
Le territoire du risque métropolitain est celui
de la métropole : c’est le territoire réticulaire des
solidarités fonctionnelles entre les diff érents pôles
métropolitains. De fait, il n’existe pas aujourd’hui
d’acteur susceptible de proposer une vision globale
et transversale de la gestion, en particulier, d’articuler
la prise en compte du risque métropolitain et les
projets d’aménagement aux diff érentes échelles. Le
bricolage politico-institutionnel a prévalu en Île-de-
France n’est plus à même de répondre aux défi s des
risques métropolitains, quelle que soit leur origine
(inondation centennale, mais aussi épidémie, panne
ou acte de terrorisme de masse) : trop d’acteurs,
trop d’enjeux, trop de périmètres de compétences
et pas de chef d’orchestre. Si les questions de
sécurité civile sont bien intégrées, avec l’action de la
préfecture de Police à l’échelle de la zone de Défense,
le risque métropolitain n’est envisagé que de façon
parcellaire et presque incidemment. En ce sens, et
pour paraphrase P. Estèbe, la gestion est toujours à la
recherche d’un pilote.
101
quels outils d'aménagement pour la métropole?Pour des SPL d'intérêts métropolitainsPour des SPL d'intérêts métropolitainsEric Bérard + Rémi Dorval + Alain Garès Eric Bérard + Rémi Dorval + Alain Garès ........103 ........103Le logement du Grand Paris: le point de vue d'un bailleur social. Le logement du Grand Paris: le point de vue d'un bailleur social. Sylvie Froissart-Jouhier + Pierre Paulot - I3F Sylvie Froissart-Jouhier + Pierre Paulot - I3F ........111
sources David Mangin/Seura
sortir de "l'urbanisme de la moyenne "
la hauteur, une notion toute relative
sources D.Mangin/Seura104
Des SPL d'intérêt métropolitain Eric Bérard + Rémi Dorval + Alain Garès
Les diff érentes analyses, eff ectuées par les
membres de l’équipe, sur les réponses à apporter à la
crise du logement, la mobilité, l’organisation spatiale
avec les choix stratégiques à faire sur le périurbain,
l’intégration de stratégies publiques/privés pour
accélérer la réalisation des opérations, l’évolution de
la gouvernance pour faire face au défi du Grand Paris,
amènent à se poser la question de la bonne échelle du
projet d’aménagement et les moyens qui pourraient
lui être dédiés pour atteindre les objectifs du projet à
moyen et long terme.
l'aménagement urbain en France:
En France aujourd’hui, une opération d’aménagement
se déroule classiquement en deux séquences
consécutives :
-l’une réglementaire sous maîtrise d’ouvrage
publique de la collectivité (intercommunale, locale,
et Régionale en Idf ) avec la mise en place des SCOT
(+SDRIF en Idf, devant être validé par un décret en
Conseil d'Etat) puis des PLU à partir desquels les
outils opérationnels réglementaires seront déclinés
(permis de construire, lotissement, ZAC PUP….) ;
-l’autre opérationnelle avec la mise en place
d’un opérateur dont le profi l sera diff érent mais
en relation avec la nature, le programme et la taille
de l’opération (propriétaire foncier, monteur-
constructeur, promoteur, lotisseur, SEM, SPL,
EPA…), la réalisation des équipement publics
structurants restant de la compétence de la collectivité
ou de l'Etat dans des cas très précis. Cette situation
entraîne pour les opérations importantes hors OIN
(opération d'intérêt national) la mise en place d’un
aménageur de type SEM ou SPL qui intervient en
général dans le cadre d’une ZAC dont le programme
de construction est défi ni, souvent avec précision et
au périmètre fermé, et dans le cadre d’une vision de
réalisation qui apparaît rigide. Cette tendance à fi ger
le contenu des opérations résulte des interventions
de l’Europe en 2005 qui a placé les opérations
d’aménagement, réalisées par le privé (SEM,
Promoteurs, Aménageurs privés…) sous contrat
avec les collectivités territoriales, dans le secteur
marchand (application du droit de la concurrence)
; l’obligation de mise en concurrence impose de
défi nir précisément l’objet de la consultation, et
par conséquent amène à (trop) préciser en amont
le contenu de l’opération qui de ce fait se trouve
fi gée pour les années à venir. Cette position amène
à un certain conformisme dans la conception et la
conduite des opérations, certes confortable pour des
structures sous fi nancées, adossées à des collectivités
peu imaginatives pour leur développement, alors
que l’outil ZAC permet des pratiques plus diverses
puisqu’il n'entraîne pas obligatoirement le transfert
foncier à l’aménageur et que bien utilisé il peut
permettre de combiner secteur de PUP, intervention
en macro-lot, portage immobilier économique, etc…
Cependant face à la problématique du Grand
Paris ce processus d’aménagement apparaît contraint,
peu dynamique et étriqué car ce sont les conditions
d’aménagement des grands territoires qu’il convient
d’appréhender.
105
une proposition formelle, inspirée des bonnes pratiques provinciales
Penser l’aménagement des grands territoires
c’est d’abord mettre en place une réforme
institutionnelle qui permette un portage politique
de ces projets d’aménagement avec les moyens
fi nanciers correspondants. Marc Wiel et Jean-
Pierre Orfeuil ont exprimé des orientations et
propositions qui vont dans un sens positif, à savoir
créer des intercommunalités (regroupement de
communes et d’intercommunalités) correspondant
aux bassins d’emplois locaux dont les périmètres et
les contenus quantitatifs et qualitatifs seront défi nis
par le pouvoir métropolitain (tel qu'il résultera de
la Loi Lebranchu), maître d’ouvrage du schéma de
développement de l’aire urbaine du Grand Paris.
Ces intercommunalités apparaissent
indispensables et leur articulation avec le niveau
métropolitain nécessaire pour créer une vraie
dynamique opérationnelle, car sans portage politique
local identifi é il n’y a pas de projet d’aménagement.
Pour autant, il ne faut sans doute pas s’attacher
à une défi nition totalement rationnelle de ces
intercommunalités : les bassins d’emplois sont
une notion indicative pour leur périmètre, qui
dépendra en réalité de multiples facteurs liés aussi à
l’histoire locale, aux affi nités, voire aux personnes…
Néanmoins, ce niveau – que Marc Wiel qualifi e
de « local » à l’échelle de la région parisienne,
semble indispensable à une véritable mise en place
opérationnelle de projets d’aménagement.
Ces intercommunalités étant constituées, une
gouvernance des projets d’aménagement pourra
être mise en place. Ces projets d’aménagement
devront couvrir une aire d’action suffi sante pour
intégrer toutes les fonctions urbaines nécessaires
à la réalisation de vrais pôles de vie dans le cadre
d’un développement multipolaire de la « Région
Capitale ». Ainsi de tels territoires de projets qui
peuvent combiner transformation du tissus existant
(transformation de friches industrielles et tertiaires
vielles ZA, résorption de l’habitat insalubre et
rénovation urbaine, évolution des zones commerciales
et tissus pavillonnaires …) et développement
d’opérations urbaines innovantes autour des gares du
réseau « Grand Paris Express » pour répondre aux
besoins, en logements, activités voire équipements
structurants lourds, doivent être dotés d’une maîtrise
d’ouvrage forte s’appuyant sur deux piliers dotés du
professionnalisme correspondant: le premier, un
comité de pilotage stratégique adossé à la collectivité
ayant les pouvoirs fi nanciers et planifi cation ; le
second, la fonction aménageur pour la mise en œuvre
des ouvrages et nouer les partenariats nécessaires aux
interventions immobilières et urbaines complexes.
L’articulation de ces projets par rapport aux
CDT sera à défi nir cas par cas. Dans certains cas, ces
territoires de projet pourront représenter une partie
d’un CDT, dont ils constitueront l’une des formes
de mise en œuvre. Dans d’autres cas, sans doute plus
nombreux, ils peuvent au contraire pallier l’absence de
CDT en proposant néanmoins un véritable dispositif
opérationnel. Cette solution paraît meilleure que la
généralisation des CDT, qui a pu être envisagée, mais
ne semble pas pertinente si l’on souhaite conserver le
caractère relativement exceptionnel du CDT, inscrit
dans sa défi nition même.
La taille de ces territoires de projet est à défi nir
en fonction du contenu du programme prévisionnel
donnant une cohérence urbaine à un bassin de vie,
sachant qu’un objectif global de réalisation sur 15
à 20 ans apparaît raisonnable, si l’on regarde les
programmes de même nature en province (l’Ile
de Nantes, La Route de la Mer à Montpellier,
Euratlantique à Bordeaux,…), c’est la strate 750ha
(correspondant au pôle élargi de la Défense) à 2500
ha (le quart de Paris intra-muros) qui peut apparaître
comme territoire pertinent d’intervention (stratégie
à examiner plus fi nement lors de la défi nition des
premières opérations) ; afi n de réaliser des pôles
secondaires d’équilibre au sein de la métropole du
Grand Paris.
Quel positionnement et quel contenu des
missions pour l’aménageur de ces territoires de
projets?
106
Dans le cadre du Grand Paris il semblerait
souhaitable qu’il y ait un aménageur par
intercommunalité, voire dans certain cas un par
territoire de projet, si une intercommunalité
développait plusieurs projets. L’expérience montre
que l’équipe opérationnelle de l’aménageur, pour être
effi cace, doit se trouver totalement investie dans le
projet et ne pas subir une structure trop lourde.
quelle doit-être la nature juridique de cet aménageur ?
Les collectivités ont le choix entre plusieurs
types de structures pour réaliser leurs opérations
d’aménagement, la Régie Directe avec du personnel
de la collectivité, la SEM, la SPL et dans certains cas
la possibilité de contracter avec l’Etat dans le cadre
d’un OIN. Pour arrêter ce choix plusieurs critères
sont à prendre en compte, et la structure retenue doit
présenter plusieurs caractéristiques :
- une souplesse d’intervention dans le temps,
tant sur le plan du programme que des évolutions
économiques locales, nationales ou internationales
qui ne remettent pas en cause les conditions
d’interventions de la structure,
- une proximité étroite entre la collectivité
maître d’ouvrage et les fi nanceurs des équipements
publics structurants du projet, au premier rang
desquels la Région,
- disposer de fonds propres importants pour
peser sur le volet foncier et immobilier de manière
à favoriser des opérations à vocations économiques
et sociales que le privé ne peut pas toujours fi nancer
seul.
Par son manque de souplesse de gestion la
Régie Directe n’est pas un choix a priori. La SEM,
depuis les contraintes imposées par l’Europe
en 2005 obligeant les collectivités à mettre ces
structures en concurrence pour toutes les opérations
d’aménagement, et, la diffi culté pour celle-ci
de revoir le contenu de leurs missions en cours
d’exécution, est devenue un choix problématique
pour les opérations de grande envergure dont les
aléas programmatiques sont inévitables dans le
temps. Reste la SPL (Société Publique Locale) dont
l’objet principal sera l’aménagement pour assurer la
maîtrise d’ouvrage d’un tel projet. Ce type de société
obéit aux principales règles suivantes :
- son capital est composé d’actionnaires issus
uniquement de collectivités locales et territoriales
(deux actionnaires minimum suffi sent),
- elle est soumise aux règles du droit
commercial bénéfi ciant de toutes les souplesses du
secteur privé pour son fonctionnement ; mais elle
conserve certaines obligations du droit public pour
l’attribution des contrats avec ses prestataires (Décret
du 6 juin 2005)
- elle n’a pas à être mise en concurrence pour
se voir attribuer une opération d’aménagement par
l’un de ses actionnaires.
Ce type de société à été crée en droit français
par une Loi de juin 2011 et est conforme au droit
européen qui la juge «IN HOUSE» c'est-à-dire sous
le contrôle de sa collectivité actionnaire pour qu’elle
puisse être considérée par celle-ci, dans l’attribution
des opérations, comme une extension de ses propres
services, ce qui justifi e qu’elle soit dispensée de mise
en concurrence ; ce type de structure apparaît la
mieux adapté pour développer les projets territoriaux.
Quant aux OIN (Opérations d’Intérêt
National), en général accompagnées de la création
d’une Etablissement Public d’Aménagement, elles
supposent un engagement fi nancier de l’Etat dont
on peut penser qu’il est diffi cilement envisageable
désormais, et qu’il restera en tout état de cause
exceptionnel. Par ailleurs, le portage politique par les
collectivités dans ce dispositif ne se fait qu’au second
degré, même si ces structures sont bien au service du
projet. Nous traiterons leur cas dans le chapitre III
relatif à la prise en compte des structures existantes.
A noter le rapport du CGPC de mai 2008 n° 005690-
01 sur «Les outils de l'aménagement et les conditions
pratiques de leur utilisation » qui compare les SPL,
les SEM et les EPA (ouvrage écrit sous la direction
de Francis Rol-Tanguy et Laurence Daudé).
107
Enfi n, une voie est peut être à explorer avec
un nouveau dispositif, dont la mise en place est
évoquée actuellement dans le cadre de la préparation
de la future loi sur l’urbanisme et l’aménagement,
et qui consisterait à créer une nouvelle catégorie
d’opérations, dénommée OIM « Opérations d’Intérêt
Métropolitain ». Destinée à combler le vide qui existe
entre la ZAC classique et l’OIN, elle permettrait de
lancer, dans les métropoles et à leur initiative, des
opérations de grande envergure, qui ne seraient
pas pour autant des OIN, et qui associeraient la
collectivité, l’Etat et d’autres partenaires éventuels.
Ces opérations seraient inspirées des CDT à la fois
pour leur caractère contractuel et le fait qu’une fois
approuvée, elle emporterait mise en conformité du
SCOT et des PLU. On peut imaginer qu’en retour,
des opérations de ce type soient montées en Ile de
France soit pour mettre en œuvre un CDT, soit pour
pallier à l’absence de CDT dans les secteurs qui n’en
possèdent pas. Il est prévu que de telles opérations
s’appuient sur une SPL, que l’on retrouve donc
comme structure adaptée à ce contexte, pour mettre
en œuvre le projet qu’elles portent.
Un des intérêts majeur de la SPL, au-delà de
ce qui a été dit ci-dessus, est que son partenariat
de base pour tous les projets peut être au minimum
l’Intercommunalité (lieu du projet) et la Région,
acteur majeur du Grand Paris, qui sera associée dans
la société d’aménagement afi n de suivre l’opération.
Elle pourra par ailleurs mandater la société pour
réaliser également les grands équipements qu’elle
fi nance. Ce partenariat Intercommunalité/Région,
qui est certainement une des clés de la réussite du
futur Grand Paris, trouverait donc également sa
traduction opérationnelle dans un dispositif à la fois
suffi samment générique et suffi samment adaptable
pour répondre à toutes les situations.
C'est en tous cas un idéal institutionnel vers
lequel il serait intéressant de tendre à brève échéance.
Concernant la mise en œuvre opérationnelle,
l’article L300-1 combiné avec l’article L300-4 du
code l’urbanisme permet à un projet d’aménagement
d’être mis en oeuvre lorsque la collectivité a défi ni le
contenu et le programme du projet d’aménagement
(article L300-1) et ses conditions de mise en œuvre
(article L300-4) par concession à une structure
d’aménagement y ayant vocation (la SPL crée en
l’occurrence).
Ainsi dés que le programme du projet de
territoire sera arrêté et le périmètre défi ni la structure
d’aménagement pourra intervenir dans le cadre d’une
concession d’aménagement couvrant l’ensemble du
secteur à aménager. Un préalable devra toutefois être
levé à savoir l’étude de la faisabilité fi nancière du
projet au regard de certaines contraintes à examiner
telles que : la pollution des sols, les risques naturels, les
zones sensibles, la dureté foncière, une approche des
coûts en équipements publics structurants ainsi que le
contexte économique de réalisation des programmes
immobiliers ; ces éléments permettront de dresser un
premier cadrage fi nancier à grande échelle pour défi nir
les enjeux fi nanciers de l’opération. Aujourd’hui une
opération d’aménagement d’envergure à un coût qu’il
convient de fi nancer à long terme et qui implique
les collectivités territoriales et leurs délégataires
économiques potentiels.
la nécessité de composer avec les outils existants dans un souci de rapidité de mise en œuvre opérationnelle du Grand Paris
La vision formelle idéale exprimée dans le
chapitre précédent se heurte à la réalité francilienne
: des collectivités parfois très en avance en matière
d'ambition aménageuse (Plaine Commune, la
Défense...), parfois peu habituées aux contraintes
et leviers du développement urbain complexe
(Confl uence, Est 93...). Il y a fort à parier que de
nombreuses années soient nécessaires à l'émergence
de ces intercommunalités de projet, fortes et
structurées, que nous appelons de nos vœux. Les
lois Voynet-Chevènement n'ont-elles pas nécessité
une dizaine d'années pour percoler (avec le succès
que l'on sait!) à travers nos communes franciliennes?
Il est vrai qu'elles étaient fondées sur le concept
de développement durable, insuffi sant à créer du
108
contenu, encore moins du projet...
Il ne faut pas non plus perdre de vue le fait que
les départements de la petite couronne ont tous
développé des SEM (SEM 92, SEQUANO,SADEV
94) très staff ées et compétentes, ayant une taille
suffi sante pour pouvoir répondre à la mise en
concurrence permanente liée à la directive de 2005,
elles vont devoir réfl échir à leur devenir au regard des
enjeux opérationnels de demain.
Enfi n, depuis 50 ans maintenant, l'Etat a tenu à
bout de bras le développement francilien en créant
et garantissant fi nancièrement les EPA (souvent
adossées à des OIN), l'AFTRP (aménageur d'Etat
sans périmètre) et récemment la Société du Grand
Paris.
Concernant la SGP, la possibilité qui lui est
donnée par la loi de juin de 2010 d'être aménageur
(dans un périmètre de 400m autour des gares et
si les collectivités le souhaitent) est un outil de
développement d'une greff e urbaine, certes modeste,
au moment même où le réseau de transport nouveau
sera mis en service. Il ne faut pas négliger ce rôle de
catalyseur de projet de la Société du Grand Paris,
maître d'ouvrage «ensemblier», quelle que soit sa
gouvernance future.
Concernant les EPA, certains portent des
projets dont les enjeux ne sont pas locaux mais
nationaux (La Défense pour l'EPADESA, Saclay
pour l'EPPS, Eurodisney pour l'EPAMARNE ...)
Ces outils pourraient se justifi er également, en écho
aux développements du chapitre précédent, parce
que les collectivités ne sont pas encore structurées
en intercommunalités fortes capables de porter
de tels projets à travers une SPL ou une SEM. Il
est intéressant toutefois de constater que Plaine
Commune, pourtant dans le périmètre d'un EPA,
considère aujourd'hui être assez mature pour s'en
aff ranchir, mais c’est un contre-exemple encore isolé.
Il peut être utile, à ce stade, de constater que
ces structures sous tutelle de l'Etat ont une forte
inertie, de par leurs statuts et leurs personnels ; mais
cette inertie a un côté plus favorable : elle permet
de dépasser les échéances électorales locales quand
l'enjeu est d'importance métropolitaine et qu'il s'agit
de mutations impliquant le temps long (solidarités,
savoirs...) que le monde économique et l'élu local ne
sont pas toujours en mesure d'accompagner dans la
durée. Enfi n, on ne peut que constater, quel que soit
le gouvernement, que ces outils ont une capacité de
résilience hors du commun.
La question principale est donc la suivante: la
gouvernance des EPA doit-elle rester étatique avec
une représentation accrue des collectivités ou doit-
elle laisser la place à une structure de type SPL dans
laquelle la Région et les Intercommunalités seraient
des partenaires majoritaires aux côtés de l’Etat.
En conclusion il faut cependant noter que
presque chaque CDT recoupe le périmètre d'un
EPA développant une thématique forte: ce sont
de toute évidence des acteurs de l'aménagement
incontournables, quelle que soit leur gouvernance
future.
la question de l'implication dès l’amont de la sphère privée :
La gouvernance politique et les conditions
stratégiques de maîtrise d'ouvrage urbaine étant
mises en place, l’aménageur peut structurer des
partenariats publics/privés (c'est sa mission
première) pour engager l’opération en tenant compte
des contraintes fi nancières et de délais de réalisation
des grands équipements d’infrastructures. Selon
la nature des programmes, les situations foncières,
les données économiques du marché immobilier et
l’urbanisme réglementaire applicable au moment
d’engager une sous-opération, tous les outils de
l’urbanisme opérationnel peuvent trouver place
depuis la ZAC, sur des fonciers importants, en
passant par des lotissements, des secteurs de PUP
réalisés par l’initiative privée, les permis de construire
sur des macro-lots, des permis de construire valant
division parcellaire, des montages immobiliers
innovants intégrant des équipements publics à des
programmes privés etc…
109
la maquette, un outil d'étude interactifsources Seura
110
Au-delà des innovations techniques relatives,
par exemple, aux gares du Grand Paris (énergie,
superposition d'ouvrages faisant intervenir de
multiples compétences publiques et privées),
les innovations juridiques et contractuelles qui
permettraient d'intégrer le secteur privé dans
la défi nition de l’aménagement d’un futur pôle
urbain seraient un élément important de l'édifi ce
de construction d'une nouvelle donne en matière
d'aménagement en Ile-de-France.
A cet eff et l’équipe d’étude et de suivi du projet,
sous la responsabilité de la collectivité maître
d’ouvrage, devrait comprendre les techniciens de
l’aménagement public et des représentants du secteur
privé qualifi és pour participer à la réalisation du
projet. Ainsi devraient être présents : les promoteurs
de l’immobilier (logements, secteur tertiaire,
économique…), les investisseurs, les cabinets de
commercialisation, les gestionnaires de services
urbains, les structures économiques et sociales, les
organismes de logement sociaux…. et toute structure
technique susceptible de donner un sens au projet.
L’aménageur devant disposer dans son équipe, outre
les urbanistes et les opérationnels de terrain, d’un
économiste de l’aménagement et d’au moins un
sociologue.
L’ensemble de ces personnes publiques et
privées seraient réunies dans un comité de pilotage,
instance d’étude et de décision sur l’élaboration
et le déroulement du projet ; ce type de structure
(à géométrie variable selon l’état d’avancement
du projet) permettrait d’éviter des relations
contractuelles trop formalisées qui pourraient être
sources de situation contentieuses au moment de
la réalisation des constructions. L’environnement
juridique restant toutefois à mettre au point.
Au côté de l’aménageur, un partenariat public-
privé, constitué dans le cadre d’un comité de pilotage
du projet, comme interface de la collectivité maître
d’ouvrage apparaît être un gage de sécurité et de bon
déroulement des opérations.
Idées clés :
- il est nécessaire de disposer d'un outil
d'aménagement ad hoc, sur lequel pourront
s'appuyer les nouvelles structures de gouvernance
pour des territoires de 500 à 2000ha
- la Société Public Locale d'Aménagement
est une structure de droit privée, défi nie par la loi,
qui permet à une collectivité locale de disposer
d'un aménageur et de conduire, politiquement,
une stratégie foncière et immobilière
- des aménageurs sont néessaires pour mettre
en oeuvre les Contrats de Développement
Territoriaux, les Opérations d'Intérêt
Métropolitain
- les moyens des nombreuses SEM et EPA de
la région parisienne pourraient être redéployés
aux profi ts des SPL
- la SPL peut être un lieu de promotion d'un
urbanisme de projets, une instance partenariale
entre le public et le privé est à inventer
111
cercle d'accessiblité des transporteurs
juxtaposition d'environnements sécurisés
sources.David Mangin/Seura
vs.
vs.
itinéraires urbains privilégiés
accessibilité aux services quotidiens des modes doux
112
Le logement du Grand Paris,le point de vue d'un bailleur social.Pierre Paulot- 3F
3F s’est donné des priorités pour les prochaines
années afi n de répondre au mieux aux besoins
en logement social en Ile-de-France - quelques
orientations stratégiques pour 3F, présentées ici
comme un simple témoignage. De façon à la fois plus
générale et plus spécifi que, trois questions vives sont
développées, qui illustrent la responsabilité de 3F et
du secteur du logement social dans le Grand Paris :
quelle échelle pour une opération de logement social
? quel traitement pour les rez-de-ville ? comment
inscrire le sujet des parkings dans la durée ?
tendances sensibles dans le logement social
Aujourd’hui le modèle français du logement
social fait fi gure d’exception en Europe. En eff et,
en France 60% des ménages sont sous plafond de
ressources PLUS, parmi lesquels 60% sont sous
le plafond PLAI ; les objectifs de production de
logements sociaux sont ambitieux ; les aides à la
pierre et les aides à la personne subsistent même si
elles se réduisent . La tendance est diff érente dans
d'autres pays : les aides à la pierre ont été supprimées
en Suède et en Grande-Bretagne, les logements
HLM ont été massivement vendus en Allemagne
et en Grande-Bretagne, en Allemagne 20% de
la population seulement est éligible au logement
social…. et l’objectif est de démolir 60 000 logements
par an.
La crise du logement est particulièrement
aigüe en France : 14% de la population sous le seuil
de pauvreté en 2010 ; 3,6 millions de personnes
mal logées dont 700 000 sans domicile personnel,
auxquelles s’ajoutent 5 millions de personnes
en situation de fragilité du logement (impayés,
propriétaires en diffi culté… ). En Ile-de-France :
400 000 demandeurs de logements sociaux en 2010
pour une production de 20 000 logements sociaux
par an en moyenne entre 2005 et 2011 et un objectif
d’environ 17 000 à 21 000 logements sociaux par an
pour les prochaines années en Ile-de-France (objectifs
annoncés par le gouvernement, le SDRIF….sur 70
000 logements familiaux à construire par an en Ile-
de-France) ; 62% des ménages franciliens éligibles
au PLAI ou PLUS . Les inégalités territoriales
sont fortes: 10% des communes d’Ile-de-France
concentrent 50% du parc de logements sociaux (1,2
millions de logements sociaux en Ile-de-France qui
représentent 25% du parc). Enfi n en 2013, il devient
fréquent pour les cadres – et plus seulement pour les
employés - de faire 2 à 3 heures par jour de trajet
domicile / travail !
spécificité et orientations pour 3F dans ce contexte
Avec 200 000 logements en patrimoine et un
objectif de production de 3 400 logements familiaux
par an en Ile-de-France d’ici 2015, dont 75% dans
le Grand Paris, 3F a une responsabilité particulière
dans le logement social.
Les priorités portent aujourd’hui sur les points
suivants pour 3F :
- concentrer les eff orts sur la production de
logement collectif, et sur les segments PLUS-
PLAI. La production de logement individuel, de
logement à loyer intermédiaire ou en accession sociale
est utile à titre complémentaire pour répondre à toute
la demande (sous condition de ressource). L’accession
à la propriété doit rester marginale et ne se justifi e
qu’en cas de défaillance du privé, en particulier suite
au retrait des investisseurs institutionnels.
113
Gare de la Garenne Colombes
Fort d'AubervilliersMairie d'Aubervilliers
Neuilly Hôpitaux
Le Perreux-Nogent
Villemomble
Bondy
Bobigny Pablo Picasso
Gare de ColombesStade de France
Neuilly Les Fauvettes
Pont de Bondy
Rosny
Bobigny
Val de Fontenay
VersaillesChantiers
Orsay/Gif
AéroportCh.DeGaulleT2
Fortd'Issy/Vanves/Clamart
Boulogne/PontdeSèvres
Antonypôle
IssyRER
Champignycentre
MaisonBlanche
Palaiseau
ST-Maur
StLazare
KremlinBicêtreHôpital
StQuentinEst
Sevran-Livry
Nanterre
Chelles
T4del'aéoport
Clichy-Montfermeil
VillejuifLouisAragon
StOuenRERCMairiedeStOuen
LesGrésillons
BagneuxM4
Bécon-les-Bruyères
LeBlancMesnil
VitryCentre
Parcdesexpos
LesAgnettes
BoisColombes
OlympiadesVilliers/Bry/Champigny
InstitutGustaveRoussy
LeMesnilAmelot
CEASaint-Aubin
Noisy-Champs
Sevran-Beaudottes
Arcueil-Cachan
PontCardinet
Chevilly3communes
M.I.NPortedeThiais
LaCourneuve-sixroutes
StDenisPleyel
NanterreLaBoule
Aulnay
Satory
LaDéfense
LeBourget-RERB
SaintCloudTransilien
Aéroportd'Orly
Rueil/MontValérien
Créteill'Echat
LeBourgetAéroport
PortedeClichy
MassyOpera
Chatillon-Montrouge
LesArdoines
Massy-Palaiseautgv
TriangledeGonesse
StQuentinUniversité
Rueil
LevertdeMaisons
0 2,5 5 7,510 km
Nombre de logements 3F gérés par commune - zoom Grand Paris
Source : Base patrimoine 2011 au 31/12/201
Nombre de logements 3F en 20111 - 1010 - 5050 - 100100 - 250250 - 500500 - 1 0001 000 - 2 0002 000 - 4 0004 000 - 4 542
Taux SRU < à 20% de logements
le parc immobilier du groupe 3F, dans le Grand Paris par commune sources : 3F
114
- - a fortiori en logement social, rester très
attentif aux sites et aux implantations : la vigilance
reste de mise sur l’étalement urbain, les conditions
d’accès aux transports collectifs et aux équipements,
et même la qualité intrinsèque des sites, la crise
pouvant légitimer la construction sur des terrains
auparavant considérés comme non valorisables
(terrains enclavés, pollués, le long de voies ferrées…)
s’ils sont bien desservis et/ou proches d’un bassin
d’emplois ;
- off rir des surfaces compatibles avec la
capacité fi nancière des locataires (loyer + charges)
: en secteur très dense, 40 m² pour un deux pièces et
60 m² pour un 3 pièces, développer l’off re de petits
logements notamment pour les jeunes travailleurs
(35% de studios et deux pièces), ouvrir à la colocation;
- favoriser les parcours résidentiels et off rir
des produits spécifi ques pour les étudiants ou les
jeunes actifs, les personnes âgées dépendantes, les
personnes en réinsertion ou en grande diffi culté ;
- privilégier la pérennité des matériaux et la
qualité d’usage des logements tout en maîtrisant
les coûts: logements traversants, séjour distributif
pour limiter les circulations vu les contraintes
d’accessibilité, surfaces de rangement y compris hors
SHAB (une cave, ou un cellier fermé sur le palier, sur
le balcon par exemple), isolation acoustique, éclairage
naturel des parties communes ;
- favoriser la capacité d’évolution du bâti
(structure poteaux-poutres, façade « rideau »…),;
veiller à la pérennité des matériaux et des détails ;
penser à l’insertion dans la ville qui se fabrique par
stratifi cation. A titre d’illustration, les HBM font
preuve d’une grande pérennité même s’ils sont peu
évolutifs en termes d’aff ectation et de typologie ;
les bâtiments haussmanniens initialement voués
à l’habitation, supportent des transformations
successives en bureaux, puis à nouveau en logement.
Il importe de bien comprendre les processus de
fabrication pour générer une production non
standardisée à des coûts industriels;
- intervenir aussi sur l’existant, qui
représente 30 années de production pour I3F
au rythme actuel : à l’occasion des travaux de
réhabilitation (mise aux normes, isolation), réfl échir
à l’évolution des typologies, des prestations, à
l’insertion dans la ville. En renouvellement urbain,
on retrouve une échelle plus domestique avec des
démolitions ou des constructions neuves de plots de
20 ou 30 logements ; l’adressage se retourne sur la rue
et non à l’intérieur de la « cité ». La constructibilité
résiduelle sur une grande « escalope » foncière héritée
des années 1960, permet de remodeler un quartier
en rectifi ant la composition urbaine, les alignements,
la densité, les espaces extérieurs, les accès aux
immeubles et le rapport avec les espaces publics, avec
la ville.
construire à la juste échelle
Le logement social doit s’inscrire, parfois même
se glisser dans la ville : c’est un des enjeux de la
commande architecturale pour le bailleur social mais
cela soulève la question de la « juste échelle » pour
une opération de logement social. Elle se regarde à
plusieurs niveaux :
- l’immeuble : de 30 à 50 logements ?
- le quartier : 1/3 de logement social sur des
îlots de 300 logements, soit 100 logements sociaux
maximum
- la résidence sociale ou foyer; vu la typologie
une trop grande simplicité ou monotonie formelle
génèrent une perception négative par rapport à des
programmes qui seraient trop monolithiques ou
répétitifs, l’eff et « Formule 1 ».
Le respect d’une limite en termes d’échelle, de
50 à 60 logements à l’immeuble environ, est une
condition nécessaire pour la qualité d’usage d’un
immeuble de logements. Cette échelle favorise
l’auto-contrôle, des spirales positives d’entraide,
de solidarité. Au-delà au contraire on favorise les
dysfonctionnements et ou on les amplifi e.
Le logement social accueille des populations
défavorisées, souvent dans des communes à taux de
chômage et avec des fragilités socio-économiques
plus fortes qu’ailleurs. C’est pourquoi, a fortiori dans
des territoires diffi ciles, la diversité au sein du parc
nous semble essentielle, mais aussi la mixité entre
115
8585
6464
2727
55
2828
1212
2121
108108
4242
2727
5454
3030
3030
5858
3434
3838
156156
6060
3030
88
1919
1010
7575
1010
252577
2121
120120
203203
88
9595
2323
1313
3030
5555
6262
2424
1212
7070
1414
157157
6060
1212
6464
6565
1515
55
1616
Mairie d'Aubervilliers
Le Perreux-Nogent
Fort d'AubervilliersPont de Bondy
Villemomble
Neuilly Hôpitaux
Gare de la Garenne Colombes Bobigny Pablo Picasso
Gare de ColombesStade de France
Neuilly Les Fauvettes
Bondy
Rosny
Val de Fontenay
Bobigny
VersaillesChantiers
Orsay/Gif
AéroportCh.DeGaulleT2
Fortd'Issy/Vanves/Clamart
Boulogne/PontdeSèvres
Antonypôle
IssyRER
Champignycentre
MaisonBlanche
Palaiseau
ST-Maur
StLazare
KremlinBicêtreHôpital
StQuentinEst
Sevran-Livry
Nanterre
Chelles
T4del'aéoport
Clichy-Montfermeil
VillejuifLouisAragon
StOuenRERCMairiedeStOuen
LesGrésillons
BagneuxM4
Bécon-les-Bruyères
LeBlancMesnil
VitryCentre
Parcdesexpos
LesAgnettes
BoisColombes
OlympiadesVilliers/Bry/Champigny
InstitutGustaveRoussy
LeMesnilAmelot
CEASaint-Aubin
Noisy-Champs
Sevran-Beaudottes
Arcueil-Cachan
PontCardinet
Chevilly3communes
M.I.NPortedeThiais
LaCourneuve-sixroutes
StDenisPleyel
NanterreLaBoule
Aulnay
Satory
LaDéfense
LeBourget-RERB
SaintCloudTransilien
Aéroportd'Orly
Rueil/MontValérien
Créteill'Echat
LeBourgetAéroport
PortedeClichy
MassyOpera
Chatillon-Montrouge
LesArdoines
Massy-Palaiseautgv
TriangledeGonesse
StQuentinUniversité
Rueil
LevertdeMaisons
0 2,5 5 7,510 km
Nombre de logements livrés par commune en 2012 - zoom Grand Paris
Source : DCIF - Janvier 2013
Livraisons 20121 - 2525 - 5050 - 100100 - 203
Taux SRU < à 20% de logements
près de 3000 logements livrés par 3F en 2012 dans le Grand Paris
sources :3F116
logement social et les autres formes de logement, les
statuts des habitants (locataire du logement social,
locataire dans le parc privé,ou propriétaire).
La question doit également être posée lorsque
les bailleurs sociaux envisagent la mise en vente
de leur patrimoine, patrimoine encore constitué
de beaucoup de « cités » ou « résidences », avec un
nombre important de logements : le passage au statut
de copropriété ne protège pas – loin s’en faut ! – des
dérives qui ont pu être observées dans le parc social.
Pour bien aborder cette question cruciale de la
juste échelle, il faut aussi collectivement reconnaître
et défendre les métiers, les compétences de ceux qui
interviennent dans les projets, chacun travaillant
à son échelle : la collectivité locale qui porte un
PLU, l’aménageur qui porte un projet urbain et
aménage des espaces publics, le maître d’ouvrage
qui construit les immeubles. La contribution des
bailleurs sociaux, tant qu’ils exercent leur métier de
maîtrise d’ouvrage, mérite d’être soulignée dans la
mesure où les bailleurs sociaux sont les seuls à exercer
en même temps la fonction de constructeur et de
gestionnaire, la fonction de maître d’ouvrage étant
constamment enrichie par le retour d’expérience de
la gestion (d’où l’intérêt de limiter la réalisation de
logements sociaux en VEFA, et privilégier la maîtrise
rééquil ibrer les programmes de grands ensembles qu i dysfonctionnent
Parmi les interventions destinées à parer aux
dysfonctionnements des grands ensembles, la
démolition au moins partielle des tours ou des barres,
le séquencement des immeubles et le remodelage des
espaces extérieurs (y compris les stationnements),
visent notamment à réintroduire une échelle
domestique. Le nombre de logements desservis par
cage, la longueur de façade à parcourir avant d’entrer
dans le bâtiment, la distance entre la rue et l’accès
à l’immeuble, le nombre de logements par ilôt, le
rapport entre la largeur du trottoir et des voiries…
sont regardés et retravaillés autant que possible.
Prenons l’exemple des tours : une tour peut être
construite, ou réhabilitée - les projets ne manquent
pas actuellement - mais si elle se trouve dans un site
sensible, alors de notre point de vue il faut éviter
une programmation exclusive en logement social. A
Vigneux (91) 3F travaille actuellement sur un projet
de préservation d’une tour 3F existante, en périmètre
ANRU, mais le programme vise sa reconversion en
logement libre et ateliers.
Ces projets de (dé)composition, de réparation
urbaine peuvent permettre aussi de:
- introduire de la diversité fonctionnelle
avec par exemple, la démolition d’un immeuble
de logement social et son remplacement par un
immeuble de logements en accession ou, pourquoi
pas, par des activités économiques. Ex : A Saint-
Maur-des-Fossés, la requalifi cation des logements du
Pont-de-Créteil s’est accompagnée de la revente d’un
reliquat foncier pour l’implantation d’un laboratoire.
- améliorer les liens si besoin, entre le
quartier requalifi é, et son environnement urbain,
par exemple en instaurant le dialogue avec un
secteur pavillonnaire voisin préexistant, ou avec
des équipements de proximité. La mixité peut être
abordée sous l’angle morphologique (introduire des
logements superposés ou en bande, ou des plots en
R+3, aux frontières avec un secteur pavillonnaire) ou
par le statut des occupants (réaliser une opération en
accession sociale ou en libre). A Bobigny, on a par
exemple programmé un immeuble en accession à la
place de logements démolis et création de logements
de morphologie intermédiaire à proximité des
pavillons préexistants. A Carrières-sous-Poissy les
4 foyers sont remplacés par 2 résidences sociales
mais aussi des logements sociaux familiaux, et un
programme de maisons individuelles en accession
libre.
117
préparer la gestion à la bonne échelle et l’évolution de la ville
La mutualisation des équipements et services
urbains permet d'optimiser les coûts d’investissement,
d’abonnement, d’entretien (réseau de chauff age,
traitement de l’eau et des déchets, pourquoi pas les
locaux communs (vélos, poussette…). Elle favorise
la maîtrise des charges pour les locataires mais aussi
la qualité urbaine ou architecturale.
Ceci peut fonctionner à conditions de:
- travailler à la bonne échelle : par exemple
pour les EnR (photovoltaïque, géothermie), travailler
à l’îlot plutôt qu’à l’immeuble ? Pour un réseau de
chauff age : quid si les logements construits, très
performants, sont en nombre insuffi sant pour
atteindre le seuil de rentabilité ?
- rester vigilant sur la complexité de systèmes
innovants, type « smart grid » : raisonner à l'îlot
plutôt qu’au quartier (qui fi nit par générer des
investissements trop massifs sans apporter la fi abilité
totale), tenir compte des réseaux existants ou projetés
(risque de doublons)… et tenir compte aussi des
habitudes ou comportements des habitants ;
- agir en fonction du contexte, de la capacité
de la collectivité ou des habitants à intégrer un
changement ou à mettre en œuvre un projet en
tenant sur la qualité des aménagements, des espaces
publics… nécessité en tous cas de travailler ensemble
pour défi nir la juste échelle et rester effi cace.
Réfl échir à la juste échelle, c’est aussi trouver
les montages simples, qui préservent l’avenir.
Aujourd’hui, trop de montages génèrent des
dysfonctionnements et/ou fi gent la mutabilité à
long terme : les macro-lots -les promoteurs vendent
en prévoyant au mieux des servitudes, sinon une
ASL pour assurer la gestion des espaces extérieurs
collectifs, qui pourraient souvent être en réalité des
espaces publics :
- les VEFA avec imbrication des parties
communes entre un bailleur social et une copropriété
-accès au parking en infrastructure, cages d’escalier…
- les statuts fonciers décalés par rapport aux
traitements et aux usages
- les divisions en volume avec un parking,
pour dissocier la gestion avec celle des logements au-
dessus.
Comment gérer, vendre, mais aussi démolir,
surélever…dans 30 ou 40 ans ?
En règle générale, la recherche de la simplicité
pour la gestion et les mutations, dans l’immédiat
comme à long terme, revient à simplifi er la propriété
du foncier et donc, à favoriser la mixité horizontale
plutôt que la mixité verticale.
le rez-de-ville, un étage pas courant
En tant que constructeur, commercialisateur
ou gestionnaire, il y a lieu de s’interroger sur les
occupations potentielles des rez-de-chaussée :
commerces, activités, équipements mais aussi
logements étudiants par exemple. Il faudrait aussi
regarder le point de vue du passant, dans la ville
quotidienne - avoir une lecture horizontale des
usages, de la perception et de la mixité fonctionnelle
du rez-de-ville. Il ne s’agit plus que de construire,
mais aussi de comment s’inscrire dans la ville, à
travers cette accroche forte qu’est le rez-de-chaussée;
le « pied d’immeuble » du bailleur devient rez-de-
ville du passant.
en secteurs d’aménagement
Le savoir-faire des grands aménageurs ou
collectivités, en ZAC ou en renouvellement urbain,
a sensiblement progressé ces dernières années en
matière de programmation, y compris en tenant
compte d’une phase transitoire où le quartier n’est
pas encore à plein régime :
- études de marché et commercialisation avec
phasage pour l’ouverture des commerces (accueil
des premiers habitants puis montée en puissance
progressive jusqu’à phase de maturité) comme le
pratiquent respectivement la SAEM Val-de-Seine
118
commerces
hall traversant
maison
services / locaux temporaires
Aménagement et la SEMAPA, à Boulogne-ZAC
Seguin et à Paris Rive Gauche ;
- gestionnaire, voire investisseur unique qui
aurait la maîtrise foncière des lots « rez-de-chaussée
» pour des programmations particulières.
- il en va de même pour le dimensionnement
progressif des services et équipements (école, poste…
transports). Les outils existent pour optimiser le
montage et la réalisation de projets de construction
complexes et imbriqués, par exemple la convention
de transfert pour des équipements publics qui
permettent d’avoir une unité de maîtrise d’ouvrage et
maîtrise d’œuvre (3F pour la DASCO et la DFPE de
la Ville de Paris, pour une école et une crèche dans un
immeuble de logements à Clichy Batignolles).
Les secteurs d’aménagement ne constituent pas
dans leur intégralité, des zones fortes d’attractivité
commerciale: on retombe sur la question du
traitement des « rez-de-ville » comme en diff us.
Dans les pôles de centralité commerciale , avec
une forte valorisation économique et en général à
l’échelle de l’immeuble et de la rue ; les questions pour
le constructeur et le gestionnaire vont se concentrer
sur la qualité du traitement de la façade (vitrines
enseignes) et la prise en compte des contraintes
spécifi ques liées à l’activité (terrasse ; livraisons…).
On en revient au rôle de la collectivité pour porter
la programmation commerciale à l’échelle de la ville
et adapter les espaces publics aux usages des rez-de-
ville.
E n d i f f u s , h o r s s e c t e u r s d’aménagement
En dehors de ces pôles, en secteur résidentiel ou
en périphérie, il n'est pas obligatoire de décréter une
aff ectation commerciale ou d’activité (professions
libérales, service, enseignement…). Les aff ectations
en équipement et en logement sont à envisager.
Le rez-de-ville peut contribuer à faire le lien entre
l’immeuble et la ville, entre l’espace public et les source David Mangin/seura
119
logements en étage.
Il peut être intéressant de réfl échir à
l’aménagement et/ou au type de logement : les
anciennes « chambres de bonnes » ne pourraient-
elles pas retrouver une place, pour du logement
transitoire ou de l’hébergement, en rez-de-ville ? Ce
qui suppose de travailler sur l’intimité du logement,
son éclairement, (souvent les stores ou volets des
logements sur rue sont fermés en rez-de-chaussée) le
retrait par rapport à la rue ou au cheminement dans
l’îlot, le traitement des limites entre espace public,
collectif et privatif.
On retrouve la question de l’échelle et de la
mutualisation quand on se penche sur l’importance
prise, en rez-de-ville, par les locaux techniques – du
moins pour de petites opérations en zone très dense,
quand le foncier est découpé en petites parcelles
étroites, à Paris ou à Montreuil par exemple. Ne
faut-il pas chercher à mutualiser les locaux vélos,
poussettes, locaux techniques et ordures ménagères,
ou les installer partiellement au sous-sol ou au 1er
étage, voire à prévoir des dérogations - par exemple
pour les vélos qui peuvent être garés dans la rue à
Paris ? - ou des compensations, comme pour les
stationnements automobiles ?
Le rez-de-ville est plus souvent le produit
de conraiinte technique ou réglementaire subies,
que le fruit d'une réfl exion ou une intention
programmatique déclinée de l'immeuble à la ville.
Le logement à rez-de-chaussée pourrait off rir du
logement temporaire pour étudiants ou saisonniers
ou jeunes actifs, éventuellement en partenariat avec
des associations qui prendraient le bail et trouver les
personnes en recherche de logement temporaire
De même, penser aux transparences vers les
coeurs d’îlot, à des vues sur des espaces libres qui
permet au passant depuis la rue, de percevoir la
profondeur de la parcelle.
le stationnement
La construction de logements dans le Grand
Paris implique les liens entre habitat, bassin d’emploi
et déplacements. Question majeure, pour un
constructeur de logements comme 3F; la desserte, de
la proximité par rapport à une gare ou station avec
passages fréquents, bref le choix d’une implantation
correctement intégrée dans le système de transports
collectif
Ensuite vient la question de l’off re de
stationnement. Il faut savoir qu’en construction neuve
en Ile-de-France, les places de stationnements
livrées par 3F ces dernières années atteignent un
taux de vacance de 29,7%, taux légèrement supérieur
au taux moyen sur l’ensemble du parc 3F. Plusieurs
facteurs entrent en ligne de compte :
- les hypothèses retenues au moment de
la programmation (taux de remplissage ou tarif
de location des parkings) sont optimistes, ce qui
pousse à construire trop de places de stationnement
ou à les louer trop cher par rapport aux besoins ou
capacités des locataires ; en ordre de grandeur, 5
places de stationnements en infrastructure coûtent
l'équivalent d'un logement
- la politique menée par la collectivité impacte
directement sur les comportements des habitants : les
collectivités refusent, ou ne peuvent faute de moyens
coercitifs imposer le stationnement payant sur les
voies publiques ; les espaces extérieurs publics
sont donc utilisés de fait et gratuitement pour le
stationnement. A fortiori lorsque le PLU impose
plus d’une place par logement, une telle politique
induit des dysfonctionnements dans les usages ;
- cette coordination du bailleur social avec la
collectivité locale est d’autant plus importante que
les locataires du parc social n’ont aucune obligation
de louer les places qui leur sont proposées ;
- l’off re existante à proximité de l’opération
en construction neuve : le nombre de places
off ertes, la qualité des produits proposés, la sécurité
dans les parkings, les tarifs pratiqués…. l’off re en
infrastructure, en extérieur (payant ou non), doivent
être analysés avant de programmer la construction
120
des stationnements pour une opération de logements
neufs ; là encore un raisonnement au-delà de l’échelle
du lot s’impose ;
- le contexte urbain de l’opération : on ne peut
raisonner de la même façon en étalement urbain,
ou en secteur ANRU avec les problèmes d’échelle
et de sécurité des parkings existants - et en hyper-
centre. Le PLU parisien qui dispense de créer du
stationnement pour des opérations en-deça de 2000
m² de surface de plancher des constructions (ou
celui de Vincennes, idem en deçà de 12 logements)
peuvent servir de référence pour d’autres communes
ou secteurs de très forte densité.
Le parking silo ou la galette de parking
mutualisée revient dans les débats actuellement :
- le premier avantage est de baisser les
coûts : la mutualisation sur plusieurs opérations de
logements, en termes d’investissement et de gestion
; selon le contexte la gestion unique peut permettre
d’améliorer la sécurité et la qualité globale du
stationnement proposé, donc le taux d’occupation.
- ce raisonnement fonctionne mieux en
première couronne qu’en hyper-centre, où les prix
sont tellement tendus qu’il est plus rationnel de
positionner le stationnement en infrastructure. On
voit d’ailleurs progressivement les derniers parkings
silos disparaître de Paris (vente récente du garage
Mercedes dans le 5ème arrondissement, après la
vente du grand garage du Faubourg Saint-Antoine)
- avec la moindre densité toutefois on
retombe sur des problèmes de sécurité comme dans
beaucoup de parkings silos existants, devenus vacants
(remplacés bien souvent par du stationnement
plus ou moins anarchique en extérieur) et lieux de
rencontre ou de trafi cs.
- attention là aussi à ne pas compromettre
la gestion (ASL entre plusieurs propriétaires,
imbrications pour les parkings mutualisés en
infrastructure de plusieurs bâtiments de logements,
complexité des contrôles d’accès) ni fi ger les
mutations ou changements d’usages, que ce soit au
niveau technique, par exemple en veillant à construire
des niveaux plutôt de 2,50m que de 2,20m, ou foncier
en limitant les imbrications.
- une piste pourrait être de considérer que le
parking silo off re une solution transitoire : oui au
parking silo, mais à condition de pouvoir revenir
facilement et à moindre coût, à un autre usage
(construction en poteau-poutre et hauteur minimale
de 2,50m par niveau) ;
- une autre piste pourrait être d’implanter
des parkings en silo sur les premiers niveaux d’un
immeuble, ce qui fonctionne par exemple au Brésil.
Mais suppose d’être sur un immeuble assez haut
(plus de 30 mètres, pour avoir au moins 7 niveaux
de logements au-dessus), d’investir sur les espaces
extérieurs ou l’espace public et d’y recourir de façon
ponctuelle dans la ville pour préserver la qualité du «
rez-de-ville ».
Idées clés :
- 62 % des ménages franciliens sont éligibles au
logement social PLAI ou PLUS
- des opérations de 50 logements semblent être
la juste échelle pour la construction, la gestion,
l'intégration, la mutation voire l'adaptation des
anciens ou des nouveaux quartiers
- les rez-de-ville, un étage pas courant, des
typologies et des mode d’occupation
- cinq places de stationnement coûtent
l'équivalent d'un logement.
121
Ont collaboré à ce cahier
Eric Bérard, aujourd'hui consultant, a dirigé plusieurs société
d'aménagement dont la SERM, à Montpellier et la SERDCO
à Valence; il a présidé le Club Ville-Aménagement.
Yannick Beltrando architecte urbaniste, après un parcours
au sein de l'APUR notamment comme responsable du pôle
métropole et comme conseiller technique de Pierre Mansat,
il a fondé l'agence Anyoji Beltrando, lauréate du palmarès des
jeunes urbanistes 2012.
Eric Charmes, sociologue urbaniste, directeur de recherche, du
laboratoire Recherches interdisciplinaires ville espaces société
(RIVES) de l’Ecole nationale des Travaux Publics de l’Etat à
Vaulx-en-Velin (69), auteur de La Ville émiettée. Essai sur la
clubbisation de la vie urbaine », Paris, Presses universitaires de
France, Villes rêvées, Villes durables ? avec Taoufi k Souami,
Gallimard, Hors-série Découvertes et La Vie périurbaine face
à la menace des gated communities, Paris, L’Harmattan, coll. «
Villes et entreprises ».
Philippe Coignet, paysagiste dplg dirige l'agence OLM.
lauréate des albums des jeunes paysagistes en 2008. Il a
également enseigné le projet de paysage à l’école polytechnique
de Zurich, à l’école d’architecture de Paris-Malaquais et au
département de paysage à Harvard.
Yves Crozet, enseignant-chercheur à l'IEP Lyon il a dirigé
le Laboratoire de l'Economie des Transports, il anime des
groupes de recherches au Predit, il est aussi membre du
conseil d'administration de RFF.
Nicolas Douce, Convergences CVL accompagne les opérateurs
commerciaux publics et privés dans leurs projets en France
et à l’étranger.
Rémi Dorval, la Fabrique de la Cité, Après avoir occupé
diverses fonctions au sein de Ministère de l’Industrie et du
Ministère des Finances il rejoint le secteur privé devient
Directeur Délégué de VINCI, et Président de la Fabrique de
la Cité.
Alain Garès, après avoir dirigé le SEM Constellation, et
directeur de l'urbanisme de la Commauté Urbaine du Grand
Toulouse, il est aujourd'hui directeur général de la SPLA
Europolia; et président du Club-Ville Aménagement.
Jérôme Legrelle , dirige depuis 2010 la société Convergences-
CVL, spécialisée en urbanisme et immobilier commecial il
a occupé plusieurs à responsabilités au sein d'immobilières
commerciales Carrfour property, Rodamco Europe, LVMH.
David Mangin, architecte dplg. associé-gérant de SEURA
(Florence Bougnoux, Jean-Marc Fritz, David Mangin,
Eurylice Roncen, Mathieu-Hô Simonpoli), il est aussi
professeur des écoles d’architecture et à l'ENPC, membre du
conseil scientifi que du Puca , et Grand Prix de l’Urbanisme
2008, auteur notamment de la Ville franchisée, Paris, la Vilette
Pierre Paulot, architecte est Directeur de l’Architecture,
de l’Aménagement et de l’Environnement de 3F, il y
développe et anime la politique architecturale, urbaine et
environnementale.
Magali Reghezza-Zitt, géographe, maître de conférences
à l’École normale supérieure, elle dirige les études du
département de géographie de l’ENS, auteure de Paris, coule-
t-il?; Paris, Fayard
Vincent Renard, économiste, directeur de recherche au
CNRS spécialisé dans les questions d’ économie foncière
et immobilière, il est co-fondateur avec Joseph Comby de
l’Association des Etudes Foncières, il enseigne actuellement à
l'IEP de Paris et à l’ ENPC.
Mathieu-Hô Simonpoli, architecte dplg et ingénieur EIVP, il
collabore depuis 2005 aux travaux de l'agence SEURA, dont
il est associé.
Marion Talagrand, urbaniste Diup paysagiste dplg, elle
est lauréate des albums des jeunes paysagistes (2007) et du
palmarès des jeunes urbanistes (2008), elle enseigne aussi le
projet à l'IUP et à l'ENSP Versailles.
Marc Wiel est un urbaniste français, il a travaillé dans
plusieurs agences d’urbanisme Rouen , Grenoble c Brest
il est aujourd'hui chercheur et participe à des travaux sur
l’articulation transports urbanisme, il est notamment l'uateur
de La transition urbaine, de la ville pédestre à la ville motorisée.,
Bruxelles, Mardaga et Paris, sortir des illusions approfondir les
ambitions, Paris, Scrineo.
122
en résumé,
1.mobiliser des moyens
- sans attendre l'amélioration ou la création de grands réseaux, créer des logements près
des pôles d'emplois et vice-versa pour réduire les distances domicile/travail
- repérer et mobiliser les fonciers (in)visibles/ (in)accessibles pour des opérations
d'aménagement
- défi nir une nouvelle hiérarchie du réseau francilien et optimiser la tarifi cation en
fonction des modes et des vitesses
- contractualiser la péréquation fi nancière entre intercommunalités et Région
- fédérer des intercommunalités pour partager les responsabilités de la production de
logements et des autorisations de construire
2.réguler des fonciers trop accessibles
- considérer l'A104 comme la "Nouvelle Frontière",
- projeter les développements autour des bourgs et des villages
- organiser des fi lières agricoles urbaines, à travers des circuits courts et des circuits
semi-long
3. rendre accessible des fonciers invisibles
- créer de la valeur sur les parkings des centres commerciaux régionaux de l'A86 et la
francilienne, pour plus de mixité fonctionelle
- élaborer un PPRI du Grand Paris, en sachant que les fonciers submersibles, ne sont
pas forcément les plus risqués
4. construire plus et mieux
- constituer des SPL pour des aménageurs à la mesure des projets de territoires,
- concevoir des rez-de-ville, un étage pas courant, pour accueillir de l'économie
(informelle) et des résidences fl exibles,
- anticiper les évolutions de modes de vie et de la mobilité
- développer les fi lières sèches et la préfabrication.
123
SEURA/ David ManginYannick Beltrando, Mathieu-Hô Simonpoli, Marc WielEric Bérard, Florence Bougnoux, Patrick Bridey, Eric Charmes, Philippe Coignet, Yves Crozet, Laetitia Dablanc, François Delarozière, Nicolas Douce, Rémi Dorval, Jean-Marc Fritz, Alain Garès, Marion Girodo, Jérôme Legrelle, Sébastien Loew, Bruno Marzloff, Pierre Paulot, Philippe Renoir, Eurylice Roncen, Magali Reghezza-Zitt, Michael Schwarze-Rodrian, Vincent Renard, Marion Talagrand// Yves Laffoucrière
Des logements pourquoi, combien, où, comment, pour qui, par qui ? Voilà les questions
auxquelles les diverses contributions de ce cahier, réunies par l’équipe Seura, tentent de
répondre.
La pénurie est un accélérateur des inégalités et un frein pour la compétitivité du Grand
Paris; une « bombe à retardement » (D.Mangin, M.Wiel). Le projet de Nouveau Grand Paris
concentre les financements sur les infrastructures ferroviaires, mésestimant les effets induits
sur la répartition territoriale des emplois, des logements et de la rente immobilière (M.Wiel).
Soyons lucides les villes moyennes, bourgs et villages continueront à se développer, dans
un rayon de 20min en voiture des gares des TER, des RER ou du futur GPE, au-delà de la
Francilienne, cette Nouvelle Frontière de l’Ile de France (E.Charmes).
Sans attendre l'achèvement du Nouveau Grand Paris, nous devons accompagner
l'amélioration de l'accessibilité locale par des investissements immédiats dans la gestion
du réseau ferré et l'adaptation du réseau (auto)routier( Y.Crozet). Mais on ne fera rien sans
adopter une stratégie foncière articulée autour de la régulation des marchés fonciers et
la mise en évidence de leviers inédits pour rendre accessibles des fonciers, qu’ils soient
révélés (V.Renard) ou (in)visibles:création de valeur dans les zones commerciales (N.Douce,
J.Legrelle), nouvelle culture positive du risque métropolitain (M.Reghezza-Zitt), meilleure
connaissance des agricultures métropolitaines qui pourrait stabiliser les destinations des
terrains agricoles (P.Coignet, M.Talagrand).
Cette stratégie foncière, déterminante, n'est pour autant pas la seule réponse à la réalisation
de l'objectif de 70 000 lgt par an. Le temps du projet, les procédures d'urbanisme, les agendas
politiques, les résistances nimby perturbent à la baisse la construction de logements si bien
que l’on n’en construit que 35 000 par an. Des structures d'aménagement ad hoc comme
les SPL (E.Bérard,R.Dorval, A.Garès) pourraient permettre aux nouvelles intercommunalités
de disposer de l'ingénierie nécessaire au renforcement de l'offre de logement et associer
élus, entreprises du BTP, investisseurs publics et privés pour construire des logements neufs,
rénovés ou densifiés. Reste un impératif: les logements, ou mieux, l’habitat doit offrir le droit à
la ville, être connecté aux quartiers, avec des rez-de-ville réinventés et des densités diversifiés
(P.Paulot-3F).
AIGP 2/ SEURA/David Mangin mars, 2013