SESSION « CANCER ET VIH » Romain PALICH · 2018. 9. 30. · Et la PCR HHV-8 ? 335 maladies de...
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Romain PALICHService des Maladies Infectieuses et TropicalesHôpital Pitié-Salpêtrière, AP-HP, Paris, France
SESSION « CANCER ET VIH »
Cas Cliniques
Complications& Comorbidités
BIARRITZ 2018
BIARRITZVendredi 21 septembre 2018
Cas 1. Monsieur B.
• Homme de 46 ans, né à Abidjan, premier séjour en France dans les années 1990, vit entre la Côte d’Ivoire et la France, marié avec 3 enfants en Côte d’Ivoire, commercial dans la métallurgie pour une entreprise française
• Traité pour une HTA par IEC, pas de conduite addictive
• Découverte de VIH en 2006 (CD4 à 70/mm3) sur une AEG sans infection opportuniste au diagnostic, traité par TDF/FTC + EFV et suivi à Paris avant perte de vue en 2013
• Consulte un dermatologue en ville pour un « grain de beauté » : réalisation d’une biopsie-exérèse
• Ré-adressé en Maladies Infectieuses pour reprise de suivi VIH (charge virale à 730 000 cp/ml et CD4 à 32/mm3)
Cas 1. Monsieur B.
Quel bilan initial pour la MK ?
Examen clinique… des pieds à la tête…• Peau (oreille, nez, espaces
inter-orteils, organes génitaux…)
• Muqueuses (cavité orale, paupières…)
Von Roenn, Hematol Oncol Clin North Am, 2003 / Buthani, Semin Oncol, 2015 / Rapport Morlat (2017)
Quel bilan initial pour la MK ?
Examen clinique… des pieds à la tête…• Peau (oreille, nez, espaces
inter-orteils, organes génitaux…)
• Muqueuses (cavité orale, paupières…)
Histologie ?• Seulement si doute diagnostic (ou si
biopsie en cas d’atteinte viscérale ou ganglionnaire)
• Aspect caractéristique, IHC
Recherche de localisations profondes• Scanner thoraco-abdomino-pelvien
(atteintes pulmonaire, ganglionnaire, pleurale, péricardique, musculaire, osseuse…)
• FOGD / coloscopie : seulement si saignement digestif extériorisé ou anémie (non si asymptomatique)
• Fibroscopie bronchique : seulement si symptomatique
Von Roenn, Hematol Oncol Clin North Am, 2003 / Buthani, Semin Oncol, 2015 / Rapport Morlat (2017)
Quelle place pour le tep-scanner ?
Martinez, AIDS, 2011 / Mankia, Clin Med Nucl, 2012 / Cengiz, Mol Imaging Radionucl Ther, 2016
• Les lésions de MK sont hypermétaboliques : cartographie très précise de la maladie avec quantification possible (SUV)
• Corrélation avec la réponse thérapeutique : utile pour le suivi et pour décider de stopper les traitements
• Critère objectif d’évaluation de stratégies thérapeutiques
• Limites : non encore validé, coût, disponibilité
Et la PCR HHV-8 ?
335maladies de
Kaposi
83maladies de Castelman
(incluant 50 MK)
153 lymphomes NH (incluant 3 MK)
82cancers non classant sida
Haq, HIV Med, 2016 / Jary, JCM, 2018
39% + 99% + 2% +9% +
• Mauvais marqueur diagnostic
• Etudes contradictoires sur la valeur pronostique (mauvais pronostic si PCR HHV-8 positive au diagnostic ? marqueur de guérison si négativation ?)
• Elimination d’une maladie de Castelman
• Niveaux de virémie HHV-8 différents en fonction du diagnostic ?
684 patients VIH+
Cas 1. Monsieur B.
• Lésions cutanées confluentes, planes et en relief sur la cheville, lésion nodulaire sur la cuisse gauche (« éliminée ») et lésion palatine d’aspect tumoral
Cas 1. Monsieur B.
• Lésions cutanées confluentes, planes et en relief sur la cheville, lésion nodulaire sur la cuisse gauche (« éliminée ») et lésion palatine d’aspect tumoral
• Scanner TAP : adénomégalies diffuses, micronodules pulmonaires aspécifiques, lacune osseuse (vertèbre T4)
• Réalisation d’un tep-scanner…
Cas 1. Monsieur B.
• Hypermétabolisme de nombreux ganglions sus- et sous-diaphragmatiques (réplication VIH ?), pas de foyer hypermétabolique au niveau pulmonaire, hypermétabolismemodéré au niveau du palais
• Il existe un foyer hypermétabolique (SUV max à 8,1) au niveau du corps vertébral de T4, correspondant à la lésion lytique visualisée en TDM : à confronter au résultat d’une biopsie osseuse
Les atteintes osseuses de MK
Di Bella, Curr HIV Research, 2011
• Atteinte rare mais probablement très sous-diagnostiquée (techniques d’imagerie, cas asymptomatiques)
• Selon la localisation, risque de compression médullaire
• Attention aux diagnostics différentiels !
• Indication à traiter systématiquement par chimiothérapie ?
Quelle stratégie thérapeutique ?
Localisation cutanée exclusivesans signe de gravité
et/ou localisation palatinenon « tumorale »
Localisation cutanéo-muqueuseavec signe de gravité
(œdème, ulcération cutanée,lésion muqueuse non plane)
et/ou localisation viscérale
ARV + chimiothérapie
Patient naïf d’ARV Patient sous ARV
Charge virale détectable
Charge viraleindétectable
• Initiation d’un traitement ARV
• Surveillance mensuelle les 3 premiers mois (IRIS)
• Evaluation de la réponse tumorale à 3 et 6 mois d’indétectabilité de la charge virale
• Optimisation du traitement ARV
• Evaluation de la réponse tumorale à 3 et 6 mois d’indétectabilité de la charge virale
Forme cutanée diffuse
Forme pauci-lésionnelle
Chimio-thérapie
Traitement local
(1ère intention)
Rapport Morlat (2017)
Quelle chimiothérapie choisir ?
Daunorubicine(DAUNOXOME)
40 mg/m2 toutes les 2 semaines
Doxorubicine(CAELYX)
20 mg/m2 toutes les 2-3 semaines
FEVG >45% à J0, à contrôler après 6 curesDose cumulée maximale : 550 mg/m2
Erythro-dysesthésie palmo-plantaireToxicité médullaire
Anthracyclines liposomales
Paclitaxel(TAXOL)
100 mg/m2 toutes les 2 semaines
Toxicité neurologiqueToxicité médullaireAlopécieAtteinte unguéale
Taxanes
+ Bléomycine
Quelle chimiothérapie choisir ?
Daunorubicine(DAUNOXOME)
40 mg/m2 toutes les 2 semaines
Doxorubicine(CAELYX)
20 mg/m2 toutes les 2-3 semaines
1ère intention
Anthracyclines liposomales
Paclitaxel(TAXOL)
100 mg/m2 toutes les 2 semaines
2ème intention
Taxanes
Rapport Morlat (2017)
Cas 1. Monsieur B.
• 6 cures de chimiothérapie par doxorubicine(CAELYX) réalisées toutes les 3 semaines
• Régression (aplanissement, modification de la couleur) des lésions cutanées et disparition de la lésion palatine
• Pas de tep-scanner de contrôle car patient resté strictement asymptomatique (pas de douleur rachidienne, examen neurologique normal)
• Charge virale indétectable à M6 de reprise du traitement ARV (TDF/FTC + RAL) et ré-ascension progressive des CD4 (135/mm3 à M6)
Quelle surveillance ?
Eléments du dossier àcollecter / vérifier• Dernière charge virale, dernière
numération CD4/CD8 • Histoire thérapeutique,
génotypes antérieurs, intolérances aux ARV (molécules à disposition si modification des ARV)
• Co-infections (hépatites B et C, toxoplasmose, CMV)
Monitoring mensuel• Charge virale VIH • Charge virale VHB (si AgHBS
positif ou Ac anti-HBc isolé)• Charge virale CMV (si sérologie
CMV positive)Et tous les trois mois…• Numération CD4/CD8
Bilan préthérapeutique• Fonction rénale (clairance de la
créatinine)• Fonction cardiaque (ECG, ETT)• Fonction hépatique (bilan
hépatique, TP)
Instauration de prophylaxies• Cotrimoxazole (pneumocystose,
toxoplasmose)• Valganciclovir (CMV, si PCR
positive et après élimination d’une rétinite)
• Valaciclovir (HSV/VZV si herpès ou zona récurrent)
• Ténofovir (VHB)
Rapport Morlat (2017)
Est-ce toujours un problème ?...
43%de diagnostics tardif
Stade sidaCD4 <350/mm3
incluant 27%d’infections à un stade
avancé
CD4 <200/mm3
• Nombreuses découvertes de VIH à un stade tardif
• Nombreux retours aux soins en contexte d’immuno-dépressionprofonde suite à une rupture de traitement ARV(60% des hospitalisations à La Pitié-Salpêtrière chez les VIH+ avec infection(s) opportuniste(s))
• Survenue de MK chez des patients virologiquement contrôlés avec CD4 >200/mm3
Yanik, JCO, 2017
MK chez les patients « contrôlés »
7
7
8
8
8
9
11
12
16
20
28
32
58
74
96
0 20 40 60 80 100
Colon
Peau
Œsophage
Indéterminé
Hodgkin
Foie
Pancréas
Rectum
Vessie
Sein
ORL
Canal anal
LNH
Kaposi
Poumon • Données de la RCP ONCOVIH entre mai 2014 et décembre 2017
• 2ème cancer le plus représenté parmi les cas présentés
21 cas de MKchez des patients virologiquement
contrôlés
MK chez les patients « contrôlés »
Nombre de patients avec données
disponibles
Hommes 81% N=17/21
Origine : France métropolitaine 45% N=9/20
DOM-TOM 5% N=1/20
Afrique 50% N=10/20
Age (années) 54 (35-61) N=21
Délai depuis le diagnostic VIH (années) 14 (6-22) N=21
Durée de suppression virologique (années) 3 (2-5) N=17
Nadir de CD4 (/mm3) 196 (84-329) N=19
Traitement ARV : 2 NRTI + NNRTI 32% N=6/19
2 NRTI + PI/r 21% N=4/19
2 NRTI + INSTI 47% N=9/19
CD4 au moment au diagnostic de MK (/mm3)
449 (241-625) N=21
Ratio CD4/CD8 au diagnostic de MK 0,58 (0,33-0,65) N=12
MK chez les patients « contrôlés »
Nombre de patients avec données
disponibles
Hommes 81% N=17/21
Origine : France métropolitaine 45% N=9/20
DOM-TOM 5% N=1/20
Afrique 50% N=10/20
Age (années) 54 (35-61) N=21
Délai depuis le diagnostic VIH (années) 14 (6-22) N=21
Durée de suppression virologique (années) 3 (2-5) N=17
Nadir de CD4 (/mm3) 196 (84-329) N=19
Traitement ARV : 2 NRTI + NNRTI 32% N=6/19
2 NRTI + PI/r 21% N=4/19
2 NRTI + INSTI 47% N=9/19
CD4 au moment au diagnostic de MK (/mm3)
449 (241-625) N=21
Ratio CD4/CD8 au diagnostic de MK 0,58 (0,33-0,65) N=12
19%
33%
48%
0
2
4
6
8
10
12
14
CD4<200 CD4=200-500 CD4 >500
No
mb
re d
e p
atie
nts
Cas 2. Monsieur O.
• Homme de 55 ans, né en France, travaillait dans une scierie, actuellement sans emploi
• Gros fumeur, traité pour un diabète de type 2, une HTA, une cardiomyopathie ischémique (deux stents)
• Découverte de VIH à la fin des années 1990 (informations manquantes sur l’histoire), actuellement sous TDF/FTC + DRV/r (charge virale <20 cp/ml depuis 2010, des CD4 à 490/mm3 et un rapport CD4/CD8 à 0,52)
Cas 2. Monsieur O.
• Maladie de Kaposi au diagnostic de VIH : lésions des deux membres inférieurs (pieds très douloureux) et des organes génitaux externes
Cas 2. Monsieur O.
• A reçu 22 cures de doxorubicine (CAELYX) avec des « pauses » : dose cumulée de 700 mg/m2 et aggravation de l’insuffisance cardiaque les deux dernières années
• La douleur au niveau des pieds et la réapparition de lésions infiltrées, œdématiées, motivent la reprise d’un traitement
Proposition de traitement par paclitaxel (TAXOL) :
est-ce compatible avec le traitement ARV ?
Interactions médicamenteuses
Voies métaboliques
Cytochrome P450
Agents anti-cancéreux ARV
Majoration de l’exposition plasmatique des taxanes avec majoration des complications liées au traitement : myélotoxicité, neuropathie…
en présence de ritonavir (ou de cobicistat)
Rapport Morlat (2017)
Cas 2. Monsieur O.
• Switch du traitement ARV pourABC/3TC + DTG
• Amélioration transitoire des lésions de Kaposi sous paclitaxel mais apparition d’une neuropathie périphérique invalidante (objectivée par l’EMG) attribuable au traitement
Quelles alternatives thérapeutiques peut-on
proposer ?
Quels traitements alternatifs ?
10 patients
20 patients
12 patients
15 patients
17 patients
Rokx, CID, 2013 / Little, JCO, 2000Pourcher, AIDS Res Hum
Retroviruses, 2016Uldrick, JCO, 2012 / Polizzotto, JCO, 2016
Et l’immunothérapie ?
Galanina, Cancer Immun Res, 2018Guihot, JID, 2006
• Altération de la réponse immunitaire spécifique anti-HHV-8
• Restauration de ces fonctions par les anti-immune checkpoints ?
Suivi sous immunothérapie
Bilan pré-thérapeutique• Examen clinique (bilan de
fièvre, examen digestif, pulmonaire, neurologique, rhumatologique, cutané, constantes, état général)
• Traitements en cours• Bilan biologique (NFS, rein et
urines, foie, glycémie, BPC, acide urique, albumine, CRP, FAN, thyroïde, bilan hormonal, charges virales VIH, EBV, CMV, HHV-8, VHB, VHC, test IGRA, CD4)
• Scanner thoracique avec et sans injection
Bilan tous les trois cycles• Bilan thyroïdien (TSH +/- T3 et T4,
Ac anti-TPO et anti-thyroperoxydase)
• Charge virale VHB +/- VHC
Bilan avant chaque cure• Examen clinique complet• Bilan biologique (NFS, rein et
urines, foie, glycémie, BPC, acide urique, albumine, CRP, LDH, TP, charge virale VIH, CD4)
Rapport Morlat (2017)
La cohorte ONCOVIHAC
Création d’un observatoire pour colliger les données sur les patients VIH+ traités par anti-immune-checkpoint :
• Tout patient VIH+ présentant un cancer
• Pouvant bénéficier d’un traitement par anti-immune-checkpoint (AMM, ATU, essais cliniques… et en compassionnel)
• Données cliniques, thérapeutiques
• Explorations physiopathologiques
Points clés
• La maladie de Kaposi reste un sujet d’actualité (découvertes tardives, ruptures de traitement ARV, survenue chez des sujets contrôlés)
• Bilan initial clinique et paraclinique exhaustif, avec intérêt des nouvelles techniques d’imagerie pour le diagnostic et pour le suivi
• Chimiothérapie reposant sur les anthracyclines liposomaleset les taxanes, alternatives thérapeutiques limitées (anti-immune checkpoint prometteurs)
• Interactions médicamenteuses avec les ARV à gérer et suivi rigoureux des patients VIH+ (RCP ONCOVIH)