SERVIR LA GUADELOUPE

145
SERVIR LA GUADELOUPE JEAN-PAUL ELUTHER Commande N° 55732 www.thebookedition.com

Transcript of SERVIR LA GUADELOUPE

Page 1: SERVIR LA GUADELOUPE

JEA

N-P

AU

L EL

UT

HER

SER

VIR

LA

GU

AD

ELO

UPE

SERVIR LA GUADELOUPEJEAN-PAUL ELUTHER

La Guadeloupe est à la croisée des chemins au début d'un siècle quichange rapidement . L'analyse de JEAN PAUL ELUTHER nous donnedes explications sur ses blocages , situe les enjeux et propose des solutionspour une autre GUADELOUPE solidement enracinée dans son histoire ,fidèle à sa culture , ouverte au changement et ambitieuse pour son avenir .

NC euros TTCJEAN-PAUL ELUTHER

SERVIR LA GUADELOUPEJEAN-PAUL ELUTHER

Commande N° 55732 www.thebookedition.com

Page 2: SERVIR LA GUADELOUPE

1

JEAN-PAUL ELUTHER

SERVIR LA GUADELOUPE

THE BOOKEDITION

Commande N° 55732 www.thebookedition.com

Page 3: SERVIR LA GUADELOUPE

2

"La plupart des choses sont faites quand un homme ou un groupe d’individus montrent le chemin ". (Anonyme)

Commande N° 55732 www.thebookedition.com

Page 4: SERVIR LA GUADELOUPE

3

INTRODUCTION

Le troisième millénaire a commencé. Probablement

beaucoup d’évènements inédits que l’on a observés lors

de son approche y étaient liés. Certains historiens disent

qu’à l’approche de l’an 1000 en Occident, des

phénomènes curieux s’y sont passés et des scènes

d’hystérie collective furent observées. Il en fut de même

dans les autres civilisations qui ont daté le temps.

L’homme est ainsi fait: les dates ont un impact sur sa

manière d’appréhender le monde. Cependant, la majeure

partie des phénomènes observés a été la conséquence de

facteurs indépendants de cette date fatidique. C’est en

fait, la profonde mutation que connaissent le monde et

notre pays, qui aprovoqué les bouleversements que nous

avons observés. Le vingt et unième siècle est aussi le

prélude à un changement de société. C’est probablement

la fin du cycle historique commencé au 19ième siècle

avec la révolution industrielle qui a propulsé l’Europe

vers des sommets jamais atteints au préalable par aucune

civilisation. Aujourd’hui, nous sommes à nouveau

engagés dans un processus de profond changement. C’est

ce qui a rendu cette fin de siècle et le début du 21ième

siècle à la fois difficile et palpitant. Nous vivons avec

angoisse cette mutation qui remet en question nos

habitudes. La montée inquiétante de l’insécurité et de la

violence, le désenchantement profond qui touche

notamment la jeunesse, la peur du lendemain, la méfiance

à l’égard des décideurs, le rejet de toute forme d’autorité,

la tentation de glorification du passé, le mal être de

beaucoup de nos compatriotes, sont les signes quotidiens

Commande N° 55732 www.thebookedition.com

Page 5: SERVIR LA GUADELOUPE

4

de ces difficultés que nous vivons tous selon des

intensités variables. Aucun d’entre nous n’est à l’abri des

caprices du vent qui secoue jusqu’à les faire rompre à

certains moments notre pays. Nous éprouvons beaucoup

d’angoisse pour nos enfants. Nous avons des difficultés à

faire face aux défis et à élaborer un projet collectif qui

nous permet de les affronter. Il n’est pas étonnant que

beaucoup d’entre nous se réfugient, soit dans le passé,

soit dans le repli sur soi afin de conjurer le mauvais sort.

On ne peut pas vous en faire le reproche, tant l’espoir

d’un monde meilleur s’est petit à petit éloigné. Cette

attitude, peut ponctuellement apaiser. Mais elle n’est pas

suffisante. Les bouleversements du monde et de notre

pays appellent des solutions novatrices. Il faut que les

générations aujourd’hui gèrent à la fois la fin d’un monde

et l’avènement d’un autre dont on ne connaît pas encore

les contours définitifs. Les chinois appellent crisece type

de situation et la qualifie d’une double manière : Fin et

Renouveau. Il y a dans les décombres de l’ancien monde,

celui auquel nous nous étions habitués malgré ses

duretés, ses injustices et ses insuffisances, des bribes de

solution pour faire face aux défis d’aujourd’hui et de

demain. Mais il nous faut en permanence inventer et

innover. Cette démarche s’opère il est vrai dans des

conditions particulières. S’ilme fallait prendre une image

pour caractériser ce moment crucial de notre histoire, je

choisirais celle de la guerre. Sous la mitraille ennemie, il

nous faut, détruire et tuer, tout en ayant en main la truelle

du maçon qui illustre la volonté de reconstruire. La tâche

est donc particulièrement difficile. La pire des attitudes

dans ce contexte complexe et incertain serait de faire

l’autruche en attendant des jours meilleurs et un monde

Commande N° 55732 www.thebookedition.com

Page 6: SERVIR LA GUADELOUPE

5

qui comme par magie se transformerait et redeviendrait

vivable et proche. Une telle démarche serait suicidaire et

le réveil serait particulièrement douloureux. Les défis

d’aujourd’hui exigent des solutions immédiates,

nouvelles et durables. Il nous faut prendre à bras-le-corps

les problèmes posés et nous atteler sans tarder à leur

résolution, car dans le cas contraire nous serions

irrémédiablement distancés, incapables de vivre

décemment dans un monde de toute façon nouveau.La

construction d’un pays renouvelé, modernisé et renforcé

exige de tous sans exception, créativité, capacité

d’adaptation, compétence, courage, abnégation et ardeur

au travail. Malgré ce que l’on dit de nous et ce que nous-

mêmes nous pensons de nous, j’ai le sentiment que nous

possédons les ressources suffisantes pour réussir.

L’histoire dramatique qui a fait de nous ce que nous

sommes aujourd’hui a engendré un homme courageux,

inventif et capable de faire face aux défis et aux

épreuves. Pour rénover notre pays, la méthode me semble

en définitive très simple. Elle n’est pas religieuse, au sens

qu’il faille attendre d’un dieu la solution bien que cette

croyance puisse nous donner cette force morale sans

laquelle rien de décisif ne peut se faire. Elle n’est pas non

plus dans le retour au passé ou dans sa conservation bien

que la connaissance de notre histoire et l’enracinement

dans le passé soient un moyen essentiel pour se propulser

vers l’avenir. Elle ne sera pas non plus la conséquence

d’un remède miracle administré par un médecin. Elle sera

le fruit de notre réflexion, de notre travail cent fois

recommencé, de notre stratégie et de notre capacité à

nous adapter et à inventer. Au moment où commence le

21 siècle, il nous faut comprendre le sens des évolutions

Commande N° 55732 www.thebookedition.com

Page 7: SERVIR LA GUADELOUPE

6

qui agissent comme des contraintes que nous ne saurions

écarter et élaborer un projet collectif global à la fois

politique, social culturel et économique à la dimension

des défis et conforme à nos attentes afin que nous

puissions nous engager rassérénés, forts, déterminés dans

ce millénaire qui j’en suis convaincu sera pour nous une

occasion nouvelle de fortifier notre pays, notre culture et

de créer les conditions pour que nous puissions vivre

épanouis et heureux dans un pays prospère et apaisé. La

Guadeloupe attend de tous ses enfants qu’ils soient

dorénavant à son service, en ordre de bataille, unis

comme une grande famille afin que chacun puisse lui

apporter le savoir-faire et l’expérience qu’ils ont acquis

pour qu’elle puisse affronter ce monde nouveau avec des

chances de bien figurer.

Commande N° 55732 www.thebookedition.com

Page 8: SERVIR LA GUADELOUPE

7

CHAPITRE 1

LA MUTATION DU MONDE

Le monde et notre pays ont beaucoup changé au cours

des trente dernières années. C’est en le répétant souvent

que notre pays en prendra pleinement conscience et

acceptera de se préparer à faire face. Il s’agit d’un

profond changement, une révolution au sens fort de ce

terme qui touche à tous les aspects de la vie en société.

Comme c’est souvent le cas depuis un siècle, elle a été

provoquée par l’évolution de l’économie. Les

observateurs appellent cette mutation mondialisation,

globalisation ou économie monde. De quoi s’agit-il

exactement ? En moins d’un quart de siècle on a vu se

constituer une économie mondiale qui a déstructuré

toutes les économies nationales, jadis protégées par des

solides barrières douanières mises en place par des Etats

souverains. Nous avons assisté à l’essoufflement des

croissances nationales, à la perte d’efficacité des

politiques économiques nationales, à la remise en

question de l’Etat providence, à l’abandon des projets

socialistes ainsi qu’à la fulgurante affirmation des

idéologies du marché et de l’argent. Les formidables

bouleversements scientifiques et technologiques,

notamment la Révolution des Communications et de la

transmission des données ont favorisé le développement

d’une nouvelle société. La transmission des données à la

Commande N° 55732 www.thebookedition.com

Page 9: SERVIR LA GUADELOUPE

8

vitesse de la lumière, la numérisation des textes, des

images et des sons, le recours aux satellites de

communication, la révolution du téléphone, la

généralisation de l’informatique dans la plupart des

secteurs de l’activité, la miniaturisation des ordinateurs et

leur mise en réseau à l’échelle planétaire ont peu à peu

transformé la structure du monde. Cette évolution a

particulièrement touché le monde de la finance qui est

devenu le facteur central des transformations. D’après la

banque des règlements internationaux les transactions

quotidiennes sur le marché financier atteignent 1 000

milliards de dollars et représentent près de 50 fois le

montant des échanges de biens et de services. Les

services financiers s’adaptent bien à ces évolutions

technologiques. Il suffit, de disposer d’un micro-

ordinateur relié à Internet pour échanger services et

informations. La finance en fait réunit les quatre qualités

qui en font un modèle parfaitement adapté à la nouvelle

donne technologique à savoir, "planétarité", permanence,

immatérialité et immédiateté. La mondialisation du

capital a accéléré le processus d’internationalisation des

activités économiques commencé dans les années

soixante dix et illustré par le développement des

multinationales dont les budgets et les moyens d’action

sont souvent plus importants que ceux de nombreux

Etats. Elle a favorisé une intégration par grandes régions

des flux commerciaux et de production. Les pays qui font

partie de l’Union Européenne par exemple commercent

surtout entre eux. Il en va de même dans la zone

Pacifique solidement organisée autour du Japon et de

plus en plus autour de la Chine si celle-ci continue à se

rapprocher de ses voisins et à afficher des taux de

Commande N° 55732 www.thebookedition.com

Page 10: SERVIR LA GUADELOUPE

9

croissance exceptionnels. Les mêmes remarques

pourraient être faites au sujet du trio Etats-

Unis/Canada/Mexique unis par un accord de libre

échange. La mondialisation se réalise en définitive à un

double niveau : fort processus de régionalisation qui

constitue en quelque sorte un tremplin avant le large de la

mondialisation proprement dite. L’internationalisation a,

par le biais de la croissance externe stimulé des processus

de délocalisation, de fusions et d’alliances

interentreprises au niveau mondial. Ainsi chaque groupe

industriel, commercial ou financier ayant une certaine

importance dans son marché national poursuit-il

désormais une stratégie mondiale en direction de toutes

les régions du monde et plus précisément dans celles

considérées comme les plus développées (Amérique du

Nord; Europe de l’Ouest ; Pacifique Nord et Sud).

Cependant, l’internationalisation des Activités a tendance

à laisser de côté de nombreux pays notamment ceux qui

se trouvent dans ce que l’on appelait il y a pas si

longtemps le Tiers Monde ou pays du sud. Ce processus

puissant de marginalisation ne manquera pas d’accroître

leur pauvreté et le dénuement de la majorité de la

population mondiale. Ces pays qui sont déjà pauvres car

n’ayant pas réussi à profiter de l’impulsion des trente

glorieuses à la fois en raison de leurs insuffisances et de

la domination exercée par l’Occident pendant de

nombreuses décennies vont encore s’appauvrir tout en

continuant à être confrontés à de graves problèmes

d’organisation. Il s’agit d’une situation extrêmement

grave que nous connaissons bien car certains pays de la

CARAIBE sont dans cette catégorie. Le Tiers Monde se

caractérise le plus souvent par des guerres civiles, des

Commande N° 55732 www.thebookedition.com

Page 11: SERVIR LA GUADELOUPE

10

migrations sauvages, et de la pauvreté. L’immigration

que nous connaissons si bien et contre laquelle nous nous

élevons parfois avec raison est un signe de ces difficultés.

Au début de ce siècle nouveau, la situation du tiers

monde constitue un grave problème et un grand risque

d’instabilité. Si il n’est pas stabilisé, ce sont des milliers

de ses habitants qui vont prendre d’assaut les îlots de

prospérité que représentent dans le monde les pays les

plus développés. La coopération avec nos voisins est

donc un impératif pour tenter de limiter ces différents

risques. Ce n’est pas un gadget, mais un moyen de

participer à la lutte contre la montée inquiétante de la

pauvreté dans le monde et de se prémunir contre

l’immigration sauvage qui est toujours dangereuse.Le

passage d’une économie organisée à partir des

capitalismes nationaux agissant à l’échelle de la planète à

une mondialisation caractérisée par la fluidité des

marchés, la déréglementation et la privatisation de pans

entiers des économies nationales modifie

considérablement l’organisation et le fonctionnement de

nos sociétés. La mondialisation s’accompagne en effet de

profondes transformations sociales et culturelles dont il

faut faire le recensement afin de se situer et de mieux

intervenirindividuellement et collectivement. Ce sont en

effet les individus, les communautés et les nations qui

s’adapteront le plus vite qui pourront à terme tirer leur

épingle du jeu. C’est pourquoi l’adaptation est devenue

une des aptitudes essentielles des organisations d’où la

nécessité d’en faire une des matières essentielles de nos

écoles et centres de formation. Celles et ceux qui ne

pourront pas s’adapter ou éprouveront quelques

difficultés à le faire seront irrémédiablement distancés et

Commande N° 55732 www.thebookedition.com

Page 12: SERVIR LA GUADELOUPE

11

relèveront de l’assistance sociale nationale ou mondiale.

Parmi ces transformations trois me semblent essentielles

et méritent une analyse exhaustive. Il y a, tout d’abord les

transformations qui touchent au contenu, à la forme et la

quantité de nos besoins et donc aux modes de

consommation. Robert ROCHEFORT, dans un livre

remarquable « la société des consommateurs » nous dit

que les ménages équipés, les individus saturés, la

consommation doit répondre maintenant à d’autres

attentes beaucoup plus immatérielles. Les nouveaux

marchés porteurs sont ceux qui pourront rassurer les

individus comme la santé, l’écologie, le terroir, la famille

et la solidarité. La consommation de demain pourrait

s’organiser encore plus au tour de la dimension

immatérielle dominante de l’homme entrepreneur. La

remise en cause la plus forte sera celle qui sépare

aujourd’hui les différentes sphères de notre vie : l’école,

le travail, la consommation. Nous entrons petit à petit

dans une société d’interpénétration de tous ces temps et

tous les lieux dans lesquels ils s’organisent. Il faut aussi

noter les transformations dans le monde du travail et des

relations de classe qui dessinent une nouvelle société. En

effet, s’opposent de plus en plus ceux qui participent

directement ou indirectement à l’économie mondialisée

en raison de leurs techniques, de leur savoir faire, de leur

information et ceux qui font partie d’activités nationales

encore protégées et généralement peu compétitives tout

au moins si l’on prend en considération les critères de

rentabilité imposés par la mondialisation. C’est une

évolution fondamentale et décisive sur laquelle il

convient de s’arrêter un moment pour bien comprendre

les mécanismes de la dynamique sociale de demain.

Commande N° 55732 www.thebookedition.com

Page 13: SERVIR LA GUADELOUPE

12

Aujourd’hui, on dénombre trois grands groupes sociaux

dans nos sociétés :

• En premier lieu, les salariés soumis à la concurrence

mondiale dont le travail influence directement les

échanges extérieurs d’un pays. En phase avec la

compétitivité qui est le maître mot de l’économie

mondialisée, ils disposent de revenus élevés, d’un savoir

faire qui se renouvelle, et font

preuve d’un dynamisme de plus en plus indispensable

compte tenu de la multiplication des situations où il

convient de s’adapter. On les considère comme les

seigneurs des temps modernes.

•Au-dessous d’eux, se trouve les salariés des secteurs

dominants au niveau national. Il y a bien entendu le vaste

secteur public où l’emploi est garanti et relativement bien

rémunéré. La France qui a une tradition étatique

ancienne, et la Guadeloupe sur laquelle a été plaquée

certaines de ses structures administratives afin de

constituer une classe moyenne qui défend le système

colonial , fondée sur le principe du service public qui est

en fait une conception de l’intérêt général,ont favorisé le

développement d’une fonction publique importante.

Cependant, ce secteur est aussi confronté à l’instabilité

générée par les processus de transformation en cours.

D’une part, certaines activités publiques du fait de la

construction européenne notamment, deviennent des

activités privées, comme la télévision, le téléphone et

l’électricité par exemple ; d’autre part, les déficits publics

Commande N° 55732 www.thebookedition.com

Page 14: SERVIR LA GUADELOUPE

13

parfois provoqués par le coût de la fonction publique sont

sanctionnés brutalement par les marchés financiers

internationaux et condamnés par l’Union européenne. Le

statut des fonctionnaires considéré comme rigide n’est

probablement plus absolument assuré dans les années à

venir. Dans de nombreux pays occidentaux des réformes

sont engagées pour la rendre plus flexible et moins

coûteuse. A coté du secteur public et dépendant assez

étroitement de lui du fait de ses commandes, on recense

des activités qui font partie de l’économie de proximité et

sont relativement protégées de la concurrence

internationale. Il s’agit plus particulièrement de

l’agriculture, dont l’une des missions, la préservation des

équilibres écologiques, est de plus en plus administrative,

du Bâtiment et des Travaux Publics, d’une partie de

l’industrie et de l’artisanat. Cependant, la stabilité ainsi

que la protection sociale n’y sont pas toujours bien

assurées notamment en cas de récession. C’est dans ces

secteurs que se développent le plus toutes les formes

d’emplois précaires (intérim, contrat a durée déterminée,

travail a temps partiel) pour que les entreprises puissent

s’adapter aux cycles économiques.

• Au-dessous de cette catégorie, se trouve le monde de

l’exclusion divisé en un sous secteur assisté et un autre

qui ne l’est pas, et où se côtoie la misère et surtout

s’accumulent tous les handicaps. C’est dans ce secteur

que l’on retrouve en fait toutes les personnes prises en

charge par le traitement social du chômage. S’y côtoient

les bénéficiaires du revenu minimum d’insertion, les

chômeurs pris en charge par les Assedic, les bénéficiaires

des Allocations Familiales et de l’aide sociale, les

Commande N° 55732 www.thebookedition.com

Page 15: SERVIR LA GUADELOUPE

14

stagiaires de la formation professionnelle, les salariés

bénéficiant de contrats aidés recrutés par les associations

et les collectivités publiques et les emplois de

service.Pendant les années de stagnation économique, les

Pouvoirs publics qui souhaitent réaliser un équilibre

budgétaire, n’hésitent pas à réduire le niveau de ces

rémunérations et de prestations sociales en évoquant la

fainéantise de ceux qui en bénéficient. Il y a en tout cas

dans ce secteur l’accumulation d’une détresse et d’un mal

être qui expliquent pour une bonne part les graves

problèmes de violence et de délinquance auxquels sont

confrontés nos sociétés.

Enfin quel que soit leur place dans la hiérarchie sociale

les travailleurs sont désormais confrontés à une

modification des modalités de travailler, ce qui introduit

un élément supplémentaire d’instabilité dans la vie

sociale. En effet, la carrière dans une entreprise unique ne

correspond plus à ce que le marché du travail peut offrir.

Nous serons donc obligés de changer souvent d’emplois

au cours de notre vie. Entre les intermèdes de travail qui

se multiplient, il faudra se former. La vie professionnelle

sera donc plus cyclique car le modèle du temps

séquentiel auquel nous nous étions habitués est entrain de

s’achever. Croire que ce qui se passe actuellement n’est

qu’un intermède provoqué par la crise n’est pas réaliste.

Nous devrons nous adapter à ce nouveau mode de vie

professionnelle. Beaucoup de nos compatriotes ne l’ont

pas encore compris, notamment les jeunes générations

qui viennent d’obtenir leur diplôme et qui croient qu’ils

vont automatiquement leur donner la stabilité

professionnelle de leurs parents. Il faudra expliquer,

Commande N° 55732 www.thebookedition.com

Page 16: SERVIR LA GUADELOUPE

15

inlassablement expliquer afin que de légitimes

aspirations ne débouchent sur le nihilisme et la violence.

A ce changement notable il convient aussi ajouter la

révolution des lieux de travail et de domicile. Pendant de

nombreuses années la migration journalière de milliers de

salariés abandonnant les villes pour les campagnes

engendrait de graves dysfonctionnements et constituait

une source de difficultés. Avec les nouvelles

technologies de l’information, le domicile et le bureau se

sont rapprochés. En effet grâce au télétravail de

nombreuses tâches peuvent être effectuées à domicile et

ensuite transmises dans les différents établissements de

l’entreprise. Les expériences de ce type semultiplient

dans le monde car elles vont dans le sens d’une

amélioration de la compétitivité. Le nombre de

télétravailleurs a donc tendance à augmenter. C’est donc

tout le droit du travail, fondé sur la stabilité du contrat de

travail qui est ainsi interpellé et sommé de trouver des

solutions juridiques nouvelles pour répondre à ce

bouleversement institutionnel. Le dernier point qui me

parait fondamental, est l’évolution de la notion de

territoire. Certains parlent même de la fin des territoires.

Sans arriver à ces extrémités, il faut cependant noter

l’ébranlement de l’Etat nation. L’Etat nation qui s’est

imposé à partir du 18ième siècle a probablement atteint

son apogée avec le mouvement de décolonisation qui a

propulsé sur la scène internationale des régions entières

auparavant colonisées et dominées. La nation comme

modèle de la communauté politique circonscrite dans un

territoire et régie par un Etat est aujourd’hui en crise. La

mondialisation a pour corollaire la remise en cause de

l’Etat en raison, de la montée en puissance des firmes

Commande N° 55732 www.thebookedition.com

Page 17: SERVIR LA GUADELOUPE

16

multinationales, de la mise en place dans certaines

régions d’ensembles de coopération supranationaux, de la

globalisation financière, de la création d’organismes de

gestion directement issus de la société civile et de la

généralisation des réseaux de communication à l’échelle

mondiale. Aujourd’hui les solidarités se créent sans

territoires. Les acteurs sociaux ont une mobilité sans

cesse grandissante qui tend à les émanciper de leur cadre

territorial. Ils disposent pour ce faire de ressources

nombreuses qui permettent la mise en place de stratégies

nouvelles qui contournent les territoires. Le

développement du réseau Internet est l’une des

illustrations de ces nouvelles possibilités offertes aux

individus. L’individu fait donc son entrée sur la scène

internationale jadis réservée jadis aux Etats d’où la

création d’une véritable société civile mondiale ou

planétaire. Le mouvement de recul de l’Etat Nation est

encore plus accentué dans les pays du Tiers Monde qui

ne l’ont connu que récemment. Les organisations non

gouvernementales remplacent souvent dans ces pays

l’Etat en y exerçant des missions qu’il ne peut plus

réaliser. Le recul de l’Etat Nation a de graves

conséquences sur l’identité des citoyens. Certes l’identité

nationale n’est qu’une des formes de l’identité auquel se

réfère l’individu. Cependant, elle constitue bien souvent

l’identité majeure, celle qui prime sur toutes les autres.

Par ailleurs, et assez paradoxalement, pendant que les

territoires nationaux s’effilochent on assiste à

l’émergence de processus de régionalisation au sein

même des Etats nations. Des nationalismes protestataires

prennent naissance avec la volonté de recréer à un niveau

inférieur les logiques de l’Etat Nation sans en avoir

Commande N° 55732 www.thebookedition.com

Page 18: SERVIR LA GUADELOUPE

17

toujours les moyens. Plus précisément, la trans-

nationalisation du monde s’accompagne d’une aspiration

à faire coexister des micro et macro solidarités en

redonnant sens à la vie et aux solidarités locales, à la

région tout en réaffirmant des solidarités religieuses,

culturelles et linguistiques. Comme le souligne Alain

TOURAINE, "finalement avec le double processus de

globalisation et de marchandisation, se met en place une

situation tout à fait nouvelle dans l’histoire humaine: des

sociétés de plus en plus dépendantes de l’économie; des

économies de plus en plus tributaires des tensions et des

soubresauts d’une sphère monétaire et financière

mondiale dont nul n’est en mesure de maîtriser les

dynamiques ou d’empêcher la spirale d’une crise ; un

pouvoir qui est partout et nulle part ; un monde des

objets, des signes, des techniques qui s’est détaché de la

vie intérieure, des principes transmis ou construits par la

tradition, l’éducation et les morales de l’intention. Avec

des valeurs érodées, des cohérences fragilisées, les

sociétés contemporaines n’ont plus de projets globaux.

La croissance économique est devenue leur principale

finalité". Les sociétés, en ce début de siècle doutent,

s’interrogent ou se réfugient dans le passé ou le

catastrophisme, rendant encore plus douloureuses les

adaptations et les modifications inévitables. Cette

évolution a particulièrement ébranlé la France. Pendant

longtemps elle est restée un espace protégé dans lequel

l’Etat omniprésent a organisé le développement

économique, social, culturel et exercé une fonction de

protection des individus notamment quand ils sont

confrontés à de gros risques. Aujourd’hui, ce modèle

fonctionne avec de plus en plus de difficultés. Ce sont les

Commande N° 55732 www.thebookedition.com

Page 19: SERVIR LA GUADELOUPE

18

ordres et impulsions en provenance de l’économie monde

qui structurent nos sociétés. La marge de manoeuvre des

Gouvernements est donc devenue étroite. Les politiques

budgétaire, monétaire et de change sont incapables toutes

seules comme par le passé d’enclencher la croissance

économique et l’amélioration du revenu de chacun par

une juste répartition de ses fruits. Le modèle

d’intégration français n’a pas résisté à la multiplication

des réseaux, à l’autonomisation des individus et des

régions et aux vagues d’immigration. C’est ce qui

explique que la perte des repères identitaires y est encore

plus accentuée et fait plus mal que dans d’autres pays où

l’Etat n’a pas été aussi omniprésent.La Guadeloupe n’a

pas été épargnée, même si nous n’en avons pas encore

une claire conscience. Elle est confrontée aux mêmes

difficultés que les pays développés. Elle subit les mêmes

évolutions car elle a besoin du marché mondial pour son

approvisionnement et pour élargir le marché de ses

entreprises. L’élargissement des marchés est pour notre

pays une nécessité, pour modeler dans le sens de

l’efficacité son appareil de production. Mais elle

bénéficie aussi de l’ébranlement de la République

française et notamment de la moindre efficacité de son

modèle d’intégration et de sa centralisation qui nous ont

fait tant de mal, notamment dans le domaine culturel. La

rénovation des territoires auquel nous assistons,

l’accumulation de nouvelles ressources et l’apparition de

nouveaux réseaux qui facilitent l’autonomie constituent

des évolutions qui vont favoriser notre prise en charge et

la construction de notre destin par nous-mêmes. La

mondialisation de l’économie prépare en fait l’apparition

dans les pays développés d’une nouvelle société, la

Commande N° 55732 www.thebookedition.com

Page 20: SERVIR LA GUADELOUPE

19

société post-industrielle. Alain TOURAINE la définit

comme une société programmée, informatique ou

technologique où la production et la diffusion massive de

biens culturels et d’abord l’information occupe la place

centrale que les biens matériels occupaient dans la société

industrielle. Les principales activités post-industrielles

sont l’éducation, les soins médicaux, les médias. Leur

part dans le produit national et surtout dans la population

active, s’élève rapidement. Les Etats Unis qui ont perdu

leur supériorité dans beaucoup d’industries classiques

dominent en revanche totalement le secteur de

l’information et diffusent ainsi dans le monde entier ses

représentations, ses discours et son imaginaire. Ils sont

aussi et de très loin le plus grand producteur de

connaissances scientifiques et donc à l’origine de

beaucoup de nouveaux traitements médicaux. "C’est dans

ces activités post-industrielles, que se dessinent

aujourd’hui les grands problèmes sociaux de demain, que

s’exprime le conflit entre d’un coté des dirigeants qui

cherchent à augmenter la production et la circulation des

informations et de l’autre ceux qui défendent l’autonomie

des hommes et des femmes qui se refusent à être réduits

au rôle, de consommateurs quand ils sont malades à

l’hôpital, élèves et étudiants dans les écoles et les

universités, de public de la télévision. L’opinion publique

est déjà plus sensible au fonctionnement de la télévision

qu’à la nationalisation ou à la privatisation des grandes

entreprises, aux problèmes éthiques soulevés par la

contraception, l’avortement, les thérapies génétiques, les

soins au mourant, l’accueil réservé aux malades du sida,

l’aide apportée aux vieillards dépendants, les traitements

de la maladie mentale, qu’à l’organisation des entreprises

Commande N° 55732 www.thebookedition.com

Page 21: SERVIR LA GUADELOUPE

20

ou de l’Etat ". Cependant, le passage à cette société post-

industrielle qui nous sera de toute façon imposé peut être

douloureux, si nous n’anticipons pas et ne nous préparons

pas. Dans l’histoire, bien des régions ont raté leur

modernisation et ont été entraînées dans le sous-

développement et le dénuement parce qu’elles n’ont pas

fait les bons choix et les efforts nécessaires quand il le

fallait .Dans notre situation de pays à peine développé, la

régression serait encore plus rapide. Se préparer à cette

mutation induite par la mondialisation sans cependant

nous laisser dominer par des angoisses en tentant de

bloquer des évolutions inéluctables est un impératif. Il

faut que nous puissions tirer des réalités nouvelles qui ont

pour nom, internationalisation de l’économie,

multiplication des technologies de l’information et des

réseaux de communication, tendance à l’accroissement

de l’exclusion et des inégalités sociales, rupture des liens

sociaux et des anciennes habitudes culturelles auxquels

nous demeurons encore et avec raison attachés, le

dynamisme nécessaire pour préparer avec sérieux notre

modernisation et donc notre entrée dans le millénaire.

L’histoire, disait MARX, est le produit de structures

sociales et économiques. Mais, c’est l’homme qui les

élabore et les actionne. Notre Communauté doit s’atteler

avec ses moyens, son dynamisme à cette tâche oh

combien exaltante de maîtrise, de régulation et de

transformation de la mondialisation. Les plus jeunes qui

recherchent des raisons d’espérer, de vivre et de gagner

ont un rôle décisif à jouer dans ce moment délicat de

notre histoire. Dans le cas contraire nous assisterons au

triomphe d’une nouvelle barbarie administrée par les plus

forts.

Commande N° 55732 www.thebookedition.com

Page 22: SERVIR LA GUADELOUPE

21

CHAPITRE II

LE PRÉALABLE DE LA CULTURE

Notre capacité à nous adapter à un monde en mutation, à

défendre nos intérêts et à garantir la pérennité de notre

communauté passe par notre culture. En d’autres termes,

ce sont nos valeurs, nos principes, et notre conception du

monde, qui nous permettrons de garder la tête haute. Il

faut rappeler que notre communauté, risque de

disparaître en tant qu’entité culturelle particulière à tout

moment. Dans les ensembles dont nous faisons partie et

dans le village planétaire qu’est devenu le monde

d’aujourd’hui, nous risquons à tout moment de nous

écrouler sous le poids du nombre et des valeurs en

provenance de l’extérieur qui nous submergent d’où une

tendance forte à adopter des modes et des attitudes le

plus souvent contraires à nos traditions. L’assimilation

française de son coté est toujours à l’œuvre notamment

par l’entremise de l’école malgré ses reculs. Bien

entendu, énoncer un tel état de fait ne veut surtout pas

dire rejet des apports externes. Même si nous le voulions,

nous n’y arriverions pas, tant sont puissants les réseaux

de communication d’aujourd’hui. Il faut par contre éviter

d’être des consommateurs passifs de valeurs externes qui

nous transforment en étrangers dans notre pays. Il nous

faut donc anticiper en créant en permanence des valeurs

nouvelles qui concurrencent les autres afin de ne pas

Commande N° 55732 www.thebookedition.com

Page 23: SERVIR LA GUADELOUPE

22

demeurer des spectateurs du monde, mais devenir de

véritables acteurs de notre destin et de la civilisation de

l’universel. Apprendre à limiter ces risques, pour les

générations présentes et les générations futures est un

impératif. Pendant longtemps on a cru que le

développement qui est à la fois amélioration économique

et sociale, et processus de prise en charge par elle-même

d’une communauté était conditionné quasi exclusivement

par les ressources financières et les dotations en capital.

Ce sont ces présupposés qui expliquent l’accent mis par

les grandes organisations internationales et les pays

développés sur la mobilisation des ressources financières

pour favoriser le développement. En fait, cette vision

réductrice ignore le rôle de la culture. Les valeurs

culturelles au contraire exercent une action déterminante

dans les processus de développement. L’Europe

Occidentale, les Etats Unis, le Japon se sont rapidement

développés parce qu’ils ont utilisé leur culture pour

mobiliser leurs populations avec pour objectif

d’améliorer leur bien être sans perdre leur âme. Bien

entendu, les valeurs culturelles n’agissent pas isolement

ni de manière autonome. Elles opèrent en liaison avec

d’autres facteurs. La société en effet est la somme d’une

pluralité d’acteurs. Elle est le produit de toutes actions

qui sont orientées et motivées par des buts, des

connaissances, des intentions, des projets qu’ils

formulent et qu’ils entretiennent. Les idées et les

principes n’exercent donc une influence sur le

développement que dans la mesure où ils deviennent des

valeurs capables de susciter une assez forte motivation ou

quand ils s’intègrent à un système idéologique proposé

comme explication et comme projet l’ensemble d’une

Commande N° 55732 www.thebookedition.com

Page 24: SERVIR LA GUADELOUPE

23

collectivité. Cependant s’appuyer sur la culture pour

vivre et se développer ne doit pas s’entendre comme le

retour au passé ou comme sa valorisation narcissique. Il

faut en effet se garder de glorifier le passé et de s’y

réfugier pour triompher des défis d’aujourd’hui. Il faut

aussi éviter d’en faire un modèle pour l’avenir. C’est une

attitude courante aujourd’hui dans notre pays où il ne

passe pas un jour sans que l’on honore, commémore une

date, un évènement ou des pratiques du passé. Ce n’est

pas nécessairement un signe de dynamisme comme trop

souvent on le croit ou plus exactement une certaine élite

tente de le faire croire. Le plus souvent, au contraire,

c’est le signe d’une grande faiblesse, voire d’une

incapacité à affronter le monde tel qu’il est. La peur du

changement contribue à valoriser le passé, à s’y

accrocher et rend conservateur. Une telle attitude est

dangereuse. Une culture est par essence, mouvement.

Rien n’est établi dans la vie. L’homme confronté en

permanence à des défis doit s’adapter afin de ne pas

disparaître. Tout est devenir : l’homme, les communautés

et les organisations qu’il crée n’échappent pas à cette

terrible loi. Croire le contraire serait suicidaire. Agir sans

tenir compte de cette terrible logique ne peut aboutir qu’à

des catastrophes. Les communautés solides sont celles

qui intègrent dans leur héritage les moyens de la survie et

du développement. Nous sommes aujourd’hui

comptables à la fois de nous, et de nos descendants. Le

plus grand crime de ceux qui sont vivants serait de laisser

à ceux qui viennent des moyens insuffisants pour

combattre le défi permanent du mouvement. La culture

doit dans ces conditions s’enraciner solidement dans le

passé, non pas pour le valoriser et le présenter comme

Commande N° 55732 www.thebookedition.com

Page 25: SERVIR LA GUADELOUPE

24

modèle, mais pour être un trait d’union. C’est le moyen

de prendre en compte les vœux de nos ancêtres. Ces

derniers de quelque origine qu’ils fussent nous ont laissé

un message de liberté et de dignité. Venus pour la plupart

contre leur gré sur la terre de Guadeloupe, ils ont

souhaité, j’en suis onvaincu, que cette offense soit un

jour réparée et que jamais dans l’avenir leurs descendants

ne soient traités de la même manière. Nous avons

l’obligation de respecter cet appel. Au contraire, il nous

faut faire le diagnostic exhaustif de notre passé, afin d’en

dégager les aspects positifs et négatifs pour mieux

préparer l’avenir. La culture est importante parce que

elle est un ensemble de manières de penser, de sentir et

d’agir plus ou moins formalisé qui étant apprises et

partagées par une pluralité de personnes servent de

manière à la fois objective et symbolique à constituer ces

personnes en une collectivité particulière et distincte. Elle

exerce de ce fait un certain nombre de fonctions

indispensables à la vie sociale. Sa fonction essentielle est

de réunir une pluralité de personnes en une collectivité

spécifique. La culture apparaît donc comme l’univers

mental, moral et symbolique commun à une pluralité de

personnes grâce à laquelle et au travers de laquelle ces

personnes peuvent communiquer entre elles, se

reconnaissent des liens, des attaches, des intérêts

communs, des divergences et des oppositions, se sentent

enfin chacune individuellement et toutes collectivement

membres d’une même entité qui les dépasse. Elle remplit

sur le plan psychologique une fonction de moulage des

personnalités individuelles. Une culture est en effet une

sorte de moule dans lequel sont coulées les personnalités.

Ce moule leur propose ou leur fournit des modes de

Commande N° 55732 www.thebookedition.com

Page 26: SERVIR LA GUADELOUPE

25

pensées, des connaissances, des idées, des canaux

privilégiés d’expression, des sentiments, des moyens de

satisfaire ou d’aiguiser des besoins physiologiques.

L’individu qui naît et grandit dans une culture

particulière est contraint d’aimer et d’utiliser certains

mots d’une certaine manière, de relier certains sentiments

à certaines couleurs, de se marier selon certains rites,

d’adopter certains gestes ou certaines musiques, de

percevoir les étrangers avec une optique particulière. Ce

moule n’est pas rigide. Il est assez souple pour permettre

des adaptations individuelles. Chaque personne en

définitive assimile la culture d’une manière qui lui est

propre, et la construit à sa façon. La culture offre donc

des choix, des options entre des valeurs dominantes et

des valeurs variantes, entre des modèles préférentiels

variants ou déviants. Elle peut aussi autoriser les acteurs

sociaux à innover mais le plus souvent à l’intérieur de

limites données. Les choix offerts aux acteurs ne sont

jamais illimités. On peut donc dire que la culture informe

la personnalité dans le sens qu’elle lui confère une forme,

une configuration, une physionomie qui lui permet de

fonctionner au sein d’une société donnée. La double

fonction sociologique et psychologique de la culture ne

se comprend et ne s’explique véritablement que dans le

contexte d’une autre fonction plus générale et plus

fondamentale, celle qui permet de favoriser l’adaptation

de l’individu et de la société à leur environnement et à

l’ensemble des réalités avec lesquelles ils doivent vivre.

Notre culture est le produit d’une triple influences qu’il

nous faut bien connaître afin d’en prendre la mesure. Elle

a tout d’abord et bien entendu une composante africaine.

En dépit de ce que nous pensons et disons nous sommes à

Commande N° 55732 www.thebookedition.com

Page 27: SERVIR LA GUADELOUPE

26

l’origine des africains. En effet, malgré la pratique

honteuse des esclavagistes européens qui consistait à

séparer autant que faire se peut les Africains de même

ethnie ou en provenance d’une même région, nos

ancêtres africains ont gardé au fond de leur conscience

des bribes de leur culture d’origine. Une culture ne

s’oublie pas facilement. La culture ou les cultures

africaines ne sont pas comme le laissaient entendre les

propagandes européennes malheureusement reprises par

nos propres compatriotes des cultures primitives ou

sauvages. La culture africaine est ancienne, complexe,

détaillée et fine comme le sont toutes les cultures. La

conception du monde, la place de l’Homme dans

l’univers et dans la société, le savoir, les religions,

l’organisation familiale, sociale et politique étaient

largement traités et n’avaient rien à envier aux autres

civilisations. De plus les Africains disposaient d’une

caractéristique exceptionnelle, la capacité d’adaptation

engendrée par un environnement physique difficile et une

instabilité provoquée par des guerres nombreuses et

meurtrières. En relation depuis longtemps avec l’islam,

le catholicisme et le judaïsme, les africains étaient

habitués à triturer et reformuler les religions étrangères.

Ce sont probablement ces vertus acquises dans

l’adversité qui expliquent qu’ils aient résistés à la terrible

épreuve de l’esclavage. L’Afrique est donc présente dans

nos consciences, nos gestes et notre démarche même si

nous avons tendance à la minorer, car nous sommes

encore sous l’influence des idéologies européennes qui

continuent à nier des évidences. En tous cas, nous ne

devons avoir aucune honte à affirmer notre composante

africaine, non pas en invoquant la race ce qui n’est pas

Commande N° 55732 www.thebookedition.com

Page 28: SERVIR LA GUADELOUPE

27

fondamental, mais la culture, car c’est elle qui est durable

et conséquente. Elle est aussi influencée par la France.

Avec l’aide d’une assimilation qui fut l’instrument

d’homogénéisation culturelle de la France , nous avons

hérité de beaucoup de traits de la culture française

comme tous les pays qu’elle a longuement colonisé.

Cette influence fut d’autant plus forte que nous avons

tenté et souvent réussi a reproduire ce que nous croyons

être cette culture en raison de la logique de l’esclavage.

Beaucoup voudraient nous faire mettre de coté

l’esclavage. C’est oublier que beaucoup de nos attitudes

sont son produit direct. Nous aurons à porter qu’on le

veuille ou non pendant longtemps encore le fardeau de

l’esclavage, car on ne se débarrasse pas d’un coup de

baguette magique de ses traumatismes. L’esclavage a été

beaucoup plus qu’une simple privation de liberté. Ce fut

un système social avec ses valeurs et ses interdits, dont la

régulation s’est faite par la violence la plus brutale. Les

maîtres du système avaient réussi à transformer les

esclaves en vigiles de l’ordre établi, puisque la délation

constituait un moyen de récompense qui améliorait la

place dans la société. Certains traits actuels de notre

personnalité sont la conséquence directe de ce système.

Notre sens de l’adaptation, notre agilité exceptionnelle

pour l’imitation, la violence dans les relations sociales et

professionnelles, notre individualisme, notre conception

du temps qui met l’accent sur le court terme au détriment

du moyen et du long terme, notre aptitude au combat

singulier et à la confrontation sont probablement les

produits directs de ce système social original. L’influence

française nous a marqué par le biais de l’esclavage ce qui

a tissé une relation ambivalente entre la France et nous.

Commande N° 55732 www.thebookedition.com

Page 29: SERVIR LA GUADELOUPE

28

Elle a aussi une dimension indienne et libanaise. Les

indiens arrivés au 19 ième siècle, ont pris du temps pour

rappeler leur présence et revendiquer leur droit. Arrivés

en GUADELOUPE dans des conditions aussi

dramatiques que les africains, et issus la plupart du temps

des castes défavorisés, ils sont restés longtemps

marginaux. C’est pourquoi l’influence indienne sur la

culture guadeloupéenne a commencé avec beaucoup de

retard. Cette dernière ne peut que s’enrichir de l’apport

d’une civilisation dont les valeurs de tolérance, la

conception de l’histoire et sa capacité à respecter les

différences et les contraires est exceptionnelle. Quant aux

libanais, ils ont pris conscience de leur présence

définitive en GUADELOUPE et sont dorénavant

disposés à apporter la contribution d’une culture

particulièrement riche. Cependant, sans le ciment d’une

religion, menacée en permanence par des facteurs

externes de désintégration que nous avons peine à

contrôler et ayant de surcroît la fragilité de la jeunesse

(deux siècles dans l’histoire d’une communauté

représentent peu de choses) notre culture ne semble pas

disposer, à l’orée du 21ième siècle, des attributs pour

devenir le catalyseur de notre existence. Ce siècle

nouveau doit impérativement être celui de sa

consolidation et de son enrichissement. Depuis sa

naissance en effet, notre culture a oscillé entre différents

pôles. Le 18 et 19ième siècle ont été l’époque de

l’imitation européenne. Tout ce qui était blanc et

européen était considéré comme bon. Frantz Fanon a

remarquablement décrit dans "PEAUX NOIRES ET

MASQUES BLANCS" les dégâts d’une telle attitude. Le

20 ième siècle par contre a été celui de la glorification de

Commande N° 55732 www.thebookedition.com

Page 30: SERVIR LA GUADELOUPE

29

la dimension nègre et dans une moindre mesure Africaine

car nous continuons toujours obstinément à distinguer ce

qui est noir de ce qui est Africain. Ce fut pour certains

d’entre nous l’époque de la négritude. Césaire disait de la

négritude qu’elle est la simple connaissance du fait

d’être noir, de notre histoire et de notre culture. La

négritude et toutes les pratiques qu’elle a contribuées à

faire naître, a permis à notre peuple de prendre

conscience et de valoriser sa dimension négro-africaine.

Les résultats ont été exceptionnels. On a assisté à un

rééquilibrage des psychologies fragilisées par

l’assimilation et l’imitation. Cependant elle n’a pas tout à

fait supprimé le processus d’aller et retour entre les deux

pôles de notre culture. J’ai même l’impression que nous

sommes arrivés à maîtriser cette ambivalence en faisant

valoir selon les circonstances l’une ou l’autre des

logiques. Le 21ième siècle doit nous permettre de

dépasser ce jeu de balancier au fond néfaste à l’équilibre

collectif et individuel de notre communauté. Il nous faut

d’autant plus nous atteler à cette tache que la

mondialisation impose petit à petit un type de culture

véhiculé par les médias dont l’efficacité est multipliée par

les technologies de l’information. Le village mondial

n’est pas une utopie. C’est la réalité d’aujourd’hui. Pour

ce faire, je ne crois pas à l’idée de création d’un type

idéal guadeloupéen à partir d’une fusion entre toutes les

communautés qui composent notre pays. Cette vision ne

me parait pas adaptée à notre réalité. L’idée d’un

métissage qui aurait rassemblé des ethnies et des cultures

différentes ne résiste pas à l’analyse. Notre Guadeloupe

est en fait composée de communautés différentes qui

partagent une expérience historique identique. C’est ce

Commande N° 55732 www.thebookedition.com

Page 31: SERVIR LA GUADELOUPE

30

qui fait sa richesse et sa force. Les descendants

d’africains, d’indiens, d’européens, de libanais vivent

dorénavant dans le même pays et y sont tous attachés

parce que c’est le pays qu’ils ont en définitive choisi. Ils

partagent des valeurs communes, utilisent les mêmes

langues. Mais ils sont le fruit de cultures différentes qu’il

faut maintenir et parfois dynamiser. Vivre ensemble ne

doit pas vouloir dire abandonner cette richesse et cette

diversité que nous avons et qui fait de notre pays un pays

monde où cohabitent des entités différentes et riches de

leur longue Histoire. Les Africains, les Indiens, les

Européens, et les Méditerranéens et ceux qui les ont

rejoints plus récemment se métissent en s’enrichissant de

leur différence sans que cela aboutisse nécessairement à

la dissolution de leur culture d’origine. Au contraire, il

nous faut encourager chacune de nos communautés à se

réapproprier son passé, tout son passé, afin qu’elles

apportent à la GUADELOUPE toute leur richesse. Les

Africains, les Européens, les Indiens et les

méditerranéens doivent se confronter en apportant ce qui

fait leur originalité et leur spécificité. La Guadeloupe a

besoin de la tolérance indienne, du rationalisme

européen, du mysticisme africain et de la convivialité

libanaise. Nous sommes riches de nos différences. C’est

vers cet équilibre qu’il nous faut tendre, en tentant

cependant de préserver ce qui en fait l’originalité, par une

capacité à filtrer ce qui inéluctablement nous vient de

l’extérieur par la multiplication des canaux d’information

internationaux. Il ne faut pas nous laisser submerger par

les influences extérieures, en tentant simplement d’imiter

et d’adopter. Il faut au contraire, une attitude plus

offensive pour se confronter à l’extérieur et faire entrer

Commande N° 55732 www.thebookedition.com

Page 32: SERVIR LA GUADELOUPE

31

dans notre moule les valeurs et principes externes qui

nous paraissent acceptables. Cela suppose, d’affirmer les

grands principes de notre culture, et d’acquérir de

nouveaux qui à la fois vont améliorer nos capacités

d’évolution et d’adaptation. En particulier, apprendre à

agir collectivement me parait indispensable.

L’individualisme qui nous caractérise actuellement

permet une adaptation individuelle au coup par coup. Or,

ce qui est nécessaire, c’est notre capacité collective.

Apprendre à se regarder en face, à dialoguer sans arrières

pensées, et à se mettre d’ accord sont devenus nécessaires

afin de disposer d’une réelle cohésion sociale pour faire

face aux défis. Notre société doit à la fois apprendre à

accepter le débat, la confrontation et la capacité à

rechercher l’accord notamment sur les problèmes

essentiels. En somme, il y a un temps pour la

confrontation, un temps pour le dialogue et un temps

pour l’accord. Il nous faut tenter rapidement d’expurger

de nos consciences cette tare léguée probablement par la

société esclavagiste et qui consiste à croire que c’est

individuellement que nous nous sauverons. Par ailleurs,

compte tenu de notre petite dimension et des contraintes

que nous imposent l’insularité, il nous faut acquérir aussi

le réflexe du moyen et du long terme. Ce n’est pas en

privilégiant le court terme que nous atteignerons nos

objectifs. Au contraire, c’est en replaçant nos actions

dans une perspective moyenne et longue que nous

réussirons. Tout nous renvoie à la notion de cohésion

sociale et culturelle. C’est cette cohésion qui nous

sauvera et facilitera notre démarche. C’est pourquoi, il

nous faut rapidement nous engager dans la voie de la

rénovation et de la consolidation de notre culture, afin

Commande N° 55732 www.thebookedition.com

Page 33: SERVIR LA GUADELOUPE

32

qu’elle devienne notre arme absolue pour notre survie

toujours menacée, pour le développement économique et

social et pour notre participation à la construction de

l’universel. Ainsi, serons-nous bien armés pour affronter

avec succès le 21ième siècle.

Commande N° 55732 www.thebookedition.com

Page 34: SERVIR LA GUADELOUPE

33

CHAPITRE III

LA RÉFORME POLITIQUE

Depuis 50 ans, hormis la décentralisation qui est un

processus interne à l’Etat francais et qui vise à améliorer

son fonctionnement, nos institutions politiques ont en

définitive peu évolué alors que notre société a

profondément changé. Il en résulte un décalage croissant

entre la société et ses institutions. Cette situation est liée

au fait que trop souvent on minimise l’impact des

institutions sur le développement et que l’on a toujours

estimé qu’il n’y a point de salut pour notre pays hors de

la République Française, le choix fait en 1946 par nos

représentants ayant en quelque sorte définitivement arrêté

l’Histoire. En réalité l’absence d’innovations

institutionnelles est une des causes principales de nos

difficultés. Les institutions politiques sont en effet

capitales dans l’aménagement, le développement et

l’administration d’un territoire. Cela ne sert à rien de

vouloir répartir des Hommes et des activités dans un pays

s’il n’y a pas d’institutions pour les y fixer. Le rôle des

institutions est en effet de produire de l’organisation,

c’est-à-dire de l’aptitude à faire coopérer des acteurs.

C’est en ce sens qu’elles peuvent être considérées comme

un facteur de production au même titre que le travail et le

capital. De plus elles constituent des lieux de solidarité

entre les hommes où se fabrique l’ordre social en vue

d’éviter la discorde, et le morcellement. Elles régulent la

vie économique, sociale, politique en fabriquant des

Commande N° 55732 www.thebookedition.com

Page 35: SERVIR LA GUADELOUPE

34

règles du jeu, et en faisant accepter les contraintes. Elles

contribuent à faire émerger le progrès et le changement.

Ceux qui pensent que l’évolution institutionnelle et

notamment l’évolution politique est secondaire, et que

c’est le développement économique qui prime se

trompent lourdement. La violence qui aujourd’hui détruit

petit à petit notre société et tend à exacerber les

oppositions est incontestablement la conséquence du

fonctionnement d’institutions inadaptées. Se taire ou

cacher cette terrible vérité serait rendre un mauvais

service à notre peuple particulièrement traumatisé par de

nombreux dysfonctionnements et notamment une

colonisation jacobine de plus en plus intolérable. De tous

temps, la colonisation qui donnait à Paris et à ses

représentants locaux l’essentiel des pouvoirs, cantonnant

ainsi nos représentants élus dans un rôle secondaire a été

critiquée. Il suffit de parcourir notre Histoire pour

constater la permanence de cette critique et de la

revendication pour disposer de réels pouvoirs afin

d’administrer et développer le pays. PAUL

VALENTINO en 1946 après la transformation forcée de

notre pays en département français avait souhaité

conserver les franchises locales c’est-à-dire les pouvoirs

anciens qui permettaient aux assemblées

guadeloupéennes d’administrer et de lever l’impôt en

toute indépendance. Les communistes dès 1958 ont

prôné l’autonomie en union avec la France .Puis ceux

que l’on a appelé nationalistes ont revendiqué

l’indépendance nationale.Plus récemment une partie de la

droite appendice d’une droite nationale en Guadeloupe a

avec la déclaration de Basse-Terre revendiqué la création

d’une région autonome. C’est aussi pour cette raison que

Commande N° 55732 www.thebookedition.com

Page 36: SERVIR LA GUADELOUPE

35

la décentralisation de 1982 qui opérait un partage

nouveau du pouvoir politique et administratif entre Paris

et notre pays en donnant des attributions importantes aux

institutions locales fut applaudie malgré ses

insuffisances.Cependant, l’indépendance que certains

proposaient comme la solution à tous les problèmes

auxquels notre pays était confronté faisait peur. Cette

option choisie massivement par tous les colonisés et tous

les exploités de la planète fut régulièrement rejetée, il est

vrai indirectement c’est à dire sans consultation directe

de notre peuple, parce beaucoup croient à tort qu’elle

n’est pas capable de donner au pays le niveau de vie et

de protection sociale auquel il aspire. L’indépendance et

la constitution d’un Etat nation ne semblent pas pour une

majorité de nos compatriotes la voie la plus appropriée

pour le développement humain qui demeure l’objectif

final. Il s’agit il est vrai d’un modèle qui exige des

ressources nombreuses, de l’organisation et surtout une

grande détermination si l’on souhaite atteindre les

objectifs sociaux minimum en de ça desquels il n’y a pas

de véritable épanouissement humain.La propagande

française distillée avec des moyens considérables est

dans une large mesure responsable de cet état de fait .La

France malgré les dispositions de la charte des Nations

unies qui exige des puissances administrant les pays

dépendants de préparer les peuple à l’autodétermination a

toujours fait le contraire et cela conformément à son

attachement aux idéaux de la république impériale. C’est

inadmissible. Mais cette position de nos compatriotes est

excessive. D’ailleurs, je ne la considère pas comme un

rejet définitif de la souveraineté et ni surtout comme

une volonté d’effacer les traits qui font que nous

Commande N° 55732 www.thebookedition.com

Page 37: SERVIR LA GUADELOUPE

36

sommes une communauté nationale souhaitant vivre

comme elle l’entend et notamment avec sa culture. Le

droit international de la décolonisation que la France ne

respecte pas reconnaît aux peuples le droit de choisir leur

forme de gouvernement et bien entendu leur tutelle. Il est

dommage à cet égard qu’il ne sanctionne pas les

pratiques de certains Gouvernements qui utilisent la peur

et font du chantage financier pour interdire aux peuples

de se déterminer en toute liberté. Dans un monde ou il y a

de nombreux petits territoires abritant des nations il

devient de plus en plus indispensable de protéger ces

pays éventuellement contre eux-mêmes et de rappeler

aux colonisateurs que la nation continue d’exister car la

forme de gouvernement de tutelle choisie ne la dissout

pas. L’indépendance de la Guadeloupe ne sera pas un

prélude à la misère comme l’annoncent avec morgue ses

détracteurs. Haiti que ces propagandistes utilisent est un

cas particulier .La France et l’Occident mécontents de

l’indépendance haitienne acquise pendant l’esclavage ont

tout fait pour étouffer cette nouvelle nation en lui

imposant des contraintes inadmissibles .Jamais au cours

de ses deux cent premières années Haiti n’a eu les

moyens et l’oppportunité de construire le pays que

souhaitait le peuple haitien. Ce n’est pas l’instabilité de

ce pays comme le disent les maîtres du monde qui est à

l’origine de ses difficultés. Tous les pays du monde, tous

les peuples ont la volonté de vivre heureux et en paix

tout en préservant leur âme. La liberté des peuples est

donc un droit naturel qu’aucune constitution ne pourra

faire disparaître. Les peuples indépendants ne triomphent

que s’ils sont organisés et travailleurs. Les

guadeloupéens seront donc capables, j’en ai la conviction

Commande N° 55732 www.thebookedition.com

Page 38: SERVIR LA GUADELOUPE

37

d’organiser leur indépendance pour qu’elle soit bénéfique

à tous.Tous les discours qui affirment le contraire

constituent des mépris pour un peuple qui a su montrer sa

force et sa détermination au cours de sa brève histoire. La

grande affaire du 21ième siècle sera de trouver un

équilibre entre deux besoins nécessaires : le besoin de

grands ensembles qui favorise le développement et le

besoin pour chaque communauté de s’administrer toute

seule qui garantit l’épanouissement individuel et collectif

et certaine paix intérieure.Devant la permanence et la

force de cette critique les autorités françaises après 60ans

d’immobilisme borné ont décidé de faire évoluer les

choses. Ce fut tout d’abord en 1982 la décentralisation

qui s’appliqua à la fois aux territoires hexagonaux et aux

territoires éloignés. Cependant la forme qu’a prise cette

décentralisation a déçu. En 1982, certains attendaient

une révolution politique. Au contraire nous n’avons eu

qu’un replâtrage institutionnel qui n’a pas modifié la

logique coloniale de la République française.

L’insistance des autorités centrales (Gouvernement,

Parlement, Conseil Constitutionnel) qui utilisaient le

principe d’assimilation pour s’opposer à la création d’une

seule collectivité pour gérer notre pays et pour exiger le

maintien des deux collectivités aux attributions qui se

recoupent ne nous apparaissait pas convaincant ainsi que

la faiblesse des transferts de compétence. Au cours des

vingt dernières années nous nous sommes tous rendus

compte des inconvénients de ce modèle institutionnel

pour faire face aux grands défis auxquels nous sommes

actuellement confrontés. Département et Région ne

peuvent réglementer en raison de l’assimilation juridique.

Ces deux collectivités ont plutôt tendance à s’opposer. Il

Commande N° 55732 www.thebookedition.com

Page 39: SERVIR LA GUADELOUPE

38

en fut ainsi même quand elles disposaient de la même

majorité politique. L’existence de deux collectivités pour

gérer la Guadeloupe est devenue en définitive une

machine à diviser au lieu d’être l’instrument moderne de

l’administration et du développement. De plus la

multiplicité des pouvoirs a engendré une grande opacité

de l’action publique et rendu difficile la sanction par le

citoyen. Cette situation n’est pas sans rapport avec la

dépolitisation qui mine notre démocratie. Ce n’est pas par

hasard que nos compatriotes et notamment les jeunes

générations se méfient de la politique et considèrent tous

les élus comme des vendus et non comme des

administrateurs de l’intérêt général. C’est une situation

extrêmement dangereuse qu’il nous faut traiter

rapidement si nous souhaitons donner de la vigueur à

notre démocratie. De plus, de trop nombreux domaines

qui nécessitent des solutions particulières (transport,

gestion du domaine public, fiscalité, relations

internationales notamment) ont continué à relever encore

de l’Etat français et sont administrés par le Préfet. La

réglementation générale applicable à notre pays (lois et

règlements) est toujours de la compétence des

institutions françaises qui campées sur les principes

constitutionnels d’unité, et d’égalité estiment que des

règles générales adoptées par les instances nationales

peuvent régler tous les problèmes. L’administration passe

donc une bonne partie de son temps à rechercher la

cohérence juridique de ses décisions ce qui provoque des

mécontentements. C’est cette démarche quotidienne des

fonctionnaires qui explique les blocages envenimant les

relations sociales et professionnelles (voir par exemples

les transports publics et les agents publics non titulaires).

Commande N° 55732 www.thebookedition.com

Page 40: SERVIR LA GUADELOUPE

39

En fait c’est le principe d’assimilation qui est inadapté. Il

faut noter à cet égard que les parlementaires martiniquais

et guyanais ( les guadeloupéens ont toujours été hostiles à

l’assimilation ) en 1946 n’avaient sollicité l’application

du principe d’assimilation que parce que celui de la

spécialité qui avait cours pendant longtemps avait été

utilisé pour empêcher l’application dans notre pays de

lois sociales dont les classes laborieuses avaient besoin

pour s’épanouir. Cependant malgré ses défauts, la

décentralisation de 1982 a eu quelques effets positifs qui

lui ont donné une excellente image dans notre pays. La

nouvelle répartition des ressources nationales et leurs

nouveaux modes d’administration et d’allocation, en quoi

elle se résume a permis notamment de renouveler les

équipements publics et faire prendre conscience de

l’efficacité de se diriger soi même. C’est l’indication que

l’intervention du pouvoir guadeloupéen est nettement

plus efficace que celui d’un Etat éloigné colonisateur.

Entre 1990 et aujourd’hui en revanche dans le domaine

économique parce que les priorités n’ont pas changé alors

que la conjoncture avait évolué en raison du manque de

moyens légaux et réglementaires des autorités

guadeloupéennes engoncées dans une décentralisation

insuffisante les résultats ont été médiocres. Pour toutes

ces raisons, nous préconisons une réforme profonde de

nos institutions qui aille bien au delà de la

décentralisation. Cette dernière selon nous est une affaire

française .Pour notre pays la Guadeloupe, il faut

appliquer le droit international de la décolonisation que la

France qui est un membre permanent du conseil de

sécurité doit impérativement respecter. Pendant

longtemps la constitution française s‘est opposée à la

Commande N° 55732 www.thebookedition.com

Page 41: SERVIR LA GUADELOUPE

40

mise en place de cette logique et notamment depuis

l’échec de la communauté instituée en 1958, entre la

France et les territoires colonisés d’Afrique. L’évolution

institutionnelle de la Nouvelle Calédonie a remis à

l’ordre du jour ce modèle, basé sur le Préambule de la

Constitution qui mentionne "Les peuples dont la France a

pris la charge" et le principe de "la libre détermination

des peuples". Le Conseil Constitutionnel français s’est

toujours référé à ces principes pour la décolonisation.

Enfin, l’article 53 de la Constitution permet de vérifier à

tout moment et pour toute partie du territoire français la

volonté du maintien de la population concernée au sein

de la République et interdit de façon réciproque que

l’indépendance d’un territoire ne soit acquise contre la

volonté expresse de la majorité de cette population.

L’accord de Nouméa du 5 mai 1998, la loi

constitutionnelle du 20 juillet 1998 et les lois du 19 mars

1999 (l’une ordinaire et l’autre organique) tels qu’elles

ont été interprétées par deux décisions du Conseil

Constitutionnel introduisent dans le droit public français

un profond changement constitutionnel qui devrait

s’appliquer à notre pays. L’article 77 nouveau de la

constitution conduit à donner valeur constitutionnelle à

l’accord de Nouméa. Le droit constitutionnel peut être

dérogatoire. Rien ne s’oppose dit le conseil

constitutionnel sous réserve des articles 7, 16 et 89 de la

constitution à ce que le pouvoir constituant introduise

dans le texte de la constitution des dispositions nouvelles

qui dans les cas qu’elles visent dérogent à des règles ou

principes de valeur constitutionnelle. Ce nouveau droit

constitutionnel prévoit une souveraineté partagée, la

reconnaissance d’une citoyenneté de Nouvelle Calédonie

Commande N° 55732 www.thebookedition.com

Page 42: SERVIR LA GUADELOUPE

41

et la préférence régionale pour l’emploi. La Nouvelle

Calédonie en liaison avec l’Etat français doit être en

mesure d’offrir des garanties particulières pour le droit à

l’emploi des ses habitants ce qui nécessite une

réglementation spécifique sur l’entrée des non résidents,

la restriction du droit d’établissement pour les

professions indépendantes à l’encontre des non résidents

et la mise en oeuvre d’un accès privilégié à l’emploi dans

le secteur privé ou dans la fonction publique locale au

bénéfice des citoyens de Nouvelle Calédonie et des

personnes qui justifient d’une durée suffisante de

résidence. C’est pour tenir compte de ces évolutions que

les Gouvernements de gauche et de droite vont prendre

des initiatives pour relancer la décentralisation. La loi

d’orientation pour l’outre mer des socialistes va créer le

Congrès qui est une assemblée sans pouvoir de décision

dont la mission essentielle devrait consister à proposer au

Gouvernement des évolutions statutaires, faire du droit

d’adaptation une disposition législative et allouer

quelques attributions de politique internationale aux

assemblées guadeloupéennes. Surtout, après la fin de la

cohabitation en 2002, dans le cadre de l’acte 2 de la

décentralisation une réforme constitutionnelle

d’envergure fut engagée afin de donner aux collectivités

locales des pouvoirs plus importants et notamment à

celles situées à l’extérieur de l’hexagone (loi sur les

responsabilités locales). Ainsi, la Guadeloupe est

dorénavant inscrite dans la Constitution. De plus, l’article

73 nouveau prévoit un double mécanisme d’adaptation de

la réglementation nationale et des dérogations qui doivent

être organisées par une loi organique récemment mise en

chantier.Surtout, ce sont les Assemblées

Commande N° 55732 www.thebookedition.com

Page 43: SERVIR LA GUADELOUPE

42

guadeloupéennes qui pourront les voter. Enfin la

possibilité de changer d’institutions, de statut et donc de

supprimer le Département et la Région et l’assimilation

juridique pour la remplacer par le principe de spécialité

est désormais inscrite dans la Constitution et réalisable

qu’après consultation des personnes qui votent. Il est

regrettable que cette consultation organisée en décembre

2003 dans la précipitation, avec une question complexe

ne fut pas un référendum et que le corps électoral fut

composé aussi d’électeurs qui n’étaient pas des

guadeloupéens. Certes le peuple Guadeloupéen suite aux

propositions faites par le Congrès a rejeté à une grande

majorité la création d’une collectivité nouvelle

remplaçant Région et Département administrée par une

seule assemblée lors du référendum du 7 décembre 2003.

Mais au contraire de ce que beaucoup avancent ce

résultat en principe n’empêche pas au nouveau modèle

d’organisation politique de se mettre en place puisque ce

qui était essentiel à savoir la possibilité dans un nombre

limité de domaines déterminés par le Parlement d’avoir

une réglementation et des politiques guadeloupéennes est

dorénavant inscrite dans la constitution à moins que les

Gouvernements ne tiennent pas à donner suite à ces

dispositions. De leur côté SAINT MARTIN et SAINT

BARTHELEMY consultés le même jour choisirent de

devenir collectivité régie par l’article 74 organisant un

statut homogène leur permettant de sortir du cadre

guadeloupéen et de l’assimilation. Je regrette ce départ et

je propose pour y remédier la création d’une Union

caraïbe de nos collectivités disposant de pouvoirs réels.

Aujourd’hui la situation a donc bien évolué même si les

institutions politiques et administratives sont demeurées

Commande N° 55732 www.thebookedition.com

Page 44: SERVIR LA GUADELOUPE

43

ce qu’elles étaient. Département et Région sont encore

présents dirigés par une majorité de conservateurs

puisque dans la foulée de la consultation de décembre,

les Guadeloupéens ont choisi pour administrer en parti

les affaires guadeloupéenes les socialistes qui furent

hostiles à la création d’une nouvelle collectivité en

remplacement du Département et de la Région. Par

ailleurs les réformes attendues pour renforcer la

démocratie comme l’interdiction du cumul des mandats,

la limitation de la durée d’exercice des mandats

notamment ont été soit oubliées soit insuffisantes. C’est

dire que la réforme politique est encore à l’ordre du jour

au contraire de ce que certains avancent. Le refus des

guadeloupéens de créer une collectivité nouvelle n’a pas

mis un terme à la volonté de beaucoup de nos

compatriotes de construire un nouveau système politique

administré par notre peuple. Il ne signifie pas non plus

une volonté de nos compatriotes de disparaître en

s’intégrant comme certains le suggèrent. Ceux qui

pensent qu’il ne faut plus débattre autour de ces questions

se trompent lourdement .La signification politique d’un

vote est rarement univoque .En décembre 2003, les

Guadeloupéens ont surtout décidé de sanctionner les

pouvoirs en place et notamment celui du Président de la

Région. Ils ont estimé que cette démarche était plus

importante que tout le reste. Je crois qu’ils ont eu raison

de rappeler aux représentants politiques qu’il fallait en

priorité qu’ils changent et que l’absence de transparence

et les comportements dictatoriaux ne devaient plus avoir

cours. Maintenant j’estime qu’il faut achever la réforme

politique et l’amplifier. La Guadeloupe doit se diriger

elle-même : c’est un droit naturel que tout le monde doit

Commande N° 55732 www.thebookedition.com

Page 45: SERVIR LA GUADELOUPE

44

respecter. Il faut à la fois accroître les attributions des

institutions politiques guadeloupéennes et construire de

nouvelles institutions politiques et administratives car

qu’on le veuille ou non la multiplicité des structures de

prise de décision diminue considérablement l’efficacité

de l’action publique et augmente son prix. Pour tenir

compte de ces évolutions je propose un plan reposant

sur cinq piliers:

• Tout d’abord la création d’un état de

GUADELOUPE en remplacement du

Département et de la Région qui seront

supprimés. Cette collectivité comprendra

plusieurs organes :

• une assemblée, composée de 51 membres élue selon un

scrutin mixte de liste à la représentation proportionnelle

et uninominal majoritaire pour 5 ans dans le cadre de

plusieurs circonscriptions afin que toutes les sensibilités

politiques soient représentées tout en favorisant bien

entendu la constitution d’une majorité de gouvernement.

Ce mode de scrutin en permettant une représentation de

tous évitera qu’une partie de notre peuple ne puisse pas

participer à la prise de décision politique.C’est un

élément clef de la cohésion sociale et culturelle dont nous

avons besoin pour faire face aux défis du millénaire.

Dans une démocratie il est toujours dangereux de mettre

de côté ou de marginaliser certaines formations

politiques. Pour tenir compte de notre situation

d’archipel, Marie-Galante, les Saintes Saint- Désirade

doivent disposer d’une large autonomie au sein du nouvel

état. Les conseils élus par leur population disposeront de

Commande N° 55732 www.thebookedition.com

Page 46: SERVIR LA GUADELOUPE

45

larges attributions dans les domaines de l’urbanisme, du

développement économique, et de la culture. Les

organes centraux de la nouvelle entité auront surtout des

attributions de collecte des ressources, de solidarité, de

planification, d’impulsion et de coordination. Nous ne

devons pas reproduire les mécanismes que nous

dénonçons dans nos relations avec la France. Dans un

pays comme le notre qui éprouve beaucoup de difficultés

à dialoguer et à se concerter cette organisation permettra

probablement un meilleur dialogue. L’assemblée élira

son président, son bureau et ses commissions de travail.

• Un Conseil de gouvernement dirigé par un président,

élu par l’assemblée à la suite des élections générales.

Celui ci composera son conseil qui pourra comprendre

des personnalités non élues ce qui permettra à des

femmes et a des hommes disposant d’un statut moral et

de compétences de participer à l’administration de notre

pays sans passer par l’épreuve des élections. Ce conseil

sera responsable devant l’Assemblée qui pourra par une

motion de défiance le démettre. Chaque membre

disposera d’un domaine d’activité propre et d’un budget.

• Un conseil économique, social et culturel aux

attributions consultatives sera chargé de représenter

l’ensemble de la société civile. Il donnera des avis sur

saisine du conseil de gouvernement et pourra

entreprendre toute étude pour améliorer l’Administration

du pays et son développement économique et social.

• Ensuite, l’Etat francais continuera à être

représenté par un représentant. Par ailleurs, il

Commande N° 55732 www.thebookedition.com

Page 47: SERVIR LA GUADELOUPE

46

nous faudra impérativement construire une

nouvelle justice. La justice en effet a toujours

été exercée au nom du peuple francais .Elle n’est

donc pas équitable. Appliquer une justice à un

peuple au nom d’un autre peuple est un acte

colonial .Les nombreux dysfonctionnements de

la justice dans notre pays sont la conséquence de

cette position de principe qui en dit long sur les

motivations profondes des français.Dans la

nouvelle organisation de la justice le pouvoir

judiciaire aura pour mission de faire respecter

la légalité. Un procureur de la république

indépendant de tous les pouvoirs sera chargé

sous le contrôle de la population de défendre les

intérêts de la société. L’assujettissement de

l’Administration au droit sera renforcé car il

s’agit d’un mécanisme efficace de protection du

citoyen dont nous avons particulièrement besoin

compte tenu de nos tendances culturelles qui

tendent à donner au pouvoir politique une place

trop importante. Une Chambre des comptes en

charge du respect de la législation budgétaire et

financière continuera à fonctionner afin d’éviter

les dérapages financiers que connaissent trop

souvent il est vrai les organisations publiques.

Ces avis et recommandations devront être

publiés. Enfin une cour supprême sera chargé

comme dans toutes les démocraties de réguler et

d’harmonoser la réglementation.

• Une nouvelle répartition des compétences

et des attributions entre l’Etat francais, l'Etat de

Commande N° 55732 www.thebookedition.com

Page 48: SERVIR LA GUADELOUPE

47

Guadeloupe et les communes. L’Etat de

Guadeloupe disposera à terme et selon un

calendrier précis de la totalité des attributions

d’un état souverain.Dans une première étape où

il y aura un partage de souveraineté, je préconise

que la compétence de l’Etat francais soit une

compétence d’exception tandis que celle de du

nouvel Etat soit de droit commun.Cela veut dire

que le pouvoir politique guadeloupéen aura en

charge toutes les compétences à l’exclusion des

attributions confiées à la France. Les

compétences partagées seront la sécurité, la

diplomatie, la défense la protection sociale et la

solidarité financière. Toutes les autres

attributions relèveront de la GUADELOUPE.

Cela nécessitera notamment de mettre un terme

à l’assimilation juridique. La réglementation

applicable sera élaborée par les instances

guadeloupéennes. Par ailleurs dans certains

domaines des mécanismes de co-décision seront

instaurés comme la sécurité et les relations

internationales. Enfin, je crois indispensable de

revoir les compétences des communes organes

de base de notre organisation territoriale. La

taille des communes est trop petite pour

conduire des politiques pertinentes. Qu’il

s’agisse d’alimenter une agglomération en eau,

de traiter les effluents et les déchets, de

promouvoir le développement économique,

d’assurer la sécurité, de construire des

équipements publics et de gérer l’urbanisme et

les transports tout se joue à un niveau plus vaste.

Commande N° 55732 www.thebookedition.com

Page 49: SERVIR LA GUADELOUPE

48

L’architecture des communes est de moins en

moins adaptée aux besoins d’aujourd’hui. Elle

favorise des gaspillages, des investissements

surdimensionnés et donc l’augmentation des

impôts. Je préconise de diminuer le nombre des

communes, de développer l’ intercommunalité

et de confier au nouvel état bon nombre de leurs

compétences comme, l’urbanisme, la police afin

de doter la GUADELOUPE qui a la dimension

et la population d’une ville moyenne d’une

organisation territoriale rationnelle.

• La réussite de cette révolution politique

nécessite une nouvelle organisation financière.

La question fondamentale qui va se poser

rapidement est celle de l’équilibre budgétaire.

Nous devons en effet financer l’ensemble des

dépenses publiques par nos ressources parmi

lesquelles il faut citer les emprunts qui vont

dépendre de notre situation économique

générale et de la confiance des établissements

financiers qui ne prêtent qu’à ceux qui peuvent

rembourser. Beaucoup pensent à tort qu’un tel

équilibre n’est pas réalisable. Ce point de vue

n’est pas le mien car on peut toujours atteindre

l’équilibre. Je propose que tous les impôts

collectés localement qu’ils soient directs ou

indirects relèvent de la compétence

guadeloupéenne.Ils seront déterminés et

collectés par l’administration guadeloupéenne.

Par ailleurs nous attendons de la France et de

l’Europe une assistance technique et financière

Commande N° 55732 www.thebookedition.com

Page 50: SERVIR LA GUADELOUPE

49

sous la forme d’une dotation de coopération

contractualisée pour 5 ans dont le montant sera

égal à la différence entre les dépenses publiques

locales et le montant des impôts collectés

localement. Je voudrais à cet égard dire que les

subventions allouées par la France et l’Europe

ne sont pas exclusivement une faveur ou un

don. Elles doivent être pour nous d’une part

d’une indemnisation pour réparer le préjudice de

l’esclavage et de la colonisation et d’autre part

d’une contribution naturelle entre humains

appartenant à la même humanité et agissant pour

que notre planète soit un espace irréprochable.

En effet au cours des dix dernières années

l’humanité a modifié sa manière de traiter les

situations qui ont endeuillé des peuples et des

pays dans le passé. Les actes graves commis,

notamment les crimes contre l’Humanité ne

restent plus impunis heureusement. Ils sont

condamnés et doivent donner lieu à

indemnisation. Nous devons nous battre pour

faire adopter cette règle simple et équitable et en

fait courante. Les juifs par exemple ont su se

faire indemniser après un combat long et

difficile. A nous maintenant d’engager le

combat de la juste réparation. Les subventions

allouées par tous les Etats qui ont organisé la

traite et l’esclavage sont donc un dû, une espèce

de rente perpétuelle que nous devons gérer avec

efficacité afin d’en faire la condition de notre

prospérité de demain et de toujours. L’adoption

par le Parlement français d’une loi fondamentale

Commande N° 55732 www.thebookedition.com

Page 51: SERVIR LA GUADELOUPE

50

considérant l’esclavage comme un crime contre

l’humanité est une première étape. Ses

dispositions devraient être intégrées au droit

communautaire européen et au droit

international seul garant des petits pays comme

nous le plus vite possible. Des règles précises

d’indemnisation des descendants d’esclaves et

d’exploités devront être adoptées pour

couronner ce dispositif. Enfin pour honorer la

mémoire de nos ancêtres injustement exploités,

nous attendons avec de plus en plus

d’impatience les excuses et la demande de

pardon des descendants de tous ceux qui se sont

rendus coupables de ce crime odieux. De ce

point de vue, je serai toujours le propagandiste

du projet de construction d’un mausolée

grandiose, en un lieu central de la

GUADELOUPE, pour que jamais, nul n’oublie

ces crimes affreux qui n’honorent ni l’humanité

ni la France et les français. Nos ancêtres

méritent ces gestes et ce respect.

• La réforme politique sera insuffisante si

elle n’est pas accompagnée d’une modification

de nos pratiques politiques. La faible

participation politique que nous connaissons

aujourd’hui et qui fragilise la représentativité

des élus est une des conséquences de nos

pratiques politiques. Il nous faut dénoncer le

mépris de l’opposition qui est le plus souvent

marginalisée dans toutes nos assemblées. Une

démocratie est majorité et opposition: à la

Commande N° 55732 www.thebookedition.com

Page 52: SERVIR LA GUADELOUPE

51

majorité la gestion des affaires; à l’opposition la

contestation, et les propositions pour l’avenir. Le

chef ou les chefs de l’opposition doivent avoir

un statut particulier qui leur permet d’être

associés aux affaires publiques. C’est par ce

biais aussi que nous éviterons la tendance à la

division que nous affectionnons et qui fut à la

base de la plupart de nos échecs. Il est aussi

nécessaire de rendre la parole au peuple. La

participation du citoyen à la vie de la cité est

plus que jamais nécessaire. La démocratie ne se

résume pas à mettre un bulletin dans l’urne.

C’est d’abord, être en mesure d’agir en

permanence pour participer à la prise de

décision. Etre citoyen c’est être relié aux autres,

c’est se sentir une capacité d’agir. Or, les

dynamiques économiques, techniques, politiques

et scientifiques qui nous transforment et nous

entraînent s’exercent à l’échelle planétaire et

nous ne voyons pas comment agir

collectivement à leur égard. Le sentiment le plus

répandu et peut être le plus dangereux, c’est le

sentiment d’impuissance. Etre citoyen, c’est

aussi surmonter, dépasser ce sentiment

d’impuissance, inventer résolument d’autres

manières de se mettre en mouvement ensemble

face aux défis. En somme rendre la parole au

peuple c’est l’inciter à devenir le nouveau

citoyen de notre nouveau pays. L’accès du

citoyen à la prise de décision politique est

aujourd’hui la question de fond qui commande

toute action politique. Les modalités de

Commande N° 55732 www.thebookedition.com

Page 53: SERVIR LA GUADELOUPE

52

participation actuelles (informations, referendum

d’initiative populaire) s’avèrent nettement

insuffisantes. Nous sommes confrontés à une

crise de la communication sociale, de l’échange

politique, de l’espace public et donc de la

représentation politique. Les partis politiques et

les organisations syndicales qui pendant

longtemps ont exercé un rôle moteur dans la

participation des citoyens ne font plus recette.

Malgré le courage et la détermination des

militants les plus chevronnés, les citoyens ne se

rendent plus aux réunions politiques. Le mode

de fonctionnement des partis n’est pas étranger à

ce type de comportement. Malgré leur

proclamation en faveur de la démocratie les

partis sont en réalité des espaces qui l’étouffent

au quotidien. Ils sont dirigés par des clans qui

organisent comme ils l’entendent la dévolution

du pouvoir sans tenir compte de la volonté des

militants. Cette attitude est d’autant plus

inadmissible qu’ils sont actuellement financés

par de l’argent public ce qui devrait les obliger à

respecter les principes démocratiques de notre

communauté politique. Une de nos premières

mesures consistera à imposer à aux

organisations politiques des règles

démocratiques dans leur fonctionnement. Dans

une société de plus en plus technicienne où les

médias dominent en imposant le culte de

l’événement et de l’instant, le citoyen se sent

souvent désemparé. Il n’est donc pas étonnant

que l’on assiste à une augmentation sensible de

Commande N° 55732 www.thebookedition.com

Page 54: SERVIR LA GUADELOUPE

53

l’abstention et des comportements de fuite

devant la politique. Il n’est pas étonnant non

plus que l’image du politique soit très négative.

La multiplication des affaires où sont impliqués

de nombreux responsables politiques n’a pas

arrangé les choses. Comment donc redonner

goût pour la chose publique ? Comment

permettre aux citoyens de devenir acteurs à part

entière de la société? Quels moyens mettre en

place pour développer la citoyenneté ? Ces

interrogations sont essentielles et nécessitent des

réponses claires. Tout d’abord il me parait

nécessaire de relancer l’instruction civique à

l’école afin que tous puissent apprendre à

connaître le fonctionnement de nos institutions.

Les comportements que nous observons sont le

plus souvent liés à la méconnaissance de ces

institutions. Dans le même temps tout doit être

mis en oeuvre pour conforter la vie associative.

C’est en effet dans les associations que

s’illustrele mieux la participation du citoyen.

Ces dernières sont confrontées à de graves

problèmes notamment financiers qui les

empêchent d’exercer leur mission. Il serait

souhaitable de ce point de vue de rendre

obligatoire des Fonds Régionaux et Communaux

Associatifs dont l’une des attributions serait

d’assister les associations dans leur

fonctionnement. L’information des citoyens est

aussi un impératif. Pour ce faire il convient de

favoriser l’accès à l’information d’une manière

plus satisfaisante et plus efficace. Celle-ci doit

Commande N° 55732 www.thebookedition.com

Page 55: SERVIR LA GUADELOUPE

54

être transparente, lisible et facile d’accès. Les

différentes collectivités publiques devraient

faciliter la consultation de tous leurs documents.

La création par exemple de points d’accueil et

d’information qui doivent être à la fois une

antenne d’information des décisions prises, mais

aussi une centrale de propositions émanant des

citoyens me parait indispensable. Par ailleurs, je

propose que l’on institue un droit

d’interpellation des exécutifs par les administrés.

Celui-ci pourrait prendre une double forme : un

droit à pétition; un référendum d’initiative

populaire beaucoup plus largement ouvert que

les dispositions françaises actuelles. Ensuite, il

me parait indispensable de revoir le

fonctionnement et la structure des commissions

qui existent déjà autour et au sein des

collectivités publiques qui sont une composante

de l’administration consultative. Il faut à la fois

rendre obligatoire la présence d’élus de

l’opposition et leur donner de réels pouvoirs. Il

faut pour compléter le dispositif créer un

médiateur guadeloupéen pour tenter de résoudre

les graves problèmes auxquels sont

quotidiennement confrontés chacun d’entre

nous. L’administration est devenue trop

complexe pour laisser dans un tête à tête

décourageant à la longue, l’administration et le

citoyen. Ce dernier doit être assisté pour faire

valoir ses droits. Enfin le statut des élus doit être

profondément modifié. Je préconise la fois de

limiter le nombre de mandats et leur durée. Il

Commande N° 55732 www.thebookedition.com

Page 56: SERVIR LA GUADELOUPE

55

n’est pas normal que des femmes et des hommes

puissent détenir plusieurs mandats. Cette

situation est contraire à l’idée que je me fais de

la politique. La politique n’est pas un

métier.C’est un service que nous dispensons à la

population. C’est la raison pour laquelle les élus

ne doivent avoir qu’un seul mandat renouvelable

une seule fois. Le maintien en place d’une même

personne pendant trop longtemps dénature la

démocratie en créant des baronnies et des

principautés qui ont toutes les chances ensuite

d’être occupés par des parents. Cette réforme

politique doit être initiée et organisée par le

peuple. Je crois que dans les circonstances

actuelles il faut tout d’abord élire une

constituante qui aura pour tâche exclusive de

préparer un projet qui doit comprendre des

dispositions sur les élus et la participation des

citoyens et d’organiser un référendum et non

simplement une consultation dont la question

doit être simple et honnête. C’est à partir de ces

résultats que l’on devrait élaborer notre

Constitution. Compte tenu de la nécessité de

garder le plus longtemps possible nos

institutions afin de ne pas alimenter une

instabilité mortelle à terme , la réforme doit

s’opérer grâce à un fort courant majoritaire de

l’ensemble des forces politiques qui sera réalisé

que si elles mettent de coté leur divergences

traditionnelles. La démocratie il est vrai est

l’institutionnalisation de la compétition entre les

acteurs et les forces politiques. Mais elle est

Commande N° 55732 www.thebookedition.com

Page 57: SERVIR LA GUADELOUPE

56

aussi un système de concertation et d’accord

entre ces mêmes formations politiques. C’est

pourquoi nous devons quelque soit nos

oppositions engager le dialogue nécessaire

préalable indispensable à la réforme. Nos

formations politiques doivent dans ce moment

particulier de l’histoire de notre pays faire

preuve de responsabilité et d’esprit de

concession. Le service que nous devons à notre

pays et à notre peuple impose cette démarche.

Pour ma part je ferai tout pour qu’une telle

démocratie puisse triompher dans les années à

venir.Voilà donc les termes de notre Contrat

politique qui nous donnera les moyens de faire

face aux mutations du monde d’aujourd’hui. Il

s’agit d’une volonté de souveraineté et de

coopération. S’ils le veulent, je crois qu’ils le

voudront, nous proposons aux français de

construire une maison commune sur la base de

la souveraineté de chacun. Nous nous

connaissons depuis longtemps et parfois nous

partageons des principes et des valeurs

communs. De plus nous avons un message

commun à diffuser je le crois : faire une

synthèse entre un grand ensemble et respecter

scrupuleusement le désir de chacun d’être

souverain. C’est probablement l’une des voies

les moins risquées pour que notre communauté

puisse continuer à se développer et à s’épanouir

dans la quiétude et la sérénité. C’est une voie qui

nécessité pragmatisme et raison. Aujourd’hui la

précipitation ou les slogans à l’emporte pièce

Commande N° 55732 www.thebookedition.com

Page 58: SERVIR LA GUADELOUPE

57

dont certains nous ont habitués ne sont plus de

mise. Le débat en cours dans certains milieux en

France sur faut-il larguer l’outre mer est

choquant et humiliant. Les français doivent

changer pour vivre dans le monde tel qu’il est.

Ils doivent faire immédiatement leur révolution

psychologique : la Guadeloupe c’est la

Guadeloupe et non l’outre mer qui est

méprisant ; la France c’est la France et non la

métropole .Claironner que sans la présence

française nous seront dans la misère est

inadmissible .Nous savons ce que nous faisons

et nous croyons à une coopération juste et

équilibrée. Diviser pour régner ou utiliser la peur

pour imposer sa présence est indigne d’un

peuple et de dirigeants qui affirment avoir une

vocation universelle. Le maintien de notre

communauté, son progrès, l’amélioration du

statut de nos concitoyens passent par un nouvel

équilibre politique et une nouvelle architecture

institutionnelle. La souveraineté nécessite

volonté, détermination et savoir faire. Elle sera

plus facilement réalisable car aujourd’hui nous

ne sommes plus obligés d’être seul.De

nombreuses organisations régionales existent qui

aident, encadrent et facilitent l’administration ce

qui n’était pas le cas dans les années soixante.

Une partie du chemin a déjà été faite par notre

peuple qui ne panique plus. Mais beaucoup reste

encore à faire. Débattre toujours autour de ces

questions n’est pas un quelconque attachement à

de vieux schémas du passé comme certains le

Commande N° 55732 www.thebookedition.com

Page 59: SERVIR LA GUADELOUPE

58

disent. C’est simplement le signe d’une maturité

et d’une volonté de faire évoluer notre pays en

toutes circonstances afin que notre peuple puisse

enfin assumer son destin comme le leur avait

demandé les héros de 1802 : « Et nous léguerons

nos exemples à suivre à ceux qui viendront après

nous. Et qui plus heureux, conquerront eux ,

cette liberté que nous n’avons fait qu’entrevoir

… » (LOUIS DELGRES ).

Commande N° 55732 www.thebookedition.com

Page 60: SERVIR LA GUADELOUPE

59

CHAPITRE IV

UNE NOUVELLE ÉCONOMIE

Après 50 ans de départementalisation, la situation

économique de la GUADELOUPE n’a pas

fondamentalement changé.Son niveau de développement

est encore en dessous du niveau moyen des autres

Régions de la République française. L’écart a été à peine

réduit malgré le versement d’un volume considérable

d’argent public. L’économie guadeloupéenne demeure

caractérisée par l’existence de déséquilibres structurels :

chômage, déficit commercial, déficits de paiements

(nécessité de disposer d’avances de tresorerie françaises

pour financer une grande partie des dépenses publiques et

privées). S’interroger sur cette situation de plus en plus

intolérable qui mine la société et la confiance dans

l’avenir s’avère indispensable. Pourquoi la convergence

économique ne s’est pas réalisée? Parmi les facteurs qui

expliquent les faibles performances économiques il nous

faut en priorité mettre l’accent sur la stratégie de

développement mise en place sans discontinuer depuis

plus de 50ans sans oublier la petitesse du territoire, la

faible dotation en facteurs de production et certains traits

culturels. C’est le type de croissance qui nous régit

aujourd’hui et qui donne la priorité à la convergence

sociale c’est-à-dire au rattrapage social de la France qui

est largement responsable de cet état de fait. En d’autres

termes tous les gouvernements qu’ils soient de droite ou

de gauche ont financé avant toute chose les coûts de

Commande N° 55732 www.thebookedition.com

Page 61: SERVIR LA GUADELOUPE

60

l’homme c’est à dire la protection sociale et la mise aux

normes réglementaires des salaires (extension du SMIC

notamment). En revanche, Ils se sont rarement attaqués à

la cause principale du mal à savoir les facteurs

économiques qui ont engendré et continuent d’engendrer

les déséquilibres actuels. Cette stratégie que l’on peut

qalifier de facilité a été possible du fait de la relative

richesse de la France qui disposait de ressources

suffisantes pour le financement des dépenses publiques

provoquées par cet effort social. L’effort budgétaire

français a en effet toujours représenté un faible

pourcentage des dépenses publiques de l’Etat et du

produit intérieur brut. De plus l’aide allouée a participé

au soutien de l’économie française. Les dotations

versées à la Guadeloupe ont augmenté la demande

française, soutenu leur croissance et donc enrichit leurs

producteurs. En tous cas le développement de la

protection sociale, la multiplication des aides sociales

aux inactifs, l’obligation de respecter la réglementation

sur les salaires ont provoqué une brutale et durable

augmentation de la demande guadeloupéenne qui a

déstabilisé voire étouffé une production déjà modeste au

sortir de la colonisation classique en 1946 et qui depuis

n’a pas réussi à se diversifier pour faire face aux

modifications de l’environnement économique. Au

contraire le système productif intégré bien avant la

départementalisation dans l’espace économique français

a continué à s’appuyer pour se développer sur des

cultures d’exportation (canne à sucre et bananes) dont la

rentabilité a diminué au rythme de l’augmentation du

prix de la main-d’œuvre ce qui a justifié pour tenter de

les maintenir le versement de subventions publiques

Commande N° 55732 www.thebookedition.com

Page 62: SERVIR LA GUADELOUPE

61

nationales et européennes. Cette branche est devenue

l’élément central d’une économie d’inactivité dont la

mission n’est plus tout à fait la production de richesse et

le versement de rémunérations élevées mais la

préservation d’un équilibre humain et écologique menacé

par la dynamique de l’économie de loisir dont le tourisme

est le pivot.Cette stratégie n’a pas été suffisante pour

favoriser le développement économique. Il est vrai que

dans le contexte économique des années soixante à quatre

vingt les chances de disposer d’un système économique

performant étaient relativement minimes. Dans

l’économie industrielle qui a dominé le vingtième siècle,

ce sont les dotations en capital (matières premières et

finances) et la localisation dans un espace économique

dynamique qui prédisposaient au développement

économique. L’absence de matières premières

stratégiques demandées par les pays développés,

l’éloignement et l’insularité par rapport à l’espace

économique français constituaient de réels handicaps qui

rendaient extrêmement difficile une adaptation de

l’économie aux conditions nouvelles imposées par la

départementalisation ou colonialisme du welfare state. Et

cela malgré le développement de l’activité touristique à

partir des années 70. Beaucoup de pays ayant les

caractéristiques de la GUADELOUPE ont utilisé parfois

avec succès le tourisme pour tenter de consolider un

système économique dans lequel le déséquilibre

commercial est structurel. En GUADELOUPE malgré

une incontestable croissance le tourisme est resté une

activité marginale qui ne représente qu’à peine 7% du

PIB. Aujourd’hui, heureusement, les possibilités, les

marges de manoeuvre pour construire un système

Commande N° 55732 www.thebookedition.com

Page 63: SERVIR LA GUADELOUPE

62

économique équilibré et performant sont nettement plus

grandes que dans le cadre de l’économie industrielle.

L’Humanité comme je l’ai dit précédemment est entrain

de vivre une nouvelle révolution avec le développement

des technologies de l’information. Après la révolution

mécanique (automobile) et informatique nous sommes

entrés dans une nouvelle économie, l’économie de

l’immatériel avec la révolution de l’information qui a

changé ou est en voie de changer les modalités et le

rythme de la croissance économique. Les nouvelles

technologies de l’information constituent un phénomène

majeur qui permet d’entrer dans un nouvel espace temps,

où durée et distance sont contractées. L’entrée dans le

cybermonde est bien entendu riche de potentialités.

Internet est en effet un lubrifiant pour le moteur des

économies actuelles et contribue à créer de nouvelles

niches de marché amorçant ainsi un processus continu et

durable de rendements croissants et la naissance d’une

économie de réseaux qui remet en question la logique de

la localisation et de la territorialisation de l’ère

industrielle. Ces données nouvelles constituent une

chance dans la mesure où elles abolissent les distances et

font du savoir la matière première de l’activité de

demain. Or compte tenu de l’effort, d’éducation et

d’équipement mené pendant de longues années la

GUADELOUPE dispose d’une main-d’œuvre qualifiée,

éduquée, compétitive et d’infrastructures de bon niveau.

Il convient donc de saisir rapidement cette chance. C’est

en effet la croissance accélérée de la production qui

permettra de résorber les différents déséquilibres et

notamment le chômage qui est un véritable poison.

Aujourd’hui la croissance économique bien que

Commande N° 55732 www.thebookedition.com

Page 64: SERVIR LA GUADELOUPE

63

supérieure à celle de la France ce qui n’est pas une

référence s’avère insuffisante. Pour que la

GUADELOUPE atteigne le niveau économique moyen

des pays développés, avec un taux de croissance de 4 %

il lui faudrait près de 30 ans pour y arriver, si le taux de

croissance des pays développés reste à 2%. Le traitement

social du sous-développement en quoi se résume depuis

longtemps la stratégie de développement initiée par les

autorités Françaises aura beaucoup de peine à favoriser

un développement durable et solide. Au contraire ce

traitement organise et consolide la précarité tout en

faisant croire qu’en dehors de ses préceptes il n’y a pas

d’avenir possible. Le traitement social du sous-

développement augmente donc les dépenses publiques et

bloque le processus de convergence économique avec les

régions les plus développées. Il est donc nécessaire de

changer de modèle de développement économique. A la

croissance entretenue par l’agro-industrie d’exportation

et les dépenses des administrations publiques, il faut

substituer une nouvelle croissance pour doper la

production dont les piliers seront le tourisme, les

nouvelles technologies notamment les technologies de

l’information et l’agriculture. Ces activités ont

aujourd’hui la possibilité d’exercer un rôle moteur dans

le développement économique. Elles peuvent engendrer

rapidement des taux de croissance de l’ordre de 7 à 10 %

nécessaire pour tenter de réduire assez rapidement notre

retard de développement. Elles me paraissent nécessaires

à la fois parce qu’il s’agit d’exportations domestiques

c’est à dire réalisées sur place et qu’elles permettent

d’entrer dans l’économie de l’information qui sera la base

de l’économie du 21ième siècle. Le potentiel de

Commande N° 55732 www.thebookedition.com

Page 65: SERVIR LA GUADELOUPE

64

développement du tourisme est considérable. Ses

performances sont encore très éloignées de celles des

pays de la Caraïbe (Barbade et Cuba notamment) ou

même de la France qui occupe les premières places au

niveau mondial dans ce domaine. La GUADELOUPE

doit augmenter considérablement le nombre de touristes

pour atteindre 2 millions contre 600.000 actuellement en

accroissant et diversifiant l’offre et en augmentant le

niveau social des visiteurs. On constate que la

consommation touristique dépend du niveau de revenus.

Alors que Saint Barthélemy et Saint Martin ont choisi le

haut de gamme en provenance de l’Amérique du Nord, la

Basse-Terre et la Grande-Terre ont privilégié une gamme

nettement inférieure. Les prix des prestations sont trop

faibles pour attirer ces touristes ce qui n’est pas positif

pour les comptes d’exploitation des hôtels. Il est aussi

indispensable d’augmenter la part de revenus dépensés en

Guadeloupe. En effet à peine 50 % de la dépense

touristique l’est aujourd’hui. Le reste et les bénéfices

éventuels qui l’accompagnent sont empochés par des

entreprises étrangères ce qui représente un manque à

gagner considérable.C’est pourquoi je préconise une

action forte et volontariste pour optimiser les dépenses

des touristes. Elle passe par la conquête par les

entreprises guadeloupéennes notamment celles du

tourisme des marchés extérieurs. Le touriste qui vient en

Guadeloupe ne doit pas seulement utiliser Corsair,

Nouvelles Frontières et Air France. Il doit pouvoir

utiliser aussi Air Caraïbe dont le capital doit

impérativement être détenu par des fonds guadeloupéens,

et Navitour. Ces compagnies ne doivent pas simplement

se contenter de contrôler leur marché interne. Elles

Commande N° 55732 www.thebookedition.com

Page 66: SERVIR LA GUADELOUPE

65

doivent aussi se développer à l’extérieur. Elle passe aussi

par le développement des activités connexes à l’activité

touristique et notamment l’industrie ou l’artisanat d’art.

Les touristes en effet sont consommateurs d’objet d’art et

d’artisanat. Aujourd’hui un pourcentage trop élevé de ces

produits provient de l’extérieur ce qui diminue l’impact

économique de la demande touristique. Le

développement de ces activités et des lieux où ils peuvent

être achetés constitue une composante essentielle de

l’activité touristique. Il faut aussi souligner le formidable

impact de cette activité sur d’autres branches et d’autres

secteurs.L’agriculture, la pêche notamment ont besoin

pour atteindre une taille critique et rentabiliser leurs

investissements de l’impulsion donnée par un marché qui

atteindra tous les ans de 1 a 2 millions de personnes gros

consommateurs de produits guadeloupéens à la condition

bien entendu que l’on vende des produits, des services

guadeloupéens et plus généralement de l’art de vivre

Guadeloupéen. Les nouvelles technologies de

l’information, de leur côté sont une voie royale de la

prospérité de demain. C’ est pourquoi il faut à tout prix

insérer la GUADELOUPE dans la société de

l’information. J’ai souligné déjà l’importance de la

maîtrise de ces technologies et des mécanismes de la

nouvelle économie. Ce n’est pas par hasard qu’au niveau

international le combat pour la prééminence est aussi un

combat pour maîtriser la société de l’information. Les

Etats Unis, l’Europe et le Japon y consacrent des budgets

considérables. Les Etats Unis ont décidé d’en faire un des

piliers de leur domination au 21ième siècle en y

investissant massivement et en maîtrisant toutes les

innovations qui s’y développent aujourd’hui. Cette

Commande N° 55732 www.thebookedition.com

Page 67: SERVIR LA GUADELOUPE

66

nouvelle économie parait à beaucoup bien théorique.

Pourtant il s’agit d’une réalité incontestable comprenant

l’informatique, les télécommunications,la

communication, l’électronique. Ces activités

représentent déjà 10 % du PIB américain et 5 % du PIB

français. Les perspectives de croissance sont

extrêmement élevées. Comme le tourisme il s’agit en

partie d’un système d’exportation domestique. Beaucoup

d’activités qu’elles génèrent peuvent être exercées

localement par le biais du télétravail et de la sous-

traitance internationale. Des pays comme l’Ile Maurice

ou la Barbade se sont déjà spécialisées dans cette sous-

traitance. Le Québec de son coté en a fait un instrument

de son développement et de la défense de son identité

menacée par l’influence anglo-saxonne.Entrer

rapidement dans la société d’information est un impératif

afin de faire de notre pays une région de haute

technologie. Pour y arriver la stratégie à mettre en place

pourrait être la suivante:

• Former les Guadeloupéens à utiliser systématiquement

l’informatique. L’une des clés du succès est la création

d’un permis informatique comme en Suède ou en

Finlande. Cela suppose en particulier de faire entrer

massivement l’informatique à l’école et de l’intégrer aux

cursus de l’enseignement supérieur.

• Inciter nos compatriotes à se convertir à Internet le

réseau des réseaux en diminuant notamment le coût des

communications. Il s’agit pour notre pays d’une question

de vie ou de mort car le prix des communications encore

trop élevé limite leur utilisation.

Commande N° 55732 www.thebookedition.com

Page 68: SERVIR LA GUADELOUPE

67

• Doter la Guadeloupe d’une puissante infrastructure

d’interconnexion. Pour devenir un leader sur Internet ou

occuper une place de choix, il faut investir massivement

dans des infrastructures lourdes afin de créer un nœud

d’interconnexion à vocation internationale et des liaisons

à haut débit vers les principales capitales mondiales et

régions développées. Aujourd’hui une fraction élevée du

trafic européen et Caraïbe passe par les Etats Unis en

raison du faible coût des télécommunications et de

l’absence d’un noeud propre d’interconnexion.

• Multiplier les services sur Internet (commerce

électronique, télé procédures publiques).

• Aider au développement des entreprises dans les

nouvelles technologies de l’information notamment

celles tournées vers l’exportation par la mise en place de

fonds de démarrage.

Le rôle du pouvoir politique guadeloupéen dans la

réussite de cette action est fondamental. Beaucoup

aujourd’hui au nom du libéralisme estiment que

l’intervention dans l’économie des pouvoirs publics est

inefficace et doit être rejetée. Il faut selon ces théoriciens

laisser les acteurs économiques se débrouiller avec

comme seul juge le marché considéré comme le meilleur

allocataire possible de ressources. Cette position n’est

pas la mienne. Au contraire, pour créer les conditions du

développement, assurer le financement des

investissements en infrastructures et en équipements

productifs, répartir équitablement les fruits de la

Commande N° 55732 www.thebookedition.com

Page 69: SERVIR LA GUADELOUPE

68

croissance, protéger les entrepreneurs guadeloupéens et

garantir les grands équilibres, la présence des pouvoirs

publics guadeloupéens est plus que nécessaire. Si c’est le

marché qui préside au développement économique du

pays c’est la voie ouverte aux inégalités et à la

domination de l’étranger. Une attention particulière sera

donnée à l’économie solidaire dont les principes et les

mécanismes doivent irriguer tout notre système

économique .Les hommes sont la finalité de l’activité

économique et non le contraire. Ils doivent être le centre

de l’action et de l’édifice économiques .Le profit doit

être aussi bridé d’où l’incitation à utiliser les sociétés

coopératives et les associations pour favoriser le

développement de l’activité économique et mieux

partager la richesse produite. Le pivot central de cette

politique sera bien entendu l’encouragement à

l’investissement des entreprises. Ce sont elles en effet qui

détiennent la clé de notre prospérité et de la création

d’emplois. Ce n’est pas comme on le croit trop souvent

l’Administration publique qui créera directement de la

richesse et fera diminuer le chômage. Elle vit au contraire

de la richesse créée. Il faut à cet égard dénoncer certaines

dérives qui limitent l’efficacité de l’administration

publique: son coût est trop élevé car elle consomme près

de 50% de la richesse créée et une bonne partie des aides

externes allouées précisément pour aider à accroître la

création de richesses; C’est aussi une aberration

économique et sociale que d’allouer autant d’avantages

financiers aux seuls fonctionnaires (prime de 40 %,

indemnité d’installation, abattement de 30 % en matière

d’impôt sur le revenu ouvert il est vrai a tous les

contribuables) car ils alimentent de l’inégalité et de

Commande N° 55732 www.thebookedition.com

Page 70: SERVIR LA GUADELOUPE

69

l’inefficacité économique. Les primes excessives allouées

aux fonctionnaires qui ne produisent pas de richesses

alors que les salariés du privé confrontés à la concurrence

et à la précarité n’en bénéficient pas constituent une

grave erreur. Je propose d’étendre à tous les salariés ces

avantages pour rétablir la justice sociale tout en

restructurant l’administration afin qu’elle soit plus

productive. Avec une Administration qui coûte moins, on

pourra consacrer une part croissante de la richesse à

l’investissement et donc à la préparation de l’avenir.

L’investissement des entreprises est cependant entravé

par la frilosité des banques, l’insuffisance de notre

épargne ou leur affectation à des placements externes

plus rémunérateurs, l’insuffisance des leurs fonds propres

et leur modeste rentabilité. L’épargne est insuffisante car

la propension à consommer est trop forte d’où la place

importante occupée par les financements publics externes

en provenance de la France et de L’Union européenne.

De plus un pourcentage non négligeable est placé à

l’extérieur en actions pour soutenir les entreprises

françaises et en obligations pour financer les déficits de

l’Etat français. Limiter la consommation pour favoriser

l’épargne et l’orienter vers des activités guadeloupéennes

notamment en créant une bourse guadeloupéenne qui

favorise la transparence des entreprises est un impératif.

La rentabilité des investissements laisse souvent à désirer

en raison du niveau élevé des taux d’intérêt et de

l’exiguïté du marché qui ne favorise pas toujours la

production de biens. C’est pourquoi je propose de

diminuer sensiblement les taux d’intérêt pratiqués

notamment par la mise en place d’un système de

bonifications. Par ailleurs une mesure simple de

Commande N° 55732 www.thebookedition.com

Page 71: SERVIR LA GUADELOUPE

70

stimulation de l’investissement est préférable aux

dispositifs de défiscalisation qui engendrent une

bureaucratisation excessive et une domination du

ministère des finances français qui décide en dernier

ressort. Il s’agit d’un système d’amortissement

exceptionnel ouvert à toutes les entreprises et un

allègement sensible de l’impôt sur les sociétés et sur les

bénéfices. A cet égard il faut noter l’inadaptation de la

fiscalité appliquée en Guadeloupe. Cette fiscalité de pays

développé, complexe, élaborée de surcroît pour de

grosses entreprises décourage les acteurs économiques.

Je propose d’engager une profonde réforme fiscale afin

de doter la GUADELOUPE d’un système fiscal adapté à

l’environnement et à son niveau de développement

économique. Ses axes principaux seront : suppression de

nombreux impôts dont le rendement est faible et la

collecte onéreuse ; allégement de la fiscalité sur les

bénéfices des entreprises ; alourdissement de la fiscalité

de l’épargne investie à l’extérieur, mise en place d’une

réelle fiscalité écologique, le tout avec la volonté de la

justice fiscale. Le capital extérieur sera bien entendu le

bienvenu compte tenu de l’insuffisance de l’épargne.

Cependant il sera encadré par l’obligation de s’associer

au capital guadeloupéen par la création d’un dispositif

juridique de joint venture qui conditionnera la venue des

investisseurs étrangers à leur association au capital

guadeloupéen. Je propose aussi d’élaborer un nouveau

système de financement de la protection sociale .Faire

dépendre ce financement de cotisations sur les salaires

qui grèvent considérablement le prix du travail constitue

une terrible entrave pour la croissance et la création

d’emplois. En contrepartie, pour assurer le financement

Commande N° 55732 www.thebookedition.com

Page 72: SERVIR LA GUADELOUPE

71

de la protection sociale, je propose une contribution de

tous les contribuables calculée à partir de leur revenu, le

remplacement de la médecine libérale par un système

régulé administrativement et l’affectation éventuelle des

subventions de l’Europe et de la France au titre de leur

indemnisation de leurs crimes coloniaux. Enfin

l’amélioration des fonds propres des entreprises et

l’implication plus active des banques exigent la création

de plusieurs sociétés de capital risque avec des capitaux

mixtes et d’une banque publique d’affaires qui aura pour

mission d’accompagner les entreprises et non de les

étouffer. L’objectif en définitive est d’alléger l’ensemble

des charges qui pèsent sur les entreprises pour

rentabiliser l’investissement et donc à terme créer des

emplois, distribuer des rémunérations suffisantes, et

favoriser la création d’entreprises. Mais au-delà des

mesures techniques, la réussite de cette politique passe

par le retour de la confiance et un nouveau pilotage de

l’économie. La Guadeloupe souffre d’un déficit de

confiance. Les acteurs sociaux craignent l’avenir et se

réfugient dans l’immobilisme ou augmentent leur

épargne de précaution. La confiance est le meilleur

moyen pour dynamiser, rénover et moderniser. Au

service du pays, à l’écoute de tous notamment des chefs

d’entreprises et des salariés à qui incombe la lourde tâche

de construire une prospérité durable, le pouvoir politique

doit rassembler, entraîner, créer les conditions d’une

réelle concertation, tracer le chemin, convaincre les

hésitants, encourager les initiatives, informer en

permanence de la situation du pays et être le garant d’

une société équitable où personne n’est laissée sur le bord

du chemin quelque soit les circonstances. Simultanément

Commande N° 55732 www.thebookedition.com

Page 73: SERVIR LA GUADELOUPE

72

il faut piloter différemment l’économie. Les méthodes et

processus actuels sont insuffisants et inefficaces. La

Guadeloupe doit être conduite maintenant comme une

véritable multinationale, car elle en a l’effectif. A la base

un plan stratégique d’une durée de 5 ans indicatif, souple,

élaboré par un conseil d’orientation composé d’élus

politiques et des représentants des entreprises et des

organisations syndicales. Ce conseil mettra ensuite en

place des méthodes de suivi des objectifs arrêtés et

diffusera le plus d’informations possible pour permettre

une véritable mobilisation de tous. Il disposera

d’instruments d’intervention publics et notamment de la

fiscalité. Malgré les difficultés du moment, la dureté

d’un monde qui change très vite et les doutes de la

population, la GUADELOUPE dispose d’atouts non

négligeables pour réussir au 21ième siècle. Nous

réussirons si nous avons la volonté et si nous y

consacrons notre passion et notre savoir faire .La chance

du pays est qu’un monde nouveau est en construction

dans le domaine économique. Les périodes de

construction sourient toujours à ceux qui ont pensé leur

avenir. La voie de la prospérité économique, j’en suis

persuadé, nousest ouverte. A nous de l’emprunter pour

triompher.

Commande N° 55732 www.thebookedition.com

Page 74: SERVIR LA GUADELOUPE

73

CHAPITRE V

UNE SOCIÉTÉ ÉQUITABLE

La GUADELOUPE a toujours eu la passion de la justice

sociale et de l’égalité en raison de sa petitesse et de son

passé singulier caractérisé par l’exploitation inhumaine

des hommes et des femmes. La traite et l’esclavage qui

l’ont profondément marqué ont aiguisé le sens de l’équité

de ses habitants. Les Guadeloupéens ont instinctivement

horreur de l’inégalité et de l’exploitation. La question

sociale les passionne. Les conflits sociaux se déroulent

dans le drame. Les révoltés sont généralement adulés

quelque soit le motif de leur révolte. La question sociale

interpelle car les problèmes posés ont toujours été

difficiles et complexes compte tenu de la faiblesse des

ressources et de la difficulté à vivre en commun et à

disposer de liens sociaux solides. Elle est devenue encore

plus complexe depuis la départementalisation qui par

l’assistance a permis de réduire la pauvreté de masse sans

cependant promouvoir la responsabilité sans laquelle il

n’y a pas de liberté et d’épanouissement. Aujourd’hui

cohabitent au moins trois catégories de problèmes

sociaux aux logiques et aux implications différentes. La

GUADELOUPE est encore confrontée malgré les

quelques progrès réalisés au cours des années passées au

chômage structurel et aux inégalités.Les critiques fusent

de partout et avec raison pour dénoncer leur persistance

et l’incapacité des politiques à les réduire dans des

proportions acceptables fragilisant ce faisant leur

Commande N° 55732 www.thebookedition.com

Page 75: SERVIR LA GUADELOUPE

74

légitimité. Il est en effet difficile d’accepter un chômage

qui avoisine 30 % de la population active soit 50.000 de

nos compatriotes. Chacun d’entre nous est touché

directement ou indirectement par ce phénomène

douloureux. Chacun d’entre nous, avons un frère, un

père, un parent, un ami touchés par ce cancer qui ronge la

société lentement mais sûrement. Les femmes et les

jeunes notamment paient un lourd tribut, et cela malgré

un niveau de formation satisfaisant. Le découragement

des familles qui investissent beaucoup pour donner aux

enfants la formation de haut niveau dont ils ont besoin

pour qu’ils puissent affronter dans de bonnes conditions

les défis d’une vie qui s’est notablement complexifiée a

atteint la limite du supportable. En tous cas 50.000

personnes hors des circuits d’activité constituent une

aberration économique, sociale culturelle et humaine que

je ne peux accepter.Il y a là un gâchis humain

considérable qui déstabilise et coûte de plus en plus cher

à la collectivité car les crédits consacrés au chômage ne

cessent d’augmenter sans que cela favorise sa

diminution. Au contraire le nombre de chômeurs a plutôt

tendance à augmenter. Le chômage est un mal redoutable

qui a résisté jusqu’à maintenant à toutes les thérapies. La

déception est d’autant plus forte que de nombreuses

activités sont exercées par personnes extérieures le plus

souvent de passage. Pourquoi le chômage résiste t-il ? Y

a t-il une fatalité qui rend impossible sa disparition et qui

oblige à l’émigration? Le plein emploi serait t-il

impossible? Les questions posées sont difficiles. J’ai le

sentiment que le chômage reste structurel parce que

l’accent a surtout été mis sur son traitement social et non

sur son traitement économique. Le traitement social agit

Commande N° 55732 www.thebookedition.com

Page 76: SERVIR LA GUADELOUPE

75

sur ses effets et non sur ses causes. C’est parce que les

Gouvernements ont voulu rapidement et en utilisant des

moyens budgétaires et réglementaires au nom de l’égalité

et du respect de principes de droit international

harmoniser socialement deux espaces au niveau de

développement différent que le chômage s’est maintenu à

un niveau aussi élevé. L’harmonisation sociale en effet

en augmentant brutalement le coût de la main d’ oeuvre a

déstabilisé durablement les activités existantes et bloqué

non moins durablement celles qui souhaitaient se

développer. En rendant très attractif l’inactivité, il a incité

à la fuite devant le travail tout alimentant le travail au

noir. Beaucoup d’inactifs cumulent les deux types de

rémunération .L’ arbitrage en faveur de l’inactivité est d’

autant plus facile que dans le secteur privé la plupart des

rémunérations gravitent autour du SMIC .L’impact

économique négatif du traitement social a été renforcé

par l’évolution démographique. Entre 1990 et 2000 la

population a sensiblementaugmenté sous l’effet d’une

natalité encore élevée (17%) et dun taux de mortalité

modeste (6%). Notre population reste jeune: 40% de

moins de 25ans. Cette évolution comprend deux

composantes contraires. La part des 15/ 24ans est en net

retrait alors que celle de 0/ 14 ans progresse, contrecoup

d’une décennie avec un plus grand nombre de naissances

du à la croissance de la population. C’est donc près de

10000 jeunes qui arrivent tous les ans sur le marché du

travail et cela durera au moins pendant 10 ans si la

croissance démographique se maintient. Le moment est

venu de retourner aux fondamentaux de l’économie. Pour

augmenter le volume des emplois, il faut à la fois

favoriser un rythme de croissance élevé et à taux de

Commande N° 55732 www.thebookedition.com

Page 77: SERVIR LA GUADELOUPE

76

croissance donné, faire en sorte qu’elle génère plus

d’emplois. C’est le rythme de la croissance qui détermine

le volume de l’emploi et non les décisions de

l’administration. On embauche plus pour produire plus.

Si l’on se réfère aux courbes de croissance et d’emploi le

parallélisme est frappant. De 1982 à 1990, période de

forte croissance économique l’emploi a considérablement

augmenté: 20. 000 emplois ont été créés et le chômage ne

s’est maintenu qu’en raison de la venue d’une main

d’oeuvre extérieure parfois mieux formée. Depuis

l’emploi stagne parce que la croissance stagne. Par

ailleurs, compte tenu de la forte propension à importer, il

faut aller bien au delà de 4 % de croissance pour réduire

le chômage. C’est pourquoi tout doit être mis en oeuvre

pour favoriser la croissance économique tout en

l’enrichissant en emplois. Le niveau élevé des charges

qui pèsent sur les entreprises favorisé par le mode de

financement de la protection sociale, les rigidités

imposées à la gestion de la main d’œuvre par une

législation sociale contraignante et injuste, la forte

propension à l’inactivité engendrée par la société

d’assistance ont entravé la création d’emplois et la

volonté de travailler. C’est pourquoi, réduire le coût du

travail en supprimant les charges sociales tout en

distribuant une portion de la réduction aux salariés ,

augmenter le SMIC sensiblement afin d’accroître le désir

de travailler, donner plus de liberté aux entreprises dans

la gestion de leur main d’œuvre tout en contractualisant

avec elles la création d’emplois , favoriser la

participation des salariés à la gestion de leur entreprise et

une répartition équitable de la richesse créée sont les

grandes orientations que je propose pour résorber le

Commande N° 55732 www.thebookedition.com

Page 78: SERVIR LA GUADELOUPE

77

chômage et tendre vers le plein emploi. Remplacer

l’assistance généralisée provoquée par le traitement

social du chômage et les subventions publiques par du

travail correctement rétribué me parait la meilleure voie

pour la responsabilité, la liberté et l’épanouissement. Le

chômage génère de nombreuses inégalités. Il est la base

de la société d’inégalité qui perdure auquel il faut ajouter

les médiocres performances de l’économie. Les inégalités

de revenus sont particulièrement choquantes:

•Les femmes perçoivent des revenus inférieurs à ceux des

hommes et cela malgré l’existence de nombreuses lois

sur l’égalité des salaires entre hommes et femmes.

• Les revenus des cadres et professions intermédiaires

(professions libérales, commerçants) sont en moyenne 6

fois supérieurs à ceux des ouvriers et des employés.

•Les revenus des fonctionnaires qui bénéficient de plus

de la stabilité de l’emploi dépassent ceux de nombreuses

professions en raison de la prime de vie chère et d’autres

avantages.

• Les revenus des agriculteurs sont inférieurs de 48 % au

salaire global moyen.

• Les ouvriers et employés du privé perçoivent

généralement le SMIC.

• Les inactifs de leur coté bien que pris en charge

socialement mais dans des conditions qui ne sont pas

satisfaisantes (il n’y a que 20 % des chômeurs par

Commande N° 55732 www.thebookedition.com

Page 79: SERVIR LA GUADELOUPE

78

exemple qui bénéficient des ASSEDIC) disposent des

minimas sociaux qui stagnent désespérément.

Les inégalités de revenus ont un effet cumulatif. Elles

favorisent d’autres formes d’inégalités notamment dans

le domaine du patrimoine, des retraites et en matière

d’éducation. Les inégalités en face de l’école sont très

préoccupantes car dans la société de l’information c’est

l’intelligence et la formation qui favoriseront la réussite

et la mobilité sociale. En effet, l’école continue à

produire un échec scolaire dramatique qui touche en

particulier les catégories sociales les plus modestes. Nous

sommes de ce point de vue bien loin des normes

françaises qui elles-mêmes ne sont pas satisfaisantes.

L’échec scolaire a des conséquences graves. Il rend

difficile l’insertion professionnelle. Les enquêtes

montrent que l’insertion est facilitée par l’existence d’une

véritable qualification professionnelle. Il n’est donc pas

étonnant que les moins de 25 ans sans qualification

professionnelle représentent près de 30 % des 50 000

demandeurs d’emplois et un pourcentage élevé des

stagiaires de la formation professionnelle dont les stages

n’ont généralement pas d’issue professionnelle. L’échec

scolaire alimente la délinquance et décourage. La

politique scolaire doit être repensée et réorientée afin

d’enrayer ces dérives. Remplacer les politiques

quantitatives qui ont abouti à engorger le système

scolaire et donc réduire son inefficacité et rétablir les

conditions de l’égalité entre les jeunes est ma priorité.

L’école doit devenir un véritable mécanisme de mobilité

sociale afin de permettre à l’homme dans une société

démocratique quelque soit ses origines sociales d’exercer

Commande N° 55732 www.thebookedition.com

Page 80: SERVIR LA GUADELOUPE

79

ses talents. Ce n’est qu’à cette condition que les jeunes

qui doutent aujourd’hui et se détournent d’elle vont

retrouver l’envie d’apprendre et auront la volonté de

construire un avenir meilleur. Elle éprouve de plus en

plus de peine pour insérer professionnellement car elle

est trop éloignée de la vie et notamment des entreprises:

l’apprentissage qui joue un rôle important d’insertion

dans certains pays demeure et c’est dommage trop

modeste. L’école doit impérativement se rapprocher des

activités économiques sans tomber bien entendu dans

une professionnalisation systématique. L’école est aussi

un creuset de la formation morale des hommes qui

aujourd’hui ont une socialisation moins stricte que par le

passé. Elle doit donc se décentraliser pour être proche des

acteurs et des entreprises, multiplier les formules

d’alternance et notamment l’apprentissage. Il faut aussi

qu’elle accueille les adultes qui auront à se former tout au

long de leur vie pour faire face aux mutations

économiques et sociales. C’est une condition du maintien

du dynamisme et de la capacité d’innovations. L’ école

enfin doit être le vecteur de diffusion de la culture

guadeloupéenne sans nombrilisme, mais avec la volonté

de faire face aux enjeux du village planétaire qui exige de

ceux qui ne souhaitent pas être distancés une capacité à

anticiper ,innover, proposer et synthétiser. Je rejette cette

école républicaine qui en fait est le nom donné à l’école

française car elle reste l’instrument de la négation de

notre personnalité guadeloupéenne. En tous cas, les

inégalités ne sont plus acceptables. Elles doivent

disparaître pour renforcer la communauté

guadeloupéenne. La mobilisation contre la pauvreté et

Commande N° 55732 www.thebookedition.com

Page 81: SERVIR LA GUADELOUPE

80

pour le bien être de tous est une véritable croisade qui

nécessite l’implication de tous.

A coté des problèmes sociaux traditionnels sont apparus

de nouveaux problèmes que l’on commence aujourd’hui

à identifier sans que l’on ait une véritable conscience des

enjeux qu’ils impliquent. Il ne s’agit plus en effet de

problèmes que l’on pourrait qualifier de quantitatifs pour

simplifier mais de problèmes qualitatifs, des problèmes

de société. Ils sont complexes et difficiles à solutionner.

Ils ont été engendrés par l’urbanisation, la modification

des structures sociales et l’évolution de la démographie.

L’augmentation de la population est un phénomène

décisif. La population guadeloupéenne est passée de 250

000 dans les années cinquante a 420 000 selon les

estimations des derniers recensements. Il en résulte donc

une augmentation importante de la densité de la

population (248 habitants par km carré) et une rapide

urbanisation. La Guadeloupe est devenue et deviendra de

plus en plus si sa population continue d’augmenter au

même rythme une cité insulaire. La volonté d’économiser

l’espace et d’optimiser les investissements dans le

domaine du logement a entraîné la création d’un nouvel

espace urbain continu sillonné de nombreuses routes, de

logements collectifs autour d’un centre ville,

l’agglomération Pointe-à-Pitre/Abymes. Les

conséquences de ces évolutions sont profondes. On a

observé en particulier une montée de l’individualisme et

de la liberté individuelle devenus les piliers de la vie

contemporaine. Cette conquête a certes eu des

conséquences positives dans la mesure où certaines

entraves à l’épanouissement des individus ont disparu.

Mais en même temps, elle est devenue une contrainte, car

Commande N° 55732 www.thebookedition.com

Page 82: SERVIR LA GUADELOUPE

81

la liberté a un prix, la solitude. En face d’une télévision

omniprésente qui donne l’impression de la

communication, l’homme moderne est de plus en plus

seul. DAVID RIESMAN, sociologue américain avait le

premier parlé de la foule solitaire pour montrer la

contradiction entre la densité de la foule urbaine et la

solitude des individus. La ville en effet qui en principe

devait favoriser la rencontre, car elle a été de tous temps

un espace de convivialité a en définitive renforcé les

tendances à la solitude avec son cortège de

dysfonctionnements comme la délinquance, la violence et

les suicides. L’allongement de la durée de vie et le

vieillissement de la population ont généré aussi des

problèmes inédits. La part des jeunes diminue rapidement

et l’espérance de vie est en augmentation (73 ans pour les

hommes et 80ans pour les femmes).La mutation

démographique est en cours: dans quelques années la

GUADELOUPE aura les mêmes structures

démographiques que les pays développés. Aujourd’hui

cohabitent fréquemment des générations différentes. Il

n’est pas rare de trouver au moins quatre générations

composées pour les plus anciennes de personnes en

bonne santé, disposant d’un pouvoir d’achat satisfaisant.

Ces générations au lieu de se fondre dans un ensemble

cohérent se sont mises à cohabiter chacun dans leurs

espaces respectifs avec un minimum de relations comme

l’illustre la multiplication des clubs du 3eme age ou de

clubs de jeunes en attendant les résidences qui leur seront

réservés comme cela se fait déjà dans d’autres pays. Les

relations et la solidarité entre les générations se sont

affaiblies. La collectivisation de nombreuses activités

exercées dans le passé par les familles comme la

Commande N° 55732 www.thebookedition.com

Page 83: SERVIR LA GUADELOUPE

82

socialisation de l’enfance (crèches, écoles maternelles,

organisation collective des loisirs), et de la solidarité

(retraite et protection sociale) ont favorisé ce mouvement

de fond. Les modalités de socialisation ont été

transformées. La famille, l’école, le voisinage et l’action

des anciens ont été remplacés par la télévision. Les plus

touchés sont naturellement les jeunes générations qui ne

bénéficient plus de l’accompagnement des plus anciens.

Il y a là un phénomène nouveau qui explique pour une

bonne part le mal être actuel. L’accueil guadeloupéen, les

traditions d’échange et de solidarité entre les individus et

les familles ont disparu ou plus exactement ne sont plus

tout à fait les mêmes. A l’intérieur de son appartement,

chacun est confronté aux nombreuses contraintes de la

vie moderne. Il faut gérer le budget familial dont les

postes se sont multipliés (téléphone, électricité, loyer,

télévision, traite de voiture, équipements ménagers et de

loisirs) d’où un stress permanent auquel ne résiste pas les

plus fragiles. Ce n’est donc pas par hasard que se

multiplient jeux du hasard, sectes, médecines

alternatives, voyances, consommation de tranquillisants

et de drogue. Tout le monde recherche probablement

dans ces substituts la paix intérieure qui lui fait défaut.

La drogue en particulier est devenue un grave problème

de santé publique qui encore une fois frappe les plus

jeunes. Ce n’est pas par hasard non plus qu’on assiste à

une montée inquiétante de l’insécurité. Les chiffres sont

consternants. Le nombre de crimes et de délits constatés

par les services de police et de gendarmerie a évolué plus

vite que la croissance de la population. On a en

particulier assisté à une augmentation sensible des vols,

des petites agressions et des chèques sans provision. La

Commande N° 55732 www.thebookedition.com

Page 84: SERVIR LA GUADELOUPE

83

multiplication de ces faits exaspère ainsi que l’inertie des

pouvoirs publics qui n’arrivent pas à mettre en place les

actions nécessaires à leur éradication. De son coté, la

famille pilier de la société, respectée pendant longtemps a

été profondément transformée. Les familles nombreuses

sont plus rares. La famille nucléaire s’est développée au

détriment de la famille étendue ou des familles multiples.

Par ailleurs, on assiste à une augmentation constante des

couples divorcés. Aujourd’hui, la famille devient plus

imprécise. Les couples se forment et se défont

rapidement. La vie familiale ne s’inscrit plus dans la

durée. Elle se découpe en tranches de vie avec des

périodes de vie solitaire ou de séparation. Les familles

recomposées se multiplient : des couples se forment avec

des enfants de lits précédents. Surtout son rôle

d’encadrement et donc sa capacité de socialisation a

beaucoup diminué. L’autorité parentale très présente dans

le passé autour de la figure emblématique du pèreet le

role de potomitan de la mère s’est affaissée. Les enfants

sont souvent laissés à l’abandon devant la télévision

omniprésente par des parents occupés par le travail et

leur quête délirante de bonheur. Il y a là un problème

grave qui mine dangereusement notre société. En fait

c’est toute la cohésion sociale et culturelle qui est

fissurée. C’est la manière traditionnelle de vivre qui

disparaît alors que les nouvelles modalités d’existence

qui se mettent en place prennent du temps. Les hommes

vivent toujours mal les périodes de transition. Il faudra

donc faire face avec des instruments nouveaux aux

problèmes nouveaux posés par cette révolution sociale et

culturelle en construisant avec patience une nouvelle

cohésion sociale appuyée sur la famille sans retour à un

Commande N° 55732 www.thebookedition.com

Page 85: SERVIR LA GUADELOUPE

84

passé qui n’existe plus sinon dans la tête de certains

conservateurs. Une communauté moderne doit pouvoir

faire face aux défis sans se réfugier dans le passé mais en

tentant de s’adapter aux nouvelles conditions de

l’environnement. La recherche de l’harmonisation sociale

avec la France axe majeur des anciennes politiques

sociales ne sera pas suffisante pour traiter ces problèmes

nouveaux. En fait la solution passe par le développement

de nouvelles structures de socialisation. Il faut en somme

limiter la solitude porteuse de peur et de violence,

diminuer les situations de marginalité et encadrer à

nouveau les individus. C’est donc à une formidable

entreprise de régénération sociale et culturelle à laquelle

il faut nous atteler en mobilisant tout le monde. Ce n’est

qu’à cette condition que la GUADELOUPE pourra

profiter des formidables avancées du monde moderne.

Dans le cas contraire elle va sombrer dans le chaos

social, et s’adonner définitivement aux jeux de hasard et

à la drogue qui sont en train de faire des ravages

considérables notamment chez les jeunes qui sont une

proie toute indiquée compte tenu de leur fragilité. Enfin,

au coeur des interrogations sociales, il y a la place des

salariés et des organisations qui sont censées les

représenter. Il ne se passe pas un jour sans qu’un conflit

n’éclate provoquant, peurs, réticences, et recul

économique dans un pays devenu touristique donc

sensible au climat social. Les conflits provoquent quasi

instantanément des annulations de séjours. L’économie

touristique nécessite pour se développer un pays apaisé et

ordonné. De plus, les grèves quand elles ont lieu

s’éternisent. Elles engendrent de la violence et fragilisent

encore plus la société. Les négociations sont

Commande N° 55732 www.thebookedition.com

Page 86: SERVIR LA GUADELOUPE

85

généralement difficiles ce qui augmente les pertes

économiques et les accords ne sont pas toujours

respectés. Le dialogue social est encore nettement

insuffisant. Enfin, au sein des entreprises et des

organisations publiques la gestion de l’activité ne s’opère

pas toujours dans la concertation malgré les dispositions

de la législation du travail sur la participation des

salariés. La petitesse des entreprises dont un faible

nombre a plus de 50 salaries seuil à partir duquel les

comites d’entreprises sont crées dans le droit français,la

culture qui favorise la hiérarchie et valorise le chef qu’il

soit élu ou propriétaire et le caractère familial de

nombreuses entreprises constituent des obstacles au

développement de la participation. Même quand ces

institutions existent elles ont la plupart du temps des

pouvoirs consultatifs ce qui ne leur permet pas toujours

d’influer sur la marche des entreprises. Pour mettre un

terme à ces pratiques, assurer la création et le

fonctionnement régulier d’une société où tous les salariés

sont maîtres de leur entreprises et consolider la cohésion

sociale, je préconise une profonde réforme de l’entreprise

dont la ligne directrice sera la participation des salariés

.La participation est la voie de l’avenir. Elle part du

principe que les salariés ne peuvent pas être considérés

que comme des apporteurs de travail. Ils sont aussi

propriétaires des richesses créées. Ils doivent donc gérer

leurs entreprises et recevoir une part équitable de la

richesse produite. Ils souhaitent être des acteurs de leur

vie et non des pions manipulés et exploités par des

dirigeants et des élites. Cette participation nécessite que

les salariés gèrent directement ou indirectement leur

entreprise notamment les Ressources Humaines. Je

Commande N° 55732 www.thebookedition.com

Page 87: SERVIR LA GUADELOUPE

86

préconise que les délégués du personnel et les comités

d’entreprises soient installés dans toutes les entreprises

quelque soit leurs effectifs et qu’ils disposent de plus de

pouvoirs de décision au sein de l’entreprise.C’est

pourquoi, il est aussi nécessaire de favoriser le

développement du syndicalisme, car ce sont en définitive

les syndicats qui sont les mieux à même de représenter

les salariés et de les encadrer dans leur participation à la

gestion. Au cours des dix dernières années le mouvement

syndical a beaucoup évolué. Des syndicats anciennement

dominants ont disparu. D’autres se sont développés. Il

serait en particulier dangereux de les diaboliser comme

cela s’est fait dans le passé et comme certains qui

feignent d’ignorer les évolutions tentent encore

aujourd’hui de le faire. Le syndicat est un rouage

nécessaire de notre communauté au même titre que les

autres acteurs sociaux et économiques. Il serait aussi

dangereux de tenter de le marginaliser car cela

provoquerait le développement d’une violence dont on a

vu les résultats dans certains conflits récents. C’est parce

qu’il sera un acteur respecté et central qu’il développera

ce qui est positif et non le contraire. Je m’engage en tous

cas à tout mettre en oeuvre pour rétablir ou établir le

mouvement syndical dans sa fonction de défense des

intérêts des travailleurs, afin que toute la Guadeloupe

dans sa diversité reconnue et acceptée puisse se mettre au

travail pour le développement. La participation enfin est

aussi la redistribution de la richesse collective.Cette

distribution illustrée par les différents régimes

d’intéressement est aujourd’hui trop inégalitaire puisque

seules les grandes entreprises sont obligées de la mettre

en place. Sont exclues les petites entreprises (moins de

Commande N° 55732 www.thebookedition.com

Page 88: SERVIR LA GUADELOUPE

87

50 salariés) qui constituent l’essentiel des entreprises. Il y

a une Guadeloupe à deux vitesses ce qui creuse encore

plus les inégalités déjà fortes. Alors que certains salariés

bénéficient de primes liées à l’intéressement, de

distributions d’actions gratuites et de cadeaux somptueux

pour leurs enfants pendant les fêtes, d’autres qui sont les

plus nombreux parce qu’ils sont dans des petites

entreprises sont mal lotis. L’obligation de solidarité nous

impose de mettre un terme à ces processus et pratiques.

Je propose de rendre obligatoire pour toutes les

entreprises quelque soit leur effectif le système de

participation financière pour la redistribution de la

richesse et la création de Fonds régionaux mutualisés

financés par la cotisation de toutes les entreprises et dont

le produit sera réparti entre tous les salariés notamment

en matière d’oeuvres sociales. Le même souci de

participation à la gestion sera mis en place pour les

agents publics dans les administrations. La richesse est

produite par tous. Elle doit être repartie entre tous. C’est

la base de la cohésion. En tous cas, c’est de notre

capacité à résoudre les questions sociales que dépendront

la force et le dynamisme de notre société. La création

d’une société plus juste, solidaire, attentive aux

difficultés de chacun enracinée dans notre culture

constitue le chantier prioritaire du 21ième siècle. La

justice sociale sera indispensable pour l’établissement et

le maintien de la paix et de la sécurité entre les nations du

monde et à l’intérieur de chacune d’elle. Elle sera le

facteur essentiel de la cohésion sociale qui permettra

d’affronter avec succès les défis inédits de ce siècle.

C’est pourquoi je serai très attentif au social qui doit

précéder ou accompagner toutes les actions collectives. Il

Commande N° 55732 www.thebookedition.com

Page 89: SERVIR LA GUADELOUPE

88

n’y a pas de grandes et de solides communautés sans une

réelle aptitude à vivre ensemble.

Commande N° 55732 www.thebookedition.com

Page 90: SERVIR LA GUADELOUPE

89

CHAPITRE VI

LA NÉCESSAIRE MAITRISE DE L’ESPACE

L’évolution de l’occupation du territoire guadeloupéen ne

va pas sans poser de graves problèmes qui inquiètent. La

dynamique en cours, à terme, va déboucher sur la

catastrophe si des corrections ne sont pas rapidement

apportées. La GUADELOUPE ressemble de plus en plus

aux grandes mégapoles mondiales: pollutions multiples,

accumulation de déchets et nuisances augmentent

régulièrement. Le risque d’explosion et de rupture est

élevé car les moyens sont insuffisants ou très mal utilisés.

Cette situation est grave et interpelle chacun de nous. De

quoi s’agit-il ?

Tout d’abord, on a assisté à une augmentation régulière

de l’utilisation de l’automobile. 100 000 véhicules selon

les statistiques les plus récentes de l’INSEE circulent

régulièrement en Guadeloupe engendrant pollution,

accidents mortels, énervements dans les interminables

embouteillages qui ponctuent l’entrée et la sortie des

villes. La construction de nouvelles routes,

l’élargissement des anciennes, la multiplication des ponts

et giratoires, la floraison d’échangeurs de tous calibres ne

modifient pas les désagréments causés par l’automobile.

Au contraire les équipements nouveaux favorisent leur

multiplication. Chaque année, c’est en moyenne 100

guadeloupéens qui sont tués sur les routes ce qui fait de

notre pays une des régions les plus risquées du monde.

Le guadeloupéen est très attaché à sa voiture. Elle est

Commande N° 55732 www.thebookedition.com

Page 91: SERVIR LA GUADELOUPE

90

utilisée couramment pour vaquer à toutes les occupations

et notamment pour aller au travail. Les indications de

l’INSEE sont alarmantes en matière de trajet au travail.

Ce sont des milliers de guadeloupéens qui prennent

l’automobile tous les jours pour se rendre au travail dans

les bassins d’emplois et d’activités des régions de Basse-

Terre et Pointe-à-Pitre. On ne mesure pas encore la

pollution provoquée par l’excessive consommation

automobile : gaz d’échappements, épaves qui jonchent

les cours de maisons, les champs, les rivières voire les

plages. Quand les dispositifs de contrôle de la qualité de

l’air deviendront obligatoires et courants comme le laisse

à entendre la législation européenne et française, on

s’apercevra trop tard du lourd tribut payé à l’automobile.

En tous cas, il est exclu de rester inactif en face de ces

évolutions qui défigurent les paysages tout en leur

donnant une superficielle physionomie de modernité et

ont un impact sur la santé. La surconsommation

individuelle de l’automobile qui aboutit à ce que dans

chaque famille on compte au moins trois voitures, est

aggravée par la difficulté chronique et alarmante des

transports collectifs. La Guadeloupe continue de disposer

dans ce domaine d’un système hybride hérité du passé

qui a rarement donné satisfaction. En effet, par un

mécanisme curieux d’adaptation dont les départements

d’Outre-Mer ont le secret, l’Etat français a confié à une

kyrielle de transporteurs privés la gestion du transport

des voyageurs. Quand le pays vivait dans la pénurie et

était profondément marqué par sa ruralité, cette situation

ne posait guère de problèmes. La population faute de

mieux utilisait les transports publics sans se préoccuper

de la qualité du service. Aujourd’hui, l’attitude des

Commande N° 55732 www.thebookedition.com

Page 92: SERVIR LA GUADELOUPE

91

usagers a profondément changé. Ils exigent qualité et

régularité. Cependant, ni la décentralisation qui a confié à

partir de 1983 au département la gestion des transports

publics intercommunaux, ni l’amélioration du niveau de

vie qui a rendu exigeant les consommateurs ne sont

arrivés à modifier la logique du transport collectif. Même

avec des véhicules qui se sont nettement améliorés, le

service n’est pas assez performant et ne répond plus aux

attentes. Il est grevé de nombreuses tares : Non respect

des horaires et des stations et non couverture de

l’ensemble de la Guadeloupe pendant toute la semaine

sont les traits communément dénoncés avec raison. La

plupart des majorités politiques n’ont pas eu le courage

d’organiser ce secteur vital.La récente réorganisation

initiée par le Conseil général va dans le bon sens après

des années d’immobilisme. Il n’est donc pas étonnant que

devant la carence du transport collectif, on assiste à une

montée régulière de la consommation individuelle

d’automobiles. Continuer les pratiques actuelles est

dangereux. La GUADELOUPE a besoin d’une

organisation plus performante des transports afin de

diminuer la consommation individuelle d’automobiles,

permettre aux citoyens de disposer d’un service de

qualité notamment les milliers de touristes qui y

séjournent et limiter la pollution. La mise en place d’un

tel dispositif a toujours été redoutée des transporteurs

comme en témoigne la multiplication des conflits qui

paralysent régulièrement le pays. Leurs craintes

proviennent surtout des insuffisances de l’indemnisation

des transporteurs, de l’absence d’un accompagnement

social suffisant et de l’application de la loi Sapin qui

impose que les agréments administratifs alloués par

Commande N° 55732 www.thebookedition.com

Page 93: SERVIR LA GUADELOUPE

92

l’Administration à des transporteurs privés s’opèrent

dans la transparence après appel public à candidature. Ils

se plaignent aussi de l’impossibilité de vendre leur ligne

à la fin de leur activité professionnelle. Les transporteurs

affirment avec raison que depuis longtemps cette activité

est exercée par des personnes privées et selon les règles

du droit commercial. Après beaucoup d’hésitation le

conseil général a choisi onze groupements dans le cadre

d’une délégation de service public de douze ans pour

assurer en lieu et place des petits transporteurs le service

public des transports. Par rapport au passé, il ne s’agit

plus exclusivement d’une convention à risque et péril car

de nombreuses clauses prévoient des aides financières

des pouvoirs publics notamment des compensations pour

les sujétions de service public. Cependant la mise en

place effective de la nouvelle organisation a généré de

graves problèmes. Alors qu’il avait été prévu que les

associés des groupements soient des transporteurs en

activité de nombreux transporteurs se sont vus interdire

l’entrée comme associés dans un groupement ou se sont

trouvés brutalement interdire de toute activité de

transports. Ces dysfonctionnements et d’autres ont

fragilisé cette réforme .Par ailleurs j’ai lme sentiment

que la politique suivie par le conseil général ne va pas

assez loin. Nous proposons une alternative à cette

politique pour prendre en compte la volonté de mettre un

terme au tout automobile individuel .Pour les usagers le

transport public doit être gratuit. Les entreprises

recevront en contrepartie de leur service une dotation du

conseil général .Par ailleurs des mesures sociales doivent

être prises pour accompagner la profession afin qu’aucun

transporteur ne soit exclu. Nous proposons enfin la

Commande N° 55732 www.thebookedition.com

Page 94: SERVIR LA GUADELOUPE

93

création d’une société à capitaux publics pour

l’acquisition du matériel roulant qui sera ensuite loué aux

sociétés de transports. Par ailleurs il faut que les

automobilistes touristes qui sont de plus en plus

nombreux payent le coût de la dégradation de

l’environnement qui leur est imputable et celui des

équipements publics qu’ils contribuent à détruire. Certes

la fiscalité qui pèse sur eux est déjà conséquente même si

personne ne s’en aperçoit. Cependant elle demeure

modeste eu égard aux coûts précédemment énoncés. Un

nouvel impôt doit être crée, collecté par la collectivité

guadeloupéenne, qui vise à mieux faire participer les

touristes à la préservation de l’environnement. Ce

chantier en tous cas est fondamental. Il faut le mener à

son terme pour éviter la catastrophe. Le respect des

générations à venir me paraît une exigence fondamentale.

Il nous faut abandonner l’égoïsme traditionnel des

générations actuelles qui utilisent avec excès la planète

en oubliant qu’elles sont tout simplement de passage et

qu’elles sont un trait d’union, un passage obligé pour les

générations futures.La deuxième évolution qui me parait

dangereuse est le processus qui s’amplifie de mitage du

territoire. Depuis quelques années, on assiste à la

construction de routes et de maisons sur la totalité du

territoire dans des lieux souvent réservés dans le passé à

de l’activité agricole. Parfois, ces constructions se font

conformément à des plans locaux d’urbanisme ou des

schémas d’aménagement. Le plus souvent elles se font

sauvagement à la barbe des autorités publiques. La

décentralisation qui a confié la gestion du droit de

construire aux collectivités communales n’a pas arrangé

les choses. Au contraire, en raison de la dynamique

Commande N° 55732 www.thebookedition.com

Page 95: SERVIR LA GUADELOUPE

94

politicienne qui, qu’on le veuille ou non est au coeur de

la démocratie locale, les équipes municipales n’ont pas

toujours eu les moyens et le courage de s’opposer au

développement de la construction sauvage et donc au

mitage du territoire. Le mitage, outre le fait qu’il porte un

coup sévère à l’activité agricole qui au rythme où elle se

dégrade deviendra un objet de musée dans quelques

années, a provoqué l’apparition d’un espace bigarré que

les autorités ont de plus en plus de peine à administrer. Il

suffit de circuler sur les routes de notre pays pour

constater les risques, avec des automobilistes qui

débouchent de n’importe quel lieu sans le plus souvent

les précautions d’usage. La Guadeloupe tend à devenir un

espace totalement construit dans lequel la séparation

ville/campagne n’existe pratiquement plus. Nous avons

de plus en plus de peine à savoir où nous nous situons.

C’est pour toutes ces raisons qu’elle est devenue petit à

petit une ville insulaire gérée d’une manière inadaptée.

L’espace entre les villes et les campagnes s’est peuplé.

Les abords de villes sont devenus anarchiques et leur

gestion de plus en plus complexe. Les mentalités rurales

axées sur la possession de terrains et de maisons tendent

à aggraver le phénomène. Pour contrer un tel processus,

il convient de disposer d’un schéma guadeloupéen

d’aménagement qui s’impose aux plans d’occupation des

sols des communes et aux autres instruments de

planification et d’aménagement urbain. Le schéma

d’aménagement actuel va dans le bon sens en

interdisant la diminution de l’espace agricole, en

précisant les zones affectées à l’habitation et à l’activité

et en préservant un littoral fragile et menacé. Cependant

sa force juridique ne nous paraît suffisante pour limiter

Commande N° 55732 www.thebookedition.com

Page 96: SERVIR LA GUADELOUPE

95

les abus que nous avons dénoncés. Une évolution

juridique s’impose afin que le schéma d’aménagement

devienne un instrument de référence dont les

prescriptions sont sanctionnées. Ce n’est qu’à cette

condition que nous éviterons le pire. Ces

dysfonctionnements confirment en tous cas que la

réforme des institutions doit aller bien au delà d’une

simple répartition des attributions entre l’Etat francais,

l’état guadeloupéen et les Collectivités territoriales. Il

faut redessiner l’ensemble du système des compétences

guadeloupéennes. Si rapidement nous ne prenons pas à

bras-le-corps ce problème, la Guadeloupe risque de

devenir invivable. Le troisième trait qui caractérise la

géographie actuelle est l’hyper centralisation des activités

et des habitations dans l’agglomération Pointe-à-

Pitre/Abymes, Gosier, Baie-Mahault. S’y trouve selon

l’INSEE près de 80 % de l’activité économique et des

emplois. On dénombre aussi dans cette agglomération

une bonne partie des logements neufs construits et

notamment les logements sociaux. Il s’agit d’une

situation aux effets pervers. Mais, malgré les

dénonciations et les incantations sur le rééquilibrage du

territoire, le processus de centralisation continue de se

réaliser inéluctablement avec les conséquences que l’on

sait : transformation du reste de la Guadeloupe en cités

dortoirs ; intensification des trajets domicile/travail et

bien entendu mitage du territoire. Il est vrai que les

politiques mises en oeuvre ne brillent pas par leur

homogénéité. Le rééquilibrage du territoire est

accompagné d’une rationalisation de l’agglomération

Pointoise (voir la liaison port/aéroport) qui a rendu

difficile la réalisation de l’objectif initial. Par ailleurs, on

Commande N° 55732 www.thebookedition.com

Page 97: SERVIR LA GUADELOUPE

96

assiste dans cette zone à une montée inquiétante de la

délinquance, provoquée en partie par la densité du

logement social et l’exclusion d’une bonne partie de la

population. Il faut mettre un terme aux dérives actuelles

en engageant une véritable action de rééquilibrage du

territoire autour du concept de ville insulaire. En effet,

notre pays relève plus aujourd’hui des techniques de

l’aménagement urbain que de celle de l’aménagement du

territoire. Cette dernière s’applique aux grands pays où

du fait de la distance se creusent des écarts entre les

différentes parties du territoire. Mais dans un petit pays

insulaire où la population égale celle d’une ville

moyenne, et où la plus grande distance est de 100km,

l’on devrait penser l’ensemble d’une manière urbaine.

Par exemple, au lieu de multiplier les routes à plusieurs

voies, ce qui à la longue diminue le territoire agricole et

crée les conditions d’une augmentation de la dépendance

alimentaire déjà forte et à la limite insupportable, il

faudrait faire des sens interdits sur les routes nationales et

départementales, mieux utiliser le réseau actuel grâce à

une amélioration de la signalisation et utiliser les voies

maritimes et aériennes. Cela permettrait simultanément

de donner une chance aux transports collectifs et de

diminuer à terme l’emprise de l’automobile. Une telle

approche nous permettrait d’éviter bien des erreurs.

Cependant le rééquilibrage du territoire ne doit pas se

résumer dans l’arrêt de l’équipement de l’agglomération

Pointoise. On entend sur ce sujet aujourd’hui des propos

très inquiétants qui s’ils sont suivis d’effets aboutiraient à

une diminution de la compétitivité de l’ensemble.

Multiplier par exemple les ports, les zones d’activités, les

logements sociaux dans des sites où traditionnellement il

Commande N° 55732 www.thebookedition.com

Page 98: SERVIR LA GUADELOUPE

97

n’y en avait pas est une erreur. Ces investissements

accroissent le coût d’entretien et mobilisent des

ressources élevées qui auraient pu être affectées à

d’autres utilisations. Nous devons de ce point de vue

comprendre que dans un petit pays il est extrêmement

dangereux de décentraliser à tous prix les activités ce qui

entrave la réalisation des économies d’échelle et donc

une baisse des coûts. Il nous faut donc trouver un moyen

terme entre l’excessive centralisation et décentralisation.

Simultanément l’on constate une évolution anarchique de

cette agglomération qui inquiète avec raison. Les villes

qui la composent vivent le plus souvent dans l’ignorance

l’une de l’autre et initient peu d’actions pour se

rapprocher et développer ensemble ce qui ajoute aux

handicaps de notre pays. C’est pourquoi j’ai la conviction

qu’il faut construire au centre de notre archipel une

véritable agglomération qui pense d’une manière

commune et met en place des actions cohérentes. Au lieu

par exemple de multiplier des équipements collectifs

dans chacune des villes qui composent cet espace ce qui

engendre gaspillage, coûts supplémentaires et

augmentation des impôts, il faut rationaliser leur

constructions et les répartir d’une manière équitable tout

en organisant une meilleure distribution des prestations à

toute la population concernée. La situation actuelle dans

de nombreux domaines frise l’anarchie. Il n’y a pas de

système de transport organisé, ni de politique cohérente

d’implantation des entreprises qui de surcroît payent des

taxes professionnelles différentes ce qui nuit à une saine

concurrence. Ce dernier problème est de plus aggravé par

la mise en place de zones franches pour soit disant

favoriser le développement de l’activité et de l’emploi

Commande N° 55732 www.thebookedition.com

Page 99: SERVIR LA GUADELOUPE

98

dans certains quartiers alors que les zones effectives

d’activité sont situées à peine à quelques kilomètres

illustration caricaturale d’une départementalisation qui

consiste à appliquer à tous prix à une région différente et

éloignée des règles élaborées pour un continent. Il n’y a

pas enfin de schéma cohérent de développement de

l’habitat, de plan circulation pour ne citer que les

domaines où le désordre est le plus criant. En définitive

c’est toute la population qui est sacrifiée car elle ne

bénéficie pas des prestations qu’elle mérite compte tenu

du montant important d’impôts qu’elle paye. Pour

fortifier l’ensemble de notre archipel, il nous faut

rapidement engager la construction de cette

agglomération et répondre ainsi aux attentes de la

population. Les mêmes remarques méritent d’être faites

au sujet de l’agglomération Basse-terrienne. En sommes

il nous faut reconstruire toute l’armature urbaine.

Le quatrième trait est l’existence d’un certain nombre

d’îles qui font partie de l’archipel guadeloupéen et qui

pour certaines d’entre elles sont en voie de

marginalisation. En effet, à l’exception de Saint Martin et

de Saint Barthélemy qui, grâce au tourisme semblent

actuellement dans la voie d’un certain développement, les

autres îles éprouvent nettement plus de difficultés. Elles

ne semblent pas capables, pour des raisons

psychologiques, d’organisation ou de ressources

d’utiliser les activités touristiques pour prendre le relais

des activités traditionnelles défaillantes. Tel est en

particulier le cas de Marie-Galante dont la population

diminue du fait de l’émigration provoquée par la

modestie des activités économiques. La culture de la

Commande N° 55732 www.thebookedition.com

Page 100: SERVIR LA GUADELOUPE

99

canne, la production du sucre et du rhum, la pêche

artisanale qui ont fait dans le passé la richesse de notre

grande île sont confrontées comme dans d’autres parties

de notre territoire à de graves problèmes qui ne trouvent

pas toujours de solutions satisfaisantes. Bien entendu le

tourisme est considéré par beaucoup, avec plus ou moins

de détermination comme une activité qui pourrait

relancer une croissance économique défaillante et faire

revenir une population qui souhaite s’installer dans son

pays d’origine. Mais malgré tous les efforts, la greffe

s’opère avec difficulté. A cela, plusieurs raisons : d’une

part l’absence d’une stratégie touristique cohérente et

précise. Les responsables n’arrivent pas à choisir entre le

modèle de GUADELOUPE qui est plutôt fondé sur un

tourisme de masse et le modèle de Saint Barthélemy qui

est plutôt un tourisme de luxe. D’autre part, personne

n’est véritablement convaincu par le caractère positif de

cette activité. En tous cas, tout le monde pense tout bas

que le tourisme va provoquer des fissures dans une

culture et une manière de vivre auxquelles toute la

population est attachée. Il serait dommage de ce point de

vue que l’on assiste à une ruée quotidienne de milliers de

gens sur toutes les routes de Marie Galante avec toutes

les conséquences qu’elle provoquera et notamment les

retombées négatives comme la pollution et la spéculation

foncière qui ont déjà commencé. Marie-Galante comme

toutes les autres îles de l’archipel confrontées aux mêmes

difficultés doit se développer en gardant son âme. Trop

de communautés se sont littéralement désintégrées en

faisant n’importe quoi pour prendre le train du tout

tourisme. Plus la population est faible et plus il faut

manier avec précaution le modèle de développement qui

Commande N° 55732 www.thebookedition.com

Page 101: SERVIR LA GUADELOUPE

100

s’appuie exclusivement sur le tourisme. Il vaut mieux

dans le monde étrange dans lequel nous gravitons garder

notre âme au lieu de la troquer contre une abondance en

trompe l’œil qui en définitive n’apporte rien de décisif.

C’est la raison pour laquelle, Marie-Galante, Désirade,

les Saintes doivent pour compenser leur éloignement et

leur difficulté, recevoir une dotation spécifique de

fonctionnement afin de préserver une agriculture et une

pêche qui participent à l’équilibre de leur communauté.

Au tourisme de masse et au tourisme de luxe, il faut

préférer un tourisme différent et un mode de

développement enraciné dans leur réalité, respectueuse

de leur personnalité et susceptible de mobiliser l’épargne

locale. Il nous faut insister sur le fait que l’aménagement

de notre espace est devenu le défi essentiel de notre

société. L’augmentation régulière de la population et

l’amélioration du niveau de vie, imposent que l’on traite

plus sérieusement les problèmes d’aujourd’hui. Une

nouvelle approche s’impose donc qui passe par une

nouvelle économie de l’espace dont l’objectif essentiel

est sa préservation et une organisation plus rationnelle. Il

faut impérativement développer une nouvelle philosophie

de l’espace si nous ne voulons pas, que dans l’avenir, la

Guadeloupe ne soit plus capable d’offrir à sa population

un cadre de vie agréable et convivial.

Commande N° 55732 www.thebookedition.com

Page 102: SERVIR LA GUADELOUPE

101

CHAPITRE VII

UN PACTE POUR LA SECURITÉ

Depuis quelques années l’insécurité ne cesse de

progresser dans notre pays et notamment dans ses parties

les plus urbanisées engendrant peurs et blocages de toute

nature. Cette insécurité dont les formes ont sensiblement

changé nous interpelle en raison de ses conséquences

économiques sociales et culturelles. Elle déstabilise notre

économie fondée de plus en plus sur le tourisme. Cette

activité en effet exige pour se développer une grande

sécurité. Les touristes fuient comme la peste toutes les

régions où règne l’insécurité. Maintenir une stricte

sécurité doit être la préoccupation majeure des pouvoirs

publics. Loisir et insécurité ne font pas bon ménage.

L’insécurité fragilise une société déjà déstabilisée par

l’apparition des phénomènes sociaux inédits. En

particulier elle tend à diminuer la conscience de l’Etat de

droit essentielle dans une démocratie moderne et

provoque de la part des acteurs sociaux des

comportements d’autodéfense illustrés par l’utilisation

régulière de vigiles pour faire respecter l’ordre devant la

carence des pouvoirs publics. Enfin l’Etat français en

charge de la sécurité dans notre pays n’a pas réussi à

mettre un terme à un phénomène particulièrement

dangereux pour notre cohésion sociale et notre

développement économique et social. L’échec de la

France est la conséquence de plusieurs facteurs sur

lesquels il convient de s’appesantir pour élaborer un bon

Commande N° 55732 www.thebookedition.com

Page 103: SERVIR LA GUADELOUPE

102

diagnostic et trouver une solution sérieuse au mal de

l’insécurité. Dans le système qui nous régit aujourd’hui

c’est en principe l’Etat français qui a en charge la

sécurité. Il s’agit d’un des principes de base de

l’organisation «politico-administrative» de la France qui

réserve à l’Etat la plupart des attributions dites de

souveraineté. Cependant dans la pratique ce pouvoir est

partagé avec d’autres autorités et notamment les

communes qui de tous temps ont disposé d’un pouvoir de

police non négligeable notamment dans celles où il

n’existe pas de police d’Etat. Pour exercer leurs

attributions elles ont mis en place des forces de police

dont l’efficacité laisse à désirer en raison de l’évolution

de notre société, de la modification des formes

d’insécurité et d’une réglementation qui les cantonne

souvent dans des tâches subalternes. Il n’en reste pas

moins vrai que l’existence de ces deux polices engendre

des relations conflictuelles qui diminue l’efficacité de la

police dans sa lutte contre l’insécurité. A ceci il convient

d’ajouter le statut particulier de la gendarmerie qui a

longtemps été rattachée au ministère de la défense et qui

est implantée dans des zones où il n’y a pas de forces de

police nationale. La guerre des polices popularisée par

des romans policiers n’est pas un vain mot. En tous cas

au moment où l’on se plaint de la modestie des effectifs,

l’implantation générale de toutes les forces de police sur

l’ensemble de l’espace guadeloupéen laisse à désirer. Des

zones à hauts risques en raison de l’augmentation des

populations ou de la multiplication des trafics de toutes

natures n’ont pas assez d’effectifs pour faire face aux

différents problèmes posés. Par ailleurs, les

comportements et les pratiques des forces de police

Commande N° 55732 www.thebookedition.com

Page 104: SERVIR LA GUADELOUPE

103

laissent à désirer et à tout le moins ne sont plus adaptés

aux demandes des citoyens. Par exemple souvent en cas

d’agression les victimes sont mal reçues dans des

commissariats bondés dont l’architecture laisse à désirer.

La notion de service à la population en quoi se résument

leurs missions, a de la peine à s’imposer. La police se

considère le plus souvent comme une force de répression

et non comme une force de prévention et de service. Ce

comportement s’impose d’autant plus que la sécurité et

l’insécurité ont beaucoup changé. Ces notions qui

paraissent simples et avaient engendré un certain type de

police ont changé. Dans le passé à part les actes mineurs

d’incivilité qui existent dans toute société, la principale

cause d’insécurité était le vol et les différents de

voisinage. On volait pour tenter d’avoir quelque argent

qui servait à vivre. Dans notre pays insulaire et

relativement petit ces phénomènes étaient rares car la

physionomie des lieux engendrait un fort contrôle social

accentué par la ruralité. Aujourd’hui, notre pays est

devenu une ville insulaire ouverte sur l’extérieur où les

trafics de toutes sortes se sont développés. Il faut en

particulier citer le trafic de drogue dont la région Caraïbe

est devenue une plaque tournante investie par les mafias

de toute origine. L’économie de la drogue qui s’est

installée dans le monde a de nombreuses composantes

qui alimentent l’insécurité. Beaucoup de vols et d’actes

de violence sont actuellement le fait d’individus qui ont

besoin de se fournir en drogue pour ne pas sombrer dans

la déchéance. C’est en effet une des méthodes utilisées

par les trafiquants pour pérenniser cette activité que de

faire des intermédiaires des consommateurs. Ces

phénomènes imposent une action particulière que les

Commande N° 55732 www.thebookedition.com

Page 105: SERVIR LA GUADELOUPE

104

forces de police n’exercent pas toujours. A cette donnée

de base et essentielle il convient d’ajouter le

développement d’une corruption généralisée qui

démobilise. Pendant longtemps les délinquants ont

appartenu du moins en apparence aux classes les moins

bien loties de la société. C’est parce que l’on était pauvre

et sans avenir que l’on sombrait dans la délinquance. Les

classes supérieures ont en tous cas pendant longtemps

imposé cette conception. Depuis quelques années sous la

direction d’une justice qui elle aussi s’est transformée en

devenant plus indépendante du pouvoir politique, de

nouveaux cas de délinquance sont apparus touchant en

particulier les classes moyennes et supérieures. La

délinquance à col blanc basée sur la corruption s’est

considérablement développée. Ce dernier phénomène a

particulièrement impressionné quand il s’agissait

d’hommes politiques. Bien entendu cela ne veut pas dire

que la classe politique n’a pas dans le passé utilisé la

corruption. En fait compte tenu de la centralisation du

pouvoir politique à Paris il a été plus facile de masquer ce

phénomène qui n’apparaissait que de temps en temps. Par

contre avec la décentralisation les pouvoirs locaux ont

disposé de plus de ressources et de pouvoirs ce qui a

favorisé dans de nombreuses régions ces formes de

corruption. C’est pourquoi certains n’ont pas hésité à

rendre la décentralisation responsable de la dégradation

de la moralité publique qui en est résultée. Cette position

bien entendu n’est pas la mienne. Elle ne peut être

défendue que par ceux qui défendent le jacobinisme. En

fait, d’autres raisons permettent d’expliquer cette

situation.La mise en place dans les régions, les

départements et les communes d’un véritable pouvoir n’a

Commande N° 55732 www.thebookedition.com

Page 106: SERVIR LA GUADELOUPE

105

pas été accompagnée par la création de mécanismes

démocratiques .Les exécutifs de ces nouvelles

collectivités disposent de pouvoirs colossaux non

contrôlés ni par le Préfet qui a une mission de contrôle de

la légalité ni par les chambres régionales des comptes.

Cette situation est encore plus grave en Guadeloupe où

un espèce d’état a été littérallement créé fonctionnant

avec des règles de collectivités locales. Les dérives sont

donc normales .Par ailleurs, il n’y a plus d’exemplarité

dans notre société. Celles et ceux qui en étaient les

gardiens et les symboles sont aussi devenus des

délinquants dénoncés et pointés du doigt par le biais des

médias. Quand un dirigeant est condamné c’est toute une

société en définitive qui l’est aussi. Beaucoup et

notamment les jeunes générations utilisent cette situation

pour justifier leur propre délinquance. Comme il n’y a

plus d’exemple dans la société et de modèle dominant, on

peut donc commettre n’importe qu’elle incivilité. Ces

comportements se sont développés d’autant plus

rapidement que la précarité est devenue un des

phénomènes de base de notre société. La difficulté à

s’insérer professionnellement, la faiblesse relative des

rémunérations notamment au regard de la société de

consommation qui fait miroiter des milliers de biens et

fait dépendre notre bonheur de notre propension à

consommer incitent beaucoup à penser qu’il vaut mieux

être délinquant et notamment trafiquant pour vivre

décemment. Nous ne serions pas complets si nous n’y

ajoutions pas les contraintes budgétaires qui

conditionnent dans une certaine mesure l’action de la

justice. En effet compte tenu de la relative faiblesse des

ressources et d’une modification de la politique

Commande N° 55732 www.thebookedition.com

Page 107: SERVIR LA GUADELOUPE

106

pénitentiaire qui ne considère plus l’emprisonnement

comme la solution unique de sanction des crimes et

délits, trop souvent des délinquants véritables ne sont pas

enfermés. Les finesses de la procédure, la difficulté à

trouver un équilibre entre la défense de la société, le droit

desvictimes et le respect des droits individuels des

délinquants ont engendré toutes sortes de dérives que

nos compatriotes ne comprennent pas toujours et qu’ils

considèrent comme un manque de détermination de

l’administration en charge de la sécurité. L’incapacité de

la police à faire face au phénomène nouveau d’insécurité

est illustrée par les contradictions des politiques de

prévention de la délinquance. Avec raison depuis

quelques années les pouvoirs publics ont pris conscience

de cette insécurité et ont tenté de développer cette

prévention. Ils l’ont fait en modernisant la police et en

mettant en place une politique de la ville dont c’est l’une

des priorités. La politique de la ville est une méthode

d’association de l’Etat et des communes notamment dans

les zones dégradées et à fort taux de violence et de

délinquance. Bien entendu comme il s’agit d’une mesure

nationale, elle est appliquée dans notre pays selon la

méthode traditionnelle c’est-à-dire sans tenir compte de

nos spécificités. L’erreur faite dans d’autres domaines

s’opère aussi dans le domaine de la sécurité. Cette

politique particulière s’est caractérisée par la mise en

place dans les communes et au niveau départemental de

commissions de préventions de la délinquance dont les

moyens sont demeurés modestes malgré l’augmentation

des crédits. Ces commissions sont une des composantes

essentielles des contrats de ville signés qu’avec certaines

commune de notre pays (Abymes, Basse-Terre, Saint

Commande N° 55732 www.thebookedition.com

Page 108: SERVIR LA GUADELOUPE

107

Martin, Gosier, Pointe-à-Pitre).Bien qu’utilisant des

techniques nouvelles et développant des objectifs

novateurs (consolidation du lieu social, recréer de

nouvelles formes de socialisation, mobilisation des

jeunes autour du sport et de la culture, lutte contre la

drogue et la dépendance, développement d’une

méthodologie de résolutions des conflits) la politique de

prévention de la délinquance n’a pas donné de résultats

satisfaisants. La multiplicité des procédures, les

difficultés d’une réelle coordination, le statut du préfet

qui n’est qu’un haut fonctionnaire qui ne fait que passer,

sont selon nous les facteurs de l’échec actuel. Il devient

de plus en plus urgent de revivifier les politiques de

prévention de la délinquance. Cependant au delà de

toutes les explications ce qui nous parait fondamental

c’est le manque de confiance entre le peuple et la police.

C’est quand la police est effectivement l’expression du

peuple qu’elle est la plus efficace quelque soit la nature

de l’insécurité et de la délinquance. De tous temps dans

notre pays il y a eu une scission entre le peuple et la

police. Pendant longtemps et encore aujourd’hui la police

était considérée comme étrangère et instrument d’une

répression contre le peuple de notre pays. L’histoire

fourmille de ses atrocités.Ce sont donc les conditions de

formation de notre société qui ont crée cet état de fait. La

police servait avant tout à défendre l’ordre politique et

social colonial d’où son utilisation comme instrument de

défense, des intérêts du patronat dans les conflits sociaux

et de la présence française. Cette tare est restée même

quand les policiers d’origine française ont été remplacés

par des policiers antillais qui ont fait leurs classes dans

les grandes villes de la France. C’est pourquoi même

Commande N° 55732 www.thebookedition.com

Page 109: SERVIR LA GUADELOUPE

108

quand son action est juste, elle est prise à parti par ceux

la même qui exigent son intervention. Le maintien de la

sécurité comme attribution de l’Etat français pose

problème et nécessite des modifications. Si nous voulons

que la police soit la véritable expression du peuple de

notre pays faudrait-il encore qu’elle soit effectivement

dirigée politiquement par notre représentation politique.

Cette question est d’autant plus d’actualité que nous

avons l’impression que l’Etat francais n’a plus

aujourd’hui cette détermination nécessaire pour

combattre l’insécurité. L’Etat dans notre pays en effet est

dans une situation ambiguë. Il doit à la fois administrer et

justifier sa présence politique. Ce n’est pas le cas dans

l’hexagone où sa présence politique ne pose pas de

problème. C’est la raison pour laquelle au moment des

interventions elle craint toujours de toucher au

compromis fragile obtenu politiquement. C’est pourquoi

nous disons que l’on ne peut pas appréhender les

problèmes d’insécurité et de délinquance sans tenir

compte de la dimension politique. Insécurité et sécurité

sont avant tout des problèmes politiques qui ne peuvent

être résolus que politiquement. Affirmer le contraire ou

faire semblant dans le quotidien de ne pas tenir compte

de cette donnée essentielle ne peut aboutir qu’à des

catastrophes. C’est précisément le cas aujourd’hui. C’est

parce que l’insécurité et la délinquance ne sont pas

traitées politiquement qu’elles perdurent au delà de

l’acceptable. Nous préconisons une nouvelle politique

pour faire reculer l’insécurité et ramener enfin la quiétude

dans notre pays. Il s’agit de la priorité des priorités car

c’est en définitive la sécurité qui conditionne le retour de

la confiance pierre angulaire de la politique de

Commande N° 55732 www.thebookedition.com

Page 110: SERVIR LA GUADELOUPE

109

développement. La première caractéristique de cette

nouvelle politique est institutionnelle. Au contraire de ce

que l’on pense et des jugements trop souvent ressassés

sur la peur du blanc ou l’incapacité du noir à respecter le

noir, la sécurité doit être l’une des attributions que nous

voulons pour notre pays. Nous estimons qu’il s’agit de

l’unique moyen dont nous disposons pour mettre la

police au service du peuple et sous le contrôle bien

entendu de la justice comme le veut toute démocratie qui

se respecte. Cette nouvelle donne institutionnelle nous

permettra d’unifier les forces de police et donc

d’abandonner la multiplicité des pouvoirs actuels qui

diminue l’efficacité de l’action policière. Nous pensons à

cet égard que dans notre ville insulaire, les communes

qui de toute façon sont trop petites n’ont pas à avoir

d’attributions particulières en matière de police à

l’exception bien entendu de la police administrative. Cela

permettra de mieux positionner les forces de police sur le

territoire tout en les rendant plus mobiles. Dans un petit

pays, multiplier les implantations n’est pas toujours

efficace et coûte généralement très cher. La mobilité et la

présence doivent être la règle afin de rassurer le citoyen.

C’est en effet la présence permanente qui dissuade les

apprentis délinquants. La deuxième caractéristique de

cette nouvelle politique consiste à augmenter

sensiblement les effectifs de police. Les policiers ne sont

pas assez nombreux aujourd’hui. Bien entendu

l’augmentation des effectifs ne doit pas rendre encore

plus onéreux le prix de l’Administration qui est déjà

élevé. Il faut simplement diminuer le nombre de

fonctionnaires dans les secteurs où ils ne sont pas

indispensables soit parce que le privé exerce cette tâche

Commande N° 55732 www.thebookedition.com

Page 111: SERVIR LA GUADELOUPE

110

soit en raison d’une faible productivité engendrée par un

effectif pléthorique. Afin de les rendre plus performants

c’est à dire plus attentifs aux demandes effectives de la

population il est souhaitable de les former aux nouvelles

tâches tout en faisant de la qualité de leur service un

objectif prioritaire. C’est dire que les budgets alloués

doivent nécessairement augmenter. La troisième

caractéristique de cette politique est la répression. Qu’on

le veuille ou non la délinquance ne reculera que dans la

mesure où la sanction sera forte. Trop souvent les forces

de police ne se font pas respecter. Elles donnent

l’impression d’avoir peur. Certes nous ne leur

demandons pas d’être des cow-boys et des excitées. Elles

ont le monopole de la force et nous leur demandons de

l’utiliser avec toute la dextérité nécessaire. A cet égard il

faudrait améliorer la concertation avec la justice. Voir

quelques jours après dans les rues se promenant comme

des honnêtes gens des individus interpellés et coupables

renforcent l’idée que les délinquants sont impunis et

intouchables. Il convient donc d’augmenter les places

dans les établissements pénitentiaires afin d’y caser tous

ceux qui ont pêché. Il faut aussi informer la population.

Celle-ci n’a que des renseignements épars sur les

résultats de la police. Celle-ci devrait régulièrement

informer pour faire connaître ceux qui ont fauté et les

circonstances de leurs forfaits. Cette démarche sera

particulièrement efficace compte tenu de notre petitesse

et de notre insularité, car elle solidifiera le contrôle

social. Un délinquant qui se sait connu de ses parents et

de ses voisins a une plus faible propension à récidiver. La

police quand elle est l’expression de la demande de

l’ensemble des citoyens aura toujours la confiance des

Commande N° 55732 www.thebookedition.com

Page 112: SERVIR LA GUADELOUPE

111

citoyens. La quatrième caractéristique de cette politique

que nous souhaitons pour le pays est la prévention.

Mieux vaut prévenir que guérir dit depuis très longtemps

la sagesse des peuples. Aujourd’hui malgré les efforts

accomplis la prévention reste un mot et est loin d’être

une réalité. Les commissions départementales et

communales de prévention de la délinquance

fonctionnent irrégulièrement. Composées d’une

multitude d’acteurs, elles ont de la peine à intervenir.

L’îlotage de son côté qui demeure l’une des meilleures

techniques de prévention éprouve beaucoup de difficultés

pour prendre de l’ampleur et se généraliser. La présence

permanente de la police qui seule est capable de limiter le

développement des actes d’incivilité est faible. Les

effectifs affectés à ces tâches ne sont pas assez fournis

pour parer à ce développement de la petite délinquance.

Nous préconisons donc de développer cette police de

prévention et de proximité. Pour ce faire il faut

augmenter et repositionner les forces de police sur

l’ensemble de notre territoire. Avec une police

dynamisée, repositionnée et ayant la confiance de la

population nous sommes persuadés que nous pourrons

limiter voire supprimer l’insécurité afin que notre pays

redevienne un hâvre de paix et de convivialité. Ce retour

de la sécurité est particulièrement indispensable parce

qu’en définitive il s’agit de la composante centrale du

retour à la confiance qui va déterminer un meilleur

développement économique et social. C’est pourquoi je

mettrai tout en oeuvre pour que la police soit le bras armé

des citoyens contre cette insécurité ce qui suppose tisser

et développer des liens de confiance entre le peuple et sa

police.

Commande N° 55732 www.thebookedition.com

Page 113: SERVIR LA GUADELOUPE

112

CHAPITRE VIII

LE PARTENARIAT AVEC L’EUROPE

Depuis le traité de Rome de 1957 nous sommes partie

intégrante de la communauté européenne. Nous le

sommes parce que nous sommes département français, la

France étant un partenaire actif de cette organisation

politico-économique originale quand on la compare à

d’autres visant les mêmes objectifs. Dans le cas contraire

nous ne l’aurions pas été car tout nous éloigne de

l’Europe et notamment la géographie et la géopolitique.

Nous sommes en effet dans une zone dominée depuis très

longtemps par les Etats Unis sur la base de principes

énoncés par MONROE depuis le 19ième siècle :

l’Amérique aux américains. C’est pourquoi d’ailleurs

nous sommes regardés avec ambivalence dans la région

à la fois rejetée et enviée parce que nous ne subissons pas

comme nos voisins immédiats la présence quotidienne

des Etats Unis. Compte tenu du pouvoir de la seule

grande puissance mondiale, c‘est incontestablement un

avantage qui devrait préfigurer notre action future :

rechercher au loin des alliés quand le voisin est hyper

puissant. L’Europe qui était au départ une simple zone de

libre échange tend aujourd’hui à devenir soit une

Confédération, soit une Fédération malgré les

nombreuses réticences des jacobins notamment français

Commande N° 55732 www.thebookedition.com

Page 114: SERVIR LA GUADELOUPE

113

qui voient avec terreur l’Etat Français se dissoudre avec

la montée des pouvoirs de Bruxelles. Le choix d’une

monnaie unique depuis le premier janvier 1999 a

accéléré le processus d’unification politique. Désormais

les attributs de la politique monétaire noyau dur des

missions de souveraineté de l’Etat ont été transférés à une

Banque Centrale Européenne basée en Allemagne pour

bien montrer aux français que les orientations, la

démarche et les procédures de la politique monétaire

européenne seront plutôt allemands confirmant ainsi une

certaine main mise de l’Allemagne sur la construction

européenne. Ainsi les taux d’intérêt, le contenu de la

politique monétaire et le volume de la masse monétaire,

indispensable à maîtriser dans le cadre d’une politique de

développement dynamique dépendent dorénavant des

décisions de cette Banque Centrale très éloignée de notre

pays et de ses préoccupations. L’avantage économique

que confère ce type de zone notamment pour obtenir plus

facilement des capitaux bon marché risque d’être

fortement diminué par l’éloignement et surtout la

différence de cycle économique. La Guadeloupe est un

petit pays en voie de développement économique tandis

que la plupart des pays européens sont développés. On

n’utilise pas les mêmes instruments monétaires pour

réguler le développement et favoriser le décollage

économique. Même la France, malgré sa folie

"assimilationiste" a toujours maintenu un Institut

d’Emission propre aux régions éloignées afin de mettre

en place une politique monétaire adaptée. Il est dommage

cependant que cette politique ait été conduite

exclusivement par l’Etat français sans participation des

collectivités guadeloupéennes. Il est aussi dommage

Commande N° 55732 www.thebookedition.com

Page 115: SERVIR LA GUADELOUPE

114

qu’au moment de l’introduction de l’euro il n’y ait pas eu

de débat dans notre pays et à partir de données qui nous

sont propres pour évaluer le bien fondé ou pas d’une

décision de cette nature. Les Guadeloupéens ont été mis

devant le fait accompli. Pour les français les affaires

monétaires sont de leur compétence et les guadeloupéens

n’ont pas à en connaître . L’absence de réactions

politiques en guadeloupe confirme ce point de vue des

décideurs français. En réalité, les contraintes imposées

par l’Union Européenne ne cessent de croître. Elles

augmentent avec l’intensification de l’unification

européenne. Une législation de plus en plus lourde,

pointilleuse et tatillonne nous est imposée rendant encore

plus rigide une administration dont la souplesse et la

fluidité ne sont pas des caractéristiques les plus

courantes. Ceci veut dire que nous serons de plus en plus

administrés par Bruxelles c’est-à-dire exclusivement par

des fonctionnaires sur qui les Autorités françaises comme

elles le font déjà se débarrasseront de territoires et de

problèmes minuscules, particuliers et compliqués au

regard de leurs priorités européennes. Nul doute que

rapidement apparaîtrons, mépris et incompréhension en

face de comportements locaux qu’on ne comprendra pas

et volonté d’encadrer et de régenter. C’est déjà le cas

aujourd’hui avec Bruxelles et Paris qui s’est toujours

refusé à confier directement aux institutions

guadeloupéennes la mission d’utiliser librement les fonds

européens. Ces derniers en effet ne sont mobilisés que

dans le cadre de procédures contrôlées étroitement par

l’Etat Français. Il est vrai et nous devons tous le savoir,

que ceux qui donnent de l’argent estiment toujours que

les bénéficiaires le gaspillent. La vie est ainsi faite. C’est

Commande N° 55732 www.thebookedition.com

Page 116: SERVIR LA GUADELOUPE

115

pourquoi il nous faut mettre tout en oeuvre dans l’avenir

pour diminuer voire supprimer notre dépendance

financière. C’est la condition pour que nous puissions

agir comme nous l’entendons et avec le souci de la

défense de nos intérêts. Ces différentes données nous

amènent à nous méfier de l’Europe, même si des

évolutions notables souhaitées depuis longtemps se sont

faites au cours des dix dernières années. D’une part, nous

bénéficions aujourd’hui de tous les fonds européens et les

subventions que nous recevons nous sont allouées parce

que nous sommes éligibles à l’objectif 1 c’est-à-dire

régions en retard de développement qui doivent atteindre

le niveau de développement moyen de l’Europe.

Cependant les montants alloués sont nettement moins

importants que ce que l’ont dit. Le financement de

l’Europe par la France est opaque et connu que par une

poignée de hauts fonctionnaires qui se gardent bien

d’informer. En réalité, chaque Français et donc chaque

Guadeloupéen verse une contribution annuelle pour le

fonctionnement de l’Union car ce financement se fait sur

la base d’une ponction opérée sur les recettes globales du

budget auquel on ajoute quelques droits de douane. Par

ailleurs la France est un contributeur net c’est-à-dire

qu’elle donne plus à l’Europe qu’elle n’en reçoit. Grosso

modo, nous recevons autant que nous payons si l’on

raisonne strictement en termes financiers. Ce n’est pas le

cas de l’Espagne, du Portugal et de l’Irlande qui

reçoivent plus de l’Europe. Les sommes allouées par

l’Europe auraient pu être données directement à notre

pays sans intermédiaire par la France. Il n’en est rien.

Les Autorités françaises utilisent nos régions pour

récupérer une bonne partie de sa contribution. Son mode

Commande N° 55732 www.thebookedition.com

Page 117: SERVIR LA GUADELOUPE

116

de reversement des subventions européennes qui

transitent par le Ministère de finances montre bien sa

volonté de contrôler tous les flux financiers en

provenance de l’Europe. Par ailleurs la politique de

l’Union Européenne pour promouvoir la convergence

économique n’est pas applicable dans notre pays alors

qu’il s’agit d’une des caractérisqtiques importantes de

cette union. Les autres zones économiques et monétaires

ne bénéficient pas des mêmes mécanismes. Dans la

Caraïbe par exemple qui se trouve de facto dans la zone

dollar c’est le Fond monétaire international qui intervient

mais au coup par coup et sans avoir l’objectif d’unifier

ou d’harmoniser en termes de développement

économique et social. La question fondamentale qui se

pose à nous aujourd’hui n’est pas comme trop souvent on

l’entend de savoir qu’elle sera le volume des aides

européennes. Elle est plutôt de savoir quelles sont les

chances de la convergence économique. En d’autres

termes les fonds européens vont-ils favoriser ou bloquer

la convergence économique et sociale souhaitée. Si l’on

se réfère au passé la réponse est négative. Les capitaux

européens ajoutés aux capitaux français et

guadeloupéens n’ont toujours pas favorisé le rattrapage

économique puisque notre pays est encore la dernière

région d’Europe en termes de développement

économique. Beaucoup pensent à tort selon nous que cela

est dû à la relative faiblesse des fonds européens. S’il y

en avait plus le développement serait plus rapide et plus

conséquent affirment-ils. Les adeptes de l’économie

administrative et notamment la classe politique qui dirige

au quotidien les collectivités territoriales raisonnent

souvent de cette manière. Pour notre part nous pensons

Commande N° 55732 www.thebookedition.com

Page 118: SERVIR LA GUADELOUPE

117

que l’avenir ne sera pas différent quel que soit le volume

des fonds européens distribués. Notre pays sera encore de

toute évidence une région en retard de développement

économique même si les coûts de l’homme sont financés

et que les équipements publics se multiplient. En fait, il

y a un blocage de la convergence économique qui ne va

pas sans rappeler celui que nous subissons depuis de

longues années au sein de l’espace économique français.

En effet, les politiques européennes pour lutter contre

l’inégal développement mettent plutôt l’accent sur

l’allocation aux régions retardataires de subventions

d’équipement et d’exploitation pour faire vivre à tous

prix des secteurs irrémédiablement condamnés et non sur

des mesures réglementaires qui pourraient remettre en

question les grands principes economiques de l’Union.

Eriger par exemple des barrières douanières pour

protéger notre fragile et nouvelle production, aider les

entreprises à se développer avec des fonds publics,

commercer librement avec les pays dont les produits

sont meilleur marché sans les contraintes du tarif

extérieur commun érigé par l’Europe pour se protéger

contre les pays tiers, avoir une fiscalité allégée sur

l’épargne, limiter la libre circulation des personnes et des

capitaux sont des mesures indispensables et

probablement moins coûteuses pour amorcer un véritable

et durable développement économique . En effet, compte

tenu de notre forte propension à importer, les subventions

européennes comme celles de l’Etat français ont eu et

continueront à avoir un très faible impact. Elles ne visent

pas la croissance de notre production, mais le

financement d’équipements publics dont l’impact

économique est faible et conjoncturel. L’excès

Commande N° 55732 www.thebookedition.com

Page 119: SERVIR LA GUADELOUPE

118

d’infrastructures est dangereux. Certes, il est plus facile

de creuser un port, de construire un hôpital que d’assurer

la marche d’une usine ou d’accroître la production

agricole .On ne risque pas un échec flagrant car on peut

toujours prétendre qu’un port sans grande activité a été

réalisé pour faciliter le développement futur, tandis

qu’une usine qui ne fonctionne pas apparaît

inévitablement comme un gaspillage. Les infrastructures

de plus frappent l’imagination du peuple et constituent un

excellent moyen de propagande. Elles entraînent aussi

des tensions inflationnistes : la distribution de revenus

aux entreprises et aux salariés augmente la

consommation sans qu’y réponde un accroissement des

biens offert sur le marché. Enfin, lorsque l’on construit

des routes, des ports et d’autres équipements il faut

penser à leur coût d’exploitation qui est souvent

considérable et ampute durement les ressources

financières. Il reste que la Guadeloupe n’a pas pris le

chemin de l’Irlande qui est devenue un territoire

développé avec les subventions européennes. Pour

qu’une intégration à une union économique soit

bénéfique, il faut des conditions particulières et

notamment l’existence d’un appareil productif ancien

déjà rodé à la concurrence, la proximité d’un marché

porteur et une culture d’entreprendre. Faire croire qu’un

petit pays insulaire, éloigné de l’Europe et sous-

développé pourra atteindre le carré magique à savoir :

croissance maximum, plein emploi, faible inflation et

équilibre externe avec les ingrédients du libéralisme est

inadmissible car tout simplement faux. C’est pourquoi

l’impact des capitaux européens sur l’économie est

nettement plus modeste que le volume de fonds alloués.

Commande N° 55732 www.thebookedition.com

Page 120: SERVIR LA GUADELOUPE

119

Il nous faut être dorénavant conscient de cet état de fait si

nous ne souhaitons pas perdre du temps comme par le

passé. Les fonds européens doivent pour être efficace être

utilisés selon des mécanismes et des formes

fondamentalement différents de ceux auxquels nous

sommes habitués. Par ailleurs la reconnaissance depuis le

traité d’Amsterdam dont les dispositions ont été

simplement reprises par le traité constitutionnel de Rome

d’octobre 2004 de notre spécificité est trop étriquée pour

modifier les logiques économiques en cours. Depuis

plusieurs années nos revendications pour faire

reconnaître cette spécificité n’ont pas cessé. Cette

reconnaissance nous paraissait importante compte tenu

des risques que l’intégration européenne faisait peser sur

notre économie et notre société notamment par

l’apparition et le développement d’une concurrence que

nous avions du mal à encadrer ou à contrôler. Un cadre

réglementaire a donc été mis en place pour construire

enfin ce droit dérivé qui nous soit propre au sein de

l’Union Européenne. Dans de nombreux domaines en

effet, relations commerciales, concurrence, fiscalité,

aides aux entreprises et aux importations de matières

premières des dispositions particulières peuvent être

élaborées. Cette nouvelle dynamique est naturellement la

bienvenue dans la mesure où pour la première fois les

autorités européennes estiment que pour combattre le

sous-développement et l’inégal développement il faut à la

fois des capitaux (fonds structurels) et des mesures

économiques particulières qui remettent en question la

logique de l’Unification Européenne. En effet l’ouverture

complète de notre marché favorise dans notre pays le

développement des activités commerciales et étouffe les

Commande N° 55732 www.thebookedition.com

Page 121: SERVIR LA GUADELOUPE

120

velléités de production guadeloupéenne. Compte tenu de

l’existence d’une demande interne relativement forte, une

protection de notre marché même minime s’impose. On a

rarement vu dans le passé, des pays se développer quand

leurs entreprises sont en but en permanence à de la

concurrence externe inégale. Pour donner une réelle

chance à nos chefs d’entreprises qui sont actuellement

découragés par le laisser faire actuel, il faut les aider à

faire face à la concurrence en les protégeant tout en étant

attentif aux dérives possibles. Il en va de même dans le

domaine de la fiscalité. La tendance à l’harmonisation

fiscale qui existe au sein de l’Union n’est pas positive

pour notre pays. Un pays en voie de développement doit

disposer d’une fiscalité allégée afin que les acteurs

économiques puissent oser et prendre les risques

qu’impose le développement de l’économie. Une des

aberrations de notre situation est l’existence d’une

fiscalité identique à celle qui existe dans des pays

développés. Là aussi il faut comme je l’ai déjà dit

engager une profonde réforme de la fiscalité dans notre

pays. Enfin en matière d’aides publiques aux entreprises

les règles européennes strictes relatives à la concurrence

qui interdisent d’apporter un soutien public et général

aux entreprises sont dangereuses. Au contraire compte

tenu du sous-développement et de la petitesse de nos

entreprises des aides publiques sont indispensables pour

leur permettre d’affronter avec succès les défis qui se

profilent à l’horizon. Cependant et malheureusement les

mesures qui doivent être prises dans ce cadre ne doivent

pas remettre en question l’ordre juridique de l’Union y

compris le marché intérieur et les politiques communes.

Qu’on le veuille ou non, le fondement économique de

Commande N° 55732 www.thebookedition.com

Page 122: SERVIR LA GUADELOUPE

121

l’Europe est le libéralisme et il est hors de question de

l’amender. De plus, nos instances politiques ne

participent pas au processus décisionnel. C’est en effet le

Conseil sur proposition de la Commission qui adopte des

lois, lois cadres, règlements et décisions européens visant

en particulier à fixer les conditions d’application de la

constitution à nos régions y compris les politiques

communes et après consultation du parlement européen.

Ce texte restrictif ne prévoit même pas une obligation

d’adaptation ou de dérogation. L’exemple de la méthode

européenne a été récemment donné par l’octroi de mer

que les fonctionnaires de la Commission n’aiment pas et

s’acharnent à faire disparaître. Sous leur pression, les

Autorités françaises ont encore une fois modifié le

régime juridique de cet impôt en supprimant ce qui était

fondamental, sa fonction d’aide au développement et de

protection du marché interne et en gardant sa fonction de

financement des collectivités publiques faisant de ces

dernières l’élément de maintien d’une forte propension à

importer ce qui étouffe notre production. Ainsi, pour

faire valoir notre point de vue nous allons être obligés de

dénoncer et de tempêter en passant par la France dont

les dirigeants renforceront l’argument selon lequel sans

eux pas de perspectives pour la Guadeloupe. C’est ce qui

explique qu’au moment de la révision de la constitution

pour prendre en compte les modifications du traité

constitutionnel le gouvernement n’a pas souhaité

modifier l’administration de notre relation à l’Europe.

La marge de manœuvre est donc étroite. L’Europe avec

l’accord de la France nous a imposé en réalité une

terrible tutelle politique et administrative contraire aux

idéaux qu’elle préconise dans le traité constitutionnel et

Commande N° 55732 www.thebookedition.com

Page 123: SERVIR LA GUADELOUPE

122

au droit international. Le peuple guadeloupéen, encore

une fois, n’a pas été interrogé sur la question de savoir

quelle place il souhaite avoir au sein de l’Union

européenne. Je refuse et dénonce les appartenances qui

s’imposent par la force du temps et des choses comme la

départementalisation. Un peuple selon le droit

international ne disparaît jamais à moins qu’il ait

formellement demandé sa dissolution en tant que peuple.

Par ailleurs toujours selon le droit européen et plus

généralement le droit international un territoire dépendant

doit choisir dans le cadre d’une consultation honnête son

mode de gouvernement. A cet égard, le référendum

organisé par la France pour ratifier le traité

constitutionnel n’a pas été honnête en ce qui nous

concerne car il a mêlé deux séries de considérations

différentes dont l’une intéresse les Français donc le plus

grand nombre et l’autre les guadeloupéens. Or, nos

compatriotes ont voté sur la base de considérations

étrangères à leur enjeu car relevant de la première

option en raison de la centralisation de ce scrutin. De plus

les décideurs français et leurs alliés guadeloupéens se

contentent simplement de nous dire que l’Europe est

bénéfique compte tenu des subventions qu’elle verse.

Une vision aussi matérialiste d’une union débouchera tôt

ou tard sur des désillusions. Les procédures pour

appliquer la constitution ne poussent pas à l’optimisme.

Elles ne remettent pas en question les logiques

précédentes. La commission propose simplement de les

améliorer sans toucher à leur dynamique d’assistance.

Elle ne crée pas d’instruments non libéraux pour le

développement économique et ne prévoit pas

l’intervention de nos représentants dans la prise de

Commande N° 55732 www.thebookedition.com

Page 124: SERVIR LA GUADELOUPE

123

décision. Par exemple sous la pression de l’organisation

mondiale du commerce l’Europe continue sa politique de

démantèlement du sucre et de la banane productions

sinistrées depuis bien longtemps et qui vivent sous

perfusion un long coma .Par ailleurs depuis la

convention de Cotonou qui lie l’Europe à une bonne

partie du monde en développement les Autorités

européennes poussent les pays de la Caraïbe à organiser

la coopération dans le cadre d’un accord de partenariat

économique critiqué avec raison par la plupart des pays

du sud .Ils ont aussi décidé de nous y intégrer. A terme ,

nous serons dans le même espace économique que des

pays qui ont la souveraineté et une main d’œuvre bien

meilleur marché que la nôtre avec l’assentiment de

quelques affairistes qui encore une fois font passer

l’intérêt de leurs pays après le leur. Ces pays en effet ont

eu le temps en se protégeant de consolider leurs activités

tandis que les nôtres sont durablement fragilisées. C’est

là un des exemples flagrants de la volonté de la France de

favoriser la zizanie avec nos voisins .De toute évidence

nous ne sommes pas prêts pour cette aventure où nous

avons beaucoup à perdre. L’assistance de la France et de

l’Europe considérée comme du développement nous a

éloigné de notre région naturelle et rend difficile toute

construction commune pourtant de plus en plus

nécessaire. Malgré quelques avancées notre appartenance

à l’europe sous cette forme et selon ces modalités est une

aberration. Je ne peux accepter que notre peuple et ses

représentants ne participent pas institutionnellement à la

prise de décision européenne. Ce sont en effet les chefs

d’Etats d’Europe, la Commission Européenne et le

Parlement Européen où nous sommes insuffisamment

Commande N° 55732 www.thebookedition.com

Page 125: SERVIR LA GUADELOUPE

124

représentés qui auront le dernier mot. Coopérer avec

l’Union Européenne recèle à l’évidence de nombreux

avantages qu’il nous faut rapidement faire fructifier .Se

taire sur les inconvénients actuels comme le préconisent

certains en évoquant les subventions européennes n’est

pas digne d’un peuple aussi fier que le notre qui sait de

par son histoire le prix inestimable de la dignité. Cette

argumentation est d’autant plus inacceptable que les

structures et le fonctionnement de l’Europe présentent

une grande souplesse. Par exemple l’Angleterre et la

Suède y sont membres et pourtant n’ont pas choisi l’euro.

Les traités européens prévoient des formules

d’association dont le contenu est variable avec les pays et

territoires.Les subventions et l’encadrement européen

sont fonction de la négociation. Ceux qui font croire que

le versement des fonds structurels est conditionné au

statut de région ultrapériphérique trompent l’opinion car

ils savent bien que cette proposition est fausse. Je

propose donc pour changer la donne un nouveau

Partenariat entre l’Europe et la Guadeloupe dont les

composantes sont :

• Dans le domaine politique, passer du statut de région

ultrapériphérique à celui de pays souverain ayant un

accord d’association avec l’europe. Rien ne s’oppose à ce

que le contenu de cette association soit propre à la

Guadeloupe.

• L’association mettra un terme à l’intégration

économique au sein de l’Union afin de donner une

chance à notre pays de se développer et de participer

effectivement à la réduction du fossé qui nous sépare des

Commande N° 55732 www.thebookedition.com

Page 126: SERVIR LA GUADELOUPE

125

régions développées d’Europe. Ainsi nous serons libres

d’ériger des barrières douanières pour faciliter le

développement de notre appareil productif, d’allouer des

aides publiques aux entreprises et de construire une

fiscalité allégée. Si l’ouverture des frontières est un

incontestable accélérateur de croissance, par contre pour

permettre le décollage, il est indispensable d’avoir une

réelle protection avant toute éventuelle ouverture.

• Elle prévoiera l’allocation par l’europe de subventions,

dans le cadre de conventions pluri annuelles dont les

résultats seront régulièrement évalués, aux entreprises

qui créent de la richesse et de l’emploi et non aux

Administrations qui ont plutôt tendance à gaspiller

l’argent public en multipliant les infrastructures inutiles

et coûteuses. En raison de notre situation de sous

développement la contribution financière que nous

sommes obligés de verser doit être supprimée.La

construction d’une coopération solide avec l’europe en

lieu et place de l’intégration est donc une nécessité. Nous

avons en effet besoin de l’Europe pour sa puissance, ses

capitaux, son impact en terme de modernité. Mais il nous

faut rapidement optimiser l’aide apportée par l’Europe

afin de nous garantir contre toutes les évolutions

possibles. Le temps nous est compté. L’Europe ne doit

pas être pour nous un simple portefeuille. Les unions

fondées exclusivement sur des considérations matérielles

sombrent toujours. Au contraire nous souhaitons que

l’europe soit un allié fidèle et attentionné dans les

combats que nous avons à livrer.

Commande N° 55732 www.thebookedition.com

Page 127: SERVIR LA GUADELOUPE

126

CHAPITRE IX

LA CONSTRUCTION DE LA CARAIBE ET DE L’AMERIQUE

Depuis quelques temps la coopération Caraïbe est

devenue un sujet à la mode. Même les gouvernements

français, assez curieusement quand on connaît leur

jacobinisme et leur volonté d’assimilation nous

encouragent à développer la coopération dans la Caraïbe

sans d’ailleurs nous donner les moyens réglementaires et

législatifs pour élaborer une grande politique Caraïbe.

Chassez le naturel il revient au galop. En fait à part une

capacité toute théorique de donner un avis sur les accords

régionaux nos collectivités publiques c’est-à-dire en

définitive notre peuple, n’ont pas de pouvoir dans le

domaine des relations internationales qui

traditionnellement fait partie des attributions régaliennes

que l’Etat français s’est approprié. Si nous devons

développer la coopération avec nos voisins faut-il encore

que nous ayons des attributions dans le domaine des

relations internationales. C’est ce que nous réclamons

depuis longtemps. L’intégration dans la Caraïbe, notre

région naturelle est un impératif. La géographie étant ce

qu’elle est, aucune disposition politique ou juridique

n’arrivera à l’effacer. Notre participation au concert

caraibe est bloquée du fait de notre intégration à la

France tandis que nos voisins ont acquis depuis

Commande N° 55732 www.thebookedition.com

Page 128: SERVIR LA GUADELOUPE

127

longtemps leur indépendance. Avoir une politique

caraibe est pour nous un impératif.L’action que nous

souhaitons mener s’articulera autour de deux axes

complémentaires. Le premier axe de notre politique

caraibe visera la Martinique, Saint Martin, Saint

Barthélémy et la Guyane qui sont gouvernés et

administrés par la France. Malgré notre proximité

géographique et les règles nombreuses pour favoriser la

coopération entre les collectivités territoriales dans le

droit français (ententes communales, départementales et

régionales) les tentatives de création d’un espace

commun même dans le domaine économique ont toujours

échoué. Certes il y a toujours eu une concertation

informelle plus ou moins intense. Mais aucune volonté de

s’unir plus complètement afin d’affronter ensemble les

défis du monde d’aujourd’hui et plus singulièrement ceux

du monde de demain. A ceci une cause fondamentale la

méfiance quasi génétique de nos compatriotes vis à vis

des martiniquais et des guyanais et vice et versa et la

propension française à diviser pour régner. Cela n’a pas

heureusement empêché la multiplication des liens

familiaux et économiques qui préparent à des lendemains

meilleurs. En tous cas notre discours en faveur de la

caraibe serait pris encore plus au sérieux si nous-mêmes

nous étions déjà capables de présenter à nos voisins des

actions communes qui aillent dans la direction de l’unité

ou plus simplement de la coordination dans l’espace qui

est le nôtre. Car il s’agit pour nous d’une évidence :

Martinique, Guyane, Saint martin, Saint Barthélémy et

Guadeloupe doivent nécessairement se constituer en pôle

dans l’espace Caraïbe. Nous sommes en effet trop petits

pour que nous puissions séparément exercer un rôle dans

Commande N° 55732 www.thebookedition.com

Page 129: SERVIR LA GUADELOUPE

128

cette région. De plus la faiblesse de nos ressources

économiques nous oblige pratiquement à rechercher

toutes les formes de rapprochements possibles afin

d’optimiser notre développement économique et social.

Enfin la croissance de notre population est inquiétante.

Nous avons déjà une densité de population élevée et si

elle continue à augmenter nous nous préparons un avenir

difficile. Nos cinq pays par contre présentent de

nombreuses complémentarités. La Guyane est vide et

continentale. Elle abrite aujourd’hui un pôle technique

d’avenir qui tôt ou tard et notamment si la volonté existe,

aura un impact décisif sur l’exploitation des ressources

nombreuses de ce pays. Martinique, Saint martin, Saint

barthélémy et Guadeloupe de leur côté sont insulaires et

surpeuplées. Les îles disposent d’un pôle touristique

d’envergure et peuvent compte tenu de la relative bonne

qualité de leurs ressources humaines occuper avec succès

de nouveaux créneaux. Tout milite donc pour la

constitution d’un grand ensemble Antilles/Guyane où les

activités économiques ne seront plus entravées par

aucune barrière et où l’on pourra échanger plus

facilement. Cette grande région pour vivre doit se donner

des institutions communes d’administration, de gestion et

de développement économique. Il faut de ce point de vue

mettre en place un véritable schéma d’aménagement

régional afin de positionner avec rationalité les hommes

et les activités. Il nous faut aussi lui donner des

institutions "politico-administratives" afin qu’elle puisse

se donner des objectifs politiques communs. La mise en

place d’un tel dispositif ne manquera pas de toucher

quelques susceptibilités. Mais en dépit des blocages, des

contraintes et des appréhensions il s’agit d’un passage

Commande N° 55732 www.thebookedition.com

Page 130: SERVIR LA GUADELOUPE

129

obligé pour nos pays. C’est en effet en se constituant en

pôle que nous pourrons avec plus d’efficacité défendre

nos intérêts légitimes en face de la République française

et de l’Union Européenne. Il ne faut pas de ce point de

vue se faire trop d’illusions. Si nous restons isolés notre

petitesse ne nous permettra pas de négocier sérieusement.

Nous avons eu à le déplorer dans le passé. C’est notre

capacité à être un groupe de pression efficace qui nous

permettra de mieux naviguer à l’intérieur de ces

ensembles et d’en tirer tous les avantages qu’ils recèlent.

C’est le pôle Antilles/Guyane qui conditionnera notre

succès. Le deuxième axe de notre action sera bien

entendu prendre notre part dans la construction d’un

ensemble Caraïbe prélude à la construction d’une

Amérique unie du nord au sud. C’est incontestablement

la composante la plus fondamentale de l’action que nous

devons mener. Le chantier a déjà commencé. L’idée

d’une union de la Caraïbe est une idée ancienne et de bon

sens imposée par la configuration de notre région.En

effet, réunir de petites entités fragiles en un seul

ensemble est une bonne idée, un excellent objectif qui

peut créer les conditions d’une consolidation durable

riche d’espérances. En effet, près de 50 millions

d’habitants y vivent ce qui constitue une taille critique

pour être véritablement indépendant et espérer jouer un

rôle à la fois régional et mondial. C’est précisément ce

qu’avaient compris des politiciens et des intellectuels de

notre région.Des anglophones comme J. MITCHELL, Sir

A. LEWIS, Williams DEMAS, S. LESTRADE, Norman

et Michaël MANLEY et surtout Eric WILLIAMS furent

des propagandistes passionnés de cette unité. Ce dernier

disait souvent que « la Caraïbe de même que le monde

Commande N° 55732 www.thebookedition.com

Page 131: SERVIR LA GUADELOUPE

130

entier a le choix entre se fédérer ou mourir ». Rémy

NAINSOUTA un guadeloupéen en 1948 à la veille de la

conférence des Indes Occidentales disait « un grand

espoir est né désormais. Incapable de vivre isolément

d’une économie propre ou de recevoir l’indispensable

aliment matériel, intellectuel, social, par le cordon

ombilical long et précaire qui les relie à leurs lointaines

métropoles, les îles vont entrer dans la voie de la

coopération et des échanges…Quels sordides intérêts

mercantiles oseraient contrarier la réalisation d’un tel

progrès ? Quels politiques à courte vue préféreront nous

priver de semblables chances de libération économique,

les seules conformes à la nature des choses ». Ainsi dès

1962 au moment de l’ouverture du cycle des

indépendances dans la Caraïbe fut constituée une

fédération anglophone à l’écart de laquelle cependant

assez curieusement se tinrent la Jamaïque et Trinidad les

pays les plus riches et les plus peuplés de la Caraïbe

Anglophone.Il ne fut pas étonnant dans ces conditions

que cette fédération ne dura pas longtemps. Quelques

années plus tard les dirigeants des états précités, de la

Guyane et de la Barbade se rencontrèrent en vue

d’étudier les possibilités d’une plus vaste unité antillaise,

poussés par les milieux économiques et financiers. En

1965 était créée une association de libre échange

(Caribbean Free Trade Association, CARIFTA). Les

signataires de l’accord exprimaient l’espoir que le plus

grand nombre de pays possible les rejoindraient. Pendant

ce temps, les îles des caraïbes orientales qui étaient

restées à l’écart de la zone de libre échange mettaient sur

pied le marché commun des Caraïbes orientales qui

devait prendre effet le 1er Janvier 1968 (Eastern

Commande N° 55732 www.thebookedition.com

Page 132: SERVIR LA GUADELOUPE

131

Caribbean Common Market). En 1967, lors d’un sommet

des chefs de gouvernement, le Premier Ministre de la

Guyana, Forbes BURNHAM, réussit à faire accepter à

tous les pays anglophones de la Caraïbe, comme base de

commerce intra-régional, un schéma modifié de la

CARIFTA. Un premier pas vers une intégration plus

effective fut la suppression, le 1er Mai 1968, de toutes les

taxes à l’importation et les restrictions quantitatives sur

tous les produits à l’intérieur de la zone.L’accord fut

ratifié le 30 Avril 1968. Enfin, à Charaguamas, à

Trinidad, en Octobre 1972, les chefs de gouvernement

des Etats de la Caraïbe anglophone décidèrent, à

l’unanimité, l’établissement d’une communauté des

Caraïbes dont l’objectif et la vocation étaient de prendre

le relais de l’accord CARIFTA qui, à l’utilisation s’était

avéré nettement insuffisant pour faire face aux défis des

pays de la région (CARICOM).Le CARICOM décidait

un certain nombre de dispositions. Tout d’abord, une

libéralisation immédiate des importations des produits

originaires de la région à quelques exceptions près.

Ensuite, la très grande majorité des droits d’exportations

ont été effectivement supprimés ainsi que toutes les

restrictions quantitatives qui entravaient un

développement rapide et harmonieux du commerce inter

caraïbe. Dans le domaine industriel, des objectifs

ambitieux furent fixés.Une liste impressionnante, par

exemple, de recommandations a été établie : l’utilisation

systématique des matières premières de la zone pour le

développement industriel, promotion et développement

d’industries liées dans les pays membres afin de faire les

fameuses économies d’échelle qui conditionnent la

compétitivité des entreprises ; politique systématique

Commande N° 55732 www.thebookedition.com

Page 133: SERVIR LA GUADELOUPE

132

d’exportation de produits industriels fabriqués localement

tant à l’intérieur qu’à l’extérieur de la zone.Dans le

domaine monétaire, enfin, les états membres ont conclu

en 1977 l’accord multilatéral de compensation de la

communauté des Caraïbes qui vise à faciliter les

paiements entre les participants sur une base

multilatérale, à promouvoir l’utilisation des monnaies

nationales, à économiser des devises et à encourager la

coopération monétaire en vue de développer le commerce

et l’activité économique de la zone.Les objectifs ont été

dès le départ, ambitieux. L’exemple, en tous cas, porta

ses fruits et favorisa une réelle attirance pour les autres

Etats ou Collectivités de la région.Haïti devint membre et

Saint Domingue membre associé du CARICOM. La

Guadeloupe, la Martinique et la Guyane Française, par le

biais de la convention de Lomé à laquelle participe la

plupart des pays de la Caraïbe ont ébauché une

coopération régionale sous l’égide de l’union européenne

dont les résultats ont été cependant assez minces.La

construction d’un ensemble politique caraibe est donc en

marche .Placée dans une zone considérée depuis

longtemps par les américains comme une chasse gardée,

la Caraïbe souhaite plus de liberté pour faire valoir son

point de vue et défendre plus activement ses intérêts.

Beaucoup reste à faire pour que notre région devienne un

ensemble cohérent et puissant. Trop de pays comme

CUBA ET les Antilles dite françaises ne sont pas encore

membre du CARICOM .Leur absence est un

handicap.Des puissances externes continuent à occuper

nos territoires .C’est le cas de la France, de la Hollande,

de l’Angleterre et des Etats-Unis. L’union européenne

uitilise sa coopération pour justifier sa présence.

Commande N° 55732 www.thebookedition.com

Page 134: SERVIR LA GUADELOUPE

133

Malheureusement les pays de la Caraibe acceptent trop

souvent cet état de fait. Enfin les Etats-Unis sont très

présents et se mêlent de tout. La domination américaine

est lourde de menaces notamment quand les difficultés

économiques, sociales et les risques augmentent (trafic

dedrogue principalement).La coopération américaine

basée sur le libéralisme laisse donc au marché le soin

d’organiser la réduction des inégalités de développement

dans notre région. Elle est donc brutale notamment pour

les plus faibles. Nous devons donc nous mobiliser pour

que nous soyons maitres chez nous. Notre Caraibe doit

rechercher des appuis dans sa zône et à l’extérieur pour

contrer toutes les formes de domination qui l’assaillent

aujourd’hui. Compte tenu du fait qu’il n’y a qu’une seule

superpuissance, il faut choisir des contrepoids à

l’influence américaine. Les possibilités se multiplient

actuellement dans notre zône avec le Brésil et le

Vénézuela et à l’extérieur avec les nouvelles puissances

comme la Chine, l’Inde qui a beaucoup des ses anciens

nationaux installés depuis longtemps dans notre région,

la Russie et l’Europe éventuellement si elle se débarrasse

de son mépris légendaire et de sa volonté impérialiste.La

construction d’un ensemble politique caribéeen enfin,

doit être le prélude à l’unité de toute l’amérique du nord

au sud. Avec l’amérique du nord qui est occidentale

aujourd’hui que parce qu’elle est encore dirigée par une

élite européenne. Les évolutions démographiques aux

Etats-Unis et au Canada qui jouent contre les descendants

européens vont rapidement créer les conditions d’une

réorientation de ces pays qui vont retrouver leur vocation

continentale. Le monde qui est entrain de se construire

sera organisé autour de grandes régions qui auront pour

Commande N° 55732 www.thebookedition.com

Page 135: SERVIR LA GUADELOUPE

134

mission principale de fédérer les pays de leur zône, de les

encadrer de les aider et de les protéger .Plus que jamais

l’Amérique doit rester aux américains.Bien entendu, pour

participer à l’organisation de notre région notre pays doit

être souverain. Le type de destin caribéen que la France

et l’Europe nous préparent est ridicule au regard de ce

formidable objectif. Plus vite nous le serons et mieux

nous ferons entendre notre voix dans le concert caraibe.

Commande N° 55732 www.thebookedition.com

Page 136: SERVIR LA GUADELOUPE

135

CHAPITRE X

AGIR ENSEMBLE

On dit souvent de nous que nous n’avons pas de projet

pour répondre à la crise qui déstabilise notre pays. Cette

phrase souvent prononcée est même devenue le refrain de

certains gouvernements qui se plaisent dans

l’immobilisme. Ce constat est particulièrement faux. Il

fait parti de ces présupposés nombreux souvent

méprisants qu’on nous accole depuis trop longtemps. Au

contraire de ce que l’on dit, notre pays croule sous les

projets en provenance des formations politiques, des

acteurs du monde professionnel et de toute la société

civile. Il s’agit d’un indicateur de dynamisme qui montre

bien que nous avons les moyens de faire face à nos

difficultés à condition cependant que l’on n’entrave pas

notre démarche. Il est vrai aussi que nous éprouvons

beaucoup de difficultés à passer de la théorie à la pratique

en raison de notre tempérament national. Nous ne

sommes pas souvent pragmatiques. Quand nous

débattons nous faisons en priorité référence à ce qui nous

distingue et nous ne recherchons pas toujours ce qui nous

unit. C’est pourquoi un observateur peu attentif à notre

culture tire des conclusions négatives qui sont très

éloignées de notre réalité profonde. Au moment où enfin

notre société se met à nouveau en mouvement après des

années d’immobilisme, il me paraît indispensable de

surmonter quelques uns de nos défauts afin de s’engager

dans de bonnes conditions dans le 21ième siècle, siècle,

nous le savons qui présentera par rapport à celui que nous

Commande N° 55732 www.thebookedition.com

Page 137: SERVIR LA GUADELOUPE

136

avons quitté de nombreuses différences. Le 21 ième

siècle en effet sera outre un siècle de spiritualité, un

siècle de mutation et de changements réguliers. Malheur

à celles et ceux qui raterons ses nombreux virages. Ils

seront marginalisés et abandonnés à l’éventuelle

bienveillance de l’assistance mondiale ou nationale qui

ne leur fera pas de cadeaux : ceux qui assistent critiquent

toujours les assistés. Sous l’effet d’un environnement en

mutation, des initiatives sont enfin prises pour sortir notre

pays de l’impasse dans laquelle il croupit. Le

gouvernement de la France organise des états généraux

et multiplie les plans et les schémas. Les formations

politiques ne restent pas silencieuses. La droite de notre

pays traditionnellement "départementaliste" depuis la

déclaration de Basse-Terre n’est plus hostile à

l’autonomie. Des formations politiques réaffirment leurs

orientations anciennes en faveur de l’autonomie au sein

de la République ou de l’Etat associé ou de la

souveraineté totale. Les forces syndicales qui se sont

enfin unies ont réussi à faire bouger notre pays en

dénoncant ses injustices et en mobilisant la quasi-totalité

de notre peuple pendant plus d’un mois. Mais

malheureusement chacun reste dans son coin certain

d’avoir la vérité et le soutien des citoyens. En réalité la

division continue de régner malgré la similitude entre les

approches et les propositions. Division entre le peuple et

la représentation politique ; division entre les

conservateurs qui sont de gauche et de droite et les

réformistes qui veulent d’une Guadeloupe nouvelle.

Division entre les travailleurs et les patrons qui n’ont pas

la même vision de l’entreprise. La Guadeloupe se regarde

atterrée et ne sait plus où aller. Le moment me parait

Commande N° 55732 www.thebookedition.com

Page 138: SERVIR LA GUADELOUPE

137

venu de dépasser ces inutiles blocages qui nous font du

tort et nous font perdre un temps précieux. Ma conviction

est que nous réussirons notre révolution tranquille et

pacifique en combattant avec toute la détermination

possible le cancer de la division. Notre histoire est

jonchée des dégâts provoqués par la division. C’est la

division de l’Afrique qui a engendré l’esclavage. C’est

notre division pendant la période de l’esclavage qui a

permis qu’elle ait duré aussi longtemps. C’est encore

notre division qui ne nous a pas toujours permis de faire

face au rouleau compresseur de la colonisation et de

l’assimilation. C’est toujours et encore notre division qui

sape notre confiance et notre détermination. Il nous faut

mettre un terme à ces jeux stériles qui défigurent notre

pays et son peuple et nous cantonnent dans l’indécision.

Les révolutions et les changements ont besoin de l’unité

pour réussir, durer et s’épanouir. Les situations qui

suivent les révolutions sont conformes aux moyens et aux

procédures utilisées pour les réaliser. Si nous allons vers

une nouvelle étape politique divisée autant dire que la

division continuera après et l’échec sera probablement au

bout du chemin.Par ailleurs, pour convaincre notre

peuple de s’unir autour d’une vision commune, il faut

surtout redonner au politique sa vocation originelle. La

politique en effet est avant toute chose un créateur de

sens, un défricheur de terrain et le lieu de rassemblement

du peuple. C’est pourquoi dans toutes les sociétés elle a

le monopole de la parole et du discours. Je souhaite donc

que la politique reprenne la parole pour l’acte fondateur

de notre pays dans le 21ième siècle. La politique, c’est

aussi l’art de convaincre un peuple à partir d’un débat

ouvert et libre qui ne laisse rien de côté.Partisan de la

Commande N° 55732 www.thebookedition.com

Page 139: SERVIR LA GUADELOUPE

138

souveraineté de notre pays et de la construction d’une

nouvelle société débarrassée de ses injustices et de ses

inégalités il me parait fondamental de poser la question

politique du changement pour bien situer les enjeux .Les

dysfonctionnements sociaux, les inégalités sociales ont

toujours une origine politique et se règlent politiquement.

Faire croire le contraire ou se cantonner dans un

quelconque apolitisme ne fera pas avancer le

changement. Réduire l’action politique à des évolutions

institutionnelles est une grave erreur. Le changement que

nous voulons est un processus global qui doit à la fois

concerner les sphères politiques, sociales, économiques

et culturelles. Nous dénoncons et rejettons le projet de la

bourgeoisie guadeloupéenne qui veut simplement avec

son évolution institutionnelle remplacer les français qui

actuellement dirigent sans toucher aux autres

composantes de notre pays. Notre changement sera

global ou ne sera pas.Les nationalistes et les

souverainetistes doivent jouer un rôle moteur dans ce

processus. Notre pays a besoin d’un grand parti national

structuré rassemblant tous les nationalistes. Ceux-ci

doivent rapidement engager le débat avec notre peuple

dans la transparence et le souci de la démocratie. Il

faudra débattre en direct avec les citoyens afin de leur

montrer que pour des raisons à la fois économiques,

sociaux, financiers et des exigences culturelles , la

souveraineté vaut mieux que toute intégration. Il faudra

surtout engager le combat contre la France qui malgré

des sous entendus n’entend pas quitter un pays qui lui est

d’une grande utilié .Les symboles, les principes et les

politiques de ce pays doivent être systématiquement et

régulièrement dénoncés par les souverainetistes.Nous ne

Commande N° 55732 www.thebookedition.com

Page 140: SERVIR LA GUADELOUPE

139

devons profiter pour montrer notre attachement à une

démocratie adaptée à notre pays. La démocratie dont a

besoin notre pays doit être une démocratie qui valorise le

groupe, le collectif et non l’individu. Ma préférence en

terme d’organisation politique c’est la Suisse qui craint

et empêche la dictature et non la France ou les Etats-Unis

ou d’autres qui personnalisent trop le débat politique.

Les petits pays insulaires sont souvent des créateurs de

dictature. A nous d’inventer des procédures qui

empêchent son triomphe. La démocratie que je souhaite

pour notre pays doit permettre certes la confrontation

entre les individus et les idées. Mais elle doit être aussi

l’instrument de la réconciliation quand cela s’avère

nécessaire. Pour triompher enfin les nationalistes devront

rassembler autour d’un projet et de principes communs.

En effet, beaucoup de guadeloupéens et de formations

politiques et syndicales sont encore hostiles au

changement que nous proposons. Les autorités françaises

et leurs alliés guadeloupéens utilisent cette situation pour

continuer à régner en renforcant la division de notre pays.

Les formations politiques de notre pays ne partagent pas

la même idéologie. Le débat ancien entre les

progressistes et les libéraux reste heureusement très

présent. Chaque camp est de toute façon porteur de

visions différentes. Le progressisme qui est ma famille

naturelle est une démarche humaniste fondée sur la

prééminence de l’homme, la solidarité, la lutte contre

toutes les formes d’inégalités, le refus de la démagogie et

la promotion d’une réelle citoyenneté. Le progressisme

est du coté des travailleurs au sein des entreprises et

attaché à la mémoire de nos ancêtres injustement

exploités et privés de liberté. Il prône surtout

Commande N° 55732 www.thebookedition.com

Page 141: SERVIR LA GUADELOUPE

140

l’émancipation collective de notre peuple c’est-à-dire son

droit à s’administrer lui-même.Les conservateurs de leur

coté sont individualistes, démagogues attachés à

l’inégalité sociale et généralement hostiles à toute

émancipation nationale. Pour eux la vocation de la

Guadeloupe est de s’intégrer à la France ce qui implique

à terme notre disparition en tant que peuple. Pourtant, ces

deux visions ne sont pas structurellement et

définitivement antagonistes. Aujourd’hui elles peuvent et

doivent se rapprocher autour de la nécessité de construire

une guadeloupe nouvelle qui puisse vivre décemment

dans le nouveau siècle. Nous devons convaincre les

conservateurs d’adhérer à cet objectif dont le pays a

besoin pour se régénérer.Ils doivent comprendre que

rester nous-mêmes c'est-à-dire guadeloupéens est un

impératif. Certaines évolutions récentes montrent une

modification du point de vue des conservateurs qu’il

nous faut utiliser pour engager le changement nécessaire.

Quand le pays est en danger, quand il se prépare à

négocier des tournants difficiles, quand l’environnement

est menaçant, alors toute la communauté doit se réunir

pour avancer dans l’ordre et avec le souci de triompher.

En tous cas, chaque nationaliste, là où il se trouve doit

tenter de convaincre par tous les moyens possibles les

citoyens de la nécessité du changement. Il nous faut

prendre le maquis des consciences et nous armer de

pédagogie pour montrer aux autres les vertus du

changement. Notre pays aura besoin de tous, de toutes les

compétences et de toutes les énergies pour construire

l’édifice du 21ième siècle. Agir ensemble vous disais-je

en introduction de ce propos, c’est en effet quand tous

Commande N° 55732 www.thebookedition.com

Page 142: SERVIR LA GUADELOUPE

141

nous nous rassemblons, que nous sommes à même de

régler les problèmes et de triompher. .

Commande N° 55732 www.thebookedition.com

Page 143: SERVIR LA GUADELOUPE

142

CONCLUSION

Voilà mes chers compatriotes les quelques réflexions que

je souhaitais vous adresser. Je les considère comme une

participation à la grande réflexion que nous devons

mener au cours des mois et des années à venir afin que

nous construisions un nouveau destin à la mesure de nos

attentes les plus profondes façonnées en partie par ce que

nous ont légué nos ancêtres humiliés et emprisonnés. Le

monde que nous allons construire, le monde que nous

sommes déjà entrain de construire doit porter la marque

de cet héritage. Ce sera pour nous l’une des manières les

plus humaines d’intégrer le passé dans notre avenir. Le

rappeler d’ailleurs n’est pas une quelconque volonté de se

complaire dans le passé. C’est au contraire un aiguillon

pour demain. Nous devons agir pour que ce passé ne

revienne pas. En tous cas dans une société comme la

nôtre qui doute, hantée par la peur de l’avenir, tétanisée

par l’ampleur des défis et de l’inconnu, je considère cette

participation à la réflexion comme un élément de

renaissance de l’optimisme. Au delà des problèmes qui se

posent aujourd’hui, au delà de nos peurs naturelles, il y a

pour affronter tous les défis une méthodologie immuable

que nous devons apprendre à élaborer aujourd’hui afin

qu’elle constitue une partie de l’héritage que nous allons

transmettre aux générations à venir, fondée sur

l’optimisme pour la vie, pour l’avenir et sur notre

capacité à faire seuls sans nécessairement l’aide des

autres. Armé de cet optimisme, et appuyé sur une

cohésion sociale et culturelle solide, j’ai le sentiment que

notre peuple pourra quel que soit le moment, affronter les

Commande N° 55732 www.thebookedition.com

Page 144: SERVIR LA GUADELOUPE

143

inévitables défis qui se présenteront sur sa route. Au

début d’un siècle nouveau que je souhaite différent de

celui que nous quittons, c’est ce message d’espoir que je

voudrais délivrer. Le plus difficile est dorénavant derrière

nous. A ceux qui ont su résister au rouleau compresseur

de l’esclavage, aux atteintes à la fois brutales et

insidieuses de l’Assimilation Française, à ceux qui ont

traversé le 20 ième siècle dans le doute et la difficulté

ballottés par des décisions qui n’ont pas eu toute la

cohérence nécessaire, je voudrais dire en terminant que le

moment de la récolte, donc de la prospérité et du bonheur

est dorénavant devant nous et à notre portée. Alors

empruntant avec passion et détermination la voie

guadeloupéenne que nous pouvons créer avec la force de

notre génie.

Commande N° 55732 www.thebookedition.com

Page 145: SERVIR LA GUADELOUPE

144

TABLE DES MATIERES

INTRODUCTION

CHAPITRE 1 LA MUTATION DU MONDE

CHAPITRE 2 LE PREALABLE DE LA CULTURE

CHAPITRE 3 LA REFORME POLITIQUE

CHAPITRE 4 UNE NOUVELLE ECONOMIE

CHAPITRE 5 UNE SOCIETE EQUITABLE

CHAPITRE 6 LA NECESSAIRE MAITRISE

DE L’ESPACE

CHAPITRE 7 UN PACTE POUR LA SECURITE

CHAPITRE 8 LE PARTENARIAT AVEC L’EUROPE

CHAPITRE 9 LA CONSTRUCTION DE LA

CARAIBE ET DE L’AMERIQUE

CHAPITRE 10 AGIR ENSEMBLE

CONCLUSION _____________

Commande N° 55732 www.thebookedition.com