SERVIR LA GUADELOUPE
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SERVIR LA GUADELOUPEJEAN-PAUL ELUTHER
La Guadeloupe est à la croisée des chemins au début d'un siècle quichange rapidement . L'analyse de JEAN PAUL ELUTHER nous donnedes explications sur ses blocages , situe les enjeux et propose des solutionspour une autre GUADELOUPE solidement enracinée dans son histoire ,fidèle à sa culture , ouverte au changement et ambitieuse pour son avenir .
NC euros TTCJEAN-PAUL ELUTHER
SERVIR LA GUADELOUPEJEAN-PAUL ELUTHER
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JEAN-PAUL ELUTHER
SERVIR LA GUADELOUPE
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"La plupart des choses sont faites quand un homme ou un groupe d’individus montrent le chemin ". (Anonyme)
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INTRODUCTION
Le troisième millénaire a commencé. Probablement
beaucoup d’évènements inédits que l’on a observés lors
de son approche y étaient liés. Certains historiens disent
qu’à l’approche de l’an 1000 en Occident, des
phénomènes curieux s’y sont passés et des scènes
d’hystérie collective furent observées. Il en fut de même
dans les autres civilisations qui ont daté le temps.
L’homme est ainsi fait: les dates ont un impact sur sa
manière d’appréhender le monde. Cependant, la majeure
partie des phénomènes observés a été la conséquence de
facteurs indépendants de cette date fatidique. C’est en
fait, la profonde mutation que connaissent le monde et
notre pays, qui aprovoqué les bouleversements que nous
avons observés. Le vingt et unième siècle est aussi le
prélude à un changement de société. C’est probablement
la fin du cycle historique commencé au 19ième siècle
avec la révolution industrielle qui a propulsé l’Europe
vers des sommets jamais atteints au préalable par aucune
civilisation. Aujourd’hui, nous sommes à nouveau
engagés dans un processus de profond changement. C’est
ce qui a rendu cette fin de siècle et le début du 21ième
siècle à la fois difficile et palpitant. Nous vivons avec
angoisse cette mutation qui remet en question nos
habitudes. La montée inquiétante de l’insécurité et de la
violence, le désenchantement profond qui touche
notamment la jeunesse, la peur du lendemain, la méfiance
à l’égard des décideurs, le rejet de toute forme d’autorité,
la tentation de glorification du passé, le mal être de
beaucoup de nos compatriotes, sont les signes quotidiens
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de ces difficultés que nous vivons tous selon des
intensités variables. Aucun d’entre nous n’est à l’abri des
caprices du vent qui secoue jusqu’à les faire rompre à
certains moments notre pays. Nous éprouvons beaucoup
d’angoisse pour nos enfants. Nous avons des difficultés à
faire face aux défis et à élaborer un projet collectif qui
nous permet de les affronter. Il n’est pas étonnant que
beaucoup d’entre nous se réfugient, soit dans le passé,
soit dans le repli sur soi afin de conjurer le mauvais sort.
On ne peut pas vous en faire le reproche, tant l’espoir
d’un monde meilleur s’est petit à petit éloigné. Cette
attitude, peut ponctuellement apaiser. Mais elle n’est pas
suffisante. Les bouleversements du monde et de notre
pays appellent des solutions novatrices. Il faut que les
générations aujourd’hui gèrent à la fois la fin d’un monde
et l’avènement d’un autre dont on ne connaît pas encore
les contours définitifs. Les chinois appellent crisece type
de situation et la qualifie d’une double manière : Fin et
Renouveau. Il y a dans les décombres de l’ancien monde,
celui auquel nous nous étions habitués malgré ses
duretés, ses injustices et ses insuffisances, des bribes de
solution pour faire face aux défis d’aujourd’hui et de
demain. Mais il nous faut en permanence inventer et
innover. Cette démarche s’opère il est vrai dans des
conditions particulières. S’ilme fallait prendre une image
pour caractériser ce moment crucial de notre histoire, je
choisirais celle de la guerre. Sous la mitraille ennemie, il
nous faut, détruire et tuer, tout en ayant en main la truelle
du maçon qui illustre la volonté de reconstruire. La tâche
est donc particulièrement difficile. La pire des attitudes
dans ce contexte complexe et incertain serait de faire
l’autruche en attendant des jours meilleurs et un monde
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qui comme par magie se transformerait et redeviendrait
vivable et proche. Une telle démarche serait suicidaire et
le réveil serait particulièrement douloureux. Les défis
d’aujourd’hui exigent des solutions immédiates,
nouvelles et durables. Il nous faut prendre à bras-le-corps
les problèmes posés et nous atteler sans tarder à leur
résolution, car dans le cas contraire nous serions
irrémédiablement distancés, incapables de vivre
décemment dans un monde de toute façon nouveau.La
construction d’un pays renouvelé, modernisé et renforcé
exige de tous sans exception, créativité, capacité
d’adaptation, compétence, courage, abnégation et ardeur
au travail. Malgré ce que l’on dit de nous et ce que nous-
mêmes nous pensons de nous, j’ai le sentiment que nous
possédons les ressources suffisantes pour réussir.
L’histoire dramatique qui a fait de nous ce que nous
sommes aujourd’hui a engendré un homme courageux,
inventif et capable de faire face aux défis et aux
épreuves. Pour rénover notre pays, la méthode me semble
en définitive très simple. Elle n’est pas religieuse, au sens
qu’il faille attendre d’un dieu la solution bien que cette
croyance puisse nous donner cette force morale sans
laquelle rien de décisif ne peut se faire. Elle n’est pas non
plus dans le retour au passé ou dans sa conservation bien
que la connaissance de notre histoire et l’enracinement
dans le passé soient un moyen essentiel pour se propulser
vers l’avenir. Elle ne sera pas non plus la conséquence
d’un remède miracle administré par un médecin. Elle sera
le fruit de notre réflexion, de notre travail cent fois
recommencé, de notre stratégie et de notre capacité à
nous adapter et à inventer. Au moment où commence le
21 siècle, il nous faut comprendre le sens des évolutions
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qui agissent comme des contraintes que nous ne saurions
écarter et élaborer un projet collectif global à la fois
politique, social culturel et économique à la dimension
des défis et conforme à nos attentes afin que nous
puissions nous engager rassérénés, forts, déterminés dans
ce millénaire qui j’en suis convaincu sera pour nous une
occasion nouvelle de fortifier notre pays, notre culture et
de créer les conditions pour que nous puissions vivre
épanouis et heureux dans un pays prospère et apaisé. La
Guadeloupe attend de tous ses enfants qu’ils soient
dorénavant à son service, en ordre de bataille, unis
comme une grande famille afin que chacun puisse lui
apporter le savoir-faire et l’expérience qu’ils ont acquis
pour qu’elle puisse affronter ce monde nouveau avec des
chances de bien figurer.
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CHAPITRE 1
LA MUTATION DU MONDE
Le monde et notre pays ont beaucoup changé au cours
des trente dernières années. C’est en le répétant souvent
que notre pays en prendra pleinement conscience et
acceptera de se préparer à faire face. Il s’agit d’un
profond changement, une révolution au sens fort de ce
terme qui touche à tous les aspects de la vie en société.
Comme c’est souvent le cas depuis un siècle, elle a été
provoquée par l’évolution de l’économie. Les
observateurs appellent cette mutation mondialisation,
globalisation ou économie monde. De quoi s’agit-il
exactement ? En moins d’un quart de siècle on a vu se
constituer une économie mondiale qui a déstructuré
toutes les économies nationales, jadis protégées par des
solides barrières douanières mises en place par des Etats
souverains. Nous avons assisté à l’essoufflement des
croissances nationales, à la perte d’efficacité des
politiques économiques nationales, à la remise en
question de l’Etat providence, à l’abandon des projets
socialistes ainsi qu’à la fulgurante affirmation des
idéologies du marché et de l’argent. Les formidables
bouleversements scientifiques et technologiques,
notamment la Révolution des Communications et de la
transmission des données ont favorisé le développement
d’une nouvelle société. La transmission des données à la
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vitesse de la lumière, la numérisation des textes, des
images et des sons, le recours aux satellites de
communication, la révolution du téléphone, la
généralisation de l’informatique dans la plupart des
secteurs de l’activité, la miniaturisation des ordinateurs et
leur mise en réseau à l’échelle planétaire ont peu à peu
transformé la structure du monde. Cette évolution a
particulièrement touché le monde de la finance qui est
devenu le facteur central des transformations. D’après la
banque des règlements internationaux les transactions
quotidiennes sur le marché financier atteignent 1 000
milliards de dollars et représentent près de 50 fois le
montant des échanges de biens et de services. Les
services financiers s’adaptent bien à ces évolutions
technologiques. Il suffit, de disposer d’un micro-
ordinateur relié à Internet pour échanger services et
informations. La finance en fait réunit les quatre qualités
qui en font un modèle parfaitement adapté à la nouvelle
donne technologique à savoir, "planétarité", permanence,
immatérialité et immédiateté. La mondialisation du
capital a accéléré le processus d’internationalisation des
activités économiques commencé dans les années
soixante dix et illustré par le développement des
multinationales dont les budgets et les moyens d’action
sont souvent plus importants que ceux de nombreux
Etats. Elle a favorisé une intégration par grandes régions
des flux commerciaux et de production. Les pays qui font
partie de l’Union Européenne par exemple commercent
surtout entre eux. Il en va de même dans la zone
Pacifique solidement organisée autour du Japon et de
plus en plus autour de la Chine si celle-ci continue à se
rapprocher de ses voisins et à afficher des taux de
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croissance exceptionnels. Les mêmes remarques
pourraient être faites au sujet du trio Etats-
Unis/Canada/Mexique unis par un accord de libre
échange. La mondialisation se réalise en définitive à un
double niveau : fort processus de régionalisation qui
constitue en quelque sorte un tremplin avant le large de la
mondialisation proprement dite. L’internationalisation a,
par le biais de la croissance externe stimulé des processus
de délocalisation, de fusions et d’alliances
interentreprises au niveau mondial. Ainsi chaque groupe
industriel, commercial ou financier ayant une certaine
importance dans son marché national poursuit-il
désormais une stratégie mondiale en direction de toutes
les régions du monde et plus précisément dans celles
considérées comme les plus développées (Amérique du
Nord; Europe de l’Ouest ; Pacifique Nord et Sud).
Cependant, l’internationalisation des Activités a tendance
à laisser de côté de nombreux pays notamment ceux qui
se trouvent dans ce que l’on appelait il y a pas si
longtemps le Tiers Monde ou pays du sud. Ce processus
puissant de marginalisation ne manquera pas d’accroître
leur pauvreté et le dénuement de la majorité de la
population mondiale. Ces pays qui sont déjà pauvres car
n’ayant pas réussi à profiter de l’impulsion des trente
glorieuses à la fois en raison de leurs insuffisances et de
la domination exercée par l’Occident pendant de
nombreuses décennies vont encore s’appauvrir tout en
continuant à être confrontés à de graves problèmes
d’organisation. Il s’agit d’une situation extrêmement
grave que nous connaissons bien car certains pays de la
CARAIBE sont dans cette catégorie. Le Tiers Monde se
caractérise le plus souvent par des guerres civiles, des
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migrations sauvages, et de la pauvreté. L’immigration
que nous connaissons si bien et contre laquelle nous nous
élevons parfois avec raison est un signe de ces difficultés.
Au début de ce siècle nouveau, la situation du tiers
monde constitue un grave problème et un grand risque
d’instabilité. Si il n’est pas stabilisé, ce sont des milliers
de ses habitants qui vont prendre d’assaut les îlots de
prospérité que représentent dans le monde les pays les
plus développés. La coopération avec nos voisins est
donc un impératif pour tenter de limiter ces différents
risques. Ce n’est pas un gadget, mais un moyen de
participer à la lutte contre la montée inquiétante de la
pauvreté dans le monde et de se prémunir contre
l’immigration sauvage qui est toujours dangereuse.Le
passage d’une économie organisée à partir des
capitalismes nationaux agissant à l’échelle de la planète à
une mondialisation caractérisée par la fluidité des
marchés, la déréglementation et la privatisation de pans
entiers des économies nationales modifie
considérablement l’organisation et le fonctionnement de
nos sociétés. La mondialisation s’accompagne en effet de
profondes transformations sociales et culturelles dont il
faut faire le recensement afin de se situer et de mieux
intervenirindividuellement et collectivement. Ce sont en
effet les individus, les communautés et les nations qui
s’adapteront le plus vite qui pourront à terme tirer leur
épingle du jeu. C’est pourquoi l’adaptation est devenue
une des aptitudes essentielles des organisations d’où la
nécessité d’en faire une des matières essentielles de nos
écoles et centres de formation. Celles et ceux qui ne
pourront pas s’adapter ou éprouveront quelques
difficultés à le faire seront irrémédiablement distancés et
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relèveront de l’assistance sociale nationale ou mondiale.
Parmi ces transformations trois me semblent essentielles
et méritent une analyse exhaustive. Il y a, tout d’abord les
transformations qui touchent au contenu, à la forme et la
quantité de nos besoins et donc aux modes de
consommation. Robert ROCHEFORT, dans un livre
remarquable « la société des consommateurs » nous dit
que les ménages équipés, les individus saturés, la
consommation doit répondre maintenant à d’autres
attentes beaucoup plus immatérielles. Les nouveaux
marchés porteurs sont ceux qui pourront rassurer les
individus comme la santé, l’écologie, le terroir, la famille
et la solidarité. La consommation de demain pourrait
s’organiser encore plus au tour de la dimension
immatérielle dominante de l’homme entrepreneur. La
remise en cause la plus forte sera celle qui sépare
aujourd’hui les différentes sphères de notre vie : l’école,
le travail, la consommation. Nous entrons petit à petit
dans une société d’interpénétration de tous ces temps et
tous les lieux dans lesquels ils s’organisent. Il faut aussi
noter les transformations dans le monde du travail et des
relations de classe qui dessinent une nouvelle société. En
effet, s’opposent de plus en plus ceux qui participent
directement ou indirectement à l’économie mondialisée
en raison de leurs techniques, de leur savoir faire, de leur
information et ceux qui font partie d’activités nationales
encore protégées et généralement peu compétitives tout
au moins si l’on prend en considération les critères de
rentabilité imposés par la mondialisation. C’est une
évolution fondamentale et décisive sur laquelle il
convient de s’arrêter un moment pour bien comprendre
les mécanismes de la dynamique sociale de demain.
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Aujourd’hui, on dénombre trois grands groupes sociaux
dans nos sociétés :
• En premier lieu, les salariés soumis à la concurrence
mondiale dont le travail influence directement les
échanges extérieurs d’un pays. En phase avec la
compétitivité qui est le maître mot de l’économie
mondialisée, ils disposent de revenus élevés, d’un savoir
faire qui se renouvelle, et font
preuve d’un dynamisme de plus en plus indispensable
compte tenu de la multiplication des situations où il
convient de s’adapter. On les considère comme les
seigneurs des temps modernes.
•Au-dessous d’eux, se trouve les salariés des secteurs
dominants au niveau national. Il y a bien entendu le vaste
secteur public où l’emploi est garanti et relativement bien
rémunéré. La France qui a une tradition étatique
ancienne, et la Guadeloupe sur laquelle a été plaquée
certaines de ses structures administratives afin de
constituer une classe moyenne qui défend le système
colonial , fondée sur le principe du service public qui est
en fait une conception de l’intérêt général,ont favorisé le
développement d’une fonction publique importante.
Cependant, ce secteur est aussi confronté à l’instabilité
générée par les processus de transformation en cours.
D’une part, certaines activités publiques du fait de la
construction européenne notamment, deviennent des
activités privées, comme la télévision, le téléphone et
l’électricité par exemple ; d’autre part, les déficits publics
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parfois provoqués par le coût de la fonction publique sont
sanctionnés brutalement par les marchés financiers
internationaux et condamnés par l’Union européenne. Le
statut des fonctionnaires considéré comme rigide n’est
probablement plus absolument assuré dans les années à
venir. Dans de nombreux pays occidentaux des réformes
sont engagées pour la rendre plus flexible et moins
coûteuse. A coté du secteur public et dépendant assez
étroitement de lui du fait de ses commandes, on recense
des activités qui font partie de l’économie de proximité et
sont relativement protégées de la concurrence
internationale. Il s’agit plus particulièrement de
l’agriculture, dont l’une des missions, la préservation des
équilibres écologiques, est de plus en plus administrative,
du Bâtiment et des Travaux Publics, d’une partie de
l’industrie et de l’artisanat. Cependant, la stabilité ainsi
que la protection sociale n’y sont pas toujours bien
assurées notamment en cas de récession. C’est dans ces
secteurs que se développent le plus toutes les formes
d’emplois précaires (intérim, contrat a durée déterminée,
travail a temps partiel) pour que les entreprises puissent
s’adapter aux cycles économiques.
• Au-dessous de cette catégorie, se trouve le monde de
l’exclusion divisé en un sous secteur assisté et un autre
qui ne l’est pas, et où se côtoie la misère et surtout
s’accumulent tous les handicaps. C’est dans ce secteur
que l’on retrouve en fait toutes les personnes prises en
charge par le traitement social du chômage. S’y côtoient
les bénéficiaires du revenu minimum d’insertion, les
chômeurs pris en charge par les Assedic, les bénéficiaires
des Allocations Familiales et de l’aide sociale, les
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stagiaires de la formation professionnelle, les salariés
bénéficiant de contrats aidés recrutés par les associations
et les collectivités publiques et les emplois de
service.Pendant les années de stagnation économique, les
Pouvoirs publics qui souhaitent réaliser un équilibre
budgétaire, n’hésitent pas à réduire le niveau de ces
rémunérations et de prestations sociales en évoquant la
fainéantise de ceux qui en bénéficient. Il y a en tout cas
dans ce secteur l’accumulation d’une détresse et d’un mal
être qui expliquent pour une bonne part les graves
problèmes de violence et de délinquance auxquels sont
confrontés nos sociétés.
Enfin quel que soit leur place dans la hiérarchie sociale
les travailleurs sont désormais confrontés à une
modification des modalités de travailler, ce qui introduit
un élément supplémentaire d’instabilité dans la vie
sociale. En effet, la carrière dans une entreprise unique ne
correspond plus à ce que le marché du travail peut offrir.
Nous serons donc obligés de changer souvent d’emplois
au cours de notre vie. Entre les intermèdes de travail qui
se multiplient, il faudra se former. La vie professionnelle
sera donc plus cyclique car le modèle du temps
séquentiel auquel nous nous étions habitués est entrain de
s’achever. Croire que ce qui se passe actuellement n’est
qu’un intermède provoqué par la crise n’est pas réaliste.
Nous devrons nous adapter à ce nouveau mode de vie
professionnelle. Beaucoup de nos compatriotes ne l’ont
pas encore compris, notamment les jeunes générations
qui viennent d’obtenir leur diplôme et qui croient qu’ils
vont automatiquement leur donner la stabilité
professionnelle de leurs parents. Il faudra expliquer,
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inlassablement expliquer afin que de légitimes
aspirations ne débouchent sur le nihilisme et la violence.
A ce changement notable il convient aussi ajouter la
révolution des lieux de travail et de domicile. Pendant de
nombreuses années la migration journalière de milliers de
salariés abandonnant les villes pour les campagnes
engendrait de graves dysfonctionnements et constituait
une source de difficultés. Avec les nouvelles
technologies de l’information, le domicile et le bureau se
sont rapprochés. En effet grâce au télétravail de
nombreuses tâches peuvent être effectuées à domicile et
ensuite transmises dans les différents établissements de
l’entreprise. Les expériences de ce type semultiplient
dans le monde car elles vont dans le sens d’une
amélioration de la compétitivité. Le nombre de
télétravailleurs a donc tendance à augmenter. C’est donc
tout le droit du travail, fondé sur la stabilité du contrat de
travail qui est ainsi interpellé et sommé de trouver des
solutions juridiques nouvelles pour répondre à ce
bouleversement institutionnel. Le dernier point qui me
parait fondamental, est l’évolution de la notion de
territoire. Certains parlent même de la fin des territoires.
Sans arriver à ces extrémités, il faut cependant noter
l’ébranlement de l’Etat nation. L’Etat nation qui s’est
imposé à partir du 18ième siècle a probablement atteint
son apogée avec le mouvement de décolonisation qui a
propulsé sur la scène internationale des régions entières
auparavant colonisées et dominées. La nation comme
modèle de la communauté politique circonscrite dans un
territoire et régie par un Etat est aujourd’hui en crise. La
mondialisation a pour corollaire la remise en cause de
l’Etat en raison, de la montée en puissance des firmes
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multinationales, de la mise en place dans certaines
régions d’ensembles de coopération supranationaux, de la
globalisation financière, de la création d’organismes de
gestion directement issus de la société civile et de la
généralisation des réseaux de communication à l’échelle
mondiale. Aujourd’hui les solidarités se créent sans
territoires. Les acteurs sociaux ont une mobilité sans
cesse grandissante qui tend à les émanciper de leur cadre
territorial. Ils disposent pour ce faire de ressources
nombreuses qui permettent la mise en place de stratégies
nouvelles qui contournent les territoires. Le
développement du réseau Internet est l’une des
illustrations de ces nouvelles possibilités offertes aux
individus. L’individu fait donc son entrée sur la scène
internationale jadis réservée jadis aux Etats d’où la
création d’une véritable société civile mondiale ou
planétaire. Le mouvement de recul de l’Etat Nation est
encore plus accentué dans les pays du Tiers Monde qui
ne l’ont connu que récemment. Les organisations non
gouvernementales remplacent souvent dans ces pays
l’Etat en y exerçant des missions qu’il ne peut plus
réaliser. Le recul de l’Etat Nation a de graves
conséquences sur l’identité des citoyens. Certes l’identité
nationale n’est qu’une des formes de l’identité auquel se
réfère l’individu. Cependant, elle constitue bien souvent
l’identité majeure, celle qui prime sur toutes les autres.
Par ailleurs, et assez paradoxalement, pendant que les
territoires nationaux s’effilochent on assiste à
l’émergence de processus de régionalisation au sein
même des Etats nations. Des nationalismes protestataires
prennent naissance avec la volonté de recréer à un niveau
inférieur les logiques de l’Etat Nation sans en avoir
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toujours les moyens. Plus précisément, la trans-
nationalisation du monde s’accompagne d’une aspiration
à faire coexister des micro et macro solidarités en
redonnant sens à la vie et aux solidarités locales, à la
région tout en réaffirmant des solidarités religieuses,
culturelles et linguistiques. Comme le souligne Alain
TOURAINE, "finalement avec le double processus de
globalisation et de marchandisation, se met en place une
situation tout à fait nouvelle dans l’histoire humaine: des
sociétés de plus en plus dépendantes de l’économie; des
économies de plus en plus tributaires des tensions et des
soubresauts d’une sphère monétaire et financière
mondiale dont nul n’est en mesure de maîtriser les
dynamiques ou d’empêcher la spirale d’une crise ; un
pouvoir qui est partout et nulle part ; un monde des
objets, des signes, des techniques qui s’est détaché de la
vie intérieure, des principes transmis ou construits par la
tradition, l’éducation et les morales de l’intention. Avec
des valeurs érodées, des cohérences fragilisées, les
sociétés contemporaines n’ont plus de projets globaux.
La croissance économique est devenue leur principale
finalité". Les sociétés, en ce début de siècle doutent,
s’interrogent ou se réfugient dans le passé ou le
catastrophisme, rendant encore plus douloureuses les
adaptations et les modifications inévitables. Cette
évolution a particulièrement ébranlé la France. Pendant
longtemps elle est restée un espace protégé dans lequel
l’Etat omniprésent a organisé le développement
économique, social, culturel et exercé une fonction de
protection des individus notamment quand ils sont
confrontés à de gros risques. Aujourd’hui, ce modèle
fonctionne avec de plus en plus de difficultés. Ce sont les
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ordres et impulsions en provenance de l’économie monde
qui structurent nos sociétés. La marge de manoeuvre des
Gouvernements est donc devenue étroite. Les politiques
budgétaire, monétaire et de change sont incapables toutes
seules comme par le passé d’enclencher la croissance
économique et l’amélioration du revenu de chacun par
une juste répartition de ses fruits. Le modèle
d’intégration français n’a pas résisté à la multiplication
des réseaux, à l’autonomisation des individus et des
régions et aux vagues d’immigration. C’est ce qui
explique que la perte des repères identitaires y est encore
plus accentuée et fait plus mal que dans d’autres pays où
l’Etat n’a pas été aussi omniprésent.La Guadeloupe n’a
pas été épargnée, même si nous n’en avons pas encore
une claire conscience. Elle est confrontée aux mêmes
difficultés que les pays développés. Elle subit les mêmes
évolutions car elle a besoin du marché mondial pour son
approvisionnement et pour élargir le marché de ses
entreprises. L’élargissement des marchés est pour notre
pays une nécessité, pour modeler dans le sens de
l’efficacité son appareil de production. Mais elle
bénéficie aussi de l’ébranlement de la République
française et notamment de la moindre efficacité de son
modèle d’intégration et de sa centralisation qui nous ont
fait tant de mal, notamment dans le domaine culturel. La
rénovation des territoires auquel nous assistons,
l’accumulation de nouvelles ressources et l’apparition de
nouveaux réseaux qui facilitent l’autonomie constituent
des évolutions qui vont favoriser notre prise en charge et
la construction de notre destin par nous-mêmes. La
mondialisation de l’économie prépare en fait l’apparition
dans les pays développés d’une nouvelle société, la
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société post-industrielle. Alain TOURAINE la définit
comme une société programmée, informatique ou
technologique où la production et la diffusion massive de
biens culturels et d’abord l’information occupe la place
centrale que les biens matériels occupaient dans la société
industrielle. Les principales activités post-industrielles
sont l’éducation, les soins médicaux, les médias. Leur
part dans le produit national et surtout dans la population
active, s’élève rapidement. Les Etats Unis qui ont perdu
leur supériorité dans beaucoup d’industries classiques
dominent en revanche totalement le secteur de
l’information et diffusent ainsi dans le monde entier ses
représentations, ses discours et son imaginaire. Ils sont
aussi et de très loin le plus grand producteur de
connaissances scientifiques et donc à l’origine de
beaucoup de nouveaux traitements médicaux. "C’est dans
ces activités post-industrielles, que se dessinent
aujourd’hui les grands problèmes sociaux de demain, que
s’exprime le conflit entre d’un coté des dirigeants qui
cherchent à augmenter la production et la circulation des
informations et de l’autre ceux qui défendent l’autonomie
des hommes et des femmes qui se refusent à être réduits
au rôle, de consommateurs quand ils sont malades à
l’hôpital, élèves et étudiants dans les écoles et les
universités, de public de la télévision. L’opinion publique
est déjà plus sensible au fonctionnement de la télévision
qu’à la nationalisation ou à la privatisation des grandes
entreprises, aux problèmes éthiques soulevés par la
contraception, l’avortement, les thérapies génétiques, les
soins au mourant, l’accueil réservé aux malades du sida,
l’aide apportée aux vieillards dépendants, les traitements
de la maladie mentale, qu’à l’organisation des entreprises
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ou de l’Etat ". Cependant, le passage à cette société post-
industrielle qui nous sera de toute façon imposé peut être
douloureux, si nous n’anticipons pas et ne nous préparons
pas. Dans l’histoire, bien des régions ont raté leur
modernisation et ont été entraînées dans le sous-
développement et le dénuement parce qu’elles n’ont pas
fait les bons choix et les efforts nécessaires quand il le
fallait .Dans notre situation de pays à peine développé, la
régression serait encore plus rapide. Se préparer à cette
mutation induite par la mondialisation sans cependant
nous laisser dominer par des angoisses en tentant de
bloquer des évolutions inéluctables est un impératif. Il
faut que nous puissions tirer des réalités nouvelles qui ont
pour nom, internationalisation de l’économie,
multiplication des technologies de l’information et des
réseaux de communication, tendance à l’accroissement
de l’exclusion et des inégalités sociales, rupture des liens
sociaux et des anciennes habitudes culturelles auxquels
nous demeurons encore et avec raison attachés, le
dynamisme nécessaire pour préparer avec sérieux notre
modernisation et donc notre entrée dans le millénaire.
L’histoire, disait MARX, est le produit de structures
sociales et économiques. Mais, c’est l’homme qui les
élabore et les actionne. Notre Communauté doit s’atteler
avec ses moyens, son dynamisme à cette tâche oh
combien exaltante de maîtrise, de régulation et de
transformation de la mondialisation. Les plus jeunes qui
recherchent des raisons d’espérer, de vivre et de gagner
ont un rôle décisif à jouer dans ce moment délicat de
notre histoire. Dans le cas contraire nous assisterons au
triomphe d’une nouvelle barbarie administrée par les plus
forts.
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CHAPITRE II
LE PRÉALABLE DE LA CULTURE
Notre capacité à nous adapter à un monde en mutation, à
défendre nos intérêts et à garantir la pérennité de notre
communauté passe par notre culture. En d’autres termes,
ce sont nos valeurs, nos principes, et notre conception du
monde, qui nous permettrons de garder la tête haute. Il
faut rappeler que notre communauté, risque de
disparaître en tant qu’entité culturelle particulière à tout
moment. Dans les ensembles dont nous faisons partie et
dans le village planétaire qu’est devenu le monde
d’aujourd’hui, nous risquons à tout moment de nous
écrouler sous le poids du nombre et des valeurs en
provenance de l’extérieur qui nous submergent d’où une
tendance forte à adopter des modes et des attitudes le
plus souvent contraires à nos traditions. L’assimilation
française de son coté est toujours à l’œuvre notamment
par l’entremise de l’école malgré ses reculs. Bien
entendu, énoncer un tel état de fait ne veut surtout pas
dire rejet des apports externes. Même si nous le voulions,
nous n’y arriverions pas, tant sont puissants les réseaux
de communication d’aujourd’hui. Il faut par contre éviter
d’être des consommateurs passifs de valeurs externes qui
nous transforment en étrangers dans notre pays. Il nous
faut donc anticiper en créant en permanence des valeurs
nouvelles qui concurrencent les autres afin de ne pas
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demeurer des spectateurs du monde, mais devenir de
véritables acteurs de notre destin et de la civilisation de
l’universel. Apprendre à limiter ces risques, pour les
générations présentes et les générations futures est un
impératif. Pendant longtemps on a cru que le
développement qui est à la fois amélioration économique
et sociale, et processus de prise en charge par elle-même
d’une communauté était conditionné quasi exclusivement
par les ressources financières et les dotations en capital.
Ce sont ces présupposés qui expliquent l’accent mis par
les grandes organisations internationales et les pays
développés sur la mobilisation des ressources financières
pour favoriser le développement. En fait, cette vision
réductrice ignore le rôle de la culture. Les valeurs
culturelles au contraire exercent une action déterminante
dans les processus de développement. L’Europe
Occidentale, les Etats Unis, le Japon se sont rapidement
développés parce qu’ils ont utilisé leur culture pour
mobiliser leurs populations avec pour objectif
d’améliorer leur bien être sans perdre leur âme. Bien
entendu, les valeurs culturelles n’agissent pas isolement
ni de manière autonome. Elles opèrent en liaison avec
d’autres facteurs. La société en effet est la somme d’une
pluralité d’acteurs. Elle est le produit de toutes actions
qui sont orientées et motivées par des buts, des
connaissances, des intentions, des projets qu’ils
formulent et qu’ils entretiennent. Les idées et les
principes n’exercent donc une influence sur le
développement que dans la mesure où ils deviennent des
valeurs capables de susciter une assez forte motivation ou
quand ils s’intègrent à un système idéologique proposé
comme explication et comme projet l’ensemble d’une
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collectivité. Cependant s’appuyer sur la culture pour
vivre et se développer ne doit pas s’entendre comme le
retour au passé ou comme sa valorisation narcissique. Il
faut en effet se garder de glorifier le passé et de s’y
réfugier pour triompher des défis d’aujourd’hui. Il faut
aussi éviter d’en faire un modèle pour l’avenir. C’est une
attitude courante aujourd’hui dans notre pays où il ne
passe pas un jour sans que l’on honore, commémore une
date, un évènement ou des pratiques du passé. Ce n’est
pas nécessairement un signe de dynamisme comme trop
souvent on le croit ou plus exactement une certaine élite
tente de le faire croire. Le plus souvent, au contraire,
c’est le signe d’une grande faiblesse, voire d’une
incapacité à affronter le monde tel qu’il est. La peur du
changement contribue à valoriser le passé, à s’y
accrocher et rend conservateur. Une telle attitude est
dangereuse. Une culture est par essence, mouvement.
Rien n’est établi dans la vie. L’homme confronté en
permanence à des défis doit s’adapter afin de ne pas
disparaître. Tout est devenir : l’homme, les communautés
et les organisations qu’il crée n’échappent pas à cette
terrible loi. Croire le contraire serait suicidaire. Agir sans
tenir compte de cette terrible logique ne peut aboutir qu’à
des catastrophes. Les communautés solides sont celles
qui intègrent dans leur héritage les moyens de la survie et
du développement. Nous sommes aujourd’hui
comptables à la fois de nous, et de nos descendants. Le
plus grand crime de ceux qui sont vivants serait de laisser
à ceux qui viennent des moyens insuffisants pour
combattre le défi permanent du mouvement. La culture
doit dans ces conditions s’enraciner solidement dans le
passé, non pas pour le valoriser et le présenter comme
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modèle, mais pour être un trait d’union. C’est le moyen
de prendre en compte les vœux de nos ancêtres. Ces
derniers de quelque origine qu’ils fussent nous ont laissé
un message de liberté et de dignité. Venus pour la plupart
contre leur gré sur la terre de Guadeloupe, ils ont
souhaité, j’en suis onvaincu, que cette offense soit un
jour réparée et que jamais dans l’avenir leurs descendants
ne soient traités de la même manière. Nous avons
l’obligation de respecter cet appel. Au contraire, il nous
faut faire le diagnostic exhaustif de notre passé, afin d’en
dégager les aspects positifs et négatifs pour mieux
préparer l’avenir. La culture est importante parce que
elle est un ensemble de manières de penser, de sentir et
d’agir plus ou moins formalisé qui étant apprises et
partagées par une pluralité de personnes servent de
manière à la fois objective et symbolique à constituer ces
personnes en une collectivité particulière et distincte. Elle
exerce de ce fait un certain nombre de fonctions
indispensables à la vie sociale. Sa fonction essentielle est
de réunir une pluralité de personnes en une collectivité
spécifique. La culture apparaît donc comme l’univers
mental, moral et symbolique commun à une pluralité de
personnes grâce à laquelle et au travers de laquelle ces
personnes peuvent communiquer entre elles, se
reconnaissent des liens, des attaches, des intérêts
communs, des divergences et des oppositions, se sentent
enfin chacune individuellement et toutes collectivement
membres d’une même entité qui les dépasse. Elle remplit
sur le plan psychologique une fonction de moulage des
personnalités individuelles. Une culture est en effet une
sorte de moule dans lequel sont coulées les personnalités.
Ce moule leur propose ou leur fournit des modes de
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pensées, des connaissances, des idées, des canaux
privilégiés d’expression, des sentiments, des moyens de
satisfaire ou d’aiguiser des besoins physiologiques.
L’individu qui naît et grandit dans une culture
particulière est contraint d’aimer et d’utiliser certains
mots d’une certaine manière, de relier certains sentiments
à certaines couleurs, de se marier selon certains rites,
d’adopter certains gestes ou certaines musiques, de
percevoir les étrangers avec une optique particulière. Ce
moule n’est pas rigide. Il est assez souple pour permettre
des adaptations individuelles. Chaque personne en
définitive assimile la culture d’une manière qui lui est
propre, et la construit à sa façon. La culture offre donc
des choix, des options entre des valeurs dominantes et
des valeurs variantes, entre des modèles préférentiels
variants ou déviants. Elle peut aussi autoriser les acteurs
sociaux à innover mais le plus souvent à l’intérieur de
limites données. Les choix offerts aux acteurs ne sont
jamais illimités. On peut donc dire que la culture informe
la personnalité dans le sens qu’elle lui confère une forme,
une configuration, une physionomie qui lui permet de
fonctionner au sein d’une société donnée. La double
fonction sociologique et psychologique de la culture ne
se comprend et ne s’explique véritablement que dans le
contexte d’une autre fonction plus générale et plus
fondamentale, celle qui permet de favoriser l’adaptation
de l’individu et de la société à leur environnement et à
l’ensemble des réalités avec lesquelles ils doivent vivre.
Notre culture est le produit d’une triple influences qu’il
nous faut bien connaître afin d’en prendre la mesure. Elle
a tout d’abord et bien entendu une composante africaine.
En dépit de ce que nous pensons et disons nous sommes à
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l’origine des africains. En effet, malgré la pratique
honteuse des esclavagistes européens qui consistait à
séparer autant que faire se peut les Africains de même
ethnie ou en provenance d’une même région, nos
ancêtres africains ont gardé au fond de leur conscience
des bribes de leur culture d’origine. Une culture ne
s’oublie pas facilement. La culture ou les cultures
africaines ne sont pas comme le laissaient entendre les
propagandes européennes malheureusement reprises par
nos propres compatriotes des cultures primitives ou
sauvages. La culture africaine est ancienne, complexe,
détaillée et fine comme le sont toutes les cultures. La
conception du monde, la place de l’Homme dans
l’univers et dans la société, le savoir, les religions,
l’organisation familiale, sociale et politique étaient
largement traités et n’avaient rien à envier aux autres
civilisations. De plus les Africains disposaient d’une
caractéristique exceptionnelle, la capacité d’adaptation
engendrée par un environnement physique difficile et une
instabilité provoquée par des guerres nombreuses et
meurtrières. En relation depuis longtemps avec l’islam,
le catholicisme et le judaïsme, les africains étaient
habitués à triturer et reformuler les religions étrangères.
Ce sont probablement ces vertus acquises dans
l’adversité qui expliquent qu’ils aient résistés à la terrible
épreuve de l’esclavage. L’Afrique est donc présente dans
nos consciences, nos gestes et notre démarche même si
nous avons tendance à la minorer, car nous sommes
encore sous l’influence des idéologies européennes qui
continuent à nier des évidences. En tous cas, nous ne
devons avoir aucune honte à affirmer notre composante
africaine, non pas en invoquant la race ce qui n’est pas
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fondamental, mais la culture, car c’est elle qui est durable
et conséquente. Elle est aussi influencée par la France.
Avec l’aide d’une assimilation qui fut l’instrument
d’homogénéisation culturelle de la France , nous avons
hérité de beaucoup de traits de la culture française
comme tous les pays qu’elle a longuement colonisé.
Cette influence fut d’autant plus forte que nous avons
tenté et souvent réussi a reproduire ce que nous croyons
être cette culture en raison de la logique de l’esclavage.
Beaucoup voudraient nous faire mettre de coté
l’esclavage. C’est oublier que beaucoup de nos attitudes
sont son produit direct. Nous aurons à porter qu’on le
veuille ou non pendant longtemps encore le fardeau de
l’esclavage, car on ne se débarrasse pas d’un coup de
baguette magique de ses traumatismes. L’esclavage a été
beaucoup plus qu’une simple privation de liberté. Ce fut
un système social avec ses valeurs et ses interdits, dont la
régulation s’est faite par la violence la plus brutale. Les
maîtres du système avaient réussi à transformer les
esclaves en vigiles de l’ordre établi, puisque la délation
constituait un moyen de récompense qui améliorait la
place dans la société. Certains traits actuels de notre
personnalité sont la conséquence directe de ce système.
Notre sens de l’adaptation, notre agilité exceptionnelle
pour l’imitation, la violence dans les relations sociales et
professionnelles, notre individualisme, notre conception
du temps qui met l’accent sur le court terme au détriment
du moyen et du long terme, notre aptitude au combat
singulier et à la confrontation sont probablement les
produits directs de ce système social original. L’influence
française nous a marqué par le biais de l’esclavage ce qui
a tissé une relation ambivalente entre la France et nous.
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Elle a aussi une dimension indienne et libanaise. Les
indiens arrivés au 19 ième siècle, ont pris du temps pour
rappeler leur présence et revendiquer leur droit. Arrivés
en GUADELOUPE dans des conditions aussi
dramatiques que les africains, et issus la plupart du temps
des castes défavorisés, ils sont restés longtemps
marginaux. C’est pourquoi l’influence indienne sur la
culture guadeloupéenne a commencé avec beaucoup de
retard. Cette dernière ne peut que s’enrichir de l’apport
d’une civilisation dont les valeurs de tolérance, la
conception de l’histoire et sa capacité à respecter les
différences et les contraires est exceptionnelle. Quant aux
libanais, ils ont pris conscience de leur présence
définitive en GUADELOUPE et sont dorénavant
disposés à apporter la contribution d’une culture
particulièrement riche. Cependant, sans le ciment d’une
religion, menacée en permanence par des facteurs
externes de désintégration que nous avons peine à
contrôler et ayant de surcroît la fragilité de la jeunesse
(deux siècles dans l’histoire d’une communauté
représentent peu de choses) notre culture ne semble pas
disposer, à l’orée du 21ième siècle, des attributs pour
devenir le catalyseur de notre existence. Ce siècle
nouveau doit impérativement être celui de sa
consolidation et de son enrichissement. Depuis sa
naissance en effet, notre culture a oscillé entre différents
pôles. Le 18 et 19ième siècle ont été l’époque de
l’imitation européenne. Tout ce qui était blanc et
européen était considéré comme bon. Frantz Fanon a
remarquablement décrit dans "PEAUX NOIRES ET
MASQUES BLANCS" les dégâts d’une telle attitude. Le
20 ième siècle par contre a été celui de la glorification de
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la dimension nègre et dans une moindre mesure Africaine
car nous continuons toujours obstinément à distinguer ce
qui est noir de ce qui est Africain. Ce fut pour certains
d’entre nous l’époque de la négritude. Césaire disait de la
négritude qu’elle est la simple connaissance du fait
d’être noir, de notre histoire et de notre culture. La
négritude et toutes les pratiques qu’elle a contribuées à
faire naître, a permis à notre peuple de prendre
conscience et de valoriser sa dimension négro-africaine.
Les résultats ont été exceptionnels. On a assisté à un
rééquilibrage des psychologies fragilisées par
l’assimilation et l’imitation. Cependant elle n’a pas tout à
fait supprimé le processus d’aller et retour entre les deux
pôles de notre culture. J’ai même l’impression que nous
sommes arrivés à maîtriser cette ambivalence en faisant
valoir selon les circonstances l’une ou l’autre des
logiques. Le 21ième siècle doit nous permettre de
dépasser ce jeu de balancier au fond néfaste à l’équilibre
collectif et individuel de notre communauté. Il nous faut
d’autant plus nous atteler à cette tache que la
mondialisation impose petit à petit un type de culture
véhiculé par les médias dont l’efficacité est multipliée par
les technologies de l’information. Le village mondial
n’est pas une utopie. C’est la réalité d’aujourd’hui. Pour
ce faire, je ne crois pas à l’idée de création d’un type
idéal guadeloupéen à partir d’une fusion entre toutes les
communautés qui composent notre pays. Cette vision ne
me parait pas adaptée à notre réalité. L’idée d’un
métissage qui aurait rassemblé des ethnies et des cultures
différentes ne résiste pas à l’analyse. Notre Guadeloupe
est en fait composée de communautés différentes qui
partagent une expérience historique identique. C’est ce
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qui fait sa richesse et sa force. Les descendants
d’africains, d’indiens, d’européens, de libanais vivent
dorénavant dans le même pays et y sont tous attachés
parce que c’est le pays qu’ils ont en définitive choisi. Ils
partagent des valeurs communes, utilisent les mêmes
langues. Mais ils sont le fruit de cultures différentes qu’il
faut maintenir et parfois dynamiser. Vivre ensemble ne
doit pas vouloir dire abandonner cette richesse et cette
diversité que nous avons et qui fait de notre pays un pays
monde où cohabitent des entités différentes et riches de
leur longue Histoire. Les Africains, les Indiens, les
Européens, et les Méditerranéens et ceux qui les ont
rejoints plus récemment se métissent en s’enrichissant de
leur différence sans que cela aboutisse nécessairement à
la dissolution de leur culture d’origine. Au contraire, il
nous faut encourager chacune de nos communautés à se
réapproprier son passé, tout son passé, afin qu’elles
apportent à la GUADELOUPE toute leur richesse. Les
Africains, les Européens, les Indiens et les
méditerranéens doivent se confronter en apportant ce qui
fait leur originalité et leur spécificité. La Guadeloupe a
besoin de la tolérance indienne, du rationalisme
européen, du mysticisme africain et de la convivialité
libanaise. Nous sommes riches de nos différences. C’est
vers cet équilibre qu’il nous faut tendre, en tentant
cependant de préserver ce qui en fait l’originalité, par une
capacité à filtrer ce qui inéluctablement nous vient de
l’extérieur par la multiplication des canaux d’information
internationaux. Il ne faut pas nous laisser submerger par
les influences extérieures, en tentant simplement d’imiter
et d’adopter. Il faut au contraire, une attitude plus
offensive pour se confronter à l’extérieur et faire entrer
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dans notre moule les valeurs et principes externes qui
nous paraissent acceptables. Cela suppose, d’affirmer les
grands principes de notre culture, et d’acquérir de
nouveaux qui à la fois vont améliorer nos capacités
d’évolution et d’adaptation. En particulier, apprendre à
agir collectivement me parait indispensable.
L’individualisme qui nous caractérise actuellement
permet une adaptation individuelle au coup par coup. Or,
ce qui est nécessaire, c’est notre capacité collective.
Apprendre à se regarder en face, à dialoguer sans arrières
pensées, et à se mettre d’ accord sont devenus nécessaires
afin de disposer d’une réelle cohésion sociale pour faire
face aux défis. Notre société doit à la fois apprendre à
accepter le débat, la confrontation et la capacité à
rechercher l’accord notamment sur les problèmes
essentiels. En somme, il y a un temps pour la
confrontation, un temps pour le dialogue et un temps
pour l’accord. Il nous faut tenter rapidement d’expurger
de nos consciences cette tare léguée probablement par la
société esclavagiste et qui consiste à croire que c’est
individuellement que nous nous sauverons. Par ailleurs,
compte tenu de notre petite dimension et des contraintes
que nous imposent l’insularité, il nous faut acquérir aussi
le réflexe du moyen et du long terme. Ce n’est pas en
privilégiant le court terme que nous atteignerons nos
objectifs. Au contraire, c’est en replaçant nos actions
dans une perspective moyenne et longue que nous
réussirons. Tout nous renvoie à la notion de cohésion
sociale et culturelle. C’est cette cohésion qui nous
sauvera et facilitera notre démarche. C’est pourquoi, il
nous faut rapidement nous engager dans la voie de la
rénovation et de la consolidation de notre culture, afin
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qu’elle devienne notre arme absolue pour notre survie
toujours menacée, pour le développement économique et
social et pour notre participation à la construction de
l’universel. Ainsi, serons-nous bien armés pour affronter
avec succès le 21ième siècle.
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CHAPITRE III
LA RÉFORME POLITIQUE
Depuis 50 ans, hormis la décentralisation qui est un
processus interne à l’Etat francais et qui vise à améliorer
son fonctionnement, nos institutions politiques ont en
définitive peu évolué alors que notre société a
profondément changé. Il en résulte un décalage croissant
entre la société et ses institutions. Cette situation est liée
au fait que trop souvent on minimise l’impact des
institutions sur le développement et que l’on a toujours
estimé qu’il n’y a point de salut pour notre pays hors de
la République Française, le choix fait en 1946 par nos
représentants ayant en quelque sorte définitivement arrêté
l’Histoire. En réalité l’absence d’innovations
institutionnelles est une des causes principales de nos
difficultés. Les institutions politiques sont en effet
capitales dans l’aménagement, le développement et
l’administration d’un territoire. Cela ne sert à rien de
vouloir répartir des Hommes et des activités dans un pays
s’il n’y a pas d’institutions pour les y fixer. Le rôle des
institutions est en effet de produire de l’organisation,
c’est-à-dire de l’aptitude à faire coopérer des acteurs.
C’est en ce sens qu’elles peuvent être considérées comme
un facteur de production au même titre que le travail et le
capital. De plus elles constituent des lieux de solidarité
entre les hommes où se fabrique l’ordre social en vue
d’éviter la discorde, et le morcellement. Elles régulent la
vie économique, sociale, politique en fabriquant des
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règles du jeu, et en faisant accepter les contraintes. Elles
contribuent à faire émerger le progrès et le changement.
Ceux qui pensent que l’évolution institutionnelle et
notamment l’évolution politique est secondaire, et que
c’est le développement économique qui prime se
trompent lourdement. La violence qui aujourd’hui détruit
petit à petit notre société et tend à exacerber les
oppositions est incontestablement la conséquence du
fonctionnement d’institutions inadaptées. Se taire ou
cacher cette terrible vérité serait rendre un mauvais
service à notre peuple particulièrement traumatisé par de
nombreux dysfonctionnements et notamment une
colonisation jacobine de plus en plus intolérable. De tous
temps, la colonisation qui donnait à Paris et à ses
représentants locaux l’essentiel des pouvoirs, cantonnant
ainsi nos représentants élus dans un rôle secondaire a été
critiquée. Il suffit de parcourir notre Histoire pour
constater la permanence de cette critique et de la
revendication pour disposer de réels pouvoirs afin
d’administrer et développer le pays. PAUL
VALENTINO en 1946 après la transformation forcée de
notre pays en département français avait souhaité
conserver les franchises locales c’est-à-dire les pouvoirs
anciens qui permettaient aux assemblées
guadeloupéennes d’administrer et de lever l’impôt en
toute indépendance. Les communistes dès 1958 ont
prôné l’autonomie en union avec la France .Puis ceux
que l’on a appelé nationalistes ont revendiqué
l’indépendance nationale.Plus récemment une partie de la
droite appendice d’une droite nationale en Guadeloupe a
avec la déclaration de Basse-Terre revendiqué la création
d’une région autonome. C’est aussi pour cette raison que
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la décentralisation de 1982 qui opérait un partage
nouveau du pouvoir politique et administratif entre Paris
et notre pays en donnant des attributions importantes aux
institutions locales fut applaudie malgré ses
insuffisances.Cependant, l’indépendance que certains
proposaient comme la solution à tous les problèmes
auxquels notre pays était confronté faisait peur. Cette
option choisie massivement par tous les colonisés et tous
les exploités de la planète fut régulièrement rejetée, il est
vrai indirectement c’est à dire sans consultation directe
de notre peuple, parce beaucoup croient à tort qu’elle
n’est pas capable de donner au pays le niveau de vie et
de protection sociale auquel il aspire. L’indépendance et
la constitution d’un Etat nation ne semblent pas pour une
majorité de nos compatriotes la voie la plus appropriée
pour le développement humain qui demeure l’objectif
final. Il s’agit il est vrai d’un modèle qui exige des
ressources nombreuses, de l’organisation et surtout une
grande détermination si l’on souhaite atteindre les
objectifs sociaux minimum en de ça desquels il n’y a pas
de véritable épanouissement humain.La propagande
française distillée avec des moyens considérables est
dans une large mesure responsable de cet état de fait .La
France malgré les dispositions de la charte des Nations
unies qui exige des puissances administrant les pays
dépendants de préparer les peuple à l’autodétermination a
toujours fait le contraire et cela conformément à son
attachement aux idéaux de la république impériale. C’est
inadmissible. Mais cette position de nos compatriotes est
excessive. D’ailleurs, je ne la considère pas comme un
rejet définitif de la souveraineté et ni surtout comme
une volonté d’effacer les traits qui font que nous
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sommes une communauté nationale souhaitant vivre
comme elle l’entend et notamment avec sa culture. Le
droit international de la décolonisation que la France ne
respecte pas reconnaît aux peuples le droit de choisir leur
forme de gouvernement et bien entendu leur tutelle. Il est
dommage à cet égard qu’il ne sanctionne pas les
pratiques de certains Gouvernements qui utilisent la peur
et font du chantage financier pour interdire aux peuples
de se déterminer en toute liberté. Dans un monde ou il y a
de nombreux petits territoires abritant des nations il
devient de plus en plus indispensable de protéger ces
pays éventuellement contre eux-mêmes et de rappeler
aux colonisateurs que la nation continue d’exister car la
forme de gouvernement de tutelle choisie ne la dissout
pas. L’indépendance de la Guadeloupe ne sera pas un
prélude à la misère comme l’annoncent avec morgue ses
détracteurs. Haiti que ces propagandistes utilisent est un
cas particulier .La France et l’Occident mécontents de
l’indépendance haitienne acquise pendant l’esclavage ont
tout fait pour étouffer cette nouvelle nation en lui
imposant des contraintes inadmissibles .Jamais au cours
de ses deux cent premières années Haiti n’a eu les
moyens et l’oppportunité de construire le pays que
souhaitait le peuple haitien. Ce n’est pas l’instabilité de
ce pays comme le disent les maîtres du monde qui est à
l’origine de ses difficultés. Tous les pays du monde, tous
les peuples ont la volonté de vivre heureux et en paix
tout en préservant leur âme. La liberté des peuples est
donc un droit naturel qu’aucune constitution ne pourra
faire disparaître. Les peuples indépendants ne triomphent
que s’ils sont organisés et travailleurs. Les
guadeloupéens seront donc capables, j’en ai la conviction
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d’organiser leur indépendance pour qu’elle soit bénéfique
à tous.Tous les discours qui affirment le contraire
constituent des mépris pour un peuple qui a su montrer sa
force et sa détermination au cours de sa brève histoire. La
grande affaire du 21ième siècle sera de trouver un
équilibre entre deux besoins nécessaires : le besoin de
grands ensembles qui favorise le développement et le
besoin pour chaque communauté de s’administrer toute
seule qui garantit l’épanouissement individuel et collectif
et certaine paix intérieure.Devant la permanence et la
force de cette critique les autorités françaises après 60ans
d’immobilisme borné ont décidé de faire évoluer les
choses. Ce fut tout d’abord en 1982 la décentralisation
qui s’appliqua à la fois aux territoires hexagonaux et aux
territoires éloignés. Cependant la forme qu’a prise cette
décentralisation a déçu. En 1982, certains attendaient
une révolution politique. Au contraire nous n’avons eu
qu’un replâtrage institutionnel qui n’a pas modifié la
logique coloniale de la République française.
L’insistance des autorités centrales (Gouvernement,
Parlement, Conseil Constitutionnel) qui utilisaient le
principe d’assimilation pour s’opposer à la création d’une
seule collectivité pour gérer notre pays et pour exiger le
maintien des deux collectivités aux attributions qui se
recoupent ne nous apparaissait pas convaincant ainsi que
la faiblesse des transferts de compétence. Au cours des
vingt dernières années nous nous sommes tous rendus
compte des inconvénients de ce modèle institutionnel
pour faire face aux grands défis auxquels nous sommes
actuellement confrontés. Département et Région ne
peuvent réglementer en raison de l’assimilation juridique.
Ces deux collectivités ont plutôt tendance à s’opposer. Il
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en fut ainsi même quand elles disposaient de la même
majorité politique. L’existence de deux collectivités pour
gérer la Guadeloupe est devenue en définitive une
machine à diviser au lieu d’être l’instrument moderne de
l’administration et du développement. De plus la
multiplicité des pouvoirs a engendré une grande opacité
de l’action publique et rendu difficile la sanction par le
citoyen. Cette situation n’est pas sans rapport avec la
dépolitisation qui mine notre démocratie. Ce n’est pas par
hasard que nos compatriotes et notamment les jeunes
générations se méfient de la politique et considèrent tous
les élus comme des vendus et non comme des
administrateurs de l’intérêt général. C’est une situation
extrêmement dangereuse qu’il nous faut traiter
rapidement si nous souhaitons donner de la vigueur à
notre démocratie. De plus, de trop nombreux domaines
qui nécessitent des solutions particulières (transport,
gestion du domaine public, fiscalité, relations
internationales notamment) ont continué à relever encore
de l’Etat français et sont administrés par le Préfet. La
réglementation générale applicable à notre pays (lois et
règlements) est toujours de la compétence des
institutions françaises qui campées sur les principes
constitutionnels d’unité, et d’égalité estiment que des
règles générales adoptées par les instances nationales
peuvent régler tous les problèmes. L’administration passe
donc une bonne partie de son temps à rechercher la
cohérence juridique de ses décisions ce qui provoque des
mécontentements. C’est cette démarche quotidienne des
fonctionnaires qui explique les blocages envenimant les
relations sociales et professionnelles (voir par exemples
les transports publics et les agents publics non titulaires).
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En fait c’est le principe d’assimilation qui est inadapté. Il
faut noter à cet égard que les parlementaires martiniquais
et guyanais ( les guadeloupéens ont toujours été hostiles à
l’assimilation ) en 1946 n’avaient sollicité l’application
du principe d’assimilation que parce que celui de la
spécialité qui avait cours pendant longtemps avait été
utilisé pour empêcher l’application dans notre pays de
lois sociales dont les classes laborieuses avaient besoin
pour s’épanouir. Cependant malgré ses défauts, la
décentralisation de 1982 a eu quelques effets positifs qui
lui ont donné une excellente image dans notre pays. La
nouvelle répartition des ressources nationales et leurs
nouveaux modes d’administration et d’allocation, en quoi
elle se résume a permis notamment de renouveler les
équipements publics et faire prendre conscience de
l’efficacité de se diriger soi même. C’est l’indication que
l’intervention du pouvoir guadeloupéen est nettement
plus efficace que celui d’un Etat éloigné colonisateur.
Entre 1990 et aujourd’hui en revanche dans le domaine
économique parce que les priorités n’ont pas changé alors
que la conjoncture avait évolué en raison du manque de
moyens légaux et réglementaires des autorités
guadeloupéennes engoncées dans une décentralisation
insuffisante les résultats ont été médiocres. Pour toutes
ces raisons, nous préconisons une réforme profonde de
nos institutions qui aille bien au delà de la
décentralisation. Cette dernière selon nous est une affaire
française .Pour notre pays la Guadeloupe, il faut
appliquer le droit international de la décolonisation que la
France qui est un membre permanent du conseil de
sécurité doit impérativement respecter. Pendant
longtemps la constitution française s‘est opposée à la
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mise en place de cette logique et notamment depuis
l’échec de la communauté instituée en 1958, entre la
France et les territoires colonisés d’Afrique. L’évolution
institutionnelle de la Nouvelle Calédonie a remis à
l’ordre du jour ce modèle, basé sur le Préambule de la
Constitution qui mentionne "Les peuples dont la France a
pris la charge" et le principe de "la libre détermination
des peuples". Le Conseil Constitutionnel français s’est
toujours référé à ces principes pour la décolonisation.
Enfin, l’article 53 de la Constitution permet de vérifier à
tout moment et pour toute partie du territoire français la
volonté du maintien de la population concernée au sein
de la République et interdit de façon réciproque que
l’indépendance d’un territoire ne soit acquise contre la
volonté expresse de la majorité de cette population.
L’accord de Nouméa du 5 mai 1998, la loi
constitutionnelle du 20 juillet 1998 et les lois du 19 mars
1999 (l’une ordinaire et l’autre organique) tels qu’elles
ont été interprétées par deux décisions du Conseil
Constitutionnel introduisent dans le droit public français
un profond changement constitutionnel qui devrait
s’appliquer à notre pays. L’article 77 nouveau de la
constitution conduit à donner valeur constitutionnelle à
l’accord de Nouméa. Le droit constitutionnel peut être
dérogatoire. Rien ne s’oppose dit le conseil
constitutionnel sous réserve des articles 7, 16 et 89 de la
constitution à ce que le pouvoir constituant introduise
dans le texte de la constitution des dispositions nouvelles
qui dans les cas qu’elles visent dérogent à des règles ou
principes de valeur constitutionnelle. Ce nouveau droit
constitutionnel prévoit une souveraineté partagée, la
reconnaissance d’une citoyenneté de Nouvelle Calédonie
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et la préférence régionale pour l’emploi. La Nouvelle
Calédonie en liaison avec l’Etat français doit être en
mesure d’offrir des garanties particulières pour le droit à
l’emploi des ses habitants ce qui nécessite une
réglementation spécifique sur l’entrée des non résidents,
la restriction du droit d’établissement pour les
professions indépendantes à l’encontre des non résidents
et la mise en oeuvre d’un accès privilégié à l’emploi dans
le secteur privé ou dans la fonction publique locale au
bénéfice des citoyens de Nouvelle Calédonie et des
personnes qui justifient d’une durée suffisante de
résidence. C’est pour tenir compte de ces évolutions que
les Gouvernements de gauche et de droite vont prendre
des initiatives pour relancer la décentralisation. La loi
d’orientation pour l’outre mer des socialistes va créer le
Congrès qui est une assemblée sans pouvoir de décision
dont la mission essentielle devrait consister à proposer au
Gouvernement des évolutions statutaires, faire du droit
d’adaptation une disposition législative et allouer
quelques attributions de politique internationale aux
assemblées guadeloupéennes. Surtout, après la fin de la
cohabitation en 2002, dans le cadre de l’acte 2 de la
décentralisation une réforme constitutionnelle
d’envergure fut engagée afin de donner aux collectivités
locales des pouvoirs plus importants et notamment à
celles situées à l’extérieur de l’hexagone (loi sur les
responsabilités locales). Ainsi, la Guadeloupe est
dorénavant inscrite dans la Constitution. De plus, l’article
73 nouveau prévoit un double mécanisme d’adaptation de
la réglementation nationale et des dérogations qui doivent
être organisées par une loi organique récemment mise en
chantier.Surtout, ce sont les Assemblées
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guadeloupéennes qui pourront les voter. Enfin la
possibilité de changer d’institutions, de statut et donc de
supprimer le Département et la Région et l’assimilation
juridique pour la remplacer par le principe de spécialité
est désormais inscrite dans la Constitution et réalisable
qu’après consultation des personnes qui votent. Il est
regrettable que cette consultation organisée en décembre
2003 dans la précipitation, avec une question complexe
ne fut pas un référendum et que le corps électoral fut
composé aussi d’électeurs qui n’étaient pas des
guadeloupéens. Certes le peuple Guadeloupéen suite aux
propositions faites par le Congrès a rejeté à une grande
majorité la création d’une collectivité nouvelle
remplaçant Région et Département administrée par une
seule assemblée lors du référendum du 7 décembre 2003.
Mais au contraire de ce que beaucoup avancent ce
résultat en principe n’empêche pas au nouveau modèle
d’organisation politique de se mettre en place puisque ce
qui était essentiel à savoir la possibilité dans un nombre
limité de domaines déterminés par le Parlement d’avoir
une réglementation et des politiques guadeloupéennes est
dorénavant inscrite dans la constitution à moins que les
Gouvernements ne tiennent pas à donner suite à ces
dispositions. De leur côté SAINT MARTIN et SAINT
BARTHELEMY consultés le même jour choisirent de
devenir collectivité régie par l’article 74 organisant un
statut homogène leur permettant de sortir du cadre
guadeloupéen et de l’assimilation. Je regrette ce départ et
je propose pour y remédier la création d’une Union
caraïbe de nos collectivités disposant de pouvoirs réels.
Aujourd’hui la situation a donc bien évolué même si les
institutions politiques et administratives sont demeurées
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ce qu’elles étaient. Département et Région sont encore
présents dirigés par une majorité de conservateurs
puisque dans la foulée de la consultation de décembre,
les Guadeloupéens ont choisi pour administrer en parti
les affaires guadeloupéenes les socialistes qui furent
hostiles à la création d’une nouvelle collectivité en
remplacement du Département et de la Région. Par
ailleurs les réformes attendues pour renforcer la
démocratie comme l’interdiction du cumul des mandats,
la limitation de la durée d’exercice des mandats
notamment ont été soit oubliées soit insuffisantes. C’est
dire que la réforme politique est encore à l’ordre du jour
au contraire de ce que certains avancent. Le refus des
guadeloupéens de créer une collectivité nouvelle n’a pas
mis un terme à la volonté de beaucoup de nos
compatriotes de construire un nouveau système politique
administré par notre peuple. Il ne signifie pas non plus
une volonté de nos compatriotes de disparaître en
s’intégrant comme certains le suggèrent. Ceux qui
pensent qu’il ne faut plus débattre autour de ces questions
se trompent lourdement .La signification politique d’un
vote est rarement univoque .En décembre 2003, les
Guadeloupéens ont surtout décidé de sanctionner les
pouvoirs en place et notamment celui du Président de la
Région. Ils ont estimé que cette démarche était plus
importante que tout le reste. Je crois qu’ils ont eu raison
de rappeler aux représentants politiques qu’il fallait en
priorité qu’ils changent et que l’absence de transparence
et les comportements dictatoriaux ne devaient plus avoir
cours. Maintenant j’estime qu’il faut achever la réforme
politique et l’amplifier. La Guadeloupe doit se diriger
elle-même : c’est un droit naturel que tout le monde doit
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respecter. Il faut à la fois accroître les attributions des
institutions politiques guadeloupéennes et construire de
nouvelles institutions politiques et administratives car
qu’on le veuille ou non la multiplicité des structures de
prise de décision diminue considérablement l’efficacité
de l’action publique et augmente son prix. Pour tenir
compte de ces évolutions je propose un plan reposant
sur cinq piliers:
• Tout d’abord la création d’un état de
GUADELOUPE en remplacement du
Département et de la Région qui seront
supprimés. Cette collectivité comprendra
plusieurs organes :
• une assemblée, composée de 51 membres élue selon un
scrutin mixte de liste à la représentation proportionnelle
et uninominal majoritaire pour 5 ans dans le cadre de
plusieurs circonscriptions afin que toutes les sensibilités
politiques soient représentées tout en favorisant bien
entendu la constitution d’une majorité de gouvernement.
Ce mode de scrutin en permettant une représentation de
tous évitera qu’une partie de notre peuple ne puisse pas
participer à la prise de décision politique.C’est un
élément clef de la cohésion sociale et culturelle dont nous
avons besoin pour faire face aux défis du millénaire.
Dans une démocratie il est toujours dangereux de mettre
de côté ou de marginaliser certaines formations
politiques. Pour tenir compte de notre situation
d’archipel, Marie-Galante, les Saintes Saint- Désirade
doivent disposer d’une large autonomie au sein du nouvel
état. Les conseils élus par leur population disposeront de
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larges attributions dans les domaines de l’urbanisme, du
développement économique, et de la culture. Les
organes centraux de la nouvelle entité auront surtout des
attributions de collecte des ressources, de solidarité, de
planification, d’impulsion et de coordination. Nous ne
devons pas reproduire les mécanismes que nous
dénonçons dans nos relations avec la France. Dans un
pays comme le notre qui éprouve beaucoup de difficultés
à dialoguer et à se concerter cette organisation permettra
probablement un meilleur dialogue. L’assemblée élira
son président, son bureau et ses commissions de travail.
• Un Conseil de gouvernement dirigé par un président,
élu par l’assemblée à la suite des élections générales.
Celui ci composera son conseil qui pourra comprendre
des personnalités non élues ce qui permettra à des
femmes et a des hommes disposant d’un statut moral et
de compétences de participer à l’administration de notre
pays sans passer par l’épreuve des élections. Ce conseil
sera responsable devant l’Assemblée qui pourra par une
motion de défiance le démettre. Chaque membre
disposera d’un domaine d’activité propre et d’un budget.
• Un conseil économique, social et culturel aux
attributions consultatives sera chargé de représenter
l’ensemble de la société civile. Il donnera des avis sur
saisine du conseil de gouvernement et pourra
entreprendre toute étude pour améliorer l’Administration
du pays et son développement économique et social.
• Ensuite, l’Etat francais continuera à être
représenté par un représentant. Par ailleurs, il
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nous faudra impérativement construire une
nouvelle justice. La justice en effet a toujours
été exercée au nom du peuple francais .Elle n’est
donc pas équitable. Appliquer une justice à un
peuple au nom d’un autre peuple est un acte
colonial .Les nombreux dysfonctionnements de
la justice dans notre pays sont la conséquence de
cette position de principe qui en dit long sur les
motivations profondes des français.Dans la
nouvelle organisation de la justice le pouvoir
judiciaire aura pour mission de faire respecter
la légalité. Un procureur de la république
indépendant de tous les pouvoirs sera chargé
sous le contrôle de la population de défendre les
intérêts de la société. L’assujettissement de
l’Administration au droit sera renforcé car il
s’agit d’un mécanisme efficace de protection du
citoyen dont nous avons particulièrement besoin
compte tenu de nos tendances culturelles qui
tendent à donner au pouvoir politique une place
trop importante. Une Chambre des comptes en
charge du respect de la législation budgétaire et
financière continuera à fonctionner afin d’éviter
les dérapages financiers que connaissent trop
souvent il est vrai les organisations publiques.
Ces avis et recommandations devront être
publiés. Enfin une cour supprême sera chargé
comme dans toutes les démocraties de réguler et
d’harmonoser la réglementation.
• Une nouvelle répartition des compétences
et des attributions entre l’Etat francais, l'Etat de
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Guadeloupe et les communes. L’Etat de
Guadeloupe disposera à terme et selon un
calendrier précis de la totalité des attributions
d’un état souverain.Dans une première étape où
il y aura un partage de souveraineté, je préconise
que la compétence de l’Etat francais soit une
compétence d’exception tandis que celle de du
nouvel Etat soit de droit commun.Cela veut dire
que le pouvoir politique guadeloupéen aura en
charge toutes les compétences à l’exclusion des
attributions confiées à la France. Les
compétences partagées seront la sécurité, la
diplomatie, la défense la protection sociale et la
solidarité financière. Toutes les autres
attributions relèveront de la GUADELOUPE.
Cela nécessitera notamment de mettre un terme
à l’assimilation juridique. La réglementation
applicable sera élaborée par les instances
guadeloupéennes. Par ailleurs dans certains
domaines des mécanismes de co-décision seront
instaurés comme la sécurité et les relations
internationales. Enfin, je crois indispensable de
revoir les compétences des communes organes
de base de notre organisation territoriale. La
taille des communes est trop petite pour
conduire des politiques pertinentes. Qu’il
s’agisse d’alimenter une agglomération en eau,
de traiter les effluents et les déchets, de
promouvoir le développement économique,
d’assurer la sécurité, de construire des
équipements publics et de gérer l’urbanisme et
les transports tout se joue à un niveau plus vaste.
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L’architecture des communes est de moins en
moins adaptée aux besoins d’aujourd’hui. Elle
favorise des gaspillages, des investissements
surdimensionnés et donc l’augmentation des
impôts. Je préconise de diminuer le nombre des
communes, de développer l’ intercommunalité
et de confier au nouvel état bon nombre de leurs
compétences comme, l’urbanisme, la police afin
de doter la GUADELOUPE qui a la dimension
et la population d’une ville moyenne d’une
organisation territoriale rationnelle.
• La réussite de cette révolution politique
nécessite une nouvelle organisation financière.
La question fondamentale qui va se poser
rapidement est celle de l’équilibre budgétaire.
Nous devons en effet financer l’ensemble des
dépenses publiques par nos ressources parmi
lesquelles il faut citer les emprunts qui vont
dépendre de notre situation économique
générale et de la confiance des établissements
financiers qui ne prêtent qu’à ceux qui peuvent
rembourser. Beaucoup pensent à tort qu’un tel
équilibre n’est pas réalisable. Ce point de vue
n’est pas le mien car on peut toujours atteindre
l’équilibre. Je propose que tous les impôts
collectés localement qu’ils soient directs ou
indirects relèvent de la compétence
guadeloupéenne.Ils seront déterminés et
collectés par l’administration guadeloupéenne.
Par ailleurs nous attendons de la France et de
l’Europe une assistance technique et financière
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sous la forme d’une dotation de coopération
contractualisée pour 5 ans dont le montant sera
égal à la différence entre les dépenses publiques
locales et le montant des impôts collectés
localement. Je voudrais à cet égard dire que les
subventions allouées par la France et l’Europe
ne sont pas exclusivement une faveur ou un
don. Elles doivent être pour nous d’une part
d’une indemnisation pour réparer le préjudice de
l’esclavage et de la colonisation et d’autre part
d’une contribution naturelle entre humains
appartenant à la même humanité et agissant pour
que notre planète soit un espace irréprochable.
En effet au cours des dix dernières années
l’humanité a modifié sa manière de traiter les
situations qui ont endeuillé des peuples et des
pays dans le passé. Les actes graves commis,
notamment les crimes contre l’Humanité ne
restent plus impunis heureusement. Ils sont
condamnés et doivent donner lieu à
indemnisation. Nous devons nous battre pour
faire adopter cette règle simple et équitable et en
fait courante. Les juifs par exemple ont su se
faire indemniser après un combat long et
difficile. A nous maintenant d’engager le
combat de la juste réparation. Les subventions
allouées par tous les Etats qui ont organisé la
traite et l’esclavage sont donc un dû, une espèce
de rente perpétuelle que nous devons gérer avec
efficacité afin d’en faire la condition de notre
prospérité de demain et de toujours. L’adoption
par le Parlement français d’une loi fondamentale
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considérant l’esclavage comme un crime contre
l’humanité est une première étape. Ses
dispositions devraient être intégrées au droit
communautaire européen et au droit
international seul garant des petits pays comme
nous le plus vite possible. Des règles précises
d’indemnisation des descendants d’esclaves et
d’exploités devront être adoptées pour
couronner ce dispositif. Enfin pour honorer la
mémoire de nos ancêtres injustement exploités,
nous attendons avec de plus en plus
d’impatience les excuses et la demande de
pardon des descendants de tous ceux qui se sont
rendus coupables de ce crime odieux. De ce
point de vue, je serai toujours le propagandiste
du projet de construction d’un mausolée
grandiose, en un lieu central de la
GUADELOUPE, pour que jamais, nul n’oublie
ces crimes affreux qui n’honorent ni l’humanité
ni la France et les français. Nos ancêtres
méritent ces gestes et ce respect.
• La réforme politique sera insuffisante si
elle n’est pas accompagnée d’une modification
de nos pratiques politiques. La faible
participation politique que nous connaissons
aujourd’hui et qui fragilise la représentativité
des élus est une des conséquences de nos
pratiques politiques. Il nous faut dénoncer le
mépris de l’opposition qui est le plus souvent
marginalisée dans toutes nos assemblées. Une
démocratie est majorité et opposition: à la
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majorité la gestion des affaires; à l’opposition la
contestation, et les propositions pour l’avenir. Le
chef ou les chefs de l’opposition doivent avoir
un statut particulier qui leur permet d’être
associés aux affaires publiques. C’est par ce
biais aussi que nous éviterons la tendance à la
division que nous affectionnons et qui fut à la
base de la plupart de nos échecs. Il est aussi
nécessaire de rendre la parole au peuple. La
participation du citoyen à la vie de la cité est
plus que jamais nécessaire. La démocratie ne se
résume pas à mettre un bulletin dans l’urne.
C’est d’abord, être en mesure d’agir en
permanence pour participer à la prise de
décision. Etre citoyen c’est être relié aux autres,
c’est se sentir une capacité d’agir. Or, les
dynamiques économiques, techniques, politiques
et scientifiques qui nous transforment et nous
entraînent s’exercent à l’échelle planétaire et
nous ne voyons pas comment agir
collectivement à leur égard. Le sentiment le plus
répandu et peut être le plus dangereux, c’est le
sentiment d’impuissance. Etre citoyen, c’est
aussi surmonter, dépasser ce sentiment
d’impuissance, inventer résolument d’autres
manières de se mettre en mouvement ensemble
face aux défis. En somme rendre la parole au
peuple c’est l’inciter à devenir le nouveau
citoyen de notre nouveau pays. L’accès du
citoyen à la prise de décision politique est
aujourd’hui la question de fond qui commande
toute action politique. Les modalités de
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participation actuelles (informations, referendum
d’initiative populaire) s’avèrent nettement
insuffisantes. Nous sommes confrontés à une
crise de la communication sociale, de l’échange
politique, de l’espace public et donc de la
représentation politique. Les partis politiques et
les organisations syndicales qui pendant
longtemps ont exercé un rôle moteur dans la
participation des citoyens ne font plus recette.
Malgré le courage et la détermination des
militants les plus chevronnés, les citoyens ne se
rendent plus aux réunions politiques. Le mode
de fonctionnement des partis n’est pas étranger à
ce type de comportement. Malgré leur
proclamation en faveur de la démocratie les
partis sont en réalité des espaces qui l’étouffent
au quotidien. Ils sont dirigés par des clans qui
organisent comme ils l’entendent la dévolution
du pouvoir sans tenir compte de la volonté des
militants. Cette attitude est d’autant plus
inadmissible qu’ils sont actuellement financés
par de l’argent public ce qui devrait les obliger à
respecter les principes démocratiques de notre
communauté politique. Une de nos premières
mesures consistera à imposer à aux
organisations politiques des règles
démocratiques dans leur fonctionnement. Dans
une société de plus en plus technicienne où les
médias dominent en imposant le culte de
l’événement et de l’instant, le citoyen se sent
souvent désemparé. Il n’est donc pas étonnant
que l’on assiste à une augmentation sensible de
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l’abstention et des comportements de fuite
devant la politique. Il n’est pas étonnant non
plus que l’image du politique soit très négative.
La multiplication des affaires où sont impliqués
de nombreux responsables politiques n’a pas
arrangé les choses. Comment donc redonner
goût pour la chose publique ? Comment
permettre aux citoyens de devenir acteurs à part
entière de la société? Quels moyens mettre en
place pour développer la citoyenneté ? Ces
interrogations sont essentielles et nécessitent des
réponses claires. Tout d’abord il me parait
nécessaire de relancer l’instruction civique à
l’école afin que tous puissent apprendre à
connaître le fonctionnement de nos institutions.
Les comportements que nous observons sont le
plus souvent liés à la méconnaissance de ces
institutions. Dans le même temps tout doit être
mis en oeuvre pour conforter la vie associative.
C’est en effet dans les associations que
s’illustrele mieux la participation du citoyen.
Ces dernières sont confrontées à de graves
problèmes notamment financiers qui les
empêchent d’exercer leur mission. Il serait
souhaitable de ce point de vue de rendre
obligatoire des Fonds Régionaux et Communaux
Associatifs dont l’une des attributions serait
d’assister les associations dans leur
fonctionnement. L’information des citoyens est
aussi un impératif. Pour ce faire il convient de
favoriser l’accès à l’information d’une manière
plus satisfaisante et plus efficace. Celle-ci doit
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être transparente, lisible et facile d’accès. Les
différentes collectivités publiques devraient
faciliter la consultation de tous leurs documents.
La création par exemple de points d’accueil et
d’information qui doivent être à la fois une
antenne d’information des décisions prises, mais
aussi une centrale de propositions émanant des
citoyens me parait indispensable. Par ailleurs, je
propose que l’on institue un droit
d’interpellation des exécutifs par les administrés.
Celui-ci pourrait prendre une double forme : un
droit à pétition; un référendum d’initiative
populaire beaucoup plus largement ouvert que
les dispositions françaises actuelles. Ensuite, il
me parait indispensable de revoir le
fonctionnement et la structure des commissions
qui existent déjà autour et au sein des
collectivités publiques qui sont une composante
de l’administration consultative. Il faut à la fois
rendre obligatoire la présence d’élus de
l’opposition et leur donner de réels pouvoirs. Il
faut pour compléter le dispositif créer un
médiateur guadeloupéen pour tenter de résoudre
les graves problèmes auxquels sont
quotidiennement confrontés chacun d’entre
nous. L’administration est devenue trop
complexe pour laisser dans un tête à tête
décourageant à la longue, l’administration et le
citoyen. Ce dernier doit être assisté pour faire
valoir ses droits. Enfin le statut des élus doit être
profondément modifié. Je préconise la fois de
limiter le nombre de mandats et leur durée. Il
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n’est pas normal que des femmes et des hommes
puissent détenir plusieurs mandats. Cette
situation est contraire à l’idée que je me fais de
la politique. La politique n’est pas un
métier.C’est un service que nous dispensons à la
population. C’est la raison pour laquelle les élus
ne doivent avoir qu’un seul mandat renouvelable
une seule fois. Le maintien en place d’une même
personne pendant trop longtemps dénature la
démocratie en créant des baronnies et des
principautés qui ont toutes les chances ensuite
d’être occupés par des parents. Cette réforme
politique doit être initiée et organisée par le
peuple. Je crois que dans les circonstances
actuelles il faut tout d’abord élire une
constituante qui aura pour tâche exclusive de
préparer un projet qui doit comprendre des
dispositions sur les élus et la participation des
citoyens et d’organiser un référendum et non
simplement une consultation dont la question
doit être simple et honnête. C’est à partir de ces
résultats que l’on devrait élaborer notre
Constitution. Compte tenu de la nécessité de
garder le plus longtemps possible nos
institutions afin de ne pas alimenter une
instabilité mortelle à terme , la réforme doit
s’opérer grâce à un fort courant majoritaire de
l’ensemble des forces politiques qui sera réalisé
que si elles mettent de coté leur divergences
traditionnelles. La démocratie il est vrai est
l’institutionnalisation de la compétition entre les
acteurs et les forces politiques. Mais elle est
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aussi un système de concertation et d’accord
entre ces mêmes formations politiques. C’est
pourquoi nous devons quelque soit nos
oppositions engager le dialogue nécessaire
préalable indispensable à la réforme. Nos
formations politiques doivent dans ce moment
particulier de l’histoire de notre pays faire
preuve de responsabilité et d’esprit de
concession. Le service que nous devons à notre
pays et à notre peuple impose cette démarche.
Pour ma part je ferai tout pour qu’une telle
démocratie puisse triompher dans les années à
venir.Voilà donc les termes de notre Contrat
politique qui nous donnera les moyens de faire
face aux mutations du monde d’aujourd’hui. Il
s’agit d’une volonté de souveraineté et de
coopération. S’ils le veulent, je crois qu’ils le
voudront, nous proposons aux français de
construire une maison commune sur la base de
la souveraineté de chacun. Nous nous
connaissons depuis longtemps et parfois nous
partageons des principes et des valeurs
communs. De plus nous avons un message
commun à diffuser je le crois : faire une
synthèse entre un grand ensemble et respecter
scrupuleusement le désir de chacun d’être
souverain. C’est probablement l’une des voies
les moins risquées pour que notre communauté
puisse continuer à se développer et à s’épanouir
dans la quiétude et la sérénité. C’est une voie qui
nécessité pragmatisme et raison. Aujourd’hui la
précipitation ou les slogans à l’emporte pièce
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dont certains nous ont habitués ne sont plus de
mise. Le débat en cours dans certains milieux en
France sur faut-il larguer l’outre mer est
choquant et humiliant. Les français doivent
changer pour vivre dans le monde tel qu’il est.
Ils doivent faire immédiatement leur révolution
psychologique : la Guadeloupe c’est la
Guadeloupe et non l’outre mer qui est
méprisant ; la France c’est la France et non la
métropole .Claironner que sans la présence
française nous seront dans la misère est
inadmissible .Nous savons ce que nous faisons
et nous croyons à une coopération juste et
équilibrée. Diviser pour régner ou utiliser la peur
pour imposer sa présence est indigne d’un
peuple et de dirigeants qui affirment avoir une
vocation universelle. Le maintien de notre
communauté, son progrès, l’amélioration du
statut de nos concitoyens passent par un nouvel
équilibre politique et une nouvelle architecture
institutionnelle. La souveraineté nécessite
volonté, détermination et savoir faire. Elle sera
plus facilement réalisable car aujourd’hui nous
ne sommes plus obligés d’être seul.De
nombreuses organisations régionales existent qui
aident, encadrent et facilitent l’administration ce
qui n’était pas le cas dans les années soixante.
Une partie du chemin a déjà été faite par notre
peuple qui ne panique plus. Mais beaucoup reste
encore à faire. Débattre toujours autour de ces
questions n’est pas un quelconque attachement à
de vieux schémas du passé comme certains le
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disent. C’est simplement le signe d’une maturité
et d’une volonté de faire évoluer notre pays en
toutes circonstances afin que notre peuple puisse
enfin assumer son destin comme le leur avait
demandé les héros de 1802 : « Et nous léguerons
nos exemples à suivre à ceux qui viendront après
nous. Et qui plus heureux, conquerront eux ,
cette liberté que nous n’avons fait qu’entrevoir
… » (LOUIS DELGRES ).
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CHAPITRE IV
UNE NOUVELLE ÉCONOMIE
Après 50 ans de départementalisation, la situation
économique de la GUADELOUPE n’a pas
fondamentalement changé.Son niveau de développement
est encore en dessous du niveau moyen des autres
Régions de la République française. L’écart a été à peine
réduit malgré le versement d’un volume considérable
d’argent public. L’économie guadeloupéenne demeure
caractérisée par l’existence de déséquilibres structurels :
chômage, déficit commercial, déficits de paiements
(nécessité de disposer d’avances de tresorerie françaises
pour financer une grande partie des dépenses publiques et
privées). S’interroger sur cette situation de plus en plus
intolérable qui mine la société et la confiance dans
l’avenir s’avère indispensable. Pourquoi la convergence
économique ne s’est pas réalisée? Parmi les facteurs qui
expliquent les faibles performances économiques il nous
faut en priorité mettre l’accent sur la stratégie de
développement mise en place sans discontinuer depuis
plus de 50ans sans oublier la petitesse du territoire, la
faible dotation en facteurs de production et certains traits
culturels. C’est le type de croissance qui nous régit
aujourd’hui et qui donne la priorité à la convergence
sociale c’est-à-dire au rattrapage social de la France qui
est largement responsable de cet état de fait. En d’autres
termes tous les gouvernements qu’ils soient de droite ou
de gauche ont financé avant toute chose les coûts de
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l’homme c’est à dire la protection sociale et la mise aux
normes réglementaires des salaires (extension du SMIC
notamment). En revanche, Ils se sont rarement attaqués à
la cause principale du mal à savoir les facteurs
économiques qui ont engendré et continuent d’engendrer
les déséquilibres actuels. Cette stratégie que l’on peut
qalifier de facilité a été possible du fait de la relative
richesse de la France qui disposait de ressources
suffisantes pour le financement des dépenses publiques
provoquées par cet effort social. L’effort budgétaire
français a en effet toujours représenté un faible
pourcentage des dépenses publiques de l’Etat et du
produit intérieur brut. De plus l’aide allouée a participé
au soutien de l’économie française. Les dotations
versées à la Guadeloupe ont augmenté la demande
française, soutenu leur croissance et donc enrichit leurs
producteurs. En tous cas le développement de la
protection sociale, la multiplication des aides sociales
aux inactifs, l’obligation de respecter la réglementation
sur les salaires ont provoqué une brutale et durable
augmentation de la demande guadeloupéenne qui a
déstabilisé voire étouffé une production déjà modeste au
sortir de la colonisation classique en 1946 et qui depuis
n’a pas réussi à se diversifier pour faire face aux
modifications de l’environnement économique. Au
contraire le système productif intégré bien avant la
départementalisation dans l’espace économique français
a continué à s’appuyer pour se développer sur des
cultures d’exportation (canne à sucre et bananes) dont la
rentabilité a diminué au rythme de l’augmentation du
prix de la main-d’œuvre ce qui a justifié pour tenter de
les maintenir le versement de subventions publiques
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nationales et européennes. Cette branche est devenue
l’élément central d’une économie d’inactivité dont la
mission n’est plus tout à fait la production de richesse et
le versement de rémunérations élevées mais la
préservation d’un équilibre humain et écologique menacé
par la dynamique de l’économie de loisir dont le tourisme
est le pivot.Cette stratégie n’a pas été suffisante pour
favoriser le développement économique. Il est vrai que
dans le contexte économique des années soixante à quatre
vingt les chances de disposer d’un système économique
performant étaient relativement minimes. Dans
l’économie industrielle qui a dominé le vingtième siècle,
ce sont les dotations en capital (matières premières et
finances) et la localisation dans un espace économique
dynamique qui prédisposaient au développement
économique. L’absence de matières premières
stratégiques demandées par les pays développés,
l’éloignement et l’insularité par rapport à l’espace
économique français constituaient de réels handicaps qui
rendaient extrêmement difficile une adaptation de
l’économie aux conditions nouvelles imposées par la
départementalisation ou colonialisme du welfare state. Et
cela malgré le développement de l’activité touristique à
partir des années 70. Beaucoup de pays ayant les
caractéristiques de la GUADELOUPE ont utilisé parfois
avec succès le tourisme pour tenter de consolider un
système économique dans lequel le déséquilibre
commercial est structurel. En GUADELOUPE malgré
une incontestable croissance le tourisme est resté une
activité marginale qui ne représente qu’à peine 7% du
PIB. Aujourd’hui, heureusement, les possibilités, les
marges de manoeuvre pour construire un système
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économique équilibré et performant sont nettement plus
grandes que dans le cadre de l’économie industrielle.
L’Humanité comme je l’ai dit précédemment est entrain
de vivre une nouvelle révolution avec le développement
des technologies de l’information. Après la révolution
mécanique (automobile) et informatique nous sommes
entrés dans une nouvelle économie, l’économie de
l’immatériel avec la révolution de l’information qui a
changé ou est en voie de changer les modalités et le
rythme de la croissance économique. Les nouvelles
technologies de l’information constituent un phénomène
majeur qui permet d’entrer dans un nouvel espace temps,
où durée et distance sont contractées. L’entrée dans le
cybermonde est bien entendu riche de potentialités.
Internet est en effet un lubrifiant pour le moteur des
économies actuelles et contribue à créer de nouvelles
niches de marché amorçant ainsi un processus continu et
durable de rendements croissants et la naissance d’une
économie de réseaux qui remet en question la logique de
la localisation et de la territorialisation de l’ère
industrielle. Ces données nouvelles constituent une
chance dans la mesure où elles abolissent les distances et
font du savoir la matière première de l’activité de
demain. Or compte tenu de l’effort, d’éducation et
d’équipement mené pendant de longues années la
GUADELOUPE dispose d’une main-d’œuvre qualifiée,
éduquée, compétitive et d’infrastructures de bon niveau.
Il convient donc de saisir rapidement cette chance. C’est
en effet la croissance accélérée de la production qui
permettra de résorber les différents déséquilibres et
notamment le chômage qui est un véritable poison.
Aujourd’hui la croissance économique bien que
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supérieure à celle de la France ce qui n’est pas une
référence s’avère insuffisante. Pour que la
GUADELOUPE atteigne le niveau économique moyen
des pays développés, avec un taux de croissance de 4 %
il lui faudrait près de 30 ans pour y arriver, si le taux de
croissance des pays développés reste à 2%. Le traitement
social du sous-développement en quoi se résume depuis
longtemps la stratégie de développement initiée par les
autorités Françaises aura beaucoup de peine à favoriser
un développement durable et solide. Au contraire ce
traitement organise et consolide la précarité tout en
faisant croire qu’en dehors de ses préceptes il n’y a pas
d’avenir possible. Le traitement social du sous-
développement augmente donc les dépenses publiques et
bloque le processus de convergence économique avec les
régions les plus développées. Il est donc nécessaire de
changer de modèle de développement économique. A la
croissance entretenue par l’agro-industrie d’exportation
et les dépenses des administrations publiques, il faut
substituer une nouvelle croissance pour doper la
production dont les piliers seront le tourisme, les
nouvelles technologies notamment les technologies de
l’information et l’agriculture. Ces activités ont
aujourd’hui la possibilité d’exercer un rôle moteur dans
le développement économique. Elles peuvent engendrer
rapidement des taux de croissance de l’ordre de 7 à 10 %
nécessaire pour tenter de réduire assez rapidement notre
retard de développement. Elles me paraissent nécessaires
à la fois parce qu’il s’agit d’exportations domestiques
c’est à dire réalisées sur place et qu’elles permettent
d’entrer dans l’économie de l’information qui sera la base
de l’économie du 21ième siècle. Le potentiel de
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développement du tourisme est considérable. Ses
performances sont encore très éloignées de celles des
pays de la Caraïbe (Barbade et Cuba notamment) ou
même de la France qui occupe les premières places au
niveau mondial dans ce domaine. La GUADELOUPE
doit augmenter considérablement le nombre de touristes
pour atteindre 2 millions contre 600.000 actuellement en
accroissant et diversifiant l’offre et en augmentant le
niveau social des visiteurs. On constate que la
consommation touristique dépend du niveau de revenus.
Alors que Saint Barthélemy et Saint Martin ont choisi le
haut de gamme en provenance de l’Amérique du Nord, la
Basse-Terre et la Grande-Terre ont privilégié une gamme
nettement inférieure. Les prix des prestations sont trop
faibles pour attirer ces touristes ce qui n’est pas positif
pour les comptes d’exploitation des hôtels. Il est aussi
indispensable d’augmenter la part de revenus dépensés en
Guadeloupe. En effet à peine 50 % de la dépense
touristique l’est aujourd’hui. Le reste et les bénéfices
éventuels qui l’accompagnent sont empochés par des
entreprises étrangères ce qui représente un manque à
gagner considérable.C’est pourquoi je préconise une
action forte et volontariste pour optimiser les dépenses
des touristes. Elle passe par la conquête par les
entreprises guadeloupéennes notamment celles du
tourisme des marchés extérieurs. Le touriste qui vient en
Guadeloupe ne doit pas seulement utiliser Corsair,
Nouvelles Frontières et Air France. Il doit pouvoir
utiliser aussi Air Caraïbe dont le capital doit
impérativement être détenu par des fonds guadeloupéens,
et Navitour. Ces compagnies ne doivent pas simplement
se contenter de contrôler leur marché interne. Elles
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doivent aussi se développer à l’extérieur. Elle passe aussi
par le développement des activités connexes à l’activité
touristique et notamment l’industrie ou l’artisanat d’art.
Les touristes en effet sont consommateurs d’objet d’art et
d’artisanat. Aujourd’hui un pourcentage trop élevé de ces
produits provient de l’extérieur ce qui diminue l’impact
économique de la demande touristique. Le
développement de ces activités et des lieux où ils peuvent
être achetés constitue une composante essentielle de
l’activité touristique. Il faut aussi souligner le formidable
impact de cette activité sur d’autres branches et d’autres
secteurs.L’agriculture, la pêche notamment ont besoin
pour atteindre une taille critique et rentabiliser leurs
investissements de l’impulsion donnée par un marché qui
atteindra tous les ans de 1 a 2 millions de personnes gros
consommateurs de produits guadeloupéens à la condition
bien entendu que l’on vende des produits, des services
guadeloupéens et plus généralement de l’art de vivre
Guadeloupéen. Les nouvelles technologies de
l’information, de leur côté sont une voie royale de la
prospérité de demain. C’ est pourquoi il faut à tout prix
insérer la GUADELOUPE dans la société de
l’information. J’ai souligné déjà l’importance de la
maîtrise de ces technologies et des mécanismes de la
nouvelle économie. Ce n’est pas par hasard qu’au niveau
international le combat pour la prééminence est aussi un
combat pour maîtriser la société de l’information. Les
Etats Unis, l’Europe et le Japon y consacrent des budgets
considérables. Les Etats Unis ont décidé d’en faire un des
piliers de leur domination au 21ième siècle en y
investissant massivement et en maîtrisant toutes les
innovations qui s’y développent aujourd’hui. Cette
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nouvelle économie parait à beaucoup bien théorique.
Pourtant il s’agit d’une réalité incontestable comprenant
l’informatique, les télécommunications,la
communication, l’électronique. Ces activités
représentent déjà 10 % du PIB américain et 5 % du PIB
français. Les perspectives de croissance sont
extrêmement élevées. Comme le tourisme il s’agit en
partie d’un système d’exportation domestique. Beaucoup
d’activités qu’elles génèrent peuvent être exercées
localement par le biais du télétravail et de la sous-
traitance internationale. Des pays comme l’Ile Maurice
ou la Barbade se sont déjà spécialisées dans cette sous-
traitance. Le Québec de son coté en a fait un instrument
de son développement et de la défense de son identité
menacée par l’influence anglo-saxonne.Entrer
rapidement dans la société d’information est un impératif
afin de faire de notre pays une région de haute
technologie. Pour y arriver la stratégie à mettre en place
pourrait être la suivante:
• Former les Guadeloupéens à utiliser systématiquement
l’informatique. L’une des clés du succès est la création
d’un permis informatique comme en Suède ou en
Finlande. Cela suppose en particulier de faire entrer
massivement l’informatique à l’école et de l’intégrer aux
cursus de l’enseignement supérieur.
• Inciter nos compatriotes à se convertir à Internet le
réseau des réseaux en diminuant notamment le coût des
communications. Il s’agit pour notre pays d’une question
de vie ou de mort car le prix des communications encore
trop élevé limite leur utilisation.
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• Doter la Guadeloupe d’une puissante infrastructure
d’interconnexion. Pour devenir un leader sur Internet ou
occuper une place de choix, il faut investir massivement
dans des infrastructures lourdes afin de créer un nœud
d’interconnexion à vocation internationale et des liaisons
à haut débit vers les principales capitales mondiales et
régions développées. Aujourd’hui une fraction élevée du
trafic européen et Caraïbe passe par les Etats Unis en
raison du faible coût des télécommunications et de
l’absence d’un noeud propre d’interconnexion.
• Multiplier les services sur Internet (commerce
électronique, télé procédures publiques).
• Aider au développement des entreprises dans les
nouvelles technologies de l’information notamment
celles tournées vers l’exportation par la mise en place de
fonds de démarrage.
Le rôle du pouvoir politique guadeloupéen dans la
réussite de cette action est fondamental. Beaucoup
aujourd’hui au nom du libéralisme estiment que
l’intervention dans l’économie des pouvoirs publics est
inefficace et doit être rejetée. Il faut selon ces théoriciens
laisser les acteurs économiques se débrouiller avec
comme seul juge le marché considéré comme le meilleur
allocataire possible de ressources. Cette position n’est
pas la mienne. Au contraire, pour créer les conditions du
développement, assurer le financement des
investissements en infrastructures et en équipements
productifs, répartir équitablement les fruits de la
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croissance, protéger les entrepreneurs guadeloupéens et
garantir les grands équilibres, la présence des pouvoirs
publics guadeloupéens est plus que nécessaire. Si c’est le
marché qui préside au développement économique du
pays c’est la voie ouverte aux inégalités et à la
domination de l’étranger. Une attention particulière sera
donnée à l’économie solidaire dont les principes et les
mécanismes doivent irriguer tout notre système
économique .Les hommes sont la finalité de l’activité
économique et non le contraire. Ils doivent être le centre
de l’action et de l’édifice économiques .Le profit doit
être aussi bridé d’où l’incitation à utiliser les sociétés
coopératives et les associations pour favoriser le
développement de l’activité économique et mieux
partager la richesse produite. Le pivot central de cette
politique sera bien entendu l’encouragement à
l’investissement des entreprises. Ce sont elles en effet qui
détiennent la clé de notre prospérité et de la création
d’emplois. Ce n’est pas comme on le croit trop souvent
l’Administration publique qui créera directement de la
richesse et fera diminuer le chômage. Elle vit au contraire
de la richesse créée. Il faut à cet égard dénoncer certaines
dérives qui limitent l’efficacité de l’administration
publique: son coût est trop élevé car elle consomme près
de 50% de la richesse créée et une bonne partie des aides
externes allouées précisément pour aider à accroître la
création de richesses; C’est aussi une aberration
économique et sociale que d’allouer autant d’avantages
financiers aux seuls fonctionnaires (prime de 40 %,
indemnité d’installation, abattement de 30 % en matière
d’impôt sur le revenu ouvert il est vrai a tous les
contribuables) car ils alimentent de l’inégalité et de
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l’inefficacité économique. Les primes excessives allouées
aux fonctionnaires qui ne produisent pas de richesses
alors que les salariés du privé confrontés à la concurrence
et à la précarité n’en bénéficient pas constituent une
grave erreur. Je propose d’étendre à tous les salariés ces
avantages pour rétablir la justice sociale tout en
restructurant l’administration afin qu’elle soit plus
productive. Avec une Administration qui coûte moins, on
pourra consacrer une part croissante de la richesse à
l’investissement et donc à la préparation de l’avenir.
L’investissement des entreprises est cependant entravé
par la frilosité des banques, l’insuffisance de notre
épargne ou leur affectation à des placements externes
plus rémunérateurs, l’insuffisance des leurs fonds propres
et leur modeste rentabilité. L’épargne est insuffisante car
la propension à consommer est trop forte d’où la place
importante occupée par les financements publics externes
en provenance de la France et de L’Union européenne.
De plus un pourcentage non négligeable est placé à
l’extérieur en actions pour soutenir les entreprises
françaises et en obligations pour financer les déficits de
l’Etat français. Limiter la consommation pour favoriser
l’épargne et l’orienter vers des activités guadeloupéennes
notamment en créant une bourse guadeloupéenne qui
favorise la transparence des entreprises est un impératif.
La rentabilité des investissements laisse souvent à désirer
en raison du niveau élevé des taux d’intérêt et de
l’exiguïté du marché qui ne favorise pas toujours la
production de biens. C’est pourquoi je propose de
diminuer sensiblement les taux d’intérêt pratiqués
notamment par la mise en place d’un système de
bonifications. Par ailleurs une mesure simple de
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stimulation de l’investissement est préférable aux
dispositifs de défiscalisation qui engendrent une
bureaucratisation excessive et une domination du
ministère des finances français qui décide en dernier
ressort. Il s’agit d’un système d’amortissement
exceptionnel ouvert à toutes les entreprises et un
allègement sensible de l’impôt sur les sociétés et sur les
bénéfices. A cet égard il faut noter l’inadaptation de la
fiscalité appliquée en Guadeloupe. Cette fiscalité de pays
développé, complexe, élaborée de surcroît pour de
grosses entreprises décourage les acteurs économiques.
Je propose d’engager une profonde réforme fiscale afin
de doter la GUADELOUPE d’un système fiscal adapté à
l’environnement et à son niveau de développement
économique. Ses axes principaux seront : suppression de
nombreux impôts dont le rendement est faible et la
collecte onéreuse ; allégement de la fiscalité sur les
bénéfices des entreprises ; alourdissement de la fiscalité
de l’épargne investie à l’extérieur, mise en place d’une
réelle fiscalité écologique, le tout avec la volonté de la
justice fiscale. Le capital extérieur sera bien entendu le
bienvenu compte tenu de l’insuffisance de l’épargne.
Cependant il sera encadré par l’obligation de s’associer
au capital guadeloupéen par la création d’un dispositif
juridique de joint venture qui conditionnera la venue des
investisseurs étrangers à leur association au capital
guadeloupéen. Je propose aussi d’élaborer un nouveau
système de financement de la protection sociale .Faire
dépendre ce financement de cotisations sur les salaires
qui grèvent considérablement le prix du travail constitue
une terrible entrave pour la croissance et la création
d’emplois. En contrepartie, pour assurer le financement
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de la protection sociale, je propose une contribution de
tous les contribuables calculée à partir de leur revenu, le
remplacement de la médecine libérale par un système
régulé administrativement et l’affectation éventuelle des
subventions de l’Europe et de la France au titre de leur
indemnisation de leurs crimes coloniaux. Enfin
l’amélioration des fonds propres des entreprises et
l’implication plus active des banques exigent la création
de plusieurs sociétés de capital risque avec des capitaux
mixtes et d’une banque publique d’affaires qui aura pour
mission d’accompagner les entreprises et non de les
étouffer. L’objectif en définitive est d’alléger l’ensemble
des charges qui pèsent sur les entreprises pour
rentabiliser l’investissement et donc à terme créer des
emplois, distribuer des rémunérations suffisantes, et
favoriser la création d’entreprises. Mais au-delà des
mesures techniques, la réussite de cette politique passe
par le retour de la confiance et un nouveau pilotage de
l’économie. La Guadeloupe souffre d’un déficit de
confiance. Les acteurs sociaux craignent l’avenir et se
réfugient dans l’immobilisme ou augmentent leur
épargne de précaution. La confiance est le meilleur
moyen pour dynamiser, rénover et moderniser. Au
service du pays, à l’écoute de tous notamment des chefs
d’entreprises et des salariés à qui incombe la lourde tâche
de construire une prospérité durable, le pouvoir politique
doit rassembler, entraîner, créer les conditions d’une
réelle concertation, tracer le chemin, convaincre les
hésitants, encourager les initiatives, informer en
permanence de la situation du pays et être le garant d’
une société équitable où personne n’est laissée sur le bord
du chemin quelque soit les circonstances. Simultanément
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il faut piloter différemment l’économie. Les méthodes et
processus actuels sont insuffisants et inefficaces. La
Guadeloupe doit être conduite maintenant comme une
véritable multinationale, car elle en a l’effectif. A la base
un plan stratégique d’une durée de 5 ans indicatif, souple,
élaboré par un conseil d’orientation composé d’élus
politiques et des représentants des entreprises et des
organisations syndicales. Ce conseil mettra ensuite en
place des méthodes de suivi des objectifs arrêtés et
diffusera le plus d’informations possible pour permettre
une véritable mobilisation de tous. Il disposera
d’instruments d’intervention publics et notamment de la
fiscalité. Malgré les difficultés du moment, la dureté
d’un monde qui change très vite et les doutes de la
population, la GUADELOUPE dispose d’atouts non
négligeables pour réussir au 21ième siècle. Nous
réussirons si nous avons la volonté et si nous y
consacrons notre passion et notre savoir faire .La chance
du pays est qu’un monde nouveau est en construction
dans le domaine économique. Les périodes de
construction sourient toujours à ceux qui ont pensé leur
avenir. La voie de la prospérité économique, j’en suis
persuadé, nousest ouverte. A nous de l’emprunter pour
triompher.
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CHAPITRE V
UNE SOCIÉTÉ ÉQUITABLE
La GUADELOUPE a toujours eu la passion de la justice
sociale et de l’égalité en raison de sa petitesse et de son
passé singulier caractérisé par l’exploitation inhumaine
des hommes et des femmes. La traite et l’esclavage qui
l’ont profondément marqué ont aiguisé le sens de l’équité
de ses habitants. Les Guadeloupéens ont instinctivement
horreur de l’inégalité et de l’exploitation. La question
sociale les passionne. Les conflits sociaux se déroulent
dans le drame. Les révoltés sont généralement adulés
quelque soit le motif de leur révolte. La question sociale
interpelle car les problèmes posés ont toujours été
difficiles et complexes compte tenu de la faiblesse des
ressources et de la difficulté à vivre en commun et à
disposer de liens sociaux solides. Elle est devenue encore
plus complexe depuis la départementalisation qui par
l’assistance a permis de réduire la pauvreté de masse sans
cependant promouvoir la responsabilité sans laquelle il
n’y a pas de liberté et d’épanouissement. Aujourd’hui
cohabitent au moins trois catégories de problèmes
sociaux aux logiques et aux implications différentes. La
GUADELOUPE est encore confrontée malgré les
quelques progrès réalisés au cours des années passées au
chômage structurel et aux inégalités.Les critiques fusent
de partout et avec raison pour dénoncer leur persistance
et l’incapacité des politiques à les réduire dans des
proportions acceptables fragilisant ce faisant leur
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légitimité. Il est en effet difficile d’accepter un chômage
qui avoisine 30 % de la population active soit 50.000 de
nos compatriotes. Chacun d’entre nous est touché
directement ou indirectement par ce phénomène
douloureux. Chacun d’entre nous, avons un frère, un
père, un parent, un ami touchés par ce cancer qui ronge la
société lentement mais sûrement. Les femmes et les
jeunes notamment paient un lourd tribut, et cela malgré
un niveau de formation satisfaisant. Le découragement
des familles qui investissent beaucoup pour donner aux
enfants la formation de haut niveau dont ils ont besoin
pour qu’ils puissent affronter dans de bonnes conditions
les défis d’une vie qui s’est notablement complexifiée a
atteint la limite du supportable. En tous cas 50.000
personnes hors des circuits d’activité constituent une
aberration économique, sociale culturelle et humaine que
je ne peux accepter.Il y a là un gâchis humain
considérable qui déstabilise et coûte de plus en plus cher
à la collectivité car les crédits consacrés au chômage ne
cessent d’augmenter sans que cela favorise sa
diminution. Au contraire le nombre de chômeurs a plutôt
tendance à augmenter. Le chômage est un mal redoutable
qui a résisté jusqu’à maintenant à toutes les thérapies. La
déception est d’autant plus forte que de nombreuses
activités sont exercées par personnes extérieures le plus
souvent de passage. Pourquoi le chômage résiste t-il ? Y
a t-il une fatalité qui rend impossible sa disparition et qui
oblige à l’émigration? Le plein emploi serait t-il
impossible? Les questions posées sont difficiles. J’ai le
sentiment que le chômage reste structurel parce que
l’accent a surtout été mis sur son traitement social et non
sur son traitement économique. Le traitement social agit
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sur ses effets et non sur ses causes. C’est parce que les
Gouvernements ont voulu rapidement et en utilisant des
moyens budgétaires et réglementaires au nom de l’égalité
et du respect de principes de droit international
harmoniser socialement deux espaces au niveau de
développement différent que le chômage s’est maintenu à
un niveau aussi élevé. L’harmonisation sociale en effet
en augmentant brutalement le coût de la main d’ oeuvre a
déstabilisé durablement les activités existantes et bloqué
non moins durablement celles qui souhaitaient se
développer. En rendant très attractif l’inactivité, il a incité
à la fuite devant le travail tout alimentant le travail au
noir. Beaucoup d’inactifs cumulent les deux types de
rémunération .L’ arbitrage en faveur de l’inactivité est d’
autant plus facile que dans le secteur privé la plupart des
rémunérations gravitent autour du SMIC .L’impact
économique négatif du traitement social a été renforcé
par l’évolution démographique. Entre 1990 et 2000 la
population a sensiblementaugmenté sous l’effet d’une
natalité encore élevée (17%) et dun taux de mortalité
modeste (6%). Notre population reste jeune: 40% de
moins de 25ans. Cette évolution comprend deux
composantes contraires. La part des 15/ 24ans est en net
retrait alors que celle de 0/ 14 ans progresse, contrecoup
d’une décennie avec un plus grand nombre de naissances
du à la croissance de la population. C’est donc près de
10000 jeunes qui arrivent tous les ans sur le marché du
travail et cela durera au moins pendant 10 ans si la
croissance démographique se maintient. Le moment est
venu de retourner aux fondamentaux de l’économie. Pour
augmenter le volume des emplois, il faut à la fois
favoriser un rythme de croissance élevé et à taux de
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croissance donné, faire en sorte qu’elle génère plus
d’emplois. C’est le rythme de la croissance qui détermine
le volume de l’emploi et non les décisions de
l’administration. On embauche plus pour produire plus.
Si l’on se réfère aux courbes de croissance et d’emploi le
parallélisme est frappant. De 1982 à 1990, période de
forte croissance économique l’emploi a considérablement
augmenté: 20. 000 emplois ont été créés et le chômage ne
s’est maintenu qu’en raison de la venue d’une main
d’oeuvre extérieure parfois mieux formée. Depuis
l’emploi stagne parce que la croissance stagne. Par
ailleurs, compte tenu de la forte propension à importer, il
faut aller bien au delà de 4 % de croissance pour réduire
le chômage. C’est pourquoi tout doit être mis en oeuvre
pour favoriser la croissance économique tout en
l’enrichissant en emplois. Le niveau élevé des charges
qui pèsent sur les entreprises favorisé par le mode de
financement de la protection sociale, les rigidités
imposées à la gestion de la main d’œuvre par une
législation sociale contraignante et injuste, la forte
propension à l’inactivité engendrée par la société
d’assistance ont entravé la création d’emplois et la
volonté de travailler. C’est pourquoi, réduire le coût du
travail en supprimant les charges sociales tout en
distribuant une portion de la réduction aux salariés ,
augmenter le SMIC sensiblement afin d’accroître le désir
de travailler, donner plus de liberté aux entreprises dans
la gestion de leur main d’œuvre tout en contractualisant
avec elles la création d’emplois , favoriser la
participation des salariés à la gestion de leur entreprise et
une répartition équitable de la richesse créée sont les
grandes orientations que je propose pour résorber le
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chômage et tendre vers le plein emploi. Remplacer
l’assistance généralisée provoquée par le traitement
social du chômage et les subventions publiques par du
travail correctement rétribué me parait la meilleure voie
pour la responsabilité, la liberté et l’épanouissement. Le
chômage génère de nombreuses inégalités. Il est la base
de la société d’inégalité qui perdure auquel il faut ajouter
les médiocres performances de l’économie. Les inégalités
de revenus sont particulièrement choquantes:
•Les femmes perçoivent des revenus inférieurs à ceux des
hommes et cela malgré l’existence de nombreuses lois
sur l’égalité des salaires entre hommes et femmes.
• Les revenus des cadres et professions intermédiaires
(professions libérales, commerçants) sont en moyenne 6
fois supérieurs à ceux des ouvriers et des employés.
•Les revenus des fonctionnaires qui bénéficient de plus
de la stabilité de l’emploi dépassent ceux de nombreuses
professions en raison de la prime de vie chère et d’autres
avantages.
• Les revenus des agriculteurs sont inférieurs de 48 % au
salaire global moyen.
• Les ouvriers et employés du privé perçoivent
généralement le SMIC.
• Les inactifs de leur coté bien que pris en charge
socialement mais dans des conditions qui ne sont pas
satisfaisantes (il n’y a que 20 % des chômeurs par
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exemple qui bénéficient des ASSEDIC) disposent des
minimas sociaux qui stagnent désespérément.
Les inégalités de revenus ont un effet cumulatif. Elles
favorisent d’autres formes d’inégalités notamment dans
le domaine du patrimoine, des retraites et en matière
d’éducation. Les inégalités en face de l’école sont très
préoccupantes car dans la société de l’information c’est
l’intelligence et la formation qui favoriseront la réussite
et la mobilité sociale. En effet, l’école continue à
produire un échec scolaire dramatique qui touche en
particulier les catégories sociales les plus modestes. Nous
sommes de ce point de vue bien loin des normes
françaises qui elles-mêmes ne sont pas satisfaisantes.
L’échec scolaire a des conséquences graves. Il rend
difficile l’insertion professionnelle. Les enquêtes
montrent que l’insertion est facilitée par l’existence d’une
véritable qualification professionnelle. Il n’est donc pas
étonnant que les moins de 25 ans sans qualification
professionnelle représentent près de 30 % des 50 000
demandeurs d’emplois et un pourcentage élevé des
stagiaires de la formation professionnelle dont les stages
n’ont généralement pas d’issue professionnelle. L’échec
scolaire alimente la délinquance et décourage. La
politique scolaire doit être repensée et réorientée afin
d’enrayer ces dérives. Remplacer les politiques
quantitatives qui ont abouti à engorger le système
scolaire et donc réduire son inefficacité et rétablir les
conditions de l’égalité entre les jeunes est ma priorité.
L’école doit devenir un véritable mécanisme de mobilité
sociale afin de permettre à l’homme dans une société
démocratique quelque soit ses origines sociales d’exercer
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ses talents. Ce n’est qu’à cette condition que les jeunes
qui doutent aujourd’hui et se détournent d’elle vont
retrouver l’envie d’apprendre et auront la volonté de
construire un avenir meilleur. Elle éprouve de plus en
plus de peine pour insérer professionnellement car elle
est trop éloignée de la vie et notamment des entreprises:
l’apprentissage qui joue un rôle important d’insertion
dans certains pays demeure et c’est dommage trop
modeste. L’école doit impérativement se rapprocher des
activités économiques sans tomber bien entendu dans
une professionnalisation systématique. L’école est aussi
un creuset de la formation morale des hommes qui
aujourd’hui ont une socialisation moins stricte que par le
passé. Elle doit donc se décentraliser pour être proche des
acteurs et des entreprises, multiplier les formules
d’alternance et notamment l’apprentissage. Il faut aussi
qu’elle accueille les adultes qui auront à se former tout au
long de leur vie pour faire face aux mutations
économiques et sociales. C’est une condition du maintien
du dynamisme et de la capacité d’innovations. L’ école
enfin doit être le vecteur de diffusion de la culture
guadeloupéenne sans nombrilisme, mais avec la volonté
de faire face aux enjeux du village planétaire qui exige de
ceux qui ne souhaitent pas être distancés une capacité à
anticiper ,innover, proposer et synthétiser. Je rejette cette
école républicaine qui en fait est le nom donné à l’école
française car elle reste l’instrument de la négation de
notre personnalité guadeloupéenne. En tous cas, les
inégalités ne sont plus acceptables. Elles doivent
disparaître pour renforcer la communauté
guadeloupéenne. La mobilisation contre la pauvreté et
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pour le bien être de tous est une véritable croisade qui
nécessite l’implication de tous.
A coté des problèmes sociaux traditionnels sont apparus
de nouveaux problèmes que l’on commence aujourd’hui
à identifier sans que l’on ait une véritable conscience des
enjeux qu’ils impliquent. Il ne s’agit plus en effet de
problèmes que l’on pourrait qualifier de quantitatifs pour
simplifier mais de problèmes qualitatifs, des problèmes
de société. Ils sont complexes et difficiles à solutionner.
Ils ont été engendrés par l’urbanisation, la modification
des structures sociales et l’évolution de la démographie.
L’augmentation de la population est un phénomène
décisif. La population guadeloupéenne est passée de 250
000 dans les années cinquante a 420 000 selon les
estimations des derniers recensements. Il en résulte donc
une augmentation importante de la densité de la
population (248 habitants par km carré) et une rapide
urbanisation. La Guadeloupe est devenue et deviendra de
plus en plus si sa population continue d’augmenter au
même rythme une cité insulaire. La volonté d’économiser
l’espace et d’optimiser les investissements dans le
domaine du logement a entraîné la création d’un nouvel
espace urbain continu sillonné de nombreuses routes, de
logements collectifs autour d’un centre ville,
l’agglomération Pointe-à-Pitre/Abymes. Les
conséquences de ces évolutions sont profondes. On a
observé en particulier une montée de l’individualisme et
de la liberté individuelle devenus les piliers de la vie
contemporaine. Cette conquête a certes eu des
conséquences positives dans la mesure où certaines
entraves à l’épanouissement des individus ont disparu.
Mais en même temps, elle est devenue une contrainte, car
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la liberté a un prix, la solitude. En face d’une télévision
omniprésente qui donne l’impression de la
communication, l’homme moderne est de plus en plus
seul. DAVID RIESMAN, sociologue américain avait le
premier parlé de la foule solitaire pour montrer la
contradiction entre la densité de la foule urbaine et la
solitude des individus. La ville en effet qui en principe
devait favoriser la rencontre, car elle a été de tous temps
un espace de convivialité a en définitive renforcé les
tendances à la solitude avec son cortège de
dysfonctionnements comme la délinquance, la violence et
les suicides. L’allongement de la durée de vie et le
vieillissement de la population ont généré aussi des
problèmes inédits. La part des jeunes diminue rapidement
et l’espérance de vie est en augmentation (73 ans pour les
hommes et 80ans pour les femmes).La mutation
démographique est en cours: dans quelques années la
GUADELOUPE aura les mêmes structures
démographiques que les pays développés. Aujourd’hui
cohabitent fréquemment des générations différentes. Il
n’est pas rare de trouver au moins quatre générations
composées pour les plus anciennes de personnes en
bonne santé, disposant d’un pouvoir d’achat satisfaisant.
Ces générations au lieu de se fondre dans un ensemble
cohérent se sont mises à cohabiter chacun dans leurs
espaces respectifs avec un minimum de relations comme
l’illustre la multiplication des clubs du 3eme age ou de
clubs de jeunes en attendant les résidences qui leur seront
réservés comme cela se fait déjà dans d’autres pays. Les
relations et la solidarité entre les générations se sont
affaiblies. La collectivisation de nombreuses activités
exercées dans le passé par les familles comme la
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socialisation de l’enfance (crèches, écoles maternelles,
organisation collective des loisirs), et de la solidarité
(retraite et protection sociale) ont favorisé ce mouvement
de fond. Les modalités de socialisation ont été
transformées. La famille, l’école, le voisinage et l’action
des anciens ont été remplacés par la télévision. Les plus
touchés sont naturellement les jeunes générations qui ne
bénéficient plus de l’accompagnement des plus anciens.
Il y a là un phénomène nouveau qui explique pour une
bonne part le mal être actuel. L’accueil guadeloupéen, les
traditions d’échange et de solidarité entre les individus et
les familles ont disparu ou plus exactement ne sont plus
tout à fait les mêmes. A l’intérieur de son appartement,
chacun est confronté aux nombreuses contraintes de la
vie moderne. Il faut gérer le budget familial dont les
postes se sont multipliés (téléphone, électricité, loyer,
télévision, traite de voiture, équipements ménagers et de
loisirs) d’où un stress permanent auquel ne résiste pas les
plus fragiles. Ce n’est donc pas par hasard que se
multiplient jeux du hasard, sectes, médecines
alternatives, voyances, consommation de tranquillisants
et de drogue. Tout le monde recherche probablement
dans ces substituts la paix intérieure qui lui fait défaut.
La drogue en particulier est devenue un grave problème
de santé publique qui encore une fois frappe les plus
jeunes. Ce n’est pas par hasard non plus qu’on assiste à
une montée inquiétante de l’insécurité. Les chiffres sont
consternants. Le nombre de crimes et de délits constatés
par les services de police et de gendarmerie a évolué plus
vite que la croissance de la population. On a en
particulier assisté à une augmentation sensible des vols,
des petites agressions et des chèques sans provision. La
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multiplication de ces faits exaspère ainsi que l’inertie des
pouvoirs publics qui n’arrivent pas à mettre en place les
actions nécessaires à leur éradication. De son coté, la
famille pilier de la société, respectée pendant longtemps a
été profondément transformée. Les familles nombreuses
sont plus rares. La famille nucléaire s’est développée au
détriment de la famille étendue ou des familles multiples.
Par ailleurs, on assiste à une augmentation constante des
couples divorcés. Aujourd’hui, la famille devient plus
imprécise. Les couples se forment et se défont
rapidement. La vie familiale ne s’inscrit plus dans la
durée. Elle se découpe en tranches de vie avec des
périodes de vie solitaire ou de séparation. Les familles
recomposées se multiplient : des couples se forment avec
des enfants de lits précédents. Surtout son rôle
d’encadrement et donc sa capacité de socialisation a
beaucoup diminué. L’autorité parentale très présente dans
le passé autour de la figure emblématique du pèreet le
role de potomitan de la mère s’est affaissée. Les enfants
sont souvent laissés à l’abandon devant la télévision
omniprésente par des parents occupés par le travail et
leur quête délirante de bonheur. Il y a là un problème
grave qui mine dangereusement notre société. En fait
c’est toute la cohésion sociale et culturelle qui est
fissurée. C’est la manière traditionnelle de vivre qui
disparaît alors que les nouvelles modalités d’existence
qui se mettent en place prennent du temps. Les hommes
vivent toujours mal les périodes de transition. Il faudra
donc faire face avec des instruments nouveaux aux
problèmes nouveaux posés par cette révolution sociale et
culturelle en construisant avec patience une nouvelle
cohésion sociale appuyée sur la famille sans retour à un
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passé qui n’existe plus sinon dans la tête de certains
conservateurs. Une communauté moderne doit pouvoir
faire face aux défis sans se réfugier dans le passé mais en
tentant de s’adapter aux nouvelles conditions de
l’environnement. La recherche de l’harmonisation sociale
avec la France axe majeur des anciennes politiques
sociales ne sera pas suffisante pour traiter ces problèmes
nouveaux. En fait la solution passe par le développement
de nouvelles structures de socialisation. Il faut en somme
limiter la solitude porteuse de peur et de violence,
diminuer les situations de marginalité et encadrer à
nouveau les individus. C’est donc à une formidable
entreprise de régénération sociale et culturelle à laquelle
il faut nous atteler en mobilisant tout le monde. Ce n’est
qu’à cette condition que la GUADELOUPE pourra
profiter des formidables avancées du monde moderne.
Dans le cas contraire elle va sombrer dans le chaos
social, et s’adonner définitivement aux jeux de hasard et
à la drogue qui sont en train de faire des ravages
considérables notamment chez les jeunes qui sont une
proie toute indiquée compte tenu de leur fragilité. Enfin,
au coeur des interrogations sociales, il y a la place des
salariés et des organisations qui sont censées les
représenter. Il ne se passe pas un jour sans qu’un conflit
n’éclate provoquant, peurs, réticences, et recul
économique dans un pays devenu touristique donc
sensible au climat social. Les conflits provoquent quasi
instantanément des annulations de séjours. L’économie
touristique nécessite pour se développer un pays apaisé et
ordonné. De plus, les grèves quand elles ont lieu
s’éternisent. Elles engendrent de la violence et fragilisent
encore plus la société. Les négociations sont
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généralement difficiles ce qui augmente les pertes
économiques et les accords ne sont pas toujours
respectés. Le dialogue social est encore nettement
insuffisant. Enfin, au sein des entreprises et des
organisations publiques la gestion de l’activité ne s’opère
pas toujours dans la concertation malgré les dispositions
de la législation du travail sur la participation des
salariés. La petitesse des entreprises dont un faible
nombre a plus de 50 salaries seuil à partir duquel les
comites d’entreprises sont crées dans le droit français,la
culture qui favorise la hiérarchie et valorise le chef qu’il
soit élu ou propriétaire et le caractère familial de
nombreuses entreprises constituent des obstacles au
développement de la participation. Même quand ces
institutions existent elles ont la plupart du temps des
pouvoirs consultatifs ce qui ne leur permet pas toujours
d’influer sur la marche des entreprises. Pour mettre un
terme à ces pratiques, assurer la création et le
fonctionnement régulier d’une société où tous les salariés
sont maîtres de leur entreprises et consolider la cohésion
sociale, je préconise une profonde réforme de l’entreprise
dont la ligne directrice sera la participation des salariés
.La participation est la voie de l’avenir. Elle part du
principe que les salariés ne peuvent pas être considérés
que comme des apporteurs de travail. Ils sont aussi
propriétaires des richesses créées. Ils doivent donc gérer
leurs entreprises et recevoir une part équitable de la
richesse produite. Ils souhaitent être des acteurs de leur
vie et non des pions manipulés et exploités par des
dirigeants et des élites. Cette participation nécessite que
les salariés gèrent directement ou indirectement leur
entreprise notamment les Ressources Humaines. Je
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préconise que les délégués du personnel et les comités
d’entreprises soient installés dans toutes les entreprises
quelque soit leurs effectifs et qu’ils disposent de plus de
pouvoirs de décision au sein de l’entreprise.C’est
pourquoi, il est aussi nécessaire de favoriser le
développement du syndicalisme, car ce sont en définitive
les syndicats qui sont les mieux à même de représenter
les salariés et de les encadrer dans leur participation à la
gestion. Au cours des dix dernières années le mouvement
syndical a beaucoup évolué. Des syndicats anciennement
dominants ont disparu. D’autres se sont développés. Il
serait en particulier dangereux de les diaboliser comme
cela s’est fait dans le passé et comme certains qui
feignent d’ignorer les évolutions tentent encore
aujourd’hui de le faire. Le syndicat est un rouage
nécessaire de notre communauté au même titre que les
autres acteurs sociaux et économiques. Il serait aussi
dangereux de tenter de le marginaliser car cela
provoquerait le développement d’une violence dont on a
vu les résultats dans certains conflits récents. C’est parce
qu’il sera un acteur respecté et central qu’il développera
ce qui est positif et non le contraire. Je m’engage en tous
cas à tout mettre en oeuvre pour rétablir ou établir le
mouvement syndical dans sa fonction de défense des
intérêts des travailleurs, afin que toute la Guadeloupe
dans sa diversité reconnue et acceptée puisse se mettre au
travail pour le développement. La participation enfin est
aussi la redistribution de la richesse collective.Cette
distribution illustrée par les différents régimes
d’intéressement est aujourd’hui trop inégalitaire puisque
seules les grandes entreprises sont obligées de la mettre
en place. Sont exclues les petites entreprises (moins de
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50 salariés) qui constituent l’essentiel des entreprises. Il y
a une Guadeloupe à deux vitesses ce qui creuse encore
plus les inégalités déjà fortes. Alors que certains salariés
bénéficient de primes liées à l’intéressement, de
distributions d’actions gratuites et de cadeaux somptueux
pour leurs enfants pendant les fêtes, d’autres qui sont les
plus nombreux parce qu’ils sont dans des petites
entreprises sont mal lotis. L’obligation de solidarité nous
impose de mettre un terme à ces processus et pratiques.
Je propose de rendre obligatoire pour toutes les
entreprises quelque soit leur effectif le système de
participation financière pour la redistribution de la
richesse et la création de Fonds régionaux mutualisés
financés par la cotisation de toutes les entreprises et dont
le produit sera réparti entre tous les salariés notamment
en matière d’oeuvres sociales. Le même souci de
participation à la gestion sera mis en place pour les
agents publics dans les administrations. La richesse est
produite par tous. Elle doit être repartie entre tous. C’est
la base de la cohésion. En tous cas, c’est de notre
capacité à résoudre les questions sociales que dépendront
la force et le dynamisme de notre société. La création
d’une société plus juste, solidaire, attentive aux
difficultés de chacun enracinée dans notre culture
constitue le chantier prioritaire du 21ième siècle. La
justice sociale sera indispensable pour l’établissement et
le maintien de la paix et de la sécurité entre les nations du
monde et à l’intérieur de chacune d’elle. Elle sera le
facteur essentiel de la cohésion sociale qui permettra
d’affronter avec succès les défis inédits de ce siècle.
C’est pourquoi je serai très attentif au social qui doit
précéder ou accompagner toutes les actions collectives. Il
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n’y a pas de grandes et de solides communautés sans une
réelle aptitude à vivre ensemble.
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CHAPITRE VI
LA NÉCESSAIRE MAITRISE DE L’ESPACE
L’évolution de l’occupation du territoire guadeloupéen ne
va pas sans poser de graves problèmes qui inquiètent. La
dynamique en cours, à terme, va déboucher sur la
catastrophe si des corrections ne sont pas rapidement
apportées. La GUADELOUPE ressemble de plus en plus
aux grandes mégapoles mondiales: pollutions multiples,
accumulation de déchets et nuisances augmentent
régulièrement. Le risque d’explosion et de rupture est
élevé car les moyens sont insuffisants ou très mal utilisés.
Cette situation est grave et interpelle chacun de nous. De
quoi s’agit-il ?
Tout d’abord, on a assisté à une augmentation régulière
de l’utilisation de l’automobile. 100 000 véhicules selon
les statistiques les plus récentes de l’INSEE circulent
régulièrement en Guadeloupe engendrant pollution,
accidents mortels, énervements dans les interminables
embouteillages qui ponctuent l’entrée et la sortie des
villes. La construction de nouvelles routes,
l’élargissement des anciennes, la multiplication des ponts
et giratoires, la floraison d’échangeurs de tous calibres ne
modifient pas les désagréments causés par l’automobile.
Au contraire les équipements nouveaux favorisent leur
multiplication. Chaque année, c’est en moyenne 100
guadeloupéens qui sont tués sur les routes ce qui fait de
notre pays une des régions les plus risquées du monde.
Le guadeloupéen est très attaché à sa voiture. Elle est
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utilisée couramment pour vaquer à toutes les occupations
et notamment pour aller au travail. Les indications de
l’INSEE sont alarmantes en matière de trajet au travail.
Ce sont des milliers de guadeloupéens qui prennent
l’automobile tous les jours pour se rendre au travail dans
les bassins d’emplois et d’activités des régions de Basse-
Terre et Pointe-à-Pitre. On ne mesure pas encore la
pollution provoquée par l’excessive consommation
automobile : gaz d’échappements, épaves qui jonchent
les cours de maisons, les champs, les rivières voire les
plages. Quand les dispositifs de contrôle de la qualité de
l’air deviendront obligatoires et courants comme le laisse
à entendre la législation européenne et française, on
s’apercevra trop tard du lourd tribut payé à l’automobile.
En tous cas, il est exclu de rester inactif en face de ces
évolutions qui défigurent les paysages tout en leur
donnant une superficielle physionomie de modernité et
ont un impact sur la santé. La surconsommation
individuelle de l’automobile qui aboutit à ce que dans
chaque famille on compte au moins trois voitures, est
aggravée par la difficulté chronique et alarmante des
transports collectifs. La Guadeloupe continue de disposer
dans ce domaine d’un système hybride hérité du passé
qui a rarement donné satisfaction. En effet, par un
mécanisme curieux d’adaptation dont les départements
d’Outre-Mer ont le secret, l’Etat français a confié à une
kyrielle de transporteurs privés la gestion du transport
des voyageurs. Quand le pays vivait dans la pénurie et
était profondément marqué par sa ruralité, cette situation
ne posait guère de problèmes. La population faute de
mieux utilisait les transports publics sans se préoccuper
de la qualité du service. Aujourd’hui, l’attitude des
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usagers a profondément changé. Ils exigent qualité et
régularité. Cependant, ni la décentralisation qui a confié à
partir de 1983 au département la gestion des transports
publics intercommunaux, ni l’amélioration du niveau de
vie qui a rendu exigeant les consommateurs ne sont
arrivés à modifier la logique du transport collectif. Même
avec des véhicules qui se sont nettement améliorés, le
service n’est pas assez performant et ne répond plus aux
attentes. Il est grevé de nombreuses tares : Non respect
des horaires et des stations et non couverture de
l’ensemble de la Guadeloupe pendant toute la semaine
sont les traits communément dénoncés avec raison. La
plupart des majorités politiques n’ont pas eu le courage
d’organiser ce secteur vital.La récente réorganisation
initiée par le Conseil général va dans le bon sens après
des années d’immobilisme. Il n’est donc pas étonnant que
devant la carence du transport collectif, on assiste à une
montée régulière de la consommation individuelle
d’automobiles. Continuer les pratiques actuelles est
dangereux. La GUADELOUPE a besoin d’une
organisation plus performante des transports afin de
diminuer la consommation individuelle d’automobiles,
permettre aux citoyens de disposer d’un service de
qualité notamment les milliers de touristes qui y
séjournent et limiter la pollution. La mise en place d’un
tel dispositif a toujours été redoutée des transporteurs
comme en témoigne la multiplication des conflits qui
paralysent régulièrement le pays. Leurs craintes
proviennent surtout des insuffisances de l’indemnisation
des transporteurs, de l’absence d’un accompagnement
social suffisant et de l’application de la loi Sapin qui
impose que les agréments administratifs alloués par
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l’Administration à des transporteurs privés s’opèrent
dans la transparence après appel public à candidature. Ils
se plaignent aussi de l’impossibilité de vendre leur ligne
à la fin de leur activité professionnelle. Les transporteurs
affirment avec raison que depuis longtemps cette activité
est exercée par des personnes privées et selon les règles
du droit commercial. Après beaucoup d’hésitation le
conseil général a choisi onze groupements dans le cadre
d’une délégation de service public de douze ans pour
assurer en lieu et place des petits transporteurs le service
public des transports. Par rapport au passé, il ne s’agit
plus exclusivement d’une convention à risque et péril car
de nombreuses clauses prévoient des aides financières
des pouvoirs publics notamment des compensations pour
les sujétions de service public. Cependant la mise en
place effective de la nouvelle organisation a généré de
graves problèmes. Alors qu’il avait été prévu que les
associés des groupements soient des transporteurs en
activité de nombreux transporteurs se sont vus interdire
l’entrée comme associés dans un groupement ou se sont
trouvés brutalement interdire de toute activité de
transports. Ces dysfonctionnements et d’autres ont
fragilisé cette réforme .Par ailleurs j’ai lme sentiment
que la politique suivie par le conseil général ne va pas
assez loin. Nous proposons une alternative à cette
politique pour prendre en compte la volonté de mettre un
terme au tout automobile individuel .Pour les usagers le
transport public doit être gratuit. Les entreprises
recevront en contrepartie de leur service une dotation du
conseil général .Par ailleurs des mesures sociales doivent
être prises pour accompagner la profession afin qu’aucun
transporteur ne soit exclu. Nous proposons enfin la
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création d’une société à capitaux publics pour
l’acquisition du matériel roulant qui sera ensuite loué aux
sociétés de transports. Par ailleurs il faut que les
automobilistes touristes qui sont de plus en plus
nombreux payent le coût de la dégradation de
l’environnement qui leur est imputable et celui des
équipements publics qu’ils contribuent à détruire. Certes
la fiscalité qui pèse sur eux est déjà conséquente même si
personne ne s’en aperçoit. Cependant elle demeure
modeste eu égard aux coûts précédemment énoncés. Un
nouvel impôt doit être crée, collecté par la collectivité
guadeloupéenne, qui vise à mieux faire participer les
touristes à la préservation de l’environnement. Ce
chantier en tous cas est fondamental. Il faut le mener à
son terme pour éviter la catastrophe. Le respect des
générations à venir me paraît une exigence fondamentale.
Il nous faut abandonner l’égoïsme traditionnel des
générations actuelles qui utilisent avec excès la planète
en oubliant qu’elles sont tout simplement de passage et
qu’elles sont un trait d’union, un passage obligé pour les
générations futures.La deuxième évolution qui me parait
dangereuse est le processus qui s’amplifie de mitage du
territoire. Depuis quelques années, on assiste à la
construction de routes et de maisons sur la totalité du
territoire dans des lieux souvent réservés dans le passé à
de l’activité agricole. Parfois, ces constructions se font
conformément à des plans locaux d’urbanisme ou des
schémas d’aménagement. Le plus souvent elles se font
sauvagement à la barbe des autorités publiques. La
décentralisation qui a confié la gestion du droit de
construire aux collectivités communales n’a pas arrangé
les choses. Au contraire, en raison de la dynamique
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politicienne qui, qu’on le veuille ou non est au coeur de
la démocratie locale, les équipes municipales n’ont pas
toujours eu les moyens et le courage de s’opposer au
développement de la construction sauvage et donc au
mitage du territoire. Le mitage, outre le fait qu’il porte un
coup sévère à l’activité agricole qui au rythme où elle se
dégrade deviendra un objet de musée dans quelques
années, a provoqué l’apparition d’un espace bigarré que
les autorités ont de plus en plus de peine à administrer. Il
suffit de circuler sur les routes de notre pays pour
constater les risques, avec des automobilistes qui
débouchent de n’importe quel lieu sans le plus souvent
les précautions d’usage. La Guadeloupe tend à devenir un
espace totalement construit dans lequel la séparation
ville/campagne n’existe pratiquement plus. Nous avons
de plus en plus de peine à savoir où nous nous situons.
C’est pour toutes ces raisons qu’elle est devenue petit à
petit une ville insulaire gérée d’une manière inadaptée.
L’espace entre les villes et les campagnes s’est peuplé.
Les abords de villes sont devenus anarchiques et leur
gestion de plus en plus complexe. Les mentalités rurales
axées sur la possession de terrains et de maisons tendent
à aggraver le phénomène. Pour contrer un tel processus,
il convient de disposer d’un schéma guadeloupéen
d’aménagement qui s’impose aux plans d’occupation des
sols des communes et aux autres instruments de
planification et d’aménagement urbain. Le schéma
d’aménagement actuel va dans le bon sens en
interdisant la diminution de l’espace agricole, en
précisant les zones affectées à l’habitation et à l’activité
et en préservant un littoral fragile et menacé. Cependant
sa force juridique ne nous paraît suffisante pour limiter
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les abus que nous avons dénoncés. Une évolution
juridique s’impose afin que le schéma d’aménagement
devienne un instrument de référence dont les
prescriptions sont sanctionnées. Ce n’est qu’à cette
condition que nous éviterons le pire. Ces
dysfonctionnements confirment en tous cas que la
réforme des institutions doit aller bien au delà d’une
simple répartition des attributions entre l’Etat francais,
l’état guadeloupéen et les Collectivités territoriales. Il
faut redessiner l’ensemble du système des compétences
guadeloupéennes. Si rapidement nous ne prenons pas à
bras-le-corps ce problème, la Guadeloupe risque de
devenir invivable. Le troisième trait qui caractérise la
géographie actuelle est l’hyper centralisation des activités
et des habitations dans l’agglomération Pointe-à-
Pitre/Abymes, Gosier, Baie-Mahault. S’y trouve selon
l’INSEE près de 80 % de l’activité économique et des
emplois. On dénombre aussi dans cette agglomération
une bonne partie des logements neufs construits et
notamment les logements sociaux. Il s’agit d’une
situation aux effets pervers. Mais, malgré les
dénonciations et les incantations sur le rééquilibrage du
territoire, le processus de centralisation continue de se
réaliser inéluctablement avec les conséquences que l’on
sait : transformation du reste de la Guadeloupe en cités
dortoirs ; intensification des trajets domicile/travail et
bien entendu mitage du territoire. Il est vrai que les
politiques mises en oeuvre ne brillent pas par leur
homogénéité. Le rééquilibrage du territoire est
accompagné d’une rationalisation de l’agglomération
Pointoise (voir la liaison port/aéroport) qui a rendu
difficile la réalisation de l’objectif initial. Par ailleurs, on
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assiste dans cette zone à une montée inquiétante de la
délinquance, provoquée en partie par la densité du
logement social et l’exclusion d’une bonne partie de la
population. Il faut mettre un terme aux dérives actuelles
en engageant une véritable action de rééquilibrage du
territoire autour du concept de ville insulaire. En effet,
notre pays relève plus aujourd’hui des techniques de
l’aménagement urbain que de celle de l’aménagement du
territoire. Cette dernière s’applique aux grands pays où
du fait de la distance se creusent des écarts entre les
différentes parties du territoire. Mais dans un petit pays
insulaire où la population égale celle d’une ville
moyenne, et où la plus grande distance est de 100km,
l’on devrait penser l’ensemble d’une manière urbaine.
Par exemple, au lieu de multiplier les routes à plusieurs
voies, ce qui à la longue diminue le territoire agricole et
crée les conditions d’une augmentation de la dépendance
alimentaire déjà forte et à la limite insupportable, il
faudrait faire des sens interdits sur les routes nationales et
départementales, mieux utiliser le réseau actuel grâce à
une amélioration de la signalisation et utiliser les voies
maritimes et aériennes. Cela permettrait simultanément
de donner une chance aux transports collectifs et de
diminuer à terme l’emprise de l’automobile. Une telle
approche nous permettrait d’éviter bien des erreurs.
Cependant le rééquilibrage du territoire ne doit pas se
résumer dans l’arrêt de l’équipement de l’agglomération
Pointoise. On entend sur ce sujet aujourd’hui des propos
très inquiétants qui s’ils sont suivis d’effets aboutiraient à
une diminution de la compétitivité de l’ensemble.
Multiplier par exemple les ports, les zones d’activités, les
logements sociaux dans des sites où traditionnellement il
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n’y en avait pas est une erreur. Ces investissements
accroissent le coût d’entretien et mobilisent des
ressources élevées qui auraient pu être affectées à
d’autres utilisations. Nous devons de ce point de vue
comprendre que dans un petit pays il est extrêmement
dangereux de décentraliser à tous prix les activités ce qui
entrave la réalisation des économies d’échelle et donc
une baisse des coûts. Il nous faut donc trouver un moyen
terme entre l’excessive centralisation et décentralisation.
Simultanément l’on constate une évolution anarchique de
cette agglomération qui inquiète avec raison. Les villes
qui la composent vivent le plus souvent dans l’ignorance
l’une de l’autre et initient peu d’actions pour se
rapprocher et développer ensemble ce qui ajoute aux
handicaps de notre pays. C’est pourquoi j’ai la conviction
qu’il faut construire au centre de notre archipel une
véritable agglomération qui pense d’une manière
commune et met en place des actions cohérentes. Au lieu
par exemple de multiplier des équipements collectifs
dans chacune des villes qui composent cet espace ce qui
engendre gaspillage, coûts supplémentaires et
augmentation des impôts, il faut rationaliser leur
constructions et les répartir d’une manière équitable tout
en organisant une meilleure distribution des prestations à
toute la population concernée. La situation actuelle dans
de nombreux domaines frise l’anarchie. Il n’y a pas de
système de transport organisé, ni de politique cohérente
d’implantation des entreprises qui de surcroît payent des
taxes professionnelles différentes ce qui nuit à une saine
concurrence. Ce dernier problème est de plus aggravé par
la mise en place de zones franches pour soit disant
favoriser le développement de l’activité et de l’emploi
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dans certains quartiers alors que les zones effectives
d’activité sont situées à peine à quelques kilomètres
illustration caricaturale d’une départementalisation qui
consiste à appliquer à tous prix à une région différente et
éloignée des règles élaborées pour un continent. Il n’y a
pas enfin de schéma cohérent de développement de
l’habitat, de plan circulation pour ne citer que les
domaines où le désordre est le plus criant. En définitive
c’est toute la population qui est sacrifiée car elle ne
bénéficie pas des prestations qu’elle mérite compte tenu
du montant important d’impôts qu’elle paye. Pour
fortifier l’ensemble de notre archipel, il nous faut
rapidement engager la construction de cette
agglomération et répondre ainsi aux attentes de la
population. Les mêmes remarques méritent d’être faites
au sujet de l’agglomération Basse-terrienne. En sommes
il nous faut reconstruire toute l’armature urbaine.
Le quatrième trait est l’existence d’un certain nombre
d’îles qui font partie de l’archipel guadeloupéen et qui
pour certaines d’entre elles sont en voie de
marginalisation. En effet, à l’exception de Saint Martin et
de Saint Barthélemy qui, grâce au tourisme semblent
actuellement dans la voie d’un certain développement, les
autres îles éprouvent nettement plus de difficultés. Elles
ne semblent pas capables, pour des raisons
psychologiques, d’organisation ou de ressources
d’utiliser les activités touristiques pour prendre le relais
des activités traditionnelles défaillantes. Tel est en
particulier le cas de Marie-Galante dont la population
diminue du fait de l’émigration provoquée par la
modestie des activités économiques. La culture de la
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canne, la production du sucre et du rhum, la pêche
artisanale qui ont fait dans le passé la richesse de notre
grande île sont confrontées comme dans d’autres parties
de notre territoire à de graves problèmes qui ne trouvent
pas toujours de solutions satisfaisantes. Bien entendu le
tourisme est considéré par beaucoup, avec plus ou moins
de détermination comme une activité qui pourrait
relancer une croissance économique défaillante et faire
revenir une population qui souhaite s’installer dans son
pays d’origine. Mais malgré tous les efforts, la greffe
s’opère avec difficulté. A cela, plusieurs raisons : d’une
part l’absence d’une stratégie touristique cohérente et
précise. Les responsables n’arrivent pas à choisir entre le
modèle de GUADELOUPE qui est plutôt fondé sur un
tourisme de masse et le modèle de Saint Barthélemy qui
est plutôt un tourisme de luxe. D’autre part, personne
n’est véritablement convaincu par le caractère positif de
cette activité. En tous cas, tout le monde pense tout bas
que le tourisme va provoquer des fissures dans une
culture et une manière de vivre auxquelles toute la
population est attachée. Il serait dommage de ce point de
vue que l’on assiste à une ruée quotidienne de milliers de
gens sur toutes les routes de Marie Galante avec toutes
les conséquences qu’elle provoquera et notamment les
retombées négatives comme la pollution et la spéculation
foncière qui ont déjà commencé. Marie-Galante comme
toutes les autres îles de l’archipel confrontées aux mêmes
difficultés doit se développer en gardant son âme. Trop
de communautés se sont littéralement désintégrées en
faisant n’importe quoi pour prendre le train du tout
tourisme. Plus la population est faible et plus il faut
manier avec précaution le modèle de développement qui
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s’appuie exclusivement sur le tourisme. Il vaut mieux
dans le monde étrange dans lequel nous gravitons garder
notre âme au lieu de la troquer contre une abondance en
trompe l’œil qui en définitive n’apporte rien de décisif.
C’est la raison pour laquelle, Marie-Galante, Désirade,
les Saintes doivent pour compenser leur éloignement et
leur difficulté, recevoir une dotation spécifique de
fonctionnement afin de préserver une agriculture et une
pêche qui participent à l’équilibre de leur communauté.
Au tourisme de masse et au tourisme de luxe, il faut
préférer un tourisme différent et un mode de
développement enraciné dans leur réalité, respectueuse
de leur personnalité et susceptible de mobiliser l’épargne
locale. Il nous faut insister sur le fait que l’aménagement
de notre espace est devenu le défi essentiel de notre
société. L’augmentation régulière de la population et
l’amélioration du niveau de vie, imposent que l’on traite
plus sérieusement les problèmes d’aujourd’hui. Une
nouvelle approche s’impose donc qui passe par une
nouvelle économie de l’espace dont l’objectif essentiel
est sa préservation et une organisation plus rationnelle. Il
faut impérativement développer une nouvelle philosophie
de l’espace si nous ne voulons pas, que dans l’avenir, la
Guadeloupe ne soit plus capable d’offrir à sa population
un cadre de vie agréable et convivial.
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CHAPITRE VII
UN PACTE POUR LA SECURITÉ
Depuis quelques années l’insécurité ne cesse de
progresser dans notre pays et notamment dans ses parties
les plus urbanisées engendrant peurs et blocages de toute
nature. Cette insécurité dont les formes ont sensiblement
changé nous interpelle en raison de ses conséquences
économiques sociales et culturelles. Elle déstabilise notre
économie fondée de plus en plus sur le tourisme. Cette
activité en effet exige pour se développer une grande
sécurité. Les touristes fuient comme la peste toutes les
régions où règne l’insécurité. Maintenir une stricte
sécurité doit être la préoccupation majeure des pouvoirs
publics. Loisir et insécurité ne font pas bon ménage.
L’insécurité fragilise une société déjà déstabilisée par
l’apparition des phénomènes sociaux inédits. En
particulier elle tend à diminuer la conscience de l’Etat de
droit essentielle dans une démocratie moderne et
provoque de la part des acteurs sociaux des
comportements d’autodéfense illustrés par l’utilisation
régulière de vigiles pour faire respecter l’ordre devant la
carence des pouvoirs publics. Enfin l’Etat français en
charge de la sécurité dans notre pays n’a pas réussi à
mettre un terme à un phénomène particulièrement
dangereux pour notre cohésion sociale et notre
développement économique et social. L’échec de la
France est la conséquence de plusieurs facteurs sur
lesquels il convient de s’appesantir pour élaborer un bon
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diagnostic et trouver une solution sérieuse au mal de
l’insécurité. Dans le système qui nous régit aujourd’hui
c’est en principe l’Etat français qui a en charge la
sécurité. Il s’agit d’un des principes de base de
l’organisation «politico-administrative» de la France qui
réserve à l’Etat la plupart des attributions dites de
souveraineté. Cependant dans la pratique ce pouvoir est
partagé avec d’autres autorités et notamment les
communes qui de tous temps ont disposé d’un pouvoir de
police non négligeable notamment dans celles où il
n’existe pas de police d’Etat. Pour exercer leurs
attributions elles ont mis en place des forces de police
dont l’efficacité laisse à désirer en raison de l’évolution
de notre société, de la modification des formes
d’insécurité et d’une réglementation qui les cantonne
souvent dans des tâches subalternes. Il n’en reste pas
moins vrai que l’existence de ces deux polices engendre
des relations conflictuelles qui diminue l’efficacité de la
police dans sa lutte contre l’insécurité. A ceci il convient
d’ajouter le statut particulier de la gendarmerie qui a
longtemps été rattachée au ministère de la défense et qui
est implantée dans des zones où il n’y a pas de forces de
police nationale. La guerre des polices popularisée par
des romans policiers n’est pas un vain mot. En tous cas
au moment où l’on se plaint de la modestie des effectifs,
l’implantation générale de toutes les forces de police sur
l’ensemble de l’espace guadeloupéen laisse à désirer. Des
zones à hauts risques en raison de l’augmentation des
populations ou de la multiplication des trafics de toutes
natures n’ont pas assez d’effectifs pour faire face aux
différents problèmes posés. Par ailleurs, les
comportements et les pratiques des forces de police
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laissent à désirer et à tout le moins ne sont plus adaptés
aux demandes des citoyens. Par exemple souvent en cas
d’agression les victimes sont mal reçues dans des
commissariats bondés dont l’architecture laisse à désirer.
La notion de service à la population en quoi se résument
leurs missions, a de la peine à s’imposer. La police se
considère le plus souvent comme une force de répression
et non comme une force de prévention et de service. Ce
comportement s’impose d’autant plus que la sécurité et
l’insécurité ont beaucoup changé. Ces notions qui
paraissent simples et avaient engendré un certain type de
police ont changé. Dans le passé à part les actes mineurs
d’incivilité qui existent dans toute société, la principale
cause d’insécurité était le vol et les différents de
voisinage. On volait pour tenter d’avoir quelque argent
qui servait à vivre. Dans notre pays insulaire et
relativement petit ces phénomènes étaient rares car la
physionomie des lieux engendrait un fort contrôle social
accentué par la ruralité. Aujourd’hui, notre pays est
devenu une ville insulaire ouverte sur l’extérieur où les
trafics de toutes sortes se sont développés. Il faut en
particulier citer le trafic de drogue dont la région Caraïbe
est devenue une plaque tournante investie par les mafias
de toute origine. L’économie de la drogue qui s’est
installée dans le monde a de nombreuses composantes
qui alimentent l’insécurité. Beaucoup de vols et d’actes
de violence sont actuellement le fait d’individus qui ont
besoin de se fournir en drogue pour ne pas sombrer dans
la déchéance. C’est en effet une des méthodes utilisées
par les trafiquants pour pérenniser cette activité que de
faire des intermédiaires des consommateurs. Ces
phénomènes imposent une action particulière que les
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forces de police n’exercent pas toujours. A cette donnée
de base et essentielle il convient d’ajouter le
développement d’une corruption généralisée qui
démobilise. Pendant longtemps les délinquants ont
appartenu du moins en apparence aux classes les moins
bien loties de la société. C’est parce que l’on était pauvre
et sans avenir que l’on sombrait dans la délinquance. Les
classes supérieures ont en tous cas pendant longtemps
imposé cette conception. Depuis quelques années sous la
direction d’une justice qui elle aussi s’est transformée en
devenant plus indépendante du pouvoir politique, de
nouveaux cas de délinquance sont apparus touchant en
particulier les classes moyennes et supérieures. La
délinquance à col blanc basée sur la corruption s’est
considérablement développée. Ce dernier phénomène a
particulièrement impressionné quand il s’agissait
d’hommes politiques. Bien entendu cela ne veut pas dire
que la classe politique n’a pas dans le passé utilisé la
corruption. En fait compte tenu de la centralisation du
pouvoir politique à Paris il a été plus facile de masquer ce
phénomène qui n’apparaissait que de temps en temps. Par
contre avec la décentralisation les pouvoirs locaux ont
disposé de plus de ressources et de pouvoirs ce qui a
favorisé dans de nombreuses régions ces formes de
corruption. C’est pourquoi certains n’ont pas hésité à
rendre la décentralisation responsable de la dégradation
de la moralité publique qui en est résultée. Cette position
bien entendu n’est pas la mienne. Elle ne peut être
défendue que par ceux qui défendent le jacobinisme. En
fait, d’autres raisons permettent d’expliquer cette
situation.La mise en place dans les régions, les
départements et les communes d’un véritable pouvoir n’a
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pas été accompagnée par la création de mécanismes
démocratiques .Les exécutifs de ces nouvelles
collectivités disposent de pouvoirs colossaux non
contrôlés ni par le Préfet qui a une mission de contrôle de
la légalité ni par les chambres régionales des comptes.
Cette situation est encore plus grave en Guadeloupe où
un espèce d’état a été littérallement créé fonctionnant
avec des règles de collectivités locales. Les dérives sont
donc normales .Par ailleurs, il n’y a plus d’exemplarité
dans notre société. Celles et ceux qui en étaient les
gardiens et les symboles sont aussi devenus des
délinquants dénoncés et pointés du doigt par le biais des
médias. Quand un dirigeant est condamné c’est toute une
société en définitive qui l’est aussi. Beaucoup et
notamment les jeunes générations utilisent cette situation
pour justifier leur propre délinquance. Comme il n’y a
plus d’exemple dans la société et de modèle dominant, on
peut donc commettre n’importe qu’elle incivilité. Ces
comportements se sont développés d’autant plus
rapidement que la précarité est devenue un des
phénomènes de base de notre société. La difficulté à
s’insérer professionnellement, la faiblesse relative des
rémunérations notamment au regard de la société de
consommation qui fait miroiter des milliers de biens et
fait dépendre notre bonheur de notre propension à
consommer incitent beaucoup à penser qu’il vaut mieux
être délinquant et notamment trafiquant pour vivre
décemment. Nous ne serions pas complets si nous n’y
ajoutions pas les contraintes budgétaires qui
conditionnent dans une certaine mesure l’action de la
justice. En effet compte tenu de la relative faiblesse des
ressources et d’une modification de la politique
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pénitentiaire qui ne considère plus l’emprisonnement
comme la solution unique de sanction des crimes et
délits, trop souvent des délinquants véritables ne sont pas
enfermés. Les finesses de la procédure, la difficulté à
trouver un équilibre entre la défense de la société, le droit
desvictimes et le respect des droits individuels des
délinquants ont engendré toutes sortes de dérives que
nos compatriotes ne comprennent pas toujours et qu’ils
considèrent comme un manque de détermination de
l’administration en charge de la sécurité. L’incapacité de
la police à faire face au phénomène nouveau d’insécurité
est illustrée par les contradictions des politiques de
prévention de la délinquance. Avec raison depuis
quelques années les pouvoirs publics ont pris conscience
de cette insécurité et ont tenté de développer cette
prévention. Ils l’ont fait en modernisant la police et en
mettant en place une politique de la ville dont c’est l’une
des priorités. La politique de la ville est une méthode
d’association de l’Etat et des communes notamment dans
les zones dégradées et à fort taux de violence et de
délinquance. Bien entendu comme il s’agit d’une mesure
nationale, elle est appliquée dans notre pays selon la
méthode traditionnelle c’est-à-dire sans tenir compte de
nos spécificités. L’erreur faite dans d’autres domaines
s’opère aussi dans le domaine de la sécurité. Cette
politique particulière s’est caractérisée par la mise en
place dans les communes et au niveau départemental de
commissions de préventions de la délinquance dont les
moyens sont demeurés modestes malgré l’augmentation
des crédits. Ces commissions sont une des composantes
essentielles des contrats de ville signés qu’avec certaines
commune de notre pays (Abymes, Basse-Terre, Saint
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Martin, Gosier, Pointe-à-Pitre).Bien qu’utilisant des
techniques nouvelles et développant des objectifs
novateurs (consolidation du lieu social, recréer de
nouvelles formes de socialisation, mobilisation des
jeunes autour du sport et de la culture, lutte contre la
drogue et la dépendance, développement d’une
méthodologie de résolutions des conflits) la politique de
prévention de la délinquance n’a pas donné de résultats
satisfaisants. La multiplicité des procédures, les
difficultés d’une réelle coordination, le statut du préfet
qui n’est qu’un haut fonctionnaire qui ne fait que passer,
sont selon nous les facteurs de l’échec actuel. Il devient
de plus en plus urgent de revivifier les politiques de
prévention de la délinquance. Cependant au delà de
toutes les explications ce qui nous parait fondamental
c’est le manque de confiance entre le peuple et la police.
C’est quand la police est effectivement l’expression du
peuple qu’elle est la plus efficace quelque soit la nature
de l’insécurité et de la délinquance. De tous temps dans
notre pays il y a eu une scission entre le peuple et la
police. Pendant longtemps et encore aujourd’hui la police
était considérée comme étrangère et instrument d’une
répression contre le peuple de notre pays. L’histoire
fourmille de ses atrocités.Ce sont donc les conditions de
formation de notre société qui ont crée cet état de fait. La
police servait avant tout à défendre l’ordre politique et
social colonial d’où son utilisation comme instrument de
défense, des intérêts du patronat dans les conflits sociaux
et de la présence française. Cette tare est restée même
quand les policiers d’origine française ont été remplacés
par des policiers antillais qui ont fait leurs classes dans
les grandes villes de la France. C’est pourquoi même
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quand son action est juste, elle est prise à parti par ceux
la même qui exigent son intervention. Le maintien de la
sécurité comme attribution de l’Etat français pose
problème et nécessite des modifications. Si nous voulons
que la police soit la véritable expression du peuple de
notre pays faudrait-il encore qu’elle soit effectivement
dirigée politiquement par notre représentation politique.
Cette question est d’autant plus d’actualité que nous
avons l’impression que l’Etat francais n’a plus
aujourd’hui cette détermination nécessaire pour
combattre l’insécurité. L’Etat dans notre pays en effet est
dans une situation ambiguë. Il doit à la fois administrer et
justifier sa présence politique. Ce n’est pas le cas dans
l’hexagone où sa présence politique ne pose pas de
problème. C’est la raison pour laquelle au moment des
interventions elle craint toujours de toucher au
compromis fragile obtenu politiquement. C’est pourquoi
nous disons que l’on ne peut pas appréhender les
problèmes d’insécurité et de délinquance sans tenir
compte de la dimension politique. Insécurité et sécurité
sont avant tout des problèmes politiques qui ne peuvent
être résolus que politiquement. Affirmer le contraire ou
faire semblant dans le quotidien de ne pas tenir compte
de cette donnée essentielle ne peut aboutir qu’à des
catastrophes. C’est précisément le cas aujourd’hui. C’est
parce que l’insécurité et la délinquance ne sont pas
traitées politiquement qu’elles perdurent au delà de
l’acceptable. Nous préconisons une nouvelle politique
pour faire reculer l’insécurité et ramener enfin la quiétude
dans notre pays. Il s’agit de la priorité des priorités car
c’est en définitive la sécurité qui conditionne le retour de
la confiance pierre angulaire de la politique de
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développement. La première caractéristique de cette
nouvelle politique est institutionnelle. Au contraire de ce
que l’on pense et des jugements trop souvent ressassés
sur la peur du blanc ou l’incapacité du noir à respecter le
noir, la sécurité doit être l’une des attributions que nous
voulons pour notre pays. Nous estimons qu’il s’agit de
l’unique moyen dont nous disposons pour mettre la
police au service du peuple et sous le contrôle bien
entendu de la justice comme le veut toute démocratie qui
se respecte. Cette nouvelle donne institutionnelle nous
permettra d’unifier les forces de police et donc
d’abandonner la multiplicité des pouvoirs actuels qui
diminue l’efficacité de l’action policière. Nous pensons à
cet égard que dans notre ville insulaire, les communes
qui de toute façon sont trop petites n’ont pas à avoir
d’attributions particulières en matière de police à
l’exception bien entendu de la police administrative. Cela
permettra de mieux positionner les forces de police sur le
territoire tout en les rendant plus mobiles. Dans un petit
pays, multiplier les implantations n’est pas toujours
efficace et coûte généralement très cher. La mobilité et la
présence doivent être la règle afin de rassurer le citoyen.
C’est en effet la présence permanente qui dissuade les
apprentis délinquants. La deuxième caractéristique de
cette nouvelle politique consiste à augmenter
sensiblement les effectifs de police. Les policiers ne sont
pas assez nombreux aujourd’hui. Bien entendu
l’augmentation des effectifs ne doit pas rendre encore
plus onéreux le prix de l’Administration qui est déjà
élevé. Il faut simplement diminuer le nombre de
fonctionnaires dans les secteurs où ils ne sont pas
indispensables soit parce que le privé exerce cette tâche
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soit en raison d’une faible productivité engendrée par un
effectif pléthorique. Afin de les rendre plus performants
c’est à dire plus attentifs aux demandes effectives de la
population il est souhaitable de les former aux nouvelles
tâches tout en faisant de la qualité de leur service un
objectif prioritaire. C’est dire que les budgets alloués
doivent nécessairement augmenter. La troisième
caractéristique de cette politique est la répression. Qu’on
le veuille ou non la délinquance ne reculera que dans la
mesure où la sanction sera forte. Trop souvent les forces
de police ne se font pas respecter. Elles donnent
l’impression d’avoir peur. Certes nous ne leur
demandons pas d’être des cow-boys et des excitées. Elles
ont le monopole de la force et nous leur demandons de
l’utiliser avec toute la dextérité nécessaire. A cet égard il
faudrait améliorer la concertation avec la justice. Voir
quelques jours après dans les rues se promenant comme
des honnêtes gens des individus interpellés et coupables
renforcent l’idée que les délinquants sont impunis et
intouchables. Il convient donc d’augmenter les places
dans les établissements pénitentiaires afin d’y caser tous
ceux qui ont pêché. Il faut aussi informer la population.
Celle-ci n’a que des renseignements épars sur les
résultats de la police. Celle-ci devrait régulièrement
informer pour faire connaître ceux qui ont fauté et les
circonstances de leurs forfaits. Cette démarche sera
particulièrement efficace compte tenu de notre petitesse
et de notre insularité, car elle solidifiera le contrôle
social. Un délinquant qui se sait connu de ses parents et
de ses voisins a une plus faible propension à récidiver. La
police quand elle est l’expression de la demande de
l’ensemble des citoyens aura toujours la confiance des
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citoyens. La quatrième caractéristique de cette politique
que nous souhaitons pour le pays est la prévention.
Mieux vaut prévenir que guérir dit depuis très longtemps
la sagesse des peuples. Aujourd’hui malgré les efforts
accomplis la prévention reste un mot et est loin d’être
une réalité. Les commissions départementales et
communales de prévention de la délinquance
fonctionnent irrégulièrement. Composées d’une
multitude d’acteurs, elles ont de la peine à intervenir.
L’îlotage de son côté qui demeure l’une des meilleures
techniques de prévention éprouve beaucoup de difficultés
pour prendre de l’ampleur et se généraliser. La présence
permanente de la police qui seule est capable de limiter le
développement des actes d’incivilité est faible. Les
effectifs affectés à ces tâches ne sont pas assez fournis
pour parer à ce développement de la petite délinquance.
Nous préconisons donc de développer cette police de
prévention et de proximité. Pour ce faire il faut
augmenter et repositionner les forces de police sur
l’ensemble de notre territoire. Avec une police
dynamisée, repositionnée et ayant la confiance de la
population nous sommes persuadés que nous pourrons
limiter voire supprimer l’insécurité afin que notre pays
redevienne un hâvre de paix et de convivialité. Ce retour
de la sécurité est particulièrement indispensable parce
qu’en définitive il s’agit de la composante centrale du
retour à la confiance qui va déterminer un meilleur
développement économique et social. C’est pourquoi je
mettrai tout en oeuvre pour que la police soit le bras armé
des citoyens contre cette insécurité ce qui suppose tisser
et développer des liens de confiance entre le peuple et sa
police.
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CHAPITRE VIII
LE PARTENARIAT AVEC L’EUROPE
Depuis le traité de Rome de 1957 nous sommes partie
intégrante de la communauté européenne. Nous le
sommes parce que nous sommes département français, la
France étant un partenaire actif de cette organisation
politico-économique originale quand on la compare à
d’autres visant les mêmes objectifs. Dans le cas contraire
nous ne l’aurions pas été car tout nous éloigne de
l’Europe et notamment la géographie et la géopolitique.
Nous sommes en effet dans une zone dominée depuis très
longtemps par les Etats Unis sur la base de principes
énoncés par MONROE depuis le 19ième siècle :
l’Amérique aux américains. C’est pourquoi d’ailleurs
nous sommes regardés avec ambivalence dans la région
à la fois rejetée et enviée parce que nous ne subissons pas
comme nos voisins immédiats la présence quotidienne
des Etats Unis. Compte tenu du pouvoir de la seule
grande puissance mondiale, c‘est incontestablement un
avantage qui devrait préfigurer notre action future :
rechercher au loin des alliés quand le voisin est hyper
puissant. L’Europe qui était au départ une simple zone de
libre échange tend aujourd’hui à devenir soit une
Confédération, soit une Fédération malgré les
nombreuses réticences des jacobins notamment français
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qui voient avec terreur l’Etat Français se dissoudre avec
la montée des pouvoirs de Bruxelles. Le choix d’une
monnaie unique depuis le premier janvier 1999 a
accéléré le processus d’unification politique. Désormais
les attributs de la politique monétaire noyau dur des
missions de souveraineté de l’Etat ont été transférés à une
Banque Centrale Européenne basée en Allemagne pour
bien montrer aux français que les orientations, la
démarche et les procédures de la politique monétaire
européenne seront plutôt allemands confirmant ainsi une
certaine main mise de l’Allemagne sur la construction
européenne. Ainsi les taux d’intérêt, le contenu de la
politique monétaire et le volume de la masse monétaire,
indispensable à maîtriser dans le cadre d’une politique de
développement dynamique dépendent dorénavant des
décisions de cette Banque Centrale très éloignée de notre
pays et de ses préoccupations. L’avantage économique
que confère ce type de zone notamment pour obtenir plus
facilement des capitaux bon marché risque d’être
fortement diminué par l’éloignement et surtout la
différence de cycle économique. La Guadeloupe est un
petit pays en voie de développement économique tandis
que la plupart des pays européens sont développés. On
n’utilise pas les mêmes instruments monétaires pour
réguler le développement et favoriser le décollage
économique. Même la France, malgré sa folie
"assimilationiste" a toujours maintenu un Institut
d’Emission propre aux régions éloignées afin de mettre
en place une politique monétaire adaptée. Il est dommage
cependant que cette politique ait été conduite
exclusivement par l’Etat français sans participation des
collectivités guadeloupéennes. Il est aussi dommage
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qu’au moment de l’introduction de l’euro il n’y ait pas eu
de débat dans notre pays et à partir de données qui nous
sont propres pour évaluer le bien fondé ou pas d’une
décision de cette nature. Les Guadeloupéens ont été mis
devant le fait accompli. Pour les français les affaires
monétaires sont de leur compétence et les guadeloupéens
n’ont pas à en connaître . L’absence de réactions
politiques en guadeloupe confirme ce point de vue des
décideurs français. En réalité, les contraintes imposées
par l’Union Européenne ne cessent de croître. Elles
augmentent avec l’intensification de l’unification
européenne. Une législation de plus en plus lourde,
pointilleuse et tatillonne nous est imposée rendant encore
plus rigide une administration dont la souplesse et la
fluidité ne sont pas des caractéristiques les plus
courantes. Ceci veut dire que nous serons de plus en plus
administrés par Bruxelles c’est-à-dire exclusivement par
des fonctionnaires sur qui les Autorités françaises comme
elles le font déjà se débarrasseront de territoires et de
problèmes minuscules, particuliers et compliqués au
regard de leurs priorités européennes. Nul doute que
rapidement apparaîtrons, mépris et incompréhension en
face de comportements locaux qu’on ne comprendra pas
et volonté d’encadrer et de régenter. C’est déjà le cas
aujourd’hui avec Bruxelles et Paris qui s’est toujours
refusé à confier directement aux institutions
guadeloupéennes la mission d’utiliser librement les fonds
européens. Ces derniers en effet ne sont mobilisés que
dans le cadre de procédures contrôlées étroitement par
l’Etat Français. Il est vrai et nous devons tous le savoir,
que ceux qui donnent de l’argent estiment toujours que
les bénéficiaires le gaspillent. La vie est ainsi faite. C’est
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pourquoi il nous faut mettre tout en oeuvre dans l’avenir
pour diminuer voire supprimer notre dépendance
financière. C’est la condition pour que nous puissions
agir comme nous l’entendons et avec le souci de la
défense de nos intérêts. Ces différentes données nous
amènent à nous méfier de l’Europe, même si des
évolutions notables souhaitées depuis longtemps se sont
faites au cours des dix dernières années. D’une part, nous
bénéficions aujourd’hui de tous les fonds européens et les
subventions que nous recevons nous sont allouées parce
que nous sommes éligibles à l’objectif 1 c’est-à-dire
régions en retard de développement qui doivent atteindre
le niveau de développement moyen de l’Europe.
Cependant les montants alloués sont nettement moins
importants que ce que l’ont dit. Le financement de
l’Europe par la France est opaque et connu que par une
poignée de hauts fonctionnaires qui se gardent bien
d’informer. En réalité, chaque Français et donc chaque
Guadeloupéen verse une contribution annuelle pour le
fonctionnement de l’Union car ce financement se fait sur
la base d’une ponction opérée sur les recettes globales du
budget auquel on ajoute quelques droits de douane. Par
ailleurs la France est un contributeur net c’est-à-dire
qu’elle donne plus à l’Europe qu’elle n’en reçoit. Grosso
modo, nous recevons autant que nous payons si l’on
raisonne strictement en termes financiers. Ce n’est pas le
cas de l’Espagne, du Portugal et de l’Irlande qui
reçoivent plus de l’Europe. Les sommes allouées par
l’Europe auraient pu être données directement à notre
pays sans intermédiaire par la France. Il n’en est rien.
Les Autorités françaises utilisent nos régions pour
récupérer une bonne partie de sa contribution. Son mode
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de reversement des subventions européennes qui
transitent par le Ministère de finances montre bien sa
volonté de contrôler tous les flux financiers en
provenance de l’Europe. Par ailleurs la politique de
l’Union Européenne pour promouvoir la convergence
économique n’est pas applicable dans notre pays alors
qu’il s’agit d’une des caractérisqtiques importantes de
cette union. Les autres zones économiques et monétaires
ne bénéficient pas des mêmes mécanismes. Dans la
Caraïbe par exemple qui se trouve de facto dans la zone
dollar c’est le Fond monétaire international qui intervient
mais au coup par coup et sans avoir l’objectif d’unifier
ou d’harmoniser en termes de développement
économique et social. La question fondamentale qui se
pose à nous aujourd’hui n’est pas comme trop souvent on
l’entend de savoir qu’elle sera le volume des aides
européennes. Elle est plutôt de savoir quelles sont les
chances de la convergence économique. En d’autres
termes les fonds européens vont-ils favoriser ou bloquer
la convergence économique et sociale souhaitée. Si l’on
se réfère au passé la réponse est négative. Les capitaux
européens ajoutés aux capitaux français et
guadeloupéens n’ont toujours pas favorisé le rattrapage
économique puisque notre pays est encore la dernière
région d’Europe en termes de développement
économique. Beaucoup pensent à tort selon nous que cela
est dû à la relative faiblesse des fonds européens. S’il y
en avait plus le développement serait plus rapide et plus
conséquent affirment-ils. Les adeptes de l’économie
administrative et notamment la classe politique qui dirige
au quotidien les collectivités territoriales raisonnent
souvent de cette manière. Pour notre part nous pensons
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que l’avenir ne sera pas différent quel que soit le volume
des fonds européens distribués. Notre pays sera encore de
toute évidence une région en retard de développement
économique même si les coûts de l’homme sont financés
et que les équipements publics se multiplient. En fait, il
y a un blocage de la convergence économique qui ne va
pas sans rappeler celui que nous subissons depuis de
longues années au sein de l’espace économique français.
En effet, les politiques européennes pour lutter contre
l’inégal développement mettent plutôt l’accent sur
l’allocation aux régions retardataires de subventions
d’équipement et d’exploitation pour faire vivre à tous
prix des secteurs irrémédiablement condamnés et non sur
des mesures réglementaires qui pourraient remettre en
question les grands principes economiques de l’Union.
Eriger par exemple des barrières douanières pour
protéger notre fragile et nouvelle production, aider les
entreprises à se développer avec des fonds publics,
commercer librement avec les pays dont les produits
sont meilleur marché sans les contraintes du tarif
extérieur commun érigé par l’Europe pour se protéger
contre les pays tiers, avoir une fiscalité allégée sur
l’épargne, limiter la libre circulation des personnes et des
capitaux sont des mesures indispensables et
probablement moins coûteuses pour amorcer un véritable
et durable développement économique . En effet, compte
tenu de notre forte propension à importer, les subventions
européennes comme celles de l’Etat français ont eu et
continueront à avoir un très faible impact. Elles ne visent
pas la croissance de notre production, mais le
financement d’équipements publics dont l’impact
économique est faible et conjoncturel. L’excès
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d’infrastructures est dangereux. Certes, il est plus facile
de creuser un port, de construire un hôpital que d’assurer
la marche d’une usine ou d’accroître la production
agricole .On ne risque pas un échec flagrant car on peut
toujours prétendre qu’un port sans grande activité a été
réalisé pour faciliter le développement futur, tandis
qu’une usine qui ne fonctionne pas apparaît
inévitablement comme un gaspillage. Les infrastructures
de plus frappent l’imagination du peuple et constituent un
excellent moyen de propagande. Elles entraînent aussi
des tensions inflationnistes : la distribution de revenus
aux entreprises et aux salariés augmente la
consommation sans qu’y réponde un accroissement des
biens offert sur le marché. Enfin, lorsque l’on construit
des routes, des ports et d’autres équipements il faut
penser à leur coût d’exploitation qui est souvent
considérable et ampute durement les ressources
financières. Il reste que la Guadeloupe n’a pas pris le
chemin de l’Irlande qui est devenue un territoire
développé avec les subventions européennes. Pour
qu’une intégration à une union économique soit
bénéfique, il faut des conditions particulières et
notamment l’existence d’un appareil productif ancien
déjà rodé à la concurrence, la proximité d’un marché
porteur et une culture d’entreprendre. Faire croire qu’un
petit pays insulaire, éloigné de l’Europe et sous-
développé pourra atteindre le carré magique à savoir :
croissance maximum, plein emploi, faible inflation et
équilibre externe avec les ingrédients du libéralisme est
inadmissible car tout simplement faux. C’est pourquoi
l’impact des capitaux européens sur l’économie est
nettement plus modeste que le volume de fonds alloués.
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Il nous faut être dorénavant conscient de cet état de fait si
nous ne souhaitons pas perdre du temps comme par le
passé. Les fonds européens doivent pour être efficace être
utilisés selon des mécanismes et des formes
fondamentalement différents de ceux auxquels nous
sommes habitués. Par ailleurs la reconnaissance depuis le
traité d’Amsterdam dont les dispositions ont été
simplement reprises par le traité constitutionnel de Rome
d’octobre 2004 de notre spécificité est trop étriquée pour
modifier les logiques économiques en cours. Depuis
plusieurs années nos revendications pour faire
reconnaître cette spécificité n’ont pas cessé. Cette
reconnaissance nous paraissait importante compte tenu
des risques que l’intégration européenne faisait peser sur
notre économie et notre société notamment par
l’apparition et le développement d’une concurrence que
nous avions du mal à encadrer ou à contrôler. Un cadre
réglementaire a donc été mis en place pour construire
enfin ce droit dérivé qui nous soit propre au sein de
l’Union Européenne. Dans de nombreux domaines en
effet, relations commerciales, concurrence, fiscalité,
aides aux entreprises et aux importations de matières
premières des dispositions particulières peuvent être
élaborées. Cette nouvelle dynamique est naturellement la
bienvenue dans la mesure où pour la première fois les
autorités européennes estiment que pour combattre le
sous-développement et l’inégal développement il faut à la
fois des capitaux (fonds structurels) et des mesures
économiques particulières qui remettent en question la
logique de l’Unification Européenne. En effet l’ouverture
complète de notre marché favorise dans notre pays le
développement des activités commerciales et étouffe les
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velléités de production guadeloupéenne. Compte tenu de
l’existence d’une demande interne relativement forte, une
protection de notre marché même minime s’impose. On a
rarement vu dans le passé, des pays se développer quand
leurs entreprises sont en but en permanence à de la
concurrence externe inégale. Pour donner une réelle
chance à nos chefs d’entreprises qui sont actuellement
découragés par le laisser faire actuel, il faut les aider à
faire face à la concurrence en les protégeant tout en étant
attentif aux dérives possibles. Il en va de même dans le
domaine de la fiscalité. La tendance à l’harmonisation
fiscale qui existe au sein de l’Union n’est pas positive
pour notre pays. Un pays en voie de développement doit
disposer d’une fiscalité allégée afin que les acteurs
économiques puissent oser et prendre les risques
qu’impose le développement de l’économie. Une des
aberrations de notre situation est l’existence d’une
fiscalité identique à celle qui existe dans des pays
développés. Là aussi il faut comme je l’ai déjà dit
engager une profonde réforme de la fiscalité dans notre
pays. Enfin en matière d’aides publiques aux entreprises
les règles européennes strictes relatives à la concurrence
qui interdisent d’apporter un soutien public et général
aux entreprises sont dangereuses. Au contraire compte
tenu du sous-développement et de la petitesse de nos
entreprises des aides publiques sont indispensables pour
leur permettre d’affronter avec succès les défis qui se
profilent à l’horizon. Cependant et malheureusement les
mesures qui doivent être prises dans ce cadre ne doivent
pas remettre en question l’ordre juridique de l’Union y
compris le marché intérieur et les politiques communes.
Qu’on le veuille ou non, le fondement économique de
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l’Europe est le libéralisme et il est hors de question de
l’amender. De plus, nos instances politiques ne
participent pas au processus décisionnel. C’est en effet le
Conseil sur proposition de la Commission qui adopte des
lois, lois cadres, règlements et décisions européens visant
en particulier à fixer les conditions d’application de la
constitution à nos régions y compris les politiques
communes et après consultation du parlement européen.
Ce texte restrictif ne prévoit même pas une obligation
d’adaptation ou de dérogation. L’exemple de la méthode
européenne a été récemment donné par l’octroi de mer
que les fonctionnaires de la Commission n’aiment pas et
s’acharnent à faire disparaître. Sous leur pression, les
Autorités françaises ont encore une fois modifié le
régime juridique de cet impôt en supprimant ce qui était
fondamental, sa fonction d’aide au développement et de
protection du marché interne et en gardant sa fonction de
financement des collectivités publiques faisant de ces
dernières l’élément de maintien d’une forte propension à
importer ce qui étouffe notre production. Ainsi, pour
faire valoir notre point de vue nous allons être obligés de
dénoncer et de tempêter en passant par la France dont
les dirigeants renforceront l’argument selon lequel sans
eux pas de perspectives pour la Guadeloupe. C’est ce qui
explique qu’au moment de la révision de la constitution
pour prendre en compte les modifications du traité
constitutionnel le gouvernement n’a pas souhaité
modifier l’administration de notre relation à l’Europe.
La marge de manœuvre est donc étroite. L’Europe avec
l’accord de la France nous a imposé en réalité une
terrible tutelle politique et administrative contraire aux
idéaux qu’elle préconise dans le traité constitutionnel et
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au droit international. Le peuple guadeloupéen, encore
une fois, n’a pas été interrogé sur la question de savoir
quelle place il souhaite avoir au sein de l’Union
européenne. Je refuse et dénonce les appartenances qui
s’imposent par la force du temps et des choses comme la
départementalisation. Un peuple selon le droit
international ne disparaît jamais à moins qu’il ait
formellement demandé sa dissolution en tant que peuple.
Par ailleurs toujours selon le droit européen et plus
généralement le droit international un territoire dépendant
doit choisir dans le cadre d’une consultation honnête son
mode de gouvernement. A cet égard, le référendum
organisé par la France pour ratifier le traité
constitutionnel n’a pas été honnête en ce qui nous
concerne car il a mêlé deux séries de considérations
différentes dont l’une intéresse les Français donc le plus
grand nombre et l’autre les guadeloupéens. Or, nos
compatriotes ont voté sur la base de considérations
étrangères à leur enjeu car relevant de la première
option en raison de la centralisation de ce scrutin. De plus
les décideurs français et leurs alliés guadeloupéens se
contentent simplement de nous dire que l’Europe est
bénéfique compte tenu des subventions qu’elle verse.
Une vision aussi matérialiste d’une union débouchera tôt
ou tard sur des désillusions. Les procédures pour
appliquer la constitution ne poussent pas à l’optimisme.
Elles ne remettent pas en question les logiques
précédentes. La commission propose simplement de les
améliorer sans toucher à leur dynamique d’assistance.
Elle ne crée pas d’instruments non libéraux pour le
développement économique et ne prévoit pas
l’intervention de nos représentants dans la prise de
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décision. Par exemple sous la pression de l’organisation
mondiale du commerce l’Europe continue sa politique de
démantèlement du sucre et de la banane productions
sinistrées depuis bien longtemps et qui vivent sous
perfusion un long coma .Par ailleurs depuis la
convention de Cotonou qui lie l’Europe à une bonne
partie du monde en développement les Autorités
européennes poussent les pays de la Caraïbe à organiser
la coopération dans le cadre d’un accord de partenariat
économique critiqué avec raison par la plupart des pays
du sud .Ils ont aussi décidé de nous y intégrer. A terme ,
nous serons dans le même espace économique que des
pays qui ont la souveraineté et une main d’œuvre bien
meilleur marché que la nôtre avec l’assentiment de
quelques affairistes qui encore une fois font passer
l’intérêt de leurs pays après le leur. Ces pays en effet ont
eu le temps en se protégeant de consolider leurs activités
tandis que les nôtres sont durablement fragilisées. C’est
là un des exemples flagrants de la volonté de la France de
favoriser la zizanie avec nos voisins .De toute évidence
nous ne sommes pas prêts pour cette aventure où nous
avons beaucoup à perdre. L’assistance de la France et de
l’Europe considérée comme du développement nous a
éloigné de notre région naturelle et rend difficile toute
construction commune pourtant de plus en plus
nécessaire. Malgré quelques avancées notre appartenance
à l’europe sous cette forme et selon ces modalités est une
aberration. Je ne peux accepter que notre peuple et ses
représentants ne participent pas institutionnellement à la
prise de décision européenne. Ce sont en effet les chefs
d’Etats d’Europe, la Commission Européenne et le
Parlement Européen où nous sommes insuffisamment
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représentés qui auront le dernier mot. Coopérer avec
l’Union Européenne recèle à l’évidence de nombreux
avantages qu’il nous faut rapidement faire fructifier .Se
taire sur les inconvénients actuels comme le préconisent
certains en évoquant les subventions européennes n’est
pas digne d’un peuple aussi fier que le notre qui sait de
par son histoire le prix inestimable de la dignité. Cette
argumentation est d’autant plus inacceptable que les
structures et le fonctionnement de l’Europe présentent
une grande souplesse. Par exemple l’Angleterre et la
Suède y sont membres et pourtant n’ont pas choisi l’euro.
Les traités européens prévoient des formules
d’association dont le contenu est variable avec les pays et
territoires.Les subventions et l’encadrement européen
sont fonction de la négociation. Ceux qui font croire que
le versement des fonds structurels est conditionné au
statut de région ultrapériphérique trompent l’opinion car
ils savent bien que cette proposition est fausse. Je
propose donc pour changer la donne un nouveau
Partenariat entre l’Europe et la Guadeloupe dont les
composantes sont :
• Dans le domaine politique, passer du statut de région
ultrapériphérique à celui de pays souverain ayant un
accord d’association avec l’europe. Rien ne s’oppose à ce
que le contenu de cette association soit propre à la
Guadeloupe.
• L’association mettra un terme à l’intégration
économique au sein de l’Union afin de donner une
chance à notre pays de se développer et de participer
effectivement à la réduction du fossé qui nous sépare des
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régions développées d’Europe. Ainsi nous serons libres
d’ériger des barrières douanières pour faciliter le
développement de notre appareil productif, d’allouer des
aides publiques aux entreprises et de construire une
fiscalité allégée. Si l’ouverture des frontières est un
incontestable accélérateur de croissance, par contre pour
permettre le décollage, il est indispensable d’avoir une
réelle protection avant toute éventuelle ouverture.
• Elle prévoiera l’allocation par l’europe de subventions,
dans le cadre de conventions pluri annuelles dont les
résultats seront régulièrement évalués, aux entreprises
qui créent de la richesse et de l’emploi et non aux
Administrations qui ont plutôt tendance à gaspiller
l’argent public en multipliant les infrastructures inutiles
et coûteuses. En raison de notre situation de sous
développement la contribution financière que nous
sommes obligés de verser doit être supprimée.La
construction d’une coopération solide avec l’europe en
lieu et place de l’intégration est donc une nécessité. Nous
avons en effet besoin de l’Europe pour sa puissance, ses
capitaux, son impact en terme de modernité. Mais il nous
faut rapidement optimiser l’aide apportée par l’Europe
afin de nous garantir contre toutes les évolutions
possibles. Le temps nous est compté. L’Europe ne doit
pas être pour nous un simple portefeuille. Les unions
fondées exclusivement sur des considérations matérielles
sombrent toujours. Au contraire nous souhaitons que
l’europe soit un allié fidèle et attentionné dans les
combats que nous avons à livrer.
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CHAPITRE IX
LA CONSTRUCTION DE LA CARAIBE ET DE L’AMERIQUE
Depuis quelques temps la coopération Caraïbe est
devenue un sujet à la mode. Même les gouvernements
français, assez curieusement quand on connaît leur
jacobinisme et leur volonté d’assimilation nous
encouragent à développer la coopération dans la Caraïbe
sans d’ailleurs nous donner les moyens réglementaires et
législatifs pour élaborer une grande politique Caraïbe.
Chassez le naturel il revient au galop. En fait à part une
capacité toute théorique de donner un avis sur les accords
régionaux nos collectivités publiques c’est-à-dire en
définitive notre peuple, n’ont pas de pouvoir dans le
domaine des relations internationales qui
traditionnellement fait partie des attributions régaliennes
que l’Etat français s’est approprié. Si nous devons
développer la coopération avec nos voisins faut-il encore
que nous ayons des attributions dans le domaine des
relations internationales. C’est ce que nous réclamons
depuis longtemps. L’intégration dans la Caraïbe, notre
région naturelle est un impératif. La géographie étant ce
qu’elle est, aucune disposition politique ou juridique
n’arrivera à l’effacer. Notre participation au concert
caraibe est bloquée du fait de notre intégration à la
France tandis que nos voisins ont acquis depuis
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longtemps leur indépendance. Avoir une politique
caraibe est pour nous un impératif.L’action que nous
souhaitons mener s’articulera autour de deux axes
complémentaires. Le premier axe de notre politique
caraibe visera la Martinique, Saint Martin, Saint
Barthélémy et la Guyane qui sont gouvernés et
administrés par la France. Malgré notre proximité
géographique et les règles nombreuses pour favoriser la
coopération entre les collectivités territoriales dans le
droit français (ententes communales, départementales et
régionales) les tentatives de création d’un espace
commun même dans le domaine économique ont toujours
échoué. Certes il y a toujours eu une concertation
informelle plus ou moins intense. Mais aucune volonté de
s’unir plus complètement afin d’affronter ensemble les
défis du monde d’aujourd’hui et plus singulièrement ceux
du monde de demain. A ceci une cause fondamentale la
méfiance quasi génétique de nos compatriotes vis à vis
des martiniquais et des guyanais et vice et versa et la
propension française à diviser pour régner. Cela n’a pas
heureusement empêché la multiplication des liens
familiaux et économiques qui préparent à des lendemains
meilleurs. En tous cas notre discours en faveur de la
caraibe serait pris encore plus au sérieux si nous-mêmes
nous étions déjà capables de présenter à nos voisins des
actions communes qui aillent dans la direction de l’unité
ou plus simplement de la coordination dans l’espace qui
est le nôtre. Car il s’agit pour nous d’une évidence :
Martinique, Guyane, Saint martin, Saint Barthélémy et
Guadeloupe doivent nécessairement se constituer en pôle
dans l’espace Caraïbe. Nous sommes en effet trop petits
pour que nous puissions séparément exercer un rôle dans
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cette région. De plus la faiblesse de nos ressources
économiques nous oblige pratiquement à rechercher
toutes les formes de rapprochements possibles afin
d’optimiser notre développement économique et social.
Enfin la croissance de notre population est inquiétante.
Nous avons déjà une densité de population élevée et si
elle continue à augmenter nous nous préparons un avenir
difficile. Nos cinq pays par contre présentent de
nombreuses complémentarités. La Guyane est vide et
continentale. Elle abrite aujourd’hui un pôle technique
d’avenir qui tôt ou tard et notamment si la volonté existe,
aura un impact décisif sur l’exploitation des ressources
nombreuses de ce pays. Martinique, Saint martin, Saint
barthélémy et Guadeloupe de leur côté sont insulaires et
surpeuplées. Les îles disposent d’un pôle touristique
d’envergure et peuvent compte tenu de la relative bonne
qualité de leurs ressources humaines occuper avec succès
de nouveaux créneaux. Tout milite donc pour la
constitution d’un grand ensemble Antilles/Guyane où les
activités économiques ne seront plus entravées par
aucune barrière et où l’on pourra échanger plus
facilement. Cette grande région pour vivre doit se donner
des institutions communes d’administration, de gestion et
de développement économique. Il faut de ce point de vue
mettre en place un véritable schéma d’aménagement
régional afin de positionner avec rationalité les hommes
et les activités. Il nous faut aussi lui donner des
institutions "politico-administratives" afin qu’elle puisse
se donner des objectifs politiques communs. La mise en
place d’un tel dispositif ne manquera pas de toucher
quelques susceptibilités. Mais en dépit des blocages, des
contraintes et des appréhensions il s’agit d’un passage
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obligé pour nos pays. C’est en effet en se constituant en
pôle que nous pourrons avec plus d’efficacité défendre
nos intérêts légitimes en face de la République française
et de l’Union Européenne. Il ne faut pas de ce point de
vue se faire trop d’illusions. Si nous restons isolés notre
petitesse ne nous permettra pas de négocier sérieusement.
Nous avons eu à le déplorer dans le passé. C’est notre
capacité à être un groupe de pression efficace qui nous
permettra de mieux naviguer à l’intérieur de ces
ensembles et d’en tirer tous les avantages qu’ils recèlent.
C’est le pôle Antilles/Guyane qui conditionnera notre
succès. Le deuxième axe de notre action sera bien
entendu prendre notre part dans la construction d’un
ensemble Caraïbe prélude à la construction d’une
Amérique unie du nord au sud. C’est incontestablement
la composante la plus fondamentale de l’action que nous
devons mener. Le chantier a déjà commencé. L’idée
d’une union de la Caraïbe est une idée ancienne et de bon
sens imposée par la configuration de notre région.En
effet, réunir de petites entités fragiles en un seul
ensemble est une bonne idée, un excellent objectif qui
peut créer les conditions d’une consolidation durable
riche d’espérances. En effet, près de 50 millions
d’habitants y vivent ce qui constitue une taille critique
pour être véritablement indépendant et espérer jouer un
rôle à la fois régional et mondial. C’est précisément ce
qu’avaient compris des politiciens et des intellectuels de
notre région.Des anglophones comme J. MITCHELL, Sir
A. LEWIS, Williams DEMAS, S. LESTRADE, Norman
et Michaël MANLEY et surtout Eric WILLIAMS furent
des propagandistes passionnés de cette unité. Ce dernier
disait souvent que « la Caraïbe de même que le monde
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entier a le choix entre se fédérer ou mourir ». Rémy
NAINSOUTA un guadeloupéen en 1948 à la veille de la
conférence des Indes Occidentales disait « un grand
espoir est né désormais. Incapable de vivre isolément
d’une économie propre ou de recevoir l’indispensable
aliment matériel, intellectuel, social, par le cordon
ombilical long et précaire qui les relie à leurs lointaines
métropoles, les îles vont entrer dans la voie de la
coopération et des échanges…Quels sordides intérêts
mercantiles oseraient contrarier la réalisation d’un tel
progrès ? Quels politiques à courte vue préféreront nous
priver de semblables chances de libération économique,
les seules conformes à la nature des choses ». Ainsi dès
1962 au moment de l’ouverture du cycle des
indépendances dans la Caraïbe fut constituée une
fédération anglophone à l’écart de laquelle cependant
assez curieusement se tinrent la Jamaïque et Trinidad les
pays les plus riches et les plus peuplés de la Caraïbe
Anglophone.Il ne fut pas étonnant dans ces conditions
que cette fédération ne dura pas longtemps. Quelques
années plus tard les dirigeants des états précités, de la
Guyane et de la Barbade se rencontrèrent en vue
d’étudier les possibilités d’une plus vaste unité antillaise,
poussés par les milieux économiques et financiers. En
1965 était créée une association de libre échange
(Caribbean Free Trade Association, CARIFTA). Les
signataires de l’accord exprimaient l’espoir que le plus
grand nombre de pays possible les rejoindraient. Pendant
ce temps, les îles des caraïbes orientales qui étaient
restées à l’écart de la zone de libre échange mettaient sur
pied le marché commun des Caraïbes orientales qui
devait prendre effet le 1er Janvier 1968 (Eastern
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Caribbean Common Market). En 1967, lors d’un sommet
des chefs de gouvernement, le Premier Ministre de la
Guyana, Forbes BURNHAM, réussit à faire accepter à
tous les pays anglophones de la Caraïbe, comme base de
commerce intra-régional, un schéma modifié de la
CARIFTA. Un premier pas vers une intégration plus
effective fut la suppression, le 1er Mai 1968, de toutes les
taxes à l’importation et les restrictions quantitatives sur
tous les produits à l’intérieur de la zone.L’accord fut
ratifié le 30 Avril 1968. Enfin, à Charaguamas, à
Trinidad, en Octobre 1972, les chefs de gouvernement
des Etats de la Caraïbe anglophone décidèrent, à
l’unanimité, l’établissement d’une communauté des
Caraïbes dont l’objectif et la vocation étaient de prendre
le relais de l’accord CARIFTA qui, à l’utilisation s’était
avéré nettement insuffisant pour faire face aux défis des
pays de la région (CARICOM).Le CARICOM décidait
un certain nombre de dispositions. Tout d’abord, une
libéralisation immédiate des importations des produits
originaires de la région à quelques exceptions près.
Ensuite, la très grande majorité des droits d’exportations
ont été effectivement supprimés ainsi que toutes les
restrictions quantitatives qui entravaient un
développement rapide et harmonieux du commerce inter
caraïbe. Dans le domaine industriel, des objectifs
ambitieux furent fixés.Une liste impressionnante, par
exemple, de recommandations a été établie : l’utilisation
systématique des matières premières de la zone pour le
développement industriel, promotion et développement
d’industries liées dans les pays membres afin de faire les
fameuses économies d’échelle qui conditionnent la
compétitivité des entreprises ; politique systématique
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d’exportation de produits industriels fabriqués localement
tant à l’intérieur qu’à l’extérieur de la zone.Dans le
domaine monétaire, enfin, les états membres ont conclu
en 1977 l’accord multilatéral de compensation de la
communauté des Caraïbes qui vise à faciliter les
paiements entre les participants sur une base
multilatérale, à promouvoir l’utilisation des monnaies
nationales, à économiser des devises et à encourager la
coopération monétaire en vue de développer le commerce
et l’activité économique de la zone.Les objectifs ont été
dès le départ, ambitieux. L’exemple, en tous cas, porta
ses fruits et favorisa une réelle attirance pour les autres
Etats ou Collectivités de la région.Haïti devint membre et
Saint Domingue membre associé du CARICOM. La
Guadeloupe, la Martinique et la Guyane Française, par le
biais de la convention de Lomé à laquelle participe la
plupart des pays de la Caraïbe ont ébauché une
coopération régionale sous l’égide de l’union européenne
dont les résultats ont été cependant assez minces.La
construction d’un ensemble politique caraibe est donc en
marche .Placée dans une zone considérée depuis
longtemps par les américains comme une chasse gardée,
la Caraïbe souhaite plus de liberté pour faire valoir son
point de vue et défendre plus activement ses intérêts.
Beaucoup reste à faire pour que notre région devienne un
ensemble cohérent et puissant. Trop de pays comme
CUBA ET les Antilles dite françaises ne sont pas encore
membre du CARICOM .Leur absence est un
handicap.Des puissances externes continuent à occuper
nos territoires .C’est le cas de la France, de la Hollande,
de l’Angleterre et des Etats-Unis. L’union européenne
uitilise sa coopération pour justifier sa présence.
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Malheureusement les pays de la Caraibe acceptent trop
souvent cet état de fait. Enfin les Etats-Unis sont très
présents et se mêlent de tout. La domination américaine
est lourde de menaces notamment quand les difficultés
économiques, sociales et les risques augmentent (trafic
dedrogue principalement).La coopération américaine
basée sur le libéralisme laisse donc au marché le soin
d’organiser la réduction des inégalités de développement
dans notre région. Elle est donc brutale notamment pour
les plus faibles. Nous devons donc nous mobiliser pour
que nous soyons maitres chez nous. Notre Caraibe doit
rechercher des appuis dans sa zône et à l’extérieur pour
contrer toutes les formes de domination qui l’assaillent
aujourd’hui. Compte tenu du fait qu’il n’y a qu’une seule
superpuissance, il faut choisir des contrepoids à
l’influence américaine. Les possibilités se multiplient
actuellement dans notre zône avec le Brésil et le
Vénézuela et à l’extérieur avec les nouvelles puissances
comme la Chine, l’Inde qui a beaucoup des ses anciens
nationaux installés depuis longtemps dans notre région,
la Russie et l’Europe éventuellement si elle se débarrasse
de son mépris légendaire et de sa volonté impérialiste.La
construction d’un ensemble politique caribéeen enfin,
doit être le prélude à l’unité de toute l’amérique du nord
au sud. Avec l’amérique du nord qui est occidentale
aujourd’hui que parce qu’elle est encore dirigée par une
élite européenne. Les évolutions démographiques aux
Etats-Unis et au Canada qui jouent contre les descendants
européens vont rapidement créer les conditions d’une
réorientation de ces pays qui vont retrouver leur vocation
continentale. Le monde qui est entrain de se construire
sera organisé autour de grandes régions qui auront pour
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mission principale de fédérer les pays de leur zône, de les
encadrer de les aider et de les protéger .Plus que jamais
l’Amérique doit rester aux américains.Bien entendu, pour
participer à l’organisation de notre région notre pays doit
être souverain. Le type de destin caribéen que la France
et l’Europe nous préparent est ridicule au regard de ce
formidable objectif. Plus vite nous le serons et mieux
nous ferons entendre notre voix dans le concert caraibe.
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CHAPITRE X
AGIR ENSEMBLE
On dit souvent de nous que nous n’avons pas de projet
pour répondre à la crise qui déstabilise notre pays. Cette
phrase souvent prononcée est même devenue le refrain de
certains gouvernements qui se plaisent dans
l’immobilisme. Ce constat est particulièrement faux. Il
fait parti de ces présupposés nombreux souvent
méprisants qu’on nous accole depuis trop longtemps. Au
contraire de ce que l’on dit, notre pays croule sous les
projets en provenance des formations politiques, des
acteurs du monde professionnel et de toute la société
civile. Il s’agit d’un indicateur de dynamisme qui montre
bien que nous avons les moyens de faire face à nos
difficultés à condition cependant que l’on n’entrave pas
notre démarche. Il est vrai aussi que nous éprouvons
beaucoup de difficultés à passer de la théorie à la pratique
en raison de notre tempérament national. Nous ne
sommes pas souvent pragmatiques. Quand nous
débattons nous faisons en priorité référence à ce qui nous
distingue et nous ne recherchons pas toujours ce qui nous
unit. C’est pourquoi un observateur peu attentif à notre
culture tire des conclusions négatives qui sont très
éloignées de notre réalité profonde. Au moment où enfin
notre société se met à nouveau en mouvement après des
années d’immobilisme, il me paraît indispensable de
surmonter quelques uns de nos défauts afin de s’engager
dans de bonnes conditions dans le 21ième siècle, siècle,
nous le savons qui présentera par rapport à celui que nous
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avons quitté de nombreuses différences. Le 21 ième
siècle en effet sera outre un siècle de spiritualité, un
siècle de mutation et de changements réguliers. Malheur
à celles et ceux qui raterons ses nombreux virages. Ils
seront marginalisés et abandonnés à l’éventuelle
bienveillance de l’assistance mondiale ou nationale qui
ne leur fera pas de cadeaux : ceux qui assistent critiquent
toujours les assistés. Sous l’effet d’un environnement en
mutation, des initiatives sont enfin prises pour sortir notre
pays de l’impasse dans laquelle il croupit. Le
gouvernement de la France organise des états généraux
et multiplie les plans et les schémas. Les formations
politiques ne restent pas silencieuses. La droite de notre
pays traditionnellement "départementaliste" depuis la
déclaration de Basse-Terre n’est plus hostile à
l’autonomie. Des formations politiques réaffirment leurs
orientations anciennes en faveur de l’autonomie au sein
de la République ou de l’Etat associé ou de la
souveraineté totale. Les forces syndicales qui se sont
enfin unies ont réussi à faire bouger notre pays en
dénoncant ses injustices et en mobilisant la quasi-totalité
de notre peuple pendant plus d’un mois. Mais
malheureusement chacun reste dans son coin certain
d’avoir la vérité et le soutien des citoyens. En réalité la
division continue de régner malgré la similitude entre les
approches et les propositions. Division entre le peuple et
la représentation politique ; division entre les
conservateurs qui sont de gauche et de droite et les
réformistes qui veulent d’une Guadeloupe nouvelle.
Division entre les travailleurs et les patrons qui n’ont pas
la même vision de l’entreprise. La Guadeloupe se regarde
atterrée et ne sait plus où aller. Le moment me parait
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venu de dépasser ces inutiles blocages qui nous font du
tort et nous font perdre un temps précieux. Ma conviction
est que nous réussirons notre révolution tranquille et
pacifique en combattant avec toute la détermination
possible le cancer de la division. Notre histoire est
jonchée des dégâts provoqués par la division. C’est la
division de l’Afrique qui a engendré l’esclavage. C’est
notre division pendant la période de l’esclavage qui a
permis qu’elle ait duré aussi longtemps. C’est encore
notre division qui ne nous a pas toujours permis de faire
face au rouleau compresseur de la colonisation et de
l’assimilation. C’est toujours et encore notre division qui
sape notre confiance et notre détermination. Il nous faut
mettre un terme à ces jeux stériles qui défigurent notre
pays et son peuple et nous cantonnent dans l’indécision.
Les révolutions et les changements ont besoin de l’unité
pour réussir, durer et s’épanouir. Les situations qui
suivent les révolutions sont conformes aux moyens et aux
procédures utilisées pour les réaliser. Si nous allons vers
une nouvelle étape politique divisée autant dire que la
division continuera après et l’échec sera probablement au
bout du chemin.Par ailleurs, pour convaincre notre
peuple de s’unir autour d’une vision commune, il faut
surtout redonner au politique sa vocation originelle. La
politique en effet est avant toute chose un créateur de
sens, un défricheur de terrain et le lieu de rassemblement
du peuple. C’est pourquoi dans toutes les sociétés elle a
le monopole de la parole et du discours. Je souhaite donc
que la politique reprenne la parole pour l’acte fondateur
de notre pays dans le 21ième siècle. La politique, c’est
aussi l’art de convaincre un peuple à partir d’un débat
ouvert et libre qui ne laisse rien de côté.Partisan de la
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souveraineté de notre pays et de la construction d’une
nouvelle société débarrassée de ses injustices et de ses
inégalités il me parait fondamental de poser la question
politique du changement pour bien situer les enjeux .Les
dysfonctionnements sociaux, les inégalités sociales ont
toujours une origine politique et se règlent politiquement.
Faire croire le contraire ou se cantonner dans un
quelconque apolitisme ne fera pas avancer le
changement. Réduire l’action politique à des évolutions
institutionnelles est une grave erreur. Le changement que
nous voulons est un processus global qui doit à la fois
concerner les sphères politiques, sociales, économiques
et culturelles. Nous dénoncons et rejettons le projet de la
bourgeoisie guadeloupéenne qui veut simplement avec
son évolution institutionnelle remplacer les français qui
actuellement dirigent sans toucher aux autres
composantes de notre pays. Notre changement sera
global ou ne sera pas.Les nationalistes et les
souverainetistes doivent jouer un rôle moteur dans ce
processus. Notre pays a besoin d’un grand parti national
structuré rassemblant tous les nationalistes. Ceux-ci
doivent rapidement engager le débat avec notre peuple
dans la transparence et le souci de la démocratie. Il
faudra débattre en direct avec les citoyens afin de leur
montrer que pour des raisons à la fois économiques,
sociaux, financiers et des exigences culturelles , la
souveraineté vaut mieux que toute intégration. Il faudra
surtout engager le combat contre la France qui malgré
des sous entendus n’entend pas quitter un pays qui lui est
d’une grande utilié .Les symboles, les principes et les
politiques de ce pays doivent être systématiquement et
régulièrement dénoncés par les souverainetistes.Nous ne
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devons profiter pour montrer notre attachement à une
démocratie adaptée à notre pays. La démocratie dont a
besoin notre pays doit être une démocratie qui valorise le
groupe, le collectif et non l’individu. Ma préférence en
terme d’organisation politique c’est la Suisse qui craint
et empêche la dictature et non la France ou les Etats-Unis
ou d’autres qui personnalisent trop le débat politique.
Les petits pays insulaires sont souvent des créateurs de
dictature. A nous d’inventer des procédures qui
empêchent son triomphe. La démocratie que je souhaite
pour notre pays doit permettre certes la confrontation
entre les individus et les idées. Mais elle doit être aussi
l’instrument de la réconciliation quand cela s’avère
nécessaire. Pour triompher enfin les nationalistes devront
rassembler autour d’un projet et de principes communs.
En effet, beaucoup de guadeloupéens et de formations
politiques et syndicales sont encore hostiles au
changement que nous proposons. Les autorités françaises
et leurs alliés guadeloupéens utilisent cette situation pour
continuer à régner en renforcant la division de notre pays.
Les formations politiques de notre pays ne partagent pas
la même idéologie. Le débat ancien entre les
progressistes et les libéraux reste heureusement très
présent. Chaque camp est de toute façon porteur de
visions différentes. Le progressisme qui est ma famille
naturelle est une démarche humaniste fondée sur la
prééminence de l’homme, la solidarité, la lutte contre
toutes les formes d’inégalités, le refus de la démagogie et
la promotion d’une réelle citoyenneté. Le progressisme
est du coté des travailleurs au sein des entreprises et
attaché à la mémoire de nos ancêtres injustement
exploités et privés de liberté. Il prône surtout
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l’émancipation collective de notre peuple c’est-à-dire son
droit à s’administrer lui-même.Les conservateurs de leur
coté sont individualistes, démagogues attachés à
l’inégalité sociale et généralement hostiles à toute
émancipation nationale. Pour eux la vocation de la
Guadeloupe est de s’intégrer à la France ce qui implique
à terme notre disparition en tant que peuple. Pourtant, ces
deux visions ne sont pas structurellement et
définitivement antagonistes. Aujourd’hui elles peuvent et
doivent se rapprocher autour de la nécessité de construire
une guadeloupe nouvelle qui puisse vivre décemment
dans le nouveau siècle. Nous devons convaincre les
conservateurs d’adhérer à cet objectif dont le pays a
besoin pour se régénérer.Ils doivent comprendre que
rester nous-mêmes c'est-à-dire guadeloupéens est un
impératif. Certaines évolutions récentes montrent une
modification du point de vue des conservateurs qu’il
nous faut utiliser pour engager le changement nécessaire.
Quand le pays est en danger, quand il se prépare à
négocier des tournants difficiles, quand l’environnement
est menaçant, alors toute la communauté doit se réunir
pour avancer dans l’ordre et avec le souci de triompher.
En tous cas, chaque nationaliste, là où il se trouve doit
tenter de convaincre par tous les moyens possibles les
citoyens de la nécessité du changement. Il nous faut
prendre le maquis des consciences et nous armer de
pédagogie pour montrer aux autres les vertus du
changement. Notre pays aura besoin de tous, de toutes les
compétences et de toutes les énergies pour construire
l’édifice du 21ième siècle. Agir ensemble vous disais-je
en introduction de ce propos, c’est en effet quand tous
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nous nous rassemblons, que nous sommes à même de
régler les problèmes et de triompher. .
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CONCLUSION
Voilà mes chers compatriotes les quelques réflexions que
je souhaitais vous adresser. Je les considère comme une
participation à la grande réflexion que nous devons
mener au cours des mois et des années à venir afin que
nous construisions un nouveau destin à la mesure de nos
attentes les plus profondes façonnées en partie par ce que
nous ont légué nos ancêtres humiliés et emprisonnés. Le
monde que nous allons construire, le monde que nous
sommes déjà entrain de construire doit porter la marque
de cet héritage. Ce sera pour nous l’une des manières les
plus humaines d’intégrer le passé dans notre avenir. Le
rappeler d’ailleurs n’est pas une quelconque volonté de se
complaire dans le passé. C’est au contraire un aiguillon
pour demain. Nous devons agir pour que ce passé ne
revienne pas. En tous cas dans une société comme la
nôtre qui doute, hantée par la peur de l’avenir, tétanisée
par l’ampleur des défis et de l’inconnu, je considère cette
participation à la réflexion comme un élément de
renaissance de l’optimisme. Au delà des problèmes qui se
posent aujourd’hui, au delà de nos peurs naturelles, il y a
pour affronter tous les défis une méthodologie immuable
que nous devons apprendre à élaborer aujourd’hui afin
qu’elle constitue une partie de l’héritage que nous allons
transmettre aux générations à venir, fondée sur
l’optimisme pour la vie, pour l’avenir et sur notre
capacité à faire seuls sans nécessairement l’aide des
autres. Armé de cet optimisme, et appuyé sur une
cohésion sociale et culturelle solide, j’ai le sentiment que
notre peuple pourra quel que soit le moment, affronter les
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inévitables défis qui se présenteront sur sa route. Au
début d’un siècle nouveau que je souhaite différent de
celui que nous quittons, c’est ce message d’espoir que je
voudrais délivrer. Le plus difficile est dorénavant derrière
nous. A ceux qui ont su résister au rouleau compresseur
de l’esclavage, aux atteintes à la fois brutales et
insidieuses de l’Assimilation Française, à ceux qui ont
traversé le 20 ième siècle dans le doute et la difficulté
ballottés par des décisions qui n’ont pas eu toute la
cohérence nécessaire, je voudrais dire en terminant que le
moment de la récolte, donc de la prospérité et du bonheur
est dorénavant devant nous et à notre portée. Alors
empruntant avec passion et détermination la voie
guadeloupéenne que nous pouvons créer avec la force de
notre génie.
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TABLE DES MATIERES
INTRODUCTION
CHAPITRE 1 LA MUTATION DU MONDE
CHAPITRE 2 LE PREALABLE DE LA CULTURE
CHAPITRE 3 LA REFORME POLITIQUE
CHAPITRE 4 UNE NOUVELLE ECONOMIE
CHAPITRE 5 UNE SOCIETE EQUITABLE
CHAPITRE 6 LA NECESSAIRE MAITRISE
DE L’ESPACE
CHAPITRE 7 UN PACTE POUR LA SECURITE
CHAPITRE 8 LE PARTENARIAT AVEC L’EUROPE
CHAPITRE 9 LA CONSTRUCTION DE LA
CARAIBE ET DE L’AMERIQUE
CHAPITRE 10 AGIR ENSEMBLE
CONCLUSION _____________
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