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Services de proximité et petites collectivités Par Mario Carrier

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Services de proximité et petites collectivités

Par

Mario Carrier

Par

Mario Carrier

CHAIRE DESJARDINS EN DEVELOPPEMENT

DES PETITES COLLECTIVIT%S

Juin 1999

Éditeur : Université du Québec en Abitibi-Témiscamingue Chaire Desjardins en développement des petites collectivités 445, boulevard de l'université Case postale 700 Rouyn-Noranda, Québec J9X SE4

Dépôt légal Bibliothèque nationale du Québec

ISBN 2-920849-50-6

Toute reproduction, totale ou partielle, par quelque moyen que ce soit, est interdite à moins d'une autorisation expresse des auteurs.

. Dans ce texte, le genre masculin est utilisé à titre épicène.

L'auteur, présentement directeur de la Chaire Desjardins en développement des petites

collectivités à l'université du Québec en Abitibi-Témiscamingue, s'intéresse depuis

quelques années au rapport entre les services de proximité et le développement des

milieux ruraux au Québec, dans le cadre de travaux menés à la Chaire Desjardins en

développement des petites collectivités.

La réflexion qu'il propose s'inspire de ces travaux, mais également des expériences

françaises dans le domaine, auxquelles il s'est intéressé lors de deux missions dans ce

pays en 1997 et en 1998. Récemment, Solidarité rurale du Québec lui demandait de

produire une analyse pour faire le point sur ce sujet. Le texte qui suit reprend l'essentiel

de la réflexion soumise à Solidarité rurale et a été publié par cet organisme dans leur

revue RÉFLEXION, à l'automne 1998. Ce texte a également été publié dans la revue

Possibles, à l'hiver 1999.

Table des matières

Introduction ......................................................................................................................... 1

.................................................................... Services de proximité et développement local 3

. . . ............................................................................ L'organisation des services de proxlmite 9

......................... Qualité des services. participation des populations locales et partenariat 13

Conclusion ......................................................................................................................... 15

................................................................................................................... Bibliographie 17

............................................. Annexe A Les Points publics en milieu rural en France 19

.................. Annexe B Propositions pour la défense et la promotion de l'école rurale 20

Annexe C La coopération de solidarité ...................................................................... 21

Introduction

La question de l'accessibilité aux services publics ou services au public dans les petites

localités rurales se pose avec de plus en plus d'acuité dans les territoires à faible ou très

faible densité de population. Beaucoup de ces territoires ont des petites communautés

dévitalisées qui sont le symbole d'une désertification rurale. Notre propos consistera ici à

présenter un certain nombre de réponses à trois questions relatives à la présence et à

l'accessibilité de ces services dits de << proximité »dans ces petites collectivités. Ces trois

questions sont :

1. Quels sont les services de proximité que nous devons absolument conserver dans les

petites communautés rurales ?

2. Comment peut-on conserver ces services de proximité ?

3. Quel est le contexte favorable à la conservation de ces services de proximité ?

Services de proximité et développement local

Une façon de répondre à la première question est de situer celle-ci dans une perspective

de développement local et de pérennité de ces milieux. II s'agit alors de se demander à

quels services la population doit avoir accès, dans une certaine proximité géographique

pour que leur localité demeure attractive en termes de nouveaux flux de population et en

termes de maintien ou d'émergence de nouvelles activités sur leur territoire. Il faut recon-

naître ici l'effet « moteur » des services dans le développement, on en d'autres termes un

effet de stimulation sur le développement. Ainsi, la proximité des services, qu'ils soient

de propriété publique ou privée ou coIlective, va contribuer au développement écono-

mique non seulement en créant des emplois mais aussi en influençant la localisation des

entreprises. De plus, ces services vont assurer une qualité de vie aux personnes. Les servi-

ces de proximité auront une fonction d'accueil, non seulement pour les personnes qui au-

ront décidé de demeurer dans leur village, mais aussi pour les visiteurs, les touristes, etc.

Les personnes qui ont pour rôle d'offrir les différents services sont souvent les premières

personnes avec qui les nouveaux habitants ou les personnes de l'extérieur qui sont de

passage dans la localité entreront en contact. C'est à ce titre que les services de proximité

peuvent remplir une fonction d'accueil et d'intégration dans la communauté. En somme,

parce que l'offre locale de services influence l'attractivité du territoire, elle doit

nécessairement s'inscrire dans une stratégie de développement.

Les services de proximité, comme nous y avons fait allusion au début, concernent tout

autant les services publics, c'est-à-dire ceux qui sont dispensés le plus souvent par les

pouvoirs publics, que les services au public qui eux peuvent être offerts aussi bien par le

secteur privé, le secteur associatif ou l'État. Prenons quelques exemples pour éclaircir

cette nuance entre la notion de services publics et de services au public. Les services

publics sont les services qui sont reconnus par l'État comme étant généralement indis-

pensables à la condition de citoyen. Les services d'éducation de niveau primaire et

secondaire, les services de santé, les services postaux en sont de bons exemples.

Habituellement ces services sont offerts par l'État, ce qui n'empêche pas parallèlement le

secteur privé ou associatif de s'y immiscer. Par exemple, nous avons dans notre système

d'éducation des écoles privées ou dans notre système de santé des cliniques de soins de

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santé privées. 11 existe, par ailleurs, des coopératives de services, par exemple, dans le

domaine de la santé. Bien sûr, les services publics dont il vient d'être question s'adressent

nécessairement au public, c'est-à-dire à la population en général. Toutefois, en matière de

services dits de « proximité », il existe une autre catégorie de services où l'État n'est pas

ou est de moins en moins systématiquement présent. Pensons, par exemple, aux services

de transport en commun, ou à d'autres services de consommation courante tels que la sta-

tion d'essence, le dépanneur, la pharmacie, etc. Ce type de services est généralement

assumé par le secteur privé. Il s'agit pourtant de services de proximité, mais parce qu'ils

ne sont pas de propriété publique, nous les appellerons les services au public.

Maintenant, nous allons examiner plus attentivement la notion de services de proximité.

La proximité d'un service ne se définit pas uniquement par la présence physique du ser-

vice dans la localité, mais aussi par l'accessibilité au service à une distance jugée raison-

nable et efficace par les résidents et les autres acteurs concernés par la mise en œuvre de

ces services. Devant la variété des espaces ruraux, il n'y a pas qu'une forme possible

d'organisation des services de proximité. Cette variété existe aussi dans les territoires où

se trouvent des petites communautés dévitalisées. Enfin, il est important d'avoir une

perspective de moyen et de long terme lorsque nous voulons planifier l'offre locale de

services. Cette offre doit se raisonner en fonction des projets, des populations, bref des

besoins actuels, mais aussi futurs, que l'on peut imaginer.

Une fois ces considérations prises en compte, il faut répondre plus directement et con-

crètement à la question de savoir quels sont les services de proximité que nous devons

absolument conserver dans les petites communautés rurales. Sans mauvais jeu de mots,

il va sans dire, après les considérations présentées jusqu'ici, que le mot absolument

prendra une signification relative au milieu où une réponse devra être apportée à cette

question. En dernière analyse, la réponse à cette question dépendra d'au moins deux

facteurs, soit l'accessibilité actuelle des services de proximité et la volonté des acteurs

ayant un pouvoir sur l'offre des services, à commencer par les résidents de ces

communautés.

Il est important de s'attarder à l'explication de ces facteurs. En premier lieu, nous exami-

nerons la question de l'accessibilité actuelle des services. Prenons l'exemple des services

de santé. Si une localité ne possède sur son territoire aucun service de santé comme la

présence d'un médecin, d'une infirmière, d'une pharmacie, mais qu'à trois ou cinq kilo-

mètres, dans la ville ou le village voisins, nous retrouvons tous ces services, la présence

de ces services dans la localité sera beaucoup moins impérieuse que si ces services

n'étaient accessibles qu'à 20, 30 ou 40 kilomètres. La question de l'accessibilité ne règle

pas tout. Il y a aussi celle de la volonté des acteurs concernés. Il peut arriver bien souvent,

que certains services de proximité soient absents dans la localité depuis plus ou moins de

temps et que les résidents acceptent cette situation et ne désirent pas la changer, parce

qu'elle les satisfait. Le contraire peut aussi se produire. Dans ce dernier cas, la volonté des

acteurs concernés par une offre éventuelle de services peut être déterminante. Prenons

pour illustrer cette situation, l'exemple d'une communauté qui serait menacée d'une

fermeture de son école primaire. Pour maintenir ce service de proximité, l'expérience a

montré depuis longtemps que la volonté des acteurs locaux concernés par ce service, élus

locaux de la municipalité et de la commission scolaire, parents, enseignants et citoyens,

était cruciale dans l'issue finale du débat engendré par cette situation. Dans certains cas,

une école primaire peut fermer sans trop de protestations alors que dans d'autres cas, la

volonté des acteurs locaux à s'opposer à cette mesure résultera en un maintien de ce

service éducatif.

Toutefois, la question initiale demeure pertinente, car il faut pour planifier l'offre locale

de services à court, moyen et long termes, en faire un inventaire des possibles.

L'Organisation de la coopération et de développement économiques (OCDE, 1991) pré-

sente quatre catégories de services à considérer pour les milieux maux (Tableau 1).

En France, dans les Points publics (voir Annexe A), différentes prestations de services

existent : travail et emploi, formation, prestations sociales, services publics marchands,

aide aux entreprises, économie et fiscalité, agriculture, équipement et tourisme, permis de

conduire, justice, environnement, aide aux collectivités. Il a été observé que les trois quart

des activités d'un Point public sont reliées aux questions sociales et à celles qui touchent

l'emploi, la formation et l'insertion sociale.

Tableau 1. Catégories de services à considérer pour les milieux ruraux

1. Les services répondant à des besoins physiques ou géographiques : télé- communications, transport, eau, électricité, voirie, poste, etc.

2. Les services répondant à des nécessités sociales : services éducatifs et de formation, etc.

13. Les services aux entreprises : services-conseil, services financiers, etc. 1 4. Les services d'amélioration de la qualité de vie : services socio-sanitaires,

services à la petite enfance, aux personnes âgées, services de loisirs, services socio-culturels tels que les bibliothèques, les activités de diffusion culturelle et artistique, les services commerciaux tels que l'épicerie, la station d'essence, la pharmacie, etc.

Dans le contexte québécois, appliqué aux petites collectivités et particulièrement aux

petites communautés dévitalisées, c'est-à-dire celles qui connaissent un déclin écono-

mique social et démographique depuis plusieurs années, quels sont les services de

proximité qui apparaissent alors relativement indispensables à conserver ou à obtenir au

sein du territoire de la localité ? En se fiant à la littérature consultée et à notre

connaissance du contexte géographique, social et économique de ces petites collectivités

au Québec, il nous apparaît que les services de proximité suivants sont prioritaires

(Tableau 2).

Tableau 2. Services de proximité prioritaires pour les petites collectivités au Québec

1. Les services répondant à des besoins physiques ou géographiques : téléphonie, eau, électricité, voirie, poste,

12. Les services éducatifs de niveau primaire, 1 3. Les services socio-sanitaires tels que la présence d'un médecin, d'une infirmière, les

services à la petite enfance (ex. : garderie) et aux personnes âgées (ex. : résidence avec services).

Toutefois, dans une perspective de développement de ces communautés à long terme, il

n'est pas certain que la présence de ces services dans la localité même, que ce soit de

façon permanente, complète, partielle ou itinérante, soit suffisante pour assurer une

attractivité à toutes les petites communautés, particulièrement celles qui connaissent une

dévitalisation. D'autres services auraient très bien pu être ajoutés à cette liste : station

d'essence, dépanneur, pharmacie, transport, etc. De même, l'absence de certains de ces

services dans les localités ne signifie pas nécessairement leur déclin éventuel. De façon

générale, cela nous apparaît un minimum, mais une réponse plus complète à la question

se trouve dans l'accessibilité des autres services de proximité pour les résidents des peti-

tes collectivités. Plus les autres services seront accessibles en termes de distances à

parcourir ou par le biais des nouvelles technologies de l'information et des communica-

tions (NTIC) par exemple, moins la présence physique du service sur le territoire de la

localité s'avérera impérieuse pour ces autres services. Il faut toutefois éviter de voir dans

les NTIC une panacée au problème. Les services de proximité se définissent avant tout

par un rapport personnalisé de la relation agent-usager.

De tous ces services prioritaires au développement, on ne saurait trop insister sur l'un

d'eux. ii s'agit de l'école primaire. Pourquoi ce service, comme dans une moindre mesure,

le service postal, soulève tant de controverses lorsqu'on veut le limiter ou l'éliminer sur le

territoire même des localités ? Ce service, que l'on pourrait qualifier de très grande

proximité, est un symbole du rattachement de la communauté locale à la communauté

nationale. La perte de ce service devient synonyme bien souvent d'abandon, d'isolement

du reste de la société. L'école est souvent perçue, et avec raison croyons-nous, comme un

élément de base dans les perspectives de recomposition sociale des petites communautés

dévitalisées. De plus en plus, les spécialistes de la question du développement rural dans

les zones dévitalisées, de même que Ies résidents de ces zones, voient dans l'école plus

qu'un simple service public, mais aussi un lieu d'animation rurale. L'école permet,

notamment, une meilleure intégration des nouveaux parents à la vie de la collectivité

(voir Annexe B).

L'organisation des services de proximité

Cela s'est manifesté au cours des récentes années et cela s'accentuera probablement : les

résidents en milieu rural exigeront de plus en plus de ces services dits de proximité. Non

seulement ils demanderont de ces services, mais ils voudront que ceux-ci soient de

qualité égale à ceux que l'on retrouve en milieu urbain. Si l'on accepte ces postulats, au

moins deux questions majeures viennent à l'esprit. Comment cette demande croissante en

services pourra être satisfaite dans un contexte où les contraintes de coûts et de finan-

cement sont de plus en plus fortes ? Quelle organisation faut-il envisager de ces services

de proximité, dans une perspective non seulement de conservation de ce qui existe, mais

dans une optique de développement de nouveaux services qui parfois pourra s'imposer ?

Ces questions se posent avec encore plus d'acuité dans les petites communautés dévita-

lisées. Nous pensons particulièrement aux villages qui comptent quelques centaines

d'habitants et qui sont éloignés de nombreux services de proximité que I'on retrouve dans

les petites villes de service. Le Québec compte quelques centaines de ces villages.

Différentes réponses peuvent être apportées à ces questions. Certaines de ces réponses

seront présentées dans la troisième partie de ce document. Pour l'instant, nous essaierons

de déterminer comment s'y prendre pour définir les besoins existants ; quelles sont les

formes appropriées pour l'organisation de ces services et quels sont les acteurs concernés

par cette organisation éventuelle ?

Dans une démarche visant à conserver et à améliorer l'existence des services de proxi-

mité, la première étape consiste à cerner la demande locale en la matière, ou en d'autres

termes, à identifier les besoins existants ; et à distinguer lesquels de ces besoins sont

actuellement comblés et de quelle façon, et lesquels de ces besoins pourraient provoquer

l'émergence de nouveaux services. Cette première étape devrait permettre de faire la

promotion des services existants, avec une approche préventive face à leur maintien.

Avant de développer de nouveaux services, il est souhaitable de s'assurer que ce qui est

déjà acquis le restera, si tel est le vœu de la population.

Dans une deuxième étape, il s'agit d'examiner sous quelles formes juridiques il serait

approprié d'organiser ces services. Ce faisant, on se trouve à répondre à la question des

sources de financement. Est-ce que ce sont les pouvoirs publics, le secteur privé, le

secteur associatif avec ses organismes à but non lucratif ou le secteur coopératif qui

doivent combler les besoins ? Toutes ces formes d'organisation sont théoriquement

possibles en matière de services de proximité. Dans certains cas, telle forme juridique

sera préférable, dans tel autre cas, une autre forme s'avérera plus pertinente.

Par-delà la forme juridique et les sources de financement souhaitables ou possibles pour

tel ou tel service, il faudra se demander à quelle échelle géographique il est faisable

d'organiser chacun de ces services, pour qu'ils offrent une accessibilité satisfaisante aux

résidents. Est-ce à l'échelle de la localité, ou bien d'un secteur géographique de la MRC

ou à l'échelle de la MRC ? Doit-on, dans certains cas, promouvoir un mode itinérant de la

desserte des services ou l'utilisation des nouvelles technologies informatiques et de com-

munication pour remplacer la présence permanente et sur place du prestataire de service ?

Doit-on mettre en place des points mnlti-services, à la façon des Points publics en milieu

rural que nous retrouvons en France ?

Pour répondre à ces différentes questions, il sera utile de revenir sur la notion de services

de très grande proximité que nous avons évoqués précédemment lorsque nous parlions

des services de l'école primaire et de la poste. 11 y a lieu, pensons-nous, de distinguer des

niveaux de proximité lorsque l'on parle de services publics ou de services an public.

Ainsi, les services que nous avons retenus précédemment comme étant des services

prioritaires au développement de chaque localité et devant être présents dans la localité

pourraient être qualifiés de services de très grande proximité. D'autres services à iden-

tifier pourraient être disponibles à l'intérieur de plusieurs zones géographiques de la MRC

et d'autres ne pourraient être disponibles que dans la ville-pôle de la MRC, dans des

points multi-services par exemple.

Tableau 3. Étapes à suivre pour l'organisation des services de proximité

Première étape : Définir la demande locale de services parallèlement à I'identi- fication de l'offre locale actuelle de services :

a) I I s'agit de cerner la demande locale en distinguant les besoins actuellement comblés des besoins à combler éventuellement.

b) I l faut identifier les services menacés dans leur maintien et faire la promotion des services existants.

Deuxième étape : Planifier l'offre de services pour le futur :

a) Examen des formes juridiques appropriées pour l'organi- sation des services ainsi que des sources de financement.

b) Détermination de l'échelle spatiale où les services seront offerts et selon quelles modalités.

Enfin, quels sont les acteurs interpellés par l'organisation des services de proximité dans

les petites communautés ? Est-ce l'affaire des élus locaux, de la MRC, des ministères et

organismes gouvernementaux sectoriels, du secteur privé, du secteur associatif ? Qui doit

identifier les besoins ? Qui doit proposer des solutions pour la prestation des services ?

Tous les acteurs nommés ci-haut ont potentiellement leur mot à dire et des actions à poser

en rapport à ces solutions. Si l'intervention des pouvoirs publics s'avère probablement

indispensable pour certains services et pour une contribution à de nouvelles formes

d'organisation de ces services, la tendance est à l'effet de favoriser et de renforcer

l'implication des populations locales. L'idée d'une prise en charge locale accentuée face à

cette problématique est de plus en plus reconnue. Les élus locaux et le mouvement

associatif pourraient devoir y jouer un rôle important dans l'avenir. Cette implication des

populations locales est d'ailleurs perçue comme une forme de garantie pour qu'il y ait une

correspondance adéquate entre les besoins réels et les prestations offertes.

Qualité des services, participation des populations locales et partenariat

La qualité des services, la participation des populations locales et le partenariat sont trois

éléments fondamentaux à retenir si l'on veut définir le contexte favorable à la conser-

vation et au développement des services de proximité dans les petites collectivités dans le

futur.

Commençons par la question de la qualité des services. Nous l'avons souligné précédem-

ment, non seulement les ruraux voudront plus de services de proximité dans l'avenir, mais

ils voudront aussi des services de qualité égale à ceux que l'on retrouve en milieu urbain.

Les populations locales n'accepteront pas de services rudimentaires. Choix et qualité,

efficacité, équité et productivité sont des maîtres-mots qui s'ajouteront à ceux de dispo-

nibilité ou d'accessibilité lorsque viendra le temps d'évaluer les services de proximité

présents ou futurs. Les petites communautés dévitalisées devront peut-être prendre ces

tendances encore plus au sérieux que les autres localités rurales, étant donné leur plus

grande difficulté à attirer des nouveaux flux de population, laquelle est reliée notamment

à leur plus grand éloignement des villes. il faudra donc faire preuve de créativité et

d'innovation pour y maintenir les services existants et en développer de nouveaux dans

ces milieux faiblement peuplés.

Une autre condition indispensable s'avère être une réappropriation de cette démarche par

les habitants des communautés. Non seulement parle-t-on de l'engagement des collecti-

vités dans la conception et le démarrage des projets, mais l'ou signale que ceux-ci doivent

être conçus de façon à prévoir l'auto-financement progressif s'ils ne veulent pas être mis

en péril dans le futur. Toujours sur le plan du financement, l'avis est émis que la

proximité et l'interconnaissance locale peuvent favoriser de nouvelles formes

d'actionnariat populaire basé sur le voisinage, renouant ainsi avec les traditions

coopératives et mutualistes (voir Annexe C). Des services de proximité pourraient exister

également sous des formes non marchandes. Dans des communes françaises, on voit

apparaître, par exemple, dans le cadre de la prestation de certains services, des monnaies

fictives ou symboliques, et les cercles d'échanges locaux se font de plus en plus

nombreux.

La réappropriation de la démarche par les habitants ne peut se faire cependant que si un

consensus politique fort se forme chez les acteurs locaux. À ce consensus doit s'ajouter

un leadership local réel susceptible de rassembler les acteurs autour de projets. Les

acteurs de la communauté ou d'un regroupement de communautés d'abord, mais aussi les

autres acteurs externes à ces communautés, qu'ils soient publics, privés ou associatifs. Le

consensus politique et le leadership local permettront de nouer des partenariats essentiels

à la prestation des services. La pérennité des services de proximité dans les petites com-

munautés semble indubitablement liée à un ancrage territorial de ceux-ci. Cet ancrage

passera par une participation étroite des populations au montage, mais aussi lorsque

requis, au financement et à la gestion des services, sans oublier le développement

d'habitudes de consommation locale de ces services.

Si tous ces principes s'avèrent intéressants, voire incontournables dans le futur, il de-

meure qu'ils peuvent s'avérer insuffisants et pas facilement applicables, particulièrement

dans les milieux ruraux périphériques où se trouvent le plus souvent les petites commu-

nautés dévitalisées, du moins à court et moyen termes. Aussi, se posera pour encore un

temps la question de l'intervention de l'État pour stimuler et aider à structurer I'offre de

services. Un besoin d'une certaine péréquation financière pour assurer une offre de

services suffisante se fait sentir.

Conclusion

L'intérêt pour la question des services de proximité dans le développement rural est relati-

vement nouveau, du moins au Québec. De plus en plus, les spécialistes, de même que les

populations locales et leurs leaders, reconnaissent l'effet structurant des services sur le

développement. Aujourd'hui, beaucoup de questions se posent en ce qui concerne le

maintien ou le développement des services de proximité dans les milieux ruraux, spécia-

lement ceux où la faible densité de population compromet l'efficacité et l'efficience de la

prestation des services dans le cadre des modes de gestion habituels. Un consensus se

construit à l'effet que, si l'absence de ces services compromet le développement des

petites collectivités, la solution à la présence de tels services ne peut résider uniquement

dans leur financement par l'État, ou bien par l'initiative du secteur privé. La satisfaction

des besoins dans ce domaine devra venir, comme il est de plus en plus suggéré, par une

participation des populations à la mise en œuvre de ces services et ce dans le cadre d'une

économie sociale portée par les associations locales. Par ailleurs, il serait discutable de

penser que toutes les solutions pourront venir d'une économie sociale ou solidaire et que

état n'a pas un rôle à jouer. état aura encore un rôle à remplir dans l'offre locale de

services, mais davantage selon un mode de gestion parteneuriale, ce qui ne signifie pas

qu'il n'aura pas à initier des formules novatrices comme on peut le voir avec les Points

publics en France. L'organisation des services de proximité en milieu rural comporte

encore bien des formules à inventer; nous n'avons fait qu'en évoquer quelques

possibilités.

Bibliographie

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CELAVAR (Comité d'étude et de liaison des associations à vocation agricole et rurale). Analyses et propositions préparatoires au colloque Les services au cœur du dévelowpement rural, tenu à Nîmes les 20 et 21 novembre 1996, 16 p.

COLLOQUE NATIONAL SUR L'ECOLE RURALE. 4 et 5 avril 1992, Le Vigeant, France, 19 p.

DASCON, François, Claude MIQUEU et Étienne BEAUDOUX. Collèges et lycées partenaires des territoires ruraux. Des projets communs pour l'avenir des jeunes, La Documentation française, Paris, 1997,295 p.

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FEDERATION NATIONALE DE DEFENSE ET DE PROMOTION DE L'ECOLE RURALE. Propositions de la Fédération nationale de défense et de promotion de l'école rurale pour une évolution du système éducatiffrançais, 1994, 10 p.

JEAN, Yves. La mutation des campagnes et les perspectives des petites écoles rurales, L'esaace néograwhique, no 1, 1997, p. 67-78

KOTAS, Michel. Politique de pays. Rapport de mission, La Documentation française, Paris, 1997, 141 p.

LE ROY, Anne. Les activités de service : une chance pour les économies rurales ? Vers de nouvelles logiques de développement rural, L'Harmattan, Paris, 1997,288 p.

MINISTERE DE L'ÉDUCATION NATIONALE, DE LA RECHERCHE ET DE LA TECHNOLOGIE. Les coopérations lycées-entreprises et le développement local, octobre 1997, cahier no 2,119 p.

RICHEZ, Yves et Brigitte FARGEVIELLE. Les points publics en milieu rural. Évaluation d'une politique publique, DATAR, juillet 1997, 32 p.

ROUSSEL, Véronique. Les services publics dans l'espace rural, Futuribles, septembre 1993, no 265, p. 31-44

Annexe A

Les Points publics en milieu rural en France

Les Points publics en milieu rural furent créés en 1994 afin de permettre aux citoyens, où

qu'ils soient sur le territoire national, d'avoir accès à des prestations publiques de qualité.

L'objectif poursuivi est de surmonter les handicaps géographiques (enclavement, altitude,

éloignement), démographiques (dispersion de la population), sociaux (âge, nationalité) ou

économiques (emploi, revenus) en assurant la présence et l'accessibilité de services publics

en un même lieu grâce à un mode d'organisation faisant appel à la coopération, à la mise en

commun de moyens et à la polyvalence.

Cet objectif passe par un rapprochement de l'administration et des usagers (réduction des

délais de traitement de l'information, polyvalence, démarches des usagers facilitées) et par

une mise en avant de I'accueil, de l'assistance, de l'information apportées par les services

publics. Le public visé initialement par les promoteurs des Points publics est relativement

large : élus, administrations, usagers, entreprises.

Les Points publics innovent de façon très pratique en rassemblant en un même lieu des

prestations éparses relevant d'organismes publics obéissant souvent à des logiques

sectorielles différentes. Par-delà la diversité d'organisation, les Points publics fonctionnent sur

le mode de la collaboration et du partenariat, ce qui est une explication de leur succès auprès

des usagers.

Tiré de : RICHEZ, Yves et Brigitte FARGEVIELLE. Les Points publics en milieu rural. Évaluation

d'une politique publique, DATAR, juillet 1997, 32 p.

Annexe B

Propositions pour la défense et la promotion de l'école rurale

En avril 1992 se tenait en France un colloque national sur l'école rurale. À la suite de ce

colloque naissait la Fédération nationale de défense et de promotion de l'école rurale

(FNDPER). La Fédération défend, auprès des pouvoirs publics, plusieurs propositions pour la

défense et la promotion de I'école rurale, dont celles-ci :

1. Que là où existe un projet allant dans le sens d'une évolution de I'école où les trois

partenaires (parents, enseignants, collectivités locales) s'impliquent, soit créée une zone

protégée pendant cinq ans, de façon à ce que tous puissent s'y engager sans menace

immédiate et avec le maximum d'autonomie.

2. Que soit favorisé, par des mesures incitatoires, le développement de contrats locaux

aboutissant à un contrat départemental. Actuellement, les schémas départementaux sont

mis en place de façon verticale et descendante, sans la participation des parties

concernées. Nous souhaitons aussi que ces contrats soient quadripartites : collectivités

locales, parents, administration et enseignants (ces derniers sont la plupart du temps

confondus avec l'administration) ;

3. Le prolongement du moratoire général sur la fermeture des écoles, étant attendu que du

temps est nécessaire à la réflexion et à la mise en œuvre des projets des quatre

partenaires.

Tiré de : FEDERATION NATIONALE DE DEFENSE ET DE PROMOTION DE L'ECOLE RURALE. Pr0p0-

sitions de la Fédération nationale de défense et de promotion de I'école rurale pour

une évolution du système éducatif français, 1994, 10 p.

-

Annexe C

La coopérative de solidarité

La coopérative de solidarité est un nouveau type de coopérative qui se caractérise par la

diversification de son membership et son ouverture au partenariat. Elle regroupe à la fois

comme membres : des utilisateurs des services offerts par la coopérative et des travailleurs

oeuvrant au sein de celle-ci. Elle peut également avoir comme membre de soutien toute

personne ou société ayant un intérêt économique ou social dans l'atteinte de l'objet de la

coopérative. La coopérative de solidarité offre la possibilité aux personnes ayant un intérêt

commun et des besoins diversifiés de se regrouper dans une même coopérative. Cette

nouvelle forme de coopérative vise toutes les activités supportées par le milieu et par

différents groupes, mais prioritairement celles du secteur de l'économie sociale.

SOURCE : Direction des coopératives au ministère de l'industrie, du Commerce, de la

Science et de la Technologie du Québec.

Un projet de coopérative de solidarité multi-fonctionnelle au Témiscamingue

Les citoyens d'un secteur géographique du Témiscamingue, regroupant cinq petites munici-

palités, soucieux de se doter de meilleurs soins de santé et de services sociaux, songent

depuis quelques mois à la mise sur pied d'une coopérative de solidarité. Conscients des

coupures budgétaires dans le secteur de la santé et des services sociaux, mais aussi des

problématiques existantes dans ce domaine au sein de leur secteur géographique, les

citoyens interpellés par cette question ont décidé d'examiner une formule alternative en

partenariat avec les professionnels de la santé du Centre de santé Sainte-Famille de

Ville-Marie. Ils évaluent la faisabilité de mettre sur pied une coopérative de solidarité

multi-fonctionnelle dans le domaine de la santé et des services sociaux.

SOURCE : Rapport d'étape de l'opération prise en charge dans le cadre de la réorganisa-

tion des services publics au Témiscamingue, par Marie-Josée Trembiay, Chaire

Desjardins en développement des petites collectivités, UQAT, juillet 1998, 8 p.