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SÉQUENCE N° V : Œuvre Intégrale BAUDELAIRE, Spleen et Idéal Problématique : Dans quelle mesure l’œuvre de Baudelaire constitue-t-elle une ouverture sur la modernité poétique ? Objets d'étude : Poésie et quête du sens Pour l’exposé : Lectures analytiques retenues pour l’épreuve orale : 1. LA1 : L’Albatros. 2. LA2 : Correspondances 3. LA3 : La Cloche Félée 4. LA4 : Invitation au voyage Pour l’entretien : Études d’ensemble ou éléments de synthèse : Le Procés des Fleurs Du Mal La Fonction du poète VERLAINE , "Art poétique", 1884. HUGO, Les Rayons et les ombres, 1840 BEAUVOIR, Les Meilleurs Fruits De Mon Panier, 1862. VILDRAC, Poussières, Les poètes de la Mer, 1910. La poèsie lyrique ÉLUARD, Sept poèmes d'amour en guerre, « Au rendez-vous allemand » (1943) CADOU, Œuvres poétiques complètes, (1920-1951) « Quatre poèmes d'amour à Hélène », Seghers. Histoire de l’art Document iconographique : Charles-Paul LANDON : Les Regrets d'Orphée. Petite toile. Un jeune homme nu, assis et pensif, sa lyre posée près de lu Lecture cursive Baudelaire, Les fleurs du Mal,

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SÉQUENCE N° V : Œuvre IntégraleBAUDELAIRE, Spleen et Idéal

Problématique : Dans quelle mesure l’œuvre de Baudelaire constitue-t-elle une ouverture sur la modernité poétique ?

Objets d'étude : Poésie et quête du sens

Pour l’exposé : Lectures analytiques retenues pour l’épreuve orale :

1. LA1 : L’Albatros.2. LA2 : Correspondances3. LA3 : La Cloche Félée 4. LA4 : Invitation au voyage

Pour l’entretien : Études d’ensemble ou éléments de synthèse :

Le Procés des Fleurs Du Mal

La Fonction du poète

VERLAINE , "Art poétique", 1884. HUGO, Les Rayons et les ombres, 1840

BEAUVOIR, Les Meilleurs Fruits De Mon Panier, 1862.VILDRAC, Poussières, Les poètes de la Mer, 1910.

La poèsie lyrique ÉLUARD, Sept poèmes d'amour en guerre, « Au rendez-vous allemand » (1943)CADOU, Œuvres poétiques complètes, (1920-1951) « Quatre poèmes d'amour à Hélène », Seghers.

Histoire de l’art Document iconographique : Charles-Paul LANDON : Les Regrets d'Orphée. Petite toile. Un jeune homme nu, assis et pensif, sa lyre posée près de lu

Lecture cursive Baudelaire, Les fleurs du Mal,

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LA1 : L'Albatros

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Souvent, pour s'amuser, les hommes d'équipagePrennent des albatros, vastes oiseaux des mers,Qui suivent, indolents compagnons de voyage,Le navire glissant sur les gouffres amers.

A peine les ont-ils déposés sur les planches,Que ces rois de l'azur, maladroits et honteux,Laissent piteusement leurs grandes ailes blanchesComme des avirons traîner à côté d'eux.

Ce voyageur ailé, comme il est gauche et veule !Lui, naguère si beau, qu'il est comique et laid !L'un agace son bec avec un brûle-gueule,L'autre mime, en boitant, l'infirme qui volait !

Le Poète est semblable au prince des nuéesQui hante la tempête et se rit de l'archer ;Exilé sur le sol au milieu des huées,Ses ailes de géant l'empêchent de marcher.

Charles Baudelaire - Les Fleurs du mal

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LA2 : Correspondances

La Nature est un temple où de vivants piliersLaissent parfois sortir de confuses paroles;L'homme y passe à travers des forêts de symbolesQui l'observent avec des regards familiers.

Comme de longs échos qui de loin se confondentDans une ténébreuse et profonde unité,Vaste comme la nuit et comme la clarté,Les parfums, les couleurs et les sons se répondent.

II est des parfums frais comme des chairs d'enfants,Doux comme les hautbois, verts comme les prairies,- Et d'autres, corrompus, riches et triomphants,

Ayant l'expansion des choses infinies,Comme l'ambre, le musc, le benjoin et l'encens,Qui chantent les transports de l'esprit et des sens.

Charles Baudelaire - Les Fleurs du mal

TEXTE BAC N°2

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LA3 : La Cloche fêlée

II est amer et doux, pendant les nuits d'hiver,D'écouter, près du feu qui palpite et qui fume,Les souvenirs lointains lentement s'éleverAu bruit des carillons qui chantent dans la brume.

Bienheureuse la cloche au gosier vigoureuxQui, malgré sa vieillesse, alerte et bien portante,Jette fidèlement son cri religieux,Ainsi qu'un vieux soldat qui veille sous la tente!

Moi, mon âme est fêlée, et lorsqu'en ses ennuisElle veut de ses chants peupler l'air froid des nuits,II arrive souvent que sa voix affaiblie

Semble le râle épais d'un blessé qu'on oublieAu bord d'un lac de sang, sous un grand tas de mortsEt qui meurt, sans bouger, dans d'immenses efforts.

— Charles Baudelaire

TEXTE BAC N°3

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LA4 : L'invitation au voyage

Mon enfant, ma soeur,Songe à la douceurD'aller là-bas vivre ensemble!Aimer à loisir,Aimer et mourirAu pays qui te ressemble!Les soleils mouillésDe ces ciels brouillésPour mon esprit ont les charmesSi mystérieuxDe tes traîtres yeux,Brillant à travers leurs larmes.

Là, tout n'est qu'ordre et beauté,Luxe, calme et volupté.

Des meubles luisants,Polis par les ans,Décoreraient notre chambre;Les plus rares fleursMêlant leurs odeursAux vagues senteurs de l'ambre,Les riches plafonds,Les miroirs profonds,La splendeur orientale,Tout y parleraitÀ l'âme en secretSa douce langue natale.

Là, tout n'est qu'ordre et beauté,Luxe, calme et volupté.

Vois sur ces canauxDormir ces vaisseauxDont l'humeur est vagabonde;C'est pour assouvirTon moindre désirQu'ils viennent du bout du monde.— Les soleils couchantsRevêtent les champs,Les canaux, la ville entière,D'hyacinthe et d'or;Le monde s'endortDans une chaude lumière.

Là, tout n'est qu'ordre et beauté,Luxe, calme et volupté

 Charles Baudelaire TEXTE BAC N°4

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Documents complémentaires

Le Procès des Fleurs du Mal

 

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TEXTE 2 : Victor Hugo , "la fonction du poète"

Dieu le veut, dans les temps contraires, Chacun travaille et chacun sert. Malheur à qui dit à ses frères : Je retourne dans le désert ! Malheur à qui prend ses sandales Quand les haines et les scandales Tourmentent le peuple agité ! Honte au penseur qui se mutile Et s'en va, chanteur inutile, Par la porte de la cité !

Le poète en des jours impies Vient préparer des jours meilleurs. ll est l'homme des utopies, Les pieds ici, les yeux ailleurs. C'est lui qui sur toutes les têtes, En tout temps, pareil aux prophètes, Dans sa main, où tout peut tenir, Doit, qu'on l'insulte ou qu'on le loue, Comme une torche qu'il secoue, Faire flamboyer l'avenir !

Il voit, quand les peuples végètent ! Ses rêves, toujours pleins d'amour, Sont faits des ombres que lui jettent Les choses qui seront un jour. On le raille. Qu'importe ! il pense. Plus d'une âme inscrit en silence Ce que la foule n'entend pas. Il plaint ses contempteurs frivoles ; Et maint faux sage à ses paroles Rit tout haut et songe tout bas !

Peuples! écoutez le poète ! Ecoutez le rêveur sacré ! Dans votre nuit, sans lui complète, Lui seul a le front éclairé. Des temps futurs perçant les ombres, Lui seul distingue en leurs flancs sombres Le germe qui n'est pas éclos. Homme, il est doux comme une femme. Dieu parle à voix basse à son âme Comme aux forêts et comme aux flots.

C'est lui qui, malgré les épines, L'envie et la dérision, Marche, courbé dans vos ruines, Ramassant la tradition. De la tradition féconde Sort tout ce qui couvre le monde, Tout ce que le ciel peut bénir. Toute idée, humaine ou divine, Qui prend le passé pour racine,

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A pour feuillage l'avenir.

Il rayonne! il jette sa flamme Sur l'éternelle vérité ! Il la fait resplendir pour l'âme D'une merveilleuse clarté. Il inonde de sa lumière Ville et désert, Louvre et chaumière, Et les plaines et les hauteurs ; A tous d'en haut il la dévoile; Car la poésie est l'étoile Qui mène à Dieu rois et pasteurs !

TEXTE COM N°2

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TEXTE 3 : Paul Verlaine , "Art poétique"

De la musique avant toute chose,

Et pour cela préfère l'Impair

Plus vague et plus soluble dans l'air,

Sans rien en lui qui pèse ou qui pose.

Il faut aussi que tu n'ailles point

Choisir tes mots sans quelque méprise :

Rien de plus cher que la chanson grise

Où l'Indécis au Précis se joint.

C'est des beaux yeux derrière des voiles,

C'est le grand jour tremblant de midi,

C'est, par un ciel d'automne attiédi,

Le bleu fouillis des claires étoiles !

Car nous voulons la Nuance encor,

Pas la Couleur, rien que la nuance !

Oh ! la nuance seule fiance

Le rêve au rêve et la flûte au cor !

Fuis du plus loin la Pointe assassine,

L'Esprit cruel et le Rire impur,

Qui font pleurer les yeux de l'Azur,

Et tout cet ail de basse cuisine !

Prends l'éloquence et tords-lui son cou !

Tu feras bien, en train d'énergie,

De rendre un peu la Rime assagie.

Si l'on n'y veille, elle ira jusqu'où ?

O qui dira les torts de la Rime ?

Quel enfant sourd ou quel nègre fou

Nous a forgé ce bijou d'un sou

Qui sonne creux et faux sous la lime ?

De la musique encore et toujours !

Que ton vers soit la chose envolée

Qu'on sent qui fuit d'une âme en allée

Vers d'autres cieux à d'autres amours.

Que ton vers soit la bonne aventure

Eparse au vent crispé du matin

Qui va fleurant la menthe et le thym... TEXTE COM N°3

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TEXTE 4 :

A UN VAUTOUR CAPTIF

Vautour au cou pelé, serf immonde, à cette heureJouet de tous, sur toi, va, morne oiseau, je pleure.L’enfance, qui t’insulte et te raille en passant,Ignore que la nue a vu ton vol puissant.

Tes frères, ces brigands qui vont peuplant les cimes :T’appellent dans la nuit du fond de leurs abîmes ;Ils fatiguent ton nid de leurs cris superflusTitan découronné, tu ne les entends plus !

Un jardin de vingt pieds, roi captif, te resserre ;Un anneau lourd enchaîne à tout jamais ta serre ;Cependant qu’après toi le chien aboie un peu,De ta prunelle fauve on voit jaillir le feu ;Au frisson qui parcourt ta plume grise et noire,On voit que du passé tu gardes la mémoire,Que des sommets d’Athos jadis tu fus l’orgueil,Avant qu’on te donnât ce plateau pour cercueil !

Du génie enchaîné reste vivante image !Reste ! tu peux servir de symbole à notre âge.Comme toi, parias de ce siècle de fer,Des poètes roulés dans la foudre et l’éclairDemeurent attachés par cet anneau sordideA cette terre où l’or de tout penchant décide.Ils ont plané bien haut, ils ont dicté des lois,Ils ont tout remué; mais ils ne sont plus rois.

Les Meilleurs Fruits De Mon PanierRoger de Beauvoir, 1862

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Documents complémentairesTEXTE 5 : Livre d’Amour

Charles Vildrac, 1910

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LE GRAND OISEAU BLANC

Le grand oiseau blanc déploya ses ailesQui étaient toutes pures, qui étaient toutes neuves,Qui riaient au ciel comme des voiles neuves,Et qui bombaient aussi comme elles.

Avec sa vigueur, avec sa candeur,Il quitta son arbre et sa valléePour le pays lointain des hauteurs.

Quand il arriva aux plaines de la vie,Le grand oiseau blanc, dans son bel élan.Reçut bravement, violente et nourrie,La volée de pierres de la vie.

II dévia un peu, il tomba un peu,Et les gens d'en basVirent du duvet tomber du ciel bas,Des plumes aussi, des plumes un peu...Mais le grand oiseau n'atterrit pas.

Mais le grand oiseau ne toucha pas terreBien qu'il continuât de grêler sur luiLe menu gravier des menues misèresDe la vie.

Soudain, un aigu et violent caillou,Trempé dans les noires boues d'en-bas,Atteignit une aile et la traversaEt y fit un trou,

Un trou rond et rouge et noir dans cette aileQui était toute pure, qui était toute neuve.

Le grand oiseau blanc vola moins hautEt il s'inclina comme un bateauQui a au côté une voie d'eau.

Or le trou grandit, peu à peu dans l'aile,Or une gangrène augmenta le mal,Et l'air y sifflait à chaque coup d'aileComme dans les poitrines qui ont mal.Et plus il allait,Plus s'élargissait la plaie,

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Et plus il approchait de terre.

Désespérément le grand oiseauBattit bientôt l'air d'une aile ajouréeBattit bientôt l'air avec ses os,Comme on donne en vain des coups dans l'eauAvec une épée...

Il donna du bec dans la poussière...

Mais le têtu reprit, par bonds infimes,Avec sa vigueur, avec sa candeur,Son voyage long vers les hauteurs...

Quand il quitta les plaines de la vie,Le grand oiseau blanc traînait sur le solUne aile pourrie ;

Mais il bandait haut dans l'air du matinUne aile gonflée de beaux destins,Qui était toute pure, qui était toute neuve..

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Documents complémentaires

Poussières, Les poètes de la Mer

TEXTE 6 : LE VIEUX GOÉLAND

C'était un fier oiseau, farouche et solitaire,Au bec crochu d'or pâle, aux pieds d'ambre, à l'œil clair,Arraché tout vivant au rocher, son repaire,Aux flots verts, à la nue, aux brisants, au grand air.Ils l'avaient pris dans un de ces jours de tempêteOù Satan, sur les mers, déchaîne son sabbat...Un harpon lui cassa l'aile au lieu de la tête ;Eux ils en firent un forçat.

Dans le fond d'une cour aux quatre angles de pierre,Ils l'avaient interné, ce sauvage reclus,Qui restait toujours l'œil rentré sous sa paupière,Comme un rêveur qui songe à ce qu'il ne voit plus.Oh ! lui qui, quand la mer se creusait en abîmes,Se plongeait dans sa courbe et remontait au jour,Comme il a dû souffrir, ce fils des pics sublimes,Des pierres plates de sa cour !

Comme il a dû souffrir sur la dalle poudreuseOù son pied se séchait, encor trempé d'éther !Comme il a dû souffrir de cette vie affreuseFaite d'ennui du ciel et d'ennui de la mer !Que je l'ai vu de fois, hérissé dans sa plume,Le blême oiseau, - fait pierre aussi par la douleur !Son aile grise était comme un manteau de brumePendant sur sa morne blancheur...

II se tenait rigide en cette cour déserte ;Mais, lorsque par hasard quelqu'un la traversait,Alors les yeux ouverts, bec ouvert, aile ouverte,Vers le passant l'oiseau tout à coup s'en courait.De son gosier sortait un cri strident et rauque,Le cri sifflant du vent dans les agrès mouillés,Et, fixant ce passant d'un oeil féroce et glauque,Il voulait lui percer les pieds.

Et si c'étaient les pieds de quelque jeune fille ?De ces pieds élégants, au souple brodequin,Qui, sveltes et cambrés, moulés à la cheville,Font craquer en marchant l'agaçant maroquin,Alors... Oh ! c'est alors que, plus féroce encore,

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Le cruel se jetait sur ces pieds enivrants,Comme si ces deux pieds divins, que l'homme adore,Étaient l'horreur des Goélands.

Que t'avaient-ils donc fait, ces pauvres pieds de femme,Pour te mettre en fureur rien qu'à les voir passer ?...Que te rappelaient-ils ?... Le branle de la lameSur laquelle autrefois tu pouvais te bercer ?Mutilé du harpon, aux rancunes cruelles,Tombé des airs, tombé des pics, tombé des mâts.Ils te narguaient, ces pieds, - tu les croyais des ailes...Goéland, tu ne rêvais pas.

Ô mon vieux Goéland, ce n'était pas un rêve,Le rêve d'un captif que rend fou la douleur.Vieux pirate échoué sur cette horrible grève,Ces pieds, - ces pieds charmants qui passaient, - ces pieds d'Eve,

Que l'on prend dans sa main et qu'on met sur son coeur,Mais qui n'y restent pas, légers, prompts, infidèles,Faits pour nous fuir après être venus à nous,Ô mon vieux Goéland, c'étaient bien là des ailes.Et toi, - tu t'en sentais jaloux.

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Documents complémentairesTEXTE 8 :

Dans la seconde partie du recueil Les Contemplations, Victor Hugo évoque sa douleur de père après la mort de sa fille.

Oh ! je fus comme fou dans le premier moment,Hélas ! et je pleurai trois jours amèrement.Vous tous à qui Dieu prit votre chère espérance,Pères, mères, dont l'âme a souffert ma souffrance,Tout ce que j'éprouvais, l'avez-vous éprouvé ?Je voulais me briser le front sur le pavé ;Puis je me révoltais, et, par moments, terrible,Je fixais mes regards sur cette chose horrible,Et je n'y croyais pas, et je m'écriais : Non !– Est-ce que Dieu permet de ces malheurs sans nomQui font que dans le cœur le désespoir se lève ?Il me semblait que tout n'était qu'un affreux rêve,Qu'elle ne pouvait pas m'avoir ainsi quitté,Que je l'entendais rire en la chambre à côté,Que c'était impossible enfin qu'elle fût morte,Et que j'allais la voir entrer par cette porte !

Oh ! que de fois j'ai dit : Silence ! elle a parlé !Tenez ! voici le bruit de sa main sur la clé !Attendez ! elle vient ! laissez-moi, que j'écoute !Car elle est quelque part dans la maison sans doute !

Jersey, 4 septembre 1852Victor Hugo, Les Contemplations, IV (1856).

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Documents complémentairesTEXTE 9

Au nom du front parfait profondAu nom des yeux que je regardeEt de la bouche que j'embrassePour aujourd'hui et pour toujours

Au nom de l'amour enterréAu nom des larmes dans le noirAu nom des plaintes qui font rireAu nom des rires qui font peur

Au nom des rires dans la rueDe la douceur qui lie nos mainsAu nom des fruits couvrant les fleursSur une terre belle et bonne

Au nom des hommes en prisonAu nom des femmes déportéesAu nom de tous nos camaradesMartyrisés et massacrésPour n'avoir pas accepté l'ombre

Il nous faut drainer la colèreEt faire se lever le ferPour préserver l'image hauteDes innocents partout traquésEt qui partout vont triompher.

Paul Éluard, Sept poèmes d'amour en guerre, « Au rendez-vous allemand » (1943) Editions de minuit (page 18).

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TEXTE 10 :

Je t'attendais ainsi qu'on attend les naviresDans les années de sécheresse quand le bléNe monte pas plus haut qu'une oreille dans l'herbeQui écoute apeurée la grande voix du temps

Je t'attendais et tous les quais toutes les routesOnt retenti du pas brûlant qui s'en allaitVers toi que je portais déjà sur mes épaulesComme une douce pluie qui ne sèche jamais

Tu ne remuais encore que par quelques paupièresQuelques pattes d'oiseaux dans les vitres geléesJe ne voyais en toi que cette solitudeQui posait ses deux mains de feuille sur mon cou

Et pourtant c'était toi dans le clair de ma vieCe grand tapage matinal qui m'éveillaitTous mes oiseaux tous mes vaisseaux tous mes paysCes astres ces millions d'astres qui se levaient

Ah que tu parlais bien quand toutes les fenêtresPétillaient dans le soir ainsi qu'un vin nouveauQuand les portes s'ouvraient sur des villes légèresOù nous allions tous deux enlacés par les rues.

René-Guy Cadou, Œuvres poétiques complètes, (1920-1951) « Quatre poèmes d'amour à Hélène », Seghers, p. 279.

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