Semper gestion - Shanghai Toujours

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SHANGHAI TOUJOURS SIGNE DES TEMPS, LA SOCIÉTÉ DE GES- TION GENEVOISE SEMPER OUVRE UN BUREAU DE REPRÉSENTATION À SHAN- GHAI ET ÉTOFFE SON ÉQUIPE CHINOISE. «PLUS LA DÉGRADATION CONJONC- TURELLE DE L’EUROPE ET DES ETATS- UNIS DEVIENT UNE RÉALITÉ ACCEP- TÉE PAR LES INVESTISSEURS, PLUS LE MARCHÉ DE LA CHINE DEVRAIT SUR- PERFORMER EN TERMES BOURSIERS», PRÉCISE GRÉGOIRE VAUCHER, L’UN DES ASSOCIÉS-GÉRANTS DE LA SOCIÉTÉ. Véronique Bühlmann D epuis plus de quatre ans, Semper investit dans des sociétés chinoises et depuis deux ans, cet engagement s’est concrétisé par la création d’un fonds de private equity axé sur les entreprises en forte croissance et tournées vers la consom- mation interne du pays. Comme l’explique Grégoire Vaucher: «Notre métier étant basé avant tout sur les relations humaines, il nous a paru indispensable de disposer d’un relais sur place. Cette décision d’opter pour la Chine plutôt que, comme beaucoup d’autres, pour Singapour, reflète notre vision de l’avenir à long terme». «Par ailleurs, précise-t-il, en étant présents sur le terrain et directement investis, nous sommes en mesure d’apporter une valeur ajoutée à notre clientèle, ce petit plus qui fait la différence». À plus brève échéance, que conseiller aux investisseurs dont la monnaie de référence est le franc suisse et pour lesquels l’Asie en général, et la Chine en particulier, se sont avé- rées plutôt décevantes ces dernières années? Venant de la BCV où elle gérait les fonds Seapac et Chinac, Tianning Ning Kernen qui vient de rejoindre Semper pour prendre la responsabilité de la gestion d’actifs sur le mar- ché chinois, répond: «Tout dépend de ce que les investisseurs anticipent pour le dollar. S’ils sont très pessimistes sur cette monnaie, il leur faudra évidemment couvrir une partie de leurs positions. Cela dit, considérant que le franc suisse est actuellement surévalué, il n’y a pas lieu de le faire». Des valorisations attrayantes Pour ce qui est du marché chinois, malgré des estimations révisées à la baisse pour 2012 et des perspectives de croissance ramenées à 8-8,5%, la gérante estime que: «après la forte baisse de cet été, je pense que nous approchons un point d’entrée. En termes de valorisation, le marché chinois se traite au même niveau que la Corée, soit à 8,5 fois les bénéfices. Il est donc proche du support de 8 fois touché durant la crise de 2008. De plus, les actions chinoises offrant un rendement moyen de 3,5%, le potentiel de baisse me paraît limité». Compte tenu de ces perspectives allé- chantes, les gérants devraient être sur le point d’entamer un mouvement d’achat. Est-ce votre cas, avons-nous demandé à Manuel de Acevedo, gérant du fonds actions internationales de Semper? «La Chine, via Hong Kong, représente actuellement 7% du fonds et l’Asie 19%. En moyenne, la région compte pour 15% du portefeuille et a pu représenter jusqu’à 25% de nos actifs. Mais nous avons diminué notre exposition à la Chine au profit de la Corée et axons notre recherche sur les valeurs de croissance peu chères, essentiellement dans le domaine des petites et moyennes capitalisations, un secteur très dynamique. À titre d’exemple, je citerais la société coréenne CKD Bio Corp opérant dans la production d’antibiotiques et qui se paie environ 5 fois les bénéfices. Bioland, active dans l’extraction de plantes, est également un titre intéressant. Il se traite à 6,5 fois les bénéfices alors que pour 2012, la croissance attendue des bénéfices est de l’ordre de 40%. Ce sont certes de petites capitalisations boursières (moins de 125 mil- lions d’euros), mais c’est dans ce secteur que nous trouvons les meilleures opportunités». Croissance de 30% pour les pharmas Pour ce qui est de la Chine et sur le long terme, Tianning Ning Kernen privilé- gie le secteur pharmaceutique qui devrait connaître une croissance supérieure à celle du marché. Selon elle, les mauvaises nou- velles sont déjà dans les cours et ce sec- teur devrait être amené à croître fortement. Contrairement aux marchés développés où il représente grosso modo 20 à 30% de l’in- dice, sa part n’est que de 3% en Chine. Avec le vieillissement de la population chinoise et l’inévitable consolidation d’un secteur phar- maceutique qui compte encore quelques 6’000 sociétés, ce secteur possède tous les atouts pour une forte progression. Pour 2012, la gérante anticipe déjà une crois- sance de l’ordre de 30% et privilégie les grandes capitalisations. À l’instar des autres gérants actifs sur cette zone, elle croit fermement au thème de la consommation privée ainsi qu’au secteur de la technologie de l’information. Enfin, elle prévoit un bel avenir pour les valeurs bancaires: «ce secteur jouit de bons fonda- mentaux et il y a un beau rattrapage à faire», conclut-elle. «Le marché chinois approche d’un point d’entrée» Tianning Ning Kernen, responsable de la gestion d’actifs sur le marché chinois chez Semper 14 // 15 FINANCE // DOSSIER MARKET.CH - OCTOBRE 2011

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La société de gestion genevoise Semper Gestion ouvre une bureau de représentation à Shanghai et étoffe son équipe chinoise. Plus la dégradation conjoncturelle de l'Europe et des Etats-Unis devient une réalité acceptée par les investisseurs, plus le marché de la Chine devrait sur-performer en termes boursiers.

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FINANCE // DOSSIER

DOSSIERMARCHÉSASIATIQUES

SHANGHAI TOUJOURS

SIGNE DES TEMPS, LA SOCIÉTÉ DE GES-TION GENEVOISE SEMPER OUVRE UN BUREAU DE REPRÉSENTATION À SHAN-GHAI ET ÉTOFFE SON ÉQUIPE CHINOISE. «PLUS LA DÉGRADATION CONJONC-TURELLE DE L’EUROPE ET DES ETATS-UNIS DEVIENT UNE RÉALITÉ ACCEP-TÉE PAR LES INVESTISSEURS, PLUS LE MARCHÉ DE LA CHINE DEVRAIT SUR-PERFORMER EN TERMES BOURSIERS», PRÉCISE GRÉGOIRE VAUCHER, L’UN DES ASSOCIÉS-GÉRANTS DE LA SOCIÉTÉ.

Véronique Bühlmann

14 // 15 MARKET.CH - OCTOBRE 2011

tion, celle qui est susceptible d’acheter des montres qui ne sont pas des montres».

Les atouts de l’irrationnelPlus généralement, pour l’entrepreneur, «en Chine, l’expansion future du luxe paraît infinie», et toute l’horlogerie suisse de luxe y dispose d’atouts décisifs. Il explique: «contrairement à ce qui se passe dans les ‘vieilles’ économies où la tendance est plu-tôt à cacher sa richesse, dans les économies émergentes, on observe un besoin très net de sortir de l’incognito et de communiquer son statut. Ce besoin est un véritable pain bénit pour les fabricants d’objets de luxe. Et parmi ces objets, la montre possède le grand avantage d’être un marqueur puissant: contrairement au yacht ou à la voiture, elle peut être portée et donc montrée, partout et en toutes circonstances. L’horlogerie suisse a su s’échapper de la prison de la rationalité, celle de fournisseur de garde-temps qui l’aurait conduite à la faillite. Elle est entrée dans la communica-tion de l’irrationnel, dans la communication d’un statut (élégance, culture, raffinement, richesse, sportivité, etc.). Cette communica-tion est d’autant plus forte qu’elle repose sur des qualités rationnelles (fiabilité, précision, innovation, etc.). Et sur ce plan, contrairement à l’horlogerie japonaise toujours axée sur le rationnel, l’horlogerie suisse est devenue pratiquement imbattable. Je dirais même que l’industrie s’est construite un monopole planétaire. Alors que dans d’autres domaines du luxe comme la mode ou l’automobile il existe plusieurs nations concurrentes, en matière d’horlogerie de luxe, les seuls concurrents en lice sont tous suisses».

Une Ferrari made in Shanghai Grâce à cette situation très particulière, la branche devrait être en mesure de résister aux aléas conjoncturels. À la question de savoir si, au vu de l’importance des marchés asiatiques, il ne serait pas tenté de délocali-ser, Jean-Claude Biver répond: «ce serait un non sens, voire un suicide. Délocaliser signi-fierait nous couper de nos racines, de notre force, de notre histoire, de notre culture et de

notre savoir-faire. Il existe des objets de pres-tige qui ne peuvent jamais déménager parce qu’ils incarnent un pays ou une région. Le jour où l’on apprendrait que Ferrari ou Dior fabriquent à Shanghai, leur aura disparaî-trait immédiatement». Autre bonne nouvelle, Jean-Claude Biver désamorce la spirale pessimiste liée à la force du franc suisse. S’il fustige les spéculateurs qui ont poussé notre monnaie à la hausse, et reconnaît que son appréciation fait temporairement souffrir les entreprises (du moins celles exposées à l’euro ou au dollar car, souligne-t-il, le ren-minbi, le dollar de Singapour ou le Yen sont également des monnaies fortes), il se garde bien de toute panique: «en 1975, lorsque j’ai commencé, le dollar valait 4,40 francs. Il en vaut aujourd’hui 0,80… et pourtant les

Suisses vendent toujours des montres aux américains. Tout ne passe donc pas seu-lement par les ajustements de prix. La pro-ductivité, la créativité, l’innovation, la qualité, le service constituent autant de moyens de combattre la cherté!»Pour l’investisseur comment profiter de cet essor économique et battre les indices? Peut-être en méditant ce leitmotiv de Jean-Claude Biver qui représente une véritable ligne de conduite de son entreprise: «tou-jours nager contre le courant, parce qu’un poisson qui nage avec le courant est un pois-son mort». Et la première application pratique de cette sentence pourrait être de jouer l’Asie au travers d’un fonds axé sur le luxe, «pour autant qu’il ait un bon gérant», précise le CEO de Hublot.

Han Han, coureur automobile et partenaire de Hublot

D epuis plus de quatre ans, Semper investit dans des sociétés chinoises et depuis deux ans, cet engagement

s’est concrétisé par la création d’un fonds de private equity axé sur les entreprises en forte croissance et tournées vers la consom-mation interne du pays. Comme l’explique Grégoire Vaucher: «Notre métier étant basé avant tout sur les relations humaines, il nous a paru indispensable de disposer d’un relais sur place. Cette décision d’opter pour la Chine plutôt que, comme beaucoup d’autres, pour Singapour, reflète notre vision de l’avenir à long terme». «Par ailleurs, précise-t-il, en étant présents sur le terrain et directement investis, nous sommes en mesure d’apporter une valeur ajoutée à notre clientèle, ce petit plus qui fait la différence». À plus brève échéance, que conseiller aux investisseurs dont la monnaie de référence est le franc suisse et pour lesquels l’Asie en général, et la Chine en particulier, se sont avé-rées plutôt décevantes ces dernières années? Venant de la BCV où elle gérait les fonds Seapac et Chinac, Tianning Ning Kernen qui vient de rejoindre Semper pour prendre la responsabilité de la gestion d’actifs sur le mar-ché chinois, répond: «Tout dépend de ce que

les investisseurs anticipent pour le dollar. S’ils sont très pessimistes sur cette monnaie, il leur faudra évidemment couvrir une partie de leurs positions. Cela dit, considérant que le franc suisse est actuellement surévalué, il n’y a pas lieu de le faire».

Des valorisations attrayantesPour ce qui est du marché chinois, malgré des estimations révisées à la baisse pour 2012 et des perspectives de croissance ramenées à 8-8,5%, la gérante estime que: «après la forte baisse de cet été, je pense que nous approchons un point d’entrée. En termes de valorisation, le marché chinois se traite au même niveau que la Corée, soit à 8,5 fois les bénéfices. Il est donc proche du support de 8 fois touché durant la crise de 2008. De plus, les actions chinoises offrant un rendement moyen de 3,5%, le potentiel de baisse me paraît limité». Compte tenu de ces perspectives allé-chantes, les gérants devraient être sur le point d’entamer un mouvement d’achat. Est-ce votre cas, avons-nous demandé à Manuel de Acevedo, gérant du fonds actions internationales de Semper? «La Chine, via Hong Kong, représente actuellement 7% du fonds et l’Asie 19%. En moyenne, la région compte pour 15% du portefeuille et a pu représenter jusqu’à 25% de nos actifs. Mais nous avons diminué notre exposition à

la Chine au profit de la Corée et axons notre recherche sur les valeurs de croissance peu chères, essentiellement dans le domaine des petites et moyennes capitalisations, un secteur très dynamique. À titre d’exemple, je citerais la société coréenne CKD Bio Corp opérant dans la production d’antibiotiques et qui se paie environ 5 fois les bénéfices. Bioland, active dans l’extraction de plantes, est également un titre intéressant. Il se traite à 6,5 fois les bénéfices alors que pour 2012, la croissance attendue des bénéfices est de l’ordre de 40%. Ce sont certes de petites capitalisations boursières (moins de 125 mil-lions d’euros), mais c’est dans ce secteur que nous trouvons les meilleures opportunités».

Croissance de 30% pour les pharmasPour ce qui est de la Chine et sur le long terme, Tianning Ning Kernen privilé-gie le secteur pharmaceutique qui devrait connaître une croissance supérieure à celle du marché. Selon elle, les mauvaises nou-velles sont déjà dans les cours et ce sec-teur devrait être amené à croître fortement. Contrairement aux marchés développés où il représente grosso modo 20 à 30% de l’in-dice, sa part n’est que de 3% en Chine. Avec le vieillissement de la population chinoise et l’inévitable consolidation d’un secteur phar-maceutique qui compte encore quelques 6’000 sociétés, ce secteur possède tous les atouts pour une forte progression. Pour 2012, la gérante anticipe déjà une crois-sance de l’ordre de 30% et privilégie les grandes capitalisations.À l’instar des autres gérants actifs sur cette zone, elle croit fermement au thème de la consommation privée ainsi qu’au secteur de la technologie de l’information. Enfin, elle prévoit un bel avenir pour les valeurs bancaires: «ce secteur jouit de bons fonda-mentaux et il y a un beau rattrapage à faire», conclut-elle.

«Le marché chinois approche d’un point d’entrée»Tianning Ning Kernen, responsable de la gestion d’actifs sur le marché chinois chez Semper

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