Self Help Classic c

8/8/2019 Self Help Classic c

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Self-Help ou Caractre, Conduite et Persvrance

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Self-Helpou

Caractre, Conduite etPersvrance

par

SAMUEL SMILES

2005, www.club-positif.compour la prsente dition revue et corrige

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PrfaceLe caractre et lobjet de ce livre sexpliquent en

quelque sorte par son origine.

Il y a 20 ans environ, lauteur fut pri dadresserquelques allocutions une socit de jeunes gens quiavaient organis entre eux des classes denseignementmutuel.

Dans les discours quil eut loccasion de prononcerdevant eux, il prit soin de montrer, par lexemple de ce quedautres avaient fait, ce que chacun deux pouvait sontour, et dans de plus ou moins vastes limites, faire pour lui-mme. Il insista dailleurs sur ce fait, que dans la vie, lebien-tre et le bonheur individuels dcoulent toujours de nospropres efforts, du soin plus ou moins grand que nousapportons cultiver, discipliner, contrler nos aptitudes,et par-dessus tout de lhonnte et courageuxaccomplissement de nos engagements, qui fait vraiment lagloire du caractre individuel.

Ainsi amen prendre un intrt personnel dans cetteimportante question des ressources que lhomme peuttrouver en lui-mme, lauteur prit lhabitude de mettre parcrit, durant les heures de loisir dont les affaires luipermettaient de disposer dans la soire, et dajouter auxnotes qui lui avaient servi pour le cours dont nous venons deparler.

Tout ce qui dans ses lectures, ses observations et sonexprience gnrale de la vie, lui paraissait se rapporter plus

particulirement son sujet. Ce travail eut pour rsultat lapublication, du volume dont ce programme est en grandepartie la traduction.

Tel quil est, lauteur livre maintenant son ouvrage aulecteur, et il espre que celui-ci trouvera les leonsdindustrie, de persvrance et de perfectionnementindividuel quil contient, tout la fois utiles, instructives etintressantes.


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IntroductionLe mrite dun tat se trouve, la longue, ntre que le

mrite des individus qui le composent.

(JOHN STUART MILL.)

La vie nest pas un plaisir, ni une douleur, mais uneaffaire grave dont nous sommes chargs et quil faut

conduire et terminer notre honneur.(ALEXIS DE TOCQUEVILLE.)

Aide-toi, le ciel taidera

Aide-toi, le Ciel taidera est une maxime dunevaleur prouve, et qui renferme dans un cadre des plustroits les rsultats de la plus vaste exprience.

Lesprit de spontanit individuelle est la source detout dveloppement normal dans lindividu, et lorsquil semanifeste chez un grand nombre dhommes, il constitue levrai fondement de la force et de la vigueur nationale.

Autant laide qui vient du dehors est dordinaireaffaiblissante dans ses effets, autant celle qui vient dudedans est invariablement fortifiante.

Tout ce qui est faitpournous, nous te dans une

certaine mesure le besoin et par consquent le dsir de lefaire nous-mmes ; et partout o lindividu est soumis unexcs de protection et de gouvernement, la tendanceinvitable de ce systme est de le rduire un tatdimpuissance relative.


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Institutions humaines

Les meilleures institutions ne sauraient tre lhomme

daucun secours effectif. Le plus quelles puissent faire pourlui, cest de le laisser libre de se dvelopper et damliorer sa guise sa condition individuelle.

Mais de tout temps, les hommes se sont montrsenclins penser que leur bien-tre et leur bonheur pouvaienttre assurs par des institutions plutt que par leur propreconduite, et cest ainsi quils sont arrivs attacher uneimportance exagre luvre de la lgislation et y voirlagent le plus puissant du progrs humain.

Cependant le fait de prendre part pour un millionime la constitution de la lgislature, en votant tous les 3 ou 5 anspour 1 ou 2 dputs, ne peut exercer, quelqueconsciencieusement que ce devoir soit rempli, quuneinfluence minime sur la vie et le caractre dun homme.

En outre, il devient tous les jours plus clair que lafonction du gouvernement est ngative et restrictive pluttque positive et active, et quelle se rduit en grande partie

un simple systme de protection, protection de la vie, de lalibert, de la proprit.

Il ny a pas de pouvoir lgal qui puisse donner auparesseux lactivit, au prodigue la prvoyance, livrognela sobrit : cest lindividu seul quil appartient de sedonner lui-mme lune quelconque de ces vertus ou toutes,et cela, par lexercice des facults actives et de la forcedabngation dont il a en propre le libre usage.

En vrit, toute lexprience du monde tend prouverque le mrite et la force dun tat dpendent beaucoupmoins de la forme de ses institutions que du caractre desindividus qui le composent.

Une nation nest en effet que lagrgat des conditionsparticulires, et la civilisation elle-mme nest quunequestion damlioration individuelle.


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Progrs et dcadence des nations

Le progrs national est la somme des activits, des

nergies, des vertus de tous, de mme que la dcadencenationale est la somme des lchets, des gosmes et desvices de tous.

Si lon y regarde de prs, on verra que ce que noussommes accoutums dnoncer comme de grandes plaiessociales nest la plupart du temps quun dveloppementmonstrueux des vices dont nous-mmes sommes atteints.

Et que vainement nous nous efforcerions denlever ces

excroissances et de les extirper au moyen de la loi, toujours,sous une forme ou sous une autre, et avec une nouvelleexubrance, elles reparatront, tant que les conditions denotre dveloppement personnel ne seront pas radicalementamliores.

Si cette vue est correcte, il sensuit que le plus hautpatriotisme et la plus gnreuse philanthropie ne consistentpas tant rformer les lois et modifier les institutions, quaider les autres slever et se perfectionner eux-mmes

par la libre et indpendante action de leur propre volont.

Le gouvernement est le reflet de lindividualismenational ; et la force de caractre, le fondement dela libert

Le gouvernement dune nation nest ordinairement quelimage et le reflet des individus qui la composent. Toutgouvernement qui est en avant du peuple sera

invitablement ramen en arrire, de mme que toutgouvernement qui est en arrire sera invitablement entranen avant.

Aussi sr que leau trouve son niveau, une nationtrouvera dans ses lois et dans son gouvernement lesdispositions qui conviennent son caractre. Cela est danslordre de la nature. Toujours le peuple noble sera


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noblement gouvern, et toujours le peuple ignorant etcorrompu le sera ignoblement.

La libert nest pas seulement leffet dune croissancepolitique ; elle est surtout leffet dune croissance morale, lersultat de lnergie, de lindpendance, de la libertdaction individuelle.

La manire dont un homme est gouvernpeut ne pasavoir une immense importance, tandis que tout dpend de lamanire dont il se gouverne lui-mme.

Le plus misrable esclave, en effet, nest pas celui qui

est soumis aux caprices dun despote, quelque grand que cemal puisse tre, mais celui qui est lesclave de ses propresvices, de son gosme, de son ignorance.

Laffranchissement des nations dans le cur desquellesrgne ainsi lesclavage ne saurait tre le rsultat dun simplechangement de matres ou dinstitutions ; et tant que cetteillusion fatale prvaudra que la libert dpend de la formedu gouvernement, ces rvolutions, quelque prix quelles sepuissent effectuer, nauront pas plus de valeur et ne

produiront pas de rsultats plus durables quun simplechangement de tableau dans une fantasmagorie.

La libert ne peut avoir de fondements solides que dansla force des caractres individuels ; et cest aussi dans cetteforce des caractres que se trouve la plus sre garantie de lascurit publique et du progrs national.

John Stuart Mill fait observer, avec beaucoup deraison, que le despotisme mme ne saurait produire ses

plus mauvais effets tant quil na pas russi dtruire laforce des caractres individuels ; et que tout ce qui tend lcrasement de lindividualit estdespotisme, quel que soitle nom sous lequel la chose se dguise et quelle que soitlautorit quelle prtend faire prvaloir, celle de Dieu oucelle des hommes.


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Les artisans de la civilisation

Cest aux labeurs physiques et intellectuels des

gnrations successives que les nations de la terre doiventdtre ce quelles sont aujourdhui.

Travailleurs patients et persvrants de toute classe etde toute condition, cultivateurs du sol et excavateurs desmines, inventeurs et explorateurs, ouvriers etmanufacturiers, artisans et potes, politiques et philosophes,tous ont contribu au grand rsultat, et, en venant avec leurscontemporains btir sur les travaux de la gnrationprcdente, ont port la construction gnrale au point degrandeur o nous la voyons aujourdhui.

Grce cette succession constante de noblestravailleurs, artisans de la civilisation lordre, lalongue, est sorti du chaos dans lindustrie, dans la science etdans lart.

La gnration actuelle est lhritire du grand et beaudomaine qui a t pour ainsi dire cr par lhabilet etlindustrie de toute notre race, et qui nous a t laiss pour

que nous le cultivions notre tour, et le transmettions nossuccesseurs non seulement intact, mais amlior.

Parmi les grands travailleurs du pass, on a toujoursremarqu, slevant bien au-dessus de la foule, une phalangedhommes qui, incomparablement suprieurs aux autres, ontmrit de recevoir les hommages du genre humain.

Mais nos progrs sont dus aussi des multitudesdhommes qui, pour tre moins grands et moins connus,

nen ont peut-tre pas eu moins de mrite ; et il ne faut pasoublier que, quoique lhistoire ne se souvienne que desnoms des gnraux qui se sont distingus dans les grandescampagnes, ce nen est pas moins, en grande partie, par lavaleur individuelle et lhrosme des simples soldats que lesvictoires ont t remportes.

Que dhommes dont la vie na jamais t crite, et quicependant ont influ tout aussi puissamment sur la


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civilisation et le progrs que les plus fortuns parmi lesgrands personnages dont la biographie a enregistr lesnoms !

Il nest pas de personne si humble qui, si elle donne ses semblables lexemple de lassiduit au travail, de latemprance, de lhonntet et de la fermet de propos, naitune influence actuelle et durable sur le bien-tre de sonpays : car sa vie et son caractre finissent par secommuniquer aux autres leur insu, et par propager le bonexemple pour tous les temps venir.

Il faut donc reconnatre que cest lnergie delindividualisme qui produit les plus puissants effets sur lavie et les actions dautrui, et qui, par son action, constituerellement la meilleure ducation pratique.

Quest-ce auprs de cela que les enseignementsrudimentaires que lon reoit dans les coles, les collges etles acadmies ?

Lducation du genre humain

Lducation vraiment importante, vraiment essentielle,est celle que nous recevons dans nos foyers, la ville, auxchamps, lusine, dans les bureaux, les magasins, lesbanques, les centres commerciaux, et dans tous les centresde travail o sactive la fourmilire humaine.

Cest cette ducation dernire, que la socit donne ses membres, et qui consiste en exemples daction, deconduite, deffort spontan, de perfectionnement et de

contrle de soi-mme, en un mot, en tout ce qui tend discipliner les plus hautes facults de lhomme et le rendrepropre laccomplissement des devoirs et des affaires de lavie, que Schiller appelait lducation du genre humain.

Or, cette ducation-l, elle ne se puise pas dans leslivres, et il nest aucune instruction purement littraire qui lapuisse donner.


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Bacon, avec la force dexpression qui lui est ordinaire,fait observer que les tudes nenseignent pas la manire dese servir de ce que lon a appris ; que cette sagesse-l esten dehors et au-dessus delles, et ne sacquiert que parlobservation.

Cette remarque sapplique galement bien la viepratique et la culture de lintelligence elle-mme : car ilnest pas dexprience qui ne serve prouver et illustrercette vrit, quun homme se perfectionne infiniment pluspar le travail que par la lecture ; et que cest la vie plutt quela littrature, laction plutt que ltude, linfluence du

caractre plutt que la biographie, qui tendentperptuellement renouveler lhumanit.

Les biographies des grands hommes, et plusspcialement des hommes de dvouement, sont nanmoinstrs instructives et trs utiles comme aides, guides etstimulants. Il en est parmi les meilleures qui, pour enseigner bien vivre, bien penser, travailler nergiquement notre bien et celui des autres, valent presque les vangiles.

Les prcieux exemples quelles fournissent decaractres nobles et virils lentement forms par la puissancede leffort personnel, de la fermet de propos, de lassiduitau travail, de la constance dans lintgrit, enseignent, etdans un langage quil est impossible de ne pas comprendre,tout ce quil est au pouvoir de chacun daccomplir pour soi-mme, et font loquemment ressortir quel point le respectde soi et la confiance en soi peuvent rendre les hommes,mme alors quils appartiennent aux rangs les plus humbles,capables dacqurir une prosprit confortable et une soliderputation.

Grands hommes sortis des rangs

Les grands savants, les grands littrateurs, les grandsartistes, ceux qui se dvouent lapostolat des plus hautesvrits et ceux dont la noblesse est tout entire dans la


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vaillance de leur cur, nont jamais appartenu en propre aucune classe, aucun degr de la hirarchie sociale.

Ils sont sortis indiffremment de toutes les classes, detous les rangs, de latelier et de la ferme, de la banlieue, dela chaumire et du chteau.

Quelques-uns des plus grands aptres de la Divinitsont venus des derniers rangs du peuple.

Les plus pauvres ont quelquefois pris les places lesplus leves ; et il nest pas de difficults, quelquesinsurmontables quelles fussent en apparence, qui aient pu

leur barrer le chemin.Ces difficults mmes, dans bien des cas, semblent

avoir t leurs meilleurs auxiliaires ; car elles les ont forcsde montrer tout ce dont ils taient capables en fait de travailet dendurance, et ont vivifi des facults qui, sans cela,auraient pu rester pour toujours assoupies.

Les exemples dobstacles ainsi surmonts et detriomphes ainsi obtenus sont si nombreux quils peuvent

bien, ou peu sen faut, justifier ce proverbe : quavec de lavolont on vient bout de tout.

Beaucoup de ceux qui se sont le plus distingus dans lascience sont ns dans des positions sociales o lon nesattendait gure trouver une excellence quelconque, etencore moins une excellence scientifique.

Astronomes

Cest ainsi que parmi ceux qui ont donn la plus grandeimpulsion la sublime science de lastronomie, noustrouvons Copernic, fils dun boulanger polonais ; Kepler,fils dun Cabaretier allemand, et lui-mme garon decabaret ; dAlembert, enfant trouv, ramass par une nuitdhiver sur les degrs de lglise de Saint-Jean le Rond Paris, et lev par la femme dun vitrier ; Newton etLaplace, fils, le premier, dun petit propritaire de Grantham


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en Angleterre, et le second, dun pauvre paysan deBeaumont-en-Auge prs de Honfleur.

Malgr les circonstances dfavorables contre lesquellesils eurent lutter ds leurs premiers pas dans la vie, ceshommes minents se firent, par le seul exercice de leursfacults, une rputation aussi durable que solide et quetoutes les richesses du monde nauraient pu payer.

La richesse et mme pu leur tre un obstacle plusgrand que la pauvret au sein de laquelle ils taient ns.

Le pre de Lagrange, autre astronome et mathmaticien

minent, tait trsorier de la guerre Turin.Il fut ruin par des spculations malheureuses, et sa

famille rduite une pauvret relative. Or, cest cettecirconstance que, plus tard, Lagrange avait coutume derapporter et son bonheur et sa rputation.

Si javais t riche, disait-il, je ne seraisprobablement jamais devenu mathmaticien.

Savants

Labb de Hautefeuille, autre physicien et mcaniciendistingu, tait fils dun boulanger dOrlans. Le pre deGassendi tait un pauvre paysan de Champtercier (Basses-Alpes) ; et Hay, le minralogiste, tait fils dun tisserandde Saint-Just (Oise).

Vauquelin

Le chimiste Vauquelin eut pour pre un paysan deSaint-Andr dHbertot (Calvados).

Si, lcole o il fut envoy dans son enfance, il nebrillait pas par le luxe des vtements, il brillait en revanchede tout lclat de lintelligence la plus vive ; et le magisterqui lui apprenait lire et crire, faisant son loge, necessait de rpter au gars : Travaille, tudie, Collin, et un


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jour tu porteras de beaux habits comme le marguillier de laparoisse.

Un apothicaire de campagne, visitant lcole, admirales bras robustes de lenfant et offrit de le prendre commegaron de laboratoire, ce quoi Vauquelin consentit, danslespoir de continuer sous lui ses tudes.

Mais lapothicaire nentendait pas permettre queVauquelin consacrt la moindre partie de son temps apprendre ; et le jeune homme, une fois sr de son fait, netarda pas former la rsolution dabandonner la place.

Il partit et prit le chemin de Paris, nayant que son sac dos et 2 cus dans sa poche.

Arriv Paris, il se mit en qute dune place de garonapothicaire, mais toutes ses dmarches naboutirent rien.Accabl de fatigue et de soucis, il tomba malade, et, danscet tat, fut port lHtel-Dieu, o il faillit mourir.

Mais toile ourdie, Dieu envoie le fil ; et la suiteprouva que des jours meilleurs taient en rserve pour le

pauvre Vauquelin. Il se rtablit, et stant mis de nouveau la recherche dun emploi, il finit par en trouver un chez unapothicaire.

Peu de temps aprs, il fit la connaissance du clbrechimiste Fourcroy qui fut si enchant de lui quil le prit poursecrtaire ; et la mort de ce grand philosophe, qui narrivaque bien des annes plus tard, Vauquelin lui succda dans lachaire de chimie de la facult de mdecine.

Enfin, en 1829, le Calvados le nomma dput, et ilrentra triomphant dans le village do il tait sorti si pauvreet si obscur.


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Gesner et Ramus

Ce dernier eut, ds le commencement de sa carrire,

lutter contre tous les obstacles qui naissent de la pauvret,de la maladie, de linfortune domestique ; mais rien ne putrefroidir son courage ni larrter dans ses progrs.

Sa vie fut vritablement une remarquable illustrationde la vrit de cette maxime, qu ceux qui ont le plus faire mais qui ont bonne volont, le temps ne manque pas.

Pierre Ramus nous offre un caractre de la mmetrempe. N en Picardie, dune famille pauvre, il eut, dans

son enfance, garder les brebis. Mais cette occupationntant pas le moins du monde de son got, il se sauva Paris, o, aprs avoir eu endurer beaucoup de misre, ilrussit entrer comme domestique au collge de Navarre.

Cette situation, pour humble quelle ft, lui ouvrit laroute du savoir, et en peu de temps il devint un des hommesles plus savants de son temps.

On pourrait citer un nombre infini dexemples de ce

genre. Dans toutes les branches de lactivit humaine,beaux-arts, littrature, affaires.

Ils sont rellement si nombreux, quon se trouve enprsence dun vritable embarras de richesses, et quil esttrs difficile de faire, parmi cette foule dhommesremarquables qui ont d leurs succs leur ardeur au travailet leurs patients efforts, un choix qui nexcde pas leslimites dun volume ordinaire.

Auteurs de dcouvertes gographiques

Il sufft, par exemple, de jeter un coup dil sur ledomaine de la gographie, pour y remarquer, parmi lesauteurs de grandes dcouvertes, Christophe Colomb, filsdun cardeur de laine de Gnes ; Cook, qui fut garon deboutique chez un mercier du Yorkshire ; et Livingstone, quifut ouvrier dans une filature de coton, prs de Glasgow.


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Artistes

Parmi les artistes, nous trouvons Claude, fils dun

ptissier ; Geefs, dun boulanger ; et Lopold Robert, dunhorloger ; tandis que, dun autre ct, nous voyons quInigoJones fut dabord charpentier ; Haydn, charron ; etDaguerre, peintre de dcors lOpra.

Parmi les papes, Grgoire VII eut pour pre uncharpentier ; Sixte-Quint, un berger ; et Adrien VI, unpauvre canotier.

Adrien VIDans sa jeunesse, Adrien, trop pauvre pour acheter

seulement une misrable chandelle, avait coutume deprparer ses leons la lumire des rverbres quiclairaient les rues et les porches des glises, faisant ainsipreuve dune admirable patience et dune incomparableardeur au travail, srs prsages de sa future grandeur.

Grands gnraux de la rvolution franaiseLa maxime qui montre la carrire ouverte aux talents

reut, pendant la rvolution franaise de 1792, denombreuses et frappantes illustrations.

Hoche, Humbert, Piche-gru, et bien dautres, entrrentdans la carrire comme simples soldats.

Humbert fut dans sa jeunesse un trs mauvaisgarnement, et 16 ans il schappa de la maison paternelle.Il fut tour tour domestique dun ngociant Nancy,ouvrier Lyon, et plus tard marchand de peaux de lapin. En1792, il senrla comme volontaire, et au bout dun an, il futnomm gnral de brigade.

Klber, Lefvre, Suchet, Victor, Lannes, Soult,Massna, Saint-Cyr, dErlon, Murat, Augereau, Bessires,


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italien avant darriver au grade de sergent ; et, quoique dansla suite il slevt, dchelon en chelon, aux grades decolonel, de gnral de division et de marchal, il maintinttoujours que le grade de sergent tait celui de tous quilavait eu le plus de peine obtenir.

Potes du peuple

Si nous passons un autre ordre de talents, la posie,par exemple, qui a trouv aussi parmi les fils du pauvrequelques-uns de ses adorateurs les plus fervents et les mieuxdous, nous voyons que Marmontel, Mtastase, Jean-Baptiste Rousseau, Molire, eurent tous une trs humbleorigine.

lheure mme o nous crivons, le nombre despotes appartenant la classe ouvrire est assez grand pourremplir les pages dun gros volume (1).

Tandis que les anciens potes franais taient presquetous des hommes de haute naissance, tels que Henri IV(lauteur de Charmante Gabrielle) ; Thibault, comte deChampagne ; Lusignan, comte de la Marche ; Raoul,Blondel, et Basselin, dont les chansons taient aussi

joyeuses que le jus de ses treilles (2) ; quelques-uns despotes de notre temps sont, au contraire, des hommes nsdans les conditions sociales les plus humbles : tels sontBranger, qui fut typographe, le boulanger Reboul et lecoiffeur Jasmin.

BrangerBranger, le plus grand des chansonniers, tait un

enfant du peuple : il fut lev par son grand-pre, pauvretailleur, dont il a rappel, en termes affectueux, le souvenirdans Le Tailleur et la Fe.

Branger ne rougissait pas de son origine ; au contraire,il chantait firement : Je suis vilain et trs vilain. Il et pu


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dire, comme Michelet, qui, ainsi que lui, fut dans sajeunesse ouvrier typographe : Jtais n, comme une herbesans soleil, entre 2 pavs de Paris.

Branger avait la passion de la libert. Enfant dupeuple, il crivait pour le peuple, et du plus profond de soncur. Mes chansons, disait-il, cest moi ; ou, comme lepote cossais Nicoll le disait de ses propres chants : Cestmon cur que jai mis l.

Reboul

Reboul et Jasmin nous offrent des types galementremarquables dhommes qui, par leurs belles et noblespenses, ont ennobli la pauvret.

LAnge et lEnfant, petit bijou de posie que nousdevons la plume du premier, est connu de toute la France,et, grce aux traductions qui en ont t faites, de toutelEurope.

Quelques honneurs quil ait reus durant sa vie, Reboul

noublia jamais ni ne mprisa lhonorable position quiloccupait comme ouvrier, et, tout en consacrant ses loisirs la posie, il nen continua pas moins son mtier deboulanger.

Ce fut la douleur qui lui rvla quil tait pote, unegrande douleur, cause par la perte de sa femme et de sesenfants, et cest cette origine sans doute que tient lecaractre grave et pensif de ses posies.

Jasmin

Au contraire, Jasmin, le coiffeur-pote dAgen, semblenavoir eu dautre mobile que sa gaiet de cur et le besoinde remplir, comme un oiseau, lair de ses chants.


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Et cependant le sort eut pour lui, ds son enfance, lesplus grandes rigueurs. Son pre tait bossu et sa mreboiteuse.

Un de ses plus anciens souvenirs tait davoir suividans la rue son grand-pre moribond que lon emportaitdans le seul fauteuil que possdt la famille. O vas-tu,grand-pre ? dit lenfant. Mon fils, dit le vieillard, jevais lhpital ; cest l que les Jasmin meurent.

De ce souvenir et dautres non moins touchants qui serattachent aux jours de son enfance, Jasmin a compos, sousle titre de Mous Soubnis (Mes Souvenirs), un dlicieuxfragment dautobiographie, dont les petits tableaux sontgroups avec un art parfait.

Toutefois on trouva moyen denvoyer lenfant lcole, o il fit preuve dapplication et remporta des prix. Ilfut ensuite plac chez un coiffeur, et l, tout en travaillantdurant le jour apprendre son mtier, il consacra ses loisirs la lecture des quelques livres quil pouvait trouver emprunter.

la longue, il parvint stablir son propre compte,et, sans cesser de vaquer ses occupations de coiffeur des

jeunes gens, il sadonna la composition de chansons et deposies auxquelles ni la publicit ni les suffrages du publicne firent dfaut.

Enfin, les faveurs de la fortune afflurent si bien dansla boutique du jeune barbier, que, dans un accs de fureurpotique, il brisa le fauteuil hrditaire dans lequel tant de

Jasmin avaient t ports lhpital pour y mourir.Sa femme stait oppose dabord ce quil crivt, et

elle avait mme pouss son opposition jusqu lui cacherplumes et papier ; mais quand elle vit que les vers sevendaient, elle changea compltement dopinion, et fut dslors la premire lui offrir gracieusement plumes et papier,en lui disant : Courage, courage ! chaque vers est une tuileque tu ptris pour achever de couvrir la maison.


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Et les choses en effet allrent si bien quen peu detemps Jasmin put acheter la maison dans laquelle il vivait,tuiles et tout.

Potes anglais

LAngleterre aussi a eu ses ouvriers potes : Burns, levalet de charrue ; Clare, le paysan ; Bloomfield, le garon deferme ; Tannahill, le tisserand ; Cooper, le cordonnier ; etCritchley Prince, louvrier de fabrique. Mais bien au-dessusde tous slve Shakespeare, qui, lui aussi, naquit dans unehumble condition sociale.

Shakespeare

Son pre tait boucher et leveur de bestiaux, et,daprs certaine tradition, Shakespeare lui-mme aurait tdans sa jeunesse cardeur de laine ; tandis que dautresbiographes nous le montrent dabord matre dtude, puisclerc de notaire. Le fait est quil semble avoir t non passeulement un homme, mais un pitome de lhumanit.

Lexactitude de son vocabulaire naval est telle quuncrivain qui appartient la marine prtend quil a d trematelot ; tandis quun ecclsiastique trouve dans ses critsdes preuves intrinsques quil a d tre sacristain ; et quun

juge distingu des qualits et des dfauts de la racechevaline soutient, avec non moins dautorit, quil estimpossible quil nait pas t un peu maquignon.

Ce quil y a de sr, cest que, avant dtre acteur,Shakespeare fit plus dun mtier, et acquit, dans le vastechamp dexprience et dobservation qui lui fut ouvert, destrsors incroyables de savoir.

Du reste, quil tudia avec une force dattentionmerveilleuse, et travailla avec une ardeur incomparable,cest ce qui ne peut faire de doute pour personne.


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Rcompenses quobtiennent le zle et le travail

De tels hommes, quoique trs ingaux entre eux sous le

rapport du mrite et de la distinction, fournissent deprcieux exemples de diligence et dindustrie, et leur vie estde la plus grande utilit pour montrer le chemin ceux qui,dans quelque spcialit que ce soit, aspirent lexcellence.

Anims dun salutaire esprit dinitiative individuelle,ces hommes furent, sans exception, dinfatigablestravailleurs ; et, il faut bien le reconnatre, nulle distinctionvraiment honorable ne peut sobtenir quau prix des plusgrands efforts individuels : lexcellence nest pas dudomaine de la paresse.

Ce nest que par lactivit du cerveau et de la main quenous pouvons crotre en savoir et en sagesse et russir dansles affaires.

Mme pour ceux qui sont ns au sein de la fortune etdes grandeurs, il nest pas de rputation solide qui se puisseacqurir sans dnergiques efforts dapplication : les parentspeuvent bien laisser leurs enfants des proprits ; ils ne

sauraient en aucun cas leur lguer la science et la sagesse.

Il est facile au riche de faire travailler les autres pourlui moyennant finance ; mais il ne peut faire penser lesautres pour lui ; et lducation que chaque homme se doit lui-mme ne se vend sur aucun march.

En vrit, la doctrine que lon ne peut, dans une partiequelconque, arriver lexcellence qu force dapplicationlaborieuse, est tout aussi vraie pour le riche que pour

Gifford, par exemple, qui devint rdacteur en chef de laQuarterly Review, sans avoir jamais t dautre cole qulchoppe dun savetier, ou pour Hugh Miller, le gologue,qui ne travailla jamais, en fait de collge, que dans unecarrire de pierre de Cromarty.

Ce nest que par le libre exercice de ses propresfacults quun homme peut acqurir le savoir etlexprience, dont lunion produit la sagesse ; et il est tout


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aussi futile desprer quon arrivera sans travail et sanspeine la possession de ces biens, que de compter sur unemoisson l o nul grain na t sem.

On raconte de Grosteste, ancien vque de Lincoln et,dans son temps, puissant personnage, quun jour son frre,homme stupide et indolent, vint le prier de faire de lui ungrand homme.

Frre, rpliqua lvque, je puis bien, si ta charrueest casse, la faire raccommoder, et si tu perds un de tesbufs, ten acheter un autre ; mais je ne puis faire de toi ungrand homme : laboureur je tai trouv, et laboureur, hlas !

je suis forc de te laisser.

Il est parfaitement clair que les richesses et le bien-trene sont pas ncessaires au dveloppement des plus hautesfacults de la nature humaine : sil en et t autrement, lemonde naurait pas de tout temps eu tant dobligations ceux qui sont sortis des rangs infrieurs de la socit.

Une existence facile et somptueuse prpare mal leshommes svertuer et lutter contre les difficults, et

laisse endormie cette conscience de sa propre force, sanslaquelle lactivit humaine est dpourvue de toute nergie etde toute efficacit.

En vrit, loin dtre un mal, la pauvret, si lon sait ysuppler par lnergie de la spontanit individuelle, peutdevenir un grand bien : car elle fait sentir lhomme lancessit de cette lutte avec le monde, dans laquelle, endpit des chutes de ceux qui achtent le bien-tre au prix de

leur dgradation, le juste et le vaillant trouvent force,confiance et triomphe.

Les hommes, dit Bacon, semblent nestimer leurjuste prix ni leurs richesses ni leurs forces : aux premires,ils attachent une beaucoup trop haute valeur ; aux secondes,une beaucoup trop faible. La confiance en soi et lamodration dans les dsirs peuvent cependant apprendre tout homme boire dans son propre verre, trouver bon son


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propre pain, sestimer heureux de gagner sa vie entravaillant, et faire le meilleur usage possible des biensdont le dpt lui a t confi.

Les richesses offrent de si grandes tentations auxhommes, qui tous sont plus ou moins enclins sabandonnerau bien-tre et aux plaisirs, que la gloire nen est que plusgrande pour ceux qui, favoriss en naissant des dons de lafortune, nen prennent pas moins une part active aux travauxde leur gnration... ddaignent les plaisirs et mnent unevie laborieuse.

Plus particulirement devons-nous admirer ceux qui,inspirs par la foi et zls pour le bien de leurs semblables,ont renonc volontairement aux plaisirs, la puissance etaux honneurs qui faisaient leur partage, et sont descendus deleur haute situation, pour se mler la foule et servir lepauvre et le besogneux.

Tels furent Franois Xavier et Franois de Sales,hommes dune haute naissance, qui prouvrent par leur viequil y a de plus belles choses dans le monde que doccuper

un rang lev, et de plus nobles aspirations quelaccumulation des richesses.

La carrire de fatigues, de souffrances et de pauvretque Franois Xavier embrassa, eut pour digne fin lemartyre ; mais ce martyre lui-mme, loin dtre un chec,fut un succs des plus clatants.

Le comte de Buffon et son infatigable activit

Parmi ceux quune noble naissance na pas empchsde mener une vie laborieuse, nous pouvons nommer enpassant Fnlon, Chateaubriand, Montaigne et Buffon.

Celui-ci tait dune activit prodigieuse : ctait un deces hommes auxquels les anciens Romains auraient appliquces mots, qui se retrouvent si frquemment dans, leursauteurs : incredibile industri, diligenti singulari.


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Il regardait le temps comme un trsor limit qui, unefois perdu, ne se peut recouvrer, et il sen montrait fortconome. Tous les instants quil ne sentait pas le besoin dedonner au repos ou au dlassement, il les consacrait autravail.

Malgr les grands rsultats auxquels il arriva dansltude de lhistoire naturelle, il est certain que Buffon, danssa jeunesse, passait pour navoir que de mdiocres talents.Son esprit fut lent se former et lent reproduire ce quilavait acquis. Il tait aussi, cela semble peine croyable constitutionnellement indolent.

Lhabitude de rester au lit le matin lui fit perdrebeaucoup de temps durant la premire partie de sa vie. Ilcombattit nergiquement cette mauvaise habitude, et, aveclaide de son valet de chambre, Joseph, parvint sendfaire.

Ayant ordonn celui-ci de le rveiller de bonne heure,il promit de lui donner un cu chaque fois quil russirait le faire lever avant 6 heures. Les premiers jours, Buffon

refusa de se lever, prtendit quil tait malade, feignit de semettre en colre contre le domestique audacieux qui sepermettait de troubler son repos. Le rsultat de tout ceci futque Joseph ne gagna rien que des reproches, pour avoirpermis son matre de rester au lit, contrairement sesordres exprs.

la fin, le valet rsolut de gagner lcu promis, et,plusieurs fois de suite, il fora Buffon de se lever, malgrses supplications, ses reproches et ses menaces de le

congdier.Un matin mme, Buffon stant montr plus obstin

que de coutume, Joseph, sentant la ncessit davoir recoursaux grands moyens, nhsita pas lui verser dans la poitrineun plein bassin deau glace.

Ce fut grce lusage prolong de tels moyens queBuffon se vit enfin dlivr de sa mauvaise habitude ; aussi


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plus tard avait-il coutume de dire : Je dois Joseph 3 ou 4volumes de lHistoire naturelle.

Pendant 40 ans, Buffon travailla son pupitre tous lesmatins de 9 heures 2 heures, et tous les soirs de 5 9. Sonassiduit au travail tait si soutenue et si rgulire quelledevint lhabitude de toute sa vie.

Le travail, dit son biographe, tait devenu pour luiun besoin ; ses tudes faisaient le charme de sa vie, et arrivau dernier terme de sa glorieuse carrire, il rptait souventquil comptait bien pouvoir leur consacrer encore 3 ou 4annes.

Travailleur des plus consciencieux, il sefforaittoujours de donner au lecteur ses meilleures pensesexprimes dans les meilleurs termes. Il ntait jamais las detoucher et de retoucher ses compositions ; si bien que lonpeut dire de son style, quil approche autant que possible dela perfection.

Il ncrivit pas moins de 11 fois les poques de lanature, avant den tre enfin satisfait ; et cependant il avait

mdit pendant prs de 50 ans sur la composition de cetouvrage.

Ctait en outre un parfait homme daffaires, pleindordre en toute chose, et qui avait coutume de dire que sansordre le gnie perd les trois quarts de sa puissance.

Son grand succs comme crivain fut principalement lersultat de sa laborieuse activit et de son applicationsoutenue.

M. de Buffon, dit madame Necker, toujourspersuad que le gnie est le fruit dune profonde attentionsur le mme objet, dit quil sennuyait en composant sespremiers crits, lorsquil se contraignait revenir, repenserde nouveau sur le mme objet, quoiquil crt dj avoiratteint une sorte de perfection ; mais ensuite il a trouv duplaisir dans cette longue correction.


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Il faut aussi ajouter que pendant quil crivait etpubliait tous ces grands ouvrages, Buffon tait afflig dunedes plus cruelles maladies auxquelles la nature humaine soitsujette.

De Tocqueville

Appartenant la mme classe de la socit, et nonmoins illustre par des travaux dun autre genre, fut Alexis deTocqueville.

Il tait doublement bien n ; car son pre, le comte de

Tocqueville, tait pair de France, et sa mre tait petite fillede Malesherbes.

Ds sa jeunesse, malgr les avantages quil possdaitsous le rapport du rang, de la famille, de linfluence, le

jeune de Tocqueville rsolut de ne devoir son avancementqu lui-mme.

Nomm juge auditeur Versailles lge de 21 ans, ilabandonna bientt toutes ses esprances davancement dans

la magistrature, pour mettre excution le projet quil avaitconu dun voyage aux tats-Unis, voyage qui eut pourrsultat la publication de son bel ouvrage sur la Dmocratieen Amrique.

Son ami Gustave de Beaumont nous a donn unedescription de son infatigable activit durant ce voyage. Lerepos, dit-il, tait antipathique sa nature ; et que soncorps ft en mouvement ou immobile, son intelligence taittoujours en travail... Pour Alexis, lentretien le plus agrable

tait celui qui tait le plus utile. Le mauvais jour tait le jourperdu ou mal employ ; la moindre perte de temps lui taitimportune (3).

Tocqueville lui-mme a dit : Ce monde appartient lnergie..., il ny a jamais dpoque dans la vie o on puissese reposer ; leffort au dehors de soi, et plus encore audedans de soi, est aussi ncessaire et mme bien plusncessaire mesure quon vieillit que dans la jeunesse. Je


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compare lhomme en ce monde un voyageur qui marchesans cesse vers une rgion de plus en plus froide, et qui estoblig de remuer davantage mesure quil va plus loin. Lagrande maladie de lme cest le froid. Et pour combattre cemal redoutable, il faut non seulement entretenir lemouvement vif de son esprit par le travail, mais encore parle contact de ses semblables et des affaires de ce monde(4).

Ncessit de sentraider aussi bien que de saidersoi-mme

Quelles que fussent pourtant la force de caractre etlindpendance de M. de Tocqueville, nul ne savait mieuxque lui reconnatre la valeur des secours et desencouragements que tous les hommes reoivent les uns desautres.

Le caractre humain est modifi dans sa formation par1000 influences subtiles : par lexemple et par les prceptes,par la vie de chaque jour et par la littrature, par les parents

et par les amis, par lesprit mme de nos anctres quisternise dans la tradition des hauts faits et des noblesenseignements quils nous ont lgue.

Ainsi, quoique nous mettions en tte de ce livre le motSelf-Help (aide de soi-mme), on verra, en examinant lesexemples de conduite et de caractre quil contient, que sonesprit et sa porte sont infiniment plus tendus que cesimple titre ne semble le comporter.

Cest que, quoique le sage soit toujours lui-mme sonmeilleur soutien, il doit beaucoup aussi dautres esprits, dautres matres, aux vivants et aux morts.

Aussi Tocqueville ne se lassait-il jamais de reconnatreles obligations quil avait ses amis de Kergorlay etStofells, dont le premier semble lui avoir t dun certainsecours intellectuel, tandis que le second lui aurait donnune aide toute sympathique et morale.


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En un mot, le caractre de Tocqueville illustre de lamanire la plus frappante la vrit de cette maxime du poteanglais Wordsworth, que ces 2 choses, toutescontradictoires quelles sont en apparence, doivent aller decompagnie..., une digne dpendance et une nobleindpendance, une noble confiance en autrui et une digneconfiance en soi-mme.

De Tocqueville avouait aussi volontiers combien ildevait de ce caractre et de cette disposition desprit qui luiavait permis de poursuivre ces tudes, la noble et purecompagne de sa vie, sa femme Marie, une de ces femmes

dont on peut dire, avec un auteur anglais, que les avoiraimes cest dj avoir reu une ducation librale (5).

Il y a un proverbe commun qui dit que celui qui veutprosprer doit dabord consulter sa femme ; et il estincontestable que linfluence que la femme exerce sur ledveloppement de la vie morale chez lhomme estinfiniment plus grande que les hommes eux-mmes ne sontdisposs ladmettre.

En vrit, il est difficile dapprocher plus de la vritque ne la fait Rousseau lorsquil a dit que les hommesseront toujours ce que les femmes les feront.

Jai vu 100 fois dans le cours de ma vie, ditTocqueville, des hommes faibles montrer de vritablesvertus publiques, parce quil stait rencontr ct deuxune femme qui les avait soutenus dans cette voie, non enleur conseillant tels ou tels actes en particulier, mais enexerant une influence fortifiante sur la manire dont ils

devaient considrer en gnral le devoir ou mmelambition.

Bien plus souvent encore, il faut lavouer, jai vu letravail intrieur et domestique qui transformait peu peu unhomme auquel la nature avait donn de la gnrosit, dudsintressement et de la grandeur, en un ambitieux, lche,vulgaire et goste qui, dans les affaires de son pays,


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finissait par ne plus envisager que les moyens de rendre sacondition particulire commode et aise (6).

Augustin Thierry

Nous ne croyons pas devoir clore ce chapitre sansconsacrer une courte notice lun des travailleurs les plusbrillants et les plus consciencieux que la France ait produitsdans le domaine de lhistoire : nous voulons parlerdAugustin Thierry, chez qui lon a vu se dployer, dans laplus heureuse combinaison, les dons de lesprit les plusrares et les plus levs.

Ctait un grand artiste, dans la plus haute acception dumot, et dautant plus grand quil avait un trs haut degr letalent de cacher son art.

loquent et pittoresque, il rendait un corps auxossements blanchis de lhistoire, et faisait pour ainsi direrevivre nos yeux les hommes et les vnements des siclesdepuis longtemps couls.

SesRcits des temps mrovingiens et sonHistoire de laconqute dAngleterre par les Normands resteront commedes monuments ternels de son infatigable activit et de sonmagnifique gnie.

Sa vie est une leon non seulement pour les hommes delettres, mais pour tous les hommes, et une grande, loquenteet touchante leon. Elle nous montre comment une belleintelligence, lorsquelle est fortifie par un noble dessein,peut triompher des maux de la vie.

Ltude de lhistoire fut sa passion, et le plaisir quiltrouva dans cette tude, sa rcompense la plus prcieuse.

Sa vie toute entire prsente un tonnant exemple depersvrance, de diligence, de culture de soi-mme, et dedvouement infatigable la science. Au fort de ses travauxil perdit la vue, puis la sant ; mais jamais il ne perditlamour de la vrit.


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Mme lorsquil fut rduit un tel tat de faiblesse quilfallait quune garde-malade le portt dans ses bras, dechambre en chambre, comme un faible enfant, sonindomptable courage ne labandonna pas.

Tout aveugle et impotent quil tait, il nen donna pasmoins pour conclusion sa carrire littraire ces noblesparoles : Si, comme je me plais le croire, lintrt de lascience est compt au nombre des grands intrts nationaux,

jai donn mon pays ce que lui donne le soldat mutil surle champ de bataille.

Quelle que soit la destine de mes travaux, cetexemple, je lespre, ne sera pas perdu. Je voudrais quilservt combattre lespce daffaissement moral qui est lamaladie de la gnration nouvelle ; quil pt ramener dans ledroit chemin de la vie quelquune de ces mes nerves quise plaignent de manquer de foi, qui ne savent o se prendreet vont cherchant partout, sans le rencontrer nulle part, unobjet de culte et de dvouement.

Pourquoi se dire avec tant damertume que, dans le

monde constitu comme il est, il ny a pas dair pour toutesles poitrines, pas demploi pour toutes les intelligences ?Ltude srieuse et calme nest-elle pas l ? et ny a-t-il pasen elle un refuge, une esprance, une carrire la porte dechacun de nous ?

Avec elle, on traverse les mauvais jours sans en sentirle poids ; on se fait soi-mme sa destine ; on usenoblement sa vie. Voil ce que jai fait et ce que je feraisencore si javais recommencer ma route ; je prendrais celle

qui ma conduit o je suis.Aveugle et souffrant sans espoir et presque sans

relche, je puis rendre ce tmoignage, qui de ma part ne serapas suspect : il y a au monde quelque chose qui vaut mieuxque les jouissances matrielles, mieux que la fortune, mieuxque la sant elle-mme, cest le dvouement la science(7).


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Chapitre deuximeFondateurs dindustries

Le travail et la science sont dsormais les matres dumonde.

(DE SALVANDY.)

Parmi les grandes nations de la terre, il nen est pas quinait tabli les fondements de sa prosprit sur lindustriedes masses populaires.

Le caractre individuel est la base de lindustrienationale

Il nen est pas dont la croissance et la force nationalesnaient t le rsultat de la libre nergie des individus et dunombre de ttes et de bras qui, selon les poques, se sonttrouvs activement employs la culture du sol, laproduction darticles dutilit, la manufacture doutils etde machines, la publication de livres et de journaux, lacration duvres dart.

Bien plus, ce mme esprit dactivit cratrice, principe

vital de la grandeur des nations, en est aussi le principerparateur ; et cest en lui quau besoin les nations trouventun moyen efficace de ragir contre les erreurs et lesimperfections qui sont inhrentes aux lois et aux institutionshumaines.

Du reste la pratique de lindustrie nest pas seulementune source fconde de prosprit nationale : cest aussi undes plus puissants moyens dducation. La Providence en a


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fait une des conditions indispensables du bonheur.Lesdieux, dit le pote, ont plac le travail et la peine sur la voiequi conduit aux Champs Elysens.

Ce quil y a de certain, cest quil nest pas pourlhomme de pain plus savoureux que celui quil doit sonpropre travail, physique ou intellectuel.

Le travail est tout la fois une ncessit et unengagement

Et ce qui nest pas moins certain, cest quil nest

aucun bien, petit ou grand, que le travail ne puisse acheter,aucune jouissance que le travail ne puisse donner.

Lhomme ne lui doit pas seulement davoir pu seracheter des horreurs de la vie sauvage : il lui doit tous lesprogrs, tous les bienfaits de la civilisation.

Napolon, ce trait est caractristique ne manquaitjamais, lorsquil inspectait quelque chef-duvre de lartmcanique, de sapprocher, avant de partir, du mcanicien

ou ingnieur, et de lui faire, chapeau bas, un respectueuxsalut.

Un jour, Sainte-Hlne, comme il se promenait avecmadame Balcombe, des domestiques qui passaient chargsde lourds paquets crurent pouvoir se dispenser de sarrter sa rencontre ; sur quoi leur matresse, dun ton fch, leurenjoignit de se tenir distance. Mais Napolon sinterposa,disant : respectez leur fardeau, madame.

Il est certain que, quelque grossier quil soit, le travaildu plus humble manuvre contribue de faon ou dautre laccroissement gnral du bien-tre.

Et lon ne peut que louer la sagesse de cet empereurchinois qui disait que pour chaque homme qui ne travaillaitpas, et pour toute femme qui sabandonnait la paresse, il yavait quelquun dans lempire qui souffrait du froid ou de lafaim.


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Cest un point sur lequel on ne saurait trop fortementinsister, que le travail est une des conditions indispensablesdu bonheur. Le paresseux peut ny voir quun chtiment ;mais lhomme sens y verra toujours une bndiction.

La loi du travail se trouve crite, en vrit, dans tousles dtails de la constitution de lhomme, dans la chair et lesmuscles de ses membres, dans le mcanisme de sa main,dans les fibres de ses nerfs, dans les lobes de son cerveau ;et cest lharmonieuse activit de toutes ces parties quildoit les plus grandes jouissances quil soit capabledprouver.

Le travail est en outre une excellente cole,minemment favorable lacquisition de la sagessepratique, et qui, mme dans une vie de labeur manuelassidu, noffre rien dincompatible avec une haute cultureintellectuelle.

Opinion de Hugh Miller

Hugh Miller, qui fut dans sa jeunesse tailleur depierres, et qui, entre autres ouvrages de gologie, a crit surle vieux grs rouge (The Old Red Sandstone)un livre quifait autorit, Hugh Miller a donn comme rsultat positif deson exprience que le travail, mme le plus ingrat, est unesource fconde de plaisir et dinstruction.

Un labeur honnte est selon lui le meilleur desinstituteurs, et lcole du travail la plus noble des coles(celle du Christ excepte) ; car cest cette cole surtout

que, tout en apprenant se rendre utile, on acquiert lespritdindpendance et lhabitude des persvrants efforts.

Il est mme davis que 1a discipline du travail, parlexercice quelle donne aux facults dobservation delouvrier, par la ncessit o elle le met de soccuper chaque

jour de choses actuelles et pratiques, et par lexprienceintime de la vie quelle le force acqurir, le rend vraimentplus capable de faire son chemin dans le monde, et semble


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par consquent plus propre faire de lui un homme, dans lesens le plus lev de ce mot, que nimporte quel systmedducation que les autres conditions sociales puissentoffrir.

La phalange de grands noms que nous avons dj citsen courant, noms dhommes sortis du sein des classeslaborieuses et devenus clbres dans la science, lecommerce, la littrature, les beaux-arts, en un mot dans lescarrires les plus diverses, montre quaprs tout lesdifficults qui se rencontrent dans la voie de la pauvret etdu travail ne sont pas insurmontables.

Quant ltablissement mme de la plupart desindustries qui sont pour les nations de lEurope la source detant de puissance et de richesse, il est incontestable que cest des hommes de la classe la plus humble que nous ensommes redevables.

Otez ce quils ont fait dans cette branche de lactivitgnrale, et vous trouverez que ce que lon doit aux autresclasses est bien peu de chose.

Illustration de cette vrit par lhistoire de lamanufacture des poteries

Prenons, par exemple, lhistoire de la fabrication de lapoterie en Europe, et nous verrons quelles illustrationsfrappantes elle nous offre de la puissance du gnie et delindustrie de lhomme.

Bien que lart de fabriquer de grossiers vases de terre

ft connu de la plupart des anciennes nations, celui demanufacturer des poteries mailles fut toujours infinimentmoins commun.

Cependant les trusques, parmi les anciens, cultivrentcet art, et lon trouve encore dans les cabinets de curiositsdes spcimens remarquables de leur industrie. Mais cet artse perdit, et na t retrouv qu une poquecomparativement rcente.


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Les poteries trusques eurent une grande valeur chezles anciens : un vase, du temps dAuguste, se vendait aupoids de lor ou de largent.

Les Arabes, ce quil parat, conservrent parmi eux laconnaissance de cet art ; car les Pisans le trouvrent enpleine vigueur dans lle de Majorque, lorsquilssemparrent de cette le en 1115 ; parmi les dpouillesquils emportrent se trouvaient un grand nombre despcimens de lart mauresque, qui furent incrusts, en signede triomphe, dans les murs de plusieurs des anciennesglises de Pise, o on peut les voir encore aujourdhui.

Environ 2 sicles plus tard, les Italiens eux-mmes semirent fabriquer une espce dimitation de cette poteriemaille, laquelle ils donnrent le nom de Majolica,videmment driv de celui de lle o les Maures avaientprcdemment tabli leur manufacture.

Luca della Robbia

Le restaurateur ou rinventeur de lart dmailler, enItalie, fut Luca della Robbia, sculpteur florentin.

Vasari le reprsente comme un homme dunepersvrance infatigable, maniant le ciseau tout le jour, lecrayon la plus grande partie de la nuit, et sappliquant audessin avec une telle persvrance, que, pour garantir sespieds de lengourdissement du froid, lorsquil travaillaittard, il avait coutume de se munir dun panier de chiffonsdont il se servait comme dune chancelire.

Cest ainsi quil russissait se tenir les pieds chaudset quil parvenait continuer son travail. Cela, dit Vasari,ne me surprend pas ; car nul homme ne russit sedistinguer dans un art quelconque, qui ne sest pasaccoutum de bonne heure supporter le chaud, le froid, lafaim, la soif et toutes les incommodits.

Et ceux-l se trompent fort qui supposent que, tout ense donnant leurs aises et sentourant de jouissances, ils


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parviendront jamais une honorable distinction. Ce nestpas en dormant, mais en veillant, singniant et travaillantsans relche, quon arrive la perfection et la clbrit.

Cependant Luca, malgr sa persvrance, ne russitpas, comme sculpteur, gagner assez dargent pour vivre, etcest pourquoi lide lui vint de chercher pour ses travaux demodelage quelque matire plus commode et moins chreque le marbre.

Il fut ainsi conduit se servir dargile et entreprendreune srie dexpriences pour dcouvrir le moyen denduireet de cuire ses modles de faon les rendre durables.

Aprs bien des essais, il russit trouver unecomposition chimique qui, applique sur largile et expose la chaleur intense dun fourneau, se convertissait en unmail peu prs indestructible ; et quelque temps aprs ilcomplta cette dcouverte par celle dun procd decoloration qui ajoutait infiniment la beaut de lmail.

La renomme qui sattachait aux travaux de Lucastendit bientt en Europe, et les spcimens de son art ne

tardrent pas tre recherchs, surtout en France et enEspagne, o il en fut envoy un grand nombre.

Bernard Palissy, ses travaux, ses peines, soninvincible esprance

La France ne produisait cette poque, en fait devaisselle de terre, que des cruches et des pots de grs brun,dont la matire et la forme taient galement grossires. Et

cet tat de choses, que quelques amliorations insignifiantesne parvinrent pas modifier, dura jusqu la venue dunhomme qui, avec un hrosme dont la grandeur jette un clatromanesque sur les vnements dune existence dailleursmalheureuse, lutta contre des difficults vraimentprodigieuses, et parvint ouvrir en France une nouvellecarrire lart du potier : cet homme, ctait BernardPalissy.


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Il naquit, dit-on, vers 1510, la Chapelle-Biron, petitvillage situ entre le Lot et la Dordogne. Son pre tait sansdoute ouvrier verrier, car ce fut dans ce mtier que Bernardfut lev.

Ses parents taient fort pauvres, trop pauvres mmepour lui faire donner la moindre ducation scolastique : Jenai pas eu, dit-il, dautre livre que le ciel et la terre, quilest donn tous de connatre et de lire.

Il apprit cependant peindre sur verre, dessiner, et,plus tard, lire et crire. 18 ans, voyant que la verrerienallait pas, Palissy, le sac sur le dos, quitta la maisonpaternelle, et se mit courir le monde, en qute dune petiteplace au soleil.

Il se dirigea dabord vers la Gascogne, travaillant deson mtier quand il trouvait de louvrage, et employant loccasion une partie de son temps des travauxdarpentage. Il tira ensuite vers le nord et sjourna plus oumoins longtemps en divers lieux, tantt en France, tantt enFlandre ou dans la basse Allemagne.

10 annes scoulrent ainsi, au bout desquelles il semaria. Abandonnant alors la vie errante, il stablit, commepeintre sur verre et arpenteur, dans la petite ville de Saintes,aujourdhui chef-lieu darrondissement dans le dpartementde la Charente-Infrieure.

L, il devint pre de plusieurs enfants, et vit tout lafois sa responsabilit et ses dpenses saccrotre, tandis que,quoi quil pt faire, ses revenus persistaient ne pas

augmenter dans la mme proportion. Aussi avait-il grandbesoin de travail.

Dun autre ct, il se sentait probablement capable dequelque chose de mieux que de vgter dans un tat aussimisrable que celui de peintre sur verre ltait alors, et ce futsans doute ce qui lengagea tourner son attention vers unart de la mme famille que le sien, lart de peindre etdmailler la poterie.


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Cependant, il faut le dire, son ignorance sur ce pointtait grande. Jamais, avant de commencer ses expriences, ilnavait vu cuire de vaisselle de terre. Il avait donc tout apprendre, et cela sans matre, sans aide, seul. Il est vraiquil tait dou dun grand fonds desprance, avide desavoir, et dune persvrance sans bornes.

La vue dune lgante coupe de faence italienne, de lafaon de Luca della Robbia trs probablement, fut ce qui luidonna la premire ide du nouvel art quil se proposait decultiver.

Une circonstance si insignifiante en apparence netsans doute produit aucun effet sur un esprit ordinaire, nimme, en temps ordinaire, sur lesprit de Palissy ; mais dansla disposition o se trouvait alors Palissy, qui justementmditait un changement de profession, la vue de cette coupefut comme un trait de lumire qui illumina son intelligenceet lenflamma dun dsir irrsistible dimiter cet objet de sonenthousiaste admiration.

Sa vie tout entire fut bouleverse par cette

circonstance, et de ce jour la rsolution de dcouvrir lmaildont cette coupe tait recouverte le possda comme unepassion.

Difficults quil eut surmonter

Garon, Palissy ft parti pour lItalie, la recherche dusecret dsir : engag dans les liens de la famille, liens douxet forts, il resta prs de sa femme et de ses enfants, et se

rsigna chercher en ttonnant, dans le milieu obscur o ilse mouvait, le procd quil brlait de dcouvrir.

Dabord il ne put que se livrer des conjectures ausujet des matires qui entraient dans la composition delmail, et il dut faire toutes sortes dexpriences poursassurer de ce quelles taient rellement.

Stant procur toutes les substances quil jugeaitpouvoir entrer dans cette composition, il acheta des pots de


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terre commune, les mit en pices, et aprs avoir recouverttous ces fragments des divers enduits quil avait prpars, illes soumit la chaleur dun fourneau quil avait construit cet effet.

Il ne russit pas dans ses tentatives ; ettout le rsultatquil obtint fut une grande quantit de pots casss, et uneperte considrable de bois de chauffage, de substanceschimiques, de temps et de travail.

Les femmes nprouvent pas en gnral un trs vifintrt pour les expriences qui dissipent en fume largentdont elles auraient besoin pour la nourriture et lhabillementde leurs enfants ; et celle de Palissy, quelque soumisequelle pt tre dailleurs, ne pouvait que difficilement sefaire lide de voir dpenser de largent en pots qui nesemblaient achets que pour tre mis en morceaux.

Il fallut bien pourtant que la pauvre femme se soumt ;car Palissy tait sous lempire dune rsolution que pour rienau monde il net abandonne, celle de se rendre matre dusecret de lmail.

Pendant des mois, pendant des annes, il continua sesexpriences. Mcontent du premier fourneau, il enconstruisit un autre, hors de la maison. L, il brla dautrebois, gta dautres drogues et dautres pots, et perdit tant detemps et dargent, quil finit par se trouver, avec toute safamille, aux prises avec la misre.

Dans les intervalles qui sparaient ses diversesexpriences, il travaillait bien, quand il le pouvait, son

premier tat, peignait sur verre, dessinait des portraits,arpentait ; mais ce que lui rapportaient ces divers travauxtait bien peu de chose.

la fin il se trouva rduit, tant le prix du bois dechauffage tait pour lui une lourde charge, ne pouvoir pluspoursuivre ses expriences dans son propre fourneau.

Mais il nen continua pas moins acheter des poteriesde rebut, les briser, comme devant, en 300 ou 400 cents


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pices, et les recouvrir de diverses compositionschimiques. Seulement, ne pouvant les faire cuire chez lui, illes porta une fabrique qui se trouvait une lieue et demiede Saintes, pour les y faire cuire dans un four ordinaire.

Il ne manqua pas daller surveiller le rsultat delopration, dans laquelle, son grand chagrin, il chouaencore une fois.

Dsappoint, mais invincible, il rsolut sur le champ detout recommencer. Voil bien lindomptable persvrance laquelle on reconnat les hros.

Sur ces entrefaites, des travaux darpentage vinrentlarracher pendant une courte saison la poursuite de sesexpriences. Un dit de rforme de la gabelle avait ordonnquon levt le plan des marais salants des environs deSaintes ; et Palissy fut employ la leve de ce plan.

Ce travail, qui lui donna pendant quelque temps assezdoccupation, lui fut sans doute assez bien pay ; maisPalissy ne leut pas plutt termin, quil se remit, avec plusdardeur que jamais, la chasse lmail.

Il commena par briser 3 douzaines de pots de terreneufs, recouvrit ces fragments de poterie de diversessolutions chimiques et les porta cuire une verrerie duvoisinage. Le rsultat lui donna une lueur desprance : lachaleur plus forte du four verre avait fondu et incorpor la terre quelques-uns de ses enduits. Mais Palissy eut beauchercher une trace dmail blanc ; il ne trouva rien.

2 annes encore il continua ses essais et ses recherches

sans rsultat visible ; et, ayant au bout de ce temps dpenstout ce que lui avait rapport la leve du plan des maraissalants, il se trouva de nouveau rduit la pauvret. Alors ilse dcida faire un dernier et suprme effort, et commenanaturellement par briser plus de pots que jamais.

Ayant recouvert de ses diverses prparations environ300 de ces morceaux, il les envoya la verrerie, o il serendit bientt lui-mme pour sassurer du rsultat de la


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cuisson. 4 heures se passrent, durant lesquelles il ne cessade surveiller lopration. Enfin on ouvrit le four.

Sur un seul des 300 morceaux de poterie lenduit avaitfondu. On le mit refroidir lair. En durcissant, il devintblanc... blanc et poli ! Ce fragment de pot cass tait bienrellement recouvert dun mail reprsent par Palissycomme singulirement beau !

Et en effet il dut lui paratre beau, aprs une si longueet si pnible attente. Il courut chez lui pour le montrer safemme, et se sentant, comme il le dit lui-mme, un nouvelhomme. Il ntait pourtant pas au bout de ses peines ; car lesuccs partiel de ce soi-disant dernier effort neut, pour lemoment du moins, dautre effet que de lengager dans unenouvelle srie dexpriences et dinsuccs.

Pour travailler en libert, et en secret, auperfectionnement de son invention, quil croyait dj bienprs daboutir un rsultat pratique, il rsolut de se btir lui-mme, prs de sa maison, un four verre ; et, de sespropres mains, il se mit aussitt au travail.

Il allait lui-mme chercher les briques la tuilerie, lesportait sur son dos, les plaait, se faisant ainsi tout ensemblemaon, homme de peine, et le reste.

Au bout de 7 ou 8 mois passs de cette faon, le four setrouva bti et prt recevoir les poteries que Palissy avaitprpares : car, tout en btissant son four, il avait moul uncertain nombre de vases de grs, qui nattendaient plus quelmail.

Aprs une lgre cuisson prparatoire, il les recouvritde sa composition maillante, et les mit de nouveau dans lefour pour leur faire subir la grande et dfinitive preuve. Ilavait, dans ces derniers temps, malgr lpuisement peuprs complet de ses ressources, accumul une provision debois considrable, et il croyait en avoir assez pour ce derniereffort.


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Le feu fut donc allum, et lopration commena.Palissy ne perdait pas un instant son four de vue. La journetout entire se passa ainsi, puis la nuit : Palissy veillaittoujours, et toujours alimentait le feu. Cependant lmail nefondait pas.

Le soleil vint une seconde fois clairer ses travaux ; safemme lui porta sa part du maigre djeuner de la famille, ilnaurait pour rien au monde quitt le four, dans lequel il necessait de jeter de temps en temps du bois, mais le second

jour se passa sans que lmail fondt.

Le soleil se coucha ; Palissy, lui, ne se couchait pas.Ple, hagard, la barbe longue, dsespr, maisne se rendantpas, il restait prs de son four, regardant de tous ses yeux sienfin lmail ne fondait pas.

Un 3me jour et une 3me nuit se passrent ; un 4me, un5me, un 6me enfin... oui, pendant 6 longs jours et 6 mortellesnuits linvincible Palissy, malgr la ruine de toutes sesesprances, veilla et travailla...mais lmail ne fondit pas.

Il lui vint alors lesprit que son insuccs tenait peut-

tre la qualit des matires employes ; que leur fusionavait pu ntre pas complte ; et le voil qui se remet triturer et mlanger des matires fraches, en vue dunnouvel essai.

2 ou 3 semaines se passrent encore ainsi ; mais otrouver largent ncessaire lacquisition des pots auxquelsle nouvel mail tait destin ?

Ceux quil avait lui-mme faonns, en vue de la

tentative prcdente, avaient t si compltement gts parune trop longue cuisson, quils ntaient absolument plusbons rien. Il en fallait dautres ; et Palissy navait plusdargent. Il restait un moyen : emprunter.

Quoique sa femme et ses voisins laccusassent degaspiller follement ses ressources en expriences futiles, il

jouissait dune bonne rputation. Il trouva donc facilementla somme dont il avait besoin pour acheter dautres pots et


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dautre bois, et tout fut bientt prt pour une nouvelletentative. Les pots dment enduits et soigneusement placsdans le four, le feu fut encore une fois allum.

Ses expriences sur lmail finissent par aboutir

Cette tentative tait bien la dernire : ctait la tentativedu dsespoir. Palissy fit donc un feu flamboyant ; mais, endpit dune chaleur intense, lmail ne fondait pas. Dj lebois commenait manquer. Comment entretenir jusquaubout ce feu denfer !

Palissy regarde autour de lui, et ses regards tombent surles palissades du jardin, bois sec, et qui brleraitadmirablement. Qutait-ce quun pareil sacrifice au prix dela grande exprience dont le succs ne tenait peut-tre ququelques copeaux de bois ! Les palissades sont arraches et

jetes la fournaise.

Vain sacrifice ! Lmail ne fond pas encore. 10 minutesde plus de chaleur feraient peut-tre laffaire ! Il faut dubois, du bois encore, du bois tout prix ! Plutt brler sesmeubles que de voir manquer cette dernire exprience !

Un fracas terrible se fait entendre dans la maison, et, aumilieu des cris de sa femme et de ses enfants, qui, cette fois,craignent srieusement que Palissy ne soit rellement fou,celui-ci arrive charg de morceaux de tables et de chaisesbrises quil jette dans la fournaise.

Cependant lmail ne fond pas encore. Il ne reste plusque les planchers. Va donc pour les planchers ! Un bruit de

coups de marteau et de planches brises se fait une secondefois entendre dans la maison, et bientt les ais arrachssuivent dans le feu la route qua prise le mobilier.

Femme et enfants, cette fois, se prcipitent hors de lamaison, et, dsesprs, sen vont par la ville, criant que lepauvre Palissy est devenu fou, et quil brle sa maison pourfaire cuire ses pots.


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Cependant Palissy, qui depuis un mois navait paschang de linge, tait absolument puis, rendu de fatigue,danxit, djeunes et de veilles. Endett de plus, ilsemblait, nest-ce pas, tomb au dernier chelon de laruine ?

Eh bien, ctait tout le contraire : il avait trouv lesecret ; la dernire bouffe de chaleur avait fondu lmail.Les grossiers vases de grs brun, sortis du four et refroidis lair, se trouvrent transforms en belle faence blanche.

Dsormais Palissy pouvait endurer patiemment lesreproches, les outrages et les mpris. Lhomme de gnie,grce la tnacit de son inspiration, avait remport lavictoire ; il avait arrach la nature un de ses secrets, etpouvait loisir attendre que des jours meilleurs lui offrissentloccasion de mettre profit sa dcouverte.

La premire chose quil fit, aprs lvnement quenous venons de raconter, fut dengager un ouvrier potier,auquel il fournit les modles sur lesquels celui-ci devaittravailler, pendant que lui-mme soccupait de modeler en

argile des mdaillons quil se proposait dmailler.Mais comment vivre, lui et sa famille, en attendant que

ses poteries fussent bonnes vendre ?

Fort heureusement, il se trouvait encore Saintes unhomme qui croyait lhonntet, sinon au bon sens dePalissy. Ctait un aubergiste, et il sengagea nourrir et loger Palissy pendant les 6 mois ncessaires lachvementdes travaux commencs.

Mais que faire de louvrier potier quil avait engag ?car Palissy ne tarda pas sapercevoir de limpossibilit oil se trouvait de lui payer le salaire convenu. Ayant djdpouill sa maison, il ne lui restait plus qu se dpouillerlui-mme, ce quil fit. Quelques vtements dont il disposaen faveur de son ouvrier lui permirent de retenir sesservices.


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Ce ne fut qu force dexpriences quil acquit lart detravailler avec dextrit et confiance en soi-mme ; et il nedut ses connaissances pratiques qu ses nombreux insuccs.

Chaque accident, il est vrai, tait pour lui une leon quilui apprenait quelque chose de la nature des maux, de lamallabilit des terres et de lart de chauffer les fourneaux.

Enfin, au bout denviron 16 ans de labeur assidu queson apprentissage dartiste avait dur, 16 ans pendantlesquels il avait d tout apprendre seul, et en remontant pourtout aux premiers commencements, Palissy se sentit assezsr de lui-mme pour se donner comme potier ; et, ayantdsormais des produits vendre, il vit enfin sa famille vivredans laisance.

Pour lui, il ne se reposa jamais, et jamais ne crut avoirassez fait. Il marcha, pas pas, de progrs en progrs, visanttoujours la plus grande perfection possible. Il prit sesmodles dans la nature, et les reproduisit avec tant desuccs, que Buffon a dit, en parlant de lui, que la natureseule pouvait produire un si grand naturaliste.

Ses poteries ornementales sont aujourdhui mises aurang des plus prcieuses uvres dart et se vendent desprix fabuleux (8). Ce sont pour la plupart desreprsentations daprs nature, et dune exactitudemerveilleuse, danimaux sauvages, de lzards et de plantes,tudis par lui dans la campagne des environs de Saintes, etintroduits avec un got exquis, comme ornements, dans lacomposition de plats et de vases.

Quand Palissy eut enfin conscience davoir atteintlapoge de son art, il sintitula Ouvrier de Terre etInventeur des Rustiques Figulines. Son uvre taitacheve ; linvention de la poterie maille ne laissait rien dsirer ; le sublime ouvrier de terre, aprs 20 ans dunlabeur inspir, avait dot lindustrie franaise dun art aussiprcieux que nouveau.


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Il ne nous reste que quelques mots dire, et cependantnous nen avons pas encore fini avec le martyre de Palissy.

Professant en matire de religion des opinions quintaient pas celles de la majorit, et les exprimant aveclibert et franchise, il ne tarda pas tre regard comme unennemi de la religion, de la famille et de la proprit. Ilvivait dans un sicle de violence et dintolrance, o lontenait peu de compte de la libert des opinions.

Il fut dnonc, et les missaires de la justicepntrrent dans sa maison et abandonnrent son atelier une multitude ignorante et fanatique, qui brisa et mit aupillage ses prcieuses poteries, pendant que Palissy lui-mme tait enlev et conduit Bordeaux, o il fut jet enprison, pour y attendre que son tour vint de paratre sur lebcher ou sur lchafaud.

Heureusement, un puissant seigneur, le conntable deMontmorency, sinterposa pour lui sauver la vie. Ce ne futpas toutefois par gard pour les opinions de Palissy, maispar gard pour ses faences.

Palissy en effet tait le seul artiste qui pt excuter lesbriques mailles dont le conntable voulait faire paver lessalles du magnifique chteau quil faisait alors construire Ecouen. Cette considration tait en ralit la seule qui letoucht.

Il usa si bien de son influence quun dcret fut rendu,en vertu duquel Palissy tait attach, en qualit dInventeurdes Rustiques Figulines, la maison du roi et celle du

conntable. Ce dcret eut pour effet immdiat denleverPalissy la juridiction du parlement de Bordeaux.

Il fut en consquence mis en libert, et revint Saintes,o il ne trouva quun foyer dsert et dvast, son atelier ciel ouvert et sa fabrique ruine. Secouant alors la poussirede Saintes de ses souliers, il quitta cette ville, pour ny plusrevenir.


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Il se rendit Paris, o lappelaient les travaux qui luiavaient t commands par le conntable et la reine mre,et, pendant la dure de ces travaux, eut un logement auxTuileries.

Palissy ne se borna pas poursuivre, avec laide de ses2 fils, la manufacture des poteries ; il crivit en outre etpublia, durant les dernires annes de sa vie, plusieursouvrages sur lart du potier, ouvrages destins instruire sescompatriotes et les mettre en garde contre les erreurs danslesquelles il navait pu, lui, sempcher de tomber.

Il crivit aussi sur lagriculture, sur la fortification, etsur lhistoire naturelle, et fit mme, devant un nombre choisidauditeurs, un cours sur ce dernier sujet. Mais la guerreincessante quil faisait aux adeptes de lastrologie, delalchimie, de la sorcellerie et autres impostures, lui crabeaucoup dennemis, qui de nouveau le dnoncrent commehrtique.

Il fut encore une fois arrt, resta 5 ans enferm laBastille, et y mourut en 1589, g de 80 ans. Ainsi finit et

fut rcompens le pauvre Ouvrier de terre, Inventeur de lapoterie maille et des Rustiques Figulines.

Dcouverte de la porcelaine dure par Bttgher,alchimiste de llecteur de Saxe

La dcouverte de la porcelaine dure, dont limportanceindustrielle, par la valeur des produits et le nombre desouvriers employs, a t plus grande encore pour la France

que celle de la faence, est due un Allemand, nommBttgher, dont la tragique histoire semble un chapitre deroman.

Il naquit Schleiz dans le Voightland en 1685, et, lge de 12 ans, fut plac en apprentissage, Berlin, chez unapothicaire.

Il parat quil eut, ds lenfance, un got prononc pourla chimie, et quil employait la plus grande partie de ses


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loisirs faire des expriences qui, presque toutes, tendaientvers un but unique, lart de convertir en or les mtauxcommuns.

Au bout de quelques annes, Bttgher prtendit avoirdcouvert le fluide ou la teinture tant et si vainementcherche par les alchimistes, et avoir par ce moyen russi faire de lor.

Il donna devant son patron, lapothicaire Zrn, unereprsentation de sa prtendue puissance, et, par on ne saitquelle supercherie, parvint lui faire croire, ainsi quplusieurs autres tmoins, quil avait rellement chang ducuivre en or.

La nouvelle que lapprenti de lapothicaire venait dedcouvrir le grand secret ne tarda pas se rpandre, et laboutique se vit bientt encombre dune foule avide decontempler, ne ft-ce quune fois, le jeune et prodigieuxcuisinier de lor !

Frdric Ier lui-mme exprima le dsir de le voir et delui parler ; et celui-ci, lui ayant offert un petit morceau de

lor quil prtendait avoir fait avec du cuivre, le roi fut simerveill de lide de voir affluer dans ses coffres cemtal, dont la Prusse se trouvait justement avoir le plusgrand besoin, quil rsolut de sassurer des services deBttgher et de lemployer faire de lor, en ayant soin, pourplus de sret, de lenvoyer travailler dans lenceinte de laforteresse de Spandau.

Le jeune apothicaire prit la fuite en toute hte et russit

passer la frontire de Saxe. Le roi offrit, mais en vain, unercompense de 1000 thalers celui qui larrterait. Bttgherarriva Wittenberg et se mit aussitt sous la protection dellecteur de Saxe Frdric Auguste Ier, roi de Pologne,surnomm le Fort.

Frdric se trouvait aussi, cette poque, avoir grandbesoin dargent, et il fut ravi de la perspective de senprocurer, discrtion, par lentremise du jeune alchimiste. Il


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le manda donc en secret Dresde, et ly fit conduire par uneescorte royale.

Bttgher avait peine quitt Wittenberg quunbataillon de soldats prussiens se prsenta aux portes de laville, demandant son extradition. Mais il tait trop tard :Bttgher tait dj Dresde, log la Maison Dore, ettrait avec les plus grands gards, quoique strictementsurveill et tenu sous bonne garde.

Llecteur, oblig de partir pour son royaume dePologne, qui se trouvait alors dans un tat de perturbationprofonde, dut laisser Bttgher travailler seul pendantquelque temps.

Mais son impatience davoir de lor tait telle, quilcrivit Bttgher, de Varsovie, pour le presser de luicommuniquer le secret, afin quil pt lui-mme se mettre pratiquer lart de la transmutation des mtaux.

Le jeune cuisinier de lor, ainsi mis en demeure,envoya Frdric une petite fiole contenant un liquiderougetre qui, disait-il, vers sur nimporte quel mtal en

fusion, le changeait en or. Cette fiole prcieuse fut confieau prince Frst von Frstenburg qui, escort par un rgimentdes gardes, sempressa de partir pour Varsovie.

son arrive, il fut dcid quon ferait immdiatementlpreuve du procd. Le roi et le prince senfermrent dansune chambre secrte du palais, ceignirent le tablier de cuir,et, en vritables cuisiniers de lor, se mirent luvre.

Ils firent fondre du cuivre dans un creuset, puis y

versrent le fluide rouge de Bttgher ; mais le rsultat futloin de rpondre leur attente : car, quoi quils pussentfaire, le cuivre sobstina rester cuivre.

Toutefois, en relisant les instructions de lalchimiste, leroi saperut que pour mener bien lentre prise, il fallaittre, lorsquon se servait du fluide, en tat de grce ; etcomme Sa Majest avait conscience davoir pass la soire


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en trs mauvaise compagnie, elle attribua cette cause lepeu de succs de lexprience.

Une seconde tentative naboutit pas de meilleursrsultats que la premire, et le roi alors entra dans unegrande colre ; car il stait confess et avait reulabsolution avant de tenter cette seconde preuve.

Frdric Auguste, ne sachant comment sortir desembarras pcuniaires qui le pressaient de toutes parts,rsolut enfin darracher de force son prcieux secret Bttgher.

Lalchimiste, en apprenant quelles taient les intentionsroyales son gard, chercha de nouveau son salut dans lafuite. Il russit chapper ses gardiens, et, aprs 3 jours demarche, il arriva Ens en Autriche, o il se crut en sret.

Cependant les agents de llecteur de Saxe taient sapoursuite. Ayant russi suivre ses traces jusqu laubergedu Cerf dor, ils entourrent la maison, saisirent Bttgherdans son lit, et, malgr sa rsistance et ses appels laprotection des autorits autrichiennes, le ramenrent de

force Dresde.

L, il fut surveill plus strictement que jamais, et peude temps aprs il fut transfr la forteresse de Knigstein,o on lui fit savoir que les coffres du roi taient parfaitementvides ; que lon comptait sur son or pour payer larrir deleur solde 10 rgiments de Polonais qui menaaient de sedbander ; et que sil ne se mettait pas immdiatement faire de lor, il seraitpendu !

Des annes se passrent sans que la moindre parcelledor ft produite. Cependant Bttgher ne fut pas pendu. Illui tait rserv de faire une dcouverte bien plus importanteque celle de la transmutation du cuivre en or : ctait cellede la transformation de largile en porcelaine.

Quelques rares spcimens de ce produit industrielavaient t rapports de la Chine par les Portugais, et sevendaient leur pesant dor, et plus.


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Lattention de Bttgher fut dirige vers cet objet parWalter von Tschirnhaus, fabricant dinstruments doptique,et alchimiste comme lui.

Histoire romantique et fin tragique de Bttgher

Tschirnhaus tait un homme bien lev et distingu, etfort estim du prince de Frstenburg, aussi bien que dellecteur. Il dit avec beaucoup de raison Bttgher, quitait encore sous lempire de la crainte dtre pendu : Sivous ne pouvez pas faire de lor, essayez de faire autrechose, de la vaisselle de terre, par exemple.

Lalchimiste ne se le fit pas dire 2 fois : il commenaaussitt ses essais, et avec une ardeur qui ne se ralentissaitni la nuit ni le jour. Malgr son assiduit au travail, sesinvestigations neurent pendant longtemps quun fortmdiocre succs.

la longue cependant, une certaine argile rouge, dontil se servait pour ses creusets, frappa son attention et le mitdans la bonne voie. Il saperut que cette argile, soumise une haute temprature, se vitrifiait et conservait la formequon lui avait donne, et que son grain, couleur et opacit part, ressemblait celui de la porcelaine.

Le fait est quil avait par hasard dcouvert laporcelaine rouge, quil se mit aussitt fabriquer et vendrecomme de vraie porcelaine.

Bttgher nignorait pas toutefois que la couleurblanche tait une proprit essentielle de la vraie porcelaine,

et il continua ses expriences, esprant bien qu la longue ilfinirait par dcouvrir le secret dsir.

Cependant plusieurs annes staient passes ainsi,sans que le moindre succs couronnt ses efforts, lorsque lehasard vint encore une fois le servir souhait, en lui faisantdcouvrir le secret de la porcelaine blanche.


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Un jour, ctait en 1707, Bttgher, trouvant que saperruque tait plus lourde que de coutume, demanda sonvalet la raison de ce phnomne extraordinaire. Celui-ci luidit que cela tenait la poudre dont la perruque taitcouverte, et qui ntait autre chose quune espce de terredont on se servait alors comme de poudre poudrer.

La vive imagination de Bttgher sempare aussitt decette observation : Ne serait-il pas possible, se dit-il, quecette terre blanche et poudroyante ft la terre mme que jecherche ? En tous cas, ne laissons pas chapper loccasionde savoir exactement quoi nous en tenir ; et il se mit

luvre.Il fut bien rcompens de ses peines et de sa vigilance ;

car il dcouvrit que le principal ingrdient de cette poudretait le kaolin ou terre porcelaine, dont labsence avait tdans toutes ses expriences une cause insurmontabledinsuccs.

La dcouverte, sous les mains intelligentes de

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