Sécurité délinquance jeunes_revu_edlq_2010

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Les questions de sécurité

Prévenir, réprimer, réinsérer

Pour un débat objectif et sérieux Guillaume de Walque

Xavier Bodson

Février 2010

Editrice responsable : A. Poutrain – 13, Boulevard de l’Empereur – 1000 Bruxelles

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A. Introduction ................................................................................... 2

B. Objectiver la situation .................................................................... 2

1. Les statistiques ........................................................................ 3

1. Généralités ........................................................................ 3

2. La délinquance des mineurs ................................................. 5

2. Le Moniteur de la sécurité .......................................................... 6

3. La situation carcérale ................................................................ 7

4. Le contexte socio-économique ................................................... 8

C. Renforcer la prévention .................................................................. 9

1. Les plans stratégiques de sécurité et de prévention ...................... 9

2. La prévention éducative .......................................................... 10

D. Soutenir l’aide à la jeunesse ......................................................... 10

1. Généralités ............................................................................ 10

2. La loi de 1965 ........................................................................ 11

3. Les propositions de l’IEV ......................................................... 13

1. Une meilleure connaissance des phénomènes de délinquance juvéniles ............................................................................... 13

2. Consolider la coordination et la concertation entre les différents niveaux de pouvoir pour apporter une réponse cohérente à ces jeunes................................................................................... 14

3. Utiliser tout le potentiel de la loi de 1965 et octroyer plus de moyens ................................................................................. 14

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A. Introduction L’objectif fondamental pour toute société est d’émanciper chaque être humain. Cette émancipation passe notamment par l’autonomie matérielle et la garantie des droits fondamentaux. Elle suppose également que la sécurité de chaque citoyen soit garantie. Il n’y a pas de liberté effective sans sécurité. Les questions de sécurité doivent être envisagées sous une approche globale et transversale. Tous les volets doivent être abordés et traités conjointement : éducation, prévention, répression et réinsertion. De nombreux niveaux de pouvoir sont dès lors concernés : l’Etat fédéral, les Régions, les Communautés et les communes. Répondre aux questions de sécurité appelle un travail sur les mécanismes de prévention, sur les mesures adéquates de répression et sur la restauration du lien social. Il est fondamental d’adopter une approche qui ne soit ni emprunte de catastrophisme ni d’angélisme. Ces derniers mois, une série d’événements ont focalisé l’attention des médias, impliquant à tort ou à raison des mineurs d’âge. Ces événements ne doivent nullement être minimisés. Il s’agit de les remettre dans leur juste contexte, notamment sur la base des statistiques liées à la criminalité, sur les mesures d’aide et/ou de répression et sur les responsabilités politiques en matière de sécurité. Cette analyse cherche à objectiver la situation pour ensuite proposer des mesures concrètes. Elle n’aborde toutefois pas les questions de sécurité civile.

B. Objectiver la situation Le débat sur l’insécurité est généralement alimenté par des faits divers, plus ou moins graves, de manière récurrente. Pour répondre de manière globale à cet enjeu complexe, il est indispensable d’objectiver la situation sur la base de chiffres et faits précis. Lors des débats qui ont suivi les différents faits divers qui ont émaillés la fin de l’année 2009 et le début 2010, le Ministre de la Justice s’est appuyé, dans sa réflexion, sur une note de synthèse de 2009 intitulée « La sécurité à Bruxelles » de Brussels studies.1 Selon cette étude, « contrairement à ce que l’on pourrait croire, la situation bruxelloise en termes de sécurité est stable. Il n’y a pas de hausse des chiffres de la délinquance. Le taux de victimisation est bien sûr élevé, mais l’analyse des chiffres montre que, si les faits délictueux sont plutôt fréquents, ils sont d’une gravité relative : 57% des

1 MINCKE, Ch., SMEETS, S. et ENHUS, E., La sécurité à Bruxelles, note de synthèse n° 2, Brussels studies, 5 janvier 2009.

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délits rapportés sont des vols et extorsions, tandis que seuls 7% sont des atteintes à l’intégrité physique. » La criminalité, comme le sentiment d’insécurité, varient en fonction des Régions. Ils sont plus élevés à Bruxelles qu’en Wallonie ou en Flandre, même si l’on constate une diminution entre le premier semestre 2009 et le premier semestre 2008.

1. Les statistiques

1. Généralités Selon les chiffres de la police fédérale et comme l’indique le tableau ci-dessous, les statistiques belges de criminalité sont, de manière générale, stables depuis 2000.2 Le vol est la forme de criminalité enregistrée la plus courante. Elle présente globalement une baisse par rapport au début de la décennie. Des tendances divergentes s’observent cependant : le vol de voiture est en diminution constante, tandis que le cambriolage des habitations augmente. Ce que confirme le Baromètre de la criminalité3 : « La violence contre la propriété (vandalisme), de même que contre les personnes, augmente. Ce sont surtout les coups et blessures qui connaissent une forte hausse, laquelle se manifeste dans la violence entre conjoints (son enregistrement s’est amélioré sous l’effet de la circulaire du Collège des Procureurs généraux à ce sujet). » Le chiffre total de la criminalité enregistrée concernant les délits commis au cours du premier semestre 2009 recule de près de 3% par rapport au premier semestre de 2008.

2 Statistiques policières de criminalité, 2000-premier semestre 2009, Police Fédérale, CGOP/Données de gestion. 3 Statistiques policières de criminalité par trimestre, « Baromètre de la criminalité », Police Fédérale, CGOP/Données de gestion.

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Statistiques globales de la criminalité enregistrée en Belgique

En Région wallonne, le niveau global de la criminalité est en légère diminution depuis les années 2000 : Statistiques globales de la criminalité enregistrée en Région wallonne

A Bruxelles, le tableau ci-dessous indique une quasi stabilité de 2000 à 2008 et une amélioration pour le premier semestre 2009, notamment dans la zone de police Bruxelles-Ouest qui a enregistré une baisse de 14% du nombre d’infractions par rapport au premier semestre 2008.

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Statistiques globales de la criminalité enregistrée en Région bruxelloise

L’analyse de la criminalité en fonction de l’âge des suspects montre un pic autour de 19-20 ans. La majeure partie des faits étant commise entre l’âge de 15 et 40 ans. Si l’on ne prend en considération que les vols, on constate une concentration entre 15 et 18 ans. Pour les coups et blessures volontaires, on constate un pic entre 18 et 20 ans.4 Cette étude souligne encore que « ces images contrastées montrent combien il peut être imprudent de tirer des conclusions trop générales, tant le concept de délinquance recouvre des réalités fort différentes. »

2. La délinquance des mineurs La délinquance des mineurs ne concerne qu’une très petite minorité de jeunes. 1,8% des mineurs sont signalés aux parquets jeunesse pour un « fait qualifié infraction », c’est-à-dire un fait qui serait constitutif d’une infraction pénale s’il avait été commis par un adulte. Une proportion importante était relative à des infractions de moindre gravité : 42,7% des affaires concernaient en effet une atteinte aux biens (vol) ; 14,4% des infractions en matière de roulage ; et 11,3% des infractions en matière de stupéfiants et 17,8% avaient trait à des atteintes aux personnes.5

4 VANNESTE, Ch., GOEDSEELS, E. et DETRY, I., La statistique ‘nouvelle’ des parquets de la jeunesse : regards croisés autour d’une première analyse, Institut National de Criminalistique et de Criminologie, SPF Justice, 2008, pp. 78 et suivantes. 5 VANNESTE, Ch., GOEDSEELS, E. et DETRY, I., La statistique ‘nouvelle’ des parquets de la jeunesse : regards croisés autour d’une première analyse, Institut National de Criminalistique et de Criminologie, SPF Justice, 2008, pp. 30 et suivantes.

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En d’autres mots, le taux de signalement auprès des parquets de la jeunesse pour un ou plusieurs fait(s) qualifié(s) infraction(s) est très faible pour les infractions graves : seul 1 mineur sur 100.000 a été signalé en 2005 comme suspecté d’implication pour un meurtre ou un homicide, 1 mineur sur 10.000 dans un vol avec présentation ou utilisation d’une arme. Enfin, toujours selon la même étude, la délinquance des mineurs tend à diminuer au cours de ces 40 dernières années : « le nombre de signalements enregistrés pour des faits qualifiés infractions est de l'ordre de 60.000 en 1968, 64.000 en 1987 et 50.000 en 2005. »

2. Le Moniteur de la sécurité Selon le Moniteur de la sécurité 2008-2009, le sentiment d’insécurité enregistre une diminution constante en Belgique depuis 2002.6 Le nombre de personnes interviewées qui se sentent « toujours » et « souvent » en insécurité est de 7,9% en 2008-2009. Les chiffres du sentiment d’insécurité par Région varient comme suit: 11% des Wallons, 18,6% des Bruxellois et 7% des Flamands se disent « toujours » ou « souvent » en insécurité. S’il est significativement plus élevé que dans les autres Régions, le sentiment de sécurité a augmenté à Bruxelles : les Bruxellois se sentant « rarement » ou « jamais » en insécurité est passé de 47% à 52% entre 2006 et 2008. De manière générale, ce sont les personnes de plus de 65 ans, les femmes et les personnes qui n’ont pas suivi de formation supérieure qui se sentent davantage en insécurité que les autres. Les problématiques de quartier qui touchent particulièrement les citoyens belges sont, par ordre décroissant, 1) la vitesse non adaptée au trafic (65% des personnes interrogées considèrent « tout à fait » ou « un peu » cette question comme un problème), 2) les cambriolages dans les habitations (53%), 3) la conduite agressive dans la circulation (45%), 4) les objets divers qui traînent dans la rue (45%), 5) les nuisances sonores causées par le trafic (35%) et 6) le vol dans les voitures (30%). A nouveau, des distinctions s’opèrent selon les Régions. En Wallonie, outre les 4 premières problématiques citées au niveau fédéral ci-dessus, les nuisances sonores et la destruction d’abribus posent un problème (environ 40%). A Bruxelles, outre les 4 problématiques présentes au niveau fédéral, les vols dans les voitures (62%), les nuisances sonores causées par le trafic (55%) et les murs et/ou bâtiments salis (55%) sont également considérés comme problématiques. Concernant les délits contre les personnes, 7,4% des personnes interrogées considèrent qu’elles ont été victimes au cours des 12 mois précédents de menace de violence physique, 9% de violence physique, 3% de délit de fuite dans la circulation, 4,5% de vol (vol sur la personne avec ou sans violence et vol en absence de la victime) et 1,2% d’un délit sexuel. Depuis 1997, c’est la rubrique

6 VAN DEN STEEN, I., VAN DEN BOGAERDE E. et DE BIE, A., sous la direction de KLINCKHAMERS, P. et VANDENDRIESSCHE, M., Moniteur de sécurité 2008-2009, Analyse de l’enquête fédérale, Police fédérale, Direction de l’information policière opérationnelle. L’enquête porte sur un échantillon de 37.000 personnes.

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« menace de violence physique » qui se retrouve en tête, avec une évolution à la hausse importante. La sous-catégorie « vol sur une personne sans menace/violence » a diminué entre 2000 et 2004 et est stable depuis, tandis que la catégorie « violence physique » a augmenté entre 2006 et 2008. En Wallonie, 4,6% des personnes interrogées se disent victimes de vols en 2008, 9,8% de violence physique, 3% de délit de fuite dans la circulation et 0,7% d’un délit sexuel. A Bruxelles, 8,5% se disent victimes de vols en 2008, 13,6% de violence physique, 4,8% de délit de fuite dans la circulation et 2,6% d’un délit sexuel. Le risque estimé d’être victime de délits dans les 12 prochains mois a également diminué de manière importante, et ce, qu’elle que soit la catégorie de délit. 33,2% des citoyens pensent courir un risque « très élevé » et « élevé » d’être victime d’un délit de la circulation (contre 45,6% en 2000), 22,2% d’un cambriolage (contre 28,8% en 2000), 19,3% d’un vol sans (menace de) violence (contre 26,9% en 2000) et 11% de violence physique ou de menace de violence physique (contre 17,1% en 2000). Ces données varient selon les Régions. En Wallonie, 34,6% des personnes interrogées estiment courir un risque d’être victime d’un délit de la circulation, 25% d’un cambriolage, 20,8% d’un vol sans (menace de) violence, 10,8% de (menace de) violence physique. A Bruxelles, 39,5% des personnes interrogées estiment courir un risque d’être victime d’un délit de la circulation, 26,2% d’un cambriolage, 28,7% d’un vol sans (menace de) violence et 16,8% de (menace de) violence physique.

3. La situation carcérale Les prisons belges connaissent un important problème de surpopulation carcérale. Il y a actuellement 10.326 détenus, alors que la capacité maximale de nos prisons est de 8.529 places. Il faut en premier lieu rappeler que la prison a pour objectifs de protéger la société contre les dangers générés, dans certains cas, par la personne détenue, de lui permettre de réparer le dommage causé et de favoriser la réinsertion sociale du détenu. La prison, on le sait suffisamment, est dévastatrice. L’existence « d’effets préjudiciables liés à la détention » a été consacrée dans la loi du 12 janvier 2005 sur le statut des détenus. La privation de liberté doit dès lors constituer « la réponse ultime ». Dans ce cadre, l’IEV entend privilégier pour les faits les moins graves l’adoption et la mise en œuvre de peines alternatives à la détention (travaux d’intérêtgénéral, peine de travail, etc.), qui constituent des réponses plus appropriées. Il demande également de relancer la réflexion sur la nécessité de réformer le régime de la détention préventive (voir ci-dessous). Afin de lutter contre la surpopulation carcérale, le Gouvernement fédéral a adopté le 18 avril 2008 un « Masterplan 2008-2012 pour une infrastructure carcérale plus humaine », qui prévoit la rénovation de prisons existantes et la construction de nouvelles prisons. La plupart de nos prisons datent en effet du XIXème siècle et nécessitent d’importantes transformations. De nouveaux

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établissements pénitentiaires seront construits pour faire face au problème de surpopulation carcérale. En résumé, ce plan prévoit pour la partie francophone du pays :

- des programmes de rénovation à Saint-Gilles, Forest et Tournai ; - une extension de la capacité dans les centres fermés d’Everberg et de

Saint-Hubert (sections jeunes) ; - la construction de nouvelles prisons à Haren (Bruxelles), Sambreville (lieu

encore à déterminer), Marche-en-Famenne et Leuze-en-Hainaut et d’un centre fermé pour jeunes à Achêne.

Stefaan De Clerck, le Ministre de la Justice, et Didier Reynders, le Ministre des Finances qui a la tutelle sur la Régie des Bâtiments, reconnaissent cependant que ce plan aura du retard. La construction des nouvelles prisons sera en effet postposée de 2012 à 2013. Par ailleurs, le Gouvernement a adopté le 10 juillet 2009 un accord de principe sur le transfert de prisonniers détenus en Belgique vers la prison de Tilburg aux Pays-Bas, pour une capacité de 500 places. Les transferts des premiers prisonniers viennent de commencer. La capacité carcérale totale de la Belgique est donc actuellement de 9.029 places. Pourtant, la construction de nouvelles prisons ne suffit pas à répondre au problème de la surpopulation carcérale. Il faut travailler sur d’autres axes (formation des magistrats, peines alternatives, détention préventive…). Il convient également d’insister sur la nécessité d’améliorer la collaboration avec les Communautés et les Régions qui sont responsables des programmes d’aide et de formation des détenus.

4. Le contexte socio-économique La précarité sociale constitue un terrain fertile pour l’éclosion de la criminalité. Le décrochage scolaire, le faible taux de qualification et la perspective du chômage dans des quartiers où il dépasse les 50% réduisent à néant les espoirs de certains jeunes pour leur futur. Cette spirale de désespérance peut favoriser la délinquance. Parallèlement, il faut rejeter avec force les amalgames générés par certains entre criminalité et populations issues de l’immigration. Il y a, en particulier à Bruxelles, une dualisation sociale très marquée entre les différentes communes. Comme l’indique le schéma ci-dessous, « la Région bruxelloise se caractérise par des concentrations très fortes de pauvreté et de précarité dans certains quartiers centraux, en particulier le long du Canal, qui correspond au vieil axe industriel bruxellois, et à proximité du Pentagone ».7

7 Observatoire bruxellois de l’Emploi, Evolution de l’emploi et du chômage en Région de Bruxelles-Capitale, 1989-2009.

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La concentration de pauvreté dans ces zones trouve son corolaire dans les statistiques liées à la criminalité.

C. Renforcer la prévention

1. Les plans stratégiques de sécurité et de prévention La mise en place des plans stratégiques de sécurité et de prévention (anciennement appelés contrats de sécurité et de prévention) dans 73 villes et communes de Belgique8 a contribué à lutter contre le sentiment d’insécurité notamment. Les contrats de sécurité et de prévention sont financés par l’Etat fédéral.9 Le budget annuel global s’élève pour l’année 2010 à 35.042.350 EUR, soit 7.624.405 EUR pour la Région de Bruxelles-Capitale, 12.443.387 EUR pour la Région wallonne et 14.974.558 EUR pour la Région flamande. De manière générale, l’IEV plaide pour :

- augmenter les budgets des contrats existants, afin de renforcer le dispositif ;

- fixer la durée des contrats à 6 ans, pour qu’elle corresponde à la durée du mandat communal, et les évaluer à mi-parcours, les critères d’évaluation devant être établis dès la signature ;

- mener une politique cohérente de la sécurité et de la prévention en renforçant les compétences et les moyens matériels et humains du SLIV

8 13 à Bruxelles, 25 en Wallonie et 8 en Flandre. 9 Article 69 de la loi du 30 mars 1994 portant des dispositions sociales et diverses et arrêté royal du 7 décembre 2006 relatif aux plans stratégiques de sécurité et de prévention.

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(Sécurité Locale Intégrale – Lokaal Integraal Veiligheid). Ce service devra réaliser des évaluations sur les formes de criminalité, les techniques de prévention utilisées.

2. La prévention éducative Il faut privilégier la prévention auprès des mineurs. Des projets pilotes et des initiatives menées par des Maisons de jeunes, des Services d’aide en milieu ouvert (AMO) et des organisations de jeunesse visent à inscrire les jeunes en décrochage dans des activités de socialisation, d’apprentissage et d’accrochage scolaire et social. Ces initiatives sont d’autant plus efficaces qu’elles interviennent en début de décrochage. Elles permettent aux jeunes de trouver une activité et un investissement personnel qui leur procurent une autre identité, plus positive que celle qu’ils se construisent dans un environnement délinquant. Dans ce cadre, il apparaît opportun de :

- développer des expériences de service civil pour des jeunes en décrochage afin de leur fournir une expérience de vie, une expérience professionnelle… ;

- renforcer les services d’accrochage scolaires (SAS) qui assurent un encadrement à des jeunes en situation de décrochage pour qu’ils retrouvent une école ;

- renforcer l’accès à l’emploi de ces jeunes (voir supra).

D. Soutenir l’aide à la jeunesse

1. Généralités Il importe de rappeler les valeurs protectionnelles du système prévu pour les délinquants juvéniles. L’accent doit être résolument mis sur les modes de règlement des conflits ou d'exécution de la mesure qui garantissent une réinsertion positive du jeune. Une politique de prévention éducative doit également être développée de manière à ce que les jeunes ne trouvent pas leur identité dans des comportements délinquants. Il convient en particulier de s’attaquer au phénomène de la délinquance juvénile en prêtant une attention spécifique aux primo-délinquants de manière à éviter la récidive et l’escalade dans la délinquance. Des mesures strictes sont prises pour gérer la délinquance grave d'une petite minorité de jeunes. La réponse doit être rapide et efficace de manière à éviter la récidive et l’escalade dans la délinquance et lutter contre le sentiment d’impunité. Ces mesures doivent se fonder sur une logique éducative. Si la société n’a pas pris les précautions de préparer les auteurs de tels faits à une réinsertion sociale réussie, elle se met en danger elle-même. La mesure infligée à ces jeunes doit être la plus pertinente et non contre-productive pour leur insertion dans la société.

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2. La loi de 1965 La justice pour les mineurs est principalement régie par la loi du 8 avril 1965 « relative à la protection de la jeunesse, à la prise en charge des mineurs ayant commis un fait qualifié infraction et à la réparation du dommage causé par ce fait. » Cette loi a fait l’objet de modifications importantes sous la législature 2003-2007, à l’initiative de Laurette Onkelinx, alors Ministre de la Justice. Pour rappel, cette loi de 1965 repose sur plusieurs principes :

- la poursuite d’ « objectifs d’éducation, de responsabilisation et de réinsertion sociale ainsi que de protection de la société » ;

- « les mineurs ne peuvent en aucun cas être assimilés à des majeurs quant à leur degré de responsabilité et aux conséquences de leurs actes. Toutefois, les mineurs ayant commis un fait qualifié infraction doivent être amenés à prendre conscience des conséquences de leurs actes » ;

- « le droit des jeunes à la liberté ne peut souffrir que d’un minimum d’entraves commandées par la protection de la société, compte tenu des besoins des jeunes, des intérêts de leur famille et du droit des victimes ».

Protéger les mineurs ne signifie nullement faire preuve de faiblesse ou de laxisme à leur égard ou nier leur responsabilité. Il s’agit d’apporter une réponse respectueuse de la vision de l’enfance et de la jeunesse, et des responsabilités que la société a envers ces jeunes. Il s’agit aussi de conserver le droit fondamental à l’éducation proclamé par les traités internationaux et d’assurer une véritable prévention contre la récidive. En vertu de la loi de 1965, le juge de la jeunesse peut :

- réprimander le jeune ; - le soumettre à la surveillance du service de protection judiciaire ; - le soumettre à un accompagnement éducatif intensif ; - lui imposer d’effectuer une prestation éducative d’intérêt général ; - lui imposer de suivre un traitement ambulatoire auprès d’un service

psychologique ou psychiatrique ; - le placer dans un service spécialisé (par exemple, les centres d’accueil

spécialisés) ; - le place en section ouverte ou fermée d’une Institution Publique de

Protection de la Jeunesse (IPPJ). La loi de 1965 prévoit par ailleurs que le jeune peut être placé en section ouverte d’une IPPJ lorsqu’il est âgé d’au moins 12 ans et qu’il a notamment commis soit un fait passible, chez les adultes, d’une peine d’au moins 3 ans de prison, soit un fait qualifié coups et blessures. Le jeune peut être placé en section fermée d’une IPPJ lorsqu’il a notamment commis un fait qualifié infraction qui, s’il avait été commis par un majeur, aurait entraîné une peine de réclusion de 5 à 10 ans ou une peine plus lourde. Dans le cadre de la Loi de 65, il est possible d’apporter une réaction ferme et responsable à l’égard de jeunes délinquants graves ou multirécidivistes,

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qui constituent une minorité, mais pour lesquels le système protectionnel montre ses limites. La loi de 1965 prévoit ainsi la possibilité d’un dessaisissement. Si le mineur est âgé d’au moins 16 ans au moment des faits et que le tribunal estime inadéquate une mesure de garde, il peut, par décision motivée, se dessaisir et le renvoyer soit devant une chambre spécifique au sein du tribunal de la jeunesse qui appliquera le droit pénal commun, soit devant la Cour d’assises. Il y a eu 101 dessaisissements en 2007 et 96 en 2008. Les prises en charge sont assurées par les Institutions Publiques de Protection de la Jeunesse (IPPJ) et le centre fédéral fermé de Saint Hubert. Au total, 260 places sont réparties comme suit :

- en régime ouvert (154 places): o « l’accueil » est une prise en charge de 15 jours qui permet de

« marquer le coup » symboliquement (capacité de 30 places) ; o un service d’orientation dresse, en 40 jours, un bilan de la situation

du jeune sur le plan familial, scolaire, professionnel et institutionnel. L’objectif est d’arriver à élaborer avec le jeune, sa famille et le magistrat un projet de réinsertion (capacité de 30 places) ;

o la section éducative propose une prise en charge similaire à la précédente mais pour une durée plus longue (maximum 3 mois renouvelables) (capacité de 94 places) ;

- en régime fermé : o 3 IPPJ : capacité de 64 places + 5 en urgence ; o le centre fédéral fermé de Saint Hubert proposera à partir du 1er

mars 2010 37 places dont 13 pour mineurs dessaisis. En cas de faits de délinquance d’un mineur, la loi prévoit une douzaine de mesures proportionnelles à la gravité des faits10. Ces mesures doivent aider le jeune à prendre la mesure des actes qu’il a commis et le soutenir dans sa réinsertion, tant du point de vue social et familial que sous l’angle scolaire et professionnel. Avant le placement en Institution Publique de Protection de la Jeunesse (IPPJ), il existe d’autres mesures qui ont montré leur efficacité mais dont l’offre est aujourd’hui insuffisante. La principale difficulté du système réside en effet dans le fait que les diverses possibilités de sanctions prévues par la loi (surveillance du service de protection judiciaire, accompagnement éducatif intensif) ne sont pas appliquées dans les faits, parce que les moyens pour les réaliser sont insuffisants. Par ailleurs, d’autres mesures, telles les prestations éducatives d’intérêt général et l’hébergement dans un service spécialisé, existent mais ne sont pas suffisamment développées. C’est la raison pour laquelle les juges de la jeunesse sont contraints d’orienter le mineur ayant commis un fait qualifié infraction vers une IPPJ (mesure maximale), au détriment d’autres mesures qui seraient dans une série de cas plus appropriées. Le rapport de l’Institut National de Criminalistique et de

10 Le juge doit motiver sa décision par rapport à un certain nombre de critère repris dans la loi. La gravité des faits est un critère parmi d’autres qui n’est pas prépondérant. Il n’y a pas « d’échelle de mesures » comme il existe une échelle de peine dans le code pénal.

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Criminologie (INCC) pointait ainsi qu’« une enquête menée auprès des juges de la jeunesse à la fin des années 1990 a révélé que ceux-ci considéraient que 2 placements forcés sur 3 n’étaient pas nécessaires mais qu’il n’y avait pas suffisamment d’alternatives disponibles ».11 Ainsi, près d’un tiers des placements au centre fermé d’Everberg concerne des mineurs qui n’ont jamais bénéficié d’une mesure protectionnelle auparavant. Bien souvent, si une prise en charge plus rapide avait pu être réalisée, l’enfermement ne serait pas nécessaire. Plus loin, les auteurs de ce même rapport s’interrogent : « Au vu de toutes ces données, on se demande pourquoi le recours au placement demeure si étendu et pourquoi on augmente de manière continue le nombre de nouvelles places alors que de très nombreuses études scientifiques montrent qu’un placement fait souvent plus de tort que de bien, et augmente finalement le risque de récidive au lieu de le réduire. » Paradoxalement, depuis le début des années 2000, le nombre de places fermées a plus que doublé (44 à 106 places disponibles à l’heure actuelle) alors que l‘étude de l’Institut National de Criminalistique et de Criminologie montre une diminution sensible de la criminalité des jeunes sur ces 40 dernières années et que les faits constatés ne sont pas plus graves. Les juges de la jeunesse, souvent contraints, placent les jeunes en IPPJ. Ces dernières se retrouvent engorgées et ne permettent pas d’héberger les mineurs pour lesquels un placement en IPPJ est réellement justifié. La question qui revient régulièrement au devant de l’actualité est donc celle du manque de places en IPPJ (listes d’attente) et le sentiment d’impunité que cette situation génère. Les juges sont en effet souvent contraints de libérer le jeune ayant commis un fait qualifié infraction après le délai légal de 24h de privation de liberté parce qu’il n’y a plus de places en sections ouvertes ou fermées des IPPJ.

3. Les propositions de l’IEV

1. Une meilleure connaissance des phénomènes de délinquance juvéniles

Une récente étude de l’Institut National de Criminalistique et de Criminologie insiste sur la nécessité d’élaborer des politiques sur la base d’évaluations solides. A cet égard, la Déclaration de politique communautaire de 2009 prévoit une mission de recueil et d’analyse des informations relatives aux situations confiées au secteur de l’aide et de la protection de la jeunesse. Ce recueil doit être coordonné entre les administrations des différents niveaux de pouvoir concernés (fédéral et communautaire). Par ailleurs, un protocole de collaboration avec les autorités judiciaires devrait être conclu afin d’affiner ces données, notamment au niveau des

11 « La statistique ‘nouvelle’ des parquets de la jeunesse : regards croisés autour d’une première analyse », Institut National de Criminalistique et de Criminologie, SPF Justice, 2008.

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informations antérieures à l’entrée du jeune dans le secteur de l’aide et de la protection de la jeunesse dépendant de la Communauté française. Pour l’IEV, l’ensemble des mesures prises dans le cadre de la loi de 1965 doivent être recensées par le SPF Justice afin de mesurer la bonne application de l’ensemble des dispositions prévues par la loi de 1965.

2. Consolider la coordination et la concertation entre les différents niveaux de pouvoir pour apporter une réponse cohérente à ces jeunes

Certains jeunes souffrent également de toxicomanie ou de problèmes psychiatriques. Une concertation, dans le respect des compétences de chacun, entre les différents niveaux de pouvoir et les instances intervenant dans la prise en charge de ces mineurs délinquants est alors primordiale. Pour favoriser cette concertation, il serait utile de réactiver la Conférence interministérielle « jeunesse » afin d’y débattre des questions relatives à la prise en charge de la délinquance juvénile sous ses différents aspects. Il faut par ailleurs être attentif à promouvoir une approche qui ne cherche pas à « pathologiser » mais à développer une logique qui intègre toutes les dimensions de la problématique vécue par ces jeunes. Ainsi, après évaluation, l’amélioration des prises en charge psychiatriques pour mineurs après une prise en charge hospitalière doit être appuyée.

3. Utiliser tout le potentiel de la loi de 1965 et octroyer plus de moyens

Comme expliqué ci-dessus, l’inexistence ou l’insuffisance de mesures alternatives au placement en IPPJ crée un engorgement de ces dernières, ce qui ne permet pas de placer les jeunes qui devraient l’être. Il faut désormais investir dans les réponses intermédiaires au placement en IPPJ en donnant les moyens nécessaires pour un encadrement éducatif des jeunes. Ces mesures doivent permettre de travailler avec le jeune et sa famille dès les premiers signes de comportements délinquants, sans attendre qu’il ne soit déjà ancré dans une logique délinquante, et ainsi d’éviter le recours au placement en IPPJ. La mise en œuvre d’une telle politique permettrait de libérer les places dans les IPPJ et les centres fermés d’Everberg et de Saint-Hubert pour le nombre réduit de mineurs comportant un danger réel pour la société. Dans le cadre de l’application par la Communauté française des mesures prévues par la loi de 1965, l’IEV préconise :

- l’augmentation du nombre d’agents des services de protection judiciaire (SPJ) afin de concrétiser la possibilité d’un accompagnement éducatif intensif et un encadrement individualisé (notamment en y affectant une vingtaine d’éducateurs surnuméraires initialement affectés à l’encadrement pédagogique du centre fédéral de Saint Hubert) ;

- l’aménagement et l’extension des prestations éducatives d’intérêt général (protection civile, opérations humanitaires) ;

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- l’augmentation des capacités des centres d’orientation éducative qui réaffirment le lien entre le jeune, sa famille et son environnement notamment scolaire ;

- le renforcement de la médiation et la concertation réparatrice, qui organisent une forme de compromis sur l’indemnisation des victimes ;

- après évaluation uniquement, le renforcement de la capacité générale des IPPJ pourrait le cas échéant être envisagé, en priorité pour des prises en charge en régime éducatif ouvert. Mais avant d’envisager toute nouvelle augmentation du nombre de places en section fermée, il convient d’analyser et d’évaluer le travail effectué ainsi que les projets pédagogiques développés dans les sections ouvertes, éducatives et fermées des IPPJ et dans le centre fédéral fermé de Saint-Hubert.

Il est par ailleurs important d’améliorer les conditions de la scolarité des jeunes placés en IPPJ, ainsi que leur réintégration dans une école à la sortie d’IPPJ. De même, il faut augmenter les capacités de prise en charge après un passage en IPPJ afin d’assurer la bonne réintégration de ces jeunes dans la société. Ensuite, les projets pilotes réunissant des acteurs de l’aide à la jeunesse, la jeunesse, l’enseignement, les CPAS, les pouvoirs locaux, les contrats de sécurité et les plans de cohésion sociale doivent être renforcés pour répondre aux besoins locaux. Enfin, l’Etat fédéral doit octroyer les moyens nécessaires aux Communautés pour mettre en œuvre les réglementations qu’il définit.

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