SECRET PROFESSIONNEL- DEVOIR DE DISCRETION · Le Code de déontologie le confirme en son article 63...

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1 COMITE D’ETHIQUE DE LA CLINIQUE ET MATERNITE SAINTE-ELISABETH, NAMUR SECRET PROFESSIONNEL- DEVOIR DE DISCRETION Devant la multiplication des informations et leur nécessaire circulation au sein de l’hôpital, il convient de rappeler l’importance des notions de secret professionnel et de confidentialité. Dans le milieu de la santé et des services sociaux, le secret professionnel se définit comme une règle déontologique imposant l’obligation de discrétion à tout individu dépositaire de par sa fonction des informations qu’on lui confie. L’obligation couvre non seulement les confidences, mais aussi les faits découverts dans l’exercice ou à l’occasion de l’exercice de sa profession. JUSTIFICATION DU SECRET PROFESSIONNEL « Il n’y a pas de médecine sans confiance, de confiance sans confidences et de confidences sans secret » (L .Portes). Le respect de cette règle de confidentialité vise à faciliter le contrôle, à protéger la communication des informations qui, pour diverses raisons d’ordre social et culturel, ont intérêt à être dissimulées. Au plan clinique, le secret est nécessaire à la démarche clinique. Le praticien a besoin de tout savoir pour intervenir avec compétence. A ce stade, il est indispensable que le patient soit assuré que ses confidences resteront dans le secret pour qu’il puisse parler librement. Un tel engagement permet d’établir une relation de confiance nécessaire à une action thérapeutique rigoureuse et cohérente. Ainsi, la règle du secret peut être perçue comme une valeur instrumentale ordonnée à la réalisation de fins immédiates (la santé) et lointaines (l’humanité dans l’homme). Au plan philosophique, le respect du secret repose sur un droit naturel à l’intimité qui participe au développement de la personne. Le secret s’identifie à une condition nécessaire à la réalisation de certaines relations interpersonnelles où l’intimité entre en jeu : le respect, l’amour, l’amitié, la confiance. Le secret concourt au statut de la personne humaine, car il vise à protéger l’intimité et le pouvoir d’autodétermination de l’être humain. SECRET MEDICAL- DEVOIR DE DISCRETION- SECRET PARTAGE Une étude a montré que pour un patient hospitalisé, 75 personnes avaient accès aux informations concernant son état de santé ( Caizergues C., Cianfarani F., « Le secret médical » in La revue du praticien, 1998, n°4,p.427)

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COMITE D’ETHIQUE

DE LA CLINIQUE ET MATERNITE SAINTE-ELISABETH, NAMUR

SECRET PROFESSIONNEL- DEVOIR DE DISCRETION

Devant la multiplication des informations et leur nécessaire circulation au sein de l’hôpital, il convient de rappeler l’importance des notions de secret professionnel et de confidentialité. Dans le milieu de la santé et des services sociaux, le secret professionnel se définit comme une règle déontologique imposant l’obligation de discrétion à tout individu dépositaire de par sa fonction des informations qu’on lui confie. L’obligation couvre non seulement les confidences, mais aussi les faits découverts dans l’exercice ou à l’occasion de l’exercice de sa profession.

JUSTIFICATION DU SECRET PROFESSIONNEL « Il n’y a pas de médecine sans confiance, de confiance sans confidences et de confidences sans secret » (L .Portes). Le respect de cette règle de confidentialité vise à faciliter le contrôle, à protéger la communication des informations qui, pour diverses raisons d’ordre social et culturel, ont intérêt à être dissimulées. Au plan clinique, le secret est nécessaire à la démarche clinique. Le praticien a besoin de tout savoir pour intervenir avec compétence. A ce stade, il est indispensable que le patient soit assuré que ses confidences resteront dans le secret pour qu’il puisse parler librement. Un tel engagement permet d’établir une relation de confiance nécessaire à une action thérapeutique rigoureuse et cohérente. Ainsi, la règle du secret peut être perçue comme une valeur instrumentale ordonnée à la réalisation de fins immédiates (la santé) et lointaines (l’humanité dans l’homme). Au plan philosophique, le respect du secret repose sur un droit naturel à l’intimité qui participe au développement de la personne. Le secret s’identifie à une condition nécessaire à la réalisation de certaines relations interpersonnelles où l’intimité entre en jeu : le respect, l’amour, l’amitié, la confiance. Le secret concourt au statut de la personne humaine, car il vise à protéger l’intimité et le pouvoir d’autodétermination de l’être humain. SECRET MEDICAL- DEVOIR DE DISCRETION- SECRET PARTAGE Une étude a montré que pour un patient hospitalisé, 75 personnes avaient accès aux informations concernant son état de santé ( Caizergues C., Cianfarani F., « Le secret médical » in La revue du praticien, 1998, n°4,p.427)

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En matière de santé et d’intervention sociale, du fait même des conditions spécifiques d’organisation et de fonctionnement des services en cause, l’obligation du secret s’étend non seulement aux personnes qui y sont astreintes par un code déontologique mais, aussi, à l’ensemble du personnel qui collabore à titre de bénévole ou de salarié au sein d’une de ces institutions. La pratique, dans ce domaine, fait que des indications sur l’état d’un patient sont souvent partagées entre les divers intervenants. Le secret prend alors un caractère collectif qui a pour conséquence de permettre la circulation de l’information dans l’intérêt de l’usager, que ce soit entre différents services du même établissement, ou en cas de transfert dans un autre établissement.

DISPOSITIONS JURIDIQES ET DEONTOLOGIQUES « Les médecins, chirurgiens, officiers de santé, pharmaciens, sages-femmes et toutes autres personnes dépositaires, par état ou par profession, des secrets qu'on leur confie, qui, hors le cas où ils sont appelés à rendre témoignage en justice ou devant une commission d'enquête parlementaire et celui où la loi les oblige à faire connaître ces secrets, les auront révélés, seront punis d'un emprisonnement de huit jours à six mois et d'une amende de cent euros à cinq cents euros », article 458 du Code pénal1 Le Code de déontologie médicale2 tiendra également une place centrale dans l’exposé qui suit. En effet, les professionnels de la santé n’encourent pas seulement des sanctions pénales ou civiles mais aussi des sanctions disciplinaires. Il est donc important de connaître dans les grandes lignes le Code de déontologie médicale, parfois plus sévère que la législation. Qui est tenu par le secret ? Tous ceux « qui, par état ou par profession, sont dépositaire des secrets qu’on leur confie », article 458 du Code pénal. « Le médecin veillera à faire respecter par ses auxiliaires les impératifs du secret médical », article 70 du Code de déontologie médicale. Au sein d’une institution hospitalière, il va de soi que les médecins, infirmiers et sages-femmes sont tenus au secret professionnel. Mais ils ne sont pas les seuls. Sont également considérés comme tenus au secret : - le directeur d’hôpital, même s’il occupe des fonctions essentiellement administratives ; - le directeur de maternité ;

1 Les montants des amendes pénales figurant dans la loi doivent être multipliés par 5,5 pour obtenir le montant réel, à débourser par le condamné. 2 Articles 55 à 70.

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- les étudiants en médecine, les futurs infirmiers ou kinésithérapeutes ; - les ambulanciers et, plus généralement, les membres du personnel médical, paramédical, social et juridique de l’institution hospitalière (psychologues, aides-soignantes, assistants sociaux, juristes,…). Certaines personnes sont tenues au secret « par ricochet », lorsqu’elles prêtent une aide indispensable aux praticiens directement visés par les dispositions légales relatives au secret professionnel. Entrent dans cette catégorie : - les secrétaires et les membres du personnel administratif en général ; - les conducteurs d’ambulance ; - les brancardiers. Leur fonction les amène en effet immanquablement à avoir connaissance de faits couverts par le secret professionnel, qu’ils doivent donc respecter. Les personnes tenues directement au secret professionnel doivent d’ailleurs veiller à le faire respecter par leurs auxiliaires, comme le rappelle l’article 70 du Code de déontologie médicale.

Remarque : une hôtesse d’accueil devrait être assimilée à un membre du personnel administratif, bien que la jurisprudence n’en ait pas toujours décidé ainsi.

Qu’en est-il des femmes de ménages, des menuisiers, des peintres, etc. attachés à l’hôpital ? En d’autres termes, les membres des services techniques sont-ils tenus au secret professionnel ? Non, car leur profession ne fait pas d’eux les « confidents nécessaires » des patients, pas plus qu’elle ne constitue une aide indispensable aux soins apportés par les professionnels de la santé. L’entretien des bâtiments de l’hôpital, tout nécessaire qu’il soit, ne s’inscrit pas dans la relation patient / professionnel de la santé. MAIS, le contrat des membres du personnel technique devrait idéalement prévoir une obligation de confidentialité, relative à tout ce qu’ils pourraient apprendre sur l’identité et/ou l’état des patients durant leur travail. En effet, dans la pratique hospitalière, il n’est pas rare que le personnel d’entretien puisse être un confident privilégié pour les patients hospitalisés. Il est donc indispensable d’insister sur le devoir de discrétion pour ne pas compromettre leur confiance. Par ailleurs, les professionnels tenus au secret ont l’obligation de veiller à ce que ce secret soit effectif et donc à ce que les membres du personnel technique – de même que n’importe quel tiers à la relation patient / praticien professionnel – n’aient pas accès aux informations concernant la personne du patient et son état de santé.

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Si l’on peut admettre que certaines informations doivent être transmises (maladies contagieuses…), elles doivent se limiter au strict minimum nécessaire au travail et à la sécurité du personnel technique. La pratique trouve généralement des solutions ingénieuses, destinées à informer suffisamment le personnel technique tout en préservant autant que faire se peut le secret professionnel : nous songeons aux « codes couleurs » destinés aux femmes de ménages, sigles, … Il est certain qu’il faut privilégier ces solutions plutôt que, par exemple, un post-it sur la porte disant que « Monsieur Popeye a la varicelle et est très contagieux » !

L’exposé qui suit concerne dès lors l’ensemble des personnes soumises au secret professionnel bien que l’on ne cite souvent que « le médecin », par facilité.

Quelles sont les informations couvertes par le secret ? Les « secrets qu’on leur confie », article 458 du Code pénal. « Le secret professionnel du médecin comprend aussi bien ce que le patient lui a dit ou confié que tout ce que le médecin pourra connaître ou découvrir à la suite d'examens ou d'investigations auxquels il procède ou fait procéder », article 56 du Code de déontologie médicale. « Le secret professionnel s'étend à tout ce que le médecin a vu, connu, appris, constaté, découvert ou surpris dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de sa profession », article 57 du Code de déontologie médicale. Le secret professionnel ne couvre pas que les informations strictement médicales ou les informations graves. Il s’applique à tout ce que l’on apprend à l’occasion de l’exercice de sa profession, que ce soit grave ou joyeux, banal ou exceptionnel, médical ou non. Pour cette raison, il vaut mieux privilégier l’expression « secret professionnel » à celle de « secret médical », qui tend à induire en erreur quant aux informations couvertes par ce secret. Exemples de violations du secret professionnel, lorsque l’information est révélée par un membre du personnel hospitalier : - « Tu sais, Mme Bichon, infirmière en dialyse ? Elle a accouché ce matin d’un petit

garçon ! » ou - « Ho, chéri, je suis triste, j’ai vu la voisine aller chez le cancérologue » ou

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- « Tiens, tu savais que Nicolas et Carla divorçaient ? J’ai entendu Carla le dire au gynécologue » (venant de la secrétaire du gynécologue)

ou

- « Le Roi se soigne chez nous ! » Compte tenu des règles déontologiques, il est difficile d’imaginer des informations que l’on pourrait divulguer librement. Il existe néanmoins des cas « limites ».

Le secret professionnel connaît-il des exceptions ? La loi prévoit de véritables exceptions au secret : dans certaines circonstances, les personnes tenues au secret professionnel pourront ou devront révéler des informations normalement couvertes par le secret. Attention, même dans ces cas particuliers, la loi et/ou le Code de déontologie imposent des règles relatives à la façon de communiquer ces informations, dans le but de ménager un juste équilibre entre le principe du secret professionnel et la nécessité, parfois, de révéler des éléments normalement couverts par ce secret. Voici les principales exceptions légales et/ou déontologiques au secret professionnel :

Le témoignage en justice (article 458 du Code pénal)

Si une personne tenue au secret professionnel est appelée à témoigner en justice dans une procédure ne la concernant pas, elle peut choisir de révéler certaines informations couvertes par le secret. Ainsi, le médecin appelé à témoigner en justice pourra choisir de parler ou de se taire, en invoquant le secret professionnel. Le Code de déontologie le confirme en son article 63 :

« Le médecin cité devant les autorités judiciaires pour témoigner sur des faits couverts par le secret professionnel, peut refuser de le faire en invoquant ledit secret ».

Cependant, le juge pourra vérifier que la décision de se taire ne détourne pas le secret professionnel de son but, à savoir la protection du patient. Le « témoignage en justice » vise les déclarations faites devant un juge d’instruction ou un juge de fond (civil ou pénal). Les demandes de renseignements émanant des services de police ne délient dès lors pas du secret.

L’article 458 du Code pénal trouve son pendant disciplinaire à l’article 69, §2 du Code de déontologie médicale :

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« Les médecins appelés à témoigner en matière disciplinaire sont, dans la mesure où le permettent les règles du secret professionnel envers leurs malades, tenus de révéler tous les faits qui intéressent l'instruction ».

Procédures judiciaires où le médecin est mis en cause

Si un médecin est appelé à se défendre en justice parce qu’un patient engage sa responsabilité professionnelle, il peut produire des éléments relatifs au dossier médical du patient à sa décharge, au nom du respect des droits de la défense.

Si le dossier médical du patient contient des éléments confirmant la responsabilité du médecin poursuivi (éléments à charge), il n’a pas le choix mais le devoir de produire ces éléments, par application du principe de collaboration des parties dans l’administration de la preuve (article 871 du Code judiciaire). L’article 69, §1er du Code de déontologie médicale reprend cette règle dans le cadre de la procédure disciplinaire : « Le médecin qui comparaît comme inculpé devant le conseil de l'Ordre ne peut invoquer le secret professionnel, il lui doit l'entière vérité. Cependant, il est fondé à ne pas révéler les confidences de son patient ».

Maltraitance d’enfants

La situation extrêmement délicate d’un médecin qui découvre en examinant un enfant que celui-ci est victime de maltraitance a poussé le législateur à insérer dans le Code pénal un article 458bis : « Toute personne qui, par état ou par profession, est dépositaire de secrets et a de ce fait connaissance d'une infraction prévue aux articles 372 à 377, 392 à 394, 396 à 405ter, 409, 423, 425 et 426, qui a été commise sur un mineur, peut, sans préjudice des obligations que lui impose l'article 422bis3, en informer le procureur du Roi, à condition qu'elle ait examiné la victime ou recueilli les confidences de celle-ci, qu'il existe un danger grave et imminent pour l'intégrité mentale ou physique de l'intéressé et qu'elle ne soit pas en mesure, elle-même ou avec l'aide de tiers, de protéger cette intégrité ». La communication de l’infraction au Procureur du Roi est donc soumise à plusieurs conditions (cumulatives !): - le médecin a examiné un mineur ou recueilli ses confidences ; - ce mineur est victime d’un attentat à la pudeur, d’un viol, d’une tentative d’homicide, de coups et blessures volontaires ou mutilations, de provocation, d’abandon, de privation d’aliments ou de soins ;

3 Obligation d’assistance à personne en danger.

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- il existe un danger grave et imminent pour l’intégrité mentale ou physique du mineur ; - le médecin n’est pas en mesure de protéger, lui-même ou avec l’aide de tiers, cette intégrité. Le recours au Procureur du Roi constitue l’ultime remède et le médecin ne lui révélera que les informations dont il a besoin pour prendre les mesures qui s’imposent. Le Code de déontologie médicale reprend cette exception au secret en son article 61, §1er et ajoute – entre autres – que le médecin doit opter pour une approche pluridisciplinaire de la situation. Enfin, si les conditions exigées par l’article 458 du Code pénal ne sont pas réunies, le médecin pourra toujours invoquer l’état de nécessité pour, par exemple, dénoncer un cas de maltraitance dont il aurait eu connaissance par l’intermédiaire d’un confrère4. Ainsi, il a été jugé par la Cour d’appel de Mons, dans un arrêt du 19 novembre 20085, que ; « L’article 458 du Code pénal ne peut être appliqué dans le cas d’un médecin qui n’a pas examiné le mineur d’âge victime de maltraitance, ni recueilli les confidences de celui-ci. Cependant, l’état de nécessité peut justifier une violation du secret professionnel lorsque le médecin, en vue de sauvegarder l’intégrité physique ou mentale du mineur, a porté les faits à la connaissance des autorités judiciaires. »

Etat de nécessité

Ce concept juridique vise « les circonstances exceptionnelles où, en présence d’un mal grave et imminent, le respect intégral de la loi (en l’espèce, l’obligation au secret professionnel), entraînerait un dommage objectivement et manifestement inacceptable (des atteintes à la vie ou à l’intégrité d’autrui) »6. Toutes les conditions doivent être respectées pour pouvoir lever le secret professionnel, au motif que son respect entrainerait un mal supérieur à sa violation. Le préjudice craint doit être un mal grave, soit des blessures graves ou la mort, et imminent : le simple fait de soupçonner la survenance d’une atteinte à la vie ou à l’intégrité d’autrui ne suffit pas à se délier du secret professionnel. Il faut être convaincu que cette atteinte est imminente et que seule la violation du secret professionnel permettra de l’éviter. En effet, même certain de l’existence d’un mal grave et imminent, le médecin ne doit prendre que les mesures strictement nécessaires et proportionnées à ce mal, auquel il est peut-être possible de remédier autrement qu’en violant le secret.

4 G. GENICOT, Droit médical et biomédical, Bruxelles, Larcier, 2010, p. 243. 5 Mons, 19 novembre 2008, Rev. dr. santé, 2009-2010, p. 19, note N. COLETTE-BASECQZ. 6 N. COLETTE-BASECQZ, « La violation du secret professionnel dans une situation de maltraitance d’enfant. La justification par l’article 458bis du Code pénal ou par l’état de nécessité », Revue du droit de la santé, 2009-2010, p. 22.

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Dans beaucoup de cas, cela implique au moins de discuter avec le patient, pour tenter d’évaluer le sérieux de la menace et de le raisonner, avant d’envisager une dénonciation. Compte tenu des informations dont il dispose, le médecin apprécie en conscience – éventuellement en demandant son avis à un confère – s’il se doit de passer outre son obligation au secret professionnel afin de sauvegarder des valeurs supérieures. Il veillera à concilier autant que faire se peut le secret professionnel et l’obligation de porter secours à une personne en danger, prévue par l’article 422bis du Code pénal7. En effet, si le médecin constate que son patient expose une personne à un danger grave et imminent, il se doit de porter secours à celle-ci. Mais s’il est possible pour le médecin de porter secours à cette personne sans violer le secret professionnel, il privilégie cette dernière solution. En résumé, pour qu’il y ait état de nécessité, quatre conditions doivent être réunies : 1. la proportion du bien sauvegardé par rapport au bien sacrifié; 2. la présence d’un mal grave et imminent; 3. la nécessité de l’infraction; 4. l’absence de faute dans le chef de l’auteur8. Quelques exemples de décisions de justice en la matière Un médecin-chef diffuse un communiqué de presse contenant des données médicales d’un enfant décédé à l’hôpital, alors que le procès contre les médecins traitants est en cours. Ce faisant, il viole le secret professionnel mais se prévaut de l’état de nécessité : ce n’est qu’en divulguant des informations couvertes par le secret professionnel qu’il pouvait éviter l’atteinte à l’honneur et à la réputation des médecins et de l’hôpital. La Cour a estimé que l’honneur et la réputation ne pouvaient être considérés comme des valeurs supérieures au secret professionnel. Elle ne retient donc pas l’état de nécessité (Anvers, 14 juin 2001, rev. dr. Santé, 2004-05, p. 128). Lors d’une consultation, un médecin constate que l’un de ses patients, sportif professionnel, reçoit régulièrement un produit dopant (EPO). Ce produit lui est fourni par

7 « Sera puni d’un emprisonnement de huit jours à un an et d’une amende de 50 à 500 euros ou d’une de ces peines seulement, celui qui s’abstient de venir en aide à une personne exposée à un péril grave, soit qu’il ait constaté par lui-même la situation de cette personne, soit que cette situation lui soit décrite par ceux qui sollicitent son intervention. Le délit requiert que l’abstenant pouvait intervenir sans danger sérieux pour lui-même ou pour autrui. Lorsqu’il n’a pas constaté personnellement le péril auquel se trouvait exposée la personne à assister, l’abstenant ne pourra être puni lorsque les circonstances dans lesquelles il a été invité à intervenir pouvaient lui faire croire au manque de sérieux de l’appel ou à l’existence de risques. La peine prévue à l’alinéa 1er est portée à deux ans lorsque la personne exposée à un péril grave est mineure d’âge». 8 Le médecin ne peut se prévaloir de l’état de nécessité s’il est, par sa faute, à l’origine du péril grave et imminent qui menace une personne. Une telle situation est néanmoins difficilement concevable.

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un médecin bien connu pour s’occuper des sportifs de haut niveau. Ce dernier est dénoncé par son confrère et invoque la violation du secret professionnel, à l’origine des poursuites pénales. La question se pose de savoir si le médecin dénonciateur était dans un état de nécessité. La Cour écarte cette hypothèse parce que le médecin qui a constaté les faits a attendu près de deux ans avant de les dénoncer aux autorités judiciaires, ce qui est tout à fait incompatible avec la notion de péril grave et imminent qui requiert que l’on agisse à bref délai (Liège, 25 mai 2009, rev. dr. Santé, 2009-10, p. 44). Un médecin se rend compte que son patient a commis des attouchements sur un enfant et craint qu’il recommence. Il en avertit le procureur du Roi. Le juge conclut à la violation du secret professionnel mais estime que cette violation se justifie par l’état de nécessité dans lequel le médecin « s'est trouvé en vue d'empêcher que l'inculpé ne réitère les infractions dont il est en aveux, sur des enfants, ce qui représente un intérêt supérieur à tout autre dans le cas d'espèce » (Mons, mis. acc., 22 novembre 1996, Rev. dr. pén.,1997, p. 575).

Enfin, on citera également un arrêt du 25 mai 2009 de la Cour d’appel de Liège9, qui rappelle que le secret médical ne peut être considéré comme absolu :

« Il doit, en fait, être entendu dans un sens plus relatif et pragmatique, ce qui suppose que ce principe puisse évoluer en fonction des nécessités de l’époque, et l’étendue du devoir de discrétion qui ne peut pas être le prétexte pour préférer, en toute circonstance, le criminel à sa victime. Dans une telle conception, qui se fonde sur une hiérarchisation des valeurs, il s’impose de mettre en balance, dans une situation concrète, l’intérêt sauvegardé par rapport à l’intérêt sacrifié. Il ne peut, dès lors, être posé comme postulat que le médecin se doit de refuser, en toute circonstance, de dénoncer les crimes ou les délits dont son patient serait le responsable ou le complice. »

Rapports à l’assistant de justice, dans le cadre d’une libération conditionnelle, d’une détention préventive, d’un sursis d’exécution de la peine, d’une mesure de probation ou d’une médiation pénale, lorsqu’existe une convention liant le patient, le médecin et l’assistant de justice (article 58, i du Code de déontologie médicale).

Dans son avis du 14 juillet 200710, le Conseil National a en effet estimé que ces rapports étaient acceptables, dans la mesure où ils portent sur les éléments suivants : - les dates et heures des rendez-vous fixés ; - les absences non justifiées ;

9 Liège, 25 mai 2009, J.L.M.B., 2009, p. 1184. 10 Avis du Conseil National, « Conventions concernant la suspension, le sursis et la probation », Bulletin n° 117, 14/07/2007, p. 10, disponible sur www.ordomedic.be.

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- la cessation unilatérale du traitement/guidance par le consultant ; - les situations comportant un risque sérieux pour les tiers et - les difficultés survenues dans la mise en œuvre du traitement (ne visent pas des difficultés de nature médicale, mais seulement des problèmes factuels étrangers à tout acte thérapeutique, domaine dans lequel l’assistant de justice n’intervient aucunement).

Naissances et décès

Lorsque les parents s’abstiennent de déclarer la naissance d’un enfant, il revient au directeur de l’établissement de soins ou à son délégué de prévenir l’officier de l’état civil. Si l’accouchement n’a pas eu lieu dans un établissement de soins, cette obligation revient au médecin ou à l’accoucheuse, à défaut pour les parents de déclarer l’enfant eux-mêmes (article 56 du Code civil, mentionné à l’article 58, d du Code de déontologie médicale). En cas de décès dans un hôpital, le directeur doit en donner avis, dans les vingt-quatre heures, à l’officier de l’état civil « qui s'y transportera pour s'assurer du décès, et en dressera l'acte conformément à l'article précédent, sur les déclarations qui lui auront été faites, et sur les renseignements qu'il aura pris. » (article 80 du Code civil).

Protection des malades mentaux et des biens des personnes incapables de les gérer en raison de leur état physique ou mental

Les mesures de mise en observation ou d’internement de personnes présumées malades mentales doivent s’appuyer sur des rapports médicaux circonstanciés (loi du 26 juin 1990), de même que la décision de nommer un administrateur de biens pour une personne reconnue incapable de gérer ses biens (article 488bis du Code civil). Dans ces circonstances, le médecin ne peut se retrancher derrière le secret professionnel pour éviter de donner un avis sur l’état physique et/ou mental de la personne concernée par la procédure de mise en observation, d’internement ou de désignation d’un administrateur de biens. Le Code de déontologie médicale rappelle cette règle à l’article 58, f.

Assurance Maladie-Invalidité

Il convient de fournir aux médecins-inspecteurs, aux infirmiers-contrôleurs et aux contrôleurs sociaux tous les renseignements et documents dont ils ont besoin pour exercer leur mission de contrôle. Néanmoins, « la communication et l'utilisation de ces renseignements et documents sont subordonnées au respect du secret médical » (article 150 de la loi du 14 juillet 1994 relative à l’assurance obligatoire soins de santé et indemnités et article 58, a du Code de déontologie médicale).

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Les médecins-conseils doivent également recevoir les informations utiles à l’exercice de leur mission, mais sont eux-mêmes tenus au secret professionnel vis-à-vis de l’organisme assureur (article 58, b du Code de déontologie médicale). La loi du 9 août 1963 instituant et organisant un régime d'assurance obligatoire soins de santé et indemnités (article 104) prévoit des sanctions à l’égard de ceux qui feraient obstacle à l'accomplissement de la mission des médecins-conseils, des médecins-inspecteurs, des pharmaciens-inspecteurs, des infirmiers-contrôleurs, des contrôleurs, des contrôleurs-adjoints, des inspecteurs ou des inspecteurs-adjoints, etc., visés par cette loi. Cependant, « il n'y a pas infraction si le médecin ou le praticien de l'art dentaire invoque le secret médical comme justification des faits prévus à l'alinéa précédent et si le juge estime que cette cause d'excuse est fondée. Aux fins d'estimer si l'invocation du secret médical est fondée, le magistrat peut désigner comme expert un membre du Conseil de l'Ordre des médecins du ressort ». Que retenir de ces différentes dispositions ? Les renseignements médicaux communiqués par le médecin traitant doivent rester, en principe, entre les mains des médecins des organismes assureurs et des médecins de l'INAMI, ces médecins étant tenus au secret professionnel11.

Maladies transmissibles épidémiques et maladies vénériennes

Les maladies transmissibles épidémiques doivent être déclarées aux inspecteurs d’hygiène, conformément aux modalités précisées dans l’Arrêté royal du 1er mars 1971 relatif à la prophylaxie des maladies transmissibles. De même, il faut envoyer à l’inspecteur d’hygiène des rapports concernant les maladies vénériennes, conformément aux modalités précisées dans l’Arrêté-loi du 24 avril 1945 relatif à la prophylaxie des maladies vénériennes. Ces obligations sont reprises à l’article 58, c du Code de déontologie médicale.

Accidents du travail et maladies professionnelles

En application des dispositions légales relatives aux accidents du travail et aux maladies professionnelles, le médecin peut être tenu de communiquer des certificats ou rapports médicaux (article 24 de la loi du 10 avril 1971 relative aux accidents de travail, loi du 3 juin 1970 relative à la prévention des maladies professionnelles et à la réparation des dommages résultant de celles-ci, article 58, e et g du Code de déontologie médicale).

11 Pour plus d’informations sur l’équilibre délicat à préserver entre l’obligation de fournir des informations aux médecins des organismes assureurs et le respect du secret professionnel, voyez l’avis du Conseil National, « Le secret médical et l’assurance maladie-invalidité », Bulletin n° 25, 01/01/1976, p. 36, disponible sur www.ordomedic.be. Il existe en outre de nombreux avis plus spécifiques concernant la transmission d’informations aux médecins-conseils d’organismes assureurs, disponibles sur le site du Conseil National également.

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En médecine du travail, l’incapacité ou la capacité à travailler n’est pas couverte par le secret car d’autres intérêts sont en jeux12.

Contrats d’assurance

Le médecin de l’assuré remet au médecin-conseil de l’organisme assureur un certificat médical descriptif de l’état de santé actuel de son patient. Le médecin-conseil ne communique à l’organisme assureur que les informations pertinentes eu égard au risque pour lequel le certificat a été établi (article 95 de la loi du 25 juin 1992, sur le contrat d’assurance terrestre et article 58, h du Code de déontologie médicale).

Police de la sécurité routière

L’article 63 de la loi relative à la police de la sécurité routière impose, lors de la constatation de certaines infractions ou d’un contrôle d’haleine révélant un état d’imprégnation alcoolique ou d’ivresse, un prélèvement sanguin effectué par un médecin – qui ne peut être le médecin traitant soumis au secret professionnel – requis à cet effet. Le § 5 de l’article 63 précise que « la collecte des données du prélèvement sanguin prévu au § 1er, 4° et 5° de cet article se limite aux données strictement nécessaires à l'établissement des infractions à la présente loi commises dans un lieu public. Ces données ne peuvent être utilisées qu'aux fins judiciaires relatives à la répression des ces infractions.».

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L’article 58 du Code de déontologie médicale, qui reprend la majorité des exceptions au secret professionnel, commence par préciser que « le médecin apprécie en conscience si le secret professionnel l’oblige néanmoins à ne pas communiquer certains renseignements ». Or, lorsque la loi impose de révéler des informations normalement couvertes par le secret, le médecin ne peut choisir de se taire. S’il est par contre simplement autorisé à parler, sans y être obligé, la décision lui revient. On peut également imaginer que le médecin apprécie en conscience s’il se trouve réellement dans l’hypothèse où la loi lui impose la communication d’éléments couverts par le secret.

12 G. GENICOT, Droit médical et biomédical, Bruxelles, Larcier, 2010, p. 223.

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DOSSIER INFORMATISE- CHARTE AU SEIN DE L’INSTITUTION

DEMANDE DE CONNEXION UTILISATEUR DOSSIER MEDICAL PATIENT

(à remettre personnellement au Service informatique)

Nom : ................................... Prénom : ...................................... Département (et /ou Service) : . ....................................................... Tél. interne : .......................... Bip ou portable : ........................ Numéro INAMI :.. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. (si prestation facturée par la clinique) Type d’utilisateur : infirmier(e) employé(e) courrier employé(e) agenda RCM autre : .............................

Précisez sous la responsabilité de quel(s) médecin(s) vous travaillez : ............................................................................................. ....

Accès souhaité : serveur de résultats

totalité laboratoire radiologie anatomopathologie SORMN

autre : .................................................................

module secrétariat agenda dossier patient global autre : ............................................................................

description : ................................................................... Justification : ................................................................ ................................................................

............................................................... Type d’accès : en lecture seulement en lecture et écriture en paramétrisation Date de début de connexion : ... / ... / ...... Date de fin de connexion : ... / ... / ...... ATTENTION ! A la remise de cette demande au Service Informatique, vous devrez introduire un mot de passe que

vous pourrez modifier vous-même par la suite dans l’application. Il doit rester strictement personnel. Le mot de passe doit être composé de 6 à 8 chiffres ou caractères en majuscules. In ne peut pas être

une répétition du nom, du prénom, du service ou les initiales de l’utilisateur. Le mot de passe doit vous être personnel et rester secret. Tous les accès aux dossiers

médicaux sont répertoriés. Je, soussigné(e), m’engage à respecter la confidentialité des données médicales auxquelles j’aurai accès. Je souscris aux principes de l’utilisation de l’Informatique Médicale figurant au verso de ce document. Je ne diffuserai pas mon code d’accès au système. Travailleur M. ........................... Dr................................ Date, signature, précédée de Responsable du Service Pour avis favorable La mention « lu et approuvé » Date, signature Date, signature

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LES 10 PRINCIPES DE L’UTILISATION DE L’INFORMATIQUE MEDICALE

Ils ont pour objet le respect du patient et la qualité des soins dans le cadre du travail en équipe soignante.

1. La sécurité et la confidentialité en matière d’informatique médicale concernent tous les membres de la Clinique sans exception ; Toute autre personne qui aurait accès au système informatique de la Clinique agira uniquement sous la responsabilité et la supervision de l’utilisateur qui requiert ses services. 2. Le secret médical et administratif sera impérativement respecté, ainsi que l’intégrité morale et le droit de l’information du patient. Aucune donnée médicale et/ou administrative accessible via l’informatique ne sera divulguée à des tiers ou détournée de sa vocation initiale, les soins aux patients. Tout traitement ou consultation informatique d’un dossier médical, en tout ou en partie, ne peut se faire à l’insu du médecin titulaire, sauf en cas d’urgence avérée. L’accès aux informations sera limité en fonction de la qualification de l’utilisateur. 3. Les mots de passe sont strictement confidentiels et leur divulgation est formellement interdite. Les utilisateurs sont entièrement responsables de l’usage de leur mot de passe par autrui, ainsi que de son changement notamment lors d’une suspicion de rupture de confidentialité. 4. Le matériel informatique et les logiciels y afférents, même personnels, connectés au réseau de la Clinique, doivent être dédicacés aux membres de la Clinique pour leurs tâches médicales et administratives. L’utilisateur n’apportera aucune modification (installation, mise à jour ou à niveau, remplacement et suppression) au matériel et aux logiciels mis à sa disposition par la Clinique. Aucune licence réseau ne sera octroyée sans justification préalable. 5. La connexion d’un ordinateur (modem ou autre interface de communication), simultanément sur le réseau de la Clinique et sur un serveur ou un réseau extérieur type internet (ou assimilé) est à éviter sans dispositif de sécurité. Ainsi, tout ordinateur susceptible d’échanger des données via support électronique (disquettes, réseau,...) sera équipé d’un anti-virus mis à jour au minimum tous les trimestres. Le courrier médical et les protocoles médico-techniques échangés par l’intermédiaire d’une messagerie médicale avec les professionnels de la santé à l’extérieur de la Clinique seront concentrés, puis cryptés et signés selon le principe des doubles clés asymétriques. Leur contenu est sous la responsabilité du médecin prestataire. 6. La copie de logiciel est réglementée et le non-respect peut entraîner de lourdes amendes pour la Clinique. 7. Les ressources informatiques seront utilisées avec parcimonie : pas de session ouvertes inutilement, pas d’immobilisation intempestive des ordinateurs sans raison, pas de transferts de données volumineux et inconsidérés, impression à bon escient,... 8. Tout nouveau projet d’acquisition de matériel informatique et/ou de logiciels doit être soumis au préalable à l’avis de l’ensemble des utilisateurs potentiels avant d’être concrétisé. 9. Toute paramétrisation d’une application par un utilisateur est sa propriété intellectuelle. Selon son niveau de subordination, il est le seul à en autoriser le partage avec d’autres utilisateurs, ainsi qu’avec des personnes extérieures à la Clinique. La diffusion de l’architecture et de la composition du système informatique de la Clinique à des tiers est soumise à autorisation. 10. L’utilisateur veillera, avec l’aide de la Clinique, à acquérir un niveau de compétence informatique minimale compatible avec la manipulation normale des logiciels mis à sa disposition. Le respect de ces principes est sous l’autorité du Directeur Médical, du Conseil Médical et du Comité d’éthique. L’application en est confiée au Service Informatique qui est mandaté pour aider l’utilisateur à les respecter. Toute rupture de sécurités ou de confidentialité sera signalée sans délai au Directeur Médical qui en référera au Conseil Médical. La loi du 08/12/1992 relative à la protection de la vie privée à l’égard des traitements des données à caractère personnel et le code de Déontologie Médicale sont d’application également. Le Service Informatique assumera la sécurité physique du réseau et des serveurs : locaux fermés, climatisés et protégés (contre les incendies, les coupures électriques, les malveillances, autres dangers) ainsi que la sauvegarde quotidienne des données sur les serveurs qu’il gère, mais pas sur les postes de travail. Il œuvrera pour offrir un accès au système informatique 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7. En principe, il n’interviendra pas sur le matériel et les logiciels personnels non gérés par la Clinique. Les serveurs ne pourront être accessibles de l’extérieur que via une procédure de rappel.

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QUELQUES SITUATIONS DELICATES Imaginer l’ensemble des questions soulevées par le secret professionnel dans la pratique médicale relève de l’impossible. Cette dernière partie ne vise dès lors qu’à donner aux praticiens quelques pistes de réflexion, en partant de situations (relativement) courantes.

Peut-on partager le secret professionnel ? Trop de gens croient qu’ils ne violent pas le secret professionnel si leur interlocuteur est également tenu au secret. C’est faux. La révélation d’informations couvertes par le secret professionnel à d’autres personnes tenues de respecter ce secret ne sera tolérée que si trois conditions cumulatives sont réunies : la révélation doit

- être faite dans l’intérêt du patient ; - être faite à une personne amenée à s’occuper directement ou indirectement de

ce patient ; - se limiter aux données strictement nécessaires pour permettre à la personne

avec qui le secret est partagé d’accomplir sa mission. Autrement dit, la plupart des bavardages de couloirs entre membres du personnel hospitalier violent le secret professionnel. Cela ne veut pas dire qu’il faut dorénavant éviter de parler des patients entre collègues… Mais simplement « anonymiser » les ragots en évitant de mentionner les noms et numéros de chambre. Que peut-on dire aux proches du patient ? Il faut distinguer deux cas de figure : celui où le patient est capable d’exercer lui-même ses droits (notamment le droit de recevoir des informations et d’accepter ou refuser toute intervention médicale13) et celui où il ne le peut pas. En théorie, si le patient est apte à recevoir et comprendre les informations relatives à son état de santé, il peut expliquer lui-même à ses proches ce dont il souffre. En pratique, cela peut s’avérer difficile. Pour concilier secret professionnel et humanité, pourquoi ne pas demander au patient – autant que faire se peut – s’il souhaite que le médecin donne des explications à ses proches ? De préférence, cette information aux proches se déroule en la présence du patient. Si le patient n’est pas en mesure d’exercer lui-même ses droits, les articles 12 à 15 de la loi du 22 août 2002 relative aux droits du patient prévoient expressément sa représentation.

13 Articles 5 à 11bis de la loi du 22 août 2002 relative aux droits du patient.

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Le représentant exerce les droits du patient aussi longtemps que ce dernier n’est pas en mesure de les exercer lui-même. En d’autres termes, le patient qui n’est pas en état de recevoir des informations ou de prendre des décisions se voit remplacer par un proche. Dans ce cas, le droit de recevoir des informations et d’accepter ou refuser toute intervention médicale appartient au représentant. Qui représente le patient ? Si le patient a pris la peine de désigner un mandataire, au cas où il ne serait pas/plus capable d’exercer ses droits en tant que patient, ce mandataire désigné le représentera. S’il n’y a pas de mandataire désigné ou qu’il n’intervient pas, la loi prévoit un ordre de priorité, en commençant par les plus proches parents et en prévoyant des « suppléants » si ces proches n’existent pas ou refusent de représenter le patient. Le médecin s’adresse successivement - au conjoint marié ou cohabitant (légal ou de fait) ; - à un enfant majeur ; - à un parent ; - à un frère ou une sœur majeurs. Trouver le juste milieu entre le respect du secret professionnel et la compassion légitime à l’égard de la famille d’un patient hospitalisé n’est certainement pas chose facile. La pratique révèle cependant qu’il convient d’être particulièrement prudent lorsque des proches posent des questions un peu trop précises ou s’arrangent pour voir le médecin hors la présence du patient, bien que ce dernier soit tout à fait lucide. Cela vaut d’autant plus lorsque des proches non identifiés téléphonent au médecin. Le Code de déontologie médicale règle brièvement la question en précisant, en son article 62(a), que « la communication d’un diagnostic ou de renseignements médicaux peut se faire dans les limites strictes absolument indispensables au représentant légal ou de fait du patient incapable ou inconscient ».

Que peut-on révéler lorsque le patient souhaite produire des informations

couvertes par le secret ? La seule autorisation du patient ne devrait pas suffire pour délier le médecin du secret car celui-ci est d’ordre public : « Le secret professionnel auquel le médecin est tenu est d'ordre public. Il s'impose dans quelque circonstance que ce soit aux praticiens consultés par un patient ou amenés à lui donner des soins ou des avis », article 55 du Code de déontologie médicale.

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« La déclaration du malade relevant son médecin du secret professionnel ne suffit pas à libérer le médecin de son obligation », article 64 du Code de déontologie médicale. En d’autre termes, le secret professionnel ne profite pas seulement au patient mais à la société toute entière. Il n’appartient donc pas au patient, qui ne peut librement en disposer. Ce principe rend plus difficile pour les praticiens la décision de révéler ou non certaines informations, lorsque le patient le souhaite. Les auteurs et la jurisprudence semblent néanmoins admettre aujourd’hui que le patient puisse délier du secret la personne qui y est normalement tenue. Cette tendance peut s’expliquer par l’importance accordée à la volonté du patient et les nombreuses exceptions légales au principe du secret : le secret a en effet pour vocation première de protéger le patient et ne peut constituer un but en soi. Certains Cours et Tribunaux ont dès lors admis de manière expresse la légalité de révélations faites, à la demande du patient, par une personne tenue au secret (C. trav. Anvers, 18 juillet 1989, Chron. D.S., 1992, p. 192 ; Comm. Bruxelles, 29 janvier 1997, Bull. ass., 1998, p. 78). Une échappatoire ? Peut-être bien… Le patient lui-même n’est évidemment pas tenu au secret professionnel, qui ne vise – par essence – que les professionnels du monde médical et paramédical. Si le patient demande à son médecin de communiquer des informations à des tiers, le médecin a tout intérêt à tirer son épingle du jeu en remettant un certificat au patient lui-même, lorsque c’est possible. La décision de révéler ou non des informations relatives à la santé incombera dès lors au patient. L’article 67 du Code de déontologie laisse en outre le médecin très libre d’apprécier l’opportunité d’un certificat médical et son contenu : « Le médecin a le droit mais non l'obligation de remettre directement au patient qui le lui demande un certificat concernant son état de santé. Le médecin est fondé à refuser la délivrance d'un certificat. Il est seul habilité à décider de son contenu et de l'opportunité de le remettre au patient. Lorsque le certificat est demandé par le patient dans le but de lui permettre d'obtenir des avantages sociaux, le médecin est autorisé à le lui délivrer en faisant preuve de prudence et de discrétion dans sa rédaction ou éventuellement à le transmettre, avec son accord ou celui de ses proches, directement au médecin de l'organisme dont dépend l'obtention des avantages sociaux ».

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Que faire si un patient, à l’occasion de sa visite à l’hôpital, profère de graves

menaces envers des tiers ou se révèle dangereux pour autrui ? (le patient est ici l’AUTEUR de l’infraction)

Ce point vise les situations dans lesquelles le médecin est amené à craindre que le patient porte atteinte à la vie ou à l’intégrité physique d’autrui. Exemples: patient marié atteint du H.I.V, patient qui révèle au médecin qu’il conduit toujours alors qu’il a été déclaré inapte, patient qui confie au médecin son intention de faire du mal à une personne déterminée, etc. Il est extrêmement important de se rappeler d’abord que le secret professionnel poursuit un objectif de santé publique. En l’ignorant dès que l’on entrevoit un éventuel danger pour autrui, on risque d’amoindrir l’efficacité thérapeutique et d’aboutir finalement au résultat inverse que celui recherché, à savoir la protection des victimes (potentielles) : celui qui a un comportement déviant osera-t-il encore entreprendre une thérapie, s’il craint une dénonciation ? Le conjoint qui maltraite l’autre ne renoncera-t-il pas à l’amener à l’hôpital, bien que ce soit nécessaire ?14 Pour ces raisons, il convient de se montrer particulièrement prudent lorsque l’on pense être confronté à un état de nécessité15.

Que faire si l’on se rend compte que le patient est victime de sévices ? (le

patient est ici VICTIME de l’infraction) Si le patient est mineur, il convient de se référer aux exceptions au secret professionnel et plus particulièrement au passage sur la maltraitance d’enfants. Le but du secret professionnel est de protéger le patient. Dès lors, si le médecin se rend compte que son patient est victime de mauvais traitements, il ne lui est pas interdit de divulguer les faits dont il a connaissance. Les poursuites pénales engagées suite à ses révélations ne seront pas déclarées irrecevables. Cela-dit, compte tenu précisément du but de protection du patient, il faut éviter une analyse simpliste de la question, surtout lorsqu’il s’agit manifestement de violences intrafamiliales : les victimes oseront-elles encore se rendre chez le médecin si elles savent que ce dernier dénoncera immédiatement la personne par qui elles ont été maltraitées ? Avant toute dénonciation, une discussion avec le patient s’impose. Dans ce cadre, le champ d’action du médecin est large : il peut suggérer au patient d’entrer en contact avec un organisme spécialisé, de porter plainte, de rencontrer un psychologue…

14 Exemples empruntés à M.-N. VERHAEGEN et J. HERVEG, « Professionnels de la santé », Le secret professionnel, Bruxelles, La Charte, 2002, p. 134. 15 Sur l’état de nécessité lui-même, voir plus haut, les exceptions au secret professionnel.

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L’article 61, §2 du Code de déontologie concerne particulièrement les patients « faibles » mais la démarche proposée peut s’appliquer à tous les cas de patients victimes de mauvais traitements : « Lorsqu’un médecin soupçonne qu’un patient incapable de se défendre en raison d’une maladie, d’un handicap, ou de son âge, est maltraité, exploité ou subit des effets graves d’une négligence, il parlera de ses constatations avec le patient si les capacités de discernement de celui-ci le permettent. Le médecin incitera le patient à prendre lui-même les initiatives nécessaires, notamment à informer ses proches parents. Si cette discussion avec le patient s’avère impossible, le médecin traitant peut se concerter avec un confrère compétent en la matière à propos du diagnostic et de la suite à apporter à la situation. Si le patient est en danger grave et s’il n’y a pas d’autre moyen pour le protéger, le médecin peut avertir le procureur du Roi de ses constatations. Le médecin informera les proches du patient de ses constatations et des initiatives qu’il compte prendre pour le protéger, si cela ne nuit pas aux intérêts du patient ». Bien que le médecin soit supposé délié du secret professionnel lorsque le patient est en danger, les précautions qui doivent entourer toute divulgation rappellent l’état de nécessité. En effet, il est parfois difficile d’apprécier ce qui est réellement dans l’intérêt du patient et il faut éviter, en voulant le protéger, de faire pire que mieux. La jurisprudence accepte aujourd’hui la production de certificats médicaux dans le cadre de procédures où les héritiers du patient cherchent à prouver que le défunt ne disposait plus de toutes ses facultés intellectuelles au moment où il a consenti à une donation ou a rédigé son testament. Les juges estiment en effet que le secret professionnel « a pour but de protéger le patient, de sorte qu’il ne peut avoir pour effet de priver le malade mental de la protection découlant de l’article 901 du Code civil16 » (Cass., 19 janvier 2001, disponible sur www.juridat.be ; Liège, 19 mars 2002, J.L.M.B, 2003, p. 126). A qui et comment peut-on autoriser l’accès au dossier du patient ? La loi du 22 août 200217 relative aux droits du patient instaure le droit du patient de consulter son dossier médical. L’accès au dossier est autorisé à des personnes différentes, selon que le patient est capable d’exercer ses droits ou non, ou encore qu’il préfère avoir recours à une personne de confiance. Le patient – et lui seul – peut donc demander à consulter son dossier au praticien qui le soigne. Le médecin doit donner suite à cette demande dans les quinze jours. Le patient ne peut cependant pas avoir accès aux annotations personnelles18 du médecin, qui bénéficie ainsi d’une certaine intimité dans son travail. En outre, si le médecin a fait usage de l’exception thérapeutique, c’est-à-dire qu’il a dissimulé

16 « Pour faire une donation entre vifs ou un testament, il faut être sain d’esprit ». 17 Articles 7 et 9. 18 Pour un éclairage plus précis sur cette notion, voyez G. GENICOT, Droit médical et biomédical, Bruxelles, Larcier, 2010, p. 255.

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certaines informations au motif que leur révélation aurait des effets néfastes sur ce patient, le droit de consultation s’exerce par l’intermédiaire d’un praticien professionnel choisi par le patient. Ce professionnel pourra alors également consulter les annotations personnelles de son confrère. Le patient peut également choisir d’exercer son droit de consultation par l’intermédiaire d’une personne de confiance. S’il s’agit d’un praticien professionnel, la personne de confiance aura également accès aux annotations personnelles du médecin. Si le patient n’est pas en mesure d’exercer lui-même ses droits, son représentant19 peut demander à consulter le dossier. Dans ce cas cependant, le médecin peut rejeter (totalement ou partiellement) la demande de consultation, afin de protéger la vie privée du patient. Si la demande du représentant est rejetée, l’accès au dossier se fera par l’intermédiaire d’un praticien professionnel, désigné par le représentant du patient. Après le décès du patient, le « partenaire » (terme englobant le conjoint, le cohabitant légal, le simple cohabitant ou le compagnon non cohabitant) du défunt ainsi que les parents jusqu’au deuxième degré inclus (soit les parents, les grands-parents, les enfants, les petits enfant, les frères et sœurs) peuvent consulter le dossier médical du défunt, par l’intermédiaire d’un praticien professionnel et à condition que leur demande soit suffisamment motivée et spécifiée et que le patient ne s’y soit pas opposé expressément. A la demande ou avec l’accord du patient, le médecin peut transmettre les données médicales le concernant à un autre praticien professionnel désigné par le patient, en vue de poursuivre ou de compléter le diagnostic ou le traitement20. Dans certains cas, enfin, le juge ordonne la production du dossier (voir ci-dessus, les exceptions au secret professionnel et particulièrement les 2ème et 3ème points). Le dossier sera alors remis au juge lui-même ou à un médecin-expert désigné, ayant pour mission d’examiner le dossier et d’établir un rapport limité à la mission qui lui est impartie par le juge. Les principes régissant la tenue du dossier médical s’appliquent également au dossier informatisé. Ce n’est pas parce que l’accès à ce dernier semble parfois plus aisée que sa consultation est autorisée plus librement : il est tout à fait impensable que le patient, fût-il employé de l’hôpital, puisse consulter le dossier sans l’avoir au préalable demandé à son médecin. De même, nulle personne autre que celles répondant aux conditions énumérées dans la loi ne peut accéder à ce dossier, quand bien même elle posséderait le code d’accès du système. Ces dérives doivent absolument être signalées et réprimandées. Outre la loi sur les droits du patient, la loi du 8 décembre 1992 relative à la protection de la vie privée à l'égard des traitements de données à caractère personnel trouve à

19 Pour savoir qui représente le patient, cf. le point « Que peut dire le médecin aux proches du patient ? » et les articles 12 à 15 de la loi du 22 août 2002 relative aux droits du patient. 20 Article 13 de l’Arrêté royal du 10 novembre 1967 (n° 78) relatif à l'exercice des professions des soins de santé.

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s’appliquer, dès lors que la tenue d’un dossier médical constitue un « traitement de données à caractère personnel ». L’article 7 de la loi du 8 décembre 1992 est d’ailleurs spécifiquement consacré au traitement des données personnelles relatives à la santé, qu’il interdit. Il existe un grand nombre d’exceptions mais, comme toute exception à une interdiction de principe, elles doivent être interprétées strictement. Enfin, la loi de 1992 et son Arrêté royal du 13 février 2001 renforcent l’obligation au secret/à la confidentialité, entre autres lorsque les données personnelles sont relatives à la santé : - lorsque le traitement des données à caractère personnel relatives à la santé est

effectué sous la responsabilité d'un professionnel des soins de santé, ce dernier et ses préposés ou mandataires sont soumis au secret 21 ; Ils encourent une amende pénale en cas de non-respect du secret professionnel22.

- le responsable du traitement des données doit veiller à ce que les personnes ayant

accès à ces données soient tenues au respect de leur caractère confidentiel, en vertu d’une obligation légale, statutaire ou contractuelle23.

Quelle attitude adopter vis-à-vis de visiteurs indiscrets ?

Il importe ici de ne pas confondre les notions : les visiteurs ne sont en aucun cas tenus au secret professionnel, ni même à une quelconque obligation légale de discrétion. Seule leur éducation dictera leur conduite, pour le meilleur et pour le pire. En effet, hormis les cas de violation caractérisée du droit à la vie privée, pour laquelle le patient pourrait poursuivre un visiteur en justice24, le visiteur simplement curieux, indiscret ou mal élevé ne viole aucune obligation légale. Par contre, le médecin doit tout mettre en œuvre, dans la mesure du possible, pour ne pas se rendre coupable d’une violation du secret professionnel : s’il explique haut et fort au patient ce dont souffre ce dernier, alors que toute la famille de l’autre patient de la chambre est présente, on peut considérer qu’il communique à des tiers des informations couvertes par le secret. Plus largement, en tant que professionnels, les membres du personnel hospitalier doivent faire respecter le droit à la vie privée et à l’intimité du patient et éviter autant que faire se peut les indiscrétions des visiteurs, en prenant les précautions utiles.

21 Article 7, §4, alinéa 3 de la loi du 8 décembre1992 relative à la protection de la vie privée à l'égard des traitements de données à caractère personnel. 22 Article 39, 3° de la même loi. 23 Article 25, 3° de l’Arrêté royal du 13 février 2001portant exécution de la loi du 8 décembre 1992 relative à la protection de la vie privée à l'égard des traitements de données à caractère personnel. 24 Exemple : je vais rendre visite à ma grand-mère et me rend compte que Cindy Crawford partage la même chambre. Pour frimer, je la prends en photo pendant qu’elle dort puis mets cette photo sur Facebook… Je serai sûrement poursuivi pour violation du droit à l’image et à la vie privée, mais non pour n’avoir pas respecté le secret professionnel.

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Le plus simple est de faire sortir tout visiteur lors des soins ou entretiens médicaux, sauf accord du patient. L’article 10 de la loi du 22 août 2002 sur les droits du patient (à l’égard des praticiens professionnels25) prévoit en effet ce qui suit : « § 1er. Le patient a droit à la protection de sa vie privée lors de toute intervention du praticien professionnel, notamment en ce qui concerne les informations liées à sa santé. Le patient a droit au respect de son intimité. Sauf accord du patient, seules les personnes dont la présence est justifiée dans le cadre de services dispensés par un praticien professionnel peuvent assister aux soins, examens et traitements. § 2. Aucune ingérence n'est autorisée dans l'exercice de ce droit sauf si cela est prévu par la loi et est nécessaire pour la protection de la santé publique ou pour la protection des droits et des libertés de tiers ». Concernant les chambres multiples, il serait compliqué de demander aux autres patients de quitter la chambre mais il convient alors de s’entretenir discrètement avec le patient concerné, de prévoir des rideaux,…

Que peut-on fournir comme information à l’autorité publique lorsqu’un patient accidenté est admis à l’hôpital ?

Le médecin qui se contente d’autoriser l’agent verbalisant à rencontrer le patient, « reconnu apte à cet effet », ne viole pas le secret professionnel (Cour de cassation, 19 février 1986, Pas., 1986, I, p. 760). Dans ce contexte, le médecin ne trahit effet aucun secret. S’est également souvent posée la question de savoir si un médecin qui procède à un prélèvement sanguin, requis en application de la loi sur la police de la circulation routière, viole le secret professionnel. D’une manière générale, le prélèvement sanguin peut être considéré comme un acte purement matériel, qui ne trahit en rien le secret professionnel (Cour de cassation, 19 mai 1982, Pas., 1982, I, p. 1099 ; Cour de cassation, 21 juin 1988, Pas., 1988, I, p. 1272 ; Cour de cassation, 25 avril 1989, Pas., 1989, I, p. 883 ; Tribunal de Police de Malines, 24 juillet 2001, Dr. circ., 2002, liv. 7, p. 289). Cependant, certains juges ont considéré que le médecin ayant procédé au prélèvement avait violé le secret professionnel (Tribunal de police d’Anvers, 9 novembre 1982, Pas., 1983, p. 48 ; Tribunal de police de Hannut, 21 avril 1987, J.J.P, 1988, p. 149 ; Tribunal correctionnel de Neufchâteau, 6 novembre 1996, J.L.M.B, 1996, p. 102). La question est délicate car, en vertu de l’Arrêté royal du 4 juin 199926, « le médecin requis d'opérer un prélèvement sanguin, en vertu de l'article 44bis du Code d'instruction criminelle ou de l'article 63, § 1er, 4° et 5° de la loi relative à la police

25 Article 3 de la loi, concernant son champ d’application. 26 Arrêté royal relatif au prélèvement sanguin en vue du dosage d'autres substances que l'alcool susceptibles d'avoir une influence sur les capacités de conduite d'un véhicule.

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de la circulation routière coordonnée par l'arrêté royal du 16 mars 1968, ne peut s'abstenir de procéder à ce prélèvement que si ses constatations font apparaître une contre-indication formelle à cette mesure ou s'il reconnaît fondé le motif légitime qu'invoque, pour s'y soustraire, la personne qui doit subir la prise de sang ». La loi-programme du 27 décembre 2006 prévoit en son article 3, dernier alinéa que « le prestataire de service qui refuse d'exécuter la mission pour lequel il a été requis, sera puni d'une amende de cinquante euros à cinq cent euros » : le médecin qui refuserait sans motif légitime de procéder à un prélèvement sanguin pourrait donc se voir condamné à une amende de 275 à 2.750 €27. La condamnation du médecin est cependant rarement l’enjeu du débat : il s’agit plutôt de savoir dans quelle mesure les éléments recueillis par les autorités peuvent être utilisés pour condamner, par exemple, le responsable d’un accident de la route. En effet, si le juge constate qu’une information a été obtenue en violation du secret professionnel, il ne tiendra pas compte de celle-ci. Quelle attitude adopter, en cas de réquisition pour procéder à un prélèvement sanguin sur la personne d’un patient admis à l’hôpital ? S’il n’existe aucun motif légitime pour refuser le prélèvement demandé, le médecin doit y procéder mais en faisant en sorte que cela reste un acte purement matériel : il ne peut analyser lui-même l’échantillon obtenu ni rendre un rapport contenant ses constatations et commentaires. Deux arrêts rendus par les Cours d’appel de Liège et Gand28 expriment clairement cette distinction, en décidant que le prélèvement sanguin – auquel est légalement tenu le médecin – est régulier, mais que le document contenant les constatations du médecin viole le secret professionnel et doit par conséquent être écarté des débats. L’idéal serait sans doute que le médecin qui prélève un échantillon sanguin n’ait été appelé que pour poser cet acte matériel précis et ne s’occupe pas du patient par ailleurs.

QUELLES SONT LES CONSEQUENCES DE LA VIOLATION DU SECRET ?

Les conséquences d’une violation du secret professionnel peuvent être radicales : - poursuites pénales (violation de l’article 458 du Code pénal) ; - sanctions disciplinaires (violation du Code de déontologie) ; - licenciement pour faute grave ; - responsabilité civile et dommages et intérêts dès lors que par cette faute, la personne a

causé à autrui un dommage (article 1382 du Code civil).

27 Les montants des amendes pénales figurant dans la loi doivent être multipliés par 5,5 pour obtenir le montant réel, à débourser par le condamné. 28 Gand, 12 novembre1985, T.B.R., 1986, p. 6 ; Liège, 30 novembre 1993, Dr. Circ., 1994, p. 131.

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EN GUISE DE CONCLUSION… En matière de secret professionnel, mieux vaut se poser trop de questions que trop peu ! Le conseil national publie beaucoup d’avis intéressants sur des questions très diverses. Le site internet du conseil national constitue une précieuse source de renseignements, dont on ne peut qu’encourager l’usage.

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Sources légales et déontologiques principales Code pénal, articles 478 et 478bis Code de déontologie médicale, articles 55 à 70 Loi du 8 décembre 1992 relative à la protection de la vie privée à l'égard des traitements de données à caractère personnel Loi du 22 août 2002 sur les droits du patient Bibliographie BEAUTHIER, J.-P., « De l’art de prélever des fluides biologiques sur la personne décédée », La revue de la médecine générale, mai 2010, p. 200. BOULANGER, M.-H., CALLENS S., BRILLON St., « La protection des données à caractère personnel relatives à la santé et la loi du 8 décembre 1992 telle que modifiée par la loi du 11 décembre 1998 et complétée par l’arrêté royal du 13 février 2001 », Rev. Dr. Santé, 2000-2001, p. 326. BOULANGER, M.-H., note sous Civ. Bruxelles, 23 avril 1999, Rev. Dr. Santé, 1999-2000, p. 355. COLETTE-BASECQZ, N., « La violation du secret professionnel dans une situation de maltraitance d’enfant. La justification par l’autorisation de l’article 458bis du Code pénal ou par l’état de nécessité », Rev. Dr. Santé, 2009-2010, p. 22. IDEM., note sous Liège, 25 mai 2009, Rev. Dr. Santé, 2009-2010, p. 47. FAGNART, J.-L., « Aspects actuels de la responsabilité médicale », Droit et médecine, Formation permanente C.U.P, vol. XI, 11.10.1996, p. 211. GENICOT, G., Droit médical et biomédical, Bruxelles, Larcier, 2010, pp. 220 à 262. HENROTTE, J.F., TEHEUX F., « Le dossier médical et le secret professionnel », La revue en ligne du barreau de Liège (actualités), 15 janvier 2002. HERVEG, J., La protection des données du patient dans l’hôpital, Bruxelles, Kluwer, 2009. HUTSEBAUT, F., « Un médecin peut-il refuser de procéder à une prise de sang ? », Vigiles, 2008, pp. 97-98. KIGANAHE, D. et POULLET, Y., Le secret professionnel, Bruxelles, La Charte, 2002. LAMBERT, P., Secret professionnel, Bruxelles, Bruylant, 2005. LELEU, Y.-H. et GENICOT G., .Le droit médical, Bruxelles

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