SÉANCES N°5 ET 6 LES DROITS DES ASSOCIES (1/2) DROIT DE ... · résolution alors qu'il n'avait...

69
Licence 3 Droit des sociétés 2017/2018 Cours de M. PITCHO I. ÉTUDIEZ LES DOCUMENTS SUIVANTS : DOC 1 : Cass. Com. 9 juillet 2013, n°12-21.238 Sur le moyen unique : Attendu, selon l'arrêt attaqué (Douai, 24 mai 2012), que la société par actions simplifiée Logistics Organisation Grimonprez (la société LOG), qui est présidée par M. X..., a été constituée entre la société Services Immobiliers Logistiques, qui détient la majorité du capital et est contrôlée par M. X..., et MM. Y... et Z... ; que sur le fondement de l'article 14 des statuts de la société LOG qui autorise l'exclusion d'un associé en cas d'exercice d'une activité concurrente, l'assemblée générale de cette société a prononcé l'exclusion de M. Z... sans que ce dernier ait pris part au vote ; qu'invoquant l'irrégularité de cette stipulation statutaire, M. Z... a fait assigner la société LOG et M. X... en annulation de la délibération de l'assemblée générale ayant prononcé son exclusion ; qu'ultérieurement, une assemblée générale extraordinaire a adopté à la majorité une résolution supprimant dans l'article 14 la stipulation selon laquelle l'associé dont l'exclusion est susceptible d'être prononcée ne participe pas au vote ; que soutenant que cette résolution était soumise à la règle de l'unanimité, M. Z... a demandé qu'il soit constaté qu'elle n'avait pas été adoptée ; Attendu que la société LOG et M. X... font grief à l'arrêt d'avoir accueilli cette demande, alors, selon le moyen, que le juge saisi d'une demande tendant à ce que soit déclarée non écrite une clause que la loi répute telle, est tenu de déférer à cette demande, de sorte qu'en refusant de dire qu'était réputée non écrite la clause de l'article 14 des statuts de la société LOG, selon laquelle "l'associé dont l'exclusion est susceptible d'être prononcée ne participe pas au vote et ses actions ne sont pas prises en compte pour le calcul de la majorité", en ce qu'elle est contraire à la disposition impérative de l'article 1844, alinéa 1, du code civil, au motif erroné qu'une telle décision serait du ressort d'un vote unanime des associés de la société par actions simplifiée et non de l'office du juge, la cour d'appel a violé l'article 1844-10, alinéa 2, du code civil, ensemble les articles 4 et 12 du code de procédure civile ; Mais attendu qu'il n'entre pas dans les pouvoirs du juge de se substituer aux organes de la société en ordonnant la modification d'une clause statutaire au motif que celle-ci serait contraire aux dispositions légales impératives applicables ; que le moyen n'est pas fondé ; PAR CES MOTIFS : REJETTE le pourvoi ; Condamne la société LOG et M. X... aux dépens ; Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette leur demande et les condamne à payer à M. Z... la somme globale de 3 000 euros ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du neuf juillet deux mille treize. MOYEN ANNEXE au présent arrêt SÉANCES N°5 ET 6 LES DROITS DES ASSOCIES (1/2) DROIT DE PARTICIPER AUX DECISIONS COLLECTIVES ET DECISIONS PRISES PAR LES ASSOCIES

Transcript of SÉANCES N°5 ET 6 LES DROITS DES ASSOCIES (1/2) DROIT DE ... · résolution alors qu'il n'avait...

Licence 3 – Droit des sociétés – 2017/2018 Cours de M. PITCHO

I. ÉTUDIEZ LES DOCUMENTS SUIVANTS :

DOC 1 :

Cass. Com. 9 juillet 2013, n°12-21.238

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Douai, 24 mai 2012), que la société par actions simplifiée Logistics Organisation Grimonprez (la société LOG), qui est présidée par M. X..., a été constituée entre la société Services Immobiliers Logistiques, qui détient la majorité du capital et est contrôlée par M. X..., et MM. Y... et Z... ; que sur le fondement de l'article 14 des statuts de la société LOG qui autorise l'exclusion d'un associé en cas d'exercice d'une activité concurrente, l'assemblée générale de cette société a prononcé l'exclusion de M. Z... sans que ce dernier ait pris part au vote ; qu'invoquant l'irrégularité de cette stipulation statutaire, M. Z... a fait assigner la société LOG et M. X... en annulation de la délibération de l'assemblée générale ayant prononcé son exclusion ; qu'ultérieurement, une assemblée générale extraordinaire a adopté à la majorité une résolution supprimant dans l'article 14 la stipulation selon laquelle l'associé dont l'exclusion est susceptible d'être prononcée ne participe pas au vote ; que soutenant que cette résolution était soumise à la règle de l'unanimité, M. Z... a demandé qu'il soit constaté qu'elle n'avait pas été adoptée ; Attendu que la société LOG et M. X... font grief à l'arrêt d'avoir accueilli cette demande, alors, selon le moyen, que le juge saisi d'une demande tendant à ce que soit déclarée non écrite une clause que la loi répute telle, est tenu de déférer à cette demande, de sorte qu'en refusant de dire qu'était réputée non écrite la clause de l'article 14 des statuts de la société LOG, selon laquelle "l'associé dont l'exclusion est susceptible d'être prononcée ne participe pas au vote et ses actions ne sont pas prises en compte pour le calcul de la majorité", en ce qu'elle est contraire à la disposition impérative de l'article 1844, alinéa 1, du code civil, au motif erroné qu'une telle décision serait du ressort d'un vote unanime des associés de la société par actions simplifiée et non de l'office du juge, la cour d'appel a violé l'article 1844-10, alinéa 2, du code civil, ensemble les articles 4 et 12 du code de procédure civile ; Mais attendu qu'il n'entre pas dans les pouvoirs du juge de se substituer aux organes de la société en ordonnant la modification d'une clause statutaire au motif que celle-ci serait contraire aux dispositions légales impératives applicables ; que le moyen n'est pas fondé ; PAR CES MOTIFS : REJETTE le pourvoi ; Condamne la société LOG et M. X... aux dépens ; Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette leur demande et les condamne à payer à M. Z... la somme globale de 3 000 euros ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du neuf juillet deux mille treize. MOYEN ANNEXE au présent arrêt

SÉANCES N°5 ET 6

LES DROITS DES ASSOCIES (1/2)

DROIT DE PARTICIPER AUX DECISIONS COLLECTIVES

ET DECISIONS PRISES PAR LES ASSOCIES

Page 2 sur 69

Moyen produit par la SCP Peignot, Garreau et Bauer-Violas, avocat aux Conseils, pour la société LOG et M. X... Le moyen reproche à l'arrêt attaqué d'avoir, faisant droit à la demande de Monsieur Z..., constaté que la première résolution de l'assemblée générale du 20 octobre 2011 qui modifiait les statuts de la société LOG en ce qui concerne les conditions de cession forcée des actions d'un associé et qui n'a pas été adoptée à l'unanimité devait être considérée comme non adoptée, AUX MOTIFS QUE "le tribunal a validé la suppression de la clause figurant à l'article 14 sous le prétexte qu'elle était réputée non écrite; il s'est en cela écarté de ce que la cour avait affirmé dans un précédent arrêt à savoir qu'il n'entrait pas dans les pouvoirs de Monsieur X... de modifier à sa guise la disposition statutaire querellée, une telle modification nécessitant l'accord unanime des associés, conformément à l'article L.227-19 du code de commerce ; or, autorité de chose jugée ou pas, motif décisoire ou pas, la cour n'a fait que rappeler un principe qui garde toute sa valeur ; en effet, l'article L.227-16 relatif au fonctionnement des SAS dispose que "dans les conditions qu'ils déterminent, les statuts peuvent prévoir qu'un associé peut être tenu de céder ses actions" mais l'article L.227-19 ajoute que "les clauses statutaires visées aux articles L.227-16¿ne peuvent être adoptées ou modifiées qu'à l'unanimité des associés"; c'est donc de la loi que naît cette impossibilité de recourir pour la cession forcée et corrélativement pour l'exclusion à un vote à majorité ; Monsieur X... a cru pouvoir faire référence au deuxième alinéa de l'article 1844-10 du code civil qui fait de cette clause une clause réputée non écrite, soit non opposable, pour passer outre les dispositions d'ordre public du code de commerce selon lesquelles lorsqu'on modifie les statuts sur ces points, il est impératif de recourir à la règle de l'unanimité ; il est impossible de dire, comme il le dit ou comme le tribunal l'affirme, que le caractère réputé non écrit de la clause permettrait de la considérer comme ne devant pas figurer dans les statuts alors que sa suppression entraîne d'emblée leur modification ; il s'ensuit qu'à l'assemblée générale du 20 octobre 2011 le président ayant déclaré adoptée la première résolution alors qu'il n'avait pas recueilli le vote unanime des associés n'était pas en droit de le faire, que la cour peut et doit constater que la résolution n'a pas été adoptée ; Le juge ne peut pas se substituer aux organes de la société et valider comme l'a fait le tribunal un vote qui a été fait au mépris des textes ; il ne peut ordonner la suppression d'une clause de ce type sous prétexte qu'elle serait réputée non écrite des statuts de la société, puisqu'encore une fois c'est aux associés d'en décider, et ce à l'unanimité ; en conséquence, la demande subsidiaire formulée par l'intimé ne peut qu'être rejetée ; (¿) il est légitime de faire droit à la demande de publication du présent arrêt au greffe du tribunal aux frais de Monsieur X..., débouté et condamné à payer 6.000 € sur la base de l'article 700 du code de procédure civile à Monsieur Z...;" ALORS QUE le juge saisi d'une demande tendant à ce que soit déclarée non écrite une clause que la loi répute telle, est tenu de déférer à cette demande de sorte qu'en refusant de dire qu'était réputée non écrite la clause de l'article 14 des statuts de la SAS LOG, selon laquelle "l'associé dont l'exclusion est susceptible d'être prononcée ne participe pas au vote et ses actions ne sont pas prises en compte pour le calcul de la majorité", en ce qu'elle est contraire à la disposition impérative de l'article 1844 alinéa 1 du code civil, au motif erroné qu'une telle décision serait du ressort d'un vote unanime des associés de la société par actions simplifiée et non de l'office du juge, la cour d'appel a violé L. 1844-10 alinéa 2 du code civil, ensemble les articles 4 et 12 du code de procédure civile.

DOC 2 :

Cass. Com. 9 février 1999, n°96-17.661 Statuant tant sur le pourvoi principal formé par la société du Château d'Yquem, que sur le pourvoi incident relevé par Mme de Z... et autres ; Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la société en commandite par actions du Château d'Yquem (la société) a été constituée en 1992 ; que lors de l'assemblée générale constitutive du 25 janvier 1992, au cours de laquelle ont été adoptés les statuts, avait été votée une troisième résolution autorisant

Page 3 sur 69

la signature de conventions avec la société civile du Château d'Yquem (la société civile) portant sur la reprise des stocks et du matériel de cette dernière ainsi que sur la reprise des contrats de travail ; qu'une assemblée générale du 28 mai 1994 avait approuvé dans une troisième résolution, des conventions portant reprise des stocks, du matériel d'exploitation et de contrats de travail conclues avec la société civile ; que certains actionnaires de la société ont demandé judiciairement la nullité de ces résolutions en faisant valoir qu'avait pris part au vote de la première, M. X... de Lur-Saluces gérant et unique associé commandité de la société et gérant de la société civile et que M. Y... de Lur-Saluces, fils du précédent, avait pris part au vote de la seconde tant en son nom personnel qu'en qualité de mandataire de son oncle Eugène de Lur- Saluces, en violation de l'article 26 des statuts, aux termes duquel, les dispositions de l'article 258 de la loi du 24 juillet 1966 sont applicables en cas de " convention entre la société et une autre entreprise si l'un des gérants, l'un des associés commandités ou l'un des membres du conseil de surveillance, ou leur conjoint, descendant ou ascendant, est, soit directement soit indirectement, soit par personne interposée, propriétaire, associé indéfiniment responsable, gérant, administrateur, directeur général, membre du directoire ou membre du conseil de surveillance de l'entreprise " ; que la cour d'appel a rejeté la demande de nullité de la troisième résolution de l'assemblée générale du 25 janvier 1992 et prononcé la nullité de la troisième résolution de l'assemblée générale du 28 mai 1994 ; Sur le moyen unique du pourvoi principal, pris en sa première branche : Vu l'article 1844, alinéas 1 et 4, du Code civil ; Attendu que tout associé a le droit de participer aux décisions collectives et de voter et que les statuts ne peuvent déroger à ces dispositions ; Attendu que pour annuler la troisième résolution de l'assemblée générale du 28 mai 1994, l'arrêt énonce que M. Y... de Lur-Saluces, fils de M. X... de Lur-Saluces associé commandité de la société et gérant de la société civile, ne pouvait prendre part au vote en qualité d'associé ni comme mandataire d'un autre associé, l'article 26 des statuts étendant l'interdiction de vote prévue par l'article 258 de la loi du 24 juillet 1966 au conjoint ainsi qu'aux descendants et ascendants des gérants, associés commandités ou membres du conseil de surveillance eux-mêmes atteints par cette interdiction ; Attendu qu'en statuant ainsi, faisant application de statuts qui instituaient, pour certains associés, une suppression du droit de vote non prévue par la loi, la cour d'appel a violé le texte susvisé ; Sur le moyen unique du pourvoi incident : (sans intérêt) ; PAR CES MOTIFS : CASSE ET ANNULE, mais seulement sur le pourvoi formé par la société en commandite par actions du Château d'Yquem, en ce qu'il a prononcé la nullité de la troisième résolution de l'assemblée générale du 28 mai 1994 de la société en commandite par action du Château d'Yquem, l'arrêt rendu le 5 juin 1996, entre les parties, par la cour d'appel de Bordeaux ; remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit les renvoie devant la cour d'appel de Poitiers ; Et REJETTE le pourvoi formé à titre incident par Mme de Z... et autres.

DOC 3 :

Com. 17 juin 2008, Bull. civ. IV n°125 LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt confirmatif attaqué (Aix-en-Provence, 22 novembre 2005), que par acte du 7 mai 2001, M. X..., se prévalant de sa qualité d'associé de la société civile immobilière Marina Airport (la société) et invoquant des faits constitutifs d'un abus de majorité, a fait assigner la société et les associés aux fins d'annulation des résolutions adoptées lors des assemblées générales des 11 mai 1998, 27 mai 1999 et 20 avril 2000, ayant affecté en réserve les bénéfices des années 1997, 1998 et 1999, et pour obtenir des dommages-intérêts en réparation de son préjudice résultant de ces mises en réserve ; que la société et les associés ont soutenu que M. X... n'avait plus qualité à agir en raison de la perte de sa qualité d'associé depuis un jugement définitif du 11 mars 1999 ayant autorisé son retrait de la société pour justes motifs ;

Page 4 sur 69

Sur le premier moyen, après avertissement délivré aux parties : Attendu que la société et les associés font grief à l'arrêt d'avoir déclaré recevable la demande de M. X..., alors, selon le moyen :

1°/ que la règle suivant laquelle un associé ne perd cette qualité qu'après avoir obtenu le remboursement des droits sociaux ne s'applique que dans les hypothèses strictement énumérées à l'article 1860 du code civil, parmi lesquelles ne figure pas le retrait d'un associé autorisé par décision de justice ; qu'en l'espèce, le retrait de M. X... avait été autorisé, à la demande de ce dernier, par le jugement du 11 mai 1999 ; qu'en subordonnant l'effectivité de ce retrait au remboursement intégral des parts, en dehors des cas prévus pour l'application de cette règle, la cour d'appel a violé, par fausse application, l'article 1860 du code civil ;

2°/ que dans son jugement du 11 mai 1999, le tribunal a fait application des seules dispositions de l'article 1843-4 du code civil, relatives à la désignation d'un expert pour l'évaluation des parts en cas de contestation des parties, et non pas de celles de l'article 1860 du code civil, suivant lequel la perte de la qualité d'associé n'intervient qu'après la remboursement intégral des parts; qu'en énonçant que ce jugement avait fait application de l'article 1860 du code civil, la cour d'appel en a dénaturé les termes, en violation de l'article 4 du code de procédure civile ;

Mais attendu que l'associé qui est autorisé à se retirer d'une société civile pour justes motifs par une décision de justice, sur le fondement de l'article 1869 du code civil, ne perd sa qualité d'associé qu'après remboursement de la valeur de ses droits sociaux; que par ce motif de pur droit, substitué à ceux critiqués, l'arrêt se trouve justifié; que le moyen ne peut être accueilli ;

Et sur le second moyen :

Attendu que la société et les associés font grief à l'arrêt d'avoir annulé pour abus de majorité les assemblées générales des 11 mai 1998, 27 mai 1999 et 26 avril 2000 et de les avoir condamnés à payer à M. X... une provision à valoir sur son indemnisation, alors, selon le moyen :

1°/ que l'abus de majorité n'est caractérisé qu'en cas d'atteinte à l'intérêt social; que l'arrêt constate qu'il était flagrant que les bénéfices avaient été mis en réserve dans la crainte de voir la SCI Marina Airport, qui ne disposait pas de la trésorerie suffisante, obligée de rembourser des comptes courants ; qu'en estimant toutefois que cette mesure constituait un abus de majorité, la cour d'appel a violé l'article 1382 du code civil ;

2°/ qu'en s'abstenant de rechercher, ainsi qu'elle y était invitée, si la mise en réserve des bénéfices respectait les intérêts de l'associé minoritaire et l'égalité entre associés, puisqu'elle avait pour effet d'augmenter la valeur nette comptable de la SCI Marina Airport, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1382, 1832 et 1844-1 du code civil ;

3°/ que l'arrêt a constaté que les délibérations litigieuses ne portaient que sur la mise en réserves des bénéfices; qu'en se fondant, pour caractériser l'abus de majorité, sur les prélèvements qui auraient été opérés par débit du compte courant de M. X..., totalement étrangers aux délibérations dont elle prononçait l'annulation, la cour d'appel a violé les articles 1382, 1832 et 1844-1 du code civil ;

Mais attendu que l'arrêt retient, par motifs adoptés, que l'activité de la société qui porte sur la location d'immeubles à vocation commerciale, présente de faibles aléas financiers et que la constitution d'une réserve qui s'élève pour les exercices 1997, 1998 et 1999 à la somme de 17 426 283,86 francs, n'obéit pas à une politique de prudence nécessaire ni à une politique d'investissement, et ne correspond ni à l'objet ni à une exigence de saine gestion; qu'il relève, par motifs propres, que cette politique de mise en réserve des bénéfices dont était exclu M. X... n'aurait de sens que si la société avait voulu se prémunir du remboursement de tous les comptes

Page 5 sur 69

courants et donc de faire passer l'intérêt social avant celui de tous les associés, qu'en réalité en remboursant une fraction des comptes courants aux associés, représentant ensemble 75 % du capital et en s'abstenant de rembourser dans les mêmes proportions M. X..., la société a rompu l'égalité entre les actionnaires dès lors que seul le compte courant de M. X..., privé de l'équivalent de 683.095 euros de bénéfices, s'est vu, au prétexte que la société devait par ailleurs verser des acomptes sur le prix des parts, ramené à zéro pour devenir débiteur au 31 décembre 2001 de la somme de 5 895 174,93 euros ; qu'il retient encore que c'est en connaissance de cause que les associés majoritaires ont décidé de mettre en réserve les bénéfices pour ramener le compte courant de M. X... en débit au prix de compensations douteuses avec la dette provisionnelle de la société sur le prix des parts sociales, tandis que les associés majoritaires ont disposé immédiatement à l'issue des trois assemblées générales litigieuses, de sommes puisées sur les résultats bénéficiaires destinées à rembourser leurs comptes courants; que la cour d'appel qui a ainsi fait ressortir que l'affectation systématique des bénéfices aux réserves n'a répondu ni à l'objet ni aux intérêts de la société et que ces décisions ont été prises dans l'unique dessein de favoriser les associés majoritaires au détriment de l'associé minoritaire, a caractérisé l'abus de majorité ; que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la SCI Marina Airport et MM. Charles, Rémi et Patrice Y... Z..., Mmes Sylvie et Valérie Y... Z..., M. A..., Mme B..., M. C..., Mme C..., et M. D... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette leur demande et les condamne à payer à M. X... la somme globale de 2 500 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du dix-sept juin deux mille huit.

DOC 4 :

Com. 20 mars 2007, Bull. civ. IV n°97 Attendu, selon l'arrêt attaqué, statuant en matière de référé, que les capitaux propres de la société La Roseraie clinique hôpital (la société La Roseraie) étant devenus inférieurs à la moitié du capital social, une assemblée générale a été convoquée pour le 13 juin 2005 afin de voter une augmentation de capital, devant être suivie d'une réduction de capital par absorption des dettes, proposée par la société Gruppo villa Maria, détentrice de 49 % du capital ; que l'augmentation de capital n'a pas pu être adoptée à la majorité requise, par suite du refus de la société Hexagone hospitalisation Ile-de-France (la société Hexagone), détentrice de 46 % du capital, aux motifs que la question préalable de la dissolution ou de la poursuite d'activité n'avait pas été examinée et qu'elle n'avait pas eu réponse à ses questions sur le plan stratégique de développement ; que la société La Roseraie et la société Gruppo villa Maria ont assigné en référé la société Hexagone pour voir dire que son attitude constituait un abus de minorité et obtenir la désignation d'un mandataire ad hoc chargé de la représenter et pour voter à une assemblée générale à venir sur l'augmentation de capital ;

Sur le moyen unique, pris en sa première branche :

Vu l'article 1382 du code civil ;

Attendu que pour confirmer l'ordonnance de référé ayant accueilli cette demande, l'arrêt retient que les demandes d'informations complémentaires étaient relatives au plan stratégique de développement, discuté au conseil d'administration du 13 juin 2005, mais n'étaient pas directement liées au vote de la résolution proposant l'augmentation de capital devant permettre

Page 6 sur 69

l'apurement des dettes existantes dont la société Hexagone avait approuvé le montant en adoptant le 13 juin 2005 la première résolution d'approbation des comptes de l'exercice clos au 31 décembre 2004, et que les renseignements obtenus lui permettaient de voter la résolution en toute connaissance de cause ; qu'il relève aussi que la mise en place de la restructuration de la société ferait l'objet de discussions postérieures et que la demande d'informations ne pouvait qu'être interprétée comme une manoeuvre destinée à retarder l'assemblée générale ;

Attendu qu'en statuant ainsi, alors que les actionnaires devant se prononcer sur une augmentation du capital d'une société dont les capitaux propres sont devenus inférieurs à la moitié du capital, doivent disposer des informations leur permettant de se prononcer en connaissance de cause sur les motifs, l'importance et l'utilité de cette opération au regard des perspectives d'avenir de la société et qu'en l'absence d'une telle information, ils ne commettent pas d'abus en refusant d'adopter la résolution proposée, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

Et sur le moyen, pris en sa troisième branche :

Vu l'article 1382 du code civil ;

Attendu que pour confirmer l'ordonnance de référé ayant accueilli cette demande, l'arrêt retient que la société Hexagone qui avait écarté la possibilité de voter la dissolution, ne proposait aucune solution alternative sérieuse ou précise à l'augmentation de capital qui était la seule mesure conforme à l'intérêt de la société La Roseraie, indispensable à sa survie et qui ne lésait pas ses propres intérêts dans la société ;

Attendu qu'en se déterminant par de tels motifs, impropres à établir en quoi l'opposition de la société Hexagone au vote de l'augmentation de capital était fondée sur l'unique dessein de favoriser ses propres intérêts au détriment de l'ensemble des autres associés, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre grief :

CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 6 juillet 2005, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ;

Condamne la société La Roseraie Clinique Hopital et la société Gruppo villa Maria SPA aux dépens ;

Vu l'article 700 du nouveau code de procédure civile, rejette leur demande et les condamne à payer à la société Hexagone hospitalisation Ile-de-France la somme globale de 2 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt mars deux mille sept.

DOC 5 :

Com. 9 mars 1993, Bull. civ. IV n°101 Attendu, selon l'arrêt attaqué, que pour se mettre en conformité avec les dispositions de la loi du 1er mars 1984 portant à 50 000 francs minimum le capital des sociétés à responsabilité limitée et imposant aux sociétés existantes d'y procéder avant le 1er mars 1989 sous peine de dissolution de plein droit, le gérant de la société Alarme Service Electronique a proposé par consultation écrite

Page 7 sur 69

des associés une augmentation de capital à hauteur de 50 000 francs ; qu'un procès-verbal du résultat de cette consultation en date du 24 mai 1985 a constaté que, faute de majorité qualifiée requise, la décision d'augmentation du capital était rejetée ; que lors des assemblées générales extraordinaires des 4 janvier et 8 septembre 1988, MM. Joseph et Marcel X..., porteurs respectivement de 51 et 50 parts sur les 204 représentant le capital social, ne se sont pas présentés, empêchant ainsi le vote de l'augmentation de capital demandée, cette fois là, à hauteur de 500 000 francs ; que la société Alarme Service Electronique les a assignés pour voir dire que l'attitude de ces associés constituait un abus de droit de la minorité et qu'il y avait lieu en conséquence de l'autoriser à effectuer l'augmentation de capital envisagée ; Sur le moyen unique pris en ses première et deuxième branches : Vu l'article 1382 du Code civil ; Attendu qu'après avoir retenu à bon droit que M. X... avait commis un abus de minorité en s'opposant à l'augmentation de capital à hauteur de 50 000 francs qui était légalement requise et était nécessaire à la survie de la société, l'arrêt, pour décider qu'il y avait eu abus de minorité, retient également que l'augmentation de capital demandée à hauteur de 500 000 francs était justifiée par les documents produits, que le silence et l'absence de M. X... aux assemblées générales extraordinaires, bloquant une décision nécessaire de façon injustifiée, procédaient par leur caractère systématique d'un dessein de nuire aux majoritaires, et par là-même, à l'intérêt social ; Attendu qu'en se déterminant par de tels motifs, impropres à établir en quoi l'attitude de M. X... avait été contraire à l'intérêt général de la société en ce qu'il aurait interdit la réalisation d'une opération essentielle pour celle-ci, et dans l'unique dessein de favoriser ses propres intérêts au détriment de l'ensemble des autres associés, et alors qu'elle retenait que les résultats de la société étaient bons et que celle-ci était prospère, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ; Et sur le moyen unique pris en sa troisième branche : Vu les articles 57 et 60 de la loi du 24 juillet 1966 ; Attendu que pour sanctionner l'abus de minorité retenu, la cour d'appel a décidé que son arrêt valait adoption de la résolution tendant à l'augmentation de capital demandée, laquelle n'avait pu être votée faute de majorité qualifiée ; Attendu qu'en statuant ainsi, alors que le juge ne pouvait se substituer aux organes sociaux légalement compétents et qu'il lui était possible de désigner un mandataire aux fins de représenter les associés minoritaires défaillants à une nouvelle assemblée et de voter en leur nom dans le sens des décisions conformes à l'intérêt social mais ne portant pas atteinte à l'intérêt légitime des minoritaires, la cour d'appel a violé les textes susvisés ; PAR CES MOTIFS : CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 21 janvier 1991, entre les parties, par la cour d'appel de Pau ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Toulouse.

DOC 6 :

Revue des sociétés 1993 p. 400 Définition et sanction de l'abus de minorité COUR DE CASSATION (Ch. com.), 15 juillet 1992, Six c. SA Tapisseries de France

Philippe Merle, Professeur agrégé des Facultés de Droit

L'essentiel N'a pas donné de base légale à sa décision la cour d'appel qui, pour débouter un associé minoritaire de sa

demande en annulation d'une délibération décidant la transformation d'une SARL en SA, votée à une

majorité inférieure à celle des trois-quarts des parts sociales, s'est déterminée par des motifs impropres à

établir en quoi l'attitude de l'associé avait été contraire à l'intérêt général de la société en ce qu'elle aurait

interdit la réalisation d'une opération essentielle pour celle-ci, et dans l'unique dessein de favoriser ses propres

Page 8 sur 69

intérêts au détriment de l'ensemble des autres associés.

La transformation d'une SARL en SA décidée à une majorité inférieure aux trois-quarts des parts sociales est

nulle et l'abus de ses droits par l'associé minoritaire, à le supposer établi, n'était pas susceptible d'entraîner la

validité de la décision irrégulière.

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que, le 16 juin 1986, une assemblée générale extraordinaire de la société à responsabilité limitée Tapisseries de France a décidé de transformer cette société en société anonyme ; que Mme Six, associée, a demandé l'annulation de cette délibération qui avait été votée à une majorité inférieure à celle des trois-quarts des parts sociales ;

Sur le second moyen, qui est préalable : - Vu l'article 1382 du Code civil ; - Attendu que, pour débouter Mme Six de sa demande, l'arrêt retient que celle-ci avait commis un abus de minorité en s'abstenant systématiquement de participer aux décisions intéressant la vie sociale, de sorte que, par son abstention, elle avait entravé une prise de décision jugée souhaitable par les autres associés, qu'elle n'établissait nullement que la transformation en société anonyme ait été dommageable pour la société Tapisseries de France et qu'en particulier les inculpations d'infractions aux lois sur les sociétés et banqueroutes notifiées à M. Laurent, dirigeant social, aient été la conséquence de la décision prise par l'assemblée générale extraordinaire du 16 juin 1986 ; - Attendu qu'en se déterminant par de tels motifs, impropres à établir en quoi l'attitude de Mme Six avait été contraire à l'intérêt général de la

société, en ce que M me Six aurait interdit la réalisation d'une opération essentielle pour celle-ci, et

dans l'unique dessein de favoriser ses propres intérêts au détriment de l'ensemble des autres associés, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;

Et sur le premier moyen : - Vu l'article 69 de la loi du 24 juillet 1966 ; - Attendu que, pour débouter Mme Six de sa demande, l'arrêt retient encore que celle-ci avait commis un abus de minorité dont les effets dommageables pour l'intérêt social ne pouvaient être réparés que par le rejet de l'action en nullité de la délibération qui, bien que litigieuse, avait déterminé les statuts et le mode de

fonctionnement de la société depuis le 1er janvier 1986 , - Attendu qu'en statuant ainsi, alors que la transformation d'une société à responsabilité limitée en société anonyme décidée à une majorité inférieure aux trois-quarts des parts sociales est nulle et que l'abus de ses droits par l'associé minoritaire, à le supposer établi, n'était pas susceptible d'entraîner la validité de la décision irrégulière, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS : - Casse et annule.

MM. BEZARD, prés. ; M me LOREAU, rapp. ; JEOL, av. gén. ; SCP GUIGUET, BACHELLIER et POTIER DE LA VARDE, ODENT, av.

Note

Progressivement, la Chambre commerciale de la Cour de cassation poursuit sa construction de l'abus de minorité. L'arrêt Vitama (Com. 14 janvier 1992, Rev. sociétés, 1992.44, Ph. MERLE ; Le Quotidien juridique, 5 mars 1992, B.P. ; Bull. Joly, 1992, § 81, p. 273, P. LE CANNU ; JCP, éd.

E, 1992.I.301, A. VIANDIER ; JCP 1992.II.21849, J.-F. BARBIERI) a ouvert des voies nouvelles concernant la sanction de l'abus de minorité en décidant que « hormis l'allocation d'éventuels dommages-intérêts, il existe d'autres solutions permettant la prise en compte de l'intérêt social ».

Cet arrêt Six du 15 juillet 1992 (RTD com. 1993.112, obs. Y. Reinhard , D. 1993.J.279, note H. Le Diascorn , JCP, éd. E, 1992.II.375, Y. GUYON ; JCP, éd. G, 1992.II.21944, J.-F. BARBIERI ; Bull. Joly 1992, p. 1083, § 353, P. LE CANNU ; Droit sociétés, oct. 1992, § 207, H. LE NABASQUE) est avant tout intéressant par la définition que la Cour de cassation donne

Page 9 sur 69

pour la première fois de l'abus de minorité (I). Il indique également ce que ne peuvent pas faire les dirigeants sociaux qui se heurtent à ce qu'ils considèrent comme un abus de minorité (II).

A l'origine de l'affaire, on trouve un problème de transformation de SARL en société anonyme. On sait que selon le principe posé par l'article 69 alinéa 2 de la loi du 24 juillet 1966, cette décision doit être prise à la majorité requise pour la modification des statuts, c'est-à-dire la majorité des trois-quarts des parts sociales. Or, en l'espèce, cette majorité n'a pas pu être atteinte du fait d'une associée minoritaire qui s'abstenait systématiquement depuis plus de quatre ans de participer aux décisions intéressant la vie sociale. Qu'à cela ne tienne, les majoritaires estimant qu'il y avait un abus de minorité considérèrent que la décision était adoptée ! Un tel coup de force, qui a trouvé grâce devant les juges du fond (Limoges, 23 avr. 1990, BRDA 2/1991, p. 20 ; Droit sociétés, 1990, § 367) ne pouvait pas être admis par la Cour de cassation. Cet arrêt ayant déjà fait l'objet d'excellents commentaires, nous nous bornerons à quelques brèves observations.

I. - Définition de l'abus de minorité. - Pour que l'abus de minorité puisse être retenu, il faut, selon la Chambre commerciale, établir que l'attitude du minoritaire a été « contraire à l'intérêt général de la société en ce qu'elle aurait interdit la réalisation d'une opération essentielle pour celle-ci, et dans l'unique dessein de favoriser ses propres intérêts au détriment de l'ensemble des autres associés ». Le rapprochement s'impose évidemment avec la définition de l'abus de majorité telle qu'elle résulte d'une jurisprudence désormais bien établie, selon laquelle est abusive, la décision prise « contrairement à l'intérêt général et dans l'unique dessein de favoriser les membres de la majorité au détriment des membres de la minorité » (Com., 18 avr. 1961, JCP 1961.II.12164, D.

BASTIAN et réf. cit. in Précis Dalloz, Sociétés commerciales, 3e éd., n° 580). Mais les deux définitions ne sont pas symétriques (Cf. M. CABRILLAC, De quelques handicaps dans la

construction de la théorie de l'abus de minorité, in Mélanges offerts à André Colomer, Litec, 1993, p. 109). La Cour de cassation réduit en effet considérablement le domaine d'application de l'abus de minorité en exigeant que le minoritaire se soit opposé à une « opération essentielle » pour la société (V. déjà sur cette notion d'intérêt essentiel, Paris 26 juin 1990, aff. Fromageries Bel, Rev.

sociétés, 1990.613, M. BOIZARD ).

La solution est bonne, car l'abus de minorité ne peut se concevoir que comme un mécanisme correcteur qui ne doit jouer que dans des hypothèses limitées (cf. notre rapport au Colloque Droit et

Commerce, L'abus de minorité, in Rev. jurispr. com. nov. 1991, p. 81, spéc. n° 10).

Les arrêts ultérieurs auront à n'en pas douter l'occasion de préciser la notion. L'opération « essentielle » est incontestablement celle qui s'impose pour la survie immédiate de la société : ainsi en va-t-il de la transformation à réaliser sous peine de dissolution ou de l'augmentation de capital

exigée par le législateur (L. 1er mars 1984 fixant le capital minimum des SARL à 50 000 F). Certains très bons connaisseurs du droit des sociétés estiment que si la société est largement endettée et rencontre de graves problèmes, il pourrait y avoir abus de la part du minoritaire qui empêcherait toute solution ; qu'en revanche, le refus du minoritaire ne serait pas condamnable s'il ne faisait que s'opposer à une augmentation de capital destinée à permettre le développement d'une société prospère (cf. P. M. sous Com. 9 mars 1993, Les Petites Affiches, 24 mars 1993, p. 12). D'autres craignent déjà que les juges du fond soient invités à se placer dans une perspective à moyen ou long terme, celle de la vie économique de l'entreprise, pour apprécier le caractère essentiel de l'opération et ils redoutent une dérive de cette condition (M. CABRILLAC, préc. n° 18). Il est vrai que dans cette perspective plus lointaine l'appréciation du caractère essentiel de l'opération est alors beaucoup plus délicate ; elle ne peut se faire qu'au cas par cas et toute tentative de systématisation est très périlleuse.

II. - Sanction de l'abus de minorité. - Au lendemain de l'arrêt Six, les commentateurs s'étaient interrogés sur la portée exacte de la censure intervenue : « l'abus de ses droits par l'associé minoritaire, à le supposer établi, n'était pas susceptible d'entraîner la validité de la décision irrégulière... ».

Page 10 sur 69

II. COMMENTAIRE D’ARRÊT : CASS. COM. 9 FÉVRIER 1999 (DOC. 2)

III. INTERROGATION ÉCRITE

La décision pouvait être interprétée comme prononçant la seule condamnation de la contraction opérée par les dirigeants qui avaient décidé que l'attitude du minoritaire étant abusive, il y avait lieu de neutraliser ses droits de vote et de considérer la résolution proposée comme adoptée. Si le minoritaire n'était pas satisfait, il lui appartiendrait de prendre l'initiative de demander l'annulation de la résolution. Une telle démarche, qui avait été admise par la cour d'appel, ne pouvait être approuvée par la Chambre commerciale, dans la mesure où elle entraîne un renversement de la charge de la preuve au détriment du minoritaire (cf. Ph. MERLE, rapport préc. n° 27 ; rappr. Paris, 18 janv. 1990, JCP, éd. E 1990.I.15838, n° 12, A. VIANDIER et J.-J. CAUSSAIN). L'autre interprétation consistait à soutenir que la décision valant vote était condamnée implicitement par cet arrêt Six. L'arrêt Flandin vient de proclamer expressément cette solution (infra ).

Mots clés : SOCIETE A RESPONSABILITE LIMITEE * Assemblée générale * Abus de minorité * Définition et sanction

Licence 3 – Droit des sociétés – 2017/2018 Cours de M. PITCHO

I. ÉTUDIEZ LES DOCUMENTS SUIVANTS :

DOC 1 :

Cass. Com. 7 avril 2009, n°08-15.593

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Colmar, 28 mars 2008), que le 26 septembre 1995, M. X... (le cessionnaire) a versé une certaine somme à M. Y... (le cédant) pour l'achat de deux cent cinquante parts de la société à responsabilité limitée Entreprise de construction Roger Y... ; que le cessionnaire a assigné le cédant en remboursement de la somme versée et en paiement de dommages-intérêts ; que la cour d'appel a accueilli sa demande en prononçant la résolution de la cession sur le fondement du manquement du cédant à son obligation de délivrance ;

Attendu que le cédant fait grief à l'arrêt d'avoir ainsi statué, alors, selon le moyen :

1°/ que la quittance de paiement du prix des parts d'une société cédées vaut constatation écrite de la cession ; que selon les énonciations de l'arrêt, le cédant avait fourni au cessionnaire la quittance de paiement du prix des actions litigieuses cédées ; qu'un tel écrit valait donc constatation écrite de la cession litigieuse ; qu'en affirmant que le cédant n'avait pas satisfait à son obligation de délivrance en l'absence d'écrit permettant de constater la cession des parts et de procéder aux formalités d'opposabilité de la cession, la cour d'appel a violé l'article 1610 du code civil, ensemble l'article L. 221-14 du code de commerce ;

2°/ que l'établissement d'un écrit pour la constatation de la cession de parts sociales est de l'intérêt commun des parties en ce qu'il permet d'assurer l'opposabilité de la cession aux tiers ; qu'il appartient à la partie la plus diligente d'inviter l'autre partie à l'établissement de cet écrit ; qu'en reprochant au cédant d'avoir manqué à son obligation de délivrance pour n'avoir pas établi un contrat de cession signé par les parties, bien que cette formalité ne lui incombât pas spécialement, en l'absence de toute mise en demeure en ce sens du cessionnaire, la cour d'appel a violé l'article 1610 du code civil ;

3°/ que les obligations d'information et de convocation permettant d'assurer la participation du cessionnaire de parts sociales à la gestion d'une société à responsabilité limitée incombent à la société elle-même et non au cédant ; qu'en considérant que le cédant avait manqué à son obligation de délivrance en n'associant pas le cessionnaire à l'exploitation de la société, bien qu'il ne fût pas personnellement débiteur des obligations permettant d'assurer cette association du cessionnaire à l'administration de la société, la cour d'appel a violé l'article 1610 du code civil ;

Mais attendu que l'arrêt relève qu'en l'absence de tout écrit signé par les parties et constatant la cession des parts sociales, le cessionnaire ne pouvait procéder à aucune des formalités nécessaires pour rendre la cession effective ; que de ces constatations et appréciations, abstraction faite des

SÉANCE N°7

LES DROITS DES ASSOCIES (2/2)

DROIT DE CEDER SES TITRES

Page 12 sur 69

motifs surabondants critiqués par la troisième branche, la cour d'appel a justement déduit que le cédant avait manqué à son obligation de délivrance ; que le moyen, qui ne peut être accueilli en sa troisième branche, n'est pas fondé pour le surplus ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne M. Y... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette sa demande et le condamne à payer à M. X... la somme de 2 500 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du sept avril deux mille neuf.

DOC 2 :

Cass. Com. 4 octobre 2011, n°10-15.790

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Rennes, 26 janvier 2010), que M. et Mme X... ont, suivant protocole d'accord du 22 avril 2005, promis de céder à une société à constituer le contrôle de la société Hydrotech moyennant une certaine somme fixée au regard de la situation comptable arrêtée au 30 mars 2005 ; qu'ils ont, le 20 juin 2005, cédé à la société L2B la totalité des parts de la société Hydrotech pour la même somme révisable à la baisse en fonction de la variation des capitaux propres de cette dernière entre le 1er avril 2005 et le 30 juin 2005 ; que la société L2B, prétendant avoir été trompée sur la situation de la société Hydrotech, en état de cessation des paiements et privée de concours bancaires au jour de la cession, a assigné M. et Mme X... en annulation de la cession de parts sociales ;

Attendu que M. X... fait grief à l'arrêt d'avoir annulé l'acte de cession des parts sociales de la société Hydrotech du 20 juin 2005 et d'avoir condamné M. et Mme X... à la restitution du prix, alors, selon le moyen :

1°/ que, sauf circonstances particulières et volonté contraire des parties, la promesse de cession vaut cession dès lors que les parties sont d'accord sur la chose et sur le prix ; qu'en conséquence, l'intégrité du consentement des parties s'apprécie à la date de la promesse, peu important la réitération ultérieure par un nouvel acte ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que la promesse synallagmatique de vente du 22 avril 2005 avait été réitérée par acte de cession du 20 juin 2005, le prix de 225 000 euros étant demeuré inchangé sur la base de la situation comptable arrêtée au 31 mars 2005 (article 3 du protocole, art. 3-1 de l'acte de cession) ; qu'en considérant, cependant, que l'intégrité du consentement de la société L2B devait être appréciée à la date de l'acte de cession du 20 juin 2005 et non à celle de la promesse synallagmatique de cession du 22 avril 2005 par cela seul que l'acte réitératif, sans modifier le prix convenu, avait introduit une clause de révision de ce prix en fonction du montant des capitaux propres de l'entreprise cédée et spécifié qu'il annulait et remplaçait le protocole du 22 avril 2005, la cour d'appel a violé les articles 1116 et 1589 du code civil ;

2°/ subsidiairement que l'article 3-1 de l'acte de cession stipulait que "le prix de cession des 3 250 parts sociales est fixé globalement et provisoirement à la somme de 225 000 euros. Ce prix a été déterminé en fonction du montant des capitaux propres figurant au passif de la situation comptable de la société Hydrotech arrêtée à la date du 31 mars 2005 et qui s'élevait à la somme de 104 336,61 euros après résultat négatif de 50 810,76 euros pour la période du 1er juillet 2004 au 31 mars 2005" ; qu'une révision de ce prix provisoire n'était prévue que dans l'hypothèse où le

Page 13 sur 69

montant des capitaux propres de l'entreprise au 30 juin 2005 aurait été inférieur à 79 000 euros ; qu'il en résultait que les parties avaient convenu que, jusqu'à la conclusion de l'acte définitif de cession, les négociations avaient été menées en fonction de la situation au 31 mars 2005 ; qu'en considérant cependant qu'il convenait de mettre à la charge du cédant une obligation de communiquer les éléments comptables de la période courant du 1er avril 2005 au 20 juin 2005 et de révéler notamment l'état de cessation des paiements et le retrait des encours bancaires survenus après le 31 mars 2005, la cour d'appel a ignoré la loi des parties et a violé les articles 1116 et 1134 du code civil ;

3°/ en tout état de cause que, tenu de respecter le principe du contradictoire, le juge du fond ne peut soulever d'office un moyen sans inviter les parties à présenter leurs observations ; qu'en l'occurrence, la société L2 B se plaignait de ce que M. X... ne l'ait pas informée de l'état de cessation des paiements et ait affirmé une gestion en bon père de famille ; qu'en reprochant à M. X... de n'avoir pas informé la société L2B de la diminution de l'actif net et du retrait des concours bancaires sans inviter les parties à présenter leurs observations sur ce point, la cour d'appel a violé l'article 16 du code de procédure civile ;

4°/ que le dol ne peut justifier l'annulation de l'acte juridique que si le cocontractant victime, en son absence, n'aurait pas contracté aux conditions convenues ; qu'en l'état de la détermination du prix en fonction du seul montant des capitaux propres, l'existence des concours bancaires et le rapport entre l'actif disponible et le passif exigible étaient clairement demeurés étrangers à cette fixation du prix ; qu'en considérant cependant que la délivrance des informations relatives à ces données aurait dissuadé les cessionnaires de contracter aux conditions convenues, la cour d'appel a violé les articles 1116 et 1134 du code civil ;

5°/ que l'état de cessation des paiements et sa date exacte ne sont pas nécessairement connus du cédant de parts sociales hors intervention d'un expert ou d'un juge ; qu'en reprochant à M. X... d'avoir déclaré que la société cédée n'était pas en état de cessation des paiements et, dès lors, d'avoir menti, puis de ne pas être revenu sur cette précision avant le 20 juin 2005, sans rechercher s'il était en mesure, au moment des faits, de connaître cet état révélé seulement par le rapport d'expertise déposé en 2006 et par le jugement du tribunal de commerce du 26 avril 2006, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1116 du code civil ;

6°/ que la seule détention d'une information utile ne suffit pas à caractériser l'élément intentionnel de la réticence dolosive ; qu'en affirmant que M. et Mme X... avaient dissimulé la dégradation des résultats de la société ainsi que le retrait de concours bancaires déterminants sans préciser les éléments lui permettant de retenir une rétention intentionnelle de ces informations en vue de tromper leur cocontractant, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1116 du code civil ;

7°/ enfin que nul ne peut se plaindre d'une erreur provoquée par le défaut de révélation d'un événement s'il était en mesure de prévoir celui-ci ; qu'en ne recherchant pas si, disposant des éléments comptables au 31 mars 2005 établissant la situation délicate de la société, et assistée d'un conseil spécialisé, la société L2B ne pouvait pas légitimement craindre et supposer que, dans les semaines suivantes, les concours bancaires seraient retirés, l'état de cessation des paiements caractérisé et l'actif net comptable diminué, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1116 du code civil ;

Mais attendu, en premier lieu, qu'après avoir relevé que le protocole d'accord du 22 avril 2005 contenant promesse synallagmatique de cession avait été réitéré par un second acte du 20 juin 2005 qui modifiait substantiellement les conditions de la cession en introduisant une clause de révision de prix et en spécifiant expressément qu'il annulait et remplaçait les actes antérieurs, notamment le protocole du 22 avril 2005, l'arrêt retient exactement que la validité du consentement du cessionnaire doit être appréciée, non au jour de la signature de ce protocole, mais à la date de l'acte de cession ;

Page 14 sur 69

Attendu, en deuxième lieu, qu'ayant constaté que la société L2B avait consenti à la cession du 20 juin 2005 sur la base d'une situation comptable arrêtée au 30 mars 2005 et au regard de déclarations des cédants affirmant notamment que la société Hydrotech bénéficiait d'une autorisation de découvert bancaire et n'était pas en état de cessation des paiements, c'est dans l'exercice de son pouvoir souverain d'appréciation, et sans encourir les griefs contradictoires des cinquième et septième branches, que la cour d'appel a estimé que M. et Mme X... avaient trompé la société cessionnaire en ne lui communiquant pas les éléments comptables de la période postérieure au 30 mars 2005 et en ne lui révélant pas l'état de cessation des paiements ainsi que le retrait des encours bancaires survenus après cette date ;

Et attendu, en troisième lieu, que la cour d'appel n'était pas tenue d'inviter les parties à présenter leurs observations sur un moyen qui était dans le débat ;

D'où il suit que le moyen, qui ne peut être accueilli en ses cinquième et septième branches, n'est pas fondé pour le surplus ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne M. X... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, le condamne à payer à la société L2B la somme de 2 500 euros, et rejette sa demande ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du quatre octobre deux mille onze.

DOC 3 :

Cass. Com. 11 juin 2013, n°12-22.296

Sur le premier moyen :

Attendu que M. X...fait grief à l'arrêt d'accueillir cette demande, alors, selon le moyen, qu'à l'instar du contrat de société originaire, qui postule l'affectio societatis des associés fondateurs, la cession partielle de titres sociaux, lorsqu'elle vise pour le cédant à partager le contrôle de sa société avec de nouveaux associés spécialement choisis à cet effet, exige aussi bien l'existence d'une affectio societatis de la part du cédant et du cessionnaire, chacun étant appelé à s'associer et à concourir ensemble à la réalisation de l'objet social ; qu'en l'espèce, M. X...faisait valoir que la convention de cession n'avait pu se former faute d'affectio societatis de la part de Mme Y...et de M. Z...; qu'en écartant ce moyen au seul motif que le contentieux en cause ne concernait pas le contrat de société originaire, les juges du fond ont violé les articles 1134 et 1832 du code civil ; Mais attendu que l'affectio societatis n'est pas une condition requise pour la formation d'un acte emportant cession de droits sociaux ; que c'est donc à bon droit que l'arrêt retient que le défaut d'affectio societatis en la personne de Mme Y...et de M. Z..., à le supposer avéré, n'a pas fait obstacle à la formation de la promesse synallagmatique de vente d'actions conclue par ces derniers avec M. X...; que le moyen n'est pas fondé ; Sur le deuxième moyen : Attendu que M. X...fait le même grief à l'arrêt, alors, selon le moyen, que l'affectio societatis étant requise du cessionnaire de titres sociaux appelé à partager le contrôle de la société avec le cédant, ce dernier doit être admis à renoncer unilatéralement à l'opération s'il apparaît, une fois la promesse conclue, que l'affectio societatis fait défaut chez le cessionnaire ; qu'en décidant le contraire, motif pris de ce que l'affectio societatis ne serait exigée qu'au jour de la formation du contrat de société, les juges du fond ont violé les articles 1184 et 1832 du code civil ; Mais attendu que les conventions légalement formées ne peuvent être révoquées que du consentement mutuel de ceux qui les ont faites ou pour les causes que la loi autorise ; que

Page 15 sur 69

l'absence d'affectio societatis en la personne du cessionnaire de droits sociaux ne constitue pas l'une de ces causes ; que le moyen n'est pas fondé ; Et attendu que le troisième moyen ne serait pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ; PAR CES MOTIFS : REJETTE le pourvoi ; Condamne M. X...aux dépens ; Vu l'article 700 du code de procédure civile, le condamne à payer la somme globale de 2 500 euros à Mme Y...et à M. Z...; rejette les autres demandes ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du onze juin deux mille treize.

DOC 4 :

Revue des sociétés 2008 p. 577 L'indifférence à l'exigence de détermination du prix du caractère global du prix de cession des titres composant le capital de plusieurs sociétés Note sous Cour de cassation (com.) 8 avril 2008, Société CIHS c/ Société Codevim

Jacques Moury, Professeur à l'Université de Reims Champagne-Ardennes ; avocat au barreau de Paris

L'essentiel Le prix de cession de titres composant le capital de plusieurs sociétés est suffisamment déterminé par un prix global, dès lors que la ventilation de ce prix entre chacune de ces sociétés ne constitue pas une condition de la vente, mais en conditionne seulement les conséquences fiscales pour l'acquéreur.

La Cour, Attendu, selon l'arrêt attaqué (Chambéry, 30 mai 2006), que la société Crédit Immobilier de Haute-Savoie (la société CIHS) et la société Compagnie de développement immobilier (la société Codevim) ont, le 15 décembre 1999, conclu un protocole d'accord aux termes duquel elles ont convenu, au titre de leur activité de promotion immobilière, l'acquisition par la première de trois sociétés contrôlées par la seconde et, au titre de leur activité d'administration d'immeubles, la constitution d'une société holding détenue par moitié entre elles ; qu'après mise en demeure de la société CIHS d'honorer ses engagements, la société Codevim l'a assignée devant le tribunal aux fins d'obtenir réparation du préjudice résultant de la rupture du protocole ; Sur le premier moyen, pris en sa première branche :

Attendu que la société CIHS fait grief à l'arrêt de l'avoir déclarée responsable de la rupture du protocole d'accord, alors, selon le moyen, que lorsque le même vendeur vend plusieurs sociétés, le prix de chacune des sociétés vendues doit être déterminé ou déterminable dans l'acte de vente ; qu'en jugeant pourtant, en l'espèce, que le seul fait qu'un prix global de cession soit déterminable suffisait à rendre la vente parfaite, sans qu'il soit nécessaire que soit déterminé ou déterminable le prix de chacune des sociétés vendues par la société Codevim à la société CIHS, la cour d'appel a violé l'article 1591 du code civil par refus d'application ; Mais attendu que le prix de cession de titres composant le capital de plusieurs sociétés est suffisamment déterminé par un prix global, dès lors que la ventilation de ce prix entre chacune de ces sociétés ne constitue pas une condition de la vente, mais en conditionne seulement les conséquences fiscales pour l'acquéreur ; qu'après avoir relevé, par motifs adoptés, qu'il résultait du protocole que l'objet de l'opération était la cession d'un ensemble de sociétés formant un tout objectivement défini, l'arrêt, qui retient, par motifs propres, que l'article 1591 du code civil n'exige, ni ventilation du prix revenant à chacune des sociétés, ni fixation des conséquences

Page 16 sur 69

fiscales du prix de cession, en a déduit à bon droit que ces éléments ne pouvaient remettre en cause le prix déjà fixé par la volonté commune des sociétés CIHS et Codevim ; que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le premier moyen, pris en ses deuxième, troisième et quatrième branches, et sur le second moyen :

Attendu que ces moyens ne sont pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ; Par

ces motifs :

Rejette le pourvoi ;

Mme Favre, prés. ; M. Salomon, cons. rapp. ; Mme Bonhomme, av. gén. ; SCP Gatineau, SCP Thomas-

Raquin et Bénabent, av.

Note

1. Deux sociétés, CIHS et Codevim, concluent un « protocole d'accord » aux termes duquel elles conviennent, d'une part, de l'acquisition par CIHS, pour un prix global, de trois sociétés contrôlées par Codevim, d'autre part, de la constitution d'une société holding détenue pour moitié par chacune d'elles. CIHS n'ayant pas respecté ses engagements de cessionnaire, Codevim la met en demeure, puis l'assigne en réparation du préjudice résultant pour elle de la rupture de la convention.

Relevant qu'il résulte de la convention litigieuse que l'objet de l'opération était la cession d'un ensemble de sociétés formant un tout objectivement défini, et retenant que l'article 1591 du code civil n'exige ni ventilation du prix revenant à chacune des sociétés, ni fixation des conséquences fiscales du prix de cession, la cour d'appel considère que de tels éléments, qu'invoquait CIHS, ne pouvaient remettre en cause le prix déjà fixé par la volonté commune des parties et juge cette société responsable, du fait de sa défaillance, de la rupture de la convention. CIHS forme un pourvoi. Son moyen fait valoir que, lorsque le même vendeur vend plusieurs sociétés, le prix de chacune d'elles doit être déterminé ou déterminable dans l'acte de vente et qu'ainsi, jugeant qu'un prix global de cession déterminable suffit pour rendre la vente parfaite sans qu'il soit nécessaire que soit déterminé ou déterminable le prix de chacune des sociétés vendues, la cour d'appel a violé l'article 1591. Le pourvoi est rejeté, la Chambre commerciale (1) déclarant que le prix de cession de titres composant le capital de plusieurs sociétés est suffisamment déterminé par un prix global, dès lors que la ventilation de ce prix entre chacune de ces sociétés ne constitue pas une condition de la vente, mais en conditionne seulement les conséquences fiscales pour l'acquéreur.

La solution doit être approuvée, qui découle d'une simple application du droit commun des contrats et de la vente : l'absence de ventilation du prix de vente d'une chose multiple entre ses composantes est étrangère à l'impératif de détermination du prix. Les parties n'en peuvent pas moins subordonner la formation du contrat à l'indication de cette ventilation.

Le principe : l'indifférence du caractère global du prix de vente d'une chose multiple à l'exigence de détermination du prix 2. L'article1583 du code civil énonce que la vente est parfaite entre les parties dès qu'elles sont convenues de la chose et du prix, l'article 1591 précisant que celui-ci doit être déterminé. Ce dernier texte ne distingue pas selon que la chose objet de l'obligation du vendeur est multiple ou non pour alors, dans l'affirmative, imposer une répartition du prix entre les différents éléments de l'ensemble vendu. L'exigence sur laquelle prétendait s'appuyer le moyen revient à ajouter aux dispositions de l'article 1591 une condition de formation du contrat qui n'y figure pas. C'est exactement ce que juge la Chambre commerciale en approuvant les juges du fond d'avoir retenu qu'en l'espèce « l'article 1591 du code civil n'exige ni ventilation du prix revenant à chacune des sociétés, ni fixation des conséquences fiscales du prix de cession ». La Troisième Chambre avait

Page 17 sur 69

déjà adopté semblable position, mais en quelque manière inversement, dans une espèce dans laquelle le vendeur refusait de signer le projet d'acte authentique faisant figurer la ventilation du prix de vente d'une propriété au motif que cette ventilation n'avait pas été mentionnée dans l'acte de vente sous seing privé précédemment signé par les parties : il avait été jugé que « l'accord sur la chose et sur le prix n'[est] pas remis en cause par cette ventilation » (2).

3. C'est que le caractère multiple de la chose, au sens élémentaire de l'article 1126 du code civil, qui fait l'objet de l'obligation du vendeur n'affecte pas dans son unité l'obligation corrélative de l'acheteur : cette multiplicité n'implique en rien la division de la contre-prestation - envisagée dans sa substance et non sur le terrain de son exécution, éventuellement échelonnée -, c'est-à-dire un fractionnement du prix. Sauf à ce que les parties aient entendu conclure une convention distincte pour chacun des éléments de l'ensemble considéré, autrement dit qu'il y ait pluralité de negotium. Mais on est alors en présence d'une configuration contractuelle différente.

4. L'absence de ventilation du prix, lorsque donc est multiple la chose vendue, est une considération étrangère, et par conséquent indifférente, à la question de la nécessité d'un prix déterminé. Elle est en effet sans incidence sur la quantité d'instruments monétaires que l'acheteur s'oblige à verser en contrepartie du transfert de propriété dès lors que cette quantité, n'appelant aucune nouvelle manifestation de volonté de la part des parties ou de l'une d'elles, est définitivement fixée - ce qui était le cas en l'espèce -, et le prix ainsi parfaitement déterminé. Il n'en pourrait aller autrement que si ce qui est présenté, inexactement, comme un « prix » global inclut une partie ne devant pas revenir au vendeur, autrement dit lorsqu'il comprend des éléments extérieurs au prix lui-même et non encore fixés lors de la conclusion du contrat : le caractère global de la somme au paiement de laquelle s'oblige l'acheteur tient alors en échec la formation du contrat de vente car les consentements des parties ne se sont pas rencontrés sur le montant du prix (3).

Que le prix soit un montant forfaitaire ou qu'il résulte de l'addition de sommes figurant dans le contrat comme correspondant chacune à l'un des éléments de l'ensemble vendu, voilà qui ne traduit donc qu'une différence formelle, impuissante à affecter la validité du contrat de vente au travers de l'impératif de détermination du prix. L'engagement que contracte l'acquéreur a la même teneur dans l'une et l'autre hypothèses : il s'oblige à payer une même somme qui, simplement, peut être décomposée. Le vendeur assume une même obligation, qui est unique : transférer la propriété de la chose vendue. Cette précision que les titres composant le capital des trois sociétés constituaient « un tout objectivement défini » touche à l'exigence de détermination non point du prix mais de la chose vendue, conformément aux prescriptions de l'article 1129 du code civil mais de manière presque superfétatoire en l'espèce. Si en effet l'obligation du cédant, plurale par son objet, était divisible par nature - elle portait sur un certain nombre de parts sociales, en l'occurrence constitutives du capital de trois sociétés -, les parties en avaient fait une obligation indivisible, subjectivement. Au vrai, la situation ne se présente pas différemment lorsque la cession porte sur les titres d'une seule société : la chose objet de l'obligation du cédant n'en est pas moins objectivement divisible, s'agissant toujours de la réunion d'un certain nombre de parts sociales. Mais, dès l'instant que la volonté des parties a été d'inscrire l'opération dans un negotium unique, la contre-prestation est une et le prix nécessairement « global » quoique l'objet de l'obligation du vendeur soit multiple. D'ailleurs, l'article 1220 du code civil ne dispose-t-il pas, intéressant il est vrai une phase ultérieure dans la vie du contrat, que « l'obligation qui est susceptible de division doit être exécutée entre le créancier et le débiteur comme si elle était indivisible [...] » ?

5. L'on observera enfin que le même raisonnement conduit à un résultat identique en présence d'une obligation également plurale par son sujet : « l'exigence de la détermination du prix n'implique pas, en cas de pluralité de vendeurs, que la part revenant à chacun d'eux soit déterminée dans le contrat » (4).

L'aménagement : la subordination conventionnelle de la formation du contrat à un élément en principe non essentiel à celle-ci, en l'occurrence à la ventilation du prix de la chose multiple

Page 18 sur 69

vendue 6. La Chambre commerciale dit que « le prix de cession [...] est suffisamment déterminé par un prix global, dès lors que la ventilation de ce prix [...] ne constitue pas une condition de la vente [...] ». Il eût été préférable de parler, plutôt que de condition, d'élément constitutif. La condition agit non pas sur la formation du contrat au regard de ses éléments constitutifs - qui sont a priori réunis, sinon le contrat conditionnel est infecté d'une cause de nullité - mais, avec la naissance de l'obligation ou sa disparition, sur le principe même de son existence, laquelle repose sur un événement qui est nécessairement indépendant de ces éléments constitutifs. En effet, la condition n'étant jamais qu'une modalité de l'obligation, sans la réalisation de laquelle le contrat n'en doit pas moins être régulièrement formé, les éléments constitutifs du contrat ne peuvent en aucune manière être sous la dépendance de l'événement dans lequel elle consiste. 7. Cela étant dit, il est permis aux contractants d'ajouter à ces éléments constitutifs en subordonnant la formation de la vente à la rencontre de leurs consentements non seulement sur la chose et sur le prix, mais encore sur tel point qui n'est pas un élément normalement essentiel à cette formation. C'est ainsi qu'il leur est loisible, par exemple, de hisser les modalités de paiement au rang d'« élément constitutif de leur consentement » (5). Il n'y a guère à dire sur ce qui constitue non point une exception, mais un aménagement que les parties peuvent apporter au principe qui gouverne la formation du contrat. Il convient seulement que cet élément, entré dans le champ contractuel, puisse être regardé comme ayant été déterminant de leur consentement. L'on peut dès lors aisément imaginer, dans le cadre d'une cession telle que celle qui était à l'origine de la décision commentée, que le cessionnaire entende, en raison des conséquences fiscales qu'entraîne pour lui l'opération, faire dépendre son consentement de la précision, dans l'acte de cession, de la ventilation du prix entre les diverses sociétés dont il acquiert les titres. Mais tel n'était pas le cas en l'espèce.

Mots clés : CESSION DE DROITS SOCIAUX * Prix * Détermination du prix * Sociétés multiples * Prix global

(1) Sur cet arrêt, V. également D. 2008. AJ. 1203, obs. X. Delpech ; Bull. Joly 2008. 608, §131, note A. Couret ; Dr. sociétés juill. 2008, n° 141, p. 11, note M.-L. Coquelet. (2) Civ. 3e, 21 mars 1990, Bull. civ. III, n° 84. (3) Tel peut notamment être le cas en matière de vente immobilière, lorsque le « prix » que doit payer l'acheteur englobe la rémunération, non encore déterminée, de l'intermédiaire. V. ainsi Civ. 3e, 4 janv. 1973, Bull. civ. III, n° 21 ; Civ. 3e, 3 oct. 1979, Gaz. Pal. 1980. Somm. 60. (4) Civ. 3e, 19 mars 1986, Bull. civ. III, n°36 : achat par un acquéreur unique, pour un prix global, d'un ensemble de parcelles appartenant de manière divise à six vendeurs, lesquels agissaient par un mandataire commun ayant reçu d'eux mandat de vendre pour un prix global l'ensemble des parcelles et de le répartir ensuite entre eux au prorata des surfaces et des qualités des parcelles dont ils étaient propriétaires. Adde Civ. 3e, 6 juill. 1983, Bull. civ. III, n° 162 : cassation de l'arrêt qui déclare nulle pour indétermination du prix la vente pour un prix global, par deux époux, d'un bien immeuble appartenant aux deux et d'un matériel de restauration appartenant à l'un d'eux ; Paris, 23 sept. 1988, Dr. sociétés nov. 1988, n° 318 : cession, par une société et une personne physique à un tiers, de leurs participations respectives dans sept sociétés d'un groupe « pour une somme forfaitaire et définitive ». (5) Com. 16 avr. 1991, Bull. civ. IV, n° 148 ; RTD civ. 1992. 79, obs. J. Mestre .

DOC 5 :

Cass. Com. 14 mai 2013, n°12-17.637

Dit n'y avoir lieu de mettre la société Kerry Security Management hors de cause ;

Page 19 sur 69

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la société Kerry Security Management a été créée en février 2000, avec pour associés M. Fernando X... et M. Y..., respectivement titulaires de quatre cents et de cent des cinq cents parts représentant le capital social ; qu'il a été établi qu'un acte daté du 1er novembre 2000, portant cession à M. Duarté X... de la totalité des parts sociales appartenant à M. Y..., avait été falsifié par M. Fernando X..., qui avait imité la signature de son associé ; que ces parts ont été revendues, le 14 mars 2005 par M. Duarté X... et, le 8 octobre 2008, par leur cessionnaire ; que M. Y... ayant demandé l'annulation de l'ensemble de ces cessions, la cour d'appel a accueilli cette demande en tant qu'elle visait l'acte du 1er novembre 2000 et l'a rejetée en tant qu'elle visait les actes subséquents ; Sur le moyen unique, pris en sa première branche : Attendu que M. Y... fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande tendant à l'annulation des cessions de parts des 14 mars 2005 et 8 octobre 2008 ainsi qu'à son rétablissement dans ses droits d'associé à compter du 1er novembre 2000, alors, selon le moyen, que l'annulation d'une cession d'actions confère au vendeur le droit d'obtenir la remise de celles-ci, en nature ou en valeur, sans qu'aucune réduction ne puisse affecter le montant de cette restitution, à l'exception des dépenses nécessaires ou utiles faites par l'acquéreur pour la conservation des titres ; que la restitution en valeur porte sur la valeur des titres au jour de leur retour dans le patrimoine du vendeur ; qu'en affirmant que la valeur de restitution des parts de M. Y...-dont la cession à M. X... avait été annulée-devait être appréciée au jour de la vente annulée, la cour d'appel a violé les articles 1599 et 1382 du code civil ; Mais attendu que l'annulation d'une cession de parts sociales confère au vendeur, dans la mesure où leur restitution en nature n'est pas possible, le droit d'en obtenir la remise en valeur laquelle doit être appréciée au jour de l'acte annulé ; que c'est donc à bon droit que la cour d'appel s'est prononcée comme elle a fait ; que le moyen n'est pas fondé ; Mais sur la deuxième branche du moyen : Vu les articles 549, 550 et 1234 du code civil ; Attendu que pour rejeter la demande de M. Y... tendant à être rétabli dans ses droits d'associé à compter du 1er novembre 2000, l'arrêt retient que la restitution des parts sociales ayant lieu en valeur et non en nature, ce dernier ne peut être réintégré dans ses droits d'associé et prétendre ainsi aux dividendes distribués postérieurement à cette date ; Attendu qu'en statuant ainsi, alors que la circonstance que la restitution consécutive à l'annulation d'une cession de droits sociaux a lieu en valeur ne fait pas obstacle à la restitution au cédant des fruits produits par les parts sociales litigieuses et perçus en connaissance du vice affectant l'acte annulé par celui qui est tenu à restitution, la cour d'appel a violé les textes susvisés ; PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur la dernière branche du moyen : CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a rejeté la demande de M. Y... tendant à être rétabli dans ses droits d'associé à compter du 1er novembre 2000, comprenant son droit à la participation aux bénéfices, l'arrêt rendu le 26 mai 2011, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Versailles, autrement composée ; Condamne M. Fernando X... et M. Duarté X... aux dépens ; Vu les articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et 700 du code de procédure civile, les condamne à payer à la SCP Le Bret-Desaché, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, la somme globale de 2 500 euros ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du quatorze mai deux mille treize.

DOC 6 :

Cass. com. 18 octobre 2011, n°10-21.800

Page 20 sur 69

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que Mme X..., associée unique et gérante de la société à responsabilité limitée Mod'import, a cédé des parts de cette société à la société Charlène développement ; qu'à la suite du dépôt en annexe du registre du commerce et des sociétés de l'acte de cession par cette dernière, le greffier du tribunal de commerce a invité la société Mod'import, devenue pluripersonnelle, à procéder à la mise à jour de ses statuts ; que faute de régularisation intervenue dans le délai imparti, le juge chargé de la surveillance du registre du commerce et des sociétés a rendu une ordonnance enjoignant à la société Mod'import de procéder à l'inscription modificative ; qu'ayant interjeté appel, cette société a fait intervenir la société Charlène développement ; Sur le premier moyen : Attendu que la société Charlène développement fait grief à l'arrêt d'avoir statué au vu de ses conclusions signifiées le 23 mars 2010, alors, selon le moyen : 1/ que l'article 954 du code de procédure civile, en ce qu'il implique que le juge ne peut statuer que sur les dernières conclusions des parties, est applicable tant en matière contentieuse qu'en matière gracieuse ; qu'aux termes de l'article R. 123-41 du code de commerce, l'appel des ordonnances rendues par le juge commis à la surveillance du registre du commerce et des sociétés est formé, instruit et jugé comme en matière gracieuse ; qu'au cas d'espèce, en retenant pour statuer les conclusions déposées par la société Charlène développement le 23 mars 2010, quand celle-ci avait déposé de nouvelles conclusions visées par le greffier à l'audience du 28 avril 2010, dont le contenu était enrichi par rapport aux précédentes, notamment en ce qu'elles répliquaient aux écritures adverses, les juges du second degré ont violé les articles 954 du code de procédure civile et R. 123-141 du code de commerce ; 2/ qu'à supposer que l'article 954 du code de procédure civile ne soit pas applicable en matière gracieuse, il n'en demeure pas moins que lorsque le juge décide de tenir une audience en cette matière, il est saisi des prétentions et moyens formulés devant lui par les parties ; qu'en cas de dépôt d'écritures à l'audience auxquelles il est verbalement renvoyé, le juge est tenu de les prendre en considération sans pouvoir s'en tenir à des conclusions antérieurement déposées ; qu'au cas d'espèce, en retenant les conclusions déposées par la société Charlène développement le 23 mars 2010 et non celles du 28 avril 2010, les juges du second degré ont violé les articles 27 et 28 du code de procédure civile et R. 123-141 du code de commerce ; 3/ que le juge est tenu de respecter le principe de l'égalité des armes en n'avantageant pas manifestement une partie au détriment de l'autre ; qu'en l'espèce, en prenant en compte les conclusions déposées par la société Mod'Import à l'audience du 28 avril 2010 sans en faire de même pour les conclusions déposées à la même audience par la société Charlène développement, les juges du second degré ont violé l'article 6 § 1 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; Mais attendu, en premier lieu, que la procédure d'appel des ordonnances du juge chargé de la surveillance du registre du commerce et des sociétés étant orale, en application de l'article R. 123- 141 du code de commerce, les dispositions de l'article 954, alinéa 2, du code de procédure civile ne s'appliquent pas ; Attendu, en second lieu, que la cour d'appel a exposé, dans des termes dont la suffisance ni la pertinence ne sont contestées, les moyens et prétentions de la société Charlène développement ; D'où il suit que le moyen, qui n'est pas fondé en sa première branche, est inopérant pour le surplus ; Mais sur le second moyen, pris en sa première branche : Vu les articles L. 223-17 et L. 221-14 du code de commerce et 1690 du code civil ; Attendu que pour infirmer l'ordonnance, l'arrêt retient que la société Charlène développement ne conteste pas l'absence de notification, par huissier de justice, de l'acte de cession et qu'elle ne peut justifier d'une attestation de dépôt de l'acte de cession entre les mains du gérant ; qu'il retient encore que l'acceptation par les associés de la société Mod'import du nantissement des parts de la société Charlène développement au profit d'une banque est sans incidence sur l'opposabilité à la société Mod'import de la cession intervenue entre un associé, fut-il gérant de la société Mod'import et la société Charlène développement ; Attendu qu'en se déterminant ainsi, sans rechercher, ainsi qu'elle y était invitée, si la signification, faite par une banque à la société Mod'import, d'un acte de nantissement à son profit de parts de

Page 21 sur 69

cette société détenues par la société Charlène développement, n'emportait pas signification de la cession de parts à la société Mod'import, la cour d'appel a privé sa décision de base légale ; PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs : CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 3 juin 2010, entre les parties, par la cour d'appel de Bourges ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Orléans ; Condamne la société Mod'import aux dépens ; Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette sa demande et la condamne à payer à la société Charlène développement la somme de 2 500 euros ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du dix-huit octobre deux mille onze.

DOC 7 :

Cass. Com., 27 septembre 2013, no 13-40.045 Attendu que la question transmise est ainsi rédigée :

"L'article L. 223-14 du code de commerce issu de la loi n° 66-537 du 24 juillet 1966 porte-t-il atteinte, d'une part, au principe fondamental de sécurité des actes juridiques concernant les SARL, d'autre part, au principe d'égalité ?"

Attendu que la disposition contestée est applicable au litige ; qu'elle n'a pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel ;

Mais attendu, d'une part, que la question, ne portant pas sur l'interprétation d'une disposition constitutionnelle dont le Conseil constitutionnel n'aurait pas encore eu l'occasion de faire application, n'est pas nouvelle ;

Et attendu, d'autre part, que la disposition critiquée ne porte aucune atteinte au principe de sécurité juridique non plus qu'à celui de l'égalité devant la loi ; que la question posée ne présente donc pas de caractère sérieux au regard des exigences qui s'attachent aux principes de valeur constitutionnelle invoqués ;

D'où il suit qu'il n'y a pas lieu de la renvoyer au Conseil constitutionnel ;

PAR CES MOTIFS :

DIT N'Y AVOIR LIEU A RENVOYER au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-sept septembre deux mille treize.

II. DISSERTATION : LES CLAUSES RESTREIGNANT LES CESSIONS DE TITRES

Licence 3 – Droit des sociétés – 2017/2018Cours de M. PITCHO

I. ÉTUDIEZ LES DOCUMENTS SUIVANTS :

DOC 1 :

Revue des sociétés 2003 p. 247 La réparation du préjudice causé par la faute des dirigeants sociaux, devant les juridictions civiles (1) Raymonde Vatinet, Professeur à l'Université Paris 5 (René Descartes) 1. L'activisme des actionnaires minoritaires traduit rarement une volonté réelle de participation active à la direction et au contrôle de la vie sociale ; il est plus souvent le signe de leur adhésion à l'idéologie de la réparation-garantie contre tous les risques et les aléas de la vie économique et financière. Des dirigeants sociaux souvent poussés à la faute par des incitations multiples à la recherche de gains à très court terme - auxquels leurs rémunérations sont souvent associées à dessein - devraient-ils être désormais tenus, plus souvent que par le passé, de réparer toutes les conséquences de leurs erreurs ? Il est devenu banal de répondre par l'affirmative, ne serait-ce que pour pouvoir limiter dans le même temps l'emprise jugée excessive du droit pénal sur le droit des sociétés (2). Aussi la question de la responsabilité civile des dirigeants sociaux, plus spécialement l'étude des conditions de l'action en réparation, sont-elles à l'ordre du jour (3). 2. Cependant, remettre en cause la délimitation du droit à réparation des préjudices économiques causés par l'action des dirigeants sociaux suppose une analyse et des choix à faire sur la nature des relations qui se nouent au sein de la personne morale et autours d'elle, relations qui, souvent, s'entremêlent, entre la société, ses dirigeants, ses associés et les tiers. Pour l'heure, faute de lignes directrices très claires qui lui soient proposées par la loi, le juge joue un rôle essentiel en la matière (4) et, bien qu'elle fasse souvent l'objet de critiques, l'évolution très empirique de la jurisprudence paraît d'une très grande cohérence, même si de nombreuses questions demeurent en suspens, que l'on envisage la réparation du préjudice dans l'ordre interne à la société, ou la réparation du préjudice d'un tiers. REPARATION DU PREJUDICE ET ORGANISATION INTERNE DE LA SOCIÉTÉ 3. Une idée forte du droit américain est que les associés auraient confié aux dirigeants sociaux un mandat d'agir en leur nom (5), d'où résulterait une responsabilité directe du mandataire social vis-à-vis d'eux. Cette analyse a sans doute été admise en France dans le passé, à l'époque où il n'existait que des actions individuelles en responsabilité exercées par des actionnaires demandant réparation soit de leur préjudice individuel soit de leur part de préjudice collectif (6) ? Depuis 1966, elle ne correspond plus à l'état du droit positif, dès lors que celui-ci distingue de manière très nette la réparation du préjudice collectif, que la société s'est désormais appropriée, et la réparation du préjudice individuel distinct. La manière dont la délimitation est aménagée entre ces deux catégories de préjudice traduit une prééminence de la personne morale, d'où il résulte un constat qui peut paraître paradoxal : la réparation du préjudice social est la plus facile à obtenir, bien qu'elle soit rarement demandée (A) ; la réparation du préjudice individuel distinct est très exceptionnelle, bien que la demande sur ce point paraisse aujourd'hui plus forte (B)

SÉANCES N°8 et 9

LA RESPONSABILITE DES DIRIGEANTS

Page 23 sur 69

Réparation du préjudice social

4. Les demandes en réparation du préjudice social sont relativement rares pour plusieurs raisons. Les unes tiennent à l'inadéquation des principes du droit de la responsabilité civile, lorsqu'il s'agit de définir l'étendue de l'obligation de réparation susceptible de peser sur le dirigeant ; les autres tiennent sans doute aux particularités de l'action en réparation, telle qu'elle est aménagée par le droit des sociétés.

Etendue de l'obligation de réparation

5. Le principe de réparation intégrale du préjudice est particulièrement inadapté en la matière ; il en va de même pour l'appréhension du lien de causalité dans le droit commun de la responsabilité civile. Au demeurant, le poids des condamnations individuelles pourrait être allégé par une mise en cause facilitée de la responsabilité collective du groupe dirigeant.

Inadéquation du principe de réparation intégrale et des différentes approches du lien de causalité - Palliatifs envisageables

6. Le principe de réparation intégrale du préjudice constitue sans doute un frein aux demandes de réparation (7). Il est significatif de constater que les rares cas de réparation du préjudice social constatés en jurisprudence sont des cas où la délimitation du préjudice était précise : coût trop élevé d'un contrat conclu par le dirigeant (8), montant des avances abusivement consenties par un dirigeant à une filiale (9). En revanche, lorsqu'en raison d'une mauvaise gestion, une société subit des pertes considérables, on sait par avance que les condamnations prononcées ne pourront pas être à la mesure du préjudice, trop lourdes à supporter, non seulement pour le dirigeant social lui-même, mais aussi pour les compagnies d'assurance, dont les possibilités ne sont pas illimitées. A cet égard, il est paradoxal de constater que lorsque la mauvaise gestion d'une société est à l'origine d'une liquidation judiciaire, les dirigeants sociaux peuvent n'avoir à combler qu'une partie du passif, souvent calculée en fonction de leur capacité contributive, alors que la réparation intégrale demeure la règle tant que la société est in bonis.

7. De la même façon, l'appréciation du lien de causalité est particulièrement délicate en la matière, pour des raisons évidentes tenant à l'enchaînement des actes de la vie sociale et des événements extérieurs susceptibles d'amplifier les effets préjudiciables de certaines décisions sociales. Quelle que soit la conception du lien de causalité que l'on adopte - équivalence des conditions ou causalité adéquate, entre lesquelles la jurisprudence n'a pas fait de choix très clair

(10) - , on est conduit à un résultat le plus souvent insatisfaisant car le juge est enfermé dans un choix entre tout et rien. Si le lien de causalité est admis, le dirigeant devrait être condamné à la réparation intégrale, alors que dans le cas contraire, il sera mis totalement hors de cause.

8. Parmi les palliatifs envisageables, le recours à la notion de perte d'une chance vient d'abord à l'esprit, la faute du dirigeant ayant fait perdre à la société une chance de gain ou de moindre perte, ce qui peut faciliter les réparation partielles. Mais de manière sans doute plus audacieuse, et par souci d'efficacité, on pourrait songer à se placer résolument dans le cadre du mouvement de contractualisation des rapports sociaux - donc sur le terrain de la responsabilité contractuelle - pour utiliser pleinement les techniques offertes par cette branche de la responsabilité civile, quitte à « réinventer » certaines d'entre elles. C'est ainsi que pour limiter les réparations, la notion de dommage prévisible est un peu tombée dans l'oubli, en raison des difficultés de sa mise en oeuvre ; mais elle pourrait être réhabilitée, précisément en raison du pouvoir d'appréciation qu'elle laisse au juge. Les professeurs Geneviève Viney et Patrice Jourdain considèrent que les risques que comporte le principe de réparation intégrale - risque, notamment, de freiner les activités productives et l'initiative individuelle - devraient conduire les juges à redécouvrir l'article 1150 du code civil et à lui donner une nouvelle vigueur comme instrument d'une politique de modération judiciaire des dommages intérêts (11). Le juge, en effet, peut disposer d'une grande liberté pour apprécier le dommage normalement prévisible en tenant compte de l'existence de « faits

Page 24 sur 69

amplificateurs » qu'ils soient dus au créancier ou à des circonstances extérieures. Par ailleurs, l'idée d'introduire dans les statuts ou dans certaines « chartes du dirigeant social » des clauses limitatives de responsabilité n'irait pas à l'encontre de la lettre des articles L. 225-252 et L. 225-53 du code de commerce et mériterait peut-être réflexion.

Responsabilité individuelle et responsabilité collective - Responsabilité des associés

9. Le poids des condamnations individuelles peut être allégé par la mise en cause du groupe dirigeant, ce qui va dans le sens préconisé par la doctrine du corporate governance consistant à « responsabiliser » l'ensemble des mandataires sociaux pour ne plus admettre l'excessive passivité de certains d'entre eux. La loi prévoit expressément que les dirigeants sont responsables « individuellement ou solidairement, selon le cas » (art. L. 225-251). Il est vrai que si la solidarité peut être retenue vis-à-vis de la victime (la société) le tribunal n'en aura pas mois l'obligation de déterminer la part contributive de chaque membre du groupe, ce qui ne sera pas toujours chose facile.

10. Enfin, si la responsabilité collective des dirigeants est ainsi expressément envisagée, il est beaucoup plus rare d'invoquer la responsabilité des associés eux-mêmes, voire l'incidence d'une faute de la victime lorsque la société, par l'intermédiaire de l'organe souverain qu'est l'assemblée générale, a autorisé, ou commandé, sa conduite au dirigeant social. On sait que la loi interdit à l'assemblée générale de voter une résolution qui aurait directement pour objet de renoncer à l'exercice d'une action en responsabilité contre un dirigeant ou d'éteindre cette action (12). Cependant, rien n'interdit de tenir compte du comportement des associés et de la hiérarchie interne des pouvoirs dans l'appréciation de l'étendue de la responsabilité du dirigeant. En 1974, la Cour de cassation a refusé de reconnaître l'effet exonératoire d'une décision d'assemblée générale ayant autorisé un dirigeant à consentir des avances à une filiale. Mais, en l'espèce, le vote de l'assemblée avait été provoqué et obtenu par le dirigeant dans des conditions anormales (13). En revanche, un arrêt rendu par la troisième chambre civile de la Cour de cassation le 2 octobre 2001 a admis que la responsabilité du gérant d'une société civile pouvait être totalement écartée dès lors qu'une opération immobilière ruineuse avait été décidée à l'unanimité par l'assemblée des associés (14). Mais, au lieu du tout ou rien, un partage de responsabilité devrait sans doute être plus facilement admis.

Singularités de l'action en réparation du préjudice social

11. On sait que l'action sociale peut être engagée non seulement par la société elle-même, mais aussi par tout actionnaire, tout groupe d'actionnaires représentant un pourcentage de parts sociales variable selon le montant du capital social, ou encore par une association d'actionnaires si elle détient elle-même une ou plusieurs actions, ou enfin par une association d'actionnaires de société cotée répondant aux conditions de l'article L. 225-120 du code de commerce (15).

Nature de l'action ut singuli : caractère subsidiaire ou « droit propre de l'actionnaire » ?

12. La fonction première de l'action ut singuli est évidemment de pallier l'inaction éventuelle des dirigeants légaux. Pour cette raison, on dit souvent qu'elle a un caractère subsidiaire, ce qui n'a plus beaucoup de sens aujourd'hui. En effet, il n'est pas nécessaire que l'inaction des organes légaux soit spécialement constatée, les actionnaires pouvant agir sans délai à la seule condition de mettre en cause la société (16). Il leur suffit d'agir les premiers. En revanche, si l'action sociale est exercée par les organes légaux, l'action ut singuli ne demeurerait recevable qu'à la condition de présenter encore un intérêt, en étant exercée sur un fondement différent (faute différente, par exemple) ou contre d'autres mandataires sociaux que ceux que l'action ut universi

met en cause. Par ailleurs, il a été jugé par la chambre criminelle de la Cour de cassation, en décembre 2000, que les actionnaires conservent la faculté d'interjeter appel si les organes légaux, après avoir exercé l'action en première instance, négligeaient cette voie de recours (17). Cette décision invoque un « droit propre de l'actionnaire », expression qui n'a pas beaucoup de sens, elle non plus, puisqu'il s'agit d'un droit qui est éteint par l'exercice, par la société elle-même, d'une

Page 25 sur 69

action identique et qui ne peut donc s'exercer qu'aux lieu et place de la personne morale chaque fois que celle-ci néglige de le faire.

Inadéquation de l'action ut singuli aux intérêts en jeu ?

13. L'action ut singuli étant à première vue exercée dans le seul intérêt de la société, il peut paraître anormal que la charge financière en soit assumée par l'actionnaire ou le groupe demandeur. Sans doute est-ce là un obstacle majeur à l'exercice de cette action. Pour inciter les actionnaires à l'exercer plus fréquemment, il conviendrait de prévoir que le coût en soit supporté par la société, à la condition qu'elle repose sur un fondement sérieux et ne soit pas abusive.

14. Quoi qu'il en soit, cette anomalie apparente s'explique par la nature profonde de l'action ut

singuli qui est de servir les intérêts de la société, certes, de manière immédiate, mais aussi, indirectement et à plus long terme, ceux des actionnaires, les plus fidèles en tout cas. C'est bien la raison pour laquelle l'action ut siguli est attachée à l'action et transmise avec elle. En effet, l'actionnaire perd son droit d'agir lorsqu'il cède ses parts, même si les conditions d'exercice de l'action étaient réunies avant la cession (18). Cette règle prétorienne est révélatrice de la manière très cohérente dont la jurisprudence conçoit la délimitation du préjudice social et du préjudice individuel.

Réparation du préjudice individuel de l'actionnaire

15. La réparation du préjudice individuel de l'actionnaire est devenue très exceptionnelle. Celui- ci n'est pas réparable en tant que tel s'il paraît être inclus dans le préjudice social. Les rares cas de préjudices distincts envisageables ne sont pas exempts d'ambiguïtés.

Préjudice individuel inclus dans le préjudice social

16. Très tôt, la jurisprudence a écarté tout droit à réparation du préjudice individuel dès lors qu'il est considéré comme le « corollaire » du préjudice social (19). Il est certain qu'on ne peut envisager la réparation à la fois du préjudice subi par le groupement et de celui que subit chacun de ses membres. La réparation de l'un exclut celle de l'autre. La jurisprudence a eu plusieurs fois l'occasion de rappeler ces règles au cours de ces dernières années, pour le préjudice résultant de la perte de valeur de l'action ou encore à la suite d'un coup d'accordéon rendu indispensable par la mauvaise gestion des dirigeants sociaux.

Perte de la valeur des actions

17. Pour les actionnaires minoritaires les plus contestataires, c'est là une hypothèse très importante où la jurisprudence paraît ignorer leurs intérêts. Plusieurs arrêts récents ont, en effet, écarté l'action de certains actionnaires, ou associations d'actionnaires, qui invoquaient, à titre de préjudice individuel, la diminution de la valeur des actions. Selon la Cour de cassation, la dévalorisation du titre résultant elle-même de la dépréciation du patrimoine social, n'est pas un préjudice individuel réparable (20), seul le préjudice social pouvant alors être indemnisé. Cette jurisprudence a fait l'objet de critiques de la part d'un certain nombre d'auteurs qui considèrent que le préjudice individuel pourrait alors être réparable au titre du préjudice par ricochet (21). Cependant, une victime par ricochet invoque normalement un préjudice distinct de celui qui est subi par la victime principale (22). Or, ici, le préjudice n'est pas considéré par les tribunaux comme un préjudice distinct. La réparation du préjudice social absorbe et répare indirectement les préjudices individuels.

18. Il est vrai que la jurisprudence paraît ainsi avoir une conception très restrictive de ce qui fait la valeur de l'action ; celle-ci ne dépend pas uniquement de l'état strictement patrimonial de la société, mais aussi de bien d'autres facteurs. Pour les sociétés cotées, elle dépend du marché. A la suite d'une faute commise par les dirigeants, les réactions du marché peuvent avoir un effet amplificateur du préjudice individuel, en faisant chuter la valeur de l'action de manière

Page 26 sur 69

disproportionnée eu égard à la perte sociale proprement dite. Dès lors, la reconstitution du patrimoine social ne suffit pas à rétablir immédiatement la valeur de l'action. A première vue, il y a bien une part de préjudice individuel supplémentaire, qui n'est pas réparée. Mais ce qui permet de comprendre et de justifier cette jurisprudence, c'est que l'actionnaire est considéré - en raison de la nature du lien qui l'unit à la société - comme un investisseur à long ou moyen terme. Dès lors, les droits de l'actionnaire doivent s'inscrire dans la durée. C'est ce qui fonde ses droits politiques et, plus profondément, l'ensemble des de ses droits vis-à-vis de la société. A terme, la reconstitution du patrimoine social donne à l'actionnaire une chance de voir le cours de ses actions remonter. Dès lors, à terme, le préjudice individuel n'est pas certain.

Préjudice consécutif à un coup d'accordéon

19. C'est une hypothèse évidemment différente de celle de la chute du cours de l'action que celle où la faute d'un dirigeant a entraîné une telle dégradation de la situation financière de la société que celle-ci a été contrainte, pour éviter le dépôt de bilan, de procéder à une mesure d'assainissement financier très rude, sous la forme du coup d'accordéon. Une telle opération a des conséquences plus graves pour certains actionnaires que pour d'autres. D'où l'idée d'en demander réparation au dirigeant social dont la mauvaise gestion est à l'origine des difficultés financières de la société. Par un arrêt rendu le 15 janvier 2002 - qui n'était pas le premier du genre - la chambre commerciale a tranché de manière très nette : « le préjudice causé à l'actionnaire qui en raison de ses droits et devoirs sociaux, a été appelé à supporter les pertes sociales, n'étant que le corollaire de celui causé à la société, n'avait aucun caractère personnel » (23). Cet arrêt a fait l'objet de critiques très sérieuses et bien argumentées (24). Il est vrai que certains actionnaires - ceux qui ne peuvent souscrire à l'augmentation de capital - subissent alors un préjudice personnel distinct du préjudice social et qui ne qui ne sera pas réparé à la suite du coup d'accordéon. Cependant, quelle que soit la qualité de ces remarques, le point de vue de la Cour de cassation n'en demeure pas moins pertinent au regard des règles de la responsabilité civile. En effet, la faute du dirigeant a peut-être été à l'origine des pertes subies par la société. Dès lors, celle-ci aurait pu exercer l'action sociale ; une condamnation du dirigeant fautif aurait peut-être permis, sinon d'éviter le coup d'accordéon, au moins de l'atténuer. Au demeurant, la faute de gestion du dirigeant n'est pas directement à l'origine du préjudice que subit l'actionnaire minoritaire du fait de l'opération décidée sur le capital social. Le minoritaire subit alors les conséquences d'une décision prise par l'assemblée générale extraordinaire, qui a fait le choix de cette mesure d'assainissement financier. Lorsqu'un tel choix est fait au détriment de certains actionnaires, il y a peut-être matière à contestation. Mais c'est alors d'un litige entre actionnaires qu'il s'agit.

Préjudice individuel distinct du préjudice social

20. Dans les cas précédemment examinés, le préjudice individuel de l'actionnaire n'était pas réparable parce qu'il y avait un préjudice social qui, lui, était susceptible de l'être grâce à l'action sociale. Le préjudice social englobe le préjudice individuel qui n'est plus réparable en tant que tel. Cela ne veut pas dire que tout préjudice individuel soit nécessairement réparable en l'absence de préjudice patrimonial subi par la société elle-même. L'intérêt individuel lésé doit être légitime - ce qui s'apprécie sur un moyen terme - , et le préjudice irrémédiablement réalisé.

a) 21. Pour qu'il y ait préjudice individuel réparable, il ne suffit pas que les intérêts des actionnaires soient apparemment - ou immédiatement - atteints sans qu'il y ait de préjudice patrimonial subi par la société. Ce serait le cas, par exemple, si, à la suite d'une mauvaise information diffusée dans le public, le cours des actions sur le marché venait à chuter sans que le patrimoine social soit atteint (25). En pareil cas les actionnaires ne peuvent vendre immédiatement leurs titres sans réaliser une perte. Il n'est pas sur qu'un préjudice individuel réparable doive pour autant être retenu. D'une part, il n'est pas interdit de considérer que la perte de crédit subie par la société, même si elle ne se traduit pas par une perte patrimoniale, n'en constitue pas moins un préjudice social. D'autre part, et surtout, le préjudice de l'actionnaire n'est pas un préjudice certain à moyen terme : la valeur des actions remontera sans doute, lorsque la confiance sera rétablie, ne serait-ce qu'après une nouvelle information plus pertinente. A court

Page 27 sur 69

terme, la faculté de vendre à tout moment est bien un droit de l'actionnaire, mais elle est assortie d'un risque et on ne saurait lui garantir le maintien de la valeur de son titre. A fortiori, un choix de gestion ne saurait être fautif et constituer un préjudice individuel réparable, même s'il porte atteinte à des intérêts immédiats de certains actionnaires, s'il n'est pas contraire à l'intérêt social.

(26).

b) 22. Il reste apparemment peu de place pour le préjudice individuel réparable (27). Les cas généralement admis sans difficulté par une jurisprudence relativement ancienne concernent des atteintes aux droits individuels des actionnaires qui ne causent pas de préjudice à la société elle- même : atteinte au droit de vote - une assemblée n'ayant pas été convoquée (28) - , détournement du montant des dividendes qui auraient dû être versés à un associé (29) ; on pourrait sans doute y ajouter le défaut de communication d'une information obligatoire (30). Un tel préjudice peut être isolé - en particulier dans le cas où un actionnaire serait victime d'une discrimination - , ou subi collectivement, ce qui n'empêche pas la réparation individuelle du préjudice subi par chacun des associés concernés.

21. L'analyse de ces exemples, traditionnellement présentés comme allant de soi, conduit à une constatation un peu gênante. Certes, dans toutes ces hypothèses, il y a bien un préjudice individuel subi par l'associé en tant que tel, sans que la personne morale ait eu à en souffrir. Cependant, tout se passe alors comme si c'était le dirigeant social et lui seul qui était personnellement débiteur de l'obligation inexécutée. Or, c'est vis-à-vis de la société que l'actionnaire est titulaire de droits individuels, sur le fondement du contrat de société.

22. Sans doute cette dernière constatation explique-t-elle la décision un peu étrange qui a été rendue le 17 janvier 2002 par la cour d'appel de Versailles (31), affirmant que les actionnaires, en demandant la réparation de leur préjudice individuel, exercent l'action des tiers, d'où la cour de Versailles tire comme conséquence qu'ils ne peuvent exercer cette action contre un dirigeant social qu'à la condition de démontrer que celui-ci a commis une faute séparable de ses fonctions. Cet arrêt montre bien la difficulté qu'il peut y avoir à distinguer la responsabilité de la personne morale elle-même de celle de ses dirigeants, lorsque le préjudice est subi par une personne qui a une créance vis-à-vis de la société. La créance de l'associé - partie au contrat de société, mais dont le lien qu'il noue avec le dirigeant social n'est pas clairement analysé - et celle du tiers extérieur au groupement, ne peuvent pas être considérés de la même manière.

REPARATION DU PREJUDICE ET PERSONNALITE MORALE EXTERNE

23. S'agissant du préjudice subi par des tiers, la règle jurisprudentielle est désormais connue : les mandataires sociaux ne sont pas responsables vis-à-vis des tiers à la société sauf s'ils ont commis une faute détachable de leurs fonctions. En l'absence d'une telle faute détachable, la société est seule débitrice de l'obligation de réparation. Cette jurisprudence peut être diversement appréciée (B). Cependant certaines des actions en responsabilité mises en oeuvre par des actionnaires ou des associations d'actionnaires conduisent à s'interroger préalablement sur la notion de tiers (A)

La diversité des tiers

24. Plusieurs cas de figure sont à distinguer pour analyser la relation qui unit l'actionnaire - dont un droit individuel a été lésé - avec la société et avec ses dirigeants

Relation de l'actionnaire avec la société et avec ses dirigeants, au cours de la vie sociale

25. En cours de vie sociale, deux types de relations contractuelles doivent sans doute être distinguées : celle qui unit la personne morale à son dirigeant - on peut difficilement nier qu'il y ait un contrat à l'origine de cette relation, même si le contenu des fonctions du dirigeant social est largement déterminé par la loi - , et celle qui unit la personne morale à son associé, dérivée du contrat de société. Entre ces deux liens contractuels, il n'y a évidemment pas de cloison étanche. Entre l'associé et le dirigeant la cloison est d'autant moins étanche que l'associé est membre de la

Page 28 sur 69

personne morale, participe à la vie sociale et que l'ensemble des associés détiennent à ce titre le pouvoir de nommer le dirigeant, de contrôler son action et de le révoquer. Par référence au droit commun du mandat, il faut certainement considérer que certaines des obligations du mandataire social ont une portée qui dépasse le cercle des parties contractantes pour prendre en compte les intérêts des associés, tiers au contrat conclu entre le mandataire social et la société mais ayant un lien d'appartenance à la personne morale. C'est bien le sens de l'arrêt Vilgrain rendu par la chambre commerciale de la Cour de cassation le 27 février 1996 faisant référence - dans une formule très générale et bien au delà du cas d'espèce - au devoir de loyauté qui s'impose au dirigeant social à l'égard de tout associé (32). Dès lors, en cas de violation d'un droit individuel de l'actionnaire - que celui-ci détient vis-à-vis de la société, mais que le dirigeant social est chargé de mettre en oeuvre dans le cadre de ses fonctions - la responsabilité personnelle du dirigeant est envisageable. Il paraît logique que l'associé, qui est un créancier interne de la personne morale, puisse engager la responsabilité du dirigeant plus facilement que s'il était un créancier externe, tiers à la personne morale. Il n'en reste pas moins qu'une responsabilité solidaire de la personne morale devrait être envisageable également.

Relations de l'investisseur avec la société dans laquelle il vient d'entrer et avec les dirigeants de celle-ci

26. Ce deuxième cas de figure semble se présenter de manière relativement fréquente aujourd'hui : c'est celui de l'investisseur qui vient d'acquérir des actions ou de souscrire à une augmentation de capital sur la foi de mauvaises informations véhiculées par un dirigeant social. L'information était due par la société. Elle a été communiquée à une personne qui n'était pas encore actionnaire. La personnalité morale externe devrait alors pouvoir jouer pleinement son rôle. C'est en tant que représentant de la société que le dirigeant a transmis au public une information à laquelle cette dernière était tenue. Une responsabilité devrait alors incontestablement peser sur la société - qui aurait pour effet de renforcer le contrôle exercé sur le dirigeant à cet égard - .

Relations de l'actionnaire avec la société qu'il vient de quitter et avec les dirigeants de celle-ci

27. A priori, lorsqu'un actionnaire vend ses titres, cela ne regarde ni la société, ni ses dirigeants. Il arrive cependant qu'un dirigeant s'en mêle en servant d'intermédiaire (Affaire Vilgrain) ou en donnant des conseils au cédant. Il se noue alors une relation personnelle entre l'actionnaire désireux de céder ses titres et le dirigeant, indépendante de la relation de l'actionnaire avec la société. Le dirigeant joue alors un rôle qui ne fait pas partie de ses fonctions stricto sensu. Cependant, cette intermédiation a été facilitée par ses fonctions, qui justifient que l'actionnaire ait eu une confiance particulière dans le dirigeant qui lui prodiguait ses conseils. D'où l'obligation particulière de loyauté qui pesait alors sur celui-ci, selon les termes - très généraux - de l'arrêt Vilgrain (33). Ce lien particulier, extra-sociétaire, doit permettre la mise en oeuvre de la responsabilité personnelle du dirigeant social qui, en l'occurrence, n'a pas agi en tant qu'organe de la personne morale, mais en dépassement de ses fonctions.

Relations de l'associé avec les dirigeants des autres sociétés du même groupe

28. La personnalité morale externe prend encore une portée essentielle lorsqu'il s'agit d'apprécier la relation qui existe entre un associé et le dirigeant d'une autre société appartenant au même groupe (34). En cas de préjudice subi par un actionnaire du fait du dirigeant d'une autre société que celle à laquelle il est associé, fût-elle du même groupe, il faut évidemment considérer cet actionnaire comme un tiers et en tirer toutes les conséquences normales : absence de responsabilité personnelle du dirigeant sauf faute détachable. Cependant, la question pourrait se complexifier à l'infini en cas de restructuration ou d'opération de concentration - en cas de préjudice invoqué à la suite d'une fusion, par exemple, par un ancien actionnaire de l'absorbée invoquant une faute commise par un dirigeant de l'absorbante - Mais, le plus souvent le conflit opposant apparemment un actionnaire à un dirigeant ne servirait alors qu'à masquer un conflit entre actionnaires (35).

Page 29 sur 69

29. Enfin, une question particulière se pose dans les groupes, qui est la question de savoir si l'actionnaire d'une société membre d'un groupe pourrait exercer l'action sociale ut singuli pour demander réparation du préjudice subi par la société à laquelle il appartient, du fait de l'action du dirigeant de la mère ou d'une fille. On sait que le droit américain admet ces derivative actions au deuxième voire au troisième degré et que certains auteurs ont manifesté le souhait qu'elles soient introduites en France (36). En ce sens, des perspectives nouvelles semblent admises par la chambre criminelle de la Cour de cassation, mais elles paraissent liées aux particularités de l'action pénale (37). Pour l'heure, la chambre commerciale de la Cour de cassation n'admet pas que l'action sociale ut singuli puisse être exercée contre un tiers, fut-il dirigeant de fait (38). Une interprétation stricte des dispositions de l'article L. 225-252 du code de commerce ne permet pas l'exercice de l'action ut singuli contre le dirigeant d'une société mère ou d'une filiale. Les associés minoritaires d'une société mère ou d'une filiale ne sont pas pour autant dépourvus de moyens d'actions. Ceux de la filiale peuvent engager la responsabilité de la société mère en sa qualité d'actionnaire majoritaire, le conflit devenant alors un conflit entre actionnaires. Les uns et les autres peuvent agir contre leurs propres dirigeants, si le comportement trop complaisant de ces derniers à l'égard des autres sociétés du groupe paraît fautif et préjudiciable à la société qu'ils dirigent.

Le débiteur de l'obligation de préparation du préjudice subi par un tiers

30. Une jurisprudence très abondante vient régulièrement rappeler que le dirigeant social n'est pas responsable personnellement vis-à-vis des tiers, sauf en cas de faute détachable de ses fonctions. Cette jurisprudence fait l'objet de critiques parfois virulentes qu'il convient peut-être de relativiser. Il reste que l'appréciation de la notion même de faute détachable mériterait probablement d'être appréhendée de manière plus souple.

Portée de la jurisprudence relative à la responsabilité des dirigeants à l'égard des tiers

31. On sait que la jurisprudence a d'abord distingué entre la responsabilité contractuelle et la responsabilité délictuelle. En cas d'inexécution d'un contrat, il est normal que la société contractante soit responsable, sauf faute du dirigeant « détachable de ses fonctions » (39), « extérieure à l'exécution du contrat » (40). Plus récemment, le même principe de répartition des responsabilités entre la société (sur laquelle pèse une responsabilité de principe) et le dirigeant (qui n'est responsable qu'en cas de faute détachable) a été étendu à la responsabilité délictuelle (41). Dans son principe, cette jurisprudence paraît cohérente dans la mesure où elle tire pleinement les conséquences de la notion de personne morale. Celle-ci est responsable des actes commis en son nom par l'organe légal qui la représente. De telles conséquences méritaient d'être tirées de la personnalisation du groupement aussi bien sur le terrain de la responsabilité contractuelle que sur celui de la responsabilité délictuelle, à l'heure où l'on reconnaît une responsabilité pénale des personnes morales.

32. La vigueur des critiques dont cette jurisprudence a fait l'objet (42) mérite d'être nuancée pour plusieurs raisons. Il paraît abusif de parler « d'irresponsabilité » des dirigeants sociaux alors que la sanction de leurs fautes est normalement placée sur un autre terrain (où elle peut, dans certains cas, être plus grave encore de conséquences), qui est celui des relations internes à la société : sanction disciplinaire (révocation) ou responsabilité civile susceptible d'être engagée vis- à-vis de la société dans le cadre d'une action sociale, voire, pour les cas plus graves, responsabilité pénale (accompagnée de possibilités de constitution de partie civile qui paraissent plus largement ouvertes aux tiers (43). Par ailleurs, ces principes jurisprudentiels sont plutôt favorables aux tiers dont l'indemnisation est, dans la plupart des cas, assurée plus sûrement par la société que par un dirigeant éventuellement insolvable.

33. Il est vrai cependant qu'une situation particulière mérite attention, qui résulte de plusieurs arrêts ayant écarté toute responsabilité personnelle d'un directeur général ayant signé un cautionnement sans autorisation du conseil d'administration ou en dépassement de l'autorisation qui lui avait été donnée (44). En pareil cas, le cautionnement est inopposable à la société. On

Page 30 sur 69

en déduit, sans doute un peu hâtivement, que le tiers n'aurait aucun recours. En réalité, rien ne paraît s'opposer à ce que la responsabilité de la société puisse être engagée. Cela ne reviendrait pas nécessairement à faire peser sur elle le poids de la garantie irrégulièrement donnée. D'une part, le fondement de son obligation ne serait pas l'exécution du contrat de cautionnement, mais la mise en oeuvre d'une responsabilité délictuelle... D'autre part, et surtout, l'étendue du préjudice réparable, librement appréciée par le juge, ne serait pas nécessairement calquée sur le montant de la garantie perdue, d'autant qu'une faute du tiers peut éventuellement être retenue comme cause d'exonération partielle. En effet, cette jurisprudence peut inciter les tiers à plus de prudence, étant entendu que la faute du tiers devrait être appréciée en tenant compte de sa compétence particulière (une banque est en mesure d'exiger des preuves de validité d'une cautionnement) ainsi que des circonstances dans lesquelles il a traité avec le dirigeant social (à cet égard, on pourrait distinguer entre le cas d'un cautionnement donné en dépassement des limites de l'autorisation du conseil d'administration et celui d'une garantie consentie sans aucune autorisation). Appréciations de la notion de faute détachable 34. Si cette jurisprudence ne paraît pas critiquable dans son principe, elle peut l'être, en revanche, incontestablement, en raison de la rigidité avec laquelle les tribunaux paraissent apprécier la notion de faute détachable. Cette appréciation paraît tellement restrictive que la responsabilité personnelle du dirigeant social à l'égard des tiers ne paraît plus pouvoir être retenue que dans des cas très exceptionnels (dont la jurisprudence récente ne fournit pas d'exemple). Comme la notion de tiers elle-même n'est pas parfaitement homogène, on pourrait concevoir d'assouplir la notion de faute détachable pour tenir compte de la gravité particulière de certaines faute ou de l'hypothèse où le dirigeant a trop largement outrepassé ses fonctions, quitte à retenir une responsabilité solidaire de la personne morale, dans l'intérêt du tiers (45).

Mots clés : SOCIÉTÉ EN GENERAL * Dirigeant social * Responsabilité civile * Réparation du préjudice

(1) Le 16 décembre 2002, le DESS de juristes d'affaires de l'Université René Descartes (Paris V) a organisé un colloque placé sous la direction de Madame le Professeur Vatinet sur le thème « La responsabilité civile des dirigeants sociaux ». Outre le présent rapport, les contributions à ce colloque ont été publiés dans le n° 2/2003 de cette revue de la façon suivante : J. M. Pérez, Esquisse sur la responsabilité civile des dirigeants sociaux en droit américain, p. 195

P. Bissara, Corporate governance, loi NRE et redéfinition de la faute civile des dirigeants : le point

de vue du dirigeant d'entreprise, p. 210

R. Ricol, Rôle des commissaires aux comptes, p. 219 I. Urbain-Parléani, L'expertise de gestion et l'expertise in futurum, p. 223 P. Didier, Les fonctions de la responsabilité civile des dirigeants sociaux, p. 238 E. Dezeuze, La réparation du préjudice devant la juridiction pénale, p. 261 M. Germain, Rapport de synthèse, p. 284 (2) V. not F. Descorps Declere, Pour une réhabilitation de la responsabilité civile des dirigeants sociaux, RTD com 2003, p. 25 ; D. Schmidt, La responsabilité des membres du conseil d'administration, Dr. Et patrimoine 1995, p. 45. (3) La question a été abordée de manière confuse par certains députés lors de la discussion du projet de loi « Sécurité financière », le 6 mai 2003. Le seul amendement adopté, « destiné (selon M. Besson) à mettre fin à l'irresponsabilité de fait des dirigeants sociaux », n'est pas de nature à modifier l'état actuel du droit positif tel qu'il est interprété par la jurisprudence. (4) V. la chronique de Bruno Petit et Yves Reinhard, Responsabilité civile des dirigeants sociaux, RTD com. 1997, p. 282 ; V. aussi, Charles Freyria, Libres propos sur la responsabilité civile de la gestion d'une entreprise, Mélanges Boyer, 1996, p. 179 et F. Pollaud-Dulian, De quelques avatars de l'action en responsabilité civile dans le droit des affaires, RTD com. 1997, p. 349 . (5) V. Magnier, Rapprochement des droits dans l'Union européenne et viabilité d'un droit

Page 31 sur 69

commun des sociétés, LGDJ, 1999, spéc. n° 415 et s. (6) Hémard, Terre et Mabillat, Sociétés commerciales, t. II, n° 1160 et s. (7) En ces sens, V. Hémard, Terre et Mabillat, préc., n° 1166. (8) Paris, 7 sept. 1995, Dr. 1996, n° 65 ; V. aussi Cass. com. 18 juin 1996, RJDA 1996, n° 1211 sociétés. (9) Cass. com. 7 oct. 1974, JCP 1975, II, 18129, obs. F. Grua. (10) Sur ces hésitations jurisprudentielles, V. encore récemment G. Viney, Responsabilité civile, Chronique d'actualité, JCP 2002, I, 186, p. 2166, et la jurisprudence citée.

(11) Les effets de la responsabilité, Traité de Droit civil, LGDJ, 2e éd., n° 319 à 329 ; V. aussi I. Souleau, La prévisibilité du dommage contractuel (Défense et illustration de l'article 1150 du code civil), Th. Paris II, 1979. (12) Art. L. 225-253 C. com. (13) Cass. com 7 oct. 1974, JCP 1975, II, 18129, note F. Grua ; RTD com. 1976, 544, note R. Houin.

(14) Cass. 3e civ., 2 oct. 2001, RJDA 1/02, n° 61 ; Bull. Joly 2002, p. 265, note. (15) art. L. 225-252 C. com et art. 200, D. 23 mars 1967 ; V. not. M. Germain, Traité de droit commercial, Tome I, Vol 2, Les sociétés commerciales, LGDJ, 18e éd., n° 1765. (16) Art. 201, D. 23 mars 1967. (17) Cass. Crim. 12 déc. 2000, Bull. Joly 2001, & 131, note J.F. Barbièri. (18) Cass. com. 26 janv. 1970, JCP 1970, II, 16385, note Y. Guyon ; RTD com. 70, 431, note R. Houin ; Paris, 6 avr. 2001, RJDA 10/01, n° 982. (19) V. Alain Couret, Interrogations autour de la réparation du préjudice individuel de l'actionnaire, RJDA 5/97, p. 391. (20) V. not. Cass. com. 26 janv. 1970, préc. ; 18 juill. 1989, Defrénois 1990, art. 34788, p. 633, n. J. Honorat. ; Cass. com. 1er avr. 1997, Bull. Joly 97, p. 650, note J.F. Barbieri, RTD com. 97, 647, obs. Petit et Reinhard ; D. 98, somm. com. 180, obs. HALLOUIN . (21) V. J. Honorat, préc. et J.F. Barbièri préc.

(22) V. les remarques de B. Petit et Y. Reinhard, obs. sous cass. com. 1er avr. 1997, préc. (23) RJDA 6/02, n° 650 ; Bull. Joly 2002, note S. Sylvestre. Ce n'était pas la première décision en ce sens, V. 4 mars 1986, B, IV, n° 42. (24) S. Sylvestre, note précitée ; du même auteur, V. Le coup d'accordéon ou les vicissitudes du capital, Thèse paris I, 2002. (25) Situation envisagée par A. Couret, op. cit. (26) V. l'arrêt rendu par la cour d'appel de Paris 5 avr. (RJDA 3/03, n° 270) qui relève « qu'un intérêt certain à court terme (peut-être) moins certain à moyen terme, privilégiant les intérêts des actionnaires qui ne sont pas supérieurs à ceux de la société ». (27) On s'en tiendra ici au préjudice personnel subi du fait d'un dirigeant social, différent de celui que peut subir un associé du fait d'un tiers ou du fait d'autres associés, le litige n'étant pas alors de même nature : V. Cass. com. 18 févr. 1997, Bull. Joly 1997, p. 408, note J.J. Daigre ; RJDA 5/97, n° 659 ; 13 févr. 1996, RJDA 6/96, n° 795. Dans la première de ces affaires un tiers, en provoquant les difficultés financières d'une société pour en prendre le contrôle par voie d'augmentation de capital, n'avait pas réellement causé de préjudice à la société, en tout cas pas à long terme, puisque celle-ci a été renflouée grâce à l'augmentation de capital et à la prise de contrôle. En revanche, ce tiers a causé un préjudice direct aux actionnaires contraints de céder leurs titres. La seconde de ces affaires portait sur un litige entre associés. (28) Paris 15 déc. 1995 et 19 janv. 1996, RTD com. 97, 286, obs. Petit et Reinhard . (29) Paris, 2 mai 1935, Gaz. Pal. 1935, 2, 113. (30) V. aussi l'hypothèse particulière d'un dénigrement constitutif d'un acte de concurrence déloyale commis par le gérant d'une SARL à l'égard d'une société associée : Cass. com. 3 juill. 2001, RJDA 11/01, n° 1162. (31) Versailles 17 janv. 2002, Bull. Joly 2002, & 111, note J.F. Barbièri ; Droit et Patrimoine 2002, p. 98, n. D. Poracchia. (32) D. 96, 518, note Malaurie ; JCP 96, II, 22665, note J. Ghestin ; Bull. Joly 96, p. 485, note A. Couret ; RTD civ. 97, 114, note J. Mestre ; V. J.J. Daigre, Le petit air anglais du devoir de loyauté des dirigeants, Etudes offertes à Pierre Bezard, p. 79.

Page 32 sur 69

DOC 2 :

Cass. Com. 30 mars 2010, Bull. civ. IV n°69

Donne acte au Fonds de garantie des dépôts du désistement de son pourvoi en ce qu'il est dirigé contre Maurice X... ; Statuant tant sur le pourvoi principal formé par le Fonds de garantie des dépôts que sur les pourvois incidents relevés par M. Jacques Y..., la société Caribéenne de conseil et d'audit et M. Z... et sur les pourvois incidents éventuels relevés par la société Mutuelles du Mans vie (la Mutuelle) et M. A..., en qualité de représentant permanent de la Mutuelle, M. Jacques Y..., la Société caribéenne de conseil et d'audit et M. Z..., la société Cofidom, M. Yves B..., la société GLSA, M. C..., M. Bernard B..., la société Plissonneau et M. D..., en qualité de représentant permanent de la société Plissonneau, M. Alex Y..., la société JP Morgan Chase bank NA (la JP Morgan Chase) et M. E..., en qualité de représentant permanent de la JP Morgan Chase ; Attendu, selon les arrêts attaqués, statuant sur renvoi après cassation (chambre commerciale, financière et économique, 6 décembre 2005, pourvoi n° B 03-11.858, Bull. civ. n° 239), que du mois de mai au mois d'octobre 1996, la Commission bancaire a procédé à l'inspection du Crédit martiniquais et de son actionnaire principal, la société Cofidom ; que deux rapports ont été déposés le 24 octobre 1996, concluant au constat d'une situation financière totalement obérée en raison d'une insuffisance considérable des provisions nécessaires pour couvrir les risques de pertes sur les dossiers de crédit compromis ; que, par une lettre du 30 septembre 1999, le président de la Commission bancaire a proposé au Fonds de garantie des dépôts (le Fonds) qui venait d'être créé par une loi du 25 juin 1999, insérant les articles 52.1 et suivants dans la loi du 24 janvier 1984, devenus les articles L. 312-4 et suivants du code monétaire et financier, d'intervenir à titre préventif pour le Crédit martiniquais ; que dans le cadre du plan qu'il a proposé et qui a été approuvé par les actionnaires du Crédit martiniquais, le Fonds a versé les 12 et 14 janvier 2000 à ce dernier, désormais dénommé Financière du Forum, la somme de 1 614 000 000 francs (246 052 713,82 euros), dont 1 382 000 000 francs (210 684 541,82 euros) pour couvrir l'insuffisance d'actifs ; que, par assignation des 16, 17 et 18 mai 2000, le Fonds a engagé sur le fondement de l‘article L. 312-6 du code monétaire et financier, une procédure aux fins d'être remboursé des sommes engagées, diminuées de celles recouvrées, en dirigeant son action en responsabilité contre les anciens dirigeants du Crédit martiniquais et des personnes qui, selon lui, avaient contribué de façon fautive et délibérée à l'avènement de la situation gravement obérée et notamment les commissaires aux comptes ;

(33) V. l'analyse éclairante de J.J. Daigre, Le petit air anglais, préc. (34) V. C. Armand et A. Viandier, Réflexions sur l'exercice de l'action sociale dans le groupe de sociétés : transparence des personnalités et opacité des responsabilités ?, Rev. sociétés 1986, p. 557. (35) ou entre les actionnaires et un tiers, V. les décisions rendues à l'occasion de certaines prises de contrôle, not. Cass. com. 18 févr. 1998 et supra, note 26. (36) C. Armand et A. Viandier, préc. (37) Cass. Crim. 4 avr. 2001, D 2002, p. 1475, note E. Scholastique . (38) Cass. com. 6 oct. 1981, D. 83, 133, note B. Soinne ; 21 mars 1995, JCP 96, II, 22603, note Y. Reinhard et I. Bon-Garcin. (39) Cass. Soc. 9 avr. 1975, B, V, n° 174 ; RTD civ. 1976, obs. G. Durry. (40) Cass. 1re civ. 31 mai 1978, B, I, n° 213 ; Com. 8 mars 1982, Rev. sociétés 1983, 573, note Y. Guyon. (41) Cass. com. 4 juin 1991, B, IV, n° 211 ; Rev. sociétés 1992, 55, n. Chartier . (42) V. en particulier J.F. Barbièri, Bull. Joly 1999, p. 88. (43) V. L'étude d'Eric Dezeuze, ce numéro. (44) Cass. com. 20 oct. 1998, JCP 99, I, 116, obs. Ph. Simler et Ph. Delebecque ; JCP éd. E ; 12 janv. 1999, Bull. Joly 1999, p. 812, note B. Saintourens ; 1998, 2025, note A. Couret ; RJDA 1/99, n° 58 ; Defrénois 99, p. 240, note P. Le Cannu ; Bull. Joly 99, p. 88, note J.F. Barbièri. (45) C'est bien en ce sens que la jurisprudence récente paraît s'orienter. V. Cass. com. 20 mai 2003, BRDA 11/03, n° 1.

Page 33 sur 69

Sur le moyen unique du pourvoi incident éventuel relevé par la société Cofidom, M. Yves B..., la société GLSA et M. C... à l'encontre de l'arrêt avant dire droit du 3 mai 2007 : Attendu que ces derniers font grief à l'arrêt d'avoir écarté la fin de non-recevoir tirée de la prescription de l'action en responsabilité exercée par le Fonds, alors, selon le moyen : 1°/ que l'action en responsabilité contre les administrateurs, qu'ils soient de droit ou de fait, se prescrit par trois ans à compter du fait dommageable ou, s'il a été dissimulé, de sa révélation ; qu'en affirmant que la prescription triennale n'était pas applicable aux prétendus dirigeants de fait, la cour d'appel, qui a ajouté à la loi une condition qu'elle ne comporte pas, a violé l'article 2270-1 du code civil, par fausse application, et l'article L. 225-254 du code de commerce par refus d'application ; 2°/ que la dissimulation du fait dommageable suppose la volonté de le cacher ; qu'en se bornant à affirmer que les fautes de gestion alléguées avaient été dissimulées, sans constater la volonté que la société Cofidom, M. Yves B..., la société GLSA et M. C... auraient eu de cacher chacun des faits qu'elle a énumérés, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 225-254 du code de commerce ; 3°/ que l'action en responsabilité contre les administrateurs ou le directeur général, tant sociale qu'individuelle, se prescrit par trois ans à compter du fait dommageable ; que la prescription ne court à compter de la révélation du fait dommageable qu'à l'égard de celui qui a dissimulé ce fait ; qu'en se bornant à relever que les fautes de gestion alléguées avaient été dissimulées, sans constater que cette dissimulation était imputable à la société Cofidom, M. Yves B..., la société GLSA et M. C..., actionnés en qualité de prétendus dirigeants de fait, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 225-254 du code de commerce ; 4°/ que l'action en responsabilité contre les administrateurs ou le directeur général, tant sociale qu'individuelle, se prescrit par trois ans à compter du fait dommageable ou, s'il a été dissimulé, de sa révélation ; qu'en affirmant que la révélation des faits dommageables par un article de presse publié dans le journal "Libération", le 5 février 1997, dont elle constatait qu'il était suffisamment pertinent, ne pouvait constituer une révélation au sens de l'article L. 225-254 du code de commerce, au motif inopérant que la source des informations n'aurait pas été dévoilée, la cour d'appel a violé ce texte ; 5°/ que les prétendus faits dommageables allégués par le Fonds avaient été révélés avant le 20 mai 1997, non seulement par un article du quotidien "Libération" du 5 février 1997, mais encore par plusieurs autres articles de presse publiés, notamment, dans le journal "Les Echos" le 23 avril 1997 et dans le magazine "Le Point", le 26 avril 1997 ; qu'en se bornant à relever que la révélation des faits allégués par l'article du journal "Libération" était insuffisante dès lors que la source des informations n'aurait pas été dévoilée, sans rechercher, comme il le lui était demandé, si ces faits n'avaient pas été révélés par les autres articles de presse invoqués, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 225-254 du code de commerce ; Mais attendu que la prescription prévue par l'article L. 225-254 du code de commerce ne concerne que les agissements commis par les dirigeants de droit ; qu'il s'en suit que le moyen invoqué par les sociétés Cofidom, GLSA, MM. Yves B... et C..., assignés en qualité de dirigeants de fait, est inopérant ; Sur le moyen unique des pourvois incidents éventuels, à l'encontre de l'arrêt avant dire droit du 3 mai 2007, relevé par M. A... et la Mutuelle, auquel s'est associé M. F..., par MM. Bernard B..., D..., Alex Y... et la société Plissonneau, et sur le premier moyen des pourvois incidents éventuels à l'encontre de cet arrêt, relevé par M. Jacques Y..., et sur le premier moyen du pourvoi incident éventuel relevé par la JP Morgan et M. E..., pris en ses première et deuxième branches, rédigés en termes identiques ou similaires, réunis : Attendu que ces derniers font aussi grief à l'arrêt d'avoir écarté la fin de non-recevoir de l'action en responsabilité exercée par le Fonds, tirée de la prescription de cette action, alors, selon le moyen : 1°/ que la prescription triennale, prévue à l'article L. 225-254 du code de commerce, ne court à compter de la révélation, et non de la survenance des faits dommageables, qu'à l'encontre des seules personnes qui ont volontairement dissimulé lesdits faits ; qu'en l'espèce, M. A... et la Mutuelle, ainsi que M. F..., faisaient valoir dans leurs conclusions qu'ils n'avaient jamais participé à une quelconque dissimulation des faits dommageables, de sorte que le point de départ de la prescription de l'action en responsabilité, dirigée à leur encontre, devait être fixé à la date de

Page 34 sur 69

survenance des faits dommageables ; qu'en se bornant à relever, pour dire que le point de départ du délai de prescription devait être fixé à la date à laquelle les faits dommageables ont été révélés, partant rejeter la fin de non-recevoir tirée de la prescription, l'existence de fautes dans la gestion de la banque, dommageables et dissimulée, sans rechercher ni constater que ces dernières étaient imputables à M. A... et à la Mutuelle, ainsi qu'à M. F..., qui les auraient volontairement dissimulées, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de la disposition visée ; 2°/ que le point de départ du délai de la prescription, prévue à l'article L. 225-254 du code de commerce, est déterminé par le fait dommageable où s'il a été dissimulé par sa révélation ; que la cour d'appel a constaté que le quotidien "Libération" avait, par un article qualifié de suffisamment pertinent, en date du 5 février 1997, révélé les dommages nés de la gestion du Crédit martiniquais ; qu'en jugeant, néanmoins, que la parution de cet article ne pouvait constituer une révélation, au sens des dispositions applicables à la détermination du point de départ de la prescription, au motif, inopérant, que la source de cet article n'était pas dévoilée, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, en violation de l'article L. 225-254 susvisé ; 3°/ que dans leurs conclusions devant la cour d'appel, M. A... et la Mutuelle, ainsi que M. F..., faisaient valoir que le grand public avait eu connaissance, par nombreux articles de presse, de la situation dans laquelle se trouvait le Crédit martiniquais dès le début de l'année 1997 ; qu'ils citaient, ainsi, à l'appui de leurs dires et outre l'article du journal "Libération" en date du 5 février 1997, un autre article du même journal, en date du 21 avril 1997, qui mentionnait expressément que l'établissement n'avait plus accès au marché interbancaire, que la Commission bancaire avait constaté que la banque ne respectait plus depuis bientôt deux ans les ratios de solvabilité et que les contribuables devront payer pour la gestion passée de la banque, un article de "L'AGEFI", du 22 avril 1997, mentionnant que le Crédit martiniquais ne pouvait plus faire face à ses engagements douteux, lesquels s'élevaient à plus de 900 millions et encore un article du journal "Les Echos", en date du 23 avril 1997, un article de l'hebdomadaire "Le Point", en date du 26 avril 1997, et un article du "Canard enchaîné" en date du 14 mai 1997, tous concordants quant à la situation catastrophique de la banque ; que M. A... et la Mutuelle, ainsi que M. F..., observaient ainsi, dans leurs conclusions, que ces articles de presse avaient ainsi porté à la connaissance générale l'existence d'un audit de la Commission bancaire ayant révélé la situation difficile du Crédit martiniquais, le non-respect des ratios de la solvabilité, les largesses accordées aux actionnaires, l'insolvabilité de l'actionnaire majoritaire Codifom... et ils en déduisaient que la prescription triennale était acquise au plus tard en avril 2000, soit trois ans après que le grand public ait été informé de la situation, la nomination d'un administrateur provisoire, le 20 mai 1997, ayant au demeurant été la conséquence d'une amorce de panique des clients du Crédit martiniquais, précisément informés de la situation ; qu'en se bornant, pour dire que le point de départ du délai de prescription devait être fixé au 20 mai 1997, date de la nomination d'un administrateur provisoire, partant que l'action en responsabilité n'était pas prescrite, à énoncer que l'article du journal "Libération", en date du 5 février 1997, ne pouvait en aucun cas, s'agissant seulement d'une information dont la source n'est pas dévoilée, constituer une révélation au sens des dispositions légales relatives à la prescription, sans s'expliquer sur le moyen des conclusions tiré de la connaissance, par le grand public, du fait de l'ensemble d'articles concordants, de différents journaux et hebdomadaires, dont certains spécialisés dans la finance et l'économie, qui, tous, reprenaient les mêmes informations sur la situation parfaitement obérée du Crédit martiniquais, la cour d'appel a méconnu les exigences de l'article 455 du code de procédure civile ; 4°/ que la prescription triennale, prévue à l'article L. 225-254 du code de commerce ne court à compter de la révélation, et non de la survenance des faits dommageables, qu'à l'encontre des seules personnes qui ont volontairement dissimulé lesdits faits ; qu'en se bornant à relever, pour dire que le point de départ du délai de prescription devait être fixé à la date à laquelle les faits dommageables ont été révélés, partant rejeter la fin de non-recevoir tirée de la prescription, l'existence de fautes dans la gestion de la banque, dommageables et dissimulées, sans constater que ces dernières étaient imputables à M. Jacques Y... qui les auraient volontairement dissimulées, la cour d'appel aurait privé sa décision de base légale au regard de la disposition susvisée ;

Page 35 sur 69

5°/ que le point de départ de la prescription triennale, prévue par l'article L. 225-254 du code de commerce, est fixé, lorsqu'il a été dissimulé, au jour de la révélation des faits dommageables et non de la révélation de la source d'information ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a expressément relevé qu'un article du quotidien "Libération" daté du 5 février 1997 avait révélé les dommages nés de la gestion du Crédit martiniquais ; qu'en jugeant cependant que la parution de cet article ne pouvait constituer une révélation au motif que la source de cet article n'était pas dévoilée, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, en violation du texte susvisé ; 6°/ que M. Jacques Y... faisait valoir que le grand public avait eu connaissance, par nombreux articles de presse, de la situation dans laquelle se trouvait le Crédit martiniquais, dès le début de l'année 1997 ; qu'ils citaient, ainsi, à l'appui de leurs dires et outre l'article du journal "Libération" en date du 5 février 1997, un article du journal "Les Echos" en date du 23 avril 1997 et un article de l'hebdomadaire "Le Point", en date du 26 avril 1997, tous concordants, quant à la situation catastrophique de la banque ; que M. Jacques Y... observait ainsi, dans ses conclusions, que ces articles de presse avaient ainsi porté à la connaissance générale l'existence d'un audit de la Commission bancaire ayant révélé la situation difficile du Crédit martiniquais et il s'en déduisait que la prescription triennale était acquise en l'espèce où l'action du Fonds avait été engagée plus de trois ans après que le grand public a été informé de la situation, si bien qu'en se bornant, pour dire que le point de départ du délai de prescription devait être fixé au 20 mai 1997, date de la nomination d'un administrateur provisoire, partant, que l'action en responsabilité n'était pas prescrite, à énoncer que l'article du journal "Libération", en date du 5 février 1997, ne pouvait en aucun cas, s'agissant seulement d'une information dont la source n'est pas dévoilée, constituer une révélation au sens des dispositions légales relatives à la prescription, sans s'expliquer sur le moyen des conclusions tiré de la connaissance, par le grand public, du fait de l'ensemble d'articles concordants, de différents journaux et hebdomadaires, dont certains spécialisés dans la finance et l'économie, qui, tous, reprenaient les mêmes informations sur la situation parfaitement obérée du Crédit martiniquais, la cour d'appel a méconnu les exigences de l'article 455 du code de procédure civile ; 7°/ que le point de départ de la prescription, situé au jour du fait dommageable, ne peut être reportée qu'en cas de dissimulation de ce fait, que cette dissimulation implique un caractère volontaire qui s'apprécie nécessairement de façon individuelle dans la personne de chacun des administrateurs poursuivis et qu'il incombe à celui qui invoque ce report de rapporter la preuve de cette dissimulation volontaire ; qu'en relevant simplement que les faits invoqués étaient de nature à constituer des fautes de gestion éminemment dommageables et parfaitement dissimulées sans constater, à l'égard respectivement de M. Bernard B..., M. D..., la société Plissonneau, M. Alex Y..., une volonté seule de nature à caractériser une dissimulation propre à reporter le point de départ de la prescription d'une action en responsabilité à son encontre, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 225-254 du code de commerce ; 8°/ que la prescription commence à courir lors de la révélation des faits dommageables ; qu'il suffit qu'un document contienne des informations suffisantes sur ces faits pour caractériser la révélation faisant courir le délai de prescription, sans qu'il soit en outre nécessaire qu'il en fournisse les preuves et les sources ; qu'en énonçant que la publication effectuée par le journal "Libération" du 5 février 1997, dont elle reconnaît le caractère pertinent, ne pouvait fixer le point de départ de la prescription pour le seul motif qu'un article de presse ne peut en aucun cas, s'agissant d'une information dont la source n'est pas dévoilée, constituer une révélation au sens des dispositions légales relatives à la prescription, la cour d'appel, qui a statué par un motif d'ordre général, a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 225-254 du code de commerce ; 9°/ que le point de départ de la prescription triennale prévue par l'article L. 225-254 du code de commerce ne peut être fixé à la date de la révélation des faits dommageables et non à celle de leur survenance qu'à l'encontre des personnes ayant dissimulé volontairement lesdits faits ; qu'en l'espèce, la JP Morgan Chase et M. E... faisaient expressément valoir, dans leurs conclusions, que le Fonds ne rapportait nullement la preuve d'une intention quelconque de leur part de dissimuler, si tant est qu'elles existent, les fautes de surveillance qui leur étaient reprochées, de telle sorte que le point de départ de la prescription devait être fixé à la date de survenance des faits dommageables ; que dès lors, la cour d'appel, qui a rejeté la fin de non-recevoir tirée de la

Page 36 sur 69

prescription aux motifs que les faits étaient de nature à constituer des fautes de gestion, dommageables et dissimulées, sans rechercher ou constater, ainsi que cela lui était expressément demandé, si la JP Morgan Chase et M. E... avaient volontairement dissimulé lesdites, a privé sa décision de toute base légale au regard de ce texte ; Mais attendu, en premier lieu, que commet une faute individuelle chacun des membres du conseil d'administration ou du directoire d'une société anonyme qui, par son action ou son abstention, participe à la prise d'une décision fautive de cet organe, sauf à démontrer qu'il s'est comporté en administrateur prudent et diligent, notamment en s'opposant à cette décision ; que l'arrêt relève que le conseil d'administration du Crédit martiniquais a arrêté les comptes infidèles de l'exercice 1996 résultant notamment de l'insuffisance de provisionnement de 800 000 000 francs (121 959 213,79 euros), masquant ainsi l'apparition en comptabilité des difficultés de l'établissement ; que, de ces seuls motifs, sans avoir à procéder à une recherche inopérante, dès lors qu'aucun de ceux qui étaient administrateurs à cette date n'a établi ni même allégué s'être opposé personnellement à cet arrêté des comptes, la cour d'appel a pu déduire la volonté de dissimulation de chacun des membres du conseil d'administration et a exactement retenu que le point de départ de la prescription triennale de l'action en responsabilité à leur encontre devait être fixé à la date de la révélation du fait dommageable ; Attendu, en second lieu, que c'est dans l'exercice de son pouvoir souverain d'appréciation de la valeur des éléments de preuve à elle soumis, que la cour d'appel, qui n'était pas tenue de s'expliquer sur ceux qu'elle écartait, et qui ne s'est pas prononcée par un motif d'ordre général, a estimé que le fait dommageable avait pu être révélé au plus tôt le 20 mai 1997, jour de la désignation de l'administrateur provisoire par la Commission bancaire ; D'où il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ; Et attendu que le premier moyen du pourvoi incident éventuel de la société Caribéenne de conseil et d'audit et M. Z... à l'encontre de l'arrêt avant dire droit du 3 mai 2007 ainsi que le premier moyen, en sa troisième branche, du pourvoi incident éventuel de la JP Morgan Chase et de M. E... à l'encontre de l'arrêt avant dire droit du 3 mai 2007 ne seraient pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ; Mais sur le premier moyen du pourvoi principal, pris en sa première branche : Vu l'article L. 631-1 du code monétaire et financier dans sa rédaction issue de l'ordonnance n° 2007-544 du 12 avril 2007 ; Attendu que pour écarter des débats les pièces n° 1 à 8 du dossier du Fonds, savoir les rapports d'inspection de la Commission bancaire et leurs annexes, l'arrêt, après avoir constaté que les dispositions de l'article L. 631-1 du code monétaire et financier selon lesquelles la Commission bancaire et le Fonds sont autorisés à se communiquer les renseignements nécessaires à l'accomplissement de leurs missions respectives, et qu'ils ne peuvent être utilisés qu'aux fins pour lesquelles ils ont été communiqués, retient que ces dispositions résultent seulement de la modification législative du 12 avril 2007 et ne sont donc pas applicables aux procédures en cours ; Attendu qu'en statuant ainsi, alors que l'article L. 631-1 du code monétaire et financier, dans sa rédaction issue de l'ordonnance n° 2007-544 du 12 avril 2007, est applicable aux renseignements recueillis antérieurement à son entrée en vigueur et dont l'utilisation n'a pas fait l'objet d'un litige définitivement tranché à cette date, la cour d'appel a violé, par refus d'application, le texte susvisé ; Sur le même moyen, pris en sa quatrième branche : Vu l'article L. 613-20 du code monétaire et financier, ensemble l'article L. 631-1 du code monétaire et financier dans sa rédaction issue de l'ordonnance n° 2007-544 du 12 avril 2007 ; Attendu que pour juger encore comme il fait, l'arrêt, après avoir constaté que, par lettre du 5 mai 2000, la Commission bancaire avait officiellement communiqué au Fonds ses rapports d'inspection aux fins de permettre à ce dernier d'exercer l'action prévue par l'article L. 312-6 du code monétaire et financier, retient que ces renseignements, couverts par le secret professionnel, ne pouvaient être divulgués dans le cadre d'une procédure judiciaire civile, dès lors que la présente action ne figure pas dans les exceptions au secret bancaire, limitativement énumérées à l'article L. 613-20 du code monétaire et financier ; Attendu qu'en statuant ainsi, alors que l'article L. 613-20 du code monétaire et financier, énumérant seulement les hypothèses dans lesquelles le secret professionnel auquel sont tenues les personnes participant ou ayant participé aux contrôles des établissements de crédit ne leur est pas

Page 37 sur 69

opposable, est sans application lorsque la Commission bancaire est légalement autorisée à communiquer au Fonds les rapports d'inspection que ce dernier peut utiliser aux fins pour lesquelles ils lui ont été communiqués, la cour d'appel a violé, par fausse application, le premier des textes susvisés et, par refus d'application, le second ; Sur le même moyen, pris en sa cinquième branche : Vu l'article 16 du code de procédure civile, ensemble l'article 6 § 1 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; Attendu que pour juger encore comme il fait, l'arrêt retient que le Fonds n'ayant pas produit aux débats les éléments visés par les annexes des rapports, les parties n'ont pas été à même de discuter contradictoirement l'intégralité des documents sur lesquels le Fonds appuyait sa demande ; Attendu qu'en statuant ainsi, alors que ne méconnaît ni les exigences de l'article 16 du code de procédure civile ni celles de l'article 6 § 1 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, la production aux débats dans leur intégralité et avec leurs annexes des rapports d'inspection de la commission bancaire, dès lors que ces documents sont soumis au débat contradictoire des parties, que celles-ci ont la possibilité d'en discuter le contenu, sauf aux parties à solliciter la production forcée de pièces complémentaires qui leur apparaîtrait indispensable à l'exercice de leur défense, et au juge à apprécier l'opportunité d'y faire droit, la cour d'appel a violé les textes susvisés ; Et sur le second moyen du pourvoi principal, pris en sa première branche : Vu l'article 624 du code de procédure civile ; Attendu que le chef de l'arrêt qui rejette toutes les demandes du Fonds à l'égard de toutes les parties se rattache par un lien de dépendance nécessaire au chef de l'arrêt écartant des débats les rapports d'inspection de la commission bancaire ; que la cassation du second de ces chefs entraîne par voie de conséquence la cassation du premier ; PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs des pourvois principal et incidents : REJETTE les pourvois incidents dirigés contre l'arrêt avant dire droit du 3 mai 2007 de la cour d'appel de Versailles ; CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 29 mai 2008, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ; Condamne les défendeurs au pourvoi principal aux dépens ; Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du trente mars deux mille dix.

DOC 3 :

Cass. Com. 19 mars 2013, n°12-14.213 Donne acte à M. X... du désistement de son pourvoi et à M. Y... et aux sociétés Bayard Montaigne et Arcade investissements conseil du désistement de leur pourvoi en ce qu'il est dirigé contre les sociétés Antibes Jules Grec, Cannes Bertrand Lepine, Resideal Grande Motte, la collectivité des héritiers et représentants de M. Guy C..., MM. D... et E... et Mme G... ;

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 13 décembre 2011), que, déclarant exercer ut singuli l'action sociale en réparation de préjudices subis par la société anonyme Compagnie européenne d'hôtellerie, M. Y... et les sociétés Bayard Montaigne et Arcade investissements conseil, actionnaires minoritaires de cette dernière (les actionnaires minoritaires), ont demandé la condamnation au paiement de dommages-intérêts des sociétés Antibes piscine, Résidence Bernard de Ventadour et Louicannes ;

Page 38 sur 69

Attendu que les actionnaires minoritaires font grief à l'arrêt de les déclarer irrecevables en leurs demandes, alors, selon le moyen, que les actionnaires peuvent agir individuellement pour obtenir réparation, au nom de la société, du préjudice subi par celle-ci ; que l'action est recevable à l'encontre des tiers qui ont causé le préjudice subi par la société dès lors que celle-ci est mise en cause ; que pour déclarer irrecevable l'action formée au nom de la société Compagnie européenne d'hôtellerie (CEH) par M. Y... et les sociétés Bayard Montaigne et Arcade investissements conseil, qui étaient actionnaires de la première, à l'encontre des sociétés Louicannes, Antibes piscine et Résidence Bernard de Ventadour, qui avaient commis des fautes à l'origine du préjudice de la société CEH, la cour d'appel a considéré que les sociétés défenderesses n'étaient pas administrateur ou dirigeant de la société CEH ; qu'en statuant ainsi, tandis que l'action ut singuli était recevable à l'encontre de ces tiers, à propos desquels M. Y... et les sociétés Bayard Montaigne et Arcade investissements conseil faisaient valoir qu'ils avaient commis des fautes ayant causé des préjudices à la société CEH, laquelle avait été mise en cause, la cour d'appel a violé l'article L. 225-252 du code de commerce ainsi que le principe de l'action ut singuli ;

Mais attendu qu'ayant exactement retenu que les dispositions de l'article L. 225-252 du code de commerce n'autorisent les actionnaires à exercer l'action sociale en responsabilité qu'à l'encontre des administrateurs ou du directeur général et constaté qu'aucune des sociétés visées par les demandes des actionnaires minoritaires n'était investie de cette qualité, la cour d'appel en a déduit à bon droit que ces demandes étaient irrecevables ; que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne M. Y... et les sociétés Bayard Montaigne et Arcade investissements conseil aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, les condamne à payer la somme globale de 1 500 euros à la société Compagnie européenne d'hôtellerie et la somme globale de 1 500 euros aux sociétés Antibes piscine, Résidence Bernard de Ventadour et Louicannes ; rejette leur demande ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du dix-neuf mars deux mille treize.

DOC 4 :

Cass. Com. 28 septembre 2010, Bull. civ. IV n°146

Sur le moyen unique, pris en sa troisième branche :

Vu l'article L. 223-22 du code de commerce, ensemble l'article L. 243-3 du code des assurances ; Attendu que le gérant d'une société à responsabilité limitée qui commet une faute constitutive d'une infraction pénale intentionnelle, séparable comme telle de ses fonctions sociales, engage sa responsabilité civile à l'égard des tiers à qui cette faute a porté préjudice ; Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. et Mme X... ont confié à la société STS, entreprise de bâtiment qui avait Mme Y... pour gérante, la réalisation de travaux de rénovation, y compris le gros oeuvre, dans un immeuble leur appartenant ; que les travaux ont commencé au cours de la première semaine d'octobre 2000 ; que des malfaçons et inexécutions diverses ayant été constatées, M. et Mme X..., faisant valoir que Mme Y... avait engagé sa responsabilité à leur égard en ne faisant pas souscrire à la société qu'elle dirigeait une assurance couvrant sa garantie décennale, l'ont assignée en paiement de dommages-intérêts après la mise en liquidation judiciaire de la société STS ; Attendu que pour rejeter cette demande, l'arrêt retient que, même constitutif du délit prévu et réprimé par les articles L. 111-34 du code de la construction et de l'habitation et L. 243-3 du code des assurances, et caractérisant une abstention fautive imputable à la gérante de la société STS

Page 39 sur 69

assujettie à l'obligation d'assurance, le défaut de souscription des assurances obligatoires de dommages et de responsabilité n'était pas séparable des fonctions de dirigeant ; qu'il ajoute que la société STS a négocié avec une compagnie d'assurances pour être garantie au point qu'elle a pu penser-fût-ce de façon erronée qu'elle était couverte ou à la veille de l'être au moment où elle a entrepris le chantier X... et que seul le contrat finalement signé en novembre 2000 a caractérisé qu'il n'y avait pas de reprise du passé ; Attendu qu'en statuant ainsi, alors qu'il résultait de ses constatations que Mme Y... avait sciemment accepté d'ouvrir le chantier litigieux sans que la société STS fût couverte par une assurance garantissant la responsabilité décennale des constructeurs, la cour d'appel a violé les textes susvisés ; PAR CES MOTIFS et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs : CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 4 février 2009, entre les parties, par la cour d'appel de Douai ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Douai, autrement composée ; Condamne Mme Y... aux dépens ; Vu les articles 700 du code de procédure civile et 37, alinéa 1er, de la loi du 10 juillet 1991, rejette les demandes ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-huit septembre deux mille dix.

DOC 5 :

Cass. Crim. 14 novembre 2007, Bull. crim. n°282

REJET et CASSATION sur les pourvois formés par :

1° X...,

contre l'arrêt de la chambre d'accusation de la cour d'appel de Nancy, en date du 23 novembre 1995, qui, statuant sur renvoi de cassation, dans la procédure suivie contre lui des chefs de complicité et recel d'abus de biens sociaux, a rejeté sa demande d'annulation d'actes de la procédure ; 2° X..., contre l'ordonnance du président de la chambre d'accusation de la cour d'appel de Colmar, en date du 24 mai 1996, qui, dans la même procédure, a dit n'y avoir lieu à saisir la chambre d'accusation de sa requête en annulation d'actes de la procédure ; 3° Y..., Z..., X..., A..., contre l'arrêt de la cour d'appel de Colmar, chambre correctionnelle, en date du 14 novembre 1997, qui a condamné : Y... et A..., le premier pour abus de biens sociaux, le second pour abus de biens sociaux et complicité de ce délit, chacun, à 18 mois d'emprisonnement avec sursis et 100 000 francs d'amende, X..., pour complicité d'abus de biens sociaux et recel de ce délit, à 18 mois d'emprisonnement avec sursis et 150 000 francs d'amende, Z..., pour recel d'abus de biens sociaux, à 1 an d'emprisonnement avec sursis et 50 000 francs d'amende, et a prononcé sur les intérêts civils. LA COUR, Joignant les pourvois en raison de la connexité ; Vu les mémoires produits en demande et en défense ; I. Sur le pourvoi formé par X... contre l'ordonnance du 24 mai 1996 du président de la chambre d'accusation : Attendu qu'aucun moyen n'est produit à l'appui du pourvoi ; II. Sur le pourvoi formé par X... contre l'arrêt du 23 novembre 1995 : Sur le premier moyen de cassation, proposé pour X... et pris de la violation des articles 40 et 593 du Code de procédure pénale, L. 81 du Livre des procédures fiscales, 6.1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, défaut de motifs, manque de base légale :

Page 40 sur 69

" en ce que l'arrêt attaqué de la chambre d'accusation, en date du 23 novembre 1995, a rejeté la requête de X... tendant à ce que soit prononcée la nullité de la procédure résultant des investigations irrégulières de l'administration fiscale et en ce que l'arrêt attaqué du 14 novembre 1997 a déclaré X... coupable de complicité et recel d'abus de biens sociaux et l'a condamné à verser des dommages-intérêts à Me Mauhin, ès qualités de liquidateur de la société C... ; " aux motifs qu'aux termes de l'article 40, alinéa 2, du Code de procédure pénale "toute autorité constituée, tout officier public ou fonctionnaire qui, dans l'exercice de ses fonctions, acquiert la connaissance d'un crime ou d'un délit est tenu d'en donner avis sans délai au procureur de la République et de transmettre à ce magistrat tous les renseignements, procès-verbaux et actes qui y sont relatifs" ; qu'ainsi, il n'y a eu aucun détournement de procédure, les fonctionnaires de la direction générale des Impôts, en dénonçant au procureur de la République les infractions qu'ils avaient constatées dans le cadre du contrôle fiscal de la société C..., n'ayant fait qu'obéir à l'obligation qui leur est imposée en application de l'article 40, alinéa 2, du Code de procédure pénale ; que X... et A... soutiennent que la dénonciation faite par le directeur des Impôts est nulle dans la mesure où elle s'appuie sur des auditions recueillies irrégulièrement par l'Administration dans le cadre du contrôle fiscal, faute d'avoir avisé les personnes ainsi entendues de leur droit de ne pas répondre aux questions posées alors qu'il s'agissait de salariés de l'entreprise non soumis au droit de communication ; que, d'une part, les renseignements fournis au procureur de la République dans le cadre de l'article 40, alinéa 2, du Code de procédure pénale ne sont astreints à aucune condition de forme ; que, d'autre part, en application du principe de l'indépendance du contentieux pénal et du contentieux administratif englobant le contentieux fiscal, les nullités affectant la procédure fiscale sont sans incidence sur la procédure pénale ; que la seule exception à ce principe concerne la violation de l'article 1649 septies du Code général des impôts devenu l'article L. 47 du Livre des procédures fiscales, dans la mesure où cet article concerne la garantie des droits de la défense dont il appartient à la juridiction répressive d'assurer le respect ; que, cependant, tel n'est pas le cas en l'espèce, puisque la nullité des auditions réalisées dans le cadre de la procédure fiscale est demandée au motif de l'exercice irrégulier par l'Administration de son droit de communication auprès des salariés de l'entreprise non soumis au droit de communication qui ne concerne pas l'article L. 47 du Livre des procédures fiscales ; qu'or, la jurisprudence de la Cour de Cassation limite le recours à la violation des droits de la défense au seul cas d'irrégularité fondée sur l'article L. 47 du Livre des procédures fiscales ; qu'ainsi, elle a jugé, le 9 mai 1983, que "la conséquence tirée par les tribunaux judiciaires de l'inobservation de l'article 47 nouveau du Code général des impôts (Livre des procédures fiscales), en ce qu'elle déroge au principe général de la séparation des autorités administratives et judiciaires, est d'interprétation stricte et ne saurait, dès lors, être étendue au-delà des cas où la loi a entendu expressément la limiter" ; " alors que la poursuite ayant trouvé son fondement du fait même de l'application de l'article 40 du Code de procédure pénale dans les auditions de tiers induits en erreur par l'administration fiscale quant à leur droit de ne pas répondre aux questions posées par celle-ci, la chambre d'accusation ne pouvait, comme elle l'a fait, refuser de prononcer la nullité de ces auditions et de la procédure pénale subséquente " ; Attendu que le demandeur a sollicité l'annulation de la procédure aux motifs que le procureur de la République avait été informé par des fonctionnaires de l'Administration sur la base d'auditions irrégulières de salariés de l'entreprise et qu'un détournement de procédure aurait été ainsi commis en vue d'établir les éléments de preuve permettant l'ouverture d'une information judiciaire des chefs de complicité et recel d'abus de biens sociaux ; Attendu que, pour écarter cette exception, la chambre d'accusation énonce que les fonctionnaires des Impôts n'ont fait qu'appliquer les dispositions de l'article 40 du Code de procédure pénale et que, en dehors de l'inobservation des prescriptions de l'article L. 47 du Livre des procédures fiscales touchant aux droits de la défense, dont le domaine d'application est d'interprétation stricte, les nullités pouvant affecter la procédure fiscale sont sans incidence sur la procédure pénale ; Attendu qu'en l'état de ces énonciations la chambre d'accusation a justifié sa décision sans méconnaître aucun des textes visés au moyen, lequel doit être écarté ;

Page 41 sur 69

Sur le deuxième moyen de cassation, proposé pour X... et pris de la violation des articles 100, 591 et 593 du Code de procédure pénale, 6.1 et 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, défaut de motifs, manque de base légale : " en ce que l'arrêt attaqué de la chambre d'accusation, en date du 23 novembre 1995, a rejeté la requête de X... tendant à ce que soit prononcée la nullité de la procédure résultant de l'irrégularité des commissions rogatoires prescrivant les écoutes téléphoniques et des écoutes téléphoniques elles-mêmes et en ce que l'arrêt attaqué du 14 novembre 1997 a déclaré X... coupable de complicité et recel d'abus de biens sociaux et l'a condamné à verser des dommages-intérêts à Me Jean-Denis M..., ès qualités de liquidateur de la société C... ; " aux motifs que X... estime que les deux commissions rogatoires en date du 20 janvier 1994 (D 1144/1145 et D 1151/1152) ordonnant des écoutes téléphoniques et les actes subséquents doivent être frappés de nullité, lesdites commissions rogatoires se bornant à reproduire une phrase type ne justifiant pas suffisamment le recours à une telle mesure dérogatoire au respect de la vie privée ; que l'examen des commissions rogatoires contestées montre que celles-ci sont parfaitement conformes aux dispositions des articles 100 et suivants du Code de procédure pénale (caractère écrit de la décision mention de tous les éléments d'identification de la liaison à intercepter mention de l'infraction motivant le recours à l'interception ainsi que la durée de celle-ci) ; que le juge d'instruction qui, en application de l'article 81 du Code de procédure pénale procède, conformément à la loi, à tous les actes d'information qu'il juge utiles à la manifestation de la vérité, n'a pas à motiver spécialement sa décision de placement sous écoutes téléphoniques ; que, s'il estime que les nécessités de l'information justifient le recours à cette mesure, il lui appartient uniquement de se conformer aux dispositions des articles 100 et suivants du Code de procédure pénale qui ne prévoient pas que les nécessités de l'information soient spécialement motivées, ce qu'il a fait en l'espèce ; " alors qu'il résulte des dispositions combinées des articles 100 du Code de procédure pénale, 6.1 et 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et des principes généraux du droit que les décisions du magistrat instructeur ordonnant des interceptions de correspondances émises par la voie des télécommunications doivent, à peine de nullité, comporter les motifs qui permettent à la Cour de Cassation de s'assurer que les nécessités de l'information exigeaient cette mesure attentatoire aux libertés individuelles " ; Attendu que, pour rejeter la demande d'annulation d'actes de la procédure fondée sur l'irrégularité de commissions rogatoires prescrivant des écoutes téléphoniques, faute pour le juge d'instruction d'avoir indiqué les raisons nécessitant cette mesure, la chambre d'accusation énonce que le juge d'instruction peut procéder à tous les actes d'information qu'il juge utiles sans avoir à motiver spécialement sa décision ; Attendu qu'en cet état la chambre d'accusation a fait l'exacte application des articles 81, 100 et suivants du Code de procédure pénale ; D'où il suit que le moyen ne peut être admis ; III. Sur les pourvois contre l'arrêt du 14 novembre 1997 : Sur le troisième moyen de cassation, proposé pour X... et pris de la violation des articles 53 et 247 de la loi du 24 juillet 1966 sur les sociétés commerciales, 6 et 8 du Code de procédure pénale : " en ce que l'arrêt attaqué, en date du 14 novembre 1997, a refusé de constater la prescription des délits d'abus de biens sociaux, de complicité d'abus de biens sociaux et de recel de ce délit antérieurs au 10 décembre 1990 ; " aux motifs que c'est un contrôle fiscal de M. B... qui a révélé en 1993 que deux salariés de la société C... étaient inconnus du personnel d'exécution et d'encadrement alors même que l'un deux, X..., percevait des rémunérations spécialement élevées ; que, sur le fondement de l'article 40 du Code de procédure pénale, il a dénoncé cette situation au ministère public qui a pris des réquisitions d'enquête le 10 décembre 1993 ; que, dans ces conditions, la prescription invoquée par Y... ne pourrait pas de toute façon couvrir la totalité des faits, puisque X... et Z... ont perçu des salaires jusqu'au 31 décembre 1991 et que les faits postérieurs au 10 décembre 1990 resteraient susceptibles d'être poursuivis, à supposer que la prescription en la matière n'obéisse pas à un régime particulier ; que, cependant, en matière d'abus de biens sociaux, il est actuellement admis que le point de départ de la prescription court du jour où les faits ont été constatés dans des conditions permettant l'exercice de l'action publique ; qu'il n'est pas exact, par

Page 42 sur 69

ailleurs, que les faits dénoncés en 1993 par l'administration fiscale aient eu le caractère de notoriété publique que leur prête Y... puisque l'emploi des deux personnes en cause était inconnu de la quasi totalité des salariés de l'entreprise et que celles-ci n'apparaissent pas sur l'organigramme du personnel ; que, de son aveu, le commissaire aux comptes n'a fait aucune vérification quant à la réalité des emplois rémunérés par la société ; " alors que la prescription de l'action publique du chef d'abus de biens sociaux et, par voie de conséquence, de la complicité et du recel de ce délit, court, sauf dissimulation, à compter de la présentation des comptes annuels par lesquels les dépenses litigieuses ont été mises indûment à la charge de la société et que les salaires de X... ayant été régulièrement déclarés aux organismes sociaux et à l'administration fiscale et portés au bilan de la société, il n'existait aucune dissimulation qui autorise la cour d'appel à reporter le point de départ de la prescription au jour où des réquisitions d'enquête avaient été prises au vu de la communication au parquet opérée par l'administration fiscale " ; Sur le moyen unique de cassation, proposé pour Y... et pris de la violation des articles 53 et 247, 425. 4°, et 437.3°, de la loi du 24 juillet 1966, 6, 8, 591 et 593 du Code de procédure pénale : " en ce que l'arrêt attaqué a condamné Y... à 18 mois d'emprisonnement avec sursis et 100 000 francs d'amende pour abus de biens sociaux et à payer une indemnité de 2 447 645 francs à Jean- Denis M..., pris en sa qualité de liquidateur de la société C... ; " aux motifs que "c'est un contrôle fiscal de M. S... qui a révélé, en 1993, que deux salariés de la société C... étaient inconnus du personnel d'exécution et d'encadrement alors même que l'un d'eux, X..., percevait des rémunérations spécialement élevées" (cf. arrêt attaqué, p. 4, 6e attendu) ; "que, sur le fondement de l'article 40 du Code de procédure pénale, il a dénoncé cette situation au ministère public qui a pris des réquisitions d'enquête le 10 décembre 1993" (cf. arrêt attaqué, p. 4, 7e attendu) ; "que, dans ces conditions, la prescription invoquée par Y... ne pourrait, de toute façon, pas couvrir la totalité des faits, puisque X... et Z... ont perçu des salaires jusqu'au 31 décembre 1991 et que les faits postérieurs au 10 décembre 1990 resteraient susceptibles d'être poursuivis, à supposer que la prescription en la matière n'obéisse pas à un régime particulier" (cf. arrêt attaqué, p. 4, 8e attendu) ; "qu'en matière d'abus de biens sociaux, il est actuellement admis que le point de départ de la prescription court du jour où les faits ont été constatés dans des conditions permettant l'exercice de l'action publique" (cf. arrêt attaqué, p. 4, 9e attendu) ; "que, dans une espèce assez comparable, la chambre criminelle a décidé, le 27 juillet 1993, que la prescription ne courait qu'à compter de la dénonciation des faits par l'administration fiscale au ministère public" (cf. arrêt attaqué, p. 5, 1er attendu) ; "que les faits ont été dénoncés en 1993 par l'administration fiscale" (cf. arrêt attaqué, p. 5, 2e attendu) ; "qu'il n'est pas exact, par ailleurs, qu'ils aient eu le caractère de notoriété publique que leur prête Y... puisque l'emploi des deux personnes en cause était inconnu de la quasi totalité des salariés de l'entreprise et que celles-ci n'apparaissent pas sur l'organigramme du personnel" (cf. arrêt attaqué, p. 5, 3e attendu) ; "que, de son aveu, le commissaire aux comptes n'a fait aucune vérification quant à la réalité des emplois rémunérés par la société" (cf. arrêt attaqué, p. 5, 4e attendu) ; "qu'il convient donc de confirmer le rejet du moyen de prescription proposé par l'un des prévenus" (cf. arrêt attaqué, p. 5, 5e attendu) ; " 1° alors que la prescription de l'action publique du chef d'abus de biens sociaux court, sauf dissimulation, à compter de la présentation des comptes annuels par lesquels les dépenses litigieuses sont mises indûment à la charge de la société ; qu'en fixant, dans l'espèce, le point de départ du délai de la prescription de l'action publique à la date à laquelle l'administration des Impôts a saisi le ministère public, quand Y... faisait valoir que la dépense correspondant aux contrats de travail de X... et de Z... avait été ostensiblement relatée dans les comptes de la société C... qui ont été présentés au cours de l'année 1986, la cour d'appel a violé les textes susvisés ; " 2° alors que le délit d'abus de biens sociaux est un délit instantané ; qu'il était constitué dans tous ses éléments, en l'espèce, du jour où la société C... a conclu avec X... et Z... des contrats de travail qui ne mettaient à la charge des salariés aucune obligation de fournir une prestation de travail correspondant à la rémunération qu'ils stipulaient du jour, autrement dit, où la société C... s'est trouvée juridiquement tenue de payer un salaire à X... et à Z... ; qu'en considérant, dès lors, contrairement aux termes mêmes de la prévention, que le délit d'abus de biens sociaux a été réitéré à chaque fois que X... et Z... ont perçu des salaires, la cour d'appel a violé les textes susvisés " ; Et sur le même moyen, relevé d'office en faveur des autres demandeurs ;

Page 43 sur 69

Les moyens étant réunis ; Vu l'article 593 du Code de procédure pénale ; Attendu que tout jugement ou arrêt doit contenir les motifs propres à justifier la décision ; que les juges sont tenus de répondre aux chefs péremptoires des conclusions dont ils sont saisis ; Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué qu'entre 1986 et 1991, A... et Y..., dirigeants de la société C... ont engagé, par contrats de travail, X... et Z... auxquels ont été versées des rémunérations sans contrepartie ; que tous quatre sont poursuivis des chefs susvisés ; Attendu qu'après avoir relevé que le procureur de la République avait prescrit une enquête le 10 décembre 1993, les juges écartent la prescription des faits antérieurs au 10 décembre 1990, en relevant que ceux-ci n'étaient pas notoires, les emplois en cause ayant été inconnus des salariés de l'entreprise et le commissaire aux comptes n'ayant fait aucune vérification de leur réalité ; qu'ils retiennent que la dénonciation des actes reprochés n'a été faite par l'administration des Impôts qu'en 1993, époque à laquelle leur découverte a permis l'exercice de l'action publique ; Mais attendu qu'en se déterminant ainsi, sans répondre aux chefs péremptoires des conclusions déposées par Y... faisant valoir que les salaires reprochés figuraient dans les bilans des exercices concernés, notamment ceux de l'année 1986, et que, faute de dissimulation, la prescription avait commencé à courir à compter de la date de présentation des comptes annuels, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ; D'où il suit que la cassation est encourue ; Par ces motifs, et sans qu'il y ait lieu d'examiner les autres moyens proposés, portant tant sur l'action publique que sur l'action civile ; I. Sur les pourvois de X... contre l'ordonnance du 24 mai 1996 et contre l'arrêt du 23 novembre 1995 : Les REJETTE ; II. Sur les pourvois contre l'arrêt du 14 novembre 1997 : CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, ledit arrêt de la cour d'appel de Colmar, en date du 14 novembre 1997, et pour qu'il soit jugé à nouveau, conformément à la loi ; RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Besançon.

DOC 6 :

Ass. plén. 20 mai 2011, n°11-90.032 Vu le jugement rendu le 15 mars 2011 par le tribunal de grande instance de Nanterre (15e chambre), transmettant à la Cour de cassation la question prioritaire de constitutionnalité, reçue le 22 mars 2011, dans l'instance mettant en cause M. X..., En présence de : 1°/ M. Y..., 2°/ M. Z..., 3°/ M. A..., 4°/ M. B..., 5°/ M. C..., 6°/ M. D..., pris en qualité de tuteur de E..., 7°/ la société F... ; M. le premier président a, par ordonnance du 24 mars 2011, renvoyé l'affaire devant l'assemblée plénière ; Vu la communication faite au procureur général ; Me Spinosi, avocat de M. X..., a déposé un mémoire à l'appui de la question prioritaire de constitutionnalité ; Le rapport écrit de M. Prétot, conseiller, et l'avis écrit de M. Cordier, avocat général, ont été mis à la disposition des parties ; Me Spinosi a déposé une requête aux fins de renvoi de la question prioritaire de constitutionnalité au Conseil constitutionnel ; LA COUR, siégeant en assemblée plénière, en l'audience publique du 13 mai 2011, où étaient présents : M. Lamanda, premier président, Mmes Favre, Collomp, MM. Lacabarats, Louvel, Charruault, Loriferne, présidents, M. Prétot, conseiller rapporteur, MM. Cachelot, Blondet,

Page 44 sur 69

Mme Mazars, M. Pluyette, Mmes Pinot, Foulon, MM. Bailly, Falcone, Terrier, Bloch, Espel, conseillers, M. Cordier, avocat général, Mme Tardi, directeur de greffe ; Sur le rapport de M. Prétot, conseiller, assisté de MM. Briand et Borzeix, auditeurs au service de documentation, des études et du rapport, les observations de Me Spinosi, l'avis de M. Cordier, avocat général, auquel Me Spinosi, invité à le faire, a répliqué, et après en avoir délibéré conformément à la loi ; 1 - Sur la requête aux fins de renvoi : Attendu que M. X... demande le renvoi sans examen au Conseil constitutionnel de la question prioritaire de constitutionnalité transmise par le tribunal de grande instance de Nanterre, aux motifs que lorsqu'elle examine une question prioritaire de constitutionnalité qui intervient dans le cadre d'une procédure portant sur une accusation en matière pénale, il existe un risque que la Cour de cassation ne soit pas considérée comme un organe satisfaisant pleinement l'exigence d'impartialité objective au sens de l'article 6 §1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, dès lors que la question prioritaire de constitutionnalité porte sur une interprétation jurisprudentielle dont la Cour de cassation est l'auteur et qu'elle a appliqué constamment et à de très nombreuses reprises ; Mais attendu qu'aux termes de l'article L. 411-1 du code de l'organisation judiciaire, il y a, pour toute la République, une Cour de cassation ; que, dès lors, la requête dirigée contre la Cour, dans son ensemble, ne peut être accueillie ; 2 - Sur la question prioritaire de constitutionnalité : Attendu, selon le jugement de transmission (tribunal de grande instance de Nanterre, 15 mars 2011), que M. X... a été renvoyé, par ordonnance d'un juge d'instruction, devant le tribunal correctionnel des chefs d'abus de confiance et d'abus de bien social dans l'exercice de ses fonctions de dirigeant d'un organisme collecteur de la participation des employeurs à l'effort de construction ; qu'il a déposé, dans un écrit distinct et motivé, une question prioritaire de constitutionnalité ; que le tribunal a transmis celle-ci à la Cour de cassation ; Attendu que la question prioritaire de constitutionnalité est ainsi rédigée : "Les dispositions des articles 7 et 8 du code de procédure pénale qui, telles qu'interprétées de façon constante par référence à l'article 203 du même code, permettent l'extension des effets d'un acte interruptif de prescription à l'égard d'une infraction aux infractions qui lui sont connexes, portent-elles atteinte aux droits et libertés que la Constitution garantit et plus exactement au principe fondamental reconnu par les lois de la République de prescription de l'action publique, ainsi qu'aux principes de prévisibilité et de légalité de la loi, garantis par l'article 8 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen ?" ; Attendu que les dispositions critiquées sont applicables au litige ; qu'elles n'ont pas été déclarées conformes à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel ; Mais attendu que, ne portant pas sur l'interprétation d'une disposition constitutionnelle dont le Conseil constitutionnel n'aurait pas eu l'occasion de faire application, la question n'est pas nouvelle ; Sur le grief tiré de la violation d'un principe de prescription de l'action publique : Attendu que la prescription de l'action publique ne revêt pas le caractère d'un principe fondamental reconnu par les lois de la République et ne procède pas des articles 7 et 8 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen du 26 août 1789, ni d'aucune disposition, règle ou principe de valeur constitutionnelle ; Sur le grief tiré de la violation d'un principe de prévisibilité de la loi en matière de procédure pénale : Attendu que les règles relatives au point de départ de la prescription de l'action publique et à l'incidence que la connexité des infractions peut exercer sur elle, sont anciennes, connues, constantes et reposent sur des critères précis et objectifs ; Sur le grief tiré de la violation du principe d'application légale de la loi : Attendu que si, selon l'article 8 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen du 26 août 1789, nul ne peut être puni qu'en vertu d'une loi "légalement appliquée", cette exigence est satisfaite par le droit à un recours effectif devant une juridiction, qui découle de l'article 16 de la même Déclaration ;

Page 45 sur 69

D'où il suit que la question ne présentant pas un caractère sérieux, il n'y a pas lieu de la renvoyer au Conseil constitutionnel ; PAR CES MOTIFS : DIT que la requête aux fins de renvoi sans examen de la question prioritaire de constitutionnalité ne peut être accueillie ; DIT N'Y AVOIR LIEU DE RENVOYER au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, siégeant en assemblée plénière, et prononcé par le premier président en son audience publique du vingt mai deux mille onze.

II. COMMENTAIRE D’ARRÊT : CASS. COM. 28 SEPTEMBRE 2010 (DOC. 4)

Licence 3 – Droit des sociétés – 2017/2018 Cours de M. PITCHO

I. ÉTUDIEZ LES DOCUMENTS SUIVANTS :

DOC 1 :

Cass. Com. 24 novembre 2009, n°08-19.991

Sur le second moyen :

Vu les articles 1988, 1844, 1844-6 et 1844-7 du code civil ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la société civile d'exploitation agricole de Gouers (la SCEA) a été constituée entre M. X... et Hugues Y... en 1979, prorogée par acte notarié du 29 décembre 1982, jusqu'au 29 septembre 2001 ; que Hugues Y... est décédé le 24 avril 1986, laissant pour lui succéder sa veuve, Roselyne Y... et ses trois enfants, MM. Xavier, Philippe et Marie Jeanne Y... (les consorts Y...) ; que, par acte du 22 juin 2004, ces derniers ont assigné M. X... et la SCEA aux fins de voir constater la dissolution de la société à effet du 30 septembre 2001, du fait de l'absence de décision de prorogation à cette date ; Attendu que pour rejeter la demande de M. Xavier Y..., seul appelant, l'arrêt retient que le mandat donné par celui ci à sa mère, le 25 juin 1986, rédigé en des termes généraux et " englobant ", " l'administration et la gestion ", aurait autorisé la mandataire à le représenter lors de l'assemblée générale appelée à décider de la prorogation de la SCEA ; Attendu qu'en statuant ainsi, alors qu'un mandat spécial est nécessaire pour habiliter valablement un mandataire à représenter un mandant pour tout acte qui n'est pas un acte d'administration et que la prorogation du terme d'une société civile, qui renouvelle les engagements des associés, ne peut s'analyser en un acte d'administration, la cour d'appel a violé les textes susvisés ; PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs : CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 17 juillet 2008, entre les parties, par la cour d'appel de Bourges ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Orléans ; Condamne M. X... et la SCEA de Gouers aux dépens ; Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne M. X... et la SCEA de Gouers à payer à M. Xavier Y... la somme globale de 2 500 euros et rejette leur demande ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-quatre novembre deux mille neuf.

DOC 2 :

Cass. Com. 20 novembre 2012, n°10-24.715

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant : Attendu, selon l'arrêt attaqué, que pour la mise en oeuvre de produits de défiscalisation proposés à des investisseurs, la banque Sofal a consenti à la société en nom collectif Rome (la SNC) dont le terme statutaire était fixé au 31 décembre 2007, un prêt d'un certain montant ; que les

SÉANCE N° 10

LA DISSOLUTION DE LA SOCIETE

Page 48 sur 69

investisseurs, associés de la SNC se sont rendus cautions divises du prêt à concurrence de leur participation dans le capital de la société, la banque ayant expressément renoncé au caractère solidaire et indéfini de leurs engagements ; que par acte du 31 janvier 2002, la société Whbl 7, aux droits de la banque Sofal a cédé un portefeuille de créances comprenant le prêt à la société Calyon, aux droits de laquelle vient la société Crédit agricole Corporate and Investment Bank (la banque) ; que la SNC ayant été défaillante, la banque l'a assignée en remboursement des prêts ainsi que les cautions, qui ont contesté sa qualité à agir faute de communication de l'acte original de cession ; que le jugement condamnant la SNC et les associés à payer différentes sommes à la banque a été frappé d'appel par les associés, suivant déclaration du 6 décembre 2006 ; que par conclusions signifiées le 11 décembre 2009, la SNC a fait appel incident ; Sur le second moyen, en ce qu'il est dirigé contre les investisseurs : Attendu que la banque reproche à l'arrêt d'avoir rejeté ses demandes de paiement d'une certaine somme à l'encontre de la SNC et des investisseurs ainsi que de l'avoir condamnée à rembourser les sommes versées en exécution du jugement, alors, selon le moyen : 1°/ que l'obligation de communiquer, qui est une des charges du procès civil, consiste, pour la partie qui y est tenue, à faire connaître à son adversaire les pièces dont elle entend se prévaloir à l'appui de sa prétention ; qu'elle a pour objet de mettre la partie adverse à même d'organiser sa défense ; que ses modalités d'exécution dépendent des circonstances de la cause particulière dans laquelle la communication doit avoir lieu, et, plus spécialement, des impératifs auxquels les parties se trouvent soumises, tel le secret professionnel ; que la banque, liée par le secret professionnel du banquier, offrait de communiquer l'original de l'entier acte de cession du 31 janvier 2002 en le tenant à la disposition de ses adversaires et de leurs conseils pour consultation ; qu'en lui objectant « que le principe du droit au procès équitable posé par l'article 6, § 1, de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales impose au juge de ne statuer que sur des pièces loyalement, donc intégralement, communiquées à toutes les parties au procès, de manière à ce qu'elles puissent en débattre à armes égales », sans se demander si les modalités d'exécution de l'obligation de communiquer que la banque proposait n'étaient pas, compte tenu du secret professionnel auquel elle était tenue, propres, d'une part, à faire connaître à ses adversaires le contenu intégral de l'acte de cession du 31 janvier 2002, et, d'autre part, à leur permettre d'organiser leur défense, la cour d'appel a violé les articles 2, 3, 15, 16, 132 et 134 du code de procédure civile, ensemble les articles L. 511-33 et suivants du code monétaire et financier ; 2°/ que la banque faisait valoir, dans sa signification du 27 janvier 2010, qu'« afin de satisfaire à l'arrêt de la cour en date du 5 février 2009 sans enfreindre les dispositions légales d'ordre public relatives au secret professionnel du banquier, le conseil de la banque a, par lettre officielle du 17 février 2009, rappelé à ses confrères que, la loi lui faisant interdiction de diffuser des copies de l'acte de cession du 31 janvier 2002, l'original était tenu à leur disposition pour consultation », que « le conseil de M. X... refusant par principe de prendre connaissance de l'original de l'acte, un rendez-vous de procédure était sollicité à l'initiative de la banque, afin d'examiner les modalités de communication de l'acte, rendez-vous de procédure qui s'est tenu le 12 mai 2009 en présence de Mme le conseiller David », qu'« en présence des avoués, Mme le conseiller :/. a tout d'abord constaté que la copie de l'acte de cession et partiellement de son annexe certifiée conforme à l'original par Me Y... (expurgée des noms des débiteurs) était conforme à l'original qui lui était présenté ainsi qu'à l'avocat de M. X... … ;/. a rappelé que la diffusion des noms des débiteurs était prohibée par les dispositions du code monétaire et financier et du code pénal ;/ mais surtout a également constaté que le conseil de M. X... a refusé à plusieurs reprises de prendre connaissance de l'original de l'acte » ; qu'en énonçant que la banque ne s'est pas conformée à son obligation de communiquer l'acte de cession du 31 janvier 2002, sans s'expliquer sur ces conclusions, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ; Mais attendu qu'après avoir relevé que la banque a persévéré à ne vouloir présenter à ses contradicteurs l'acte de cession qu'en communication et s'est bornée à produire un document comportant des anomalies évidentes, l'arrêt retient que la banque n'a pas produit un extrait authentique de l'acte de cession, demandé à la suite de la réouverture des débats, par lequel le notaire certifie la provenance du document comme son caractère intégralement probant et précise qu'aucune disposition de l'acte autre que celles figurant à l'extrait n'est susceptible de concerner les parties au litige ; que par ce motif non critiqué, duquel elle a déduit que ce document aurait

Page 49 sur 69

permis de concilier le droit des parties à obtenir les pièces qu'elles ne détiennent pas et qui sont nécessaires à leur défense et le principe du secret professionnel, la cour d'appel a légalement justifié sa décision ; que le moyen n'est pas fondé ; Mais sur le premier moyen : Vu les articles 1134 et 1844-7 du code civil ; Attendu que pour rejeter la demande de la banque tendant à faire déclarer irrecevable l'appel de la SNC, l'arrêt retient que si dans le principe, une société prend fin à l'expiration du temps pour lequel elle a été constituée, elle n'est effectivement dissoute que si les associés ont été convoqués, au moins un an avant le terme convenu et ont décidé expressément la dissolution ; que dans le cas contraire, la société conserve sa personnalité juridique, ses organes et sa capacité à ester en justice ; Attendu qu'en statuant ainsi, alors qu'en l'absence de toute prorogation expresse ou tacite de sa durée, la SNC, dissoute par l'arrivée de son terme, aurait dû être représentée par un liquidateur, ce dont il résultait que l'appel de la SNC était irrecevable, la cour d'appel a violé les textes susvisés ; Et vu l'article 627, alinéa 2, du code de procédure civile ; PAR CES MOTIFS : CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a déclaré recevable l'appel formé par la société en nom collectif Rome, l'arrêt rendu le 24 juin 2010, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; DIT n'y avoir lieu à renvoi ; Dit irrecevable l'appel incident interjeté par la société en nom collectif Rome ; Condamne la société Crédit agricole Corporate and Investment Bank aux dépens ; Vu l'article 700 du code de procédure civile, la condamne à payer une somme de 2 500 euros à M. X... et rejette sa demande ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du trente et un janvier deux mille douze.

DOC 3 :

Revue des sociétés 1998 p. 21 La dissolution pour mésentente entre associés Haritini Matsopoulou, Maître de conférences à la Faculté de droit, d'économie et des sciences sociales de Tours

L'essentiel Signe d'une volonté d'oeuvrer en commun, la participation à une société peut donner lieu à des querelles ou à des dissensions. Le droit ne pouvait ignorer cette situation. Aussi, le Code civil admet, comme une cause de dissolution, la mésentente entre associés. Faute d'autre précision, les juges ont souvent tenu compte de la mauvaise situation financière de la société, pour accueillir la prétention d'un de ses membres. Mais depuis la réforme du droit commun des sociétés, la Cour de cassation s'en tient à la mésentente paralysant le fonctionnement social. Néanmoins, dans la mise en oeuvre de cette cause de dissolution, elle veille à l'application des principes contractuels de la bonne foi et du respect des statuts.

1. - Sauf dans le cas où la loi autorise la création de sociétés unipersonnelles, l'acte juridique qui donne naissance à une société est un contrat par lequel deux ou plusieurs personnes conviennent de mettre en commun des biens ou leur industrie, en vue de partager les bénéfices ou de profiter de l'économie qui pourra en résulter (1). Cette conception contractuelle ne saurait être niée (2), quand bien même certains auteurs ne voient dans la société qu'une technique d'organisation de l'entreprise (3), tandis que d'autres insistent sur le caractère institutionnel de la société (4).

Page 50 sur 69

Lors de la création de la société, les associés doivent avoir un minimum de points communs. En bref, ils s'entendent sur l'objectif qu'ils veulent réaliser, sur les moyens à mettre en oeuvre ou sur le choix de la forme sociale, ainsi que sur la désignation des personnes appelées à donner les orientations à la société (5).

2. - Cette période d'harmonie peut durer longtemps. Mais elle peut aussi céder la place à des difficultés provenant soit de l'entrée de nouveaux partenaires, soit de choix stratégiques, soit des changements dans la vie privée des associés. L'un de ceux-ci peut contester la manière de faire de l'autre ou critiquer les avantages tirés de la position dominante du dirigeant. En d'autres termes, les critiques peuvent surgir et, au-delà de ces critiques, la mésentente peut naître et s'installer. Doit-on laisser les associés qui se sont choisis et appréciés dans la société ou bien doit-on faire dominer l'intérêt de la personne morale sur les droits individuels des associés ? Doit-on maintenir la société ou, au contraire, la faire disparaître ? C'est le problème que pose la mésentente entre associés.

3. - Les rédacteurs du Code civil, à une époque où les sociétés apparaissaient à peine, avaient envisagé plusieurs hypothèses de dissolution (6). Si la société avait une durée illimitée, chaque associé pouvait unilatéralement y renoncer, sous réserve de ne pas agir à contretemps. Si elle avait une durée déterminée, tout associé pouvait mettre en oeuvre la dissolution, à condition qu'il se prévale d'un juste motif, comme l'inexécution par un des associés de ses obligations ou toute autre cause dont la légitimité et la gravité sont laissées à l'arbitrage des juges. Les difficultés entre associés prendraient alors fin naturellement. C'est ainsi que, sous couvert de ce juste motif, les tribunaux ont été amenés à résoudre les difficultés nées de la mésintelligence entre associés. De telles dispositions, de nature à permettre une issue aux conflits entre associés, ont été considérées comme causes de dissolution d'ordre public (7), en ce sens qu'il ne serait pas possible de les écarter par des dispositions statutaires contraires, fussent-elles adoptées à l'unanimité.

4. - A vrai dire, ce caractère d'ordre public a, très vite, été tempéré par la jurisprudence. D'une part, la renonciation d'un associé ne devait pas intervenir en temps inopportun, de sorte que les juges ont pu l'écarter toutes les fois que l'on pouvait craindre une perte pour les autres associés. D'autre part, le juste motif laissé à la prudence des juges a été subordonné à l'existence d'une entrave au bon fonctionnement de la société. Ainsi, le critère individualiste, retenu par les rédacteurs du Code, a-t-il été complété par un critère économique. Si la société est prospère et n'est pas entravée dans son fonctionnement, la mésintelligence ne saurait être retenue comme cause légitime de dissolution. Les juges ont d'autant mieux pris en considération la situation de la société que la demande de dissolution concernait des sociétés anonymes ou des sociétés à responsabilité limitée. Du reste, n'aurait-on pas dû limiter le jeu de la mésintelligence aux seules sociétés dans lesquelles l'intuitus personae est fort, et l'écarter au profit d'autres techniques dans les sociétés de capitaux ?

5. - Néanmoins, lors de la refonte de la législation des sociétés commerciales, opérée au lendemain de la Deuxième Guerre mondiale, les différentes commissions ont cherché à mettre de l'ordre dans les conditions de création et de fonctionnement des différentes sociétés commerciales, sans se préoccuper, sauf cas particulier, du droit commun des sociétés. Aussi bien, elles ne se sont pas interrogées sur les causes générales de dissolution renfermées dans le Code civil. Celles-ci sont demeurées applicables à toutes les sociétés commerciales dont le statut a été rénové par la loi du 24 juillet 1966. Il a fallu que surgissent certains scandales financiers par le recours excessif aux sociétés civiles - en matière immobilière, comme en matière de placement financier - pour que le législateur, après avoir adopté quelques règles particulières pour certaines sociétés civiles, envisage de refondre le titre IX du livre III du Code civil.

6. - Après avoir décrit les règles générales de formation des sociétés, et notamment décidé que la personnalité morale serait attribuée par l'immatriculation, ce qui a mis fin à la clandestinité des sociétés civiles, la loi du 4 janvier 1978 a indiqué quelles étaient les causes générales de

Page 51 sur 69

dissolution de toute société (8). Elle aurait pu faire une distinction entre les différents types de sociétés. Mais telle n'a pas été la solution retenue. Tout au plus, tenant compte de la jurisprudence intervenue au cours des 170 dernières années, elle précise à l'article 1844-7 C. civ. que la société prend fin par la dissolution anticipée, prononcée par le tribunal à la demande d'un associé pour justes motifs, notamment en cas d'inexécution de ses obligations par un associé ou de mésentente entre associés paralysant le fonctionnement de la société. Ce faisant, le législateur réaffirme qu'une société peut être dissoute par le juge, à la demande d'un associé, mais cette demande ne saurait être discrétionnaire, elle doit alléguer un motif apparaissant légitime. Ce dernier peut être la mésentente entre associés, mais celle-ci doit impérativement entraver le fonctionnement de la société. Ainsi, le législateur fait primer l'intérêt social.

7. - Mais, si la loi énonce les causes de dissolution, elle ne résout pas tous les problèmes posés par leur mise en oeuvre, alors que certains d'entre eux avaient été soulevés devant les tribunaux. En particulier, elle n'indique pas si, à la demande de dissolution formulée par un associé, un autre membre de la collectivité ne pourra pas demander le rachat des droits du demandeur aux conditions, maintenant générales, de l'article 1843-4 C. civ. Par ailleurs, plutôt que d'envisager la formule radicale de la dissolution, c'est-à-dire la disparition définitive de la société, puis sa liquidation, le législateur aurait pu légaliser la pratique de l'administration provisoire (9), ou d'un mandataire ad hoc. Une telle technique serait certainement utile à des fins de conciliation, notamment dans les sociétés civiles professionnelles ou dans certaines sociétés de famille. De plus, avant l'admission d'une dissolution, n'aurait-il pas pu prévoir une étape préalable de conciliation ou de médiation ? Enfin, puisqu'une jurisprudence ancienne et constante prive celui qui est à l'origine de la mésentente du droit de demander la dissolution, le Code aurait pu énoncer ce cas de déchéance, plutôt que de laisser aux tribunaux le soin de se prononcer, voire d'écarter l'exception, quand n'est pas démontrée la faute exclusive de l'associé demandeur. En d'autres termes, le Code ne se prononce pas sur le maintien des techniques contractuelles lors de la mise en oeuvre d'une dissolution.

8. - Outre ces questions importantes, dans une matière où la disparition d'une société est en jeu, il faut évidemment se demander ce qu'est la mésentente. Si l'on s'en tient au dictionnaire, c'est une mauvaise entente ou un désaccord. Mais l'entente ou l'accord, une fois le contrat de société établi, n'est pas nécessaire, si les statuts ou la loi n'imposent pas l'unanimité.

Du reste, dans les sociétés de capitaux, c'est la loi de la majorité qui est la règle (10), les minoritaires ayant du mal à trouver une place précise, en dépit du dispositif de plus en plus important destiné à leur reconnaître certains droits dans les sociétés anonymes.

Sans doute, on peut penser que la mésentente, c'est en quelque sorte un manque d'affectio societatis

des associés. Cet élément, que la loi ne prend pas vraiment en considération, revêt des sens divers, selon les auteurs. Pour certains, c'est la volonté de participer à la vie sociale de façon

active et intéressée (11), pour d'autres, c'est « l'intention de se traiter comme des égaux et de

poursuivre ensemble l'oeuvre commune » (12), pour d'autres, enfin, c'est la volonté d'établir une collaboration sur un pied d'égalité en vue de partager les bénéfices (13). Aussi bien, cet élément psychologique fait certainement défaut, quand chaque partenaire poursuit des objectifs différents

(14). Lors de la constitution de la société, l'absence de cet élément ne peut qu'emporter l'inexistence de celle-ci. A vrai dire, le droit ne prend pas en considération l'inexistence, pour la raison qu'au moins prima facie, il y a une apparence d'acte. Dès lors, c'est par la voie de la nullité que l'on constatera le défaut de la réunion de tous les éléments nécessaires à la validité d'un acte juridique, d'un contrat ou de la formation d'une société. Mais pour autant, la mésentente se distingue mal du défaut d'accord initial, car le droit contemporain rapproche la nullité de la dissolution ; comme cette dernière, la nullité met fin sans rétroactivité à l'exécution du contrat de société (15). Mieux même, l'article 1844-7 C. civ. fait, de l'annulation du contrat de société, une cause de cessation de ladite société (16). Malgré ce rapprochement des effets, il demeure que la dissolution pour mésentente requiert une société régulièrement et valablement constituée, au sein de laquelle des difficultés sont apparues à telle enseigne que la société ne soit plus à même de fonctionner.

Page 52 sur 69

Dès lors, le jus fraternitatis, qui permet, en l'absence de choix formellement exprimé par plusieurs personnes, de distinguer une société d'une indivision, ou d'un contrat du travail avec participation aux bénéfices (17), va être, s'il cesse d'exister, un élément révélant la mésentente

(18).

9. - Figurant parmi les causes générales de cessation des sociétés, la mésentente va concerner tous les types de sociétés. Il peut s'agir d'une société civile, comme d'une société commerciale. Parmi les premières, la jurisprudence a statué tant sur celles ayant un objectif précis (19), comme la construction d'un immeuble (20) que sur les sociétés constituées en vue de l'exploitation d'une activité libérale (21).

Depuis la loi du 29 novembre 1966, des sociétés civiles professionnelles peuvent être instituées. Elles peuvent avoir pour objet l'exercice de l'activité de notaire (22), d'huissier, de greffier de tribunal de commerce, la société étant titulaire de l'office. En fait, comme l'activité dépend des personnes titulaires des diplômes, sous couvert de société, c'est plutôt une mise en commun des moyens, les associés apportant leur industrie et acquittant le plus souvent une partie du prix ou de la valeur de l'office, pour pouvoir exercer l'activité. Malgré une certaine communauté d'intérêt et de manière de procéder, des dissensions peuvent naître, soit quant à la répartition des bénéfices, soit quant aux tâches incombant à l'un ou à l'autre. Aussi bien, les tribunaux ont-ils été sollicités de se prononcer.

Quant aux sociétés commerciales, toutes peuvent donner lieu à dissolution pour mésentente : une société en nom collectif (23), une société en commandite simple (24), mais aussi une SARL (25), ou bien encore une société anonyme (26). Les sociétés de type spécial, comme les sociétés coopératives ou les sociétés à capital variable ne sont pas exclues du domaine de la mésentente, encore que l'associé mécontent puisse plus aisément sortir de la société. Et même la société en participation, qui peut être soit civile, soit commerciale, se trouve soumise au droit commun des causes de dissolution (27), quand bien même l'article 1872-2 C. civ. autorise, en outre, la dissolution à tout moment d'une société en participation à durée indéterminée, pourvu qu'elle donne lieu à notification aux autres associés et qu'elle soit faite de bonne foi et non à contretemps.

Il reste que, puisque ce type de société donne lieu plutôt à des opérations de compte entre associés, il est difficile de faire application de l'article 1844-7-5° C. civ., car la mésentente doit être de nature à paralyser le fonctionnement de la société. Or, on voit mal comment pourrait être bloqué un organe social dans une société qui n'en comporte pas ?

10. - En tout cas, il est permis de se rendre compte que la loi, exigeant que la mésentente emporte paralysie du fonctionnement de la société, fait certainement prédominer l'intérêt social sur les intérêts individuels.

Mais pour autant la jurisprudence n'écarte pas totalement la prise en compte des intérêts des associés, résultant de leur participation volontaire et égalitaire à une société. Sur de nombreux points, la mise en oeuvre de la dissolution pour raison de mésentente reste, en réalité, influencée par l'origine contractuelle des droits de l'associé. C'est ce que révèle l'étude de la jurisprudence intervenue en matière de mésentente entre associés.

I. La prééminence de l'intérêt social dans l'admission de la mésentente.

II. Le maintien des techniques contractuelles dans la dissolution pour mésentente.

LA PREEMINENCE DE L'INTERET SOCIAL DANS L'ADMISSION DE LA MESENTENTE

Page 53 sur 69

11. - Dissoudre une société, c'est mettre fin à son activité pour l'avenir ; cela va emporter l'apurement du passif et la répartition des éléments d'actif entre les différents associés. Mutatis

mutandis, la dissolution est comparable à la mort d'une personne physique. Elle emporte donc plus d'effets que la cessation pour l'avenir de simples relations contractuelles. Même si l'on admet que la personnalité morale survit pendant le temps de la liquidation, cette survie est limitée aux besoins de cette période, sans autoriser le développement de nouvelles opérations. On comprend, dès lors, qu'en cas de mésintelligence, comme en cas de mésentente aujourd'hui, la loi n'ait pas admis que la seule invocation d'une mésintelligence ou d'une mésentente suffise pour emporter disparition d'une société. Celle-ci constitue un être moral doté de la personnalité juridique. Ses différents organes - d'administration, de direction ou de décision - doivent agir de telle sorte qu'elle puisse continuer à se développer. Aussi bien, a-t-on vu cette notion d'intérêt social - qui est l'intérêt propre de la société, ne se confondant ni avec l'intérêt des associés majoritaires, ni avec celui des minoritaires - , et qui est la manifestation de l'aspect institutionnel de la société, servir de guide aux juges ou au législateur.

En réalité, cette notion, que l'on retrouve dans certains textes, est des plus équivoques (28). Se distingue-t-elle de l'intérêt financier ; se diffé-rencie-t-elle de l'intérêt commun des associés majoritaires ? On en a bien vu les limites, lorsque les juges répressifs ont considéré que n'était pas conforme à l'intérêt social le prélèvement de fonds, destiné à corrompre des élus, en vue de l'obtention de marchés (29).

12. - Quoi qu'il en soit, une demande en dissolution pouvant faire disparaître une société, la jurisprudence a été amenée à décider qu'une telle procédure nécessitait la mise en cause de la personne morale (30). Celle-ci pourra donc faire valoir tous arguments utiles propres à permettre sa survie, par exemple l'absence de dysfonctionnement de ses organes, ou bien l'irrégularité de la nomination d'un dirigeant se prétendant investi du pouvoir de représentation de la personne morale. Elle pourrait aussi, en défense à une demande en nullité d'une délibération de l'assemblée générale des actionnaires, présentée par certains titulaires de droits, proposer le contrôle de la régularité de la décision de dissolution. Car, même si c'est au juge qu'il appartient d'admettre la dissolution en cas de juste motif, ce juste et légitime motif peut être reconnu préalablement par les associés, lesquels, du fait des menaces tenant aux conditions précaires de l'exploitation sociale, pourraient préférer mettre un terme à l'activité pour échapper à une catastrophe (31).

Les magistrats sont investis, en tout cas, d'un pouvoir important d'appréciation. Et ils ont, dès le siècle dernier, considéré que la mésintelligence à elle seule ne suffisait pas pour anéantir l'être moral. A cet égard, ils ont d'abord retenu un critère économique, et ce n'est qu'à une époque relativement récente qu'ils ont pris en considération un critère, à première vue, juridique (32).

Mais si, depuis la réforme de 1978, la loi retient, à ce propos, l'impossibilité de fonctionnement, les juges prennent encore parfois en considération la situation économique de la société.

L'INTERET SOCIAL TIRE DE LA SITUATION ECONOMIQUE

13. - Dès la fin du siècle dernier, et alors que le droit de demander la dissolution pour justes motifs était reconnu comme un droit intangible de l'associé que les statuts ne pouvaient pas écarter, les cours d'appel ont recherché si ces motifs étaient conformes à la loi.

En ce sens, il est permis d'évoquer un arrêt de la Cour d'appel de Douai du 20 mai 1897 (33), où un associé demandait la dissolution d'une mutuelle agricole, qui était une société d'assurances contre la mortalité des animaux. En l'espèce, un associé n'avait pu obtenir l'exécution d'une décision qui lui était favorable, un procès-verbal de carence constatait que la caisse était vide, il n'y avait pas de réserve statutaire et de nombreuses cotisations n'avaient pas été appelées ; en outre, l'assemblée générale n'avait pas été réunie régulièrement chaque année, il n'avait pas été dressé d'état de la situation passive et active de la société et le conseil d'administration n'avait pas été réuni tous les trimestres. La cour relève évidemment l'irrégularité du fonctionnement de la

Page 54 sur 69

société. Mais, prenant en considération la souscription de nouveaux adhérents, les juges ont estimé que la dissolution, motivée par des actes de négligence regrettables plus que par un réel état d'insolvabilité, causerait un préjudice important aux associés. Aussi, la cour d'appel de Douai a estimé devoir prendre cet élément en considération et a décidé d'accorder un délai à la société pour régulariser sa situation, et désintéresser le créancier poursuivant.

Il est vrai que la Cour de cassation, prenant appui sur les termes de la loi exigeant une légitimité du motif et une gravité, s'orientait vers la prise en considération du péril de la société (34). Ainsi, dans un arrêt du 11 novembre 1896 (35), elle relève que le fond social a été dépensé et qu'il n'y avait aucun espoir pour la société d'obtenir une concession dans un pays étranger. En 1926 (36), la Haute juridiction mentionne l'état d'hostilité grave entre les associés, attesté par des plaintes de nature pénale, mais note aussi qu'il y avait eu perte des 3/4 du capital social, de sorte que la société ne pouvait pas continuer son activité.

14. - En revanche, même s'il y a une mésintelligence certaine et grave, la dissolution ne sera pas admise, dès lors que la bonne marche des affaires n'a pas été entravée (37), ou si les intérêts de la société n'ont pas été compromis (38). La cour d'appel de Lyon, dans un arrêt du 11 octobre 1954 (39), met bien en évidence cette tendance à la prise en considération de la situation économique. En l'espèce, des difficultés étaient survenues entre deux frères au sein d'une SARL. Malgré les conceptions différentes de gestion, l'un souhaitant réduire les stocks au minimum, pour bénéficier d'une trésorerie abondante, alors que l'autre les accroissait de manière importante en empruntant pour ce faire, la cour a observé que le prêt provenait de proches parents et était stipulé sans intérêts, que le coassocié conservait le contrôle de la société, et surtout que les périls financiers ne se sont pas réalisés, les derniers bilans étant largement bénéficiaires.

La Cour de cassation prenait, à nouveau, nettement parti, dans un arrêt du 28 février 1977 (40). Un associé contestait la gestion du gérant et, à l'occasion de l'assemblée générale, faisait révoquer le gérant et se faisait nommer gérant à sa place. L'ancien gérant contestait la validité de la résolution de l'assemblée générale, et demandait aussi la dissolution pour justes motifs, car le nouveau gérant abusait de sa situation majoritaire et faisait de la société une affaire personnelle. La cour d'appel de Lyon avait écarté la demande en dissolution, tout en constatant la mésentente grave régnant entre les associés. Mais elle avait relevé que, sous l'impulsion du nouveau gérant, la situation financière, qui était gravement compromise du fait des précédents gérants, s'était rétablie, si bien que la société était en mesure de fonctionner normalement. En conséquence, la demande était écartée, tant par la cour d'appel que par la Cour de cassation.

Comme l'observait M. Gastaud (41), la jurisprudence intervient en gardien des intérêts collectifs. « La mission du juge a changé de nature » : au lieu de tenir compte de relations conventionnelles, il apprécie des données économiques (42).

15. - A vrai dire, à côté de décisions faisant état de la prospérité de la société (43), ou de la perte qu'entraînait la dissolution, d'autres prenaient en considération les difficultés insurmontables de fonctionnement de la société. Ainsi, les intérêts sociaux sont compromis si la société ne peut plus fonctionner (44), s'il est impossible de désigner un conseil d'administration et un président-directeur général (45), de nommer un gérant (46), ou le directeur d'un laboratoire dont la présence est indispensable au fonctionnement de la société (47). En revanche, il n'y a pas de blocage social, lorsque l'auteur de la mésentente ne détient qu'une seule part, tandis que, du fait d'un décès, 3 640 parts d'une société en commandite ne peuvent exprimer une opinion (48), ou bien si le désaccord des associés d'une société anonyme, créée pour l'exploitation d'une clinique, porte seulement sur la distribution des bénéfices (49).

Il est possible de s'apercevoir que la jurisprudence prenait en considération soit des motifs d'ordre économique, savoir la situation financière plus que délicate de la société, pour admettre la dissolution, soit des raisons d'ordre juridique, c'est-à-dire l'impossibilité de fonctionnement de la société (50). Ce faisant, en exerçant un contrôle sur la légitimité de la demande, elle prenait en considération l'intérêt spécifique de la société, qu'elle considère comme supérieur au droit

Page 55 sur 69

individuel de l'associé, qui entendait profiter de la dispute pour obtenir la dissolution du contrat de société.

L'INTERET SOCIAL PRIS DE LA SITUATION JURIDIQUE

16. - Le législateur, en procédant à la refonte du droit commun de base des sociétés, aurait parfaitement pu tenir compte de l'évolution jurisprudentielle. Telle n'a pas été la solution retenue. L'article 1844-7 C. civ. sur la fin de la société prévoit, outre la dissolution décidée par les associés, la dissolution anticipée prononcée par le tribunal, à la demande d'un associé, en cas de mésentente paralysant le fonctionnement de la société. Des deux critères jurisprudentiels, la loi n'en a retenu qu'un seul : la paralysie de la société. Peut-être les rédacteurs ont-ils estimé que, du fait de l'existence de causes particulières de dissolution pour perte du capital social dans les sociétés de capitaux, ou des règles propres aux procédures collectives d'apurement, il n'était pas nécessaire de faire état de la situation financière compromise, et ce d'autant plus qu'une telle notion aurait été relativement imprécise. Or, mettre un terme anticipé à une personne morale est une mesure grave ; elle doit être enfermée dans des critères précis et objectifs.

17. - Très vite, les juges ont pris conscience du changement intervenu. Certes, un arrêt de la cour d'appel d'Aix-en-Provence du 26 juin 1984 (51) a réformé un jugement du tribunal de Fréjus ayant écarté une demande de dissolution, et accepté que l'un des associés soit contraint à vendre ses parts, sans constater vraiment la paralysie de la société. L'associé évincé par les premiers juges observait que la mésentente - qui avait déjà donné lieu à la désignation d'un administrateur judiciaire - n'était pas d'une telle gravité qu'elle interdisait la moindre activité sociale. Mais, la cour d'appel d'Aix-en-Provence prenait en considération le fait qu'il y avait des dénonciations de détournements de stocks, des déséquilibres des comptes courants et des tentatives d'appropriation abusive d'éléments d'actifs. Aussi, pour elle, ces difficultés démontraient la disparition d'une volonté de collaboration commune, ce qui commandait l'application de l'article 1844-7, al. 5, C. civ. A vrai dire, les juges ont essentiellement voulu écarter l'expropriation forcée d'un associé, et, de ce fait, ils étaient contraints d'admettre la dissolution, alors que, dans des circonstances un peu analogues, la cour d'appel de Dijon (52) se bornait à sanctionner l'attitude fautive de l'associé égalitaire qui refusait de voter les résolutions de nature à améliorer les résultats.

La solution de la cour d'appel d'Aix n'aurait certainement pas trouvé grâce, quant à la dissolution, auprès de la Cour de cassation. Celle-ci approuvait, par un arrêt du 26 avril 1982 (53), la désignation d'un administrateur provisoire au sein d'une société, en raison de la mésintelligence existant entre des frères, seuls membres du conseil d'administration dont le fonctionnement était entravé, ce qui avait provoqué une crise grave ayant des conséquences sur la gestion et l'activité sociales.

18. - De manière non équivoque, la Haute juridiction rappelait la condition légale de l'article 1844-7, al. 5, C. civ., par un arrêt du 31 janvier 1989 (54). En l'espèce, des associés invoquaient la mésentente grave existant au sein de la société pour obtenir la dissolution. La cour d'appel de Nîmes avait rejeté cette prétention, en observant que celle-ci ne paralysait pas le fonctionnement social. Devant la Haute juridiction, les associés faisaient valoir que la cour n'avait pas pris en compte les intérêts des associés minoritaires, ni les risques importants de dégradation des résultats sociaux, du fait de la mésentente. La Cour suprême n'a pu que rejeter le pourvoi, en relevant que la société n'était nullement paralysée et qu'elle continuait à fonctionner normalement, de sorte qu'il n'existait aucun juste motif de dissolution (55).

Dans le même esprit, on peut noter que la cour d'appel de Paris, par un arrêt du 5 juillet 1988 (56), a refusé la dissolution d'une société, car les faits invoqués à l'appui de la demande étaient anciens de dix ans. Puisque la société avait pu survivre pendant un laps de temps aussi long, et même distribuer des bénéfices, elle n'avait nullement été paralysée par la prétendue mésentente. D'ailleurs, cette paralysie doit s'entendre de l'impossibilité pour la société de disposer d'organes sociaux ou de prendre les décisions qui s'imposent. Le fait que, dans les sociétés civiles professionnelles, certains associés ne s'entendent pas avec d'autres, s'il peut rendre l'exercice de

Page 56 sur 69

l'activité professionnelle plus délicat, n'équivaut pas à un blocage social, comme l'a justement observé la Haute juridiction, le 25 avril 1990 (57). Il en serait différemment si l'un des associés parvenait à faire révoquer l'un des gérants et à faire désigner un administrateur provisoire (58).

19. - Dans l'hypothèse d'associés disposant de droits égaux, la mésentente pourra plus facilement constituer une cause de dissolution, car les assemblées générales ne pourront plus délibérer, si l'un vote pour et l'autre contre, si le quitus de gestion n'est plus donné, en bref, il y aura impossibilité de décision collective et perte de la légitimité de la gestion du gérant (59). Il en serait de même en cas de dissension entre trois associés d'une société en nom collectif qui ne pouvaient plus prendre de décisions (60).

Mais s'il n'est pas établi que le fonctionnement de la société s'est trouvé paralysé, il n'y a pas lieu à dissolution. Peu importe que l'un des associés égalitaires prétende qu'il sera difficile d'envisager des investissements ou un concours financier nécessaire à la pérennité de l'entreprise (61).

Par ailleurs, la mésentente ne devrait pas pouvoir concerner une société en participation dont le fonctionnement ne peut être paralysé, puisqu'elle n'a pas d'organes sociaux. Néanmoins, la cour d'appel de Paris a admis, par un arrêt du 30 octobre 1992 (62), qu'une mésentente puisse fonder une dissolution, ce qui amenait le professeur Champaud à se demander s'il n'y avait pas, eu égard à la nature de la société (domaine de la construction), plutôt une entrave à la réalisation de l'objet social, à moins que ce ne soit un retour à l'ancienne thèse doctrinale du juste motif de dissolution, en cas de disparition de l'affectio societatis (63). En outre, certaines décisions paraissent confondre abus de majorité et mésentente. Tel paraît être le cas d'un arrêt de la cour d'appel de Versailles du 18 mai 1995 (64). L'un des deux associés d'une société civile immobilière, possédant 20 % du capital, se plaignait de ne pas avoir eu communication des comptes, et de ne pas avoir été convoqué à une assemblée générale. Nul doute que le coassocié se comportait en maître de la société, comme s'il s'agissait d'une entreprise personnelle. Mais, en réalité, le coassocié, gérant statutaire, assumait ses fonctions, et aurait-il réuni son coassocié, que celui-ci n'aurait pu s'opposer à ce gérant. En réalité, il y avait plutôt abus de pouvoirs que mésentente, et, en tout cas, certainement pas paralysie de la société.

20. - En revanche, le fait que la société fasse des profits ou ait une situation prospère n'est pas suffisant pour faire échec à une demande de dissolution, s'il existe un conflit dont le juge du fond considère qu'il paralyse le fonctionnement normal de la société (65). Peut-être un tel point de vue est-il contestable, car si la société continue de faire des profits, c'est que la mésentente n'entraîne pas un blocage ou une paralysie (66). M. le professeur Le Cannu (67) a, du reste, tenu récemment à appeler l'attention sur l'incohérence de la jurisprudence, qui sanctionne les abus de minorité ou les abus de majorité, et qui admet une dissolution-sanction, sans constater la paralysie économique de la société. A vrai dire, cette critique s'adresse plutôt au législateur qu'à la jurisprudence. Celle-ci est tenue d'appliquer la loi et non de la combattre, en substituant une condition non prévue à celle déterminée spécifiquement.

21. - Ainsi, ce qui est déterminant pour faire droit à une demande de dissolution judiciaire en raison d'une mésentente, c'est le blocage de la société dont l'intérêt propre est mis en péril. Aussi bien, c'est surtout lorsque les associés ont des droits rigoureusement identiques, et notamment dans les sociétés de famille, les SARL et les sociétés civiles professionnelles, qu'une telle cause de dissolution a le plus de chance d'être invoquée et surtout d'être admise. Par ailleurs, dès lors qu'il y a blocage social, on peut admettre qu'un tiers, pour faire valoir ses droits, puisse agir en vue de faire prononcer la dissolution de la société (68). Tel pourrait être le cas du créancier social (69) agissant par la voie de l'action oblique (70). Est-ce à dire, dès lors, que face à une telle situation, le juge soit, en quelque sorte, tenu de prononcer la dissolution ? Bien évidemment, il doit apprécier la légitimité et la gravité du motif. Mais ne peut-il pas, pour écarter une telle demande, qui mettra inexorablement fin à toute vie sociale, tenir compte du comportement du demandeur, voire des demandes subsidiaires présentées par l'associé défendeur ou par la société ? C'est la question de savoir si, malgré la prédominance de l'intérêt social, la dissolution judiciaire pour mésentente ne fait pas toujours une place, pour sa mise en oeuvre, au caractère contractuel de la

Page 57 sur 69

société. Tout contrat, qu'il soit d'opposition ou de collaboration, qu'il soit d'exécution ponctuelle ou d'exécution successive, ne doit-il pas être exécuté de bonne foi, comme l'exprime l'article 1134, al. 3 C. civ. (71) et comme y fait allusion de plus en plus la jurisprudence (72) ?

Pourquoi ne pourrait-il pas en être de même en matière de société ? C'est ce qu'il faut rechercher, quant à la mise en oeuvre de la mésentente entre associés.

LE MAINTIEN DES TECHNIQUES CONTRACTUELLES DANS LA DISSOLUTION POUR MESENTENTE

22. - Bien que la loi n'y ait fait aucune allusion, la jurisprudence a depuis longtemps recherché, comme en matière contractuelle, si le demandeur en dissolution n'était pas l'auteur de la mésentente dont il se plaint. Celui qui n'est pas de bonne foi ne saurait obtenir le bénéfice de la loi. Par ailleurs, même si la loi prévoit la dissolution en cas de mésentente, ne faut-il pas tenir compte soit des droits individuels propres à tout associé, soit au contraire de dispositions statutaires susceptibles de s'appliquer en pareil cas ? En d'autres termes, l'intérêt social, qui prédomine pour l'admission de la dissolution pour cause de mésentente, n'évince pas les aspects de nature contractuelle lors de la mise en oeuvre de cette cause de dissolution.

LA BONNE FOI DU DEMANDEUR

23. - En ce qui concerne l'attitude du demandeur en dissolution, c'est très tôt que la jurisprudence a considéré que celui, qui est à l'origine de la mésintelligence, n'était pas en droit de s'en prévaloir pour obtenir le prononcé d'une dissolution judiciaire. Depuis un arrêt du 25 janvier 1904 (73), au demeurant équivoque sur ce point, la Cour de cassation écarte la prétention de celui qui est à l'origine de la mésentente. Différentes raisons sont invoquées au soutien de cette solution. Pour certains, il ne peut appartenir à un associé de se créer le moyen de mettre un terme à une société, en écartant soit les dispositions de la loi, soit les dispositions statutaires spécifiques, car on ne peut se créer à soi-même un titre (74). Pour d'autres, il s'agirait de l'application de l'adage nemo

auditur propriam turpitudinem allegans (75). D'autres estiment que le demandeur, auteur de la mésentente, ne peut se prévaloir d'un intérêt légitime (76), tandis que d'autres signalent la solution sans la justifier.

24. - A vrai dire, même si souvent on parle de l'adage nemo auditur, il semble qu'actuellement, son domaine d'application concerne plutôt les restitutions en cas de nullité pour immoralité (77). Par ailleurs, en ce qui concerne l'intérêt pour agir, il ne fait pas de doute que l'associé a un intérêt à obtenir la dissolution (78). Il semble plutôt que l'action en dissolution soit somme toute, du fait de la constatation du défaut d'affectio societatis, une application de l'article 1184 C. civ. relative à la condition résolutoire dans les contrats (79).

Or, en cette matière, la jurisprudence refuse de faire application de la clause résolutoire lorsqu'elle n'est pas invoquée de bonne foi (80). Il ne fait donc aucun doute que n'est pas de bonne foi, celui qui a tout fait pour initier et/ou entretenir une mésentente bloquant le fonctionnement de la société.

En tout cas, la jurisprudence n'a pas cessé de rappeler cette solution : celui qui est à l'origine de la difficulté, est déclaré mal fondé dans sa prétention. Ainsi, la Cour de cassation, par des arrêts du 5 février 1952 (81) et du 10 février 1959 (82), a-t-elle rappelé cette nécessité que le demandeur à la dissolution ne soit pas celui qui a suscité les difficultés au sein de la société. C'est aussi ce que relevait la cour d'appel de Paris, dans une décision du 20 octobre 1980 (83), où un associé, disposant d'une minorité de blocage, s'opposait à toute augmentation de capital. La cour d'appel de Dijon ne statuait pas différemment, le 16 novembre 1983 (84). Elle a considéré que l'associé, qui refuse systématiquement les résolutions présentées par son coassocié et gérant, ne pouvait solliciter la dissolution de la société et même commettait un abus de droit dont il devait réparation à ses coassociés.

Page 58 sur 69

25. - La Cour de cassation devait persévérer dans cette attitude, comme le révèle un arrêt du 25 avril 1990 (85). En l'espèce, il s'agissait d'une société civile professionnelle, titulaire d'un office notarial à Pointe-à-Pitre, où avait surgi une difficulté relativement à la localisation de l'office, l'un des trois associés ne souhaitant pas s'installer ailleurs. Il sollicitait, dès lors, la dissolution de la société pour mésentente. Or, il était à l'origine de la difficulté. De ce fait, la Cour de cassation le déboutait, en approuvant la décision de la cour d'appel : la mésentente, dont est seul responsable un associé, ne peut constituer un juste motif de dissolution anticipée. La même solution devait être rappelée, à propos d'une SARL, par la Cour de cassation, dans un arrêt du 16 juin 1992 (86). En l'espèce, la cour avait admis la dissolution, sans avoir recherché, comme le faisaient valoir la société et le coassocié, si le demandeur n'était pas à l'origine de la mésentente.

Certes, on n'a pas manqué d'observer que cette recherche pouvait soulever des difficultés, car, dans les querelles sociétaires, comme dans les disputes familiales (87), il est difficile de savoir qui a commencé les hostilités (88). En particulier, en cas de constatation de pertes, qui est l'auteur du trouble : celui qui veut la dissolution ou celui qui propose le renflouement ? On peut penser que c'est le premier, dans le cas où, outre cette proposition, il sollicite le remboursement de son compte courant d'associés (89), ce qui fragilisera la société.

26. - A vrai dire, en pareille occurrence, il vaudrait mieux parler de faute commune, comme cela avait déjà été relevé, dans l'arrêt de la Cour de cassation du 25 janvier 1904 (90). Et que ce soit en raison d'une faute commune, ou bien d'une impossibilité de déterminer celui qui a été à l'origine du trouble affectant le fonctionnement de la société, il est clair que les juges ne peuvent alors que prendre en compte la situation objective. C'est ce qui a été admis, par un arrêt de la Chambre commerciale du 13 février 1996 (91). En l'espèce, deux pharmaciens étaient associés au sein d'une société en nom collectif, ayant pour objet l'exploitation d'un fonds de commerce de pharmacie. La cour d'appel de Montpellier, ayant admis la dissolution, l'un des associés contestait la validité de cette décision, car la cour aurait dû rechercher à qui était imputable la mésentente ; ce qu'elle avait omis de faire. Mais la Haute juridiction rejetait le pourvoi, car la cour d'appel avait relevé que la mésentente avait été reconnue par les deux parties, sans qu'il puisse être déterminé à qui elle était imputable. Certes, il incombe aux juges d'appel d'apprécier souverainement si les conflits entre associés sont suffisamment graves pour justifier une dissolution, et, a priori, il est permis de penser que le comportement du demandeur est un des éléments de cette appréciation. Mais, les magistrats ne sauraient se satisfaire de l'admission par les parties de l'existence de la mésentente. Dès lors que la dissolution pour cause d'entrave au fonctionnement social n'est ouverte qu'à ceux qui sont victimes des manifestations de la mésentente, les juges du fait devraient se montrer exigeants, quant à la détermination des causes de la mésentente, afin de déclarer irrecevable celui qui, par son comportement, bloque la vie sociale. Aussi bien, même s'il peut être difficile de déterminer qui a ouvert les hostilités, il nous semble nécessaire que les magistrats du fond s'efforcent d'éclaircir cette question, qui peut être utile pour trouver une issue à la mésentente, par exemple par la voie d'une administration provisoire. De toute façon, la détermination de l'associé fautif peut être indispensable pour la mise en oeuvre de dispositions statutaires, susceptibles d'être invoquées en ce cas.

LE RESPECT DES DROITS INDIVIDUELS ET DES STATUTS

27. - De manière générale, tant que la société existe, les dispositions statutaires doivent trouver à s'appliquer. Il pourra être commode, afin d'éviter qu'une mésentente vienne mettre un terme à la société, d'éliminer cette cause de dissolution. A défaut, les associés ne peuvent-ils pas aménager le sort de la société, en adoptant une solution moins radicale ? A tout le moins, ne peuvent-ils pas envisager un mode de résolution du conflit qui soit plus discret et moins spectaculaire que la soumission au juge judiciaire ?

28. - En ce qui concerne la possibilité de prévoir dans les statuts une limitation au droit de demander la dissolution pour « justes motifs », la jurisprudence antérieure à la loi du 4 janvier 1978 ne l'a pas admise. En effet, on a fait valoir que ce droit rentrait dans la catégorie des droits

propres et intangibles des associés, auxquels nulle restriction ne pouvait être apportée par les

Page 59 sur 69

statuts, ou même par une décision de l'assemblée générale au cours de l'existence de la société (92). Certains auteurs ont, il est vrai, contesté cette solution (93), car le pacte social doit l'emporter sur les droits individuels, et si celui-là n'élimine pas le droit de demander la dissolution, il devrait être appliqué. Mais, il pourrait être commode de limiter ce droit, par des clauses habiles pouvant devenir de style et usuelles. Aussi, la Haute juridiction a-t-elle préféré déclarer nulles les clauses prohibitives, les clauses d'avis ou les clauses particulières prévoyant une procédure spéciale pour aboutir à une dissolution amiable. Le droit de demander la dissolution est une prérogative d'ordre public (94).

29. - Depuis la loi du 4 janvier 1978, il ne semble pas que la jurisprudence ait eu l'occasion de se prononcer sur ce point. Mais les raisons précédemment invoquées conservent toute leur valeur. Les dispositions générales du Code civil relatives aux sociétés concernent l'ensemble de ces dernières, et, sous réserve de règles plus spécifiques écartant telle ou telle disposition, il ne peut y être dérogé (95). S'agissant plus spécialement des causes de dissolution, le législateur s'est efforcé de prendre en compte les différentes hypothèses où la société peut prendre fin, et notamment celle du juste motif sous le contrôle du juge. On ne saurait donc l'écarter, car les statuts ne peuvent prévoir comme motif de dissolution qu'une cause autre que l'une de celles figurant dans la loi (art. 1844-7, al. 8, C. civ.).

30. - Mais si les statuts ne peuvent pas éliminer ce droit, ils ne devraient pas davantage autoriser la possibilité d'exclure un associé.

De fait, dans le silence de la loi et des statuts, on a depuis longtemps fait observer que le juge pourrait prendre une solution moins abrupte que la dissolution, celle de l'exclusion de l'associé. La loi ne s'en remet-elle pas à lui pour constater la légitimité du motif et apprécier l'importance du trouble issu de la mésentente, ainsi que la difficulté de fonctionnement. Pourquoi ne pourrait- il pas exclure un associé ?

Sous l'empire du Code civil, avant sa modification opérée le 4 janvier 1978, certaines décisions s'étaient hasardées sur ce terrain, comme l'arrêt de la cour d'appel de Caen du 11 avril 1927 (96). Un jugement du tribunal de commerce de Versailles du 18 janvier 1967 (97) avait aussi considéré que l'associé à l'origine de la mésentente devait proposer le rachat de ses droits sociaux, tandis que la cour d'appel de Paris estimait, dans un arrêt du 10 novembre 1964 (98), que le demandeur en dissolution perdait tout intérêt à agir, si ses adversaires lui offraient de racheter ses parts à prix d'expert (99). Mais, dans le silence de la loi, il est douteux que le juge puisse imposer à un associé de se retirer de la société. C'est ce qui a été clairement indiqué, par un arrêt de la cour d'appel d'Aix-en-Provence du 26 juin 1984 (100), qui a réformé un jugement du tribunal de commerce de Marseille rendu en ce sens, et a prononcé la dissolution de la société. Sans doute, cette solution est-elle regrettée par un certain nombre d'auteurs, qui estiment que cette sanction aboutit parfois à la suppression d'une entreprise, alors que, depuis une vingtaine d'années, le législateur s'efforce, de manière constante, d'assurer la survie des entreprises, notamment dans une perspective de maintien des emplois (101). Témoigne, en tout cas, de ce courant une décision de la cour d'appel de Reims du 24 avril 1989 (102), qui, en se fondant sur la théorie institutionnelle, considère qu'il faut admettre que les associés n'ont pas un droit intangible à faire partie de la société. Cette thèse est loin de faire l'unanimité. En particulier, la cour d'appel de Versailles a estimé, par différentes décisions, que le demandeur à la dissolution conserve son droit d'agir, malgré l'offre faite par ses coassociés de lui racheter ses parts sociales (103), et qu'aucun texte ne permet au juge de prononcer l'exclusion judiciaire d'un associé (104).

31. - Cette dernière opinion vient d'être consacrée, par un arrêt de la Cour de cassation du 12 mars 1996 (105). De manière non équivoque, la Haute juridiction exprime qu'aucune disposition légale ne donne pouvoir à la juridiction saisie d'obliger l'associé, qui demande la dissolution, par application de l'article 1844-7, al. 5, C. civ., à céder ses parts à la société ou aux associés, qui offraient de les acheter. Sans doute, une partie de la doctrine conteste cette solution, car il est équitable et opportun de débloquer le fonctionnement de la société, en écartant celui qui

Page 60 sur 69

est à l'origine de la mésentente et de la paralysie du fonctionnement social moyennant une juste indemnité (106). Elle se fonde sur la notion institutionnelle de la société dépassant les volontés individuelles. Mais il faut bien reconnaître que la position de la Haute juridiction est préférable : le juge ne peut pas prononcer une expropriation d'intérêt privé, et il ne peut que faire application de la loi, autorisant la dissolution en cas de paralysie de la société. Au surplus, ne serait-il pas anormal qu'un associé puisse, même en indemnisant l'auteur de la mésentente, conserver le profit de l'oeuvre réalisée en commun ?

32. - En revanche, une solution différente devrait être consacrée, si les statuts prévoyaient une telle possibilité (107). Les auteurs observent qu'en ce cas, il s'agit de tenir compte d'une disposition statutaire laquelle doit recevoir application (108).

Un auteur a pu alors recenser quelques-unes des clauses susceptibles d'être insérées dans les statuts (109). L'une d'elles pourrait consister dans l'exclusion pour juste motif contrôlé judiciairement, tandis qu'une autre pourrait laisser aux associés le soin de décider l'exclusion, en raison du défaut d'affectio societatis dûment démontré.

Mais, l'exclusion statutaire laisserait subsister une possibilité de contrôle du juge sur la légitimité ou la véracité des motifs invoqués, un tel recours ne pouvant à l'évidence être exclu (110).

En pareil cas, le juge ne pourrait que donner efficacité à la volonté des associés, telle qu'exprimée par le pacte social, sans prendre parti sur la prééminence de la thèse institutionnelle.

33. - Cette volonté des associés, telle qu'elle se trouve exprimée dans le pacte social, devrait aussi être prise en considération pour la mise en oeuvre de la dissolution. Antérieurement à la réforme du droit des sociétés commerciales, la Haute juridiction, après avoir refusé de prendre en compte les clauses compromissoires (111), avait jugé, par un arrêt du 30 janvier 1967 (112), que les associés d'une SARL peuvent convenir, par une disposition statutaire, de soumettre à l'arbitrage toutes contestations entre associés ou entre les associés et la société. Elle avait, en conséquence, admis qu'une demande en dissolution fondée sur la mésintelligence, existant entre différents associés, relevait de la compétence du tribunal arbitral, et que le juge d'Etat était incompétent.

Cette solution était approuvée, car, en matière commerciale, la validité de la clause compromissoire ne fait pas de doute, au regard notamment de l'article 631, dernier alinéa, C. commerce, qui prend en compte le caractère commercial de la société. Par ailleurs, le fait que la mésentente soit considérée comme une cause de dissolution d'ordre public, n'était pas de nature à rendre la clause inefficace. C'est qu'en effet, le recours à l'arbitrage n'implique aucune renonciation aux droits, objet du litige, contrairement à ce qui a pu être prétendu parfois. Aussi, la Chambre commerciale a-t-elle nettement indiqué qu'une clause compromissoire impliquant recours à des juges privés, au lieu du juge étatique, « n'apportait aucune renonciation, ni restriction » au droit de demander la dissolution et devait recevoir effet.

34. - Au lendemain de la réforme du 24 juillet 1966, la controverse a rebondi, car certains auteurs ont estimé que, du fait des articles 51 et 198 du décret du 23 mars 1967, la dissolution des SARL et des SA relevait nécessairement de la compétence du tribunal de commerce (113). Une telle opinion était sans doute excessive, car un décret ne peut l'emporter sur une disposition législative, telle que l'article 631 C. commerce. Aussi, d'autres auteurs ont-ils invoqué le principe de hiérarchie des normes et la supériorité de la loi sur le décret.

Ils ont donc estimé que rien n'interdisait le recours à l'arbitrage dans le domaine des sociétés commerciales (114). Certaines décisions de cours d'appel ont fait écho à cette opinion (115). En particulier, la cour d'appel de Colmar a clairement indiqué, par un arrêt du 21 septembre 1993 (116), que les arbitres pouvaient ordonner la dissolution des sociétés commerciales, et désigner un liquidateur, car l'article 51 du décret de 1967, en visant le tribunal de commerce, désignait celle des juridictions de l'ordre judiciaire compétente en la matière, sans exclure la compétence du juge arbitral. Elle ajoutait que l'article 51 avait été modifié et ne mentionnait plus,

Page 61 sur 69

depuis le décret du 2 janvier 1968, que le tribunal de commerce était « seul » compétent, et que la mésentente entre les deux seuls associés ne pouvait pas intéresser l'ordre public. 35. - Il nous semble, dès lors, que la volonté des coassociés, telle qu'elle a été consignée dans les statuts, doit prévaloir. S'ils ont, par anticipation, envisagé le recours à des arbitres, le juge ne peut que faire application de la clause compromissoire et reconnaître son incompétence. Bien évidemment, cette possibilité ne peut jouer qu'en ce qui concerne les sociétés commerciales, car, en matière civile, si le compromis est valable une fois le litigé né, en revanche, la clause compromissoire ne l'est pas. En définitive, relativement à la mise en oeuvre de la dissolution pour mésentente, la jurisprudence accorde une large place au caractère contractuel de la société et aux droits reconnus par les statuts aux associés. Mais, un associé ne peut imposer sa volonté aux autres, ce qui conduit à exclure la possibilité d'éliminer l'associé, auteur de la mésentente, sur la seule demande du défendeur, en l'absence de disposition statutaire en ce sens. CONCLUSION 36. - S'il survient entre des personnes qui se sont choisies, en vue de collaborer ensemble, des divergences de vues, voire des oppositions quant aux choix stratégiques, la dissolution ne pourra pas, à la demande d'un associé, être nécessairement admise par le juge. Celui-ci doit rechercher si ces divergences emportent une entrave au fonctionnement social. Si la société ne fait plus de bénéfices, et si elle ne peut plus prendre aucune décision, après qu'une administration provisoire ait été éventuellement mise en place, sur la suggestion du défendeur, alors il faudra bien se rendre à l'évidence : la société est paralysée, et il faut la dissoudre. On ne saurait donc vraiment considérer que c'est la disparition de l'affectio societatis qui commanderait la dissolution, alors que la société est dans l'impossibilité de fonctionner normalement. Néanmoins, parce que la société résulte d'un accord initial de volontés, celui qui manque à son engagement implicite d'exécuter le contrat de bonne foi, ne pourra pas se prévaloir de son comportement pour entraîner la disparition de la société. De plus, les juges devront tenir compte des accords conclus entre les associés, et notamment des dispositions figurant au pacte social. Ainsi, se trouve réalisé, en matière de mésentente, un certain équilibre entre l'aspect institutionnel qui commande la prise en compte de l'intérêt social, et l'aspect contractuel qui a présidé initialement à la création de la société, dont les principes ne peuvent être écartés.

Mots clés : SOCIETE EN GENERAL * Dissolution * Mésentente entre associés * Etude

e

(1) V. art. 1832 C. civ. ; Y. GUYON, Droit des affaires, t. I, Droit commercial général et sociétés, 9

éd., Economica, 1996, n° 97 ; RIPERT et ROBLOT, Traité de droit commercial, t. 1, 16e éd., par M. GERMAIN, LGDJ, 1995, n° 663 et s. ; Ph. MERLE, Droit commercial - Sociétés commerciales, 5e éd., Précis Dalloz, 1996, n° 25 et s. ; Lamy (Sociétés commerciales), 1997, n° 4. (2) CHAMPAUD, « Le contrat de société existe-t-il encore ? », in Le droit contemporain des

contrats, Travaux et Recherches de la Faculté de Rennes, Economica, 1987, p. 125 ; comp. PIROVANO, « La « boussole » de la société. Intérêt commun, intérêt social, intérêt de l'entreprise ? », D. 1997, chron. 189 . (3) PAILLUSSEAU, La société anonyme, technique d'organisation juridique de l'entreprise, Sirey, 1967.

(4) RIPERT, Les aspects juridiques du capitalisme moderne, 2e éd., LGDJ, Paris, 1951, p. 76 ; RIPERT et ROBLOT, Traité de droit commercial, op. cit., t. 1, par M. GERMAIN, n° 671 ;

Page 62 sur 69

GUYON, Droit des affaires, op. cit., t. 1, n° 96 ; V. aussi du même auteur : Traité des contrats, Les

Sociétés (Aménagements statutaires et conventions entre associés), 3e éd., LGDJ, 1997, n° 8 ; comp. Ph. MERLE, Droit commercial, op. cit., n° 21 et s. (qui affirme qu'« au sein de la société, coexistent des

règles de type contractuel et de type institutionnel »). Par ailleurs, il semble que la jurisprudence se montre favorable à la théorie institutionnelle : V. Reims, 24 avril 1989, Gaz. Pal

1989.II.somm.431, note de Fontbressin, RTD com. 1989.634, obs. Reinhard, Rev. sociétés 1990.77, obs. Guyon, JCP, éd. E, 1990.II.15677, n° 2, note Viandier et Caussain. (5) V. pour un cas de désaccord sur une promesse de société : Cass. com. 9 avr. 1996, Rev. sociétés

1997.81, note Bénac-Schmidt . (6) Il faut rappeler que la personnalité morale n'a été admise pour les sociétés commerciales qu'en 1835 et pour les sociétés civiles qu'en 1891 (V. Ch. req., 23 févr. 1891, DP 1891.I.337, S. 1892.I.73, note Meynial, Grands arrêts de la jurisprudence civile, 10e éd. par WEILL, TERRE et LEQUETTE, Dalloz, 1994, p. 71). (7) SCHAEFFER, « Des causes d'ordre public de dissolution des sociétés », Dix ans de conférences d'agrégation, Etudes de droit commercial offertes à J. Hamel, p. 227. (8) Sur cette loi, V. Y. GUYON, « Les dispositions générales de la loi du 4 janvier 1978 portant réforme des sociétés », Rev. sociétés 1979.1 ; CHARTIER, « La société dans le Code civil, après la loi du 4 janvier 1978 », JCP 1978.I.2917 ; M. JEANTIN, « La réforme du droit des sociétés civiles par la loi du 4 janvier 1978 », D. 1978, chron. 173. (9) V., par ex. : Lyon, 25 mai 1955, JCP 1955.IV.148 ; Cass. com. 17 janv. 1989, Bull. civ. IV, n° 28, Rev. sociétés 1989.209, note Guyon ; Paris, 13 juill. 1990, JCP, éd. E, 1990.I.20408 ; Y. CHAPUT, Droit des sociétés, PUF, Droit fondamental, 1993, n° 193 ; Lamy Sociétés commerciales, 1997, n° 695. (10) V. Colloque Droit et commerce, 1991, « La loi de la majorité », RJ com. (novembre) 1991, n° spécial. (11) DU PONTAVICE et DUPICHOT, Traité de droit commercial, de MM. de Juglart et Ippolito, vol. 2, Les sociétés, 3e éd., Montchrestien, t. II-1, 1981, n° 388. (12) RIPERT et ROBLOT, Traité de droit commercial, op. cit., t. 1, par M. GERMAIN, n° 720. (13) GUYON, Droit des affaires, op. cit., t. 1, n° 124 et s. ; V. aussi du même auteur : note sous cass. 1re civ., 4 nov. 1987, Rev. sociétés 1988.525 ; « La fraternité dans le droit des sociétés », Rev.

sociétés 1989.439. (14) V. Paris, 24 nov. 1989, D. 1991, somm. 37 . (15) Ph. MERLE, Droit commercial - Sociétés commerciales, op. cit., n° 72 ; RIPERT et ROBLOT, Traité de droit commercial, op. cit., t. 1, par M. GERMAIN, n° 759. (16) Lamy Sociétés commerciales 1997, n° 1355. (17) Lamy, op. cit., n° 302. (18) En ce sens, V. DU PONTAVICE et DUPICHOT, op. cit., t. II-1, n° 487-2. (19) V. pour une société d'assurance mutuelle soumise au droit commun : Douai, 20 mai 1897, D. 1898.II.230. (20) Société civile immobilière : Cass. 1re civ., 20 oct. 1965, Bull. civ. I, n° 562 ; Cass. civ. (sect. com.) 12 juin 1961, Gaz. Pal. 1961.II.176 ; Paris, 28 oct. 1987, Bull. Joly 1987.858 ; Versailles, 18 mai 1995, Bull. Joly 1995.869. (21) V. Cass. com. 9 déc. 1980, Rev. sociétés 1981.781, note Bousquet (exploitation d'une clinique) ; Cass. civ. 18 mai 1994, Bull. Joly 1994.841, note Prieto ; Cass. com. 13 févr. 1996, Rev. sociétés

1996.563, note Honorat , D. 1997.108, note Gibirila .

(22) Cass. 1re civ., 28 nov. 1979, RTD com. 1980.97, obs. Alfandari et Jeantin ; Cass. 1re civ., 25 avr. 1990, Bull. Joly 1990.798. (23) T. com. Poitiers, 30 juin 1975, RTD com. 1976.373 ; Paris, 25 mars 1993, Rev. sociétés 1995.661. (24) V. Douai, 3 juill. 1970, JCP 1971.II.16627, note Guyon ; Rennes, 3 mai 1977, RTD com. 1978.391. (25) V. Cass. com. 6 déc. 1938, DH 1939.179 ; Cass. com. 23 janv. 1950, D . 1950.300 ; Cass. com. 25 févr. 1964, Bull. civ. III, n° 98 ; Cass. com. 27 mars 1971, Bull. civ. IV, n° 116 ; V. aussi : Lyon, 11 oct. 1954, D. 1955.14 ; Dijon, 16 nov. 1983, Gaz. Pal. 1983.II.740 ; Versailles, 19 janv.

Page 63 sur 69

1989, Bull. Joly 1989.327 ; Paris, 5 juill. 1988, JCP, éd. E, 1988.17837 ; Versailles, 7 déc. 1995, Bull. Joly 1996.308. (26) Ch. Req., 10 mai 1926, S. 1926.I.193, note Bourcart, DP 1927.I.133, note Chéron ; Cass. com. 16 févr. 1970, Rev. sociétés 1970.653, note Bouloc.

(27) Paris, 30 oct. 1992, RTD com. 1993.106 ; Cass. com. 1er oct. 1996, JCP 1997.II.22825, note Gibirila. (28) SCHAPIRA, « L'intérêt social et le fonctionnement des sociétés anonymes », RTD com. 1971.957 et s. ; V. aussi : SOUSI, L'intérêt social dans le droit français des sociétés commerciales, thèse, Lyon III, 1974. (29) Cass. crim. 22 avr. 1992, Bull. crim. n° 169, Rev. sociétés 1993.124, note Bouloc , Dr. pénal

mai 1993, n° 115, obs. J.-H. Robert. V. depuis : Cass. com. 6 févr. 1997, Rev. sociétés 1997.146, note Bouloc , JCP, éd. G, 1997.II.22823, note Pralus, Petites affiches, 1997, n° 20, p. 12, note Ducouloux-Favard, Bull. Joly 1997.291, note Barbiéri, Dr. pénal mai 1997, n° 61, 63 et 70, notes Véron, Robert et Maron ; Comp. H. MATSOPOULOU, « Réflexions sur l'évolution de l'abus de biens sociaux », D. affaires 1997, p. 780. Adde Crim. 27 oct. 1997, Bull. crim. n° 352, Rev. sociétés

1997.869, obs. Bouloc . (30) Cass. civ. 4 juill. 1995, Bull. civ. I, n° 299, Dr. sociétés 1995, n° 206, obs. Bonneau, Defrénois

1996.660, obs. Honorat. (31) Ch. Req., 9 mars 1903, S. 1906.I.17, note Wahl. (32) V. DIDIER, Droit commercial, t. II, 2e éd., PUF, 1997, p. 510. (33) Douai, 20 mai 1897, D. 1898.II.230. (34) V. en ce sens : Ch. Req., 16 juin 1873, S. 1873.I.386. (35) Ch. Req., 11 nov. 1896, S. 1897.I.8, DP 1897.I.231. (36) Ch. Req., 13 déc. 1926, DP 1928.I.140. (37) Ch. Req., 12 déc. 1934, DH 1935.83, S. 1936.I.292. (38) Cass. com. 6 mars 1957, Bull. civ. III, n° 77, D. 1957, somm. 99 ; Cass. com. 3 juill. 1968, Bull. civ. IV, n° 220. (39) Lyon, 11 oct. 1954, D. 1955.14. (40) Cass. com. 28 févr. 1977, Rev. sociétés 1978.245, note Gastaud. (41) V. note préc. (42) V. aussi : Cass. com. 27 avr. 1971, Bull. civ. IV, n° 116 (absence d'influence de la mésintelligence sur les résultats sociaux) ; Poitiers, 30 juin 1975, RTD com. 1976.373, obs. Champaud. (43) Cass. com. 25 févr. 1964, Bull. civ. III, n° 98 ; V. aussi Cass. com. 30 mai 1961, Bull. civ. III, n° 251 ; Paris, 17 nov. 1965, D. 1966.52 ; Orléans, 11 févr. 1974, Bull. Joly 1974.279 ; Paris, 20 oct. 1980, JCP, éd. G, 1981.II.13604, concl. Jéol et note Terré, Rev. sociétés 1980.774, note Viandier. (44) Ch. Req., 7 déc. 1936, Gaz. Pal 1937.I.159. (45) Cass. com. 16 févr. 1970, Bull. civ. IV, n° 59, Rev. sociétés 1970.653, note Bouloc. (46) Rennes, 3 mai 1977, RTD com. 1978.391, obs. Champaud. (47) Cass. com. 4 mars 1974, Quot. jur. 1974, n° 56.7, Bull. Joly 1974.346. (48) Douai, 3 juill. 1970, JCP 1971.II.16626, note Guyon. (49) Cass. com. 9 déc. 1980, Rev. sociétés 1981.781, note Bousquet. (50) En ce sens, HEMARD, TERRE et MABILAT, Sociétés commerciales, Dalloz 1972, T. I, n° 558. (51) Aix-en-Provence, 26 juin 1984, D. 1985.372, note Mestre ; V. aussi : Reims, 24 avr. 1989, Gaz. Pal. 1989.II.somm.431, note de Fontbressin, RTD com. 1989.634, obs. Reinhard, Rev. sociétés

1990.77, obs. Guyon, JCP, éd. E, 1990.II.15677, n° 2, note Viandier et Caussain. (52) Dijon, 16 nov. 1983, Gaz. Pal. 1983.II.740, note A.P.S., D. 1984, IR 394 ; V. aussi : Paris, 18 juin 1986 (aff. Lustucru), Bull. Joly 1986.853, note Le Cannu (la mésentente n'entravait pas le fonctionnement de la société). (53) Cass. com. 26 avr. 1982, Rev. sociétés 1984.93, obs. Sibon. (54) Cass. com. 31 janv. 1989, Bull. civ. IV, n° 46.

(55) CHARTIER, Droit des affaires, t. 2, Sociétés commerciales, 3e éd., PUF, 1992, n° 76 ;

Page 64 sur 69

JEANTIN, Droit des sociétés 1995, 2e éd., Domat-Montchrestien, 1992, n° 311 ; DIDIER, op. cit.,

p. 510 ; Comp. B. Petit, note sous Cass. com. 18 novembre 1997 et 21 octobre 1997, Bull. Joly

1998.119 (qui recense les différents cas de paralysie). (56) Paris, 5 juill. 1988, JCP, éd. E, 1988.I.17837, n° 43, Rev. sociétés 1989.599, obs. Guyon, RTD

com. 1992.190, obs. Champaud .

(57) Cass. 1re civ., 25 avr. 1990, Bull. Joly 1990.798, note P.L.C. (58) Paris, 16 mai 1990, Rev. sociétés 1990.477, obs. Y.G. V. aussi civ. (1) 24 mars 1998, n° 95- 17801 (gérant ayant démissionné et absence de comptabilité). (59) Versailles, 19 janv. 1989, Bull. Joly 1989.327, note Le Cannu ; V. aussi : Versailles, 17 oct. 1991, Bull. Joly 1992.283, note Le Cannu (mésentente ayant entraîné la désignation d'un administrateur provisoire). V. aussi : Paris, 29 nov. 1989, Bull. Joly 1990.200 ; Versailles, 7 déc. 1995, Bull. Joly 1996.308, note Le Cannu. Contra : Paris, 29 janv. 1993, RTD com. 1993.666, obs. Champaud et Danet (la mésentente entre associés égalitaires, tout en interdisant toute décision collective, ne suffit pas à établir la paralysie de fonctionnement) . (60) Paris, 25 mars 1993, Rev. sociétés 1995.661, note Guyon. (61) V. à ce propos : Cass. com. 21 oct. 1997, Quot. jur. 1998, n° 7.2, Bull. Joly 1998.119 note B. Petit. (62) Paris, 30 oct. 1992, RTD com. 1993.106, note Champaud et Danet . (63) V. Versailles, 7 déc. 1995, Bull. Joly 1996.308 (faisant allusion à la perte de l'affectio societatis) ; Paris, 26 janv. 1996, Bull. Joly 1996.311. (64) Versailles, 18 mai 1995, Bull. Joly 1995.869, note Daigre. (65) Cass. 1re civ., 18 mai 1994, Bull. Joly 1994.841, note Prieto. (66) En ce sens, V. DU PONTAVICE et DUPICHOT, op. cit., t. II-1, n° 487-4 ; VIDAL, Droit

des sociétés, LGDJ, 1993, p. 337. (67) V. LE CANNU, note sous Versailles, 7 déc. 1995, Bull. Joly 1996.308. (68) Certains auteurs sont réservés sur cette solution, car la loi n'attribue le droit de solliciter une décision judiciaire qu'à l'associé (V. JEANTIN, « Dissolution des sociétés », J.-Cl. Sociétés, fasc. 31-C, n° 33, Lamy Sociétés commerciales, 1997, n° 1367. Mais d'autres paraissent favorables (V. MERCADAL et JANIN, Mémento pratique Francis Lefebvre, Sociétés commerciales, 1997, n° 351 ; BRUNET, « Dissolution », Encyclopédie Dalloz, Sociétés, n° 89). En revanche, M. le professeur Guyon (Droit des affaires, op. cit., t. 1, n° 207) est nettement hostile au droit d'action du créancier et n'admet qu'un droit d'intervention comme pour les salariés (V. pour un comité d'entreprise : Rouen, 17 janv. 1963, D. 1963.740). V. aussi : CHARTIER, op. cit., t. 2, n° 76.

(69) En ce sens, V. Cass. 1re civ., 20 oct. 1965, Bull. civ. I, n° 562. On notera cependant qu'en matière d'abus de biens sociaux, la jurisprudence n'admet pas que les créanciers sociaux puissent se plaindre du délit. V. Cass. crim. 24 avr. 1971, JCP 1971.II.16890, Rev. sociétés 1971.608, note Bouloc ; Cass. crim. 25 nov. 1975, D. 1976.224, note Honorat, Rev. sociétés 1976.655, note Bouloc ; Cass. crim. 27 juin 1995, Rev. sociétés 1995.746, note Bouloc , Bull. Joly 1995.1047, note P.L.C. V. toutefois pour l'actionnaire d'une société mère : Cass. crim. 6 févr. 1996, Bull. crim. n° 60, Bull. Joly 1996.409, note Barbiéri, Rev. sociétés 1997.125, note Bouloc . (70) JEANTIN, « Dissolution des sociétés », J.-Cl. Sociétés, fasc. 31-C, n° 33 ; DE BERMOND de VAULX, « La mésentente entre associés pourrait-elle devenir un juste motif d'exclusion d'un associé d'une société ? », JCP, éd. E, 1990.II.15921, n° 9 à 13 ; comp. BRUNET, « Dissolution », Encyclopédie Dalloz, Sociétés, n° 88 (selon cet auteur, « il paraît logique de reconnaître aux créanciers

sociaux la possibilité de demander la dissolution judiciaire d'une société qui se révélerait non viable »).

(71) CARBONNIER, Droit civil, t. IV, Les obligations, 20e éd., PUF, 1996, n° 114 ; TERRE, SIMLER et LEQUETTE, Droit civil. Les obligations, 6e éd., Dalloz 1996, n° 414 ; H., L. et J. MAZEAUD, Leçons de droit civil. Obligations, par Fr. CHABAS, t. II, vol. I, 8e éd., Montchrestien, 1991, n° 730-2 ; PICOD, « L'obligation de coopération dans l'exécution du contrat », JCP

1988.I.3318. (72) V. par ex. : Cass. com. 3 nov. 1992, JCP 1993.II.22164, note Virassamy, Defrénois 1993.1377, obs. J.-L. Aubert, RTD civ. 1993.124, note Mestre ; Cass. 1re civ., 29 nov. 1994, D. 1995.122, note Aynès , JCP 1995.II.22371, note Ghestin, Defrénois 1994.335, obs. Delebecque. (73) Cass. civ. 25 janv. 1904, DP 1904.I.601, note Guénée.

Page 65 sur 69

(74) V. BOULOC, note sous Cass. com. 16 févr. 1970, Rev. sociétés 1970.653 et spéc. p. 655. (75) BRUNET, Dissolution, Encyclopédie Dalloz, Sociétés, n° 87 ; V. aussi : LE CANNU, note sous Cass. com. 16 juin 1992, Bull. Joly 1992.945 ; DAIGRE, note sous Cass. com. 13 févr. 1996, Bull.

Joly 1996.499 ; GIBIRILA, note sous Cass. com. 13 févr. 1996, D. 1997.108 . (76) MERCADAL et JANIN, Mémento pratique Francis Lefebvre, Sociétés commerciales, 1997, n° 351 ; comp. CHARTIER, op. cit., t. 2, n° 76. (77) V. LE TOURNEAU, La règle Nemo auditur, thèse, Paris, LGDJ, 1970, préface Raynaud, n° 81 et s. FLOUR et AUBERT, Droit civil, Les obligations, 1. L'acte juridique, 7e éd., Armand Colin,

1996, n° 377 ; MALAURIE et AYNES, Droit civil, Les obligations, 8e éd., Cujas, 1998, n° 592 ; CARBONNIER, Droit civil, op. cit., t. 4, n° 61 et 110 ; TERRE, SIMLER et LEQUETTE, Droit

civil. Les obligations, op. cit., n° 404 et s. ; H., L. et J. MAZEAUD, Leçons de droit civil, Obligations, op. cit., n° 308 et 657 ; BENABENT, Droit civil. Les obligations, 5e éd., Montchrestien, 1995, n° 213

; GHESTIN, Traité de droit civil, t. 2, Les obligations. Le contrat : Formation, 3e éd., LGDJ, 1993, n°

882 ; LARROUMET, Droit civil, Les obligations, t. 3, 3e éd., Economica, 1996, n° 580 ; V. aussi :

ROLAND et BOYER, Les adages du droit français, 3e éd., Litec, 1992, n° 232, et spéc. p. 492.

(78) V. sur la notion d'intérêt : VINCENT et GUINCHARD, Procédure civile, 24e éd., Dalloz,

1996, n° 100 et s., et spéc. p. 103 ; COUCHEZ, Procédure civile, 9e éd., Sirey, 1996, n° 152 et s. Ici, la question est comparable au cas de la concubine. Celle-ci avait bien un intérêt à agir, mais elle ne méritait pas la protection du droit. En fait, sous ce motif, les juges prenaient en compte un critère d'ordre moral. (79) RIPERT et ROBLOT, op. cit., t. 1, par M. GERMAIN, n° 792 ; TERRE, SIMLER et LEQUETTE, op. cit., n° 639 ; comp. HONORAT, note sous Cass. com. 13 févr. 1996, Rev. sociétés

1996.563 ; V. déjà GUENEE, note sous Cass. civ. 25 janv. 1904, DP 1904.I.601.

(80) Cass. 3e civ., 6 juin 1984, Bull. civ. III, n° 111 ; Cass. 3e civ., 7 juill. 1992, Bull. civ. III, n° 254,

D. 1992, somm. 399, obs. J.-L. Aubert ; Cass. 1re civ., 31 janv. 1995, D. 1995.389, note Jamin .

(81) Cass. com. 5 févr. 1952, Bull. civ. II, n° 58. (82) Cass. com. 10 févr. 1959, Bull. civ. III, n° 76 ; V. aussi : Cass. com. 25 févr. 1964, Bull. civ. III, n° 98. (83) Paris, 20 oct. 1980, Rev. sociétés 1980.774, note Viandier, JCP 1981.II.19602, concl. Jéol et note Terré. (84) Dijon, 16 nov. 1983, Gaz. Pal. 1983.II.740, note A.P.S., D. 1984, IR 394. (85) Cass. 1re civ., 25 avr. 1990, Bull. civ. I, n° 87, Bull. Joly 1990.798, note P.L.C.

(86) Cass. com. 16 juin 1992, Bull. Joly 1992.945, obs. Le Cannu, Rev. sociétés 1992.731 , Dr.

sociétés, 1992, n° 177, obs. Bonneau. (87) GUYON, obs. sous Paris, 25 mars 1993, Rev. sociétés 1995.661. (88) LE CANNU, note sous Cass. com. 16 juin 1992, préc. (89) Tel était le cas, dans l'arrêt de la Chambre commerciale du 16 juin 1992 préc. (90) Cass. civ. 25 janv. 1904, DP 1904.I.601, note Guénée. (91) Cass. com. 13 févr. 1996, Rev. sociétés 1996.563, note Honorat , Bull. Joly 1996.498, note Daigre, D. 1997.108, note Gibirila , Dr. sociétés, 1996, n° 95, obs. Bonneau, JCP, éd. E, 1996.II.831, note Paclot. (92) V. ROUSSEAU, note sous Paris, 5 juill. 1934, S. 1934.II.207 ; DU GARREAU DE LA MECHENIE, Les droits propres de l'actionnaire, thèse, Poitiers, 1937, n° 256 ; LESCOT, note sous Cass. com. 23 janv. 1950, JCP 1950.II.5355 ; V. aussi : D. SCHMIDT, Les droits de la minorité

dans la société anonyme, Sirey, 1969, n° 60. (93) THALLER, Ann. dr. com. 1894, p. 177 et s. (94) Cass. com. 23 janv. 1950, D. 1950.300, JCP 1950.II.5355, note Lescot ; Cass. com. 12 juin 1961, Gaz. Pal. 1961.II.176 ; V. aussi : Cass. civ. 20 déc. 1911, DP 1913.I.33, note Chéron ; T. civ. Cholet, 24 mars 1954, JCP 1954.II.8279, note D.B. (95) En ce sens, V. CHAPUT, op. cit., n° 194 ; CHARTIER, op. cit., n° 76. (96) Caen, 11 avr. 1927, DP 1928.II.65, note Lepargneur ; V. aussi de ce dernier auteur : « L'exclusion d'un associé », J. sociétés 1928, p. 257 ; CAILLAUD, L'exclusion d'un associé dans les

Page 66 sur 69

sociétés, thèse, Bordeaux, Bibl. dr. com. Sirey, Paris, t. 14, 1965. (97) T. com. Versailles, 18 janv. 1967, RTD com. 1967.795, obs. Champaud. (98) Paris, 10 nov. 1964, JCP 1965.II.14133, note J. R. ; comp. Douai, 5 juill. 1951, Gaz. Pal. 1951.II.244. (99) V. aussi ; T. com. Poitiers, 30 juin 1975, RTD com. 1976.373, obs. Champaud. (100) Aix-en-Provence, 26 juin 1984, D. 1985.372, note Mestre. (101) MERCADAL et JANIN, op. cit., n° 352 ; comp. STORCK, « La continuation d'une société par l'élimination d'un associé », Rev. sociétés 1982.233 et s., et spéc. p. 248 à 251. V. aussi : D. MARTIN, « L'exclusion d'un actionnaire », Colloque Droit et Commerce 1990, sur « La stabilité du pouvoir et du capital », Rev. jur. com. nov. 1990, n° spécial, p. 100 et s. (102) Reims, 24 avr. 1989, Gaz. Pal. 1989.II, somm. 431, note de Fontbressin, RTD com. 1989.634, obs. Reinhard, Rev. sociétés 1990.77, obs. Guyon. (103) Versailles, 19 juin 1989, Bull. Joly 1989.327, note Le Cannu. (104) Versailles, 17 oct. 1991, Bull. Joly 1992.283, note Couret ; Versailles, 7 déc. 1995, Bull. Joly

1996.308, note Le Cannu. (105) Cass. com. 12 mars 1996, Bull. Joly 1996.584 et p. 576, chron. Daigre, D. 1997.133, note Langlès . (106) En ce sens, V. DAIGRE, « De l'exclusion d'un associé en réponse à une demande de dissolution », Bull. Joly 1996.576 ; BONNEAU, JCP, éd. E, 1996, Pan. n° 426. (107) V. outre : Caen, 11 avr. 1927, DP 1928.III.65, note Lepargneur ; Rouen, 17 janv. 1974, Rev.

sociétés 1974.507, note Rodière ; Paris, 12 avr. 1996, Rev. sociétés 1996.596, obs. Guyon. V. aussi implicitement : Cass. com. 13 déc. 1994, Bull. Joly 1995.152, note Le Cannu. (108) En ce sens, V. GUYON, Traité des contrats, op. cit., n° 98 ; JEANTIN, Droit des sociétés, op.

cit., n° 313 ; du même auteur : J.-Cl. Sociétés, op. cit., fasc. 31-C, n° 35 ; CAILLAUD, L'exclusion

d'un associé dans les sociétés, thèse préc. ; comp. LE NABASQUE, DUNAUD et ELSEN, « Les clauses de sortie dans les pactes d'actionnaires », Dr. sociétés, Actes pratiques, oct. 1992. (109) V. DE BERMOND DE VAULX, op. cit., JCP, éd. E, 1990.II.15921. (110) RIPERT et ROBLOT, Traité de droit commercial, op. cit., t. 1, par M. GERMAIN, n° 795. (111) Cass. com. 26 mai 1961, Bull. civ. III, n° 239 (ayant admis que les juges du fond pouvaient prononcer la dissolution, malgré l'existence d'une clause compromissoire dans les statuts ; V. BASTIAN, note sous Cass. com. 30 mars 1949, JCP 1951.II.6180). (112) Cass. com. 30 janv. 1967, JCP 1967.II.15215, note P. L., RTD com. 1967.483, obs. Boitard, RTD com. 1968.361, obs. Champaud. (113) BRUNET, « Dissolution », Encyclopédie Dalloz, Sociétés, n° 93 ; MERCADAL et JANIN, op.

cit., n° 351 ; JEANTIN, Droit des sociétés, op. cit., n° 313. Il est à noter que l'action en dissolution ne peut relever de la compétence du juge des référés : Paris, 28 oct. 1987, Bull. Joly 1988.674, RTD com. 1988.247, obs. Alfandari et Jeantin. (114) D. COHEN, Arbitrage et société, LGDJ, 1993, préf. Oppetit, n° 287. (115) V. Paris, 22 mars 1991, Rev. arb. 1992.652, obs. D. Cohen. (116) Colmar, 21 sept. 1993, Rev. jur. com. 1994.154, note Jarrosson.

DOC 4 :

Cass. Com. 19 mars 2013, n°12-15.283

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que le capital de la société civile immobilière Les Myosotis (la société) est réparti entre Mme X..., M. Richard Y..., son conjoint, et M. Nicolas Y... ; que ce dernier a fait assigner la société, Mme X... et M. Richard Y... et a demandé, notamment, que soient prononcées l'annulation de certaines décisions collectives et la dissolution anticipée de la société ;

Sur le premier moyen, qui est recevable : Vu les article 1844-10 et 1853 du code civil ;

Page 67 sur 69

Attendu qu'il résulte du premier de ces textes que la nullité des actes ou délibérations des organes d'une société civile ne peut résulter que de la violation impérative du titre neuvième du livre troisième du code civil ou de l'une des causes de nullité des contrats en général ; que, sous réserve des cas dans lesquels il a été fait usage de la faculté, ouverte par une disposition impérative d'aménager conventionnellement la règle posée par celle-ci, le non-respect des stipulations contenues dans les statuts ou dans le règlement intérieur n'est pas sanctionné par la nullité ;

Attendu que pour annuler les consultations écrites des 23 septembre 2004, 11 janvier 2006 et 30 juillet 2007, à l'exclusion de la résolution soumise à la consultation écrite du 11 janvier 2006 relative à l'approbation de la modification des statuts, l'arrêt retient qu'il résulte des articles 20 et 21 des statuts que si la gérance avait la possibilité de consulter les associés par correspondance, il est également prévu que l'assemblée ordinaire est réunie au moins une fois par an à l'effet de prendre connaissance du compte rendu de gestion de la gérance et du rapport écrit sur l'activité de la société et pour statuer sur la reddition des comptes et sur l'affectation et la distribution des bénéfices ; qu'il en déduit que les consultations écrites des 23 septembre 2004, 11 janvier 2006 et 30 juillet 2007 sont nulles en ce qu'elles comportaient des délibérations sur la reddition des comptes et sur l'affectation et la répartition des bénéfices ;

Attendu qu'en statuant ainsi, alors qu'en prévoyant que certaines décisions seraient prises par les associés réunis en assemblée, les statuts de la SCI n'ont fait qu'user de la liberté qui leur est offerte de déterminer le domaine d'application des modalités d'adoption des décisions collectives des associés admises par la loi, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

Et sur le second moyen :

Vu l'article 1844-7 5° du code civil ;

Attendu que pour prononcer la dissolution anticipée de la société l'arrêt relève qu'il existe entre M. Nicolas Y... et Mme X... une très grave mésintelligence ; qu'il relève encore que le comportement fautif de la gérante, qui a agi dans son intérêt propre et dans celui de son époux en profitant de la majorité des voix que représentaient leurs parts respectives, ne permet pas de poursuivre l'exploitation sociale ;

Attendu qu'en se déterminant ainsi, par des motifs impropres à caractériser la paralysie du fonctionnement de la société, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a annulé les consultations écrites des 23 septembre 2004, 11 janvier 2006 et 30 juillet 2007, à l'exclusion de la résolution soumise à la consultation écrite du 11 janvier 2006 relative à l'approbation de la modification des statuts, et prononcé la dissolution de la société Les Myosotis, l'arrêt rendu le 29 novembre 2011, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence, autrement composée ;

Condamne M. Nicolas Y... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du dix-neuf mars deux mille treize.

Page 68 sur 69

DOC 5 :

Cass. Com. 12 février 2013, n°12-13.837 Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X..., associé de la société civile API Ingénierie (la société), ayant M. Y..., également associé, pour gérant, a demandé, en justice, l'autorisation de se retirer de la société pour justes motifs ; qu'il a, en outre, demandé la condamnation de cette dernière au paiement de sa créance de dividendes au titre des exercices 1997 et suivants ainsi que celle de M. Y... au paiement de diverses sommes à titre de dommages-intérêts ; Sur le premier moyen : Attendu que M. X... fait grief à l'arrêt de le débouter de ses demandes dirigées contre M. Y... alors, selon le moyen, que chaque gérant est responsable individuellement des infractions aux lois et règlements, de la violation des statuts et des fautes commises dans sa gestion ; que M. X... demandait la condamnation de M. Y..., gérant de la société API, à lui payer des dommages- intérêts en réparation du préjudice qu'il a subi pour avoir été empêché d'exercer son droit de retrait par la faute de celui-ci ; que cette faute consistait dans l'absence de tenue, par M. Y..., d'une comptabilité sincère de la société API Ingénierie, qui avait rendu indispensable le rétablissement de la comptabilité de la société par voie expertale préalablement à tout retrait ; qu'en retenant, pour écarter toute obstruction de ses contradicteurs à l'exercice de son droit de retrait et débouter M. X... de cette demande, la nécessité dans laquelle s'était trouvé le tribunal d'ordonner par son jugement avant dire droit du 18 mai 2005 une nouvelle expertise, afin de disposer d'une image fidèle de la situation de la société et vérifier si l'autorisation de retrait pouvait ou non être donnée, sans rechercher si cette situation n'était pas directement liée à l'absence de tenue d'une comptabilité sincère reprochée à M. Y..., la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1850 du code civil ; Mais attendu que l'arrêt relève que le tribunal s'est trouvé dans la nécessité d'ordonner une nouvelle expertise, par un jugement du 18 mai 2005, en raison des difficultés suscitées par le rapport de l'expert commis par une précédente décision ; que la cour d'appel a, ainsi, procédé à la recherche prétendument omise ; que le moyen n'est pas fondé ; Sur le deuxième moyen : Attendu que M. X... fait encore grief à l'arrêt de rejeter sa demande de retrait de la société alors, selon le moyen : 1°/ que le retrait d'un associé d'une société civile peut être autorisé pour justes motifs par décision de justice ; qu'ayant constaté que l'éloignement géographique de M. X..., depuis maintenant vingt années, de la Polynésie française où la société API Ingénierie exerce son activité, ainsi que la mésentente entre les associés sont de nature à fonder l'exercice du droit au retrait, la cour d'appel qui a cependant estimé que le retrait de M. X... ne répondrait pas à de justes motifs, pour des considérations inopérantes tirées des effets de ce retrait à l'égard de la société, des autres associés et des tiers, a violé l'article 1869 du code civil ; 2°/ que le retrait d'un associé d'une société civile s'effectue sans préjudice des droits des tiers, envers lesquels il continue de répondre indéfiniment des dettes sociales exigibles à la date de son retrait ; qu'ayant constaté que la valeur des parts de M. X... en cas de retrait serait fixée en tenant compte de l'actif et du passif social à la date du transfert de propriété, et que M. X... resterait personnellement tenu à l'égard des tiers, ce dont il résulte que le retrait sollicité ne pouvait porter aucune atteinte aux droits de ces derniers, la cour d'appel qui a cependant refusé le retrait de la société API Ingénierie de M. X..., au motif erroné que ce retrait ne répondrait pas à l'exacte considération des droits des tiers, n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a violé les articles 1869 et 1857 du code civil ; 3°/ que le juge doit en toutes circonstances faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction ; qu'il ne peut fonder sa décision sur les moyens qu'il a relevés d'office sans avoir au préalable invité les parties à présenter leurs observations ; qu'en relevant d'office, pour refuser le retrait de la société API Ingénierie de M. X..., le moyen pris de l'assignation en redressement judiciaire de la société par un créancier impayé, sans inviter au préalable les parties à présenter leurs observations sur ce point, la cour d'appel a violé l'article 6 du code de procédure civile de Polynésie française ;

Page 69 sur 69

Mais attendu que la personnalité morale d'une société dissoute ne subsiste que pour les besoins de sa liquidation ; que les opérations inhérentes à l'accueil d'une demande de retrait formée par un associé d'une société dissoute, visant au remboursement de la valeur de ses droits sociaux, sont étrangères aux besoins de la liquidation ; qu'ayant relevé que la société avait été dissoute par l'effet d'un jugement du 20 juillet 2005 et que les opérations de liquidation étaient en cours, la cour d'appel en a exactement déduit, par motif adopté, que la demande de M. X... tendant à être autorisé à se retirer devait être rejetée ; que le moyen, qui, en ses trois branches, critique des motifs surabondants, ne peut être accueilli ; Mais sur le troisième moyen, pris en sa première branche : Vu l'article 6 du code de procédure civile de Polynésie française ; Attendu que l'arrêt " fixe " la créance de dividendes de M. X... à l'égard de la société, au titre des exercice antérieurs à 2002, au montant de 8 991 341 francs pacifique, majoré des intérêts moratoires, " sauf prescription " ; Attendu qu'en statuant ainsi, sans avoir au préalable invité les parties à présenter leurs observations sur la fin de non-recevoir tirée de la prescription, relevée d'office, la cour d'appel a violé le texte susvisé ; PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur la seconde branche du troisième moyen : CASSE ET ANNULE, mais seulement en ses dispositions relatives à la créance de dividendes de M. X... au titre des exercices antérieurs à 2002, l'arrêt rendu le 12 mai 2011, entre les parties, par la cour d'appel de Papeete ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Papeete, autrement composée ; Condamne la société API Ingénierie aux dépens ; Rejette les demandes formées au titre de l'article 700 du code de procédure civile ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du douze février deux mille treize.

II. PRÉSENTEZ LES CAUSES DE DISSOLUTION DES SOCIÉTÉS