SEANCE_3 Droit Civil Methodologie

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1 FACULTÉ DE DROIT en convention avec la Faculté de Droit et de Science Politique de l’Université Lumière Lyon 2 Marie Bui-Leturcq Elsa Burdin Michel Cannarsa Séance n°3 (droit privé) : Application de la méthode du commentaire d’arrêt Thème de soutien à la réflexion : L’indisponibilité du corps humain et de ses éléments Le but de la séance est de se confronter au commentaire d’arrêt, en percevant l’intérêt et les limites de la recherche documentaire. L’arrêt à commenter est le suivant : Civ. 1 re , 9 décembre 2003, n° 01-03.927 Publication : Bulletin 2003 I N° 252 p. 201 Citations Dalloz Codes : Code civil, Art. 353 Revues : Recueil Dalloz 2004. p. 1998. Recueil Dalloz 2005. p. 536. Revue trimestrielle de droit civil 2004. p. 75. Sommaire : La maternité pour autrui, dont le caractère illicite se déduit des principes généraux du Code civil et aujourd'hui de son article 16-7, réalise un détournement de l'institution de l'adoption ; les juges du fond ont donc à bon droit refusé de prononcer l'adoption d'un enfant né d'une " mère porteuse ".

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FACULTEacute DE DROIT

en convention avec la Faculteacute de Droit et de Science Politique

de lrsquoUniversiteacute Lumiegravere Lyon 2

Marie Bui-Leturcq

Elsa Burdin

Michel Cannarsa

Seacuteance ndeg3 (droit priveacute)

Application de la meacutethode du commentaire drsquoarrecirct

Thegraveme de soutien agrave la reacuteflexion Lrsquoindisponibiliteacute du corps humain et de ses eacuteleacutements

Le but de la seacuteance est de se confronter au commentaire drsquoarrecirct en percevant lrsquointeacuterecirct et les

limites de la recherche documentaire

Lrsquoarrecirct agrave commenter est le suivant

Civ 1re

9 deacutecembre 2003 ndeg 01-03927 Publication Bulletin 2003 I Ndeg 252 p 201

Citations Dalloz

Codes

Code civil Art 353

Revues

Recueil Dalloz 2004 p 1998

Recueil Dalloz 2005 p 536

Revue trimestrielle de droit civil 2004 p 75

Sommaire La materniteacute pour autrui dont le caractegravere illicite se deacuteduit des principes geacuteneacuteraux du Code

civil et aujourdhui de son article 16-7 reacutealise un deacutetournement de linstitution de ladoption

les juges du fond ont donc agrave bon droit refuseacute de prononcer ladoption dun enfant neacute dune

megravere porteuse

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Texte inteacutegral

Rejet 9 deacutecembre 2003 Ndeg 01-03927 Bulletin 2003 I Ndeg 252 p 201

Reacutepublique franccedilaise

Au nom du peuple franccedilais

AU NOM DU PEUPLE FRANCcedilAIS

LA COUR DE CASSATION PREMIERE CHAMBRE CIVILE a rendu larrecirct suivant

Sur le moyen unique pris en ses quatre branches

Attendu que M X et Mme Y se sont marieacutes le 15 deacutecembre 1962 quun enfant Fabrice

est issu de cette union le 11 novembre 1966 que le 4 juillet 1987 est neacutee une enfant

preacutenommeacutee Sarah sans indication de filiation maternelle qui a eacuteteacute reconnue par M X que

le 28 janvier 1999 leacutepouse de celui-ci a preacutesenteacute une requecircte aux fins dadoption pleacuteniegravere de

lenfant Sarah

Attendu que Mme X reproche agrave larrecirct confirmatif attaqueacute (Paris 1er feacutevrier 2001) davoir

rejeteacute sa requecircte alors selon le moyen

1 que les conditions leacutegales de ladoption doivent ecirctre appreacutecieacutee en prenant en consideacuteration

les douze anneacutees pendant lesquelles elle a eacuteleveacute lenfant quen se refusant agrave cette prise en

consideacuteration pour juger au contraire que ladoption eacutetait indivisible des circonstances de la

conception et de la naissance de lenfant la cour dappel a violeacute larticle 353 du Code civil

ainsi que larticle 8 paragraphe 1er de la Convention europeacuteenne des droits de lhomme

2 que la circonstance selon laquelle un enfant est neacute dune megravere porteuse ne peut ecirctre prise

en consideacuteration pour appreacutecier la reacuteunion des conditions de ladoption pleacuteniegravere quen

jugeant le contraire la cour dappel a violeacute les articles 16-7 issu de la loi du 29 juillet 1994 et

353 du Code civil en y ajoutant des dispositions quils ne comportent pas

3 que linteacuterecirct supeacuterieur de lenfant doit primer sur la neacutecessiteacute de sanctionner lilliceacuteiteacute de la

convention qui a preacutesideacute agrave sa conception et agrave sa naissance quen jugeant le contraire la cour

dappel a violeacute les articles 3 et 21 de la Convention internationale des droits de lenfant

ensemble larticle 353 du Code civil

4 quelle faisait valoir dans ses conclusions dappel que la conception de Sarah avait eu lieu agrave

un moment ougrave ni la loi ni la jurisprudence ne seacutetaient prononceacutees sur la materniteacute pour

autrui quil neacutetait pas preacutevisible avant que lassembleacutee pleacuteniegravere de la Cour de cassation nen

deacutecide ainsi le 31 mai 1991 quil serait impossible dadopter les enfants neacutes agrave la suite dune

convention de megravere porteuse que la cour dappel qui a deacutelaisseacute ce moyen a violeacute larticle

455 du nouveau Code de proceacutedure civile

Mais attendu que la materniteacute pour autrui dont le caractegravere illicite se deacuteduit des principes

geacuteneacuteraux du Code civil et aujourdhui de son article 16-7 reacutealise un deacutetournement de

linstitution de ladoption que les juges du fond ont donc agrave bon droit refuseacute de prononcer sans

violer aucun des textes invoqueacutes que le moyen nest fondeacute en aucune de ses branches

PAR CES MOTIFS

REJETTE le pourvoi

Condamne Mme Y eacutepouse X aux deacutepens

Ainsi fait et jugeacute par la Cour de cassation Premiegravere chambre civile et prononceacute par le

preacutesident en son audience publique du neuf deacutecembre deux mille trois

3

Textes citeacutes

Code civil 16-7

RECHERCHE DOCUMENTAIRE

Reacutefeacuterences reacutecentes relatives au thegraveme (documents agrave rechercher)

A MIRKOVIC laquo Non-transcription des actes de naissance eacutetrangers denfants neacute dune megravere

porteuse sur les registres franccedilais deacutetat civil raquo JCP G 2010 ndeg 18 pp 933-935

J BONNARD laquo La reacutevision des lois de bioeacutethique raquo Dalloz 2010 pp 846-850

J GALLOUX H GAUMONT-PRAT laquo Droit et liberteacutes corporels feacutevrier 2008-deacutecembre

2009 Dalloz 2010 pp 604-619

Reacutefeacuterences mises agrave disposition dans la fiche

CODE CIVIL LIVRE PREMIER DES PERSONNES

TITRE HUITIEgraveME DE LA FILIATION ADOPTIVE

CHAPITRE PREMIER DE LADOPTION PLEacuteNIEgraveRE

SECTION II DU PLACEMENT EN VUE DE LADOPTION PLEacuteNIEgraveRE ET DU

JUGEMENT DADOPTION PLEacuteNIEgraveRE

Art 353 laquo Ladoption est prononceacutee agrave la requecircte de ladoptant par le tribunal de grande instance qui

veacuterifie (L no 93-22 du 8 janv 1993) laquodans un deacutelai de six mois agrave compter de la saisine du

tribunalraquo si les conditions de la loi sont remplies et si ladoption est conforme agrave linteacuterecirct de

lenfant

(L no 76-1179 du 22 deacutec 1976) laquoDans le cas ougrave ladoptant a des descendants le tribunal

veacuterifie en outre si ladoption nest pas de nature agrave compromettre la vie familialeraquo

Si ladoptant deacutecegravede apregraves avoir reacuteguliegraverement recueilli lenfant en vue de son adoption la

requecircte peut ecirctre preacutesenteacutee en son nom par le conjoint survivant ou lun des heacuteritiers de

ladoptant

(L no 96-604 du 5 juill 1996) laquoSi lenfant deacutecegravede apregraves avoir eacuteteacute reacuteguliegraverement recueilli en

vue de son adoption la requecircte peut toutefois ecirctre preacutesenteacutee Le jugement produit effet le jour

preacuteceacutedant le deacutecegraves et emporte uniquement modification de leacutetat civil de lenfantraquo

Le jugement prononccedilant ladoption nest pas motiveacute raquo

A VEacuteRIFICATION DES CONDITIONS LEacuteGALES DE LADOPTION

1o DEacuteTOURNEMENTS DE LINSTITUTION

1 laquoMegravere porteuseraquo Viole les art 6 et 1128 C civ ensemble lart 353 larrecirct qui prononce

ladoption pleacuteniegravere dun enfant alors que cette adoption neacutetait que lultime phase dun

processus densemble destineacute agrave permettre agrave un couple laccueil agrave son foyer dun enfant conccedilu

en exeacutecution dun contrat tendant agrave labandon agrave sa naissance par sa megravere et que portant

4

atteinte aux principes de lindisponibiliteacute du corps humain et de leacutetat des personnes ce

processus constituait un deacutetournement de linstitution de ladoption Cass ass pleacuten 31

mai 1991 Bull civ no 4 R p 247 GAJC 12

e eacuted n

o 50 D 1991 417 rapp Chartier

note Thouvenin JCP 1991 II 21752 communic Bernard concl Dontenwille note Terreacute

Defreacutenois 1991 948 obs Massip RTD civ 1991 517 obs Huet-Weiller RRJ 19913

343 note Barthouil Mecircme sens Civ 1re

29 juin 1994 D 1994 581 note Chartier

JCP 1995 II 22362 note Rubellin-Devichi RTD civ 1994 842 obs Hauser Defreacutenois

1995 315 obs Massip ndash V aussi Rennes 4 juill 2002 D 2002 2902 note Granet

JCP 2003 I 101 no 4 obs Rubellin-Devichi Dr fam 2002 n

o 142 note Murat Civ 1

re 9

deacutec 2003 Bull civ I no 252 D 2004 1998 note Poisson-Drocourt D 2005 Pan 541

obs Galloux Defreacutenois 2004 592 obs Massip Dr fam 2004 no 17 note Murat RJPF

2004-435 obs Gareacute RTD civ 2004 75 obs Hauser

Recueil Dalloz 2004 p 1998

Recours agrave une megravere de substitution et refus de ladoption

Elisabeth Poisson-Drocourt Maicirctre de confeacuterences

Le preacutesent arrecirct atteste que la materniteacute de substitution - expression plus exacte que celle de

megravere porteuse lorsque celle-ci est eacutegalement gestatrice - est dune pratique assez courante

puisquil intervient apregraves plusieurs condamnations de la materniteacute de substitution par la Cour

de cassation M et Mme X se sont marieacutes le 15 deacutec 1962 Un enfant est neacute de leur union le

11 nov 1966 Vingt ans apregraves le 4 juill 1987 est neacute un autre enfant Sarah issu dune

convention de materniteacute pour autrui Une amie du couple ou supposeacutee telle a offert de se

faire inseacuteminer par les gamegravetes du mari de porter lenfant et de labandonner agrave sa naissance

afin que celui-ci soit reconnu par le mari et adopteacute par sa femme En effet le 28 janv 1999

Mme X a introduit une requecircte en adoption pleacuteniegravere de la jeune Sarah que les juges du fond

nont pas accepteacutee Mme X sest alors pourvue en cassation la Cour de cassation a rejeteacute le

pourvoi au motif que laquo la materniteacute pour autrui dont le caractegravere illicite se deacuteduit des

principes geacuteneacuteraux du code civil et aujourdhui de son art 16-7 reacutealise un deacutetournement de

ladoption que les juges du fond ont donc refuseacute agrave bon droit de prononcer raquo

Larrecirct de la premiegravere Chambre civile contraste par sa concision avec les quatre branches du

moyen Si lon essaie de seacuterier les problegravemes poseacutes agrave la Cour le premier est celui de

lapplication du droit dans le temps (I) Vient ensuite le caractegravere licite ou non de la materniteacute

pour autrui (II) puis le bien-fondeacute du recours agrave ladoption pleacuteniegravere (III) On envisagera ensuite

la porteacutee de larrecirct (IV)

I - Application du droit dans le temps

Sarah est neacutee le 4 juill 1987 La convention entre la megravere de substitution et les eacutepoux X a

donc eacuteteacute conclue en 1986 Mme X a demandeacute ladoption pleacuteniegravere en janvier 1999 Le

pourvoi fait observer que la conception de lenfant a eu lieu agrave un moment ougrave ni la loi ni la

jurisprudence ne seacutetaient prononceacutees sur la materniteacute pour autrui et quil neacutetait pas preacutevisible

quil serait impossible dadopter les enfants issus dune convention de laquo megravere porteuse raquo Pour

reacutepondre agrave cet argument il faut preacutealablement examiner leacutevolution de notre droit

A - Rappel de leacutevolution de notre droit

Si lon sen tient aux arrecircts de la Cour de cassation la materniteacute de substitution a eacuteteacute

condamneacutee pour la premiegravere fois en 1989 en deacuteclarant illicite une association qui promouvait

la materniteacute pour autrui La Cour a pris le soin de preacuteciser que les conventions que ladite

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association favorisait laquo contrevenaient au principe dordre public de lindisponibiliteacute de leacutetat

des personnes en ce quelles ont pour but de faire venir au monde un enfant dont la filiation

ne correspondra pas agrave sa filiation reacuteelle au moyen dune renonciation ou dune cession

eacutegalement prohibeacutees des droits reconnus par la loi agrave la future megravere raquo Elle ajoutait que

lactiviteacute de lassociation laquo aboutit agrave deacutetourner linstitution de ladoption de son veacuteritable objet

qui est en principe de donner une famille agrave un enfant qui en est deacutepourvu raquo

LAssembleacutee pleacuteniegravere de la Cour de cassation a renforceacute cette condamnation par son arrecirct du

31 mai 1991 Elle y affirme que ladoption de lenfant issu dune megravere de substitution par la

femme steacuterile dun couple laquo neacutetait que lultime phase dun processus densemble destineacute agrave

permettre agrave un couple laccueil agrave son foyer dun enfant conccedilu en exeacutecution dun contrat

tendant agrave labandon agrave sa naissance par sa megravere et que portant atteinte au principe de

lindisponibiliteacute du corps humain et de leacutetat des personnes ce processus constituait un

deacutetournement de linstitution de ladoption raquo

Enfin la loi ndeg 94-653 du 29 juill 1994 relative au respect du corps humain a introduit lart

16-7 dans le code civil eacutedictant que laquo toute convention portant sur la procreacuteation ou la

gestation pour autrui est nulle raquo Une loi du mecircme jour reacuteglemente strictement lassistance

meacutedicale agrave la procreacuteation

B - Conflit dans le temps

Quel est le droit applicable dans notre affaire Par la convention de megravere de substitution

celle-ci sest engageacutee par avance agrave se faire inseacuteminer par les gamegravetes du mari agrave porter lenfant

et agrave labandonner agrave sa naissance sans indication de son nom agrave leacutetat civil geacuteneacuteralement en

accouchant sous X Si son objet se limite lagrave le contrat et ses effets se sont deacutejagrave produits et

lart 16-7 c civ nest pas applicable

En revanche si on considegravere que la materniteacute pour autrui et ladoption subseacutequente constituent

un processus densemble et reacutealisent en reacutealiteacute un deacutetournement de linstitution de ladoption

peut-ecirctre peut-on appliquer agrave la convention initiale lart 16-7 c civ dautant que celui-ci est

dordre public (art 16-9 c civ) et exprime un inteacuterecirct social impeacuterieux

Lapplication des lois dans le temps est deacutelicate agrave reacutesoudre Cependant la solution retenue na

guegravere de conseacutequence en lespegravece car lart 16-7 c civ ne fait que reprendre la solution

anteacuterieure de notre droit consacreacutee par larrecirct de lAssembleacutee pleacuteniegravere du 31 mai 1991 agrave

propos dune enfant neacutee en feacutevrier 1988 Sans doute cest cela que les magistrats ont voulu

exprimer en affirmant que le caractegravere illicite de la materniteacute pour autrui laquo se deacuteduit des

principes geacuteneacuteraux du code civil et aujourdhui de son art 16-7 raquo Quels sont ces principes

II - Principes geacuteneacuteraux du code civil et de notre droit

A - Principes du code civil

Pour annuler le contrat de materniteacute de substitution on peut prendre appui sur trois articles du

code civil Aux termes de lart 311-9 laquo les actions relatives agrave la filiation ne peuvent faire

lobjet de renonciation raquo Lart 376 dispose quant agrave lui laquo Aucune renonciation aucune

cession sur lautoriteacute parentale ne peut avoir deffet si ce nest en vertu dun jugement dans

les cas deacutetermineacutes ci-dessous raquo La premiegravere Chambre civile en avait tregraves justement deacuteduit

dans son arrecirct du 13 deacutec 1989 preacuteciteacute que les conventions de materniteacute pour autrui laquo

contreviennent au principe de lindisponibiliteacute de leacutetat des personnes en ce quelles ont pour

but de faire venir au monde un enfant dont leacutetat ne correspond pas agrave la filiation reacuteelle au

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moyen dune renonciation ou dune cession eacutegalement prohibeacutees des droits reconnus par la

loi agrave la future megravere raquo En dautres termes la megravere renonce par avance agrave sa future qualiteacute de

megravere

La Cour ajoutait que ces conventions sont nulles en application de lart 1128 c civ qui

dispose laquo Il ny a que les choses qui sont dans le commerce qui puissent ecirctre lobjet des

conventions raquo La formule peut precircter agrave contestation mais on comprend bien que le contrat

entre la megravere de substitution et le couple tend agrave faire de lenfant une chose agrave livrer Or cest un

ecirctre humain qui est promis Lenfant ne saurait ecirctre traiteacute comme une chose On ne peut pas en

disposer ainsi

La Cour de cassation dans larrecirct commenteacute neacutenonce pas les principes quelle avait mis en

avant dans ses preacuteceacutedents arrecircts agrave savoir lindisponibiliteacute du corps humain et celle de leacutetat des

personnes Elle parle seulement des laquo principes geacuteneacuteraux du code civil raquo Sans reprendre ce

quil en a eacuteteacute excellemment dit dans les commentaires des arrecircts de 1989 et de 1991 nous

nous interrogerons sur lexistence actuelle de ces deux principes

B - Principes geacuteneacuteraux de notre droit

1 - Indisponibiliteacute du corps humain

Un auteur a soutenu que lindisponibiliteacute du corps humain nexistait que dans laquo limaginaire de

la doctrine raquo avant sa conseacutecration par la Cour de cassation Les auteurs anciens en ont peu

traiteacute il est vrai quoique Josserand se soit interrogeacute sur la validiteacute des conventions portant sur

le corps humain Le code civil neacutenonce pas le principe Ce silence sexplique parce que ce

sont les progregraves de la biologie et de la meacutedecine qui en ont eacuteteacute le reacuteveacutelateur speacutecialement

avec la materniteacute pour autrui Celle-ci a eacuteteacute loccasion pour la Cour de cassation deacutenoncer ce

principe par trois fois Lart 16-7 c civ a eacuteteacute consideacutereacute par le rapporteur agrave lAssembleacutee

nationale de la loi de 1994 comme laquo lultime conseacutequence de lindisponibiliteacute du corps

humain raquo Un nombre important dauteurs contemporains font eacutetat de ce principe

Il convient de distinguer le corps humain envisageacute dans son ensemble dune part et les

produits et eacuteleacutements du corps humain dautre part Cela explique lassouplissement du

principe dindisponibiliteacute par le leacutegislateur quant agrave ces produits ou eacuteleacutements pour des raisons

theacuterapeutiques collecte du lait (ancien art L 184 c santeacute publ devenu art 2323-1) don du

sang (L 21 juill 1952) don dorganes (L 22 deacutec 1976) don du sperme (L 31 deacutec 1991 art

13) enfin don dovule et mecircme don dembryon (L ndeg 94-654 du 29 juill 1994) Cette

derniegravere avanceacutee de la procreacuteation artificielle nest pas sans soulever des problegravemes moraux

Le leacutegislateur a fait un pas important dans latteacutenuation de lindisponibiliteacute du corps humain

mais reacuteglemente strictement la procreacuteation meacutedicalement assisteacutee Il a marqueacute sa limite en

interdisant en mecircme temps la materniteacute pour autrui (art 16-7 c civ) Cest quil y a une

diffeacuterence de nature entre le don deacuteleacutements du corps ou dorganes et le fait pour une femme

dengendrer un enfant agrave livrer

Il y a dans ce dernier cas contrat portant sur le corps de la femme mise agrave la disposition

dautrui de ses fonctions de donner la vie de ses fonctions reproductrices aussi bien

geacuteneacutetiques (convention dinseacutemination artificielle) que gestatrices (precirct ou location duteacuterus)

Relativement agrave lenfant la convention porte sur sa vie et son deacuteveloppement preacutenatal Elle a

pour objet un ecirctre humain agrave venir La gestation atteint la femme au plus profond delle-mecircme

Elle lui laissera des seacutequelles physiologiques et psychologiques Elle marque aussi lenfant

dont on ne peut nier limportance de la vie intra-uteacuterine Il y a bien convention portant sur le

corps humain dans son ensemble Pour notre part nous partageons lopinion des magistrats et

des auteurs qui estiment que le corps humain dans son entier est indisponible laquo hors de toute

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transaction raquo Cest ce que sous-entend le code civil En est-il de mecircme de leacutetat des personnes

2 - Indisponibiliteacute de leacutetat des personnes

La femme dans la materniteacute pour autrui renonce par avance agrave sa qualiteacute de megravere Certes elle

peut ne pas reconnaicirctre lenfant (accouchement sous X) labandonner une fois neacute mais ici

elle sy oblige bien avant la naissance Quant agrave lenfant il est soustrait par avance agrave sa megravere

La Cour de cassation la tregraves bien exprimeacute dans son arrecirct du 13 deacutec 1989 les conventions de

materniteacute de substitution laquo contreviennent au principe de lindisponibiliteacute de leacutetat des

personnes en ce quelles ont pour but de faire venir au monde un enfant dont leacutetat ne

correspond pas agrave sa filiation reacuteelle raquo

La volonteacute intervient certes en matiegravere de composantes de leacutetat des personnes nom

nationaliteacute situation de famille actions relatives agrave la filiation Lart 373-2-11 c civ (L 4

mars 2002 reprenant lancien art 290) dispose ainsi que lorsquil se prononce sur lexercice

de lautoriteacute parentale le juge prend notamment en consideacuteration laquo les accords que [les

eacutepoux] avaient pu anteacuterieurement conclure raquo Les conventions qui ameacutenagent les devoirs

parentaux sont donc valables

Au demeurant la Cour de cassation na-t-elle pas franchi une eacutetape de plus en matiegravere de

transsexualisme Apregraves avoir jugeacute le contraire elle a deacutecideacute que le principe de

lindisponibiliteacute de leacutetat des personnes ne fait pas obstacle agrave la rectification du sexe sur lacte

de naissance dune personne preacutesentant le syndrome de transsexualisme lorsque agrave la suite dun

traitement meacutedico-chirurgical subi dans un but theacuterapeutique cette personne ne possegravede plus

tous les caractegraveres de son sexe dorigine et a pris une apparence physique la rapprochant de

lautre sexe auquel correspond son comportement social La Cour a statueacute ainsi parce que la

Cour europeacuteenne des droits de lhomme dans lintervalle avait condamneacute la France au motif

que la solution adopteacutee par la premiegravere Chambre civile conduirait agrave la violation du droit agrave la

vie priveacutee de lart 8 de la Convention europeacuteenne des droits de lhomme

Nous ne discuterons pas de lappreacuteciation de ces deacutecisions sur le transsexualisme Disons

simplement quelles ne sont pas sans incidence sur le mariage et les enfants neacutes ou que le

transsexuel deacutesirera adopter Bien que la Cour se reacutefegravere au principe de lindisponibiliteacute de

leacutetat des personnes il semble que ce principe est loin decirctre absolu On peut mecircme dire quil

nexiste pas mais quil est simplement opportun de ne pas disposer de leacutetat dune personne

Est-ce pour cette raison que la Cour de cassation dans larrecirct rapporteacute se reacutefegravere seulement aux

laquo principes geacuteneacuteraux du code civil raquo et au deacutetournement de linstitution de ladoption

III - Bien-fondeacute du recours agrave ladoption

Les eacutepoux X invoquent agrave lappui de leur demande dadoption lart 353 c civ aux termes

duquel le tribunal veacuterifie si ladoption est conforme agrave linteacuterecirct de lenfant Plusieurs auteurs

justifient ainsi le prononceacute de ladoption de lenfant issu dune convention de megravere de

substitution

Les eacutepoux X font aussi reacutefeacuterence aux art 3 al 1er (laquo Dans toutes les deacutecisions qui

concernent les enfants [] linteacuterecirct supeacuterieur de lenfant doit ecirctre une consideacuteration

primordiale raquo) et 21 (laquo Les Etats parties qui admettent etou autorisent ladoption sassurent

que linteacuterecirct supeacuterieur de lenfant est la consideacuteration primordiale en la matiegravere raquo) de la

Convention des Nations unies relative aux droits de lenfant du 20 nov 1989 Toutefois celle-

ci nest pas dapplication immeacutediate par les tribunaux Et il faudrait au surplus ecirctre sucircr que lon

soit dans une situation ougrave ladoption est permise

8

Quant agrave linteacuterecirct de lenfant il ne permet pas daneacuteantir les autres principes directeurs de notre

droit vus preacuteceacutedemment Au surplus tout le monde admet quil faut dire agrave lenfant adopteacute dans

quelle condition il la eacuteteacute Que lui dira-t-on en lespegravece Lui dira-t-on la veacuteriteacute ou lui mentira-

t-on Devenu plus grand il aura le droit laquo dans la mesure du possible de connaicirctre ses

parents et decirctre eacuteleveacute par eux raquo aux termes de la mecircme Convention de New York du 20 nov

1989 Cela nest pas non plus sans soulever de difficulteacute

Surtout ladoption est faite pour donner des parents agrave un enfant deacutejagrave neacute et qui en est deacutepourvu

et non pour satisfaire le deacutesir denfant dun couple Il ne manque malheureusement pas

denfants sans famille dans le monde En lespegravece dailleurs les eacutepoux avaient deacutejagrave eu en

commun un enfant

Ils invoquent aussi agrave lappui de leur demande dadoption la Convention europeacuteenne des droits

de lhomme dont lart 8 dit laquo Toute personne a droit au respect de sa vie priveacutee et familiale

raquo Mme X avait certes attendu presque douze ans avant de preacutesenter sa requecircte Mais quant

agrave y trouver une justification de ladoption cest faire dire agrave ce texte beaucoup plus que ses

termes geacuteneacuteraux ne le permettent Il ne faut pas non plus oublier lalineacutea 2 dudit article qui

dispose qulaquo il ne peut y avoir ingeacuterence dune autoriteacute publique dans lexercice de ce droit

que pour autant que cette ingeacuterence est preacutevue par la loi et quelle constitue une mesure qui

[] est neacutecessaire [] agrave la protection [] de la morale raquo Il y a les art 311-9 376 et

doreacutenavant 16-7 c civ Et la pratique des megraveres de substitution heurte bien agrave notre avis la

morale Quant agrave la prise en compte de la situation de fait nous y reviendrons plus loin mais

on heacutesite agrave cautionner la politique du fait accompli

Ladoption solliciteacutee est la phase ultime dun processus densemble dont la source le contrat

avec la megravere de substitution est illicite car contraire agrave lordre public Lentreprise globale

constitue un deacutetournement de linstitution de ladoption comme laffirme la Cour de cassation

dans larrecirct rapporteacute reprenant en cela son analyse anteacuterieure En refusant ladoption on rend

leacutetat des personnes incertain et lon incite les couples agrave ne pas recourir agrave la materniteacute pour

autrui

IV - Porteacutee de larrecirct

Nous avons deacutejagrave fait eacutetat de deux arrecircts de la Cour de cassation celui du 13 deacutec 1989

deacuteclarant illicite une association promouvant la materniteacute par substitution et celui de

lAssembleacutee pleacuteniegravere du 31 mai 1991 condamnant cette materniteacute Dans cette derniegravere affaire

le pourvoi avait eacuteteacute preacutesenteacute par le procureur geacuteneacuteral pregraves la Cour de cassation dans linteacuterecirct

de la loi Par conseacutequent il ne pouvait preacutejudicier aux parties en remettant en question

ladoption pleacuteniegravere prononceacutee par la Cour dappel de Paris Selon le doyen Carbonnier il

sagissait plutocirct laquo dun acte de politique judiciaire raquo

Le 29 juin 1994 la premiegravere Chambre civile de la Cour de cassation eut agrave se prononcer de

nouveau sur la question A la diffeacuterence du preacuteceacutedent arrecirct la Cour y casse sans renvoi larrecirct

de la cour dappel ayant prononceacute ladoption simple de lenfant En outre les faits sont assez

particuliers Cest la belle-soeur des eacutepoux Y qui avait conccedilu et porteacute lenfant elle lavait

reconnu avant M Y La belle-soeur et son mari consentirent agrave ladoption pleacuteniegravere par Mme

Y Les eacutepoux Y se seacuteparegraverent avant toute requecircte en adoption Apregraves que lenfant eut eacuteteacute

confieacute agrave Mme Y le jugement de divorce confia lautoriteacute parentale agrave la megravere biologique M

Y intente une action pour que lenfant lui soit confieacute Pendant cette proceacutedure Mme Y

deacutepose une requecircte en adoption pleacuteniegravere et assigne son ex-eacutepoux pour faire juger abusif son

refus dy consentir On comprend que devant un tel imbroglio la Cour de cassation ait refuseacute

que ladoption soit valideacutee Dune faccedilon geacuteneacuterale on peut se demander si la materniteacute de

substitution au sein de la famille proche nest pas de nature agrave faire perdre ses repegraveres agrave

9

lenfant Lenfant est appeleacute agrave voir souvent sa tante qui est aussi sa megravere par le sang tandis

quil est eacuteleveacute par une megravere sociologique

Par suite larrecirct commenteacute est inteacuteressant en ce quil confirme la position de la Cour de

cassation dans un cas plus classique un contrat a eacuteteacute passeacute entre un couple et une femme sans

relation avec le couple qui sest fait inseacuteminer par les gamegravetes du mari a porteacute lenfant et sest

engageacutee agrave labandonner agrave sa naissance afin quil ne soit reconnu que par le mari et quil soit

adopteacute par sa femme Il est probable quil y a eu une contrepartie financiegravere Le plus souvent

la megravere porteuse est pousseacutee agrave louer son ventre par deacutetresse financiegravere

Le contrat initial est tenu secret sauf si la megravere de substitution refuse dabandonner lenfant

Lannuler comme le prescrit lart 16-7 c civ permet agrave cette derniegravere de garder lenfant

Sinon le contrat reste occulte Cest au moment de la demande dadoption que peut apparaicirctre

lentreprise globale vicieacutee agrave sa source Souvent elle passe inaperccedilue Cest toute la difficulteacute

de la situation Refuser de prononcer ladoption est la seule sanction civile de quelque

efficaciteacute

Une autre particulariteacute de lespegravece meacuterite decirctre souligneacutee Mme X a preacutesenteacute sa requecircte aux

fins dadoption onze ans et demi apregraves la naissance de lenfant Ne faut-il pas tenir compte de

la situation de fait qui sest creacuteeacutee Lenfant a eacuteteacute eacuteleveacute par le couple pendant de longues

anneacutees Dans linteacuterecirct de lenfant on pourrait peut-ecirctre eacutetablir sa filiation maternelle par le

recours agrave la possession deacutetat mais cela ne serait en tout eacutetat de cause possible que dans un

cas comme celui-ci

La reacuteprobation de la materniteacute pour autrui peut ecirctre aussi atteinte par une autre voie il existe

aussi des sanctions peacutenales Aux termes de lart 227-12 nouveau c peacuten laquo le fait de

provoquer soit dans un but lucratif soit par don promesse menace ou abus dautoriteacute les

parents ou lun dentre eux agrave abandonner un enfant neacute ou agrave naicirctre est puni de six mois

demprisonnement et de 7500 euros raquo sans compter eacuteventuellement des peines

compleacutementaires Ce texte ne peut eacutevidemment sappliquer quagrave des faits posteacuterieurs agrave son

entreacutee en vigueur Il reprend toutefois en la preacutecisant lincrimination de lart 353-1 (2deg)

ancien c peacuten laquo Sera puni de dix jours agrave six mois demprisonnement et de 500 agrave 20 000 F

damende [] toute personne qui aura fait souscrire ou tenteacute de faire souscrire par les futurs

parents ou lun deux un acte aux termes duquel ils sengagent agrave abandonner lenfant agrave naicirctre

qui aura deacutetenu un tel acte en aura fait usage ou tenteacute den faire usage raquo Six mois

demprisonnement mecircme avec sursis paraissent excessifs et lamende est insuffisante Le

parquet pourrait neacuteanmoins mettre en oeuvre ces textes afin de dissuader les couples de

recourir agrave la materniteacute de substitution (18) plutocirct quagrave une veacuteritable adoption La

condamnation peacutenale aurait lavantage de faire tomber la sanction sur les couples sans

atteindre lenfant On pourrait alors songer agrave la possession deacutetat pour rattacher lenfant agrave la

femme qui la eacuteleveacute pendant de longues anneacutees comme ceacutetait le cas en lespegravece La

possession deacutetat permettrait deacutetablir une filiation maternelle naturelle Pourrait-elle aussi

faire acqueacuterir agrave lenfant la qualiteacute denfant leacutegitime La possession deacutetat joue alors

indivisiblement agrave leacutegard des deux parents (art 321 c civ) alors que la reconnaissance qui a

eacuteteacute faite par le mari atteste la qualiteacute denfant naturel de celui-ci

Dautre part il convient de sattaquer aux intermeacutediaires Par son arrecirct preacuteciteacute du 13 deacutec 1989

la Cour de cassation a confirmeacute la nulliteacute dune association en raison de lilliceacuteiteacute de son objet

de mettre en rapport des couples avec des megraveres de substitution Le gouvernement franccedilais

interdit semblables associations mais des personnes continuent certainement agrave sentremettre agrave

cet effet Elles tombent sous lincrimination de lart 227-12 al 3 nouveau c peacuten Est puni

dun an demprisonnement et de 15 000 euros damende laquo le fait dans un but lucratif de

sentremettre entre une personne ou un couple deacutesireux daccueillir un enfant et une femme

acceptant de porter en elle cet enfant en vue de le leur remettre raquo Lorsque ces faits ont eacuteteacute

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commis agrave titre habituel ou dans un but lucratif les peines sont doubleacutees Les personnes

morales peuvent en ecirctre deacuteclareacutees responsables (art 227-14) et sont passibles de sanctions

approprieacutees preacutevues aux art 131-38 et 131-39 Lart 353-1 (1deg) ancien c peacuten eacutetait moins net

mais incriminait aussi celui qui avait dans un espoir de lucre provoqueacute les parents ou lun

deux agrave abandonner leur enfant agrave naicirctre Lactiviteacute des intermeacutediaires est hautement

condamnable Il convient donc de leur appliquer les sanctions civiles et peacutenales que contient

notre droit agrave leur eacutegard

Une difficulteacute suppleacutementaire pour sanctionner la materniteacute de substitution tient agrave ce quon a

appeleacute le tourisme procreacuteatif car les Franccedilais vont chercher les femmes qui se livrent agrave ce

commerce dans des pays voisins toleacuterants (19) Il en est ainsi en Angleterre comme le

teacutemoigne larrecirct de la Cour de cassation du 23 avr 2003 (20) Bien que non abordeacute dans

cette derniegravere deacutecision il surgit alors une question de conflit de lois et il est possible aussi

quintervienne lordre public

Mots cleacutes ADOPTION Adoption pleacuteniegravere Materniteacute de substitution Prohibition Deacutetournement de

linstitution

CONTRAT ET OBLIGATIONS Objet Illiceacuteiteacute Materniteacute de substitution Megravere

porteuse Filiation adoptive

Recueil Dalloz 2005 p 536

Droits et liberteacutes corporels

Panorama de la leacutegislation de la jurisprudence et des avis des instances eacutethiques

Jean-Christophe Galloux Professeur agrave luniversiteacute de Pantheacuteon-Assas (Paris II)

Responsable du Centre de droit meacutedical

Heacutelegravene Gaumont-Prat Professeur agrave luniversiteacute de Picardie-Jules Verne Membre du

Comiteacute national dEthique

Lessentiel

Les articles 16 agrave 16-13 du code civil qui consacrent le cadre du statut juridique du corps

humain depuis les lois dites laquo bioeacutethiques raquo du 29 juillet 1994 continuent deacutetendre leur

empire Les hypothegraveses quils ont vocation agrave reacutegir concernent autant les territoires

traditionnels de la biomeacutedecine que sont les tests et empreintes geacuteneacutetiques les procreacuteations

meacutedicalement assisteacutees ou des greffes dorganes pour ne citer que les principaux que des

champs nouveaux et parfois inattendus comme limage du corps le droit dasile

lassujettissement aux cotisations sociales ou les obligations scolaires Limportante reacutevision

des textes de 1994 par la loi ndeg 2004-800 du 6 aoucirct 2004 sest traduite par une eacuterosion de la

protection des droits et liberteacutes corporels individuels au profit de la liberteacute de la recherche

scientifique et des consideacuterations de solidariteacute comme en teacutemoigne notamment la deuxiegraveme

reformulation de larticle 16-3 relatif agrave linteacutegriteacute corporelle

I - Les donneacutees relatives au corps

A - Les tests et donneacutees geacuteneacutetiques

Les tests geacuteneacutetiques sont susceptibles de recouvrir diffeacuterentes finaliteacutes meacutedico-

professionnelles (meacutedecine curative preacutedictive preacutevention des risques professionnels) ou

sociales (emploi assurance) voire de deacutepistage preacutenatal (diagnostic preacutenatal et

preacuteimplantatoire) Leacutevolution observeacutee conduit agrave distinguer les tests geacuteneacutetiques qualifieacutes de

11

donneacutees personnelles ou de donneacutees de santeacute

1 - Donneacutees personnelles

Deux inteacuterecircts contradictoires sont pris en compte par le leacutegislateur ou les avis de diffeacuterentes

instances celui de la personne elle-mecircme et celui des tiers au titre de la solidariteacute sociale

a) La prise en compte de linteacuterecirct de la personne

1 Dans un souci de garantir un reacutegime juridique plus protecteur pour les personnes la loi ndeg

2004-800 du 6 aoucirct 2004 (art 4) relative agrave la bioeacutethique a proceacutedeacute agrave un toilettage des anciens

textes pour uniformiser les formulations retenues en remplaccedilant dans les diffeacuterents codes

concerneacutes (code civil code de la santeacute publique code peacutenal) lexpression laquo eacutetude geacuteneacutetique

des caracteacuteristiques raquo ou laquo meacutedecine preacutedictive raquo par laquo examen des caracteacuteristiques

geacuteneacutetiques raquo de la personne Sont ainsi modifieacutes larticle 16-10 du code civil les intituleacutes du

titre III du livre I de la premiegravere partie du code de la santeacute publique et la section 6 du chapitre

IV du titre II du code peacutenal

Deux raisons militaient en faveur de ce changement dune part la notion de meacutedecine

preacutedictive eacutetait trop eacutetroite car elle nautorisait pas le diagnostic dune maladie deacutejagrave deacuteclareacutee

Dautre part la terminologie preacuteceacutedemment utiliseacutee laquo eacutetude ou examen geacuteneacutetique des

caracteacuteristiques raquo dune personne est apparue trop restrictive Elle ne permettait pas de

garantir la protection de la personne agrave leacutegard dune eacuteventuelle utilisation abusive

dinformations geacuteneacutetiques obtenues agrave loccasion dinvestigations meacutedicales diverses non

speacutecifiquement geacuteneacutetiques comme par exemple une biopsie musculaire chez un myopathe de

Duchecircne leacutelectroforegravese de lheacutemoglobine pour le diagnostic de la dreacutepanocytose ou des

thalasseacutemies ou encore de lHLA 27 (selon le rapport de F Giraud Commission des Affaires

sociales Seacutenat 1re lecture ndeg 128 du 15 janv 2003 [2002-2003])

Le terme retenu agrave larticle 4 de loi vise agrave encadrer lensemble des examens de caractegravere

geacuteneacutetique et apparaicirct plus adapteacute agrave lobjectif de lencadrement fixeacute Une telle harmonisation

des terminologies utiliseacutees vient ainsi assurer la coheacuterence des pratiques

La loi a eacutegalement deacutecideacute de sanctionner peacutenalement outre le fait de proceacuteder agrave un examen

des caracteacuteristiques geacuteneacutetiques dune personne sans avoir recueilli preacutealablement son

consentement le fait de proceacuteder agrave un tel examen agrave des fins autres que meacutedicales ou de

recherche scientifique Les sanctions preacutevues agrave larticle 226-25 du code peacutenal demeurent

inchangeacutees un an demprisonnement et 15 000 euros damende

2 La loi ndeg 2004-800 du 6 aoucirct 2004 (art 5) met en exergue limportance accordeacutee agrave la

volonteacute en matiegravere dexamen des caracteacuteristiques geacuteneacutetiques dune personne la loi vient

compleacuteter la reacutedaction de larticle 16-10 alineacutea 2 en posant lexigence dun consentement

mieux encadreacute quauparavant et elle en organise ses modaliteacutes recueil du consentement

expregraves par eacutecrit reacutevocable sans forme agrave tout moment et eacuteclaireacute puisque la personne doit ecirctre

laquo ducircment informeacutee de sa nature et de sa finaliteacute lobligation dinformation devenant une des

conditions du recueil du consentement raquo (D Thouvenin La loi relative agrave la bioeacutethique ou

comment accroicirctre laccegraves aux eacuteleacutements biologiques dorigine humaine D 2005 Chron p

116 et p 172) La loi preacutevoit un nouvel article L 1131-1 au code de la santeacute publique qui

renvoie agrave ces dispositions preacuteciteacutees du code civil

3 La loi ndeg 2004-800 du 6 aoucirct 2004 (art 6) organise le reacutegime juridique des collections

deacutechantillons biologiques humains et des recherches geacuteneacutetiques mises en oeuvre agrave partir de

ces collections Cet article vise agrave concilier les droits des personnes preacuteleveacutees avec la neacutecessiteacute

12

de ne pas alourdir la tacircche des chercheurs dans des secteurs jugeacutes prometteurs Larticle L

1131-4 du code de la santeacute publique rappelle que la constitution et lutilisation de collections

deacutechantillons biologiques humains agrave des fins de recherche geacuteneacutetique relegravevent des dispositions

relatives agrave la conservation et agrave lutilisation des eacuteleacutements et produits du corps humain agrave des fins

de recherche scientifique et non des dispositions reacutegissant les recherches biomeacutedicales (telles

quissues de la loi Huriet)

4 Cest ensuite une protection renforceacutee agrave leacutegard des risques de discrimination lieacutes agrave la

reacutealisation de tests geacuteneacutetiques qui se voit affirmeacutee dans deux types de recommandations lune

europeacuteenne (Recommandations sur les implications des tests geacuteneacutetiques Office des

publications officielles des Communauteacutes europeacuteennes Bruxelles mai 2004) lautre

internationale (Elaboration de la Deacuteclaration relative agrave des normes universelles en matiegravere de

bioeacutethique quatriegraveme eacutebauche de texte CIB UNESCO 15 deacutec 2004)

Le principe de non-discrimination en raison des caracteacuteristiques geacuteneacutetiques avait deacutejagrave eacuteteacute

inscrit agrave larticle 16-13 du code civil lors de la loi ndeg 2002-303 du 4 mars 2002 et il figure

eacutegalement dans la plupart des textes internationaux consacreacutes agrave ce sujet la Convention

dOviedo la Deacuteclaration universelle sur le geacutenome humain ainsi que la Charte des droits

fondamentaux de lUnion europeacuteenne

b) La prise en compte de linteacuterecirct du tiers

Larticle L 1131-1 alineacuteas 3 4 et 5 du code de la santeacute publique issu de la loi du 6 aoucirct 2004

envisage linteacuterecirct de la famille agrave propos dun test geacuteneacutetique reacutealiseacute sur une personne et traite de

linformation geacuteneacutetique familiale A la suite dun test geacuteneacutetique reacuteveacutelant une anomalie

geacuteneacutetique pouvant entraicircner chez les autres membres de la famille le deacuteveloppement dune

mecircme pathologie la personne concerneacutee ou le meacutedecin ont-ils une obligation dans linteacuterecirct

des tiers den informer la famille Doit-on envisager une simple obligation morale ou la

responsabiliteacute du patient qui par son silence aurait empecirccheacute deacuteviter lapparition dune telle

maladie

Cette interrogation sinscrit dans le deacutebat contemporain qui se deacuteveloppe progressivement sur

linteacuterecirct du tiers qui pourrait lemporter sur linteacuterecirct de la personne elle-mecircme

Ce problegraveme a eacuteteacute souleveacute lors des travaux parlementaires devant le Seacutenat en premiegravere lecture

agrave loccasion de laudition du Professeur A Munnich (chef du service de geacuteneacutetique meacutedicale de

lhocircpital Necker - Enfants malades directeur de recherche agrave INSERM) devant la Commission

des Affaires sociales le 4 deacutecembre 2002 Celui-ci suggeacuterait de reacutefleacutechir aux implications du

secret meacutedical sur la santeacute des membres de la famille dune personne atteinte dune affection

geacuteneacutetique

La prise en compte de linteacuterecirct du tiers avait deacutejagrave eacuteteacute eacutevoqueacutee avec prudence dans un avis du

Comiteacute consultatif national deacutethique (avis ndeg 70 du 13 deacutec 2001 laquo Consentement en faveur

dun tiers raquo) Le consentement en faveur ou au profit dun tiers met en jeu et parfois en

concurrence plusieurs principes lautonomie de la personne la bienfaisance agrave leacutegard du

tiers et la solidariteacute Lavis ndeg 70 rappelait que le deacutepistage envisageacute peut concerner le sujet

index mais eacutegalement dautres personnes les diffeacuterents laquo tiers raquo viseacutes dans lavis cest le cas

de certaines maladies infectieuses transmissibles et geacuteneacutetiques La deacutecouverte dun portage

infectieux chez une personne peut avoir des conseacutequences directes sur lopportuniteacute dun

deacutepistage effectueacute chez une autre personne qui aurait eacuteteacute exposeacutee Il en est ainsi par exemple

en cas de viol ou dexposition dun soignant agrave une contamination par le sang

13

La transmission des donneacutees geacuteneacutetiques dune personne au beacuteneacutefice dun tiers dont la parenteacute

biologique avec le sujet est eacutetablie peut ecirctre solliciteacutee dans un cas plus geacuteneacuteral en vue de

lobtention dinformations geacuteneacutetiques familiales compleacutementaires pour avoir une

caracteacuterisation preacutecise des anomalies voire la recherche systeacutematique de mutation dans une

famille agrave partir dun cas princeps afin de mettre en eacutevidence un risque geacuteneacutetique susceptible

decirctre preacutevenu ou non Lavis ndeg 70 du 13 deacutecembre 2001 soulignait que linteacuterecirct du tiers peut

ecirctre la connaissance de son statut par rapport agrave cette anomalie geacuteneacutetique la possibiliteacute lui

eacutetant donneacutee de pouvoir entreprendre une surveillance preacuteventive ou de se soumettre agrave une

theacuterapeutique dans un but curatif ou encore de choisir de ne pas la transmettre agrave sa

descendance

A loccasion de la reacutevision des lois de bioeacutethique le Comiteacute consultatif national deacutethique fut

solliciteacute par le ministre de la Santeacute sur lopportuniteacute dinscrire dans la loi la notion

dinformation geacuteneacutetique familiale doit-on envisager lobligation pour une personne

dinformer son entourage familial si a eacuteteacute deacutecouverte chez elle une preacutedisposition ou

lexistence dune maladie geacuteneacutetique grave pouvant faire lobjet pour les autres membres de la

famille dun traitement etou dune preacutevention efficaces Lavis ndeg 76 rendu le 24 avril 2003

laquo A propos de lobligation dinformation geacuteneacutetique familiale en cas de neacutecessiteacute meacutedicale raquo

privileacutegiait le maintien du secret meacutedical

Les donneacutees geacuteneacutetiques personnelles beacuteneacuteficient dune double protection donneacutees de santeacute

elles sont couvertes par le secret meacutedical et faisant partie de la sphegravere dintimiteacute de chaque

individu elles sont proteacutegeacutees au mecircme titre que toutes les donneacutees agrave caractegravere personnel par

le droit au respect de la vie priveacutee inscrit au code civil

Le nouvel article L 1131-1 du code de la santeacute publique issu de larticle 5 de la loi du 6 aoucirct

2004 sinscrit au contraire dans un mouvement favorable agrave une supreacutematie de la notion de laquo

solidariteacute normative raquo sur lintangibiliteacute du droit agrave lintimiteacute Dans le cas dune anomalie

geacuteneacutetique grave en cas de diagnostic poseacute lors de lexamen des caracteacuteristiques geacuteneacutetiques

dune personne le meacutedecin se doit dinformer celle-ci des risques que son silence ferait courir

aux membres de sa famille dans les cas ougrave des mesures de preacutevention ou de soins peuvent ecirctre

proposeacutees agrave ceux-ci Le texte preacutevoit une alternative laisseacutee agrave la personne concerneacutee soit elle

informe elle-mecircme les membres de sa famille soit elle opte pour la proceacutedure de

linformation meacutedicale agrave caractegravere familial expliciteacutee agrave larticle L 1131-1 du code de la santeacute

publique Les formaliteacutes de la transmission de linformation sont clairement deacutefinies Le

patient qui refuse agrave la fois de preacutevenir les membres de sa famille et de souscrire agrave la proceacutedure

de linformation meacutedicale agrave caractegravere familial ne va-t-il pas engager sa responsabiliteacute (V J-

R Binet La loi relative agrave la bioeacutethique Dr fam oct 2004 6 s)

2 - Donneacutees de santeacute

()

B - Les empreintes geacuteneacutetiques

Les empreintes geacuteneacutetiques moyen didentification des personnes font lobjet dun

encadrement speacutecifique selon le domaine viseacute civil ou peacutenal

1 - En matiegravere civile

1 Lidentification dune personne par ses empreintes geacuteneacutetiques est autoriseacutee par la loi agrave titre

de preuve judiciaire en matiegravere civile elle peut ecirctre ordonneacutee par le juge comme mesure

dinstruction dans certains procegraves mettant en jeu des actions relatives agrave la filiation ou des

14

actions agrave fins de subsides sous reacuteserve du recueil preacutealable expregraves du consentement de

linteacuteresseacute

Une deacutecision de la Cour dappel dAgen du 25 mars 2004 est rendue en application de larticle

16-11 alineacutea 2 du code civil dans le cadre dune action agrave fins de subsides La cour retient que

laquo sil ne peut ecirctre contesteacute que chacun a le droit au respect de son inteacutegriteacute physique larticle

16-11 du code civil preacutevoit expresseacutement lidentification dune personne au moyen de

lempreinte geacuteneacutetique [] raquo A deacutefaut davoir pu obtenir le consentement du deacutefendeur rendu

obligatoire par le mecircme texte la cour retient que si laquo les premiers juges deacutecidaient ainsi

justement que sil ne pouvait pas ecirctre fait grief agrave B de refuser une telle mesure leacutegale il

pouvait ecirctre tireacute toutes les conseacutequences de ce refus [] raquo La solution retenue est classique

Elle vient reacuteaffirmer le poids reconnu au recueil du consentement en matiegravere de respect du

corps humain et de linteacutegriteacute physique cette mesure ne peut ecirctre exeacutecuteacutee de force ou sous

astreinte En cas de refus le reacutegime geacuteneacuteral des mesures dinstruction est applicable en vertu

de larticle 11 alineacutea 1er et 198 du nouveau code de proceacutedure civile

Quen est-il du consentement sagissant de la demande de preacutelegravevement post-mortem

Le deuxiegraveme alineacutea de larticle 16-11 du code civil a eacuteteacute modifieacute par la loi du 6 aoucirct 2004

pour interdire toute identification post-mortem par empreintes geacuteneacutetiques en matiegravere civile

sauf accord expregraves manifesteacute de son vivant par la personne deacuteceacutedeacutee

Cette disposition destineacutee agrave renforcer la prise en compte de la volonteacute de la personne vient

mettre un terme agrave la question du preacutelegravevement post-mortem ordonneacute par une mesure judiciaire

dans le silence de la loi de 1994 la doctrine et la jurisprudence eacutetaient diviseacutees sur

linterpreacutetation agrave donner agrave lancien article 16-11 du code civil que laffaire Montand avait

meacutediatiseacute

Selon une premiegravere approche la reacutedaction de larticle 16-11 exigeait le consentement

preacutealable de la personne concerneacutee et ne pouvait sappliquer degraves lors agrave un deacutefunt le respect

ducirc aux morts sy opposait (CA Paris 17 deacutec 1998 D 1999 Jur p 476 note B Beignier 6

nov 1997 D 1998 Jur p 122 note P Malaurie Somm p 161 obs H Gaumont-Prat P

Malaurie et H Fulchiron Defreacutenois 2004 ndeg 821 p 333)

Selon une seconde approche lobligation de consentir fixeacute par larticle 16-11 ne concernait

que les vivants et il appartenait aux tribunaux den appreacutecier lopportuniteacute sagissant des

personnes deacuteceacutedeacutees (P Catala La jeune fille et le mort Dr fam 1997 Chron ndeg 12 J

Massip Defreacutenois 2002 art 37478)

2 Le juge des reacutefeacutereacutes peut-il ordonner une mesure dinstruction sur le fondement de larticle

145 du nouveau code de proceacutedure civile

Il a deacutejagrave eacuteteacute jugeacute que le juge des reacutefeacutereacutes ne peut sur le fondement de larticle 145 du nouveau

code de proceacutedure civile ordonner une mesure dinstruction tendant agrave lidentification dune

personne par ses empreintes geacuteneacutetiques mecircme avec laccord des parties (TGI Toulouse 25

janv 1995 Gaz Pal 1995 2 p 361 note Olivier CA Riom 19 juin 1997 D 1999 Somm

p 333 obs H Gaumont-Prat)

Avant le vote des lois de bioeacutethique de 1994 en matiegravere de filiation la Cour de cassation

(Cass 1re civ 4 mai 1994 Bull civ I ndeg 159 D 1994 Jur p 545 note J Massip D

1995 Somm p 113 obs F Granet-Lambrechts ) avait admis la possibiliteacute de recourir au

15

reacutefeacutereacute probatoire in futurum preacutevu agrave larticle 145 du nouveau code de proceacutedure civile pour

une expertise sanguine ou geacuteneacutetique degraves lors que se trouvaient respecteacutees les conditions

poseacutees par le texte (absence de procegraves au fond motif leacutegitime recherche ou conservation des

preuves) En lespegravece le demandeur faisait eacutetat de son inteacuterecirct leacutegitime en vue dappreacutecier les

chances de succegraves dune action en contestation de paterniteacute quil souhaitait intenter et

soulignait le risque de deacutepeacuterissement des preuves

Depuis 1994 la leacutegaliteacute dune mesure dinstruction destineacutee agrave eacutetablir la reacutealiteacute biologique de la

filiation gracircce aux empreintes geacuteneacutetiques est soumise agrave certaines conditions larticle 16-11

du code civil issu des lois bioeacutethiques de juillet 1994 se montre plus restrictif et pose

lexigence que la mesure dinstruction soit ordonneacutee par laquo le juge saisi dune action tendant

soit agrave leacutetablissement ou la contestation [] raquo formulation qui semble exclure de ce domaine

la proceacutedure de reacutefeacutereacute car seule une action au fond permettrait au juge dordonner une telle

mesure

Une deacutecision de la Cour dappel de Montpellier rappelle cette diffeacuterence de reacutegime pour

ordonner lexpertise biologique solliciteacutee dans le cadre dune action en reacutefeacutereacute aux motifs que laquo

la mesure dexpertise ne peut porter que sur des preacutelegravevements sanguins et non sur des

empreintes geacuteneacutetiques ces derniegraveres ne pouvant ecirctre ordonneacutees que par le seul juge saisi de

laction conformeacutement agrave larticle 16-11 du code civil raquo

Sachant que lexamen compareacute des sangs permet de donner des reacutesultats relativement fiables

en matiegravere de filiation au moins agrave titre indicatif permettant dappreacutecier les chances de succegraves

dune action en contestation ou en eacutetablissement de paterniteacute on peut degraves lors sinterroger sur

la peacuterenniteacute de cette dualiteacute de reacutegime Ne conviendrait-il pas de modifier les imperfections

reacutedactionnelles de larticle 16-11 alineacutea 2 pour autoriser eacutegalement le recours agrave la proceacutedure

de reacutefeacutereacute

3 La loi ndeg 2004-800 du 6 aoucirct 2004 (art 5) a modifieacute les conditions de lidentification dune

personne par ses empreintes geacuteneacutetiques agrave des fins meacutedicales ou de recherche scientifique

Comme pour lexamen des caracteacuteristiques geacuteneacutetiques agrave larticle 2 il sagit de garantir un

reacutegime du consentement plus protecteur pour les personnes et le texte reprend en partie la

teneur de larticle 16-10 en matiegravere dexamen des caracteacuteristiques geacuteneacutetiques recueil du

consentement expregraves par eacutecrit et preacutealable agrave la reacutealisation de lidentification reacutevocable sans

forme et agrave tout moment consentement eacuteclaireacute par lexigence de la communication de sa

finaliteacute

Le renforcement des droits de la personne saccompagne dun dispositif relatif aux conditions

dagreacutement aux fins de proceacuteder agrave lidentification dune personne agrave des fins meacutedicales ou agrave des

fins de recherche scientifique fixeacute par larticle L 1131-3 issu de la loi du 6 mai 2004

De la mecircme faccedilon un encadrement strict des conditions dagreacutement en matiegravere judiciaire est

mis en place avec le deacutecret ndeg 2004-471 du 25 mai 2004 qui vient modifier le deacutecret ndeg 97-

109 du 6 feacutevrier 1997 relatif aux conditions dagreacutement des personnes habiliteacutees agrave proceacuteder agrave

des identifications par empreintes geacuteneacutetiques dans le cadre dune proceacutedure judiciaire

1 - En matiegravere peacutenale

Un arrecirct de la Chambre criminelle de la Cour de cassation (22 juin 2004 Bull crim ndeg 164)

vient preacuteciser lapplication de larticle 706-56 du code de proceacutedure peacutenale issu de la loi ndeg

2001-1062 du 15 novembre 2001 (art 56 JO du 16 nov 2001) modifieacutee ensuite par la loi ndeg

2003-239 du 18 mars 2003 (art 29 JO du 19 mars 2003) et par la loi ndeg 2004-204 du 9 mars

16

2004 (art 49 JO du 10 mars 2004) en matiegravere dempreintes geacuteneacutetiques aux fins

didentification en matiegravere peacutenale Ce texte preacutevoit que le fait pour une personne

deacutefinitivement condamneacutee pour une des infractions viseacutees agrave larticle 706-55 de refuser de se

soumettre agrave un preacutelegravevement biologique destineacute agrave permettre lanalyse didentification de son

empreinte geacuteneacutetique est passible de sanctions peacutenales En lespegravece un homme condamneacute pour

viol avait refuseacute de se soumettre agrave un preacutelegravevement biologique en vue de son inscription au

fichier des empreintes geacuteneacutetiques et preacutetendait que le texte susviseacute ne sappliquait quaux

personnes deacutefinitivement condamneacutees apregraves son entreacutee en vigueur La cour dappel ne suit pas

cette argumentation et la Cour de cassation rejette le pourvoi aux motifs que ce texte

dapplication immeacutediate concerne toutes les personnes dont un preacutelegravevement est requis mecircme

si la condamnation est anteacuterieure agrave la loi

Les mesures viseacutees par ce texte sinscrivent dans la mise en place et le fonctionnement du

FNAEG le fichier national automatiseacute des empreintes geacuteneacutetiques destineacute notamment agrave

conserver dans un traitement automatiseacute les empreintes geacuteneacutetiques de lensemble des

personnes condamneacutees pour infractions sexuelles (Circ CRIM 00-8 F1 du 10 oct 2000 et

CRIM 01-15 E6 du 20 juill 2001) Un deacutecret ndeg 2004-470 du 25 mai 2004 modifiant le code

de proceacutedure peacutenale (2e partie deacutecrets en Conseil dEtat) relatif au fichier national

automatiseacute des empreintes geacuteneacutetiques vient compleacuteter le dispositif

C - Limage du corps

Limage du corps ou lapparence corporelle est classiquement proteacutegeacutee par le droit agrave limage

deacutecoulant de larticle 9 du code civil consacrant le droit au respect de la vie priveacutee et qualifieacute

de droit de la personnaliteacute (P Kayser in Meacutelanges Roubier p 73 T Hassler note sous TGI

Paris 15 avr 1987 D 1987 Jur p 551 F Dessemontet Le droit agrave sa propre image droit de

la personnaliteacute ou droit de la publiciteacute Meacutelanges en lhonneur de J-M Grossen) Cest le

droit pour toute personne dinterdire aux tiers la reproduction et la publication de son image

Limage du corps peut ecirctre appreacutehendeacutee de maniegravere plus originale par le recours agrave larticle 16

comme sinscrivant dans le domaine du droit au respect du corps humain et essentiellement

dans celui du respect de la digniteacute de la personne humaine On observe que le principe du

droit au respect du corps est proclameacute par le leacutegislateur en des termes semblables agrave ceux de

larticle 9 du code civil visant le respect de la vie priveacutee Il est vrai que laquo corps et vie priveacutee

repreacutesentent les deux faces de lintimiteacute dune personne raquo (J-C Galloux Le corps humain

dans le code civil in 1804-2004 Le code civil Un passeacute un preacutesent un avenir Dalloz 2004

p 381) Le recours agrave la notion de digniteacute de la personne humaine a eacuteteacute solliciteacute degraves 2001 dans

laffaire du preacutefet Erignac pour sanctionner la reproduction dans la presse de limage de son

cadavre (Cass 1re civ 20 deacutec 2000 J-P Gridel Retour sur limage du preacutefet assassineacute

digniteacute de la personne humaine et liberteacute de linformation dactualiteacute D 2001 Chron p 872

Jur p 885 Somm p 1990 obs A Lepage RTD civ 2001 p 329 obs J Hauser JCP

2001 II 10488 note J Ravanas)

1 Une deacutecision de la Cour dappel de Paris (1re ch B 23 sept 2004) consacre cette solution

en retenant que la liberteacute dexpression eacutetant une liberteacute fondamentale agrave valeur

constitutionnelle proteacutegeacutee par la Convention europeacuteenne des droits de lhomme et la

Deacuteclaration des droits de lhomme et du citoyen ses abus peuvent seulement ecirctre poursuivis

au nom dautres principes agrave valeur constitutionnelle comme le droit agrave reacuteparation de tout

preacutejudice subi ou la protection de la digniteacute de lhomme preacutevue par larticle 16 du code civil

2 Une deacutecision de la deuxiegraveme Chambre civile de la Cour de cassation (4 nov 2004) vient

confirmer cette dualiteacute Il sagissait en lespegravece dune photographie dun jeune homme de 17

17

ans gisant inanimeacute et agrave demi deacutevecirctu le visage ensanglanteacute victime dun accident de la

circulation alors quil pilotait un scooter Le clicheacute avait eacuteteacute pris par un hebdomadaire agrave grand

tirage pour illustrer un article intituleacute laquo Routes la guerre oublieacutee raquo consacreacute aux accidents de

la route

Les parents de ladolescent deacuteceacutedeacute des suites de laccident avaient assigneacute la socieacuteteacute eacuteditrice

de lhebdomadaire en reacuteparation arguant dune atteinte agrave la digniteacute de la personne ainsi

repreacutesenteacutee Les juges du fond avaient fait droit agrave la demande aux motifs que la liberteacute

dinformer revendiqueacutee par leacutediteur ne devait pas preacutevaloir sur le respect des droits de

lindividu sagissant dun article consacreacute agrave un pheacutenomegravene de socieacuteteacute La jurisprudence en la

matiegravere consacre en effet la liberteacute de communication des informations ainsi que la

publication dimages de personnes impliqueacutees dans un eacuteveacutenement sagissant deacuteveacutenements

dactualiteacute voire mecircme de faits dactualiteacute (Cass 2e civ 30 juin 2004 D 2004 IR p 2478

JCP 2004 II 10160 note D Bakouche) sous la seule reacuteserve du respect de la digniteacute

humaine (not absence de recherche du sensationnel et toute indeacutecence Cass 1re civ 20

feacutevr 2001 D 2001 Jur p 1199 note J-P Gridel Somm p 1990 obs A Lepage RTD civ

2001 p 329 note J Hauser Dr et patrimoine juin 2001 p 96 note G Loiseau 12 juill

2001 D 2002 Jur p 1380 note C Bigot Somm p 2298 obs L Marino RTD civ 2001

p 852 obs J Hauser JCP 2002 II ndeg 10152 note J Ravanas) Les diffeacuterentes deacutecisions

sont rendues au regard de latteinte agrave la vie priveacutee et du droit agrave limage sur le fondement de

larticle 9 (Cass 2e civ 5 mars 1997 D 1998 Jur p 474 note J Ravanas RTD civ 1997

p 396 obs J Hauser CA Versailles 31 janv 2002 Bull inf C cass 1er oct 2002 ndeg 983

D 2003 Somm p 1533 obs C Caron) voire sur le fondement de larticle 10 de la

Convention europeacuteenne des droits de lhomme (CEDH 3e sect 26 feacutevr 2002 Krone Verlag

c Austria req ndeg 34315)

Dans larrecirct susviseacute la Cour de cassation casse la deacutecision au visa des articles 10 de la

Convention europeacuteenne 9 et 16 du code civil Rappelant que laquo le principe de la liberteacute de la

presse implique le libre choix des illustrations dun deacutebat geacuteneacuteral de pheacutenomegravene de socieacuteteacute

sous la seule reacuteserve du respect de la digniteacute de la personne humaine [] raquo elle reproche agrave la

cour dappel de ne pas avoir laquo caracteacuteriseacute latteinte porteacutee par celle-ci [la photographie

litigieuse] agrave la digniteacute de la victime [] raquo

Le recours agrave larticle 16 du code civil selon lequel laquo la loi interdit toute atteinte agrave la digniteacute raquo

de la personne teacutemoigne de la proximiteacute des notions dimage (traditionnellement inscrite dans

le droit au respect de la vie priveacutee) et dapparence corporelle dont on perccediloit le lien avec la

notion de droit au respect du corps humain gouverneacute par larticle 16-1 prolongeant la

protection plus geacuteneacuterale fondeacutee sur la digniteacute inscrite agrave larticle 16 du code civil Nexiste-t-il

pas degraves lors une veacuteritable attraction de ces deux regravegles Les deux protections coexistent se

complegravetent et devraient favoriser le renforcement de la protection de limage de la personne

II - Le corps ses eacuteleacutements et ses produits

A - Regravegles geacuteneacuterales relatives au statut du corps humain

A leacutepoque contemporaine le corps humain devient de plus en plus un lieu de conflits

Conflits entre des normes juridiques de valeur comparable - autonomie de la volonteacute contre

solidariteacute sociale digniteacute des personnes contre liberteacute de la science - mais eacutegalement et de

maniegravere plus fondamentale conflits susciteacutes par des approches philosophiques et morales

diffeacuterentes sinon opposeacutees du corps humain Approches judeacuteo-chreacutetiennes qui le sacralisent

en linscrivant dans le mystegravere de lincarnation mateacuterialistes qui en nient la transcendance

utilitaristes precirctes agrave le sacrifier pour le bien-ecirctre collectif libertaires ou heacutedonistes qui

exaltent la liberteacute de lindividu agrave lencontre des contingences biologiques ou nen font que

18

linstrument de satisfaction des deacutesirs Le droit biomeacutedical se ressent de ces laquo oscillations de

la morale raquo (J Carbonnier Droit et passion du droit sous la Ve Reacutepublique Flammarion

1996 p 116) au risque de perdre peu agrave peu sa coheacuterence En teacutemoigne lapplication parfois

heacutesitante parfois jupiteacuterienne et souvent gecircneacutee des principes geacuteneacuteraux qui gouvernent le

statut du corps humain la protection de linteacutegriteacute corporelle et surtout lindisponibiliteacute ou

lextra-commercialiteacute du corps

1 - Protection de linteacutegriteacute corporelle

1 La loi du 6 aoucirct 2004 a modifieacute larticle 16-3 du code civil en ajoutant agrave la neacutecessiteacute laquo

meacutedicale raquo justifiant latteinte agrave linteacutegriteacute corporelle laquo agrave titre exceptionnel dans linteacuterecirct

theacuterapeutique dautrui raquo (art 9) Cette nouvelle extension de laccegraves aux ressources

biologiques corporelles au deacutetriment des droits de lindividu sur son corps (la premiegravere a eacuteteacute

consacreacutee par la loi ndeg 99-641 du 27 juill 1999 art 70 qui avait deacutejagrave substitueacute au terme laquo

theacuterapeutique raquo celui de laquo meacutedicale raquo afin de contrer linterpreacutetation neacutecessairement eacutetroite

quen avait fait la Cour de cassation dans son avis du 6 juill 1998 [D 1998 IR p 208 RTD

civ 1998 p 881 obs J Hauser] consideacuterant contraires agrave lart 16-3 les atteintes agrave linteacutegriteacute

du corps meneacutees agrave des fins purement contraceptives comme la ligature des trompes de Fallope

de telles atteintes sont deacutesormais licites car obeacuteissant agrave une finaliteacute meacutedicale mecircme si elles

tendent plus agrave preacutevenir ou agrave gueacuterir une maladie une grossesse neacutetant par elle-mecircme une

maladie) a davantage pour but dharmoniser les dispositions du code civil et celles du code de

la santeacute publique les preacutelegravevements reacutealiseacutes aux fins de greffes sur autrui ne pouvaient

certainement pas entrer dans les preacutevisions du texte dans sa reacutedaction anteacuteceacutedente Avec

lextension continue de la cateacutegorie des donneurs vivants (afin de pallier le deacuteficit chronique

de greffons en France cf infra) cette disposition est promise agrave un bel avenir (JOAN CR 2e

seacuteance 16 janv 2002)

2 Le titre III de la loi du 6 aoucirct 2004 apporte par ailleurs des modifications importantes agrave

larchitecture des preacutelegravevements deacuteleacutements du corps humain et par voie de conseacutequence aux

conditions dans lesquelles il peut ecirctre porteacute atteinte agrave linteacutegriteacute corporelle des donneurs

- lacte de preacutelegravevement est deacutesormais qualifieacute dlaquo acte de soin raquo au sens des articles L 1142-1

et suivants du code de la santeacute publique relatifs aux risques sanitaires reacutesultant du

fonctionnement du systegraveme de santeacute issus de la loi du 4 mars 2002 ce qui devrait ameacuteliorer

lindemnisation des victimes en cas daccident lors du preacutelegravevement

- le cercle des donneurs est eacutelargi (art L 1231-1 al 1er c santeacute publ)

- les modaliteacutes de recueil du consentement sont renforceacutees (mecircme art al 3)

- les finaliteacutes des preacutelegravevements sont mieux deacutefinies (par ex pour le sang art L 1211-8-1 c

santeacute publ) le patient pouvant controcircler une nouvelle utilisation des eacuteleacutements preacuteleveacutes

initialement pour dautres buts (not art L 1241-1 c santeacute publ) Les patients peuvent

eacutegalement sopposer agrave lutilisation des produits dexeacuteregravese et du placenta (art L 1235-2 et

1245-2 c santeacute publ) Pour les preacutelegravevements sur personne deacuteceacutedeacutee la regravegle mal veacutecue et

contourneacutee du consentement est ameacutelioreacutee obligeant le meacutedecin agrave recueillir aupregraves de ses

proches une eacuteventuelle opposition exprimeacutee par le deacutefunt de son vivant (art L 1232-1 c

santeacute publ) les proches se voyant reconnaicirctre le droit de connaicirctre les preacutelegravevements effectueacutes

3 Nonobstant les appels aux dons la peacutenurie de greffons saggrave en France selon

lEtablissement franccedilais des greffes qui constate une baisse des preacutelegravevements dorganes

(communiqueacute du 8 avr 2004) ce qui conduit lAcadeacutemie de meacutedecine agrave reacuteclamer de

19

nouvelles modifications reacuteglementaires afin dassouplir les regravegles de seacutelection des donneurs

(communiqueacute du 11 mai 2004) Cette situation ne doit toutefois pas conduire agrave des

discriminations ignoreacutees de la reacuteglementation sanitaire et contraires agrave notre tradition juridique

larrecirct du Conseil dEtat du 30 avril 2004 sen fait leacutecho En lespegravece un ressortissant

marocain en situation irreacuteguliegravere atteint dune grave insuffisance reacutenale chronique et inscrit

sur la liste des receveurs de greffes dorganes en vue dune transplantation reacutenale se voit

notifier une mesure de reconduite agrave la frontiegravere sur le fondement de larticle 25 de

lordonnance du 2 novembre 1945 Larrecircteacute deacutecidant cette reconduite est annuleacute comme

entacheacute dune erreur manifeste dappreacuteciation des conseacutequences de cet arrecircteacute sur la situation

personnelle de linteacuteresseacute car il ne pouvait pas beacuteneacuteficier dune opeacuteration de transplantation

dans son pays dorigine Peut-on voir dans cette solution tregraves humaine une application preacutecoce

du principe nouvellement inscrit dans le nouvel article L 1231-1 A c) du code de la santeacute

publique qui impose le respect du principe deacutequiteacute dans les regravegles de reacutepartition et

dattribution des greffons

4 La question des soins imposeacutes suscite toujours des questions deacutelicates autant sur un plan

humain quun plan juridique Le droit pour le patient majeur de donner lorsquil se trouve en

leacutetat de lexprimer son consentement agrave un traitement meacutedical comme le rappelle lalineacutea 2 de

larticle 16-3 revecirct le caractegravere dune liberteacute fondamentale (CE ord reacutef 16 aoucirct 2002 D

2004 Somm p 602 obs J Penneau RTD civ 2002 p 781 obs J Hauser) Larticle L

1111-4 du code de la santeacute publique tel quissu de la loi du 4 mars 2002 sur le droit des

malades prescrit que le pouvoir de deacutecision sexerce avec le professionnel de santeacute compte

tenu des informations et des preacuteconisations quil lui fournit le meacutedecin ne dispose plus

deacutesormais que dun pouvoir de conseil qui lui interdit de passer outre la volonteacute du patient

mecircme en cas durgence vitale Le meacutedecin doit respecter la volonteacute de la personne apregraves

lavoir informeacutee des conseacutequences de ses choix (il nest dailleurs pas obligeacute de la convaincre

Cass 1re civ 18 janv 2000 D 2001 Jur p 3559 note M-L Mathieu-Izorche) aucun acte

ni aucun traitement ne peut ecirctre pratiqueacute sans le consentement libre et eacuteclaireacute de la personne

consentement quelle peut retirer agrave tout moment Toutefois parmi les soins imposeacutes les

obligations de vaccination tiennent une place particuliegravere Bien accepteacutees par le public

lorsquelles furent introduites pour lutter contre des eacutepideacutemies dont chacun pouvait mesurer

autour de soi les effets deacutevastateurs (la premiegravere vaccination obligatoire remonte agrave la loi du 15

feacutevr 1902 F Moderne Le reacutegime juridique des vaccinations obligatoires AJDA 1965 p

195) ces mesures autoritaires encore nombreuses (contre la diphteacuterie art L 3111-1 c santeacute

publ le teacutetanos art L 3111-2 c santeacute publ la poliomyeacutelite art L 3111-3 c santeacute publ

la tuberculose art L 3111-4 c santeacute publ) sont aujourdhui contesteacutees au nom de la liberteacute

individuelle alors que ces grandes pandeacutemies ont peu agrave peu replieacute leurs ailes de mort sur

notre pays du moins Dans un arrecirct dAssembleacutee du 3 mars 2004 (Association Liberteacute

Information Santeacute RFDA 2004 p 581 concl comm du gouv G Le Chatelier AJDA

2004 p 971) le Conseil dEtat a eu loccasion de preacuteciser les pouvoirs reacuteglementaires dont

peut disposer le ministre de la Deacutefense pour imposer certaines vaccinations obligatoires

contrairement aux conclusions du commissaire du gouvernement il a admis que le ministre de

la Deacutefense en tant que chef de service peut imposer des vaccinations aux militaires placeacutes

sous son autoriteacute Si le principe dinteacutegriteacute du corps ne constitue pas en lui-mecircme un principe

agrave valeur constitutionnelle il concourt toutefois agrave assurer le respect du principe constitutionnel

de sauvegarde de la digniteacute de la personne humaine (Cons const 27 juill 1994 RJC p 100

B Edelman Le Conseil constitutionnel et lembryon D 1995 Chron p 205 Jur p 237 note

B Mathieu Somm p 299 obs L Favoreu) Cette expression essentielle et incarneacutee de la

liberteacute individuelle doit ecirctre concilieacutee avec des impeacuteratifs sociaux de santeacute dont la valeur nest

pas moindre La Haute juridiction administrative avait deacutejagrave eu loccasion de preacuteciser que les

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dispositions imposant des vaccinations obligatoires si elles ont pour effet de porter une

atteinte limiteacutee aux principes dinviolabiliteacute et dinteacutegriteacute du corps humain voient leur mise en

oeuvre justifieacutee dans le but dassurer la protection de la santeacute dont le principe se trouve garanti

par le Preacuteambule de la Constitution de 1946 et sont proportionneacutees agrave cet objectif (CE 26 nov

2001 ALIS req ndeg 222741 RFDA 2002 p 65 concl comm du gouv S Boissard) Cest

normalement agrave la loi quil revient darbitrer entre ces deux principes Dans une autre affaire

(CA Pau 19 mars 2002 Dr fam 2004 ndeg 137 obs M S) des parents avaient eacuteteacute

condamneacutes agrave des peines contraventionnelles pour avoir soustrait leurs enfants agrave lobligation

vaccinale pour des raisons religieuses Ces deacutecisions ont eacuteteacute rendues alors que la loi du 4 mars

2002 sur le droit des patients neacutetait pas entreacutee en vigueur le renforcement de la liberteacute du

patient serait-elle de nature agrave assouplir les obligations vaccinales La jurisprudence de la

Cour europeacuteenne des droits de lhomme semble aller en ce sens (CEDH 9 juill 2002 ndeg

4219798 Salvetti c Italie une vaccination obligatoire en tant que traitement meacutedical non

volontaire constitue une ingeacuterence dans le droit au respect de la vie priveacutee reconnu par lart 8

sect 1 Conv EDH) Quil nous soit permis deacutemettre des reacuteserves sauf agrave ruiner toute la politique

de preacutevention mise en place par les autoriteacutes sanitaires depuis un siegravecle et dont les effets

salutaires ne sont pas contestables la reacutesistance des juridictions administratives qui sous-tend

larrecirct dAssembleacutee rapporteacute face aux derniers avatars dun certain extreacutemisme libertarien

dont le corps devient le bastion (pour un bon exposeacute de ces thegraveses Onfray Feacuteeacuteriques

anatomiques geacuteneacutealogie du corps faustien Grasset-Fasquelle 2003) montre que lhypothegravese

est ici bien diffeacuterente dun simple refus de soin comme dans le cas des transfusions elles ne

mettent en jeu que la vie du patient (sur cette derniegravere question B Mathieu De la difficulteacute

de choisir entre la liberteacute et la vie RGDM 2003 ndeg 9 p 97 A Garay Volonteacutes et liberteacutes

dans la relation meacutedecin-malade la mise agrave leacutepreuve des articles 16-3 du code civil et L

1111-4 du code de la santeacute publique RGDM 2003 ndeg 10 p 143)

5 Moins sujet agrave deacutebat larrecirct rendu par la Cour europeacuteenne (22 juill 2003 req ndeg 2420994

RD publ 2004 ndeg 3 p 826 note C Picheral) qui condamne la Turquie pour ingeacuterence dans

le droit au respect de la vie priveacutee reconnu par larticle 8 sect 1 de la Convention europeacuteenne

Dans cette affaire la plaignante avait subi un examen gyneacutecologique forceacute destineacute agrave prouver

agrave lissue de sa garde agrave vue quelle navait pas subi de violences sexuelles La Cour europeacuteenne

qui integravegre deacutesormais le respect du corps humain dans la sphegravere de la vie priveacutee fait ici une

application logique de larticle 8 dans la ligne de la jurisprudence preacuteceacutedemment citeacutee

2 - Indisponibiliteacute et extra-patrimonialiteacute du corps humain

6 Le principe dextra-patrimonialiteacute du corps humain se trouve repris par les articles 16-1

alineacutea 3 16-5 et 16-6 du code civil quil est parfois difficile de distinguer du principe

dindisponibiliteacute du corps humain que la jurisprudence fonde sur larticle 1128 du mecircme code

(Cass ass pleacuten 31 mai 1991 D 1991 Jur p 417 rapp Y Chartier note D Thouvenin) Si

la qualification dindisponibiliteacute a eacuteteacute eacutecarteacutee du vocabulaire des lois de 1994 et de 2004

comme par la doctrine dominante pour cause dambiguiumlteacute (D Fenouillet Respect et protection

du corps humain J-Cl civil art 16 agrave 16-12 fasc 12 ndeg 134 s) la jurisprudence y revient

parfois pour affirmer que le corps nest pas une chose dans le commerce Larrecirct de la Cour

dappel de Paris du 16 mai 2003 reacuteforme sur ce point un jugement du Tribunal des affaires de

seacutecuriteacute sociale de Paris du 5 juillet 2001 qui avait agrave tort exoneacutereacute une prostitueacutee du paiement

de la cotisation dallocations familiales des travailleurs indeacutependants au motif quanalyser une

activiteacute sexuelle reacutemuneacutereacutee comme un travail reviendrait agrave admettre que le commerce du

corps humain est leacutegal alors que leacutegaliser ce commerce aboutit agrave nier et agrave rejeter le principe

dindisponibiliteacute du corps humain La cour rappelle agrave bon droit que le commerce des relations

sexuelles nest pas en soi illicite seules eacutetant interdites certaines conditions dexercice de cette

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activiteacute en tant quelles conduiraient aux infractions de racolage et de proxeacuteneacutetisme Affirmer

que lactiviteacute en cause na aucun lien avec lindisponibiliteacute du corps humain a quelque chose

de surreacutealiste le fait quelle ne soit pas peacutenalement reacuteprimeacutee nempecircche pas le caractegravere

illicite du contrat passeacute entre la prostitueacutee et son client (dans ce sens pour la nulliteacute dune

assurance souscrite par un proxeacutenegravete contre les accidents corporels freacutequents dans ce genre

dactiviteacutes CA Paris 22 janv 1992 Juris-Data ndeg 020308) Reste la justification de la

deacutecision par la relative autonomie du droit des prestations sociales larticle R 241-2 du code

de la seacutecuriteacute sociale vise toutes les activiteacutes non salarieacutees mecircme de caractegravere accessoire La

Chambre sociale de la Cour de cassation a deacutejagrave admis la prostitution au titre de ces activiteacutes

(18 mai 1995 D 1996 Somm p 38 obs X Preacutetot) eacutecarter les activiteacutes de prostitution de

lassiette des cotisations sociales ne serait-ce pas les encourager davantage au risque pour

lEtat de reprendre agrave son compte le ceacutelegravebre adage de Vespasien

7 Nous rappellerons encore larrecirct rendu par la premiegravere Chambre civile le 9 deacutecembre 2003

confirmant le rejet de ladoption pleacuteniegravere par la femme du pegravere dune enfant qui est le fruit

dune convention de megravere porteuse Lamie dun couple steacuterile avait accepteacute en 1987

dabandonner agrave sa naissance sans indication de filiation maternelle lenfant conccedilu des relations

intimes quelle avait eues avec leacutepoux La demanderesse au pourvoi soutenait que lilliceacuteiteacute de

la convention neacutetait pas eacutetablie par la jurisprudence et par la loi au moment des faits et quil

fallait prendre en consideacuteration pour ladoption pleacuteniegravere les douze anneacutees passeacutees par lenfant

aupregraves delle les inteacuterecircts de ce dernier primant la neacutecessiteacute de sanctionner la convention La

Cour de cassation confirmant sa jurisprudence du 31 mai 1991 (preacutec) et du 29 juin 1994 (D

1994 Jur p 581 note Y Chartier) rappelle laquo que la materniteacute pour autrui dont le caractegravere

illicite se deacuteduit des principes geacuteneacuteraux du code civil et aujourdhui de son article 16-7

reacutealise un deacutetournement de linstitution de ladoption que les premiers juges ont agrave bon droit

refuseacute raquo Prudemment la Haute juridiction neacutevoque pas la notion dindisponibiliteacute cet laquo

imaginaire de la doctrine raquo (M Gobert Reacuteflexions sur les sources du droit et les principes

dindisponibiliteacute du corps humain et de leacutetat des personnes RTD civ 1992 p 489) pour se

contenter logiquement de viser larticle 16-7 qui a vocation agrave sappliquer mecircme si le contrat

reste secret la graviteacute du vice initial de la materniteacute pour autrui contaminant toute adoption

ulteacuterieure

8 Le Tribunal administratif dAmiens dans sa deacutecision du 9 mars 2004 fait une application

discutable de la notion dextra-commercialiteacute des eacuteleacutements et des produits du corps humain

dans une hypothegravese ougrave cette qualification ne devait pas jouer Un couple perd ses embryons

congeleacutes in vitro en raison de la deacutefaillance du mateacuteriel de conservation imputable agrave un

eacutetablissement hospitalier Peut-il se preacutevaloir dun preacutejudice indemnisable dans le cadre de

laction en responsabiliteacute quil engage contre cet eacutetablissement La juridiction administrative

saisie admet la responsabiliteacute de la personne publique le mateacuteriel de conservation lui

appartenant eacutetant en cause mais sur la question de la reacuteparation du preacutejudice subi reacutepond de

maniegravere surprenante laquo si les eacutepoux peuvent se preacutevaloir de lexistence dun preacutejudice

mateacuteriel reacutesultant de la perte dovocytes les dispositions de larticle 16-1 du code civil selon

lesquelles le corps humain ses eacuteleacutements et ses produits ne peuvent faire lobjet dun droit

patrimonial sopposent agrave ce quils puissent en demander la reacuteparation en argent raquo et il

poursuit laquo les ovocytes surnumeacuteraires neacutetant pas des personnes ils ne sont pas fondeacutes agrave se

preacutevaloir dun preacutejudice moral reacutesultant selon eux de la perte decirctres chers raquo Le couple se

voit toutefois allouer 10 000 euros de dommages-inteacuterecircts pour les laquo troubles divers raquo dans

leurs conditions dexistence Si les ovocytes ne sont pas eacutevaluables en argent et si leur perte ne

peut donc pas justifier un preacutejudice mateacuteriel il nen va pas de mecircme dun preacutejudice moral

causeacute par leur perte (la perte dun animal domestique le justifie en droit civil ) et surtout le

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preacutejudice reacutesultant de la perte dune chance de devenir parents pour un couple deacutejagrave acircgeacute et qui

rencontre des difficulteacutes pour procreacuteer degraves lors quaurait pu ecirctre eacutetablie la disparition par

leffet de la faute imputeacutee agrave leacutetablissement hospitalier de leacuteveacutenement favorable la

probabiliteacute de la naissance dun enfant (en droit meacutedical G Meacutemeteau Gaz Pal 1997 2

Doctr p 1367) La juridiction administrative a manqueacute une occasion de faire avancer le droit

biomeacutedical dans une affaire inattendue et hautement symbolique

B - Reacuteglementation des eacuteleacutements et les produits du corps

Prenant appui sur les principes geacuteneacuteraux gouvernant le statut du corps humain le reacutegime

juridique des eacuteleacutements et des produits biologiques dorigine humaine peut toutefois preacutesenter

des particulariteacutes

1 - La greffe de visage

9 Le Comiteacute consultatif national deacutethique dans son avis ndeg 82 du 6 feacutevrier 2004 eacutemet un

avis deacutefavorable au preacutelegravevement du visage dune personne deacuteceacutedeacutee ou en langage meacutedical agrave

lallotransplantation de tissus composites En deacutepit des besoins eacutevidents pour la chirurgie

reconstructive des victimes deacutefigureacutees agrave la suite daccidents ou de suicides manqueacutes le

Comiteacute consultatif considegravere que des obstacles dirimants subsistent actuellement pour

ladmission dun tel preacutelegravevement les perspectives de laquo reacuteussite raquo dune telle opeacuteration

demeurent tregraves theacuteoriques les risques de rejet des greffons eacutetant laquo extrecircmement graves raquo il

paraicirct par ailleurs fort deacutelicat de solliciter lautorisation de la famille du deacuteceacutedeacute pour effectuer

les preacutelegravevements la signification eacutethique particuliegravere du visage humain son lien intime agrave la

personnaliteacute et agrave lidentiteacute en font davantage quune piegravece anatomique Cette prudence sinscrit

dans le cadre des principes traditionnels du droit meacutedical la technique envisageacutee relevant

pour lheure davantage de lexpeacuterimentation que de la theacuterapeutique

2 - Les banques de sang de cordon ombilical

10 Les cellules heacutematopoiumleacutetiques preacutesentes dans le sang du cordon ombilical peuvent ecirctre

utiliseacutees pour le traitement de certaines maladies geacuteneacutetiques elles peuvent notamment

repeupler la moelle osseuse du patient et constituer une source de cellules sanguines offrant

ainsi une solution alternative agrave la greffe de moelle osseuse Des banques de ces cellules ont

eacuteteacute creacuteeacutees dans des institutions hospitaliegraveres et plus reacutecemment dans le secteur priveacute Ces

activiteacutes pour certaines agrave but lucratif suscitent eacutevidemment des questions juridiques et

eacutethiques Le Comiteacute national sest en France pencheacute sur ce problegraveme (avis ndeg 74 du 12 deacutec

2002) de mecircme que divers organismes de santeacute europeacuteens Le Groupe europeacuteen deacutethique

institueacute aupregraves du preacutesident de la Commission europeacuteenne a consacreacute agrave ce point son avis ndeg

16 rendu le 16 mars 2004 En substance les sages du Groupe europeacuteen critiquent vivement

louverture de cette activiteacute au secteur commercial degraves lors que les banques priveacutees noffrent

pas un laquo service utile en termes de possibiliteacutes theacuterapeutiques raquo (pt 21) et meacuteritent decirctre

eacutetroitement encadreacutees comme elles le seraient dailleurs en France Dun point de vue plus

geacuteneacuteral ces banques priveacutees de sang ombilical qui demeurent en veacuteriteacute assez marginales

posent la question des activiteacutes commerciales dans les secteurs sensibles de la santeacute qui nest

pas reacutesolue de maniegravere uniforme au sein de lUnion europeacuteenne Ladoption de

reacuteglementations telles que la directive CE ndeg 2004-23 du 31 mars 2004 concernant les aspects

de seacutecuriteacute et de qualiteacute pour les diffeacuterentes opeacuterations relatives aux eacuteleacutements biologiques

dorigine humaine va dans le sens de cette harmonisation

3 - Les normes europeacuteennes de qualiteacute et de seacutecuriteacute concernant les diffeacuterentes opeacuterations

relatives aux tissus et aux cellules humains

11 La directive CE ndeg 2004-23 du 31 mars 2004 constitue un texte important dans un secteur

ougrave lharmonisation communautaire tardait nonobstant le maillage reacuteglementaire existant en

23

matiegravere de meacutedicaments agrave usage humain (Dir CE ndeg 2001-83 du 6 nov 2001) Le texte

sapplique essentiellement aux eacuteleacutements biologiques destineacutes agrave lhomme ou agrave la fabrication de

produits manufactureacutes y compris pour des buts cosmeacutetiques agrave lexception des produits

destineacutes agrave des greffes autologues dans le cadre dune intervention chirurgicale unique du sang

et des produits sanguins (Dir CE ndeg 2002-98 du 27 janv 2002) des organes ou des parties

dorganes utiliseacutes aux mecircmes fins que lorgane entier dans le corps humain Les utilisations agrave

des fins de recherche sont eacutegalement exclues La directive sapplique en revanche aux gamegravetes

et aux cellules souches embryonnaires mais laisse aux Etats membres la faculteacute den autoriser

lutilisation Dune maniegravere geacuteneacuterale le texte communautaire nimpose pas de modegravele eacutethique

mais des obligations techniques dans un but de seacutecuriteacute sanitaire comprenant notamment la

mise en place dun systegraveme qualiteacute et de traccedilabiliteacute la deacutesignation dune personne responsable

mais il insiste cependant sur la gratuiteacute des dons et les exigences en matiegravere de consentement

La transposition qui ne devrait pas affecter de maniegravere sensible le cadre juridique franccedilais

actuel doit intervenir avant le 7 avril 2006

4 - Les cellules souches embryonnaires

12 Moins de deux mois apregraves ladoption de la reacutevision des lois bioeacutethiques et en application

de larticle 37 du nouveau texte qui autorise agrave titre transitoire avant la mise en place de

lAgence de la Biomeacutedecine les ministres concerneacutes agrave permettre limportation agrave des fins de

recherche de cellules souches embryonnaires humaines un deacutecret et un arrecircteacute (JO ndeg 228 du

30 sept 2004 p 16804) du 28 septembre 2004 viennent dy proceacuteder Les recherches sur ces

cellules fort contesteacutees il y a encore peu puisque la preacuteceacutedente autorisation dimportation de

cellules souches dorigine embryonnaire avait fait lobjet dun contentieux (TA Paris 21 janv

2003 D 2004 Somm p 532 obs H Gaumont-Prat LPA 2003 ndeg 196 p 7 note B

Pauvert) entrent donc rapidement dans la reacutealiteacute Ces souches importeacutees seront rapidement

supplanteacutees par pregraves de 50 000 embryons congeleacutes en France dont les geacuteniteurs ont renonceacute agrave

ce quils accegravedent agrave la naissance et qui vont pouvoir prochainement servir de mateacuteriel

dexpeacuterimentation comme la loi nouvelle lautorise deacutesormais

Mots cleacutes

PERSONNE HUMAINE Panorama 2004

Gazette du Palais 29 mai 2004 ndeg 150 P 15 - Tous droits reacuteserveacutes

Famille - Personnes

040412

ADOPTION Adoption pleacuteniegravere - Enfants pouvant faire lobjet dune adoption - Enfant neacute dune megravere

porteuse (non)

La materniteacute pour autrui dont le caractegravere illicite se deacuteduit des principes geacuteneacuteraux du Code

civil et aujourdhui de son article 16-7 reacutealise un deacutetournement de linstitution de ladoption

que les juges du fond ont donc agrave bon droit refuseacute de prononcer sans violer aucun des textes

invoqueacutes

C cass 1re civ 9 deacutecembre 2003 Mme X c Procureur geacuteneacuteral pregraves le Cour dappel de Y-

Pourvoi ndeg 0103927 Q - Rejet (C app Paris 1er feacutevrier 2001) - gr ndeg 1644P

NOTE

Reacuteiteacuteration de linterdiction dune adoption lieacutee agrave une procreacuteation pour le compte

dautrui -

24

Larrecirct rendu le 9 deacutecembre 2003 ne surprendra pas puisquil sinscrit dans la ligne traceacutee par

la Cour de cassation depuis 1989 confirmeacutee par la loi du 29 juillet 1994 relative au respect du

corps humain

En lespegravece Georges D et Denise M seacutetaient marieacutes le 15 deacutecembre 1962 et avaient eu un

enfant Fabrice neacute le 11 novembre 1966 Leacutepouse nayant pu avoir un deuxiegraveme enfant

pourtant vivement souhaiteacute le couple se serait adresseacute agrave une laquoamieraquo qui aurait accepteacute davoir

des relations intimes avec Georges D jusquagrave ce quelle conccediloive un enfant quil eacutetait convenu

de laisser degraves sa naissance au pegravere et agrave son eacutepouse

Cest ainsi que serait neacutee Sarah le 4 juillet 1987 qui fut deacuteclareacutee sur les registres de leacutetat civil

sans indication de filiation maternelle reconnue par Georges D puis recueillie aussitocirct par

celui-ci et son eacutepouse Cette derniegravere avait pris la preacutecaution de seacuteloigner de son domicile

pendant les derniers mois du deacuteveloppement in utero de lenfant afin que la substitution

maternelle soit ignoreacutee de lentourage des deux eacutepoux

Il sagissait donc bien selon les propres dires de Georges et Denise D dune materniteacute pour

autrui sans recours aux techniques modernes de procreacuteation meacutedicalement assisteacutee selon un

processus agrave la fois naturel et vieux comme le monde (1)

En janvier 1999 Denise D a saisi le Tribunal de grande instance dune requecircte en adoption

pleacuteniegravere de la fille de son mari

Le Tribunal par jugement du 8 deacutecembre 1999 puis la Cour dappel de Paris par arrecirct du 1er

feacutevrier 2001 ont rejeteacute sa demande au motif quen application des art 6 et 1128 C civ la

convention par laquelle une femme sengage agrave concevoir et agrave porter un enfant pour

labandonner agrave sa naissance est nulle car elle contrevient tant au principe dordre public de

lindisponibiliteacute du corps humain quagrave celui de lindisponibiliteacute de leacutetat des personnes et que

ladoption envisageacutee neacutetait que lultime phase dun processus illicite constitutif dun

deacutetournement de linstitution de ladoption

On reconnaicirctra lagrave les formules mecircmes employeacutees par la Cour de cassation notamment dans

son arrecirct dassembleacutee pleacuteniegravere du 31 mai 1991 (2) Il nest donc pas eacutetonnant que la Cour

suprecircme ait rendu un arrecirct de rejet dautant plus que sa jurisprudence a eacuteteacute conforteacutee par le

nouvel art 16-7 inseacutereacute dans le Code civil par la loi ndeg 94-653 du 29 juillet 1994 (3) qui

dispose que toute convention portant sur la procreacuteation ou la gestation pour le compte dautrui

est nulle

La Cour de cassation a bien entendu viseacute expresseacutement ce texte nouveau mais elle a tenu agrave

rappeler que le caractegravere illicite se deacuteduisait aussi des principes geacuteneacuteraux du Code civil

faisant ainsi implicitement reacutefeacuterence aux art 6 et 1128 de ce Code sur lesquels elle avait

preacuteceacutedemment fondeacute sa position

Le moyen de cassation tentait deacutechapper agrave la jurisprudence de la Cour suprecircme en se fondant

sur les circonstances de lespegravece et notamment sur le fait que la requecircte en adoption navait

eacuteteacute formeacutee que douze anneacutees apregraves la naissance de lenfant de sorte que lindivisibiliteacute entre la

materniteacute pour autrui et ladoption ne serait pas caracteacuteriseacutee Mais la Cour dappel avait

reacutepondu agrave cette argumentation en eacutenonccedilant que labandon de lenfant agrave naicirctre objet de

lobligation contracteacutee par la megravere biologique eacutetait destineacute agrave permettre que lenfant reconnu

par Georges D puisse ecirctre adopteacute par son eacutepouse et en soulignant que celle-ci avait dans le

mecircme but accepteacute linseacutemination dune autre femme par les gamegravetes de son mari et quelle

avait participeacute activement au processus en prenant toutes preacutecautions pour que la substitution

de materniteacute soit ignoreacutee des tiers

Denise D soutenait en outre que linteacuterecirct de lenfant retenu tant par lart 353 C civ que par

les art 3 et 21 de la Convention internationale des droits de lenfant devait primer sur le souci

de sanctionner lilliceacuteiteacute de la convention qui avait preacutesideacute agrave sa conception et agrave sa naissance

La Cour de cassation ne sest pas arrecircteacutee agrave cette argumentation pas plus quelle ne sy eacutetait

arrecircteacutee en 1991 pour elle lensemble de lopeacuteration est indivisible le deacutetournement de

25

linstitution de ladoption est caracteacuteriseacute et il convient de lutter contre la politique du fait

accompli (4) Laccepter au nom de linteacuterecirct de lenfant ne conduirait-il pas comme on la

souligneacute en doctrine (5) agrave admettre le commerce des enfants sous preacutetexte que bien souvent

ceux-ci y trouveraient beacuteneacutefice

(1) Selon la Bible Sarah eacutepouse dAbraham ne pouvant avoir denfant de lui lenvoya aupregraves

de son esclave eacutegyptienne Agar dont il eut un fils Ismaeumll Agar fut renvoyeacutee avec celui-ci

lorsque Sarah tregraves acircgeacutee mit au monde Isaac le fils de la promesse

Cest sans doute une coiumlncidence si nous trouvons aussi dans notre affaire une laquoSarahraquo qui

tient il est vrai un rocircle tout diffeacuterent de celui deacutevolu agrave son homonyme biblique

Lhistoire reacutevegravele eacutegalement des cas relativement freacutequents ougrave pour pallier agrave la steacuteriliteacute du

mari et pour permettre la continuation de la ligneacutee et la perpeacutetuation dun nom ou dun titre un

laquovaletraquo - souvent ensuite renvoyeacute - eacutetait chargeacute de feacuteconder leacutepouse Le proceacutedeacute eacutetait

juridiquement parfait dans la mesure ougrave par le jeu de la preacutesomption de paterniteacute le mari

devenait leacutegalement le pegravere de lenfant

(2) Cass ass pleacuten 31 mai 1991 Bull civ 1991 ndeg 4 Gaz Pal Rec 1991 panor cass p

162 [912144] D 1991 jur p 417 rapport Y Chartier note G Thouvenin JCP 1991 II

21752 comm J Bernard concl H Dontenwille note F Terreacute Defreacutenois 1991 art 35088

ndeg 67 p 948 obs J Massip RTD civ 1991 517 obs D Huet-Weiller Dans le mecircme sens

v Cass civ 1re 29 juin 1994 Bull civ 1994 I ndeg 226 Gaz Pal Rec 1995 jur p 36 note

J B [943856] D 1994 jur p 581 note Y Chartier JCP 1995 II 223621 note J Rubellin-

Devichi RTD civ 1994 p 842 obs J Hauser Defreacutenois 1995 art 36024 ndeg 4 p 315

obs J Massip

V aussi Cass civ 1re 13 deacutecembre 1989 Bull civ 1989 I ndeg 387 Gaz Pal Rec 1990

panor cass p 66 [901122] D 1990 jur p 273 rapport J Massip Defreacutenois 1990 art

34802 ndeg 55 p 743 obs J-L Aubert et art 34815 p 862 rapport J Massip et JCP 1990 II

21526 note A Seriaux Dans cette affaire la Cour de cassation avait proclameacute par des motifs

analogues agrave ceux adopteacutes par les arrecircts de 1991 et 1994 le caractegravere illicite de la materniteacute

pour autrui et des associations qui sefforcent de la promouvoir

(3) Sur cette loi v notamment notre commentaire in Defreacutenois 1975 art 35975 et 35922

speacutecialement en ce qui concerne lart 16-7 C civ le ndeg 9 de cette eacutetude p 72

(4) Sur ces divers points v notre note preacuteciteacutee sous Cass ass pleacuten 31 mai 1991

(5) Obs J Hauser sous larrecirct rendu le 1er feacutevrier 2001 par la Cour dappel de Paris dans le

preacutesente affaire in RTD civ 2001 347

AD2008DEF0291N1

Reacutepertoire du Notariat Defreacutenois 15 feacutevrier 2008 ndeg 3 P 291 - Tous droits reacuteserveacutes

FILIATION

38717 La convention de megravere porteuse

(Reacuteflexions sur les sources du droit et les principes dindisponibiliteacute du corps humain et de leacutetat des personnes)

Le droit franccedilais prohibe les conventions de megraveres porteuses

26

Malgreacute linterdiction leacutegale de nombreux couples ont chercheacute et cherchent encore agrave

contourner cette interdiction notamment en ayant recours agrave des megraveres de substitution dans

des pays eacutetrangers ougrave cette pratique est autoriseacutee

La Cour de cassation veille agrave ce que linstitution de ladoption ne soit pas deacutetourneacutee au profit

de ces parents

Dans un arrecirct du 25 octobre 2007 la cour dappel de Paris vient de reacuteouvrir le deacutebat non sur

le terrain de la convention mais sur celui de la non-transcription des actes de naissance et de

linteacuterecirct supeacuterieur de lenfant

Une excellente occasion de faire le point sur la question et de sinterroger pour lavenir avant

la reacutevision de la loi bioeacutethique en 2009

par Rabih CHENDEB

Docteur en droit

ATER agrave lUniversiteacute de Picardie Jules Verne

laquo La science va Elle est ineacuteluctable Ce quil faut cest la rendre eacutethique raquo (1)

Le droit positif franccedilais interdit de recourir aux megraveres porteuses si un couple conccediloit un

embryon in vitro qui est implanteacute dans luteacuterus dune tierce femme cest cette tierce femme

qui est la megravere selon la loi franccedilaise et les parents biologiques ne peuvent avoir aucun droit

mecircme en cas dabandon de lenfant agrave la naissance par la megravere porteuse La loi bioeacutethique de

1994 a interdit la gestation pour autrui car cela soulevait des questions

dinstrumentalisation et de commercialisation du corps de la femme

De nombreux couples en mal denfants ont depuis longtemps chercheacute agrave contourner les regravegles

notamment en ayant recours agrave des megraveres de substitution qui vivent dans des pays ougrave cette

pratique est autoriseacutee Jusquagrave preacutesent la Cour de cassation ne sy est jamais laisseacutee prendre et

condamnait ladoption faite par les parents de lenfant de la megravere porteuse consideacuterant quil

sagissait dun deacutetournement de linstitution de ladoption (I)

Le 25 octobre 2007 la cour dappel de Paris vient donner lespoir dune ouverture vers

lacceptation dans linteacuterecirct de lenfant de cette deacutemarche Cette deacutecision de la cour dappel

pourrait changer les choses en attendant la reacutevision de la loi bioeacutethique preacutevue en 2009 Une

chose est sucircre cet arrecirct a le meacuterite douvrir le deacutebat et de poser la question de linteacuterecirct de

lenfant comme exception agrave lindisponibiliteacute de leacutetat des personnes et agrave linterdiction de la

pratique des megraveres porteuses Une certaine eacutevolution des mentaliteacutes ainsi que la dispariteacute

entre la loi franccedilaise et dautres leacutegislations nationales pourraient donner lieu agrave un

assouplissement de cette leacutegislation (II)

I Lhostiliteacute du leacutegislateur et de la jurisprudence agrave leacutegard de la convention de megravere porteuse

Au siegravecle dernier seacutetaient deacuteveloppeacutees des associations ayant pour but de faire se rencontrer

des couples deacutesireux davoir un enfant et des femmes acceptant de le porter pour ensuite le

leur laquo ceacuteder raquo par contrat Pour des raisons plus ou moins louables le proceacutedeacute fut rapidement

condamneacute par le droit franccedilais (A) tout comme ladoption qui sen suivait (B)

27

A Le caractegravere illicite de la convention de megravere porteuse

La megravere porteuse met en effet agrave mal le scheacutema classique de la famille On affirmait en Droit

romain que la megravere eacutetait sucircre et que le pegravere eacutetait le mari Le Code napoleacuteon a enteacuterineacute cette

conception Dire que lenfant possegravede une megravere geacuteneacutetique et une megravere uteacuterine va agrave lencontre

de ses dispositions (2)

Pris au deacutepourvu le leacutegislateur franccedilais a tardeacute agrave reacuteagir face aux progregraves scientifiques Il en

est reacutesulteacute un vide juridique auquel la jurisprudence sest efforceacutee de faire face Devant cette

heacutesitation bien compreacutehensible du droit les ressources de la morale de la deacuteontologie et

surtout de la bioeacutethique ont eacuteteacute solliciteacutees (3) Le Conseil dEtat confronteacute aux associations

voulant intervenir dans ce domaine a ainsi prononceacute la dissolution de ces associations pour

objet illicite (4) Le 13 deacutecembre 1989 la premiegravere chambre civile de la Cour de cassation a

releveacute le principe dindisponibiliteacute du corps humain par une interpreacutetation a contrario de

larticle 1128 du Code civil qui dispose qu laquo il ny a que les choses qui sont dans le

commerce qui puissent ecirctre lobjet des conventions raquo La personne ne dispose pas de son

corps elle nen est pas proprieacutetaire (5) Le 31 mai 1991 lassembleacutee pleacuteniegravere de la Cour de

cassation vise les articles 6 1128 et 353 du Code civil afin daffirmer le caractegravere illicite de la

convention conclue entre une megravere porteuse et un couple steacuterile En effet ce contrat porte sur

deux corps humains la megravere et lenfant (6)

Rapidement le leacutegislateur est venu leacutegifeacuterer dans ce sens avec la loi no 94-653 du 29 juillet

1994 relative agrave la bioeacutethique pour que le Code civil reconnaisse le corps humain en tant que

tel Cette loi prend deacutesormais explicitement en compte le corps humain parce quil a voulu

promouvoir son respect face au deacuteveloppement des sciences biomeacutedicales Cette loi a entraicircneacute

la modification et la creacuteation darticles dans le Code civil et le Code peacutenal

Le principe du respect de la digniteacute de la personne humaine est poseacute par larticle 16 du Code

civil laquo La loi assure la primauteacute de la personne interdit toute atteinte agrave la digniteacute de celle-ci

et garantit le respect de lecirctre humain degraves le commencement de sa vie raquo Le nouvel article 16-1

preacutevoit que laquo Chacun a droit au respect de son corps Le corps humain est inviolable Le

corps humain ses eacuteleacutements et ses produits ne peuvent faire lobjet dun droit patrimonial raquo

Par conseacutequent selon larticle 16-5 laquo Les conventions ayant pour effet de confeacuterer une

valeur patrimoniale au corps humain agrave ses eacuteleacutements ou agrave ses produits sont nulles raquo De mecircme

quand une personne accepte de donner son sang ce ne peut ecirctre quagrave titre beacuteneacutevole Enfin

larticle 16-7 dispose mecircme laquo Toute convention portant sur la procreacuteation ou la gestation

pour le compte dautrui est nulle raquo (7)

En outre cette interdiction est assortie dune sanction peacutenale pouvant aller jusquagrave un an

demprisonnement et 15 000 euro damende pour celui qui sentremet ou tente de sentremettre

entre une personne ou un couple deacutesireux daccueillir un enfant et une femme acceptant de

porter en elle cet enfant en vue de le leur remettre Lorsque ces faits ont eacuteteacute commis agrave titre

habituel ou dans un but lucratif les peines sont porteacutees au double (8)

En deacutepit de la reacutesistance de quelques juges du fond qui ont admis ladoption la Cour de

cassation na pas infleacutechi sa position (9) Elle sest reacutecemment opposeacutee agrave ladoption simple

dun enfant par un couple homosexuel estimant cette adoption contraire agrave laquo linteacuterecirct supeacuterieur

de lenfant raquo (10)

28

Analyseacutes dans le contexte de ces deacutecisions les deux principes de lilliceacuteiteacute des conventions et

de lindisponibiliteacute du corps humain expriment une mecircme ideacutee la condamnation dune

convention qui porte sur le corps humain celui de lenfant agrave naicirctre et celui de la femme qui la

conccedilu et porteacute

Toutefois les motifs adopteacutes par la Cour de cassation savegraverent dune extrecircme faiblesse En

effet ces motifs sont lieacutes agrave lilliceacuteiteacute de lobjet des conventions agrave lindisponibiliteacute du corps

humain ainsi quagrave lindisponibiliteacute de leacutetat des personnes (11) Pourtant les lois dites laquo

bioeacutethiques raquo du 29 juillet 1994 puis la loi du 6 aoucirct 2004 (12) relative agrave la bioeacutethique ont

admis lutilisation des eacuteleacutements et des produits du corps humain agrave des fins theacuterapeutiques ou

scientifiques Effectivement une loi en date du 24 janvier 1953 deacutetermine laquo les tarifs de

cession du sang raquo Les dispositions sont aujourdhui dans le Code de la santeacute publique Degraves

lors on peut donner ses gamegravetes ses organes son sang Il semble que plus quune approche

anthropologique des sciences meacutedicales (qui conduiraient agrave une ineacutevitable instrumentalisation

du corps des hommes) il existerait ce que nous appelons une technoscience laquo de linvisible

raquo que seul le droit accepte de leacutegitimer (13)

Par ailleurs la terminologie employeacutee par le leacutegislateur de 1994 est eacuteloquente Cest

certainement parce que le principe dindisponibiliteacute du corps humain sest aveacutereacute irreacutealiste videacute

de sa substance par le nombre et limportance de ses exceptions que le leacutegislateur lui a preacutefeacutereacute

celui de non-patrimonialiteacute qui figure aujourdhui aux articles 16-1 16-5 et 16-6 du Code

civil Il est donc possible de disposer de son corps agrave titre de dons dans les limites de la loi

(14)

Pour conclure sur ce point il sera emprunteacute les propos de Mme Mayer-Jack laquo

Malheureusement si ce principe dindisponibiliteacute du corps humain possegravede les qualiteacutes trop

rares decirctre nettement formuleacute et universellement admis il apparaicirct agrave la reacuteflexion frappeacute dun

vice radical il se reacutevegravele contraire aux faits raquo (15)

B La nulliteacute de ladoption

En matiegravere de materniteacute de substitution lenfant reste au coeur du deacutebat Il est laquo lobjet raquo de la

convoitise du couple demandeur et lobjet de la convention En vue de permettre

leacutetablissement dune filiation adoptive deux processus eacutetaient suivis par lesdits couples

processus que la Cour de cassation sempressa dinterdire agrave son tour

1 Le contournement aveacutereacute de la loi par les couples restant en France

En effet le processus se deacuteroulait en trois eacutetapes dans un premier temps lembryon issu des

gamegravetes du couple ou du mari et de la femme porteuse eacutetait implanteacute dans luteacuterus de cette

derniegravere La megravere porteuse suivait sa grossesse normalement notamment au regard du suivi

meacutedical (16) Ensuite elle accouchait anonymement La leacutegislation autorise les

accouchements laquo sous X raquo et reconnaicirct ainsi aux parturientes le droit de ne pas ecirctre megraveres si

elles ne le deacutesirent ou ne le peuvent pas Le pegravere fournisseur de sperme quant agrave lui effectuait

une reconnaissance preacutenatale de lenfant A sa naissance il le reconnaissait Lenfant avait

donc un pegravere mais sans indication de la filiation maternelle Enfin leacutepouse de ce dernier

adoptait de maniegravere pleacuteniegravere lenfant Leacutetat de mariage de la megravere porteuse ne changeait rien

puisque laccouchement anonyme empecircchait que le mari soit consideacutereacute comme pegravere preacutesumeacute

29

Depuis larrecirct Alma Mater (17) nous savons que la convention de materniteacute de substitution

est nulle car contrevenant agrave lordre public (18) Mais jusqualors la jurisprudence avait eu le

soin de dissocier convention et adoption Toute convention portant sur la procreacuteation ou la

gestation pour le compte dautrui eacutetant nulle la convention de megravere porteuse ayant permis la

naissance de lenfant en cause est donc incontestablement frauduleuse Degraves lors la possession

deacutetat sur laquelle les demandeurs se fondent pour voir eacutetablir un lien de filiation leacutegitime agrave

leur profit et lacte de notorieacuteteacute quils ont ainsi obtenu sont eux-mecircmes vicieacutes et ne peuvent

donc permettre leacutetablissement dun tel lien Par ailleurs la Convention de New York sur les

droits de lenfant garantit notamment agrave celui-ci laccegraves agrave ses origines Or lapplication de la

convention frauduleuse aurait pour effet de consacrer un mensonge lacte de naissance qui

serait eacutetabli sur le fondement de cette convention aboutirait en effet agrave nier totalement les

conditions dans lesquelles lenfant a eacuteteacute conccedilu En conseacutequence les demandeurs ne pourront

se preacutevaloir de la possession deacutetat vicieacutee pour obtenir la retranscription de lacte de notorieacuteteacute

sur lacte de naissance de lenfant (19) Ainsi la prohibition de la convention a entraicircneacute dans

son sillage une impossibiliteacute dadoption par leacutepouse du pegravere (20) Il y a deacutetournement de

linstitution de ladoption pleacuteniegravere en ce que lenfant a eacuteteacute conccedilu pour ecirctre abandonneacute par sa

megravere et adopteacute par une autre (21)

Il en reacutesulte que cest labandon de lenfant qui rend impossible ladoption par leacutepouse du

mari Or labandon de lenfant constitue deacutejagrave une deacutemarche parfaitement licite et reacuteglementeacutee

par la loi Il suffit pour sen convaincre de lire attentivement les textes adeacutequats agrave savoir les

articles 61 et 62 du Code de la famille et de laide sociale 348-3 et 350 du Code civil et 1158

agrave 1163 du Code de proceacutedure civile Il suffit agrave la megravere et plus geacuteneacuteralement agrave la personne

investie des droits parentaux de confier 1enfant agrave un eacutetablissement ou agrave un service de laide

sociale agrave 1enfance (ASF) ou mecircme agrave un particulier puis de sen deacutesinteacuteresser

manifestement pendant une anneacutee nentretenant avec lui aucune relation neacutecessaire au

maintien de liens affectifs Le tribunal de grande instance peut degraves lors sauf agrave prendre en

consideacuteration le cas exceptionnel de grande deacutetresse du parent deacutefaillant deacuteclarer 1enfant

abandonneacute agrave la requecircte de tout inteacuteresseacute et notamment de leacutetablissement service ou famille

daccueil (22) laquo On cesse dinterdire une pratique non pas lorsquelle se deacuteveloppe mais

lorsquon ne sait plus pourquoi elle est interdite raquo (23)

Dailleurs une contradiction engendre ce refus dadoption En effet laquo consideacuterer ladoption

indissociable de la convention revient agrave ne voir lenfant que comme lobjet de cette convention

raquo (24) Ainsi les parents ont pu eacutetablir anteacuterieurement agrave la naissance le processus dont

ladoption est laquo lultime phase raquo Mais ce processus nest pas fait dans lintention de nuire agrave

lenfant Alors comment comprendre la seacuteveacuteriteacute afficheacutee de la Cour de cassation

Traiter lenfant comme une veacuteritable personne implique de dissocier la convention ougrave il

nintervient pas et ladoption dont il est partie prenante et mecircme partie principale Il faut

sinterroger sur son inteacuterecirct propre quitte agrave le confronter ensuite agrave ceux auxquels il soppose

(25)

2 Lexpansion du tourisme procreacuteatif

La dispariteacute des regravegles nationales agrave propos de la gestation pour autrui a conduit certains

couples agrave se rendre agrave leacutetranger pour pouvoir avoir recours agrave une megravere porteuse on parle

deacutesormais de laquo tourisme procreacuteatif raquo (26)

30

Lagrave encore le processus deacutebute par une inseacutemination artificielle mais les pays ayant leacutegaliseacute la

gestation pour le compte dautrui permettent par ailleurs que lembryon inseacutemineacute dans

luteacuterus de la femme soit issu de la rencontre des gamegravetes des deux parents demandeurs

Lenfant est donc geacuteneacutetiquement lenfant du couple Il a pour parent degraves sa naissance le

couple demandeur il porte leur nom et le preacutenom quils lui ont choisi Mais pour exister en

France il est neacutecessaire de recourir agrave une transcription sur les registres de leacutetat civil franccedilais

de lacte de naissance eacutetranger Lagrave encore la seacuteveacuteriteacute est de mise puisque le parquet de

Nantes qui a en charge la transcription des eacutetats civils venant de leacutetranger refuse

systeacutematiquement cette transcription qui nest pas conforme agrave la leacutegislation franccedilaise (27)

Les magistrats ont eacuteteacute confronteacutes agrave ces situations ougrave la megravere commanditaire deacutesirait eacutetablir un

lien de filiation entre elle et lenfant issu de la convention de materniteacute de substitution

Tel est par exemple le cas qui a eacuteteacute trancheacute par la cour dappel de Rennes le 4 juillet 2002

(28) Dans cet arrecirct la cour dappel a rejeteacute ladoption des enfants par un couple qui a conclu

en Californie une convention portant sur la gestation dun embryon issu de leurs propres

gamegravetes La cour relegraveve que laquo la loi franccedilaise ne donne pas une deacutefinition de la megravere raquo cette

notion est inscrite dans les mentaliteacutes depuis des siegravecles par ladage Mater semper certa est

Cest laccouchement qui deacutetermine la megravere et non la seule reacutealiteacute geacuteneacutetique

Cette jurisprudence installeacutee depuis le ceacutelegravebre arrecirct de lassembleacutee pleacuteniegravere du 31 mai 1991

constitue une atteinte directe agrave linteacuterecirct de lenfant Ce dernier est priveacute de toute filiation

maternelle leacutegalement reconnue et ce sans beacuteneacutefice pour personne (29)

Malheureusement en raison de cette solution les deux enfants sont acircgeacutes de sept ans et vivent

aupregraves de leur pegravere naturel et de sa compagne dont la materniteacute ne peut leacutegalement ecirctre eacutetablie

(30)

Cette jurisprudence preacutesente un point faible Selon larticle 353 du Code civil le tribunal de

grande instance saisi dune requecircte aux fins dadoption pleacuteniegravere veacuterifie si les conditions de

la loi sont remplies et si ladoption est conforme agrave linteacuterecirct de lenfant Or en loccurrence

le preacutetendu droit de lenfant ne coiumlncide pas avec son inteacuterecirct seul mis en avant dans 1article

353 du Code civil Le refus par la cour dappel de prononcer ladoption pleacuteniegravere a priveacute les

deux enfants (au nom de leur droit aussi eacuteminent que symbolique agrave la non-chosification) dun

avantage concret et primordial leur admission au statut denfants leacutegitimes de leurs vrais

parents geacuteneacutetiques (31) Simples enfants naturels ou adulteacuterins de leur pegravere ils demeureront

sans lien de filiation maternelle Un tel problegraveme meacuterite que les juridictions se penchent au

moins sur lui (32) La protection de linstitution de ladoption sopegravere au deacutetriment du droit

reconnu agrave lenfant deacutetablir sa filiation par le biais dune discrimination fondeacutee sur les

circonstances de sa naissance (33) La jurisprudence nous semble aller agrave lencontre des

engagements internationaux contracteacutes par la France (34)

II Leacutevolution des mentaliteacutes vers une leacutegislation plus souple

Jusquagrave preacutesent la jurisprudence a toujours interdit ladoption des enfants par des couples

ayant eu recours agrave la gestation pour autrui consideacuterant quil sagit dun deacutetournement de

linstitution de ladoption (35)

Un grand quotidien Libeacuteration reacutevegravele que la cour dappel de Paris a reconnu comme parents

leacutegitimes de jumelles un couple franccedilais ayant fait appel agrave une megravere porteuse ameacutericaine

31

Une chose est sucircre cet arrecirct a le meacuterite douvrir le deacutebat et de poser la question de linteacuterecirct de

lenfant comme exception agrave lindisponibiliteacute de leacutetat des personnes et agrave linterdiction de la

pratique des megraveres porteuses (A) Lorsque lon accepte une loi eacutetrangegravere qui a eacuteteacute appeleacutee au

secours pour contourner la loi franccedilaise la modification de la loi franccedilaise nest pas loin (B)

A Lassouplissement de la jurisprudence

Dans laffaire porteacutee devant la cour dappel de Paris que nous avons abordeacutee rapidement

preacuteceacutedemment un couple dont la femme ne peut assurer la gestation en raison dune

malformation congeacutenitale se rend en Californie ougrave il conclut une convention portant sur la

gestation dun embryon issu de leurs propres gamegravetes Des jumelles naissent de cette

convention Le droit californien fait abstraction du deacutefaut daccouchement La concubine est

inscrite comme megravere dans les registres de naissance de Californie Quelques semaines plus

tard le couple reconnaicirct les enfants en France Mais agrave leur retour dans lHexagone ils sont

placeacutes en garde agrave vue puis mis en examen pour laquo entremise entre une personne deacutesireuse

dadopter un enfant et un parent deacutesireux dabandonner son enfant neacute ou agrave naicirctre raquo et pour laquo

simulation ayant entraicircneacute une atteinte agrave leacutetat civil de lenfant raquo

En 2004 le juge dinstruction rend un non-lieu sur les poursuites peacutenales les faits seacutetant

deacuterouleacutes dans un pays ougrave cette pratique est leacutegale Le parquet a alors continueacute son offensive

sur le terrain civil et chercheacute agrave faire annuler la filiation et la transcription sur leacutetat civil Le

tribunal de grande instance a deacuteclareacute cette demande irrecevable en deacutecembre 2005 Une

deacutecision rendue par la cour dappel de Paris confirme ce jugement le 25 octobre dernier apregraves

avoir estimeacute que laquo La non-transcription des actes de naissances aurait des conseacutequences

contraires agrave linteacuterecirct supeacuterieur des enfants qui au regard du droit franccedilais se verraient priveacutes

dactes deacutetat civil indiquant leur lien de filiation y compris agrave leacutegard de leur pegravere biologique

raquo

La question sera deacutesormais soumise agrave la Cour de cassation qui a deacutejagrave pris des deacutecisions

progressistes dans des questions relatives au droit de la famille notamment dans linteacuterecirct de

lenfant Elle a ainsi fait le 24 feacutevrier 2006 un pas important vers la reconnaissance de

lhomoparentaliteacute en autorisant quun parent homosexuel deacutelegravegue tout ou partie de son

autoriteacute parentale agrave son partenaire avec lequel il vit en union stable agrave condition que cette

mesure soit prise dans linteacuterecirct supeacuterieur de lenfant (36)

Le plus important reacuteside dans le fait que la cour dappel de Paris a estimeacute que la non-

transcription sur les actes de naissance aurait des conseacutequences contraire agrave llaquo inteacuterecirct de

lenfant raquo Depuis longtemps linteacuterecirct de lenfant est au centre du droit de la famille et depuis

quelques anneacutees celui-ci devient veacuteritablement la pierre angulaire de cette discipline (37)

Dans un arrecirct du 18 mai 2005 la premiegravere chambre civile de la Cour de cassation preacutecise au

visa de larticle 3-1 de la Convention relative aux droits de lenfant que laquo dans toutes les

deacutecisions qui concernent les enfants linteacuterecirct supeacuterieur de lenfant doit ecirctre une

consideacuteration primordiale raquo (38) Mais que faut-il entendre par inteacuterecirct supeacuterieur de lenfant

(39)

Bien que le nouvel article L 112-4 du Code de laction sociale et des familles (40) et larticle

371-1 du Code civil semblent deacutefinir les eacuteleacutements constitutifs de cette notion llaquo inteacuterecirct de

lenfant raquo reste un concept assez flou que le leacutegislateur et les juges se gardent bien de deacutefinir

preacuteciseacutement on ne peut limiter linteacuterecirct supeacuterieur de lenfant agrave la protection de sa santeacute de sa

seacutecuriteacute et de sa moraliteacute Certes ces eacuteleacutements sont les bases de linteacuterecirct de lenfant mais

32

puisque celui-ci peut deacutepasser le strict cadre du droit de lautoriteacute parentale voire du droit de

la famille cette vision serait bien trop reacuteductrice

Le sens de cette notion peut encore sobscurcir si lon considegravere quelle peut se confondre avec

dautres concepts voisins Larticle 371-5 doit ainsi conduire agrave distinguer linteacuterecirct de lenfant de

celui de la fratrie En effet si celle-ci a inteacuterecirct agrave rester unie certaines circonstances permettent

deacutecarter un de ses membres dans son inteacuterecirct exclusif

Un amendement proposait cependant agrave la suite du nouvel article L 112-4 du Code de laction

sociale et des familles une deacutefinition inteacuteressante laquo Linteacuterecirct supeacuterieur de lenfant est deacutefini

comme lassurance de la protection de sa seacutecuriteacute personnelle et affective lassurance dun

contexte familial permettant un bon deacuteveloppement physique intellectuel affectif et social

lassurance dune relation dattachement parental permettant de se construire Linteacuterecirct

supeacuterieur de lenfant tel que deacutefini constitue son projet de vie raquo (41)

On ne peut que se feacuteliciter de la mise en avant de linteacuterecirct de lenfant pour deacuteroger agrave la sacro-

sainte interdiction des megraveres porteuses car il est vrai quil ne faut pas oublier que limportant

reste dabord et avant tout lenfant qui a et doit avoir une place centrale au sein de la famille

On peut envisager que cette reacutecente jurisprudence puisse influencer la reacuteflexion sur le recours

aux laquo megraveres porteuses raquo sur le territoire national qui conduise agrave une eacutevolution de la loi

B Vers une eacutevolution de la loi

Alors que la France interdit la laquo gestation pour autrui raquo cette pratique a eacuteteacute leacutegaliseacutee dans de

nombreux pays La France a donc une leacutegislation moins libeacuterale que dautres leacutegislations

nationales La pratique de la gestation pour autrui est notamment autoriseacutee aux Etats-Unis au

Canada en Australie et dans plusieurs pays de lUnion europeacuteenne (Espagne et Belgique

Gregravece et Royaume-Uni notamment) (42) La question de la leacutegalisation des megraveres porteuses

est tregraves controverseacutee en France et demanderait un strict encadrement (43)

On enseigne habituellement que les questions deacutetat ne peuvent deacutependre de la seule volonteacute

individuelle Leacutetat des personnes - le droit de la filiation en particulier - eacutechapperait aux

conventions Mais ce principe nest plus si absolu Leacutevolution contemporaine reacuteduit laspect

institutionnel Une place nettement importante a eacuteteacute faite dans lorganisation des relations

familiales agrave la volonteacute individuelle laquo Laccroissement du pouvoir des volonteacutes individuelles

dans le droit de la famille est une marque essentielle de ce droit raquo (44) Dougrave la justesse de

lexpression laquo contractualisation du droit de la famille raquo Le rocircle de la volonteacute individuelle

tend agrave ecirctre de plus en plus important (45) Tel est le cas du divorce du PACS et du mariage

La procreacuteation nest plus la finaliteacute avec larriveacutee en force dans des pays voisins du mariage

homosexuel

Une certaine eacutevolution des mentaliteacutes ainsi que la dispariteacute entre la loi franccedilaise et dautres

leacutegislations nationales pourraient bien donner lieu agrave un assouplissement de cette leacutegislation

(46)

La gestation pour autrui permet de pallier certaines formes de steacuteriliteacute feacuteminine en raison

dune absence ou dune deacuteformation duteacuterus de conseacutequences de cancer ou reacutesultant dune

hysteacuterectomie de fausses couches reacutepeacuteteacutees dune contre-indication meacutedicale agrave la grossesse ou

de nombreux eacutechecs de feacutecondations in vitro (47) Dans ce cas on implante les gamegravetes des

parents geacuteneacutetiques dans le ventre de la megravere porteuse

33

Un autre argument favorable agrave cette pratique est la certitude apaisante pour le couple steacuterile

de ce que lenfant porteacute en uteacuterus tiers nen sera pas moins leur veacuteritable enfant geacuteneacutetique

puisque conccedilu agrave partir de leurs propres gamegravetes

De plus il faut deacutenoncer une incoheacuterence Une femme empecirccheacutee par la loi de donner avant

sa grossesse agrave un couple agreacuteeacute par elle lenfant quelle portera moyennant eacutequitable

reacutecompense possegravede en revanche le droit discreacutetionnaire de labandonner une fois neacute au

hasard des eacutetablissements ou du service de lASE ou pis encore de recourir agrave une

interruption volontaire de grossesse pendant les douze premiegraveres semaines (48)

La possession deacutetat repreacutesente une valeur humaine et sociale qui doit ecirctre prise en compte en

tant que telle Comme lont joliment affirmeacute M Hauser et Mme Huet-Weiller laquo elle est la

veacuteriteacute des sentiments la veacuteriteacute du coeur tout aussi respectable sinon plus que celle des

registres deacutetat ou mecircme de nos gegravenes raquo (49) Ainsi on peut ecirctre favorable agrave cette reacuteflexion

sous certains reacuteserves

Tout dabord le couple demandeur devait avoir plus de 18 ans et linfertiliteacute devrait ecirctre

meacutedicalement eacutetablie Ensuite seule lutilisation des gamegravetes (sperme et ovocytes) du couple

serait autoriseacutee afin deacuteviter que la gestatrice soit aussi la megravere biologique de lenfant (pour

eacuteviter des liens trop forts eacutetablis entre elle et le beacutebeacute)

De son cocircteacute la megravere porteuse devait avoir plus de 18 ans et accepter de subir des tests divers

avant la grossesse Elle serait la seule agrave donner un consentement valable concernant la gestion

de sa grossesse et elle abandonnerait ses droits parentaux agrave la naissance de lenfant tout en

assistant le couple demandeur lors de la deacutelivrance du certificat de naissance Le

consentement devrait aussi ecirctre obtenu par un entretien psychologique meacutedical et juridique

Seul le juge pourrait donner laccord au deacutebut du processus Le couple demandeur devait

sengager agrave assumer la garde de lenfant degraves sa naissance afin deacuteviter soit une non-remise

denfant soit un refus de lenfant - par exemple en cas de handicap

Concernant la reacutemuneacuteration de la megravere porteuse la marchandisation est inacceptable Les

intermeacutediaires reacutemuneacutereacutes seraient interdits Le principe du volontariat et de la gratuiteacute sont

essentiels le don de vie (50)

Enfin il ne sagirait pas de reacutemuneacuteration mais de compensation financiegravere destineacutee agrave

deacutedommager les inconveacutenients lieacutes agrave la grossesse sur la base de la loi laquo Huriet raquo (loi sur la

recherche meacutedicale avec volontaires sains) Le couple demandeur devrait prendre agrave sa charge

les deacutepenses meacutedicales leacutegales et psychologiques ainsi quun montant raisonnable alloueacute agrave la

megravere porteuse pour subvenir agrave ses besoins Les juges appreacutecieraient librement ce que peut ecirctre

un montant laquo raisonnable raquo sans que cela puisse jamais ecirctre consideacutereacute comme une laquo vente raquo

denfant

(1) B Debreacute et S Agacinski laquo Faut-il leacutegaliser les megraveres porteuses en France raquo Le Figaro Magazine du samedi 10 novembre 2007 p 50

34

(2) G David laquo Don et utilisation du sperme raquo in Actes du colloque Geacuteneacutetique procreacuteation et

droit Actes sud 1985 p 205 G-M Faure Le deacutesir denfant agrave leacutepreuve du droit Essai sur le droit de la procreacuteation meacutedicalement assisteacutee Thegravese Universiteacute de Lille 1992 p 7

(3) G Lebreton Liberteacutes publiques et droits de lhomme 6e eacuted Armand Colin 2003 p 262

(4) CE 22 janvier 1988 Lebon 1988 p 37

(5) La Cour de cassation a enteacuterineacute la position de la cour dappel de Paris pour laquelle laquo ni laltruisme du comportement de la megravere de substitution ni le caractegravere deacutesinteacuteresseacute des activiteacutes de lassociation ne sont propres agrave faire disparaicirctre lilliceacuteiteacute qui frappe laccord litigieux raquo Cass civ 1re 13 deacutecembre 1989 Bull civ I no 387 Defreacutenois 1990 art 34802 no 55 obs J-L Aubert D 1990 p 273 JCP eacuted G 1990 II 21526 note A Seacuteriaux propos recueillis par C Slobodansky laquo Le droit doit limiter les progregraves de la science raquo LPA du 7 mai 2004 no 92 p 60

(6) laquo La convention par laquelle une femme sengage fucirct-ce agrave titre gratuit agrave concevoir et porter un enfant pour labandonner agrave sa naissance contrevient tant au principe dordre public de lindisponibiliteacute du corps humain quagrave celui de lindisponibiliteacute de leacutetat des personnes raquo Cass ass pleacuten 31 mai 1991 Bull civ ass pleacuten no 4 Defreacutenois 1991 art 35142 no 103 obs J-L Aubert Defreacutenois 1991 art 35088 no 67 note J Massip RTD civ 1991 p 517 obs D Huet-Weiller et p 489 note M Gobert M Gobert laquo Reacuteflexions sur les sources du droit et les

principes dindisponibiliteacute du corps humain et de leacutetat des personnes agrave propos de la materniteacute de substitution raquo RTD civ 1992 p 489 et s speacutec p 501 dans ce sens v deacutejagrave les remarques de P Murat laquo Laction de lordonnance du 4 juillet 2005 sur la possession deacutetat raquo Dr Famille 2006 eacutetude no 6 speacutec no 7 V aussi J Massip laquo Linsertion dans le Code civil de dispositions relatives au corps humain agrave lidentification geacuteneacutetique et agrave la procreacuteation meacutedicalement assisteacutee raquo Defreacutenois 1995 art 35975 et 35992

(7) En ce sens V Depadt-Sebag laquo De la neacutecessiteacute dune reacuteforme de larticle 16-7 du Code civil relatif agrave linterdiction de gestation pour autrui raquo RGD meacuted 2004 no 12 p 135 et s

(8) Art 227-12 et s C peacuten

(9) CA Paris 1re feacutevrier 2001 RTD civ 2001 p 347 obs J Hauser Cass civ 1re 9 deacutecembre 2003 Bull civ I no 252 p 201 CA Rennes 4 juillet 2002 D 2002 p 2904

(10) Cass civ 1re 20 feacutevrier 2007 Defreacutenois 2007 art 38595 no 45 obs J Massip

(11) V Depadt-Sebag laquo De la neacutecessiteacute dune reacuteforme de larticle 16-7 du Code civil relatif agrave linterdiction de gestation pour autrui raquo preacutec no 12 p 135 et s

(12) L no 2004-800 du 6 aoucirct 2004 relative agrave la bioeacutethique JO du 7 aoucirct 2004 p 14040 J Massip art preacutec

(13) Dans ce sens v M Gobert laquo Reacuteflexions sur les sources du droit et les principes dindisponibiliteacute du corps humain et de leacutetat des personnes agrave propos de la materniteacute de substitution raquo preacutec p 489 et s speacutec p 513

(14) V Depadt-Sebag laquo De la neacutecessiteacute dune reacuteforme de larticle 16-7 du Code civil relatif agrave linterdiction de gestation pour autrui raquo preacutec no 12 p 135 et s E Camuzet La convention de gestation pour autrui une illeacutegaliteacute franccedilaise injustifieacutee Meacutemoire Lille 2 Universiteacute du droit et de la santeacute 2005-2006 p 55

(15) A Mayer-Jack laquo Les conventions relatives agrave la personne physique raquo Rev crit leacutegisl et jurispr 1993 p 6

(16) G Meacutemeteau laquo Une distinction est opeacutereacutee sur la reacutefeacuterence des donneacutees acquises de la science agrave la date des soins par opposition agrave la notion erroneacutee de donneacutees actuelles de la science raquo note sous Cass civ 1re 6 juin 2000 JCP eacuted G 2001 II 10447

(17) Cass civ 1re 13 deacutecembre 1989 Bull civ I no 387 Defreacutenois 1990 art 34815 rapp J Massip D 1990 p 273 JCP eacuted G 1990 II 21526 note A Seacuteriaux

35

(18) Communication J Bernard et comm J Massip Defreacutenois 1990 art 35088 no 67 note J

Massip F Terreacute note sous Cass ass pleacuten 31 mai 1991 JCP eacuted G 1991 II 21752 dans ce sens v les remarques de P Murat laquo Laction de lordonnance du 4 juillet 2005 sur la possession deacutetat raquo preacutec eacutetude no 6 speacutec no 7 G Kessler laquo La consolidation de situations illicites dans linteacuterecirct de lenfant raquo Dr Famille no 7 juillet 2005 Etude 16

(19) TGI Lille 22 mars 2007 D 2007 no 18 p 1251 note X Labbeacutee B Edelman et C Labrusse-Riau note sous CA Paris 15 juin 1990 JCP eacuted G 1991 II 21653

(20) V Larribau-Terneyre note sous CA Pau 19 feacutevrier 1991 D 1991 juris p 380

(21) J Massip laquo Megravere porteuse et deacutecheacuteance de lautoriteacute parentale raquo LPA du 29 octobre 2003 no 216 p 10 Cass ass pleacuten 31 mai 1991 Bull civ ass pleacuten no 4 Defreacutenois 1991 art 35088 no 67 p 948 obs J Massip D 1991 p 417 rapport Y Chartier note D Thouvenin JCP eacuted G 1991 II 21752 communication J Bernard concl H Dontenwille note F Terreacute RTD civ 1991 p 517 obs D Huet-Weiller

(22) J Rubellin-Devichi laquo Materniteacute de substitution qui est la megravere raquo note sous CA Rennes 4 juillet 2002 JCP eacuted G 2003 I 101 C Ducomte laquo La vraie querelle des megraveres porteuses raquo httppagesperso-orangefrmax-christianducomtemereindexhtm

(23) Propos de Mme F Dekeuwer-Deacutefossez lors de son audition devant le preacutesident M Bloche pour la mission dinformation sur la famille (procegraves-verbal du 5 octobre 2005)

(24) J Hauser obs in RTD civ 1999 p 372 F Dekeuwer-Deacutefossez note sous Cass ass pleacuten 31 mai 1991 D 1992 somm p 59

(25) F Dekeuwer-Deacutefossez laquo Les droits de lenfant raquo D 1992 somm p 59 E Poisson-Drocourt laquo Recours agrave une megravere de substitution et refus de ladoption raquo D 2004 p 2001

(26) J-J Lemouland laquo Le tourisme procreacuteatif raquo LPA 2001 no 62 p 24 F Dekeuwer-Deacutefossez laquo Le lien parental raquo LPA du 1er juillet 2004 no 131 p 70 F Granet note sous CA Rennes 4 juillet 2002 D 2002 p 2904

(27) CA Aix-en-Provence 12 mars 2002 Juris-Data no 2002-190443 A Seacuteriaux laquo Droit naturel et procreacuteation artificielle quelle jurisprudence raquo D 1985 chron p 53 J Massip laquo Le nouveau droit de la filiation raquo Defreacutenois 2006 art 38303 p 13

(28) CA Rennes 4 juillet 2002 JCP eacuted G 2003 I 101 note J Rubellin-Devichi

(29) laquo Si le principe structurant de lautoriteacute parentale est linteacuterecirct de lenfant deacutetermineacute in concreto le droit de la filiation nappreacutecie en revanche jamais linteacuterecirct concret dun enfant preacutecis mais linteacuterecirct geacuteneacuteral de lenfant in abstracto raquo A Gouttenoire laquo A chacun sa famille agrave chacun son droit raquo Dr Famille no 7 juillet 2006 Alerte 41

(30) E Camuzet La convention de gestation pour autrui une illeacutegaliteacute franccedilaise injustifieacutee art preacutec p 52

(31) P Raynaud laquo Un abus de ladoption simple les couples adoptifs raquo D 1983 chron p 39 H Gaumont-Prat laquo Pas dadoption pour les enfants issus de convention de megravere porteuse raquo RLDC no 5 mai 2004 p 31 laquo Le rejet dans le non-droit des enfants neacutes dans des circonstances qui deacuterangent la socieacuteteacute relegraveve du deacuteni de la reacutealiteacute porteur de nombreux effets pathogegravenes et injustes raquo

(32) J Rubellin-Devichi laquo Materniteacute de substitution qui est la megravere raquo note sous CA Rennes 4 juillet 2002 preacutec I 101 C Ducomte laquo La vraie querelle des megraveres porteuses raquo preacutec P Raynaud laquo Un abus de ladoption simple les couples adoptifs raquo art preacutec chron p 39 G Kessler laquo La consolidation de situations illicites dans linteacuterecirct de lenfant raquo art preacutec Etude 16

(33) F Dekeuwer-Deacutefossez laquo Reacuteflexion sur les mythes fondateurs du droit contemporain de la famille raquo RTD civ 1995 p 269 E Camuzet La convention de gestation pour autrui une illeacutegaliteacute franccedilaise injustifieacutee art preacutec p 66 A Ponsard rapport sous Cass civ 1re 16

36

novembre 1982 JCP eacuted G 1983 II 19954 M-T Meulders-Klein laquo Le droit agrave lenfant face au

droit de lenfant et les procreacuteations meacutedicalement assisteacutees raquo RTD civ 1988 p 645 F Terreacute Lenfant de lesclave Geacuteneacutetique et droit Flammarion 1987 p 128

(34) Convention de New York du 26 janvier 1990 Charte des droits fondamentaux de lUnion europeacuteenne du 7 deacutecembre 2000 Deacuteclaration universelle des droits de lhomme de 1789 Convention internationale des droits de lenfant de 1989

(35) Cass ass plegraven 31 mai 1991 Bull civ ass plegraven no 4 Defreacutenois 1991 art 35142 no 103 obs J-L Aubert et art 35088 no 67 p 948 obs J Massip D 1991 p 417 rapport Y Chartier note D Thouvenin JCP eacuted G 1991 II 21752 communication J Bernard concl H Dontenwille note F Terreacute RTD civ 1991 p 517 obs D Huet-Weiller

(36) Cass civ 1re 24 feacutevrier 2006 Bull civ I no 101 p 95 Defreacutenois 2006 art 38415 no 40 p 1067 obs J Massip D 2006 juris p 897-900 obs D Vigneau T Anatrella laquo Adoption et homoparentaliteacute leacuteclairage des droits de lhomme raquo Dr Famille 2003 no 10 p

8-10 agrave lidentique dans un arrecirct du 22 janvier 1992 D 1993 p 119 note J Vassaux la cour dappel de Poitiers a prononceacute ladoption simple dun enfant neacute dune convention de megravere porteuse au motif que laquo cette adoption nest pas seulement conforme agrave linteacuterecirct de lenfant mais encore constitue une neacutecessiteacute qui deacutecoule des reacutealiteacutes de la vie issues derreurs des adultes dont lenfant ne doit pas subir les conseacutequences raquo

(37) G Kessler laquo La consolidation de situations illicites dans linteacuterecirct de lenfant raquo art preacutec eacutetude no 16 M-T Meulders-Klein laquo Le droit agrave lenfant face au droit de lenfant et les procreacuteations meacutedicalement assisteacutees raquo art preacutec p 645

(38) Cass civ 1re 18 mai 2005 Bull civ I no 211 p 179 V Depadt-Sebag laquo Non-lieu dans une affaire de materniteacute pour autrui raquo D 2005 p 476 J Massip laquo Megravere porteuse et deacutecheacuteance de lautoriteacute parentale raquo art preacutec no 216 p 11 F Terreacute Lenfant de lesclave Geacuteneacutetique et droit op cit adde F Terreacute et D Fenouillet Droit civil Les personnes la famille les incapaciteacutes 6e eacuted Preacutecis Dalloz no 926 M Lamarche laquo Inteacuterecirct supeacuterieur de lenfant de ladmission des effets dune convention de megravere porteuse agrave la destruction du droit franccedilais de la filiation raquo Dr Famille novembre 2007 no 11

(39) M Donnier laquo Linteacuterecirct de lenfant raquo D 1959 chron p 27 F Laroche-Gisserot note sous Cass civ 1re 27 mai 1998 D 1998 p 530 F Millet laquo Ladoption dun inteacuterecirct agrave lautre raquo RRJ 2003-3 p 1777 et s A Gouttenoire laquo A chacun sa famille agrave chacun son droit raquo art preacutec Alerte 41

(40) Par la loi no 2007-293 du 5 mars 2007 reacuteformant la protection de lenfance (JO du 6 mars 2007 Defreacutenois 2007 Leacuteg p 282) le leacutegislateur a inteacutegreacute la notion dinteacuterecirct de lenfant dans le Code de laction sociale et des familles Le nouvel article L 112-4 dudit code dispose que laquo Linteacuterecirct de lenfant la prise en compte de ses besoins fondamentaux physiques intellectuels sociaux et affectifs ainsi que le respect de ses droits doivent guider toutes deacutecisions le concernant raquo

(41) Amendement no 48 rect Protection de lenfance no 3184 Assembleacutee nationale 22 deacutecembre 2006 wwwassemblee-nationalefr v aussi sur lensemble de ces questions les consideacuterations tregraves eacuteclairantes de P Murat note sous CA Rennes 4 juillet 2002 D 2002 p 2902 Dr Famille 2002 comm no 142 note P Murat

(42) F Granet-Lambrechts laquo Materniteacutes de substitution filiation et eacutetat civil Panorama europeacuteen raquo Dr Famille no 12 deacutecembre 2007 eacutetude no 34

(43) D Youf Penser les droits de lenfant PUF 2002 p 2

(44) G Cornu La famille 6e eacuted no 7 J Carbonnier Droit civil t 4 Les obligations PUF coll Theacutemis no 372 p 649

(45) D Fenouillet et P de Vareilles-Sommiegraveres La contractualisation du droit de la famille Economica 2001

37

(46) H Gaumont-Prat laquo Pas dadoption pour les enfants issus de convention de megravere porteuse raquo art preacutec p 31

(47) E Poisson-Droccourt laquo Recours agrave une megravere de substitution et refus de ladoption raquo art preacutec p 2001 note sous Cass civ 1re 9 deacutecembre 2003 G Delaisi de Perseval laquo Gestation pour autrui en quecircte de leacutegitimation raquo httpwwwliberationfr

(48) C Neirinck laquo Les filiations eacutelectives agrave leacutepreuve du droit raquo JCP eacuted G 1997 I 4067 E Camuzet laquo La convention de gestation pour autrui une illeacutegaliteacute franccedilaise injustifieacutee raquo art preacutec p 59

(49) J Hauser et D Huet-Weiller Traiteacute de droit civil La famille Fondation et vie de la famille 2e eacuted LGDJ 1993 p 250

(50) B Debreacute et S Agacinski laquo Faut-il leacutegaliser les megraveres porteuses en France raquo art preacutec p 50 C Atias D 1986 chron p 67

Civ 1egravere

13 deacutecembre 1989

Ndeg de pourvoi 88-15655

Publieacute au bulletin

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Attendu selon les juges du fond que lrsquoassociation ldquo Alma Mater ldquo a pour objet de faciliter la

solution des problegravemes qui se posent aux couples dont la femme est steacuterile deacutesireux

drsquoaccueillir un enfant agrave leur foyer et aux ldquo megraveres porteuses ldquo volontaires qursquoil est proposeacute agrave

la ldquo megravere porteuse ldquo drsquoecirctre inseacutemineacutee artificiellement par la semence du mari ou du concubin

de porter et de mettre au monde lrsquoenfant qui sera deacuteclareacute sur les registres de lrsquoeacutetat civil sans

indication du nom de la megravere reconnu par le pegravere et accueilli au foyer de celui-ci en vue de

son adoption par lrsquoeacutepouse ou la compagne que lrsquoassociation intervient tout au long de ce

processus qualifieacute de ldquo precirct drsquouteacuterus ldquo ou de ldquo don drsquoenfant ldquo qursquoainsi apregraves avoir controcircleacute la

reacutealiteacute de la steacuteriliteacute du couple demandeur et des faculteacutes de feacutecondation de la ldquo megravere porteuse

ldquo geacuteneacuteralement recruteacutee par elle lrsquoassociation fait proceacuteder agrave lrsquoinseacutemination surveille la

grossesse et lrsquoaccouchement srsquooccupe de faire diligenter la proceacutedure drsquoadoption qursquoelle

verse ensuite agrave la megravere une somme forfaitaire - qui en 1987 eacutetait fixeacutee agrave 60 000 francs -

remise par le couple demandeur degraves le deacutebut de la grossesse que lrsquoarrecirct confirmatif attaqueacute

(Aix-en-Provence 29 avril 1988) estimant que cette association avait un objet illicite

contraire aux lois et aux bonnes moeurs en a prononceacute la nulliteacute sur le fondement de lrsquoarticle

3 de la loi du 1er juillet 1901

Sur le moyen unique pris en sa premiegravere branche

Attendu que lrsquoassociation ldquo Alma Mater ldquo fait grief agrave la cour drsquoappel drsquoavoir ainsi statueacute alors

que selon le moyen nrsquoest ni illicite ni contraire aux bonnes moeurs lrsquoassociation qui dans un

but humanitaire non lucratif met en relation un couple demandeur dont la femme est steacuterile et

38

une femme qui accepte drsquoecirctre inseacutemineacutee artificiellement par le mari de porter lrsquoenfant et de le

remettre agrave la naissance agrave ce couple qui lrsquoindemnisera des contraintes et de la gecircne occasionneacutee

par la grossesse de sorte que la juridiction du second degreacute aurait violeacute les articles 3 et 7 de la

loi du 1er juillet 1901

Mais attendu qursquoil reacutesulte des constatations des juges du fond que lrsquoobjet mecircme de

lrsquoassociation est de favoriser la conclusion et lrsquoexeacutecution de conventions qui fussent-elles

verbales portent tout agrave la fois sur la mise agrave la disposition des demandeurs des fonctions

reproductrices de la megravere et sur lrsquoenfant agrave naicirctre et sont donc nulles en application de lrsquoarticle

1128 du Code civil que ces conventions contreviennent au principe drsquoordre public de

lrsquoindisponibiliteacute de lrsquoeacutetat des personnes en ce qursquoelles ont pour but de faire venir au monde un

enfant dont lrsquoeacutetat ne correspondra pas agrave sa filiation reacuteelle au moyen drsquoune renonciation et

drsquoune cession eacutegalement prohibeacutees des droits reconnus par la loi agrave la future megravere que

lrsquoactiviteacute de lrsquoassociation qui tend deacutelibeacutereacutement agrave creacuteer une situation drsquoabandon aboutit agrave

deacutetourner lrsquoinstitution de lrsquoadoption de son veacuteritable objet qui est en principe de donner une

famille agrave un enfant qui en est deacutepourvu que crsquoest degraves lors agrave bon droit que lrsquoarrecirct attaqueacute a

deacutecideacute sur le fondement de lrsquoarticle 3 de la loi du 1er juillet 1901 que cette association eacutetait

nulle en raison de lrsquoilliceacuteiteacute de son objet que la premiegravere branche du moyen est donc sans

fondement

Et sur les deuxiegraveme et troisiegraveme branches du moyen

Attendu qursquoil est fait grief agrave la cour drsquoappel de nrsquoavoir pas reacutepondu aux conclusions faisant

valoir drsquoune part que lrsquointerdiction du ldquo don de gestation ldquo constituait une discrimination

fondeacutee sur la naissance contraire aux dispositions de lrsquoarticle 24 du pacte international relatif

aux droits civils et politiques signeacute agrave New York le 19 deacutecembre 1966 et drsquoautre part que ce ldquo

don de gestation ldquo reposait sur le droit leacutegitime de fonder une famille qui implique le droit

drsquoengendrer reconnu tant par lrsquoarticle 12 de la convention europeacuteenne des droits de lrsquohomme

et des liberteacutes fondamentales du 4 novembre 1950 que par lrsquoarticle 23 du pacte international

preacuteciteacute

Mais attendu que la reconnaissance du caractegravere illicite de la materniteacute pour autrui et des

associations qui srsquoefforcent de la promouvoir qui se deacuteduit des principes geacuteneacuteraux du Code

civil et de regravegles qui sont communes agrave toutes les filiations nrsquoest pas de nature agrave instaurer une

discrimination fondeacutee sur la naissance que le droit de se marier et de fonder une famille

reconnu par lrsquoarticle 12 de la convention du 4 novembre 1950 et par lrsquoarticle 23 du pacte

international du 19 deacutecembre 1966 agrave lrsquohomme et agrave la femme en acircge nubile nrsquoimplique pas le

droit de conclure avec un tiers des conventions portant sur le sort drsquoun enfant agrave naicirctre que

par ces motifs de droit reacutepondant aux conclusions invoqueacutees lrsquoarrecirct se trouve leacutegalement

justifieacute et que les deuxiegraveme et troisiegraveme branches du moyen ne peuvent ecirctre accueillies

PAR CES MOTIFS

REJETTE le pourvoi

Publication Bulletin 1989 I Ndeg 387 p 260

Deacutecision attaqueacutee Cour drsquoappel drsquoAix-en-Provence du 29 avril 1988

39

Cour de cassation Assembleacutee pleacuteniegravere

Audience publique du 31 mai 1991

Ndeg de pourvoi 90-20105 Publieacute au bulletin

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Sur le pourvoi dans lrsquointeacuterecirct de la loi formeacute par M le Procureur geacuteneacuteral pregraves la Cour de

Cassation

Vu les articles 6 et 1128 du Code civil ensemble lrsquoarticle 353 du mecircme Code

Attendu que la convention par laquelle une femme srsquoengage fucirct-ce agrave titre gratuit agrave concevoir

et agrave porter un enfant pour lrsquoabandonner agrave sa naissance contrevient tant au principe drsquoordre

public de lrsquoindisponibiliteacute du corps humain qursquoagrave celui de lrsquoindisponibiliteacute de lrsquoeacutetat des

personnes

Attendu selon lrsquoarrecirct infirmatif attaqueacute que Mme X eacutepouse de M Y eacutetant atteinte drsquoune

steacuteriliteacute irreacuteversible son mari a donneacute son sperme agrave une autre femme qui inseacutemineacutee

artificiellement a porteacute et mis au monde lrsquoenfant ainsi conccedilu qursquoagrave sa naissance cet enfant a

eacuteteacute deacuteclareacute comme eacutetant neacute de Y sans indication de filiation maternelle

Attendu que pour prononcer lrsquoadoption pleacuteniegravere de lrsquoenfant par Mme Y lrsquoarrecirct retient

qursquoen lrsquoeacutetat actuel des pratiques scientifiques et des moeurs la meacutethode de la materniteacute

substitueacutee doit ecirctre consideacutereacutee comme licite et non contraire agrave lrsquoordre public et que cette

adoption est conforme agrave lrsquointeacuterecirct de lrsquoenfant qui a eacuteteacute accueilli et eacuteleveacute au foyer de M et

Mme Y pratiquement depuis sa naissance

Qursquoen statuant ainsi alors que cette adoption nrsquoeacutetait que lrsquoultime phase drsquoun processus

drsquoensemble destineacute agrave permettre agrave un couple lrsquoaccueil agrave son foyer drsquoun enfant conccedilu en

exeacutecution drsquoun contrat tendant agrave lrsquoabandon agrave sa naissance par sa megravere et que portant atteinte

aux principes de lrsquoindisponibiliteacute du corps humain et de lrsquoeacutetat des personnes ce processus

constituait un deacutetournement de lrsquoinstitution de lrsquoadoption la cour drsquoappel a violeacute les textes

susviseacutes

PAR CES MOTIFS

CASSE ET ANNULE mais seulement dans lrsquointeacuterecirct de la loi et sans renvoi lrsquoarrecirct rendu le

15 juin 1990 par la cour drsquoappel de Paris

REQUETE DE M LE PROCUREUR GENERAL PRES LA COUR DE CASSATION

Le Procureur geacuteneacuteral pregraves la Cour de Cassation a lrsquohonneur drsquoexposer

- Que par jugement du 28 juin 1989 le tribunal de grande instance de Paris a rejeteacute la requecircte

preacutesenteacutee par Mme X eacutepouse Y tendant agrave lrsquoadoption pleacuteniegravere de lrsquoenfant Z deacuteclareacutee

comme eacutetant neacutee de M Y mari de la requeacuterante sans indication de filiation maternelle

- Que pour ne pas faire droit agrave cette requecircte les premiers juges ont retenu que les eacutepoux Y

pour remeacutedier agrave la steacuteriliteacute de leur couple avaient eu recours agrave lrsquoassociation Alma Mater

aujourdrsquohui dissoute lrsquoenfant eacutetant neacute drsquoune megravere de substitution qui lrsquoa abandonneacute agrave la

naissance pratique deacuteclareacutee illicite

- Que sur appel de Mme Y la premiegravere chambre civile section C de la cour drsquoappel de

Paris a par arrecirct du 15 juin 1990 infirmeacute la deacutecision entreprise et prononceacute lrsquoadoption

pleacuteniegravere solliciteacutee par la requeacuterante

- Qursquoau soutien de leur deacutecision devenue deacutefinitive les juges du second degreacute ont tireacute de nos

principes geacuteneacuteraux relatifs agrave la filiation des regravegles drsquoordre public concernant les contrats et de

40

certaines conventions ou deacuteclarations internationales des conclusions contraires agrave celles

auxquelles eacutetait parvenue votre premiegravere chambre civile de la Cour de Cassation qui dans un

cas de figure pratiquement identique a par arrecirct du 13 deacutecembre 1989 (association Alma

Mater contre procureur geacuteneacuteral Aix-en-Provence) reconnu le caractegravere illicite de la materniteacute

pour autrui et les associations qui srsquoefforcent de la promouvoir

- Qursquoil importe en cette matiegravere particuliegraverement sensible qui touche agrave un deacutelicat problegraveme de

socieacuteteacute et drsquoeacutethique que soit mis fin agrave des divergences jurisprudentielles majeures et que la

seacutecuriteacute juridique soit assureacutee

PAR CES MOTIFS

Vu lrsquoarticle 17 de la loi du 3 juillet 1967 relative agrave la Cour de Cassation

Requiert qursquoil plaise agrave la Cour de Cassation

CASSE ET ANNULE sans renvoi et dans le seul inteacuterecirct de la loi lrsquoarrecirct rendu le 15 juin 1990

par la cour drsquoappel de Paris ayant fait droit agrave la requecircte en adoption pleacuteniegravere preacutesenteacutee par

Mme X eacutepouse Y

Publication Bulletin 1991 AP Ndeg 4 p 5

Deacutecision attaqueacutee Cour drsquoappel de Paris du 15 juin 1990

Page 2: SEANCE_3 Droit Civil Methodologie

2

Texte inteacutegral

Rejet 9 deacutecembre 2003 Ndeg 01-03927 Bulletin 2003 I Ndeg 252 p 201

Reacutepublique franccedilaise

Au nom du peuple franccedilais

AU NOM DU PEUPLE FRANCcedilAIS

LA COUR DE CASSATION PREMIERE CHAMBRE CIVILE a rendu larrecirct suivant

Sur le moyen unique pris en ses quatre branches

Attendu que M X et Mme Y se sont marieacutes le 15 deacutecembre 1962 quun enfant Fabrice

est issu de cette union le 11 novembre 1966 que le 4 juillet 1987 est neacutee une enfant

preacutenommeacutee Sarah sans indication de filiation maternelle qui a eacuteteacute reconnue par M X que

le 28 janvier 1999 leacutepouse de celui-ci a preacutesenteacute une requecircte aux fins dadoption pleacuteniegravere de

lenfant Sarah

Attendu que Mme X reproche agrave larrecirct confirmatif attaqueacute (Paris 1er feacutevrier 2001) davoir

rejeteacute sa requecircte alors selon le moyen

1 que les conditions leacutegales de ladoption doivent ecirctre appreacutecieacutee en prenant en consideacuteration

les douze anneacutees pendant lesquelles elle a eacuteleveacute lenfant quen se refusant agrave cette prise en

consideacuteration pour juger au contraire que ladoption eacutetait indivisible des circonstances de la

conception et de la naissance de lenfant la cour dappel a violeacute larticle 353 du Code civil

ainsi que larticle 8 paragraphe 1er de la Convention europeacuteenne des droits de lhomme

2 que la circonstance selon laquelle un enfant est neacute dune megravere porteuse ne peut ecirctre prise

en consideacuteration pour appreacutecier la reacuteunion des conditions de ladoption pleacuteniegravere quen

jugeant le contraire la cour dappel a violeacute les articles 16-7 issu de la loi du 29 juillet 1994 et

353 du Code civil en y ajoutant des dispositions quils ne comportent pas

3 que linteacuterecirct supeacuterieur de lenfant doit primer sur la neacutecessiteacute de sanctionner lilliceacuteiteacute de la

convention qui a preacutesideacute agrave sa conception et agrave sa naissance quen jugeant le contraire la cour

dappel a violeacute les articles 3 et 21 de la Convention internationale des droits de lenfant

ensemble larticle 353 du Code civil

4 quelle faisait valoir dans ses conclusions dappel que la conception de Sarah avait eu lieu agrave

un moment ougrave ni la loi ni la jurisprudence ne seacutetaient prononceacutees sur la materniteacute pour

autrui quil neacutetait pas preacutevisible avant que lassembleacutee pleacuteniegravere de la Cour de cassation nen

deacutecide ainsi le 31 mai 1991 quil serait impossible dadopter les enfants neacutes agrave la suite dune

convention de megravere porteuse que la cour dappel qui a deacutelaisseacute ce moyen a violeacute larticle

455 du nouveau Code de proceacutedure civile

Mais attendu que la materniteacute pour autrui dont le caractegravere illicite se deacuteduit des principes

geacuteneacuteraux du Code civil et aujourdhui de son article 16-7 reacutealise un deacutetournement de

linstitution de ladoption que les juges du fond ont donc agrave bon droit refuseacute de prononcer sans

violer aucun des textes invoqueacutes que le moyen nest fondeacute en aucune de ses branches

PAR CES MOTIFS

REJETTE le pourvoi

Condamne Mme Y eacutepouse X aux deacutepens

Ainsi fait et jugeacute par la Cour de cassation Premiegravere chambre civile et prononceacute par le

preacutesident en son audience publique du neuf deacutecembre deux mille trois

3

Textes citeacutes

Code civil 16-7

RECHERCHE DOCUMENTAIRE

Reacutefeacuterences reacutecentes relatives au thegraveme (documents agrave rechercher)

A MIRKOVIC laquo Non-transcription des actes de naissance eacutetrangers denfants neacute dune megravere

porteuse sur les registres franccedilais deacutetat civil raquo JCP G 2010 ndeg 18 pp 933-935

J BONNARD laquo La reacutevision des lois de bioeacutethique raquo Dalloz 2010 pp 846-850

J GALLOUX H GAUMONT-PRAT laquo Droit et liberteacutes corporels feacutevrier 2008-deacutecembre

2009 Dalloz 2010 pp 604-619

Reacutefeacuterences mises agrave disposition dans la fiche

CODE CIVIL LIVRE PREMIER DES PERSONNES

TITRE HUITIEgraveME DE LA FILIATION ADOPTIVE

CHAPITRE PREMIER DE LADOPTION PLEacuteNIEgraveRE

SECTION II DU PLACEMENT EN VUE DE LADOPTION PLEacuteNIEgraveRE ET DU

JUGEMENT DADOPTION PLEacuteNIEgraveRE

Art 353 laquo Ladoption est prononceacutee agrave la requecircte de ladoptant par le tribunal de grande instance qui

veacuterifie (L no 93-22 du 8 janv 1993) laquodans un deacutelai de six mois agrave compter de la saisine du

tribunalraquo si les conditions de la loi sont remplies et si ladoption est conforme agrave linteacuterecirct de

lenfant

(L no 76-1179 du 22 deacutec 1976) laquoDans le cas ougrave ladoptant a des descendants le tribunal

veacuterifie en outre si ladoption nest pas de nature agrave compromettre la vie familialeraquo

Si ladoptant deacutecegravede apregraves avoir reacuteguliegraverement recueilli lenfant en vue de son adoption la

requecircte peut ecirctre preacutesenteacutee en son nom par le conjoint survivant ou lun des heacuteritiers de

ladoptant

(L no 96-604 du 5 juill 1996) laquoSi lenfant deacutecegravede apregraves avoir eacuteteacute reacuteguliegraverement recueilli en

vue de son adoption la requecircte peut toutefois ecirctre preacutesenteacutee Le jugement produit effet le jour

preacuteceacutedant le deacutecegraves et emporte uniquement modification de leacutetat civil de lenfantraquo

Le jugement prononccedilant ladoption nest pas motiveacute raquo

A VEacuteRIFICATION DES CONDITIONS LEacuteGALES DE LADOPTION

1o DEacuteTOURNEMENTS DE LINSTITUTION

1 laquoMegravere porteuseraquo Viole les art 6 et 1128 C civ ensemble lart 353 larrecirct qui prononce

ladoption pleacuteniegravere dun enfant alors que cette adoption neacutetait que lultime phase dun

processus densemble destineacute agrave permettre agrave un couple laccueil agrave son foyer dun enfant conccedilu

en exeacutecution dun contrat tendant agrave labandon agrave sa naissance par sa megravere et que portant

4

atteinte aux principes de lindisponibiliteacute du corps humain et de leacutetat des personnes ce

processus constituait un deacutetournement de linstitution de ladoption Cass ass pleacuten 31

mai 1991 Bull civ no 4 R p 247 GAJC 12

e eacuted n

o 50 D 1991 417 rapp Chartier

note Thouvenin JCP 1991 II 21752 communic Bernard concl Dontenwille note Terreacute

Defreacutenois 1991 948 obs Massip RTD civ 1991 517 obs Huet-Weiller RRJ 19913

343 note Barthouil Mecircme sens Civ 1re

29 juin 1994 D 1994 581 note Chartier

JCP 1995 II 22362 note Rubellin-Devichi RTD civ 1994 842 obs Hauser Defreacutenois

1995 315 obs Massip ndash V aussi Rennes 4 juill 2002 D 2002 2902 note Granet

JCP 2003 I 101 no 4 obs Rubellin-Devichi Dr fam 2002 n

o 142 note Murat Civ 1

re 9

deacutec 2003 Bull civ I no 252 D 2004 1998 note Poisson-Drocourt D 2005 Pan 541

obs Galloux Defreacutenois 2004 592 obs Massip Dr fam 2004 no 17 note Murat RJPF

2004-435 obs Gareacute RTD civ 2004 75 obs Hauser

Recueil Dalloz 2004 p 1998

Recours agrave une megravere de substitution et refus de ladoption

Elisabeth Poisson-Drocourt Maicirctre de confeacuterences

Le preacutesent arrecirct atteste que la materniteacute de substitution - expression plus exacte que celle de

megravere porteuse lorsque celle-ci est eacutegalement gestatrice - est dune pratique assez courante

puisquil intervient apregraves plusieurs condamnations de la materniteacute de substitution par la Cour

de cassation M et Mme X se sont marieacutes le 15 deacutec 1962 Un enfant est neacute de leur union le

11 nov 1966 Vingt ans apregraves le 4 juill 1987 est neacute un autre enfant Sarah issu dune

convention de materniteacute pour autrui Une amie du couple ou supposeacutee telle a offert de se

faire inseacuteminer par les gamegravetes du mari de porter lenfant et de labandonner agrave sa naissance

afin que celui-ci soit reconnu par le mari et adopteacute par sa femme En effet le 28 janv 1999

Mme X a introduit une requecircte en adoption pleacuteniegravere de la jeune Sarah que les juges du fond

nont pas accepteacutee Mme X sest alors pourvue en cassation la Cour de cassation a rejeteacute le

pourvoi au motif que laquo la materniteacute pour autrui dont le caractegravere illicite se deacuteduit des

principes geacuteneacuteraux du code civil et aujourdhui de son art 16-7 reacutealise un deacutetournement de

ladoption que les juges du fond ont donc refuseacute agrave bon droit de prononcer raquo

Larrecirct de la premiegravere Chambre civile contraste par sa concision avec les quatre branches du

moyen Si lon essaie de seacuterier les problegravemes poseacutes agrave la Cour le premier est celui de

lapplication du droit dans le temps (I) Vient ensuite le caractegravere licite ou non de la materniteacute

pour autrui (II) puis le bien-fondeacute du recours agrave ladoption pleacuteniegravere (III) On envisagera ensuite

la porteacutee de larrecirct (IV)

I - Application du droit dans le temps

Sarah est neacutee le 4 juill 1987 La convention entre la megravere de substitution et les eacutepoux X a

donc eacuteteacute conclue en 1986 Mme X a demandeacute ladoption pleacuteniegravere en janvier 1999 Le

pourvoi fait observer que la conception de lenfant a eu lieu agrave un moment ougrave ni la loi ni la

jurisprudence ne seacutetaient prononceacutees sur la materniteacute pour autrui et quil neacutetait pas preacutevisible

quil serait impossible dadopter les enfants issus dune convention de laquo megravere porteuse raquo Pour

reacutepondre agrave cet argument il faut preacutealablement examiner leacutevolution de notre droit

A - Rappel de leacutevolution de notre droit

Si lon sen tient aux arrecircts de la Cour de cassation la materniteacute de substitution a eacuteteacute

condamneacutee pour la premiegravere fois en 1989 en deacuteclarant illicite une association qui promouvait

la materniteacute pour autrui La Cour a pris le soin de preacuteciser que les conventions que ladite

5

association favorisait laquo contrevenaient au principe dordre public de lindisponibiliteacute de leacutetat

des personnes en ce quelles ont pour but de faire venir au monde un enfant dont la filiation

ne correspondra pas agrave sa filiation reacuteelle au moyen dune renonciation ou dune cession

eacutegalement prohibeacutees des droits reconnus par la loi agrave la future megravere raquo Elle ajoutait que

lactiviteacute de lassociation laquo aboutit agrave deacutetourner linstitution de ladoption de son veacuteritable objet

qui est en principe de donner une famille agrave un enfant qui en est deacutepourvu raquo

LAssembleacutee pleacuteniegravere de la Cour de cassation a renforceacute cette condamnation par son arrecirct du

31 mai 1991 Elle y affirme que ladoption de lenfant issu dune megravere de substitution par la

femme steacuterile dun couple laquo neacutetait que lultime phase dun processus densemble destineacute agrave

permettre agrave un couple laccueil agrave son foyer dun enfant conccedilu en exeacutecution dun contrat

tendant agrave labandon agrave sa naissance par sa megravere et que portant atteinte au principe de

lindisponibiliteacute du corps humain et de leacutetat des personnes ce processus constituait un

deacutetournement de linstitution de ladoption raquo

Enfin la loi ndeg 94-653 du 29 juill 1994 relative au respect du corps humain a introduit lart

16-7 dans le code civil eacutedictant que laquo toute convention portant sur la procreacuteation ou la

gestation pour autrui est nulle raquo Une loi du mecircme jour reacuteglemente strictement lassistance

meacutedicale agrave la procreacuteation

B - Conflit dans le temps

Quel est le droit applicable dans notre affaire Par la convention de megravere de substitution

celle-ci sest engageacutee par avance agrave se faire inseacuteminer par les gamegravetes du mari agrave porter lenfant

et agrave labandonner agrave sa naissance sans indication de son nom agrave leacutetat civil geacuteneacuteralement en

accouchant sous X Si son objet se limite lagrave le contrat et ses effets se sont deacutejagrave produits et

lart 16-7 c civ nest pas applicable

En revanche si on considegravere que la materniteacute pour autrui et ladoption subseacutequente constituent

un processus densemble et reacutealisent en reacutealiteacute un deacutetournement de linstitution de ladoption

peut-ecirctre peut-on appliquer agrave la convention initiale lart 16-7 c civ dautant que celui-ci est

dordre public (art 16-9 c civ) et exprime un inteacuterecirct social impeacuterieux

Lapplication des lois dans le temps est deacutelicate agrave reacutesoudre Cependant la solution retenue na

guegravere de conseacutequence en lespegravece car lart 16-7 c civ ne fait que reprendre la solution

anteacuterieure de notre droit consacreacutee par larrecirct de lAssembleacutee pleacuteniegravere du 31 mai 1991 agrave

propos dune enfant neacutee en feacutevrier 1988 Sans doute cest cela que les magistrats ont voulu

exprimer en affirmant que le caractegravere illicite de la materniteacute pour autrui laquo se deacuteduit des

principes geacuteneacuteraux du code civil et aujourdhui de son art 16-7 raquo Quels sont ces principes

II - Principes geacuteneacuteraux du code civil et de notre droit

A - Principes du code civil

Pour annuler le contrat de materniteacute de substitution on peut prendre appui sur trois articles du

code civil Aux termes de lart 311-9 laquo les actions relatives agrave la filiation ne peuvent faire

lobjet de renonciation raquo Lart 376 dispose quant agrave lui laquo Aucune renonciation aucune

cession sur lautoriteacute parentale ne peut avoir deffet si ce nest en vertu dun jugement dans

les cas deacutetermineacutes ci-dessous raquo La premiegravere Chambre civile en avait tregraves justement deacuteduit

dans son arrecirct du 13 deacutec 1989 preacuteciteacute que les conventions de materniteacute pour autrui laquo

contreviennent au principe de lindisponibiliteacute de leacutetat des personnes en ce quelles ont pour

but de faire venir au monde un enfant dont leacutetat ne correspond pas agrave la filiation reacuteelle au

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moyen dune renonciation ou dune cession eacutegalement prohibeacutees des droits reconnus par la

loi agrave la future megravere raquo En dautres termes la megravere renonce par avance agrave sa future qualiteacute de

megravere

La Cour ajoutait que ces conventions sont nulles en application de lart 1128 c civ qui

dispose laquo Il ny a que les choses qui sont dans le commerce qui puissent ecirctre lobjet des

conventions raquo La formule peut precircter agrave contestation mais on comprend bien que le contrat

entre la megravere de substitution et le couple tend agrave faire de lenfant une chose agrave livrer Or cest un

ecirctre humain qui est promis Lenfant ne saurait ecirctre traiteacute comme une chose On ne peut pas en

disposer ainsi

La Cour de cassation dans larrecirct commenteacute neacutenonce pas les principes quelle avait mis en

avant dans ses preacuteceacutedents arrecircts agrave savoir lindisponibiliteacute du corps humain et celle de leacutetat des

personnes Elle parle seulement des laquo principes geacuteneacuteraux du code civil raquo Sans reprendre ce

quil en a eacuteteacute excellemment dit dans les commentaires des arrecircts de 1989 et de 1991 nous

nous interrogerons sur lexistence actuelle de ces deux principes

B - Principes geacuteneacuteraux de notre droit

1 - Indisponibiliteacute du corps humain

Un auteur a soutenu que lindisponibiliteacute du corps humain nexistait que dans laquo limaginaire de

la doctrine raquo avant sa conseacutecration par la Cour de cassation Les auteurs anciens en ont peu

traiteacute il est vrai quoique Josserand se soit interrogeacute sur la validiteacute des conventions portant sur

le corps humain Le code civil neacutenonce pas le principe Ce silence sexplique parce que ce

sont les progregraves de la biologie et de la meacutedecine qui en ont eacuteteacute le reacuteveacutelateur speacutecialement

avec la materniteacute pour autrui Celle-ci a eacuteteacute loccasion pour la Cour de cassation deacutenoncer ce

principe par trois fois Lart 16-7 c civ a eacuteteacute consideacutereacute par le rapporteur agrave lAssembleacutee

nationale de la loi de 1994 comme laquo lultime conseacutequence de lindisponibiliteacute du corps

humain raquo Un nombre important dauteurs contemporains font eacutetat de ce principe

Il convient de distinguer le corps humain envisageacute dans son ensemble dune part et les

produits et eacuteleacutements du corps humain dautre part Cela explique lassouplissement du

principe dindisponibiliteacute par le leacutegislateur quant agrave ces produits ou eacuteleacutements pour des raisons

theacuterapeutiques collecte du lait (ancien art L 184 c santeacute publ devenu art 2323-1) don du

sang (L 21 juill 1952) don dorganes (L 22 deacutec 1976) don du sperme (L 31 deacutec 1991 art

13) enfin don dovule et mecircme don dembryon (L ndeg 94-654 du 29 juill 1994) Cette

derniegravere avanceacutee de la procreacuteation artificielle nest pas sans soulever des problegravemes moraux

Le leacutegislateur a fait un pas important dans latteacutenuation de lindisponibiliteacute du corps humain

mais reacuteglemente strictement la procreacuteation meacutedicalement assisteacutee Il a marqueacute sa limite en

interdisant en mecircme temps la materniteacute pour autrui (art 16-7 c civ) Cest quil y a une

diffeacuterence de nature entre le don deacuteleacutements du corps ou dorganes et le fait pour une femme

dengendrer un enfant agrave livrer

Il y a dans ce dernier cas contrat portant sur le corps de la femme mise agrave la disposition

dautrui de ses fonctions de donner la vie de ses fonctions reproductrices aussi bien

geacuteneacutetiques (convention dinseacutemination artificielle) que gestatrices (precirct ou location duteacuterus)

Relativement agrave lenfant la convention porte sur sa vie et son deacuteveloppement preacutenatal Elle a

pour objet un ecirctre humain agrave venir La gestation atteint la femme au plus profond delle-mecircme

Elle lui laissera des seacutequelles physiologiques et psychologiques Elle marque aussi lenfant

dont on ne peut nier limportance de la vie intra-uteacuterine Il y a bien convention portant sur le

corps humain dans son ensemble Pour notre part nous partageons lopinion des magistrats et

des auteurs qui estiment que le corps humain dans son entier est indisponible laquo hors de toute

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transaction raquo Cest ce que sous-entend le code civil En est-il de mecircme de leacutetat des personnes

2 - Indisponibiliteacute de leacutetat des personnes

La femme dans la materniteacute pour autrui renonce par avance agrave sa qualiteacute de megravere Certes elle

peut ne pas reconnaicirctre lenfant (accouchement sous X) labandonner une fois neacute mais ici

elle sy oblige bien avant la naissance Quant agrave lenfant il est soustrait par avance agrave sa megravere

La Cour de cassation la tregraves bien exprimeacute dans son arrecirct du 13 deacutec 1989 les conventions de

materniteacute de substitution laquo contreviennent au principe de lindisponibiliteacute de leacutetat des

personnes en ce quelles ont pour but de faire venir au monde un enfant dont leacutetat ne

correspond pas agrave sa filiation reacuteelle raquo

La volonteacute intervient certes en matiegravere de composantes de leacutetat des personnes nom

nationaliteacute situation de famille actions relatives agrave la filiation Lart 373-2-11 c civ (L 4

mars 2002 reprenant lancien art 290) dispose ainsi que lorsquil se prononce sur lexercice

de lautoriteacute parentale le juge prend notamment en consideacuteration laquo les accords que [les

eacutepoux] avaient pu anteacuterieurement conclure raquo Les conventions qui ameacutenagent les devoirs

parentaux sont donc valables

Au demeurant la Cour de cassation na-t-elle pas franchi une eacutetape de plus en matiegravere de

transsexualisme Apregraves avoir jugeacute le contraire elle a deacutecideacute que le principe de

lindisponibiliteacute de leacutetat des personnes ne fait pas obstacle agrave la rectification du sexe sur lacte

de naissance dune personne preacutesentant le syndrome de transsexualisme lorsque agrave la suite dun

traitement meacutedico-chirurgical subi dans un but theacuterapeutique cette personne ne possegravede plus

tous les caractegraveres de son sexe dorigine et a pris une apparence physique la rapprochant de

lautre sexe auquel correspond son comportement social La Cour a statueacute ainsi parce que la

Cour europeacuteenne des droits de lhomme dans lintervalle avait condamneacute la France au motif

que la solution adopteacutee par la premiegravere Chambre civile conduirait agrave la violation du droit agrave la

vie priveacutee de lart 8 de la Convention europeacuteenne des droits de lhomme

Nous ne discuterons pas de lappreacuteciation de ces deacutecisions sur le transsexualisme Disons

simplement quelles ne sont pas sans incidence sur le mariage et les enfants neacutes ou que le

transsexuel deacutesirera adopter Bien que la Cour se reacutefegravere au principe de lindisponibiliteacute de

leacutetat des personnes il semble que ce principe est loin decirctre absolu On peut mecircme dire quil

nexiste pas mais quil est simplement opportun de ne pas disposer de leacutetat dune personne

Est-ce pour cette raison que la Cour de cassation dans larrecirct rapporteacute se reacutefegravere seulement aux

laquo principes geacuteneacuteraux du code civil raquo et au deacutetournement de linstitution de ladoption

III - Bien-fondeacute du recours agrave ladoption

Les eacutepoux X invoquent agrave lappui de leur demande dadoption lart 353 c civ aux termes

duquel le tribunal veacuterifie si ladoption est conforme agrave linteacuterecirct de lenfant Plusieurs auteurs

justifient ainsi le prononceacute de ladoption de lenfant issu dune convention de megravere de

substitution

Les eacutepoux X font aussi reacutefeacuterence aux art 3 al 1er (laquo Dans toutes les deacutecisions qui

concernent les enfants [] linteacuterecirct supeacuterieur de lenfant doit ecirctre une consideacuteration

primordiale raquo) et 21 (laquo Les Etats parties qui admettent etou autorisent ladoption sassurent

que linteacuterecirct supeacuterieur de lenfant est la consideacuteration primordiale en la matiegravere raquo) de la

Convention des Nations unies relative aux droits de lenfant du 20 nov 1989 Toutefois celle-

ci nest pas dapplication immeacutediate par les tribunaux Et il faudrait au surplus ecirctre sucircr que lon

soit dans une situation ougrave ladoption est permise

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Quant agrave linteacuterecirct de lenfant il ne permet pas daneacuteantir les autres principes directeurs de notre

droit vus preacuteceacutedemment Au surplus tout le monde admet quil faut dire agrave lenfant adopteacute dans

quelle condition il la eacuteteacute Que lui dira-t-on en lespegravece Lui dira-t-on la veacuteriteacute ou lui mentira-

t-on Devenu plus grand il aura le droit laquo dans la mesure du possible de connaicirctre ses

parents et decirctre eacuteleveacute par eux raquo aux termes de la mecircme Convention de New York du 20 nov

1989 Cela nest pas non plus sans soulever de difficulteacute

Surtout ladoption est faite pour donner des parents agrave un enfant deacutejagrave neacute et qui en est deacutepourvu

et non pour satisfaire le deacutesir denfant dun couple Il ne manque malheureusement pas

denfants sans famille dans le monde En lespegravece dailleurs les eacutepoux avaient deacutejagrave eu en

commun un enfant

Ils invoquent aussi agrave lappui de leur demande dadoption la Convention europeacuteenne des droits

de lhomme dont lart 8 dit laquo Toute personne a droit au respect de sa vie priveacutee et familiale

raquo Mme X avait certes attendu presque douze ans avant de preacutesenter sa requecircte Mais quant

agrave y trouver une justification de ladoption cest faire dire agrave ce texte beaucoup plus que ses

termes geacuteneacuteraux ne le permettent Il ne faut pas non plus oublier lalineacutea 2 dudit article qui

dispose qulaquo il ne peut y avoir ingeacuterence dune autoriteacute publique dans lexercice de ce droit

que pour autant que cette ingeacuterence est preacutevue par la loi et quelle constitue une mesure qui

[] est neacutecessaire [] agrave la protection [] de la morale raquo Il y a les art 311-9 376 et

doreacutenavant 16-7 c civ Et la pratique des megraveres de substitution heurte bien agrave notre avis la

morale Quant agrave la prise en compte de la situation de fait nous y reviendrons plus loin mais

on heacutesite agrave cautionner la politique du fait accompli

Ladoption solliciteacutee est la phase ultime dun processus densemble dont la source le contrat

avec la megravere de substitution est illicite car contraire agrave lordre public Lentreprise globale

constitue un deacutetournement de linstitution de ladoption comme laffirme la Cour de cassation

dans larrecirct rapporteacute reprenant en cela son analyse anteacuterieure En refusant ladoption on rend

leacutetat des personnes incertain et lon incite les couples agrave ne pas recourir agrave la materniteacute pour

autrui

IV - Porteacutee de larrecirct

Nous avons deacutejagrave fait eacutetat de deux arrecircts de la Cour de cassation celui du 13 deacutec 1989

deacuteclarant illicite une association promouvant la materniteacute par substitution et celui de

lAssembleacutee pleacuteniegravere du 31 mai 1991 condamnant cette materniteacute Dans cette derniegravere affaire

le pourvoi avait eacuteteacute preacutesenteacute par le procureur geacuteneacuteral pregraves la Cour de cassation dans linteacuterecirct

de la loi Par conseacutequent il ne pouvait preacutejudicier aux parties en remettant en question

ladoption pleacuteniegravere prononceacutee par la Cour dappel de Paris Selon le doyen Carbonnier il

sagissait plutocirct laquo dun acte de politique judiciaire raquo

Le 29 juin 1994 la premiegravere Chambre civile de la Cour de cassation eut agrave se prononcer de

nouveau sur la question A la diffeacuterence du preacuteceacutedent arrecirct la Cour y casse sans renvoi larrecirct

de la cour dappel ayant prononceacute ladoption simple de lenfant En outre les faits sont assez

particuliers Cest la belle-soeur des eacutepoux Y qui avait conccedilu et porteacute lenfant elle lavait

reconnu avant M Y La belle-soeur et son mari consentirent agrave ladoption pleacuteniegravere par Mme

Y Les eacutepoux Y se seacuteparegraverent avant toute requecircte en adoption Apregraves que lenfant eut eacuteteacute

confieacute agrave Mme Y le jugement de divorce confia lautoriteacute parentale agrave la megravere biologique M

Y intente une action pour que lenfant lui soit confieacute Pendant cette proceacutedure Mme Y

deacutepose une requecircte en adoption pleacuteniegravere et assigne son ex-eacutepoux pour faire juger abusif son

refus dy consentir On comprend que devant un tel imbroglio la Cour de cassation ait refuseacute

que ladoption soit valideacutee Dune faccedilon geacuteneacuterale on peut se demander si la materniteacute de

substitution au sein de la famille proche nest pas de nature agrave faire perdre ses repegraveres agrave

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lenfant Lenfant est appeleacute agrave voir souvent sa tante qui est aussi sa megravere par le sang tandis

quil est eacuteleveacute par une megravere sociologique

Par suite larrecirct commenteacute est inteacuteressant en ce quil confirme la position de la Cour de

cassation dans un cas plus classique un contrat a eacuteteacute passeacute entre un couple et une femme sans

relation avec le couple qui sest fait inseacuteminer par les gamegravetes du mari a porteacute lenfant et sest

engageacutee agrave labandonner agrave sa naissance afin quil ne soit reconnu que par le mari et quil soit

adopteacute par sa femme Il est probable quil y a eu une contrepartie financiegravere Le plus souvent

la megravere porteuse est pousseacutee agrave louer son ventre par deacutetresse financiegravere

Le contrat initial est tenu secret sauf si la megravere de substitution refuse dabandonner lenfant

Lannuler comme le prescrit lart 16-7 c civ permet agrave cette derniegravere de garder lenfant

Sinon le contrat reste occulte Cest au moment de la demande dadoption que peut apparaicirctre

lentreprise globale vicieacutee agrave sa source Souvent elle passe inaperccedilue Cest toute la difficulteacute

de la situation Refuser de prononcer ladoption est la seule sanction civile de quelque

efficaciteacute

Une autre particulariteacute de lespegravece meacuterite decirctre souligneacutee Mme X a preacutesenteacute sa requecircte aux

fins dadoption onze ans et demi apregraves la naissance de lenfant Ne faut-il pas tenir compte de

la situation de fait qui sest creacuteeacutee Lenfant a eacuteteacute eacuteleveacute par le couple pendant de longues

anneacutees Dans linteacuterecirct de lenfant on pourrait peut-ecirctre eacutetablir sa filiation maternelle par le

recours agrave la possession deacutetat mais cela ne serait en tout eacutetat de cause possible que dans un

cas comme celui-ci

La reacuteprobation de la materniteacute pour autrui peut ecirctre aussi atteinte par une autre voie il existe

aussi des sanctions peacutenales Aux termes de lart 227-12 nouveau c peacuten laquo le fait de

provoquer soit dans un but lucratif soit par don promesse menace ou abus dautoriteacute les

parents ou lun dentre eux agrave abandonner un enfant neacute ou agrave naicirctre est puni de six mois

demprisonnement et de 7500 euros raquo sans compter eacuteventuellement des peines

compleacutementaires Ce texte ne peut eacutevidemment sappliquer quagrave des faits posteacuterieurs agrave son

entreacutee en vigueur Il reprend toutefois en la preacutecisant lincrimination de lart 353-1 (2deg)

ancien c peacuten laquo Sera puni de dix jours agrave six mois demprisonnement et de 500 agrave 20 000 F

damende [] toute personne qui aura fait souscrire ou tenteacute de faire souscrire par les futurs

parents ou lun deux un acte aux termes duquel ils sengagent agrave abandonner lenfant agrave naicirctre

qui aura deacutetenu un tel acte en aura fait usage ou tenteacute den faire usage raquo Six mois

demprisonnement mecircme avec sursis paraissent excessifs et lamende est insuffisante Le

parquet pourrait neacuteanmoins mettre en oeuvre ces textes afin de dissuader les couples de

recourir agrave la materniteacute de substitution (18) plutocirct quagrave une veacuteritable adoption La

condamnation peacutenale aurait lavantage de faire tomber la sanction sur les couples sans

atteindre lenfant On pourrait alors songer agrave la possession deacutetat pour rattacher lenfant agrave la

femme qui la eacuteleveacute pendant de longues anneacutees comme ceacutetait le cas en lespegravece La

possession deacutetat permettrait deacutetablir une filiation maternelle naturelle Pourrait-elle aussi

faire acqueacuterir agrave lenfant la qualiteacute denfant leacutegitime La possession deacutetat joue alors

indivisiblement agrave leacutegard des deux parents (art 321 c civ) alors que la reconnaissance qui a

eacuteteacute faite par le mari atteste la qualiteacute denfant naturel de celui-ci

Dautre part il convient de sattaquer aux intermeacutediaires Par son arrecirct preacuteciteacute du 13 deacutec 1989

la Cour de cassation a confirmeacute la nulliteacute dune association en raison de lilliceacuteiteacute de son objet

de mettre en rapport des couples avec des megraveres de substitution Le gouvernement franccedilais

interdit semblables associations mais des personnes continuent certainement agrave sentremettre agrave

cet effet Elles tombent sous lincrimination de lart 227-12 al 3 nouveau c peacuten Est puni

dun an demprisonnement et de 15 000 euros damende laquo le fait dans un but lucratif de

sentremettre entre une personne ou un couple deacutesireux daccueillir un enfant et une femme

acceptant de porter en elle cet enfant en vue de le leur remettre raquo Lorsque ces faits ont eacuteteacute

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commis agrave titre habituel ou dans un but lucratif les peines sont doubleacutees Les personnes

morales peuvent en ecirctre deacuteclareacutees responsables (art 227-14) et sont passibles de sanctions

approprieacutees preacutevues aux art 131-38 et 131-39 Lart 353-1 (1deg) ancien c peacuten eacutetait moins net

mais incriminait aussi celui qui avait dans un espoir de lucre provoqueacute les parents ou lun

deux agrave abandonner leur enfant agrave naicirctre Lactiviteacute des intermeacutediaires est hautement

condamnable Il convient donc de leur appliquer les sanctions civiles et peacutenales que contient

notre droit agrave leur eacutegard

Une difficulteacute suppleacutementaire pour sanctionner la materniteacute de substitution tient agrave ce quon a

appeleacute le tourisme procreacuteatif car les Franccedilais vont chercher les femmes qui se livrent agrave ce

commerce dans des pays voisins toleacuterants (19) Il en est ainsi en Angleterre comme le

teacutemoigne larrecirct de la Cour de cassation du 23 avr 2003 (20) Bien que non abordeacute dans

cette derniegravere deacutecision il surgit alors une question de conflit de lois et il est possible aussi

quintervienne lordre public

Mots cleacutes ADOPTION Adoption pleacuteniegravere Materniteacute de substitution Prohibition Deacutetournement de

linstitution

CONTRAT ET OBLIGATIONS Objet Illiceacuteiteacute Materniteacute de substitution Megravere

porteuse Filiation adoptive

Recueil Dalloz 2005 p 536

Droits et liberteacutes corporels

Panorama de la leacutegislation de la jurisprudence et des avis des instances eacutethiques

Jean-Christophe Galloux Professeur agrave luniversiteacute de Pantheacuteon-Assas (Paris II)

Responsable du Centre de droit meacutedical

Heacutelegravene Gaumont-Prat Professeur agrave luniversiteacute de Picardie-Jules Verne Membre du

Comiteacute national dEthique

Lessentiel

Les articles 16 agrave 16-13 du code civil qui consacrent le cadre du statut juridique du corps

humain depuis les lois dites laquo bioeacutethiques raquo du 29 juillet 1994 continuent deacutetendre leur

empire Les hypothegraveses quils ont vocation agrave reacutegir concernent autant les territoires

traditionnels de la biomeacutedecine que sont les tests et empreintes geacuteneacutetiques les procreacuteations

meacutedicalement assisteacutees ou des greffes dorganes pour ne citer que les principaux que des

champs nouveaux et parfois inattendus comme limage du corps le droit dasile

lassujettissement aux cotisations sociales ou les obligations scolaires Limportante reacutevision

des textes de 1994 par la loi ndeg 2004-800 du 6 aoucirct 2004 sest traduite par une eacuterosion de la

protection des droits et liberteacutes corporels individuels au profit de la liberteacute de la recherche

scientifique et des consideacuterations de solidariteacute comme en teacutemoigne notamment la deuxiegraveme

reformulation de larticle 16-3 relatif agrave linteacutegriteacute corporelle

I - Les donneacutees relatives au corps

A - Les tests et donneacutees geacuteneacutetiques

Les tests geacuteneacutetiques sont susceptibles de recouvrir diffeacuterentes finaliteacutes meacutedico-

professionnelles (meacutedecine curative preacutedictive preacutevention des risques professionnels) ou

sociales (emploi assurance) voire de deacutepistage preacutenatal (diagnostic preacutenatal et

preacuteimplantatoire) Leacutevolution observeacutee conduit agrave distinguer les tests geacuteneacutetiques qualifieacutes de

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donneacutees personnelles ou de donneacutees de santeacute

1 - Donneacutees personnelles

Deux inteacuterecircts contradictoires sont pris en compte par le leacutegislateur ou les avis de diffeacuterentes

instances celui de la personne elle-mecircme et celui des tiers au titre de la solidariteacute sociale

a) La prise en compte de linteacuterecirct de la personne

1 Dans un souci de garantir un reacutegime juridique plus protecteur pour les personnes la loi ndeg

2004-800 du 6 aoucirct 2004 (art 4) relative agrave la bioeacutethique a proceacutedeacute agrave un toilettage des anciens

textes pour uniformiser les formulations retenues en remplaccedilant dans les diffeacuterents codes

concerneacutes (code civil code de la santeacute publique code peacutenal) lexpression laquo eacutetude geacuteneacutetique

des caracteacuteristiques raquo ou laquo meacutedecine preacutedictive raquo par laquo examen des caracteacuteristiques

geacuteneacutetiques raquo de la personne Sont ainsi modifieacutes larticle 16-10 du code civil les intituleacutes du

titre III du livre I de la premiegravere partie du code de la santeacute publique et la section 6 du chapitre

IV du titre II du code peacutenal

Deux raisons militaient en faveur de ce changement dune part la notion de meacutedecine

preacutedictive eacutetait trop eacutetroite car elle nautorisait pas le diagnostic dune maladie deacutejagrave deacuteclareacutee

Dautre part la terminologie preacuteceacutedemment utiliseacutee laquo eacutetude ou examen geacuteneacutetique des

caracteacuteristiques raquo dune personne est apparue trop restrictive Elle ne permettait pas de

garantir la protection de la personne agrave leacutegard dune eacuteventuelle utilisation abusive

dinformations geacuteneacutetiques obtenues agrave loccasion dinvestigations meacutedicales diverses non

speacutecifiquement geacuteneacutetiques comme par exemple une biopsie musculaire chez un myopathe de

Duchecircne leacutelectroforegravese de lheacutemoglobine pour le diagnostic de la dreacutepanocytose ou des

thalasseacutemies ou encore de lHLA 27 (selon le rapport de F Giraud Commission des Affaires

sociales Seacutenat 1re lecture ndeg 128 du 15 janv 2003 [2002-2003])

Le terme retenu agrave larticle 4 de loi vise agrave encadrer lensemble des examens de caractegravere

geacuteneacutetique et apparaicirct plus adapteacute agrave lobjectif de lencadrement fixeacute Une telle harmonisation

des terminologies utiliseacutees vient ainsi assurer la coheacuterence des pratiques

La loi a eacutegalement deacutecideacute de sanctionner peacutenalement outre le fait de proceacuteder agrave un examen

des caracteacuteristiques geacuteneacutetiques dune personne sans avoir recueilli preacutealablement son

consentement le fait de proceacuteder agrave un tel examen agrave des fins autres que meacutedicales ou de

recherche scientifique Les sanctions preacutevues agrave larticle 226-25 du code peacutenal demeurent

inchangeacutees un an demprisonnement et 15 000 euros damende

2 La loi ndeg 2004-800 du 6 aoucirct 2004 (art 5) met en exergue limportance accordeacutee agrave la

volonteacute en matiegravere dexamen des caracteacuteristiques geacuteneacutetiques dune personne la loi vient

compleacuteter la reacutedaction de larticle 16-10 alineacutea 2 en posant lexigence dun consentement

mieux encadreacute quauparavant et elle en organise ses modaliteacutes recueil du consentement

expregraves par eacutecrit reacutevocable sans forme agrave tout moment et eacuteclaireacute puisque la personne doit ecirctre

laquo ducircment informeacutee de sa nature et de sa finaliteacute lobligation dinformation devenant une des

conditions du recueil du consentement raquo (D Thouvenin La loi relative agrave la bioeacutethique ou

comment accroicirctre laccegraves aux eacuteleacutements biologiques dorigine humaine D 2005 Chron p

116 et p 172) La loi preacutevoit un nouvel article L 1131-1 au code de la santeacute publique qui

renvoie agrave ces dispositions preacuteciteacutees du code civil

3 La loi ndeg 2004-800 du 6 aoucirct 2004 (art 6) organise le reacutegime juridique des collections

deacutechantillons biologiques humains et des recherches geacuteneacutetiques mises en oeuvre agrave partir de

ces collections Cet article vise agrave concilier les droits des personnes preacuteleveacutees avec la neacutecessiteacute

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de ne pas alourdir la tacircche des chercheurs dans des secteurs jugeacutes prometteurs Larticle L

1131-4 du code de la santeacute publique rappelle que la constitution et lutilisation de collections

deacutechantillons biologiques humains agrave des fins de recherche geacuteneacutetique relegravevent des dispositions

relatives agrave la conservation et agrave lutilisation des eacuteleacutements et produits du corps humain agrave des fins

de recherche scientifique et non des dispositions reacutegissant les recherches biomeacutedicales (telles

quissues de la loi Huriet)

4 Cest ensuite une protection renforceacutee agrave leacutegard des risques de discrimination lieacutes agrave la

reacutealisation de tests geacuteneacutetiques qui se voit affirmeacutee dans deux types de recommandations lune

europeacuteenne (Recommandations sur les implications des tests geacuteneacutetiques Office des

publications officielles des Communauteacutes europeacuteennes Bruxelles mai 2004) lautre

internationale (Elaboration de la Deacuteclaration relative agrave des normes universelles en matiegravere de

bioeacutethique quatriegraveme eacutebauche de texte CIB UNESCO 15 deacutec 2004)

Le principe de non-discrimination en raison des caracteacuteristiques geacuteneacutetiques avait deacutejagrave eacuteteacute

inscrit agrave larticle 16-13 du code civil lors de la loi ndeg 2002-303 du 4 mars 2002 et il figure

eacutegalement dans la plupart des textes internationaux consacreacutes agrave ce sujet la Convention

dOviedo la Deacuteclaration universelle sur le geacutenome humain ainsi que la Charte des droits

fondamentaux de lUnion europeacuteenne

b) La prise en compte de linteacuterecirct du tiers

Larticle L 1131-1 alineacuteas 3 4 et 5 du code de la santeacute publique issu de la loi du 6 aoucirct 2004

envisage linteacuterecirct de la famille agrave propos dun test geacuteneacutetique reacutealiseacute sur une personne et traite de

linformation geacuteneacutetique familiale A la suite dun test geacuteneacutetique reacuteveacutelant une anomalie

geacuteneacutetique pouvant entraicircner chez les autres membres de la famille le deacuteveloppement dune

mecircme pathologie la personne concerneacutee ou le meacutedecin ont-ils une obligation dans linteacuterecirct

des tiers den informer la famille Doit-on envisager une simple obligation morale ou la

responsabiliteacute du patient qui par son silence aurait empecirccheacute deacuteviter lapparition dune telle

maladie

Cette interrogation sinscrit dans le deacutebat contemporain qui se deacuteveloppe progressivement sur

linteacuterecirct du tiers qui pourrait lemporter sur linteacuterecirct de la personne elle-mecircme

Ce problegraveme a eacuteteacute souleveacute lors des travaux parlementaires devant le Seacutenat en premiegravere lecture

agrave loccasion de laudition du Professeur A Munnich (chef du service de geacuteneacutetique meacutedicale de

lhocircpital Necker - Enfants malades directeur de recherche agrave INSERM) devant la Commission

des Affaires sociales le 4 deacutecembre 2002 Celui-ci suggeacuterait de reacutefleacutechir aux implications du

secret meacutedical sur la santeacute des membres de la famille dune personne atteinte dune affection

geacuteneacutetique

La prise en compte de linteacuterecirct du tiers avait deacutejagrave eacuteteacute eacutevoqueacutee avec prudence dans un avis du

Comiteacute consultatif national deacutethique (avis ndeg 70 du 13 deacutec 2001 laquo Consentement en faveur

dun tiers raquo) Le consentement en faveur ou au profit dun tiers met en jeu et parfois en

concurrence plusieurs principes lautonomie de la personne la bienfaisance agrave leacutegard du

tiers et la solidariteacute Lavis ndeg 70 rappelait que le deacutepistage envisageacute peut concerner le sujet

index mais eacutegalement dautres personnes les diffeacuterents laquo tiers raquo viseacutes dans lavis cest le cas

de certaines maladies infectieuses transmissibles et geacuteneacutetiques La deacutecouverte dun portage

infectieux chez une personne peut avoir des conseacutequences directes sur lopportuniteacute dun

deacutepistage effectueacute chez une autre personne qui aurait eacuteteacute exposeacutee Il en est ainsi par exemple

en cas de viol ou dexposition dun soignant agrave une contamination par le sang

13

La transmission des donneacutees geacuteneacutetiques dune personne au beacuteneacutefice dun tiers dont la parenteacute

biologique avec le sujet est eacutetablie peut ecirctre solliciteacutee dans un cas plus geacuteneacuteral en vue de

lobtention dinformations geacuteneacutetiques familiales compleacutementaires pour avoir une

caracteacuterisation preacutecise des anomalies voire la recherche systeacutematique de mutation dans une

famille agrave partir dun cas princeps afin de mettre en eacutevidence un risque geacuteneacutetique susceptible

decirctre preacutevenu ou non Lavis ndeg 70 du 13 deacutecembre 2001 soulignait que linteacuterecirct du tiers peut

ecirctre la connaissance de son statut par rapport agrave cette anomalie geacuteneacutetique la possibiliteacute lui

eacutetant donneacutee de pouvoir entreprendre une surveillance preacuteventive ou de se soumettre agrave une

theacuterapeutique dans un but curatif ou encore de choisir de ne pas la transmettre agrave sa

descendance

A loccasion de la reacutevision des lois de bioeacutethique le Comiteacute consultatif national deacutethique fut

solliciteacute par le ministre de la Santeacute sur lopportuniteacute dinscrire dans la loi la notion

dinformation geacuteneacutetique familiale doit-on envisager lobligation pour une personne

dinformer son entourage familial si a eacuteteacute deacutecouverte chez elle une preacutedisposition ou

lexistence dune maladie geacuteneacutetique grave pouvant faire lobjet pour les autres membres de la

famille dun traitement etou dune preacutevention efficaces Lavis ndeg 76 rendu le 24 avril 2003

laquo A propos de lobligation dinformation geacuteneacutetique familiale en cas de neacutecessiteacute meacutedicale raquo

privileacutegiait le maintien du secret meacutedical

Les donneacutees geacuteneacutetiques personnelles beacuteneacuteficient dune double protection donneacutees de santeacute

elles sont couvertes par le secret meacutedical et faisant partie de la sphegravere dintimiteacute de chaque

individu elles sont proteacutegeacutees au mecircme titre que toutes les donneacutees agrave caractegravere personnel par

le droit au respect de la vie priveacutee inscrit au code civil

Le nouvel article L 1131-1 du code de la santeacute publique issu de larticle 5 de la loi du 6 aoucirct

2004 sinscrit au contraire dans un mouvement favorable agrave une supreacutematie de la notion de laquo

solidariteacute normative raquo sur lintangibiliteacute du droit agrave lintimiteacute Dans le cas dune anomalie

geacuteneacutetique grave en cas de diagnostic poseacute lors de lexamen des caracteacuteristiques geacuteneacutetiques

dune personne le meacutedecin se doit dinformer celle-ci des risques que son silence ferait courir

aux membres de sa famille dans les cas ougrave des mesures de preacutevention ou de soins peuvent ecirctre

proposeacutees agrave ceux-ci Le texte preacutevoit une alternative laisseacutee agrave la personne concerneacutee soit elle

informe elle-mecircme les membres de sa famille soit elle opte pour la proceacutedure de

linformation meacutedicale agrave caractegravere familial expliciteacutee agrave larticle L 1131-1 du code de la santeacute

publique Les formaliteacutes de la transmission de linformation sont clairement deacutefinies Le

patient qui refuse agrave la fois de preacutevenir les membres de sa famille et de souscrire agrave la proceacutedure

de linformation meacutedicale agrave caractegravere familial ne va-t-il pas engager sa responsabiliteacute (V J-

R Binet La loi relative agrave la bioeacutethique Dr fam oct 2004 6 s)

2 - Donneacutees de santeacute

()

B - Les empreintes geacuteneacutetiques

Les empreintes geacuteneacutetiques moyen didentification des personnes font lobjet dun

encadrement speacutecifique selon le domaine viseacute civil ou peacutenal

1 - En matiegravere civile

1 Lidentification dune personne par ses empreintes geacuteneacutetiques est autoriseacutee par la loi agrave titre

de preuve judiciaire en matiegravere civile elle peut ecirctre ordonneacutee par le juge comme mesure

dinstruction dans certains procegraves mettant en jeu des actions relatives agrave la filiation ou des

14

actions agrave fins de subsides sous reacuteserve du recueil preacutealable expregraves du consentement de

linteacuteresseacute

Une deacutecision de la Cour dappel dAgen du 25 mars 2004 est rendue en application de larticle

16-11 alineacutea 2 du code civil dans le cadre dune action agrave fins de subsides La cour retient que

laquo sil ne peut ecirctre contesteacute que chacun a le droit au respect de son inteacutegriteacute physique larticle

16-11 du code civil preacutevoit expresseacutement lidentification dune personne au moyen de

lempreinte geacuteneacutetique [] raquo A deacutefaut davoir pu obtenir le consentement du deacutefendeur rendu

obligatoire par le mecircme texte la cour retient que si laquo les premiers juges deacutecidaient ainsi

justement que sil ne pouvait pas ecirctre fait grief agrave B de refuser une telle mesure leacutegale il

pouvait ecirctre tireacute toutes les conseacutequences de ce refus [] raquo La solution retenue est classique

Elle vient reacuteaffirmer le poids reconnu au recueil du consentement en matiegravere de respect du

corps humain et de linteacutegriteacute physique cette mesure ne peut ecirctre exeacutecuteacutee de force ou sous

astreinte En cas de refus le reacutegime geacuteneacuteral des mesures dinstruction est applicable en vertu

de larticle 11 alineacutea 1er et 198 du nouveau code de proceacutedure civile

Quen est-il du consentement sagissant de la demande de preacutelegravevement post-mortem

Le deuxiegraveme alineacutea de larticle 16-11 du code civil a eacuteteacute modifieacute par la loi du 6 aoucirct 2004

pour interdire toute identification post-mortem par empreintes geacuteneacutetiques en matiegravere civile

sauf accord expregraves manifesteacute de son vivant par la personne deacuteceacutedeacutee

Cette disposition destineacutee agrave renforcer la prise en compte de la volonteacute de la personne vient

mettre un terme agrave la question du preacutelegravevement post-mortem ordonneacute par une mesure judiciaire

dans le silence de la loi de 1994 la doctrine et la jurisprudence eacutetaient diviseacutees sur

linterpreacutetation agrave donner agrave lancien article 16-11 du code civil que laffaire Montand avait

meacutediatiseacute

Selon une premiegravere approche la reacutedaction de larticle 16-11 exigeait le consentement

preacutealable de la personne concerneacutee et ne pouvait sappliquer degraves lors agrave un deacutefunt le respect

ducirc aux morts sy opposait (CA Paris 17 deacutec 1998 D 1999 Jur p 476 note B Beignier 6

nov 1997 D 1998 Jur p 122 note P Malaurie Somm p 161 obs H Gaumont-Prat P

Malaurie et H Fulchiron Defreacutenois 2004 ndeg 821 p 333)

Selon une seconde approche lobligation de consentir fixeacute par larticle 16-11 ne concernait

que les vivants et il appartenait aux tribunaux den appreacutecier lopportuniteacute sagissant des

personnes deacuteceacutedeacutees (P Catala La jeune fille et le mort Dr fam 1997 Chron ndeg 12 J

Massip Defreacutenois 2002 art 37478)

2 Le juge des reacutefeacutereacutes peut-il ordonner une mesure dinstruction sur le fondement de larticle

145 du nouveau code de proceacutedure civile

Il a deacutejagrave eacuteteacute jugeacute que le juge des reacutefeacutereacutes ne peut sur le fondement de larticle 145 du nouveau

code de proceacutedure civile ordonner une mesure dinstruction tendant agrave lidentification dune

personne par ses empreintes geacuteneacutetiques mecircme avec laccord des parties (TGI Toulouse 25

janv 1995 Gaz Pal 1995 2 p 361 note Olivier CA Riom 19 juin 1997 D 1999 Somm

p 333 obs H Gaumont-Prat)

Avant le vote des lois de bioeacutethique de 1994 en matiegravere de filiation la Cour de cassation

(Cass 1re civ 4 mai 1994 Bull civ I ndeg 159 D 1994 Jur p 545 note J Massip D

1995 Somm p 113 obs F Granet-Lambrechts ) avait admis la possibiliteacute de recourir au

15

reacutefeacutereacute probatoire in futurum preacutevu agrave larticle 145 du nouveau code de proceacutedure civile pour

une expertise sanguine ou geacuteneacutetique degraves lors que se trouvaient respecteacutees les conditions

poseacutees par le texte (absence de procegraves au fond motif leacutegitime recherche ou conservation des

preuves) En lespegravece le demandeur faisait eacutetat de son inteacuterecirct leacutegitime en vue dappreacutecier les

chances de succegraves dune action en contestation de paterniteacute quil souhaitait intenter et

soulignait le risque de deacutepeacuterissement des preuves

Depuis 1994 la leacutegaliteacute dune mesure dinstruction destineacutee agrave eacutetablir la reacutealiteacute biologique de la

filiation gracircce aux empreintes geacuteneacutetiques est soumise agrave certaines conditions larticle 16-11

du code civil issu des lois bioeacutethiques de juillet 1994 se montre plus restrictif et pose

lexigence que la mesure dinstruction soit ordonneacutee par laquo le juge saisi dune action tendant

soit agrave leacutetablissement ou la contestation [] raquo formulation qui semble exclure de ce domaine

la proceacutedure de reacutefeacutereacute car seule une action au fond permettrait au juge dordonner une telle

mesure

Une deacutecision de la Cour dappel de Montpellier rappelle cette diffeacuterence de reacutegime pour

ordonner lexpertise biologique solliciteacutee dans le cadre dune action en reacutefeacutereacute aux motifs que laquo

la mesure dexpertise ne peut porter que sur des preacutelegravevements sanguins et non sur des

empreintes geacuteneacutetiques ces derniegraveres ne pouvant ecirctre ordonneacutees que par le seul juge saisi de

laction conformeacutement agrave larticle 16-11 du code civil raquo

Sachant que lexamen compareacute des sangs permet de donner des reacutesultats relativement fiables

en matiegravere de filiation au moins agrave titre indicatif permettant dappreacutecier les chances de succegraves

dune action en contestation ou en eacutetablissement de paterniteacute on peut degraves lors sinterroger sur

la peacuterenniteacute de cette dualiteacute de reacutegime Ne conviendrait-il pas de modifier les imperfections

reacutedactionnelles de larticle 16-11 alineacutea 2 pour autoriser eacutegalement le recours agrave la proceacutedure

de reacutefeacutereacute

3 La loi ndeg 2004-800 du 6 aoucirct 2004 (art 5) a modifieacute les conditions de lidentification dune

personne par ses empreintes geacuteneacutetiques agrave des fins meacutedicales ou de recherche scientifique

Comme pour lexamen des caracteacuteristiques geacuteneacutetiques agrave larticle 2 il sagit de garantir un

reacutegime du consentement plus protecteur pour les personnes et le texte reprend en partie la

teneur de larticle 16-10 en matiegravere dexamen des caracteacuteristiques geacuteneacutetiques recueil du

consentement expregraves par eacutecrit et preacutealable agrave la reacutealisation de lidentification reacutevocable sans

forme et agrave tout moment consentement eacuteclaireacute par lexigence de la communication de sa

finaliteacute

Le renforcement des droits de la personne saccompagne dun dispositif relatif aux conditions

dagreacutement aux fins de proceacuteder agrave lidentification dune personne agrave des fins meacutedicales ou agrave des

fins de recherche scientifique fixeacute par larticle L 1131-3 issu de la loi du 6 mai 2004

De la mecircme faccedilon un encadrement strict des conditions dagreacutement en matiegravere judiciaire est

mis en place avec le deacutecret ndeg 2004-471 du 25 mai 2004 qui vient modifier le deacutecret ndeg 97-

109 du 6 feacutevrier 1997 relatif aux conditions dagreacutement des personnes habiliteacutees agrave proceacuteder agrave

des identifications par empreintes geacuteneacutetiques dans le cadre dune proceacutedure judiciaire

1 - En matiegravere peacutenale

Un arrecirct de la Chambre criminelle de la Cour de cassation (22 juin 2004 Bull crim ndeg 164)

vient preacuteciser lapplication de larticle 706-56 du code de proceacutedure peacutenale issu de la loi ndeg

2001-1062 du 15 novembre 2001 (art 56 JO du 16 nov 2001) modifieacutee ensuite par la loi ndeg

2003-239 du 18 mars 2003 (art 29 JO du 19 mars 2003) et par la loi ndeg 2004-204 du 9 mars

16

2004 (art 49 JO du 10 mars 2004) en matiegravere dempreintes geacuteneacutetiques aux fins

didentification en matiegravere peacutenale Ce texte preacutevoit que le fait pour une personne

deacutefinitivement condamneacutee pour une des infractions viseacutees agrave larticle 706-55 de refuser de se

soumettre agrave un preacutelegravevement biologique destineacute agrave permettre lanalyse didentification de son

empreinte geacuteneacutetique est passible de sanctions peacutenales En lespegravece un homme condamneacute pour

viol avait refuseacute de se soumettre agrave un preacutelegravevement biologique en vue de son inscription au

fichier des empreintes geacuteneacutetiques et preacutetendait que le texte susviseacute ne sappliquait quaux

personnes deacutefinitivement condamneacutees apregraves son entreacutee en vigueur La cour dappel ne suit pas

cette argumentation et la Cour de cassation rejette le pourvoi aux motifs que ce texte

dapplication immeacutediate concerne toutes les personnes dont un preacutelegravevement est requis mecircme

si la condamnation est anteacuterieure agrave la loi

Les mesures viseacutees par ce texte sinscrivent dans la mise en place et le fonctionnement du

FNAEG le fichier national automatiseacute des empreintes geacuteneacutetiques destineacute notamment agrave

conserver dans un traitement automatiseacute les empreintes geacuteneacutetiques de lensemble des

personnes condamneacutees pour infractions sexuelles (Circ CRIM 00-8 F1 du 10 oct 2000 et

CRIM 01-15 E6 du 20 juill 2001) Un deacutecret ndeg 2004-470 du 25 mai 2004 modifiant le code

de proceacutedure peacutenale (2e partie deacutecrets en Conseil dEtat) relatif au fichier national

automatiseacute des empreintes geacuteneacutetiques vient compleacuteter le dispositif

C - Limage du corps

Limage du corps ou lapparence corporelle est classiquement proteacutegeacutee par le droit agrave limage

deacutecoulant de larticle 9 du code civil consacrant le droit au respect de la vie priveacutee et qualifieacute

de droit de la personnaliteacute (P Kayser in Meacutelanges Roubier p 73 T Hassler note sous TGI

Paris 15 avr 1987 D 1987 Jur p 551 F Dessemontet Le droit agrave sa propre image droit de

la personnaliteacute ou droit de la publiciteacute Meacutelanges en lhonneur de J-M Grossen) Cest le

droit pour toute personne dinterdire aux tiers la reproduction et la publication de son image

Limage du corps peut ecirctre appreacutehendeacutee de maniegravere plus originale par le recours agrave larticle 16

comme sinscrivant dans le domaine du droit au respect du corps humain et essentiellement

dans celui du respect de la digniteacute de la personne humaine On observe que le principe du

droit au respect du corps est proclameacute par le leacutegislateur en des termes semblables agrave ceux de

larticle 9 du code civil visant le respect de la vie priveacutee Il est vrai que laquo corps et vie priveacutee

repreacutesentent les deux faces de lintimiteacute dune personne raquo (J-C Galloux Le corps humain

dans le code civil in 1804-2004 Le code civil Un passeacute un preacutesent un avenir Dalloz 2004

p 381) Le recours agrave la notion de digniteacute de la personne humaine a eacuteteacute solliciteacute degraves 2001 dans

laffaire du preacutefet Erignac pour sanctionner la reproduction dans la presse de limage de son

cadavre (Cass 1re civ 20 deacutec 2000 J-P Gridel Retour sur limage du preacutefet assassineacute

digniteacute de la personne humaine et liberteacute de linformation dactualiteacute D 2001 Chron p 872

Jur p 885 Somm p 1990 obs A Lepage RTD civ 2001 p 329 obs J Hauser JCP

2001 II 10488 note J Ravanas)

1 Une deacutecision de la Cour dappel de Paris (1re ch B 23 sept 2004) consacre cette solution

en retenant que la liberteacute dexpression eacutetant une liberteacute fondamentale agrave valeur

constitutionnelle proteacutegeacutee par la Convention europeacuteenne des droits de lhomme et la

Deacuteclaration des droits de lhomme et du citoyen ses abus peuvent seulement ecirctre poursuivis

au nom dautres principes agrave valeur constitutionnelle comme le droit agrave reacuteparation de tout

preacutejudice subi ou la protection de la digniteacute de lhomme preacutevue par larticle 16 du code civil

2 Une deacutecision de la deuxiegraveme Chambre civile de la Cour de cassation (4 nov 2004) vient

confirmer cette dualiteacute Il sagissait en lespegravece dune photographie dun jeune homme de 17

17

ans gisant inanimeacute et agrave demi deacutevecirctu le visage ensanglanteacute victime dun accident de la

circulation alors quil pilotait un scooter Le clicheacute avait eacuteteacute pris par un hebdomadaire agrave grand

tirage pour illustrer un article intituleacute laquo Routes la guerre oublieacutee raquo consacreacute aux accidents de

la route

Les parents de ladolescent deacuteceacutedeacute des suites de laccident avaient assigneacute la socieacuteteacute eacuteditrice

de lhebdomadaire en reacuteparation arguant dune atteinte agrave la digniteacute de la personne ainsi

repreacutesenteacutee Les juges du fond avaient fait droit agrave la demande aux motifs que la liberteacute

dinformer revendiqueacutee par leacutediteur ne devait pas preacutevaloir sur le respect des droits de

lindividu sagissant dun article consacreacute agrave un pheacutenomegravene de socieacuteteacute La jurisprudence en la

matiegravere consacre en effet la liberteacute de communication des informations ainsi que la

publication dimages de personnes impliqueacutees dans un eacuteveacutenement sagissant deacuteveacutenements

dactualiteacute voire mecircme de faits dactualiteacute (Cass 2e civ 30 juin 2004 D 2004 IR p 2478

JCP 2004 II 10160 note D Bakouche) sous la seule reacuteserve du respect de la digniteacute

humaine (not absence de recherche du sensationnel et toute indeacutecence Cass 1re civ 20

feacutevr 2001 D 2001 Jur p 1199 note J-P Gridel Somm p 1990 obs A Lepage RTD civ

2001 p 329 note J Hauser Dr et patrimoine juin 2001 p 96 note G Loiseau 12 juill

2001 D 2002 Jur p 1380 note C Bigot Somm p 2298 obs L Marino RTD civ 2001

p 852 obs J Hauser JCP 2002 II ndeg 10152 note J Ravanas) Les diffeacuterentes deacutecisions

sont rendues au regard de latteinte agrave la vie priveacutee et du droit agrave limage sur le fondement de

larticle 9 (Cass 2e civ 5 mars 1997 D 1998 Jur p 474 note J Ravanas RTD civ 1997

p 396 obs J Hauser CA Versailles 31 janv 2002 Bull inf C cass 1er oct 2002 ndeg 983

D 2003 Somm p 1533 obs C Caron) voire sur le fondement de larticle 10 de la

Convention europeacuteenne des droits de lhomme (CEDH 3e sect 26 feacutevr 2002 Krone Verlag

c Austria req ndeg 34315)

Dans larrecirct susviseacute la Cour de cassation casse la deacutecision au visa des articles 10 de la

Convention europeacuteenne 9 et 16 du code civil Rappelant que laquo le principe de la liberteacute de la

presse implique le libre choix des illustrations dun deacutebat geacuteneacuteral de pheacutenomegravene de socieacuteteacute

sous la seule reacuteserve du respect de la digniteacute de la personne humaine [] raquo elle reproche agrave la

cour dappel de ne pas avoir laquo caracteacuteriseacute latteinte porteacutee par celle-ci [la photographie

litigieuse] agrave la digniteacute de la victime [] raquo

Le recours agrave larticle 16 du code civil selon lequel laquo la loi interdit toute atteinte agrave la digniteacute raquo

de la personne teacutemoigne de la proximiteacute des notions dimage (traditionnellement inscrite dans

le droit au respect de la vie priveacutee) et dapparence corporelle dont on perccediloit le lien avec la

notion de droit au respect du corps humain gouverneacute par larticle 16-1 prolongeant la

protection plus geacuteneacuterale fondeacutee sur la digniteacute inscrite agrave larticle 16 du code civil Nexiste-t-il

pas degraves lors une veacuteritable attraction de ces deux regravegles Les deux protections coexistent se

complegravetent et devraient favoriser le renforcement de la protection de limage de la personne

II - Le corps ses eacuteleacutements et ses produits

A - Regravegles geacuteneacuterales relatives au statut du corps humain

A leacutepoque contemporaine le corps humain devient de plus en plus un lieu de conflits

Conflits entre des normes juridiques de valeur comparable - autonomie de la volonteacute contre

solidariteacute sociale digniteacute des personnes contre liberteacute de la science - mais eacutegalement et de

maniegravere plus fondamentale conflits susciteacutes par des approches philosophiques et morales

diffeacuterentes sinon opposeacutees du corps humain Approches judeacuteo-chreacutetiennes qui le sacralisent

en linscrivant dans le mystegravere de lincarnation mateacuterialistes qui en nient la transcendance

utilitaristes precirctes agrave le sacrifier pour le bien-ecirctre collectif libertaires ou heacutedonistes qui

exaltent la liberteacute de lindividu agrave lencontre des contingences biologiques ou nen font que

18

linstrument de satisfaction des deacutesirs Le droit biomeacutedical se ressent de ces laquo oscillations de

la morale raquo (J Carbonnier Droit et passion du droit sous la Ve Reacutepublique Flammarion

1996 p 116) au risque de perdre peu agrave peu sa coheacuterence En teacutemoigne lapplication parfois

heacutesitante parfois jupiteacuterienne et souvent gecircneacutee des principes geacuteneacuteraux qui gouvernent le

statut du corps humain la protection de linteacutegriteacute corporelle et surtout lindisponibiliteacute ou

lextra-commercialiteacute du corps

1 - Protection de linteacutegriteacute corporelle

1 La loi du 6 aoucirct 2004 a modifieacute larticle 16-3 du code civil en ajoutant agrave la neacutecessiteacute laquo

meacutedicale raquo justifiant latteinte agrave linteacutegriteacute corporelle laquo agrave titre exceptionnel dans linteacuterecirct

theacuterapeutique dautrui raquo (art 9) Cette nouvelle extension de laccegraves aux ressources

biologiques corporelles au deacutetriment des droits de lindividu sur son corps (la premiegravere a eacuteteacute

consacreacutee par la loi ndeg 99-641 du 27 juill 1999 art 70 qui avait deacutejagrave substitueacute au terme laquo

theacuterapeutique raquo celui de laquo meacutedicale raquo afin de contrer linterpreacutetation neacutecessairement eacutetroite

quen avait fait la Cour de cassation dans son avis du 6 juill 1998 [D 1998 IR p 208 RTD

civ 1998 p 881 obs J Hauser] consideacuterant contraires agrave lart 16-3 les atteintes agrave linteacutegriteacute

du corps meneacutees agrave des fins purement contraceptives comme la ligature des trompes de Fallope

de telles atteintes sont deacutesormais licites car obeacuteissant agrave une finaliteacute meacutedicale mecircme si elles

tendent plus agrave preacutevenir ou agrave gueacuterir une maladie une grossesse neacutetant par elle-mecircme une

maladie) a davantage pour but dharmoniser les dispositions du code civil et celles du code de

la santeacute publique les preacutelegravevements reacutealiseacutes aux fins de greffes sur autrui ne pouvaient

certainement pas entrer dans les preacutevisions du texte dans sa reacutedaction anteacuteceacutedente Avec

lextension continue de la cateacutegorie des donneurs vivants (afin de pallier le deacuteficit chronique

de greffons en France cf infra) cette disposition est promise agrave un bel avenir (JOAN CR 2e

seacuteance 16 janv 2002)

2 Le titre III de la loi du 6 aoucirct 2004 apporte par ailleurs des modifications importantes agrave

larchitecture des preacutelegravevements deacuteleacutements du corps humain et par voie de conseacutequence aux

conditions dans lesquelles il peut ecirctre porteacute atteinte agrave linteacutegriteacute corporelle des donneurs

- lacte de preacutelegravevement est deacutesormais qualifieacute dlaquo acte de soin raquo au sens des articles L 1142-1

et suivants du code de la santeacute publique relatifs aux risques sanitaires reacutesultant du

fonctionnement du systegraveme de santeacute issus de la loi du 4 mars 2002 ce qui devrait ameacuteliorer

lindemnisation des victimes en cas daccident lors du preacutelegravevement

- le cercle des donneurs est eacutelargi (art L 1231-1 al 1er c santeacute publ)

- les modaliteacutes de recueil du consentement sont renforceacutees (mecircme art al 3)

- les finaliteacutes des preacutelegravevements sont mieux deacutefinies (par ex pour le sang art L 1211-8-1 c

santeacute publ) le patient pouvant controcircler une nouvelle utilisation des eacuteleacutements preacuteleveacutes

initialement pour dautres buts (not art L 1241-1 c santeacute publ) Les patients peuvent

eacutegalement sopposer agrave lutilisation des produits dexeacuteregravese et du placenta (art L 1235-2 et

1245-2 c santeacute publ) Pour les preacutelegravevements sur personne deacuteceacutedeacutee la regravegle mal veacutecue et

contourneacutee du consentement est ameacutelioreacutee obligeant le meacutedecin agrave recueillir aupregraves de ses

proches une eacuteventuelle opposition exprimeacutee par le deacutefunt de son vivant (art L 1232-1 c

santeacute publ) les proches se voyant reconnaicirctre le droit de connaicirctre les preacutelegravevements effectueacutes

3 Nonobstant les appels aux dons la peacutenurie de greffons saggrave en France selon

lEtablissement franccedilais des greffes qui constate une baisse des preacutelegravevements dorganes

(communiqueacute du 8 avr 2004) ce qui conduit lAcadeacutemie de meacutedecine agrave reacuteclamer de

19

nouvelles modifications reacuteglementaires afin dassouplir les regravegles de seacutelection des donneurs

(communiqueacute du 11 mai 2004) Cette situation ne doit toutefois pas conduire agrave des

discriminations ignoreacutees de la reacuteglementation sanitaire et contraires agrave notre tradition juridique

larrecirct du Conseil dEtat du 30 avril 2004 sen fait leacutecho En lespegravece un ressortissant

marocain en situation irreacuteguliegravere atteint dune grave insuffisance reacutenale chronique et inscrit

sur la liste des receveurs de greffes dorganes en vue dune transplantation reacutenale se voit

notifier une mesure de reconduite agrave la frontiegravere sur le fondement de larticle 25 de

lordonnance du 2 novembre 1945 Larrecircteacute deacutecidant cette reconduite est annuleacute comme

entacheacute dune erreur manifeste dappreacuteciation des conseacutequences de cet arrecircteacute sur la situation

personnelle de linteacuteresseacute car il ne pouvait pas beacuteneacuteficier dune opeacuteration de transplantation

dans son pays dorigine Peut-on voir dans cette solution tregraves humaine une application preacutecoce

du principe nouvellement inscrit dans le nouvel article L 1231-1 A c) du code de la santeacute

publique qui impose le respect du principe deacutequiteacute dans les regravegles de reacutepartition et

dattribution des greffons

4 La question des soins imposeacutes suscite toujours des questions deacutelicates autant sur un plan

humain quun plan juridique Le droit pour le patient majeur de donner lorsquil se trouve en

leacutetat de lexprimer son consentement agrave un traitement meacutedical comme le rappelle lalineacutea 2 de

larticle 16-3 revecirct le caractegravere dune liberteacute fondamentale (CE ord reacutef 16 aoucirct 2002 D

2004 Somm p 602 obs J Penneau RTD civ 2002 p 781 obs J Hauser) Larticle L

1111-4 du code de la santeacute publique tel quissu de la loi du 4 mars 2002 sur le droit des

malades prescrit que le pouvoir de deacutecision sexerce avec le professionnel de santeacute compte

tenu des informations et des preacuteconisations quil lui fournit le meacutedecin ne dispose plus

deacutesormais que dun pouvoir de conseil qui lui interdit de passer outre la volonteacute du patient

mecircme en cas durgence vitale Le meacutedecin doit respecter la volonteacute de la personne apregraves

lavoir informeacutee des conseacutequences de ses choix (il nest dailleurs pas obligeacute de la convaincre

Cass 1re civ 18 janv 2000 D 2001 Jur p 3559 note M-L Mathieu-Izorche) aucun acte

ni aucun traitement ne peut ecirctre pratiqueacute sans le consentement libre et eacuteclaireacute de la personne

consentement quelle peut retirer agrave tout moment Toutefois parmi les soins imposeacutes les

obligations de vaccination tiennent une place particuliegravere Bien accepteacutees par le public

lorsquelles furent introduites pour lutter contre des eacutepideacutemies dont chacun pouvait mesurer

autour de soi les effets deacutevastateurs (la premiegravere vaccination obligatoire remonte agrave la loi du 15

feacutevr 1902 F Moderne Le reacutegime juridique des vaccinations obligatoires AJDA 1965 p

195) ces mesures autoritaires encore nombreuses (contre la diphteacuterie art L 3111-1 c santeacute

publ le teacutetanos art L 3111-2 c santeacute publ la poliomyeacutelite art L 3111-3 c santeacute publ

la tuberculose art L 3111-4 c santeacute publ) sont aujourdhui contesteacutees au nom de la liberteacute

individuelle alors que ces grandes pandeacutemies ont peu agrave peu replieacute leurs ailes de mort sur

notre pays du moins Dans un arrecirct dAssembleacutee du 3 mars 2004 (Association Liberteacute

Information Santeacute RFDA 2004 p 581 concl comm du gouv G Le Chatelier AJDA

2004 p 971) le Conseil dEtat a eu loccasion de preacuteciser les pouvoirs reacuteglementaires dont

peut disposer le ministre de la Deacutefense pour imposer certaines vaccinations obligatoires

contrairement aux conclusions du commissaire du gouvernement il a admis que le ministre de

la Deacutefense en tant que chef de service peut imposer des vaccinations aux militaires placeacutes

sous son autoriteacute Si le principe dinteacutegriteacute du corps ne constitue pas en lui-mecircme un principe

agrave valeur constitutionnelle il concourt toutefois agrave assurer le respect du principe constitutionnel

de sauvegarde de la digniteacute de la personne humaine (Cons const 27 juill 1994 RJC p 100

B Edelman Le Conseil constitutionnel et lembryon D 1995 Chron p 205 Jur p 237 note

B Mathieu Somm p 299 obs L Favoreu) Cette expression essentielle et incarneacutee de la

liberteacute individuelle doit ecirctre concilieacutee avec des impeacuteratifs sociaux de santeacute dont la valeur nest

pas moindre La Haute juridiction administrative avait deacutejagrave eu loccasion de preacuteciser que les

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dispositions imposant des vaccinations obligatoires si elles ont pour effet de porter une

atteinte limiteacutee aux principes dinviolabiliteacute et dinteacutegriteacute du corps humain voient leur mise en

oeuvre justifieacutee dans le but dassurer la protection de la santeacute dont le principe se trouve garanti

par le Preacuteambule de la Constitution de 1946 et sont proportionneacutees agrave cet objectif (CE 26 nov

2001 ALIS req ndeg 222741 RFDA 2002 p 65 concl comm du gouv S Boissard) Cest

normalement agrave la loi quil revient darbitrer entre ces deux principes Dans une autre affaire

(CA Pau 19 mars 2002 Dr fam 2004 ndeg 137 obs M S) des parents avaient eacuteteacute

condamneacutes agrave des peines contraventionnelles pour avoir soustrait leurs enfants agrave lobligation

vaccinale pour des raisons religieuses Ces deacutecisions ont eacuteteacute rendues alors que la loi du 4 mars

2002 sur le droit des patients neacutetait pas entreacutee en vigueur le renforcement de la liberteacute du

patient serait-elle de nature agrave assouplir les obligations vaccinales La jurisprudence de la

Cour europeacuteenne des droits de lhomme semble aller en ce sens (CEDH 9 juill 2002 ndeg

4219798 Salvetti c Italie une vaccination obligatoire en tant que traitement meacutedical non

volontaire constitue une ingeacuterence dans le droit au respect de la vie priveacutee reconnu par lart 8

sect 1 Conv EDH) Quil nous soit permis deacutemettre des reacuteserves sauf agrave ruiner toute la politique

de preacutevention mise en place par les autoriteacutes sanitaires depuis un siegravecle et dont les effets

salutaires ne sont pas contestables la reacutesistance des juridictions administratives qui sous-tend

larrecirct dAssembleacutee rapporteacute face aux derniers avatars dun certain extreacutemisme libertarien

dont le corps devient le bastion (pour un bon exposeacute de ces thegraveses Onfray Feacuteeacuteriques

anatomiques geacuteneacutealogie du corps faustien Grasset-Fasquelle 2003) montre que lhypothegravese

est ici bien diffeacuterente dun simple refus de soin comme dans le cas des transfusions elles ne

mettent en jeu que la vie du patient (sur cette derniegravere question B Mathieu De la difficulteacute

de choisir entre la liberteacute et la vie RGDM 2003 ndeg 9 p 97 A Garay Volonteacutes et liberteacutes

dans la relation meacutedecin-malade la mise agrave leacutepreuve des articles 16-3 du code civil et L

1111-4 du code de la santeacute publique RGDM 2003 ndeg 10 p 143)

5 Moins sujet agrave deacutebat larrecirct rendu par la Cour europeacuteenne (22 juill 2003 req ndeg 2420994

RD publ 2004 ndeg 3 p 826 note C Picheral) qui condamne la Turquie pour ingeacuterence dans

le droit au respect de la vie priveacutee reconnu par larticle 8 sect 1 de la Convention europeacuteenne

Dans cette affaire la plaignante avait subi un examen gyneacutecologique forceacute destineacute agrave prouver

agrave lissue de sa garde agrave vue quelle navait pas subi de violences sexuelles La Cour europeacuteenne

qui integravegre deacutesormais le respect du corps humain dans la sphegravere de la vie priveacutee fait ici une

application logique de larticle 8 dans la ligne de la jurisprudence preacuteceacutedemment citeacutee

2 - Indisponibiliteacute et extra-patrimonialiteacute du corps humain

6 Le principe dextra-patrimonialiteacute du corps humain se trouve repris par les articles 16-1

alineacutea 3 16-5 et 16-6 du code civil quil est parfois difficile de distinguer du principe

dindisponibiliteacute du corps humain que la jurisprudence fonde sur larticle 1128 du mecircme code

(Cass ass pleacuten 31 mai 1991 D 1991 Jur p 417 rapp Y Chartier note D Thouvenin) Si

la qualification dindisponibiliteacute a eacuteteacute eacutecarteacutee du vocabulaire des lois de 1994 et de 2004

comme par la doctrine dominante pour cause dambiguiumlteacute (D Fenouillet Respect et protection

du corps humain J-Cl civil art 16 agrave 16-12 fasc 12 ndeg 134 s) la jurisprudence y revient

parfois pour affirmer que le corps nest pas une chose dans le commerce Larrecirct de la Cour

dappel de Paris du 16 mai 2003 reacuteforme sur ce point un jugement du Tribunal des affaires de

seacutecuriteacute sociale de Paris du 5 juillet 2001 qui avait agrave tort exoneacutereacute une prostitueacutee du paiement

de la cotisation dallocations familiales des travailleurs indeacutependants au motif quanalyser une

activiteacute sexuelle reacutemuneacutereacutee comme un travail reviendrait agrave admettre que le commerce du

corps humain est leacutegal alors que leacutegaliser ce commerce aboutit agrave nier et agrave rejeter le principe

dindisponibiliteacute du corps humain La cour rappelle agrave bon droit que le commerce des relations

sexuelles nest pas en soi illicite seules eacutetant interdites certaines conditions dexercice de cette

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activiteacute en tant quelles conduiraient aux infractions de racolage et de proxeacuteneacutetisme Affirmer

que lactiviteacute en cause na aucun lien avec lindisponibiliteacute du corps humain a quelque chose

de surreacutealiste le fait quelle ne soit pas peacutenalement reacuteprimeacutee nempecircche pas le caractegravere

illicite du contrat passeacute entre la prostitueacutee et son client (dans ce sens pour la nulliteacute dune

assurance souscrite par un proxeacutenegravete contre les accidents corporels freacutequents dans ce genre

dactiviteacutes CA Paris 22 janv 1992 Juris-Data ndeg 020308) Reste la justification de la

deacutecision par la relative autonomie du droit des prestations sociales larticle R 241-2 du code

de la seacutecuriteacute sociale vise toutes les activiteacutes non salarieacutees mecircme de caractegravere accessoire La

Chambre sociale de la Cour de cassation a deacutejagrave admis la prostitution au titre de ces activiteacutes

(18 mai 1995 D 1996 Somm p 38 obs X Preacutetot) eacutecarter les activiteacutes de prostitution de

lassiette des cotisations sociales ne serait-ce pas les encourager davantage au risque pour

lEtat de reprendre agrave son compte le ceacutelegravebre adage de Vespasien

7 Nous rappellerons encore larrecirct rendu par la premiegravere Chambre civile le 9 deacutecembre 2003

confirmant le rejet de ladoption pleacuteniegravere par la femme du pegravere dune enfant qui est le fruit

dune convention de megravere porteuse Lamie dun couple steacuterile avait accepteacute en 1987

dabandonner agrave sa naissance sans indication de filiation maternelle lenfant conccedilu des relations

intimes quelle avait eues avec leacutepoux La demanderesse au pourvoi soutenait que lilliceacuteiteacute de

la convention neacutetait pas eacutetablie par la jurisprudence et par la loi au moment des faits et quil

fallait prendre en consideacuteration pour ladoption pleacuteniegravere les douze anneacutees passeacutees par lenfant

aupregraves delle les inteacuterecircts de ce dernier primant la neacutecessiteacute de sanctionner la convention La

Cour de cassation confirmant sa jurisprudence du 31 mai 1991 (preacutec) et du 29 juin 1994 (D

1994 Jur p 581 note Y Chartier) rappelle laquo que la materniteacute pour autrui dont le caractegravere

illicite se deacuteduit des principes geacuteneacuteraux du code civil et aujourdhui de son article 16-7

reacutealise un deacutetournement de linstitution de ladoption que les premiers juges ont agrave bon droit

refuseacute raquo Prudemment la Haute juridiction neacutevoque pas la notion dindisponibiliteacute cet laquo

imaginaire de la doctrine raquo (M Gobert Reacuteflexions sur les sources du droit et les principes

dindisponibiliteacute du corps humain et de leacutetat des personnes RTD civ 1992 p 489) pour se

contenter logiquement de viser larticle 16-7 qui a vocation agrave sappliquer mecircme si le contrat

reste secret la graviteacute du vice initial de la materniteacute pour autrui contaminant toute adoption

ulteacuterieure

8 Le Tribunal administratif dAmiens dans sa deacutecision du 9 mars 2004 fait une application

discutable de la notion dextra-commercialiteacute des eacuteleacutements et des produits du corps humain

dans une hypothegravese ougrave cette qualification ne devait pas jouer Un couple perd ses embryons

congeleacutes in vitro en raison de la deacutefaillance du mateacuteriel de conservation imputable agrave un

eacutetablissement hospitalier Peut-il se preacutevaloir dun preacutejudice indemnisable dans le cadre de

laction en responsabiliteacute quil engage contre cet eacutetablissement La juridiction administrative

saisie admet la responsabiliteacute de la personne publique le mateacuteriel de conservation lui

appartenant eacutetant en cause mais sur la question de la reacuteparation du preacutejudice subi reacutepond de

maniegravere surprenante laquo si les eacutepoux peuvent se preacutevaloir de lexistence dun preacutejudice

mateacuteriel reacutesultant de la perte dovocytes les dispositions de larticle 16-1 du code civil selon

lesquelles le corps humain ses eacuteleacutements et ses produits ne peuvent faire lobjet dun droit

patrimonial sopposent agrave ce quils puissent en demander la reacuteparation en argent raquo et il

poursuit laquo les ovocytes surnumeacuteraires neacutetant pas des personnes ils ne sont pas fondeacutes agrave se

preacutevaloir dun preacutejudice moral reacutesultant selon eux de la perte decirctres chers raquo Le couple se

voit toutefois allouer 10 000 euros de dommages-inteacuterecircts pour les laquo troubles divers raquo dans

leurs conditions dexistence Si les ovocytes ne sont pas eacutevaluables en argent et si leur perte ne

peut donc pas justifier un preacutejudice mateacuteriel il nen va pas de mecircme dun preacutejudice moral

causeacute par leur perte (la perte dun animal domestique le justifie en droit civil ) et surtout le

22

preacutejudice reacutesultant de la perte dune chance de devenir parents pour un couple deacutejagrave acircgeacute et qui

rencontre des difficulteacutes pour procreacuteer degraves lors quaurait pu ecirctre eacutetablie la disparition par

leffet de la faute imputeacutee agrave leacutetablissement hospitalier de leacuteveacutenement favorable la

probabiliteacute de la naissance dun enfant (en droit meacutedical G Meacutemeteau Gaz Pal 1997 2

Doctr p 1367) La juridiction administrative a manqueacute une occasion de faire avancer le droit

biomeacutedical dans une affaire inattendue et hautement symbolique

B - Reacuteglementation des eacuteleacutements et les produits du corps

Prenant appui sur les principes geacuteneacuteraux gouvernant le statut du corps humain le reacutegime

juridique des eacuteleacutements et des produits biologiques dorigine humaine peut toutefois preacutesenter

des particulariteacutes

1 - La greffe de visage

9 Le Comiteacute consultatif national deacutethique dans son avis ndeg 82 du 6 feacutevrier 2004 eacutemet un

avis deacutefavorable au preacutelegravevement du visage dune personne deacuteceacutedeacutee ou en langage meacutedical agrave

lallotransplantation de tissus composites En deacutepit des besoins eacutevidents pour la chirurgie

reconstructive des victimes deacutefigureacutees agrave la suite daccidents ou de suicides manqueacutes le

Comiteacute consultatif considegravere que des obstacles dirimants subsistent actuellement pour

ladmission dun tel preacutelegravevement les perspectives de laquo reacuteussite raquo dune telle opeacuteration

demeurent tregraves theacuteoriques les risques de rejet des greffons eacutetant laquo extrecircmement graves raquo il

paraicirct par ailleurs fort deacutelicat de solliciter lautorisation de la famille du deacuteceacutedeacute pour effectuer

les preacutelegravevements la signification eacutethique particuliegravere du visage humain son lien intime agrave la

personnaliteacute et agrave lidentiteacute en font davantage quune piegravece anatomique Cette prudence sinscrit

dans le cadre des principes traditionnels du droit meacutedical la technique envisageacutee relevant

pour lheure davantage de lexpeacuterimentation que de la theacuterapeutique

2 - Les banques de sang de cordon ombilical

10 Les cellules heacutematopoiumleacutetiques preacutesentes dans le sang du cordon ombilical peuvent ecirctre

utiliseacutees pour le traitement de certaines maladies geacuteneacutetiques elles peuvent notamment

repeupler la moelle osseuse du patient et constituer une source de cellules sanguines offrant

ainsi une solution alternative agrave la greffe de moelle osseuse Des banques de ces cellules ont

eacuteteacute creacuteeacutees dans des institutions hospitaliegraveres et plus reacutecemment dans le secteur priveacute Ces

activiteacutes pour certaines agrave but lucratif suscitent eacutevidemment des questions juridiques et

eacutethiques Le Comiteacute national sest en France pencheacute sur ce problegraveme (avis ndeg 74 du 12 deacutec

2002) de mecircme que divers organismes de santeacute europeacuteens Le Groupe europeacuteen deacutethique

institueacute aupregraves du preacutesident de la Commission europeacuteenne a consacreacute agrave ce point son avis ndeg

16 rendu le 16 mars 2004 En substance les sages du Groupe europeacuteen critiquent vivement

louverture de cette activiteacute au secteur commercial degraves lors que les banques priveacutees noffrent

pas un laquo service utile en termes de possibiliteacutes theacuterapeutiques raquo (pt 21) et meacuteritent decirctre

eacutetroitement encadreacutees comme elles le seraient dailleurs en France Dun point de vue plus

geacuteneacuteral ces banques priveacutees de sang ombilical qui demeurent en veacuteriteacute assez marginales

posent la question des activiteacutes commerciales dans les secteurs sensibles de la santeacute qui nest

pas reacutesolue de maniegravere uniforme au sein de lUnion europeacuteenne Ladoption de

reacuteglementations telles que la directive CE ndeg 2004-23 du 31 mars 2004 concernant les aspects

de seacutecuriteacute et de qualiteacute pour les diffeacuterentes opeacuterations relatives aux eacuteleacutements biologiques

dorigine humaine va dans le sens de cette harmonisation

3 - Les normes europeacuteennes de qualiteacute et de seacutecuriteacute concernant les diffeacuterentes opeacuterations

relatives aux tissus et aux cellules humains

11 La directive CE ndeg 2004-23 du 31 mars 2004 constitue un texte important dans un secteur

ougrave lharmonisation communautaire tardait nonobstant le maillage reacuteglementaire existant en

23

matiegravere de meacutedicaments agrave usage humain (Dir CE ndeg 2001-83 du 6 nov 2001) Le texte

sapplique essentiellement aux eacuteleacutements biologiques destineacutes agrave lhomme ou agrave la fabrication de

produits manufactureacutes y compris pour des buts cosmeacutetiques agrave lexception des produits

destineacutes agrave des greffes autologues dans le cadre dune intervention chirurgicale unique du sang

et des produits sanguins (Dir CE ndeg 2002-98 du 27 janv 2002) des organes ou des parties

dorganes utiliseacutes aux mecircmes fins que lorgane entier dans le corps humain Les utilisations agrave

des fins de recherche sont eacutegalement exclues La directive sapplique en revanche aux gamegravetes

et aux cellules souches embryonnaires mais laisse aux Etats membres la faculteacute den autoriser

lutilisation Dune maniegravere geacuteneacuterale le texte communautaire nimpose pas de modegravele eacutethique

mais des obligations techniques dans un but de seacutecuriteacute sanitaire comprenant notamment la

mise en place dun systegraveme qualiteacute et de traccedilabiliteacute la deacutesignation dune personne responsable

mais il insiste cependant sur la gratuiteacute des dons et les exigences en matiegravere de consentement

La transposition qui ne devrait pas affecter de maniegravere sensible le cadre juridique franccedilais

actuel doit intervenir avant le 7 avril 2006

4 - Les cellules souches embryonnaires

12 Moins de deux mois apregraves ladoption de la reacutevision des lois bioeacutethiques et en application

de larticle 37 du nouveau texte qui autorise agrave titre transitoire avant la mise en place de

lAgence de la Biomeacutedecine les ministres concerneacutes agrave permettre limportation agrave des fins de

recherche de cellules souches embryonnaires humaines un deacutecret et un arrecircteacute (JO ndeg 228 du

30 sept 2004 p 16804) du 28 septembre 2004 viennent dy proceacuteder Les recherches sur ces

cellules fort contesteacutees il y a encore peu puisque la preacuteceacutedente autorisation dimportation de

cellules souches dorigine embryonnaire avait fait lobjet dun contentieux (TA Paris 21 janv

2003 D 2004 Somm p 532 obs H Gaumont-Prat LPA 2003 ndeg 196 p 7 note B

Pauvert) entrent donc rapidement dans la reacutealiteacute Ces souches importeacutees seront rapidement

supplanteacutees par pregraves de 50 000 embryons congeleacutes en France dont les geacuteniteurs ont renonceacute agrave

ce quils accegravedent agrave la naissance et qui vont pouvoir prochainement servir de mateacuteriel

dexpeacuterimentation comme la loi nouvelle lautorise deacutesormais

Mots cleacutes

PERSONNE HUMAINE Panorama 2004

Gazette du Palais 29 mai 2004 ndeg 150 P 15 - Tous droits reacuteserveacutes

Famille - Personnes

040412

ADOPTION Adoption pleacuteniegravere - Enfants pouvant faire lobjet dune adoption - Enfant neacute dune megravere

porteuse (non)

La materniteacute pour autrui dont le caractegravere illicite se deacuteduit des principes geacuteneacuteraux du Code

civil et aujourdhui de son article 16-7 reacutealise un deacutetournement de linstitution de ladoption

que les juges du fond ont donc agrave bon droit refuseacute de prononcer sans violer aucun des textes

invoqueacutes

C cass 1re civ 9 deacutecembre 2003 Mme X c Procureur geacuteneacuteral pregraves le Cour dappel de Y-

Pourvoi ndeg 0103927 Q - Rejet (C app Paris 1er feacutevrier 2001) - gr ndeg 1644P

NOTE

Reacuteiteacuteration de linterdiction dune adoption lieacutee agrave une procreacuteation pour le compte

dautrui -

24

Larrecirct rendu le 9 deacutecembre 2003 ne surprendra pas puisquil sinscrit dans la ligne traceacutee par

la Cour de cassation depuis 1989 confirmeacutee par la loi du 29 juillet 1994 relative au respect du

corps humain

En lespegravece Georges D et Denise M seacutetaient marieacutes le 15 deacutecembre 1962 et avaient eu un

enfant Fabrice neacute le 11 novembre 1966 Leacutepouse nayant pu avoir un deuxiegraveme enfant

pourtant vivement souhaiteacute le couple se serait adresseacute agrave une laquoamieraquo qui aurait accepteacute davoir

des relations intimes avec Georges D jusquagrave ce quelle conccediloive un enfant quil eacutetait convenu

de laisser degraves sa naissance au pegravere et agrave son eacutepouse

Cest ainsi que serait neacutee Sarah le 4 juillet 1987 qui fut deacuteclareacutee sur les registres de leacutetat civil

sans indication de filiation maternelle reconnue par Georges D puis recueillie aussitocirct par

celui-ci et son eacutepouse Cette derniegravere avait pris la preacutecaution de seacuteloigner de son domicile

pendant les derniers mois du deacuteveloppement in utero de lenfant afin que la substitution

maternelle soit ignoreacutee de lentourage des deux eacutepoux

Il sagissait donc bien selon les propres dires de Georges et Denise D dune materniteacute pour

autrui sans recours aux techniques modernes de procreacuteation meacutedicalement assisteacutee selon un

processus agrave la fois naturel et vieux comme le monde (1)

En janvier 1999 Denise D a saisi le Tribunal de grande instance dune requecircte en adoption

pleacuteniegravere de la fille de son mari

Le Tribunal par jugement du 8 deacutecembre 1999 puis la Cour dappel de Paris par arrecirct du 1er

feacutevrier 2001 ont rejeteacute sa demande au motif quen application des art 6 et 1128 C civ la

convention par laquelle une femme sengage agrave concevoir et agrave porter un enfant pour

labandonner agrave sa naissance est nulle car elle contrevient tant au principe dordre public de

lindisponibiliteacute du corps humain quagrave celui de lindisponibiliteacute de leacutetat des personnes et que

ladoption envisageacutee neacutetait que lultime phase dun processus illicite constitutif dun

deacutetournement de linstitution de ladoption

On reconnaicirctra lagrave les formules mecircmes employeacutees par la Cour de cassation notamment dans

son arrecirct dassembleacutee pleacuteniegravere du 31 mai 1991 (2) Il nest donc pas eacutetonnant que la Cour

suprecircme ait rendu un arrecirct de rejet dautant plus que sa jurisprudence a eacuteteacute conforteacutee par le

nouvel art 16-7 inseacutereacute dans le Code civil par la loi ndeg 94-653 du 29 juillet 1994 (3) qui

dispose que toute convention portant sur la procreacuteation ou la gestation pour le compte dautrui

est nulle

La Cour de cassation a bien entendu viseacute expresseacutement ce texte nouveau mais elle a tenu agrave

rappeler que le caractegravere illicite se deacuteduisait aussi des principes geacuteneacuteraux du Code civil

faisant ainsi implicitement reacutefeacuterence aux art 6 et 1128 de ce Code sur lesquels elle avait

preacuteceacutedemment fondeacute sa position

Le moyen de cassation tentait deacutechapper agrave la jurisprudence de la Cour suprecircme en se fondant

sur les circonstances de lespegravece et notamment sur le fait que la requecircte en adoption navait

eacuteteacute formeacutee que douze anneacutees apregraves la naissance de lenfant de sorte que lindivisibiliteacute entre la

materniteacute pour autrui et ladoption ne serait pas caracteacuteriseacutee Mais la Cour dappel avait

reacutepondu agrave cette argumentation en eacutenonccedilant que labandon de lenfant agrave naicirctre objet de

lobligation contracteacutee par la megravere biologique eacutetait destineacute agrave permettre que lenfant reconnu

par Georges D puisse ecirctre adopteacute par son eacutepouse et en soulignant que celle-ci avait dans le

mecircme but accepteacute linseacutemination dune autre femme par les gamegravetes de son mari et quelle

avait participeacute activement au processus en prenant toutes preacutecautions pour que la substitution

de materniteacute soit ignoreacutee des tiers

Denise D soutenait en outre que linteacuterecirct de lenfant retenu tant par lart 353 C civ que par

les art 3 et 21 de la Convention internationale des droits de lenfant devait primer sur le souci

de sanctionner lilliceacuteiteacute de la convention qui avait preacutesideacute agrave sa conception et agrave sa naissance

La Cour de cassation ne sest pas arrecircteacutee agrave cette argumentation pas plus quelle ne sy eacutetait

arrecircteacutee en 1991 pour elle lensemble de lopeacuteration est indivisible le deacutetournement de

25

linstitution de ladoption est caracteacuteriseacute et il convient de lutter contre la politique du fait

accompli (4) Laccepter au nom de linteacuterecirct de lenfant ne conduirait-il pas comme on la

souligneacute en doctrine (5) agrave admettre le commerce des enfants sous preacutetexte que bien souvent

ceux-ci y trouveraient beacuteneacutefice

(1) Selon la Bible Sarah eacutepouse dAbraham ne pouvant avoir denfant de lui lenvoya aupregraves

de son esclave eacutegyptienne Agar dont il eut un fils Ismaeumll Agar fut renvoyeacutee avec celui-ci

lorsque Sarah tregraves acircgeacutee mit au monde Isaac le fils de la promesse

Cest sans doute une coiumlncidence si nous trouvons aussi dans notre affaire une laquoSarahraquo qui

tient il est vrai un rocircle tout diffeacuterent de celui deacutevolu agrave son homonyme biblique

Lhistoire reacutevegravele eacutegalement des cas relativement freacutequents ougrave pour pallier agrave la steacuteriliteacute du

mari et pour permettre la continuation de la ligneacutee et la perpeacutetuation dun nom ou dun titre un

laquovaletraquo - souvent ensuite renvoyeacute - eacutetait chargeacute de feacuteconder leacutepouse Le proceacutedeacute eacutetait

juridiquement parfait dans la mesure ougrave par le jeu de la preacutesomption de paterniteacute le mari

devenait leacutegalement le pegravere de lenfant

(2) Cass ass pleacuten 31 mai 1991 Bull civ 1991 ndeg 4 Gaz Pal Rec 1991 panor cass p

162 [912144] D 1991 jur p 417 rapport Y Chartier note G Thouvenin JCP 1991 II

21752 comm J Bernard concl H Dontenwille note F Terreacute Defreacutenois 1991 art 35088

ndeg 67 p 948 obs J Massip RTD civ 1991 517 obs D Huet-Weiller Dans le mecircme sens

v Cass civ 1re 29 juin 1994 Bull civ 1994 I ndeg 226 Gaz Pal Rec 1995 jur p 36 note

J B [943856] D 1994 jur p 581 note Y Chartier JCP 1995 II 223621 note J Rubellin-

Devichi RTD civ 1994 p 842 obs J Hauser Defreacutenois 1995 art 36024 ndeg 4 p 315

obs J Massip

V aussi Cass civ 1re 13 deacutecembre 1989 Bull civ 1989 I ndeg 387 Gaz Pal Rec 1990

panor cass p 66 [901122] D 1990 jur p 273 rapport J Massip Defreacutenois 1990 art

34802 ndeg 55 p 743 obs J-L Aubert et art 34815 p 862 rapport J Massip et JCP 1990 II

21526 note A Seriaux Dans cette affaire la Cour de cassation avait proclameacute par des motifs

analogues agrave ceux adopteacutes par les arrecircts de 1991 et 1994 le caractegravere illicite de la materniteacute

pour autrui et des associations qui sefforcent de la promouvoir

(3) Sur cette loi v notamment notre commentaire in Defreacutenois 1975 art 35975 et 35922

speacutecialement en ce qui concerne lart 16-7 C civ le ndeg 9 de cette eacutetude p 72

(4) Sur ces divers points v notre note preacuteciteacutee sous Cass ass pleacuten 31 mai 1991

(5) Obs J Hauser sous larrecirct rendu le 1er feacutevrier 2001 par la Cour dappel de Paris dans le

preacutesente affaire in RTD civ 2001 347

AD2008DEF0291N1

Reacutepertoire du Notariat Defreacutenois 15 feacutevrier 2008 ndeg 3 P 291 - Tous droits reacuteserveacutes

FILIATION

38717 La convention de megravere porteuse

(Reacuteflexions sur les sources du droit et les principes dindisponibiliteacute du corps humain et de leacutetat des personnes)

Le droit franccedilais prohibe les conventions de megraveres porteuses

26

Malgreacute linterdiction leacutegale de nombreux couples ont chercheacute et cherchent encore agrave

contourner cette interdiction notamment en ayant recours agrave des megraveres de substitution dans

des pays eacutetrangers ougrave cette pratique est autoriseacutee

La Cour de cassation veille agrave ce que linstitution de ladoption ne soit pas deacutetourneacutee au profit

de ces parents

Dans un arrecirct du 25 octobre 2007 la cour dappel de Paris vient de reacuteouvrir le deacutebat non sur

le terrain de la convention mais sur celui de la non-transcription des actes de naissance et de

linteacuterecirct supeacuterieur de lenfant

Une excellente occasion de faire le point sur la question et de sinterroger pour lavenir avant

la reacutevision de la loi bioeacutethique en 2009

par Rabih CHENDEB

Docteur en droit

ATER agrave lUniversiteacute de Picardie Jules Verne

laquo La science va Elle est ineacuteluctable Ce quil faut cest la rendre eacutethique raquo (1)

Le droit positif franccedilais interdit de recourir aux megraveres porteuses si un couple conccediloit un

embryon in vitro qui est implanteacute dans luteacuterus dune tierce femme cest cette tierce femme

qui est la megravere selon la loi franccedilaise et les parents biologiques ne peuvent avoir aucun droit

mecircme en cas dabandon de lenfant agrave la naissance par la megravere porteuse La loi bioeacutethique de

1994 a interdit la gestation pour autrui car cela soulevait des questions

dinstrumentalisation et de commercialisation du corps de la femme

De nombreux couples en mal denfants ont depuis longtemps chercheacute agrave contourner les regravegles

notamment en ayant recours agrave des megraveres de substitution qui vivent dans des pays ougrave cette

pratique est autoriseacutee Jusquagrave preacutesent la Cour de cassation ne sy est jamais laisseacutee prendre et

condamnait ladoption faite par les parents de lenfant de la megravere porteuse consideacuterant quil

sagissait dun deacutetournement de linstitution de ladoption (I)

Le 25 octobre 2007 la cour dappel de Paris vient donner lespoir dune ouverture vers

lacceptation dans linteacuterecirct de lenfant de cette deacutemarche Cette deacutecision de la cour dappel

pourrait changer les choses en attendant la reacutevision de la loi bioeacutethique preacutevue en 2009 Une

chose est sucircre cet arrecirct a le meacuterite douvrir le deacutebat et de poser la question de linteacuterecirct de

lenfant comme exception agrave lindisponibiliteacute de leacutetat des personnes et agrave linterdiction de la

pratique des megraveres porteuses Une certaine eacutevolution des mentaliteacutes ainsi que la dispariteacute

entre la loi franccedilaise et dautres leacutegislations nationales pourraient donner lieu agrave un

assouplissement de cette leacutegislation (II)

I Lhostiliteacute du leacutegislateur et de la jurisprudence agrave leacutegard de la convention de megravere porteuse

Au siegravecle dernier seacutetaient deacuteveloppeacutees des associations ayant pour but de faire se rencontrer

des couples deacutesireux davoir un enfant et des femmes acceptant de le porter pour ensuite le

leur laquo ceacuteder raquo par contrat Pour des raisons plus ou moins louables le proceacutedeacute fut rapidement

condamneacute par le droit franccedilais (A) tout comme ladoption qui sen suivait (B)

27

A Le caractegravere illicite de la convention de megravere porteuse

La megravere porteuse met en effet agrave mal le scheacutema classique de la famille On affirmait en Droit

romain que la megravere eacutetait sucircre et que le pegravere eacutetait le mari Le Code napoleacuteon a enteacuterineacute cette

conception Dire que lenfant possegravede une megravere geacuteneacutetique et une megravere uteacuterine va agrave lencontre

de ses dispositions (2)

Pris au deacutepourvu le leacutegislateur franccedilais a tardeacute agrave reacuteagir face aux progregraves scientifiques Il en

est reacutesulteacute un vide juridique auquel la jurisprudence sest efforceacutee de faire face Devant cette

heacutesitation bien compreacutehensible du droit les ressources de la morale de la deacuteontologie et

surtout de la bioeacutethique ont eacuteteacute solliciteacutees (3) Le Conseil dEtat confronteacute aux associations

voulant intervenir dans ce domaine a ainsi prononceacute la dissolution de ces associations pour

objet illicite (4) Le 13 deacutecembre 1989 la premiegravere chambre civile de la Cour de cassation a

releveacute le principe dindisponibiliteacute du corps humain par une interpreacutetation a contrario de

larticle 1128 du Code civil qui dispose qu laquo il ny a que les choses qui sont dans le

commerce qui puissent ecirctre lobjet des conventions raquo La personne ne dispose pas de son

corps elle nen est pas proprieacutetaire (5) Le 31 mai 1991 lassembleacutee pleacuteniegravere de la Cour de

cassation vise les articles 6 1128 et 353 du Code civil afin daffirmer le caractegravere illicite de la

convention conclue entre une megravere porteuse et un couple steacuterile En effet ce contrat porte sur

deux corps humains la megravere et lenfant (6)

Rapidement le leacutegislateur est venu leacutegifeacuterer dans ce sens avec la loi no 94-653 du 29 juillet

1994 relative agrave la bioeacutethique pour que le Code civil reconnaisse le corps humain en tant que

tel Cette loi prend deacutesormais explicitement en compte le corps humain parce quil a voulu

promouvoir son respect face au deacuteveloppement des sciences biomeacutedicales Cette loi a entraicircneacute

la modification et la creacuteation darticles dans le Code civil et le Code peacutenal

Le principe du respect de la digniteacute de la personne humaine est poseacute par larticle 16 du Code

civil laquo La loi assure la primauteacute de la personne interdit toute atteinte agrave la digniteacute de celle-ci

et garantit le respect de lecirctre humain degraves le commencement de sa vie raquo Le nouvel article 16-1

preacutevoit que laquo Chacun a droit au respect de son corps Le corps humain est inviolable Le

corps humain ses eacuteleacutements et ses produits ne peuvent faire lobjet dun droit patrimonial raquo

Par conseacutequent selon larticle 16-5 laquo Les conventions ayant pour effet de confeacuterer une

valeur patrimoniale au corps humain agrave ses eacuteleacutements ou agrave ses produits sont nulles raquo De mecircme

quand une personne accepte de donner son sang ce ne peut ecirctre quagrave titre beacuteneacutevole Enfin

larticle 16-7 dispose mecircme laquo Toute convention portant sur la procreacuteation ou la gestation

pour le compte dautrui est nulle raquo (7)

En outre cette interdiction est assortie dune sanction peacutenale pouvant aller jusquagrave un an

demprisonnement et 15 000 euro damende pour celui qui sentremet ou tente de sentremettre

entre une personne ou un couple deacutesireux daccueillir un enfant et une femme acceptant de

porter en elle cet enfant en vue de le leur remettre Lorsque ces faits ont eacuteteacute commis agrave titre

habituel ou dans un but lucratif les peines sont porteacutees au double (8)

En deacutepit de la reacutesistance de quelques juges du fond qui ont admis ladoption la Cour de

cassation na pas infleacutechi sa position (9) Elle sest reacutecemment opposeacutee agrave ladoption simple

dun enfant par un couple homosexuel estimant cette adoption contraire agrave laquo linteacuterecirct supeacuterieur

de lenfant raquo (10)

28

Analyseacutes dans le contexte de ces deacutecisions les deux principes de lilliceacuteiteacute des conventions et

de lindisponibiliteacute du corps humain expriment une mecircme ideacutee la condamnation dune

convention qui porte sur le corps humain celui de lenfant agrave naicirctre et celui de la femme qui la

conccedilu et porteacute

Toutefois les motifs adopteacutes par la Cour de cassation savegraverent dune extrecircme faiblesse En

effet ces motifs sont lieacutes agrave lilliceacuteiteacute de lobjet des conventions agrave lindisponibiliteacute du corps

humain ainsi quagrave lindisponibiliteacute de leacutetat des personnes (11) Pourtant les lois dites laquo

bioeacutethiques raquo du 29 juillet 1994 puis la loi du 6 aoucirct 2004 (12) relative agrave la bioeacutethique ont

admis lutilisation des eacuteleacutements et des produits du corps humain agrave des fins theacuterapeutiques ou

scientifiques Effectivement une loi en date du 24 janvier 1953 deacutetermine laquo les tarifs de

cession du sang raquo Les dispositions sont aujourdhui dans le Code de la santeacute publique Degraves

lors on peut donner ses gamegravetes ses organes son sang Il semble que plus quune approche

anthropologique des sciences meacutedicales (qui conduiraient agrave une ineacutevitable instrumentalisation

du corps des hommes) il existerait ce que nous appelons une technoscience laquo de linvisible

raquo que seul le droit accepte de leacutegitimer (13)

Par ailleurs la terminologie employeacutee par le leacutegislateur de 1994 est eacuteloquente Cest

certainement parce que le principe dindisponibiliteacute du corps humain sest aveacutereacute irreacutealiste videacute

de sa substance par le nombre et limportance de ses exceptions que le leacutegislateur lui a preacutefeacutereacute

celui de non-patrimonialiteacute qui figure aujourdhui aux articles 16-1 16-5 et 16-6 du Code

civil Il est donc possible de disposer de son corps agrave titre de dons dans les limites de la loi

(14)

Pour conclure sur ce point il sera emprunteacute les propos de Mme Mayer-Jack laquo

Malheureusement si ce principe dindisponibiliteacute du corps humain possegravede les qualiteacutes trop

rares decirctre nettement formuleacute et universellement admis il apparaicirct agrave la reacuteflexion frappeacute dun

vice radical il se reacutevegravele contraire aux faits raquo (15)

B La nulliteacute de ladoption

En matiegravere de materniteacute de substitution lenfant reste au coeur du deacutebat Il est laquo lobjet raquo de la

convoitise du couple demandeur et lobjet de la convention En vue de permettre

leacutetablissement dune filiation adoptive deux processus eacutetaient suivis par lesdits couples

processus que la Cour de cassation sempressa dinterdire agrave son tour

1 Le contournement aveacutereacute de la loi par les couples restant en France

En effet le processus se deacuteroulait en trois eacutetapes dans un premier temps lembryon issu des

gamegravetes du couple ou du mari et de la femme porteuse eacutetait implanteacute dans luteacuterus de cette

derniegravere La megravere porteuse suivait sa grossesse normalement notamment au regard du suivi

meacutedical (16) Ensuite elle accouchait anonymement La leacutegislation autorise les

accouchements laquo sous X raquo et reconnaicirct ainsi aux parturientes le droit de ne pas ecirctre megraveres si

elles ne le deacutesirent ou ne le peuvent pas Le pegravere fournisseur de sperme quant agrave lui effectuait

une reconnaissance preacutenatale de lenfant A sa naissance il le reconnaissait Lenfant avait

donc un pegravere mais sans indication de la filiation maternelle Enfin leacutepouse de ce dernier

adoptait de maniegravere pleacuteniegravere lenfant Leacutetat de mariage de la megravere porteuse ne changeait rien

puisque laccouchement anonyme empecircchait que le mari soit consideacutereacute comme pegravere preacutesumeacute

29

Depuis larrecirct Alma Mater (17) nous savons que la convention de materniteacute de substitution

est nulle car contrevenant agrave lordre public (18) Mais jusqualors la jurisprudence avait eu le

soin de dissocier convention et adoption Toute convention portant sur la procreacuteation ou la

gestation pour le compte dautrui eacutetant nulle la convention de megravere porteuse ayant permis la

naissance de lenfant en cause est donc incontestablement frauduleuse Degraves lors la possession

deacutetat sur laquelle les demandeurs se fondent pour voir eacutetablir un lien de filiation leacutegitime agrave

leur profit et lacte de notorieacuteteacute quils ont ainsi obtenu sont eux-mecircmes vicieacutes et ne peuvent

donc permettre leacutetablissement dun tel lien Par ailleurs la Convention de New York sur les

droits de lenfant garantit notamment agrave celui-ci laccegraves agrave ses origines Or lapplication de la

convention frauduleuse aurait pour effet de consacrer un mensonge lacte de naissance qui

serait eacutetabli sur le fondement de cette convention aboutirait en effet agrave nier totalement les

conditions dans lesquelles lenfant a eacuteteacute conccedilu En conseacutequence les demandeurs ne pourront

se preacutevaloir de la possession deacutetat vicieacutee pour obtenir la retranscription de lacte de notorieacuteteacute

sur lacte de naissance de lenfant (19) Ainsi la prohibition de la convention a entraicircneacute dans

son sillage une impossibiliteacute dadoption par leacutepouse du pegravere (20) Il y a deacutetournement de

linstitution de ladoption pleacuteniegravere en ce que lenfant a eacuteteacute conccedilu pour ecirctre abandonneacute par sa

megravere et adopteacute par une autre (21)

Il en reacutesulte que cest labandon de lenfant qui rend impossible ladoption par leacutepouse du

mari Or labandon de lenfant constitue deacutejagrave une deacutemarche parfaitement licite et reacuteglementeacutee

par la loi Il suffit pour sen convaincre de lire attentivement les textes adeacutequats agrave savoir les

articles 61 et 62 du Code de la famille et de laide sociale 348-3 et 350 du Code civil et 1158

agrave 1163 du Code de proceacutedure civile Il suffit agrave la megravere et plus geacuteneacuteralement agrave la personne

investie des droits parentaux de confier 1enfant agrave un eacutetablissement ou agrave un service de laide

sociale agrave 1enfance (ASF) ou mecircme agrave un particulier puis de sen deacutesinteacuteresser

manifestement pendant une anneacutee nentretenant avec lui aucune relation neacutecessaire au

maintien de liens affectifs Le tribunal de grande instance peut degraves lors sauf agrave prendre en

consideacuteration le cas exceptionnel de grande deacutetresse du parent deacutefaillant deacuteclarer 1enfant

abandonneacute agrave la requecircte de tout inteacuteresseacute et notamment de leacutetablissement service ou famille

daccueil (22) laquo On cesse dinterdire une pratique non pas lorsquelle se deacuteveloppe mais

lorsquon ne sait plus pourquoi elle est interdite raquo (23)

Dailleurs une contradiction engendre ce refus dadoption En effet laquo consideacuterer ladoption

indissociable de la convention revient agrave ne voir lenfant que comme lobjet de cette convention

raquo (24) Ainsi les parents ont pu eacutetablir anteacuterieurement agrave la naissance le processus dont

ladoption est laquo lultime phase raquo Mais ce processus nest pas fait dans lintention de nuire agrave

lenfant Alors comment comprendre la seacuteveacuteriteacute afficheacutee de la Cour de cassation

Traiter lenfant comme une veacuteritable personne implique de dissocier la convention ougrave il

nintervient pas et ladoption dont il est partie prenante et mecircme partie principale Il faut

sinterroger sur son inteacuterecirct propre quitte agrave le confronter ensuite agrave ceux auxquels il soppose

(25)

2 Lexpansion du tourisme procreacuteatif

La dispariteacute des regravegles nationales agrave propos de la gestation pour autrui a conduit certains

couples agrave se rendre agrave leacutetranger pour pouvoir avoir recours agrave une megravere porteuse on parle

deacutesormais de laquo tourisme procreacuteatif raquo (26)

30

Lagrave encore le processus deacutebute par une inseacutemination artificielle mais les pays ayant leacutegaliseacute la

gestation pour le compte dautrui permettent par ailleurs que lembryon inseacutemineacute dans

luteacuterus de la femme soit issu de la rencontre des gamegravetes des deux parents demandeurs

Lenfant est donc geacuteneacutetiquement lenfant du couple Il a pour parent degraves sa naissance le

couple demandeur il porte leur nom et le preacutenom quils lui ont choisi Mais pour exister en

France il est neacutecessaire de recourir agrave une transcription sur les registres de leacutetat civil franccedilais

de lacte de naissance eacutetranger Lagrave encore la seacuteveacuteriteacute est de mise puisque le parquet de

Nantes qui a en charge la transcription des eacutetats civils venant de leacutetranger refuse

systeacutematiquement cette transcription qui nest pas conforme agrave la leacutegislation franccedilaise (27)

Les magistrats ont eacuteteacute confronteacutes agrave ces situations ougrave la megravere commanditaire deacutesirait eacutetablir un

lien de filiation entre elle et lenfant issu de la convention de materniteacute de substitution

Tel est par exemple le cas qui a eacuteteacute trancheacute par la cour dappel de Rennes le 4 juillet 2002

(28) Dans cet arrecirct la cour dappel a rejeteacute ladoption des enfants par un couple qui a conclu

en Californie une convention portant sur la gestation dun embryon issu de leurs propres

gamegravetes La cour relegraveve que laquo la loi franccedilaise ne donne pas une deacutefinition de la megravere raquo cette

notion est inscrite dans les mentaliteacutes depuis des siegravecles par ladage Mater semper certa est

Cest laccouchement qui deacutetermine la megravere et non la seule reacutealiteacute geacuteneacutetique

Cette jurisprudence installeacutee depuis le ceacutelegravebre arrecirct de lassembleacutee pleacuteniegravere du 31 mai 1991

constitue une atteinte directe agrave linteacuterecirct de lenfant Ce dernier est priveacute de toute filiation

maternelle leacutegalement reconnue et ce sans beacuteneacutefice pour personne (29)

Malheureusement en raison de cette solution les deux enfants sont acircgeacutes de sept ans et vivent

aupregraves de leur pegravere naturel et de sa compagne dont la materniteacute ne peut leacutegalement ecirctre eacutetablie

(30)

Cette jurisprudence preacutesente un point faible Selon larticle 353 du Code civil le tribunal de

grande instance saisi dune requecircte aux fins dadoption pleacuteniegravere veacuterifie si les conditions de

la loi sont remplies et si ladoption est conforme agrave linteacuterecirct de lenfant Or en loccurrence

le preacutetendu droit de lenfant ne coiumlncide pas avec son inteacuterecirct seul mis en avant dans 1article

353 du Code civil Le refus par la cour dappel de prononcer ladoption pleacuteniegravere a priveacute les

deux enfants (au nom de leur droit aussi eacuteminent que symbolique agrave la non-chosification) dun

avantage concret et primordial leur admission au statut denfants leacutegitimes de leurs vrais

parents geacuteneacutetiques (31) Simples enfants naturels ou adulteacuterins de leur pegravere ils demeureront

sans lien de filiation maternelle Un tel problegraveme meacuterite que les juridictions se penchent au

moins sur lui (32) La protection de linstitution de ladoption sopegravere au deacutetriment du droit

reconnu agrave lenfant deacutetablir sa filiation par le biais dune discrimination fondeacutee sur les

circonstances de sa naissance (33) La jurisprudence nous semble aller agrave lencontre des

engagements internationaux contracteacutes par la France (34)

II Leacutevolution des mentaliteacutes vers une leacutegislation plus souple

Jusquagrave preacutesent la jurisprudence a toujours interdit ladoption des enfants par des couples

ayant eu recours agrave la gestation pour autrui consideacuterant quil sagit dun deacutetournement de

linstitution de ladoption (35)

Un grand quotidien Libeacuteration reacutevegravele que la cour dappel de Paris a reconnu comme parents

leacutegitimes de jumelles un couple franccedilais ayant fait appel agrave une megravere porteuse ameacutericaine

31

Une chose est sucircre cet arrecirct a le meacuterite douvrir le deacutebat et de poser la question de linteacuterecirct de

lenfant comme exception agrave lindisponibiliteacute de leacutetat des personnes et agrave linterdiction de la

pratique des megraveres porteuses (A) Lorsque lon accepte une loi eacutetrangegravere qui a eacuteteacute appeleacutee au

secours pour contourner la loi franccedilaise la modification de la loi franccedilaise nest pas loin (B)

A Lassouplissement de la jurisprudence

Dans laffaire porteacutee devant la cour dappel de Paris que nous avons abordeacutee rapidement

preacuteceacutedemment un couple dont la femme ne peut assurer la gestation en raison dune

malformation congeacutenitale se rend en Californie ougrave il conclut une convention portant sur la

gestation dun embryon issu de leurs propres gamegravetes Des jumelles naissent de cette

convention Le droit californien fait abstraction du deacutefaut daccouchement La concubine est

inscrite comme megravere dans les registres de naissance de Californie Quelques semaines plus

tard le couple reconnaicirct les enfants en France Mais agrave leur retour dans lHexagone ils sont

placeacutes en garde agrave vue puis mis en examen pour laquo entremise entre une personne deacutesireuse

dadopter un enfant et un parent deacutesireux dabandonner son enfant neacute ou agrave naicirctre raquo et pour laquo

simulation ayant entraicircneacute une atteinte agrave leacutetat civil de lenfant raquo

En 2004 le juge dinstruction rend un non-lieu sur les poursuites peacutenales les faits seacutetant

deacuterouleacutes dans un pays ougrave cette pratique est leacutegale Le parquet a alors continueacute son offensive

sur le terrain civil et chercheacute agrave faire annuler la filiation et la transcription sur leacutetat civil Le

tribunal de grande instance a deacuteclareacute cette demande irrecevable en deacutecembre 2005 Une

deacutecision rendue par la cour dappel de Paris confirme ce jugement le 25 octobre dernier apregraves

avoir estimeacute que laquo La non-transcription des actes de naissances aurait des conseacutequences

contraires agrave linteacuterecirct supeacuterieur des enfants qui au regard du droit franccedilais se verraient priveacutes

dactes deacutetat civil indiquant leur lien de filiation y compris agrave leacutegard de leur pegravere biologique

raquo

La question sera deacutesormais soumise agrave la Cour de cassation qui a deacutejagrave pris des deacutecisions

progressistes dans des questions relatives au droit de la famille notamment dans linteacuterecirct de

lenfant Elle a ainsi fait le 24 feacutevrier 2006 un pas important vers la reconnaissance de

lhomoparentaliteacute en autorisant quun parent homosexuel deacutelegravegue tout ou partie de son

autoriteacute parentale agrave son partenaire avec lequel il vit en union stable agrave condition que cette

mesure soit prise dans linteacuterecirct supeacuterieur de lenfant (36)

Le plus important reacuteside dans le fait que la cour dappel de Paris a estimeacute que la non-

transcription sur les actes de naissance aurait des conseacutequences contraire agrave llaquo inteacuterecirct de

lenfant raquo Depuis longtemps linteacuterecirct de lenfant est au centre du droit de la famille et depuis

quelques anneacutees celui-ci devient veacuteritablement la pierre angulaire de cette discipline (37)

Dans un arrecirct du 18 mai 2005 la premiegravere chambre civile de la Cour de cassation preacutecise au

visa de larticle 3-1 de la Convention relative aux droits de lenfant que laquo dans toutes les

deacutecisions qui concernent les enfants linteacuterecirct supeacuterieur de lenfant doit ecirctre une

consideacuteration primordiale raquo (38) Mais que faut-il entendre par inteacuterecirct supeacuterieur de lenfant

(39)

Bien que le nouvel article L 112-4 du Code de laction sociale et des familles (40) et larticle

371-1 du Code civil semblent deacutefinir les eacuteleacutements constitutifs de cette notion llaquo inteacuterecirct de

lenfant raquo reste un concept assez flou que le leacutegislateur et les juges se gardent bien de deacutefinir

preacuteciseacutement on ne peut limiter linteacuterecirct supeacuterieur de lenfant agrave la protection de sa santeacute de sa

seacutecuriteacute et de sa moraliteacute Certes ces eacuteleacutements sont les bases de linteacuterecirct de lenfant mais

32

puisque celui-ci peut deacutepasser le strict cadre du droit de lautoriteacute parentale voire du droit de

la famille cette vision serait bien trop reacuteductrice

Le sens de cette notion peut encore sobscurcir si lon considegravere quelle peut se confondre avec

dautres concepts voisins Larticle 371-5 doit ainsi conduire agrave distinguer linteacuterecirct de lenfant de

celui de la fratrie En effet si celle-ci a inteacuterecirct agrave rester unie certaines circonstances permettent

deacutecarter un de ses membres dans son inteacuterecirct exclusif

Un amendement proposait cependant agrave la suite du nouvel article L 112-4 du Code de laction

sociale et des familles une deacutefinition inteacuteressante laquo Linteacuterecirct supeacuterieur de lenfant est deacutefini

comme lassurance de la protection de sa seacutecuriteacute personnelle et affective lassurance dun

contexte familial permettant un bon deacuteveloppement physique intellectuel affectif et social

lassurance dune relation dattachement parental permettant de se construire Linteacuterecirct

supeacuterieur de lenfant tel que deacutefini constitue son projet de vie raquo (41)

On ne peut que se feacuteliciter de la mise en avant de linteacuterecirct de lenfant pour deacuteroger agrave la sacro-

sainte interdiction des megraveres porteuses car il est vrai quil ne faut pas oublier que limportant

reste dabord et avant tout lenfant qui a et doit avoir une place centrale au sein de la famille

On peut envisager que cette reacutecente jurisprudence puisse influencer la reacuteflexion sur le recours

aux laquo megraveres porteuses raquo sur le territoire national qui conduise agrave une eacutevolution de la loi

B Vers une eacutevolution de la loi

Alors que la France interdit la laquo gestation pour autrui raquo cette pratique a eacuteteacute leacutegaliseacutee dans de

nombreux pays La France a donc une leacutegislation moins libeacuterale que dautres leacutegislations

nationales La pratique de la gestation pour autrui est notamment autoriseacutee aux Etats-Unis au

Canada en Australie et dans plusieurs pays de lUnion europeacuteenne (Espagne et Belgique

Gregravece et Royaume-Uni notamment) (42) La question de la leacutegalisation des megraveres porteuses

est tregraves controverseacutee en France et demanderait un strict encadrement (43)

On enseigne habituellement que les questions deacutetat ne peuvent deacutependre de la seule volonteacute

individuelle Leacutetat des personnes - le droit de la filiation en particulier - eacutechapperait aux

conventions Mais ce principe nest plus si absolu Leacutevolution contemporaine reacuteduit laspect

institutionnel Une place nettement importante a eacuteteacute faite dans lorganisation des relations

familiales agrave la volonteacute individuelle laquo Laccroissement du pouvoir des volonteacutes individuelles

dans le droit de la famille est une marque essentielle de ce droit raquo (44) Dougrave la justesse de

lexpression laquo contractualisation du droit de la famille raquo Le rocircle de la volonteacute individuelle

tend agrave ecirctre de plus en plus important (45) Tel est le cas du divorce du PACS et du mariage

La procreacuteation nest plus la finaliteacute avec larriveacutee en force dans des pays voisins du mariage

homosexuel

Une certaine eacutevolution des mentaliteacutes ainsi que la dispariteacute entre la loi franccedilaise et dautres

leacutegislations nationales pourraient bien donner lieu agrave un assouplissement de cette leacutegislation

(46)

La gestation pour autrui permet de pallier certaines formes de steacuteriliteacute feacuteminine en raison

dune absence ou dune deacuteformation duteacuterus de conseacutequences de cancer ou reacutesultant dune

hysteacuterectomie de fausses couches reacutepeacuteteacutees dune contre-indication meacutedicale agrave la grossesse ou

de nombreux eacutechecs de feacutecondations in vitro (47) Dans ce cas on implante les gamegravetes des

parents geacuteneacutetiques dans le ventre de la megravere porteuse

33

Un autre argument favorable agrave cette pratique est la certitude apaisante pour le couple steacuterile

de ce que lenfant porteacute en uteacuterus tiers nen sera pas moins leur veacuteritable enfant geacuteneacutetique

puisque conccedilu agrave partir de leurs propres gamegravetes

De plus il faut deacutenoncer une incoheacuterence Une femme empecirccheacutee par la loi de donner avant

sa grossesse agrave un couple agreacuteeacute par elle lenfant quelle portera moyennant eacutequitable

reacutecompense possegravede en revanche le droit discreacutetionnaire de labandonner une fois neacute au

hasard des eacutetablissements ou du service de lASE ou pis encore de recourir agrave une

interruption volontaire de grossesse pendant les douze premiegraveres semaines (48)

La possession deacutetat repreacutesente une valeur humaine et sociale qui doit ecirctre prise en compte en

tant que telle Comme lont joliment affirmeacute M Hauser et Mme Huet-Weiller laquo elle est la

veacuteriteacute des sentiments la veacuteriteacute du coeur tout aussi respectable sinon plus que celle des

registres deacutetat ou mecircme de nos gegravenes raquo (49) Ainsi on peut ecirctre favorable agrave cette reacuteflexion

sous certains reacuteserves

Tout dabord le couple demandeur devait avoir plus de 18 ans et linfertiliteacute devrait ecirctre

meacutedicalement eacutetablie Ensuite seule lutilisation des gamegravetes (sperme et ovocytes) du couple

serait autoriseacutee afin deacuteviter que la gestatrice soit aussi la megravere biologique de lenfant (pour

eacuteviter des liens trop forts eacutetablis entre elle et le beacutebeacute)

De son cocircteacute la megravere porteuse devait avoir plus de 18 ans et accepter de subir des tests divers

avant la grossesse Elle serait la seule agrave donner un consentement valable concernant la gestion

de sa grossesse et elle abandonnerait ses droits parentaux agrave la naissance de lenfant tout en

assistant le couple demandeur lors de la deacutelivrance du certificat de naissance Le

consentement devrait aussi ecirctre obtenu par un entretien psychologique meacutedical et juridique

Seul le juge pourrait donner laccord au deacutebut du processus Le couple demandeur devait

sengager agrave assumer la garde de lenfant degraves sa naissance afin deacuteviter soit une non-remise

denfant soit un refus de lenfant - par exemple en cas de handicap

Concernant la reacutemuneacuteration de la megravere porteuse la marchandisation est inacceptable Les

intermeacutediaires reacutemuneacutereacutes seraient interdits Le principe du volontariat et de la gratuiteacute sont

essentiels le don de vie (50)

Enfin il ne sagirait pas de reacutemuneacuteration mais de compensation financiegravere destineacutee agrave

deacutedommager les inconveacutenients lieacutes agrave la grossesse sur la base de la loi laquo Huriet raquo (loi sur la

recherche meacutedicale avec volontaires sains) Le couple demandeur devrait prendre agrave sa charge

les deacutepenses meacutedicales leacutegales et psychologiques ainsi quun montant raisonnable alloueacute agrave la

megravere porteuse pour subvenir agrave ses besoins Les juges appreacutecieraient librement ce que peut ecirctre

un montant laquo raisonnable raquo sans que cela puisse jamais ecirctre consideacutereacute comme une laquo vente raquo

denfant

(1) B Debreacute et S Agacinski laquo Faut-il leacutegaliser les megraveres porteuses en France raquo Le Figaro Magazine du samedi 10 novembre 2007 p 50

34

(2) G David laquo Don et utilisation du sperme raquo in Actes du colloque Geacuteneacutetique procreacuteation et

droit Actes sud 1985 p 205 G-M Faure Le deacutesir denfant agrave leacutepreuve du droit Essai sur le droit de la procreacuteation meacutedicalement assisteacutee Thegravese Universiteacute de Lille 1992 p 7

(3) G Lebreton Liberteacutes publiques et droits de lhomme 6e eacuted Armand Colin 2003 p 262

(4) CE 22 janvier 1988 Lebon 1988 p 37

(5) La Cour de cassation a enteacuterineacute la position de la cour dappel de Paris pour laquelle laquo ni laltruisme du comportement de la megravere de substitution ni le caractegravere deacutesinteacuteresseacute des activiteacutes de lassociation ne sont propres agrave faire disparaicirctre lilliceacuteiteacute qui frappe laccord litigieux raquo Cass civ 1re 13 deacutecembre 1989 Bull civ I no 387 Defreacutenois 1990 art 34802 no 55 obs J-L Aubert D 1990 p 273 JCP eacuted G 1990 II 21526 note A Seacuteriaux propos recueillis par C Slobodansky laquo Le droit doit limiter les progregraves de la science raquo LPA du 7 mai 2004 no 92 p 60

(6) laquo La convention par laquelle une femme sengage fucirct-ce agrave titre gratuit agrave concevoir et porter un enfant pour labandonner agrave sa naissance contrevient tant au principe dordre public de lindisponibiliteacute du corps humain quagrave celui de lindisponibiliteacute de leacutetat des personnes raquo Cass ass pleacuten 31 mai 1991 Bull civ ass pleacuten no 4 Defreacutenois 1991 art 35142 no 103 obs J-L Aubert Defreacutenois 1991 art 35088 no 67 note J Massip RTD civ 1991 p 517 obs D Huet-Weiller et p 489 note M Gobert M Gobert laquo Reacuteflexions sur les sources du droit et les

principes dindisponibiliteacute du corps humain et de leacutetat des personnes agrave propos de la materniteacute de substitution raquo RTD civ 1992 p 489 et s speacutec p 501 dans ce sens v deacutejagrave les remarques de P Murat laquo Laction de lordonnance du 4 juillet 2005 sur la possession deacutetat raquo Dr Famille 2006 eacutetude no 6 speacutec no 7 V aussi J Massip laquo Linsertion dans le Code civil de dispositions relatives au corps humain agrave lidentification geacuteneacutetique et agrave la procreacuteation meacutedicalement assisteacutee raquo Defreacutenois 1995 art 35975 et 35992

(7) En ce sens V Depadt-Sebag laquo De la neacutecessiteacute dune reacuteforme de larticle 16-7 du Code civil relatif agrave linterdiction de gestation pour autrui raquo RGD meacuted 2004 no 12 p 135 et s

(8) Art 227-12 et s C peacuten

(9) CA Paris 1re feacutevrier 2001 RTD civ 2001 p 347 obs J Hauser Cass civ 1re 9 deacutecembre 2003 Bull civ I no 252 p 201 CA Rennes 4 juillet 2002 D 2002 p 2904

(10) Cass civ 1re 20 feacutevrier 2007 Defreacutenois 2007 art 38595 no 45 obs J Massip

(11) V Depadt-Sebag laquo De la neacutecessiteacute dune reacuteforme de larticle 16-7 du Code civil relatif agrave linterdiction de gestation pour autrui raquo preacutec no 12 p 135 et s

(12) L no 2004-800 du 6 aoucirct 2004 relative agrave la bioeacutethique JO du 7 aoucirct 2004 p 14040 J Massip art preacutec

(13) Dans ce sens v M Gobert laquo Reacuteflexions sur les sources du droit et les principes dindisponibiliteacute du corps humain et de leacutetat des personnes agrave propos de la materniteacute de substitution raquo preacutec p 489 et s speacutec p 513

(14) V Depadt-Sebag laquo De la neacutecessiteacute dune reacuteforme de larticle 16-7 du Code civil relatif agrave linterdiction de gestation pour autrui raquo preacutec no 12 p 135 et s E Camuzet La convention de gestation pour autrui une illeacutegaliteacute franccedilaise injustifieacutee Meacutemoire Lille 2 Universiteacute du droit et de la santeacute 2005-2006 p 55

(15) A Mayer-Jack laquo Les conventions relatives agrave la personne physique raquo Rev crit leacutegisl et jurispr 1993 p 6

(16) G Meacutemeteau laquo Une distinction est opeacutereacutee sur la reacutefeacuterence des donneacutees acquises de la science agrave la date des soins par opposition agrave la notion erroneacutee de donneacutees actuelles de la science raquo note sous Cass civ 1re 6 juin 2000 JCP eacuted G 2001 II 10447

(17) Cass civ 1re 13 deacutecembre 1989 Bull civ I no 387 Defreacutenois 1990 art 34815 rapp J Massip D 1990 p 273 JCP eacuted G 1990 II 21526 note A Seacuteriaux

35

(18) Communication J Bernard et comm J Massip Defreacutenois 1990 art 35088 no 67 note J

Massip F Terreacute note sous Cass ass pleacuten 31 mai 1991 JCP eacuted G 1991 II 21752 dans ce sens v les remarques de P Murat laquo Laction de lordonnance du 4 juillet 2005 sur la possession deacutetat raquo preacutec eacutetude no 6 speacutec no 7 G Kessler laquo La consolidation de situations illicites dans linteacuterecirct de lenfant raquo Dr Famille no 7 juillet 2005 Etude 16

(19) TGI Lille 22 mars 2007 D 2007 no 18 p 1251 note X Labbeacutee B Edelman et C Labrusse-Riau note sous CA Paris 15 juin 1990 JCP eacuted G 1991 II 21653

(20) V Larribau-Terneyre note sous CA Pau 19 feacutevrier 1991 D 1991 juris p 380

(21) J Massip laquo Megravere porteuse et deacutecheacuteance de lautoriteacute parentale raquo LPA du 29 octobre 2003 no 216 p 10 Cass ass pleacuten 31 mai 1991 Bull civ ass pleacuten no 4 Defreacutenois 1991 art 35088 no 67 p 948 obs J Massip D 1991 p 417 rapport Y Chartier note D Thouvenin JCP eacuted G 1991 II 21752 communication J Bernard concl H Dontenwille note F Terreacute RTD civ 1991 p 517 obs D Huet-Weiller

(22) J Rubellin-Devichi laquo Materniteacute de substitution qui est la megravere raquo note sous CA Rennes 4 juillet 2002 JCP eacuted G 2003 I 101 C Ducomte laquo La vraie querelle des megraveres porteuses raquo httppagesperso-orangefrmax-christianducomtemereindexhtm

(23) Propos de Mme F Dekeuwer-Deacutefossez lors de son audition devant le preacutesident M Bloche pour la mission dinformation sur la famille (procegraves-verbal du 5 octobre 2005)

(24) J Hauser obs in RTD civ 1999 p 372 F Dekeuwer-Deacutefossez note sous Cass ass pleacuten 31 mai 1991 D 1992 somm p 59

(25) F Dekeuwer-Deacutefossez laquo Les droits de lenfant raquo D 1992 somm p 59 E Poisson-Drocourt laquo Recours agrave une megravere de substitution et refus de ladoption raquo D 2004 p 2001

(26) J-J Lemouland laquo Le tourisme procreacuteatif raquo LPA 2001 no 62 p 24 F Dekeuwer-Deacutefossez laquo Le lien parental raquo LPA du 1er juillet 2004 no 131 p 70 F Granet note sous CA Rennes 4 juillet 2002 D 2002 p 2904

(27) CA Aix-en-Provence 12 mars 2002 Juris-Data no 2002-190443 A Seacuteriaux laquo Droit naturel et procreacuteation artificielle quelle jurisprudence raquo D 1985 chron p 53 J Massip laquo Le nouveau droit de la filiation raquo Defreacutenois 2006 art 38303 p 13

(28) CA Rennes 4 juillet 2002 JCP eacuted G 2003 I 101 note J Rubellin-Devichi

(29) laquo Si le principe structurant de lautoriteacute parentale est linteacuterecirct de lenfant deacutetermineacute in concreto le droit de la filiation nappreacutecie en revanche jamais linteacuterecirct concret dun enfant preacutecis mais linteacuterecirct geacuteneacuteral de lenfant in abstracto raquo A Gouttenoire laquo A chacun sa famille agrave chacun son droit raquo Dr Famille no 7 juillet 2006 Alerte 41

(30) E Camuzet La convention de gestation pour autrui une illeacutegaliteacute franccedilaise injustifieacutee art preacutec p 52

(31) P Raynaud laquo Un abus de ladoption simple les couples adoptifs raquo D 1983 chron p 39 H Gaumont-Prat laquo Pas dadoption pour les enfants issus de convention de megravere porteuse raquo RLDC no 5 mai 2004 p 31 laquo Le rejet dans le non-droit des enfants neacutes dans des circonstances qui deacuterangent la socieacuteteacute relegraveve du deacuteni de la reacutealiteacute porteur de nombreux effets pathogegravenes et injustes raquo

(32) J Rubellin-Devichi laquo Materniteacute de substitution qui est la megravere raquo note sous CA Rennes 4 juillet 2002 preacutec I 101 C Ducomte laquo La vraie querelle des megraveres porteuses raquo preacutec P Raynaud laquo Un abus de ladoption simple les couples adoptifs raquo art preacutec chron p 39 G Kessler laquo La consolidation de situations illicites dans linteacuterecirct de lenfant raquo art preacutec Etude 16

(33) F Dekeuwer-Deacutefossez laquo Reacuteflexion sur les mythes fondateurs du droit contemporain de la famille raquo RTD civ 1995 p 269 E Camuzet La convention de gestation pour autrui une illeacutegaliteacute franccedilaise injustifieacutee art preacutec p 66 A Ponsard rapport sous Cass civ 1re 16

36

novembre 1982 JCP eacuted G 1983 II 19954 M-T Meulders-Klein laquo Le droit agrave lenfant face au

droit de lenfant et les procreacuteations meacutedicalement assisteacutees raquo RTD civ 1988 p 645 F Terreacute Lenfant de lesclave Geacuteneacutetique et droit Flammarion 1987 p 128

(34) Convention de New York du 26 janvier 1990 Charte des droits fondamentaux de lUnion europeacuteenne du 7 deacutecembre 2000 Deacuteclaration universelle des droits de lhomme de 1789 Convention internationale des droits de lenfant de 1989

(35) Cass ass plegraven 31 mai 1991 Bull civ ass plegraven no 4 Defreacutenois 1991 art 35142 no 103 obs J-L Aubert et art 35088 no 67 p 948 obs J Massip D 1991 p 417 rapport Y Chartier note D Thouvenin JCP eacuted G 1991 II 21752 communication J Bernard concl H Dontenwille note F Terreacute RTD civ 1991 p 517 obs D Huet-Weiller

(36) Cass civ 1re 24 feacutevrier 2006 Bull civ I no 101 p 95 Defreacutenois 2006 art 38415 no 40 p 1067 obs J Massip D 2006 juris p 897-900 obs D Vigneau T Anatrella laquo Adoption et homoparentaliteacute leacuteclairage des droits de lhomme raquo Dr Famille 2003 no 10 p

8-10 agrave lidentique dans un arrecirct du 22 janvier 1992 D 1993 p 119 note J Vassaux la cour dappel de Poitiers a prononceacute ladoption simple dun enfant neacute dune convention de megravere porteuse au motif que laquo cette adoption nest pas seulement conforme agrave linteacuterecirct de lenfant mais encore constitue une neacutecessiteacute qui deacutecoule des reacutealiteacutes de la vie issues derreurs des adultes dont lenfant ne doit pas subir les conseacutequences raquo

(37) G Kessler laquo La consolidation de situations illicites dans linteacuterecirct de lenfant raquo art preacutec eacutetude no 16 M-T Meulders-Klein laquo Le droit agrave lenfant face au droit de lenfant et les procreacuteations meacutedicalement assisteacutees raquo art preacutec p 645

(38) Cass civ 1re 18 mai 2005 Bull civ I no 211 p 179 V Depadt-Sebag laquo Non-lieu dans une affaire de materniteacute pour autrui raquo D 2005 p 476 J Massip laquo Megravere porteuse et deacutecheacuteance de lautoriteacute parentale raquo art preacutec no 216 p 11 F Terreacute Lenfant de lesclave Geacuteneacutetique et droit op cit adde F Terreacute et D Fenouillet Droit civil Les personnes la famille les incapaciteacutes 6e eacuted Preacutecis Dalloz no 926 M Lamarche laquo Inteacuterecirct supeacuterieur de lenfant de ladmission des effets dune convention de megravere porteuse agrave la destruction du droit franccedilais de la filiation raquo Dr Famille novembre 2007 no 11

(39) M Donnier laquo Linteacuterecirct de lenfant raquo D 1959 chron p 27 F Laroche-Gisserot note sous Cass civ 1re 27 mai 1998 D 1998 p 530 F Millet laquo Ladoption dun inteacuterecirct agrave lautre raquo RRJ 2003-3 p 1777 et s A Gouttenoire laquo A chacun sa famille agrave chacun son droit raquo art preacutec Alerte 41

(40) Par la loi no 2007-293 du 5 mars 2007 reacuteformant la protection de lenfance (JO du 6 mars 2007 Defreacutenois 2007 Leacuteg p 282) le leacutegislateur a inteacutegreacute la notion dinteacuterecirct de lenfant dans le Code de laction sociale et des familles Le nouvel article L 112-4 dudit code dispose que laquo Linteacuterecirct de lenfant la prise en compte de ses besoins fondamentaux physiques intellectuels sociaux et affectifs ainsi que le respect de ses droits doivent guider toutes deacutecisions le concernant raquo

(41) Amendement no 48 rect Protection de lenfance no 3184 Assembleacutee nationale 22 deacutecembre 2006 wwwassemblee-nationalefr v aussi sur lensemble de ces questions les consideacuterations tregraves eacuteclairantes de P Murat note sous CA Rennes 4 juillet 2002 D 2002 p 2902 Dr Famille 2002 comm no 142 note P Murat

(42) F Granet-Lambrechts laquo Materniteacutes de substitution filiation et eacutetat civil Panorama europeacuteen raquo Dr Famille no 12 deacutecembre 2007 eacutetude no 34

(43) D Youf Penser les droits de lenfant PUF 2002 p 2

(44) G Cornu La famille 6e eacuted no 7 J Carbonnier Droit civil t 4 Les obligations PUF coll Theacutemis no 372 p 649

(45) D Fenouillet et P de Vareilles-Sommiegraveres La contractualisation du droit de la famille Economica 2001

37

(46) H Gaumont-Prat laquo Pas dadoption pour les enfants issus de convention de megravere porteuse raquo art preacutec p 31

(47) E Poisson-Droccourt laquo Recours agrave une megravere de substitution et refus de ladoption raquo art preacutec p 2001 note sous Cass civ 1re 9 deacutecembre 2003 G Delaisi de Perseval laquo Gestation pour autrui en quecircte de leacutegitimation raquo httpwwwliberationfr

(48) C Neirinck laquo Les filiations eacutelectives agrave leacutepreuve du droit raquo JCP eacuted G 1997 I 4067 E Camuzet laquo La convention de gestation pour autrui une illeacutegaliteacute franccedilaise injustifieacutee raquo art preacutec p 59

(49) J Hauser et D Huet-Weiller Traiteacute de droit civil La famille Fondation et vie de la famille 2e eacuted LGDJ 1993 p 250

(50) B Debreacute et S Agacinski laquo Faut-il leacutegaliser les megraveres porteuses en France raquo art preacutec p 50 C Atias D 1986 chron p 67

Civ 1egravere

13 deacutecembre 1989

Ndeg de pourvoi 88-15655

Publieacute au bulletin

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Attendu selon les juges du fond que lrsquoassociation ldquo Alma Mater ldquo a pour objet de faciliter la

solution des problegravemes qui se posent aux couples dont la femme est steacuterile deacutesireux

drsquoaccueillir un enfant agrave leur foyer et aux ldquo megraveres porteuses ldquo volontaires qursquoil est proposeacute agrave

la ldquo megravere porteuse ldquo drsquoecirctre inseacutemineacutee artificiellement par la semence du mari ou du concubin

de porter et de mettre au monde lrsquoenfant qui sera deacuteclareacute sur les registres de lrsquoeacutetat civil sans

indication du nom de la megravere reconnu par le pegravere et accueilli au foyer de celui-ci en vue de

son adoption par lrsquoeacutepouse ou la compagne que lrsquoassociation intervient tout au long de ce

processus qualifieacute de ldquo precirct drsquouteacuterus ldquo ou de ldquo don drsquoenfant ldquo qursquoainsi apregraves avoir controcircleacute la

reacutealiteacute de la steacuteriliteacute du couple demandeur et des faculteacutes de feacutecondation de la ldquo megravere porteuse

ldquo geacuteneacuteralement recruteacutee par elle lrsquoassociation fait proceacuteder agrave lrsquoinseacutemination surveille la

grossesse et lrsquoaccouchement srsquooccupe de faire diligenter la proceacutedure drsquoadoption qursquoelle

verse ensuite agrave la megravere une somme forfaitaire - qui en 1987 eacutetait fixeacutee agrave 60 000 francs -

remise par le couple demandeur degraves le deacutebut de la grossesse que lrsquoarrecirct confirmatif attaqueacute

(Aix-en-Provence 29 avril 1988) estimant que cette association avait un objet illicite

contraire aux lois et aux bonnes moeurs en a prononceacute la nulliteacute sur le fondement de lrsquoarticle

3 de la loi du 1er juillet 1901

Sur le moyen unique pris en sa premiegravere branche

Attendu que lrsquoassociation ldquo Alma Mater ldquo fait grief agrave la cour drsquoappel drsquoavoir ainsi statueacute alors

que selon le moyen nrsquoest ni illicite ni contraire aux bonnes moeurs lrsquoassociation qui dans un

but humanitaire non lucratif met en relation un couple demandeur dont la femme est steacuterile et

38

une femme qui accepte drsquoecirctre inseacutemineacutee artificiellement par le mari de porter lrsquoenfant et de le

remettre agrave la naissance agrave ce couple qui lrsquoindemnisera des contraintes et de la gecircne occasionneacutee

par la grossesse de sorte que la juridiction du second degreacute aurait violeacute les articles 3 et 7 de la

loi du 1er juillet 1901

Mais attendu qursquoil reacutesulte des constatations des juges du fond que lrsquoobjet mecircme de

lrsquoassociation est de favoriser la conclusion et lrsquoexeacutecution de conventions qui fussent-elles

verbales portent tout agrave la fois sur la mise agrave la disposition des demandeurs des fonctions

reproductrices de la megravere et sur lrsquoenfant agrave naicirctre et sont donc nulles en application de lrsquoarticle

1128 du Code civil que ces conventions contreviennent au principe drsquoordre public de

lrsquoindisponibiliteacute de lrsquoeacutetat des personnes en ce qursquoelles ont pour but de faire venir au monde un

enfant dont lrsquoeacutetat ne correspondra pas agrave sa filiation reacuteelle au moyen drsquoune renonciation et

drsquoune cession eacutegalement prohibeacutees des droits reconnus par la loi agrave la future megravere que

lrsquoactiviteacute de lrsquoassociation qui tend deacutelibeacutereacutement agrave creacuteer une situation drsquoabandon aboutit agrave

deacutetourner lrsquoinstitution de lrsquoadoption de son veacuteritable objet qui est en principe de donner une

famille agrave un enfant qui en est deacutepourvu que crsquoest degraves lors agrave bon droit que lrsquoarrecirct attaqueacute a

deacutecideacute sur le fondement de lrsquoarticle 3 de la loi du 1er juillet 1901 que cette association eacutetait

nulle en raison de lrsquoilliceacuteiteacute de son objet que la premiegravere branche du moyen est donc sans

fondement

Et sur les deuxiegraveme et troisiegraveme branches du moyen

Attendu qursquoil est fait grief agrave la cour drsquoappel de nrsquoavoir pas reacutepondu aux conclusions faisant

valoir drsquoune part que lrsquointerdiction du ldquo don de gestation ldquo constituait une discrimination

fondeacutee sur la naissance contraire aux dispositions de lrsquoarticle 24 du pacte international relatif

aux droits civils et politiques signeacute agrave New York le 19 deacutecembre 1966 et drsquoautre part que ce ldquo

don de gestation ldquo reposait sur le droit leacutegitime de fonder une famille qui implique le droit

drsquoengendrer reconnu tant par lrsquoarticle 12 de la convention europeacuteenne des droits de lrsquohomme

et des liberteacutes fondamentales du 4 novembre 1950 que par lrsquoarticle 23 du pacte international

preacuteciteacute

Mais attendu que la reconnaissance du caractegravere illicite de la materniteacute pour autrui et des

associations qui srsquoefforcent de la promouvoir qui se deacuteduit des principes geacuteneacuteraux du Code

civil et de regravegles qui sont communes agrave toutes les filiations nrsquoest pas de nature agrave instaurer une

discrimination fondeacutee sur la naissance que le droit de se marier et de fonder une famille

reconnu par lrsquoarticle 12 de la convention du 4 novembre 1950 et par lrsquoarticle 23 du pacte

international du 19 deacutecembre 1966 agrave lrsquohomme et agrave la femme en acircge nubile nrsquoimplique pas le

droit de conclure avec un tiers des conventions portant sur le sort drsquoun enfant agrave naicirctre que

par ces motifs de droit reacutepondant aux conclusions invoqueacutees lrsquoarrecirct se trouve leacutegalement

justifieacute et que les deuxiegraveme et troisiegraveme branches du moyen ne peuvent ecirctre accueillies

PAR CES MOTIFS

REJETTE le pourvoi

Publication Bulletin 1989 I Ndeg 387 p 260

Deacutecision attaqueacutee Cour drsquoappel drsquoAix-en-Provence du 29 avril 1988

39

Cour de cassation Assembleacutee pleacuteniegravere

Audience publique du 31 mai 1991

Ndeg de pourvoi 90-20105 Publieacute au bulletin

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Sur le pourvoi dans lrsquointeacuterecirct de la loi formeacute par M le Procureur geacuteneacuteral pregraves la Cour de

Cassation

Vu les articles 6 et 1128 du Code civil ensemble lrsquoarticle 353 du mecircme Code

Attendu que la convention par laquelle une femme srsquoengage fucirct-ce agrave titre gratuit agrave concevoir

et agrave porter un enfant pour lrsquoabandonner agrave sa naissance contrevient tant au principe drsquoordre

public de lrsquoindisponibiliteacute du corps humain qursquoagrave celui de lrsquoindisponibiliteacute de lrsquoeacutetat des

personnes

Attendu selon lrsquoarrecirct infirmatif attaqueacute que Mme X eacutepouse de M Y eacutetant atteinte drsquoune

steacuteriliteacute irreacuteversible son mari a donneacute son sperme agrave une autre femme qui inseacutemineacutee

artificiellement a porteacute et mis au monde lrsquoenfant ainsi conccedilu qursquoagrave sa naissance cet enfant a

eacuteteacute deacuteclareacute comme eacutetant neacute de Y sans indication de filiation maternelle

Attendu que pour prononcer lrsquoadoption pleacuteniegravere de lrsquoenfant par Mme Y lrsquoarrecirct retient

qursquoen lrsquoeacutetat actuel des pratiques scientifiques et des moeurs la meacutethode de la materniteacute

substitueacutee doit ecirctre consideacutereacutee comme licite et non contraire agrave lrsquoordre public et que cette

adoption est conforme agrave lrsquointeacuterecirct de lrsquoenfant qui a eacuteteacute accueilli et eacuteleveacute au foyer de M et

Mme Y pratiquement depuis sa naissance

Qursquoen statuant ainsi alors que cette adoption nrsquoeacutetait que lrsquoultime phase drsquoun processus

drsquoensemble destineacute agrave permettre agrave un couple lrsquoaccueil agrave son foyer drsquoun enfant conccedilu en

exeacutecution drsquoun contrat tendant agrave lrsquoabandon agrave sa naissance par sa megravere et que portant atteinte

aux principes de lrsquoindisponibiliteacute du corps humain et de lrsquoeacutetat des personnes ce processus

constituait un deacutetournement de lrsquoinstitution de lrsquoadoption la cour drsquoappel a violeacute les textes

susviseacutes

PAR CES MOTIFS

CASSE ET ANNULE mais seulement dans lrsquointeacuterecirct de la loi et sans renvoi lrsquoarrecirct rendu le

15 juin 1990 par la cour drsquoappel de Paris

REQUETE DE M LE PROCUREUR GENERAL PRES LA COUR DE CASSATION

Le Procureur geacuteneacuteral pregraves la Cour de Cassation a lrsquohonneur drsquoexposer

- Que par jugement du 28 juin 1989 le tribunal de grande instance de Paris a rejeteacute la requecircte

preacutesenteacutee par Mme X eacutepouse Y tendant agrave lrsquoadoption pleacuteniegravere de lrsquoenfant Z deacuteclareacutee

comme eacutetant neacutee de M Y mari de la requeacuterante sans indication de filiation maternelle

- Que pour ne pas faire droit agrave cette requecircte les premiers juges ont retenu que les eacutepoux Y

pour remeacutedier agrave la steacuteriliteacute de leur couple avaient eu recours agrave lrsquoassociation Alma Mater

aujourdrsquohui dissoute lrsquoenfant eacutetant neacute drsquoune megravere de substitution qui lrsquoa abandonneacute agrave la

naissance pratique deacuteclareacutee illicite

- Que sur appel de Mme Y la premiegravere chambre civile section C de la cour drsquoappel de

Paris a par arrecirct du 15 juin 1990 infirmeacute la deacutecision entreprise et prononceacute lrsquoadoption

pleacuteniegravere solliciteacutee par la requeacuterante

- Qursquoau soutien de leur deacutecision devenue deacutefinitive les juges du second degreacute ont tireacute de nos

principes geacuteneacuteraux relatifs agrave la filiation des regravegles drsquoordre public concernant les contrats et de

40

certaines conventions ou deacuteclarations internationales des conclusions contraires agrave celles

auxquelles eacutetait parvenue votre premiegravere chambre civile de la Cour de Cassation qui dans un

cas de figure pratiquement identique a par arrecirct du 13 deacutecembre 1989 (association Alma

Mater contre procureur geacuteneacuteral Aix-en-Provence) reconnu le caractegravere illicite de la materniteacute

pour autrui et les associations qui srsquoefforcent de la promouvoir

- Qursquoil importe en cette matiegravere particuliegraverement sensible qui touche agrave un deacutelicat problegraveme de

socieacuteteacute et drsquoeacutethique que soit mis fin agrave des divergences jurisprudentielles majeures et que la

seacutecuriteacute juridique soit assureacutee

PAR CES MOTIFS

Vu lrsquoarticle 17 de la loi du 3 juillet 1967 relative agrave la Cour de Cassation

Requiert qursquoil plaise agrave la Cour de Cassation

CASSE ET ANNULE sans renvoi et dans le seul inteacuterecirct de la loi lrsquoarrecirct rendu le 15 juin 1990

par la cour drsquoappel de Paris ayant fait droit agrave la requecircte en adoption pleacuteniegravere preacutesenteacutee par

Mme X eacutepouse Y

Publication Bulletin 1991 AP Ndeg 4 p 5

Deacutecision attaqueacutee Cour drsquoappel de Paris du 15 juin 1990

Page 3: SEANCE_3 Droit Civil Methodologie

3

Textes citeacutes

Code civil 16-7

RECHERCHE DOCUMENTAIRE

Reacutefeacuterences reacutecentes relatives au thegraveme (documents agrave rechercher)

A MIRKOVIC laquo Non-transcription des actes de naissance eacutetrangers denfants neacute dune megravere

porteuse sur les registres franccedilais deacutetat civil raquo JCP G 2010 ndeg 18 pp 933-935

J BONNARD laquo La reacutevision des lois de bioeacutethique raquo Dalloz 2010 pp 846-850

J GALLOUX H GAUMONT-PRAT laquo Droit et liberteacutes corporels feacutevrier 2008-deacutecembre

2009 Dalloz 2010 pp 604-619

Reacutefeacuterences mises agrave disposition dans la fiche

CODE CIVIL LIVRE PREMIER DES PERSONNES

TITRE HUITIEgraveME DE LA FILIATION ADOPTIVE

CHAPITRE PREMIER DE LADOPTION PLEacuteNIEgraveRE

SECTION II DU PLACEMENT EN VUE DE LADOPTION PLEacuteNIEgraveRE ET DU

JUGEMENT DADOPTION PLEacuteNIEgraveRE

Art 353 laquo Ladoption est prononceacutee agrave la requecircte de ladoptant par le tribunal de grande instance qui

veacuterifie (L no 93-22 du 8 janv 1993) laquodans un deacutelai de six mois agrave compter de la saisine du

tribunalraquo si les conditions de la loi sont remplies et si ladoption est conforme agrave linteacuterecirct de

lenfant

(L no 76-1179 du 22 deacutec 1976) laquoDans le cas ougrave ladoptant a des descendants le tribunal

veacuterifie en outre si ladoption nest pas de nature agrave compromettre la vie familialeraquo

Si ladoptant deacutecegravede apregraves avoir reacuteguliegraverement recueilli lenfant en vue de son adoption la

requecircte peut ecirctre preacutesenteacutee en son nom par le conjoint survivant ou lun des heacuteritiers de

ladoptant

(L no 96-604 du 5 juill 1996) laquoSi lenfant deacutecegravede apregraves avoir eacuteteacute reacuteguliegraverement recueilli en

vue de son adoption la requecircte peut toutefois ecirctre preacutesenteacutee Le jugement produit effet le jour

preacuteceacutedant le deacutecegraves et emporte uniquement modification de leacutetat civil de lenfantraquo

Le jugement prononccedilant ladoption nest pas motiveacute raquo

A VEacuteRIFICATION DES CONDITIONS LEacuteGALES DE LADOPTION

1o DEacuteTOURNEMENTS DE LINSTITUTION

1 laquoMegravere porteuseraquo Viole les art 6 et 1128 C civ ensemble lart 353 larrecirct qui prononce

ladoption pleacuteniegravere dun enfant alors que cette adoption neacutetait que lultime phase dun

processus densemble destineacute agrave permettre agrave un couple laccueil agrave son foyer dun enfant conccedilu

en exeacutecution dun contrat tendant agrave labandon agrave sa naissance par sa megravere et que portant

4

atteinte aux principes de lindisponibiliteacute du corps humain et de leacutetat des personnes ce

processus constituait un deacutetournement de linstitution de ladoption Cass ass pleacuten 31

mai 1991 Bull civ no 4 R p 247 GAJC 12

e eacuted n

o 50 D 1991 417 rapp Chartier

note Thouvenin JCP 1991 II 21752 communic Bernard concl Dontenwille note Terreacute

Defreacutenois 1991 948 obs Massip RTD civ 1991 517 obs Huet-Weiller RRJ 19913

343 note Barthouil Mecircme sens Civ 1re

29 juin 1994 D 1994 581 note Chartier

JCP 1995 II 22362 note Rubellin-Devichi RTD civ 1994 842 obs Hauser Defreacutenois

1995 315 obs Massip ndash V aussi Rennes 4 juill 2002 D 2002 2902 note Granet

JCP 2003 I 101 no 4 obs Rubellin-Devichi Dr fam 2002 n

o 142 note Murat Civ 1

re 9

deacutec 2003 Bull civ I no 252 D 2004 1998 note Poisson-Drocourt D 2005 Pan 541

obs Galloux Defreacutenois 2004 592 obs Massip Dr fam 2004 no 17 note Murat RJPF

2004-435 obs Gareacute RTD civ 2004 75 obs Hauser

Recueil Dalloz 2004 p 1998

Recours agrave une megravere de substitution et refus de ladoption

Elisabeth Poisson-Drocourt Maicirctre de confeacuterences

Le preacutesent arrecirct atteste que la materniteacute de substitution - expression plus exacte que celle de

megravere porteuse lorsque celle-ci est eacutegalement gestatrice - est dune pratique assez courante

puisquil intervient apregraves plusieurs condamnations de la materniteacute de substitution par la Cour

de cassation M et Mme X se sont marieacutes le 15 deacutec 1962 Un enfant est neacute de leur union le

11 nov 1966 Vingt ans apregraves le 4 juill 1987 est neacute un autre enfant Sarah issu dune

convention de materniteacute pour autrui Une amie du couple ou supposeacutee telle a offert de se

faire inseacuteminer par les gamegravetes du mari de porter lenfant et de labandonner agrave sa naissance

afin que celui-ci soit reconnu par le mari et adopteacute par sa femme En effet le 28 janv 1999

Mme X a introduit une requecircte en adoption pleacuteniegravere de la jeune Sarah que les juges du fond

nont pas accepteacutee Mme X sest alors pourvue en cassation la Cour de cassation a rejeteacute le

pourvoi au motif que laquo la materniteacute pour autrui dont le caractegravere illicite se deacuteduit des

principes geacuteneacuteraux du code civil et aujourdhui de son art 16-7 reacutealise un deacutetournement de

ladoption que les juges du fond ont donc refuseacute agrave bon droit de prononcer raquo

Larrecirct de la premiegravere Chambre civile contraste par sa concision avec les quatre branches du

moyen Si lon essaie de seacuterier les problegravemes poseacutes agrave la Cour le premier est celui de

lapplication du droit dans le temps (I) Vient ensuite le caractegravere licite ou non de la materniteacute

pour autrui (II) puis le bien-fondeacute du recours agrave ladoption pleacuteniegravere (III) On envisagera ensuite

la porteacutee de larrecirct (IV)

I - Application du droit dans le temps

Sarah est neacutee le 4 juill 1987 La convention entre la megravere de substitution et les eacutepoux X a

donc eacuteteacute conclue en 1986 Mme X a demandeacute ladoption pleacuteniegravere en janvier 1999 Le

pourvoi fait observer que la conception de lenfant a eu lieu agrave un moment ougrave ni la loi ni la

jurisprudence ne seacutetaient prononceacutees sur la materniteacute pour autrui et quil neacutetait pas preacutevisible

quil serait impossible dadopter les enfants issus dune convention de laquo megravere porteuse raquo Pour

reacutepondre agrave cet argument il faut preacutealablement examiner leacutevolution de notre droit

A - Rappel de leacutevolution de notre droit

Si lon sen tient aux arrecircts de la Cour de cassation la materniteacute de substitution a eacuteteacute

condamneacutee pour la premiegravere fois en 1989 en deacuteclarant illicite une association qui promouvait

la materniteacute pour autrui La Cour a pris le soin de preacuteciser que les conventions que ladite

5

association favorisait laquo contrevenaient au principe dordre public de lindisponibiliteacute de leacutetat

des personnes en ce quelles ont pour but de faire venir au monde un enfant dont la filiation

ne correspondra pas agrave sa filiation reacuteelle au moyen dune renonciation ou dune cession

eacutegalement prohibeacutees des droits reconnus par la loi agrave la future megravere raquo Elle ajoutait que

lactiviteacute de lassociation laquo aboutit agrave deacutetourner linstitution de ladoption de son veacuteritable objet

qui est en principe de donner une famille agrave un enfant qui en est deacutepourvu raquo

LAssembleacutee pleacuteniegravere de la Cour de cassation a renforceacute cette condamnation par son arrecirct du

31 mai 1991 Elle y affirme que ladoption de lenfant issu dune megravere de substitution par la

femme steacuterile dun couple laquo neacutetait que lultime phase dun processus densemble destineacute agrave

permettre agrave un couple laccueil agrave son foyer dun enfant conccedilu en exeacutecution dun contrat

tendant agrave labandon agrave sa naissance par sa megravere et que portant atteinte au principe de

lindisponibiliteacute du corps humain et de leacutetat des personnes ce processus constituait un

deacutetournement de linstitution de ladoption raquo

Enfin la loi ndeg 94-653 du 29 juill 1994 relative au respect du corps humain a introduit lart

16-7 dans le code civil eacutedictant que laquo toute convention portant sur la procreacuteation ou la

gestation pour autrui est nulle raquo Une loi du mecircme jour reacuteglemente strictement lassistance

meacutedicale agrave la procreacuteation

B - Conflit dans le temps

Quel est le droit applicable dans notre affaire Par la convention de megravere de substitution

celle-ci sest engageacutee par avance agrave se faire inseacuteminer par les gamegravetes du mari agrave porter lenfant

et agrave labandonner agrave sa naissance sans indication de son nom agrave leacutetat civil geacuteneacuteralement en

accouchant sous X Si son objet se limite lagrave le contrat et ses effets se sont deacutejagrave produits et

lart 16-7 c civ nest pas applicable

En revanche si on considegravere que la materniteacute pour autrui et ladoption subseacutequente constituent

un processus densemble et reacutealisent en reacutealiteacute un deacutetournement de linstitution de ladoption

peut-ecirctre peut-on appliquer agrave la convention initiale lart 16-7 c civ dautant que celui-ci est

dordre public (art 16-9 c civ) et exprime un inteacuterecirct social impeacuterieux

Lapplication des lois dans le temps est deacutelicate agrave reacutesoudre Cependant la solution retenue na

guegravere de conseacutequence en lespegravece car lart 16-7 c civ ne fait que reprendre la solution

anteacuterieure de notre droit consacreacutee par larrecirct de lAssembleacutee pleacuteniegravere du 31 mai 1991 agrave

propos dune enfant neacutee en feacutevrier 1988 Sans doute cest cela que les magistrats ont voulu

exprimer en affirmant que le caractegravere illicite de la materniteacute pour autrui laquo se deacuteduit des

principes geacuteneacuteraux du code civil et aujourdhui de son art 16-7 raquo Quels sont ces principes

II - Principes geacuteneacuteraux du code civil et de notre droit

A - Principes du code civil

Pour annuler le contrat de materniteacute de substitution on peut prendre appui sur trois articles du

code civil Aux termes de lart 311-9 laquo les actions relatives agrave la filiation ne peuvent faire

lobjet de renonciation raquo Lart 376 dispose quant agrave lui laquo Aucune renonciation aucune

cession sur lautoriteacute parentale ne peut avoir deffet si ce nest en vertu dun jugement dans

les cas deacutetermineacutes ci-dessous raquo La premiegravere Chambre civile en avait tregraves justement deacuteduit

dans son arrecirct du 13 deacutec 1989 preacuteciteacute que les conventions de materniteacute pour autrui laquo

contreviennent au principe de lindisponibiliteacute de leacutetat des personnes en ce quelles ont pour

but de faire venir au monde un enfant dont leacutetat ne correspond pas agrave la filiation reacuteelle au

6

moyen dune renonciation ou dune cession eacutegalement prohibeacutees des droits reconnus par la

loi agrave la future megravere raquo En dautres termes la megravere renonce par avance agrave sa future qualiteacute de

megravere

La Cour ajoutait que ces conventions sont nulles en application de lart 1128 c civ qui

dispose laquo Il ny a que les choses qui sont dans le commerce qui puissent ecirctre lobjet des

conventions raquo La formule peut precircter agrave contestation mais on comprend bien que le contrat

entre la megravere de substitution et le couple tend agrave faire de lenfant une chose agrave livrer Or cest un

ecirctre humain qui est promis Lenfant ne saurait ecirctre traiteacute comme une chose On ne peut pas en

disposer ainsi

La Cour de cassation dans larrecirct commenteacute neacutenonce pas les principes quelle avait mis en

avant dans ses preacuteceacutedents arrecircts agrave savoir lindisponibiliteacute du corps humain et celle de leacutetat des

personnes Elle parle seulement des laquo principes geacuteneacuteraux du code civil raquo Sans reprendre ce

quil en a eacuteteacute excellemment dit dans les commentaires des arrecircts de 1989 et de 1991 nous

nous interrogerons sur lexistence actuelle de ces deux principes

B - Principes geacuteneacuteraux de notre droit

1 - Indisponibiliteacute du corps humain

Un auteur a soutenu que lindisponibiliteacute du corps humain nexistait que dans laquo limaginaire de

la doctrine raquo avant sa conseacutecration par la Cour de cassation Les auteurs anciens en ont peu

traiteacute il est vrai quoique Josserand se soit interrogeacute sur la validiteacute des conventions portant sur

le corps humain Le code civil neacutenonce pas le principe Ce silence sexplique parce que ce

sont les progregraves de la biologie et de la meacutedecine qui en ont eacuteteacute le reacuteveacutelateur speacutecialement

avec la materniteacute pour autrui Celle-ci a eacuteteacute loccasion pour la Cour de cassation deacutenoncer ce

principe par trois fois Lart 16-7 c civ a eacuteteacute consideacutereacute par le rapporteur agrave lAssembleacutee

nationale de la loi de 1994 comme laquo lultime conseacutequence de lindisponibiliteacute du corps

humain raquo Un nombre important dauteurs contemporains font eacutetat de ce principe

Il convient de distinguer le corps humain envisageacute dans son ensemble dune part et les

produits et eacuteleacutements du corps humain dautre part Cela explique lassouplissement du

principe dindisponibiliteacute par le leacutegislateur quant agrave ces produits ou eacuteleacutements pour des raisons

theacuterapeutiques collecte du lait (ancien art L 184 c santeacute publ devenu art 2323-1) don du

sang (L 21 juill 1952) don dorganes (L 22 deacutec 1976) don du sperme (L 31 deacutec 1991 art

13) enfin don dovule et mecircme don dembryon (L ndeg 94-654 du 29 juill 1994) Cette

derniegravere avanceacutee de la procreacuteation artificielle nest pas sans soulever des problegravemes moraux

Le leacutegislateur a fait un pas important dans latteacutenuation de lindisponibiliteacute du corps humain

mais reacuteglemente strictement la procreacuteation meacutedicalement assisteacutee Il a marqueacute sa limite en

interdisant en mecircme temps la materniteacute pour autrui (art 16-7 c civ) Cest quil y a une

diffeacuterence de nature entre le don deacuteleacutements du corps ou dorganes et le fait pour une femme

dengendrer un enfant agrave livrer

Il y a dans ce dernier cas contrat portant sur le corps de la femme mise agrave la disposition

dautrui de ses fonctions de donner la vie de ses fonctions reproductrices aussi bien

geacuteneacutetiques (convention dinseacutemination artificielle) que gestatrices (precirct ou location duteacuterus)

Relativement agrave lenfant la convention porte sur sa vie et son deacuteveloppement preacutenatal Elle a

pour objet un ecirctre humain agrave venir La gestation atteint la femme au plus profond delle-mecircme

Elle lui laissera des seacutequelles physiologiques et psychologiques Elle marque aussi lenfant

dont on ne peut nier limportance de la vie intra-uteacuterine Il y a bien convention portant sur le

corps humain dans son ensemble Pour notre part nous partageons lopinion des magistrats et

des auteurs qui estiment que le corps humain dans son entier est indisponible laquo hors de toute

7

transaction raquo Cest ce que sous-entend le code civil En est-il de mecircme de leacutetat des personnes

2 - Indisponibiliteacute de leacutetat des personnes

La femme dans la materniteacute pour autrui renonce par avance agrave sa qualiteacute de megravere Certes elle

peut ne pas reconnaicirctre lenfant (accouchement sous X) labandonner une fois neacute mais ici

elle sy oblige bien avant la naissance Quant agrave lenfant il est soustrait par avance agrave sa megravere

La Cour de cassation la tregraves bien exprimeacute dans son arrecirct du 13 deacutec 1989 les conventions de

materniteacute de substitution laquo contreviennent au principe de lindisponibiliteacute de leacutetat des

personnes en ce quelles ont pour but de faire venir au monde un enfant dont leacutetat ne

correspond pas agrave sa filiation reacuteelle raquo

La volonteacute intervient certes en matiegravere de composantes de leacutetat des personnes nom

nationaliteacute situation de famille actions relatives agrave la filiation Lart 373-2-11 c civ (L 4

mars 2002 reprenant lancien art 290) dispose ainsi que lorsquil se prononce sur lexercice

de lautoriteacute parentale le juge prend notamment en consideacuteration laquo les accords que [les

eacutepoux] avaient pu anteacuterieurement conclure raquo Les conventions qui ameacutenagent les devoirs

parentaux sont donc valables

Au demeurant la Cour de cassation na-t-elle pas franchi une eacutetape de plus en matiegravere de

transsexualisme Apregraves avoir jugeacute le contraire elle a deacutecideacute que le principe de

lindisponibiliteacute de leacutetat des personnes ne fait pas obstacle agrave la rectification du sexe sur lacte

de naissance dune personne preacutesentant le syndrome de transsexualisme lorsque agrave la suite dun

traitement meacutedico-chirurgical subi dans un but theacuterapeutique cette personne ne possegravede plus

tous les caractegraveres de son sexe dorigine et a pris une apparence physique la rapprochant de

lautre sexe auquel correspond son comportement social La Cour a statueacute ainsi parce que la

Cour europeacuteenne des droits de lhomme dans lintervalle avait condamneacute la France au motif

que la solution adopteacutee par la premiegravere Chambre civile conduirait agrave la violation du droit agrave la

vie priveacutee de lart 8 de la Convention europeacuteenne des droits de lhomme

Nous ne discuterons pas de lappreacuteciation de ces deacutecisions sur le transsexualisme Disons

simplement quelles ne sont pas sans incidence sur le mariage et les enfants neacutes ou que le

transsexuel deacutesirera adopter Bien que la Cour se reacutefegravere au principe de lindisponibiliteacute de

leacutetat des personnes il semble que ce principe est loin decirctre absolu On peut mecircme dire quil

nexiste pas mais quil est simplement opportun de ne pas disposer de leacutetat dune personne

Est-ce pour cette raison que la Cour de cassation dans larrecirct rapporteacute se reacutefegravere seulement aux

laquo principes geacuteneacuteraux du code civil raquo et au deacutetournement de linstitution de ladoption

III - Bien-fondeacute du recours agrave ladoption

Les eacutepoux X invoquent agrave lappui de leur demande dadoption lart 353 c civ aux termes

duquel le tribunal veacuterifie si ladoption est conforme agrave linteacuterecirct de lenfant Plusieurs auteurs

justifient ainsi le prononceacute de ladoption de lenfant issu dune convention de megravere de

substitution

Les eacutepoux X font aussi reacutefeacuterence aux art 3 al 1er (laquo Dans toutes les deacutecisions qui

concernent les enfants [] linteacuterecirct supeacuterieur de lenfant doit ecirctre une consideacuteration

primordiale raquo) et 21 (laquo Les Etats parties qui admettent etou autorisent ladoption sassurent

que linteacuterecirct supeacuterieur de lenfant est la consideacuteration primordiale en la matiegravere raquo) de la

Convention des Nations unies relative aux droits de lenfant du 20 nov 1989 Toutefois celle-

ci nest pas dapplication immeacutediate par les tribunaux Et il faudrait au surplus ecirctre sucircr que lon

soit dans une situation ougrave ladoption est permise

8

Quant agrave linteacuterecirct de lenfant il ne permet pas daneacuteantir les autres principes directeurs de notre

droit vus preacuteceacutedemment Au surplus tout le monde admet quil faut dire agrave lenfant adopteacute dans

quelle condition il la eacuteteacute Que lui dira-t-on en lespegravece Lui dira-t-on la veacuteriteacute ou lui mentira-

t-on Devenu plus grand il aura le droit laquo dans la mesure du possible de connaicirctre ses

parents et decirctre eacuteleveacute par eux raquo aux termes de la mecircme Convention de New York du 20 nov

1989 Cela nest pas non plus sans soulever de difficulteacute

Surtout ladoption est faite pour donner des parents agrave un enfant deacutejagrave neacute et qui en est deacutepourvu

et non pour satisfaire le deacutesir denfant dun couple Il ne manque malheureusement pas

denfants sans famille dans le monde En lespegravece dailleurs les eacutepoux avaient deacutejagrave eu en

commun un enfant

Ils invoquent aussi agrave lappui de leur demande dadoption la Convention europeacuteenne des droits

de lhomme dont lart 8 dit laquo Toute personne a droit au respect de sa vie priveacutee et familiale

raquo Mme X avait certes attendu presque douze ans avant de preacutesenter sa requecircte Mais quant

agrave y trouver une justification de ladoption cest faire dire agrave ce texte beaucoup plus que ses

termes geacuteneacuteraux ne le permettent Il ne faut pas non plus oublier lalineacutea 2 dudit article qui

dispose qulaquo il ne peut y avoir ingeacuterence dune autoriteacute publique dans lexercice de ce droit

que pour autant que cette ingeacuterence est preacutevue par la loi et quelle constitue une mesure qui

[] est neacutecessaire [] agrave la protection [] de la morale raquo Il y a les art 311-9 376 et

doreacutenavant 16-7 c civ Et la pratique des megraveres de substitution heurte bien agrave notre avis la

morale Quant agrave la prise en compte de la situation de fait nous y reviendrons plus loin mais

on heacutesite agrave cautionner la politique du fait accompli

Ladoption solliciteacutee est la phase ultime dun processus densemble dont la source le contrat

avec la megravere de substitution est illicite car contraire agrave lordre public Lentreprise globale

constitue un deacutetournement de linstitution de ladoption comme laffirme la Cour de cassation

dans larrecirct rapporteacute reprenant en cela son analyse anteacuterieure En refusant ladoption on rend

leacutetat des personnes incertain et lon incite les couples agrave ne pas recourir agrave la materniteacute pour

autrui

IV - Porteacutee de larrecirct

Nous avons deacutejagrave fait eacutetat de deux arrecircts de la Cour de cassation celui du 13 deacutec 1989

deacuteclarant illicite une association promouvant la materniteacute par substitution et celui de

lAssembleacutee pleacuteniegravere du 31 mai 1991 condamnant cette materniteacute Dans cette derniegravere affaire

le pourvoi avait eacuteteacute preacutesenteacute par le procureur geacuteneacuteral pregraves la Cour de cassation dans linteacuterecirct

de la loi Par conseacutequent il ne pouvait preacutejudicier aux parties en remettant en question

ladoption pleacuteniegravere prononceacutee par la Cour dappel de Paris Selon le doyen Carbonnier il

sagissait plutocirct laquo dun acte de politique judiciaire raquo

Le 29 juin 1994 la premiegravere Chambre civile de la Cour de cassation eut agrave se prononcer de

nouveau sur la question A la diffeacuterence du preacuteceacutedent arrecirct la Cour y casse sans renvoi larrecirct

de la cour dappel ayant prononceacute ladoption simple de lenfant En outre les faits sont assez

particuliers Cest la belle-soeur des eacutepoux Y qui avait conccedilu et porteacute lenfant elle lavait

reconnu avant M Y La belle-soeur et son mari consentirent agrave ladoption pleacuteniegravere par Mme

Y Les eacutepoux Y se seacuteparegraverent avant toute requecircte en adoption Apregraves que lenfant eut eacuteteacute

confieacute agrave Mme Y le jugement de divorce confia lautoriteacute parentale agrave la megravere biologique M

Y intente une action pour que lenfant lui soit confieacute Pendant cette proceacutedure Mme Y

deacutepose une requecircte en adoption pleacuteniegravere et assigne son ex-eacutepoux pour faire juger abusif son

refus dy consentir On comprend que devant un tel imbroglio la Cour de cassation ait refuseacute

que ladoption soit valideacutee Dune faccedilon geacuteneacuterale on peut se demander si la materniteacute de

substitution au sein de la famille proche nest pas de nature agrave faire perdre ses repegraveres agrave

9

lenfant Lenfant est appeleacute agrave voir souvent sa tante qui est aussi sa megravere par le sang tandis

quil est eacuteleveacute par une megravere sociologique

Par suite larrecirct commenteacute est inteacuteressant en ce quil confirme la position de la Cour de

cassation dans un cas plus classique un contrat a eacuteteacute passeacute entre un couple et une femme sans

relation avec le couple qui sest fait inseacuteminer par les gamegravetes du mari a porteacute lenfant et sest

engageacutee agrave labandonner agrave sa naissance afin quil ne soit reconnu que par le mari et quil soit

adopteacute par sa femme Il est probable quil y a eu une contrepartie financiegravere Le plus souvent

la megravere porteuse est pousseacutee agrave louer son ventre par deacutetresse financiegravere

Le contrat initial est tenu secret sauf si la megravere de substitution refuse dabandonner lenfant

Lannuler comme le prescrit lart 16-7 c civ permet agrave cette derniegravere de garder lenfant

Sinon le contrat reste occulte Cest au moment de la demande dadoption que peut apparaicirctre

lentreprise globale vicieacutee agrave sa source Souvent elle passe inaperccedilue Cest toute la difficulteacute

de la situation Refuser de prononcer ladoption est la seule sanction civile de quelque

efficaciteacute

Une autre particulariteacute de lespegravece meacuterite decirctre souligneacutee Mme X a preacutesenteacute sa requecircte aux

fins dadoption onze ans et demi apregraves la naissance de lenfant Ne faut-il pas tenir compte de

la situation de fait qui sest creacuteeacutee Lenfant a eacuteteacute eacuteleveacute par le couple pendant de longues

anneacutees Dans linteacuterecirct de lenfant on pourrait peut-ecirctre eacutetablir sa filiation maternelle par le

recours agrave la possession deacutetat mais cela ne serait en tout eacutetat de cause possible que dans un

cas comme celui-ci

La reacuteprobation de la materniteacute pour autrui peut ecirctre aussi atteinte par une autre voie il existe

aussi des sanctions peacutenales Aux termes de lart 227-12 nouveau c peacuten laquo le fait de

provoquer soit dans un but lucratif soit par don promesse menace ou abus dautoriteacute les

parents ou lun dentre eux agrave abandonner un enfant neacute ou agrave naicirctre est puni de six mois

demprisonnement et de 7500 euros raquo sans compter eacuteventuellement des peines

compleacutementaires Ce texte ne peut eacutevidemment sappliquer quagrave des faits posteacuterieurs agrave son

entreacutee en vigueur Il reprend toutefois en la preacutecisant lincrimination de lart 353-1 (2deg)

ancien c peacuten laquo Sera puni de dix jours agrave six mois demprisonnement et de 500 agrave 20 000 F

damende [] toute personne qui aura fait souscrire ou tenteacute de faire souscrire par les futurs

parents ou lun deux un acte aux termes duquel ils sengagent agrave abandonner lenfant agrave naicirctre

qui aura deacutetenu un tel acte en aura fait usage ou tenteacute den faire usage raquo Six mois

demprisonnement mecircme avec sursis paraissent excessifs et lamende est insuffisante Le

parquet pourrait neacuteanmoins mettre en oeuvre ces textes afin de dissuader les couples de

recourir agrave la materniteacute de substitution (18) plutocirct quagrave une veacuteritable adoption La

condamnation peacutenale aurait lavantage de faire tomber la sanction sur les couples sans

atteindre lenfant On pourrait alors songer agrave la possession deacutetat pour rattacher lenfant agrave la

femme qui la eacuteleveacute pendant de longues anneacutees comme ceacutetait le cas en lespegravece La

possession deacutetat permettrait deacutetablir une filiation maternelle naturelle Pourrait-elle aussi

faire acqueacuterir agrave lenfant la qualiteacute denfant leacutegitime La possession deacutetat joue alors

indivisiblement agrave leacutegard des deux parents (art 321 c civ) alors que la reconnaissance qui a

eacuteteacute faite par le mari atteste la qualiteacute denfant naturel de celui-ci

Dautre part il convient de sattaquer aux intermeacutediaires Par son arrecirct preacuteciteacute du 13 deacutec 1989

la Cour de cassation a confirmeacute la nulliteacute dune association en raison de lilliceacuteiteacute de son objet

de mettre en rapport des couples avec des megraveres de substitution Le gouvernement franccedilais

interdit semblables associations mais des personnes continuent certainement agrave sentremettre agrave

cet effet Elles tombent sous lincrimination de lart 227-12 al 3 nouveau c peacuten Est puni

dun an demprisonnement et de 15 000 euros damende laquo le fait dans un but lucratif de

sentremettre entre une personne ou un couple deacutesireux daccueillir un enfant et une femme

acceptant de porter en elle cet enfant en vue de le leur remettre raquo Lorsque ces faits ont eacuteteacute

10

commis agrave titre habituel ou dans un but lucratif les peines sont doubleacutees Les personnes

morales peuvent en ecirctre deacuteclareacutees responsables (art 227-14) et sont passibles de sanctions

approprieacutees preacutevues aux art 131-38 et 131-39 Lart 353-1 (1deg) ancien c peacuten eacutetait moins net

mais incriminait aussi celui qui avait dans un espoir de lucre provoqueacute les parents ou lun

deux agrave abandonner leur enfant agrave naicirctre Lactiviteacute des intermeacutediaires est hautement

condamnable Il convient donc de leur appliquer les sanctions civiles et peacutenales que contient

notre droit agrave leur eacutegard

Une difficulteacute suppleacutementaire pour sanctionner la materniteacute de substitution tient agrave ce quon a

appeleacute le tourisme procreacuteatif car les Franccedilais vont chercher les femmes qui se livrent agrave ce

commerce dans des pays voisins toleacuterants (19) Il en est ainsi en Angleterre comme le

teacutemoigne larrecirct de la Cour de cassation du 23 avr 2003 (20) Bien que non abordeacute dans

cette derniegravere deacutecision il surgit alors une question de conflit de lois et il est possible aussi

quintervienne lordre public

Mots cleacutes ADOPTION Adoption pleacuteniegravere Materniteacute de substitution Prohibition Deacutetournement de

linstitution

CONTRAT ET OBLIGATIONS Objet Illiceacuteiteacute Materniteacute de substitution Megravere

porteuse Filiation adoptive

Recueil Dalloz 2005 p 536

Droits et liberteacutes corporels

Panorama de la leacutegislation de la jurisprudence et des avis des instances eacutethiques

Jean-Christophe Galloux Professeur agrave luniversiteacute de Pantheacuteon-Assas (Paris II)

Responsable du Centre de droit meacutedical

Heacutelegravene Gaumont-Prat Professeur agrave luniversiteacute de Picardie-Jules Verne Membre du

Comiteacute national dEthique

Lessentiel

Les articles 16 agrave 16-13 du code civil qui consacrent le cadre du statut juridique du corps

humain depuis les lois dites laquo bioeacutethiques raquo du 29 juillet 1994 continuent deacutetendre leur

empire Les hypothegraveses quils ont vocation agrave reacutegir concernent autant les territoires

traditionnels de la biomeacutedecine que sont les tests et empreintes geacuteneacutetiques les procreacuteations

meacutedicalement assisteacutees ou des greffes dorganes pour ne citer que les principaux que des

champs nouveaux et parfois inattendus comme limage du corps le droit dasile

lassujettissement aux cotisations sociales ou les obligations scolaires Limportante reacutevision

des textes de 1994 par la loi ndeg 2004-800 du 6 aoucirct 2004 sest traduite par une eacuterosion de la

protection des droits et liberteacutes corporels individuels au profit de la liberteacute de la recherche

scientifique et des consideacuterations de solidariteacute comme en teacutemoigne notamment la deuxiegraveme

reformulation de larticle 16-3 relatif agrave linteacutegriteacute corporelle

I - Les donneacutees relatives au corps

A - Les tests et donneacutees geacuteneacutetiques

Les tests geacuteneacutetiques sont susceptibles de recouvrir diffeacuterentes finaliteacutes meacutedico-

professionnelles (meacutedecine curative preacutedictive preacutevention des risques professionnels) ou

sociales (emploi assurance) voire de deacutepistage preacutenatal (diagnostic preacutenatal et

preacuteimplantatoire) Leacutevolution observeacutee conduit agrave distinguer les tests geacuteneacutetiques qualifieacutes de

11

donneacutees personnelles ou de donneacutees de santeacute

1 - Donneacutees personnelles

Deux inteacuterecircts contradictoires sont pris en compte par le leacutegislateur ou les avis de diffeacuterentes

instances celui de la personne elle-mecircme et celui des tiers au titre de la solidariteacute sociale

a) La prise en compte de linteacuterecirct de la personne

1 Dans un souci de garantir un reacutegime juridique plus protecteur pour les personnes la loi ndeg

2004-800 du 6 aoucirct 2004 (art 4) relative agrave la bioeacutethique a proceacutedeacute agrave un toilettage des anciens

textes pour uniformiser les formulations retenues en remplaccedilant dans les diffeacuterents codes

concerneacutes (code civil code de la santeacute publique code peacutenal) lexpression laquo eacutetude geacuteneacutetique

des caracteacuteristiques raquo ou laquo meacutedecine preacutedictive raquo par laquo examen des caracteacuteristiques

geacuteneacutetiques raquo de la personne Sont ainsi modifieacutes larticle 16-10 du code civil les intituleacutes du

titre III du livre I de la premiegravere partie du code de la santeacute publique et la section 6 du chapitre

IV du titre II du code peacutenal

Deux raisons militaient en faveur de ce changement dune part la notion de meacutedecine

preacutedictive eacutetait trop eacutetroite car elle nautorisait pas le diagnostic dune maladie deacutejagrave deacuteclareacutee

Dautre part la terminologie preacuteceacutedemment utiliseacutee laquo eacutetude ou examen geacuteneacutetique des

caracteacuteristiques raquo dune personne est apparue trop restrictive Elle ne permettait pas de

garantir la protection de la personne agrave leacutegard dune eacuteventuelle utilisation abusive

dinformations geacuteneacutetiques obtenues agrave loccasion dinvestigations meacutedicales diverses non

speacutecifiquement geacuteneacutetiques comme par exemple une biopsie musculaire chez un myopathe de

Duchecircne leacutelectroforegravese de lheacutemoglobine pour le diagnostic de la dreacutepanocytose ou des

thalasseacutemies ou encore de lHLA 27 (selon le rapport de F Giraud Commission des Affaires

sociales Seacutenat 1re lecture ndeg 128 du 15 janv 2003 [2002-2003])

Le terme retenu agrave larticle 4 de loi vise agrave encadrer lensemble des examens de caractegravere

geacuteneacutetique et apparaicirct plus adapteacute agrave lobjectif de lencadrement fixeacute Une telle harmonisation

des terminologies utiliseacutees vient ainsi assurer la coheacuterence des pratiques

La loi a eacutegalement deacutecideacute de sanctionner peacutenalement outre le fait de proceacuteder agrave un examen

des caracteacuteristiques geacuteneacutetiques dune personne sans avoir recueilli preacutealablement son

consentement le fait de proceacuteder agrave un tel examen agrave des fins autres que meacutedicales ou de

recherche scientifique Les sanctions preacutevues agrave larticle 226-25 du code peacutenal demeurent

inchangeacutees un an demprisonnement et 15 000 euros damende

2 La loi ndeg 2004-800 du 6 aoucirct 2004 (art 5) met en exergue limportance accordeacutee agrave la

volonteacute en matiegravere dexamen des caracteacuteristiques geacuteneacutetiques dune personne la loi vient

compleacuteter la reacutedaction de larticle 16-10 alineacutea 2 en posant lexigence dun consentement

mieux encadreacute quauparavant et elle en organise ses modaliteacutes recueil du consentement

expregraves par eacutecrit reacutevocable sans forme agrave tout moment et eacuteclaireacute puisque la personne doit ecirctre

laquo ducircment informeacutee de sa nature et de sa finaliteacute lobligation dinformation devenant une des

conditions du recueil du consentement raquo (D Thouvenin La loi relative agrave la bioeacutethique ou

comment accroicirctre laccegraves aux eacuteleacutements biologiques dorigine humaine D 2005 Chron p

116 et p 172) La loi preacutevoit un nouvel article L 1131-1 au code de la santeacute publique qui

renvoie agrave ces dispositions preacuteciteacutees du code civil

3 La loi ndeg 2004-800 du 6 aoucirct 2004 (art 6) organise le reacutegime juridique des collections

deacutechantillons biologiques humains et des recherches geacuteneacutetiques mises en oeuvre agrave partir de

ces collections Cet article vise agrave concilier les droits des personnes preacuteleveacutees avec la neacutecessiteacute

12

de ne pas alourdir la tacircche des chercheurs dans des secteurs jugeacutes prometteurs Larticle L

1131-4 du code de la santeacute publique rappelle que la constitution et lutilisation de collections

deacutechantillons biologiques humains agrave des fins de recherche geacuteneacutetique relegravevent des dispositions

relatives agrave la conservation et agrave lutilisation des eacuteleacutements et produits du corps humain agrave des fins

de recherche scientifique et non des dispositions reacutegissant les recherches biomeacutedicales (telles

quissues de la loi Huriet)

4 Cest ensuite une protection renforceacutee agrave leacutegard des risques de discrimination lieacutes agrave la

reacutealisation de tests geacuteneacutetiques qui se voit affirmeacutee dans deux types de recommandations lune

europeacuteenne (Recommandations sur les implications des tests geacuteneacutetiques Office des

publications officielles des Communauteacutes europeacuteennes Bruxelles mai 2004) lautre

internationale (Elaboration de la Deacuteclaration relative agrave des normes universelles en matiegravere de

bioeacutethique quatriegraveme eacutebauche de texte CIB UNESCO 15 deacutec 2004)

Le principe de non-discrimination en raison des caracteacuteristiques geacuteneacutetiques avait deacutejagrave eacuteteacute

inscrit agrave larticle 16-13 du code civil lors de la loi ndeg 2002-303 du 4 mars 2002 et il figure

eacutegalement dans la plupart des textes internationaux consacreacutes agrave ce sujet la Convention

dOviedo la Deacuteclaration universelle sur le geacutenome humain ainsi que la Charte des droits

fondamentaux de lUnion europeacuteenne

b) La prise en compte de linteacuterecirct du tiers

Larticle L 1131-1 alineacuteas 3 4 et 5 du code de la santeacute publique issu de la loi du 6 aoucirct 2004

envisage linteacuterecirct de la famille agrave propos dun test geacuteneacutetique reacutealiseacute sur une personne et traite de

linformation geacuteneacutetique familiale A la suite dun test geacuteneacutetique reacuteveacutelant une anomalie

geacuteneacutetique pouvant entraicircner chez les autres membres de la famille le deacuteveloppement dune

mecircme pathologie la personne concerneacutee ou le meacutedecin ont-ils une obligation dans linteacuterecirct

des tiers den informer la famille Doit-on envisager une simple obligation morale ou la

responsabiliteacute du patient qui par son silence aurait empecirccheacute deacuteviter lapparition dune telle

maladie

Cette interrogation sinscrit dans le deacutebat contemporain qui se deacuteveloppe progressivement sur

linteacuterecirct du tiers qui pourrait lemporter sur linteacuterecirct de la personne elle-mecircme

Ce problegraveme a eacuteteacute souleveacute lors des travaux parlementaires devant le Seacutenat en premiegravere lecture

agrave loccasion de laudition du Professeur A Munnich (chef du service de geacuteneacutetique meacutedicale de

lhocircpital Necker - Enfants malades directeur de recherche agrave INSERM) devant la Commission

des Affaires sociales le 4 deacutecembre 2002 Celui-ci suggeacuterait de reacutefleacutechir aux implications du

secret meacutedical sur la santeacute des membres de la famille dune personne atteinte dune affection

geacuteneacutetique

La prise en compte de linteacuterecirct du tiers avait deacutejagrave eacuteteacute eacutevoqueacutee avec prudence dans un avis du

Comiteacute consultatif national deacutethique (avis ndeg 70 du 13 deacutec 2001 laquo Consentement en faveur

dun tiers raquo) Le consentement en faveur ou au profit dun tiers met en jeu et parfois en

concurrence plusieurs principes lautonomie de la personne la bienfaisance agrave leacutegard du

tiers et la solidariteacute Lavis ndeg 70 rappelait que le deacutepistage envisageacute peut concerner le sujet

index mais eacutegalement dautres personnes les diffeacuterents laquo tiers raquo viseacutes dans lavis cest le cas

de certaines maladies infectieuses transmissibles et geacuteneacutetiques La deacutecouverte dun portage

infectieux chez une personne peut avoir des conseacutequences directes sur lopportuniteacute dun

deacutepistage effectueacute chez une autre personne qui aurait eacuteteacute exposeacutee Il en est ainsi par exemple

en cas de viol ou dexposition dun soignant agrave une contamination par le sang

13

La transmission des donneacutees geacuteneacutetiques dune personne au beacuteneacutefice dun tiers dont la parenteacute

biologique avec le sujet est eacutetablie peut ecirctre solliciteacutee dans un cas plus geacuteneacuteral en vue de

lobtention dinformations geacuteneacutetiques familiales compleacutementaires pour avoir une

caracteacuterisation preacutecise des anomalies voire la recherche systeacutematique de mutation dans une

famille agrave partir dun cas princeps afin de mettre en eacutevidence un risque geacuteneacutetique susceptible

decirctre preacutevenu ou non Lavis ndeg 70 du 13 deacutecembre 2001 soulignait que linteacuterecirct du tiers peut

ecirctre la connaissance de son statut par rapport agrave cette anomalie geacuteneacutetique la possibiliteacute lui

eacutetant donneacutee de pouvoir entreprendre une surveillance preacuteventive ou de se soumettre agrave une

theacuterapeutique dans un but curatif ou encore de choisir de ne pas la transmettre agrave sa

descendance

A loccasion de la reacutevision des lois de bioeacutethique le Comiteacute consultatif national deacutethique fut

solliciteacute par le ministre de la Santeacute sur lopportuniteacute dinscrire dans la loi la notion

dinformation geacuteneacutetique familiale doit-on envisager lobligation pour une personne

dinformer son entourage familial si a eacuteteacute deacutecouverte chez elle une preacutedisposition ou

lexistence dune maladie geacuteneacutetique grave pouvant faire lobjet pour les autres membres de la

famille dun traitement etou dune preacutevention efficaces Lavis ndeg 76 rendu le 24 avril 2003

laquo A propos de lobligation dinformation geacuteneacutetique familiale en cas de neacutecessiteacute meacutedicale raquo

privileacutegiait le maintien du secret meacutedical

Les donneacutees geacuteneacutetiques personnelles beacuteneacuteficient dune double protection donneacutees de santeacute

elles sont couvertes par le secret meacutedical et faisant partie de la sphegravere dintimiteacute de chaque

individu elles sont proteacutegeacutees au mecircme titre que toutes les donneacutees agrave caractegravere personnel par

le droit au respect de la vie priveacutee inscrit au code civil

Le nouvel article L 1131-1 du code de la santeacute publique issu de larticle 5 de la loi du 6 aoucirct

2004 sinscrit au contraire dans un mouvement favorable agrave une supreacutematie de la notion de laquo

solidariteacute normative raquo sur lintangibiliteacute du droit agrave lintimiteacute Dans le cas dune anomalie

geacuteneacutetique grave en cas de diagnostic poseacute lors de lexamen des caracteacuteristiques geacuteneacutetiques

dune personne le meacutedecin se doit dinformer celle-ci des risques que son silence ferait courir

aux membres de sa famille dans les cas ougrave des mesures de preacutevention ou de soins peuvent ecirctre

proposeacutees agrave ceux-ci Le texte preacutevoit une alternative laisseacutee agrave la personne concerneacutee soit elle

informe elle-mecircme les membres de sa famille soit elle opte pour la proceacutedure de

linformation meacutedicale agrave caractegravere familial expliciteacutee agrave larticle L 1131-1 du code de la santeacute

publique Les formaliteacutes de la transmission de linformation sont clairement deacutefinies Le

patient qui refuse agrave la fois de preacutevenir les membres de sa famille et de souscrire agrave la proceacutedure

de linformation meacutedicale agrave caractegravere familial ne va-t-il pas engager sa responsabiliteacute (V J-

R Binet La loi relative agrave la bioeacutethique Dr fam oct 2004 6 s)

2 - Donneacutees de santeacute

()

B - Les empreintes geacuteneacutetiques

Les empreintes geacuteneacutetiques moyen didentification des personnes font lobjet dun

encadrement speacutecifique selon le domaine viseacute civil ou peacutenal

1 - En matiegravere civile

1 Lidentification dune personne par ses empreintes geacuteneacutetiques est autoriseacutee par la loi agrave titre

de preuve judiciaire en matiegravere civile elle peut ecirctre ordonneacutee par le juge comme mesure

dinstruction dans certains procegraves mettant en jeu des actions relatives agrave la filiation ou des

14

actions agrave fins de subsides sous reacuteserve du recueil preacutealable expregraves du consentement de

linteacuteresseacute

Une deacutecision de la Cour dappel dAgen du 25 mars 2004 est rendue en application de larticle

16-11 alineacutea 2 du code civil dans le cadre dune action agrave fins de subsides La cour retient que

laquo sil ne peut ecirctre contesteacute que chacun a le droit au respect de son inteacutegriteacute physique larticle

16-11 du code civil preacutevoit expresseacutement lidentification dune personne au moyen de

lempreinte geacuteneacutetique [] raquo A deacutefaut davoir pu obtenir le consentement du deacutefendeur rendu

obligatoire par le mecircme texte la cour retient que si laquo les premiers juges deacutecidaient ainsi

justement que sil ne pouvait pas ecirctre fait grief agrave B de refuser une telle mesure leacutegale il

pouvait ecirctre tireacute toutes les conseacutequences de ce refus [] raquo La solution retenue est classique

Elle vient reacuteaffirmer le poids reconnu au recueil du consentement en matiegravere de respect du

corps humain et de linteacutegriteacute physique cette mesure ne peut ecirctre exeacutecuteacutee de force ou sous

astreinte En cas de refus le reacutegime geacuteneacuteral des mesures dinstruction est applicable en vertu

de larticle 11 alineacutea 1er et 198 du nouveau code de proceacutedure civile

Quen est-il du consentement sagissant de la demande de preacutelegravevement post-mortem

Le deuxiegraveme alineacutea de larticle 16-11 du code civil a eacuteteacute modifieacute par la loi du 6 aoucirct 2004

pour interdire toute identification post-mortem par empreintes geacuteneacutetiques en matiegravere civile

sauf accord expregraves manifesteacute de son vivant par la personne deacuteceacutedeacutee

Cette disposition destineacutee agrave renforcer la prise en compte de la volonteacute de la personne vient

mettre un terme agrave la question du preacutelegravevement post-mortem ordonneacute par une mesure judiciaire

dans le silence de la loi de 1994 la doctrine et la jurisprudence eacutetaient diviseacutees sur

linterpreacutetation agrave donner agrave lancien article 16-11 du code civil que laffaire Montand avait

meacutediatiseacute

Selon une premiegravere approche la reacutedaction de larticle 16-11 exigeait le consentement

preacutealable de la personne concerneacutee et ne pouvait sappliquer degraves lors agrave un deacutefunt le respect

ducirc aux morts sy opposait (CA Paris 17 deacutec 1998 D 1999 Jur p 476 note B Beignier 6

nov 1997 D 1998 Jur p 122 note P Malaurie Somm p 161 obs H Gaumont-Prat P

Malaurie et H Fulchiron Defreacutenois 2004 ndeg 821 p 333)

Selon une seconde approche lobligation de consentir fixeacute par larticle 16-11 ne concernait

que les vivants et il appartenait aux tribunaux den appreacutecier lopportuniteacute sagissant des

personnes deacuteceacutedeacutees (P Catala La jeune fille et le mort Dr fam 1997 Chron ndeg 12 J

Massip Defreacutenois 2002 art 37478)

2 Le juge des reacutefeacutereacutes peut-il ordonner une mesure dinstruction sur le fondement de larticle

145 du nouveau code de proceacutedure civile

Il a deacutejagrave eacuteteacute jugeacute que le juge des reacutefeacutereacutes ne peut sur le fondement de larticle 145 du nouveau

code de proceacutedure civile ordonner une mesure dinstruction tendant agrave lidentification dune

personne par ses empreintes geacuteneacutetiques mecircme avec laccord des parties (TGI Toulouse 25

janv 1995 Gaz Pal 1995 2 p 361 note Olivier CA Riom 19 juin 1997 D 1999 Somm

p 333 obs H Gaumont-Prat)

Avant le vote des lois de bioeacutethique de 1994 en matiegravere de filiation la Cour de cassation

(Cass 1re civ 4 mai 1994 Bull civ I ndeg 159 D 1994 Jur p 545 note J Massip D

1995 Somm p 113 obs F Granet-Lambrechts ) avait admis la possibiliteacute de recourir au

15

reacutefeacutereacute probatoire in futurum preacutevu agrave larticle 145 du nouveau code de proceacutedure civile pour

une expertise sanguine ou geacuteneacutetique degraves lors que se trouvaient respecteacutees les conditions

poseacutees par le texte (absence de procegraves au fond motif leacutegitime recherche ou conservation des

preuves) En lespegravece le demandeur faisait eacutetat de son inteacuterecirct leacutegitime en vue dappreacutecier les

chances de succegraves dune action en contestation de paterniteacute quil souhaitait intenter et

soulignait le risque de deacutepeacuterissement des preuves

Depuis 1994 la leacutegaliteacute dune mesure dinstruction destineacutee agrave eacutetablir la reacutealiteacute biologique de la

filiation gracircce aux empreintes geacuteneacutetiques est soumise agrave certaines conditions larticle 16-11

du code civil issu des lois bioeacutethiques de juillet 1994 se montre plus restrictif et pose

lexigence que la mesure dinstruction soit ordonneacutee par laquo le juge saisi dune action tendant

soit agrave leacutetablissement ou la contestation [] raquo formulation qui semble exclure de ce domaine

la proceacutedure de reacutefeacutereacute car seule une action au fond permettrait au juge dordonner une telle

mesure

Une deacutecision de la Cour dappel de Montpellier rappelle cette diffeacuterence de reacutegime pour

ordonner lexpertise biologique solliciteacutee dans le cadre dune action en reacutefeacutereacute aux motifs que laquo

la mesure dexpertise ne peut porter que sur des preacutelegravevements sanguins et non sur des

empreintes geacuteneacutetiques ces derniegraveres ne pouvant ecirctre ordonneacutees que par le seul juge saisi de

laction conformeacutement agrave larticle 16-11 du code civil raquo

Sachant que lexamen compareacute des sangs permet de donner des reacutesultats relativement fiables

en matiegravere de filiation au moins agrave titre indicatif permettant dappreacutecier les chances de succegraves

dune action en contestation ou en eacutetablissement de paterniteacute on peut degraves lors sinterroger sur

la peacuterenniteacute de cette dualiteacute de reacutegime Ne conviendrait-il pas de modifier les imperfections

reacutedactionnelles de larticle 16-11 alineacutea 2 pour autoriser eacutegalement le recours agrave la proceacutedure

de reacutefeacutereacute

3 La loi ndeg 2004-800 du 6 aoucirct 2004 (art 5) a modifieacute les conditions de lidentification dune

personne par ses empreintes geacuteneacutetiques agrave des fins meacutedicales ou de recherche scientifique

Comme pour lexamen des caracteacuteristiques geacuteneacutetiques agrave larticle 2 il sagit de garantir un

reacutegime du consentement plus protecteur pour les personnes et le texte reprend en partie la

teneur de larticle 16-10 en matiegravere dexamen des caracteacuteristiques geacuteneacutetiques recueil du

consentement expregraves par eacutecrit et preacutealable agrave la reacutealisation de lidentification reacutevocable sans

forme et agrave tout moment consentement eacuteclaireacute par lexigence de la communication de sa

finaliteacute

Le renforcement des droits de la personne saccompagne dun dispositif relatif aux conditions

dagreacutement aux fins de proceacuteder agrave lidentification dune personne agrave des fins meacutedicales ou agrave des

fins de recherche scientifique fixeacute par larticle L 1131-3 issu de la loi du 6 mai 2004

De la mecircme faccedilon un encadrement strict des conditions dagreacutement en matiegravere judiciaire est

mis en place avec le deacutecret ndeg 2004-471 du 25 mai 2004 qui vient modifier le deacutecret ndeg 97-

109 du 6 feacutevrier 1997 relatif aux conditions dagreacutement des personnes habiliteacutees agrave proceacuteder agrave

des identifications par empreintes geacuteneacutetiques dans le cadre dune proceacutedure judiciaire

1 - En matiegravere peacutenale

Un arrecirct de la Chambre criminelle de la Cour de cassation (22 juin 2004 Bull crim ndeg 164)

vient preacuteciser lapplication de larticle 706-56 du code de proceacutedure peacutenale issu de la loi ndeg

2001-1062 du 15 novembre 2001 (art 56 JO du 16 nov 2001) modifieacutee ensuite par la loi ndeg

2003-239 du 18 mars 2003 (art 29 JO du 19 mars 2003) et par la loi ndeg 2004-204 du 9 mars

16

2004 (art 49 JO du 10 mars 2004) en matiegravere dempreintes geacuteneacutetiques aux fins

didentification en matiegravere peacutenale Ce texte preacutevoit que le fait pour une personne

deacutefinitivement condamneacutee pour une des infractions viseacutees agrave larticle 706-55 de refuser de se

soumettre agrave un preacutelegravevement biologique destineacute agrave permettre lanalyse didentification de son

empreinte geacuteneacutetique est passible de sanctions peacutenales En lespegravece un homme condamneacute pour

viol avait refuseacute de se soumettre agrave un preacutelegravevement biologique en vue de son inscription au

fichier des empreintes geacuteneacutetiques et preacutetendait que le texte susviseacute ne sappliquait quaux

personnes deacutefinitivement condamneacutees apregraves son entreacutee en vigueur La cour dappel ne suit pas

cette argumentation et la Cour de cassation rejette le pourvoi aux motifs que ce texte

dapplication immeacutediate concerne toutes les personnes dont un preacutelegravevement est requis mecircme

si la condamnation est anteacuterieure agrave la loi

Les mesures viseacutees par ce texte sinscrivent dans la mise en place et le fonctionnement du

FNAEG le fichier national automatiseacute des empreintes geacuteneacutetiques destineacute notamment agrave

conserver dans un traitement automatiseacute les empreintes geacuteneacutetiques de lensemble des

personnes condamneacutees pour infractions sexuelles (Circ CRIM 00-8 F1 du 10 oct 2000 et

CRIM 01-15 E6 du 20 juill 2001) Un deacutecret ndeg 2004-470 du 25 mai 2004 modifiant le code

de proceacutedure peacutenale (2e partie deacutecrets en Conseil dEtat) relatif au fichier national

automatiseacute des empreintes geacuteneacutetiques vient compleacuteter le dispositif

C - Limage du corps

Limage du corps ou lapparence corporelle est classiquement proteacutegeacutee par le droit agrave limage

deacutecoulant de larticle 9 du code civil consacrant le droit au respect de la vie priveacutee et qualifieacute

de droit de la personnaliteacute (P Kayser in Meacutelanges Roubier p 73 T Hassler note sous TGI

Paris 15 avr 1987 D 1987 Jur p 551 F Dessemontet Le droit agrave sa propre image droit de

la personnaliteacute ou droit de la publiciteacute Meacutelanges en lhonneur de J-M Grossen) Cest le

droit pour toute personne dinterdire aux tiers la reproduction et la publication de son image

Limage du corps peut ecirctre appreacutehendeacutee de maniegravere plus originale par le recours agrave larticle 16

comme sinscrivant dans le domaine du droit au respect du corps humain et essentiellement

dans celui du respect de la digniteacute de la personne humaine On observe que le principe du

droit au respect du corps est proclameacute par le leacutegislateur en des termes semblables agrave ceux de

larticle 9 du code civil visant le respect de la vie priveacutee Il est vrai que laquo corps et vie priveacutee

repreacutesentent les deux faces de lintimiteacute dune personne raquo (J-C Galloux Le corps humain

dans le code civil in 1804-2004 Le code civil Un passeacute un preacutesent un avenir Dalloz 2004

p 381) Le recours agrave la notion de digniteacute de la personne humaine a eacuteteacute solliciteacute degraves 2001 dans

laffaire du preacutefet Erignac pour sanctionner la reproduction dans la presse de limage de son

cadavre (Cass 1re civ 20 deacutec 2000 J-P Gridel Retour sur limage du preacutefet assassineacute

digniteacute de la personne humaine et liberteacute de linformation dactualiteacute D 2001 Chron p 872

Jur p 885 Somm p 1990 obs A Lepage RTD civ 2001 p 329 obs J Hauser JCP

2001 II 10488 note J Ravanas)

1 Une deacutecision de la Cour dappel de Paris (1re ch B 23 sept 2004) consacre cette solution

en retenant que la liberteacute dexpression eacutetant une liberteacute fondamentale agrave valeur

constitutionnelle proteacutegeacutee par la Convention europeacuteenne des droits de lhomme et la

Deacuteclaration des droits de lhomme et du citoyen ses abus peuvent seulement ecirctre poursuivis

au nom dautres principes agrave valeur constitutionnelle comme le droit agrave reacuteparation de tout

preacutejudice subi ou la protection de la digniteacute de lhomme preacutevue par larticle 16 du code civil

2 Une deacutecision de la deuxiegraveme Chambre civile de la Cour de cassation (4 nov 2004) vient

confirmer cette dualiteacute Il sagissait en lespegravece dune photographie dun jeune homme de 17

17

ans gisant inanimeacute et agrave demi deacutevecirctu le visage ensanglanteacute victime dun accident de la

circulation alors quil pilotait un scooter Le clicheacute avait eacuteteacute pris par un hebdomadaire agrave grand

tirage pour illustrer un article intituleacute laquo Routes la guerre oublieacutee raquo consacreacute aux accidents de

la route

Les parents de ladolescent deacuteceacutedeacute des suites de laccident avaient assigneacute la socieacuteteacute eacuteditrice

de lhebdomadaire en reacuteparation arguant dune atteinte agrave la digniteacute de la personne ainsi

repreacutesenteacutee Les juges du fond avaient fait droit agrave la demande aux motifs que la liberteacute

dinformer revendiqueacutee par leacutediteur ne devait pas preacutevaloir sur le respect des droits de

lindividu sagissant dun article consacreacute agrave un pheacutenomegravene de socieacuteteacute La jurisprudence en la

matiegravere consacre en effet la liberteacute de communication des informations ainsi que la

publication dimages de personnes impliqueacutees dans un eacuteveacutenement sagissant deacuteveacutenements

dactualiteacute voire mecircme de faits dactualiteacute (Cass 2e civ 30 juin 2004 D 2004 IR p 2478

JCP 2004 II 10160 note D Bakouche) sous la seule reacuteserve du respect de la digniteacute

humaine (not absence de recherche du sensationnel et toute indeacutecence Cass 1re civ 20

feacutevr 2001 D 2001 Jur p 1199 note J-P Gridel Somm p 1990 obs A Lepage RTD civ

2001 p 329 note J Hauser Dr et patrimoine juin 2001 p 96 note G Loiseau 12 juill

2001 D 2002 Jur p 1380 note C Bigot Somm p 2298 obs L Marino RTD civ 2001

p 852 obs J Hauser JCP 2002 II ndeg 10152 note J Ravanas) Les diffeacuterentes deacutecisions

sont rendues au regard de latteinte agrave la vie priveacutee et du droit agrave limage sur le fondement de

larticle 9 (Cass 2e civ 5 mars 1997 D 1998 Jur p 474 note J Ravanas RTD civ 1997

p 396 obs J Hauser CA Versailles 31 janv 2002 Bull inf C cass 1er oct 2002 ndeg 983

D 2003 Somm p 1533 obs C Caron) voire sur le fondement de larticle 10 de la

Convention europeacuteenne des droits de lhomme (CEDH 3e sect 26 feacutevr 2002 Krone Verlag

c Austria req ndeg 34315)

Dans larrecirct susviseacute la Cour de cassation casse la deacutecision au visa des articles 10 de la

Convention europeacuteenne 9 et 16 du code civil Rappelant que laquo le principe de la liberteacute de la

presse implique le libre choix des illustrations dun deacutebat geacuteneacuteral de pheacutenomegravene de socieacuteteacute

sous la seule reacuteserve du respect de la digniteacute de la personne humaine [] raquo elle reproche agrave la

cour dappel de ne pas avoir laquo caracteacuteriseacute latteinte porteacutee par celle-ci [la photographie

litigieuse] agrave la digniteacute de la victime [] raquo

Le recours agrave larticle 16 du code civil selon lequel laquo la loi interdit toute atteinte agrave la digniteacute raquo

de la personne teacutemoigne de la proximiteacute des notions dimage (traditionnellement inscrite dans

le droit au respect de la vie priveacutee) et dapparence corporelle dont on perccediloit le lien avec la

notion de droit au respect du corps humain gouverneacute par larticle 16-1 prolongeant la

protection plus geacuteneacuterale fondeacutee sur la digniteacute inscrite agrave larticle 16 du code civil Nexiste-t-il

pas degraves lors une veacuteritable attraction de ces deux regravegles Les deux protections coexistent se

complegravetent et devraient favoriser le renforcement de la protection de limage de la personne

II - Le corps ses eacuteleacutements et ses produits

A - Regravegles geacuteneacuterales relatives au statut du corps humain

A leacutepoque contemporaine le corps humain devient de plus en plus un lieu de conflits

Conflits entre des normes juridiques de valeur comparable - autonomie de la volonteacute contre

solidariteacute sociale digniteacute des personnes contre liberteacute de la science - mais eacutegalement et de

maniegravere plus fondamentale conflits susciteacutes par des approches philosophiques et morales

diffeacuterentes sinon opposeacutees du corps humain Approches judeacuteo-chreacutetiennes qui le sacralisent

en linscrivant dans le mystegravere de lincarnation mateacuterialistes qui en nient la transcendance

utilitaristes precirctes agrave le sacrifier pour le bien-ecirctre collectif libertaires ou heacutedonistes qui

exaltent la liberteacute de lindividu agrave lencontre des contingences biologiques ou nen font que

18

linstrument de satisfaction des deacutesirs Le droit biomeacutedical se ressent de ces laquo oscillations de

la morale raquo (J Carbonnier Droit et passion du droit sous la Ve Reacutepublique Flammarion

1996 p 116) au risque de perdre peu agrave peu sa coheacuterence En teacutemoigne lapplication parfois

heacutesitante parfois jupiteacuterienne et souvent gecircneacutee des principes geacuteneacuteraux qui gouvernent le

statut du corps humain la protection de linteacutegriteacute corporelle et surtout lindisponibiliteacute ou

lextra-commercialiteacute du corps

1 - Protection de linteacutegriteacute corporelle

1 La loi du 6 aoucirct 2004 a modifieacute larticle 16-3 du code civil en ajoutant agrave la neacutecessiteacute laquo

meacutedicale raquo justifiant latteinte agrave linteacutegriteacute corporelle laquo agrave titre exceptionnel dans linteacuterecirct

theacuterapeutique dautrui raquo (art 9) Cette nouvelle extension de laccegraves aux ressources

biologiques corporelles au deacutetriment des droits de lindividu sur son corps (la premiegravere a eacuteteacute

consacreacutee par la loi ndeg 99-641 du 27 juill 1999 art 70 qui avait deacutejagrave substitueacute au terme laquo

theacuterapeutique raquo celui de laquo meacutedicale raquo afin de contrer linterpreacutetation neacutecessairement eacutetroite

quen avait fait la Cour de cassation dans son avis du 6 juill 1998 [D 1998 IR p 208 RTD

civ 1998 p 881 obs J Hauser] consideacuterant contraires agrave lart 16-3 les atteintes agrave linteacutegriteacute

du corps meneacutees agrave des fins purement contraceptives comme la ligature des trompes de Fallope

de telles atteintes sont deacutesormais licites car obeacuteissant agrave une finaliteacute meacutedicale mecircme si elles

tendent plus agrave preacutevenir ou agrave gueacuterir une maladie une grossesse neacutetant par elle-mecircme une

maladie) a davantage pour but dharmoniser les dispositions du code civil et celles du code de

la santeacute publique les preacutelegravevements reacutealiseacutes aux fins de greffes sur autrui ne pouvaient

certainement pas entrer dans les preacutevisions du texte dans sa reacutedaction anteacuteceacutedente Avec

lextension continue de la cateacutegorie des donneurs vivants (afin de pallier le deacuteficit chronique

de greffons en France cf infra) cette disposition est promise agrave un bel avenir (JOAN CR 2e

seacuteance 16 janv 2002)

2 Le titre III de la loi du 6 aoucirct 2004 apporte par ailleurs des modifications importantes agrave

larchitecture des preacutelegravevements deacuteleacutements du corps humain et par voie de conseacutequence aux

conditions dans lesquelles il peut ecirctre porteacute atteinte agrave linteacutegriteacute corporelle des donneurs

- lacte de preacutelegravevement est deacutesormais qualifieacute dlaquo acte de soin raquo au sens des articles L 1142-1

et suivants du code de la santeacute publique relatifs aux risques sanitaires reacutesultant du

fonctionnement du systegraveme de santeacute issus de la loi du 4 mars 2002 ce qui devrait ameacuteliorer

lindemnisation des victimes en cas daccident lors du preacutelegravevement

- le cercle des donneurs est eacutelargi (art L 1231-1 al 1er c santeacute publ)

- les modaliteacutes de recueil du consentement sont renforceacutees (mecircme art al 3)

- les finaliteacutes des preacutelegravevements sont mieux deacutefinies (par ex pour le sang art L 1211-8-1 c

santeacute publ) le patient pouvant controcircler une nouvelle utilisation des eacuteleacutements preacuteleveacutes

initialement pour dautres buts (not art L 1241-1 c santeacute publ) Les patients peuvent

eacutegalement sopposer agrave lutilisation des produits dexeacuteregravese et du placenta (art L 1235-2 et

1245-2 c santeacute publ) Pour les preacutelegravevements sur personne deacuteceacutedeacutee la regravegle mal veacutecue et

contourneacutee du consentement est ameacutelioreacutee obligeant le meacutedecin agrave recueillir aupregraves de ses

proches une eacuteventuelle opposition exprimeacutee par le deacutefunt de son vivant (art L 1232-1 c

santeacute publ) les proches se voyant reconnaicirctre le droit de connaicirctre les preacutelegravevements effectueacutes

3 Nonobstant les appels aux dons la peacutenurie de greffons saggrave en France selon

lEtablissement franccedilais des greffes qui constate une baisse des preacutelegravevements dorganes

(communiqueacute du 8 avr 2004) ce qui conduit lAcadeacutemie de meacutedecine agrave reacuteclamer de

19

nouvelles modifications reacuteglementaires afin dassouplir les regravegles de seacutelection des donneurs

(communiqueacute du 11 mai 2004) Cette situation ne doit toutefois pas conduire agrave des

discriminations ignoreacutees de la reacuteglementation sanitaire et contraires agrave notre tradition juridique

larrecirct du Conseil dEtat du 30 avril 2004 sen fait leacutecho En lespegravece un ressortissant

marocain en situation irreacuteguliegravere atteint dune grave insuffisance reacutenale chronique et inscrit

sur la liste des receveurs de greffes dorganes en vue dune transplantation reacutenale se voit

notifier une mesure de reconduite agrave la frontiegravere sur le fondement de larticle 25 de

lordonnance du 2 novembre 1945 Larrecircteacute deacutecidant cette reconduite est annuleacute comme

entacheacute dune erreur manifeste dappreacuteciation des conseacutequences de cet arrecircteacute sur la situation

personnelle de linteacuteresseacute car il ne pouvait pas beacuteneacuteficier dune opeacuteration de transplantation

dans son pays dorigine Peut-on voir dans cette solution tregraves humaine une application preacutecoce

du principe nouvellement inscrit dans le nouvel article L 1231-1 A c) du code de la santeacute

publique qui impose le respect du principe deacutequiteacute dans les regravegles de reacutepartition et

dattribution des greffons

4 La question des soins imposeacutes suscite toujours des questions deacutelicates autant sur un plan

humain quun plan juridique Le droit pour le patient majeur de donner lorsquil se trouve en

leacutetat de lexprimer son consentement agrave un traitement meacutedical comme le rappelle lalineacutea 2 de

larticle 16-3 revecirct le caractegravere dune liberteacute fondamentale (CE ord reacutef 16 aoucirct 2002 D

2004 Somm p 602 obs J Penneau RTD civ 2002 p 781 obs J Hauser) Larticle L

1111-4 du code de la santeacute publique tel quissu de la loi du 4 mars 2002 sur le droit des

malades prescrit que le pouvoir de deacutecision sexerce avec le professionnel de santeacute compte

tenu des informations et des preacuteconisations quil lui fournit le meacutedecin ne dispose plus

deacutesormais que dun pouvoir de conseil qui lui interdit de passer outre la volonteacute du patient

mecircme en cas durgence vitale Le meacutedecin doit respecter la volonteacute de la personne apregraves

lavoir informeacutee des conseacutequences de ses choix (il nest dailleurs pas obligeacute de la convaincre

Cass 1re civ 18 janv 2000 D 2001 Jur p 3559 note M-L Mathieu-Izorche) aucun acte

ni aucun traitement ne peut ecirctre pratiqueacute sans le consentement libre et eacuteclaireacute de la personne

consentement quelle peut retirer agrave tout moment Toutefois parmi les soins imposeacutes les

obligations de vaccination tiennent une place particuliegravere Bien accepteacutees par le public

lorsquelles furent introduites pour lutter contre des eacutepideacutemies dont chacun pouvait mesurer

autour de soi les effets deacutevastateurs (la premiegravere vaccination obligatoire remonte agrave la loi du 15

feacutevr 1902 F Moderne Le reacutegime juridique des vaccinations obligatoires AJDA 1965 p

195) ces mesures autoritaires encore nombreuses (contre la diphteacuterie art L 3111-1 c santeacute

publ le teacutetanos art L 3111-2 c santeacute publ la poliomyeacutelite art L 3111-3 c santeacute publ

la tuberculose art L 3111-4 c santeacute publ) sont aujourdhui contesteacutees au nom de la liberteacute

individuelle alors que ces grandes pandeacutemies ont peu agrave peu replieacute leurs ailes de mort sur

notre pays du moins Dans un arrecirct dAssembleacutee du 3 mars 2004 (Association Liberteacute

Information Santeacute RFDA 2004 p 581 concl comm du gouv G Le Chatelier AJDA

2004 p 971) le Conseil dEtat a eu loccasion de preacuteciser les pouvoirs reacuteglementaires dont

peut disposer le ministre de la Deacutefense pour imposer certaines vaccinations obligatoires

contrairement aux conclusions du commissaire du gouvernement il a admis que le ministre de

la Deacutefense en tant que chef de service peut imposer des vaccinations aux militaires placeacutes

sous son autoriteacute Si le principe dinteacutegriteacute du corps ne constitue pas en lui-mecircme un principe

agrave valeur constitutionnelle il concourt toutefois agrave assurer le respect du principe constitutionnel

de sauvegarde de la digniteacute de la personne humaine (Cons const 27 juill 1994 RJC p 100

B Edelman Le Conseil constitutionnel et lembryon D 1995 Chron p 205 Jur p 237 note

B Mathieu Somm p 299 obs L Favoreu) Cette expression essentielle et incarneacutee de la

liberteacute individuelle doit ecirctre concilieacutee avec des impeacuteratifs sociaux de santeacute dont la valeur nest

pas moindre La Haute juridiction administrative avait deacutejagrave eu loccasion de preacuteciser que les

20

dispositions imposant des vaccinations obligatoires si elles ont pour effet de porter une

atteinte limiteacutee aux principes dinviolabiliteacute et dinteacutegriteacute du corps humain voient leur mise en

oeuvre justifieacutee dans le but dassurer la protection de la santeacute dont le principe se trouve garanti

par le Preacuteambule de la Constitution de 1946 et sont proportionneacutees agrave cet objectif (CE 26 nov

2001 ALIS req ndeg 222741 RFDA 2002 p 65 concl comm du gouv S Boissard) Cest

normalement agrave la loi quil revient darbitrer entre ces deux principes Dans une autre affaire

(CA Pau 19 mars 2002 Dr fam 2004 ndeg 137 obs M S) des parents avaient eacuteteacute

condamneacutes agrave des peines contraventionnelles pour avoir soustrait leurs enfants agrave lobligation

vaccinale pour des raisons religieuses Ces deacutecisions ont eacuteteacute rendues alors que la loi du 4 mars

2002 sur le droit des patients neacutetait pas entreacutee en vigueur le renforcement de la liberteacute du

patient serait-elle de nature agrave assouplir les obligations vaccinales La jurisprudence de la

Cour europeacuteenne des droits de lhomme semble aller en ce sens (CEDH 9 juill 2002 ndeg

4219798 Salvetti c Italie une vaccination obligatoire en tant que traitement meacutedical non

volontaire constitue une ingeacuterence dans le droit au respect de la vie priveacutee reconnu par lart 8

sect 1 Conv EDH) Quil nous soit permis deacutemettre des reacuteserves sauf agrave ruiner toute la politique

de preacutevention mise en place par les autoriteacutes sanitaires depuis un siegravecle et dont les effets

salutaires ne sont pas contestables la reacutesistance des juridictions administratives qui sous-tend

larrecirct dAssembleacutee rapporteacute face aux derniers avatars dun certain extreacutemisme libertarien

dont le corps devient le bastion (pour un bon exposeacute de ces thegraveses Onfray Feacuteeacuteriques

anatomiques geacuteneacutealogie du corps faustien Grasset-Fasquelle 2003) montre que lhypothegravese

est ici bien diffeacuterente dun simple refus de soin comme dans le cas des transfusions elles ne

mettent en jeu que la vie du patient (sur cette derniegravere question B Mathieu De la difficulteacute

de choisir entre la liberteacute et la vie RGDM 2003 ndeg 9 p 97 A Garay Volonteacutes et liberteacutes

dans la relation meacutedecin-malade la mise agrave leacutepreuve des articles 16-3 du code civil et L

1111-4 du code de la santeacute publique RGDM 2003 ndeg 10 p 143)

5 Moins sujet agrave deacutebat larrecirct rendu par la Cour europeacuteenne (22 juill 2003 req ndeg 2420994

RD publ 2004 ndeg 3 p 826 note C Picheral) qui condamne la Turquie pour ingeacuterence dans

le droit au respect de la vie priveacutee reconnu par larticle 8 sect 1 de la Convention europeacuteenne

Dans cette affaire la plaignante avait subi un examen gyneacutecologique forceacute destineacute agrave prouver

agrave lissue de sa garde agrave vue quelle navait pas subi de violences sexuelles La Cour europeacuteenne

qui integravegre deacutesormais le respect du corps humain dans la sphegravere de la vie priveacutee fait ici une

application logique de larticle 8 dans la ligne de la jurisprudence preacuteceacutedemment citeacutee

2 - Indisponibiliteacute et extra-patrimonialiteacute du corps humain

6 Le principe dextra-patrimonialiteacute du corps humain se trouve repris par les articles 16-1

alineacutea 3 16-5 et 16-6 du code civil quil est parfois difficile de distinguer du principe

dindisponibiliteacute du corps humain que la jurisprudence fonde sur larticle 1128 du mecircme code

(Cass ass pleacuten 31 mai 1991 D 1991 Jur p 417 rapp Y Chartier note D Thouvenin) Si

la qualification dindisponibiliteacute a eacuteteacute eacutecarteacutee du vocabulaire des lois de 1994 et de 2004

comme par la doctrine dominante pour cause dambiguiumlteacute (D Fenouillet Respect et protection

du corps humain J-Cl civil art 16 agrave 16-12 fasc 12 ndeg 134 s) la jurisprudence y revient

parfois pour affirmer que le corps nest pas une chose dans le commerce Larrecirct de la Cour

dappel de Paris du 16 mai 2003 reacuteforme sur ce point un jugement du Tribunal des affaires de

seacutecuriteacute sociale de Paris du 5 juillet 2001 qui avait agrave tort exoneacutereacute une prostitueacutee du paiement

de la cotisation dallocations familiales des travailleurs indeacutependants au motif quanalyser une

activiteacute sexuelle reacutemuneacutereacutee comme un travail reviendrait agrave admettre que le commerce du

corps humain est leacutegal alors que leacutegaliser ce commerce aboutit agrave nier et agrave rejeter le principe

dindisponibiliteacute du corps humain La cour rappelle agrave bon droit que le commerce des relations

sexuelles nest pas en soi illicite seules eacutetant interdites certaines conditions dexercice de cette

21

activiteacute en tant quelles conduiraient aux infractions de racolage et de proxeacuteneacutetisme Affirmer

que lactiviteacute en cause na aucun lien avec lindisponibiliteacute du corps humain a quelque chose

de surreacutealiste le fait quelle ne soit pas peacutenalement reacuteprimeacutee nempecircche pas le caractegravere

illicite du contrat passeacute entre la prostitueacutee et son client (dans ce sens pour la nulliteacute dune

assurance souscrite par un proxeacutenegravete contre les accidents corporels freacutequents dans ce genre

dactiviteacutes CA Paris 22 janv 1992 Juris-Data ndeg 020308) Reste la justification de la

deacutecision par la relative autonomie du droit des prestations sociales larticle R 241-2 du code

de la seacutecuriteacute sociale vise toutes les activiteacutes non salarieacutees mecircme de caractegravere accessoire La

Chambre sociale de la Cour de cassation a deacutejagrave admis la prostitution au titre de ces activiteacutes

(18 mai 1995 D 1996 Somm p 38 obs X Preacutetot) eacutecarter les activiteacutes de prostitution de

lassiette des cotisations sociales ne serait-ce pas les encourager davantage au risque pour

lEtat de reprendre agrave son compte le ceacutelegravebre adage de Vespasien

7 Nous rappellerons encore larrecirct rendu par la premiegravere Chambre civile le 9 deacutecembre 2003

confirmant le rejet de ladoption pleacuteniegravere par la femme du pegravere dune enfant qui est le fruit

dune convention de megravere porteuse Lamie dun couple steacuterile avait accepteacute en 1987

dabandonner agrave sa naissance sans indication de filiation maternelle lenfant conccedilu des relations

intimes quelle avait eues avec leacutepoux La demanderesse au pourvoi soutenait que lilliceacuteiteacute de

la convention neacutetait pas eacutetablie par la jurisprudence et par la loi au moment des faits et quil

fallait prendre en consideacuteration pour ladoption pleacuteniegravere les douze anneacutees passeacutees par lenfant

aupregraves delle les inteacuterecircts de ce dernier primant la neacutecessiteacute de sanctionner la convention La

Cour de cassation confirmant sa jurisprudence du 31 mai 1991 (preacutec) et du 29 juin 1994 (D

1994 Jur p 581 note Y Chartier) rappelle laquo que la materniteacute pour autrui dont le caractegravere

illicite se deacuteduit des principes geacuteneacuteraux du code civil et aujourdhui de son article 16-7

reacutealise un deacutetournement de linstitution de ladoption que les premiers juges ont agrave bon droit

refuseacute raquo Prudemment la Haute juridiction neacutevoque pas la notion dindisponibiliteacute cet laquo

imaginaire de la doctrine raquo (M Gobert Reacuteflexions sur les sources du droit et les principes

dindisponibiliteacute du corps humain et de leacutetat des personnes RTD civ 1992 p 489) pour se

contenter logiquement de viser larticle 16-7 qui a vocation agrave sappliquer mecircme si le contrat

reste secret la graviteacute du vice initial de la materniteacute pour autrui contaminant toute adoption

ulteacuterieure

8 Le Tribunal administratif dAmiens dans sa deacutecision du 9 mars 2004 fait une application

discutable de la notion dextra-commercialiteacute des eacuteleacutements et des produits du corps humain

dans une hypothegravese ougrave cette qualification ne devait pas jouer Un couple perd ses embryons

congeleacutes in vitro en raison de la deacutefaillance du mateacuteriel de conservation imputable agrave un

eacutetablissement hospitalier Peut-il se preacutevaloir dun preacutejudice indemnisable dans le cadre de

laction en responsabiliteacute quil engage contre cet eacutetablissement La juridiction administrative

saisie admet la responsabiliteacute de la personne publique le mateacuteriel de conservation lui

appartenant eacutetant en cause mais sur la question de la reacuteparation du preacutejudice subi reacutepond de

maniegravere surprenante laquo si les eacutepoux peuvent se preacutevaloir de lexistence dun preacutejudice

mateacuteriel reacutesultant de la perte dovocytes les dispositions de larticle 16-1 du code civil selon

lesquelles le corps humain ses eacuteleacutements et ses produits ne peuvent faire lobjet dun droit

patrimonial sopposent agrave ce quils puissent en demander la reacuteparation en argent raquo et il

poursuit laquo les ovocytes surnumeacuteraires neacutetant pas des personnes ils ne sont pas fondeacutes agrave se

preacutevaloir dun preacutejudice moral reacutesultant selon eux de la perte decirctres chers raquo Le couple se

voit toutefois allouer 10 000 euros de dommages-inteacuterecircts pour les laquo troubles divers raquo dans

leurs conditions dexistence Si les ovocytes ne sont pas eacutevaluables en argent et si leur perte ne

peut donc pas justifier un preacutejudice mateacuteriel il nen va pas de mecircme dun preacutejudice moral

causeacute par leur perte (la perte dun animal domestique le justifie en droit civil ) et surtout le

22

preacutejudice reacutesultant de la perte dune chance de devenir parents pour un couple deacutejagrave acircgeacute et qui

rencontre des difficulteacutes pour procreacuteer degraves lors quaurait pu ecirctre eacutetablie la disparition par

leffet de la faute imputeacutee agrave leacutetablissement hospitalier de leacuteveacutenement favorable la

probabiliteacute de la naissance dun enfant (en droit meacutedical G Meacutemeteau Gaz Pal 1997 2

Doctr p 1367) La juridiction administrative a manqueacute une occasion de faire avancer le droit

biomeacutedical dans une affaire inattendue et hautement symbolique

B - Reacuteglementation des eacuteleacutements et les produits du corps

Prenant appui sur les principes geacuteneacuteraux gouvernant le statut du corps humain le reacutegime

juridique des eacuteleacutements et des produits biologiques dorigine humaine peut toutefois preacutesenter

des particulariteacutes

1 - La greffe de visage

9 Le Comiteacute consultatif national deacutethique dans son avis ndeg 82 du 6 feacutevrier 2004 eacutemet un

avis deacutefavorable au preacutelegravevement du visage dune personne deacuteceacutedeacutee ou en langage meacutedical agrave

lallotransplantation de tissus composites En deacutepit des besoins eacutevidents pour la chirurgie

reconstructive des victimes deacutefigureacutees agrave la suite daccidents ou de suicides manqueacutes le

Comiteacute consultatif considegravere que des obstacles dirimants subsistent actuellement pour

ladmission dun tel preacutelegravevement les perspectives de laquo reacuteussite raquo dune telle opeacuteration

demeurent tregraves theacuteoriques les risques de rejet des greffons eacutetant laquo extrecircmement graves raquo il

paraicirct par ailleurs fort deacutelicat de solliciter lautorisation de la famille du deacuteceacutedeacute pour effectuer

les preacutelegravevements la signification eacutethique particuliegravere du visage humain son lien intime agrave la

personnaliteacute et agrave lidentiteacute en font davantage quune piegravece anatomique Cette prudence sinscrit

dans le cadre des principes traditionnels du droit meacutedical la technique envisageacutee relevant

pour lheure davantage de lexpeacuterimentation que de la theacuterapeutique

2 - Les banques de sang de cordon ombilical

10 Les cellules heacutematopoiumleacutetiques preacutesentes dans le sang du cordon ombilical peuvent ecirctre

utiliseacutees pour le traitement de certaines maladies geacuteneacutetiques elles peuvent notamment

repeupler la moelle osseuse du patient et constituer une source de cellules sanguines offrant

ainsi une solution alternative agrave la greffe de moelle osseuse Des banques de ces cellules ont

eacuteteacute creacuteeacutees dans des institutions hospitaliegraveres et plus reacutecemment dans le secteur priveacute Ces

activiteacutes pour certaines agrave but lucratif suscitent eacutevidemment des questions juridiques et

eacutethiques Le Comiteacute national sest en France pencheacute sur ce problegraveme (avis ndeg 74 du 12 deacutec

2002) de mecircme que divers organismes de santeacute europeacuteens Le Groupe europeacuteen deacutethique

institueacute aupregraves du preacutesident de la Commission europeacuteenne a consacreacute agrave ce point son avis ndeg

16 rendu le 16 mars 2004 En substance les sages du Groupe europeacuteen critiquent vivement

louverture de cette activiteacute au secteur commercial degraves lors que les banques priveacutees noffrent

pas un laquo service utile en termes de possibiliteacutes theacuterapeutiques raquo (pt 21) et meacuteritent decirctre

eacutetroitement encadreacutees comme elles le seraient dailleurs en France Dun point de vue plus

geacuteneacuteral ces banques priveacutees de sang ombilical qui demeurent en veacuteriteacute assez marginales

posent la question des activiteacutes commerciales dans les secteurs sensibles de la santeacute qui nest

pas reacutesolue de maniegravere uniforme au sein de lUnion europeacuteenne Ladoption de

reacuteglementations telles que la directive CE ndeg 2004-23 du 31 mars 2004 concernant les aspects

de seacutecuriteacute et de qualiteacute pour les diffeacuterentes opeacuterations relatives aux eacuteleacutements biologiques

dorigine humaine va dans le sens de cette harmonisation

3 - Les normes europeacuteennes de qualiteacute et de seacutecuriteacute concernant les diffeacuterentes opeacuterations

relatives aux tissus et aux cellules humains

11 La directive CE ndeg 2004-23 du 31 mars 2004 constitue un texte important dans un secteur

ougrave lharmonisation communautaire tardait nonobstant le maillage reacuteglementaire existant en

23

matiegravere de meacutedicaments agrave usage humain (Dir CE ndeg 2001-83 du 6 nov 2001) Le texte

sapplique essentiellement aux eacuteleacutements biologiques destineacutes agrave lhomme ou agrave la fabrication de

produits manufactureacutes y compris pour des buts cosmeacutetiques agrave lexception des produits

destineacutes agrave des greffes autologues dans le cadre dune intervention chirurgicale unique du sang

et des produits sanguins (Dir CE ndeg 2002-98 du 27 janv 2002) des organes ou des parties

dorganes utiliseacutes aux mecircmes fins que lorgane entier dans le corps humain Les utilisations agrave

des fins de recherche sont eacutegalement exclues La directive sapplique en revanche aux gamegravetes

et aux cellules souches embryonnaires mais laisse aux Etats membres la faculteacute den autoriser

lutilisation Dune maniegravere geacuteneacuterale le texte communautaire nimpose pas de modegravele eacutethique

mais des obligations techniques dans un but de seacutecuriteacute sanitaire comprenant notamment la

mise en place dun systegraveme qualiteacute et de traccedilabiliteacute la deacutesignation dune personne responsable

mais il insiste cependant sur la gratuiteacute des dons et les exigences en matiegravere de consentement

La transposition qui ne devrait pas affecter de maniegravere sensible le cadre juridique franccedilais

actuel doit intervenir avant le 7 avril 2006

4 - Les cellules souches embryonnaires

12 Moins de deux mois apregraves ladoption de la reacutevision des lois bioeacutethiques et en application

de larticle 37 du nouveau texte qui autorise agrave titre transitoire avant la mise en place de

lAgence de la Biomeacutedecine les ministres concerneacutes agrave permettre limportation agrave des fins de

recherche de cellules souches embryonnaires humaines un deacutecret et un arrecircteacute (JO ndeg 228 du

30 sept 2004 p 16804) du 28 septembre 2004 viennent dy proceacuteder Les recherches sur ces

cellules fort contesteacutees il y a encore peu puisque la preacuteceacutedente autorisation dimportation de

cellules souches dorigine embryonnaire avait fait lobjet dun contentieux (TA Paris 21 janv

2003 D 2004 Somm p 532 obs H Gaumont-Prat LPA 2003 ndeg 196 p 7 note B

Pauvert) entrent donc rapidement dans la reacutealiteacute Ces souches importeacutees seront rapidement

supplanteacutees par pregraves de 50 000 embryons congeleacutes en France dont les geacuteniteurs ont renonceacute agrave

ce quils accegravedent agrave la naissance et qui vont pouvoir prochainement servir de mateacuteriel

dexpeacuterimentation comme la loi nouvelle lautorise deacutesormais

Mots cleacutes

PERSONNE HUMAINE Panorama 2004

Gazette du Palais 29 mai 2004 ndeg 150 P 15 - Tous droits reacuteserveacutes

Famille - Personnes

040412

ADOPTION Adoption pleacuteniegravere - Enfants pouvant faire lobjet dune adoption - Enfant neacute dune megravere

porteuse (non)

La materniteacute pour autrui dont le caractegravere illicite se deacuteduit des principes geacuteneacuteraux du Code

civil et aujourdhui de son article 16-7 reacutealise un deacutetournement de linstitution de ladoption

que les juges du fond ont donc agrave bon droit refuseacute de prononcer sans violer aucun des textes

invoqueacutes

C cass 1re civ 9 deacutecembre 2003 Mme X c Procureur geacuteneacuteral pregraves le Cour dappel de Y-

Pourvoi ndeg 0103927 Q - Rejet (C app Paris 1er feacutevrier 2001) - gr ndeg 1644P

NOTE

Reacuteiteacuteration de linterdiction dune adoption lieacutee agrave une procreacuteation pour le compte

dautrui -

24

Larrecirct rendu le 9 deacutecembre 2003 ne surprendra pas puisquil sinscrit dans la ligne traceacutee par

la Cour de cassation depuis 1989 confirmeacutee par la loi du 29 juillet 1994 relative au respect du

corps humain

En lespegravece Georges D et Denise M seacutetaient marieacutes le 15 deacutecembre 1962 et avaient eu un

enfant Fabrice neacute le 11 novembre 1966 Leacutepouse nayant pu avoir un deuxiegraveme enfant

pourtant vivement souhaiteacute le couple se serait adresseacute agrave une laquoamieraquo qui aurait accepteacute davoir

des relations intimes avec Georges D jusquagrave ce quelle conccediloive un enfant quil eacutetait convenu

de laisser degraves sa naissance au pegravere et agrave son eacutepouse

Cest ainsi que serait neacutee Sarah le 4 juillet 1987 qui fut deacuteclareacutee sur les registres de leacutetat civil

sans indication de filiation maternelle reconnue par Georges D puis recueillie aussitocirct par

celui-ci et son eacutepouse Cette derniegravere avait pris la preacutecaution de seacuteloigner de son domicile

pendant les derniers mois du deacuteveloppement in utero de lenfant afin que la substitution

maternelle soit ignoreacutee de lentourage des deux eacutepoux

Il sagissait donc bien selon les propres dires de Georges et Denise D dune materniteacute pour

autrui sans recours aux techniques modernes de procreacuteation meacutedicalement assisteacutee selon un

processus agrave la fois naturel et vieux comme le monde (1)

En janvier 1999 Denise D a saisi le Tribunal de grande instance dune requecircte en adoption

pleacuteniegravere de la fille de son mari

Le Tribunal par jugement du 8 deacutecembre 1999 puis la Cour dappel de Paris par arrecirct du 1er

feacutevrier 2001 ont rejeteacute sa demande au motif quen application des art 6 et 1128 C civ la

convention par laquelle une femme sengage agrave concevoir et agrave porter un enfant pour

labandonner agrave sa naissance est nulle car elle contrevient tant au principe dordre public de

lindisponibiliteacute du corps humain quagrave celui de lindisponibiliteacute de leacutetat des personnes et que

ladoption envisageacutee neacutetait que lultime phase dun processus illicite constitutif dun

deacutetournement de linstitution de ladoption

On reconnaicirctra lagrave les formules mecircmes employeacutees par la Cour de cassation notamment dans

son arrecirct dassembleacutee pleacuteniegravere du 31 mai 1991 (2) Il nest donc pas eacutetonnant que la Cour

suprecircme ait rendu un arrecirct de rejet dautant plus que sa jurisprudence a eacuteteacute conforteacutee par le

nouvel art 16-7 inseacutereacute dans le Code civil par la loi ndeg 94-653 du 29 juillet 1994 (3) qui

dispose que toute convention portant sur la procreacuteation ou la gestation pour le compte dautrui

est nulle

La Cour de cassation a bien entendu viseacute expresseacutement ce texte nouveau mais elle a tenu agrave

rappeler que le caractegravere illicite se deacuteduisait aussi des principes geacuteneacuteraux du Code civil

faisant ainsi implicitement reacutefeacuterence aux art 6 et 1128 de ce Code sur lesquels elle avait

preacuteceacutedemment fondeacute sa position

Le moyen de cassation tentait deacutechapper agrave la jurisprudence de la Cour suprecircme en se fondant

sur les circonstances de lespegravece et notamment sur le fait que la requecircte en adoption navait

eacuteteacute formeacutee que douze anneacutees apregraves la naissance de lenfant de sorte que lindivisibiliteacute entre la

materniteacute pour autrui et ladoption ne serait pas caracteacuteriseacutee Mais la Cour dappel avait

reacutepondu agrave cette argumentation en eacutenonccedilant que labandon de lenfant agrave naicirctre objet de

lobligation contracteacutee par la megravere biologique eacutetait destineacute agrave permettre que lenfant reconnu

par Georges D puisse ecirctre adopteacute par son eacutepouse et en soulignant que celle-ci avait dans le

mecircme but accepteacute linseacutemination dune autre femme par les gamegravetes de son mari et quelle

avait participeacute activement au processus en prenant toutes preacutecautions pour que la substitution

de materniteacute soit ignoreacutee des tiers

Denise D soutenait en outre que linteacuterecirct de lenfant retenu tant par lart 353 C civ que par

les art 3 et 21 de la Convention internationale des droits de lenfant devait primer sur le souci

de sanctionner lilliceacuteiteacute de la convention qui avait preacutesideacute agrave sa conception et agrave sa naissance

La Cour de cassation ne sest pas arrecircteacutee agrave cette argumentation pas plus quelle ne sy eacutetait

arrecircteacutee en 1991 pour elle lensemble de lopeacuteration est indivisible le deacutetournement de

25

linstitution de ladoption est caracteacuteriseacute et il convient de lutter contre la politique du fait

accompli (4) Laccepter au nom de linteacuterecirct de lenfant ne conduirait-il pas comme on la

souligneacute en doctrine (5) agrave admettre le commerce des enfants sous preacutetexte que bien souvent

ceux-ci y trouveraient beacuteneacutefice

(1) Selon la Bible Sarah eacutepouse dAbraham ne pouvant avoir denfant de lui lenvoya aupregraves

de son esclave eacutegyptienne Agar dont il eut un fils Ismaeumll Agar fut renvoyeacutee avec celui-ci

lorsque Sarah tregraves acircgeacutee mit au monde Isaac le fils de la promesse

Cest sans doute une coiumlncidence si nous trouvons aussi dans notre affaire une laquoSarahraquo qui

tient il est vrai un rocircle tout diffeacuterent de celui deacutevolu agrave son homonyme biblique

Lhistoire reacutevegravele eacutegalement des cas relativement freacutequents ougrave pour pallier agrave la steacuteriliteacute du

mari et pour permettre la continuation de la ligneacutee et la perpeacutetuation dun nom ou dun titre un

laquovaletraquo - souvent ensuite renvoyeacute - eacutetait chargeacute de feacuteconder leacutepouse Le proceacutedeacute eacutetait

juridiquement parfait dans la mesure ougrave par le jeu de la preacutesomption de paterniteacute le mari

devenait leacutegalement le pegravere de lenfant

(2) Cass ass pleacuten 31 mai 1991 Bull civ 1991 ndeg 4 Gaz Pal Rec 1991 panor cass p

162 [912144] D 1991 jur p 417 rapport Y Chartier note G Thouvenin JCP 1991 II

21752 comm J Bernard concl H Dontenwille note F Terreacute Defreacutenois 1991 art 35088

ndeg 67 p 948 obs J Massip RTD civ 1991 517 obs D Huet-Weiller Dans le mecircme sens

v Cass civ 1re 29 juin 1994 Bull civ 1994 I ndeg 226 Gaz Pal Rec 1995 jur p 36 note

J B [943856] D 1994 jur p 581 note Y Chartier JCP 1995 II 223621 note J Rubellin-

Devichi RTD civ 1994 p 842 obs J Hauser Defreacutenois 1995 art 36024 ndeg 4 p 315

obs J Massip

V aussi Cass civ 1re 13 deacutecembre 1989 Bull civ 1989 I ndeg 387 Gaz Pal Rec 1990

panor cass p 66 [901122] D 1990 jur p 273 rapport J Massip Defreacutenois 1990 art

34802 ndeg 55 p 743 obs J-L Aubert et art 34815 p 862 rapport J Massip et JCP 1990 II

21526 note A Seriaux Dans cette affaire la Cour de cassation avait proclameacute par des motifs

analogues agrave ceux adopteacutes par les arrecircts de 1991 et 1994 le caractegravere illicite de la materniteacute

pour autrui et des associations qui sefforcent de la promouvoir

(3) Sur cette loi v notamment notre commentaire in Defreacutenois 1975 art 35975 et 35922

speacutecialement en ce qui concerne lart 16-7 C civ le ndeg 9 de cette eacutetude p 72

(4) Sur ces divers points v notre note preacuteciteacutee sous Cass ass pleacuten 31 mai 1991

(5) Obs J Hauser sous larrecirct rendu le 1er feacutevrier 2001 par la Cour dappel de Paris dans le

preacutesente affaire in RTD civ 2001 347

AD2008DEF0291N1

Reacutepertoire du Notariat Defreacutenois 15 feacutevrier 2008 ndeg 3 P 291 - Tous droits reacuteserveacutes

FILIATION

38717 La convention de megravere porteuse

(Reacuteflexions sur les sources du droit et les principes dindisponibiliteacute du corps humain et de leacutetat des personnes)

Le droit franccedilais prohibe les conventions de megraveres porteuses

26

Malgreacute linterdiction leacutegale de nombreux couples ont chercheacute et cherchent encore agrave

contourner cette interdiction notamment en ayant recours agrave des megraveres de substitution dans

des pays eacutetrangers ougrave cette pratique est autoriseacutee

La Cour de cassation veille agrave ce que linstitution de ladoption ne soit pas deacutetourneacutee au profit

de ces parents

Dans un arrecirct du 25 octobre 2007 la cour dappel de Paris vient de reacuteouvrir le deacutebat non sur

le terrain de la convention mais sur celui de la non-transcription des actes de naissance et de

linteacuterecirct supeacuterieur de lenfant

Une excellente occasion de faire le point sur la question et de sinterroger pour lavenir avant

la reacutevision de la loi bioeacutethique en 2009

par Rabih CHENDEB

Docteur en droit

ATER agrave lUniversiteacute de Picardie Jules Verne

laquo La science va Elle est ineacuteluctable Ce quil faut cest la rendre eacutethique raquo (1)

Le droit positif franccedilais interdit de recourir aux megraveres porteuses si un couple conccediloit un

embryon in vitro qui est implanteacute dans luteacuterus dune tierce femme cest cette tierce femme

qui est la megravere selon la loi franccedilaise et les parents biologiques ne peuvent avoir aucun droit

mecircme en cas dabandon de lenfant agrave la naissance par la megravere porteuse La loi bioeacutethique de

1994 a interdit la gestation pour autrui car cela soulevait des questions

dinstrumentalisation et de commercialisation du corps de la femme

De nombreux couples en mal denfants ont depuis longtemps chercheacute agrave contourner les regravegles

notamment en ayant recours agrave des megraveres de substitution qui vivent dans des pays ougrave cette

pratique est autoriseacutee Jusquagrave preacutesent la Cour de cassation ne sy est jamais laisseacutee prendre et

condamnait ladoption faite par les parents de lenfant de la megravere porteuse consideacuterant quil

sagissait dun deacutetournement de linstitution de ladoption (I)

Le 25 octobre 2007 la cour dappel de Paris vient donner lespoir dune ouverture vers

lacceptation dans linteacuterecirct de lenfant de cette deacutemarche Cette deacutecision de la cour dappel

pourrait changer les choses en attendant la reacutevision de la loi bioeacutethique preacutevue en 2009 Une

chose est sucircre cet arrecirct a le meacuterite douvrir le deacutebat et de poser la question de linteacuterecirct de

lenfant comme exception agrave lindisponibiliteacute de leacutetat des personnes et agrave linterdiction de la

pratique des megraveres porteuses Une certaine eacutevolution des mentaliteacutes ainsi que la dispariteacute

entre la loi franccedilaise et dautres leacutegislations nationales pourraient donner lieu agrave un

assouplissement de cette leacutegislation (II)

I Lhostiliteacute du leacutegislateur et de la jurisprudence agrave leacutegard de la convention de megravere porteuse

Au siegravecle dernier seacutetaient deacuteveloppeacutees des associations ayant pour but de faire se rencontrer

des couples deacutesireux davoir un enfant et des femmes acceptant de le porter pour ensuite le

leur laquo ceacuteder raquo par contrat Pour des raisons plus ou moins louables le proceacutedeacute fut rapidement

condamneacute par le droit franccedilais (A) tout comme ladoption qui sen suivait (B)

27

A Le caractegravere illicite de la convention de megravere porteuse

La megravere porteuse met en effet agrave mal le scheacutema classique de la famille On affirmait en Droit

romain que la megravere eacutetait sucircre et que le pegravere eacutetait le mari Le Code napoleacuteon a enteacuterineacute cette

conception Dire que lenfant possegravede une megravere geacuteneacutetique et une megravere uteacuterine va agrave lencontre

de ses dispositions (2)

Pris au deacutepourvu le leacutegislateur franccedilais a tardeacute agrave reacuteagir face aux progregraves scientifiques Il en

est reacutesulteacute un vide juridique auquel la jurisprudence sest efforceacutee de faire face Devant cette

heacutesitation bien compreacutehensible du droit les ressources de la morale de la deacuteontologie et

surtout de la bioeacutethique ont eacuteteacute solliciteacutees (3) Le Conseil dEtat confronteacute aux associations

voulant intervenir dans ce domaine a ainsi prononceacute la dissolution de ces associations pour

objet illicite (4) Le 13 deacutecembre 1989 la premiegravere chambre civile de la Cour de cassation a

releveacute le principe dindisponibiliteacute du corps humain par une interpreacutetation a contrario de

larticle 1128 du Code civil qui dispose qu laquo il ny a que les choses qui sont dans le

commerce qui puissent ecirctre lobjet des conventions raquo La personne ne dispose pas de son

corps elle nen est pas proprieacutetaire (5) Le 31 mai 1991 lassembleacutee pleacuteniegravere de la Cour de

cassation vise les articles 6 1128 et 353 du Code civil afin daffirmer le caractegravere illicite de la

convention conclue entre une megravere porteuse et un couple steacuterile En effet ce contrat porte sur

deux corps humains la megravere et lenfant (6)

Rapidement le leacutegislateur est venu leacutegifeacuterer dans ce sens avec la loi no 94-653 du 29 juillet

1994 relative agrave la bioeacutethique pour que le Code civil reconnaisse le corps humain en tant que

tel Cette loi prend deacutesormais explicitement en compte le corps humain parce quil a voulu

promouvoir son respect face au deacuteveloppement des sciences biomeacutedicales Cette loi a entraicircneacute

la modification et la creacuteation darticles dans le Code civil et le Code peacutenal

Le principe du respect de la digniteacute de la personne humaine est poseacute par larticle 16 du Code

civil laquo La loi assure la primauteacute de la personne interdit toute atteinte agrave la digniteacute de celle-ci

et garantit le respect de lecirctre humain degraves le commencement de sa vie raquo Le nouvel article 16-1

preacutevoit que laquo Chacun a droit au respect de son corps Le corps humain est inviolable Le

corps humain ses eacuteleacutements et ses produits ne peuvent faire lobjet dun droit patrimonial raquo

Par conseacutequent selon larticle 16-5 laquo Les conventions ayant pour effet de confeacuterer une

valeur patrimoniale au corps humain agrave ses eacuteleacutements ou agrave ses produits sont nulles raquo De mecircme

quand une personne accepte de donner son sang ce ne peut ecirctre quagrave titre beacuteneacutevole Enfin

larticle 16-7 dispose mecircme laquo Toute convention portant sur la procreacuteation ou la gestation

pour le compte dautrui est nulle raquo (7)

En outre cette interdiction est assortie dune sanction peacutenale pouvant aller jusquagrave un an

demprisonnement et 15 000 euro damende pour celui qui sentremet ou tente de sentremettre

entre une personne ou un couple deacutesireux daccueillir un enfant et une femme acceptant de

porter en elle cet enfant en vue de le leur remettre Lorsque ces faits ont eacuteteacute commis agrave titre

habituel ou dans un but lucratif les peines sont porteacutees au double (8)

En deacutepit de la reacutesistance de quelques juges du fond qui ont admis ladoption la Cour de

cassation na pas infleacutechi sa position (9) Elle sest reacutecemment opposeacutee agrave ladoption simple

dun enfant par un couple homosexuel estimant cette adoption contraire agrave laquo linteacuterecirct supeacuterieur

de lenfant raquo (10)

28

Analyseacutes dans le contexte de ces deacutecisions les deux principes de lilliceacuteiteacute des conventions et

de lindisponibiliteacute du corps humain expriment une mecircme ideacutee la condamnation dune

convention qui porte sur le corps humain celui de lenfant agrave naicirctre et celui de la femme qui la

conccedilu et porteacute

Toutefois les motifs adopteacutes par la Cour de cassation savegraverent dune extrecircme faiblesse En

effet ces motifs sont lieacutes agrave lilliceacuteiteacute de lobjet des conventions agrave lindisponibiliteacute du corps

humain ainsi quagrave lindisponibiliteacute de leacutetat des personnes (11) Pourtant les lois dites laquo

bioeacutethiques raquo du 29 juillet 1994 puis la loi du 6 aoucirct 2004 (12) relative agrave la bioeacutethique ont

admis lutilisation des eacuteleacutements et des produits du corps humain agrave des fins theacuterapeutiques ou

scientifiques Effectivement une loi en date du 24 janvier 1953 deacutetermine laquo les tarifs de

cession du sang raquo Les dispositions sont aujourdhui dans le Code de la santeacute publique Degraves

lors on peut donner ses gamegravetes ses organes son sang Il semble que plus quune approche

anthropologique des sciences meacutedicales (qui conduiraient agrave une ineacutevitable instrumentalisation

du corps des hommes) il existerait ce que nous appelons une technoscience laquo de linvisible

raquo que seul le droit accepte de leacutegitimer (13)

Par ailleurs la terminologie employeacutee par le leacutegislateur de 1994 est eacuteloquente Cest

certainement parce que le principe dindisponibiliteacute du corps humain sest aveacutereacute irreacutealiste videacute

de sa substance par le nombre et limportance de ses exceptions que le leacutegislateur lui a preacutefeacutereacute

celui de non-patrimonialiteacute qui figure aujourdhui aux articles 16-1 16-5 et 16-6 du Code

civil Il est donc possible de disposer de son corps agrave titre de dons dans les limites de la loi

(14)

Pour conclure sur ce point il sera emprunteacute les propos de Mme Mayer-Jack laquo

Malheureusement si ce principe dindisponibiliteacute du corps humain possegravede les qualiteacutes trop

rares decirctre nettement formuleacute et universellement admis il apparaicirct agrave la reacuteflexion frappeacute dun

vice radical il se reacutevegravele contraire aux faits raquo (15)

B La nulliteacute de ladoption

En matiegravere de materniteacute de substitution lenfant reste au coeur du deacutebat Il est laquo lobjet raquo de la

convoitise du couple demandeur et lobjet de la convention En vue de permettre

leacutetablissement dune filiation adoptive deux processus eacutetaient suivis par lesdits couples

processus que la Cour de cassation sempressa dinterdire agrave son tour

1 Le contournement aveacutereacute de la loi par les couples restant en France

En effet le processus se deacuteroulait en trois eacutetapes dans un premier temps lembryon issu des

gamegravetes du couple ou du mari et de la femme porteuse eacutetait implanteacute dans luteacuterus de cette

derniegravere La megravere porteuse suivait sa grossesse normalement notamment au regard du suivi

meacutedical (16) Ensuite elle accouchait anonymement La leacutegislation autorise les

accouchements laquo sous X raquo et reconnaicirct ainsi aux parturientes le droit de ne pas ecirctre megraveres si

elles ne le deacutesirent ou ne le peuvent pas Le pegravere fournisseur de sperme quant agrave lui effectuait

une reconnaissance preacutenatale de lenfant A sa naissance il le reconnaissait Lenfant avait

donc un pegravere mais sans indication de la filiation maternelle Enfin leacutepouse de ce dernier

adoptait de maniegravere pleacuteniegravere lenfant Leacutetat de mariage de la megravere porteuse ne changeait rien

puisque laccouchement anonyme empecircchait que le mari soit consideacutereacute comme pegravere preacutesumeacute

29

Depuis larrecirct Alma Mater (17) nous savons que la convention de materniteacute de substitution

est nulle car contrevenant agrave lordre public (18) Mais jusqualors la jurisprudence avait eu le

soin de dissocier convention et adoption Toute convention portant sur la procreacuteation ou la

gestation pour le compte dautrui eacutetant nulle la convention de megravere porteuse ayant permis la

naissance de lenfant en cause est donc incontestablement frauduleuse Degraves lors la possession

deacutetat sur laquelle les demandeurs se fondent pour voir eacutetablir un lien de filiation leacutegitime agrave

leur profit et lacte de notorieacuteteacute quils ont ainsi obtenu sont eux-mecircmes vicieacutes et ne peuvent

donc permettre leacutetablissement dun tel lien Par ailleurs la Convention de New York sur les

droits de lenfant garantit notamment agrave celui-ci laccegraves agrave ses origines Or lapplication de la

convention frauduleuse aurait pour effet de consacrer un mensonge lacte de naissance qui

serait eacutetabli sur le fondement de cette convention aboutirait en effet agrave nier totalement les

conditions dans lesquelles lenfant a eacuteteacute conccedilu En conseacutequence les demandeurs ne pourront

se preacutevaloir de la possession deacutetat vicieacutee pour obtenir la retranscription de lacte de notorieacuteteacute

sur lacte de naissance de lenfant (19) Ainsi la prohibition de la convention a entraicircneacute dans

son sillage une impossibiliteacute dadoption par leacutepouse du pegravere (20) Il y a deacutetournement de

linstitution de ladoption pleacuteniegravere en ce que lenfant a eacuteteacute conccedilu pour ecirctre abandonneacute par sa

megravere et adopteacute par une autre (21)

Il en reacutesulte que cest labandon de lenfant qui rend impossible ladoption par leacutepouse du

mari Or labandon de lenfant constitue deacutejagrave une deacutemarche parfaitement licite et reacuteglementeacutee

par la loi Il suffit pour sen convaincre de lire attentivement les textes adeacutequats agrave savoir les

articles 61 et 62 du Code de la famille et de laide sociale 348-3 et 350 du Code civil et 1158

agrave 1163 du Code de proceacutedure civile Il suffit agrave la megravere et plus geacuteneacuteralement agrave la personne

investie des droits parentaux de confier 1enfant agrave un eacutetablissement ou agrave un service de laide

sociale agrave 1enfance (ASF) ou mecircme agrave un particulier puis de sen deacutesinteacuteresser

manifestement pendant une anneacutee nentretenant avec lui aucune relation neacutecessaire au

maintien de liens affectifs Le tribunal de grande instance peut degraves lors sauf agrave prendre en

consideacuteration le cas exceptionnel de grande deacutetresse du parent deacutefaillant deacuteclarer 1enfant

abandonneacute agrave la requecircte de tout inteacuteresseacute et notamment de leacutetablissement service ou famille

daccueil (22) laquo On cesse dinterdire une pratique non pas lorsquelle se deacuteveloppe mais

lorsquon ne sait plus pourquoi elle est interdite raquo (23)

Dailleurs une contradiction engendre ce refus dadoption En effet laquo consideacuterer ladoption

indissociable de la convention revient agrave ne voir lenfant que comme lobjet de cette convention

raquo (24) Ainsi les parents ont pu eacutetablir anteacuterieurement agrave la naissance le processus dont

ladoption est laquo lultime phase raquo Mais ce processus nest pas fait dans lintention de nuire agrave

lenfant Alors comment comprendre la seacuteveacuteriteacute afficheacutee de la Cour de cassation

Traiter lenfant comme une veacuteritable personne implique de dissocier la convention ougrave il

nintervient pas et ladoption dont il est partie prenante et mecircme partie principale Il faut

sinterroger sur son inteacuterecirct propre quitte agrave le confronter ensuite agrave ceux auxquels il soppose

(25)

2 Lexpansion du tourisme procreacuteatif

La dispariteacute des regravegles nationales agrave propos de la gestation pour autrui a conduit certains

couples agrave se rendre agrave leacutetranger pour pouvoir avoir recours agrave une megravere porteuse on parle

deacutesormais de laquo tourisme procreacuteatif raquo (26)

30

Lagrave encore le processus deacutebute par une inseacutemination artificielle mais les pays ayant leacutegaliseacute la

gestation pour le compte dautrui permettent par ailleurs que lembryon inseacutemineacute dans

luteacuterus de la femme soit issu de la rencontre des gamegravetes des deux parents demandeurs

Lenfant est donc geacuteneacutetiquement lenfant du couple Il a pour parent degraves sa naissance le

couple demandeur il porte leur nom et le preacutenom quils lui ont choisi Mais pour exister en

France il est neacutecessaire de recourir agrave une transcription sur les registres de leacutetat civil franccedilais

de lacte de naissance eacutetranger Lagrave encore la seacuteveacuteriteacute est de mise puisque le parquet de

Nantes qui a en charge la transcription des eacutetats civils venant de leacutetranger refuse

systeacutematiquement cette transcription qui nest pas conforme agrave la leacutegislation franccedilaise (27)

Les magistrats ont eacuteteacute confronteacutes agrave ces situations ougrave la megravere commanditaire deacutesirait eacutetablir un

lien de filiation entre elle et lenfant issu de la convention de materniteacute de substitution

Tel est par exemple le cas qui a eacuteteacute trancheacute par la cour dappel de Rennes le 4 juillet 2002

(28) Dans cet arrecirct la cour dappel a rejeteacute ladoption des enfants par un couple qui a conclu

en Californie une convention portant sur la gestation dun embryon issu de leurs propres

gamegravetes La cour relegraveve que laquo la loi franccedilaise ne donne pas une deacutefinition de la megravere raquo cette

notion est inscrite dans les mentaliteacutes depuis des siegravecles par ladage Mater semper certa est

Cest laccouchement qui deacutetermine la megravere et non la seule reacutealiteacute geacuteneacutetique

Cette jurisprudence installeacutee depuis le ceacutelegravebre arrecirct de lassembleacutee pleacuteniegravere du 31 mai 1991

constitue une atteinte directe agrave linteacuterecirct de lenfant Ce dernier est priveacute de toute filiation

maternelle leacutegalement reconnue et ce sans beacuteneacutefice pour personne (29)

Malheureusement en raison de cette solution les deux enfants sont acircgeacutes de sept ans et vivent

aupregraves de leur pegravere naturel et de sa compagne dont la materniteacute ne peut leacutegalement ecirctre eacutetablie

(30)

Cette jurisprudence preacutesente un point faible Selon larticle 353 du Code civil le tribunal de

grande instance saisi dune requecircte aux fins dadoption pleacuteniegravere veacuterifie si les conditions de

la loi sont remplies et si ladoption est conforme agrave linteacuterecirct de lenfant Or en loccurrence

le preacutetendu droit de lenfant ne coiumlncide pas avec son inteacuterecirct seul mis en avant dans 1article

353 du Code civil Le refus par la cour dappel de prononcer ladoption pleacuteniegravere a priveacute les

deux enfants (au nom de leur droit aussi eacuteminent que symbolique agrave la non-chosification) dun

avantage concret et primordial leur admission au statut denfants leacutegitimes de leurs vrais

parents geacuteneacutetiques (31) Simples enfants naturels ou adulteacuterins de leur pegravere ils demeureront

sans lien de filiation maternelle Un tel problegraveme meacuterite que les juridictions se penchent au

moins sur lui (32) La protection de linstitution de ladoption sopegravere au deacutetriment du droit

reconnu agrave lenfant deacutetablir sa filiation par le biais dune discrimination fondeacutee sur les

circonstances de sa naissance (33) La jurisprudence nous semble aller agrave lencontre des

engagements internationaux contracteacutes par la France (34)

II Leacutevolution des mentaliteacutes vers une leacutegislation plus souple

Jusquagrave preacutesent la jurisprudence a toujours interdit ladoption des enfants par des couples

ayant eu recours agrave la gestation pour autrui consideacuterant quil sagit dun deacutetournement de

linstitution de ladoption (35)

Un grand quotidien Libeacuteration reacutevegravele que la cour dappel de Paris a reconnu comme parents

leacutegitimes de jumelles un couple franccedilais ayant fait appel agrave une megravere porteuse ameacutericaine

31

Une chose est sucircre cet arrecirct a le meacuterite douvrir le deacutebat et de poser la question de linteacuterecirct de

lenfant comme exception agrave lindisponibiliteacute de leacutetat des personnes et agrave linterdiction de la

pratique des megraveres porteuses (A) Lorsque lon accepte une loi eacutetrangegravere qui a eacuteteacute appeleacutee au

secours pour contourner la loi franccedilaise la modification de la loi franccedilaise nest pas loin (B)

A Lassouplissement de la jurisprudence

Dans laffaire porteacutee devant la cour dappel de Paris que nous avons abordeacutee rapidement

preacuteceacutedemment un couple dont la femme ne peut assurer la gestation en raison dune

malformation congeacutenitale se rend en Californie ougrave il conclut une convention portant sur la

gestation dun embryon issu de leurs propres gamegravetes Des jumelles naissent de cette

convention Le droit californien fait abstraction du deacutefaut daccouchement La concubine est

inscrite comme megravere dans les registres de naissance de Californie Quelques semaines plus

tard le couple reconnaicirct les enfants en France Mais agrave leur retour dans lHexagone ils sont

placeacutes en garde agrave vue puis mis en examen pour laquo entremise entre une personne deacutesireuse

dadopter un enfant et un parent deacutesireux dabandonner son enfant neacute ou agrave naicirctre raquo et pour laquo

simulation ayant entraicircneacute une atteinte agrave leacutetat civil de lenfant raquo

En 2004 le juge dinstruction rend un non-lieu sur les poursuites peacutenales les faits seacutetant

deacuterouleacutes dans un pays ougrave cette pratique est leacutegale Le parquet a alors continueacute son offensive

sur le terrain civil et chercheacute agrave faire annuler la filiation et la transcription sur leacutetat civil Le

tribunal de grande instance a deacuteclareacute cette demande irrecevable en deacutecembre 2005 Une

deacutecision rendue par la cour dappel de Paris confirme ce jugement le 25 octobre dernier apregraves

avoir estimeacute que laquo La non-transcription des actes de naissances aurait des conseacutequences

contraires agrave linteacuterecirct supeacuterieur des enfants qui au regard du droit franccedilais se verraient priveacutes

dactes deacutetat civil indiquant leur lien de filiation y compris agrave leacutegard de leur pegravere biologique

raquo

La question sera deacutesormais soumise agrave la Cour de cassation qui a deacutejagrave pris des deacutecisions

progressistes dans des questions relatives au droit de la famille notamment dans linteacuterecirct de

lenfant Elle a ainsi fait le 24 feacutevrier 2006 un pas important vers la reconnaissance de

lhomoparentaliteacute en autorisant quun parent homosexuel deacutelegravegue tout ou partie de son

autoriteacute parentale agrave son partenaire avec lequel il vit en union stable agrave condition que cette

mesure soit prise dans linteacuterecirct supeacuterieur de lenfant (36)

Le plus important reacuteside dans le fait que la cour dappel de Paris a estimeacute que la non-

transcription sur les actes de naissance aurait des conseacutequences contraire agrave llaquo inteacuterecirct de

lenfant raquo Depuis longtemps linteacuterecirct de lenfant est au centre du droit de la famille et depuis

quelques anneacutees celui-ci devient veacuteritablement la pierre angulaire de cette discipline (37)

Dans un arrecirct du 18 mai 2005 la premiegravere chambre civile de la Cour de cassation preacutecise au

visa de larticle 3-1 de la Convention relative aux droits de lenfant que laquo dans toutes les

deacutecisions qui concernent les enfants linteacuterecirct supeacuterieur de lenfant doit ecirctre une

consideacuteration primordiale raquo (38) Mais que faut-il entendre par inteacuterecirct supeacuterieur de lenfant

(39)

Bien que le nouvel article L 112-4 du Code de laction sociale et des familles (40) et larticle

371-1 du Code civil semblent deacutefinir les eacuteleacutements constitutifs de cette notion llaquo inteacuterecirct de

lenfant raquo reste un concept assez flou que le leacutegislateur et les juges se gardent bien de deacutefinir

preacuteciseacutement on ne peut limiter linteacuterecirct supeacuterieur de lenfant agrave la protection de sa santeacute de sa

seacutecuriteacute et de sa moraliteacute Certes ces eacuteleacutements sont les bases de linteacuterecirct de lenfant mais

32

puisque celui-ci peut deacutepasser le strict cadre du droit de lautoriteacute parentale voire du droit de

la famille cette vision serait bien trop reacuteductrice

Le sens de cette notion peut encore sobscurcir si lon considegravere quelle peut se confondre avec

dautres concepts voisins Larticle 371-5 doit ainsi conduire agrave distinguer linteacuterecirct de lenfant de

celui de la fratrie En effet si celle-ci a inteacuterecirct agrave rester unie certaines circonstances permettent

deacutecarter un de ses membres dans son inteacuterecirct exclusif

Un amendement proposait cependant agrave la suite du nouvel article L 112-4 du Code de laction

sociale et des familles une deacutefinition inteacuteressante laquo Linteacuterecirct supeacuterieur de lenfant est deacutefini

comme lassurance de la protection de sa seacutecuriteacute personnelle et affective lassurance dun

contexte familial permettant un bon deacuteveloppement physique intellectuel affectif et social

lassurance dune relation dattachement parental permettant de se construire Linteacuterecirct

supeacuterieur de lenfant tel que deacutefini constitue son projet de vie raquo (41)

On ne peut que se feacuteliciter de la mise en avant de linteacuterecirct de lenfant pour deacuteroger agrave la sacro-

sainte interdiction des megraveres porteuses car il est vrai quil ne faut pas oublier que limportant

reste dabord et avant tout lenfant qui a et doit avoir une place centrale au sein de la famille

On peut envisager que cette reacutecente jurisprudence puisse influencer la reacuteflexion sur le recours

aux laquo megraveres porteuses raquo sur le territoire national qui conduise agrave une eacutevolution de la loi

B Vers une eacutevolution de la loi

Alors que la France interdit la laquo gestation pour autrui raquo cette pratique a eacuteteacute leacutegaliseacutee dans de

nombreux pays La France a donc une leacutegislation moins libeacuterale que dautres leacutegislations

nationales La pratique de la gestation pour autrui est notamment autoriseacutee aux Etats-Unis au

Canada en Australie et dans plusieurs pays de lUnion europeacuteenne (Espagne et Belgique

Gregravece et Royaume-Uni notamment) (42) La question de la leacutegalisation des megraveres porteuses

est tregraves controverseacutee en France et demanderait un strict encadrement (43)

On enseigne habituellement que les questions deacutetat ne peuvent deacutependre de la seule volonteacute

individuelle Leacutetat des personnes - le droit de la filiation en particulier - eacutechapperait aux

conventions Mais ce principe nest plus si absolu Leacutevolution contemporaine reacuteduit laspect

institutionnel Une place nettement importante a eacuteteacute faite dans lorganisation des relations

familiales agrave la volonteacute individuelle laquo Laccroissement du pouvoir des volonteacutes individuelles

dans le droit de la famille est une marque essentielle de ce droit raquo (44) Dougrave la justesse de

lexpression laquo contractualisation du droit de la famille raquo Le rocircle de la volonteacute individuelle

tend agrave ecirctre de plus en plus important (45) Tel est le cas du divorce du PACS et du mariage

La procreacuteation nest plus la finaliteacute avec larriveacutee en force dans des pays voisins du mariage

homosexuel

Une certaine eacutevolution des mentaliteacutes ainsi que la dispariteacute entre la loi franccedilaise et dautres

leacutegislations nationales pourraient bien donner lieu agrave un assouplissement de cette leacutegislation

(46)

La gestation pour autrui permet de pallier certaines formes de steacuteriliteacute feacuteminine en raison

dune absence ou dune deacuteformation duteacuterus de conseacutequences de cancer ou reacutesultant dune

hysteacuterectomie de fausses couches reacutepeacuteteacutees dune contre-indication meacutedicale agrave la grossesse ou

de nombreux eacutechecs de feacutecondations in vitro (47) Dans ce cas on implante les gamegravetes des

parents geacuteneacutetiques dans le ventre de la megravere porteuse

33

Un autre argument favorable agrave cette pratique est la certitude apaisante pour le couple steacuterile

de ce que lenfant porteacute en uteacuterus tiers nen sera pas moins leur veacuteritable enfant geacuteneacutetique

puisque conccedilu agrave partir de leurs propres gamegravetes

De plus il faut deacutenoncer une incoheacuterence Une femme empecirccheacutee par la loi de donner avant

sa grossesse agrave un couple agreacuteeacute par elle lenfant quelle portera moyennant eacutequitable

reacutecompense possegravede en revanche le droit discreacutetionnaire de labandonner une fois neacute au

hasard des eacutetablissements ou du service de lASE ou pis encore de recourir agrave une

interruption volontaire de grossesse pendant les douze premiegraveres semaines (48)

La possession deacutetat repreacutesente une valeur humaine et sociale qui doit ecirctre prise en compte en

tant que telle Comme lont joliment affirmeacute M Hauser et Mme Huet-Weiller laquo elle est la

veacuteriteacute des sentiments la veacuteriteacute du coeur tout aussi respectable sinon plus que celle des

registres deacutetat ou mecircme de nos gegravenes raquo (49) Ainsi on peut ecirctre favorable agrave cette reacuteflexion

sous certains reacuteserves

Tout dabord le couple demandeur devait avoir plus de 18 ans et linfertiliteacute devrait ecirctre

meacutedicalement eacutetablie Ensuite seule lutilisation des gamegravetes (sperme et ovocytes) du couple

serait autoriseacutee afin deacuteviter que la gestatrice soit aussi la megravere biologique de lenfant (pour

eacuteviter des liens trop forts eacutetablis entre elle et le beacutebeacute)

De son cocircteacute la megravere porteuse devait avoir plus de 18 ans et accepter de subir des tests divers

avant la grossesse Elle serait la seule agrave donner un consentement valable concernant la gestion

de sa grossesse et elle abandonnerait ses droits parentaux agrave la naissance de lenfant tout en

assistant le couple demandeur lors de la deacutelivrance du certificat de naissance Le

consentement devrait aussi ecirctre obtenu par un entretien psychologique meacutedical et juridique

Seul le juge pourrait donner laccord au deacutebut du processus Le couple demandeur devait

sengager agrave assumer la garde de lenfant degraves sa naissance afin deacuteviter soit une non-remise

denfant soit un refus de lenfant - par exemple en cas de handicap

Concernant la reacutemuneacuteration de la megravere porteuse la marchandisation est inacceptable Les

intermeacutediaires reacutemuneacutereacutes seraient interdits Le principe du volontariat et de la gratuiteacute sont

essentiels le don de vie (50)

Enfin il ne sagirait pas de reacutemuneacuteration mais de compensation financiegravere destineacutee agrave

deacutedommager les inconveacutenients lieacutes agrave la grossesse sur la base de la loi laquo Huriet raquo (loi sur la

recherche meacutedicale avec volontaires sains) Le couple demandeur devrait prendre agrave sa charge

les deacutepenses meacutedicales leacutegales et psychologiques ainsi quun montant raisonnable alloueacute agrave la

megravere porteuse pour subvenir agrave ses besoins Les juges appreacutecieraient librement ce que peut ecirctre

un montant laquo raisonnable raquo sans que cela puisse jamais ecirctre consideacutereacute comme une laquo vente raquo

denfant

(1) B Debreacute et S Agacinski laquo Faut-il leacutegaliser les megraveres porteuses en France raquo Le Figaro Magazine du samedi 10 novembre 2007 p 50

34

(2) G David laquo Don et utilisation du sperme raquo in Actes du colloque Geacuteneacutetique procreacuteation et

droit Actes sud 1985 p 205 G-M Faure Le deacutesir denfant agrave leacutepreuve du droit Essai sur le droit de la procreacuteation meacutedicalement assisteacutee Thegravese Universiteacute de Lille 1992 p 7

(3) G Lebreton Liberteacutes publiques et droits de lhomme 6e eacuted Armand Colin 2003 p 262

(4) CE 22 janvier 1988 Lebon 1988 p 37

(5) La Cour de cassation a enteacuterineacute la position de la cour dappel de Paris pour laquelle laquo ni laltruisme du comportement de la megravere de substitution ni le caractegravere deacutesinteacuteresseacute des activiteacutes de lassociation ne sont propres agrave faire disparaicirctre lilliceacuteiteacute qui frappe laccord litigieux raquo Cass civ 1re 13 deacutecembre 1989 Bull civ I no 387 Defreacutenois 1990 art 34802 no 55 obs J-L Aubert D 1990 p 273 JCP eacuted G 1990 II 21526 note A Seacuteriaux propos recueillis par C Slobodansky laquo Le droit doit limiter les progregraves de la science raquo LPA du 7 mai 2004 no 92 p 60

(6) laquo La convention par laquelle une femme sengage fucirct-ce agrave titre gratuit agrave concevoir et porter un enfant pour labandonner agrave sa naissance contrevient tant au principe dordre public de lindisponibiliteacute du corps humain quagrave celui de lindisponibiliteacute de leacutetat des personnes raquo Cass ass pleacuten 31 mai 1991 Bull civ ass pleacuten no 4 Defreacutenois 1991 art 35142 no 103 obs J-L Aubert Defreacutenois 1991 art 35088 no 67 note J Massip RTD civ 1991 p 517 obs D Huet-Weiller et p 489 note M Gobert M Gobert laquo Reacuteflexions sur les sources du droit et les

principes dindisponibiliteacute du corps humain et de leacutetat des personnes agrave propos de la materniteacute de substitution raquo RTD civ 1992 p 489 et s speacutec p 501 dans ce sens v deacutejagrave les remarques de P Murat laquo Laction de lordonnance du 4 juillet 2005 sur la possession deacutetat raquo Dr Famille 2006 eacutetude no 6 speacutec no 7 V aussi J Massip laquo Linsertion dans le Code civil de dispositions relatives au corps humain agrave lidentification geacuteneacutetique et agrave la procreacuteation meacutedicalement assisteacutee raquo Defreacutenois 1995 art 35975 et 35992

(7) En ce sens V Depadt-Sebag laquo De la neacutecessiteacute dune reacuteforme de larticle 16-7 du Code civil relatif agrave linterdiction de gestation pour autrui raquo RGD meacuted 2004 no 12 p 135 et s

(8) Art 227-12 et s C peacuten

(9) CA Paris 1re feacutevrier 2001 RTD civ 2001 p 347 obs J Hauser Cass civ 1re 9 deacutecembre 2003 Bull civ I no 252 p 201 CA Rennes 4 juillet 2002 D 2002 p 2904

(10) Cass civ 1re 20 feacutevrier 2007 Defreacutenois 2007 art 38595 no 45 obs J Massip

(11) V Depadt-Sebag laquo De la neacutecessiteacute dune reacuteforme de larticle 16-7 du Code civil relatif agrave linterdiction de gestation pour autrui raquo preacutec no 12 p 135 et s

(12) L no 2004-800 du 6 aoucirct 2004 relative agrave la bioeacutethique JO du 7 aoucirct 2004 p 14040 J Massip art preacutec

(13) Dans ce sens v M Gobert laquo Reacuteflexions sur les sources du droit et les principes dindisponibiliteacute du corps humain et de leacutetat des personnes agrave propos de la materniteacute de substitution raquo preacutec p 489 et s speacutec p 513

(14) V Depadt-Sebag laquo De la neacutecessiteacute dune reacuteforme de larticle 16-7 du Code civil relatif agrave linterdiction de gestation pour autrui raquo preacutec no 12 p 135 et s E Camuzet La convention de gestation pour autrui une illeacutegaliteacute franccedilaise injustifieacutee Meacutemoire Lille 2 Universiteacute du droit et de la santeacute 2005-2006 p 55

(15) A Mayer-Jack laquo Les conventions relatives agrave la personne physique raquo Rev crit leacutegisl et jurispr 1993 p 6

(16) G Meacutemeteau laquo Une distinction est opeacutereacutee sur la reacutefeacuterence des donneacutees acquises de la science agrave la date des soins par opposition agrave la notion erroneacutee de donneacutees actuelles de la science raquo note sous Cass civ 1re 6 juin 2000 JCP eacuted G 2001 II 10447

(17) Cass civ 1re 13 deacutecembre 1989 Bull civ I no 387 Defreacutenois 1990 art 34815 rapp J Massip D 1990 p 273 JCP eacuted G 1990 II 21526 note A Seacuteriaux

35

(18) Communication J Bernard et comm J Massip Defreacutenois 1990 art 35088 no 67 note J

Massip F Terreacute note sous Cass ass pleacuten 31 mai 1991 JCP eacuted G 1991 II 21752 dans ce sens v les remarques de P Murat laquo Laction de lordonnance du 4 juillet 2005 sur la possession deacutetat raquo preacutec eacutetude no 6 speacutec no 7 G Kessler laquo La consolidation de situations illicites dans linteacuterecirct de lenfant raquo Dr Famille no 7 juillet 2005 Etude 16

(19) TGI Lille 22 mars 2007 D 2007 no 18 p 1251 note X Labbeacutee B Edelman et C Labrusse-Riau note sous CA Paris 15 juin 1990 JCP eacuted G 1991 II 21653

(20) V Larribau-Terneyre note sous CA Pau 19 feacutevrier 1991 D 1991 juris p 380

(21) J Massip laquo Megravere porteuse et deacutecheacuteance de lautoriteacute parentale raquo LPA du 29 octobre 2003 no 216 p 10 Cass ass pleacuten 31 mai 1991 Bull civ ass pleacuten no 4 Defreacutenois 1991 art 35088 no 67 p 948 obs J Massip D 1991 p 417 rapport Y Chartier note D Thouvenin JCP eacuted G 1991 II 21752 communication J Bernard concl H Dontenwille note F Terreacute RTD civ 1991 p 517 obs D Huet-Weiller

(22) J Rubellin-Devichi laquo Materniteacute de substitution qui est la megravere raquo note sous CA Rennes 4 juillet 2002 JCP eacuted G 2003 I 101 C Ducomte laquo La vraie querelle des megraveres porteuses raquo httppagesperso-orangefrmax-christianducomtemereindexhtm

(23) Propos de Mme F Dekeuwer-Deacutefossez lors de son audition devant le preacutesident M Bloche pour la mission dinformation sur la famille (procegraves-verbal du 5 octobre 2005)

(24) J Hauser obs in RTD civ 1999 p 372 F Dekeuwer-Deacutefossez note sous Cass ass pleacuten 31 mai 1991 D 1992 somm p 59

(25) F Dekeuwer-Deacutefossez laquo Les droits de lenfant raquo D 1992 somm p 59 E Poisson-Drocourt laquo Recours agrave une megravere de substitution et refus de ladoption raquo D 2004 p 2001

(26) J-J Lemouland laquo Le tourisme procreacuteatif raquo LPA 2001 no 62 p 24 F Dekeuwer-Deacutefossez laquo Le lien parental raquo LPA du 1er juillet 2004 no 131 p 70 F Granet note sous CA Rennes 4 juillet 2002 D 2002 p 2904

(27) CA Aix-en-Provence 12 mars 2002 Juris-Data no 2002-190443 A Seacuteriaux laquo Droit naturel et procreacuteation artificielle quelle jurisprudence raquo D 1985 chron p 53 J Massip laquo Le nouveau droit de la filiation raquo Defreacutenois 2006 art 38303 p 13

(28) CA Rennes 4 juillet 2002 JCP eacuted G 2003 I 101 note J Rubellin-Devichi

(29) laquo Si le principe structurant de lautoriteacute parentale est linteacuterecirct de lenfant deacutetermineacute in concreto le droit de la filiation nappreacutecie en revanche jamais linteacuterecirct concret dun enfant preacutecis mais linteacuterecirct geacuteneacuteral de lenfant in abstracto raquo A Gouttenoire laquo A chacun sa famille agrave chacun son droit raquo Dr Famille no 7 juillet 2006 Alerte 41

(30) E Camuzet La convention de gestation pour autrui une illeacutegaliteacute franccedilaise injustifieacutee art preacutec p 52

(31) P Raynaud laquo Un abus de ladoption simple les couples adoptifs raquo D 1983 chron p 39 H Gaumont-Prat laquo Pas dadoption pour les enfants issus de convention de megravere porteuse raquo RLDC no 5 mai 2004 p 31 laquo Le rejet dans le non-droit des enfants neacutes dans des circonstances qui deacuterangent la socieacuteteacute relegraveve du deacuteni de la reacutealiteacute porteur de nombreux effets pathogegravenes et injustes raquo

(32) J Rubellin-Devichi laquo Materniteacute de substitution qui est la megravere raquo note sous CA Rennes 4 juillet 2002 preacutec I 101 C Ducomte laquo La vraie querelle des megraveres porteuses raquo preacutec P Raynaud laquo Un abus de ladoption simple les couples adoptifs raquo art preacutec chron p 39 G Kessler laquo La consolidation de situations illicites dans linteacuterecirct de lenfant raquo art preacutec Etude 16

(33) F Dekeuwer-Deacutefossez laquo Reacuteflexion sur les mythes fondateurs du droit contemporain de la famille raquo RTD civ 1995 p 269 E Camuzet La convention de gestation pour autrui une illeacutegaliteacute franccedilaise injustifieacutee art preacutec p 66 A Ponsard rapport sous Cass civ 1re 16

36

novembre 1982 JCP eacuted G 1983 II 19954 M-T Meulders-Klein laquo Le droit agrave lenfant face au

droit de lenfant et les procreacuteations meacutedicalement assisteacutees raquo RTD civ 1988 p 645 F Terreacute Lenfant de lesclave Geacuteneacutetique et droit Flammarion 1987 p 128

(34) Convention de New York du 26 janvier 1990 Charte des droits fondamentaux de lUnion europeacuteenne du 7 deacutecembre 2000 Deacuteclaration universelle des droits de lhomme de 1789 Convention internationale des droits de lenfant de 1989

(35) Cass ass plegraven 31 mai 1991 Bull civ ass plegraven no 4 Defreacutenois 1991 art 35142 no 103 obs J-L Aubert et art 35088 no 67 p 948 obs J Massip D 1991 p 417 rapport Y Chartier note D Thouvenin JCP eacuted G 1991 II 21752 communication J Bernard concl H Dontenwille note F Terreacute RTD civ 1991 p 517 obs D Huet-Weiller

(36) Cass civ 1re 24 feacutevrier 2006 Bull civ I no 101 p 95 Defreacutenois 2006 art 38415 no 40 p 1067 obs J Massip D 2006 juris p 897-900 obs D Vigneau T Anatrella laquo Adoption et homoparentaliteacute leacuteclairage des droits de lhomme raquo Dr Famille 2003 no 10 p

8-10 agrave lidentique dans un arrecirct du 22 janvier 1992 D 1993 p 119 note J Vassaux la cour dappel de Poitiers a prononceacute ladoption simple dun enfant neacute dune convention de megravere porteuse au motif que laquo cette adoption nest pas seulement conforme agrave linteacuterecirct de lenfant mais encore constitue une neacutecessiteacute qui deacutecoule des reacutealiteacutes de la vie issues derreurs des adultes dont lenfant ne doit pas subir les conseacutequences raquo

(37) G Kessler laquo La consolidation de situations illicites dans linteacuterecirct de lenfant raquo art preacutec eacutetude no 16 M-T Meulders-Klein laquo Le droit agrave lenfant face au droit de lenfant et les procreacuteations meacutedicalement assisteacutees raquo art preacutec p 645

(38) Cass civ 1re 18 mai 2005 Bull civ I no 211 p 179 V Depadt-Sebag laquo Non-lieu dans une affaire de materniteacute pour autrui raquo D 2005 p 476 J Massip laquo Megravere porteuse et deacutecheacuteance de lautoriteacute parentale raquo art preacutec no 216 p 11 F Terreacute Lenfant de lesclave Geacuteneacutetique et droit op cit adde F Terreacute et D Fenouillet Droit civil Les personnes la famille les incapaciteacutes 6e eacuted Preacutecis Dalloz no 926 M Lamarche laquo Inteacuterecirct supeacuterieur de lenfant de ladmission des effets dune convention de megravere porteuse agrave la destruction du droit franccedilais de la filiation raquo Dr Famille novembre 2007 no 11

(39) M Donnier laquo Linteacuterecirct de lenfant raquo D 1959 chron p 27 F Laroche-Gisserot note sous Cass civ 1re 27 mai 1998 D 1998 p 530 F Millet laquo Ladoption dun inteacuterecirct agrave lautre raquo RRJ 2003-3 p 1777 et s A Gouttenoire laquo A chacun sa famille agrave chacun son droit raquo art preacutec Alerte 41

(40) Par la loi no 2007-293 du 5 mars 2007 reacuteformant la protection de lenfance (JO du 6 mars 2007 Defreacutenois 2007 Leacuteg p 282) le leacutegislateur a inteacutegreacute la notion dinteacuterecirct de lenfant dans le Code de laction sociale et des familles Le nouvel article L 112-4 dudit code dispose que laquo Linteacuterecirct de lenfant la prise en compte de ses besoins fondamentaux physiques intellectuels sociaux et affectifs ainsi que le respect de ses droits doivent guider toutes deacutecisions le concernant raquo

(41) Amendement no 48 rect Protection de lenfance no 3184 Assembleacutee nationale 22 deacutecembre 2006 wwwassemblee-nationalefr v aussi sur lensemble de ces questions les consideacuterations tregraves eacuteclairantes de P Murat note sous CA Rennes 4 juillet 2002 D 2002 p 2902 Dr Famille 2002 comm no 142 note P Murat

(42) F Granet-Lambrechts laquo Materniteacutes de substitution filiation et eacutetat civil Panorama europeacuteen raquo Dr Famille no 12 deacutecembre 2007 eacutetude no 34

(43) D Youf Penser les droits de lenfant PUF 2002 p 2

(44) G Cornu La famille 6e eacuted no 7 J Carbonnier Droit civil t 4 Les obligations PUF coll Theacutemis no 372 p 649

(45) D Fenouillet et P de Vareilles-Sommiegraveres La contractualisation du droit de la famille Economica 2001

37

(46) H Gaumont-Prat laquo Pas dadoption pour les enfants issus de convention de megravere porteuse raquo art preacutec p 31

(47) E Poisson-Droccourt laquo Recours agrave une megravere de substitution et refus de ladoption raquo art preacutec p 2001 note sous Cass civ 1re 9 deacutecembre 2003 G Delaisi de Perseval laquo Gestation pour autrui en quecircte de leacutegitimation raquo httpwwwliberationfr

(48) C Neirinck laquo Les filiations eacutelectives agrave leacutepreuve du droit raquo JCP eacuted G 1997 I 4067 E Camuzet laquo La convention de gestation pour autrui une illeacutegaliteacute franccedilaise injustifieacutee raquo art preacutec p 59

(49) J Hauser et D Huet-Weiller Traiteacute de droit civil La famille Fondation et vie de la famille 2e eacuted LGDJ 1993 p 250

(50) B Debreacute et S Agacinski laquo Faut-il leacutegaliser les megraveres porteuses en France raquo art preacutec p 50 C Atias D 1986 chron p 67

Civ 1egravere

13 deacutecembre 1989

Ndeg de pourvoi 88-15655

Publieacute au bulletin

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Attendu selon les juges du fond que lrsquoassociation ldquo Alma Mater ldquo a pour objet de faciliter la

solution des problegravemes qui se posent aux couples dont la femme est steacuterile deacutesireux

drsquoaccueillir un enfant agrave leur foyer et aux ldquo megraveres porteuses ldquo volontaires qursquoil est proposeacute agrave

la ldquo megravere porteuse ldquo drsquoecirctre inseacutemineacutee artificiellement par la semence du mari ou du concubin

de porter et de mettre au monde lrsquoenfant qui sera deacuteclareacute sur les registres de lrsquoeacutetat civil sans

indication du nom de la megravere reconnu par le pegravere et accueilli au foyer de celui-ci en vue de

son adoption par lrsquoeacutepouse ou la compagne que lrsquoassociation intervient tout au long de ce

processus qualifieacute de ldquo precirct drsquouteacuterus ldquo ou de ldquo don drsquoenfant ldquo qursquoainsi apregraves avoir controcircleacute la

reacutealiteacute de la steacuteriliteacute du couple demandeur et des faculteacutes de feacutecondation de la ldquo megravere porteuse

ldquo geacuteneacuteralement recruteacutee par elle lrsquoassociation fait proceacuteder agrave lrsquoinseacutemination surveille la

grossesse et lrsquoaccouchement srsquooccupe de faire diligenter la proceacutedure drsquoadoption qursquoelle

verse ensuite agrave la megravere une somme forfaitaire - qui en 1987 eacutetait fixeacutee agrave 60 000 francs -

remise par le couple demandeur degraves le deacutebut de la grossesse que lrsquoarrecirct confirmatif attaqueacute

(Aix-en-Provence 29 avril 1988) estimant que cette association avait un objet illicite

contraire aux lois et aux bonnes moeurs en a prononceacute la nulliteacute sur le fondement de lrsquoarticle

3 de la loi du 1er juillet 1901

Sur le moyen unique pris en sa premiegravere branche

Attendu que lrsquoassociation ldquo Alma Mater ldquo fait grief agrave la cour drsquoappel drsquoavoir ainsi statueacute alors

que selon le moyen nrsquoest ni illicite ni contraire aux bonnes moeurs lrsquoassociation qui dans un

but humanitaire non lucratif met en relation un couple demandeur dont la femme est steacuterile et

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une femme qui accepte drsquoecirctre inseacutemineacutee artificiellement par le mari de porter lrsquoenfant et de le

remettre agrave la naissance agrave ce couple qui lrsquoindemnisera des contraintes et de la gecircne occasionneacutee

par la grossesse de sorte que la juridiction du second degreacute aurait violeacute les articles 3 et 7 de la

loi du 1er juillet 1901

Mais attendu qursquoil reacutesulte des constatations des juges du fond que lrsquoobjet mecircme de

lrsquoassociation est de favoriser la conclusion et lrsquoexeacutecution de conventions qui fussent-elles

verbales portent tout agrave la fois sur la mise agrave la disposition des demandeurs des fonctions

reproductrices de la megravere et sur lrsquoenfant agrave naicirctre et sont donc nulles en application de lrsquoarticle

1128 du Code civil que ces conventions contreviennent au principe drsquoordre public de

lrsquoindisponibiliteacute de lrsquoeacutetat des personnes en ce qursquoelles ont pour but de faire venir au monde un

enfant dont lrsquoeacutetat ne correspondra pas agrave sa filiation reacuteelle au moyen drsquoune renonciation et

drsquoune cession eacutegalement prohibeacutees des droits reconnus par la loi agrave la future megravere que

lrsquoactiviteacute de lrsquoassociation qui tend deacutelibeacutereacutement agrave creacuteer une situation drsquoabandon aboutit agrave

deacutetourner lrsquoinstitution de lrsquoadoption de son veacuteritable objet qui est en principe de donner une

famille agrave un enfant qui en est deacutepourvu que crsquoest degraves lors agrave bon droit que lrsquoarrecirct attaqueacute a

deacutecideacute sur le fondement de lrsquoarticle 3 de la loi du 1er juillet 1901 que cette association eacutetait

nulle en raison de lrsquoilliceacuteiteacute de son objet que la premiegravere branche du moyen est donc sans

fondement

Et sur les deuxiegraveme et troisiegraveme branches du moyen

Attendu qursquoil est fait grief agrave la cour drsquoappel de nrsquoavoir pas reacutepondu aux conclusions faisant

valoir drsquoune part que lrsquointerdiction du ldquo don de gestation ldquo constituait une discrimination

fondeacutee sur la naissance contraire aux dispositions de lrsquoarticle 24 du pacte international relatif

aux droits civils et politiques signeacute agrave New York le 19 deacutecembre 1966 et drsquoautre part que ce ldquo

don de gestation ldquo reposait sur le droit leacutegitime de fonder une famille qui implique le droit

drsquoengendrer reconnu tant par lrsquoarticle 12 de la convention europeacuteenne des droits de lrsquohomme

et des liberteacutes fondamentales du 4 novembre 1950 que par lrsquoarticle 23 du pacte international

preacuteciteacute

Mais attendu que la reconnaissance du caractegravere illicite de la materniteacute pour autrui et des

associations qui srsquoefforcent de la promouvoir qui se deacuteduit des principes geacuteneacuteraux du Code

civil et de regravegles qui sont communes agrave toutes les filiations nrsquoest pas de nature agrave instaurer une

discrimination fondeacutee sur la naissance que le droit de se marier et de fonder une famille

reconnu par lrsquoarticle 12 de la convention du 4 novembre 1950 et par lrsquoarticle 23 du pacte

international du 19 deacutecembre 1966 agrave lrsquohomme et agrave la femme en acircge nubile nrsquoimplique pas le

droit de conclure avec un tiers des conventions portant sur le sort drsquoun enfant agrave naicirctre que

par ces motifs de droit reacutepondant aux conclusions invoqueacutees lrsquoarrecirct se trouve leacutegalement

justifieacute et que les deuxiegraveme et troisiegraveme branches du moyen ne peuvent ecirctre accueillies

PAR CES MOTIFS

REJETTE le pourvoi

Publication Bulletin 1989 I Ndeg 387 p 260

Deacutecision attaqueacutee Cour drsquoappel drsquoAix-en-Provence du 29 avril 1988

39

Cour de cassation Assembleacutee pleacuteniegravere

Audience publique du 31 mai 1991

Ndeg de pourvoi 90-20105 Publieacute au bulletin

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Sur le pourvoi dans lrsquointeacuterecirct de la loi formeacute par M le Procureur geacuteneacuteral pregraves la Cour de

Cassation

Vu les articles 6 et 1128 du Code civil ensemble lrsquoarticle 353 du mecircme Code

Attendu que la convention par laquelle une femme srsquoengage fucirct-ce agrave titre gratuit agrave concevoir

et agrave porter un enfant pour lrsquoabandonner agrave sa naissance contrevient tant au principe drsquoordre

public de lrsquoindisponibiliteacute du corps humain qursquoagrave celui de lrsquoindisponibiliteacute de lrsquoeacutetat des

personnes

Attendu selon lrsquoarrecirct infirmatif attaqueacute que Mme X eacutepouse de M Y eacutetant atteinte drsquoune

steacuteriliteacute irreacuteversible son mari a donneacute son sperme agrave une autre femme qui inseacutemineacutee

artificiellement a porteacute et mis au monde lrsquoenfant ainsi conccedilu qursquoagrave sa naissance cet enfant a

eacuteteacute deacuteclareacute comme eacutetant neacute de Y sans indication de filiation maternelle

Attendu que pour prononcer lrsquoadoption pleacuteniegravere de lrsquoenfant par Mme Y lrsquoarrecirct retient

qursquoen lrsquoeacutetat actuel des pratiques scientifiques et des moeurs la meacutethode de la materniteacute

substitueacutee doit ecirctre consideacutereacutee comme licite et non contraire agrave lrsquoordre public et que cette

adoption est conforme agrave lrsquointeacuterecirct de lrsquoenfant qui a eacuteteacute accueilli et eacuteleveacute au foyer de M et

Mme Y pratiquement depuis sa naissance

Qursquoen statuant ainsi alors que cette adoption nrsquoeacutetait que lrsquoultime phase drsquoun processus

drsquoensemble destineacute agrave permettre agrave un couple lrsquoaccueil agrave son foyer drsquoun enfant conccedilu en

exeacutecution drsquoun contrat tendant agrave lrsquoabandon agrave sa naissance par sa megravere et que portant atteinte

aux principes de lrsquoindisponibiliteacute du corps humain et de lrsquoeacutetat des personnes ce processus

constituait un deacutetournement de lrsquoinstitution de lrsquoadoption la cour drsquoappel a violeacute les textes

susviseacutes

PAR CES MOTIFS

CASSE ET ANNULE mais seulement dans lrsquointeacuterecirct de la loi et sans renvoi lrsquoarrecirct rendu le

15 juin 1990 par la cour drsquoappel de Paris

REQUETE DE M LE PROCUREUR GENERAL PRES LA COUR DE CASSATION

Le Procureur geacuteneacuteral pregraves la Cour de Cassation a lrsquohonneur drsquoexposer

- Que par jugement du 28 juin 1989 le tribunal de grande instance de Paris a rejeteacute la requecircte

preacutesenteacutee par Mme X eacutepouse Y tendant agrave lrsquoadoption pleacuteniegravere de lrsquoenfant Z deacuteclareacutee

comme eacutetant neacutee de M Y mari de la requeacuterante sans indication de filiation maternelle

- Que pour ne pas faire droit agrave cette requecircte les premiers juges ont retenu que les eacutepoux Y

pour remeacutedier agrave la steacuteriliteacute de leur couple avaient eu recours agrave lrsquoassociation Alma Mater

aujourdrsquohui dissoute lrsquoenfant eacutetant neacute drsquoune megravere de substitution qui lrsquoa abandonneacute agrave la

naissance pratique deacuteclareacutee illicite

- Que sur appel de Mme Y la premiegravere chambre civile section C de la cour drsquoappel de

Paris a par arrecirct du 15 juin 1990 infirmeacute la deacutecision entreprise et prononceacute lrsquoadoption

pleacuteniegravere solliciteacutee par la requeacuterante

- Qursquoau soutien de leur deacutecision devenue deacutefinitive les juges du second degreacute ont tireacute de nos

principes geacuteneacuteraux relatifs agrave la filiation des regravegles drsquoordre public concernant les contrats et de

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certaines conventions ou deacuteclarations internationales des conclusions contraires agrave celles

auxquelles eacutetait parvenue votre premiegravere chambre civile de la Cour de Cassation qui dans un

cas de figure pratiquement identique a par arrecirct du 13 deacutecembre 1989 (association Alma

Mater contre procureur geacuteneacuteral Aix-en-Provence) reconnu le caractegravere illicite de la materniteacute

pour autrui et les associations qui srsquoefforcent de la promouvoir

- Qursquoil importe en cette matiegravere particuliegraverement sensible qui touche agrave un deacutelicat problegraveme de

socieacuteteacute et drsquoeacutethique que soit mis fin agrave des divergences jurisprudentielles majeures et que la

seacutecuriteacute juridique soit assureacutee

PAR CES MOTIFS

Vu lrsquoarticle 17 de la loi du 3 juillet 1967 relative agrave la Cour de Cassation

Requiert qursquoil plaise agrave la Cour de Cassation

CASSE ET ANNULE sans renvoi et dans le seul inteacuterecirct de la loi lrsquoarrecirct rendu le 15 juin 1990

par la cour drsquoappel de Paris ayant fait droit agrave la requecircte en adoption pleacuteniegravere preacutesenteacutee par

Mme X eacutepouse Y

Publication Bulletin 1991 AP Ndeg 4 p 5

Deacutecision attaqueacutee Cour drsquoappel de Paris du 15 juin 1990

Page 4: SEANCE_3 Droit Civil Methodologie

4

atteinte aux principes de lindisponibiliteacute du corps humain et de leacutetat des personnes ce

processus constituait un deacutetournement de linstitution de ladoption Cass ass pleacuten 31

mai 1991 Bull civ no 4 R p 247 GAJC 12

e eacuted n

o 50 D 1991 417 rapp Chartier

note Thouvenin JCP 1991 II 21752 communic Bernard concl Dontenwille note Terreacute

Defreacutenois 1991 948 obs Massip RTD civ 1991 517 obs Huet-Weiller RRJ 19913

343 note Barthouil Mecircme sens Civ 1re

29 juin 1994 D 1994 581 note Chartier

JCP 1995 II 22362 note Rubellin-Devichi RTD civ 1994 842 obs Hauser Defreacutenois

1995 315 obs Massip ndash V aussi Rennes 4 juill 2002 D 2002 2902 note Granet

JCP 2003 I 101 no 4 obs Rubellin-Devichi Dr fam 2002 n

o 142 note Murat Civ 1

re 9

deacutec 2003 Bull civ I no 252 D 2004 1998 note Poisson-Drocourt D 2005 Pan 541

obs Galloux Defreacutenois 2004 592 obs Massip Dr fam 2004 no 17 note Murat RJPF

2004-435 obs Gareacute RTD civ 2004 75 obs Hauser

Recueil Dalloz 2004 p 1998

Recours agrave une megravere de substitution et refus de ladoption

Elisabeth Poisson-Drocourt Maicirctre de confeacuterences

Le preacutesent arrecirct atteste que la materniteacute de substitution - expression plus exacte que celle de

megravere porteuse lorsque celle-ci est eacutegalement gestatrice - est dune pratique assez courante

puisquil intervient apregraves plusieurs condamnations de la materniteacute de substitution par la Cour

de cassation M et Mme X se sont marieacutes le 15 deacutec 1962 Un enfant est neacute de leur union le

11 nov 1966 Vingt ans apregraves le 4 juill 1987 est neacute un autre enfant Sarah issu dune

convention de materniteacute pour autrui Une amie du couple ou supposeacutee telle a offert de se

faire inseacuteminer par les gamegravetes du mari de porter lenfant et de labandonner agrave sa naissance

afin que celui-ci soit reconnu par le mari et adopteacute par sa femme En effet le 28 janv 1999

Mme X a introduit une requecircte en adoption pleacuteniegravere de la jeune Sarah que les juges du fond

nont pas accepteacutee Mme X sest alors pourvue en cassation la Cour de cassation a rejeteacute le

pourvoi au motif que laquo la materniteacute pour autrui dont le caractegravere illicite se deacuteduit des

principes geacuteneacuteraux du code civil et aujourdhui de son art 16-7 reacutealise un deacutetournement de

ladoption que les juges du fond ont donc refuseacute agrave bon droit de prononcer raquo

Larrecirct de la premiegravere Chambre civile contraste par sa concision avec les quatre branches du

moyen Si lon essaie de seacuterier les problegravemes poseacutes agrave la Cour le premier est celui de

lapplication du droit dans le temps (I) Vient ensuite le caractegravere licite ou non de la materniteacute

pour autrui (II) puis le bien-fondeacute du recours agrave ladoption pleacuteniegravere (III) On envisagera ensuite

la porteacutee de larrecirct (IV)

I - Application du droit dans le temps

Sarah est neacutee le 4 juill 1987 La convention entre la megravere de substitution et les eacutepoux X a

donc eacuteteacute conclue en 1986 Mme X a demandeacute ladoption pleacuteniegravere en janvier 1999 Le

pourvoi fait observer que la conception de lenfant a eu lieu agrave un moment ougrave ni la loi ni la

jurisprudence ne seacutetaient prononceacutees sur la materniteacute pour autrui et quil neacutetait pas preacutevisible

quil serait impossible dadopter les enfants issus dune convention de laquo megravere porteuse raquo Pour

reacutepondre agrave cet argument il faut preacutealablement examiner leacutevolution de notre droit

A - Rappel de leacutevolution de notre droit

Si lon sen tient aux arrecircts de la Cour de cassation la materniteacute de substitution a eacuteteacute

condamneacutee pour la premiegravere fois en 1989 en deacuteclarant illicite une association qui promouvait

la materniteacute pour autrui La Cour a pris le soin de preacuteciser que les conventions que ladite

5

association favorisait laquo contrevenaient au principe dordre public de lindisponibiliteacute de leacutetat

des personnes en ce quelles ont pour but de faire venir au monde un enfant dont la filiation

ne correspondra pas agrave sa filiation reacuteelle au moyen dune renonciation ou dune cession

eacutegalement prohibeacutees des droits reconnus par la loi agrave la future megravere raquo Elle ajoutait que

lactiviteacute de lassociation laquo aboutit agrave deacutetourner linstitution de ladoption de son veacuteritable objet

qui est en principe de donner une famille agrave un enfant qui en est deacutepourvu raquo

LAssembleacutee pleacuteniegravere de la Cour de cassation a renforceacute cette condamnation par son arrecirct du

31 mai 1991 Elle y affirme que ladoption de lenfant issu dune megravere de substitution par la

femme steacuterile dun couple laquo neacutetait que lultime phase dun processus densemble destineacute agrave

permettre agrave un couple laccueil agrave son foyer dun enfant conccedilu en exeacutecution dun contrat

tendant agrave labandon agrave sa naissance par sa megravere et que portant atteinte au principe de

lindisponibiliteacute du corps humain et de leacutetat des personnes ce processus constituait un

deacutetournement de linstitution de ladoption raquo

Enfin la loi ndeg 94-653 du 29 juill 1994 relative au respect du corps humain a introduit lart

16-7 dans le code civil eacutedictant que laquo toute convention portant sur la procreacuteation ou la

gestation pour autrui est nulle raquo Une loi du mecircme jour reacuteglemente strictement lassistance

meacutedicale agrave la procreacuteation

B - Conflit dans le temps

Quel est le droit applicable dans notre affaire Par la convention de megravere de substitution

celle-ci sest engageacutee par avance agrave se faire inseacuteminer par les gamegravetes du mari agrave porter lenfant

et agrave labandonner agrave sa naissance sans indication de son nom agrave leacutetat civil geacuteneacuteralement en

accouchant sous X Si son objet se limite lagrave le contrat et ses effets se sont deacutejagrave produits et

lart 16-7 c civ nest pas applicable

En revanche si on considegravere que la materniteacute pour autrui et ladoption subseacutequente constituent

un processus densemble et reacutealisent en reacutealiteacute un deacutetournement de linstitution de ladoption

peut-ecirctre peut-on appliquer agrave la convention initiale lart 16-7 c civ dautant que celui-ci est

dordre public (art 16-9 c civ) et exprime un inteacuterecirct social impeacuterieux

Lapplication des lois dans le temps est deacutelicate agrave reacutesoudre Cependant la solution retenue na

guegravere de conseacutequence en lespegravece car lart 16-7 c civ ne fait que reprendre la solution

anteacuterieure de notre droit consacreacutee par larrecirct de lAssembleacutee pleacuteniegravere du 31 mai 1991 agrave

propos dune enfant neacutee en feacutevrier 1988 Sans doute cest cela que les magistrats ont voulu

exprimer en affirmant que le caractegravere illicite de la materniteacute pour autrui laquo se deacuteduit des

principes geacuteneacuteraux du code civil et aujourdhui de son art 16-7 raquo Quels sont ces principes

II - Principes geacuteneacuteraux du code civil et de notre droit

A - Principes du code civil

Pour annuler le contrat de materniteacute de substitution on peut prendre appui sur trois articles du

code civil Aux termes de lart 311-9 laquo les actions relatives agrave la filiation ne peuvent faire

lobjet de renonciation raquo Lart 376 dispose quant agrave lui laquo Aucune renonciation aucune

cession sur lautoriteacute parentale ne peut avoir deffet si ce nest en vertu dun jugement dans

les cas deacutetermineacutes ci-dessous raquo La premiegravere Chambre civile en avait tregraves justement deacuteduit

dans son arrecirct du 13 deacutec 1989 preacuteciteacute que les conventions de materniteacute pour autrui laquo

contreviennent au principe de lindisponibiliteacute de leacutetat des personnes en ce quelles ont pour

but de faire venir au monde un enfant dont leacutetat ne correspond pas agrave la filiation reacuteelle au

6

moyen dune renonciation ou dune cession eacutegalement prohibeacutees des droits reconnus par la

loi agrave la future megravere raquo En dautres termes la megravere renonce par avance agrave sa future qualiteacute de

megravere

La Cour ajoutait que ces conventions sont nulles en application de lart 1128 c civ qui

dispose laquo Il ny a que les choses qui sont dans le commerce qui puissent ecirctre lobjet des

conventions raquo La formule peut precircter agrave contestation mais on comprend bien que le contrat

entre la megravere de substitution et le couple tend agrave faire de lenfant une chose agrave livrer Or cest un

ecirctre humain qui est promis Lenfant ne saurait ecirctre traiteacute comme une chose On ne peut pas en

disposer ainsi

La Cour de cassation dans larrecirct commenteacute neacutenonce pas les principes quelle avait mis en

avant dans ses preacuteceacutedents arrecircts agrave savoir lindisponibiliteacute du corps humain et celle de leacutetat des

personnes Elle parle seulement des laquo principes geacuteneacuteraux du code civil raquo Sans reprendre ce

quil en a eacuteteacute excellemment dit dans les commentaires des arrecircts de 1989 et de 1991 nous

nous interrogerons sur lexistence actuelle de ces deux principes

B - Principes geacuteneacuteraux de notre droit

1 - Indisponibiliteacute du corps humain

Un auteur a soutenu que lindisponibiliteacute du corps humain nexistait que dans laquo limaginaire de

la doctrine raquo avant sa conseacutecration par la Cour de cassation Les auteurs anciens en ont peu

traiteacute il est vrai quoique Josserand se soit interrogeacute sur la validiteacute des conventions portant sur

le corps humain Le code civil neacutenonce pas le principe Ce silence sexplique parce que ce

sont les progregraves de la biologie et de la meacutedecine qui en ont eacuteteacute le reacuteveacutelateur speacutecialement

avec la materniteacute pour autrui Celle-ci a eacuteteacute loccasion pour la Cour de cassation deacutenoncer ce

principe par trois fois Lart 16-7 c civ a eacuteteacute consideacutereacute par le rapporteur agrave lAssembleacutee

nationale de la loi de 1994 comme laquo lultime conseacutequence de lindisponibiliteacute du corps

humain raquo Un nombre important dauteurs contemporains font eacutetat de ce principe

Il convient de distinguer le corps humain envisageacute dans son ensemble dune part et les

produits et eacuteleacutements du corps humain dautre part Cela explique lassouplissement du

principe dindisponibiliteacute par le leacutegislateur quant agrave ces produits ou eacuteleacutements pour des raisons

theacuterapeutiques collecte du lait (ancien art L 184 c santeacute publ devenu art 2323-1) don du

sang (L 21 juill 1952) don dorganes (L 22 deacutec 1976) don du sperme (L 31 deacutec 1991 art

13) enfin don dovule et mecircme don dembryon (L ndeg 94-654 du 29 juill 1994) Cette

derniegravere avanceacutee de la procreacuteation artificielle nest pas sans soulever des problegravemes moraux

Le leacutegislateur a fait un pas important dans latteacutenuation de lindisponibiliteacute du corps humain

mais reacuteglemente strictement la procreacuteation meacutedicalement assisteacutee Il a marqueacute sa limite en

interdisant en mecircme temps la materniteacute pour autrui (art 16-7 c civ) Cest quil y a une

diffeacuterence de nature entre le don deacuteleacutements du corps ou dorganes et le fait pour une femme

dengendrer un enfant agrave livrer

Il y a dans ce dernier cas contrat portant sur le corps de la femme mise agrave la disposition

dautrui de ses fonctions de donner la vie de ses fonctions reproductrices aussi bien

geacuteneacutetiques (convention dinseacutemination artificielle) que gestatrices (precirct ou location duteacuterus)

Relativement agrave lenfant la convention porte sur sa vie et son deacuteveloppement preacutenatal Elle a

pour objet un ecirctre humain agrave venir La gestation atteint la femme au plus profond delle-mecircme

Elle lui laissera des seacutequelles physiologiques et psychologiques Elle marque aussi lenfant

dont on ne peut nier limportance de la vie intra-uteacuterine Il y a bien convention portant sur le

corps humain dans son ensemble Pour notre part nous partageons lopinion des magistrats et

des auteurs qui estiment que le corps humain dans son entier est indisponible laquo hors de toute

7

transaction raquo Cest ce que sous-entend le code civil En est-il de mecircme de leacutetat des personnes

2 - Indisponibiliteacute de leacutetat des personnes

La femme dans la materniteacute pour autrui renonce par avance agrave sa qualiteacute de megravere Certes elle

peut ne pas reconnaicirctre lenfant (accouchement sous X) labandonner une fois neacute mais ici

elle sy oblige bien avant la naissance Quant agrave lenfant il est soustrait par avance agrave sa megravere

La Cour de cassation la tregraves bien exprimeacute dans son arrecirct du 13 deacutec 1989 les conventions de

materniteacute de substitution laquo contreviennent au principe de lindisponibiliteacute de leacutetat des

personnes en ce quelles ont pour but de faire venir au monde un enfant dont leacutetat ne

correspond pas agrave sa filiation reacuteelle raquo

La volonteacute intervient certes en matiegravere de composantes de leacutetat des personnes nom

nationaliteacute situation de famille actions relatives agrave la filiation Lart 373-2-11 c civ (L 4

mars 2002 reprenant lancien art 290) dispose ainsi que lorsquil se prononce sur lexercice

de lautoriteacute parentale le juge prend notamment en consideacuteration laquo les accords que [les

eacutepoux] avaient pu anteacuterieurement conclure raquo Les conventions qui ameacutenagent les devoirs

parentaux sont donc valables

Au demeurant la Cour de cassation na-t-elle pas franchi une eacutetape de plus en matiegravere de

transsexualisme Apregraves avoir jugeacute le contraire elle a deacutecideacute que le principe de

lindisponibiliteacute de leacutetat des personnes ne fait pas obstacle agrave la rectification du sexe sur lacte

de naissance dune personne preacutesentant le syndrome de transsexualisme lorsque agrave la suite dun

traitement meacutedico-chirurgical subi dans un but theacuterapeutique cette personne ne possegravede plus

tous les caractegraveres de son sexe dorigine et a pris une apparence physique la rapprochant de

lautre sexe auquel correspond son comportement social La Cour a statueacute ainsi parce que la

Cour europeacuteenne des droits de lhomme dans lintervalle avait condamneacute la France au motif

que la solution adopteacutee par la premiegravere Chambre civile conduirait agrave la violation du droit agrave la

vie priveacutee de lart 8 de la Convention europeacuteenne des droits de lhomme

Nous ne discuterons pas de lappreacuteciation de ces deacutecisions sur le transsexualisme Disons

simplement quelles ne sont pas sans incidence sur le mariage et les enfants neacutes ou que le

transsexuel deacutesirera adopter Bien que la Cour se reacutefegravere au principe de lindisponibiliteacute de

leacutetat des personnes il semble que ce principe est loin decirctre absolu On peut mecircme dire quil

nexiste pas mais quil est simplement opportun de ne pas disposer de leacutetat dune personne

Est-ce pour cette raison que la Cour de cassation dans larrecirct rapporteacute se reacutefegravere seulement aux

laquo principes geacuteneacuteraux du code civil raquo et au deacutetournement de linstitution de ladoption

III - Bien-fondeacute du recours agrave ladoption

Les eacutepoux X invoquent agrave lappui de leur demande dadoption lart 353 c civ aux termes

duquel le tribunal veacuterifie si ladoption est conforme agrave linteacuterecirct de lenfant Plusieurs auteurs

justifient ainsi le prononceacute de ladoption de lenfant issu dune convention de megravere de

substitution

Les eacutepoux X font aussi reacutefeacuterence aux art 3 al 1er (laquo Dans toutes les deacutecisions qui

concernent les enfants [] linteacuterecirct supeacuterieur de lenfant doit ecirctre une consideacuteration

primordiale raquo) et 21 (laquo Les Etats parties qui admettent etou autorisent ladoption sassurent

que linteacuterecirct supeacuterieur de lenfant est la consideacuteration primordiale en la matiegravere raquo) de la

Convention des Nations unies relative aux droits de lenfant du 20 nov 1989 Toutefois celle-

ci nest pas dapplication immeacutediate par les tribunaux Et il faudrait au surplus ecirctre sucircr que lon

soit dans une situation ougrave ladoption est permise

8

Quant agrave linteacuterecirct de lenfant il ne permet pas daneacuteantir les autres principes directeurs de notre

droit vus preacuteceacutedemment Au surplus tout le monde admet quil faut dire agrave lenfant adopteacute dans

quelle condition il la eacuteteacute Que lui dira-t-on en lespegravece Lui dira-t-on la veacuteriteacute ou lui mentira-

t-on Devenu plus grand il aura le droit laquo dans la mesure du possible de connaicirctre ses

parents et decirctre eacuteleveacute par eux raquo aux termes de la mecircme Convention de New York du 20 nov

1989 Cela nest pas non plus sans soulever de difficulteacute

Surtout ladoption est faite pour donner des parents agrave un enfant deacutejagrave neacute et qui en est deacutepourvu

et non pour satisfaire le deacutesir denfant dun couple Il ne manque malheureusement pas

denfants sans famille dans le monde En lespegravece dailleurs les eacutepoux avaient deacutejagrave eu en

commun un enfant

Ils invoquent aussi agrave lappui de leur demande dadoption la Convention europeacuteenne des droits

de lhomme dont lart 8 dit laquo Toute personne a droit au respect de sa vie priveacutee et familiale

raquo Mme X avait certes attendu presque douze ans avant de preacutesenter sa requecircte Mais quant

agrave y trouver une justification de ladoption cest faire dire agrave ce texte beaucoup plus que ses

termes geacuteneacuteraux ne le permettent Il ne faut pas non plus oublier lalineacutea 2 dudit article qui

dispose qulaquo il ne peut y avoir ingeacuterence dune autoriteacute publique dans lexercice de ce droit

que pour autant que cette ingeacuterence est preacutevue par la loi et quelle constitue une mesure qui

[] est neacutecessaire [] agrave la protection [] de la morale raquo Il y a les art 311-9 376 et

doreacutenavant 16-7 c civ Et la pratique des megraveres de substitution heurte bien agrave notre avis la

morale Quant agrave la prise en compte de la situation de fait nous y reviendrons plus loin mais

on heacutesite agrave cautionner la politique du fait accompli

Ladoption solliciteacutee est la phase ultime dun processus densemble dont la source le contrat

avec la megravere de substitution est illicite car contraire agrave lordre public Lentreprise globale

constitue un deacutetournement de linstitution de ladoption comme laffirme la Cour de cassation

dans larrecirct rapporteacute reprenant en cela son analyse anteacuterieure En refusant ladoption on rend

leacutetat des personnes incertain et lon incite les couples agrave ne pas recourir agrave la materniteacute pour

autrui

IV - Porteacutee de larrecirct

Nous avons deacutejagrave fait eacutetat de deux arrecircts de la Cour de cassation celui du 13 deacutec 1989

deacuteclarant illicite une association promouvant la materniteacute par substitution et celui de

lAssembleacutee pleacuteniegravere du 31 mai 1991 condamnant cette materniteacute Dans cette derniegravere affaire

le pourvoi avait eacuteteacute preacutesenteacute par le procureur geacuteneacuteral pregraves la Cour de cassation dans linteacuterecirct

de la loi Par conseacutequent il ne pouvait preacutejudicier aux parties en remettant en question

ladoption pleacuteniegravere prononceacutee par la Cour dappel de Paris Selon le doyen Carbonnier il

sagissait plutocirct laquo dun acte de politique judiciaire raquo

Le 29 juin 1994 la premiegravere Chambre civile de la Cour de cassation eut agrave se prononcer de

nouveau sur la question A la diffeacuterence du preacuteceacutedent arrecirct la Cour y casse sans renvoi larrecirct

de la cour dappel ayant prononceacute ladoption simple de lenfant En outre les faits sont assez

particuliers Cest la belle-soeur des eacutepoux Y qui avait conccedilu et porteacute lenfant elle lavait

reconnu avant M Y La belle-soeur et son mari consentirent agrave ladoption pleacuteniegravere par Mme

Y Les eacutepoux Y se seacuteparegraverent avant toute requecircte en adoption Apregraves que lenfant eut eacuteteacute

confieacute agrave Mme Y le jugement de divorce confia lautoriteacute parentale agrave la megravere biologique M

Y intente une action pour que lenfant lui soit confieacute Pendant cette proceacutedure Mme Y

deacutepose une requecircte en adoption pleacuteniegravere et assigne son ex-eacutepoux pour faire juger abusif son

refus dy consentir On comprend que devant un tel imbroglio la Cour de cassation ait refuseacute

que ladoption soit valideacutee Dune faccedilon geacuteneacuterale on peut se demander si la materniteacute de

substitution au sein de la famille proche nest pas de nature agrave faire perdre ses repegraveres agrave

9

lenfant Lenfant est appeleacute agrave voir souvent sa tante qui est aussi sa megravere par le sang tandis

quil est eacuteleveacute par une megravere sociologique

Par suite larrecirct commenteacute est inteacuteressant en ce quil confirme la position de la Cour de

cassation dans un cas plus classique un contrat a eacuteteacute passeacute entre un couple et une femme sans

relation avec le couple qui sest fait inseacuteminer par les gamegravetes du mari a porteacute lenfant et sest

engageacutee agrave labandonner agrave sa naissance afin quil ne soit reconnu que par le mari et quil soit

adopteacute par sa femme Il est probable quil y a eu une contrepartie financiegravere Le plus souvent

la megravere porteuse est pousseacutee agrave louer son ventre par deacutetresse financiegravere

Le contrat initial est tenu secret sauf si la megravere de substitution refuse dabandonner lenfant

Lannuler comme le prescrit lart 16-7 c civ permet agrave cette derniegravere de garder lenfant

Sinon le contrat reste occulte Cest au moment de la demande dadoption que peut apparaicirctre

lentreprise globale vicieacutee agrave sa source Souvent elle passe inaperccedilue Cest toute la difficulteacute

de la situation Refuser de prononcer ladoption est la seule sanction civile de quelque

efficaciteacute

Une autre particulariteacute de lespegravece meacuterite decirctre souligneacutee Mme X a preacutesenteacute sa requecircte aux

fins dadoption onze ans et demi apregraves la naissance de lenfant Ne faut-il pas tenir compte de

la situation de fait qui sest creacuteeacutee Lenfant a eacuteteacute eacuteleveacute par le couple pendant de longues

anneacutees Dans linteacuterecirct de lenfant on pourrait peut-ecirctre eacutetablir sa filiation maternelle par le

recours agrave la possession deacutetat mais cela ne serait en tout eacutetat de cause possible que dans un

cas comme celui-ci

La reacuteprobation de la materniteacute pour autrui peut ecirctre aussi atteinte par une autre voie il existe

aussi des sanctions peacutenales Aux termes de lart 227-12 nouveau c peacuten laquo le fait de

provoquer soit dans un but lucratif soit par don promesse menace ou abus dautoriteacute les

parents ou lun dentre eux agrave abandonner un enfant neacute ou agrave naicirctre est puni de six mois

demprisonnement et de 7500 euros raquo sans compter eacuteventuellement des peines

compleacutementaires Ce texte ne peut eacutevidemment sappliquer quagrave des faits posteacuterieurs agrave son

entreacutee en vigueur Il reprend toutefois en la preacutecisant lincrimination de lart 353-1 (2deg)

ancien c peacuten laquo Sera puni de dix jours agrave six mois demprisonnement et de 500 agrave 20 000 F

damende [] toute personne qui aura fait souscrire ou tenteacute de faire souscrire par les futurs

parents ou lun deux un acte aux termes duquel ils sengagent agrave abandonner lenfant agrave naicirctre

qui aura deacutetenu un tel acte en aura fait usage ou tenteacute den faire usage raquo Six mois

demprisonnement mecircme avec sursis paraissent excessifs et lamende est insuffisante Le

parquet pourrait neacuteanmoins mettre en oeuvre ces textes afin de dissuader les couples de

recourir agrave la materniteacute de substitution (18) plutocirct quagrave une veacuteritable adoption La

condamnation peacutenale aurait lavantage de faire tomber la sanction sur les couples sans

atteindre lenfant On pourrait alors songer agrave la possession deacutetat pour rattacher lenfant agrave la

femme qui la eacuteleveacute pendant de longues anneacutees comme ceacutetait le cas en lespegravece La

possession deacutetat permettrait deacutetablir une filiation maternelle naturelle Pourrait-elle aussi

faire acqueacuterir agrave lenfant la qualiteacute denfant leacutegitime La possession deacutetat joue alors

indivisiblement agrave leacutegard des deux parents (art 321 c civ) alors que la reconnaissance qui a

eacuteteacute faite par le mari atteste la qualiteacute denfant naturel de celui-ci

Dautre part il convient de sattaquer aux intermeacutediaires Par son arrecirct preacuteciteacute du 13 deacutec 1989

la Cour de cassation a confirmeacute la nulliteacute dune association en raison de lilliceacuteiteacute de son objet

de mettre en rapport des couples avec des megraveres de substitution Le gouvernement franccedilais

interdit semblables associations mais des personnes continuent certainement agrave sentremettre agrave

cet effet Elles tombent sous lincrimination de lart 227-12 al 3 nouveau c peacuten Est puni

dun an demprisonnement et de 15 000 euros damende laquo le fait dans un but lucratif de

sentremettre entre une personne ou un couple deacutesireux daccueillir un enfant et une femme

acceptant de porter en elle cet enfant en vue de le leur remettre raquo Lorsque ces faits ont eacuteteacute

10

commis agrave titre habituel ou dans un but lucratif les peines sont doubleacutees Les personnes

morales peuvent en ecirctre deacuteclareacutees responsables (art 227-14) et sont passibles de sanctions

approprieacutees preacutevues aux art 131-38 et 131-39 Lart 353-1 (1deg) ancien c peacuten eacutetait moins net

mais incriminait aussi celui qui avait dans un espoir de lucre provoqueacute les parents ou lun

deux agrave abandonner leur enfant agrave naicirctre Lactiviteacute des intermeacutediaires est hautement

condamnable Il convient donc de leur appliquer les sanctions civiles et peacutenales que contient

notre droit agrave leur eacutegard

Une difficulteacute suppleacutementaire pour sanctionner la materniteacute de substitution tient agrave ce quon a

appeleacute le tourisme procreacuteatif car les Franccedilais vont chercher les femmes qui se livrent agrave ce

commerce dans des pays voisins toleacuterants (19) Il en est ainsi en Angleterre comme le

teacutemoigne larrecirct de la Cour de cassation du 23 avr 2003 (20) Bien que non abordeacute dans

cette derniegravere deacutecision il surgit alors une question de conflit de lois et il est possible aussi

quintervienne lordre public

Mots cleacutes ADOPTION Adoption pleacuteniegravere Materniteacute de substitution Prohibition Deacutetournement de

linstitution

CONTRAT ET OBLIGATIONS Objet Illiceacuteiteacute Materniteacute de substitution Megravere

porteuse Filiation adoptive

Recueil Dalloz 2005 p 536

Droits et liberteacutes corporels

Panorama de la leacutegislation de la jurisprudence et des avis des instances eacutethiques

Jean-Christophe Galloux Professeur agrave luniversiteacute de Pantheacuteon-Assas (Paris II)

Responsable du Centre de droit meacutedical

Heacutelegravene Gaumont-Prat Professeur agrave luniversiteacute de Picardie-Jules Verne Membre du

Comiteacute national dEthique

Lessentiel

Les articles 16 agrave 16-13 du code civil qui consacrent le cadre du statut juridique du corps

humain depuis les lois dites laquo bioeacutethiques raquo du 29 juillet 1994 continuent deacutetendre leur

empire Les hypothegraveses quils ont vocation agrave reacutegir concernent autant les territoires

traditionnels de la biomeacutedecine que sont les tests et empreintes geacuteneacutetiques les procreacuteations

meacutedicalement assisteacutees ou des greffes dorganes pour ne citer que les principaux que des

champs nouveaux et parfois inattendus comme limage du corps le droit dasile

lassujettissement aux cotisations sociales ou les obligations scolaires Limportante reacutevision

des textes de 1994 par la loi ndeg 2004-800 du 6 aoucirct 2004 sest traduite par une eacuterosion de la

protection des droits et liberteacutes corporels individuels au profit de la liberteacute de la recherche

scientifique et des consideacuterations de solidariteacute comme en teacutemoigne notamment la deuxiegraveme

reformulation de larticle 16-3 relatif agrave linteacutegriteacute corporelle

I - Les donneacutees relatives au corps

A - Les tests et donneacutees geacuteneacutetiques

Les tests geacuteneacutetiques sont susceptibles de recouvrir diffeacuterentes finaliteacutes meacutedico-

professionnelles (meacutedecine curative preacutedictive preacutevention des risques professionnels) ou

sociales (emploi assurance) voire de deacutepistage preacutenatal (diagnostic preacutenatal et

preacuteimplantatoire) Leacutevolution observeacutee conduit agrave distinguer les tests geacuteneacutetiques qualifieacutes de

11

donneacutees personnelles ou de donneacutees de santeacute

1 - Donneacutees personnelles

Deux inteacuterecircts contradictoires sont pris en compte par le leacutegislateur ou les avis de diffeacuterentes

instances celui de la personne elle-mecircme et celui des tiers au titre de la solidariteacute sociale

a) La prise en compte de linteacuterecirct de la personne

1 Dans un souci de garantir un reacutegime juridique plus protecteur pour les personnes la loi ndeg

2004-800 du 6 aoucirct 2004 (art 4) relative agrave la bioeacutethique a proceacutedeacute agrave un toilettage des anciens

textes pour uniformiser les formulations retenues en remplaccedilant dans les diffeacuterents codes

concerneacutes (code civil code de la santeacute publique code peacutenal) lexpression laquo eacutetude geacuteneacutetique

des caracteacuteristiques raquo ou laquo meacutedecine preacutedictive raquo par laquo examen des caracteacuteristiques

geacuteneacutetiques raquo de la personne Sont ainsi modifieacutes larticle 16-10 du code civil les intituleacutes du

titre III du livre I de la premiegravere partie du code de la santeacute publique et la section 6 du chapitre

IV du titre II du code peacutenal

Deux raisons militaient en faveur de ce changement dune part la notion de meacutedecine

preacutedictive eacutetait trop eacutetroite car elle nautorisait pas le diagnostic dune maladie deacutejagrave deacuteclareacutee

Dautre part la terminologie preacuteceacutedemment utiliseacutee laquo eacutetude ou examen geacuteneacutetique des

caracteacuteristiques raquo dune personne est apparue trop restrictive Elle ne permettait pas de

garantir la protection de la personne agrave leacutegard dune eacuteventuelle utilisation abusive

dinformations geacuteneacutetiques obtenues agrave loccasion dinvestigations meacutedicales diverses non

speacutecifiquement geacuteneacutetiques comme par exemple une biopsie musculaire chez un myopathe de

Duchecircne leacutelectroforegravese de lheacutemoglobine pour le diagnostic de la dreacutepanocytose ou des

thalasseacutemies ou encore de lHLA 27 (selon le rapport de F Giraud Commission des Affaires

sociales Seacutenat 1re lecture ndeg 128 du 15 janv 2003 [2002-2003])

Le terme retenu agrave larticle 4 de loi vise agrave encadrer lensemble des examens de caractegravere

geacuteneacutetique et apparaicirct plus adapteacute agrave lobjectif de lencadrement fixeacute Une telle harmonisation

des terminologies utiliseacutees vient ainsi assurer la coheacuterence des pratiques

La loi a eacutegalement deacutecideacute de sanctionner peacutenalement outre le fait de proceacuteder agrave un examen

des caracteacuteristiques geacuteneacutetiques dune personne sans avoir recueilli preacutealablement son

consentement le fait de proceacuteder agrave un tel examen agrave des fins autres que meacutedicales ou de

recherche scientifique Les sanctions preacutevues agrave larticle 226-25 du code peacutenal demeurent

inchangeacutees un an demprisonnement et 15 000 euros damende

2 La loi ndeg 2004-800 du 6 aoucirct 2004 (art 5) met en exergue limportance accordeacutee agrave la

volonteacute en matiegravere dexamen des caracteacuteristiques geacuteneacutetiques dune personne la loi vient

compleacuteter la reacutedaction de larticle 16-10 alineacutea 2 en posant lexigence dun consentement

mieux encadreacute quauparavant et elle en organise ses modaliteacutes recueil du consentement

expregraves par eacutecrit reacutevocable sans forme agrave tout moment et eacuteclaireacute puisque la personne doit ecirctre

laquo ducircment informeacutee de sa nature et de sa finaliteacute lobligation dinformation devenant une des

conditions du recueil du consentement raquo (D Thouvenin La loi relative agrave la bioeacutethique ou

comment accroicirctre laccegraves aux eacuteleacutements biologiques dorigine humaine D 2005 Chron p

116 et p 172) La loi preacutevoit un nouvel article L 1131-1 au code de la santeacute publique qui

renvoie agrave ces dispositions preacuteciteacutees du code civil

3 La loi ndeg 2004-800 du 6 aoucirct 2004 (art 6) organise le reacutegime juridique des collections

deacutechantillons biologiques humains et des recherches geacuteneacutetiques mises en oeuvre agrave partir de

ces collections Cet article vise agrave concilier les droits des personnes preacuteleveacutees avec la neacutecessiteacute

12

de ne pas alourdir la tacircche des chercheurs dans des secteurs jugeacutes prometteurs Larticle L

1131-4 du code de la santeacute publique rappelle que la constitution et lutilisation de collections

deacutechantillons biologiques humains agrave des fins de recherche geacuteneacutetique relegravevent des dispositions

relatives agrave la conservation et agrave lutilisation des eacuteleacutements et produits du corps humain agrave des fins

de recherche scientifique et non des dispositions reacutegissant les recherches biomeacutedicales (telles

quissues de la loi Huriet)

4 Cest ensuite une protection renforceacutee agrave leacutegard des risques de discrimination lieacutes agrave la

reacutealisation de tests geacuteneacutetiques qui se voit affirmeacutee dans deux types de recommandations lune

europeacuteenne (Recommandations sur les implications des tests geacuteneacutetiques Office des

publications officielles des Communauteacutes europeacuteennes Bruxelles mai 2004) lautre

internationale (Elaboration de la Deacuteclaration relative agrave des normes universelles en matiegravere de

bioeacutethique quatriegraveme eacutebauche de texte CIB UNESCO 15 deacutec 2004)

Le principe de non-discrimination en raison des caracteacuteristiques geacuteneacutetiques avait deacutejagrave eacuteteacute

inscrit agrave larticle 16-13 du code civil lors de la loi ndeg 2002-303 du 4 mars 2002 et il figure

eacutegalement dans la plupart des textes internationaux consacreacutes agrave ce sujet la Convention

dOviedo la Deacuteclaration universelle sur le geacutenome humain ainsi que la Charte des droits

fondamentaux de lUnion europeacuteenne

b) La prise en compte de linteacuterecirct du tiers

Larticle L 1131-1 alineacuteas 3 4 et 5 du code de la santeacute publique issu de la loi du 6 aoucirct 2004

envisage linteacuterecirct de la famille agrave propos dun test geacuteneacutetique reacutealiseacute sur une personne et traite de

linformation geacuteneacutetique familiale A la suite dun test geacuteneacutetique reacuteveacutelant une anomalie

geacuteneacutetique pouvant entraicircner chez les autres membres de la famille le deacuteveloppement dune

mecircme pathologie la personne concerneacutee ou le meacutedecin ont-ils une obligation dans linteacuterecirct

des tiers den informer la famille Doit-on envisager une simple obligation morale ou la

responsabiliteacute du patient qui par son silence aurait empecirccheacute deacuteviter lapparition dune telle

maladie

Cette interrogation sinscrit dans le deacutebat contemporain qui se deacuteveloppe progressivement sur

linteacuterecirct du tiers qui pourrait lemporter sur linteacuterecirct de la personne elle-mecircme

Ce problegraveme a eacuteteacute souleveacute lors des travaux parlementaires devant le Seacutenat en premiegravere lecture

agrave loccasion de laudition du Professeur A Munnich (chef du service de geacuteneacutetique meacutedicale de

lhocircpital Necker - Enfants malades directeur de recherche agrave INSERM) devant la Commission

des Affaires sociales le 4 deacutecembre 2002 Celui-ci suggeacuterait de reacutefleacutechir aux implications du

secret meacutedical sur la santeacute des membres de la famille dune personne atteinte dune affection

geacuteneacutetique

La prise en compte de linteacuterecirct du tiers avait deacutejagrave eacuteteacute eacutevoqueacutee avec prudence dans un avis du

Comiteacute consultatif national deacutethique (avis ndeg 70 du 13 deacutec 2001 laquo Consentement en faveur

dun tiers raquo) Le consentement en faveur ou au profit dun tiers met en jeu et parfois en

concurrence plusieurs principes lautonomie de la personne la bienfaisance agrave leacutegard du

tiers et la solidariteacute Lavis ndeg 70 rappelait que le deacutepistage envisageacute peut concerner le sujet

index mais eacutegalement dautres personnes les diffeacuterents laquo tiers raquo viseacutes dans lavis cest le cas

de certaines maladies infectieuses transmissibles et geacuteneacutetiques La deacutecouverte dun portage

infectieux chez une personne peut avoir des conseacutequences directes sur lopportuniteacute dun

deacutepistage effectueacute chez une autre personne qui aurait eacuteteacute exposeacutee Il en est ainsi par exemple

en cas de viol ou dexposition dun soignant agrave une contamination par le sang

13

La transmission des donneacutees geacuteneacutetiques dune personne au beacuteneacutefice dun tiers dont la parenteacute

biologique avec le sujet est eacutetablie peut ecirctre solliciteacutee dans un cas plus geacuteneacuteral en vue de

lobtention dinformations geacuteneacutetiques familiales compleacutementaires pour avoir une

caracteacuterisation preacutecise des anomalies voire la recherche systeacutematique de mutation dans une

famille agrave partir dun cas princeps afin de mettre en eacutevidence un risque geacuteneacutetique susceptible

decirctre preacutevenu ou non Lavis ndeg 70 du 13 deacutecembre 2001 soulignait que linteacuterecirct du tiers peut

ecirctre la connaissance de son statut par rapport agrave cette anomalie geacuteneacutetique la possibiliteacute lui

eacutetant donneacutee de pouvoir entreprendre une surveillance preacuteventive ou de se soumettre agrave une

theacuterapeutique dans un but curatif ou encore de choisir de ne pas la transmettre agrave sa

descendance

A loccasion de la reacutevision des lois de bioeacutethique le Comiteacute consultatif national deacutethique fut

solliciteacute par le ministre de la Santeacute sur lopportuniteacute dinscrire dans la loi la notion

dinformation geacuteneacutetique familiale doit-on envisager lobligation pour une personne

dinformer son entourage familial si a eacuteteacute deacutecouverte chez elle une preacutedisposition ou

lexistence dune maladie geacuteneacutetique grave pouvant faire lobjet pour les autres membres de la

famille dun traitement etou dune preacutevention efficaces Lavis ndeg 76 rendu le 24 avril 2003

laquo A propos de lobligation dinformation geacuteneacutetique familiale en cas de neacutecessiteacute meacutedicale raquo

privileacutegiait le maintien du secret meacutedical

Les donneacutees geacuteneacutetiques personnelles beacuteneacuteficient dune double protection donneacutees de santeacute

elles sont couvertes par le secret meacutedical et faisant partie de la sphegravere dintimiteacute de chaque

individu elles sont proteacutegeacutees au mecircme titre que toutes les donneacutees agrave caractegravere personnel par

le droit au respect de la vie priveacutee inscrit au code civil

Le nouvel article L 1131-1 du code de la santeacute publique issu de larticle 5 de la loi du 6 aoucirct

2004 sinscrit au contraire dans un mouvement favorable agrave une supreacutematie de la notion de laquo

solidariteacute normative raquo sur lintangibiliteacute du droit agrave lintimiteacute Dans le cas dune anomalie

geacuteneacutetique grave en cas de diagnostic poseacute lors de lexamen des caracteacuteristiques geacuteneacutetiques

dune personne le meacutedecin se doit dinformer celle-ci des risques que son silence ferait courir

aux membres de sa famille dans les cas ougrave des mesures de preacutevention ou de soins peuvent ecirctre

proposeacutees agrave ceux-ci Le texte preacutevoit une alternative laisseacutee agrave la personne concerneacutee soit elle

informe elle-mecircme les membres de sa famille soit elle opte pour la proceacutedure de

linformation meacutedicale agrave caractegravere familial expliciteacutee agrave larticle L 1131-1 du code de la santeacute

publique Les formaliteacutes de la transmission de linformation sont clairement deacutefinies Le

patient qui refuse agrave la fois de preacutevenir les membres de sa famille et de souscrire agrave la proceacutedure

de linformation meacutedicale agrave caractegravere familial ne va-t-il pas engager sa responsabiliteacute (V J-

R Binet La loi relative agrave la bioeacutethique Dr fam oct 2004 6 s)

2 - Donneacutees de santeacute

()

B - Les empreintes geacuteneacutetiques

Les empreintes geacuteneacutetiques moyen didentification des personnes font lobjet dun

encadrement speacutecifique selon le domaine viseacute civil ou peacutenal

1 - En matiegravere civile

1 Lidentification dune personne par ses empreintes geacuteneacutetiques est autoriseacutee par la loi agrave titre

de preuve judiciaire en matiegravere civile elle peut ecirctre ordonneacutee par le juge comme mesure

dinstruction dans certains procegraves mettant en jeu des actions relatives agrave la filiation ou des

14

actions agrave fins de subsides sous reacuteserve du recueil preacutealable expregraves du consentement de

linteacuteresseacute

Une deacutecision de la Cour dappel dAgen du 25 mars 2004 est rendue en application de larticle

16-11 alineacutea 2 du code civil dans le cadre dune action agrave fins de subsides La cour retient que

laquo sil ne peut ecirctre contesteacute que chacun a le droit au respect de son inteacutegriteacute physique larticle

16-11 du code civil preacutevoit expresseacutement lidentification dune personne au moyen de

lempreinte geacuteneacutetique [] raquo A deacutefaut davoir pu obtenir le consentement du deacutefendeur rendu

obligatoire par le mecircme texte la cour retient que si laquo les premiers juges deacutecidaient ainsi

justement que sil ne pouvait pas ecirctre fait grief agrave B de refuser une telle mesure leacutegale il

pouvait ecirctre tireacute toutes les conseacutequences de ce refus [] raquo La solution retenue est classique

Elle vient reacuteaffirmer le poids reconnu au recueil du consentement en matiegravere de respect du

corps humain et de linteacutegriteacute physique cette mesure ne peut ecirctre exeacutecuteacutee de force ou sous

astreinte En cas de refus le reacutegime geacuteneacuteral des mesures dinstruction est applicable en vertu

de larticle 11 alineacutea 1er et 198 du nouveau code de proceacutedure civile

Quen est-il du consentement sagissant de la demande de preacutelegravevement post-mortem

Le deuxiegraveme alineacutea de larticle 16-11 du code civil a eacuteteacute modifieacute par la loi du 6 aoucirct 2004

pour interdire toute identification post-mortem par empreintes geacuteneacutetiques en matiegravere civile

sauf accord expregraves manifesteacute de son vivant par la personne deacuteceacutedeacutee

Cette disposition destineacutee agrave renforcer la prise en compte de la volonteacute de la personne vient

mettre un terme agrave la question du preacutelegravevement post-mortem ordonneacute par une mesure judiciaire

dans le silence de la loi de 1994 la doctrine et la jurisprudence eacutetaient diviseacutees sur

linterpreacutetation agrave donner agrave lancien article 16-11 du code civil que laffaire Montand avait

meacutediatiseacute

Selon une premiegravere approche la reacutedaction de larticle 16-11 exigeait le consentement

preacutealable de la personne concerneacutee et ne pouvait sappliquer degraves lors agrave un deacutefunt le respect

ducirc aux morts sy opposait (CA Paris 17 deacutec 1998 D 1999 Jur p 476 note B Beignier 6

nov 1997 D 1998 Jur p 122 note P Malaurie Somm p 161 obs H Gaumont-Prat P

Malaurie et H Fulchiron Defreacutenois 2004 ndeg 821 p 333)

Selon une seconde approche lobligation de consentir fixeacute par larticle 16-11 ne concernait

que les vivants et il appartenait aux tribunaux den appreacutecier lopportuniteacute sagissant des

personnes deacuteceacutedeacutees (P Catala La jeune fille et le mort Dr fam 1997 Chron ndeg 12 J

Massip Defreacutenois 2002 art 37478)

2 Le juge des reacutefeacutereacutes peut-il ordonner une mesure dinstruction sur le fondement de larticle

145 du nouveau code de proceacutedure civile

Il a deacutejagrave eacuteteacute jugeacute que le juge des reacutefeacutereacutes ne peut sur le fondement de larticle 145 du nouveau

code de proceacutedure civile ordonner une mesure dinstruction tendant agrave lidentification dune

personne par ses empreintes geacuteneacutetiques mecircme avec laccord des parties (TGI Toulouse 25

janv 1995 Gaz Pal 1995 2 p 361 note Olivier CA Riom 19 juin 1997 D 1999 Somm

p 333 obs H Gaumont-Prat)

Avant le vote des lois de bioeacutethique de 1994 en matiegravere de filiation la Cour de cassation

(Cass 1re civ 4 mai 1994 Bull civ I ndeg 159 D 1994 Jur p 545 note J Massip D

1995 Somm p 113 obs F Granet-Lambrechts ) avait admis la possibiliteacute de recourir au

15

reacutefeacutereacute probatoire in futurum preacutevu agrave larticle 145 du nouveau code de proceacutedure civile pour

une expertise sanguine ou geacuteneacutetique degraves lors que se trouvaient respecteacutees les conditions

poseacutees par le texte (absence de procegraves au fond motif leacutegitime recherche ou conservation des

preuves) En lespegravece le demandeur faisait eacutetat de son inteacuterecirct leacutegitime en vue dappreacutecier les

chances de succegraves dune action en contestation de paterniteacute quil souhaitait intenter et

soulignait le risque de deacutepeacuterissement des preuves

Depuis 1994 la leacutegaliteacute dune mesure dinstruction destineacutee agrave eacutetablir la reacutealiteacute biologique de la

filiation gracircce aux empreintes geacuteneacutetiques est soumise agrave certaines conditions larticle 16-11

du code civil issu des lois bioeacutethiques de juillet 1994 se montre plus restrictif et pose

lexigence que la mesure dinstruction soit ordonneacutee par laquo le juge saisi dune action tendant

soit agrave leacutetablissement ou la contestation [] raquo formulation qui semble exclure de ce domaine

la proceacutedure de reacutefeacutereacute car seule une action au fond permettrait au juge dordonner une telle

mesure

Une deacutecision de la Cour dappel de Montpellier rappelle cette diffeacuterence de reacutegime pour

ordonner lexpertise biologique solliciteacutee dans le cadre dune action en reacutefeacutereacute aux motifs que laquo

la mesure dexpertise ne peut porter que sur des preacutelegravevements sanguins et non sur des

empreintes geacuteneacutetiques ces derniegraveres ne pouvant ecirctre ordonneacutees que par le seul juge saisi de

laction conformeacutement agrave larticle 16-11 du code civil raquo

Sachant que lexamen compareacute des sangs permet de donner des reacutesultats relativement fiables

en matiegravere de filiation au moins agrave titre indicatif permettant dappreacutecier les chances de succegraves

dune action en contestation ou en eacutetablissement de paterniteacute on peut degraves lors sinterroger sur

la peacuterenniteacute de cette dualiteacute de reacutegime Ne conviendrait-il pas de modifier les imperfections

reacutedactionnelles de larticle 16-11 alineacutea 2 pour autoriser eacutegalement le recours agrave la proceacutedure

de reacutefeacutereacute

3 La loi ndeg 2004-800 du 6 aoucirct 2004 (art 5) a modifieacute les conditions de lidentification dune

personne par ses empreintes geacuteneacutetiques agrave des fins meacutedicales ou de recherche scientifique

Comme pour lexamen des caracteacuteristiques geacuteneacutetiques agrave larticle 2 il sagit de garantir un

reacutegime du consentement plus protecteur pour les personnes et le texte reprend en partie la

teneur de larticle 16-10 en matiegravere dexamen des caracteacuteristiques geacuteneacutetiques recueil du

consentement expregraves par eacutecrit et preacutealable agrave la reacutealisation de lidentification reacutevocable sans

forme et agrave tout moment consentement eacuteclaireacute par lexigence de la communication de sa

finaliteacute

Le renforcement des droits de la personne saccompagne dun dispositif relatif aux conditions

dagreacutement aux fins de proceacuteder agrave lidentification dune personne agrave des fins meacutedicales ou agrave des

fins de recherche scientifique fixeacute par larticle L 1131-3 issu de la loi du 6 mai 2004

De la mecircme faccedilon un encadrement strict des conditions dagreacutement en matiegravere judiciaire est

mis en place avec le deacutecret ndeg 2004-471 du 25 mai 2004 qui vient modifier le deacutecret ndeg 97-

109 du 6 feacutevrier 1997 relatif aux conditions dagreacutement des personnes habiliteacutees agrave proceacuteder agrave

des identifications par empreintes geacuteneacutetiques dans le cadre dune proceacutedure judiciaire

1 - En matiegravere peacutenale

Un arrecirct de la Chambre criminelle de la Cour de cassation (22 juin 2004 Bull crim ndeg 164)

vient preacuteciser lapplication de larticle 706-56 du code de proceacutedure peacutenale issu de la loi ndeg

2001-1062 du 15 novembre 2001 (art 56 JO du 16 nov 2001) modifieacutee ensuite par la loi ndeg

2003-239 du 18 mars 2003 (art 29 JO du 19 mars 2003) et par la loi ndeg 2004-204 du 9 mars

16

2004 (art 49 JO du 10 mars 2004) en matiegravere dempreintes geacuteneacutetiques aux fins

didentification en matiegravere peacutenale Ce texte preacutevoit que le fait pour une personne

deacutefinitivement condamneacutee pour une des infractions viseacutees agrave larticle 706-55 de refuser de se

soumettre agrave un preacutelegravevement biologique destineacute agrave permettre lanalyse didentification de son

empreinte geacuteneacutetique est passible de sanctions peacutenales En lespegravece un homme condamneacute pour

viol avait refuseacute de se soumettre agrave un preacutelegravevement biologique en vue de son inscription au

fichier des empreintes geacuteneacutetiques et preacutetendait que le texte susviseacute ne sappliquait quaux

personnes deacutefinitivement condamneacutees apregraves son entreacutee en vigueur La cour dappel ne suit pas

cette argumentation et la Cour de cassation rejette le pourvoi aux motifs que ce texte

dapplication immeacutediate concerne toutes les personnes dont un preacutelegravevement est requis mecircme

si la condamnation est anteacuterieure agrave la loi

Les mesures viseacutees par ce texte sinscrivent dans la mise en place et le fonctionnement du

FNAEG le fichier national automatiseacute des empreintes geacuteneacutetiques destineacute notamment agrave

conserver dans un traitement automatiseacute les empreintes geacuteneacutetiques de lensemble des

personnes condamneacutees pour infractions sexuelles (Circ CRIM 00-8 F1 du 10 oct 2000 et

CRIM 01-15 E6 du 20 juill 2001) Un deacutecret ndeg 2004-470 du 25 mai 2004 modifiant le code

de proceacutedure peacutenale (2e partie deacutecrets en Conseil dEtat) relatif au fichier national

automatiseacute des empreintes geacuteneacutetiques vient compleacuteter le dispositif

C - Limage du corps

Limage du corps ou lapparence corporelle est classiquement proteacutegeacutee par le droit agrave limage

deacutecoulant de larticle 9 du code civil consacrant le droit au respect de la vie priveacutee et qualifieacute

de droit de la personnaliteacute (P Kayser in Meacutelanges Roubier p 73 T Hassler note sous TGI

Paris 15 avr 1987 D 1987 Jur p 551 F Dessemontet Le droit agrave sa propre image droit de

la personnaliteacute ou droit de la publiciteacute Meacutelanges en lhonneur de J-M Grossen) Cest le

droit pour toute personne dinterdire aux tiers la reproduction et la publication de son image

Limage du corps peut ecirctre appreacutehendeacutee de maniegravere plus originale par le recours agrave larticle 16

comme sinscrivant dans le domaine du droit au respect du corps humain et essentiellement

dans celui du respect de la digniteacute de la personne humaine On observe que le principe du

droit au respect du corps est proclameacute par le leacutegislateur en des termes semblables agrave ceux de

larticle 9 du code civil visant le respect de la vie priveacutee Il est vrai que laquo corps et vie priveacutee

repreacutesentent les deux faces de lintimiteacute dune personne raquo (J-C Galloux Le corps humain

dans le code civil in 1804-2004 Le code civil Un passeacute un preacutesent un avenir Dalloz 2004

p 381) Le recours agrave la notion de digniteacute de la personne humaine a eacuteteacute solliciteacute degraves 2001 dans

laffaire du preacutefet Erignac pour sanctionner la reproduction dans la presse de limage de son

cadavre (Cass 1re civ 20 deacutec 2000 J-P Gridel Retour sur limage du preacutefet assassineacute

digniteacute de la personne humaine et liberteacute de linformation dactualiteacute D 2001 Chron p 872

Jur p 885 Somm p 1990 obs A Lepage RTD civ 2001 p 329 obs J Hauser JCP

2001 II 10488 note J Ravanas)

1 Une deacutecision de la Cour dappel de Paris (1re ch B 23 sept 2004) consacre cette solution

en retenant que la liberteacute dexpression eacutetant une liberteacute fondamentale agrave valeur

constitutionnelle proteacutegeacutee par la Convention europeacuteenne des droits de lhomme et la

Deacuteclaration des droits de lhomme et du citoyen ses abus peuvent seulement ecirctre poursuivis

au nom dautres principes agrave valeur constitutionnelle comme le droit agrave reacuteparation de tout

preacutejudice subi ou la protection de la digniteacute de lhomme preacutevue par larticle 16 du code civil

2 Une deacutecision de la deuxiegraveme Chambre civile de la Cour de cassation (4 nov 2004) vient

confirmer cette dualiteacute Il sagissait en lespegravece dune photographie dun jeune homme de 17

17

ans gisant inanimeacute et agrave demi deacutevecirctu le visage ensanglanteacute victime dun accident de la

circulation alors quil pilotait un scooter Le clicheacute avait eacuteteacute pris par un hebdomadaire agrave grand

tirage pour illustrer un article intituleacute laquo Routes la guerre oublieacutee raquo consacreacute aux accidents de

la route

Les parents de ladolescent deacuteceacutedeacute des suites de laccident avaient assigneacute la socieacuteteacute eacuteditrice

de lhebdomadaire en reacuteparation arguant dune atteinte agrave la digniteacute de la personne ainsi

repreacutesenteacutee Les juges du fond avaient fait droit agrave la demande aux motifs que la liberteacute

dinformer revendiqueacutee par leacutediteur ne devait pas preacutevaloir sur le respect des droits de

lindividu sagissant dun article consacreacute agrave un pheacutenomegravene de socieacuteteacute La jurisprudence en la

matiegravere consacre en effet la liberteacute de communication des informations ainsi que la

publication dimages de personnes impliqueacutees dans un eacuteveacutenement sagissant deacuteveacutenements

dactualiteacute voire mecircme de faits dactualiteacute (Cass 2e civ 30 juin 2004 D 2004 IR p 2478

JCP 2004 II 10160 note D Bakouche) sous la seule reacuteserve du respect de la digniteacute

humaine (not absence de recherche du sensationnel et toute indeacutecence Cass 1re civ 20

feacutevr 2001 D 2001 Jur p 1199 note J-P Gridel Somm p 1990 obs A Lepage RTD civ

2001 p 329 note J Hauser Dr et patrimoine juin 2001 p 96 note G Loiseau 12 juill

2001 D 2002 Jur p 1380 note C Bigot Somm p 2298 obs L Marino RTD civ 2001

p 852 obs J Hauser JCP 2002 II ndeg 10152 note J Ravanas) Les diffeacuterentes deacutecisions

sont rendues au regard de latteinte agrave la vie priveacutee et du droit agrave limage sur le fondement de

larticle 9 (Cass 2e civ 5 mars 1997 D 1998 Jur p 474 note J Ravanas RTD civ 1997

p 396 obs J Hauser CA Versailles 31 janv 2002 Bull inf C cass 1er oct 2002 ndeg 983

D 2003 Somm p 1533 obs C Caron) voire sur le fondement de larticle 10 de la

Convention europeacuteenne des droits de lhomme (CEDH 3e sect 26 feacutevr 2002 Krone Verlag

c Austria req ndeg 34315)

Dans larrecirct susviseacute la Cour de cassation casse la deacutecision au visa des articles 10 de la

Convention europeacuteenne 9 et 16 du code civil Rappelant que laquo le principe de la liberteacute de la

presse implique le libre choix des illustrations dun deacutebat geacuteneacuteral de pheacutenomegravene de socieacuteteacute

sous la seule reacuteserve du respect de la digniteacute de la personne humaine [] raquo elle reproche agrave la

cour dappel de ne pas avoir laquo caracteacuteriseacute latteinte porteacutee par celle-ci [la photographie

litigieuse] agrave la digniteacute de la victime [] raquo

Le recours agrave larticle 16 du code civil selon lequel laquo la loi interdit toute atteinte agrave la digniteacute raquo

de la personne teacutemoigne de la proximiteacute des notions dimage (traditionnellement inscrite dans

le droit au respect de la vie priveacutee) et dapparence corporelle dont on perccediloit le lien avec la

notion de droit au respect du corps humain gouverneacute par larticle 16-1 prolongeant la

protection plus geacuteneacuterale fondeacutee sur la digniteacute inscrite agrave larticle 16 du code civil Nexiste-t-il

pas degraves lors une veacuteritable attraction de ces deux regravegles Les deux protections coexistent se

complegravetent et devraient favoriser le renforcement de la protection de limage de la personne

II - Le corps ses eacuteleacutements et ses produits

A - Regravegles geacuteneacuterales relatives au statut du corps humain

A leacutepoque contemporaine le corps humain devient de plus en plus un lieu de conflits

Conflits entre des normes juridiques de valeur comparable - autonomie de la volonteacute contre

solidariteacute sociale digniteacute des personnes contre liberteacute de la science - mais eacutegalement et de

maniegravere plus fondamentale conflits susciteacutes par des approches philosophiques et morales

diffeacuterentes sinon opposeacutees du corps humain Approches judeacuteo-chreacutetiennes qui le sacralisent

en linscrivant dans le mystegravere de lincarnation mateacuterialistes qui en nient la transcendance

utilitaristes precirctes agrave le sacrifier pour le bien-ecirctre collectif libertaires ou heacutedonistes qui

exaltent la liberteacute de lindividu agrave lencontre des contingences biologiques ou nen font que

18

linstrument de satisfaction des deacutesirs Le droit biomeacutedical se ressent de ces laquo oscillations de

la morale raquo (J Carbonnier Droit et passion du droit sous la Ve Reacutepublique Flammarion

1996 p 116) au risque de perdre peu agrave peu sa coheacuterence En teacutemoigne lapplication parfois

heacutesitante parfois jupiteacuterienne et souvent gecircneacutee des principes geacuteneacuteraux qui gouvernent le

statut du corps humain la protection de linteacutegriteacute corporelle et surtout lindisponibiliteacute ou

lextra-commercialiteacute du corps

1 - Protection de linteacutegriteacute corporelle

1 La loi du 6 aoucirct 2004 a modifieacute larticle 16-3 du code civil en ajoutant agrave la neacutecessiteacute laquo

meacutedicale raquo justifiant latteinte agrave linteacutegriteacute corporelle laquo agrave titre exceptionnel dans linteacuterecirct

theacuterapeutique dautrui raquo (art 9) Cette nouvelle extension de laccegraves aux ressources

biologiques corporelles au deacutetriment des droits de lindividu sur son corps (la premiegravere a eacuteteacute

consacreacutee par la loi ndeg 99-641 du 27 juill 1999 art 70 qui avait deacutejagrave substitueacute au terme laquo

theacuterapeutique raquo celui de laquo meacutedicale raquo afin de contrer linterpreacutetation neacutecessairement eacutetroite

quen avait fait la Cour de cassation dans son avis du 6 juill 1998 [D 1998 IR p 208 RTD

civ 1998 p 881 obs J Hauser] consideacuterant contraires agrave lart 16-3 les atteintes agrave linteacutegriteacute

du corps meneacutees agrave des fins purement contraceptives comme la ligature des trompes de Fallope

de telles atteintes sont deacutesormais licites car obeacuteissant agrave une finaliteacute meacutedicale mecircme si elles

tendent plus agrave preacutevenir ou agrave gueacuterir une maladie une grossesse neacutetant par elle-mecircme une

maladie) a davantage pour but dharmoniser les dispositions du code civil et celles du code de

la santeacute publique les preacutelegravevements reacutealiseacutes aux fins de greffes sur autrui ne pouvaient

certainement pas entrer dans les preacutevisions du texte dans sa reacutedaction anteacuteceacutedente Avec

lextension continue de la cateacutegorie des donneurs vivants (afin de pallier le deacuteficit chronique

de greffons en France cf infra) cette disposition est promise agrave un bel avenir (JOAN CR 2e

seacuteance 16 janv 2002)

2 Le titre III de la loi du 6 aoucirct 2004 apporte par ailleurs des modifications importantes agrave

larchitecture des preacutelegravevements deacuteleacutements du corps humain et par voie de conseacutequence aux

conditions dans lesquelles il peut ecirctre porteacute atteinte agrave linteacutegriteacute corporelle des donneurs

- lacte de preacutelegravevement est deacutesormais qualifieacute dlaquo acte de soin raquo au sens des articles L 1142-1

et suivants du code de la santeacute publique relatifs aux risques sanitaires reacutesultant du

fonctionnement du systegraveme de santeacute issus de la loi du 4 mars 2002 ce qui devrait ameacuteliorer

lindemnisation des victimes en cas daccident lors du preacutelegravevement

- le cercle des donneurs est eacutelargi (art L 1231-1 al 1er c santeacute publ)

- les modaliteacutes de recueil du consentement sont renforceacutees (mecircme art al 3)

- les finaliteacutes des preacutelegravevements sont mieux deacutefinies (par ex pour le sang art L 1211-8-1 c

santeacute publ) le patient pouvant controcircler une nouvelle utilisation des eacuteleacutements preacuteleveacutes

initialement pour dautres buts (not art L 1241-1 c santeacute publ) Les patients peuvent

eacutegalement sopposer agrave lutilisation des produits dexeacuteregravese et du placenta (art L 1235-2 et

1245-2 c santeacute publ) Pour les preacutelegravevements sur personne deacuteceacutedeacutee la regravegle mal veacutecue et

contourneacutee du consentement est ameacutelioreacutee obligeant le meacutedecin agrave recueillir aupregraves de ses

proches une eacuteventuelle opposition exprimeacutee par le deacutefunt de son vivant (art L 1232-1 c

santeacute publ) les proches se voyant reconnaicirctre le droit de connaicirctre les preacutelegravevements effectueacutes

3 Nonobstant les appels aux dons la peacutenurie de greffons saggrave en France selon

lEtablissement franccedilais des greffes qui constate une baisse des preacutelegravevements dorganes

(communiqueacute du 8 avr 2004) ce qui conduit lAcadeacutemie de meacutedecine agrave reacuteclamer de

19

nouvelles modifications reacuteglementaires afin dassouplir les regravegles de seacutelection des donneurs

(communiqueacute du 11 mai 2004) Cette situation ne doit toutefois pas conduire agrave des

discriminations ignoreacutees de la reacuteglementation sanitaire et contraires agrave notre tradition juridique

larrecirct du Conseil dEtat du 30 avril 2004 sen fait leacutecho En lespegravece un ressortissant

marocain en situation irreacuteguliegravere atteint dune grave insuffisance reacutenale chronique et inscrit

sur la liste des receveurs de greffes dorganes en vue dune transplantation reacutenale se voit

notifier une mesure de reconduite agrave la frontiegravere sur le fondement de larticle 25 de

lordonnance du 2 novembre 1945 Larrecircteacute deacutecidant cette reconduite est annuleacute comme

entacheacute dune erreur manifeste dappreacuteciation des conseacutequences de cet arrecircteacute sur la situation

personnelle de linteacuteresseacute car il ne pouvait pas beacuteneacuteficier dune opeacuteration de transplantation

dans son pays dorigine Peut-on voir dans cette solution tregraves humaine une application preacutecoce

du principe nouvellement inscrit dans le nouvel article L 1231-1 A c) du code de la santeacute

publique qui impose le respect du principe deacutequiteacute dans les regravegles de reacutepartition et

dattribution des greffons

4 La question des soins imposeacutes suscite toujours des questions deacutelicates autant sur un plan

humain quun plan juridique Le droit pour le patient majeur de donner lorsquil se trouve en

leacutetat de lexprimer son consentement agrave un traitement meacutedical comme le rappelle lalineacutea 2 de

larticle 16-3 revecirct le caractegravere dune liberteacute fondamentale (CE ord reacutef 16 aoucirct 2002 D

2004 Somm p 602 obs J Penneau RTD civ 2002 p 781 obs J Hauser) Larticle L

1111-4 du code de la santeacute publique tel quissu de la loi du 4 mars 2002 sur le droit des

malades prescrit que le pouvoir de deacutecision sexerce avec le professionnel de santeacute compte

tenu des informations et des preacuteconisations quil lui fournit le meacutedecin ne dispose plus

deacutesormais que dun pouvoir de conseil qui lui interdit de passer outre la volonteacute du patient

mecircme en cas durgence vitale Le meacutedecin doit respecter la volonteacute de la personne apregraves

lavoir informeacutee des conseacutequences de ses choix (il nest dailleurs pas obligeacute de la convaincre

Cass 1re civ 18 janv 2000 D 2001 Jur p 3559 note M-L Mathieu-Izorche) aucun acte

ni aucun traitement ne peut ecirctre pratiqueacute sans le consentement libre et eacuteclaireacute de la personne

consentement quelle peut retirer agrave tout moment Toutefois parmi les soins imposeacutes les

obligations de vaccination tiennent une place particuliegravere Bien accepteacutees par le public

lorsquelles furent introduites pour lutter contre des eacutepideacutemies dont chacun pouvait mesurer

autour de soi les effets deacutevastateurs (la premiegravere vaccination obligatoire remonte agrave la loi du 15

feacutevr 1902 F Moderne Le reacutegime juridique des vaccinations obligatoires AJDA 1965 p

195) ces mesures autoritaires encore nombreuses (contre la diphteacuterie art L 3111-1 c santeacute

publ le teacutetanos art L 3111-2 c santeacute publ la poliomyeacutelite art L 3111-3 c santeacute publ

la tuberculose art L 3111-4 c santeacute publ) sont aujourdhui contesteacutees au nom de la liberteacute

individuelle alors que ces grandes pandeacutemies ont peu agrave peu replieacute leurs ailes de mort sur

notre pays du moins Dans un arrecirct dAssembleacutee du 3 mars 2004 (Association Liberteacute

Information Santeacute RFDA 2004 p 581 concl comm du gouv G Le Chatelier AJDA

2004 p 971) le Conseil dEtat a eu loccasion de preacuteciser les pouvoirs reacuteglementaires dont

peut disposer le ministre de la Deacutefense pour imposer certaines vaccinations obligatoires

contrairement aux conclusions du commissaire du gouvernement il a admis que le ministre de

la Deacutefense en tant que chef de service peut imposer des vaccinations aux militaires placeacutes

sous son autoriteacute Si le principe dinteacutegriteacute du corps ne constitue pas en lui-mecircme un principe

agrave valeur constitutionnelle il concourt toutefois agrave assurer le respect du principe constitutionnel

de sauvegarde de la digniteacute de la personne humaine (Cons const 27 juill 1994 RJC p 100

B Edelman Le Conseil constitutionnel et lembryon D 1995 Chron p 205 Jur p 237 note

B Mathieu Somm p 299 obs L Favoreu) Cette expression essentielle et incarneacutee de la

liberteacute individuelle doit ecirctre concilieacutee avec des impeacuteratifs sociaux de santeacute dont la valeur nest

pas moindre La Haute juridiction administrative avait deacutejagrave eu loccasion de preacuteciser que les

20

dispositions imposant des vaccinations obligatoires si elles ont pour effet de porter une

atteinte limiteacutee aux principes dinviolabiliteacute et dinteacutegriteacute du corps humain voient leur mise en

oeuvre justifieacutee dans le but dassurer la protection de la santeacute dont le principe se trouve garanti

par le Preacuteambule de la Constitution de 1946 et sont proportionneacutees agrave cet objectif (CE 26 nov

2001 ALIS req ndeg 222741 RFDA 2002 p 65 concl comm du gouv S Boissard) Cest

normalement agrave la loi quil revient darbitrer entre ces deux principes Dans une autre affaire

(CA Pau 19 mars 2002 Dr fam 2004 ndeg 137 obs M S) des parents avaient eacuteteacute

condamneacutes agrave des peines contraventionnelles pour avoir soustrait leurs enfants agrave lobligation

vaccinale pour des raisons religieuses Ces deacutecisions ont eacuteteacute rendues alors que la loi du 4 mars

2002 sur le droit des patients neacutetait pas entreacutee en vigueur le renforcement de la liberteacute du

patient serait-elle de nature agrave assouplir les obligations vaccinales La jurisprudence de la

Cour europeacuteenne des droits de lhomme semble aller en ce sens (CEDH 9 juill 2002 ndeg

4219798 Salvetti c Italie une vaccination obligatoire en tant que traitement meacutedical non

volontaire constitue une ingeacuterence dans le droit au respect de la vie priveacutee reconnu par lart 8

sect 1 Conv EDH) Quil nous soit permis deacutemettre des reacuteserves sauf agrave ruiner toute la politique

de preacutevention mise en place par les autoriteacutes sanitaires depuis un siegravecle et dont les effets

salutaires ne sont pas contestables la reacutesistance des juridictions administratives qui sous-tend

larrecirct dAssembleacutee rapporteacute face aux derniers avatars dun certain extreacutemisme libertarien

dont le corps devient le bastion (pour un bon exposeacute de ces thegraveses Onfray Feacuteeacuteriques

anatomiques geacuteneacutealogie du corps faustien Grasset-Fasquelle 2003) montre que lhypothegravese

est ici bien diffeacuterente dun simple refus de soin comme dans le cas des transfusions elles ne

mettent en jeu que la vie du patient (sur cette derniegravere question B Mathieu De la difficulteacute

de choisir entre la liberteacute et la vie RGDM 2003 ndeg 9 p 97 A Garay Volonteacutes et liberteacutes

dans la relation meacutedecin-malade la mise agrave leacutepreuve des articles 16-3 du code civil et L

1111-4 du code de la santeacute publique RGDM 2003 ndeg 10 p 143)

5 Moins sujet agrave deacutebat larrecirct rendu par la Cour europeacuteenne (22 juill 2003 req ndeg 2420994

RD publ 2004 ndeg 3 p 826 note C Picheral) qui condamne la Turquie pour ingeacuterence dans

le droit au respect de la vie priveacutee reconnu par larticle 8 sect 1 de la Convention europeacuteenne

Dans cette affaire la plaignante avait subi un examen gyneacutecologique forceacute destineacute agrave prouver

agrave lissue de sa garde agrave vue quelle navait pas subi de violences sexuelles La Cour europeacuteenne

qui integravegre deacutesormais le respect du corps humain dans la sphegravere de la vie priveacutee fait ici une

application logique de larticle 8 dans la ligne de la jurisprudence preacuteceacutedemment citeacutee

2 - Indisponibiliteacute et extra-patrimonialiteacute du corps humain

6 Le principe dextra-patrimonialiteacute du corps humain se trouve repris par les articles 16-1

alineacutea 3 16-5 et 16-6 du code civil quil est parfois difficile de distinguer du principe

dindisponibiliteacute du corps humain que la jurisprudence fonde sur larticle 1128 du mecircme code

(Cass ass pleacuten 31 mai 1991 D 1991 Jur p 417 rapp Y Chartier note D Thouvenin) Si

la qualification dindisponibiliteacute a eacuteteacute eacutecarteacutee du vocabulaire des lois de 1994 et de 2004

comme par la doctrine dominante pour cause dambiguiumlteacute (D Fenouillet Respect et protection

du corps humain J-Cl civil art 16 agrave 16-12 fasc 12 ndeg 134 s) la jurisprudence y revient

parfois pour affirmer que le corps nest pas une chose dans le commerce Larrecirct de la Cour

dappel de Paris du 16 mai 2003 reacuteforme sur ce point un jugement du Tribunal des affaires de

seacutecuriteacute sociale de Paris du 5 juillet 2001 qui avait agrave tort exoneacutereacute une prostitueacutee du paiement

de la cotisation dallocations familiales des travailleurs indeacutependants au motif quanalyser une

activiteacute sexuelle reacutemuneacutereacutee comme un travail reviendrait agrave admettre que le commerce du

corps humain est leacutegal alors que leacutegaliser ce commerce aboutit agrave nier et agrave rejeter le principe

dindisponibiliteacute du corps humain La cour rappelle agrave bon droit que le commerce des relations

sexuelles nest pas en soi illicite seules eacutetant interdites certaines conditions dexercice de cette

21

activiteacute en tant quelles conduiraient aux infractions de racolage et de proxeacuteneacutetisme Affirmer

que lactiviteacute en cause na aucun lien avec lindisponibiliteacute du corps humain a quelque chose

de surreacutealiste le fait quelle ne soit pas peacutenalement reacuteprimeacutee nempecircche pas le caractegravere

illicite du contrat passeacute entre la prostitueacutee et son client (dans ce sens pour la nulliteacute dune

assurance souscrite par un proxeacutenegravete contre les accidents corporels freacutequents dans ce genre

dactiviteacutes CA Paris 22 janv 1992 Juris-Data ndeg 020308) Reste la justification de la

deacutecision par la relative autonomie du droit des prestations sociales larticle R 241-2 du code

de la seacutecuriteacute sociale vise toutes les activiteacutes non salarieacutees mecircme de caractegravere accessoire La

Chambre sociale de la Cour de cassation a deacutejagrave admis la prostitution au titre de ces activiteacutes

(18 mai 1995 D 1996 Somm p 38 obs X Preacutetot) eacutecarter les activiteacutes de prostitution de

lassiette des cotisations sociales ne serait-ce pas les encourager davantage au risque pour

lEtat de reprendre agrave son compte le ceacutelegravebre adage de Vespasien

7 Nous rappellerons encore larrecirct rendu par la premiegravere Chambre civile le 9 deacutecembre 2003

confirmant le rejet de ladoption pleacuteniegravere par la femme du pegravere dune enfant qui est le fruit

dune convention de megravere porteuse Lamie dun couple steacuterile avait accepteacute en 1987

dabandonner agrave sa naissance sans indication de filiation maternelle lenfant conccedilu des relations

intimes quelle avait eues avec leacutepoux La demanderesse au pourvoi soutenait que lilliceacuteiteacute de

la convention neacutetait pas eacutetablie par la jurisprudence et par la loi au moment des faits et quil

fallait prendre en consideacuteration pour ladoption pleacuteniegravere les douze anneacutees passeacutees par lenfant

aupregraves delle les inteacuterecircts de ce dernier primant la neacutecessiteacute de sanctionner la convention La

Cour de cassation confirmant sa jurisprudence du 31 mai 1991 (preacutec) et du 29 juin 1994 (D

1994 Jur p 581 note Y Chartier) rappelle laquo que la materniteacute pour autrui dont le caractegravere

illicite se deacuteduit des principes geacuteneacuteraux du code civil et aujourdhui de son article 16-7

reacutealise un deacutetournement de linstitution de ladoption que les premiers juges ont agrave bon droit

refuseacute raquo Prudemment la Haute juridiction neacutevoque pas la notion dindisponibiliteacute cet laquo

imaginaire de la doctrine raquo (M Gobert Reacuteflexions sur les sources du droit et les principes

dindisponibiliteacute du corps humain et de leacutetat des personnes RTD civ 1992 p 489) pour se

contenter logiquement de viser larticle 16-7 qui a vocation agrave sappliquer mecircme si le contrat

reste secret la graviteacute du vice initial de la materniteacute pour autrui contaminant toute adoption

ulteacuterieure

8 Le Tribunal administratif dAmiens dans sa deacutecision du 9 mars 2004 fait une application

discutable de la notion dextra-commercialiteacute des eacuteleacutements et des produits du corps humain

dans une hypothegravese ougrave cette qualification ne devait pas jouer Un couple perd ses embryons

congeleacutes in vitro en raison de la deacutefaillance du mateacuteriel de conservation imputable agrave un

eacutetablissement hospitalier Peut-il se preacutevaloir dun preacutejudice indemnisable dans le cadre de

laction en responsabiliteacute quil engage contre cet eacutetablissement La juridiction administrative

saisie admet la responsabiliteacute de la personne publique le mateacuteriel de conservation lui

appartenant eacutetant en cause mais sur la question de la reacuteparation du preacutejudice subi reacutepond de

maniegravere surprenante laquo si les eacutepoux peuvent se preacutevaloir de lexistence dun preacutejudice

mateacuteriel reacutesultant de la perte dovocytes les dispositions de larticle 16-1 du code civil selon

lesquelles le corps humain ses eacuteleacutements et ses produits ne peuvent faire lobjet dun droit

patrimonial sopposent agrave ce quils puissent en demander la reacuteparation en argent raquo et il

poursuit laquo les ovocytes surnumeacuteraires neacutetant pas des personnes ils ne sont pas fondeacutes agrave se

preacutevaloir dun preacutejudice moral reacutesultant selon eux de la perte decirctres chers raquo Le couple se

voit toutefois allouer 10 000 euros de dommages-inteacuterecircts pour les laquo troubles divers raquo dans

leurs conditions dexistence Si les ovocytes ne sont pas eacutevaluables en argent et si leur perte ne

peut donc pas justifier un preacutejudice mateacuteriel il nen va pas de mecircme dun preacutejudice moral

causeacute par leur perte (la perte dun animal domestique le justifie en droit civil ) et surtout le

22

preacutejudice reacutesultant de la perte dune chance de devenir parents pour un couple deacutejagrave acircgeacute et qui

rencontre des difficulteacutes pour procreacuteer degraves lors quaurait pu ecirctre eacutetablie la disparition par

leffet de la faute imputeacutee agrave leacutetablissement hospitalier de leacuteveacutenement favorable la

probabiliteacute de la naissance dun enfant (en droit meacutedical G Meacutemeteau Gaz Pal 1997 2

Doctr p 1367) La juridiction administrative a manqueacute une occasion de faire avancer le droit

biomeacutedical dans une affaire inattendue et hautement symbolique

B - Reacuteglementation des eacuteleacutements et les produits du corps

Prenant appui sur les principes geacuteneacuteraux gouvernant le statut du corps humain le reacutegime

juridique des eacuteleacutements et des produits biologiques dorigine humaine peut toutefois preacutesenter

des particulariteacutes

1 - La greffe de visage

9 Le Comiteacute consultatif national deacutethique dans son avis ndeg 82 du 6 feacutevrier 2004 eacutemet un

avis deacutefavorable au preacutelegravevement du visage dune personne deacuteceacutedeacutee ou en langage meacutedical agrave

lallotransplantation de tissus composites En deacutepit des besoins eacutevidents pour la chirurgie

reconstructive des victimes deacutefigureacutees agrave la suite daccidents ou de suicides manqueacutes le

Comiteacute consultatif considegravere que des obstacles dirimants subsistent actuellement pour

ladmission dun tel preacutelegravevement les perspectives de laquo reacuteussite raquo dune telle opeacuteration

demeurent tregraves theacuteoriques les risques de rejet des greffons eacutetant laquo extrecircmement graves raquo il

paraicirct par ailleurs fort deacutelicat de solliciter lautorisation de la famille du deacuteceacutedeacute pour effectuer

les preacutelegravevements la signification eacutethique particuliegravere du visage humain son lien intime agrave la

personnaliteacute et agrave lidentiteacute en font davantage quune piegravece anatomique Cette prudence sinscrit

dans le cadre des principes traditionnels du droit meacutedical la technique envisageacutee relevant

pour lheure davantage de lexpeacuterimentation que de la theacuterapeutique

2 - Les banques de sang de cordon ombilical

10 Les cellules heacutematopoiumleacutetiques preacutesentes dans le sang du cordon ombilical peuvent ecirctre

utiliseacutees pour le traitement de certaines maladies geacuteneacutetiques elles peuvent notamment

repeupler la moelle osseuse du patient et constituer une source de cellules sanguines offrant

ainsi une solution alternative agrave la greffe de moelle osseuse Des banques de ces cellules ont

eacuteteacute creacuteeacutees dans des institutions hospitaliegraveres et plus reacutecemment dans le secteur priveacute Ces

activiteacutes pour certaines agrave but lucratif suscitent eacutevidemment des questions juridiques et

eacutethiques Le Comiteacute national sest en France pencheacute sur ce problegraveme (avis ndeg 74 du 12 deacutec

2002) de mecircme que divers organismes de santeacute europeacuteens Le Groupe europeacuteen deacutethique

institueacute aupregraves du preacutesident de la Commission europeacuteenne a consacreacute agrave ce point son avis ndeg

16 rendu le 16 mars 2004 En substance les sages du Groupe europeacuteen critiquent vivement

louverture de cette activiteacute au secteur commercial degraves lors que les banques priveacutees noffrent

pas un laquo service utile en termes de possibiliteacutes theacuterapeutiques raquo (pt 21) et meacuteritent decirctre

eacutetroitement encadreacutees comme elles le seraient dailleurs en France Dun point de vue plus

geacuteneacuteral ces banques priveacutees de sang ombilical qui demeurent en veacuteriteacute assez marginales

posent la question des activiteacutes commerciales dans les secteurs sensibles de la santeacute qui nest

pas reacutesolue de maniegravere uniforme au sein de lUnion europeacuteenne Ladoption de

reacuteglementations telles que la directive CE ndeg 2004-23 du 31 mars 2004 concernant les aspects

de seacutecuriteacute et de qualiteacute pour les diffeacuterentes opeacuterations relatives aux eacuteleacutements biologiques

dorigine humaine va dans le sens de cette harmonisation

3 - Les normes europeacuteennes de qualiteacute et de seacutecuriteacute concernant les diffeacuterentes opeacuterations

relatives aux tissus et aux cellules humains

11 La directive CE ndeg 2004-23 du 31 mars 2004 constitue un texte important dans un secteur

ougrave lharmonisation communautaire tardait nonobstant le maillage reacuteglementaire existant en

23

matiegravere de meacutedicaments agrave usage humain (Dir CE ndeg 2001-83 du 6 nov 2001) Le texte

sapplique essentiellement aux eacuteleacutements biologiques destineacutes agrave lhomme ou agrave la fabrication de

produits manufactureacutes y compris pour des buts cosmeacutetiques agrave lexception des produits

destineacutes agrave des greffes autologues dans le cadre dune intervention chirurgicale unique du sang

et des produits sanguins (Dir CE ndeg 2002-98 du 27 janv 2002) des organes ou des parties

dorganes utiliseacutes aux mecircmes fins que lorgane entier dans le corps humain Les utilisations agrave

des fins de recherche sont eacutegalement exclues La directive sapplique en revanche aux gamegravetes

et aux cellules souches embryonnaires mais laisse aux Etats membres la faculteacute den autoriser

lutilisation Dune maniegravere geacuteneacuterale le texte communautaire nimpose pas de modegravele eacutethique

mais des obligations techniques dans un but de seacutecuriteacute sanitaire comprenant notamment la

mise en place dun systegraveme qualiteacute et de traccedilabiliteacute la deacutesignation dune personne responsable

mais il insiste cependant sur la gratuiteacute des dons et les exigences en matiegravere de consentement

La transposition qui ne devrait pas affecter de maniegravere sensible le cadre juridique franccedilais

actuel doit intervenir avant le 7 avril 2006

4 - Les cellules souches embryonnaires

12 Moins de deux mois apregraves ladoption de la reacutevision des lois bioeacutethiques et en application

de larticle 37 du nouveau texte qui autorise agrave titre transitoire avant la mise en place de

lAgence de la Biomeacutedecine les ministres concerneacutes agrave permettre limportation agrave des fins de

recherche de cellules souches embryonnaires humaines un deacutecret et un arrecircteacute (JO ndeg 228 du

30 sept 2004 p 16804) du 28 septembre 2004 viennent dy proceacuteder Les recherches sur ces

cellules fort contesteacutees il y a encore peu puisque la preacuteceacutedente autorisation dimportation de

cellules souches dorigine embryonnaire avait fait lobjet dun contentieux (TA Paris 21 janv

2003 D 2004 Somm p 532 obs H Gaumont-Prat LPA 2003 ndeg 196 p 7 note B

Pauvert) entrent donc rapidement dans la reacutealiteacute Ces souches importeacutees seront rapidement

supplanteacutees par pregraves de 50 000 embryons congeleacutes en France dont les geacuteniteurs ont renonceacute agrave

ce quils accegravedent agrave la naissance et qui vont pouvoir prochainement servir de mateacuteriel

dexpeacuterimentation comme la loi nouvelle lautorise deacutesormais

Mots cleacutes

PERSONNE HUMAINE Panorama 2004

Gazette du Palais 29 mai 2004 ndeg 150 P 15 - Tous droits reacuteserveacutes

Famille - Personnes

040412

ADOPTION Adoption pleacuteniegravere - Enfants pouvant faire lobjet dune adoption - Enfant neacute dune megravere

porteuse (non)

La materniteacute pour autrui dont le caractegravere illicite se deacuteduit des principes geacuteneacuteraux du Code

civil et aujourdhui de son article 16-7 reacutealise un deacutetournement de linstitution de ladoption

que les juges du fond ont donc agrave bon droit refuseacute de prononcer sans violer aucun des textes

invoqueacutes

C cass 1re civ 9 deacutecembre 2003 Mme X c Procureur geacuteneacuteral pregraves le Cour dappel de Y-

Pourvoi ndeg 0103927 Q - Rejet (C app Paris 1er feacutevrier 2001) - gr ndeg 1644P

NOTE

Reacuteiteacuteration de linterdiction dune adoption lieacutee agrave une procreacuteation pour le compte

dautrui -

24

Larrecirct rendu le 9 deacutecembre 2003 ne surprendra pas puisquil sinscrit dans la ligne traceacutee par

la Cour de cassation depuis 1989 confirmeacutee par la loi du 29 juillet 1994 relative au respect du

corps humain

En lespegravece Georges D et Denise M seacutetaient marieacutes le 15 deacutecembre 1962 et avaient eu un

enfant Fabrice neacute le 11 novembre 1966 Leacutepouse nayant pu avoir un deuxiegraveme enfant

pourtant vivement souhaiteacute le couple se serait adresseacute agrave une laquoamieraquo qui aurait accepteacute davoir

des relations intimes avec Georges D jusquagrave ce quelle conccediloive un enfant quil eacutetait convenu

de laisser degraves sa naissance au pegravere et agrave son eacutepouse

Cest ainsi que serait neacutee Sarah le 4 juillet 1987 qui fut deacuteclareacutee sur les registres de leacutetat civil

sans indication de filiation maternelle reconnue par Georges D puis recueillie aussitocirct par

celui-ci et son eacutepouse Cette derniegravere avait pris la preacutecaution de seacuteloigner de son domicile

pendant les derniers mois du deacuteveloppement in utero de lenfant afin que la substitution

maternelle soit ignoreacutee de lentourage des deux eacutepoux

Il sagissait donc bien selon les propres dires de Georges et Denise D dune materniteacute pour

autrui sans recours aux techniques modernes de procreacuteation meacutedicalement assisteacutee selon un

processus agrave la fois naturel et vieux comme le monde (1)

En janvier 1999 Denise D a saisi le Tribunal de grande instance dune requecircte en adoption

pleacuteniegravere de la fille de son mari

Le Tribunal par jugement du 8 deacutecembre 1999 puis la Cour dappel de Paris par arrecirct du 1er

feacutevrier 2001 ont rejeteacute sa demande au motif quen application des art 6 et 1128 C civ la

convention par laquelle une femme sengage agrave concevoir et agrave porter un enfant pour

labandonner agrave sa naissance est nulle car elle contrevient tant au principe dordre public de

lindisponibiliteacute du corps humain quagrave celui de lindisponibiliteacute de leacutetat des personnes et que

ladoption envisageacutee neacutetait que lultime phase dun processus illicite constitutif dun

deacutetournement de linstitution de ladoption

On reconnaicirctra lagrave les formules mecircmes employeacutees par la Cour de cassation notamment dans

son arrecirct dassembleacutee pleacuteniegravere du 31 mai 1991 (2) Il nest donc pas eacutetonnant que la Cour

suprecircme ait rendu un arrecirct de rejet dautant plus que sa jurisprudence a eacuteteacute conforteacutee par le

nouvel art 16-7 inseacutereacute dans le Code civil par la loi ndeg 94-653 du 29 juillet 1994 (3) qui

dispose que toute convention portant sur la procreacuteation ou la gestation pour le compte dautrui

est nulle

La Cour de cassation a bien entendu viseacute expresseacutement ce texte nouveau mais elle a tenu agrave

rappeler que le caractegravere illicite se deacuteduisait aussi des principes geacuteneacuteraux du Code civil

faisant ainsi implicitement reacutefeacuterence aux art 6 et 1128 de ce Code sur lesquels elle avait

preacuteceacutedemment fondeacute sa position

Le moyen de cassation tentait deacutechapper agrave la jurisprudence de la Cour suprecircme en se fondant

sur les circonstances de lespegravece et notamment sur le fait que la requecircte en adoption navait

eacuteteacute formeacutee que douze anneacutees apregraves la naissance de lenfant de sorte que lindivisibiliteacute entre la

materniteacute pour autrui et ladoption ne serait pas caracteacuteriseacutee Mais la Cour dappel avait

reacutepondu agrave cette argumentation en eacutenonccedilant que labandon de lenfant agrave naicirctre objet de

lobligation contracteacutee par la megravere biologique eacutetait destineacute agrave permettre que lenfant reconnu

par Georges D puisse ecirctre adopteacute par son eacutepouse et en soulignant que celle-ci avait dans le

mecircme but accepteacute linseacutemination dune autre femme par les gamegravetes de son mari et quelle

avait participeacute activement au processus en prenant toutes preacutecautions pour que la substitution

de materniteacute soit ignoreacutee des tiers

Denise D soutenait en outre que linteacuterecirct de lenfant retenu tant par lart 353 C civ que par

les art 3 et 21 de la Convention internationale des droits de lenfant devait primer sur le souci

de sanctionner lilliceacuteiteacute de la convention qui avait preacutesideacute agrave sa conception et agrave sa naissance

La Cour de cassation ne sest pas arrecircteacutee agrave cette argumentation pas plus quelle ne sy eacutetait

arrecircteacutee en 1991 pour elle lensemble de lopeacuteration est indivisible le deacutetournement de

25

linstitution de ladoption est caracteacuteriseacute et il convient de lutter contre la politique du fait

accompli (4) Laccepter au nom de linteacuterecirct de lenfant ne conduirait-il pas comme on la

souligneacute en doctrine (5) agrave admettre le commerce des enfants sous preacutetexte que bien souvent

ceux-ci y trouveraient beacuteneacutefice

(1) Selon la Bible Sarah eacutepouse dAbraham ne pouvant avoir denfant de lui lenvoya aupregraves

de son esclave eacutegyptienne Agar dont il eut un fils Ismaeumll Agar fut renvoyeacutee avec celui-ci

lorsque Sarah tregraves acircgeacutee mit au monde Isaac le fils de la promesse

Cest sans doute une coiumlncidence si nous trouvons aussi dans notre affaire une laquoSarahraquo qui

tient il est vrai un rocircle tout diffeacuterent de celui deacutevolu agrave son homonyme biblique

Lhistoire reacutevegravele eacutegalement des cas relativement freacutequents ougrave pour pallier agrave la steacuteriliteacute du

mari et pour permettre la continuation de la ligneacutee et la perpeacutetuation dun nom ou dun titre un

laquovaletraquo - souvent ensuite renvoyeacute - eacutetait chargeacute de feacuteconder leacutepouse Le proceacutedeacute eacutetait

juridiquement parfait dans la mesure ougrave par le jeu de la preacutesomption de paterniteacute le mari

devenait leacutegalement le pegravere de lenfant

(2) Cass ass pleacuten 31 mai 1991 Bull civ 1991 ndeg 4 Gaz Pal Rec 1991 panor cass p

162 [912144] D 1991 jur p 417 rapport Y Chartier note G Thouvenin JCP 1991 II

21752 comm J Bernard concl H Dontenwille note F Terreacute Defreacutenois 1991 art 35088

ndeg 67 p 948 obs J Massip RTD civ 1991 517 obs D Huet-Weiller Dans le mecircme sens

v Cass civ 1re 29 juin 1994 Bull civ 1994 I ndeg 226 Gaz Pal Rec 1995 jur p 36 note

J B [943856] D 1994 jur p 581 note Y Chartier JCP 1995 II 223621 note J Rubellin-

Devichi RTD civ 1994 p 842 obs J Hauser Defreacutenois 1995 art 36024 ndeg 4 p 315

obs J Massip

V aussi Cass civ 1re 13 deacutecembre 1989 Bull civ 1989 I ndeg 387 Gaz Pal Rec 1990

panor cass p 66 [901122] D 1990 jur p 273 rapport J Massip Defreacutenois 1990 art

34802 ndeg 55 p 743 obs J-L Aubert et art 34815 p 862 rapport J Massip et JCP 1990 II

21526 note A Seriaux Dans cette affaire la Cour de cassation avait proclameacute par des motifs

analogues agrave ceux adopteacutes par les arrecircts de 1991 et 1994 le caractegravere illicite de la materniteacute

pour autrui et des associations qui sefforcent de la promouvoir

(3) Sur cette loi v notamment notre commentaire in Defreacutenois 1975 art 35975 et 35922

speacutecialement en ce qui concerne lart 16-7 C civ le ndeg 9 de cette eacutetude p 72

(4) Sur ces divers points v notre note preacuteciteacutee sous Cass ass pleacuten 31 mai 1991

(5) Obs J Hauser sous larrecirct rendu le 1er feacutevrier 2001 par la Cour dappel de Paris dans le

preacutesente affaire in RTD civ 2001 347

AD2008DEF0291N1

Reacutepertoire du Notariat Defreacutenois 15 feacutevrier 2008 ndeg 3 P 291 - Tous droits reacuteserveacutes

FILIATION

38717 La convention de megravere porteuse

(Reacuteflexions sur les sources du droit et les principes dindisponibiliteacute du corps humain et de leacutetat des personnes)

Le droit franccedilais prohibe les conventions de megraveres porteuses

26

Malgreacute linterdiction leacutegale de nombreux couples ont chercheacute et cherchent encore agrave

contourner cette interdiction notamment en ayant recours agrave des megraveres de substitution dans

des pays eacutetrangers ougrave cette pratique est autoriseacutee

La Cour de cassation veille agrave ce que linstitution de ladoption ne soit pas deacutetourneacutee au profit

de ces parents

Dans un arrecirct du 25 octobre 2007 la cour dappel de Paris vient de reacuteouvrir le deacutebat non sur

le terrain de la convention mais sur celui de la non-transcription des actes de naissance et de

linteacuterecirct supeacuterieur de lenfant

Une excellente occasion de faire le point sur la question et de sinterroger pour lavenir avant

la reacutevision de la loi bioeacutethique en 2009

par Rabih CHENDEB

Docteur en droit

ATER agrave lUniversiteacute de Picardie Jules Verne

laquo La science va Elle est ineacuteluctable Ce quil faut cest la rendre eacutethique raquo (1)

Le droit positif franccedilais interdit de recourir aux megraveres porteuses si un couple conccediloit un

embryon in vitro qui est implanteacute dans luteacuterus dune tierce femme cest cette tierce femme

qui est la megravere selon la loi franccedilaise et les parents biologiques ne peuvent avoir aucun droit

mecircme en cas dabandon de lenfant agrave la naissance par la megravere porteuse La loi bioeacutethique de

1994 a interdit la gestation pour autrui car cela soulevait des questions

dinstrumentalisation et de commercialisation du corps de la femme

De nombreux couples en mal denfants ont depuis longtemps chercheacute agrave contourner les regravegles

notamment en ayant recours agrave des megraveres de substitution qui vivent dans des pays ougrave cette

pratique est autoriseacutee Jusquagrave preacutesent la Cour de cassation ne sy est jamais laisseacutee prendre et

condamnait ladoption faite par les parents de lenfant de la megravere porteuse consideacuterant quil

sagissait dun deacutetournement de linstitution de ladoption (I)

Le 25 octobre 2007 la cour dappel de Paris vient donner lespoir dune ouverture vers

lacceptation dans linteacuterecirct de lenfant de cette deacutemarche Cette deacutecision de la cour dappel

pourrait changer les choses en attendant la reacutevision de la loi bioeacutethique preacutevue en 2009 Une

chose est sucircre cet arrecirct a le meacuterite douvrir le deacutebat et de poser la question de linteacuterecirct de

lenfant comme exception agrave lindisponibiliteacute de leacutetat des personnes et agrave linterdiction de la

pratique des megraveres porteuses Une certaine eacutevolution des mentaliteacutes ainsi que la dispariteacute

entre la loi franccedilaise et dautres leacutegislations nationales pourraient donner lieu agrave un

assouplissement de cette leacutegislation (II)

I Lhostiliteacute du leacutegislateur et de la jurisprudence agrave leacutegard de la convention de megravere porteuse

Au siegravecle dernier seacutetaient deacuteveloppeacutees des associations ayant pour but de faire se rencontrer

des couples deacutesireux davoir un enfant et des femmes acceptant de le porter pour ensuite le

leur laquo ceacuteder raquo par contrat Pour des raisons plus ou moins louables le proceacutedeacute fut rapidement

condamneacute par le droit franccedilais (A) tout comme ladoption qui sen suivait (B)

27

A Le caractegravere illicite de la convention de megravere porteuse

La megravere porteuse met en effet agrave mal le scheacutema classique de la famille On affirmait en Droit

romain que la megravere eacutetait sucircre et que le pegravere eacutetait le mari Le Code napoleacuteon a enteacuterineacute cette

conception Dire que lenfant possegravede une megravere geacuteneacutetique et une megravere uteacuterine va agrave lencontre

de ses dispositions (2)

Pris au deacutepourvu le leacutegislateur franccedilais a tardeacute agrave reacuteagir face aux progregraves scientifiques Il en

est reacutesulteacute un vide juridique auquel la jurisprudence sest efforceacutee de faire face Devant cette

heacutesitation bien compreacutehensible du droit les ressources de la morale de la deacuteontologie et

surtout de la bioeacutethique ont eacuteteacute solliciteacutees (3) Le Conseil dEtat confronteacute aux associations

voulant intervenir dans ce domaine a ainsi prononceacute la dissolution de ces associations pour

objet illicite (4) Le 13 deacutecembre 1989 la premiegravere chambre civile de la Cour de cassation a

releveacute le principe dindisponibiliteacute du corps humain par une interpreacutetation a contrario de

larticle 1128 du Code civil qui dispose qu laquo il ny a que les choses qui sont dans le

commerce qui puissent ecirctre lobjet des conventions raquo La personne ne dispose pas de son

corps elle nen est pas proprieacutetaire (5) Le 31 mai 1991 lassembleacutee pleacuteniegravere de la Cour de

cassation vise les articles 6 1128 et 353 du Code civil afin daffirmer le caractegravere illicite de la

convention conclue entre une megravere porteuse et un couple steacuterile En effet ce contrat porte sur

deux corps humains la megravere et lenfant (6)

Rapidement le leacutegislateur est venu leacutegifeacuterer dans ce sens avec la loi no 94-653 du 29 juillet

1994 relative agrave la bioeacutethique pour que le Code civil reconnaisse le corps humain en tant que

tel Cette loi prend deacutesormais explicitement en compte le corps humain parce quil a voulu

promouvoir son respect face au deacuteveloppement des sciences biomeacutedicales Cette loi a entraicircneacute

la modification et la creacuteation darticles dans le Code civil et le Code peacutenal

Le principe du respect de la digniteacute de la personne humaine est poseacute par larticle 16 du Code

civil laquo La loi assure la primauteacute de la personne interdit toute atteinte agrave la digniteacute de celle-ci

et garantit le respect de lecirctre humain degraves le commencement de sa vie raquo Le nouvel article 16-1

preacutevoit que laquo Chacun a droit au respect de son corps Le corps humain est inviolable Le

corps humain ses eacuteleacutements et ses produits ne peuvent faire lobjet dun droit patrimonial raquo

Par conseacutequent selon larticle 16-5 laquo Les conventions ayant pour effet de confeacuterer une

valeur patrimoniale au corps humain agrave ses eacuteleacutements ou agrave ses produits sont nulles raquo De mecircme

quand une personne accepte de donner son sang ce ne peut ecirctre quagrave titre beacuteneacutevole Enfin

larticle 16-7 dispose mecircme laquo Toute convention portant sur la procreacuteation ou la gestation

pour le compte dautrui est nulle raquo (7)

En outre cette interdiction est assortie dune sanction peacutenale pouvant aller jusquagrave un an

demprisonnement et 15 000 euro damende pour celui qui sentremet ou tente de sentremettre

entre une personne ou un couple deacutesireux daccueillir un enfant et une femme acceptant de

porter en elle cet enfant en vue de le leur remettre Lorsque ces faits ont eacuteteacute commis agrave titre

habituel ou dans un but lucratif les peines sont porteacutees au double (8)

En deacutepit de la reacutesistance de quelques juges du fond qui ont admis ladoption la Cour de

cassation na pas infleacutechi sa position (9) Elle sest reacutecemment opposeacutee agrave ladoption simple

dun enfant par un couple homosexuel estimant cette adoption contraire agrave laquo linteacuterecirct supeacuterieur

de lenfant raquo (10)

28

Analyseacutes dans le contexte de ces deacutecisions les deux principes de lilliceacuteiteacute des conventions et

de lindisponibiliteacute du corps humain expriment une mecircme ideacutee la condamnation dune

convention qui porte sur le corps humain celui de lenfant agrave naicirctre et celui de la femme qui la

conccedilu et porteacute

Toutefois les motifs adopteacutes par la Cour de cassation savegraverent dune extrecircme faiblesse En

effet ces motifs sont lieacutes agrave lilliceacuteiteacute de lobjet des conventions agrave lindisponibiliteacute du corps

humain ainsi quagrave lindisponibiliteacute de leacutetat des personnes (11) Pourtant les lois dites laquo

bioeacutethiques raquo du 29 juillet 1994 puis la loi du 6 aoucirct 2004 (12) relative agrave la bioeacutethique ont

admis lutilisation des eacuteleacutements et des produits du corps humain agrave des fins theacuterapeutiques ou

scientifiques Effectivement une loi en date du 24 janvier 1953 deacutetermine laquo les tarifs de

cession du sang raquo Les dispositions sont aujourdhui dans le Code de la santeacute publique Degraves

lors on peut donner ses gamegravetes ses organes son sang Il semble que plus quune approche

anthropologique des sciences meacutedicales (qui conduiraient agrave une ineacutevitable instrumentalisation

du corps des hommes) il existerait ce que nous appelons une technoscience laquo de linvisible

raquo que seul le droit accepte de leacutegitimer (13)

Par ailleurs la terminologie employeacutee par le leacutegislateur de 1994 est eacuteloquente Cest

certainement parce que le principe dindisponibiliteacute du corps humain sest aveacutereacute irreacutealiste videacute

de sa substance par le nombre et limportance de ses exceptions que le leacutegislateur lui a preacutefeacutereacute

celui de non-patrimonialiteacute qui figure aujourdhui aux articles 16-1 16-5 et 16-6 du Code

civil Il est donc possible de disposer de son corps agrave titre de dons dans les limites de la loi

(14)

Pour conclure sur ce point il sera emprunteacute les propos de Mme Mayer-Jack laquo

Malheureusement si ce principe dindisponibiliteacute du corps humain possegravede les qualiteacutes trop

rares decirctre nettement formuleacute et universellement admis il apparaicirct agrave la reacuteflexion frappeacute dun

vice radical il se reacutevegravele contraire aux faits raquo (15)

B La nulliteacute de ladoption

En matiegravere de materniteacute de substitution lenfant reste au coeur du deacutebat Il est laquo lobjet raquo de la

convoitise du couple demandeur et lobjet de la convention En vue de permettre

leacutetablissement dune filiation adoptive deux processus eacutetaient suivis par lesdits couples

processus que la Cour de cassation sempressa dinterdire agrave son tour

1 Le contournement aveacutereacute de la loi par les couples restant en France

En effet le processus se deacuteroulait en trois eacutetapes dans un premier temps lembryon issu des

gamegravetes du couple ou du mari et de la femme porteuse eacutetait implanteacute dans luteacuterus de cette

derniegravere La megravere porteuse suivait sa grossesse normalement notamment au regard du suivi

meacutedical (16) Ensuite elle accouchait anonymement La leacutegislation autorise les

accouchements laquo sous X raquo et reconnaicirct ainsi aux parturientes le droit de ne pas ecirctre megraveres si

elles ne le deacutesirent ou ne le peuvent pas Le pegravere fournisseur de sperme quant agrave lui effectuait

une reconnaissance preacutenatale de lenfant A sa naissance il le reconnaissait Lenfant avait

donc un pegravere mais sans indication de la filiation maternelle Enfin leacutepouse de ce dernier

adoptait de maniegravere pleacuteniegravere lenfant Leacutetat de mariage de la megravere porteuse ne changeait rien

puisque laccouchement anonyme empecircchait que le mari soit consideacutereacute comme pegravere preacutesumeacute

29

Depuis larrecirct Alma Mater (17) nous savons que la convention de materniteacute de substitution

est nulle car contrevenant agrave lordre public (18) Mais jusqualors la jurisprudence avait eu le

soin de dissocier convention et adoption Toute convention portant sur la procreacuteation ou la

gestation pour le compte dautrui eacutetant nulle la convention de megravere porteuse ayant permis la

naissance de lenfant en cause est donc incontestablement frauduleuse Degraves lors la possession

deacutetat sur laquelle les demandeurs se fondent pour voir eacutetablir un lien de filiation leacutegitime agrave

leur profit et lacte de notorieacuteteacute quils ont ainsi obtenu sont eux-mecircmes vicieacutes et ne peuvent

donc permettre leacutetablissement dun tel lien Par ailleurs la Convention de New York sur les

droits de lenfant garantit notamment agrave celui-ci laccegraves agrave ses origines Or lapplication de la

convention frauduleuse aurait pour effet de consacrer un mensonge lacte de naissance qui

serait eacutetabli sur le fondement de cette convention aboutirait en effet agrave nier totalement les

conditions dans lesquelles lenfant a eacuteteacute conccedilu En conseacutequence les demandeurs ne pourront

se preacutevaloir de la possession deacutetat vicieacutee pour obtenir la retranscription de lacte de notorieacuteteacute

sur lacte de naissance de lenfant (19) Ainsi la prohibition de la convention a entraicircneacute dans

son sillage une impossibiliteacute dadoption par leacutepouse du pegravere (20) Il y a deacutetournement de

linstitution de ladoption pleacuteniegravere en ce que lenfant a eacuteteacute conccedilu pour ecirctre abandonneacute par sa

megravere et adopteacute par une autre (21)

Il en reacutesulte que cest labandon de lenfant qui rend impossible ladoption par leacutepouse du

mari Or labandon de lenfant constitue deacutejagrave une deacutemarche parfaitement licite et reacuteglementeacutee

par la loi Il suffit pour sen convaincre de lire attentivement les textes adeacutequats agrave savoir les

articles 61 et 62 du Code de la famille et de laide sociale 348-3 et 350 du Code civil et 1158

agrave 1163 du Code de proceacutedure civile Il suffit agrave la megravere et plus geacuteneacuteralement agrave la personne

investie des droits parentaux de confier 1enfant agrave un eacutetablissement ou agrave un service de laide

sociale agrave 1enfance (ASF) ou mecircme agrave un particulier puis de sen deacutesinteacuteresser

manifestement pendant une anneacutee nentretenant avec lui aucune relation neacutecessaire au

maintien de liens affectifs Le tribunal de grande instance peut degraves lors sauf agrave prendre en

consideacuteration le cas exceptionnel de grande deacutetresse du parent deacutefaillant deacuteclarer 1enfant

abandonneacute agrave la requecircte de tout inteacuteresseacute et notamment de leacutetablissement service ou famille

daccueil (22) laquo On cesse dinterdire une pratique non pas lorsquelle se deacuteveloppe mais

lorsquon ne sait plus pourquoi elle est interdite raquo (23)

Dailleurs une contradiction engendre ce refus dadoption En effet laquo consideacuterer ladoption

indissociable de la convention revient agrave ne voir lenfant que comme lobjet de cette convention

raquo (24) Ainsi les parents ont pu eacutetablir anteacuterieurement agrave la naissance le processus dont

ladoption est laquo lultime phase raquo Mais ce processus nest pas fait dans lintention de nuire agrave

lenfant Alors comment comprendre la seacuteveacuteriteacute afficheacutee de la Cour de cassation

Traiter lenfant comme une veacuteritable personne implique de dissocier la convention ougrave il

nintervient pas et ladoption dont il est partie prenante et mecircme partie principale Il faut

sinterroger sur son inteacuterecirct propre quitte agrave le confronter ensuite agrave ceux auxquels il soppose

(25)

2 Lexpansion du tourisme procreacuteatif

La dispariteacute des regravegles nationales agrave propos de la gestation pour autrui a conduit certains

couples agrave se rendre agrave leacutetranger pour pouvoir avoir recours agrave une megravere porteuse on parle

deacutesormais de laquo tourisme procreacuteatif raquo (26)

30

Lagrave encore le processus deacutebute par une inseacutemination artificielle mais les pays ayant leacutegaliseacute la

gestation pour le compte dautrui permettent par ailleurs que lembryon inseacutemineacute dans

luteacuterus de la femme soit issu de la rencontre des gamegravetes des deux parents demandeurs

Lenfant est donc geacuteneacutetiquement lenfant du couple Il a pour parent degraves sa naissance le

couple demandeur il porte leur nom et le preacutenom quils lui ont choisi Mais pour exister en

France il est neacutecessaire de recourir agrave une transcription sur les registres de leacutetat civil franccedilais

de lacte de naissance eacutetranger Lagrave encore la seacuteveacuteriteacute est de mise puisque le parquet de

Nantes qui a en charge la transcription des eacutetats civils venant de leacutetranger refuse

systeacutematiquement cette transcription qui nest pas conforme agrave la leacutegislation franccedilaise (27)

Les magistrats ont eacuteteacute confronteacutes agrave ces situations ougrave la megravere commanditaire deacutesirait eacutetablir un

lien de filiation entre elle et lenfant issu de la convention de materniteacute de substitution

Tel est par exemple le cas qui a eacuteteacute trancheacute par la cour dappel de Rennes le 4 juillet 2002

(28) Dans cet arrecirct la cour dappel a rejeteacute ladoption des enfants par un couple qui a conclu

en Californie une convention portant sur la gestation dun embryon issu de leurs propres

gamegravetes La cour relegraveve que laquo la loi franccedilaise ne donne pas une deacutefinition de la megravere raquo cette

notion est inscrite dans les mentaliteacutes depuis des siegravecles par ladage Mater semper certa est

Cest laccouchement qui deacutetermine la megravere et non la seule reacutealiteacute geacuteneacutetique

Cette jurisprudence installeacutee depuis le ceacutelegravebre arrecirct de lassembleacutee pleacuteniegravere du 31 mai 1991

constitue une atteinte directe agrave linteacuterecirct de lenfant Ce dernier est priveacute de toute filiation

maternelle leacutegalement reconnue et ce sans beacuteneacutefice pour personne (29)

Malheureusement en raison de cette solution les deux enfants sont acircgeacutes de sept ans et vivent

aupregraves de leur pegravere naturel et de sa compagne dont la materniteacute ne peut leacutegalement ecirctre eacutetablie

(30)

Cette jurisprudence preacutesente un point faible Selon larticle 353 du Code civil le tribunal de

grande instance saisi dune requecircte aux fins dadoption pleacuteniegravere veacuterifie si les conditions de

la loi sont remplies et si ladoption est conforme agrave linteacuterecirct de lenfant Or en loccurrence

le preacutetendu droit de lenfant ne coiumlncide pas avec son inteacuterecirct seul mis en avant dans 1article

353 du Code civil Le refus par la cour dappel de prononcer ladoption pleacuteniegravere a priveacute les

deux enfants (au nom de leur droit aussi eacuteminent que symbolique agrave la non-chosification) dun

avantage concret et primordial leur admission au statut denfants leacutegitimes de leurs vrais

parents geacuteneacutetiques (31) Simples enfants naturels ou adulteacuterins de leur pegravere ils demeureront

sans lien de filiation maternelle Un tel problegraveme meacuterite que les juridictions se penchent au

moins sur lui (32) La protection de linstitution de ladoption sopegravere au deacutetriment du droit

reconnu agrave lenfant deacutetablir sa filiation par le biais dune discrimination fondeacutee sur les

circonstances de sa naissance (33) La jurisprudence nous semble aller agrave lencontre des

engagements internationaux contracteacutes par la France (34)

II Leacutevolution des mentaliteacutes vers une leacutegislation plus souple

Jusquagrave preacutesent la jurisprudence a toujours interdit ladoption des enfants par des couples

ayant eu recours agrave la gestation pour autrui consideacuterant quil sagit dun deacutetournement de

linstitution de ladoption (35)

Un grand quotidien Libeacuteration reacutevegravele que la cour dappel de Paris a reconnu comme parents

leacutegitimes de jumelles un couple franccedilais ayant fait appel agrave une megravere porteuse ameacutericaine

31

Une chose est sucircre cet arrecirct a le meacuterite douvrir le deacutebat et de poser la question de linteacuterecirct de

lenfant comme exception agrave lindisponibiliteacute de leacutetat des personnes et agrave linterdiction de la

pratique des megraveres porteuses (A) Lorsque lon accepte une loi eacutetrangegravere qui a eacuteteacute appeleacutee au

secours pour contourner la loi franccedilaise la modification de la loi franccedilaise nest pas loin (B)

A Lassouplissement de la jurisprudence

Dans laffaire porteacutee devant la cour dappel de Paris que nous avons abordeacutee rapidement

preacuteceacutedemment un couple dont la femme ne peut assurer la gestation en raison dune

malformation congeacutenitale se rend en Californie ougrave il conclut une convention portant sur la

gestation dun embryon issu de leurs propres gamegravetes Des jumelles naissent de cette

convention Le droit californien fait abstraction du deacutefaut daccouchement La concubine est

inscrite comme megravere dans les registres de naissance de Californie Quelques semaines plus

tard le couple reconnaicirct les enfants en France Mais agrave leur retour dans lHexagone ils sont

placeacutes en garde agrave vue puis mis en examen pour laquo entremise entre une personne deacutesireuse

dadopter un enfant et un parent deacutesireux dabandonner son enfant neacute ou agrave naicirctre raquo et pour laquo

simulation ayant entraicircneacute une atteinte agrave leacutetat civil de lenfant raquo

En 2004 le juge dinstruction rend un non-lieu sur les poursuites peacutenales les faits seacutetant

deacuterouleacutes dans un pays ougrave cette pratique est leacutegale Le parquet a alors continueacute son offensive

sur le terrain civil et chercheacute agrave faire annuler la filiation et la transcription sur leacutetat civil Le

tribunal de grande instance a deacuteclareacute cette demande irrecevable en deacutecembre 2005 Une

deacutecision rendue par la cour dappel de Paris confirme ce jugement le 25 octobre dernier apregraves

avoir estimeacute que laquo La non-transcription des actes de naissances aurait des conseacutequences

contraires agrave linteacuterecirct supeacuterieur des enfants qui au regard du droit franccedilais se verraient priveacutes

dactes deacutetat civil indiquant leur lien de filiation y compris agrave leacutegard de leur pegravere biologique

raquo

La question sera deacutesormais soumise agrave la Cour de cassation qui a deacutejagrave pris des deacutecisions

progressistes dans des questions relatives au droit de la famille notamment dans linteacuterecirct de

lenfant Elle a ainsi fait le 24 feacutevrier 2006 un pas important vers la reconnaissance de

lhomoparentaliteacute en autorisant quun parent homosexuel deacutelegravegue tout ou partie de son

autoriteacute parentale agrave son partenaire avec lequel il vit en union stable agrave condition que cette

mesure soit prise dans linteacuterecirct supeacuterieur de lenfant (36)

Le plus important reacuteside dans le fait que la cour dappel de Paris a estimeacute que la non-

transcription sur les actes de naissance aurait des conseacutequences contraire agrave llaquo inteacuterecirct de

lenfant raquo Depuis longtemps linteacuterecirct de lenfant est au centre du droit de la famille et depuis

quelques anneacutees celui-ci devient veacuteritablement la pierre angulaire de cette discipline (37)

Dans un arrecirct du 18 mai 2005 la premiegravere chambre civile de la Cour de cassation preacutecise au

visa de larticle 3-1 de la Convention relative aux droits de lenfant que laquo dans toutes les

deacutecisions qui concernent les enfants linteacuterecirct supeacuterieur de lenfant doit ecirctre une

consideacuteration primordiale raquo (38) Mais que faut-il entendre par inteacuterecirct supeacuterieur de lenfant

(39)

Bien que le nouvel article L 112-4 du Code de laction sociale et des familles (40) et larticle

371-1 du Code civil semblent deacutefinir les eacuteleacutements constitutifs de cette notion llaquo inteacuterecirct de

lenfant raquo reste un concept assez flou que le leacutegislateur et les juges se gardent bien de deacutefinir

preacuteciseacutement on ne peut limiter linteacuterecirct supeacuterieur de lenfant agrave la protection de sa santeacute de sa

seacutecuriteacute et de sa moraliteacute Certes ces eacuteleacutements sont les bases de linteacuterecirct de lenfant mais

32

puisque celui-ci peut deacutepasser le strict cadre du droit de lautoriteacute parentale voire du droit de

la famille cette vision serait bien trop reacuteductrice

Le sens de cette notion peut encore sobscurcir si lon considegravere quelle peut se confondre avec

dautres concepts voisins Larticle 371-5 doit ainsi conduire agrave distinguer linteacuterecirct de lenfant de

celui de la fratrie En effet si celle-ci a inteacuterecirct agrave rester unie certaines circonstances permettent

deacutecarter un de ses membres dans son inteacuterecirct exclusif

Un amendement proposait cependant agrave la suite du nouvel article L 112-4 du Code de laction

sociale et des familles une deacutefinition inteacuteressante laquo Linteacuterecirct supeacuterieur de lenfant est deacutefini

comme lassurance de la protection de sa seacutecuriteacute personnelle et affective lassurance dun

contexte familial permettant un bon deacuteveloppement physique intellectuel affectif et social

lassurance dune relation dattachement parental permettant de se construire Linteacuterecirct

supeacuterieur de lenfant tel que deacutefini constitue son projet de vie raquo (41)

On ne peut que se feacuteliciter de la mise en avant de linteacuterecirct de lenfant pour deacuteroger agrave la sacro-

sainte interdiction des megraveres porteuses car il est vrai quil ne faut pas oublier que limportant

reste dabord et avant tout lenfant qui a et doit avoir une place centrale au sein de la famille

On peut envisager que cette reacutecente jurisprudence puisse influencer la reacuteflexion sur le recours

aux laquo megraveres porteuses raquo sur le territoire national qui conduise agrave une eacutevolution de la loi

B Vers une eacutevolution de la loi

Alors que la France interdit la laquo gestation pour autrui raquo cette pratique a eacuteteacute leacutegaliseacutee dans de

nombreux pays La France a donc une leacutegislation moins libeacuterale que dautres leacutegislations

nationales La pratique de la gestation pour autrui est notamment autoriseacutee aux Etats-Unis au

Canada en Australie et dans plusieurs pays de lUnion europeacuteenne (Espagne et Belgique

Gregravece et Royaume-Uni notamment) (42) La question de la leacutegalisation des megraveres porteuses

est tregraves controverseacutee en France et demanderait un strict encadrement (43)

On enseigne habituellement que les questions deacutetat ne peuvent deacutependre de la seule volonteacute

individuelle Leacutetat des personnes - le droit de la filiation en particulier - eacutechapperait aux

conventions Mais ce principe nest plus si absolu Leacutevolution contemporaine reacuteduit laspect

institutionnel Une place nettement importante a eacuteteacute faite dans lorganisation des relations

familiales agrave la volonteacute individuelle laquo Laccroissement du pouvoir des volonteacutes individuelles

dans le droit de la famille est une marque essentielle de ce droit raquo (44) Dougrave la justesse de

lexpression laquo contractualisation du droit de la famille raquo Le rocircle de la volonteacute individuelle

tend agrave ecirctre de plus en plus important (45) Tel est le cas du divorce du PACS et du mariage

La procreacuteation nest plus la finaliteacute avec larriveacutee en force dans des pays voisins du mariage

homosexuel

Une certaine eacutevolution des mentaliteacutes ainsi que la dispariteacute entre la loi franccedilaise et dautres

leacutegislations nationales pourraient bien donner lieu agrave un assouplissement de cette leacutegislation

(46)

La gestation pour autrui permet de pallier certaines formes de steacuteriliteacute feacuteminine en raison

dune absence ou dune deacuteformation duteacuterus de conseacutequences de cancer ou reacutesultant dune

hysteacuterectomie de fausses couches reacutepeacuteteacutees dune contre-indication meacutedicale agrave la grossesse ou

de nombreux eacutechecs de feacutecondations in vitro (47) Dans ce cas on implante les gamegravetes des

parents geacuteneacutetiques dans le ventre de la megravere porteuse

33

Un autre argument favorable agrave cette pratique est la certitude apaisante pour le couple steacuterile

de ce que lenfant porteacute en uteacuterus tiers nen sera pas moins leur veacuteritable enfant geacuteneacutetique

puisque conccedilu agrave partir de leurs propres gamegravetes

De plus il faut deacutenoncer une incoheacuterence Une femme empecirccheacutee par la loi de donner avant

sa grossesse agrave un couple agreacuteeacute par elle lenfant quelle portera moyennant eacutequitable

reacutecompense possegravede en revanche le droit discreacutetionnaire de labandonner une fois neacute au

hasard des eacutetablissements ou du service de lASE ou pis encore de recourir agrave une

interruption volontaire de grossesse pendant les douze premiegraveres semaines (48)

La possession deacutetat repreacutesente une valeur humaine et sociale qui doit ecirctre prise en compte en

tant que telle Comme lont joliment affirmeacute M Hauser et Mme Huet-Weiller laquo elle est la

veacuteriteacute des sentiments la veacuteriteacute du coeur tout aussi respectable sinon plus que celle des

registres deacutetat ou mecircme de nos gegravenes raquo (49) Ainsi on peut ecirctre favorable agrave cette reacuteflexion

sous certains reacuteserves

Tout dabord le couple demandeur devait avoir plus de 18 ans et linfertiliteacute devrait ecirctre

meacutedicalement eacutetablie Ensuite seule lutilisation des gamegravetes (sperme et ovocytes) du couple

serait autoriseacutee afin deacuteviter que la gestatrice soit aussi la megravere biologique de lenfant (pour

eacuteviter des liens trop forts eacutetablis entre elle et le beacutebeacute)

De son cocircteacute la megravere porteuse devait avoir plus de 18 ans et accepter de subir des tests divers

avant la grossesse Elle serait la seule agrave donner un consentement valable concernant la gestion

de sa grossesse et elle abandonnerait ses droits parentaux agrave la naissance de lenfant tout en

assistant le couple demandeur lors de la deacutelivrance du certificat de naissance Le

consentement devrait aussi ecirctre obtenu par un entretien psychologique meacutedical et juridique

Seul le juge pourrait donner laccord au deacutebut du processus Le couple demandeur devait

sengager agrave assumer la garde de lenfant degraves sa naissance afin deacuteviter soit une non-remise

denfant soit un refus de lenfant - par exemple en cas de handicap

Concernant la reacutemuneacuteration de la megravere porteuse la marchandisation est inacceptable Les

intermeacutediaires reacutemuneacutereacutes seraient interdits Le principe du volontariat et de la gratuiteacute sont

essentiels le don de vie (50)

Enfin il ne sagirait pas de reacutemuneacuteration mais de compensation financiegravere destineacutee agrave

deacutedommager les inconveacutenients lieacutes agrave la grossesse sur la base de la loi laquo Huriet raquo (loi sur la

recherche meacutedicale avec volontaires sains) Le couple demandeur devrait prendre agrave sa charge

les deacutepenses meacutedicales leacutegales et psychologiques ainsi quun montant raisonnable alloueacute agrave la

megravere porteuse pour subvenir agrave ses besoins Les juges appreacutecieraient librement ce que peut ecirctre

un montant laquo raisonnable raquo sans que cela puisse jamais ecirctre consideacutereacute comme une laquo vente raquo

denfant

(1) B Debreacute et S Agacinski laquo Faut-il leacutegaliser les megraveres porteuses en France raquo Le Figaro Magazine du samedi 10 novembre 2007 p 50

34

(2) G David laquo Don et utilisation du sperme raquo in Actes du colloque Geacuteneacutetique procreacuteation et

droit Actes sud 1985 p 205 G-M Faure Le deacutesir denfant agrave leacutepreuve du droit Essai sur le droit de la procreacuteation meacutedicalement assisteacutee Thegravese Universiteacute de Lille 1992 p 7

(3) G Lebreton Liberteacutes publiques et droits de lhomme 6e eacuted Armand Colin 2003 p 262

(4) CE 22 janvier 1988 Lebon 1988 p 37

(5) La Cour de cassation a enteacuterineacute la position de la cour dappel de Paris pour laquelle laquo ni laltruisme du comportement de la megravere de substitution ni le caractegravere deacutesinteacuteresseacute des activiteacutes de lassociation ne sont propres agrave faire disparaicirctre lilliceacuteiteacute qui frappe laccord litigieux raquo Cass civ 1re 13 deacutecembre 1989 Bull civ I no 387 Defreacutenois 1990 art 34802 no 55 obs J-L Aubert D 1990 p 273 JCP eacuted G 1990 II 21526 note A Seacuteriaux propos recueillis par C Slobodansky laquo Le droit doit limiter les progregraves de la science raquo LPA du 7 mai 2004 no 92 p 60

(6) laquo La convention par laquelle une femme sengage fucirct-ce agrave titre gratuit agrave concevoir et porter un enfant pour labandonner agrave sa naissance contrevient tant au principe dordre public de lindisponibiliteacute du corps humain quagrave celui de lindisponibiliteacute de leacutetat des personnes raquo Cass ass pleacuten 31 mai 1991 Bull civ ass pleacuten no 4 Defreacutenois 1991 art 35142 no 103 obs J-L Aubert Defreacutenois 1991 art 35088 no 67 note J Massip RTD civ 1991 p 517 obs D Huet-Weiller et p 489 note M Gobert M Gobert laquo Reacuteflexions sur les sources du droit et les

principes dindisponibiliteacute du corps humain et de leacutetat des personnes agrave propos de la materniteacute de substitution raquo RTD civ 1992 p 489 et s speacutec p 501 dans ce sens v deacutejagrave les remarques de P Murat laquo Laction de lordonnance du 4 juillet 2005 sur la possession deacutetat raquo Dr Famille 2006 eacutetude no 6 speacutec no 7 V aussi J Massip laquo Linsertion dans le Code civil de dispositions relatives au corps humain agrave lidentification geacuteneacutetique et agrave la procreacuteation meacutedicalement assisteacutee raquo Defreacutenois 1995 art 35975 et 35992

(7) En ce sens V Depadt-Sebag laquo De la neacutecessiteacute dune reacuteforme de larticle 16-7 du Code civil relatif agrave linterdiction de gestation pour autrui raquo RGD meacuted 2004 no 12 p 135 et s

(8) Art 227-12 et s C peacuten

(9) CA Paris 1re feacutevrier 2001 RTD civ 2001 p 347 obs J Hauser Cass civ 1re 9 deacutecembre 2003 Bull civ I no 252 p 201 CA Rennes 4 juillet 2002 D 2002 p 2904

(10) Cass civ 1re 20 feacutevrier 2007 Defreacutenois 2007 art 38595 no 45 obs J Massip

(11) V Depadt-Sebag laquo De la neacutecessiteacute dune reacuteforme de larticle 16-7 du Code civil relatif agrave linterdiction de gestation pour autrui raquo preacutec no 12 p 135 et s

(12) L no 2004-800 du 6 aoucirct 2004 relative agrave la bioeacutethique JO du 7 aoucirct 2004 p 14040 J Massip art preacutec

(13) Dans ce sens v M Gobert laquo Reacuteflexions sur les sources du droit et les principes dindisponibiliteacute du corps humain et de leacutetat des personnes agrave propos de la materniteacute de substitution raquo preacutec p 489 et s speacutec p 513

(14) V Depadt-Sebag laquo De la neacutecessiteacute dune reacuteforme de larticle 16-7 du Code civil relatif agrave linterdiction de gestation pour autrui raquo preacutec no 12 p 135 et s E Camuzet La convention de gestation pour autrui une illeacutegaliteacute franccedilaise injustifieacutee Meacutemoire Lille 2 Universiteacute du droit et de la santeacute 2005-2006 p 55

(15) A Mayer-Jack laquo Les conventions relatives agrave la personne physique raquo Rev crit leacutegisl et jurispr 1993 p 6

(16) G Meacutemeteau laquo Une distinction est opeacutereacutee sur la reacutefeacuterence des donneacutees acquises de la science agrave la date des soins par opposition agrave la notion erroneacutee de donneacutees actuelles de la science raquo note sous Cass civ 1re 6 juin 2000 JCP eacuted G 2001 II 10447

(17) Cass civ 1re 13 deacutecembre 1989 Bull civ I no 387 Defreacutenois 1990 art 34815 rapp J Massip D 1990 p 273 JCP eacuted G 1990 II 21526 note A Seacuteriaux

35

(18) Communication J Bernard et comm J Massip Defreacutenois 1990 art 35088 no 67 note J

Massip F Terreacute note sous Cass ass pleacuten 31 mai 1991 JCP eacuted G 1991 II 21752 dans ce sens v les remarques de P Murat laquo Laction de lordonnance du 4 juillet 2005 sur la possession deacutetat raquo preacutec eacutetude no 6 speacutec no 7 G Kessler laquo La consolidation de situations illicites dans linteacuterecirct de lenfant raquo Dr Famille no 7 juillet 2005 Etude 16

(19) TGI Lille 22 mars 2007 D 2007 no 18 p 1251 note X Labbeacutee B Edelman et C Labrusse-Riau note sous CA Paris 15 juin 1990 JCP eacuted G 1991 II 21653

(20) V Larribau-Terneyre note sous CA Pau 19 feacutevrier 1991 D 1991 juris p 380

(21) J Massip laquo Megravere porteuse et deacutecheacuteance de lautoriteacute parentale raquo LPA du 29 octobre 2003 no 216 p 10 Cass ass pleacuten 31 mai 1991 Bull civ ass pleacuten no 4 Defreacutenois 1991 art 35088 no 67 p 948 obs J Massip D 1991 p 417 rapport Y Chartier note D Thouvenin JCP eacuted G 1991 II 21752 communication J Bernard concl H Dontenwille note F Terreacute RTD civ 1991 p 517 obs D Huet-Weiller

(22) J Rubellin-Devichi laquo Materniteacute de substitution qui est la megravere raquo note sous CA Rennes 4 juillet 2002 JCP eacuted G 2003 I 101 C Ducomte laquo La vraie querelle des megraveres porteuses raquo httppagesperso-orangefrmax-christianducomtemereindexhtm

(23) Propos de Mme F Dekeuwer-Deacutefossez lors de son audition devant le preacutesident M Bloche pour la mission dinformation sur la famille (procegraves-verbal du 5 octobre 2005)

(24) J Hauser obs in RTD civ 1999 p 372 F Dekeuwer-Deacutefossez note sous Cass ass pleacuten 31 mai 1991 D 1992 somm p 59

(25) F Dekeuwer-Deacutefossez laquo Les droits de lenfant raquo D 1992 somm p 59 E Poisson-Drocourt laquo Recours agrave une megravere de substitution et refus de ladoption raquo D 2004 p 2001

(26) J-J Lemouland laquo Le tourisme procreacuteatif raquo LPA 2001 no 62 p 24 F Dekeuwer-Deacutefossez laquo Le lien parental raquo LPA du 1er juillet 2004 no 131 p 70 F Granet note sous CA Rennes 4 juillet 2002 D 2002 p 2904

(27) CA Aix-en-Provence 12 mars 2002 Juris-Data no 2002-190443 A Seacuteriaux laquo Droit naturel et procreacuteation artificielle quelle jurisprudence raquo D 1985 chron p 53 J Massip laquo Le nouveau droit de la filiation raquo Defreacutenois 2006 art 38303 p 13

(28) CA Rennes 4 juillet 2002 JCP eacuted G 2003 I 101 note J Rubellin-Devichi

(29) laquo Si le principe structurant de lautoriteacute parentale est linteacuterecirct de lenfant deacutetermineacute in concreto le droit de la filiation nappreacutecie en revanche jamais linteacuterecirct concret dun enfant preacutecis mais linteacuterecirct geacuteneacuteral de lenfant in abstracto raquo A Gouttenoire laquo A chacun sa famille agrave chacun son droit raquo Dr Famille no 7 juillet 2006 Alerte 41

(30) E Camuzet La convention de gestation pour autrui une illeacutegaliteacute franccedilaise injustifieacutee art preacutec p 52

(31) P Raynaud laquo Un abus de ladoption simple les couples adoptifs raquo D 1983 chron p 39 H Gaumont-Prat laquo Pas dadoption pour les enfants issus de convention de megravere porteuse raquo RLDC no 5 mai 2004 p 31 laquo Le rejet dans le non-droit des enfants neacutes dans des circonstances qui deacuterangent la socieacuteteacute relegraveve du deacuteni de la reacutealiteacute porteur de nombreux effets pathogegravenes et injustes raquo

(32) J Rubellin-Devichi laquo Materniteacute de substitution qui est la megravere raquo note sous CA Rennes 4 juillet 2002 preacutec I 101 C Ducomte laquo La vraie querelle des megraveres porteuses raquo preacutec P Raynaud laquo Un abus de ladoption simple les couples adoptifs raquo art preacutec chron p 39 G Kessler laquo La consolidation de situations illicites dans linteacuterecirct de lenfant raquo art preacutec Etude 16

(33) F Dekeuwer-Deacutefossez laquo Reacuteflexion sur les mythes fondateurs du droit contemporain de la famille raquo RTD civ 1995 p 269 E Camuzet La convention de gestation pour autrui une illeacutegaliteacute franccedilaise injustifieacutee art preacutec p 66 A Ponsard rapport sous Cass civ 1re 16

36

novembre 1982 JCP eacuted G 1983 II 19954 M-T Meulders-Klein laquo Le droit agrave lenfant face au

droit de lenfant et les procreacuteations meacutedicalement assisteacutees raquo RTD civ 1988 p 645 F Terreacute Lenfant de lesclave Geacuteneacutetique et droit Flammarion 1987 p 128

(34) Convention de New York du 26 janvier 1990 Charte des droits fondamentaux de lUnion europeacuteenne du 7 deacutecembre 2000 Deacuteclaration universelle des droits de lhomme de 1789 Convention internationale des droits de lenfant de 1989

(35) Cass ass plegraven 31 mai 1991 Bull civ ass plegraven no 4 Defreacutenois 1991 art 35142 no 103 obs J-L Aubert et art 35088 no 67 p 948 obs J Massip D 1991 p 417 rapport Y Chartier note D Thouvenin JCP eacuted G 1991 II 21752 communication J Bernard concl H Dontenwille note F Terreacute RTD civ 1991 p 517 obs D Huet-Weiller

(36) Cass civ 1re 24 feacutevrier 2006 Bull civ I no 101 p 95 Defreacutenois 2006 art 38415 no 40 p 1067 obs J Massip D 2006 juris p 897-900 obs D Vigneau T Anatrella laquo Adoption et homoparentaliteacute leacuteclairage des droits de lhomme raquo Dr Famille 2003 no 10 p

8-10 agrave lidentique dans un arrecirct du 22 janvier 1992 D 1993 p 119 note J Vassaux la cour dappel de Poitiers a prononceacute ladoption simple dun enfant neacute dune convention de megravere porteuse au motif que laquo cette adoption nest pas seulement conforme agrave linteacuterecirct de lenfant mais encore constitue une neacutecessiteacute qui deacutecoule des reacutealiteacutes de la vie issues derreurs des adultes dont lenfant ne doit pas subir les conseacutequences raquo

(37) G Kessler laquo La consolidation de situations illicites dans linteacuterecirct de lenfant raquo art preacutec eacutetude no 16 M-T Meulders-Klein laquo Le droit agrave lenfant face au droit de lenfant et les procreacuteations meacutedicalement assisteacutees raquo art preacutec p 645

(38) Cass civ 1re 18 mai 2005 Bull civ I no 211 p 179 V Depadt-Sebag laquo Non-lieu dans une affaire de materniteacute pour autrui raquo D 2005 p 476 J Massip laquo Megravere porteuse et deacutecheacuteance de lautoriteacute parentale raquo art preacutec no 216 p 11 F Terreacute Lenfant de lesclave Geacuteneacutetique et droit op cit adde F Terreacute et D Fenouillet Droit civil Les personnes la famille les incapaciteacutes 6e eacuted Preacutecis Dalloz no 926 M Lamarche laquo Inteacuterecirct supeacuterieur de lenfant de ladmission des effets dune convention de megravere porteuse agrave la destruction du droit franccedilais de la filiation raquo Dr Famille novembre 2007 no 11

(39) M Donnier laquo Linteacuterecirct de lenfant raquo D 1959 chron p 27 F Laroche-Gisserot note sous Cass civ 1re 27 mai 1998 D 1998 p 530 F Millet laquo Ladoption dun inteacuterecirct agrave lautre raquo RRJ 2003-3 p 1777 et s A Gouttenoire laquo A chacun sa famille agrave chacun son droit raquo art preacutec Alerte 41

(40) Par la loi no 2007-293 du 5 mars 2007 reacuteformant la protection de lenfance (JO du 6 mars 2007 Defreacutenois 2007 Leacuteg p 282) le leacutegislateur a inteacutegreacute la notion dinteacuterecirct de lenfant dans le Code de laction sociale et des familles Le nouvel article L 112-4 dudit code dispose que laquo Linteacuterecirct de lenfant la prise en compte de ses besoins fondamentaux physiques intellectuels sociaux et affectifs ainsi que le respect de ses droits doivent guider toutes deacutecisions le concernant raquo

(41) Amendement no 48 rect Protection de lenfance no 3184 Assembleacutee nationale 22 deacutecembre 2006 wwwassemblee-nationalefr v aussi sur lensemble de ces questions les consideacuterations tregraves eacuteclairantes de P Murat note sous CA Rennes 4 juillet 2002 D 2002 p 2902 Dr Famille 2002 comm no 142 note P Murat

(42) F Granet-Lambrechts laquo Materniteacutes de substitution filiation et eacutetat civil Panorama europeacuteen raquo Dr Famille no 12 deacutecembre 2007 eacutetude no 34

(43) D Youf Penser les droits de lenfant PUF 2002 p 2

(44) G Cornu La famille 6e eacuted no 7 J Carbonnier Droit civil t 4 Les obligations PUF coll Theacutemis no 372 p 649

(45) D Fenouillet et P de Vareilles-Sommiegraveres La contractualisation du droit de la famille Economica 2001

37

(46) H Gaumont-Prat laquo Pas dadoption pour les enfants issus de convention de megravere porteuse raquo art preacutec p 31

(47) E Poisson-Droccourt laquo Recours agrave une megravere de substitution et refus de ladoption raquo art preacutec p 2001 note sous Cass civ 1re 9 deacutecembre 2003 G Delaisi de Perseval laquo Gestation pour autrui en quecircte de leacutegitimation raquo httpwwwliberationfr

(48) C Neirinck laquo Les filiations eacutelectives agrave leacutepreuve du droit raquo JCP eacuted G 1997 I 4067 E Camuzet laquo La convention de gestation pour autrui une illeacutegaliteacute franccedilaise injustifieacutee raquo art preacutec p 59

(49) J Hauser et D Huet-Weiller Traiteacute de droit civil La famille Fondation et vie de la famille 2e eacuted LGDJ 1993 p 250

(50) B Debreacute et S Agacinski laquo Faut-il leacutegaliser les megraveres porteuses en France raquo art preacutec p 50 C Atias D 1986 chron p 67

Civ 1egravere

13 deacutecembre 1989

Ndeg de pourvoi 88-15655

Publieacute au bulletin

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Attendu selon les juges du fond que lrsquoassociation ldquo Alma Mater ldquo a pour objet de faciliter la

solution des problegravemes qui se posent aux couples dont la femme est steacuterile deacutesireux

drsquoaccueillir un enfant agrave leur foyer et aux ldquo megraveres porteuses ldquo volontaires qursquoil est proposeacute agrave

la ldquo megravere porteuse ldquo drsquoecirctre inseacutemineacutee artificiellement par la semence du mari ou du concubin

de porter et de mettre au monde lrsquoenfant qui sera deacuteclareacute sur les registres de lrsquoeacutetat civil sans

indication du nom de la megravere reconnu par le pegravere et accueilli au foyer de celui-ci en vue de

son adoption par lrsquoeacutepouse ou la compagne que lrsquoassociation intervient tout au long de ce

processus qualifieacute de ldquo precirct drsquouteacuterus ldquo ou de ldquo don drsquoenfant ldquo qursquoainsi apregraves avoir controcircleacute la

reacutealiteacute de la steacuteriliteacute du couple demandeur et des faculteacutes de feacutecondation de la ldquo megravere porteuse

ldquo geacuteneacuteralement recruteacutee par elle lrsquoassociation fait proceacuteder agrave lrsquoinseacutemination surveille la

grossesse et lrsquoaccouchement srsquooccupe de faire diligenter la proceacutedure drsquoadoption qursquoelle

verse ensuite agrave la megravere une somme forfaitaire - qui en 1987 eacutetait fixeacutee agrave 60 000 francs -

remise par le couple demandeur degraves le deacutebut de la grossesse que lrsquoarrecirct confirmatif attaqueacute

(Aix-en-Provence 29 avril 1988) estimant que cette association avait un objet illicite

contraire aux lois et aux bonnes moeurs en a prononceacute la nulliteacute sur le fondement de lrsquoarticle

3 de la loi du 1er juillet 1901

Sur le moyen unique pris en sa premiegravere branche

Attendu que lrsquoassociation ldquo Alma Mater ldquo fait grief agrave la cour drsquoappel drsquoavoir ainsi statueacute alors

que selon le moyen nrsquoest ni illicite ni contraire aux bonnes moeurs lrsquoassociation qui dans un

but humanitaire non lucratif met en relation un couple demandeur dont la femme est steacuterile et

38

une femme qui accepte drsquoecirctre inseacutemineacutee artificiellement par le mari de porter lrsquoenfant et de le

remettre agrave la naissance agrave ce couple qui lrsquoindemnisera des contraintes et de la gecircne occasionneacutee

par la grossesse de sorte que la juridiction du second degreacute aurait violeacute les articles 3 et 7 de la

loi du 1er juillet 1901

Mais attendu qursquoil reacutesulte des constatations des juges du fond que lrsquoobjet mecircme de

lrsquoassociation est de favoriser la conclusion et lrsquoexeacutecution de conventions qui fussent-elles

verbales portent tout agrave la fois sur la mise agrave la disposition des demandeurs des fonctions

reproductrices de la megravere et sur lrsquoenfant agrave naicirctre et sont donc nulles en application de lrsquoarticle

1128 du Code civil que ces conventions contreviennent au principe drsquoordre public de

lrsquoindisponibiliteacute de lrsquoeacutetat des personnes en ce qursquoelles ont pour but de faire venir au monde un

enfant dont lrsquoeacutetat ne correspondra pas agrave sa filiation reacuteelle au moyen drsquoune renonciation et

drsquoune cession eacutegalement prohibeacutees des droits reconnus par la loi agrave la future megravere que

lrsquoactiviteacute de lrsquoassociation qui tend deacutelibeacutereacutement agrave creacuteer une situation drsquoabandon aboutit agrave

deacutetourner lrsquoinstitution de lrsquoadoption de son veacuteritable objet qui est en principe de donner une

famille agrave un enfant qui en est deacutepourvu que crsquoest degraves lors agrave bon droit que lrsquoarrecirct attaqueacute a

deacutecideacute sur le fondement de lrsquoarticle 3 de la loi du 1er juillet 1901 que cette association eacutetait

nulle en raison de lrsquoilliceacuteiteacute de son objet que la premiegravere branche du moyen est donc sans

fondement

Et sur les deuxiegraveme et troisiegraveme branches du moyen

Attendu qursquoil est fait grief agrave la cour drsquoappel de nrsquoavoir pas reacutepondu aux conclusions faisant

valoir drsquoune part que lrsquointerdiction du ldquo don de gestation ldquo constituait une discrimination

fondeacutee sur la naissance contraire aux dispositions de lrsquoarticle 24 du pacte international relatif

aux droits civils et politiques signeacute agrave New York le 19 deacutecembre 1966 et drsquoautre part que ce ldquo

don de gestation ldquo reposait sur le droit leacutegitime de fonder une famille qui implique le droit

drsquoengendrer reconnu tant par lrsquoarticle 12 de la convention europeacuteenne des droits de lrsquohomme

et des liberteacutes fondamentales du 4 novembre 1950 que par lrsquoarticle 23 du pacte international

preacuteciteacute

Mais attendu que la reconnaissance du caractegravere illicite de la materniteacute pour autrui et des

associations qui srsquoefforcent de la promouvoir qui se deacuteduit des principes geacuteneacuteraux du Code

civil et de regravegles qui sont communes agrave toutes les filiations nrsquoest pas de nature agrave instaurer une

discrimination fondeacutee sur la naissance que le droit de se marier et de fonder une famille

reconnu par lrsquoarticle 12 de la convention du 4 novembre 1950 et par lrsquoarticle 23 du pacte

international du 19 deacutecembre 1966 agrave lrsquohomme et agrave la femme en acircge nubile nrsquoimplique pas le

droit de conclure avec un tiers des conventions portant sur le sort drsquoun enfant agrave naicirctre que

par ces motifs de droit reacutepondant aux conclusions invoqueacutees lrsquoarrecirct se trouve leacutegalement

justifieacute et que les deuxiegraveme et troisiegraveme branches du moyen ne peuvent ecirctre accueillies

PAR CES MOTIFS

REJETTE le pourvoi

Publication Bulletin 1989 I Ndeg 387 p 260

Deacutecision attaqueacutee Cour drsquoappel drsquoAix-en-Provence du 29 avril 1988

39

Cour de cassation Assembleacutee pleacuteniegravere

Audience publique du 31 mai 1991

Ndeg de pourvoi 90-20105 Publieacute au bulletin

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Sur le pourvoi dans lrsquointeacuterecirct de la loi formeacute par M le Procureur geacuteneacuteral pregraves la Cour de

Cassation

Vu les articles 6 et 1128 du Code civil ensemble lrsquoarticle 353 du mecircme Code

Attendu que la convention par laquelle une femme srsquoengage fucirct-ce agrave titre gratuit agrave concevoir

et agrave porter un enfant pour lrsquoabandonner agrave sa naissance contrevient tant au principe drsquoordre

public de lrsquoindisponibiliteacute du corps humain qursquoagrave celui de lrsquoindisponibiliteacute de lrsquoeacutetat des

personnes

Attendu selon lrsquoarrecirct infirmatif attaqueacute que Mme X eacutepouse de M Y eacutetant atteinte drsquoune

steacuteriliteacute irreacuteversible son mari a donneacute son sperme agrave une autre femme qui inseacutemineacutee

artificiellement a porteacute et mis au monde lrsquoenfant ainsi conccedilu qursquoagrave sa naissance cet enfant a

eacuteteacute deacuteclareacute comme eacutetant neacute de Y sans indication de filiation maternelle

Attendu que pour prononcer lrsquoadoption pleacuteniegravere de lrsquoenfant par Mme Y lrsquoarrecirct retient

qursquoen lrsquoeacutetat actuel des pratiques scientifiques et des moeurs la meacutethode de la materniteacute

substitueacutee doit ecirctre consideacutereacutee comme licite et non contraire agrave lrsquoordre public et que cette

adoption est conforme agrave lrsquointeacuterecirct de lrsquoenfant qui a eacuteteacute accueilli et eacuteleveacute au foyer de M et

Mme Y pratiquement depuis sa naissance

Qursquoen statuant ainsi alors que cette adoption nrsquoeacutetait que lrsquoultime phase drsquoun processus

drsquoensemble destineacute agrave permettre agrave un couple lrsquoaccueil agrave son foyer drsquoun enfant conccedilu en

exeacutecution drsquoun contrat tendant agrave lrsquoabandon agrave sa naissance par sa megravere et que portant atteinte

aux principes de lrsquoindisponibiliteacute du corps humain et de lrsquoeacutetat des personnes ce processus

constituait un deacutetournement de lrsquoinstitution de lrsquoadoption la cour drsquoappel a violeacute les textes

susviseacutes

PAR CES MOTIFS

CASSE ET ANNULE mais seulement dans lrsquointeacuterecirct de la loi et sans renvoi lrsquoarrecirct rendu le

15 juin 1990 par la cour drsquoappel de Paris

REQUETE DE M LE PROCUREUR GENERAL PRES LA COUR DE CASSATION

Le Procureur geacuteneacuteral pregraves la Cour de Cassation a lrsquohonneur drsquoexposer

- Que par jugement du 28 juin 1989 le tribunal de grande instance de Paris a rejeteacute la requecircte

preacutesenteacutee par Mme X eacutepouse Y tendant agrave lrsquoadoption pleacuteniegravere de lrsquoenfant Z deacuteclareacutee

comme eacutetant neacutee de M Y mari de la requeacuterante sans indication de filiation maternelle

- Que pour ne pas faire droit agrave cette requecircte les premiers juges ont retenu que les eacutepoux Y

pour remeacutedier agrave la steacuteriliteacute de leur couple avaient eu recours agrave lrsquoassociation Alma Mater

aujourdrsquohui dissoute lrsquoenfant eacutetant neacute drsquoune megravere de substitution qui lrsquoa abandonneacute agrave la

naissance pratique deacuteclareacutee illicite

- Que sur appel de Mme Y la premiegravere chambre civile section C de la cour drsquoappel de

Paris a par arrecirct du 15 juin 1990 infirmeacute la deacutecision entreprise et prononceacute lrsquoadoption

pleacuteniegravere solliciteacutee par la requeacuterante

- Qursquoau soutien de leur deacutecision devenue deacutefinitive les juges du second degreacute ont tireacute de nos

principes geacuteneacuteraux relatifs agrave la filiation des regravegles drsquoordre public concernant les contrats et de

40

certaines conventions ou deacuteclarations internationales des conclusions contraires agrave celles

auxquelles eacutetait parvenue votre premiegravere chambre civile de la Cour de Cassation qui dans un

cas de figure pratiquement identique a par arrecirct du 13 deacutecembre 1989 (association Alma

Mater contre procureur geacuteneacuteral Aix-en-Provence) reconnu le caractegravere illicite de la materniteacute

pour autrui et les associations qui srsquoefforcent de la promouvoir

- Qursquoil importe en cette matiegravere particuliegraverement sensible qui touche agrave un deacutelicat problegraveme de

socieacuteteacute et drsquoeacutethique que soit mis fin agrave des divergences jurisprudentielles majeures et que la

seacutecuriteacute juridique soit assureacutee

PAR CES MOTIFS

Vu lrsquoarticle 17 de la loi du 3 juillet 1967 relative agrave la Cour de Cassation

Requiert qursquoil plaise agrave la Cour de Cassation

CASSE ET ANNULE sans renvoi et dans le seul inteacuterecirct de la loi lrsquoarrecirct rendu le 15 juin 1990

par la cour drsquoappel de Paris ayant fait droit agrave la requecircte en adoption pleacuteniegravere preacutesenteacutee par

Mme X eacutepouse Y

Publication Bulletin 1991 AP Ndeg 4 p 5

Deacutecision attaqueacutee Cour drsquoappel de Paris du 15 juin 1990

Page 5: SEANCE_3 Droit Civil Methodologie

5

association favorisait laquo contrevenaient au principe dordre public de lindisponibiliteacute de leacutetat

des personnes en ce quelles ont pour but de faire venir au monde un enfant dont la filiation

ne correspondra pas agrave sa filiation reacuteelle au moyen dune renonciation ou dune cession

eacutegalement prohibeacutees des droits reconnus par la loi agrave la future megravere raquo Elle ajoutait que

lactiviteacute de lassociation laquo aboutit agrave deacutetourner linstitution de ladoption de son veacuteritable objet

qui est en principe de donner une famille agrave un enfant qui en est deacutepourvu raquo

LAssembleacutee pleacuteniegravere de la Cour de cassation a renforceacute cette condamnation par son arrecirct du

31 mai 1991 Elle y affirme que ladoption de lenfant issu dune megravere de substitution par la

femme steacuterile dun couple laquo neacutetait que lultime phase dun processus densemble destineacute agrave

permettre agrave un couple laccueil agrave son foyer dun enfant conccedilu en exeacutecution dun contrat

tendant agrave labandon agrave sa naissance par sa megravere et que portant atteinte au principe de

lindisponibiliteacute du corps humain et de leacutetat des personnes ce processus constituait un

deacutetournement de linstitution de ladoption raquo

Enfin la loi ndeg 94-653 du 29 juill 1994 relative au respect du corps humain a introduit lart

16-7 dans le code civil eacutedictant que laquo toute convention portant sur la procreacuteation ou la

gestation pour autrui est nulle raquo Une loi du mecircme jour reacuteglemente strictement lassistance

meacutedicale agrave la procreacuteation

B - Conflit dans le temps

Quel est le droit applicable dans notre affaire Par la convention de megravere de substitution

celle-ci sest engageacutee par avance agrave se faire inseacuteminer par les gamegravetes du mari agrave porter lenfant

et agrave labandonner agrave sa naissance sans indication de son nom agrave leacutetat civil geacuteneacuteralement en

accouchant sous X Si son objet se limite lagrave le contrat et ses effets se sont deacutejagrave produits et

lart 16-7 c civ nest pas applicable

En revanche si on considegravere que la materniteacute pour autrui et ladoption subseacutequente constituent

un processus densemble et reacutealisent en reacutealiteacute un deacutetournement de linstitution de ladoption

peut-ecirctre peut-on appliquer agrave la convention initiale lart 16-7 c civ dautant que celui-ci est

dordre public (art 16-9 c civ) et exprime un inteacuterecirct social impeacuterieux

Lapplication des lois dans le temps est deacutelicate agrave reacutesoudre Cependant la solution retenue na

guegravere de conseacutequence en lespegravece car lart 16-7 c civ ne fait que reprendre la solution

anteacuterieure de notre droit consacreacutee par larrecirct de lAssembleacutee pleacuteniegravere du 31 mai 1991 agrave

propos dune enfant neacutee en feacutevrier 1988 Sans doute cest cela que les magistrats ont voulu

exprimer en affirmant que le caractegravere illicite de la materniteacute pour autrui laquo se deacuteduit des

principes geacuteneacuteraux du code civil et aujourdhui de son art 16-7 raquo Quels sont ces principes

II - Principes geacuteneacuteraux du code civil et de notre droit

A - Principes du code civil

Pour annuler le contrat de materniteacute de substitution on peut prendre appui sur trois articles du

code civil Aux termes de lart 311-9 laquo les actions relatives agrave la filiation ne peuvent faire

lobjet de renonciation raquo Lart 376 dispose quant agrave lui laquo Aucune renonciation aucune

cession sur lautoriteacute parentale ne peut avoir deffet si ce nest en vertu dun jugement dans

les cas deacutetermineacutes ci-dessous raquo La premiegravere Chambre civile en avait tregraves justement deacuteduit

dans son arrecirct du 13 deacutec 1989 preacuteciteacute que les conventions de materniteacute pour autrui laquo

contreviennent au principe de lindisponibiliteacute de leacutetat des personnes en ce quelles ont pour

but de faire venir au monde un enfant dont leacutetat ne correspond pas agrave la filiation reacuteelle au

6

moyen dune renonciation ou dune cession eacutegalement prohibeacutees des droits reconnus par la

loi agrave la future megravere raquo En dautres termes la megravere renonce par avance agrave sa future qualiteacute de

megravere

La Cour ajoutait que ces conventions sont nulles en application de lart 1128 c civ qui

dispose laquo Il ny a que les choses qui sont dans le commerce qui puissent ecirctre lobjet des

conventions raquo La formule peut precircter agrave contestation mais on comprend bien que le contrat

entre la megravere de substitution et le couple tend agrave faire de lenfant une chose agrave livrer Or cest un

ecirctre humain qui est promis Lenfant ne saurait ecirctre traiteacute comme une chose On ne peut pas en

disposer ainsi

La Cour de cassation dans larrecirct commenteacute neacutenonce pas les principes quelle avait mis en

avant dans ses preacuteceacutedents arrecircts agrave savoir lindisponibiliteacute du corps humain et celle de leacutetat des

personnes Elle parle seulement des laquo principes geacuteneacuteraux du code civil raquo Sans reprendre ce

quil en a eacuteteacute excellemment dit dans les commentaires des arrecircts de 1989 et de 1991 nous

nous interrogerons sur lexistence actuelle de ces deux principes

B - Principes geacuteneacuteraux de notre droit

1 - Indisponibiliteacute du corps humain

Un auteur a soutenu que lindisponibiliteacute du corps humain nexistait que dans laquo limaginaire de

la doctrine raquo avant sa conseacutecration par la Cour de cassation Les auteurs anciens en ont peu

traiteacute il est vrai quoique Josserand se soit interrogeacute sur la validiteacute des conventions portant sur

le corps humain Le code civil neacutenonce pas le principe Ce silence sexplique parce que ce

sont les progregraves de la biologie et de la meacutedecine qui en ont eacuteteacute le reacuteveacutelateur speacutecialement

avec la materniteacute pour autrui Celle-ci a eacuteteacute loccasion pour la Cour de cassation deacutenoncer ce

principe par trois fois Lart 16-7 c civ a eacuteteacute consideacutereacute par le rapporteur agrave lAssembleacutee

nationale de la loi de 1994 comme laquo lultime conseacutequence de lindisponibiliteacute du corps

humain raquo Un nombre important dauteurs contemporains font eacutetat de ce principe

Il convient de distinguer le corps humain envisageacute dans son ensemble dune part et les

produits et eacuteleacutements du corps humain dautre part Cela explique lassouplissement du

principe dindisponibiliteacute par le leacutegislateur quant agrave ces produits ou eacuteleacutements pour des raisons

theacuterapeutiques collecte du lait (ancien art L 184 c santeacute publ devenu art 2323-1) don du

sang (L 21 juill 1952) don dorganes (L 22 deacutec 1976) don du sperme (L 31 deacutec 1991 art

13) enfin don dovule et mecircme don dembryon (L ndeg 94-654 du 29 juill 1994) Cette

derniegravere avanceacutee de la procreacuteation artificielle nest pas sans soulever des problegravemes moraux

Le leacutegislateur a fait un pas important dans latteacutenuation de lindisponibiliteacute du corps humain

mais reacuteglemente strictement la procreacuteation meacutedicalement assisteacutee Il a marqueacute sa limite en

interdisant en mecircme temps la materniteacute pour autrui (art 16-7 c civ) Cest quil y a une

diffeacuterence de nature entre le don deacuteleacutements du corps ou dorganes et le fait pour une femme

dengendrer un enfant agrave livrer

Il y a dans ce dernier cas contrat portant sur le corps de la femme mise agrave la disposition

dautrui de ses fonctions de donner la vie de ses fonctions reproductrices aussi bien

geacuteneacutetiques (convention dinseacutemination artificielle) que gestatrices (precirct ou location duteacuterus)

Relativement agrave lenfant la convention porte sur sa vie et son deacuteveloppement preacutenatal Elle a

pour objet un ecirctre humain agrave venir La gestation atteint la femme au plus profond delle-mecircme

Elle lui laissera des seacutequelles physiologiques et psychologiques Elle marque aussi lenfant

dont on ne peut nier limportance de la vie intra-uteacuterine Il y a bien convention portant sur le

corps humain dans son ensemble Pour notre part nous partageons lopinion des magistrats et

des auteurs qui estiment que le corps humain dans son entier est indisponible laquo hors de toute

7

transaction raquo Cest ce que sous-entend le code civil En est-il de mecircme de leacutetat des personnes

2 - Indisponibiliteacute de leacutetat des personnes

La femme dans la materniteacute pour autrui renonce par avance agrave sa qualiteacute de megravere Certes elle

peut ne pas reconnaicirctre lenfant (accouchement sous X) labandonner une fois neacute mais ici

elle sy oblige bien avant la naissance Quant agrave lenfant il est soustrait par avance agrave sa megravere

La Cour de cassation la tregraves bien exprimeacute dans son arrecirct du 13 deacutec 1989 les conventions de

materniteacute de substitution laquo contreviennent au principe de lindisponibiliteacute de leacutetat des

personnes en ce quelles ont pour but de faire venir au monde un enfant dont leacutetat ne

correspond pas agrave sa filiation reacuteelle raquo

La volonteacute intervient certes en matiegravere de composantes de leacutetat des personnes nom

nationaliteacute situation de famille actions relatives agrave la filiation Lart 373-2-11 c civ (L 4

mars 2002 reprenant lancien art 290) dispose ainsi que lorsquil se prononce sur lexercice

de lautoriteacute parentale le juge prend notamment en consideacuteration laquo les accords que [les

eacutepoux] avaient pu anteacuterieurement conclure raquo Les conventions qui ameacutenagent les devoirs

parentaux sont donc valables

Au demeurant la Cour de cassation na-t-elle pas franchi une eacutetape de plus en matiegravere de

transsexualisme Apregraves avoir jugeacute le contraire elle a deacutecideacute que le principe de

lindisponibiliteacute de leacutetat des personnes ne fait pas obstacle agrave la rectification du sexe sur lacte

de naissance dune personne preacutesentant le syndrome de transsexualisme lorsque agrave la suite dun

traitement meacutedico-chirurgical subi dans un but theacuterapeutique cette personne ne possegravede plus

tous les caractegraveres de son sexe dorigine et a pris une apparence physique la rapprochant de

lautre sexe auquel correspond son comportement social La Cour a statueacute ainsi parce que la

Cour europeacuteenne des droits de lhomme dans lintervalle avait condamneacute la France au motif

que la solution adopteacutee par la premiegravere Chambre civile conduirait agrave la violation du droit agrave la

vie priveacutee de lart 8 de la Convention europeacuteenne des droits de lhomme

Nous ne discuterons pas de lappreacuteciation de ces deacutecisions sur le transsexualisme Disons

simplement quelles ne sont pas sans incidence sur le mariage et les enfants neacutes ou que le

transsexuel deacutesirera adopter Bien que la Cour se reacutefegravere au principe de lindisponibiliteacute de

leacutetat des personnes il semble que ce principe est loin decirctre absolu On peut mecircme dire quil

nexiste pas mais quil est simplement opportun de ne pas disposer de leacutetat dune personne

Est-ce pour cette raison que la Cour de cassation dans larrecirct rapporteacute se reacutefegravere seulement aux

laquo principes geacuteneacuteraux du code civil raquo et au deacutetournement de linstitution de ladoption

III - Bien-fondeacute du recours agrave ladoption

Les eacutepoux X invoquent agrave lappui de leur demande dadoption lart 353 c civ aux termes

duquel le tribunal veacuterifie si ladoption est conforme agrave linteacuterecirct de lenfant Plusieurs auteurs

justifient ainsi le prononceacute de ladoption de lenfant issu dune convention de megravere de

substitution

Les eacutepoux X font aussi reacutefeacuterence aux art 3 al 1er (laquo Dans toutes les deacutecisions qui

concernent les enfants [] linteacuterecirct supeacuterieur de lenfant doit ecirctre une consideacuteration

primordiale raquo) et 21 (laquo Les Etats parties qui admettent etou autorisent ladoption sassurent

que linteacuterecirct supeacuterieur de lenfant est la consideacuteration primordiale en la matiegravere raquo) de la

Convention des Nations unies relative aux droits de lenfant du 20 nov 1989 Toutefois celle-

ci nest pas dapplication immeacutediate par les tribunaux Et il faudrait au surplus ecirctre sucircr que lon

soit dans une situation ougrave ladoption est permise

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Quant agrave linteacuterecirct de lenfant il ne permet pas daneacuteantir les autres principes directeurs de notre

droit vus preacuteceacutedemment Au surplus tout le monde admet quil faut dire agrave lenfant adopteacute dans

quelle condition il la eacuteteacute Que lui dira-t-on en lespegravece Lui dira-t-on la veacuteriteacute ou lui mentira-

t-on Devenu plus grand il aura le droit laquo dans la mesure du possible de connaicirctre ses

parents et decirctre eacuteleveacute par eux raquo aux termes de la mecircme Convention de New York du 20 nov

1989 Cela nest pas non plus sans soulever de difficulteacute

Surtout ladoption est faite pour donner des parents agrave un enfant deacutejagrave neacute et qui en est deacutepourvu

et non pour satisfaire le deacutesir denfant dun couple Il ne manque malheureusement pas

denfants sans famille dans le monde En lespegravece dailleurs les eacutepoux avaient deacutejagrave eu en

commun un enfant

Ils invoquent aussi agrave lappui de leur demande dadoption la Convention europeacuteenne des droits

de lhomme dont lart 8 dit laquo Toute personne a droit au respect de sa vie priveacutee et familiale

raquo Mme X avait certes attendu presque douze ans avant de preacutesenter sa requecircte Mais quant

agrave y trouver une justification de ladoption cest faire dire agrave ce texte beaucoup plus que ses

termes geacuteneacuteraux ne le permettent Il ne faut pas non plus oublier lalineacutea 2 dudit article qui

dispose qulaquo il ne peut y avoir ingeacuterence dune autoriteacute publique dans lexercice de ce droit

que pour autant que cette ingeacuterence est preacutevue par la loi et quelle constitue une mesure qui

[] est neacutecessaire [] agrave la protection [] de la morale raquo Il y a les art 311-9 376 et

doreacutenavant 16-7 c civ Et la pratique des megraveres de substitution heurte bien agrave notre avis la

morale Quant agrave la prise en compte de la situation de fait nous y reviendrons plus loin mais

on heacutesite agrave cautionner la politique du fait accompli

Ladoption solliciteacutee est la phase ultime dun processus densemble dont la source le contrat

avec la megravere de substitution est illicite car contraire agrave lordre public Lentreprise globale

constitue un deacutetournement de linstitution de ladoption comme laffirme la Cour de cassation

dans larrecirct rapporteacute reprenant en cela son analyse anteacuterieure En refusant ladoption on rend

leacutetat des personnes incertain et lon incite les couples agrave ne pas recourir agrave la materniteacute pour

autrui

IV - Porteacutee de larrecirct

Nous avons deacutejagrave fait eacutetat de deux arrecircts de la Cour de cassation celui du 13 deacutec 1989

deacuteclarant illicite une association promouvant la materniteacute par substitution et celui de

lAssembleacutee pleacuteniegravere du 31 mai 1991 condamnant cette materniteacute Dans cette derniegravere affaire

le pourvoi avait eacuteteacute preacutesenteacute par le procureur geacuteneacuteral pregraves la Cour de cassation dans linteacuterecirct

de la loi Par conseacutequent il ne pouvait preacutejudicier aux parties en remettant en question

ladoption pleacuteniegravere prononceacutee par la Cour dappel de Paris Selon le doyen Carbonnier il

sagissait plutocirct laquo dun acte de politique judiciaire raquo

Le 29 juin 1994 la premiegravere Chambre civile de la Cour de cassation eut agrave se prononcer de

nouveau sur la question A la diffeacuterence du preacuteceacutedent arrecirct la Cour y casse sans renvoi larrecirct

de la cour dappel ayant prononceacute ladoption simple de lenfant En outre les faits sont assez

particuliers Cest la belle-soeur des eacutepoux Y qui avait conccedilu et porteacute lenfant elle lavait

reconnu avant M Y La belle-soeur et son mari consentirent agrave ladoption pleacuteniegravere par Mme

Y Les eacutepoux Y se seacuteparegraverent avant toute requecircte en adoption Apregraves que lenfant eut eacuteteacute

confieacute agrave Mme Y le jugement de divorce confia lautoriteacute parentale agrave la megravere biologique M

Y intente une action pour que lenfant lui soit confieacute Pendant cette proceacutedure Mme Y

deacutepose une requecircte en adoption pleacuteniegravere et assigne son ex-eacutepoux pour faire juger abusif son

refus dy consentir On comprend que devant un tel imbroglio la Cour de cassation ait refuseacute

que ladoption soit valideacutee Dune faccedilon geacuteneacuterale on peut se demander si la materniteacute de

substitution au sein de la famille proche nest pas de nature agrave faire perdre ses repegraveres agrave

9

lenfant Lenfant est appeleacute agrave voir souvent sa tante qui est aussi sa megravere par le sang tandis

quil est eacuteleveacute par une megravere sociologique

Par suite larrecirct commenteacute est inteacuteressant en ce quil confirme la position de la Cour de

cassation dans un cas plus classique un contrat a eacuteteacute passeacute entre un couple et une femme sans

relation avec le couple qui sest fait inseacuteminer par les gamegravetes du mari a porteacute lenfant et sest

engageacutee agrave labandonner agrave sa naissance afin quil ne soit reconnu que par le mari et quil soit

adopteacute par sa femme Il est probable quil y a eu une contrepartie financiegravere Le plus souvent

la megravere porteuse est pousseacutee agrave louer son ventre par deacutetresse financiegravere

Le contrat initial est tenu secret sauf si la megravere de substitution refuse dabandonner lenfant

Lannuler comme le prescrit lart 16-7 c civ permet agrave cette derniegravere de garder lenfant

Sinon le contrat reste occulte Cest au moment de la demande dadoption que peut apparaicirctre

lentreprise globale vicieacutee agrave sa source Souvent elle passe inaperccedilue Cest toute la difficulteacute

de la situation Refuser de prononcer ladoption est la seule sanction civile de quelque

efficaciteacute

Une autre particulariteacute de lespegravece meacuterite decirctre souligneacutee Mme X a preacutesenteacute sa requecircte aux

fins dadoption onze ans et demi apregraves la naissance de lenfant Ne faut-il pas tenir compte de

la situation de fait qui sest creacuteeacutee Lenfant a eacuteteacute eacuteleveacute par le couple pendant de longues

anneacutees Dans linteacuterecirct de lenfant on pourrait peut-ecirctre eacutetablir sa filiation maternelle par le

recours agrave la possession deacutetat mais cela ne serait en tout eacutetat de cause possible que dans un

cas comme celui-ci

La reacuteprobation de la materniteacute pour autrui peut ecirctre aussi atteinte par une autre voie il existe

aussi des sanctions peacutenales Aux termes de lart 227-12 nouveau c peacuten laquo le fait de

provoquer soit dans un but lucratif soit par don promesse menace ou abus dautoriteacute les

parents ou lun dentre eux agrave abandonner un enfant neacute ou agrave naicirctre est puni de six mois

demprisonnement et de 7500 euros raquo sans compter eacuteventuellement des peines

compleacutementaires Ce texte ne peut eacutevidemment sappliquer quagrave des faits posteacuterieurs agrave son

entreacutee en vigueur Il reprend toutefois en la preacutecisant lincrimination de lart 353-1 (2deg)

ancien c peacuten laquo Sera puni de dix jours agrave six mois demprisonnement et de 500 agrave 20 000 F

damende [] toute personne qui aura fait souscrire ou tenteacute de faire souscrire par les futurs

parents ou lun deux un acte aux termes duquel ils sengagent agrave abandonner lenfant agrave naicirctre

qui aura deacutetenu un tel acte en aura fait usage ou tenteacute den faire usage raquo Six mois

demprisonnement mecircme avec sursis paraissent excessifs et lamende est insuffisante Le

parquet pourrait neacuteanmoins mettre en oeuvre ces textes afin de dissuader les couples de

recourir agrave la materniteacute de substitution (18) plutocirct quagrave une veacuteritable adoption La

condamnation peacutenale aurait lavantage de faire tomber la sanction sur les couples sans

atteindre lenfant On pourrait alors songer agrave la possession deacutetat pour rattacher lenfant agrave la

femme qui la eacuteleveacute pendant de longues anneacutees comme ceacutetait le cas en lespegravece La

possession deacutetat permettrait deacutetablir une filiation maternelle naturelle Pourrait-elle aussi

faire acqueacuterir agrave lenfant la qualiteacute denfant leacutegitime La possession deacutetat joue alors

indivisiblement agrave leacutegard des deux parents (art 321 c civ) alors que la reconnaissance qui a

eacuteteacute faite par le mari atteste la qualiteacute denfant naturel de celui-ci

Dautre part il convient de sattaquer aux intermeacutediaires Par son arrecirct preacuteciteacute du 13 deacutec 1989

la Cour de cassation a confirmeacute la nulliteacute dune association en raison de lilliceacuteiteacute de son objet

de mettre en rapport des couples avec des megraveres de substitution Le gouvernement franccedilais

interdit semblables associations mais des personnes continuent certainement agrave sentremettre agrave

cet effet Elles tombent sous lincrimination de lart 227-12 al 3 nouveau c peacuten Est puni

dun an demprisonnement et de 15 000 euros damende laquo le fait dans un but lucratif de

sentremettre entre une personne ou un couple deacutesireux daccueillir un enfant et une femme

acceptant de porter en elle cet enfant en vue de le leur remettre raquo Lorsque ces faits ont eacuteteacute

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commis agrave titre habituel ou dans un but lucratif les peines sont doubleacutees Les personnes

morales peuvent en ecirctre deacuteclareacutees responsables (art 227-14) et sont passibles de sanctions

approprieacutees preacutevues aux art 131-38 et 131-39 Lart 353-1 (1deg) ancien c peacuten eacutetait moins net

mais incriminait aussi celui qui avait dans un espoir de lucre provoqueacute les parents ou lun

deux agrave abandonner leur enfant agrave naicirctre Lactiviteacute des intermeacutediaires est hautement

condamnable Il convient donc de leur appliquer les sanctions civiles et peacutenales que contient

notre droit agrave leur eacutegard

Une difficulteacute suppleacutementaire pour sanctionner la materniteacute de substitution tient agrave ce quon a

appeleacute le tourisme procreacuteatif car les Franccedilais vont chercher les femmes qui se livrent agrave ce

commerce dans des pays voisins toleacuterants (19) Il en est ainsi en Angleterre comme le

teacutemoigne larrecirct de la Cour de cassation du 23 avr 2003 (20) Bien que non abordeacute dans

cette derniegravere deacutecision il surgit alors une question de conflit de lois et il est possible aussi

quintervienne lordre public

Mots cleacutes ADOPTION Adoption pleacuteniegravere Materniteacute de substitution Prohibition Deacutetournement de

linstitution

CONTRAT ET OBLIGATIONS Objet Illiceacuteiteacute Materniteacute de substitution Megravere

porteuse Filiation adoptive

Recueil Dalloz 2005 p 536

Droits et liberteacutes corporels

Panorama de la leacutegislation de la jurisprudence et des avis des instances eacutethiques

Jean-Christophe Galloux Professeur agrave luniversiteacute de Pantheacuteon-Assas (Paris II)

Responsable du Centre de droit meacutedical

Heacutelegravene Gaumont-Prat Professeur agrave luniversiteacute de Picardie-Jules Verne Membre du

Comiteacute national dEthique

Lessentiel

Les articles 16 agrave 16-13 du code civil qui consacrent le cadre du statut juridique du corps

humain depuis les lois dites laquo bioeacutethiques raquo du 29 juillet 1994 continuent deacutetendre leur

empire Les hypothegraveses quils ont vocation agrave reacutegir concernent autant les territoires

traditionnels de la biomeacutedecine que sont les tests et empreintes geacuteneacutetiques les procreacuteations

meacutedicalement assisteacutees ou des greffes dorganes pour ne citer que les principaux que des

champs nouveaux et parfois inattendus comme limage du corps le droit dasile

lassujettissement aux cotisations sociales ou les obligations scolaires Limportante reacutevision

des textes de 1994 par la loi ndeg 2004-800 du 6 aoucirct 2004 sest traduite par une eacuterosion de la

protection des droits et liberteacutes corporels individuels au profit de la liberteacute de la recherche

scientifique et des consideacuterations de solidariteacute comme en teacutemoigne notamment la deuxiegraveme

reformulation de larticle 16-3 relatif agrave linteacutegriteacute corporelle

I - Les donneacutees relatives au corps

A - Les tests et donneacutees geacuteneacutetiques

Les tests geacuteneacutetiques sont susceptibles de recouvrir diffeacuterentes finaliteacutes meacutedico-

professionnelles (meacutedecine curative preacutedictive preacutevention des risques professionnels) ou

sociales (emploi assurance) voire de deacutepistage preacutenatal (diagnostic preacutenatal et

preacuteimplantatoire) Leacutevolution observeacutee conduit agrave distinguer les tests geacuteneacutetiques qualifieacutes de

11

donneacutees personnelles ou de donneacutees de santeacute

1 - Donneacutees personnelles

Deux inteacuterecircts contradictoires sont pris en compte par le leacutegislateur ou les avis de diffeacuterentes

instances celui de la personne elle-mecircme et celui des tiers au titre de la solidariteacute sociale

a) La prise en compte de linteacuterecirct de la personne

1 Dans un souci de garantir un reacutegime juridique plus protecteur pour les personnes la loi ndeg

2004-800 du 6 aoucirct 2004 (art 4) relative agrave la bioeacutethique a proceacutedeacute agrave un toilettage des anciens

textes pour uniformiser les formulations retenues en remplaccedilant dans les diffeacuterents codes

concerneacutes (code civil code de la santeacute publique code peacutenal) lexpression laquo eacutetude geacuteneacutetique

des caracteacuteristiques raquo ou laquo meacutedecine preacutedictive raquo par laquo examen des caracteacuteristiques

geacuteneacutetiques raquo de la personne Sont ainsi modifieacutes larticle 16-10 du code civil les intituleacutes du

titre III du livre I de la premiegravere partie du code de la santeacute publique et la section 6 du chapitre

IV du titre II du code peacutenal

Deux raisons militaient en faveur de ce changement dune part la notion de meacutedecine

preacutedictive eacutetait trop eacutetroite car elle nautorisait pas le diagnostic dune maladie deacutejagrave deacuteclareacutee

Dautre part la terminologie preacuteceacutedemment utiliseacutee laquo eacutetude ou examen geacuteneacutetique des

caracteacuteristiques raquo dune personne est apparue trop restrictive Elle ne permettait pas de

garantir la protection de la personne agrave leacutegard dune eacuteventuelle utilisation abusive

dinformations geacuteneacutetiques obtenues agrave loccasion dinvestigations meacutedicales diverses non

speacutecifiquement geacuteneacutetiques comme par exemple une biopsie musculaire chez un myopathe de

Duchecircne leacutelectroforegravese de lheacutemoglobine pour le diagnostic de la dreacutepanocytose ou des

thalasseacutemies ou encore de lHLA 27 (selon le rapport de F Giraud Commission des Affaires

sociales Seacutenat 1re lecture ndeg 128 du 15 janv 2003 [2002-2003])

Le terme retenu agrave larticle 4 de loi vise agrave encadrer lensemble des examens de caractegravere

geacuteneacutetique et apparaicirct plus adapteacute agrave lobjectif de lencadrement fixeacute Une telle harmonisation

des terminologies utiliseacutees vient ainsi assurer la coheacuterence des pratiques

La loi a eacutegalement deacutecideacute de sanctionner peacutenalement outre le fait de proceacuteder agrave un examen

des caracteacuteristiques geacuteneacutetiques dune personne sans avoir recueilli preacutealablement son

consentement le fait de proceacuteder agrave un tel examen agrave des fins autres que meacutedicales ou de

recherche scientifique Les sanctions preacutevues agrave larticle 226-25 du code peacutenal demeurent

inchangeacutees un an demprisonnement et 15 000 euros damende

2 La loi ndeg 2004-800 du 6 aoucirct 2004 (art 5) met en exergue limportance accordeacutee agrave la

volonteacute en matiegravere dexamen des caracteacuteristiques geacuteneacutetiques dune personne la loi vient

compleacuteter la reacutedaction de larticle 16-10 alineacutea 2 en posant lexigence dun consentement

mieux encadreacute quauparavant et elle en organise ses modaliteacutes recueil du consentement

expregraves par eacutecrit reacutevocable sans forme agrave tout moment et eacuteclaireacute puisque la personne doit ecirctre

laquo ducircment informeacutee de sa nature et de sa finaliteacute lobligation dinformation devenant une des

conditions du recueil du consentement raquo (D Thouvenin La loi relative agrave la bioeacutethique ou

comment accroicirctre laccegraves aux eacuteleacutements biologiques dorigine humaine D 2005 Chron p

116 et p 172) La loi preacutevoit un nouvel article L 1131-1 au code de la santeacute publique qui

renvoie agrave ces dispositions preacuteciteacutees du code civil

3 La loi ndeg 2004-800 du 6 aoucirct 2004 (art 6) organise le reacutegime juridique des collections

deacutechantillons biologiques humains et des recherches geacuteneacutetiques mises en oeuvre agrave partir de

ces collections Cet article vise agrave concilier les droits des personnes preacuteleveacutees avec la neacutecessiteacute

12

de ne pas alourdir la tacircche des chercheurs dans des secteurs jugeacutes prometteurs Larticle L

1131-4 du code de la santeacute publique rappelle que la constitution et lutilisation de collections

deacutechantillons biologiques humains agrave des fins de recherche geacuteneacutetique relegravevent des dispositions

relatives agrave la conservation et agrave lutilisation des eacuteleacutements et produits du corps humain agrave des fins

de recherche scientifique et non des dispositions reacutegissant les recherches biomeacutedicales (telles

quissues de la loi Huriet)

4 Cest ensuite une protection renforceacutee agrave leacutegard des risques de discrimination lieacutes agrave la

reacutealisation de tests geacuteneacutetiques qui se voit affirmeacutee dans deux types de recommandations lune

europeacuteenne (Recommandations sur les implications des tests geacuteneacutetiques Office des

publications officielles des Communauteacutes europeacuteennes Bruxelles mai 2004) lautre

internationale (Elaboration de la Deacuteclaration relative agrave des normes universelles en matiegravere de

bioeacutethique quatriegraveme eacutebauche de texte CIB UNESCO 15 deacutec 2004)

Le principe de non-discrimination en raison des caracteacuteristiques geacuteneacutetiques avait deacutejagrave eacuteteacute

inscrit agrave larticle 16-13 du code civil lors de la loi ndeg 2002-303 du 4 mars 2002 et il figure

eacutegalement dans la plupart des textes internationaux consacreacutes agrave ce sujet la Convention

dOviedo la Deacuteclaration universelle sur le geacutenome humain ainsi que la Charte des droits

fondamentaux de lUnion europeacuteenne

b) La prise en compte de linteacuterecirct du tiers

Larticle L 1131-1 alineacuteas 3 4 et 5 du code de la santeacute publique issu de la loi du 6 aoucirct 2004

envisage linteacuterecirct de la famille agrave propos dun test geacuteneacutetique reacutealiseacute sur une personne et traite de

linformation geacuteneacutetique familiale A la suite dun test geacuteneacutetique reacuteveacutelant une anomalie

geacuteneacutetique pouvant entraicircner chez les autres membres de la famille le deacuteveloppement dune

mecircme pathologie la personne concerneacutee ou le meacutedecin ont-ils une obligation dans linteacuterecirct

des tiers den informer la famille Doit-on envisager une simple obligation morale ou la

responsabiliteacute du patient qui par son silence aurait empecirccheacute deacuteviter lapparition dune telle

maladie

Cette interrogation sinscrit dans le deacutebat contemporain qui se deacuteveloppe progressivement sur

linteacuterecirct du tiers qui pourrait lemporter sur linteacuterecirct de la personne elle-mecircme

Ce problegraveme a eacuteteacute souleveacute lors des travaux parlementaires devant le Seacutenat en premiegravere lecture

agrave loccasion de laudition du Professeur A Munnich (chef du service de geacuteneacutetique meacutedicale de

lhocircpital Necker - Enfants malades directeur de recherche agrave INSERM) devant la Commission

des Affaires sociales le 4 deacutecembre 2002 Celui-ci suggeacuterait de reacutefleacutechir aux implications du

secret meacutedical sur la santeacute des membres de la famille dune personne atteinte dune affection

geacuteneacutetique

La prise en compte de linteacuterecirct du tiers avait deacutejagrave eacuteteacute eacutevoqueacutee avec prudence dans un avis du

Comiteacute consultatif national deacutethique (avis ndeg 70 du 13 deacutec 2001 laquo Consentement en faveur

dun tiers raquo) Le consentement en faveur ou au profit dun tiers met en jeu et parfois en

concurrence plusieurs principes lautonomie de la personne la bienfaisance agrave leacutegard du

tiers et la solidariteacute Lavis ndeg 70 rappelait que le deacutepistage envisageacute peut concerner le sujet

index mais eacutegalement dautres personnes les diffeacuterents laquo tiers raquo viseacutes dans lavis cest le cas

de certaines maladies infectieuses transmissibles et geacuteneacutetiques La deacutecouverte dun portage

infectieux chez une personne peut avoir des conseacutequences directes sur lopportuniteacute dun

deacutepistage effectueacute chez une autre personne qui aurait eacuteteacute exposeacutee Il en est ainsi par exemple

en cas de viol ou dexposition dun soignant agrave une contamination par le sang

13

La transmission des donneacutees geacuteneacutetiques dune personne au beacuteneacutefice dun tiers dont la parenteacute

biologique avec le sujet est eacutetablie peut ecirctre solliciteacutee dans un cas plus geacuteneacuteral en vue de

lobtention dinformations geacuteneacutetiques familiales compleacutementaires pour avoir une

caracteacuterisation preacutecise des anomalies voire la recherche systeacutematique de mutation dans une

famille agrave partir dun cas princeps afin de mettre en eacutevidence un risque geacuteneacutetique susceptible

decirctre preacutevenu ou non Lavis ndeg 70 du 13 deacutecembre 2001 soulignait que linteacuterecirct du tiers peut

ecirctre la connaissance de son statut par rapport agrave cette anomalie geacuteneacutetique la possibiliteacute lui

eacutetant donneacutee de pouvoir entreprendre une surveillance preacuteventive ou de se soumettre agrave une

theacuterapeutique dans un but curatif ou encore de choisir de ne pas la transmettre agrave sa

descendance

A loccasion de la reacutevision des lois de bioeacutethique le Comiteacute consultatif national deacutethique fut

solliciteacute par le ministre de la Santeacute sur lopportuniteacute dinscrire dans la loi la notion

dinformation geacuteneacutetique familiale doit-on envisager lobligation pour une personne

dinformer son entourage familial si a eacuteteacute deacutecouverte chez elle une preacutedisposition ou

lexistence dune maladie geacuteneacutetique grave pouvant faire lobjet pour les autres membres de la

famille dun traitement etou dune preacutevention efficaces Lavis ndeg 76 rendu le 24 avril 2003

laquo A propos de lobligation dinformation geacuteneacutetique familiale en cas de neacutecessiteacute meacutedicale raquo

privileacutegiait le maintien du secret meacutedical

Les donneacutees geacuteneacutetiques personnelles beacuteneacuteficient dune double protection donneacutees de santeacute

elles sont couvertes par le secret meacutedical et faisant partie de la sphegravere dintimiteacute de chaque

individu elles sont proteacutegeacutees au mecircme titre que toutes les donneacutees agrave caractegravere personnel par

le droit au respect de la vie priveacutee inscrit au code civil

Le nouvel article L 1131-1 du code de la santeacute publique issu de larticle 5 de la loi du 6 aoucirct

2004 sinscrit au contraire dans un mouvement favorable agrave une supreacutematie de la notion de laquo

solidariteacute normative raquo sur lintangibiliteacute du droit agrave lintimiteacute Dans le cas dune anomalie

geacuteneacutetique grave en cas de diagnostic poseacute lors de lexamen des caracteacuteristiques geacuteneacutetiques

dune personne le meacutedecin se doit dinformer celle-ci des risques que son silence ferait courir

aux membres de sa famille dans les cas ougrave des mesures de preacutevention ou de soins peuvent ecirctre

proposeacutees agrave ceux-ci Le texte preacutevoit une alternative laisseacutee agrave la personne concerneacutee soit elle

informe elle-mecircme les membres de sa famille soit elle opte pour la proceacutedure de

linformation meacutedicale agrave caractegravere familial expliciteacutee agrave larticle L 1131-1 du code de la santeacute

publique Les formaliteacutes de la transmission de linformation sont clairement deacutefinies Le

patient qui refuse agrave la fois de preacutevenir les membres de sa famille et de souscrire agrave la proceacutedure

de linformation meacutedicale agrave caractegravere familial ne va-t-il pas engager sa responsabiliteacute (V J-

R Binet La loi relative agrave la bioeacutethique Dr fam oct 2004 6 s)

2 - Donneacutees de santeacute

()

B - Les empreintes geacuteneacutetiques

Les empreintes geacuteneacutetiques moyen didentification des personnes font lobjet dun

encadrement speacutecifique selon le domaine viseacute civil ou peacutenal

1 - En matiegravere civile

1 Lidentification dune personne par ses empreintes geacuteneacutetiques est autoriseacutee par la loi agrave titre

de preuve judiciaire en matiegravere civile elle peut ecirctre ordonneacutee par le juge comme mesure

dinstruction dans certains procegraves mettant en jeu des actions relatives agrave la filiation ou des

14

actions agrave fins de subsides sous reacuteserve du recueil preacutealable expregraves du consentement de

linteacuteresseacute

Une deacutecision de la Cour dappel dAgen du 25 mars 2004 est rendue en application de larticle

16-11 alineacutea 2 du code civil dans le cadre dune action agrave fins de subsides La cour retient que

laquo sil ne peut ecirctre contesteacute que chacun a le droit au respect de son inteacutegriteacute physique larticle

16-11 du code civil preacutevoit expresseacutement lidentification dune personne au moyen de

lempreinte geacuteneacutetique [] raquo A deacutefaut davoir pu obtenir le consentement du deacutefendeur rendu

obligatoire par le mecircme texte la cour retient que si laquo les premiers juges deacutecidaient ainsi

justement que sil ne pouvait pas ecirctre fait grief agrave B de refuser une telle mesure leacutegale il

pouvait ecirctre tireacute toutes les conseacutequences de ce refus [] raquo La solution retenue est classique

Elle vient reacuteaffirmer le poids reconnu au recueil du consentement en matiegravere de respect du

corps humain et de linteacutegriteacute physique cette mesure ne peut ecirctre exeacutecuteacutee de force ou sous

astreinte En cas de refus le reacutegime geacuteneacuteral des mesures dinstruction est applicable en vertu

de larticle 11 alineacutea 1er et 198 du nouveau code de proceacutedure civile

Quen est-il du consentement sagissant de la demande de preacutelegravevement post-mortem

Le deuxiegraveme alineacutea de larticle 16-11 du code civil a eacuteteacute modifieacute par la loi du 6 aoucirct 2004

pour interdire toute identification post-mortem par empreintes geacuteneacutetiques en matiegravere civile

sauf accord expregraves manifesteacute de son vivant par la personne deacuteceacutedeacutee

Cette disposition destineacutee agrave renforcer la prise en compte de la volonteacute de la personne vient

mettre un terme agrave la question du preacutelegravevement post-mortem ordonneacute par une mesure judiciaire

dans le silence de la loi de 1994 la doctrine et la jurisprudence eacutetaient diviseacutees sur

linterpreacutetation agrave donner agrave lancien article 16-11 du code civil que laffaire Montand avait

meacutediatiseacute

Selon une premiegravere approche la reacutedaction de larticle 16-11 exigeait le consentement

preacutealable de la personne concerneacutee et ne pouvait sappliquer degraves lors agrave un deacutefunt le respect

ducirc aux morts sy opposait (CA Paris 17 deacutec 1998 D 1999 Jur p 476 note B Beignier 6

nov 1997 D 1998 Jur p 122 note P Malaurie Somm p 161 obs H Gaumont-Prat P

Malaurie et H Fulchiron Defreacutenois 2004 ndeg 821 p 333)

Selon une seconde approche lobligation de consentir fixeacute par larticle 16-11 ne concernait

que les vivants et il appartenait aux tribunaux den appreacutecier lopportuniteacute sagissant des

personnes deacuteceacutedeacutees (P Catala La jeune fille et le mort Dr fam 1997 Chron ndeg 12 J

Massip Defreacutenois 2002 art 37478)

2 Le juge des reacutefeacutereacutes peut-il ordonner une mesure dinstruction sur le fondement de larticle

145 du nouveau code de proceacutedure civile

Il a deacutejagrave eacuteteacute jugeacute que le juge des reacutefeacutereacutes ne peut sur le fondement de larticle 145 du nouveau

code de proceacutedure civile ordonner une mesure dinstruction tendant agrave lidentification dune

personne par ses empreintes geacuteneacutetiques mecircme avec laccord des parties (TGI Toulouse 25

janv 1995 Gaz Pal 1995 2 p 361 note Olivier CA Riom 19 juin 1997 D 1999 Somm

p 333 obs H Gaumont-Prat)

Avant le vote des lois de bioeacutethique de 1994 en matiegravere de filiation la Cour de cassation

(Cass 1re civ 4 mai 1994 Bull civ I ndeg 159 D 1994 Jur p 545 note J Massip D

1995 Somm p 113 obs F Granet-Lambrechts ) avait admis la possibiliteacute de recourir au

15

reacutefeacutereacute probatoire in futurum preacutevu agrave larticle 145 du nouveau code de proceacutedure civile pour

une expertise sanguine ou geacuteneacutetique degraves lors que se trouvaient respecteacutees les conditions

poseacutees par le texte (absence de procegraves au fond motif leacutegitime recherche ou conservation des

preuves) En lespegravece le demandeur faisait eacutetat de son inteacuterecirct leacutegitime en vue dappreacutecier les

chances de succegraves dune action en contestation de paterniteacute quil souhaitait intenter et

soulignait le risque de deacutepeacuterissement des preuves

Depuis 1994 la leacutegaliteacute dune mesure dinstruction destineacutee agrave eacutetablir la reacutealiteacute biologique de la

filiation gracircce aux empreintes geacuteneacutetiques est soumise agrave certaines conditions larticle 16-11

du code civil issu des lois bioeacutethiques de juillet 1994 se montre plus restrictif et pose

lexigence que la mesure dinstruction soit ordonneacutee par laquo le juge saisi dune action tendant

soit agrave leacutetablissement ou la contestation [] raquo formulation qui semble exclure de ce domaine

la proceacutedure de reacutefeacutereacute car seule une action au fond permettrait au juge dordonner une telle

mesure

Une deacutecision de la Cour dappel de Montpellier rappelle cette diffeacuterence de reacutegime pour

ordonner lexpertise biologique solliciteacutee dans le cadre dune action en reacutefeacutereacute aux motifs que laquo

la mesure dexpertise ne peut porter que sur des preacutelegravevements sanguins et non sur des

empreintes geacuteneacutetiques ces derniegraveres ne pouvant ecirctre ordonneacutees que par le seul juge saisi de

laction conformeacutement agrave larticle 16-11 du code civil raquo

Sachant que lexamen compareacute des sangs permet de donner des reacutesultats relativement fiables

en matiegravere de filiation au moins agrave titre indicatif permettant dappreacutecier les chances de succegraves

dune action en contestation ou en eacutetablissement de paterniteacute on peut degraves lors sinterroger sur

la peacuterenniteacute de cette dualiteacute de reacutegime Ne conviendrait-il pas de modifier les imperfections

reacutedactionnelles de larticle 16-11 alineacutea 2 pour autoriser eacutegalement le recours agrave la proceacutedure

de reacutefeacutereacute

3 La loi ndeg 2004-800 du 6 aoucirct 2004 (art 5) a modifieacute les conditions de lidentification dune

personne par ses empreintes geacuteneacutetiques agrave des fins meacutedicales ou de recherche scientifique

Comme pour lexamen des caracteacuteristiques geacuteneacutetiques agrave larticle 2 il sagit de garantir un

reacutegime du consentement plus protecteur pour les personnes et le texte reprend en partie la

teneur de larticle 16-10 en matiegravere dexamen des caracteacuteristiques geacuteneacutetiques recueil du

consentement expregraves par eacutecrit et preacutealable agrave la reacutealisation de lidentification reacutevocable sans

forme et agrave tout moment consentement eacuteclaireacute par lexigence de la communication de sa

finaliteacute

Le renforcement des droits de la personne saccompagne dun dispositif relatif aux conditions

dagreacutement aux fins de proceacuteder agrave lidentification dune personne agrave des fins meacutedicales ou agrave des

fins de recherche scientifique fixeacute par larticle L 1131-3 issu de la loi du 6 mai 2004

De la mecircme faccedilon un encadrement strict des conditions dagreacutement en matiegravere judiciaire est

mis en place avec le deacutecret ndeg 2004-471 du 25 mai 2004 qui vient modifier le deacutecret ndeg 97-

109 du 6 feacutevrier 1997 relatif aux conditions dagreacutement des personnes habiliteacutees agrave proceacuteder agrave

des identifications par empreintes geacuteneacutetiques dans le cadre dune proceacutedure judiciaire

1 - En matiegravere peacutenale

Un arrecirct de la Chambre criminelle de la Cour de cassation (22 juin 2004 Bull crim ndeg 164)

vient preacuteciser lapplication de larticle 706-56 du code de proceacutedure peacutenale issu de la loi ndeg

2001-1062 du 15 novembre 2001 (art 56 JO du 16 nov 2001) modifieacutee ensuite par la loi ndeg

2003-239 du 18 mars 2003 (art 29 JO du 19 mars 2003) et par la loi ndeg 2004-204 du 9 mars

16

2004 (art 49 JO du 10 mars 2004) en matiegravere dempreintes geacuteneacutetiques aux fins

didentification en matiegravere peacutenale Ce texte preacutevoit que le fait pour une personne

deacutefinitivement condamneacutee pour une des infractions viseacutees agrave larticle 706-55 de refuser de se

soumettre agrave un preacutelegravevement biologique destineacute agrave permettre lanalyse didentification de son

empreinte geacuteneacutetique est passible de sanctions peacutenales En lespegravece un homme condamneacute pour

viol avait refuseacute de se soumettre agrave un preacutelegravevement biologique en vue de son inscription au

fichier des empreintes geacuteneacutetiques et preacutetendait que le texte susviseacute ne sappliquait quaux

personnes deacutefinitivement condamneacutees apregraves son entreacutee en vigueur La cour dappel ne suit pas

cette argumentation et la Cour de cassation rejette le pourvoi aux motifs que ce texte

dapplication immeacutediate concerne toutes les personnes dont un preacutelegravevement est requis mecircme

si la condamnation est anteacuterieure agrave la loi

Les mesures viseacutees par ce texte sinscrivent dans la mise en place et le fonctionnement du

FNAEG le fichier national automatiseacute des empreintes geacuteneacutetiques destineacute notamment agrave

conserver dans un traitement automatiseacute les empreintes geacuteneacutetiques de lensemble des

personnes condamneacutees pour infractions sexuelles (Circ CRIM 00-8 F1 du 10 oct 2000 et

CRIM 01-15 E6 du 20 juill 2001) Un deacutecret ndeg 2004-470 du 25 mai 2004 modifiant le code

de proceacutedure peacutenale (2e partie deacutecrets en Conseil dEtat) relatif au fichier national

automatiseacute des empreintes geacuteneacutetiques vient compleacuteter le dispositif

C - Limage du corps

Limage du corps ou lapparence corporelle est classiquement proteacutegeacutee par le droit agrave limage

deacutecoulant de larticle 9 du code civil consacrant le droit au respect de la vie priveacutee et qualifieacute

de droit de la personnaliteacute (P Kayser in Meacutelanges Roubier p 73 T Hassler note sous TGI

Paris 15 avr 1987 D 1987 Jur p 551 F Dessemontet Le droit agrave sa propre image droit de

la personnaliteacute ou droit de la publiciteacute Meacutelanges en lhonneur de J-M Grossen) Cest le

droit pour toute personne dinterdire aux tiers la reproduction et la publication de son image

Limage du corps peut ecirctre appreacutehendeacutee de maniegravere plus originale par le recours agrave larticle 16

comme sinscrivant dans le domaine du droit au respect du corps humain et essentiellement

dans celui du respect de la digniteacute de la personne humaine On observe que le principe du

droit au respect du corps est proclameacute par le leacutegislateur en des termes semblables agrave ceux de

larticle 9 du code civil visant le respect de la vie priveacutee Il est vrai que laquo corps et vie priveacutee

repreacutesentent les deux faces de lintimiteacute dune personne raquo (J-C Galloux Le corps humain

dans le code civil in 1804-2004 Le code civil Un passeacute un preacutesent un avenir Dalloz 2004

p 381) Le recours agrave la notion de digniteacute de la personne humaine a eacuteteacute solliciteacute degraves 2001 dans

laffaire du preacutefet Erignac pour sanctionner la reproduction dans la presse de limage de son

cadavre (Cass 1re civ 20 deacutec 2000 J-P Gridel Retour sur limage du preacutefet assassineacute

digniteacute de la personne humaine et liberteacute de linformation dactualiteacute D 2001 Chron p 872

Jur p 885 Somm p 1990 obs A Lepage RTD civ 2001 p 329 obs J Hauser JCP

2001 II 10488 note J Ravanas)

1 Une deacutecision de la Cour dappel de Paris (1re ch B 23 sept 2004) consacre cette solution

en retenant que la liberteacute dexpression eacutetant une liberteacute fondamentale agrave valeur

constitutionnelle proteacutegeacutee par la Convention europeacuteenne des droits de lhomme et la

Deacuteclaration des droits de lhomme et du citoyen ses abus peuvent seulement ecirctre poursuivis

au nom dautres principes agrave valeur constitutionnelle comme le droit agrave reacuteparation de tout

preacutejudice subi ou la protection de la digniteacute de lhomme preacutevue par larticle 16 du code civil

2 Une deacutecision de la deuxiegraveme Chambre civile de la Cour de cassation (4 nov 2004) vient

confirmer cette dualiteacute Il sagissait en lespegravece dune photographie dun jeune homme de 17

17

ans gisant inanimeacute et agrave demi deacutevecirctu le visage ensanglanteacute victime dun accident de la

circulation alors quil pilotait un scooter Le clicheacute avait eacuteteacute pris par un hebdomadaire agrave grand

tirage pour illustrer un article intituleacute laquo Routes la guerre oublieacutee raquo consacreacute aux accidents de

la route

Les parents de ladolescent deacuteceacutedeacute des suites de laccident avaient assigneacute la socieacuteteacute eacuteditrice

de lhebdomadaire en reacuteparation arguant dune atteinte agrave la digniteacute de la personne ainsi

repreacutesenteacutee Les juges du fond avaient fait droit agrave la demande aux motifs que la liberteacute

dinformer revendiqueacutee par leacutediteur ne devait pas preacutevaloir sur le respect des droits de

lindividu sagissant dun article consacreacute agrave un pheacutenomegravene de socieacuteteacute La jurisprudence en la

matiegravere consacre en effet la liberteacute de communication des informations ainsi que la

publication dimages de personnes impliqueacutees dans un eacuteveacutenement sagissant deacuteveacutenements

dactualiteacute voire mecircme de faits dactualiteacute (Cass 2e civ 30 juin 2004 D 2004 IR p 2478

JCP 2004 II 10160 note D Bakouche) sous la seule reacuteserve du respect de la digniteacute

humaine (not absence de recherche du sensationnel et toute indeacutecence Cass 1re civ 20

feacutevr 2001 D 2001 Jur p 1199 note J-P Gridel Somm p 1990 obs A Lepage RTD civ

2001 p 329 note J Hauser Dr et patrimoine juin 2001 p 96 note G Loiseau 12 juill

2001 D 2002 Jur p 1380 note C Bigot Somm p 2298 obs L Marino RTD civ 2001

p 852 obs J Hauser JCP 2002 II ndeg 10152 note J Ravanas) Les diffeacuterentes deacutecisions

sont rendues au regard de latteinte agrave la vie priveacutee et du droit agrave limage sur le fondement de

larticle 9 (Cass 2e civ 5 mars 1997 D 1998 Jur p 474 note J Ravanas RTD civ 1997

p 396 obs J Hauser CA Versailles 31 janv 2002 Bull inf C cass 1er oct 2002 ndeg 983

D 2003 Somm p 1533 obs C Caron) voire sur le fondement de larticle 10 de la

Convention europeacuteenne des droits de lhomme (CEDH 3e sect 26 feacutevr 2002 Krone Verlag

c Austria req ndeg 34315)

Dans larrecirct susviseacute la Cour de cassation casse la deacutecision au visa des articles 10 de la

Convention europeacuteenne 9 et 16 du code civil Rappelant que laquo le principe de la liberteacute de la

presse implique le libre choix des illustrations dun deacutebat geacuteneacuteral de pheacutenomegravene de socieacuteteacute

sous la seule reacuteserve du respect de la digniteacute de la personne humaine [] raquo elle reproche agrave la

cour dappel de ne pas avoir laquo caracteacuteriseacute latteinte porteacutee par celle-ci [la photographie

litigieuse] agrave la digniteacute de la victime [] raquo

Le recours agrave larticle 16 du code civil selon lequel laquo la loi interdit toute atteinte agrave la digniteacute raquo

de la personne teacutemoigne de la proximiteacute des notions dimage (traditionnellement inscrite dans

le droit au respect de la vie priveacutee) et dapparence corporelle dont on perccediloit le lien avec la

notion de droit au respect du corps humain gouverneacute par larticle 16-1 prolongeant la

protection plus geacuteneacuterale fondeacutee sur la digniteacute inscrite agrave larticle 16 du code civil Nexiste-t-il

pas degraves lors une veacuteritable attraction de ces deux regravegles Les deux protections coexistent se

complegravetent et devraient favoriser le renforcement de la protection de limage de la personne

II - Le corps ses eacuteleacutements et ses produits

A - Regravegles geacuteneacuterales relatives au statut du corps humain

A leacutepoque contemporaine le corps humain devient de plus en plus un lieu de conflits

Conflits entre des normes juridiques de valeur comparable - autonomie de la volonteacute contre

solidariteacute sociale digniteacute des personnes contre liberteacute de la science - mais eacutegalement et de

maniegravere plus fondamentale conflits susciteacutes par des approches philosophiques et morales

diffeacuterentes sinon opposeacutees du corps humain Approches judeacuteo-chreacutetiennes qui le sacralisent

en linscrivant dans le mystegravere de lincarnation mateacuterialistes qui en nient la transcendance

utilitaristes precirctes agrave le sacrifier pour le bien-ecirctre collectif libertaires ou heacutedonistes qui

exaltent la liberteacute de lindividu agrave lencontre des contingences biologiques ou nen font que

18

linstrument de satisfaction des deacutesirs Le droit biomeacutedical se ressent de ces laquo oscillations de

la morale raquo (J Carbonnier Droit et passion du droit sous la Ve Reacutepublique Flammarion

1996 p 116) au risque de perdre peu agrave peu sa coheacuterence En teacutemoigne lapplication parfois

heacutesitante parfois jupiteacuterienne et souvent gecircneacutee des principes geacuteneacuteraux qui gouvernent le

statut du corps humain la protection de linteacutegriteacute corporelle et surtout lindisponibiliteacute ou

lextra-commercialiteacute du corps

1 - Protection de linteacutegriteacute corporelle

1 La loi du 6 aoucirct 2004 a modifieacute larticle 16-3 du code civil en ajoutant agrave la neacutecessiteacute laquo

meacutedicale raquo justifiant latteinte agrave linteacutegriteacute corporelle laquo agrave titre exceptionnel dans linteacuterecirct

theacuterapeutique dautrui raquo (art 9) Cette nouvelle extension de laccegraves aux ressources

biologiques corporelles au deacutetriment des droits de lindividu sur son corps (la premiegravere a eacuteteacute

consacreacutee par la loi ndeg 99-641 du 27 juill 1999 art 70 qui avait deacutejagrave substitueacute au terme laquo

theacuterapeutique raquo celui de laquo meacutedicale raquo afin de contrer linterpreacutetation neacutecessairement eacutetroite

quen avait fait la Cour de cassation dans son avis du 6 juill 1998 [D 1998 IR p 208 RTD

civ 1998 p 881 obs J Hauser] consideacuterant contraires agrave lart 16-3 les atteintes agrave linteacutegriteacute

du corps meneacutees agrave des fins purement contraceptives comme la ligature des trompes de Fallope

de telles atteintes sont deacutesormais licites car obeacuteissant agrave une finaliteacute meacutedicale mecircme si elles

tendent plus agrave preacutevenir ou agrave gueacuterir une maladie une grossesse neacutetant par elle-mecircme une

maladie) a davantage pour but dharmoniser les dispositions du code civil et celles du code de

la santeacute publique les preacutelegravevements reacutealiseacutes aux fins de greffes sur autrui ne pouvaient

certainement pas entrer dans les preacutevisions du texte dans sa reacutedaction anteacuteceacutedente Avec

lextension continue de la cateacutegorie des donneurs vivants (afin de pallier le deacuteficit chronique

de greffons en France cf infra) cette disposition est promise agrave un bel avenir (JOAN CR 2e

seacuteance 16 janv 2002)

2 Le titre III de la loi du 6 aoucirct 2004 apporte par ailleurs des modifications importantes agrave

larchitecture des preacutelegravevements deacuteleacutements du corps humain et par voie de conseacutequence aux

conditions dans lesquelles il peut ecirctre porteacute atteinte agrave linteacutegriteacute corporelle des donneurs

- lacte de preacutelegravevement est deacutesormais qualifieacute dlaquo acte de soin raquo au sens des articles L 1142-1

et suivants du code de la santeacute publique relatifs aux risques sanitaires reacutesultant du

fonctionnement du systegraveme de santeacute issus de la loi du 4 mars 2002 ce qui devrait ameacuteliorer

lindemnisation des victimes en cas daccident lors du preacutelegravevement

- le cercle des donneurs est eacutelargi (art L 1231-1 al 1er c santeacute publ)

- les modaliteacutes de recueil du consentement sont renforceacutees (mecircme art al 3)

- les finaliteacutes des preacutelegravevements sont mieux deacutefinies (par ex pour le sang art L 1211-8-1 c

santeacute publ) le patient pouvant controcircler une nouvelle utilisation des eacuteleacutements preacuteleveacutes

initialement pour dautres buts (not art L 1241-1 c santeacute publ) Les patients peuvent

eacutegalement sopposer agrave lutilisation des produits dexeacuteregravese et du placenta (art L 1235-2 et

1245-2 c santeacute publ) Pour les preacutelegravevements sur personne deacuteceacutedeacutee la regravegle mal veacutecue et

contourneacutee du consentement est ameacutelioreacutee obligeant le meacutedecin agrave recueillir aupregraves de ses

proches une eacuteventuelle opposition exprimeacutee par le deacutefunt de son vivant (art L 1232-1 c

santeacute publ) les proches se voyant reconnaicirctre le droit de connaicirctre les preacutelegravevements effectueacutes

3 Nonobstant les appels aux dons la peacutenurie de greffons saggrave en France selon

lEtablissement franccedilais des greffes qui constate une baisse des preacutelegravevements dorganes

(communiqueacute du 8 avr 2004) ce qui conduit lAcadeacutemie de meacutedecine agrave reacuteclamer de

19

nouvelles modifications reacuteglementaires afin dassouplir les regravegles de seacutelection des donneurs

(communiqueacute du 11 mai 2004) Cette situation ne doit toutefois pas conduire agrave des

discriminations ignoreacutees de la reacuteglementation sanitaire et contraires agrave notre tradition juridique

larrecirct du Conseil dEtat du 30 avril 2004 sen fait leacutecho En lespegravece un ressortissant

marocain en situation irreacuteguliegravere atteint dune grave insuffisance reacutenale chronique et inscrit

sur la liste des receveurs de greffes dorganes en vue dune transplantation reacutenale se voit

notifier une mesure de reconduite agrave la frontiegravere sur le fondement de larticle 25 de

lordonnance du 2 novembre 1945 Larrecircteacute deacutecidant cette reconduite est annuleacute comme

entacheacute dune erreur manifeste dappreacuteciation des conseacutequences de cet arrecircteacute sur la situation

personnelle de linteacuteresseacute car il ne pouvait pas beacuteneacuteficier dune opeacuteration de transplantation

dans son pays dorigine Peut-on voir dans cette solution tregraves humaine une application preacutecoce

du principe nouvellement inscrit dans le nouvel article L 1231-1 A c) du code de la santeacute

publique qui impose le respect du principe deacutequiteacute dans les regravegles de reacutepartition et

dattribution des greffons

4 La question des soins imposeacutes suscite toujours des questions deacutelicates autant sur un plan

humain quun plan juridique Le droit pour le patient majeur de donner lorsquil se trouve en

leacutetat de lexprimer son consentement agrave un traitement meacutedical comme le rappelle lalineacutea 2 de

larticle 16-3 revecirct le caractegravere dune liberteacute fondamentale (CE ord reacutef 16 aoucirct 2002 D

2004 Somm p 602 obs J Penneau RTD civ 2002 p 781 obs J Hauser) Larticle L

1111-4 du code de la santeacute publique tel quissu de la loi du 4 mars 2002 sur le droit des

malades prescrit que le pouvoir de deacutecision sexerce avec le professionnel de santeacute compte

tenu des informations et des preacuteconisations quil lui fournit le meacutedecin ne dispose plus

deacutesormais que dun pouvoir de conseil qui lui interdit de passer outre la volonteacute du patient

mecircme en cas durgence vitale Le meacutedecin doit respecter la volonteacute de la personne apregraves

lavoir informeacutee des conseacutequences de ses choix (il nest dailleurs pas obligeacute de la convaincre

Cass 1re civ 18 janv 2000 D 2001 Jur p 3559 note M-L Mathieu-Izorche) aucun acte

ni aucun traitement ne peut ecirctre pratiqueacute sans le consentement libre et eacuteclaireacute de la personne

consentement quelle peut retirer agrave tout moment Toutefois parmi les soins imposeacutes les

obligations de vaccination tiennent une place particuliegravere Bien accepteacutees par le public

lorsquelles furent introduites pour lutter contre des eacutepideacutemies dont chacun pouvait mesurer

autour de soi les effets deacutevastateurs (la premiegravere vaccination obligatoire remonte agrave la loi du 15

feacutevr 1902 F Moderne Le reacutegime juridique des vaccinations obligatoires AJDA 1965 p

195) ces mesures autoritaires encore nombreuses (contre la diphteacuterie art L 3111-1 c santeacute

publ le teacutetanos art L 3111-2 c santeacute publ la poliomyeacutelite art L 3111-3 c santeacute publ

la tuberculose art L 3111-4 c santeacute publ) sont aujourdhui contesteacutees au nom de la liberteacute

individuelle alors que ces grandes pandeacutemies ont peu agrave peu replieacute leurs ailes de mort sur

notre pays du moins Dans un arrecirct dAssembleacutee du 3 mars 2004 (Association Liberteacute

Information Santeacute RFDA 2004 p 581 concl comm du gouv G Le Chatelier AJDA

2004 p 971) le Conseil dEtat a eu loccasion de preacuteciser les pouvoirs reacuteglementaires dont

peut disposer le ministre de la Deacutefense pour imposer certaines vaccinations obligatoires

contrairement aux conclusions du commissaire du gouvernement il a admis que le ministre de

la Deacutefense en tant que chef de service peut imposer des vaccinations aux militaires placeacutes

sous son autoriteacute Si le principe dinteacutegriteacute du corps ne constitue pas en lui-mecircme un principe

agrave valeur constitutionnelle il concourt toutefois agrave assurer le respect du principe constitutionnel

de sauvegarde de la digniteacute de la personne humaine (Cons const 27 juill 1994 RJC p 100

B Edelman Le Conseil constitutionnel et lembryon D 1995 Chron p 205 Jur p 237 note

B Mathieu Somm p 299 obs L Favoreu) Cette expression essentielle et incarneacutee de la

liberteacute individuelle doit ecirctre concilieacutee avec des impeacuteratifs sociaux de santeacute dont la valeur nest

pas moindre La Haute juridiction administrative avait deacutejagrave eu loccasion de preacuteciser que les

20

dispositions imposant des vaccinations obligatoires si elles ont pour effet de porter une

atteinte limiteacutee aux principes dinviolabiliteacute et dinteacutegriteacute du corps humain voient leur mise en

oeuvre justifieacutee dans le but dassurer la protection de la santeacute dont le principe se trouve garanti

par le Preacuteambule de la Constitution de 1946 et sont proportionneacutees agrave cet objectif (CE 26 nov

2001 ALIS req ndeg 222741 RFDA 2002 p 65 concl comm du gouv S Boissard) Cest

normalement agrave la loi quil revient darbitrer entre ces deux principes Dans une autre affaire

(CA Pau 19 mars 2002 Dr fam 2004 ndeg 137 obs M S) des parents avaient eacuteteacute

condamneacutes agrave des peines contraventionnelles pour avoir soustrait leurs enfants agrave lobligation

vaccinale pour des raisons religieuses Ces deacutecisions ont eacuteteacute rendues alors que la loi du 4 mars

2002 sur le droit des patients neacutetait pas entreacutee en vigueur le renforcement de la liberteacute du

patient serait-elle de nature agrave assouplir les obligations vaccinales La jurisprudence de la

Cour europeacuteenne des droits de lhomme semble aller en ce sens (CEDH 9 juill 2002 ndeg

4219798 Salvetti c Italie une vaccination obligatoire en tant que traitement meacutedical non

volontaire constitue une ingeacuterence dans le droit au respect de la vie priveacutee reconnu par lart 8

sect 1 Conv EDH) Quil nous soit permis deacutemettre des reacuteserves sauf agrave ruiner toute la politique

de preacutevention mise en place par les autoriteacutes sanitaires depuis un siegravecle et dont les effets

salutaires ne sont pas contestables la reacutesistance des juridictions administratives qui sous-tend

larrecirct dAssembleacutee rapporteacute face aux derniers avatars dun certain extreacutemisme libertarien

dont le corps devient le bastion (pour un bon exposeacute de ces thegraveses Onfray Feacuteeacuteriques

anatomiques geacuteneacutealogie du corps faustien Grasset-Fasquelle 2003) montre que lhypothegravese

est ici bien diffeacuterente dun simple refus de soin comme dans le cas des transfusions elles ne

mettent en jeu que la vie du patient (sur cette derniegravere question B Mathieu De la difficulteacute

de choisir entre la liberteacute et la vie RGDM 2003 ndeg 9 p 97 A Garay Volonteacutes et liberteacutes

dans la relation meacutedecin-malade la mise agrave leacutepreuve des articles 16-3 du code civil et L

1111-4 du code de la santeacute publique RGDM 2003 ndeg 10 p 143)

5 Moins sujet agrave deacutebat larrecirct rendu par la Cour europeacuteenne (22 juill 2003 req ndeg 2420994

RD publ 2004 ndeg 3 p 826 note C Picheral) qui condamne la Turquie pour ingeacuterence dans

le droit au respect de la vie priveacutee reconnu par larticle 8 sect 1 de la Convention europeacuteenne

Dans cette affaire la plaignante avait subi un examen gyneacutecologique forceacute destineacute agrave prouver

agrave lissue de sa garde agrave vue quelle navait pas subi de violences sexuelles La Cour europeacuteenne

qui integravegre deacutesormais le respect du corps humain dans la sphegravere de la vie priveacutee fait ici une

application logique de larticle 8 dans la ligne de la jurisprudence preacuteceacutedemment citeacutee

2 - Indisponibiliteacute et extra-patrimonialiteacute du corps humain

6 Le principe dextra-patrimonialiteacute du corps humain se trouve repris par les articles 16-1

alineacutea 3 16-5 et 16-6 du code civil quil est parfois difficile de distinguer du principe

dindisponibiliteacute du corps humain que la jurisprudence fonde sur larticle 1128 du mecircme code

(Cass ass pleacuten 31 mai 1991 D 1991 Jur p 417 rapp Y Chartier note D Thouvenin) Si

la qualification dindisponibiliteacute a eacuteteacute eacutecarteacutee du vocabulaire des lois de 1994 et de 2004

comme par la doctrine dominante pour cause dambiguiumlteacute (D Fenouillet Respect et protection

du corps humain J-Cl civil art 16 agrave 16-12 fasc 12 ndeg 134 s) la jurisprudence y revient

parfois pour affirmer que le corps nest pas une chose dans le commerce Larrecirct de la Cour

dappel de Paris du 16 mai 2003 reacuteforme sur ce point un jugement du Tribunal des affaires de

seacutecuriteacute sociale de Paris du 5 juillet 2001 qui avait agrave tort exoneacutereacute une prostitueacutee du paiement

de la cotisation dallocations familiales des travailleurs indeacutependants au motif quanalyser une

activiteacute sexuelle reacutemuneacutereacutee comme un travail reviendrait agrave admettre que le commerce du

corps humain est leacutegal alors que leacutegaliser ce commerce aboutit agrave nier et agrave rejeter le principe

dindisponibiliteacute du corps humain La cour rappelle agrave bon droit que le commerce des relations

sexuelles nest pas en soi illicite seules eacutetant interdites certaines conditions dexercice de cette

21

activiteacute en tant quelles conduiraient aux infractions de racolage et de proxeacuteneacutetisme Affirmer

que lactiviteacute en cause na aucun lien avec lindisponibiliteacute du corps humain a quelque chose

de surreacutealiste le fait quelle ne soit pas peacutenalement reacuteprimeacutee nempecircche pas le caractegravere

illicite du contrat passeacute entre la prostitueacutee et son client (dans ce sens pour la nulliteacute dune

assurance souscrite par un proxeacutenegravete contre les accidents corporels freacutequents dans ce genre

dactiviteacutes CA Paris 22 janv 1992 Juris-Data ndeg 020308) Reste la justification de la

deacutecision par la relative autonomie du droit des prestations sociales larticle R 241-2 du code

de la seacutecuriteacute sociale vise toutes les activiteacutes non salarieacutees mecircme de caractegravere accessoire La

Chambre sociale de la Cour de cassation a deacutejagrave admis la prostitution au titre de ces activiteacutes

(18 mai 1995 D 1996 Somm p 38 obs X Preacutetot) eacutecarter les activiteacutes de prostitution de

lassiette des cotisations sociales ne serait-ce pas les encourager davantage au risque pour

lEtat de reprendre agrave son compte le ceacutelegravebre adage de Vespasien

7 Nous rappellerons encore larrecirct rendu par la premiegravere Chambre civile le 9 deacutecembre 2003

confirmant le rejet de ladoption pleacuteniegravere par la femme du pegravere dune enfant qui est le fruit

dune convention de megravere porteuse Lamie dun couple steacuterile avait accepteacute en 1987

dabandonner agrave sa naissance sans indication de filiation maternelle lenfant conccedilu des relations

intimes quelle avait eues avec leacutepoux La demanderesse au pourvoi soutenait que lilliceacuteiteacute de

la convention neacutetait pas eacutetablie par la jurisprudence et par la loi au moment des faits et quil

fallait prendre en consideacuteration pour ladoption pleacuteniegravere les douze anneacutees passeacutees par lenfant

aupregraves delle les inteacuterecircts de ce dernier primant la neacutecessiteacute de sanctionner la convention La

Cour de cassation confirmant sa jurisprudence du 31 mai 1991 (preacutec) et du 29 juin 1994 (D

1994 Jur p 581 note Y Chartier) rappelle laquo que la materniteacute pour autrui dont le caractegravere

illicite se deacuteduit des principes geacuteneacuteraux du code civil et aujourdhui de son article 16-7

reacutealise un deacutetournement de linstitution de ladoption que les premiers juges ont agrave bon droit

refuseacute raquo Prudemment la Haute juridiction neacutevoque pas la notion dindisponibiliteacute cet laquo

imaginaire de la doctrine raquo (M Gobert Reacuteflexions sur les sources du droit et les principes

dindisponibiliteacute du corps humain et de leacutetat des personnes RTD civ 1992 p 489) pour se

contenter logiquement de viser larticle 16-7 qui a vocation agrave sappliquer mecircme si le contrat

reste secret la graviteacute du vice initial de la materniteacute pour autrui contaminant toute adoption

ulteacuterieure

8 Le Tribunal administratif dAmiens dans sa deacutecision du 9 mars 2004 fait une application

discutable de la notion dextra-commercialiteacute des eacuteleacutements et des produits du corps humain

dans une hypothegravese ougrave cette qualification ne devait pas jouer Un couple perd ses embryons

congeleacutes in vitro en raison de la deacutefaillance du mateacuteriel de conservation imputable agrave un

eacutetablissement hospitalier Peut-il se preacutevaloir dun preacutejudice indemnisable dans le cadre de

laction en responsabiliteacute quil engage contre cet eacutetablissement La juridiction administrative

saisie admet la responsabiliteacute de la personne publique le mateacuteriel de conservation lui

appartenant eacutetant en cause mais sur la question de la reacuteparation du preacutejudice subi reacutepond de

maniegravere surprenante laquo si les eacutepoux peuvent se preacutevaloir de lexistence dun preacutejudice

mateacuteriel reacutesultant de la perte dovocytes les dispositions de larticle 16-1 du code civil selon

lesquelles le corps humain ses eacuteleacutements et ses produits ne peuvent faire lobjet dun droit

patrimonial sopposent agrave ce quils puissent en demander la reacuteparation en argent raquo et il

poursuit laquo les ovocytes surnumeacuteraires neacutetant pas des personnes ils ne sont pas fondeacutes agrave se

preacutevaloir dun preacutejudice moral reacutesultant selon eux de la perte decirctres chers raquo Le couple se

voit toutefois allouer 10 000 euros de dommages-inteacuterecircts pour les laquo troubles divers raquo dans

leurs conditions dexistence Si les ovocytes ne sont pas eacutevaluables en argent et si leur perte ne

peut donc pas justifier un preacutejudice mateacuteriel il nen va pas de mecircme dun preacutejudice moral

causeacute par leur perte (la perte dun animal domestique le justifie en droit civil ) et surtout le

22

preacutejudice reacutesultant de la perte dune chance de devenir parents pour un couple deacutejagrave acircgeacute et qui

rencontre des difficulteacutes pour procreacuteer degraves lors quaurait pu ecirctre eacutetablie la disparition par

leffet de la faute imputeacutee agrave leacutetablissement hospitalier de leacuteveacutenement favorable la

probabiliteacute de la naissance dun enfant (en droit meacutedical G Meacutemeteau Gaz Pal 1997 2

Doctr p 1367) La juridiction administrative a manqueacute une occasion de faire avancer le droit

biomeacutedical dans une affaire inattendue et hautement symbolique

B - Reacuteglementation des eacuteleacutements et les produits du corps

Prenant appui sur les principes geacuteneacuteraux gouvernant le statut du corps humain le reacutegime

juridique des eacuteleacutements et des produits biologiques dorigine humaine peut toutefois preacutesenter

des particulariteacutes

1 - La greffe de visage

9 Le Comiteacute consultatif national deacutethique dans son avis ndeg 82 du 6 feacutevrier 2004 eacutemet un

avis deacutefavorable au preacutelegravevement du visage dune personne deacuteceacutedeacutee ou en langage meacutedical agrave

lallotransplantation de tissus composites En deacutepit des besoins eacutevidents pour la chirurgie

reconstructive des victimes deacutefigureacutees agrave la suite daccidents ou de suicides manqueacutes le

Comiteacute consultatif considegravere que des obstacles dirimants subsistent actuellement pour

ladmission dun tel preacutelegravevement les perspectives de laquo reacuteussite raquo dune telle opeacuteration

demeurent tregraves theacuteoriques les risques de rejet des greffons eacutetant laquo extrecircmement graves raquo il

paraicirct par ailleurs fort deacutelicat de solliciter lautorisation de la famille du deacuteceacutedeacute pour effectuer

les preacutelegravevements la signification eacutethique particuliegravere du visage humain son lien intime agrave la

personnaliteacute et agrave lidentiteacute en font davantage quune piegravece anatomique Cette prudence sinscrit

dans le cadre des principes traditionnels du droit meacutedical la technique envisageacutee relevant

pour lheure davantage de lexpeacuterimentation que de la theacuterapeutique

2 - Les banques de sang de cordon ombilical

10 Les cellules heacutematopoiumleacutetiques preacutesentes dans le sang du cordon ombilical peuvent ecirctre

utiliseacutees pour le traitement de certaines maladies geacuteneacutetiques elles peuvent notamment

repeupler la moelle osseuse du patient et constituer une source de cellules sanguines offrant

ainsi une solution alternative agrave la greffe de moelle osseuse Des banques de ces cellules ont

eacuteteacute creacuteeacutees dans des institutions hospitaliegraveres et plus reacutecemment dans le secteur priveacute Ces

activiteacutes pour certaines agrave but lucratif suscitent eacutevidemment des questions juridiques et

eacutethiques Le Comiteacute national sest en France pencheacute sur ce problegraveme (avis ndeg 74 du 12 deacutec

2002) de mecircme que divers organismes de santeacute europeacuteens Le Groupe europeacuteen deacutethique

institueacute aupregraves du preacutesident de la Commission europeacuteenne a consacreacute agrave ce point son avis ndeg

16 rendu le 16 mars 2004 En substance les sages du Groupe europeacuteen critiquent vivement

louverture de cette activiteacute au secteur commercial degraves lors que les banques priveacutees noffrent

pas un laquo service utile en termes de possibiliteacutes theacuterapeutiques raquo (pt 21) et meacuteritent decirctre

eacutetroitement encadreacutees comme elles le seraient dailleurs en France Dun point de vue plus

geacuteneacuteral ces banques priveacutees de sang ombilical qui demeurent en veacuteriteacute assez marginales

posent la question des activiteacutes commerciales dans les secteurs sensibles de la santeacute qui nest

pas reacutesolue de maniegravere uniforme au sein de lUnion europeacuteenne Ladoption de

reacuteglementations telles que la directive CE ndeg 2004-23 du 31 mars 2004 concernant les aspects

de seacutecuriteacute et de qualiteacute pour les diffeacuterentes opeacuterations relatives aux eacuteleacutements biologiques

dorigine humaine va dans le sens de cette harmonisation

3 - Les normes europeacuteennes de qualiteacute et de seacutecuriteacute concernant les diffeacuterentes opeacuterations

relatives aux tissus et aux cellules humains

11 La directive CE ndeg 2004-23 du 31 mars 2004 constitue un texte important dans un secteur

ougrave lharmonisation communautaire tardait nonobstant le maillage reacuteglementaire existant en

23

matiegravere de meacutedicaments agrave usage humain (Dir CE ndeg 2001-83 du 6 nov 2001) Le texte

sapplique essentiellement aux eacuteleacutements biologiques destineacutes agrave lhomme ou agrave la fabrication de

produits manufactureacutes y compris pour des buts cosmeacutetiques agrave lexception des produits

destineacutes agrave des greffes autologues dans le cadre dune intervention chirurgicale unique du sang

et des produits sanguins (Dir CE ndeg 2002-98 du 27 janv 2002) des organes ou des parties

dorganes utiliseacutes aux mecircmes fins que lorgane entier dans le corps humain Les utilisations agrave

des fins de recherche sont eacutegalement exclues La directive sapplique en revanche aux gamegravetes

et aux cellules souches embryonnaires mais laisse aux Etats membres la faculteacute den autoriser

lutilisation Dune maniegravere geacuteneacuterale le texte communautaire nimpose pas de modegravele eacutethique

mais des obligations techniques dans un but de seacutecuriteacute sanitaire comprenant notamment la

mise en place dun systegraveme qualiteacute et de traccedilabiliteacute la deacutesignation dune personne responsable

mais il insiste cependant sur la gratuiteacute des dons et les exigences en matiegravere de consentement

La transposition qui ne devrait pas affecter de maniegravere sensible le cadre juridique franccedilais

actuel doit intervenir avant le 7 avril 2006

4 - Les cellules souches embryonnaires

12 Moins de deux mois apregraves ladoption de la reacutevision des lois bioeacutethiques et en application

de larticle 37 du nouveau texte qui autorise agrave titre transitoire avant la mise en place de

lAgence de la Biomeacutedecine les ministres concerneacutes agrave permettre limportation agrave des fins de

recherche de cellules souches embryonnaires humaines un deacutecret et un arrecircteacute (JO ndeg 228 du

30 sept 2004 p 16804) du 28 septembre 2004 viennent dy proceacuteder Les recherches sur ces

cellules fort contesteacutees il y a encore peu puisque la preacuteceacutedente autorisation dimportation de

cellules souches dorigine embryonnaire avait fait lobjet dun contentieux (TA Paris 21 janv

2003 D 2004 Somm p 532 obs H Gaumont-Prat LPA 2003 ndeg 196 p 7 note B

Pauvert) entrent donc rapidement dans la reacutealiteacute Ces souches importeacutees seront rapidement

supplanteacutees par pregraves de 50 000 embryons congeleacutes en France dont les geacuteniteurs ont renonceacute agrave

ce quils accegravedent agrave la naissance et qui vont pouvoir prochainement servir de mateacuteriel

dexpeacuterimentation comme la loi nouvelle lautorise deacutesormais

Mots cleacutes

PERSONNE HUMAINE Panorama 2004

Gazette du Palais 29 mai 2004 ndeg 150 P 15 - Tous droits reacuteserveacutes

Famille - Personnes

040412

ADOPTION Adoption pleacuteniegravere - Enfants pouvant faire lobjet dune adoption - Enfant neacute dune megravere

porteuse (non)

La materniteacute pour autrui dont le caractegravere illicite se deacuteduit des principes geacuteneacuteraux du Code

civil et aujourdhui de son article 16-7 reacutealise un deacutetournement de linstitution de ladoption

que les juges du fond ont donc agrave bon droit refuseacute de prononcer sans violer aucun des textes

invoqueacutes

C cass 1re civ 9 deacutecembre 2003 Mme X c Procureur geacuteneacuteral pregraves le Cour dappel de Y-

Pourvoi ndeg 0103927 Q - Rejet (C app Paris 1er feacutevrier 2001) - gr ndeg 1644P

NOTE

Reacuteiteacuteration de linterdiction dune adoption lieacutee agrave une procreacuteation pour le compte

dautrui -

24

Larrecirct rendu le 9 deacutecembre 2003 ne surprendra pas puisquil sinscrit dans la ligne traceacutee par

la Cour de cassation depuis 1989 confirmeacutee par la loi du 29 juillet 1994 relative au respect du

corps humain

En lespegravece Georges D et Denise M seacutetaient marieacutes le 15 deacutecembre 1962 et avaient eu un

enfant Fabrice neacute le 11 novembre 1966 Leacutepouse nayant pu avoir un deuxiegraveme enfant

pourtant vivement souhaiteacute le couple se serait adresseacute agrave une laquoamieraquo qui aurait accepteacute davoir

des relations intimes avec Georges D jusquagrave ce quelle conccediloive un enfant quil eacutetait convenu

de laisser degraves sa naissance au pegravere et agrave son eacutepouse

Cest ainsi que serait neacutee Sarah le 4 juillet 1987 qui fut deacuteclareacutee sur les registres de leacutetat civil

sans indication de filiation maternelle reconnue par Georges D puis recueillie aussitocirct par

celui-ci et son eacutepouse Cette derniegravere avait pris la preacutecaution de seacuteloigner de son domicile

pendant les derniers mois du deacuteveloppement in utero de lenfant afin que la substitution

maternelle soit ignoreacutee de lentourage des deux eacutepoux

Il sagissait donc bien selon les propres dires de Georges et Denise D dune materniteacute pour

autrui sans recours aux techniques modernes de procreacuteation meacutedicalement assisteacutee selon un

processus agrave la fois naturel et vieux comme le monde (1)

En janvier 1999 Denise D a saisi le Tribunal de grande instance dune requecircte en adoption

pleacuteniegravere de la fille de son mari

Le Tribunal par jugement du 8 deacutecembre 1999 puis la Cour dappel de Paris par arrecirct du 1er

feacutevrier 2001 ont rejeteacute sa demande au motif quen application des art 6 et 1128 C civ la

convention par laquelle une femme sengage agrave concevoir et agrave porter un enfant pour

labandonner agrave sa naissance est nulle car elle contrevient tant au principe dordre public de

lindisponibiliteacute du corps humain quagrave celui de lindisponibiliteacute de leacutetat des personnes et que

ladoption envisageacutee neacutetait que lultime phase dun processus illicite constitutif dun

deacutetournement de linstitution de ladoption

On reconnaicirctra lagrave les formules mecircmes employeacutees par la Cour de cassation notamment dans

son arrecirct dassembleacutee pleacuteniegravere du 31 mai 1991 (2) Il nest donc pas eacutetonnant que la Cour

suprecircme ait rendu un arrecirct de rejet dautant plus que sa jurisprudence a eacuteteacute conforteacutee par le

nouvel art 16-7 inseacutereacute dans le Code civil par la loi ndeg 94-653 du 29 juillet 1994 (3) qui

dispose que toute convention portant sur la procreacuteation ou la gestation pour le compte dautrui

est nulle

La Cour de cassation a bien entendu viseacute expresseacutement ce texte nouveau mais elle a tenu agrave

rappeler que le caractegravere illicite se deacuteduisait aussi des principes geacuteneacuteraux du Code civil

faisant ainsi implicitement reacutefeacuterence aux art 6 et 1128 de ce Code sur lesquels elle avait

preacuteceacutedemment fondeacute sa position

Le moyen de cassation tentait deacutechapper agrave la jurisprudence de la Cour suprecircme en se fondant

sur les circonstances de lespegravece et notamment sur le fait que la requecircte en adoption navait

eacuteteacute formeacutee que douze anneacutees apregraves la naissance de lenfant de sorte que lindivisibiliteacute entre la

materniteacute pour autrui et ladoption ne serait pas caracteacuteriseacutee Mais la Cour dappel avait

reacutepondu agrave cette argumentation en eacutenonccedilant que labandon de lenfant agrave naicirctre objet de

lobligation contracteacutee par la megravere biologique eacutetait destineacute agrave permettre que lenfant reconnu

par Georges D puisse ecirctre adopteacute par son eacutepouse et en soulignant que celle-ci avait dans le

mecircme but accepteacute linseacutemination dune autre femme par les gamegravetes de son mari et quelle

avait participeacute activement au processus en prenant toutes preacutecautions pour que la substitution

de materniteacute soit ignoreacutee des tiers

Denise D soutenait en outre que linteacuterecirct de lenfant retenu tant par lart 353 C civ que par

les art 3 et 21 de la Convention internationale des droits de lenfant devait primer sur le souci

de sanctionner lilliceacuteiteacute de la convention qui avait preacutesideacute agrave sa conception et agrave sa naissance

La Cour de cassation ne sest pas arrecircteacutee agrave cette argumentation pas plus quelle ne sy eacutetait

arrecircteacutee en 1991 pour elle lensemble de lopeacuteration est indivisible le deacutetournement de

25

linstitution de ladoption est caracteacuteriseacute et il convient de lutter contre la politique du fait

accompli (4) Laccepter au nom de linteacuterecirct de lenfant ne conduirait-il pas comme on la

souligneacute en doctrine (5) agrave admettre le commerce des enfants sous preacutetexte que bien souvent

ceux-ci y trouveraient beacuteneacutefice

(1) Selon la Bible Sarah eacutepouse dAbraham ne pouvant avoir denfant de lui lenvoya aupregraves

de son esclave eacutegyptienne Agar dont il eut un fils Ismaeumll Agar fut renvoyeacutee avec celui-ci

lorsque Sarah tregraves acircgeacutee mit au monde Isaac le fils de la promesse

Cest sans doute une coiumlncidence si nous trouvons aussi dans notre affaire une laquoSarahraquo qui

tient il est vrai un rocircle tout diffeacuterent de celui deacutevolu agrave son homonyme biblique

Lhistoire reacutevegravele eacutegalement des cas relativement freacutequents ougrave pour pallier agrave la steacuteriliteacute du

mari et pour permettre la continuation de la ligneacutee et la perpeacutetuation dun nom ou dun titre un

laquovaletraquo - souvent ensuite renvoyeacute - eacutetait chargeacute de feacuteconder leacutepouse Le proceacutedeacute eacutetait

juridiquement parfait dans la mesure ougrave par le jeu de la preacutesomption de paterniteacute le mari

devenait leacutegalement le pegravere de lenfant

(2) Cass ass pleacuten 31 mai 1991 Bull civ 1991 ndeg 4 Gaz Pal Rec 1991 panor cass p

162 [912144] D 1991 jur p 417 rapport Y Chartier note G Thouvenin JCP 1991 II

21752 comm J Bernard concl H Dontenwille note F Terreacute Defreacutenois 1991 art 35088

ndeg 67 p 948 obs J Massip RTD civ 1991 517 obs D Huet-Weiller Dans le mecircme sens

v Cass civ 1re 29 juin 1994 Bull civ 1994 I ndeg 226 Gaz Pal Rec 1995 jur p 36 note

J B [943856] D 1994 jur p 581 note Y Chartier JCP 1995 II 223621 note J Rubellin-

Devichi RTD civ 1994 p 842 obs J Hauser Defreacutenois 1995 art 36024 ndeg 4 p 315

obs J Massip

V aussi Cass civ 1re 13 deacutecembre 1989 Bull civ 1989 I ndeg 387 Gaz Pal Rec 1990

panor cass p 66 [901122] D 1990 jur p 273 rapport J Massip Defreacutenois 1990 art

34802 ndeg 55 p 743 obs J-L Aubert et art 34815 p 862 rapport J Massip et JCP 1990 II

21526 note A Seriaux Dans cette affaire la Cour de cassation avait proclameacute par des motifs

analogues agrave ceux adopteacutes par les arrecircts de 1991 et 1994 le caractegravere illicite de la materniteacute

pour autrui et des associations qui sefforcent de la promouvoir

(3) Sur cette loi v notamment notre commentaire in Defreacutenois 1975 art 35975 et 35922

speacutecialement en ce qui concerne lart 16-7 C civ le ndeg 9 de cette eacutetude p 72

(4) Sur ces divers points v notre note preacuteciteacutee sous Cass ass pleacuten 31 mai 1991

(5) Obs J Hauser sous larrecirct rendu le 1er feacutevrier 2001 par la Cour dappel de Paris dans le

preacutesente affaire in RTD civ 2001 347

AD2008DEF0291N1

Reacutepertoire du Notariat Defreacutenois 15 feacutevrier 2008 ndeg 3 P 291 - Tous droits reacuteserveacutes

FILIATION

38717 La convention de megravere porteuse

(Reacuteflexions sur les sources du droit et les principes dindisponibiliteacute du corps humain et de leacutetat des personnes)

Le droit franccedilais prohibe les conventions de megraveres porteuses

26

Malgreacute linterdiction leacutegale de nombreux couples ont chercheacute et cherchent encore agrave

contourner cette interdiction notamment en ayant recours agrave des megraveres de substitution dans

des pays eacutetrangers ougrave cette pratique est autoriseacutee

La Cour de cassation veille agrave ce que linstitution de ladoption ne soit pas deacutetourneacutee au profit

de ces parents

Dans un arrecirct du 25 octobre 2007 la cour dappel de Paris vient de reacuteouvrir le deacutebat non sur

le terrain de la convention mais sur celui de la non-transcription des actes de naissance et de

linteacuterecirct supeacuterieur de lenfant

Une excellente occasion de faire le point sur la question et de sinterroger pour lavenir avant

la reacutevision de la loi bioeacutethique en 2009

par Rabih CHENDEB

Docteur en droit

ATER agrave lUniversiteacute de Picardie Jules Verne

laquo La science va Elle est ineacuteluctable Ce quil faut cest la rendre eacutethique raquo (1)

Le droit positif franccedilais interdit de recourir aux megraveres porteuses si un couple conccediloit un

embryon in vitro qui est implanteacute dans luteacuterus dune tierce femme cest cette tierce femme

qui est la megravere selon la loi franccedilaise et les parents biologiques ne peuvent avoir aucun droit

mecircme en cas dabandon de lenfant agrave la naissance par la megravere porteuse La loi bioeacutethique de

1994 a interdit la gestation pour autrui car cela soulevait des questions

dinstrumentalisation et de commercialisation du corps de la femme

De nombreux couples en mal denfants ont depuis longtemps chercheacute agrave contourner les regravegles

notamment en ayant recours agrave des megraveres de substitution qui vivent dans des pays ougrave cette

pratique est autoriseacutee Jusquagrave preacutesent la Cour de cassation ne sy est jamais laisseacutee prendre et

condamnait ladoption faite par les parents de lenfant de la megravere porteuse consideacuterant quil

sagissait dun deacutetournement de linstitution de ladoption (I)

Le 25 octobre 2007 la cour dappel de Paris vient donner lespoir dune ouverture vers

lacceptation dans linteacuterecirct de lenfant de cette deacutemarche Cette deacutecision de la cour dappel

pourrait changer les choses en attendant la reacutevision de la loi bioeacutethique preacutevue en 2009 Une

chose est sucircre cet arrecirct a le meacuterite douvrir le deacutebat et de poser la question de linteacuterecirct de

lenfant comme exception agrave lindisponibiliteacute de leacutetat des personnes et agrave linterdiction de la

pratique des megraveres porteuses Une certaine eacutevolution des mentaliteacutes ainsi que la dispariteacute

entre la loi franccedilaise et dautres leacutegislations nationales pourraient donner lieu agrave un

assouplissement de cette leacutegislation (II)

I Lhostiliteacute du leacutegislateur et de la jurisprudence agrave leacutegard de la convention de megravere porteuse

Au siegravecle dernier seacutetaient deacuteveloppeacutees des associations ayant pour but de faire se rencontrer

des couples deacutesireux davoir un enfant et des femmes acceptant de le porter pour ensuite le

leur laquo ceacuteder raquo par contrat Pour des raisons plus ou moins louables le proceacutedeacute fut rapidement

condamneacute par le droit franccedilais (A) tout comme ladoption qui sen suivait (B)

27

A Le caractegravere illicite de la convention de megravere porteuse

La megravere porteuse met en effet agrave mal le scheacutema classique de la famille On affirmait en Droit

romain que la megravere eacutetait sucircre et que le pegravere eacutetait le mari Le Code napoleacuteon a enteacuterineacute cette

conception Dire que lenfant possegravede une megravere geacuteneacutetique et une megravere uteacuterine va agrave lencontre

de ses dispositions (2)

Pris au deacutepourvu le leacutegislateur franccedilais a tardeacute agrave reacuteagir face aux progregraves scientifiques Il en

est reacutesulteacute un vide juridique auquel la jurisprudence sest efforceacutee de faire face Devant cette

heacutesitation bien compreacutehensible du droit les ressources de la morale de la deacuteontologie et

surtout de la bioeacutethique ont eacuteteacute solliciteacutees (3) Le Conseil dEtat confronteacute aux associations

voulant intervenir dans ce domaine a ainsi prononceacute la dissolution de ces associations pour

objet illicite (4) Le 13 deacutecembre 1989 la premiegravere chambre civile de la Cour de cassation a

releveacute le principe dindisponibiliteacute du corps humain par une interpreacutetation a contrario de

larticle 1128 du Code civil qui dispose qu laquo il ny a que les choses qui sont dans le

commerce qui puissent ecirctre lobjet des conventions raquo La personne ne dispose pas de son

corps elle nen est pas proprieacutetaire (5) Le 31 mai 1991 lassembleacutee pleacuteniegravere de la Cour de

cassation vise les articles 6 1128 et 353 du Code civil afin daffirmer le caractegravere illicite de la

convention conclue entre une megravere porteuse et un couple steacuterile En effet ce contrat porte sur

deux corps humains la megravere et lenfant (6)

Rapidement le leacutegislateur est venu leacutegifeacuterer dans ce sens avec la loi no 94-653 du 29 juillet

1994 relative agrave la bioeacutethique pour que le Code civil reconnaisse le corps humain en tant que

tel Cette loi prend deacutesormais explicitement en compte le corps humain parce quil a voulu

promouvoir son respect face au deacuteveloppement des sciences biomeacutedicales Cette loi a entraicircneacute

la modification et la creacuteation darticles dans le Code civil et le Code peacutenal

Le principe du respect de la digniteacute de la personne humaine est poseacute par larticle 16 du Code

civil laquo La loi assure la primauteacute de la personne interdit toute atteinte agrave la digniteacute de celle-ci

et garantit le respect de lecirctre humain degraves le commencement de sa vie raquo Le nouvel article 16-1

preacutevoit que laquo Chacun a droit au respect de son corps Le corps humain est inviolable Le

corps humain ses eacuteleacutements et ses produits ne peuvent faire lobjet dun droit patrimonial raquo

Par conseacutequent selon larticle 16-5 laquo Les conventions ayant pour effet de confeacuterer une

valeur patrimoniale au corps humain agrave ses eacuteleacutements ou agrave ses produits sont nulles raquo De mecircme

quand une personne accepte de donner son sang ce ne peut ecirctre quagrave titre beacuteneacutevole Enfin

larticle 16-7 dispose mecircme laquo Toute convention portant sur la procreacuteation ou la gestation

pour le compte dautrui est nulle raquo (7)

En outre cette interdiction est assortie dune sanction peacutenale pouvant aller jusquagrave un an

demprisonnement et 15 000 euro damende pour celui qui sentremet ou tente de sentremettre

entre une personne ou un couple deacutesireux daccueillir un enfant et une femme acceptant de

porter en elle cet enfant en vue de le leur remettre Lorsque ces faits ont eacuteteacute commis agrave titre

habituel ou dans un but lucratif les peines sont porteacutees au double (8)

En deacutepit de la reacutesistance de quelques juges du fond qui ont admis ladoption la Cour de

cassation na pas infleacutechi sa position (9) Elle sest reacutecemment opposeacutee agrave ladoption simple

dun enfant par un couple homosexuel estimant cette adoption contraire agrave laquo linteacuterecirct supeacuterieur

de lenfant raquo (10)

28

Analyseacutes dans le contexte de ces deacutecisions les deux principes de lilliceacuteiteacute des conventions et

de lindisponibiliteacute du corps humain expriment une mecircme ideacutee la condamnation dune

convention qui porte sur le corps humain celui de lenfant agrave naicirctre et celui de la femme qui la

conccedilu et porteacute

Toutefois les motifs adopteacutes par la Cour de cassation savegraverent dune extrecircme faiblesse En

effet ces motifs sont lieacutes agrave lilliceacuteiteacute de lobjet des conventions agrave lindisponibiliteacute du corps

humain ainsi quagrave lindisponibiliteacute de leacutetat des personnes (11) Pourtant les lois dites laquo

bioeacutethiques raquo du 29 juillet 1994 puis la loi du 6 aoucirct 2004 (12) relative agrave la bioeacutethique ont

admis lutilisation des eacuteleacutements et des produits du corps humain agrave des fins theacuterapeutiques ou

scientifiques Effectivement une loi en date du 24 janvier 1953 deacutetermine laquo les tarifs de

cession du sang raquo Les dispositions sont aujourdhui dans le Code de la santeacute publique Degraves

lors on peut donner ses gamegravetes ses organes son sang Il semble que plus quune approche

anthropologique des sciences meacutedicales (qui conduiraient agrave une ineacutevitable instrumentalisation

du corps des hommes) il existerait ce que nous appelons une technoscience laquo de linvisible

raquo que seul le droit accepte de leacutegitimer (13)

Par ailleurs la terminologie employeacutee par le leacutegislateur de 1994 est eacuteloquente Cest

certainement parce que le principe dindisponibiliteacute du corps humain sest aveacutereacute irreacutealiste videacute

de sa substance par le nombre et limportance de ses exceptions que le leacutegislateur lui a preacutefeacutereacute

celui de non-patrimonialiteacute qui figure aujourdhui aux articles 16-1 16-5 et 16-6 du Code

civil Il est donc possible de disposer de son corps agrave titre de dons dans les limites de la loi

(14)

Pour conclure sur ce point il sera emprunteacute les propos de Mme Mayer-Jack laquo

Malheureusement si ce principe dindisponibiliteacute du corps humain possegravede les qualiteacutes trop

rares decirctre nettement formuleacute et universellement admis il apparaicirct agrave la reacuteflexion frappeacute dun

vice radical il se reacutevegravele contraire aux faits raquo (15)

B La nulliteacute de ladoption

En matiegravere de materniteacute de substitution lenfant reste au coeur du deacutebat Il est laquo lobjet raquo de la

convoitise du couple demandeur et lobjet de la convention En vue de permettre

leacutetablissement dune filiation adoptive deux processus eacutetaient suivis par lesdits couples

processus que la Cour de cassation sempressa dinterdire agrave son tour

1 Le contournement aveacutereacute de la loi par les couples restant en France

En effet le processus se deacuteroulait en trois eacutetapes dans un premier temps lembryon issu des

gamegravetes du couple ou du mari et de la femme porteuse eacutetait implanteacute dans luteacuterus de cette

derniegravere La megravere porteuse suivait sa grossesse normalement notamment au regard du suivi

meacutedical (16) Ensuite elle accouchait anonymement La leacutegislation autorise les

accouchements laquo sous X raquo et reconnaicirct ainsi aux parturientes le droit de ne pas ecirctre megraveres si

elles ne le deacutesirent ou ne le peuvent pas Le pegravere fournisseur de sperme quant agrave lui effectuait

une reconnaissance preacutenatale de lenfant A sa naissance il le reconnaissait Lenfant avait

donc un pegravere mais sans indication de la filiation maternelle Enfin leacutepouse de ce dernier

adoptait de maniegravere pleacuteniegravere lenfant Leacutetat de mariage de la megravere porteuse ne changeait rien

puisque laccouchement anonyme empecircchait que le mari soit consideacutereacute comme pegravere preacutesumeacute

29

Depuis larrecirct Alma Mater (17) nous savons que la convention de materniteacute de substitution

est nulle car contrevenant agrave lordre public (18) Mais jusqualors la jurisprudence avait eu le

soin de dissocier convention et adoption Toute convention portant sur la procreacuteation ou la

gestation pour le compte dautrui eacutetant nulle la convention de megravere porteuse ayant permis la

naissance de lenfant en cause est donc incontestablement frauduleuse Degraves lors la possession

deacutetat sur laquelle les demandeurs se fondent pour voir eacutetablir un lien de filiation leacutegitime agrave

leur profit et lacte de notorieacuteteacute quils ont ainsi obtenu sont eux-mecircmes vicieacutes et ne peuvent

donc permettre leacutetablissement dun tel lien Par ailleurs la Convention de New York sur les

droits de lenfant garantit notamment agrave celui-ci laccegraves agrave ses origines Or lapplication de la

convention frauduleuse aurait pour effet de consacrer un mensonge lacte de naissance qui

serait eacutetabli sur le fondement de cette convention aboutirait en effet agrave nier totalement les

conditions dans lesquelles lenfant a eacuteteacute conccedilu En conseacutequence les demandeurs ne pourront

se preacutevaloir de la possession deacutetat vicieacutee pour obtenir la retranscription de lacte de notorieacuteteacute

sur lacte de naissance de lenfant (19) Ainsi la prohibition de la convention a entraicircneacute dans

son sillage une impossibiliteacute dadoption par leacutepouse du pegravere (20) Il y a deacutetournement de

linstitution de ladoption pleacuteniegravere en ce que lenfant a eacuteteacute conccedilu pour ecirctre abandonneacute par sa

megravere et adopteacute par une autre (21)

Il en reacutesulte que cest labandon de lenfant qui rend impossible ladoption par leacutepouse du

mari Or labandon de lenfant constitue deacutejagrave une deacutemarche parfaitement licite et reacuteglementeacutee

par la loi Il suffit pour sen convaincre de lire attentivement les textes adeacutequats agrave savoir les

articles 61 et 62 du Code de la famille et de laide sociale 348-3 et 350 du Code civil et 1158

agrave 1163 du Code de proceacutedure civile Il suffit agrave la megravere et plus geacuteneacuteralement agrave la personne

investie des droits parentaux de confier 1enfant agrave un eacutetablissement ou agrave un service de laide

sociale agrave 1enfance (ASF) ou mecircme agrave un particulier puis de sen deacutesinteacuteresser

manifestement pendant une anneacutee nentretenant avec lui aucune relation neacutecessaire au

maintien de liens affectifs Le tribunal de grande instance peut degraves lors sauf agrave prendre en

consideacuteration le cas exceptionnel de grande deacutetresse du parent deacutefaillant deacuteclarer 1enfant

abandonneacute agrave la requecircte de tout inteacuteresseacute et notamment de leacutetablissement service ou famille

daccueil (22) laquo On cesse dinterdire une pratique non pas lorsquelle se deacuteveloppe mais

lorsquon ne sait plus pourquoi elle est interdite raquo (23)

Dailleurs une contradiction engendre ce refus dadoption En effet laquo consideacuterer ladoption

indissociable de la convention revient agrave ne voir lenfant que comme lobjet de cette convention

raquo (24) Ainsi les parents ont pu eacutetablir anteacuterieurement agrave la naissance le processus dont

ladoption est laquo lultime phase raquo Mais ce processus nest pas fait dans lintention de nuire agrave

lenfant Alors comment comprendre la seacuteveacuteriteacute afficheacutee de la Cour de cassation

Traiter lenfant comme une veacuteritable personne implique de dissocier la convention ougrave il

nintervient pas et ladoption dont il est partie prenante et mecircme partie principale Il faut

sinterroger sur son inteacuterecirct propre quitte agrave le confronter ensuite agrave ceux auxquels il soppose

(25)

2 Lexpansion du tourisme procreacuteatif

La dispariteacute des regravegles nationales agrave propos de la gestation pour autrui a conduit certains

couples agrave se rendre agrave leacutetranger pour pouvoir avoir recours agrave une megravere porteuse on parle

deacutesormais de laquo tourisme procreacuteatif raquo (26)

30

Lagrave encore le processus deacutebute par une inseacutemination artificielle mais les pays ayant leacutegaliseacute la

gestation pour le compte dautrui permettent par ailleurs que lembryon inseacutemineacute dans

luteacuterus de la femme soit issu de la rencontre des gamegravetes des deux parents demandeurs

Lenfant est donc geacuteneacutetiquement lenfant du couple Il a pour parent degraves sa naissance le

couple demandeur il porte leur nom et le preacutenom quils lui ont choisi Mais pour exister en

France il est neacutecessaire de recourir agrave une transcription sur les registres de leacutetat civil franccedilais

de lacte de naissance eacutetranger Lagrave encore la seacuteveacuteriteacute est de mise puisque le parquet de

Nantes qui a en charge la transcription des eacutetats civils venant de leacutetranger refuse

systeacutematiquement cette transcription qui nest pas conforme agrave la leacutegislation franccedilaise (27)

Les magistrats ont eacuteteacute confronteacutes agrave ces situations ougrave la megravere commanditaire deacutesirait eacutetablir un

lien de filiation entre elle et lenfant issu de la convention de materniteacute de substitution

Tel est par exemple le cas qui a eacuteteacute trancheacute par la cour dappel de Rennes le 4 juillet 2002

(28) Dans cet arrecirct la cour dappel a rejeteacute ladoption des enfants par un couple qui a conclu

en Californie une convention portant sur la gestation dun embryon issu de leurs propres

gamegravetes La cour relegraveve que laquo la loi franccedilaise ne donne pas une deacutefinition de la megravere raquo cette

notion est inscrite dans les mentaliteacutes depuis des siegravecles par ladage Mater semper certa est

Cest laccouchement qui deacutetermine la megravere et non la seule reacutealiteacute geacuteneacutetique

Cette jurisprudence installeacutee depuis le ceacutelegravebre arrecirct de lassembleacutee pleacuteniegravere du 31 mai 1991

constitue une atteinte directe agrave linteacuterecirct de lenfant Ce dernier est priveacute de toute filiation

maternelle leacutegalement reconnue et ce sans beacuteneacutefice pour personne (29)

Malheureusement en raison de cette solution les deux enfants sont acircgeacutes de sept ans et vivent

aupregraves de leur pegravere naturel et de sa compagne dont la materniteacute ne peut leacutegalement ecirctre eacutetablie

(30)

Cette jurisprudence preacutesente un point faible Selon larticle 353 du Code civil le tribunal de

grande instance saisi dune requecircte aux fins dadoption pleacuteniegravere veacuterifie si les conditions de

la loi sont remplies et si ladoption est conforme agrave linteacuterecirct de lenfant Or en loccurrence

le preacutetendu droit de lenfant ne coiumlncide pas avec son inteacuterecirct seul mis en avant dans 1article

353 du Code civil Le refus par la cour dappel de prononcer ladoption pleacuteniegravere a priveacute les

deux enfants (au nom de leur droit aussi eacuteminent que symbolique agrave la non-chosification) dun

avantage concret et primordial leur admission au statut denfants leacutegitimes de leurs vrais

parents geacuteneacutetiques (31) Simples enfants naturels ou adulteacuterins de leur pegravere ils demeureront

sans lien de filiation maternelle Un tel problegraveme meacuterite que les juridictions se penchent au

moins sur lui (32) La protection de linstitution de ladoption sopegravere au deacutetriment du droit

reconnu agrave lenfant deacutetablir sa filiation par le biais dune discrimination fondeacutee sur les

circonstances de sa naissance (33) La jurisprudence nous semble aller agrave lencontre des

engagements internationaux contracteacutes par la France (34)

II Leacutevolution des mentaliteacutes vers une leacutegislation plus souple

Jusquagrave preacutesent la jurisprudence a toujours interdit ladoption des enfants par des couples

ayant eu recours agrave la gestation pour autrui consideacuterant quil sagit dun deacutetournement de

linstitution de ladoption (35)

Un grand quotidien Libeacuteration reacutevegravele que la cour dappel de Paris a reconnu comme parents

leacutegitimes de jumelles un couple franccedilais ayant fait appel agrave une megravere porteuse ameacutericaine

31

Une chose est sucircre cet arrecirct a le meacuterite douvrir le deacutebat et de poser la question de linteacuterecirct de

lenfant comme exception agrave lindisponibiliteacute de leacutetat des personnes et agrave linterdiction de la

pratique des megraveres porteuses (A) Lorsque lon accepte une loi eacutetrangegravere qui a eacuteteacute appeleacutee au

secours pour contourner la loi franccedilaise la modification de la loi franccedilaise nest pas loin (B)

A Lassouplissement de la jurisprudence

Dans laffaire porteacutee devant la cour dappel de Paris que nous avons abordeacutee rapidement

preacuteceacutedemment un couple dont la femme ne peut assurer la gestation en raison dune

malformation congeacutenitale se rend en Californie ougrave il conclut une convention portant sur la

gestation dun embryon issu de leurs propres gamegravetes Des jumelles naissent de cette

convention Le droit californien fait abstraction du deacutefaut daccouchement La concubine est

inscrite comme megravere dans les registres de naissance de Californie Quelques semaines plus

tard le couple reconnaicirct les enfants en France Mais agrave leur retour dans lHexagone ils sont

placeacutes en garde agrave vue puis mis en examen pour laquo entremise entre une personne deacutesireuse

dadopter un enfant et un parent deacutesireux dabandonner son enfant neacute ou agrave naicirctre raquo et pour laquo

simulation ayant entraicircneacute une atteinte agrave leacutetat civil de lenfant raquo

En 2004 le juge dinstruction rend un non-lieu sur les poursuites peacutenales les faits seacutetant

deacuterouleacutes dans un pays ougrave cette pratique est leacutegale Le parquet a alors continueacute son offensive

sur le terrain civil et chercheacute agrave faire annuler la filiation et la transcription sur leacutetat civil Le

tribunal de grande instance a deacuteclareacute cette demande irrecevable en deacutecembre 2005 Une

deacutecision rendue par la cour dappel de Paris confirme ce jugement le 25 octobre dernier apregraves

avoir estimeacute que laquo La non-transcription des actes de naissances aurait des conseacutequences

contraires agrave linteacuterecirct supeacuterieur des enfants qui au regard du droit franccedilais se verraient priveacutes

dactes deacutetat civil indiquant leur lien de filiation y compris agrave leacutegard de leur pegravere biologique

raquo

La question sera deacutesormais soumise agrave la Cour de cassation qui a deacutejagrave pris des deacutecisions

progressistes dans des questions relatives au droit de la famille notamment dans linteacuterecirct de

lenfant Elle a ainsi fait le 24 feacutevrier 2006 un pas important vers la reconnaissance de

lhomoparentaliteacute en autorisant quun parent homosexuel deacutelegravegue tout ou partie de son

autoriteacute parentale agrave son partenaire avec lequel il vit en union stable agrave condition que cette

mesure soit prise dans linteacuterecirct supeacuterieur de lenfant (36)

Le plus important reacuteside dans le fait que la cour dappel de Paris a estimeacute que la non-

transcription sur les actes de naissance aurait des conseacutequences contraire agrave llaquo inteacuterecirct de

lenfant raquo Depuis longtemps linteacuterecirct de lenfant est au centre du droit de la famille et depuis

quelques anneacutees celui-ci devient veacuteritablement la pierre angulaire de cette discipline (37)

Dans un arrecirct du 18 mai 2005 la premiegravere chambre civile de la Cour de cassation preacutecise au

visa de larticle 3-1 de la Convention relative aux droits de lenfant que laquo dans toutes les

deacutecisions qui concernent les enfants linteacuterecirct supeacuterieur de lenfant doit ecirctre une

consideacuteration primordiale raquo (38) Mais que faut-il entendre par inteacuterecirct supeacuterieur de lenfant

(39)

Bien que le nouvel article L 112-4 du Code de laction sociale et des familles (40) et larticle

371-1 du Code civil semblent deacutefinir les eacuteleacutements constitutifs de cette notion llaquo inteacuterecirct de

lenfant raquo reste un concept assez flou que le leacutegislateur et les juges se gardent bien de deacutefinir

preacuteciseacutement on ne peut limiter linteacuterecirct supeacuterieur de lenfant agrave la protection de sa santeacute de sa

seacutecuriteacute et de sa moraliteacute Certes ces eacuteleacutements sont les bases de linteacuterecirct de lenfant mais

32

puisque celui-ci peut deacutepasser le strict cadre du droit de lautoriteacute parentale voire du droit de

la famille cette vision serait bien trop reacuteductrice

Le sens de cette notion peut encore sobscurcir si lon considegravere quelle peut se confondre avec

dautres concepts voisins Larticle 371-5 doit ainsi conduire agrave distinguer linteacuterecirct de lenfant de

celui de la fratrie En effet si celle-ci a inteacuterecirct agrave rester unie certaines circonstances permettent

deacutecarter un de ses membres dans son inteacuterecirct exclusif

Un amendement proposait cependant agrave la suite du nouvel article L 112-4 du Code de laction

sociale et des familles une deacutefinition inteacuteressante laquo Linteacuterecirct supeacuterieur de lenfant est deacutefini

comme lassurance de la protection de sa seacutecuriteacute personnelle et affective lassurance dun

contexte familial permettant un bon deacuteveloppement physique intellectuel affectif et social

lassurance dune relation dattachement parental permettant de se construire Linteacuterecirct

supeacuterieur de lenfant tel que deacutefini constitue son projet de vie raquo (41)

On ne peut que se feacuteliciter de la mise en avant de linteacuterecirct de lenfant pour deacuteroger agrave la sacro-

sainte interdiction des megraveres porteuses car il est vrai quil ne faut pas oublier que limportant

reste dabord et avant tout lenfant qui a et doit avoir une place centrale au sein de la famille

On peut envisager que cette reacutecente jurisprudence puisse influencer la reacuteflexion sur le recours

aux laquo megraveres porteuses raquo sur le territoire national qui conduise agrave une eacutevolution de la loi

B Vers une eacutevolution de la loi

Alors que la France interdit la laquo gestation pour autrui raquo cette pratique a eacuteteacute leacutegaliseacutee dans de

nombreux pays La France a donc une leacutegislation moins libeacuterale que dautres leacutegislations

nationales La pratique de la gestation pour autrui est notamment autoriseacutee aux Etats-Unis au

Canada en Australie et dans plusieurs pays de lUnion europeacuteenne (Espagne et Belgique

Gregravece et Royaume-Uni notamment) (42) La question de la leacutegalisation des megraveres porteuses

est tregraves controverseacutee en France et demanderait un strict encadrement (43)

On enseigne habituellement que les questions deacutetat ne peuvent deacutependre de la seule volonteacute

individuelle Leacutetat des personnes - le droit de la filiation en particulier - eacutechapperait aux

conventions Mais ce principe nest plus si absolu Leacutevolution contemporaine reacuteduit laspect

institutionnel Une place nettement importante a eacuteteacute faite dans lorganisation des relations

familiales agrave la volonteacute individuelle laquo Laccroissement du pouvoir des volonteacutes individuelles

dans le droit de la famille est une marque essentielle de ce droit raquo (44) Dougrave la justesse de

lexpression laquo contractualisation du droit de la famille raquo Le rocircle de la volonteacute individuelle

tend agrave ecirctre de plus en plus important (45) Tel est le cas du divorce du PACS et du mariage

La procreacuteation nest plus la finaliteacute avec larriveacutee en force dans des pays voisins du mariage

homosexuel

Une certaine eacutevolution des mentaliteacutes ainsi que la dispariteacute entre la loi franccedilaise et dautres

leacutegislations nationales pourraient bien donner lieu agrave un assouplissement de cette leacutegislation

(46)

La gestation pour autrui permet de pallier certaines formes de steacuteriliteacute feacuteminine en raison

dune absence ou dune deacuteformation duteacuterus de conseacutequences de cancer ou reacutesultant dune

hysteacuterectomie de fausses couches reacutepeacuteteacutees dune contre-indication meacutedicale agrave la grossesse ou

de nombreux eacutechecs de feacutecondations in vitro (47) Dans ce cas on implante les gamegravetes des

parents geacuteneacutetiques dans le ventre de la megravere porteuse

33

Un autre argument favorable agrave cette pratique est la certitude apaisante pour le couple steacuterile

de ce que lenfant porteacute en uteacuterus tiers nen sera pas moins leur veacuteritable enfant geacuteneacutetique

puisque conccedilu agrave partir de leurs propres gamegravetes

De plus il faut deacutenoncer une incoheacuterence Une femme empecirccheacutee par la loi de donner avant

sa grossesse agrave un couple agreacuteeacute par elle lenfant quelle portera moyennant eacutequitable

reacutecompense possegravede en revanche le droit discreacutetionnaire de labandonner une fois neacute au

hasard des eacutetablissements ou du service de lASE ou pis encore de recourir agrave une

interruption volontaire de grossesse pendant les douze premiegraveres semaines (48)

La possession deacutetat repreacutesente une valeur humaine et sociale qui doit ecirctre prise en compte en

tant que telle Comme lont joliment affirmeacute M Hauser et Mme Huet-Weiller laquo elle est la

veacuteriteacute des sentiments la veacuteriteacute du coeur tout aussi respectable sinon plus que celle des

registres deacutetat ou mecircme de nos gegravenes raquo (49) Ainsi on peut ecirctre favorable agrave cette reacuteflexion

sous certains reacuteserves

Tout dabord le couple demandeur devait avoir plus de 18 ans et linfertiliteacute devrait ecirctre

meacutedicalement eacutetablie Ensuite seule lutilisation des gamegravetes (sperme et ovocytes) du couple

serait autoriseacutee afin deacuteviter que la gestatrice soit aussi la megravere biologique de lenfant (pour

eacuteviter des liens trop forts eacutetablis entre elle et le beacutebeacute)

De son cocircteacute la megravere porteuse devait avoir plus de 18 ans et accepter de subir des tests divers

avant la grossesse Elle serait la seule agrave donner un consentement valable concernant la gestion

de sa grossesse et elle abandonnerait ses droits parentaux agrave la naissance de lenfant tout en

assistant le couple demandeur lors de la deacutelivrance du certificat de naissance Le

consentement devrait aussi ecirctre obtenu par un entretien psychologique meacutedical et juridique

Seul le juge pourrait donner laccord au deacutebut du processus Le couple demandeur devait

sengager agrave assumer la garde de lenfant degraves sa naissance afin deacuteviter soit une non-remise

denfant soit un refus de lenfant - par exemple en cas de handicap

Concernant la reacutemuneacuteration de la megravere porteuse la marchandisation est inacceptable Les

intermeacutediaires reacutemuneacutereacutes seraient interdits Le principe du volontariat et de la gratuiteacute sont

essentiels le don de vie (50)

Enfin il ne sagirait pas de reacutemuneacuteration mais de compensation financiegravere destineacutee agrave

deacutedommager les inconveacutenients lieacutes agrave la grossesse sur la base de la loi laquo Huriet raquo (loi sur la

recherche meacutedicale avec volontaires sains) Le couple demandeur devrait prendre agrave sa charge

les deacutepenses meacutedicales leacutegales et psychologiques ainsi quun montant raisonnable alloueacute agrave la

megravere porteuse pour subvenir agrave ses besoins Les juges appreacutecieraient librement ce que peut ecirctre

un montant laquo raisonnable raquo sans que cela puisse jamais ecirctre consideacutereacute comme une laquo vente raquo

denfant

(1) B Debreacute et S Agacinski laquo Faut-il leacutegaliser les megraveres porteuses en France raquo Le Figaro Magazine du samedi 10 novembre 2007 p 50

34

(2) G David laquo Don et utilisation du sperme raquo in Actes du colloque Geacuteneacutetique procreacuteation et

droit Actes sud 1985 p 205 G-M Faure Le deacutesir denfant agrave leacutepreuve du droit Essai sur le droit de la procreacuteation meacutedicalement assisteacutee Thegravese Universiteacute de Lille 1992 p 7

(3) G Lebreton Liberteacutes publiques et droits de lhomme 6e eacuted Armand Colin 2003 p 262

(4) CE 22 janvier 1988 Lebon 1988 p 37

(5) La Cour de cassation a enteacuterineacute la position de la cour dappel de Paris pour laquelle laquo ni laltruisme du comportement de la megravere de substitution ni le caractegravere deacutesinteacuteresseacute des activiteacutes de lassociation ne sont propres agrave faire disparaicirctre lilliceacuteiteacute qui frappe laccord litigieux raquo Cass civ 1re 13 deacutecembre 1989 Bull civ I no 387 Defreacutenois 1990 art 34802 no 55 obs J-L Aubert D 1990 p 273 JCP eacuted G 1990 II 21526 note A Seacuteriaux propos recueillis par C Slobodansky laquo Le droit doit limiter les progregraves de la science raquo LPA du 7 mai 2004 no 92 p 60

(6) laquo La convention par laquelle une femme sengage fucirct-ce agrave titre gratuit agrave concevoir et porter un enfant pour labandonner agrave sa naissance contrevient tant au principe dordre public de lindisponibiliteacute du corps humain quagrave celui de lindisponibiliteacute de leacutetat des personnes raquo Cass ass pleacuten 31 mai 1991 Bull civ ass pleacuten no 4 Defreacutenois 1991 art 35142 no 103 obs J-L Aubert Defreacutenois 1991 art 35088 no 67 note J Massip RTD civ 1991 p 517 obs D Huet-Weiller et p 489 note M Gobert M Gobert laquo Reacuteflexions sur les sources du droit et les

principes dindisponibiliteacute du corps humain et de leacutetat des personnes agrave propos de la materniteacute de substitution raquo RTD civ 1992 p 489 et s speacutec p 501 dans ce sens v deacutejagrave les remarques de P Murat laquo Laction de lordonnance du 4 juillet 2005 sur la possession deacutetat raquo Dr Famille 2006 eacutetude no 6 speacutec no 7 V aussi J Massip laquo Linsertion dans le Code civil de dispositions relatives au corps humain agrave lidentification geacuteneacutetique et agrave la procreacuteation meacutedicalement assisteacutee raquo Defreacutenois 1995 art 35975 et 35992

(7) En ce sens V Depadt-Sebag laquo De la neacutecessiteacute dune reacuteforme de larticle 16-7 du Code civil relatif agrave linterdiction de gestation pour autrui raquo RGD meacuted 2004 no 12 p 135 et s

(8) Art 227-12 et s C peacuten

(9) CA Paris 1re feacutevrier 2001 RTD civ 2001 p 347 obs J Hauser Cass civ 1re 9 deacutecembre 2003 Bull civ I no 252 p 201 CA Rennes 4 juillet 2002 D 2002 p 2904

(10) Cass civ 1re 20 feacutevrier 2007 Defreacutenois 2007 art 38595 no 45 obs J Massip

(11) V Depadt-Sebag laquo De la neacutecessiteacute dune reacuteforme de larticle 16-7 du Code civil relatif agrave linterdiction de gestation pour autrui raquo preacutec no 12 p 135 et s

(12) L no 2004-800 du 6 aoucirct 2004 relative agrave la bioeacutethique JO du 7 aoucirct 2004 p 14040 J Massip art preacutec

(13) Dans ce sens v M Gobert laquo Reacuteflexions sur les sources du droit et les principes dindisponibiliteacute du corps humain et de leacutetat des personnes agrave propos de la materniteacute de substitution raquo preacutec p 489 et s speacutec p 513

(14) V Depadt-Sebag laquo De la neacutecessiteacute dune reacuteforme de larticle 16-7 du Code civil relatif agrave linterdiction de gestation pour autrui raquo preacutec no 12 p 135 et s E Camuzet La convention de gestation pour autrui une illeacutegaliteacute franccedilaise injustifieacutee Meacutemoire Lille 2 Universiteacute du droit et de la santeacute 2005-2006 p 55

(15) A Mayer-Jack laquo Les conventions relatives agrave la personne physique raquo Rev crit leacutegisl et jurispr 1993 p 6

(16) G Meacutemeteau laquo Une distinction est opeacutereacutee sur la reacutefeacuterence des donneacutees acquises de la science agrave la date des soins par opposition agrave la notion erroneacutee de donneacutees actuelles de la science raquo note sous Cass civ 1re 6 juin 2000 JCP eacuted G 2001 II 10447

(17) Cass civ 1re 13 deacutecembre 1989 Bull civ I no 387 Defreacutenois 1990 art 34815 rapp J Massip D 1990 p 273 JCP eacuted G 1990 II 21526 note A Seacuteriaux

35

(18) Communication J Bernard et comm J Massip Defreacutenois 1990 art 35088 no 67 note J

Massip F Terreacute note sous Cass ass pleacuten 31 mai 1991 JCP eacuted G 1991 II 21752 dans ce sens v les remarques de P Murat laquo Laction de lordonnance du 4 juillet 2005 sur la possession deacutetat raquo preacutec eacutetude no 6 speacutec no 7 G Kessler laquo La consolidation de situations illicites dans linteacuterecirct de lenfant raquo Dr Famille no 7 juillet 2005 Etude 16

(19) TGI Lille 22 mars 2007 D 2007 no 18 p 1251 note X Labbeacutee B Edelman et C Labrusse-Riau note sous CA Paris 15 juin 1990 JCP eacuted G 1991 II 21653

(20) V Larribau-Terneyre note sous CA Pau 19 feacutevrier 1991 D 1991 juris p 380

(21) J Massip laquo Megravere porteuse et deacutecheacuteance de lautoriteacute parentale raquo LPA du 29 octobre 2003 no 216 p 10 Cass ass pleacuten 31 mai 1991 Bull civ ass pleacuten no 4 Defreacutenois 1991 art 35088 no 67 p 948 obs J Massip D 1991 p 417 rapport Y Chartier note D Thouvenin JCP eacuted G 1991 II 21752 communication J Bernard concl H Dontenwille note F Terreacute RTD civ 1991 p 517 obs D Huet-Weiller

(22) J Rubellin-Devichi laquo Materniteacute de substitution qui est la megravere raquo note sous CA Rennes 4 juillet 2002 JCP eacuted G 2003 I 101 C Ducomte laquo La vraie querelle des megraveres porteuses raquo httppagesperso-orangefrmax-christianducomtemereindexhtm

(23) Propos de Mme F Dekeuwer-Deacutefossez lors de son audition devant le preacutesident M Bloche pour la mission dinformation sur la famille (procegraves-verbal du 5 octobre 2005)

(24) J Hauser obs in RTD civ 1999 p 372 F Dekeuwer-Deacutefossez note sous Cass ass pleacuten 31 mai 1991 D 1992 somm p 59

(25) F Dekeuwer-Deacutefossez laquo Les droits de lenfant raquo D 1992 somm p 59 E Poisson-Drocourt laquo Recours agrave une megravere de substitution et refus de ladoption raquo D 2004 p 2001

(26) J-J Lemouland laquo Le tourisme procreacuteatif raquo LPA 2001 no 62 p 24 F Dekeuwer-Deacutefossez laquo Le lien parental raquo LPA du 1er juillet 2004 no 131 p 70 F Granet note sous CA Rennes 4 juillet 2002 D 2002 p 2904

(27) CA Aix-en-Provence 12 mars 2002 Juris-Data no 2002-190443 A Seacuteriaux laquo Droit naturel et procreacuteation artificielle quelle jurisprudence raquo D 1985 chron p 53 J Massip laquo Le nouveau droit de la filiation raquo Defreacutenois 2006 art 38303 p 13

(28) CA Rennes 4 juillet 2002 JCP eacuted G 2003 I 101 note J Rubellin-Devichi

(29) laquo Si le principe structurant de lautoriteacute parentale est linteacuterecirct de lenfant deacutetermineacute in concreto le droit de la filiation nappreacutecie en revanche jamais linteacuterecirct concret dun enfant preacutecis mais linteacuterecirct geacuteneacuteral de lenfant in abstracto raquo A Gouttenoire laquo A chacun sa famille agrave chacun son droit raquo Dr Famille no 7 juillet 2006 Alerte 41

(30) E Camuzet La convention de gestation pour autrui une illeacutegaliteacute franccedilaise injustifieacutee art preacutec p 52

(31) P Raynaud laquo Un abus de ladoption simple les couples adoptifs raquo D 1983 chron p 39 H Gaumont-Prat laquo Pas dadoption pour les enfants issus de convention de megravere porteuse raquo RLDC no 5 mai 2004 p 31 laquo Le rejet dans le non-droit des enfants neacutes dans des circonstances qui deacuterangent la socieacuteteacute relegraveve du deacuteni de la reacutealiteacute porteur de nombreux effets pathogegravenes et injustes raquo

(32) J Rubellin-Devichi laquo Materniteacute de substitution qui est la megravere raquo note sous CA Rennes 4 juillet 2002 preacutec I 101 C Ducomte laquo La vraie querelle des megraveres porteuses raquo preacutec P Raynaud laquo Un abus de ladoption simple les couples adoptifs raquo art preacutec chron p 39 G Kessler laquo La consolidation de situations illicites dans linteacuterecirct de lenfant raquo art preacutec Etude 16

(33) F Dekeuwer-Deacutefossez laquo Reacuteflexion sur les mythes fondateurs du droit contemporain de la famille raquo RTD civ 1995 p 269 E Camuzet La convention de gestation pour autrui une illeacutegaliteacute franccedilaise injustifieacutee art preacutec p 66 A Ponsard rapport sous Cass civ 1re 16

36

novembre 1982 JCP eacuted G 1983 II 19954 M-T Meulders-Klein laquo Le droit agrave lenfant face au

droit de lenfant et les procreacuteations meacutedicalement assisteacutees raquo RTD civ 1988 p 645 F Terreacute Lenfant de lesclave Geacuteneacutetique et droit Flammarion 1987 p 128

(34) Convention de New York du 26 janvier 1990 Charte des droits fondamentaux de lUnion europeacuteenne du 7 deacutecembre 2000 Deacuteclaration universelle des droits de lhomme de 1789 Convention internationale des droits de lenfant de 1989

(35) Cass ass plegraven 31 mai 1991 Bull civ ass plegraven no 4 Defreacutenois 1991 art 35142 no 103 obs J-L Aubert et art 35088 no 67 p 948 obs J Massip D 1991 p 417 rapport Y Chartier note D Thouvenin JCP eacuted G 1991 II 21752 communication J Bernard concl H Dontenwille note F Terreacute RTD civ 1991 p 517 obs D Huet-Weiller

(36) Cass civ 1re 24 feacutevrier 2006 Bull civ I no 101 p 95 Defreacutenois 2006 art 38415 no 40 p 1067 obs J Massip D 2006 juris p 897-900 obs D Vigneau T Anatrella laquo Adoption et homoparentaliteacute leacuteclairage des droits de lhomme raquo Dr Famille 2003 no 10 p

8-10 agrave lidentique dans un arrecirct du 22 janvier 1992 D 1993 p 119 note J Vassaux la cour dappel de Poitiers a prononceacute ladoption simple dun enfant neacute dune convention de megravere porteuse au motif que laquo cette adoption nest pas seulement conforme agrave linteacuterecirct de lenfant mais encore constitue une neacutecessiteacute qui deacutecoule des reacutealiteacutes de la vie issues derreurs des adultes dont lenfant ne doit pas subir les conseacutequences raquo

(37) G Kessler laquo La consolidation de situations illicites dans linteacuterecirct de lenfant raquo art preacutec eacutetude no 16 M-T Meulders-Klein laquo Le droit agrave lenfant face au droit de lenfant et les procreacuteations meacutedicalement assisteacutees raquo art preacutec p 645

(38) Cass civ 1re 18 mai 2005 Bull civ I no 211 p 179 V Depadt-Sebag laquo Non-lieu dans une affaire de materniteacute pour autrui raquo D 2005 p 476 J Massip laquo Megravere porteuse et deacutecheacuteance de lautoriteacute parentale raquo art preacutec no 216 p 11 F Terreacute Lenfant de lesclave Geacuteneacutetique et droit op cit adde F Terreacute et D Fenouillet Droit civil Les personnes la famille les incapaciteacutes 6e eacuted Preacutecis Dalloz no 926 M Lamarche laquo Inteacuterecirct supeacuterieur de lenfant de ladmission des effets dune convention de megravere porteuse agrave la destruction du droit franccedilais de la filiation raquo Dr Famille novembre 2007 no 11

(39) M Donnier laquo Linteacuterecirct de lenfant raquo D 1959 chron p 27 F Laroche-Gisserot note sous Cass civ 1re 27 mai 1998 D 1998 p 530 F Millet laquo Ladoption dun inteacuterecirct agrave lautre raquo RRJ 2003-3 p 1777 et s A Gouttenoire laquo A chacun sa famille agrave chacun son droit raquo art preacutec Alerte 41

(40) Par la loi no 2007-293 du 5 mars 2007 reacuteformant la protection de lenfance (JO du 6 mars 2007 Defreacutenois 2007 Leacuteg p 282) le leacutegislateur a inteacutegreacute la notion dinteacuterecirct de lenfant dans le Code de laction sociale et des familles Le nouvel article L 112-4 dudit code dispose que laquo Linteacuterecirct de lenfant la prise en compte de ses besoins fondamentaux physiques intellectuels sociaux et affectifs ainsi que le respect de ses droits doivent guider toutes deacutecisions le concernant raquo

(41) Amendement no 48 rect Protection de lenfance no 3184 Assembleacutee nationale 22 deacutecembre 2006 wwwassemblee-nationalefr v aussi sur lensemble de ces questions les consideacuterations tregraves eacuteclairantes de P Murat note sous CA Rennes 4 juillet 2002 D 2002 p 2902 Dr Famille 2002 comm no 142 note P Murat

(42) F Granet-Lambrechts laquo Materniteacutes de substitution filiation et eacutetat civil Panorama europeacuteen raquo Dr Famille no 12 deacutecembre 2007 eacutetude no 34

(43) D Youf Penser les droits de lenfant PUF 2002 p 2

(44) G Cornu La famille 6e eacuted no 7 J Carbonnier Droit civil t 4 Les obligations PUF coll Theacutemis no 372 p 649

(45) D Fenouillet et P de Vareilles-Sommiegraveres La contractualisation du droit de la famille Economica 2001

37

(46) H Gaumont-Prat laquo Pas dadoption pour les enfants issus de convention de megravere porteuse raquo art preacutec p 31

(47) E Poisson-Droccourt laquo Recours agrave une megravere de substitution et refus de ladoption raquo art preacutec p 2001 note sous Cass civ 1re 9 deacutecembre 2003 G Delaisi de Perseval laquo Gestation pour autrui en quecircte de leacutegitimation raquo httpwwwliberationfr

(48) C Neirinck laquo Les filiations eacutelectives agrave leacutepreuve du droit raquo JCP eacuted G 1997 I 4067 E Camuzet laquo La convention de gestation pour autrui une illeacutegaliteacute franccedilaise injustifieacutee raquo art preacutec p 59

(49) J Hauser et D Huet-Weiller Traiteacute de droit civil La famille Fondation et vie de la famille 2e eacuted LGDJ 1993 p 250

(50) B Debreacute et S Agacinski laquo Faut-il leacutegaliser les megraveres porteuses en France raquo art preacutec p 50 C Atias D 1986 chron p 67

Civ 1egravere

13 deacutecembre 1989

Ndeg de pourvoi 88-15655

Publieacute au bulletin

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Attendu selon les juges du fond que lrsquoassociation ldquo Alma Mater ldquo a pour objet de faciliter la

solution des problegravemes qui se posent aux couples dont la femme est steacuterile deacutesireux

drsquoaccueillir un enfant agrave leur foyer et aux ldquo megraveres porteuses ldquo volontaires qursquoil est proposeacute agrave

la ldquo megravere porteuse ldquo drsquoecirctre inseacutemineacutee artificiellement par la semence du mari ou du concubin

de porter et de mettre au monde lrsquoenfant qui sera deacuteclareacute sur les registres de lrsquoeacutetat civil sans

indication du nom de la megravere reconnu par le pegravere et accueilli au foyer de celui-ci en vue de

son adoption par lrsquoeacutepouse ou la compagne que lrsquoassociation intervient tout au long de ce

processus qualifieacute de ldquo precirct drsquouteacuterus ldquo ou de ldquo don drsquoenfant ldquo qursquoainsi apregraves avoir controcircleacute la

reacutealiteacute de la steacuteriliteacute du couple demandeur et des faculteacutes de feacutecondation de la ldquo megravere porteuse

ldquo geacuteneacuteralement recruteacutee par elle lrsquoassociation fait proceacuteder agrave lrsquoinseacutemination surveille la

grossesse et lrsquoaccouchement srsquooccupe de faire diligenter la proceacutedure drsquoadoption qursquoelle

verse ensuite agrave la megravere une somme forfaitaire - qui en 1987 eacutetait fixeacutee agrave 60 000 francs -

remise par le couple demandeur degraves le deacutebut de la grossesse que lrsquoarrecirct confirmatif attaqueacute

(Aix-en-Provence 29 avril 1988) estimant que cette association avait un objet illicite

contraire aux lois et aux bonnes moeurs en a prononceacute la nulliteacute sur le fondement de lrsquoarticle

3 de la loi du 1er juillet 1901

Sur le moyen unique pris en sa premiegravere branche

Attendu que lrsquoassociation ldquo Alma Mater ldquo fait grief agrave la cour drsquoappel drsquoavoir ainsi statueacute alors

que selon le moyen nrsquoest ni illicite ni contraire aux bonnes moeurs lrsquoassociation qui dans un

but humanitaire non lucratif met en relation un couple demandeur dont la femme est steacuterile et

38

une femme qui accepte drsquoecirctre inseacutemineacutee artificiellement par le mari de porter lrsquoenfant et de le

remettre agrave la naissance agrave ce couple qui lrsquoindemnisera des contraintes et de la gecircne occasionneacutee

par la grossesse de sorte que la juridiction du second degreacute aurait violeacute les articles 3 et 7 de la

loi du 1er juillet 1901

Mais attendu qursquoil reacutesulte des constatations des juges du fond que lrsquoobjet mecircme de

lrsquoassociation est de favoriser la conclusion et lrsquoexeacutecution de conventions qui fussent-elles

verbales portent tout agrave la fois sur la mise agrave la disposition des demandeurs des fonctions

reproductrices de la megravere et sur lrsquoenfant agrave naicirctre et sont donc nulles en application de lrsquoarticle

1128 du Code civil que ces conventions contreviennent au principe drsquoordre public de

lrsquoindisponibiliteacute de lrsquoeacutetat des personnes en ce qursquoelles ont pour but de faire venir au monde un

enfant dont lrsquoeacutetat ne correspondra pas agrave sa filiation reacuteelle au moyen drsquoune renonciation et

drsquoune cession eacutegalement prohibeacutees des droits reconnus par la loi agrave la future megravere que

lrsquoactiviteacute de lrsquoassociation qui tend deacutelibeacutereacutement agrave creacuteer une situation drsquoabandon aboutit agrave

deacutetourner lrsquoinstitution de lrsquoadoption de son veacuteritable objet qui est en principe de donner une

famille agrave un enfant qui en est deacutepourvu que crsquoest degraves lors agrave bon droit que lrsquoarrecirct attaqueacute a

deacutecideacute sur le fondement de lrsquoarticle 3 de la loi du 1er juillet 1901 que cette association eacutetait

nulle en raison de lrsquoilliceacuteiteacute de son objet que la premiegravere branche du moyen est donc sans

fondement

Et sur les deuxiegraveme et troisiegraveme branches du moyen

Attendu qursquoil est fait grief agrave la cour drsquoappel de nrsquoavoir pas reacutepondu aux conclusions faisant

valoir drsquoune part que lrsquointerdiction du ldquo don de gestation ldquo constituait une discrimination

fondeacutee sur la naissance contraire aux dispositions de lrsquoarticle 24 du pacte international relatif

aux droits civils et politiques signeacute agrave New York le 19 deacutecembre 1966 et drsquoautre part que ce ldquo

don de gestation ldquo reposait sur le droit leacutegitime de fonder une famille qui implique le droit

drsquoengendrer reconnu tant par lrsquoarticle 12 de la convention europeacuteenne des droits de lrsquohomme

et des liberteacutes fondamentales du 4 novembre 1950 que par lrsquoarticle 23 du pacte international

preacuteciteacute

Mais attendu que la reconnaissance du caractegravere illicite de la materniteacute pour autrui et des

associations qui srsquoefforcent de la promouvoir qui se deacuteduit des principes geacuteneacuteraux du Code

civil et de regravegles qui sont communes agrave toutes les filiations nrsquoest pas de nature agrave instaurer une

discrimination fondeacutee sur la naissance que le droit de se marier et de fonder une famille

reconnu par lrsquoarticle 12 de la convention du 4 novembre 1950 et par lrsquoarticle 23 du pacte

international du 19 deacutecembre 1966 agrave lrsquohomme et agrave la femme en acircge nubile nrsquoimplique pas le

droit de conclure avec un tiers des conventions portant sur le sort drsquoun enfant agrave naicirctre que

par ces motifs de droit reacutepondant aux conclusions invoqueacutees lrsquoarrecirct se trouve leacutegalement

justifieacute et que les deuxiegraveme et troisiegraveme branches du moyen ne peuvent ecirctre accueillies

PAR CES MOTIFS

REJETTE le pourvoi

Publication Bulletin 1989 I Ndeg 387 p 260

Deacutecision attaqueacutee Cour drsquoappel drsquoAix-en-Provence du 29 avril 1988

39

Cour de cassation Assembleacutee pleacuteniegravere

Audience publique du 31 mai 1991

Ndeg de pourvoi 90-20105 Publieacute au bulletin

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Sur le pourvoi dans lrsquointeacuterecirct de la loi formeacute par M le Procureur geacuteneacuteral pregraves la Cour de

Cassation

Vu les articles 6 et 1128 du Code civil ensemble lrsquoarticle 353 du mecircme Code

Attendu que la convention par laquelle une femme srsquoengage fucirct-ce agrave titre gratuit agrave concevoir

et agrave porter un enfant pour lrsquoabandonner agrave sa naissance contrevient tant au principe drsquoordre

public de lrsquoindisponibiliteacute du corps humain qursquoagrave celui de lrsquoindisponibiliteacute de lrsquoeacutetat des

personnes

Attendu selon lrsquoarrecirct infirmatif attaqueacute que Mme X eacutepouse de M Y eacutetant atteinte drsquoune

steacuteriliteacute irreacuteversible son mari a donneacute son sperme agrave une autre femme qui inseacutemineacutee

artificiellement a porteacute et mis au monde lrsquoenfant ainsi conccedilu qursquoagrave sa naissance cet enfant a

eacuteteacute deacuteclareacute comme eacutetant neacute de Y sans indication de filiation maternelle

Attendu que pour prononcer lrsquoadoption pleacuteniegravere de lrsquoenfant par Mme Y lrsquoarrecirct retient

qursquoen lrsquoeacutetat actuel des pratiques scientifiques et des moeurs la meacutethode de la materniteacute

substitueacutee doit ecirctre consideacutereacutee comme licite et non contraire agrave lrsquoordre public et que cette

adoption est conforme agrave lrsquointeacuterecirct de lrsquoenfant qui a eacuteteacute accueilli et eacuteleveacute au foyer de M et

Mme Y pratiquement depuis sa naissance

Qursquoen statuant ainsi alors que cette adoption nrsquoeacutetait que lrsquoultime phase drsquoun processus

drsquoensemble destineacute agrave permettre agrave un couple lrsquoaccueil agrave son foyer drsquoun enfant conccedilu en

exeacutecution drsquoun contrat tendant agrave lrsquoabandon agrave sa naissance par sa megravere et que portant atteinte

aux principes de lrsquoindisponibiliteacute du corps humain et de lrsquoeacutetat des personnes ce processus

constituait un deacutetournement de lrsquoinstitution de lrsquoadoption la cour drsquoappel a violeacute les textes

susviseacutes

PAR CES MOTIFS

CASSE ET ANNULE mais seulement dans lrsquointeacuterecirct de la loi et sans renvoi lrsquoarrecirct rendu le

15 juin 1990 par la cour drsquoappel de Paris

REQUETE DE M LE PROCUREUR GENERAL PRES LA COUR DE CASSATION

Le Procureur geacuteneacuteral pregraves la Cour de Cassation a lrsquohonneur drsquoexposer

- Que par jugement du 28 juin 1989 le tribunal de grande instance de Paris a rejeteacute la requecircte

preacutesenteacutee par Mme X eacutepouse Y tendant agrave lrsquoadoption pleacuteniegravere de lrsquoenfant Z deacuteclareacutee

comme eacutetant neacutee de M Y mari de la requeacuterante sans indication de filiation maternelle

- Que pour ne pas faire droit agrave cette requecircte les premiers juges ont retenu que les eacutepoux Y

pour remeacutedier agrave la steacuteriliteacute de leur couple avaient eu recours agrave lrsquoassociation Alma Mater

aujourdrsquohui dissoute lrsquoenfant eacutetant neacute drsquoune megravere de substitution qui lrsquoa abandonneacute agrave la

naissance pratique deacuteclareacutee illicite

- Que sur appel de Mme Y la premiegravere chambre civile section C de la cour drsquoappel de

Paris a par arrecirct du 15 juin 1990 infirmeacute la deacutecision entreprise et prononceacute lrsquoadoption

pleacuteniegravere solliciteacutee par la requeacuterante

- Qursquoau soutien de leur deacutecision devenue deacutefinitive les juges du second degreacute ont tireacute de nos

principes geacuteneacuteraux relatifs agrave la filiation des regravegles drsquoordre public concernant les contrats et de

40

certaines conventions ou deacuteclarations internationales des conclusions contraires agrave celles

auxquelles eacutetait parvenue votre premiegravere chambre civile de la Cour de Cassation qui dans un

cas de figure pratiquement identique a par arrecirct du 13 deacutecembre 1989 (association Alma

Mater contre procureur geacuteneacuteral Aix-en-Provence) reconnu le caractegravere illicite de la materniteacute

pour autrui et les associations qui srsquoefforcent de la promouvoir

- Qursquoil importe en cette matiegravere particuliegraverement sensible qui touche agrave un deacutelicat problegraveme de

socieacuteteacute et drsquoeacutethique que soit mis fin agrave des divergences jurisprudentielles majeures et que la

seacutecuriteacute juridique soit assureacutee

PAR CES MOTIFS

Vu lrsquoarticle 17 de la loi du 3 juillet 1967 relative agrave la Cour de Cassation

Requiert qursquoil plaise agrave la Cour de Cassation

CASSE ET ANNULE sans renvoi et dans le seul inteacuterecirct de la loi lrsquoarrecirct rendu le 15 juin 1990

par la cour drsquoappel de Paris ayant fait droit agrave la requecircte en adoption pleacuteniegravere preacutesenteacutee par

Mme X eacutepouse Y

Publication Bulletin 1991 AP Ndeg 4 p 5

Deacutecision attaqueacutee Cour drsquoappel de Paris du 15 juin 1990

Page 6: SEANCE_3 Droit Civil Methodologie

6

moyen dune renonciation ou dune cession eacutegalement prohibeacutees des droits reconnus par la

loi agrave la future megravere raquo En dautres termes la megravere renonce par avance agrave sa future qualiteacute de

megravere

La Cour ajoutait que ces conventions sont nulles en application de lart 1128 c civ qui

dispose laquo Il ny a que les choses qui sont dans le commerce qui puissent ecirctre lobjet des

conventions raquo La formule peut precircter agrave contestation mais on comprend bien que le contrat

entre la megravere de substitution et le couple tend agrave faire de lenfant une chose agrave livrer Or cest un

ecirctre humain qui est promis Lenfant ne saurait ecirctre traiteacute comme une chose On ne peut pas en

disposer ainsi

La Cour de cassation dans larrecirct commenteacute neacutenonce pas les principes quelle avait mis en

avant dans ses preacuteceacutedents arrecircts agrave savoir lindisponibiliteacute du corps humain et celle de leacutetat des

personnes Elle parle seulement des laquo principes geacuteneacuteraux du code civil raquo Sans reprendre ce

quil en a eacuteteacute excellemment dit dans les commentaires des arrecircts de 1989 et de 1991 nous

nous interrogerons sur lexistence actuelle de ces deux principes

B - Principes geacuteneacuteraux de notre droit

1 - Indisponibiliteacute du corps humain

Un auteur a soutenu que lindisponibiliteacute du corps humain nexistait que dans laquo limaginaire de

la doctrine raquo avant sa conseacutecration par la Cour de cassation Les auteurs anciens en ont peu

traiteacute il est vrai quoique Josserand se soit interrogeacute sur la validiteacute des conventions portant sur

le corps humain Le code civil neacutenonce pas le principe Ce silence sexplique parce que ce

sont les progregraves de la biologie et de la meacutedecine qui en ont eacuteteacute le reacuteveacutelateur speacutecialement

avec la materniteacute pour autrui Celle-ci a eacuteteacute loccasion pour la Cour de cassation deacutenoncer ce

principe par trois fois Lart 16-7 c civ a eacuteteacute consideacutereacute par le rapporteur agrave lAssembleacutee

nationale de la loi de 1994 comme laquo lultime conseacutequence de lindisponibiliteacute du corps

humain raquo Un nombre important dauteurs contemporains font eacutetat de ce principe

Il convient de distinguer le corps humain envisageacute dans son ensemble dune part et les

produits et eacuteleacutements du corps humain dautre part Cela explique lassouplissement du

principe dindisponibiliteacute par le leacutegislateur quant agrave ces produits ou eacuteleacutements pour des raisons

theacuterapeutiques collecte du lait (ancien art L 184 c santeacute publ devenu art 2323-1) don du

sang (L 21 juill 1952) don dorganes (L 22 deacutec 1976) don du sperme (L 31 deacutec 1991 art

13) enfin don dovule et mecircme don dembryon (L ndeg 94-654 du 29 juill 1994) Cette

derniegravere avanceacutee de la procreacuteation artificielle nest pas sans soulever des problegravemes moraux

Le leacutegislateur a fait un pas important dans latteacutenuation de lindisponibiliteacute du corps humain

mais reacuteglemente strictement la procreacuteation meacutedicalement assisteacutee Il a marqueacute sa limite en

interdisant en mecircme temps la materniteacute pour autrui (art 16-7 c civ) Cest quil y a une

diffeacuterence de nature entre le don deacuteleacutements du corps ou dorganes et le fait pour une femme

dengendrer un enfant agrave livrer

Il y a dans ce dernier cas contrat portant sur le corps de la femme mise agrave la disposition

dautrui de ses fonctions de donner la vie de ses fonctions reproductrices aussi bien

geacuteneacutetiques (convention dinseacutemination artificielle) que gestatrices (precirct ou location duteacuterus)

Relativement agrave lenfant la convention porte sur sa vie et son deacuteveloppement preacutenatal Elle a

pour objet un ecirctre humain agrave venir La gestation atteint la femme au plus profond delle-mecircme

Elle lui laissera des seacutequelles physiologiques et psychologiques Elle marque aussi lenfant

dont on ne peut nier limportance de la vie intra-uteacuterine Il y a bien convention portant sur le

corps humain dans son ensemble Pour notre part nous partageons lopinion des magistrats et

des auteurs qui estiment que le corps humain dans son entier est indisponible laquo hors de toute

7

transaction raquo Cest ce que sous-entend le code civil En est-il de mecircme de leacutetat des personnes

2 - Indisponibiliteacute de leacutetat des personnes

La femme dans la materniteacute pour autrui renonce par avance agrave sa qualiteacute de megravere Certes elle

peut ne pas reconnaicirctre lenfant (accouchement sous X) labandonner une fois neacute mais ici

elle sy oblige bien avant la naissance Quant agrave lenfant il est soustrait par avance agrave sa megravere

La Cour de cassation la tregraves bien exprimeacute dans son arrecirct du 13 deacutec 1989 les conventions de

materniteacute de substitution laquo contreviennent au principe de lindisponibiliteacute de leacutetat des

personnes en ce quelles ont pour but de faire venir au monde un enfant dont leacutetat ne

correspond pas agrave sa filiation reacuteelle raquo

La volonteacute intervient certes en matiegravere de composantes de leacutetat des personnes nom

nationaliteacute situation de famille actions relatives agrave la filiation Lart 373-2-11 c civ (L 4

mars 2002 reprenant lancien art 290) dispose ainsi que lorsquil se prononce sur lexercice

de lautoriteacute parentale le juge prend notamment en consideacuteration laquo les accords que [les

eacutepoux] avaient pu anteacuterieurement conclure raquo Les conventions qui ameacutenagent les devoirs

parentaux sont donc valables

Au demeurant la Cour de cassation na-t-elle pas franchi une eacutetape de plus en matiegravere de

transsexualisme Apregraves avoir jugeacute le contraire elle a deacutecideacute que le principe de

lindisponibiliteacute de leacutetat des personnes ne fait pas obstacle agrave la rectification du sexe sur lacte

de naissance dune personne preacutesentant le syndrome de transsexualisme lorsque agrave la suite dun

traitement meacutedico-chirurgical subi dans un but theacuterapeutique cette personne ne possegravede plus

tous les caractegraveres de son sexe dorigine et a pris une apparence physique la rapprochant de

lautre sexe auquel correspond son comportement social La Cour a statueacute ainsi parce que la

Cour europeacuteenne des droits de lhomme dans lintervalle avait condamneacute la France au motif

que la solution adopteacutee par la premiegravere Chambre civile conduirait agrave la violation du droit agrave la

vie priveacutee de lart 8 de la Convention europeacuteenne des droits de lhomme

Nous ne discuterons pas de lappreacuteciation de ces deacutecisions sur le transsexualisme Disons

simplement quelles ne sont pas sans incidence sur le mariage et les enfants neacutes ou que le

transsexuel deacutesirera adopter Bien que la Cour se reacutefegravere au principe de lindisponibiliteacute de

leacutetat des personnes il semble que ce principe est loin decirctre absolu On peut mecircme dire quil

nexiste pas mais quil est simplement opportun de ne pas disposer de leacutetat dune personne

Est-ce pour cette raison que la Cour de cassation dans larrecirct rapporteacute se reacutefegravere seulement aux

laquo principes geacuteneacuteraux du code civil raquo et au deacutetournement de linstitution de ladoption

III - Bien-fondeacute du recours agrave ladoption

Les eacutepoux X invoquent agrave lappui de leur demande dadoption lart 353 c civ aux termes

duquel le tribunal veacuterifie si ladoption est conforme agrave linteacuterecirct de lenfant Plusieurs auteurs

justifient ainsi le prononceacute de ladoption de lenfant issu dune convention de megravere de

substitution

Les eacutepoux X font aussi reacutefeacuterence aux art 3 al 1er (laquo Dans toutes les deacutecisions qui

concernent les enfants [] linteacuterecirct supeacuterieur de lenfant doit ecirctre une consideacuteration

primordiale raquo) et 21 (laquo Les Etats parties qui admettent etou autorisent ladoption sassurent

que linteacuterecirct supeacuterieur de lenfant est la consideacuteration primordiale en la matiegravere raquo) de la

Convention des Nations unies relative aux droits de lenfant du 20 nov 1989 Toutefois celle-

ci nest pas dapplication immeacutediate par les tribunaux Et il faudrait au surplus ecirctre sucircr que lon

soit dans une situation ougrave ladoption est permise

8

Quant agrave linteacuterecirct de lenfant il ne permet pas daneacuteantir les autres principes directeurs de notre

droit vus preacuteceacutedemment Au surplus tout le monde admet quil faut dire agrave lenfant adopteacute dans

quelle condition il la eacuteteacute Que lui dira-t-on en lespegravece Lui dira-t-on la veacuteriteacute ou lui mentira-

t-on Devenu plus grand il aura le droit laquo dans la mesure du possible de connaicirctre ses

parents et decirctre eacuteleveacute par eux raquo aux termes de la mecircme Convention de New York du 20 nov

1989 Cela nest pas non plus sans soulever de difficulteacute

Surtout ladoption est faite pour donner des parents agrave un enfant deacutejagrave neacute et qui en est deacutepourvu

et non pour satisfaire le deacutesir denfant dun couple Il ne manque malheureusement pas

denfants sans famille dans le monde En lespegravece dailleurs les eacutepoux avaient deacutejagrave eu en

commun un enfant

Ils invoquent aussi agrave lappui de leur demande dadoption la Convention europeacuteenne des droits

de lhomme dont lart 8 dit laquo Toute personne a droit au respect de sa vie priveacutee et familiale

raquo Mme X avait certes attendu presque douze ans avant de preacutesenter sa requecircte Mais quant

agrave y trouver une justification de ladoption cest faire dire agrave ce texte beaucoup plus que ses

termes geacuteneacuteraux ne le permettent Il ne faut pas non plus oublier lalineacutea 2 dudit article qui

dispose qulaquo il ne peut y avoir ingeacuterence dune autoriteacute publique dans lexercice de ce droit

que pour autant que cette ingeacuterence est preacutevue par la loi et quelle constitue une mesure qui

[] est neacutecessaire [] agrave la protection [] de la morale raquo Il y a les art 311-9 376 et

doreacutenavant 16-7 c civ Et la pratique des megraveres de substitution heurte bien agrave notre avis la

morale Quant agrave la prise en compte de la situation de fait nous y reviendrons plus loin mais

on heacutesite agrave cautionner la politique du fait accompli

Ladoption solliciteacutee est la phase ultime dun processus densemble dont la source le contrat

avec la megravere de substitution est illicite car contraire agrave lordre public Lentreprise globale

constitue un deacutetournement de linstitution de ladoption comme laffirme la Cour de cassation

dans larrecirct rapporteacute reprenant en cela son analyse anteacuterieure En refusant ladoption on rend

leacutetat des personnes incertain et lon incite les couples agrave ne pas recourir agrave la materniteacute pour

autrui

IV - Porteacutee de larrecirct

Nous avons deacutejagrave fait eacutetat de deux arrecircts de la Cour de cassation celui du 13 deacutec 1989

deacuteclarant illicite une association promouvant la materniteacute par substitution et celui de

lAssembleacutee pleacuteniegravere du 31 mai 1991 condamnant cette materniteacute Dans cette derniegravere affaire

le pourvoi avait eacuteteacute preacutesenteacute par le procureur geacuteneacuteral pregraves la Cour de cassation dans linteacuterecirct

de la loi Par conseacutequent il ne pouvait preacutejudicier aux parties en remettant en question

ladoption pleacuteniegravere prononceacutee par la Cour dappel de Paris Selon le doyen Carbonnier il

sagissait plutocirct laquo dun acte de politique judiciaire raquo

Le 29 juin 1994 la premiegravere Chambre civile de la Cour de cassation eut agrave se prononcer de

nouveau sur la question A la diffeacuterence du preacuteceacutedent arrecirct la Cour y casse sans renvoi larrecirct

de la cour dappel ayant prononceacute ladoption simple de lenfant En outre les faits sont assez

particuliers Cest la belle-soeur des eacutepoux Y qui avait conccedilu et porteacute lenfant elle lavait

reconnu avant M Y La belle-soeur et son mari consentirent agrave ladoption pleacuteniegravere par Mme

Y Les eacutepoux Y se seacuteparegraverent avant toute requecircte en adoption Apregraves que lenfant eut eacuteteacute

confieacute agrave Mme Y le jugement de divorce confia lautoriteacute parentale agrave la megravere biologique M

Y intente une action pour que lenfant lui soit confieacute Pendant cette proceacutedure Mme Y

deacutepose une requecircte en adoption pleacuteniegravere et assigne son ex-eacutepoux pour faire juger abusif son

refus dy consentir On comprend que devant un tel imbroglio la Cour de cassation ait refuseacute

que ladoption soit valideacutee Dune faccedilon geacuteneacuterale on peut se demander si la materniteacute de

substitution au sein de la famille proche nest pas de nature agrave faire perdre ses repegraveres agrave

9

lenfant Lenfant est appeleacute agrave voir souvent sa tante qui est aussi sa megravere par le sang tandis

quil est eacuteleveacute par une megravere sociologique

Par suite larrecirct commenteacute est inteacuteressant en ce quil confirme la position de la Cour de

cassation dans un cas plus classique un contrat a eacuteteacute passeacute entre un couple et une femme sans

relation avec le couple qui sest fait inseacuteminer par les gamegravetes du mari a porteacute lenfant et sest

engageacutee agrave labandonner agrave sa naissance afin quil ne soit reconnu que par le mari et quil soit

adopteacute par sa femme Il est probable quil y a eu une contrepartie financiegravere Le plus souvent

la megravere porteuse est pousseacutee agrave louer son ventre par deacutetresse financiegravere

Le contrat initial est tenu secret sauf si la megravere de substitution refuse dabandonner lenfant

Lannuler comme le prescrit lart 16-7 c civ permet agrave cette derniegravere de garder lenfant

Sinon le contrat reste occulte Cest au moment de la demande dadoption que peut apparaicirctre

lentreprise globale vicieacutee agrave sa source Souvent elle passe inaperccedilue Cest toute la difficulteacute

de la situation Refuser de prononcer ladoption est la seule sanction civile de quelque

efficaciteacute

Une autre particulariteacute de lespegravece meacuterite decirctre souligneacutee Mme X a preacutesenteacute sa requecircte aux

fins dadoption onze ans et demi apregraves la naissance de lenfant Ne faut-il pas tenir compte de

la situation de fait qui sest creacuteeacutee Lenfant a eacuteteacute eacuteleveacute par le couple pendant de longues

anneacutees Dans linteacuterecirct de lenfant on pourrait peut-ecirctre eacutetablir sa filiation maternelle par le

recours agrave la possession deacutetat mais cela ne serait en tout eacutetat de cause possible que dans un

cas comme celui-ci

La reacuteprobation de la materniteacute pour autrui peut ecirctre aussi atteinte par une autre voie il existe

aussi des sanctions peacutenales Aux termes de lart 227-12 nouveau c peacuten laquo le fait de

provoquer soit dans un but lucratif soit par don promesse menace ou abus dautoriteacute les

parents ou lun dentre eux agrave abandonner un enfant neacute ou agrave naicirctre est puni de six mois

demprisonnement et de 7500 euros raquo sans compter eacuteventuellement des peines

compleacutementaires Ce texte ne peut eacutevidemment sappliquer quagrave des faits posteacuterieurs agrave son

entreacutee en vigueur Il reprend toutefois en la preacutecisant lincrimination de lart 353-1 (2deg)

ancien c peacuten laquo Sera puni de dix jours agrave six mois demprisonnement et de 500 agrave 20 000 F

damende [] toute personne qui aura fait souscrire ou tenteacute de faire souscrire par les futurs

parents ou lun deux un acte aux termes duquel ils sengagent agrave abandonner lenfant agrave naicirctre

qui aura deacutetenu un tel acte en aura fait usage ou tenteacute den faire usage raquo Six mois

demprisonnement mecircme avec sursis paraissent excessifs et lamende est insuffisante Le

parquet pourrait neacuteanmoins mettre en oeuvre ces textes afin de dissuader les couples de

recourir agrave la materniteacute de substitution (18) plutocirct quagrave une veacuteritable adoption La

condamnation peacutenale aurait lavantage de faire tomber la sanction sur les couples sans

atteindre lenfant On pourrait alors songer agrave la possession deacutetat pour rattacher lenfant agrave la

femme qui la eacuteleveacute pendant de longues anneacutees comme ceacutetait le cas en lespegravece La

possession deacutetat permettrait deacutetablir une filiation maternelle naturelle Pourrait-elle aussi

faire acqueacuterir agrave lenfant la qualiteacute denfant leacutegitime La possession deacutetat joue alors

indivisiblement agrave leacutegard des deux parents (art 321 c civ) alors que la reconnaissance qui a

eacuteteacute faite par le mari atteste la qualiteacute denfant naturel de celui-ci

Dautre part il convient de sattaquer aux intermeacutediaires Par son arrecirct preacuteciteacute du 13 deacutec 1989

la Cour de cassation a confirmeacute la nulliteacute dune association en raison de lilliceacuteiteacute de son objet

de mettre en rapport des couples avec des megraveres de substitution Le gouvernement franccedilais

interdit semblables associations mais des personnes continuent certainement agrave sentremettre agrave

cet effet Elles tombent sous lincrimination de lart 227-12 al 3 nouveau c peacuten Est puni

dun an demprisonnement et de 15 000 euros damende laquo le fait dans un but lucratif de

sentremettre entre une personne ou un couple deacutesireux daccueillir un enfant et une femme

acceptant de porter en elle cet enfant en vue de le leur remettre raquo Lorsque ces faits ont eacuteteacute

10

commis agrave titre habituel ou dans un but lucratif les peines sont doubleacutees Les personnes

morales peuvent en ecirctre deacuteclareacutees responsables (art 227-14) et sont passibles de sanctions

approprieacutees preacutevues aux art 131-38 et 131-39 Lart 353-1 (1deg) ancien c peacuten eacutetait moins net

mais incriminait aussi celui qui avait dans un espoir de lucre provoqueacute les parents ou lun

deux agrave abandonner leur enfant agrave naicirctre Lactiviteacute des intermeacutediaires est hautement

condamnable Il convient donc de leur appliquer les sanctions civiles et peacutenales que contient

notre droit agrave leur eacutegard

Une difficulteacute suppleacutementaire pour sanctionner la materniteacute de substitution tient agrave ce quon a

appeleacute le tourisme procreacuteatif car les Franccedilais vont chercher les femmes qui se livrent agrave ce

commerce dans des pays voisins toleacuterants (19) Il en est ainsi en Angleterre comme le

teacutemoigne larrecirct de la Cour de cassation du 23 avr 2003 (20) Bien que non abordeacute dans

cette derniegravere deacutecision il surgit alors une question de conflit de lois et il est possible aussi

quintervienne lordre public

Mots cleacutes ADOPTION Adoption pleacuteniegravere Materniteacute de substitution Prohibition Deacutetournement de

linstitution

CONTRAT ET OBLIGATIONS Objet Illiceacuteiteacute Materniteacute de substitution Megravere

porteuse Filiation adoptive

Recueil Dalloz 2005 p 536

Droits et liberteacutes corporels

Panorama de la leacutegislation de la jurisprudence et des avis des instances eacutethiques

Jean-Christophe Galloux Professeur agrave luniversiteacute de Pantheacuteon-Assas (Paris II)

Responsable du Centre de droit meacutedical

Heacutelegravene Gaumont-Prat Professeur agrave luniversiteacute de Picardie-Jules Verne Membre du

Comiteacute national dEthique

Lessentiel

Les articles 16 agrave 16-13 du code civil qui consacrent le cadre du statut juridique du corps

humain depuis les lois dites laquo bioeacutethiques raquo du 29 juillet 1994 continuent deacutetendre leur

empire Les hypothegraveses quils ont vocation agrave reacutegir concernent autant les territoires

traditionnels de la biomeacutedecine que sont les tests et empreintes geacuteneacutetiques les procreacuteations

meacutedicalement assisteacutees ou des greffes dorganes pour ne citer que les principaux que des

champs nouveaux et parfois inattendus comme limage du corps le droit dasile

lassujettissement aux cotisations sociales ou les obligations scolaires Limportante reacutevision

des textes de 1994 par la loi ndeg 2004-800 du 6 aoucirct 2004 sest traduite par une eacuterosion de la

protection des droits et liberteacutes corporels individuels au profit de la liberteacute de la recherche

scientifique et des consideacuterations de solidariteacute comme en teacutemoigne notamment la deuxiegraveme

reformulation de larticle 16-3 relatif agrave linteacutegriteacute corporelle

I - Les donneacutees relatives au corps

A - Les tests et donneacutees geacuteneacutetiques

Les tests geacuteneacutetiques sont susceptibles de recouvrir diffeacuterentes finaliteacutes meacutedico-

professionnelles (meacutedecine curative preacutedictive preacutevention des risques professionnels) ou

sociales (emploi assurance) voire de deacutepistage preacutenatal (diagnostic preacutenatal et

preacuteimplantatoire) Leacutevolution observeacutee conduit agrave distinguer les tests geacuteneacutetiques qualifieacutes de

11

donneacutees personnelles ou de donneacutees de santeacute

1 - Donneacutees personnelles

Deux inteacuterecircts contradictoires sont pris en compte par le leacutegislateur ou les avis de diffeacuterentes

instances celui de la personne elle-mecircme et celui des tiers au titre de la solidariteacute sociale

a) La prise en compte de linteacuterecirct de la personne

1 Dans un souci de garantir un reacutegime juridique plus protecteur pour les personnes la loi ndeg

2004-800 du 6 aoucirct 2004 (art 4) relative agrave la bioeacutethique a proceacutedeacute agrave un toilettage des anciens

textes pour uniformiser les formulations retenues en remplaccedilant dans les diffeacuterents codes

concerneacutes (code civil code de la santeacute publique code peacutenal) lexpression laquo eacutetude geacuteneacutetique

des caracteacuteristiques raquo ou laquo meacutedecine preacutedictive raquo par laquo examen des caracteacuteristiques

geacuteneacutetiques raquo de la personne Sont ainsi modifieacutes larticle 16-10 du code civil les intituleacutes du

titre III du livre I de la premiegravere partie du code de la santeacute publique et la section 6 du chapitre

IV du titre II du code peacutenal

Deux raisons militaient en faveur de ce changement dune part la notion de meacutedecine

preacutedictive eacutetait trop eacutetroite car elle nautorisait pas le diagnostic dune maladie deacutejagrave deacuteclareacutee

Dautre part la terminologie preacuteceacutedemment utiliseacutee laquo eacutetude ou examen geacuteneacutetique des

caracteacuteristiques raquo dune personne est apparue trop restrictive Elle ne permettait pas de

garantir la protection de la personne agrave leacutegard dune eacuteventuelle utilisation abusive

dinformations geacuteneacutetiques obtenues agrave loccasion dinvestigations meacutedicales diverses non

speacutecifiquement geacuteneacutetiques comme par exemple une biopsie musculaire chez un myopathe de

Duchecircne leacutelectroforegravese de lheacutemoglobine pour le diagnostic de la dreacutepanocytose ou des

thalasseacutemies ou encore de lHLA 27 (selon le rapport de F Giraud Commission des Affaires

sociales Seacutenat 1re lecture ndeg 128 du 15 janv 2003 [2002-2003])

Le terme retenu agrave larticle 4 de loi vise agrave encadrer lensemble des examens de caractegravere

geacuteneacutetique et apparaicirct plus adapteacute agrave lobjectif de lencadrement fixeacute Une telle harmonisation

des terminologies utiliseacutees vient ainsi assurer la coheacuterence des pratiques

La loi a eacutegalement deacutecideacute de sanctionner peacutenalement outre le fait de proceacuteder agrave un examen

des caracteacuteristiques geacuteneacutetiques dune personne sans avoir recueilli preacutealablement son

consentement le fait de proceacuteder agrave un tel examen agrave des fins autres que meacutedicales ou de

recherche scientifique Les sanctions preacutevues agrave larticle 226-25 du code peacutenal demeurent

inchangeacutees un an demprisonnement et 15 000 euros damende

2 La loi ndeg 2004-800 du 6 aoucirct 2004 (art 5) met en exergue limportance accordeacutee agrave la

volonteacute en matiegravere dexamen des caracteacuteristiques geacuteneacutetiques dune personne la loi vient

compleacuteter la reacutedaction de larticle 16-10 alineacutea 2 en posant lexigence dun consentement

mieux encadreacute quauparavant et elle en organise ses modaliteacutes recueil du consentement

expregraves par eacutecrit reacutevocable sans forme agrave tout moment et eacuteclaireacute puisque la personne doit ecirctre

laquo ducircment informeacutee de sa nature et de sa finaliteacute lobligation dinformation devenant une des

conditions du recueil du consentement raquo (D Thouvenin La loi relative agrave la bioeacutethique ou

comment accroicirctre laccegraves aux eacuteleacutements biologiques dorigine humaine D 2005 Chron p

116 et p 172) La loi preacutevoit un nouvel article L 1131-1 au code de la santeacute publique qui

renvoie agrave ces dispositions preacuteciteacutees du code civil

3 La loi ndeg 2004-800 du 6 aoucirct 2004 (art 6) organise le reacutegime juridique des collections

deacutechantillons biologiques humains et des recherches geacuteneacutetiques mises en oeuvre agrave partir de

ces collections Cet article vise agrave concilier les droits des personnes preacuteleveacutees avec la neacutecessiteacute

12

de ne pas alourdir la tacircche des chercheurs dans des secteurs jugeacutes prometteurs Larticle L

1131-4 du code de la santeacute publique rappelle que la constitution et lutilisation de collections

deacutechantillons biologiques humains agrave des fins de recherche geacuteneacutetique relegravevent des dispositions

relatives agrave la conservation et agrave lutilisation des eacuteleacutements et produits du corps humain agrave des fins

de recherche scientifique et non des dispositions reacutegissant les recherches biomeacutedicales (telles

quissues de la loi Huriet)

4 Cest ensuite une protection renforceacutee agrave leacutegard des risques de discrimination lieacutes agrave la

reacutealisation de tests geacuteneacutetiques qui se voit affirmeacutee dans deux types de recommandations lune

europeacuteenne (Recommandations sur les implications des tests geacuteneacutetiques Office des

publications officielles des Communauteacutes europeacuteennes Bruxelles mai 2004) lautre

internationale (Elaboration de la Deacuteclaration relative agrave des normes universelles en matiegravere de

bioeacutethique quatriegraveme eacutebauche de texte CIB UNESCO 15 deacutec 2004)

Le principe de non-discrimination en raison des caracteacuteristiques geacuteneacutetiques avait deacutejagrave eacuteteacute

inscrit agrave larticle 16-13 du code civil lors de la loi ndeg 2002-303 du 4 mars 2002 et il figure

eacutegalement dans la plupart des textes internationaux consacreacutes agrave ce sujet la Convention

dOviedo la Deacuteclaration universelle sur le geacutenome humain ainsi que la Charte des droits

fondamentaux de lUnion europeacuteenne

b) La prise en compte de linteacuterecirct du tiers

Larticle L 1131-1 alineacuteas 3 4 et 5 du code de la santeacute publique issu de la loi du 6 aoucirct 2004

envisage linteacuterecirct de la famille agrave propos dun test geacuteneacutetique reacutealiseacute sur une personne et traite de

linformation geacuteneacutetique familiale A la suite dun test geacuteneacutetique reacuteveacutelant une anomalie

geacuteneacutetique pouvant entraicircner chez les autres membres de la famille le deacuteveloppement dune

mecircme pathologie la personne concerneacutee ou le meacutedecin ont-ils une obligation dans linteacuterecirct

des tiers den informer la famille Doit-on envisager une simple obligation morale ou la

responsabiliteacute du patient qui par son silence aurait empecirccheacute deacuteviter lapparition dune telle

maladie

Cette interrogation sinscrit dans le deacutebat contemporain qui se deacuteveloppe progressivement sur

linteacuterecirct du tiers qui pourrait lemporter sur linteacuterecirct de la personne elle-mecircme

Ce problegraveme a eacuteteacute souleveacute lors des travaux parlementaires devant le Seacutenat en premiegravere lecture

agrave loccasion de laudition du Professeur A Munnich (chef du service de geacuteneacutetique meacutedicale de

lhocircpital Necker - Enfants malades directeur de recherche agrave INSERM) devant la Commission

des Affaires sociales le 4 deacutecembre 2002 Celui-ci suggeacuterait de reacutefleacutechir aux implications du

secret meacutedical sur la santeacute des membres de la famille dune personne atteinte dune affection

geacuteneacutetique

La prise en compte de linteacuterecirct du tiers avait deacutejagrave eacuteteacute eacutevoqueacutee avec prudence dans un avis du

Comiteacute consultatif national deacutethique (avis ndeg 70 du 13 deacutec 2001 laquo Consentement en faveur

dun tiers raquo) Le consentement en faveur ou au profit dun tiers met en jeu et parfois en

concurrence plusieurs principes lautonomie de la personne la bienfaisance agrave leacutegard du

tiers et la solidariteacute Lavis ndeg 70 rappelait que le deacutepistage envisageacute peut concerner le sujet

index mais eacutegalement dautres personnes les diffeacuterents laquo tiers raquo viseacutes dans lavis cest le cas

de certaines maladies infectieuses transmissibles et geacuteneacutetiques La deacutecouverte dun portage

infectieux chez une personne peut avoir des conseacutequences directes sur lopportuniteacute dun

deacutepistage effectueacute chez une autre personne qui aurait eacuteteacute exposeacutee Il en est ainsi par exemple

en cas de viol ou dexposition dun soignant agrave une contamination par le sang

13

La transmission des donneacutees geacuteneacutetiques dune personne au beacuteneacutefice dun tiers dont la parenteacute

biologique avec le sujet est eacutetablie peut ecirctre solliciteacutee dans un cas plus geacuteneacuteral en vue de

lobtention dinformations geacuteneacutetiques familiales compleacutementaires pour avoir une

caracteacuterisation preacutecise des anomalies voire la recherche systeacutematique de mutation dans une

famille agrave partir dun cas princeps afin de mettre en eacutevidence un risque geacuteneacutetique susceptible

decirctre preacutevenu ou non Lavis ndeg 70 du 13 deacutecembre 2001 soulignait que linteacuterecirct du tiers peut

ecirctre la connaissance de son statut par rapport agrave cette anomalie geacuteneacutetique la possibiliteacute lui

eacutetant donneacutee de pouvoir entreprendre une surveillance preacuteventive ou de se soumettre agrave une

theacuterapeutique dans un but curatif ou encore de choisir de ne pas la transmettre agrave sa

descendance

A loccasion de la reacutevision des lois de bioeacutethique le Comiteacute consultatif national deacutethique fut

solliciteacute par le ministre de la Santeacute sur lopportuniteacute dinscrire dans la loi la notion

dinformation geacuteneacutetique familiale doit-on envisager lobligation pour une personne

dinformer son entourage familial si a eacuteteacute deacutecouverte chez elle une preacutedisposition ou

lexistence dune maladie geacuteneacutetique grave pouvant faire lobjet pour les autres membres de la

famille dun traitement etou dune preacutevention efficaces Lavis ndeg 76 rendu le 24 avril 2003

laquo A propos de lobligation dinformation geacuteneacutetique familiale en cas de neacutecessiteacute meacutedicale raquo

privileacutegiait le maintien du secret meacutedical

Les donneacutees geacuteneacutetiques personnelles beacuteneacuteficient dune double protection donneacutees de santeacute

elles sont couvertes par le secret meacutedical et faisant partie de la sphegravere dintimiteacute de chaque

individu elles sont proteacutegeacutees au mecircme titre que toutes les donneacutees agrave caractegravere personnel par

le droit au respect de la vie priveacutee inscrit au code civil

Le nouvel article L 1131-1 du code de la santeacute publique issu de larticle 5 de la loi du 6 aoucirct

2004 sinscrit au contraire dans un mouvement favorable agrave une supreacutematie de la notion de laquo

solidariteacute normative raquo sur lintangibiliteacute du droit agrave lintimiteacute Dans le cas dune anomalie

geacuteneacutetique grave en cas de diagnostic poseacute lors de lexamen des caracteacuteristiques geacuteneacutetiques

dune personne le meacutedecin se doit dinformer celle-ci des risques que son silence ferait courir

aux membres de sa famille dans les cas ougrave des mesures de preacutevention ou de soins peuvent ecirctre

proposeacutees agrave ceux-ci Le texte preacutevoit une alternative laisseacutee agrave la personne concerneacutee soit elle

informe elle-mecircme les membres de sa famille soit elle opte pour la proceacutedure de

linformation meacutedicale agrave caractegravere familial expliciteacutee agrave larticle L 1131-1 du code de la santeacute

publique Les formaliteacutes de la transmission de linformation sont clairement deacutefinies Le

patient qui refuse agrave la fois de preacutevenir les membres de sa famille et de souscrire agrave la proceacutedure

de linformation meacutedicale agrave caractegravere familial ne va-t-il pas engager sa responsabiliteacute (V J-

R Binet La loi relative agrave la bioeacutethique Dr fam oct 2004 6 s)

2 - Donneacutees de santeacute

()

B - Les empreintes geacuteneacutetiques

Les empreintes geacuteneacutetiques moyen didentification des personnes font lobjet dun

encadrement speacutecifique selon le domaine viseacute civil ou peacutenal

1 - En matiegravere civile

1 Lidentification dune personne par ses empreintes geacuteneacutetiques est autoriseacutee par la loi agrave titre

de preuve judiciaire en matiegravere civile elle peut ecirctre ordonneacutee par le juge comme mesure

dinstruction dans certains procegraves mettant en jeu des actions relatives agrave la filiation ou des

14

actions agrave fins de subsides sous reacuteserve du recueil preacutealable expregraves du consentement de

linteacuteresseacute

Une deacutecision de la Cour dappel dAgen du 25 mars 2004 est rendue en application de larticle

16-11 alineacutea 2 du code civil dans le cadre dune action agrave fins de subsides La cour retient que

laquo sil ne peut ecirctre contesteacute que chacun a le droit au respect de son inteacutegriteacute physique larticle

16-11 du code civil preacutevoit expresseacutement lidentification dune personne au moyen de

lempreinte geacuteneacutetique [] raquo A deacutefaut davoir pu obtenir le consentement du deacutefendeur rendu

obligatoire par le mecircme texte la cour retient que si laquo les premiers juges deacutecidaient ainsi

justement que sil ne pouvait pas ecirctre fait grief agrave B de refuser une telle mesure leacutegale il

pouvait ecirctre tireacute toutes les conseacutequences de ce refus [] raquo La solution retenue est classique

Elle vient reacuteaffirmer le poids reconnu au recueil du consentement en matiegravere de respect du

corps humain et de linteacutegriteacute physique cette mesure ne peut ecirctre exeacutecuteacutee de force ou sous

astreinte En cas de refus le reacutegime geacuteneacuteral des mesures dinstruction est applicable en vertu

de larticle 11 alineacutea 1er et 198 du nouveau code de proceacutedure civile

Quen est-il du consentement sagissant de la demande de preacutelegravevement post-mortem

Le deuxiegraveme alineacutea de larticle 16-11 du code civil a eacuteteacute modifieacute par la loi du 6 aoucirct 2004

pour interdire toute identification post-mortem par empreintes geacuteneacutetiques en matiegravere civile

sauf accord expregraves manifesteacute de son vivant par la personne deacuteceacutedeacutee

Cette disposition destineacutee agrave renforcer la prise en compte de la volonteacute de la personne vient

mettre un terme agrave la question du preacutelegravevement post-mortem ordonneacute par une mesure judiciaire

dans le silence de la loi de 1994 la doctrine et la jurisprudence eacutetaient diviseacutees sur

linterpreacutetation agrave donner agrave lancien article 16-11 du code civil que laffaire Montand avait

meacutediatiseacute

Selon une premiegravere approche la reacutedaction de larticle 16-11 exigeait le consentement

preacutealable de la personne concerneacutee et ne pouvait sappliquer degraves lors agrave un deacutefunt le respect

ducirc aux morts sy opposait (CA Paris 17 deacutec 1998 D 1999 Jur p 476 note B Beignier 6

nov 1997 D 1998 Jur p 122 note P Malaurie Somm p 161 obs H Gaumont-Prat P

Malaurie et H Fulchiron Defreacutenois 2004 ndeg 821 p 333)

Selon une seconde approche lobligation de consentir fixeacute par larticle 16-11 ne concernait

que les vivants et il appartenait aux tribunaux den appreacutecier lopportuniteacute sagissant des

personnes deacuteceacutedeacutees (P Catala La jeune fille et le mort Dr fam 1997 Chron ndeg 12 J

Massip Defreacutenois 2002 art 37478)

2 Le juge des reacutefeacutereacutes peut-il ordonner une mesure dinstruction sur le fondement de larticle

145 du nouveau code de proceacutedure civile

Il a deacutejagrave eacuteteacute jugeacute que le juge des reacutefeacutereacutes ne peut sur le fondement de larticle 145 du nouveau

code de proceacutedure civile ordonner une mesure dinstruction tendant agrave lidentification dune

personne par ses empreintes geacuteneacutetiques mecircme avec laccord des parties (TGI Toulouse 25

janv 1995 Gaz Pal 1995 2 p 361 note Olivier CA Riom 19 juin 1997 D 1999 Somm

p 333 obs H Gaumont-Prat)

Avant le vote des lois de bioeacutethique de 1994 en matiegravere de filiation la Cour de cassation

(Cass 1re civ 4 mai 1994 Bull civ I ndeg 159 D 1994 Jur p 545 note J Massip D

1995 Somm p 113 obs F Granet-Lambrechts ) avait admis la possibiliteacute de recourir au

15

reacutefeacutereacute probatoire in futurum preacutevu agrave larticle 145 du nouveau code de proceacutedure civile pour

une expertise sanguine ou geacuteneacutetique degraves lors que se trouvaient respecteacutees les conditions

poseacutees par le texte (absence de procegraves au fond motif leacutegitime recherche ou conservation des

preuves) En lespegravece le demandeur faisait eacutetat de son inteacuterecirct leacutegitime en vue dappreacutecier les

chances de succegraves dune action en contestation de paterniteacute quil souhaitait intenter et

soulignait le risque de deacutepeacuterissement des preuves

Depuis 1994 la leacutegaliteacute dune mesure dinstruction destineacutee agrave eacutetablir la reacutealiteacute biologique de la

filiation gracircce aux empreintes geacuteneacutetiques est soumise agrave certaines conditions larticle 16-11

du code civil issu des lois bioeacutethiques de juillet 1994 se montre plus restrictif et pose

lexigence que la mesure dinstruction soit ordonneacutee par laquo le juge saisi dune action tendant

soit agrave leacutetablissement ou la contestation [] raquo formulation qui semble exclure de ce domaine

la proceacutedure de reacutefeacutereacute car seule une action au fond permettrait au juge dordonner une telle

mesure

Une deacutecision de la Cour dappel de Montpellier rappelle cette diffeacuterence de reacutegime pour

ordonner lexpertise biologique solliciteacutee dans le cadre dune action en reacutefeacutereacute aux motifs que laquo

la mesure dexpertise ne peut porter que sur des preacutelegravevements sanguins et non sur des

empreintes geacuteneacutetiques ces derniegraveres ne pouvant ecirctre ordonneacutees que par le seul juge saisi de

laction conformeacutement agrave larticle 16-11 du code civil raquo

Sachant que lexamen compareacute des sangs permet de donner des reacutesultats relativement fiables

en matiegravere de filiation au moins agrave titre indicatif permettant dappreacutecier les chances de succegraves

dune action en contestation ou en eacutetablissement de paterniteacute on peut degraves lors sinterroger sur

la peacuterenniteacute de cette dualiteacute de reacutegime Ne conviendrait-il pas de modifier les imperfections

reacutedactionnelles de larticle 16-11 alineacutea 2 pour autoriser eacutegalement le recours agrave la proceacutedure

de reacutefeacutereacute

3 La loi ndeg 2004-800 du 6 aoucirct 2004 (art 5) a modifieacute les conditions de lidentification dune

personne par ses empreintes geacuteneacutetiques agrave des fins meacutedicales ou de recherche scientifique

Comme pour lexamen des caracteacuteristiques geacuteneacutetiques agrave larticle 2 il sagit de garantir un

reacutegime du consentement plus protecteur pour les personnes et le texte reprend en partie la

teneur de larticle 16-10 en matiegravere dexamen des caracteacuteristiques geacuteneacutetiques recueil du

consentement expregraves par eacutecrit et preacutealable agrave la reacutealisation de lidentification reacutevocable sans

forme et agrave tout moment consentement eacuteclaireacute par lexigence de la communication de sa

finaliteacute

Le renforcement des droits de la personne saccompagne dun dispositif relatif aux conditions

dagreacutement aux fins de proceacuteder agrave lidentification dune personne agrave des fins meacutedicales ou agrave des

fins de recherche scientifique fixeacute par larticle L 1131-3 issu de la loi du 6 mai 2004

De la mecircme faccedilon un encadrement strict des conditions dagreacutement en matiegravere judiciaire est

mis en place avec le deacutecret ndeg 2004-471 du 25 mai 2004 qui vient modifier le deacutecret ndeg 97-

109 du 6 feacutevrier 1997 relatif aux conditions dagreacutement des personnes habiliteacutees agrave proceacuteder agrave

des identifications par empreintes geacuteneacutetiques dans le cadre dune proceacutedure judiciaire

1 - En matiegravere peacutenale

Un arrecirct de la Chambre criminelle de la Cour de cassation (22 juin 2004 Bull crim ndeg 164)

vient preacuteciser lapplication de larticle 706-56 du code de proceacutedure peacutenale issu de la loi ndeg

2001-1062 du 15 novembre 2001 (art 56 JO du 16 nov 2001) modifieacutee ensuite par la loi ndeg

2003-239 du 18 mars 2003 (art 29 JO du 19 mars 2003) et par la loi ndeg 2004-204 du 9 mars

16

2004 (art 49 JO du 10 mars 2004) en matiegravere dempreintes geacuteneacutetiques aux fins

didentification en matiegravere peacutenale Ce texte preacutevoit que le fait pour une personne

deacutefinitivement condamneacutee pour une des infractions viseacutees agrave larticle 706-55 de refuser de se

soumettre agrave un preacutelegravevement biologique destineacute agrave permettre lanalyse didentification de son

empreinte geacuteneacutetique est passible de sanctions peacutenales En lespegravece un homme condamneacute pour

viol avait refuseacute de se soumettre agrave un preacutelegravevement biologique en vue de son inscription au

fichier des empreintes geacuteneacutetiques et preacutetendait que le texte susviseacute ne sappliquait quaux

personnes deacutefinitivement condamneacutees apregraves son entreacutee en vigueur La cour dappel ne suit pas

cette argumentation et la Cour de cassation rejette le pourvoi aux motifs que ce texte

dapplication immeacutediate concerne toutes les personnes dont un preacutelegravevement est requis mecircme

si la condamnation est anteacuterieure agrave la loi

Les mesures viseacutees par ce texte sinscrivent dans la mise en place et le fonctionnement du

FNAEG le fichier national automatiseacute des empreintes geacuteneacutetiques destineacute notamment agrave

conserver dans un traitement automatiseacute les empreintes geacuteneacutetiques de lensemble des

personnes condamneacutees pour infractions sexuelles (Circ CRIM 00-8 F1 du 10 oct 2000 et

CRIM 01-15 E6 du 20 juill 2001) Un deacutecret ndeg 2004-470 du 25 mai 2004 modifiant le code

de proceacutedure peacutenale (2e partie deacutecrets en Conseil dEtat) relatif au fichier national

automatiseacute des empreintes geacuteneacutetiques vient compleacuteter le dispositif

C - Limage du corps

Limage du corps ou lapparence corporelle est classiquement proteacutegeacutee par le droit agrave limage

deacutecoulant de larticle 9 du code civil consacrant le droit au respect de la vie priveacutee et qualifieacute

de droit de la personnaliteacute (P Kayser in Meacutelanges Roubier p 73 T Hassler note sous TGI

Paris 15 avr 1987 D 1987 Jur p 551 F Dessemontet Le droit agrave sa propre image droit de

la personnaliteacute ou droit de la publiciteacute Meacutelanges en lhonneur de J-M Grossen) Cest le

droit pour toute personne dinterdire aux tiers la reproduction et la publication de son image

Limage du corps peut ecirctre appreacutehendeacutee de maniegravere plus originale par le recours agrave larticle 16

comme sinscrivant dans le domaine du droit au respect du corps humain et essentiellement

dans celui du respect de la digniteacute de la personne humaine On observe que le principe du

droit au respect du corps est proclameacute par le leacutegislateur en des termes semblables agrave ceux de

larticle 9 du code civil visant le respect de la vie priveacutee Il est vrai que laquo corps et vie priveacutee

repreacutesentent les deux faces de lintimiteacute dune personne raquo (J-C Galloux Le corps humain

dans le code civil in 1804-2004 Le code civil Un passeacute un preacutesent un avenir Dalloz 2004

p 381) Le recours agrave la notion de digniteacute de la personne humaine a eacuteteacute solliciteacute degraves 2001 dans

laffaire du preacutefet Erignac pour sanctionner la reproduction dans la presse de limage de son

cadavre (Cass 1re civ 20 deacutec 2000 J-P Gridel Retour sur limage du preacutefet assassineacute

digniteacute de la personne humaine et liberteacute de linformation dactualiteacute D 2001 Chron p 872

Jur p 885 Somm p 1990 obs A Lepage RTD civ 2001 p 329 obs J Hauser JCP

2001 II 10488 note J Ravanas)

1 Une deacutecision de la Cour dappel de Paris (1re ch B 23 sept 2004) consacre cette solution

en retenant que la liberteacute dexpression eacutetant une liberteacute fondamentale agrave valeur

constitutionnelle proteacutegeacutee par la Convention europeacuteenne des droits de lhomme et la

Deacuteclaration des droits de lhomme et du citoyen ses abus peuvent seulement ecirctre poursuivis

au nom dautres principes agrave valeur constitutionnelle comme le droit agrave reacuteparation de tout

preacutejudice subi ou la protection de la digniteacute de lhomme preacutevue par larticle 16 du code civil

2 Une deacutecision de la deuxiegraveme Chambre civile de la Cour de cassation (4 nov 2004) vient

confirmer cette dualiteacute Il sagissait en lespegravece dune photographie dun jeune homme de 17

17

ans gisant inanimeacute et agrave demi deacutevecirctu le visage ensanglanteacute victime dun accident de la

circulation alors quil pilotait un scooter Le clicheacute avait eacuteteacute pris par un hebdomadaire agrave grand

tirage pour illustrer un article intituleacute laquo Routes la guerre oublieacutee raquo consacreacute aux accidents de

la route

Les parents de ladolescent deacuteceacutedeacute des suites de laccident avaient assigneacute la socieacuteteacute eacuteditrice

de lhebdomadaire en reacuteparation arguant dune atteinte agrave la digniteacute de la personne ainsi

repreacutesenteacutee Les juges du fond avaient fait droit agrave la demande aux motifs que la liberteacute

dinformer revendiqueacutee par leacutediteur ne devait pas preacutevaloir sur le respect des droits de

lindividu sagissant dun article consacreacute agrave un pheacutenomegravene de socieacuteteacute La jurisprudence en la

matiegravere consacre en effet la liberteacute de communication des informations ainsi que la

publication dimages de personnes impliqueacutees dans un eacuteveacutenement sagissant deacuteveacutenements

dactualiteacute voire mecircme de faits dactualiteacute (Cass 2e civ 30 juin 2004 D 2004 IR p 2478

JCP 2004 II 10160 note D Bakouche) sous la seule reacuteserve du respect de la digniteacute

humaine (not absence de recherche du sensationnel et toute indeacutecence Cass 1re civ 20

feacutevr 2001 D 2001 Jur p 1199 note J-P Gridel Somm p 1990 obs A Lepage RTD civ

2001 p 329 note J Hauser Dr et patrimoine juin 2001 p 96 note G Loiseau 12 juill

2001 D 2002 Jur p 1380 note C Bigot Somm p 2298 obs L Marino RTD civ 2001

p 852 obs J Hauser JCP 2002 II ndeg 10152 note J Ravanas) Les diffeacuterentes deacutecisions

sont rendues au regard de latteinte agrave la vie priveacutee et du droit agrave limage sur le fondement de

larticle 9 (Cass 2e civ 5 mars 1997 D 1998 Jur p 474 note J Ravanas RTD civ 1997

p 396 obs J Hauser CA Versailles 31 janv 2002 Bull inf C cass 1er oct 2002 ndeg 983

D 2003 Somm p 1533 obs C Caron) voire sur le fondement de larticle 10 de la

Convention europeacuteenne des droits de lhomme (CEDH 3e sect 26 feacutevr 2002 Krone Verlag

c Austria req ndeg 34315)

Dans larrecirct susviseacute la Cour de cassation casse la deacutecision au visa des articles 10 de la

Convention europeacuteenne 9 et 16 du code civil Rappelant que laquo le principe de la liberteacute de la

presse implique le libre choix des illustrations dun deacutebat geacuteneacuteral de pheacutenomegravene de socieacuteteacute

sous la seule reacuteserve du respect de la digniteacute de la personne humaine [] raquo elle reproche agrave la

cour dappel de ne pas avoir laquo caracteacuteriseacute latteinte porteacutee par celle-ci [la photographie

litigieuse] agrave la digniteacute de la victime [] raquo

Le recours agrave larticle 16 du code civil selon lequel laquo la loi interdit toute atteinte agrave la digniteacute raquo

de la personne teacutemoigne de la proximiteacute des notions dimage (traditionnellement inscrite dans

le droit au respect de la vie priveacutee) et dapparence corporelle dont on perccediloit le lien avec la

notion de droit au respect du corps humain gouverneacute par larticle 16-1 prolongeant la

protection plus geacuteneacuterale fondeacutee sur la digniteacute inscrite agrave larticle 16 du code civil Nexiste-t-il

pas degraves lors une veacuteritable attraction de ces deux regravegles Les deux protections coexistent se

complegravetent et devraient favoriser le renforcement de la protection de limage de la personne

II - Le corps ses eacuteleacutements et ses produits

A - Regravegles geacuteneacuterales relatives au statut du corps humain

A leacutepoque contemporaine le corps humain devient de plus en plus un lieu de conflits

Conflits entre des normes juridiques de valeur comparable - autonomie de la volonteacute contre

solidariteacute sociale digniteacute des personnes contre liberteacute de la science - mais eacutegalement et de

maniegravere plus fondamentale conflits susciteacutes par des approches philosophiques et morales

diffeacuterentes sinon opposeacutees du corps humain Approches judeacuteo-chreacutetiennes qui le sacralisent

en linscrivant dans le mystegravere de lincarnation mateacuterialistes qui en nient la transcendance

utilitaristes precirctes agrave le sacrifier pour le bien-ecirctre collectif libertaires ou heacutedonistes qui

exaltent la liberteacute de lindividu agrave lencontre des contingences biologiques ou nen font que

18

linstrument de satisfaction des deacutesirs Le droit biomeacutedical se ressent de ces laquo oscillations de

la morale raquo (J Carbonnier Droit et passion du droit sous la Ve Reacutepublique Flammarion

1996 p 116) au risque de perdre peu agrave peu sa coheacuterence En teacutemoigne lapplication parfois

heacutesitante parfois jupiteacuterienne et souvent gecircneacutee des principes geacuteneacuteraux qui gouvernent le

statut du corps humain la protection de linteacutegriteacute corporelle et surtout lindisponibiliteacute ou

lextra-commercialiteacute du corps

1 - Protection de linteacutegriteacute corporelle

1 La loi du 6 aoucirct 2004 a modifieacute larticle 16-3 du code civil en ajoutant agrave la neacutecessiteacute laquo

meacutedicale raquo justifiant latteinte agrave linteacutegriteacute corporelle laquo agrave titre exceptionnel dans linteacuterecirct

theacuterapeutique dautrui raquo (art 9) Cette nouvelle extension de laccegraves aux ressources

biologiques corporelles au deacutetriment des droits de lindividu sur son corps (la premiegravere a eacuteteacute

consacreacutee par la loi ndeg 99-641 du 27 juill 1999 art 70 qui avait deacutejagrave substitueacute au terme laquo

theacuterapeutique raquo celui de laquo meacutedicale raquo afin de contrer linterpreacutetation neacutecessairement eacutetroite

quen avait fait la Cour de cassation dans son avis du 6 juill 1998 [D 1998 IR p 208 RTD

civ 1998 p 881 obs J Hauser] consideacuterant contraires agrave lart 16-3 les atteintes agrave linteacutegriteacute

du corps meneacutees agrave des fins purement contraceptives comme la ligature des trompes de Fallope

de telles atteintes sont deacutesormais licites car obeacuteissant agrave une finaliteacute meacutedicale mecircme si elles

tendent plus agrave preacutevenir ou agrave gueacuterir une maladie une grossesse neacutetant par elle-mecircme une

maladie) a davantage pour but dharmoniser les dispositions du code civil et celles du code de

la santeacute publique les preacutelegravevements reacutealiseacutes aux fins de greffes sur autrui ne pouvaient

certainement pas entrer dans les preacutevisions du texte dans sa reacutedaction anteacuteceacutedente Avec

lextension continue de la cateacutegorie des donneurs vivants (afin de pallier le deacuteficit chronique

de greffons en France cf infra) cette disposition est promise agrave un bel avenir (JOAN CR 2e

seacuteance 16 janv 2002)

2 Le titre III de la loi du 6 aoucirct 2004 apporte par ailleurs des modifications importantes agrave

larchitecture des preacutelegravevements deacuteleacutements du corps humain et par voie de conseacutequence aux

conditions dans lesquelles il peut ecirctre porteacute atteinte agrave linteacutegriteacute corporelle des donneurs

- lacte de preacutelegravevement est deacutesormais qualifieacute dlaquo acte de soin raquo au sens des articles L 1142-1

et suivants du code de la santeacute publique relatifs aux risques sanitaires reacutesultant du

fonctionnement du systegraveme de santeacute issus de la loi du 4 mars 2002 ce qui devrait ameacuteliorer

lindemnisation des victimes en cas daccident lors du preacutelegravevement

- le cercle des donneurs est eacutelargi (art L 1231-1 al 1er c santeacute publ)

- les modaliteacutes de recueil du consentement sont renforceacutees (mecircme art al 3)

- les finaliteacutes des preacutelegravevements sont mieux deacutefinies (par ex pour le sang art L 1211-8-1 c

santeacute publ) le patient pouvant controcircler une nouvelle utilisation des eacuteleacutements preacuteleveacutes

initialement pour dautres buts (not art L 1241-1 c santeacute publ) Les patients peuvent

eacutegalement sopposer agrave lutilisation des produits dexeacuteregravese et du placenta (art L 1235-2 et

1245-2 c santeacute publ) Pour les preacutelegravevements sur personne deacuteceacutedeacutee la regravegle mal veacutecue et

contourneacutee du consentement est ameacutelioreacutee obligeant le meacutedecin agrave recueillir aupregraves de ses

proches une eacuteventuelle opposition exprimeacutee par le deacutefunt de son vivant (art L 1232-1 c

santeacute publ) les proches se voyant reconnaicirctre le droit de connaicirctre les preacutelegravevements effectueacutes

3 Nonobstant les appels aux dons la peacutenurie de greffons saggrave en France selon

lEtablissement franccedilais des greffes qui constate une baisse des preacutelegravevements dorganes

(communiqueacute du 8 avr 2004) ce qui conduit lAcadeacutemie de meacutedecine agrave reacuteclamer de

19

nouvelles modifications reacuteglementaires afin dassouplir les regravegles de seacutelection des donneurs

(communiqueacute du 11 mai 2004) Cette situation ne doit toutefois pas conduire agrave des

discriminations ignoreacutees de la reacuteglementation sanitaire et contraires agrave notre tradition juridique

larrecirct du Conseil dEtat du 30 avril 2004 sen fait leacutecho En lespegravece un ressortissant

marocain en situation irreacuteguliegravere atteint dune grave insuffisance reacutenale chronique et inscrit

sur la liste des receveurs de greffes dorganes en vue dune transplantation reacutenale se voit

notifier une mesure de reconduite agrave la frontiegravere sur le fondement de larticle 25 de

lordonnance du 2 novembre 1945 Larrecircteacute deacutecidant cette reconduite est annuleacute comme

entacheacute dune erreur manifeste dappreacuteciation des conseacutequences de cet arrecircteacute sur la situation

personnelle de linteacuteresseacute car il ne pouvait pas beacuteneacuteficier dune opeacuteration de transplantation

dans son pays dorigine Peut-on voir dans cette solution tregraves humaine une application preacutecoce

du principe nouvellement inscrit dans le nouvel article L 1231-1 A c) du code de la santeacute

publique qui impose le respect du principe deacutequiteacute dans les regravegles de reacutepartition et

dattribution des greffons

4 La question des soins imposeacutes suscite toujours des questions deacutelicates autant sur un plan

humain quun plan juridique Le droit pour le patient majeur de donner lorsquil se trouve en

leacutetat de lexprimer son consentement agrave un traitement meacutedical comme le rappelle lalineacutea 2 de

larticle 16-3 revecirct le caractegravere dune liberteacute fondamentale (CE ord reacutef 16 aoucirct 2002 D

2004 Somm p 602 obs J Penneau RTD civ 2002 p 781 obs J Hauser) Larticle L

1111-4 du code de la santeacute publique tel quissu de la loi du 4 mars 2002 sur le droit des

malades prescrit que le pouvoir de deacutecision sexerce avec le professionnel de santeacute compte

tenu des informations et des preacuteconisations quil lui fournit le meacutedecin ne dispose plus

deacutesormais que dun pouvoir de conseil qui lui interdit de passer outre la volonteacute du patient

mecircme en cas durgence vitale Le meacutedecin doit respecter la volonteacute de la personne apregraves

lavoir informeacutee des conseacutequences de ses choix (il nest dailleurs pas obligeacute de la convaincre

Cass 1re civ 18 janv 2000 D 2001 Jur p 3559 note M-L Mathieu-Izorche) aucun acte

ni aucun traitement ne peut ecirctre pratiqueacute sans le consentement libre et eacuteclaireacute de la personne

consentement quelle peut retirer agrave tout moment Toutefois parmi les soins imposeacutes les

obligations de vaccination tiennent une place particuliegravere Bien accepteacutees par le public

lorsquelles furent introduites pour lutter contre des eacutepideacutemies dont chacun pouvait mesurer

autour de soi les effets deacutevastateurs (la premiegravere vaccination obligatoire remonte agrave la loi du 15

feacutevr 1902 F Moderne Le reacutegime juridique des vaccinations obligatoires AJDA 1965 p

195) ces mesures autoritaires encore nombreuses (contre la diphteacuterie art L 3111-1 c santeacute

publ le teacutetanos art L 3111-2 c santeacute publ la poliomyeacutelite art L 3111-3 c santeacute publ

la tuberculose art L 3111-4 c santeacute publ) sont aujourdhui contesteacutees au nom de la liberteacute

individuelle alors que ces grandes pandeacutemies ont peu agrave peu replieacute leurs ailes de mort sur

notre pays du moins Dans un arrecirct dAssembleacutee du 3 mars 2004 (Association Liberteacute

Information Santeacute RFDA 2004 p 581 concl comm du gouv G Le Chatelier AJDA

2004 p 971) le Conseil dEtat a eu loccasion de preacuteciser les pouvoirs reacuteglementaires dont

peut disposer le ministre de la Deacutefense pour imposer certaines vaccinations obligatoires

contrairement aux conclusions du commissaire du gouvernement il a admis que le ministre de

la Deacutefense en tant que chef de service peut imposer des vaccinations aux militaires placeacutes

sous son autoriteacute Si le principe dinteacutegriteacute du corps ne constitue pas en lui-mecircme un principe

agrave valeur constitutionnelle il concourt toutefois agrave assurer le respect du principe constitutionnel

de sauvegarde de la digniteacute de la personne humaine (Cons const 27 juill 1994 RJC p 100

B Edelman Le Conseil constitutionnel et lembryon D 1995 Chron p 205 Jur p 237 note

B Mathieu Somm p 299 obs L Favoreu) Cette expression essentielle et incarneacutee de la

liberteacute individuelle doit ecirctre concilieacutee avec des impeacuteratifs sociaux de santeacute dont la valeur nest

pas moindre La Haute juridiction administrative avait deacutejagrave eu loccasion de preacuteciser que les

20

dispositions imposant des vaccinations obligatoires si elles ont pour effet de porter une

atteinte limiteacutee aux principes dinviolabiliteacute et dinteacutegriteacute du corps humain voient leur mise en

oeuvre justifieacutee dans le but dassurer la protection de la santeacute dont le principe se trouve garanti

par le Preacuteambule de la Constitution de 1946 et sont proportionneacutees agrave cet objectif (CE 26 nov

2001 ALIS req ndeg 222741 RFDA 2002 p 65 concl comm du gouv S Boissard) Cest

normalement agrave la loi quil revient darbitrer entre ces deux principes Dans une autre affaire

(CA Pau 19 mars 2002 Dr fam 2004 ndeg 137 obs M S) des parents avaient eacuteteacute

condamneacutes agrave des peines contraventionnelles pour avoir soustrait leurs enfants agrave lobligation

vaccinale pour des raisons religieuses Ces deacutecisions ont eacuteteacute rendues alors que la loi du 4 mars

2002 sur le droit des patients neacutetait pas entreacutee en vigueur le renforcement de la liberteacute du

patient serait-elle de nature agrave assouplir les obligations vaccinales La jurisprudence de la

Cour europeacuteenne des droits de lhomme semble aller en ce sens (CEDH 9 juill 2002 ndeg

4219798 Salvetti c Italie une vaccination obligatoire en tant que traitement meacutedical non

volontaire constitue une ingeacuterence dans le droit au respect de la vie priveacutee reconnu par lart 8

sect 1 Conv EDH) Quil nous soit permis deacutemettre des reacuteserves sauf agrave ruiner toute la politique

de preacutevention mise en place par les autoriteacutes sanitaires depuis un siegravecle et dont les effets

salutaires ne sont pas contestables la reacutesistance des juridictions administratives qui sous-tend

larrecirct dAssembleacutee rapporteacute face aux derniers avatars dun certain extreacutemisme libertarien

dont le corps devient le bastion (pour un bon exposeacute de ces thegraveses Onfray Feacuteeacuteriques

anatomiques geacuteneacutealogie du corps faustien Grasset-Fasquelle 2003) montre que lhypothegravese

est ici bien diffeacuterente dun simple refus de soin comme dans le cas des transfusions elles ne

mettent en jeu que la vie du patient (sur cette derniegravere question B Mathieu De la difficulteacute

de choisir entre la liberteacute et la vie RGDM 2003 ndeg 9 p 97 A Garay Volonteacutes et liberteacutes

dans la relation meacutedecin-malade la mise agrave leacutepreuve des articles 16-3 du code civil et L

1111-4 du code de la santeacute publique RGDM 2003 ndeg 10 p 143)

5 Moins sujet agrave deacutebat larrecirct rendu par la Cour europeacuteenne (22 juill 2003 req ndeg 2420994

RD publ 2004 ndeg 3 p 826 note C Picheral) qui condamne la Turquie pour ingeacuterence dans

le droit au respect de la vie priveacutee reconnu par larticle 8 sect 1 de la Convention europeacuteenne

Dans cette affaire la plaignante avait subi un examen gyneacutecologique forceacute destineacute agrave prouver

agrave lissue de sa garde agrave vue quelle navait pas subi de violences sexuelles La Cour europeacuteenne

qui integravegre deacutesormais le respect du corps humain dans la sphegravere de la vie priveacutee fait ici une

application logique de larticle 8 dans la ligne de la jurisprudence preacuteceacutedemment citeacutee

2 - Indisponibiliteacute et extra-patrimonialiteacute du corps humain

6 Le principe dextra-patrimonialiteacute du corps humain se trouve repris par les articles 16-1

alineacutea 3 16-5 et 16-6 du code civil quil est parfois difficile de distinguer du principe

dindisponibiliteacute du corps humain que la jurisprudence fonde sur larticle 1128 du mecircme code

(Cass ass pleacuten 31 mai 1991 D 1991 Jur p 417 rapp Y Chartier note D Thouvenin) Si

la qualification dindisponibiliteacute a eacuteteacute eacutecarteacutee du vocabulaire des lois de 1994 et de 2004

comme par la doctrine dominante pour cause dambiguiumlteacute (D Fenouillet Respect et protection

du corps humain J-Cl civil art 16 agrave 16-12 fasc 12 ndeg 134 s) la jurisprudence y revient

parfois pour affirmer que le corps nest pas une chose dans le commerce Larrecirct de la Cour

dappel de Paris du 16 mai 2003 reacuteforme sur ce point un jugement du Tribunal des affaires de

seacutecuriteacute sociale de Paris du 5 juillet 2001 qui avait agrave tort exoneacutereacute une prostitueacutee du paiement

de la cotisation dallocations familiales des travailleurs indeacutependants au motif quanalyser une

activiteacute sexuelle reacutemuneacutereacutee comme un travail reviendrait agrave admettre que le commerce du

corps humain est leacutegal alors que leacutegaliser ce commerce aboutit agrave nier et agrave rejeter le principe

dindisponibiliteacute du corps humain La cour rappelle agrave bon droit que le commerce des relations

sexuelles nest pas en soi illicite seules eacutetant interdites certaines conditions dexercice de cette

21

activiteacute en tant quelles conduiraient aux infractions de racolage et de proxeacuteneacutetisme Affirmer

que lactiviteacute en cause na aucun lien avec lindisponibiliteacute du corps humain a quelque chose

de surreacutealiste le fait quelle ne soit pas peacutenalement reacuteprimeacutee nempecircche pas le caractegravere

illicite du contrat passeacute entre la prostitueacutee et son client (dans ce sens pour la nulliteacute dune

assurance souscrite par un proxeacutenegravete contre les accidents corporels freacutequents dans ce genre

dactiviteacutes CA Paris 22 janv 1992 Juris-Data ndeg 020308) Reste la justification de la

deacutecision par la relative autonomie du droit des prestations sociales larticle R 241-2 du code

de la seacutecuriteacute sociale vise toutes les activiteacutes non salarieacutees mecircme de caractegravere accessoire La

Chambre sociale de la Cour de cassation a deacutejagrave admis la prostitution au titre de ces activiteacutes

(18 mai 1995 D 1996 Somm p 38 obs X Preacutetot) eacutecarter les activiteacutes de prostitution de

lassiette des cotisations sociales ne serait-ce pas les encourager davantage au risque pour

lEtat de reprendre agrave son compte le ceacutelegravebre adage de Vespasien

7 Nous rappellerons encore larrecirct rendu par la premiegravere Chambre civile le 9 deacutecembre 2003

confirmant le rejet de ladoption pleacuteniegravere par la femme du pegravere dune enfant qui est le fruit

dune convention de megravere porteuse Lamie dun couple steacuterile avait accepteacute en 1987

dabandonner agrave sa naissance sans indication de filiation maternelle lenfant conccedilu des relations

intimes quelle avait eues avec leacutepoux La demanderesse au pourvoi soutenait que lilliceacuteiteacute de

la convention neacutetait pas eacutetablie par la jurisprudence et par la loi au moment des faits et quil

fallait prendre en consideacuteration pour ladoption pleacuteniegravere les douze anneacutees passeacutees par lenfant

aupregraves delle les inteacuterecircts de ce dernier primant la neacutecessiteacute de sanctionner la convention La

Cour de cassation confirmant sa jurisprudence du 31 mai 1991 (preacutec) et du 29 juin 1994 (D

1994 Jur p 581 note Y Chartier) rappelle laquo que la materniteacute pour autrui dont le caractegravere

illicite se deacuteduit des principes geacuteneacuteraux du code civil et aujourdhui de son article 16-7

reacutealise un deacutetournement de linstitution de ladoption que les premiers juges ont agrave bon droit

refuseacute raquo Prudemment la Haute juridiction neacutevoque pas la notion dindisponibiliteacute cet laquo

imaginaire de la doctrine raquo (M Gobert Reacuteflexions sur les sources du droit et les principes

dindisponibiliteacute du corps humain et de leacutetat des personnes RTD civ 1992 p 489) pour se

contenter logiquement de viser larticle 16-7 qui a vocation agrave sappliquer mecircme si le contrat

reste secret la graviteacute du vice initial de la materniteacute pour autrui contaminant toute adoption

ulteacuterieure

8 Le Tribunal administratif dAmiens dans sa deacutecision du 9 mars 2004 fait une application

discutable de la notion dextra-commercialiteacute des eacuteleacutements et des produits du corps humain

dans une hypothegravese ougrave cette qualification ne devait pas jouer Un couple perd ses embryons

congeleacutes in vitro en raison de la deacutefaillance du mateacuteriel de conservation imputable agrave un

eacutetablissement hospitalier Peut-il se preacutevaloir dun preacutejudice indemnisable dans le cadre de

laction en responsabiliteacute quil engage contre cet eacutetablissement La juridiction administrative

saisie admet la responsabiliteacute de la personne publique le mateacuteriel de conservation lui

appartenant eacutetant en cause mais sur la question de la reacuteparation du preacutejudice subi reacutepond de

maniegravere surprenante laquo si les eacutepoux peuvent se preacutevaloir de lexistence dun preacutejudice

mateacuteriel reacutesultant de la perte dovocytes les dispositions de larticle 16-1 du code civil selon

lesquelles le corps humain ses eacuteleacutements et ses produits ne peuvent faire lobjet dun droit

patrimonial sopposent agrave ce quils puissent en demander la reacuteparation en argent raquo et il

poursuit laquo les ovocytes surnumeacuteraires neacutetant pas des personnes ils ne sont pas fondeacutes agrave se

preacutevaloir dun preacutejudice moral reacutesultant selon eux de la perte decirctres chers raquo Le couple se

voit toutefois allouer 10 000 euros de dommages-inteacuterecircts pour les laquo troubles divers raquo dans

leurs conditions dexistence Si les ovocytes ne sont pas eacutevaluables en argent et si leur perte ne

peut donc pas justifier un preacutejudice mateacuteriel il nen va pas de mecircme dun preacutejudice moral

causeacute par leur perte (la perte dun animal domestique le justifie en droit civil ) et surtout le

22

preacutejudice reacutesultant de la perte dune chance de devenir parents pour un couple deacutejagrave acircgeacute et qui

rencontre des difficulteacutes pour procreacuteer degraves lors quaurait pu ecirctre eacutetablie la disparition par

leffet de la faute imputeacutee agrave leacutetablissement hospitalier de leacuteveacutenement favorable la

probabiliteacute de la naissance dun enfant (en droit meacutedical G Meacutemeteau Gaz Pal 1997 2

Doctr p 1367) La juridiction administrative a manqueacute une occasion de faire avancer le droit

biomeacutedical dans une affaire inattendue et hautement symbolique

B - Reacuteglementation des eacuteleacutements et les produits du corps

Prenant appui sur les principes geacuteneacuteraux gouvernant le statut du corps humain le reacutegime

juridique des eacuteleacutements et des produits biologiques dorigine humaine peut toutefois preacutesenter

des particulariteacutes

1 - La greffe de visage

9 Le Comiteacute consultatif national deacutethique dans son avis ndeg 82 du 6 feacutevrier 2004 eacutemet un

avis deacutefavorable au preacutelegravevement du visage dune personne deacuteceacutedeacutee ou en langage meacutedical agrave

lallotransplantation de tissus composites En deacutepit des besoins eacutevidents pour la chirurgie

reconstructive des victimes deacutefigureacutees agrave la suite daccidents ou de suicides manqueacutes le

Comiteacute consultatif considegravere que des obstacles dirimants subsistent actuellement pour

ladmission dun tel preacutelegravevement les perspectives de laquo reacuteussite raquo dune telle opeacuteration

demeurent tregraves theacuteoriques les risques de rejet des greffons eacutetant laquo extrecircmement graves raquo il

paraicirct par ailleurs fort deacutelicat de solliciter lautorisation de la famille du deacuteceacutedeacute pour effectuer

les preacutelegravevements la signification eacutethique particuliegravere du visage humain son lien intime agrave la

personnaliteacute et agrave lidentiteacute en font davantage quune piegravece anatomique Cette prudence sinscrit

dans le cadre des principes traditionnels du droit meacutedical la technique envisageacutee relevant

pour lheure davantage de lexpeacuterimentation que de la theacuterapeutique

2 - Les banques de sang de cordon ombilical

10 Les cellules heacutematopoiumleacutetiques preacutesentes dans le sang du cordon ombilical peuvent ecirctre

utiliseacutees pour le traitement de certaines maladies geacuteneacutetiques elles peuvent notamment

repeupler la moelle osseuse du patient et constituer une source de cellules sanguines offrant

ainsi une solution alternative agrave la greffe de moelle osseuse Des banques de ces cellules ont

eacuteteacute creacuteeacutees dans des institutions hospitaliegraveres et plus reacutecemment dans le secteur priveacute Ces

activiteacutes pour certaines agrave but lucratif suscitent eacutevidemment des questions juridiques et

eacutethiques Le Comiteacute national sest en France pencheacute sur ce problegraveme (avis ndeg 74 du 12 deacutec

2002) de mecircme que divers organismes de santeacute europeacuteens Le Groupe europeacuteen deacutethique

institueacute aupregraves du preacutesident de la Commission europeacuteenne a consacreacute agrave ce point son avis ndeg

16 rendu le 16 mars 2004 En substance les sages du Groupe europeacuteen critiquent vivement

louverture de cette activiteacute au secteur commercial degraves lors que les banques priveacutees noffrent

pas un laquo service utile en termes de possibiliteacutes theacuterapeutiques raquo (pt 21) et meacuteritent decirctre

eacutetroitement encadreacutees comme elles le seraient dailleurs en France Dun point de vue plus

geacuteneacuteral ces banques priveacutees de sang ombilical qui demeurent en veacuteriteacute assez marginales

posent la question des activiteacutes commerciales dans les secteurs sensibles de la santeacute qui nest

pas reacutesolue de maniegravere uniforme au sein de lUnion europeacuteenne Ladoption de

reacuteglementations telles que la directive CE ndeg 2004-23 du 31 mars 2004 concernant les aspects

de seacutecuriteacute et de qualiteacute pour les diffeacuterentes opeacuterations relatives aux eacuteleacutements biologiques

dorigine humaine va dans le sens de cette harmonisation

3 - Les normes europeacuteennes de qualiteacute et de seacutecuriteacute concernant les diffeacuterentes opeacuterations

relatives aux tissus et aux cellules humains

11 La directive CE ndeg 2004-23 du 31 mars 2004 constitue un texte important dans un secteur

ougrave lharmonisation communautaire tardait nonobstant le maillage reacuteglementaire existant en

23

matiegravere de meacutedicaments agrave usage humain (Dir CE ndeg 2001-83 du 6 nov 2001) Le texte

sapplique essentiellement aux eacuteleacutements biologiques destineacutes agrave lhomme ou agrave la fabrication de

produits manufactureacutes y compris pour des buts cosmeacutetiques agrave lexception des produits

destineacutes agrave des greffes autologues dans le cadre dune intervention chirurgicale unique du sang

et des produits sanguins (Dir CE ndeg 2002-98 du 27 janv 2002) des organes ou des parties

dorganes utiliseacutes aux mecircmes fins que lorgane entier dans le corps humain Les utilisations agrave

des fins de recherche sont eacutegalement exclues La directive sapplique en revanche aux gamegravetes

et aux cellules souches embryonnaires mais laisse aux Etats membres la faculteacute den autoriser

lutilisation Dune maniegravere geacuteneacuterale le texte communautaire nimpose pas de modegravele eacutethique

mais des obligations techniques dans un but de seacutecuriteacute sanitaire comprenant notamment la

mise en place dun systegraveme qualiteacute et de traccedilabiliteacute la deacutesignation dune personne responsable

mais il insiste cependant sur la gratuiteacute des dons et les exigences en matiegravere de consentement

La transposition qui ne devrait pas affecter de maniegravere sensible le cadre juridique franccedilais

actuel doit intervenir avant le 7 avril 2006

4 - Les cellules souches embryonnaires

12 Moins de deux mois apregraves ladoption de la reacutevision des lois bioeacutethiques et en application

de larticle 37 du nouveau texte qui autorise agrave titre transitoire avant la mise en place de

lAgence de la Biomeacutedecine les ministres concerneacutes agrave permettre limportation agrave des fins de

recherche de cellules souches embryonnaires humaines un deacutecret et un arrecircteacute (JO ndeg 228 du

30 sept 2004 p 16804) du 28 septembre 2004 viennent dy proceacuteder Les recherches sur ces

cellules fort contesteacutees il y a encore peu puisque la preacuteceacutedente autorisation dimportation de

cellules souches dorigine embryonnaire avait fait lobjet dun contentieux (TA Paris 21 janv

2003 D 2004 Somm p 532 obs H Gaumont-Prat LPA 2003 ndeg 196 p 7 note B

Pauvert) entrent donc rapidement dans la reacutealiteacute Ces souches importeacutees seront rapidement

supplanteacutees par pregraves de 50 000 embryons congeleacutes en France dont les geacuteniteurs ont renonceacute agrave

ce quils accegravedent agrave la naissance et qui vont pouvoir prochainement servir de mateacuteriel

dexpeacuterimentation comme la loi nouvelle lautorise deacutesormais

Mots cleacutes

PERSONNE HUMAINE Panorama 2004

Gazette du Palais 29 mai 2004 ndeg 150 P 15 - Tous droits reacuteserveacutes

Famille - Personnes

040412

ADOPTION Adoption pleacuteniegravere - Enfants pouvant faire lobjet dune adoption - Enfant neacute dune megravere

porteuse (non)

La materniteacute pour autrui dont le caractegravere illicite se deacuteduit des principes geacuteneacuteraux du Code

civil et aujourdhui de son article 16-7 reacutealise un deacutetournement de linstitution de ladoption

que les juges du fond ont donc agrave bon droit refuseacute de prononcer sans violer aucun des textes

invoqueacutes

C cass 1re civ 9 deacutecembre 2003 Mme X c Procureur geacuteneacuteral pregraves le Cour dappel de Y-

Pourvoi ndeg 0103927 Q - Rejet (C app Paris 1er feacutevrier 2001) - gr ndeg 1644P

NOTE

Reacuteiteacuteration de linterdiction dune adoption lieacutee agrave une procreacuteation pour le compte

dautrui -

24

Larrecirct rendu le 9 deacutecembre 2003 ne surprendra pas puisquil sinscrit dans la ligne traceacutee par

la Cour de cassation depuis 1989 confirmeacutee par la loi du 29 juillet 1994 relative au respect du

corps humain

En lespegravece Georges D et Denise M seacutetaient marieacutes le 15 deacutecembre 1962 et avaient eu un

enfant Fabrice neacute le 11 novembre 1966 Leacutepouse nayant pu avoir un deuxiegraveme enfant

pourtant vivement souhaiteacute le couple se serait adresseacute agrave une laquoamieraquo qui aurait accepteacute davoir

des relations intimes avec Georges D jusquagrave ce quelle conccediloive un enfant quil eacutetait convenu

de laisser degraves sa naissance au pegravere et agrave son eacutepouse

Cest ainsi que serait neacutee Sarah le 4 juillet 1987 qui fut deacuteclareacutee sur les registres de leacutetat civil

sans indication de filiation maternelle reconnue par Georges D puis recueillie aussitocirct par

celui-ci et son eacutepouse Cette derniegravere avait pris la preacutecaution de seacuteloigner de son domicile

pendant les derniers mois du deacuteveloppement in utero de lenfant afin que la substitution

maternelle soit ignoreacutee de lentourage des deux eacutepoux

Il sagissait donc bien selon les propres dires de Georges et Denise D dune materniteacute pour

autrui sans recours aux techniques modernes de procreacuteation meacutedicalement assisteacutee selon un

processus agrave la fois naturel et vieux comme le monde (1)

En janvier 1999 Denise D a saisi le Tribunal de grande instance dune requecircte en adoption

pleacuteniegravere de la fille de son mari

Le Tribunal par jugement du 8 deacutecembre 1999 puis la Cour dappel de Paris par arrecirct du 1er

feacutevrier 2001 ont rejeteacute sa demande au motif quen application des art 6 et 1128 C civ la

convention par laquelle une femme sengage agrave concevoir et agrave porter un enfant pour

labandonner agrave sa naissance est nulle car elle contrevient tant au principe dordre public de

lindisponibiliteacute du corps humain quagrave celui de lindisponibiliteacute de leacutetat des personnes et que

ladoption envisageacutee neacutetait que lultime phase dun processus illicite constitutif dun

deacutetournement de linstitution de ladoption

On reconnaicirctra lagrave les formules mecircmes employeacutees par la Cour de cassation notamment dans

son arrecirct dassembleacutee pleacuteniegravere du 31 mai 1991 (2) Il nest donc pas eacutetonnant que la Cour

suprecircme ait rendu un arrecirct de rejet dautant plus que sa jurisprudence a eacuteteacute conforteacutee par le

nouvel art 16-7 inseacutereacute dans le Code civil par la loi ndeg 94-653 du 29 juillet 1994 (3) qui

dispose que toute convention portant sur la procreacuteation ou la gestation pour le compte dautrui

est nulle

La Cour de cassation a bien entendu viseacute expresseacutement ce texte nouveau mais elle a tenu agrave

rappeler que le caractegravere illicite se deacuteduisait aussi des principes geacuteneacuteraux du Code civil

faisant ainsi implicitement reacutefeacuterence aux art 6 et 1128 de ce Code sur lesquels elle avait

preacuteceacutedemment fondeacute sa position

Le moyen de cassation tentait deacutechapper agrave la jurisprudence de la Cour suprecircme en se fondant

sur les circonstances de lespegravece et notamment sur le fait que la requecircte en adoption navait

eacuteteacute formeacutee que douze anneacutees apregraves la naissance de lenfant de sorte que lindivisibiliteacute entre la

materniteacute pour autrui et ladoption ne serait pas caracteacuteriseacutee Mais la Cour dappel avait

reacutepondu agrave cette argumentation en eacutenonccedilant que labandon de lenfant agrave naicirctre objet de

lobligation contracteacutee par la megravere biologique eacutetait destineacute agrave permettre que lenfant reconnu

par Georges D puisse ecirctre adopteacute par son eacutepouse et en soulignant que celle-ci avait dans le

mecircme but accepteacute linseacutemination dune autre femme par les gamegravetes de son mari et quelle

avait participeacute activement au processus en prenant toutes preacutecautions pour que la substitution

de materniteacute soit ignoreacutee des tiers

Denise D soutenait en outre que linteacuterecirct de lenfant retenu tant par lart 353 C civ que par

les art 3 et 21 de la Convention internationale des droits de lenfant devait primer sur le souci

de sanctionner lilliceacuteiteacute de la convention qui avait preacutesideacute agrave sa conception et agrave sa naissance

La Cour de cassation ne sest pas arrecircteacutee agrave cette argumentation pas plus quelle ne sy eacutetait

arrecircteacutee en 1991 pour elle lensemble de lopeacuteration est indivisible le deacutetournement de

25

linstitution de ladoption est caracteacuteriseacute et il convient de lutter contre la politique du fait

accompli (4) Laccepter au nom de linteacuterecirct de lenfant ne conduirait-il pas comme on la

souligneacute en doctrine (5) agrave admettre le commerce des enfants sous preacutetexte que bien souvent

ceux-ci y trouveraient beacuteneacutefice

(1) Selon la Bible Sarah eacutepouse dAbraham ne pouvant avoir denfant de lui lenvoya aupregraves

de son esclave eacutegyptienne Agar dont il eut un fils Ismaeumll Agar fut renvoyeacutee avec celui-ci

lorsque Sarah tregraves acircgeacutee mit au monde Isaac le fils de la promesse

Cest sans doute une coiumlncidence si nous trouvons aussi dans notre affaire une laquoSarahraquo qui

tient il est vrai un rocircle tout diffeacuterent de celui deacutevolu agrave son homonyme biblique

Lhistoire reacutevegravele eacutegalement des cas relativement freacutequents ougrave pour pallier agrave la steacuteriliteacute du

mari et pour permettre la continuation de la ligneacutee et la perpeacutetuation dun nom ou dun titre un

laquovaletraquo - souvent ensuite renvoyeacute - eacutetait chargeacute de feacuteconder leacutepouse Le proceacutedeacute eacutetait

juridiquement parfait dans la mesure ougrave par le jeu de la preacutesomption de paterniteacute le mari

devenait leacutegalement le pegravere de lenfant

(2) Cass ass pleacuten 31 mai 1991 Bull civ 1991 ndeg 4 Gaz Pal Rec 1991 panor cass p

162 [912144] D 1991 jur p 417 rapport Y Chartier note G Thouvenin JCP 1991 II

21752 comm J Bernard concl H Dontenwille note F Terreacute Defreacutenois 1991 art 35088

ndeg 67 p 948 obs J Massip RTD civ 1991 517 obs D Huet-Weiller Dans le mecircme sens

v Cass civ 1re 29 juin 1994 Bull civ 1994 I ndeg 226 Gaz Pal Rec 1995 jur p 36 note

J B [943856] D 1994 jur p 581 note Y Chartier JCP 1995 II 223621 note J Rubellin-

Devichi RTD civ 1994 p 842 obs J Hauser Defreacutenois 1995 art 36024 ndeg 4 p 315

obs J Massip

V aussi Cass civ 1re 13 deacutecembre 1989 Bull civ 1989 I ndeg 387 Gaz Pal Rec 1990

panor cass p 66 [901122] D 1990 jur p 273 rapport J Massip Defreacutenois 1990 art

34802 ndeg 55 p 743 obs J-L Aubert et art 34815 p 862 rapport J Massip et JCP 1990 II

21526 note A Seriaux Dans cette affaire la Cour de cassation avait proclameacute par des motifs

analogues agrave ceux adopteacutes par les arrecircts de 1991 et 1994 le caractegravere illicite de la materniteacute

pour autrui et des associations qui sefforcent de la promouvoir

(3) Sur cette loi v notamment notre commentaire in Defreacutenois 1975 art 35975 et 35922

speacutecialement en ce qui concerne lart 16-7 C civ le ndeg 9 de cette eacutetude p 72

(4) Sur ces divers points v notre note preacuteciteacutee sous Cass ass pleacuten 31 mai 1991

(5) Obs J Hauser sous larrecirct rendu le 1er feacutevrier 2001 par la Cour dappel de Paris dans le

preacutesente affaire in RTD civ 2001 347

AD2008DEF0291N1

Reacutepertoire du Notariat Defreacutenois 15 feacutevrier 2008 ndeg 3 P 291 - Tous droits reacuteserveacutes

FILIATION

38717 La convention de megravere porteuse

(Reacuteflexions sur les sources du droit et les principes dindisponibiliteacute du corps humain et de leacutetat des personnes)

Le droit franccedilais prohibe les conventions de megraveres porteuses

26

Malgreacute linterdiction leacutegale de nombreux couples ont chercheacute et cherchent encore agrave

contourner cette interdiction notamment en ayant recours agrave des megraveres de substitution dans

des pays eacutetrangers ougrave cette pratique est autoriseacutee

La Cour de cassation veille agrave ce que linstitution de ladoption ne soit pas deacutetourneacutee au profit

de ces parents

Dans un arrecirct du 25 octobre 2007 la cour dappel de Paris vient de reacuteouvrir le deacutebat non sur

le terrain de la convention mais sur celui de la non-transcription des actes de naissance et de

linteacuterecirct supeacuterieur de lenfant

Une excellente occasion de faire le point sur la question et de sinterroger pour lavenir avant

la reacutevision de la loi bioeacutethique en 2009

par Rabih CHENDEB

Docteur en droit

ATER agrave lUniversiteacute de Picardie Jules Verne

laquo La science va Elle est ineacuteluctable Ce quil faut cest la rendre eacutethique raquo (1)

Le droit positif franccedilais interdit de recourir aux megraveres porteuses si un couple conccediloit un

embryon in vitro qui est implanteacute dans luteacuterus dune tierce femme cest cette tierce femme

qui est la megravere selon la loi franccedilaise et les parents biologiques ne peuvent avoir aucun droit

mecircme en cas dabandon de lenfant agrave la naissance par la megravere porteuse La loi bioeacutethique de

1994 a interdit la gestation pour autrui car cela soulevait des questions

dinstrumentalisation et de commercialisation du corps de la femme

De nombreux couples en mal denfants ont depuis longtemps chercheacute agrave contourner les regravegles

notamment en ayant recours agrave des megraveres de substitution qui vivent dans des pays ougrave cette

pratique est autoriseacutee Jusquagrave preacutesent la Cour de cassation ne sy est jamais laisseacutee prendre et

condamnait ladoption faite par les parents de lenfant de la megravere porteuse consideacuterant quil

sagissait dun deacutetournement de linstitution de ladoption (I)

Le 25 octobre 2007 la cour dappel de Paris vient donner lespoir dune ouverture vers

lacceptation dans linteacuterecirct de lenfant de cette deacutemarche Cette deacutecision de la cour dappel

pourrait changer les choses en attendant la reacutevision de la loi bioeacutethique preacutevue en 2009 Une

chose est sucircre cet arrecirct a le meacuterite douvrir le deacutebat et de poser la question de linteacuterecirct de

lenfant comme exception agrave lindisponibiliteacute de leacutetat des personnes et agrave linterdiction de la

pratique des megraveres porteuses Une certaine eacutevolution des mentaliteacutes ainsi que la dispariteacute

entre la loi franccedilaise et dautres leacutegislations nationales pourraient donner lieu agrave un

assouplissement de cette leacutegislation (II)

I Lhostiliteacute du leacutegislateur et de la jurisprudence agrave leacutegard de la convention de megravere porteuse

Au siegravecle dernier seacutetaient deacuteveloppeacutees des associations ayant pour but de faire se rencontrer

des couples deacutesireux davoir un enfant et des femmes acceptant de le porter pour ensuite le

leur laquo ceacuteder raquo par contrat Pour des raisons plus ou moins louables le proceacutedeacute fut rapidement

condamneacute par le droit franccedilais (A) tout comme ladoption qui sen suivait (B)

27

A Le caractegravere illicite de la convention de megravere porteuse

La megravere porteuse met en effet agrave mal le scheacutema classique de la famille On affirmait en Droit

romain que la megravere eacutetait sucircre et que le pegravere eacutetait le mari Le Code napoleacuteon a enteacuterineacute cette

conception Dire que lenfant possegravede une megravere geacuteneacutetique et une megravere uteacuterine va agrave lencontre

de ses dispositions (2)

Pris au deacutepourvu le leacutegislateur franccedilais a tardeacute agrave reacuteagir face aux progregraves scientifiques Il en

est reacutesulteacute un vide juridique auquel la jurisprudence sest efforceacutee de faire face Devant cette

heacutesitation bien compreacutehensible du droit les ressources de la morale de la deacuteontologie et

surtout de la bioeacutethique ont eacuteteacute solliciteacutees (3) Le Conseil dEtat confronteacute aux associations

voulant intervenir dans ce domaine a ainsi prononceacute la dissolution de ces associations pour

objet illicite (4) Le 13 deacutecembre 1989 la premiegravere chambre civile de la Cour de cassation a

releveacute le principe dindisponibiliteacute du corps humain par une interpreacutetation a contrario de

larticle 1128 du Code civil qui dispose qu laquo il ny a que les choses qui sont dans le

commerce qui puissent ecirctre lobjet des conventions raquo La personne ne dispose pas de son

corps elle nen est pas proprieacutetaire (5) Le 31 mai 1991 lassembleacutee pleacuteniegravere de la Cour de

cassation vise les articles 6 1128 et 353 du Code civil afin daffirmer le caractegravere illicite de la

convention conclue entre une megravere porteuse et un couple steacuterile En effet ce contrat porte sur

deux corps humains la megravere et lenfant (6)

Rapidement le leacutegislateur est venu leacutegifeacuterer dans ce sens avec la loi no 94-653 du 29 juillet

1994 relative agrave la bioeacutethique pour que le Code civil reconnaisse le corps humain en tant que

tel Cette loi prend deacutesormais explicitement en compte le corps humain parce quil a voulu

promouvoir son respect face au deacuteveloppement des sciences biomeacutedicales Cette loi a entraicircneacute

la modification et la creacuteation darticles dans le Code civil et le Code peacutenal

Le principe du respect de la digniteacute de la personne humaine est poseacute par larticle 16 du Code

civil laquo La loi assure la primauteacute de la personne interdit toute atteinte agrave la digniteacute de celle-ci

et garantit le respect de lecirctre humain degraves le commencement de sa vie raquo Le nouvel article 16-1

preacutevoit que laquo Chacun a droit au respect de son corps Le corps humain est inviolable Le

corps humain ses eacuteleacutements et ses produits ne peuvent faire lobjet dun droit patrimonial raquo

Par conseacutequent selon larticle 16-5 laquo Les conventions ayant pour effet de confeacuterer une

valeur patrimoniale au corps humain agrave ses eacuteleacutements ou agrave ses produits sont nulles raquo De mecircme

quand une personne accepte de donner son sang ce ne peut ecirctre quagrave titre beacuteneacutevole Enfin

larticle 16-7 dispose mecircme laquo Toute convention portant sur la procreacuteation ou la gestation

pour le compte dautrui est nulle raquo (7)

En outre cette interdiction est assortie dune sanction peacutenale pouvant aller jusquagrave un an

demprisonnement et 15 000 euro damende pour celui qui sentremet ou tente de sentremettre

entre une personne ou un couple deacutesireux daccueillir un enfant et une femme acceptant de

porter en elle cet enfant en vue de le leur remettre Lorsque ces faits ont eacuteteacute commis agrave titre

habituel ou dans un but lucratif les peines sont porteacutees au double (8)

En deacutepit de la reacutesistance de quelques juges du fond qui ont admis ladoption la Cour de

cassation na pas infleacutechi sa position (9) Elle sest reacutecemment opposeacutee agrave ladoption simple

dun enfant par un couple homosexuel estimant cette adoption contraire agrave laquo linteacuterecirct supeacuterieur

de lenfant raquo (10)

28

Analyseacutes dans le contexte de ces deacutecisions les deux principes de lilliceacuteiteacute des conventions et

de lindisponibiliteacute du corps humain expriment une mecircme ideacutee la condamnation dune

convention qui porte sur le corps humain celui de lenfant agrave naicirctre et celui de la femme qui la

conccedilu et porteacute

Toutefois les motifs adopteacutes par la Cour de cassation savegraverent dune extrecircme faiblesse En

effet ces motifs sont lieacutes agrave lilliceacuteiteacute de lobjet des conventions agrave lindisponibiliteacute du corps

humain ainsi quagrave lindisponibiliteacute de leacutetat des personnes (11) Pourtant les lois dites laquo

bioeacutethiques raquo du 29 juillet 1994 puis la loi du 6 aoucirct 2004 (12) relative agrave la bioeacutethique ont

admis lutilisation des eacuteleacutements et des produits du corps humain agrave des fins theacuterapeutiques ou

scientifiques Effectivement une loi en date du 24 janvier 1953 deacutetermine laquo les tarifs de

cession du sang raquo Les dispositions sont aujourdhui dans le Code de la santeacute publique Degraves

lors on peut donner ses gamegravetes ses organes son sang Il semble que plus quune approche

anthropologique des sciences meacutedicales (qui conduiraient agrave une ineacutevitable instrumentalisation

du corps des hommes) il existerait ce que nous appelons une technoscience laquo de linvisible

raquo que seul le droit accepte de leacutegitimer (13)

Par ailleurs la terminologie employeacutee par le leacutegislateur de 1994 est eacuteloquente Cest

certainement parce que le principe dindisponibiliteacute du corps humain sest aveacutereacute irreacutealiste videacute

de sa substance par le nombre et limportance de ses exceptions que le leacutegislateur lui a preacutefeacutereacute

celui de non-patrimonialiteacute qui figure aujourdhui aux articles 16-1 16-5 et 16-6 du Code

civil Il est donc possible de disposer de son corps agrave titre de dons dans les limites de la loi

(14)

Pour conclure sur ce point il sera emprunteacute les propos de Mme Mayer-Jack laquo

Malheureusement si ce principe dindisponibiliteacute du corps humain possegravede les qualiteacutes trop

rares decirctre nettement formuleacute et universellement admis il apparaicirct agrave la reacuteflexion frappeacute dun

vice radical il se reacutevegravele contraire aux faits raquo (15)

B La nulliteacute de ladoption

En matiegravere de materniteacute de substitution lenfant reste au coeur du deacutebat Il est laquo lobjet raquo de la

convoitise du couple demandeur et lobjet de la convention En vue de permettre

leacutetablissement dune filiation adoptive deux processus eacutetaient suivis par lesdits couples

processus que la Cour de cassation sempressa dinterdire agrave son tour

1 Le contournement aveacutereacute de la loi par les couples restant en France

En effet le processus se deacuteroulait en trois eacutetapes dans un premier temps lembryon issu des

gamegravetes du couple ou du mari et de la femme porteuse eacutetait implanteacute dans luteacuterus de cette

derniegravere La megravere porteuse suivait sa grossesse normalement notamment au regard du suivi

meacutedical (16) Ensuite elle accouchait anonymement La leacutegislation autorise les

accouchements laquo sous X raquo et reconnaicirct ainsi aux parturientes le droit de ne pas ecirctre megraveres si

elles ne le deacutesirent ou ne le peuvent pas Le pegravere fournisseur de sperme quant agrave lui effectuait

une reconnaissance preacutenatale de lenfant A sa naissance il le reconnaissait Lenfant avait

donc un pegravere mais sans indication de la filiation maternelle Enfin leacutepouse de ce dernier

adoptait de maniegravere pleacuteniegravere lenfant Leacutetat de mariage de la megravere porteuse ne changeait rien

puisque laccouchement anonyme empecircchait que le mari soit consideacutereacute comme pegravere preacutesumeacute

29

Depuis larrecirct Alma Mater (17) nous savons que la convention de materniteacute de substitution

est nulle car contrevenant agrave lordre public (18) Mais jusqualors la jurisprudence avait eu le

soin de dissocier convention et adoption Toute convention portant sur la procreacuteation ou la

gestation pour le compte dautrui eacutetant nulle la convention de megravere porteuse ayant permis la

naissance de lenfant en cause est donc incontestablement frauduleuse Degraves lors la possession

deacutetat sur laquelle les demandeurs se fondent pour voir eacutetablir un lien de filiation leacutegitime agrave

leur profit et lacte de notorieacuteteacute quils ont ainsi obtenu sont eux-mecircmes vicieacutes et ne peuvent

donc permettre leacutetablissement dun tel lien Par ailleurs la Convention de New York sur les

droits de lenfant garantit notamment agrave celui-ci laccegraves agrave ses origines Or lapplication de la

convention frauduleuse aurait pour effet de consacrer un mensonge lacte de naissance qui

serait eacutetabli sur le fondement de cette convention aboutirait en effet agrave nier totalement les

conditions dans lesquelles lenfant a eacuteteacute conccedilu En conseacutequence les demandeurs ne pourront

se preacutevaloir de la possession deacutetat vicieacutee pour obtenir la retranscription de lacte de notorieacuteteacute

sur lacte de naissance de lenfant (19) Ainsi la prohibition de la convention a entraicircneacute dans

son sillage une impossibiliteacute dadoption par leacutepouse du pegravere (20) Il y a deacutetournement de

linstitution de ladoption pleacuteniegravere en ce que lenfant a eacuteteacute conccedilu pour ecirctre abandonneacute par sa

megravere et adopteacute par une autre (21)

Il en reacutesulte que cest labandon de lenfant qui rend impossible ladoption par leacutepouse du

mari Or labandon de lenfant constitue deacutejagrave une deacutemarche parfaitement licite et reacuteglementeacutee

par la loi Il suffit pour sen convaincre de lire attentivement les textes adeacutequats agrave savoir les

articles 61 et 62 du Code de la famille et de laide sociale 348-3 et 350 du Code civil et 1158

agrave 1163 du Code de proceacutedure civile Il suffit agrave la megravere et plus geacuteneacuteralement agrave la personne

investie des droits parentaux de confier 1enfant agrave un eacutetablissement ou agrave un service de laide

sociale agrave 1enfance (ASF) ou mecircme agrave un particulier puis de sen deacutesinteacuteresser

manifestement pendant une anneacutee nentretenant avec lui aucune relation neacutecessaire au

maintien de liens affectifs Le tribunal de grande instance peut degraves lors sauf agrave prendre en

consideacuteration le cas exceptionnel de grande deacutetresse du parent deacutefaillant deacuteclarer 1enfant

abandonneacute agrave la requecircte de tout inteacuteresseacute et notamment de leacutetablissement service ou famille

daccueil (22) laquo On cesse dinterdire une pratique non pas lorsquelle se deacuteveloppe mais

lorsquon ne sait plus pourquoi elle est interdite raquo (23)

Dailleurs une contradiction engendre ce refus dadoption En effet laquo consideacuterer ladoption

indissociable de la convention revient agrave ne voir lenfant que comme lobjet de cette convention

raquo (24) Ainsi les parents ont pu eacutetablir anteacuterieurement agrave la naissance le processus dont

ladoption est laquo lultime phase raquo Mais ce processus nest pas fait dans lintention de nuire agrave

lenfant Alors comment comprendre la seacuteveacuteriteacute afficheacutee de la Cour de cassation

Traiter lenfant comme une veacuteritable personne implique de dissocier la convention ougrave il

nintervient pas et ladoption dont il est partie prenante et mecircme partie principale Il faut

sinterroger sur son inteacuterecirct propre quitte agrave le confronter ensuite agrave ceux auxquels il soppose

(25)

2 Lexpansion du tourisme procreacuteatif

La dispariteacute des regravegles nationales agrave propos de la gestation pour autrui a conduit certains

couples agrave se rendre agrave leacutetranger pour pouvoir avoir recours agrave une megravere porteuse on parle

deacutesormais de laquo tourisme procreacuteatif raquo (26)

30

Lagrave encore le processus deacutebute par une inseacutemination artificielle mais les pays ayant leacutegaliseacute la

gestation pour le compte dautrui permettent par ailleurs que lembryon inseacutemineacute dans

luteacuterus de la femme soit issu de la rencontre des gamegravetes des deux parents demandeurs

Lenfant est donc geacuteneacutetiquement lenfant du couple Il a pour parent degraves sa naissance le

couple demandeur il porte leur nom et le preacutenom quils lui ont choisi Mais pour exister en

France il est neacutecessaire de recourir agrave une transcription sur les registres de leacutetat civil franccedilais

de lacte de naissance eacutetranger Lagrave encore la seacuteveacuteriteacute est de mise puisque le parquet de

Nantes qui a en charge la transcription des eacutetats civils venant de leacutetranger refuse

systeacutematiquement cette transcription qui nest pas conforme agrave la leacutegislation franccedilaise (27)

Les magistrats ont eacuteteacute confronteacutes agrave ces situations ougrave la megravere commanditaire deacutesirait eacutetablir un

lien de filiation entre elle et lenfant issu de la convention de materniteacute de substitution

Tel est par exemple le cas qui a eacuteteacute trancheacute par la cour dappel de Rennes le 4 juillet 2002

(28) Dans cet arrecirct la cour dappel a rejeteacute ladoption des enfants par un couple qui a conclu

en Californie une convention portant sur la gestation dun embryon issu de leurs propres

gamegravetes La cour relegraveve que laquo la loi franccedilaise ne donne pas une deacutefinition de la megravere raquo cette

notion est inscrite dans les mentaliteacutes depuis des siegravecles par ladage Mater semper certa est

Cest laccouchement qui deacutetermine la megravere et non la seule reacutealiteacute geacuteneacutetique

Cette jurisprudence installeacutee depuis le ceacutelegravebre arrecirct de lassembleacutee pleacuteniegravere du 31 mai 1991

constitue une atteinte directe agrave linteacuterecirct de lenfant Ce dernier est priveacute de toute filiation

maternelle leacutegalement reconnue et ce sans beacuteneacutefice pour personne (29)

Malheureusement en raison de cette solution les deux enfants sont acircgeacutes de sept ans et vivent

aupregraves de leur pegravere naturel et de sa compagne dont la materniteacute ne peut leacutegalement ecirctre eacutetablie

(30)

Cette jurisprudence preacutesente un point faible Selon larticle 353 du Code civil le tribunal de

grande instance saisi dune requecircte aux fins dadoption pleacuteniegravere veacuterifie si les conditions de

la loi sont remplies et si ladoption est conforme agrave linteacuterecirct de lenfant Or en loccurrence

le preacutetendu droit de lenfant ne coiumlncide pas avec son inteacuterecirct seul mis en avant dans 1article

353 du Code civil Le refus par la cour dappel de prononcer ladoption pleacuteniegravere a priveacute les

deux enfants (au nom de leur droit aussi eacuteminent que symbolique agrave la non-chosification) dun

avantage concret et primordial leur admission au statut denfants leacutegitimes de leurs vrais

parents geacuteneacutetiques (31) Simples enfants naturels ou adulteacuterins de leur pegravere ils demeureront

sans lien de filiation maternelle Un tel problegraveme meacuterite que les juridictions se penchent au

moins sur lui (32) La protection de linstitution de ladoption sopegravere au deacutetriment du droit

reconnu agrave lenfant deacutetablir sa filiation par le biais dune discrimination fondeacutee sur les

circonstances de sa naissance (33) La jurisprudence nous semble aller agrave lencontre des

engagements internationaux contracteacutes par la France (34)

II Leacutevolution des mentaliteacutes vers une leacutegislation plus souple

Jusquagrave preacutesent la jurisprudence a toujours interdit ladoption des enfants par des couples

ayant eu recours agrave la gestation pour autrui consideacuterant quil sagit dun deacutetournement de

linstitution de ladoption (35)

Un grand quotidien Libeacuteration reacutevegravele que la cour dappel de Paris a reconnu comme parents

leacutegitimes de jumelles un couple franccedilais ayant fait appel agrave une megravere porteuse ameacutericaine

31

Une chose est sucircre cet arrecirct a le meacuterite douvrir le deacutebat et de poser la question de linteacuterecirct de

lenfant comme exception agrave lindisponibiliteacute de leacutetat des personnes et agrave linterdiction de la

pratique des megraveres porteuses (A) Lorsque lon accepte une loi eacutetrangegravere qui a eacuteteacute appeleacutee au

secours pour contourner la loi franccedilaise la modification de la loi franccedilaise nest pas loin (B)

A Lassouplissement de la jurisprudence

Dans laffaire porteacutee devant la cour dappel de Paris que nous avons abordeacutee rapidement

preacuteceacutedemment un couple dont la femme ne peut assurer la gestation en raison dune

malformation congeacutenitale se rend en Californie ougrave il conclut une convention portant sur la

gestation dun embryon issu de leurs propres gamegravetes Des jumelles naissent de cette

convention Le droit californien fait abstraction du deacutefaut daccouchement La concubine est

inscrite comme megravere dans les registres de naissance de Californie Quelques semaines plus

tard le couple reconnaicirct les enfants en France Mais agrave leur retour dans lHexagone ils sont

placeacutes en garde agrave vue puis mis en examen pour laquo entremise entre une personne deacutesireuse

dadopter un enfant et un parent deacutesireux dabandonner son enfant neacute ou agrave naicirctre raquo et pour laquo

simulation ayant entraicircneacute une atteinte agrave leacutetat civil de lenfant raquo

En 2004 le juge dinstruction rend un non-lieu sur les poursuites peacutenales les faits seacutetant

deacuterouleacutes dans un pays ougrave cette pratique est leacutegale Le parquet a alors continueacute son offensive

sur le terrain civil et chercheacute agrave faire annuler la filiation et la transcription sur leacutetat civil Le

tribunal de grande instance a deacuteclareacute cette demande irrecevable en deacutecembre 2005 Une

deacutecision rendue par la cour dappel de Paris confirme ce jugement le 25 octobre dernier apregraves

avoir estimeacute que laquo La non-transcription des actes de naissances aurait des conseacutequences

contraires agrave linteacuterecirct supeacuterieur des enfants qui au regard du droit franccedilais se verraient priveacutes

dactes deacutetat civil indiquant leur lien de filiation y compris agrave leacutegard de leur pegravere biologique

raquo

La question sera deacutesormais soumise agrave la Cour de cassation qui a deacutejagrave pris des deacutecisions

progressistes dans des questions relatives au droit de la famille notamment dans linteacuterecirct de

lenfant Elle a ainsi fait le 24 feacutevrier 2006 un pas important vers la reconnaissance de

lhomoparentaliteacute en autorisant quun parent homosexuel deacutelegravegue tout ou partie de son

autoriteacute parentale agrave son partenaire avec lequel il vit en union stable agrave condition que cette

mesure soit prise dans linteacuterecirct supeacuterieur de lenfant (36)

Le plus important reacuteside dans le fait que la cour dappel de Paris a estimeacute que la non-

transcription sur les actes de naissance aurait des conseacutequences contraire agrave llaquo inteacuterecirct de

lenfant raquo Depuis longtemps linteacuterecirct de lenfant est au centre du droit de la famille et depuis

quelques anneacutees celui-ci devient veacuteritablement la pierre angulaire de cette discipline (37)

Dans un arrecirct du 18 mai 2005 la premiegravere chambre civile de la Cour de cassation preacutecise au

visa de larticle 3-1 de la Convention relative aux droits de lenfant que laquo dans toutes les

deacutecisions qui concernent les enfants linteacuterecirct supeacuterieur de lenfant doit ecirctre une

consideacuteration primordiale raquo (38) Mais que faut-il entendre par inteacuterecirct supeacuterieur de lenfant

(39)

Bien que le nouvel article L 112-4 du Code de laction sociale et des familles (40) et larticle

371-1 du Code civil semblent deacutefinir les eacuteleacutements constitutifs de cette notion llaquo inteacuterecirct de

lenfant raquo reste un concept assez flou que le leacutegislateur et les juges se gardent bien de deacutefinir

preacuteciseacutement on ne peut limiter linteacuterecirct supeacuterieur de lenfant agrave la protection de sa santeacute de sa

seacutecuriteacute et de sa moraliteacute Certes ces eacuteleacutements sont les bases de linteacuterecirct de lenfant mais

32

puisque celui-ci peut deacutepasser le strict cadre du droit de lautoriteacute parentale voire du droit de

la famille cette vision serait bien trop reacuteductrice

Le sens de cette notion peut encore sobscurcir si lon considegravere quelle peut se confondre avec

dautres concepts voisins Larticle 371-5 doit ainsi conduire agrave distinguer linteacuterecirct de lenfant de

celui de la fratrie En effet si celle-ci a inteacuterecirct agrave rester unie certaines circonstances permettent

deacutecarter un de ses membres dans son inteacuterecirct exclusif

Un amendement proposait cependant agrave la suite du nouvel article L 112-4 du Code de laction

sociale et des familles une deacutefinition inteacuteressante laquo Linteacuterecirct supeacuterieur de lenfant est deacutefini

comme lassurance de la protection de sa seacutecuriteacute personnelle et affective lassurance dun

contexte familial permettant un bon deacuteveloppement physique intellectuel affectif et social

lassurance dune relation dattachement parental permettant de se construire Linteacuterecirct

supeacuterieur de lenfant tel que deacutefini constitue son projet de vie raquo (41)

On ne peut que se feacuteliciter de la mise en avant de linteacuterecirct de lenfant pour deacuteroger agrave la sacro-

sainte interdiction des megraveres porteuses car il est vrai quil ne faut pas oublier que limportant

reste dabord et avant tout lenfant qui a et doit avoir une place centrale au sein de la famille

On peut envisager que cette reacutecente jurisprudence puisse influencer la reacuteflexion sur le recours

aux laquo megraveres porteuses raquo sur le territoire national qui conduise agrave une eacutevolution de la loi

B Vers une eacutevolution de la loi

Alors que la France interdit la laquo gestation pour autrui raquo cette pratique a eacuteteacute leacutegaliseacutee dans de

nombreux pays La France a donc une leacutegislation moins libeacuterale que dautres leacutegislations

nationales La pratique de la gestation pour autrui est notamment autoriseacutee aux Etats-Unis au

Canada en Australie et dans plusieurs pays de lUnion europeacuteenne (Espagne et Belgique

Gregravece et Royaume-Uni notamment) (42) La question de la leacutegalisation des megraveres porteuses

est tregraves controverseacutee en France et demanderait un strict encadrement (43)

On enseigne habituellement que les questions deacutetat ne peuvent deacutependre de la seule volonteacute

individuelle Leacutetat des personnes - le droit de la filiation en particulier - eacutechapperait aux

conventions Mais ce principe nest plus si absolu Leacutevolution contemporaine reacuteduit laspect

institutionnel Une place nettement importante a eacuteteacute faite dans lorganisation des relations

familiales agrave la volonteacute individuelle laquo Laccroissement du pouvoir des volonteacutes individuelles

dans le droit de la famille est une marque essentielle de ce droit raquo (44) Dougrave la justesse de

lexpression laquo contractualisation du droit de la famille raquo Le rocircle de la volonteacute individuelle

tend agrave ecirctre de plus en plus important (45) Tel est le cas du divorce du PACS et du mariage

La procreacuteation nest plus la finaliteacute avec larriveacutee en force dans des pays voisins du mariage

homosexuel

Une certaine eacutevolution des mentaliteacutes ainsi que la dispariteacute entre la loi franccedilaise et dautres

leacutegislations nationales pourraient bien donner lieu agrave un assouplissement de cette leacutegislation

(46)

La gestation pour autrui permet de pallier certaines formes de steacuteriliteacute feacuteminine en raison

dune absence ou dune deacuteformation duteacuterus de conseacutequences de cancer ou reacutesultant dune

hysteacuterectomie de fausses couches reacutepeacuteteacutees dune contre-indication meacutedicale agrave la grossesse ou

de nombreux eacutechecs de feacutecondations in vitro (47) Dans ce cas on implante les gamegravetes des

parents geacuteneacutetiques dans le ventre de la megravere porteuse

33

Un autre argument favorable agrave cette pratique est la certitude apaisante pour le couple steacuterile

de ce que lenfant porteacute en uteacuterus tiers nen sera pas moins leur veacuteritable enfant geacuteneacutetique

puisque conccedilu agrave partir de leurs propres gamegravetes

De plus il faut deacutenoncer une incoheacuterence Une femme empecirccheacutee par la loi de donner avant

sa grossesse agrave un couple agreacuteeacute par elle lenfant quelle portera moyennant eacutequitable

reacutecompense possegravede en revanche le droit discreacutetionnaire de labandonner une fois neacute au

hasard des eacutetablissements ou du service de lASE ou pis encore de recourir agrave une

interruption volontaire de grossesse pendant les douze premiegraveres semaines (48)

La possession deacutetat repreacutesente une valeur humaine et sociale qui doit ecirctre prise en compte en

tant que telle Comme lont joliment affirmeacute M Hauser et Mme Huet-Weiller laquo elle est la

veacuteriteacute des sentiments la veacuteriteacute du coeur tout aussi respectable sinon plus que celle des

registres deacutetat ou mecircme de nos gegravenes raquo (49) Ainsi on peut ecirctre favorable agrave cette reacuteflexion

sous certains reacuteserves

Tout dabord le couple demandeur devait avoir plus de 18 ans et linfertiliteacute devrait ecirctre

meacutedicalement eacutetablie Ensuite seule lutilisation des gamegravetes (sperme et ovocytes) du couple

serait autoriseacutee afin deacuteviter que la gestatrice soit aussi la megravere biologique de lenfant (pour

eacuteviter des liens trop forts eacutetablis entre elle et le beacutebeacute)

De son cocircteacute la megravere porteuse devait avoir plus de 18 ans et accepter de subir des tests divers

avant la grossesse Elle serait la seule agrave donner un consentement valable concernant la gestion

de sa grossesse et elle abandonnerait ses droits parentaux agrave la naissance de lenfant tout en

assistant le couple demandeur lors de la deacutelivrance du certificat de naissance Le

consentement devrait aussi ecirctre obtenu par un entretien psychologique meacutedical et juridique

Seul le juge pourrait donner laccord au deacutebut du processus Le couple demandeur devait

sengager agrave assumer la garde de lenfant degraves sa naissance afin deacuteviter soit une non-remise

denfant soit un refus de lenfant - par exemple en cas de handicap

Concernant la reacutemuneacuteration de la megravere porteuse la marchandisation est inacceptable Les

intermeacutediaires reacutemuneacutereacutes seraient interdits Le principe du volontariat et de la gratuiteacute sont

essentiels le don de vie (50)

Enfin il ne sagirait pas de reacutemuneacuteration mais de compensation financiegravere destineacutee agrave

deacutedommager les inconveacutenients lieacutes agrave la grossesse sur la base de la loi laquo Huriet raquo (loi sur la

recherche meacutedicale avec volontaires sains) Le couple demandeur devrait prendre agrave sa charge

les deacutepenses meacutedicales leacutegales et psychologiques ainsi quun montant raisonnable alloueacute agrave la

megravere porteuse pour subvenir agrave ses besoins Les juges appreacutecieraient librement ce que peut ecirctre

un montant laquo raisonnable raquo sans que cela puisse jamais ecirctre consideacutereacute comme une laquo vente raquo

denfant

(1) B Debreacute et S Agacinski laquo Faut-il leacutegaliser les megraveres porteuses en France raquo Le Figaro Magazine du samedi 10 novembre 2007 p 50

34

(2) G David laquo Don et utilisation du sperme raquo in Actes du colloque Geacuteneacutetique procreacuteation et

droit Actes sud 1985 p 205 G-M Faure Le deacutesir denfant agrave leacutepreuve du droit Essai sur le droit de la procreacuteation meacutedicalement assisteacutee Thegravese Universiteacute de Lille 1992 p 7

(3) G Lebreton Liberteacutes publiques et droits de lhomme 6e eacuted Armand Colin 2003 p 262

(4) CE 22 janvier 1988 Lebon 1988 p 37

(5) La Cour de cassation a enteacuterineacute la position de la cour dappel de Paris pour laquelle laquo ni laltruisme du comportement de la megravere de substitution ni le caractegravere deacutesinteacuteresseacute des activiteacutes de lassociation ne sont propres agrave faire disparaicirctre lilliceacuteiteacute qui frappe laccord litigieux raquo Cass civ 1re 13 deacutecembre 1989 Bull civ I no 387 Defreacutenois 1990 art 34802 no 55 obs J-L Aubert D 1990 p 273 JCP eacuted G 1990 II 21526 note A Seacuteriaux propos recueillis par C Slobodansky laquo Le droit doit limiter les progregraves de la science raquo LPA du 7 mai 2004 no 92 p 60

(6) laquo La convention par laquelle une femme sengage fucirct-ce agrave titre gratuit agrave concevoir et porter un enfant pour labandonner agrave sa naissance contrevient tant au principe dordre public de lindisponibiliteacute du corps humain quagrave celui de lindisponibiliteacute de leacutetat des personnes raquo Cass ass pleacuten 31 mai 1991 Bull civ ass pleacuten no 4 Defreacutenois 1991 art 35142 no 103 obs J-L Aubert Defreacutenois 1991 art 35088 no 67 note J Massip RTD civ 1991 p 517 obs D Huet-Weiller et p 489 note M Gobert M Gobert laquo Reacuteflexions sur les sources du droit et les

principes dindisponibiliteacute du corps humain et de leacutetat des personnes agrave propos de la materniteacute de substitution raquo RTD civ 1992 p 489 et s speacutec p 501 dans ce sens v deacutejagrave les remarques de P Murat laquo Laction de lordonnance du 4 juillet 2005 sur la possession deacutetat raquo Dr Famille 2006 eacutetude no 6 speacutec no 7 V aussi J Massip laquo Linsertion dans le Code civil de dispositions relatives au corps humain agrave lidentification geacuteneacutetique et agrave la procreacuteation meacutedicalement assisteacutee raquo Defreacutenois 1995 art 35975 et 35992

(7) En ce sens V Depadt-Sebag laquo De la neacutecessiteacute dune reacuteforme de larticle 16-7 du Code civil relatif agrave linterdiction de gestation pour autrui raquo RGD meacuted 2004 no 12 p 135 et s

(8) Art 227-12 et s C peacuten

(9) CA Paris 1re feacutevrier 2001 RTD civ 2001 p 347 obs J Hauser Cass civ 1re 9 deacutecembre 2003 Bull civ I no 252 p 201 CA Rennes 4 juillet 2002 D 2002 p 2904

(10) Cass civ 1re 20 feacutevrier 2007 Defreacutenois 2007 art 38595 no 45 obs J Massip

(11) V Depadt-Sebag laquo De la neacutecessiteacute dune reacuteforme de larticle 16-7 du Code civil relatif agrave linterdiction de gestation pour autrui raquo preacutec no 12 p 135 et s

(12) L no 2004-800 du 6 aoucirct 2004 relative agrave la bioeacutethique JO du 7 aoucirct 2004 p 14040 J Massip art preacutec

(13) Dans ce sens v M Gobert laquo Reacuteflexions sur les sources du droit et les principes dindisponibiliteacute du corps humain et de leacutetat des personnes agrave propos de la materniteacute de substitution raquo preacutec p 489 et s speacutec p 513

(14) V Depadt-Sebag laquo De la neacutecessiteacute dune reacuteforme de larticle 16-7 du Code civil relatif agrave linterdiction de gestation pour autrui raquo preacutec no 12 p 135 et s E Camuzet La convention de gestation pour autrui une illeacutegaliteacute franccedilaise injustifieacutee Meacutemoire Lille 2 Universiteacute du droit et de la santeacute 2005-2006 p 55

(15) A Mayer-Jack laquo Les conventions relatives agrave la personne physique raquo Rev crit leacutegisl et jurispr 1993 p 6

(16) G Meacutemeteau laquo Une distinction est opeacutereacutee sur la reacutefeacuterence des donneacutees acquises de la science agrave la date des soins par opposition agrave la notion erroneacutee de donneacutees actuelles de la science raquo note sous Cass civ 1re 6 juin 2000 JCP eacuted G 2001 II 10447

(17) Cass civ 1re 13 deacutecembre 1989 Bull civ I no 387 Defreacutenois 1990 art 34815 rapp J Massip D 1990 p 273 JCP eacuted G 1990 II 21526 note A Seacuteriaux

35

(18) Communication J Bernard et comm J Massip Defreacutenois 1990 art 35088 no 67 note J

Massip F Terreacute note sous Cass ass pleacuten 31 mai 1991 JCP eacuted G 1991 II 21752 dans ce sens v les remarques de P Murat laquo Laction de lordonnance du 4 juillet 2005 sur la possession deacutetat raquo preacutec eacutetude no 6 speacutec no 7 G Kessler laquo La consolidation de situations illicites dans linteacuterecirct de lenfant raquo Dr Famille no 7 juillet 2005 Etude 16

(19) TGI Lille 22 mars 2007 D 2007 no 18 p 1251 note X Labbeacutee B Edelman et C Labrusse-Riau note sous CA Paris 15 juin 1990 JCP eacuted G 1991 II 21653

(20) V Larribau-Terneyre note sous CA Pau 19 feacutevrier 1991 D 1991 juris p 380

(21) J Massip laquo Megravere porteuse et deacutecheacuteance de lautoriteacute parentale raquo LPA du 29 octobre 2003 no 216 p 10 Cass ass pleacuten 31 mai 1991 Bull civ ass pleacuten no 4 Defreacutenois 1991 art 35088 no 67 p 948 obs J Massip D 1991 p 417 rapport Y Chartier note D Thouvenin JCP eacuted G 1991 II 21752 communication J Bernard concl H Dontenwille note F Terreacute RTD civ 1991 p 517 obs D Huet-Weiller

(22) J Rubellin-Devichi laquo Materniteacute de substitution qui est la megravere raquo note sous CA Rennes 4 juillet 2002 JCP eacuted G 2003 I 101 C Ducomte laquo La vraie querelle des megraveres porteuses raquo httppagesperso-orangefrmax-christianducomtemereindexhtm

(23) Propos de Mme F Dekeuwer-Deacutefossez lors de son audition devant le preacutesident M Bloche pour la mission dinformation sur la famille (procegraves-verbal du 5 octobre 2005)

(24) J Hauser obs in RTD civ 1999 p 372 F Dekeuwer-Deacutefossez note sous Cass ass pleacuten 31 mai 1991 D 1992 somm p 59

(25) F Dekeuwer-Deacutefossez laquo Les droits de lenfant raquo D 1992 somm p 59 E Poisson-Drocourt laquo Recours agrave une megravere de substitution et refus de ladoption raquo D 2004 p 2001

(26) J-J Lemouland laquo Le tourisme procreacuteatif raquo LPA 2001 no 62 p 24 F Dekeuwer-Deacutefossez laquo Le lien parental raquo LPA du 1er juillet 2004 no 131 p 70 F Granet note sous CA Rennes 4 juillet 2002 D 2002 p 2904

(27) CA Aix-en-Provence 12 mars 2002 Juris-Data no 2002-190443 A Seacuteriaux laquo Droit naturel et procreacuteation artificielle quelle jurisprudence raquo D 1985 chron p 53 J Massip laquo Le nouveau droit de la filiation raquo Defreacutenois 2006 art 38303 p 13

(28) CA Rennes 4 juillet 2002 JCP eacuted G 2003 I 101 note J Rubellin-Devichi

(29) laquo Si le principe structurant de lautoriteacute parentale est linteacuterecirct de lenfant deacutetermineacute in concreto le droit de la filiation nappreacutecie en revanche jamais linteacuterecirct concret dun enfant preacutecis mais linteacuterecirct geacuteneacuteral de lenfant in abstracto raquo A Gouttenoire laquo A chacun sa famille agrave chacun son droit raquo Dr Famille no 7 juillet 2006 Alerte 41

(30) E Camuzet La convention de gestation pour autrui une illeacutegaliteacute franccedilaise injustifieacutee art preacutec p 52

(31) P Raynaud laquo Un abus de ladoption simple les couples adoptifs raquo D 1983 chron p 39 H Gaumont-Prat laquo Pas dadoption pour les enfants issus de convention de megravere porteuse raquo RLDC no 5 mai 2004 p 31 laquo Le rejet dans le non-droit des enfants neacutes dans des circonstances qui deacuterangent la socieacuteteacute relegraveve du deacuteni de la reacutealiteacute porteur de nombreux effets pathogegravenes et injustes raquo

(32) J Rubellin-Devichi laquo Materniteacute de substitution qui est la megravere raquo note sous CA Rennes 4 juillet 2002 preacutec I 101 C Ducomte laquo La vraie querelle des megraveres porteuses raquo preacutec P Raynaud laquo Un abus de ladoption simple les couples adoptifs raquo art preacutec chron p 39 G Kessler laquo La consolidation de situations illicites dans linteacuterecirct de lenfant raquo art preacutec Etude 16

(33) F Dekeuwer-Deacutefossez laquo Reacuteflexion sur les mythes fondateurs du droit contemporain de la famille raquo RTD civ 1995 p 269 E Camuzet La convention de gestation pour autrui une illeacutegaliteacute franccedilaise injustifieacutee art preacutec p 66 A Ponsard rapport sous Cass civ 1re 16

36

novembre 1982 JCP eacuted G 1983 II 19954 M-T Meulders-Klein laquo Le droit agrave lenfant face au

droit de lenfant et les procreacuteations meacutedicalement assisteacutees raquo RTD civ 1988 p 645 F Terreacute Lenfant de lesclave Geacuteneacutetique et droit Flammarion 1987 p 128

(34) Convention de New York du 26 janvier 1990 Charte des droits fondamentaux de lUnion europeacuteenne du 7 deacutecembre 2000 Deacuteclaration universelle des droits de lhomme de 1789 Convention internationale des droits de lenfant de 1989

(35) Cass ass plegraven 31 mai 1991 Bull civ ass plegraven no 4 Defreacutenois 1991 art 35142 no 103 obs J-L Aubert et art 35088 no 67 p 948 obs J Massip D 1991 p 417 rapport Y Chartier note D Thouvenin JCP eacuted G 1991 II 21752 communication J Bernard concl H Dontenwille note F Terreacute RTD civ 1991 p 517 obs D Huet-Weiller

(36) Cass civ 1re 24 feacutevrier 2006 Bull civ I no 101 p 95 Defreacutenois 2006 art 38415 no 40 p 1067 obs J Massip D 2006 juris p 897-900 obs D Vigneau T Anatrella laquo Adoption et homoparentaliteacute leacuteclairage des droits de lhomme raquo Dr Famille 2003 no 10 p

8-10 agrave lidentique dans un arrecirct du 22 janvier 1992 D 1993 p 119 note J Vassaux la cour dappel de Poitiers a prononceacute ladoption simple dun enfant neacute dune convention de megravere porteuse au motif que laquo cette adoption nest pas seulement conforme agrave linteacuterecirct de lenfant mais encore constitue une neacutecessiteacute qui deacutecoule des reacutealiteacutes de la vie issues derreurs des adultes dont lenfant ne doit pas subir les conseacutequences raquo

(37) G Kessler laquo La consolidation de situations illicites dans linteacuterecirct de lenfant raquo art preacutec eacutetude no 16 M-T Meulders-Klein laquo Le droit agrave lenfant face au droit de lenfant et les procreacuteations meacutedicalement assisteacutees raquo art preacutec p 645

(38) Cass civ 1re 18 mai 2005 Bull civ I no 211 p 179 V Depadt-Sebag laquo Non-lieu dans une affaire de materniteacute pour autrui raquo D 2005 p 476 J Massip laquo Megravere porteuse et deacutecheacuteance de lautoriteacute parentale raquo art preacutec no 216 p 11 F Terreacute Lenfant de lesclave Geacuteneacutetique et droit op cit adde F Terreacute et D Fenouillet Droit civil Les personnes la famille les incapaciteacutes 6e eacuted Preacutecis Dalloz no 926 M Lamarche laquo Inteacuterecirct supeacuterieur de lenfant de ladmission des effets dune convention de megravere porteuse agrave la destruction du droit franccedilais de la filiation raquo Dr Famille novembre 2007 no 11

(39) M Donnier laquo Linteacuterecirct de lenfant raquo D 1959 chron p 27 F Laroche-Gisserot note sous Cass civ 1re 27 mai 1998 D 1998 p 530 F Millet laquo Ladoption dun inteacuterecirct agrave lautre raquo RRJ 2003-3 p 1777 et s A Gouttenoire laquo A chacun sa famille agrave chacun son droit raquo art preacutec Alerte 41

(40) Par la loi no 2007-293 du 5 mars 2007 reacuteformant la protection de lenfance (JO du 6 mars 2007 Defreacutenois 2007 Leacuteg p 282) le leacutegislateur a inteacutegreacute la notion dinteacuterecirct de lenfant dans le Code de laction sociale et des familles Le nouvel article L 112-4 dudit code dispose que laquo Linteacuterecirct de lenfant la prise en compte de ses besoins fondamentaux physiques intellectuels sociaux et affectifs ainsi que le respect de ses droits doivent guider toutes deacutecisions le concernant raquo

(41) Amendement no 48 rect Protection de lenfance no 3184 Assembleacutee nationale 22 deacutecembre 2006 wwwassemblee-nationalefr v aussi sur lensemble de ces questions les consideacuterations tregraves eacuteclairantes de P Murat note sous CA Rennes 4 juillet 2002 D 2002 p 2902 Dr Famille 2002 comm no 142 note P Murat

(42) F Granet-Lambrechts laquo Materniteacutes de substitution filiation et eacutetat civil Panorama europeacuteen raquo Dr Famille no 12 deacutecembre 2007 eacutetude no 34

(43) D Youf Penser les droits de lenfant PUF 2002 p 2

(44) G Cornu La famille 6e eacuted no 7 J Carbonnier Droit civil t 4 Les obligations PUF coll Theacutemis no 372 p 649

(45) D Fenouillet et P de Vareilles-Sommiegraveres La contractualisation du droit de la famille Economica 2001

37

(46) H Gaumont-Prat laquo Pas dadoption pour les enfants issus de convention de megravere porteuse raquo art preacutec p 31

(47) E Poisson-Droccourt laquo Recours agrave une megravere de substitution et refus de ladoption raquo art preacutec p 2001 note sous Cass civ 1re 9 deacutecembre 2003 G Delaisi de Perseval laquo Gestation pour autrui en quecircte de leacutegitimation raquo httpwwwliberationfr

(48) C Neirinck laquo Les filiations eacutelectives agrave leacutepreuve du droit raquo JCP eacuted G 1997 I 4067 E Camuzet laquo La convention de gestation pour autrui une illeacutegaliteacute franccedilaise injustifieacutee raquo art preacutec p 59

(49) J Hauser et D Huet-Weiller Traiteacute de droit civil La famille Fondation et vie de la famille 2e eacuted LGDJ 1993 p 250

(50) B Debreacute et S Agacinski laquo Faut-il leacutegaliser les megraveres porteuses en France raquo art preacutec p 50 C Atias D 1986 chron p 67

Civ 1egravere

13 deacutecembre 1989

Ndeg de pourvoi 88-15655

Publieacute au bulletin

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Attendu selon les juges du fond que lrsquoassociation ldquo Alma Mater ldquo a pour objet de faciliter la

solution des problegravemes qui se posent aux couples dont la femme est steacuterile deacutesireux

drsquoaccueillir un enfant agrave leur foyer et aux ldquo megraveres porteuses ldquo volontaires qursquoil est proposeacute agrave

la ldquo megravere porteuse ldquo drsquoecirctre inseacutemineacutee artificiellement par la semence du mari ou du concubin

de porter et de mettre au monde lrsquoenfant qui sera deacuteclareacute sur les registres de lrsquoeacutetat civil sans

indication du nom de la megravere reconnu par le pegravere et accueilli au foyer de celui-ci en vue de

son adoption par lrsquoeacutepouse ou la compagne que lrsquoassociation intervient tout au long de ce

processus qualifieacute de ldquo precirct drsquouteacuterus ldquo ou de ldquo don drsquoenfant ldquo qursquoainsi apregraves avoir controcircleacute la

reacutealiteacute de la steacuteriliteacute du couple demandeur et des faculteacutes de feacutecondation de la ldquo megravere porteuse

ldquo geacuteneacuteralement recruteacutee par elle lrsquoassociation fait proceacuteder agrave lrsquoinseacutemination surveille la

grossesse et lrsquoaccouchement srsquooccupe de faire diligenter la proceacutedure drsquoadoption qursquoelle

verse ensuite agrave la megravere une somme forfaitaire - qui en 1987 eacutetait fixeacutee agrave 60 000 francs -

remise par le couple demandeur degraves le deacutebut de la grossesse que lrsquoarrecirct confirmatif attaqueacute

(Aix-en-Provence 29 avril 1988) estimant que cette association avait un objet illicite

contraire aux lois et aux bonnes moeurs en a prononceacute la nulliteacute sur le fondement de lrsquoarticle

3 de la loi du 1er juillet 1901

Sur le moyen unique pris en sa premiegravere branche

Attendu que lrsquoassociation ldquo Alma Mater ldquo fait grief agrave la cour drsquoappel drsquoavoir ainsi statueacute alors

que selon le moyen nrsquoest ni illicite ni contraire aux bonnes moeurs lrsquoassociation qui dans un

but humanitaire non lucratif met en relation un couple demandeur dont la femme est steacuterile et

38

une femme qui accepte drsquoecirctre inseacutemineacutee artificiellement par le mari de porter lrsquoenfant et de le

remettre agrave la naissance agrave ce couple qui lrsquoindemnisera des contraintes et de la gecircne occasionneacutee

par la grossesse de sorte que la juridiction du second degreacute aurait violeacute les articles 3 et 7 de la

loi du 1er juillet 1901

Mais attendu qursquoil reacutesulte des constatations des juges du fond que lrsquoobjet mecircme de

lrsquoassociation est de favoriser la conclusion et lrsquoexeacutecution de conventions qui fussent-elles

verbales portent tout agrave la fois sur la mise agrave la disposition des demandeurs des fonctions

reproductrices de la megravere et sur lrsquoenfant agrave naicirctre et sont donc nulles en application de lrsquoarticle

1128 du Code civil que ces conventions contreviennent au principe drsquoordre public de

lrsquoindisponibiliteacute de lrsquoeacutetat des personnes en ce qursquoelles ont pour but de faire venir au monde un

enfant dont lrsquoeacutetat ne correspondra pas agrave sa filiation reacuteelle au moyen drsquoune renonciation et

drsquoune cession eacutegalement prohibeacutees des droits reconnus par la loi agrave la future megravere que

lrsquoactiviteacute de lrsquoassociation qui tend deacutelibeacutereacutement agrave creacuteer une situation drsquoabandon aboutit agrave

deacutetourner lrsquoinstitution de lrsquoadoption de son veacuteritable objet qui est en principe de donner une

famille agrave un enfant qui en est deacutepourvu que crsquoest degraves lors agrave bon droit que lrsquoarrecirct attaqueacute a

deacutecideacute sur le fondement de lrsquoarticle 3 de la loi du 1er juillet 1901 que cette association eacutetait

nulle en raison de lrsquoilliceacuteiteacute de son objet que la premiegravere branche du moyen est donc sans

fondement

Et sur les deuxiegraveme et troisiegraveme branches du moyen

Attendu qursquoil est fait grief agrave la cour drsquoappel de nrsquoavoir pas reacutepondu aux conclusions faisant

valoir drsquoune part que lrsquointerdiction du ldquo don de gestation ldquo constituait une discrimination

fondeacutee sur la naissance contraire aux dispositions de lrsquoarticle 24 du pacte international relatif

aux droits civils et politiques signeacute agrave New York le 19 deacutecembre 1966 et drsquoautre part que ce ldquo

don de gestation ldquo reposait sur le droit leacutegitime de fonder une famille qui implique le droit

drsquoengendrer reconnu tant par lrsquoarticle 12 de la convention europeacuteenne des droits de lrsquohomme

et des liberteacutes fondamentales du 4 novembre 1950 que par lrsquoarticle 23 du pacte international

preacuteciteacute

Mais attendu que la reconnaissance du caractegravere illicite de la materniteacute pour autrui et des

associations qui srsquoefforcent de la promouvoir qui se deacuteduit des principes geacuteneacuteraux du Code

civil et de regravegles qui sont communes agrave toutes les filiations nrsquoest pas de nature agrave instaurer une

discrimination fondeacutee sur la naissance que le droit de se marier et de fonder une famille

reconnu par lrsquoarticle 12 de la convention du 4 novembre 1950 et par lrsquoarticle 23 du pacte

international du 19 deacutecembre 1966 agrave lrsquohomme et agrave la femme en acircge nubile nrsquoimplique pas le

droit de conclure avec un tiers des conventions portant sur le sort drsquoun enfant agrave naicirctre que

par ces motifs de droit reacutepondant aux conclusions invoqueacutees lrsquoarrecirct se trouve leacutegalement

justifieacute et que les deuxiegraveme et troisiegraveme branches du moyen ne peuvent ecirctre accueillies

PAR CES MOTIFS

REJETTE le pourvoi

Publication Bulletin 1989 I Ndeg 387 p 260

Deacutecision attaqueacutee Cour drsquoappel drsquoAix-en-Provence du 29 avril 1988

39

Cour de cassation Assembleacutee pleacuteniegravere

Audience publique du 31 mai 1991

Ndeg de pourvoi 90-20105 Publieacute au bulletin

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Sur le pourvoi dans lrsquointeacuterecirct de la loi formeacute par M le Procureur geacuteneacuteral pregraves la Cour de

Cassation

Vu les articles 6 et 1128 du Code civil ensemble lrsquoarticle 353 du mecircme Code

Attendu que la convention par laquelle une femme srsquoengage fucirct-ce agrave titre gratuit agrave concevoir

et agrave porter un enfant pour lrsquoabandonner agrave sa naissance contrevient tant au principe drsquoordre

public de lrsquoindisponibiliteacute du corps humain qursquoagrave celui de lrsquoindisponibiliteacute de lrsquoeacutetat des

personnes

Attendu selon lrsquoarrecirct infirmatif attaqueacute que Mme X eacutepouse de M Y eacutetant atteinte drsquoune

steacuteriliteacute irreacuteversible son mari a donneacute son sperme agrave une autre femme qui inseacutemineacutee

artificiellement a porteacute et mis au monde lrsquoenfant ainsi conccedilu qursquoagrave sa naissance cet enfant a

eacuteteacute deacuteclareacute comme eacutetant neacute de Y sans indication de filiation maternelle

Attendu que pour prononcer lrsquoadoption pleacuteniegravere de lrsquoenfant par Mme Y lrsquoarrecirct retient

qursquoen lrsquoeacutetat actuel des pratiques scientifiques et des moeurs la meacutethode de la materniteacute

substitueacutee doit ecirctre consideacutereacutee comme licite et non contraire agrave lrsquoordre public et que cette

adoption est conforme agrave lrsquointeacuterecirct de lrsquoenfant qui a eacuteteacute accueilli et eacuteleveacute au foyer de M et

Mme Y pratiquement depuis sa naissance

Qursquoen statuant ainsi alors que cette adoption nrsquoeacutetait que lrsquoultime phase drsquoun processus

drsquoensemble destineacute agrave permettre agrave un couple lrsquoaccueil agrave son foyer drsquoun enfant conccedilu en

exeacutecution drsquoun contrat tendant agrave lrsquoabandon agrave sa naissance par sa megravere et que portant atteinte

aux principes de lrsquoindisponibiliteacute du corps humain et de lrsquoeacutetat des personnes ce processus

constituait un deacutetournement de lrsquoinstitution de lrsquoadoption la cour drsquoappel a violeacute les textes

susviseacutes

PAR CES MOTIFS

CASSE ET ANNULE mais seulement dans lrsquointeacuterecirct de la loi et sans renvoi lrsquoarrecirct rendu le

15 juin 1990 par la cour drsquoappel de Paris

REQUETE DE M LE PROCUREUR GENERAL PRES LA COUR DE CASSATION

Le Procureur geacuteneacuteral pregraves la Cour de Cassation a lrsquohonneur drsquoexposer

- Que par jugement du 28 juin 1989 le tribunal de grande instance de Paris a rejeteacute la requecircte

preacutesenteacutee par Mme X eacutepouse Y tendant agrave lrsquoadoption pleacuteniegravere de lrsquoenfant Z deacuteclareacutee

comme eacutetant neacutee de M Y mari de la requeacuterante sans indication de filiation maternelle

- Que pour ne pas faire droit agrave cette requecircte les premiers juges ont retenu que les eacutepoux Y

pour remeacutedier agrave la steacuteriliteacute de leur couple avaient eu recours agrave lrsquoassociation Alma Mater

aujourdrsquohui dissoute lrsquoenfant eacutetant neacute drsquoune megravere de substitution qui lrsquoa abandonneacute agrave la

naissance pratique deacuteclareacutee illicite

- Que sur appel de Mme Y la premiegravere chambre civile section C de la cour drsquoappel de

Paris a par arrecirct du 15 juin 1990 infirmeacute la deacutecision entreprise et prononceacute lrsquoadoption

pleacuteniegravere solliciteacutee par la requeacuterante

- Qursquoau soutien de leur deacutecision devenue deacutefinitive les juges du second degreacute ont tireacute de nos

principes geacuteneacuteraux relatifs agrave la filiation des regravegles drsquoordre public concernant les contrats et de

40

certaines conventions ou deacuteclarations internationales des conclusions contraires agrave celles

auxquelles eacutetait parvenue votre premiegravere chambre civile de la Cour de Cassation qui dans un

cas de figure pratiquement identique a par arrecirct du 13 deacutecembre 1989 (association Alma

Mater contre procureur geacuteneacuteral Aix-en-Provence) reconnu le caractegravere illicite de la materniteacute

pour autrui et les associations qui srsquoefforcent de la promouvoir

- Qursquoil importe en cette matiegravere particuliegraverement sensible qui touche agrave un deacutelicat problegraveme de

socieacuteteacute et drsquoeacutethique que soit mis fin agrave des divergences jurisprudentielles majeures et que la

seacutecuriteacute juridique soit assureacutee

PAR CES MOTIFS

Vu lrsquoarticle 17 de la loi du 3 juillet 1967 relative agrave la Cour de Cassation

Requiert qursquoil plaise agrave la Cour de Cassation

CASSE ET ANNULE sans renvoi et dans le seul inteacuterecirct de la loi lrsquoarrecirct rendu le 15 juin 1990

par la cour drsquoappel de Paris ayant fait droit agrave la requecircte en adoption pleacuteniegravere preacutesenteacutee par

Mme X eacutepouse Y

Publication Bulletin 1991 AP Ndeg 4 p 5

Deacutecision attaqueacutee Cour drsquoappel de Paris du 15 juin 1990

Page 7: SEANCE_3 Droit Civil Methodologie

7

transaction raquo Cest ce que sous-entend le code civil En est-il de mecircme de leacutetat des personnes

2 - Indisponibiliteacute de leacutetat des personnes

La femme dans la materniteacute pour autrui renonce par avance agrave sa qualiteacute de megravere Certes elle

peut ne pas reconnaicirctre lenfant (accouchement sous X) labandonner une fois neacute mais ici

elle sy oblige bien avant la naissance Quant agrave lenfant il est soustrait par avance agrave sa megravere

La Cour de cassation la tregraves bien exprimeacute dans son arrecirct du 13 deacutec 1989 les conventions de

materniteacute de substitution laquo contreviennent au principe de lindisponibiliteacute de leacutetat des

personnes en ce quelles ont pour but de faire venir au monde un enfant dont leacutetat ne

correspond pas agrave sa filiation reacuteelle raquo

La volonteacute intervient certes en matiegravere de composantes de leacutetat des personnes nom

nationaliteacute situation de famille actions relatives agrave la filiation Lart 373-2-11 c civ (L 4

mars 2002 reprenant lancien art 290) dispose ainsi que lorsquil se prononce sur lexercice

de lautoriteacute parentale le juge prend notamment en consideacuteration laquo les accords que [les

eacutepoux] avaient pu anteacuterieurement conclure raquo Les conventions qui ameacutenagent les devoirs

parentaux sont donc valables

Au demeurant la Cour de cassation na-t-elle pas franchi une eacutetape de plus en matiegravere de

transsexualisme Apregraves avoir jugeacute le contraire elle a deacutecideacute que le principe de

lindisponibiliteacute de leacutetat des personnes ne fait pas obstacle agrave la rectification du sexe sur lacte

de naissance dune personne preacutesentant le syndrome de transsexualisme lorsque agrave la suite dun

traitement meacutedico-chirurgical subi dans un but theacuterapeutique cette personne ne possegravede plus

tous les caractegraveres de son sexe dorigine et a pris une apparence physique la rapprochant de

lautre sexe auquel correspond son comportement social La Cour a statueacute ainsi parce que la

Cour europeacuteenne des droits de lhomme dans lintervalle avait condamneacute la France au motif

que la solution adopteacutee par la premiegravere Chambre civile conduirait agrave la violation du droit agrave la

vie priveacutee de lart 8 de la Convention europeacuteenne des droits de lhomme

Nous ne discuterons pas de lappreacuteciation de ces deacutecisions sur le transsexualisme Disons

simplement quelles ne sont pas sans incidence sur le mariage et les enfants neacutes ou que le

transsexuel deacutesirera adopter Bien que la Cour se reacutefegravere au principe de lindisponibiliteacute de

leacutetat des personnes il semble que ce principe est loin decirctre absolu On peut mecircme dire quil

nexiste pas mais quil est simplement opportun de ne pas disposer de leacutetat dune personne

Est-ce pour cette raison que la Cour de cassation dans larrecirct rapporteacute se reacutefegravere seulement aux

laquo principes geacuteneacuteraux du code civil raquo et au deacutetournement de linstitution de ladoption

III - Bien-fondeacute du recours agrave ladoption

Les eacutepoux X invoquent agrave lappui de leur demande dadoption lart 353 c civ aux termes

duquel le tribunal veacuterifie si ladoption est conforme agrave linteacuterecirct de lenfant Plusieurs auteurs

justifient ainsi le prononceacute de ladoption de lenfant issu dune convention de megravere de

substitution

Les eacutepoux X font aussi reacutefeacuterence aux art 3 al 1er (laquo Dans toutes les deacutecisions qui

concernent les enfants [] linteacuterecirct supeacuterieur de lenfant doit ecirctre une consideacuteration

primordiale raquo) et 21 (laquo Les Etats parties qui admettent etou autorisent ladoption sassurent

que linteacuterecirct supeacuterieur de lenfant est la consideacuteration primordiale en la matiegravere raquo) de la

Convention des Nations unies relative aux droits de lenfant du 20 nov 1989 Toutefois celle-

ci nest pas dapplication immeacutediate par les tribunaux Et il faudrait au surplus ecirctre sucircr que lon

soit dans une situation ougrave ladoption est permise

8

Quant agrave linteacuterecirct de lenfant il ne permet pas daneacuteantir les autres principes directeurs de notre

droit vus preacuteceacutedemment Au surplus tout le monde admet quil faut dire agrave lenfant adopteacute dans

quelle condition il la eacuteteacute Que lui dira-t-on en lespegravece Lui dira-t-on la veacuteriteacute ou lui mentira-

t-on Devenu plus grand il aura le droit laquo dans la mesure du possible de connaicirctre ses

parents et decirctre eacuteleveacute par eux raquo aux termes de la mecircme Convention de New York du 20 nov

1989 Cela nest pas non plus sans soulever de difficulteacute

Surtout ladoption est faite pour donner des parents agrave un enfant deacutejagrave neacute et qui en est deacutepourvu

et non pour satisfaire le deacutesir denfant dun couple Il ne manque malheureusement pas

denfants sans famille dans le monde En lespegravece dailleurs les eacutepoux avaient deacutejagrave eu en

commun un enfant

Ils invoquent aussi agrave lappui de leur demande dadoption la Convention europeacuteenne des droits

de lhomme dont lart 8 dit laquo Toute personne a droit au respect de sa vie priveacutee et familiale

raquo Mme X avait certes attendu presque douze ans avant de preacutesenter sa requecircte Mais quant

agrave y trouver une justification de ladoption cest faire dire agrave ce texte beaucoup plus que ses

termes geacuteneacuteraux ne le permettent Il ne faut pas non plus oublier lalineacutea 2 dudit article qui

dispose qulaquo il ne peut y avoir ingeacuterence dune autoriteacute publique dans lexercice de ce droit

que pour autant que cette ingeacuterence est preacutevue par la loi et quelle constitue une mesure qui

[] est neacutecessaire [] agrave la protection [] de la morale raquo Il y a les art 311-9 376 et

doreacutenavant 16-7 c civ Et la pratique des megraveres de substitution heurte bien agrave notre avis la

morale Quant agrave la prise en compte de la situation de fait nous y reviendrons plus loin mais

on heacutesite agrave cautionner la politique du fait accompli

Ladoption solliciteacutee est la phase ultime dun processus densemble dont la source le contrat

avec la megravere de substitution est illicite car contraire agrave lordre public Lentreprise globale

constitue un deacutetournement de linstitution de ladoption comme laffirme la Cour de cassation

dans larrecirct rapporteacute reprenant en cela son analyse anteacuterieure En refusant ladoption on rend

leacutetat des personnes incertain et lon incite les couples agrave ne pas recourir agrave la materniteacute pour

autrui

IV - Porteacutee de larrecirct

Nous avons deacutejagrave fait eacutetat de deux arrecircts de la Cour de cassation celui du 13 deacutec 1989

deacuteclarant illicite une association promouvant la materniteacute par substitution et celui de

lAssembleacutee pleacuteniegravere du 31 mai 1991 condamnant cette materniteacute Dans cette derniegravere affaire

le pourvoi avait eacuteteacute preacutesenteacute par le procureur geacuteneacuteral pregraves la Cour de cassation dans linteacuterecirct

de la loi Par conseacutequent il ne pouvait preacutejudicier aux parties en remettant en question

ladoption pleacuteniegravere prononceacutee par la Cour dappel de Paris Selon le doyen Carbonnier il

sagissait plutocirct laquo dun acte de politique judiciaire raquo

Le 29 juin 1994 la premiegravere Chambre civile de la Cour de cassation eut agrave se prononcer de

nouveau sur la question A la diffeacuterence du preacuteceacutedent arrecirct la Cour y casse sans renvoi larrecirct

de la cour dappel ayant prononceacute ladoption simple de lenfant En outre les faits sont assez

particuliers Cest la belle-soeur des eacutepoux Y qui avait conccedilu et porteacute lenfant elle lavait

reconnu avant M Y La belle-soeur et son mari consentirent agrave ladoption pleacuteniegravere par Mme

Y Les eacutepoux Y se seacuteparegraverent avant toute requecircte en adoption Apregraves que lenfant eut eacuteteacute

confieacute agrave Mme Y le jugement de divorce confia lautoriteacute parentale agrave la megravere biologique M

Y intente une action pour que lenfant lui soit confieacute Pendant cette proceacutedure Mme Y

deacutepose une requecircte en adoption pleacuteniegravere et assigne son ex-eacutepoux pour faire juger abusif son

refus dy consentir On comprend que devant un tel imbroglio la Cour de cassation ait refuseacute

que ladoption soit valideacutee Dune faccedilon geacuteneacuterale on peut se demander si la materniteacute de

substitution au sein de la famille proche nest pas de nature agrave faire perdre ses repegraveres agrave

9

lenfant Lenfant est appeleacute agrave voir souvent sa tante qui est aussi sa megravere par le sang tandis

quil est eacuteleveacute par une megravere sociologique

Par suite larrecirct commenteacute est inteacuteressant en ce quil confirme la position de la Cour de

cassation dans un cas plus classique un contrat a eacuteteacute passeacute entre un couple et une femme sans

relation avec le couple qui sest fait inseacuteminer par les gamegravetes du mari a porteacute lenfant et sest

engageacutee agrave labandonner agrave sa naissance afin quil ne soit reconnu que par le mari et quil soit

adopteacute par sa femme Il est probable quil y a eu une contrepartie financiegravere Le plus souvent

la megravere porteuse est pousseacutee agrave louer son ventre par deacutetresse financiegravere

Le contrat initial est tenu secret sauf si la megravere de substitution refuse dabandonner lenfant

Lannuler comme le prescrit lart 16-7 c civ permet agrave cette derniegravere de garder lenfant

Sinon le contrat reste occulte Cest au moment de la demande dadoption que peut apparaicirctre

lentreprise globale vicieacutee agrave sa source Souvent elle passe inaperccedilue Cest toute la difficulteacute

de la situation Refuser de prononcer ladoption est la seule sanction civile de quelque

efficaciteacute

Une autre particulariteacute de lespegravece meacuterite decirctre souligneacutee Mme X a preacutesenteacute sa requecircte aux

fins dadoption onze ans et demi apregraves la naissance de lenfant Ne faut-il pas tenir compte de

la situation de fait qui sest creacuteeacutee Lenfant a eacuteteacute eacuteleveacute par le couple pendant de longues

anneacutees Dans linteacuterecirct de lenfant on pourrait peut-ecirctre eacutetablir sa filiation maternelle par le

recours agrave la possession deacutetat mais cela ne serait en tout eacutetat de cause possible que dans un

cas comme celui-ci

La reacuteprobation de la materniteacute pour autrui peut ecirctre aussi atteinte par une autre voie il existe

aussi des sanctions peacutenales Aux termes de lart 227-12 nouveau c peacuten laquo le fait de

provoquer soit dans un but lucratif soit par don promesse menace ou abus dautoriteacute les

parents ou lun dentre eux agrave abandonner un enfant neacute ou agrave naicirctre est puni de six mois

demprisonnement et de 7500 euros raquo sans compter eacuteventuellement des peines

compleacutementaires Ce texte ne peut eacutevidemment sappliquer quagrave des faits posteacuterieurs agrave son

entreacutee en vigueur Il reprend toutefois en la preacutecisant lincrimination de lart 353-1 (2deg)

ancien c peacuten laquo Sera puni de dix jours agrave six mois demprisonnement et de 500 agrave 20 000 F

damende [] toute personne qui aura fait souscrire ou tenteacute de faire souscrire par les futurs

parents ou lun deux un acte aux termes duquel ils sengagent agrave abandonner lenfant agrave naicirctre

qui aura deacutetenu un tel acte en aura fait usage ou tenteacute den faire usage raquo Six mois

demprisonnement mecircme avec sursis paraissent excessifs et lamende est insuffisante Le

parquet pourrait neacuteanmoins mettre en oeuvre ces textes afin de dissuader les couples de

recourir agrave la materniteacute de substitution (18) plutocirct quagrave une veacuteritable adoption La

condamnation peacutenale aurait lavantage de faire tomber la sanction sur les couples sans

atteindre lenfant On pourrait alors songer agrave la possession deacutetat pour rattacher lenfant agrave la

femme qui la eacuteleveacute pendant de longues anneacutees comme ceacutetait le cas en lespegravece La

possession deacutetat permettrait deacutetablir une filiation maternelle naturelle Pourrait-elle aussi

faire acqueacuterir agrave lenfant la qualiteacute denfant leacutegitime La possession deacutetat joue alors

indivisiblement agrave leacutegard des deux parents (art 321 c civ) alors que la reconnaissance qui a

eacuteteacute faite par le mari atteste la qualiteacute denfant naturel de celui-ci

Dautre part il convient de sattaquer aux intermeacutediaires Par son arrecirct preacuteciteacute du 13 deacutec 1989

la Cour de cassation a confirmeacute la nulliteacute dune association en raison de lilliceacuteiteacute de son objet

de mettre en rapport des couples avec des megraveres de substitution Le gouvernement franccedilais

interdit semblables associations mais des personnes continuent certainement agrave sentremettre agrave

cet effet Elles tombent sous lincrimination de lart 227-12 al 3 nouveau c peacuten Est puni

dun an demprisonnement et de 15 000 euros damende laquo le fait dans un but lucratif de

sentremettre entre une personne ou un couple deacutesireux daccueillir un enfant et une femme

acceptant de porter en elle cet enfant en vue de le leur remettre raquo Lorsque ces faits ont eacuteteacute

10

commis agrave titre habituel ou dans un but lucratif les peines sont doubleacutees Les personnes

morales peuvent en ecirctre deacuteclareacutees responsables (art 227-14) et sont passibles de sanctions

approprieacutees preacutevues aux art 131-38 et 131-39 Lart 353-1 (1deg) ancien c peacuten eacutetait moins net

mais incriminait aussi celui qui avait dans un espoir de lucre provoqueacute les parents ou lun

deux agrave abandonner leur enfant agrave naicirctre Lactiviteacute des intermeacutediaires est hautement

condamnable Il convient donc de leur appliquer les sanctions civiles et peacutenales que contient

notre droit agrave leur eacutegard

Une difficulteacute suppleacutementaire pour sanctionner la materniteacute de substitution tient agrave ce quon a

appeleacute le tourisme procreacuteatif car les Franccedilais vont chercher les femmes qui se livrent agrave ce

commerce dans des pays voisins toleacuterants (19) Il en est ainsi en Angleterre comme le

teacutemoigne larrecirct de la Cour de cassation du 23 avr 2003 (20) Bien que non abordeacute dans

cette derniegravere deacutecision il surgit alors une question de conflit de lois et il est possible aussi

quintervienne lordre public

Mots cleacutes ADOPTION Adoption pleacuteniegravere Materniteacute de substitution Prohibition Deacutetournement de

linstitution

CONTRAT ET OBLIGATIONS Objet Illiceacuteiteacute Materniteacute de substitution Megravere

porteuse Filiation adoptive

Recueil Dalloz 2005 p 536

Droits et liberteacutes corporels

Panorama de la leacutegislation de la jurisprudence et des avis des instances eacutethiques

Jean-Christophe Galloux Professeur agrave luniversiteacute de Pantheacuteon-Assas (Paris II)

Responsable du Centre de droit meacutedical

Heacutelegravene Gaumont-Prat Professeur agrave luniversiteacute de Picardie-Jules Verne Membre du

Comiteacute national dEthique

Lessentiel

Les articles 16 agrave 16-13 du code civil qui consacrent le cadre du statut juridique du corps

humain depuis les lois dites laquo bioeacutethiques raquo du 29 juillet 1994 continuent deacutetendre leur

empire Les hypothegraveses quils ont vocation agrave reacutegir concernent autant les territoires

traditionnels de la biomeacutedecine que sont les tests et empreintes geacuteneacutetiques les procreacuteations

meacutedicalement assisteacutees ou des greffes dorganes pour ne citer que les principaux que des

champs nouveaux et parfois inattendus comme limage du corps le droit dasile

lassujettissement aux cotisations sociales ou les obligations scolaires Limportante reacutevision

des textes de 1994 par la loi ndeg 2004-800 du 6 aoucirct 2004 sest traduite par une eacuterosion de la

protection des droits et liberteacutes corporels individuels au profit de la liberteacute de la recherche

scientifique et des consideacuterations de solidariteacute comme en teacutemoigne notamment la deuxiegraveme

reformulation de larticle 16-3 relatif agrave linteacutegriteacute corporelle

I - Les donneacutees relatives au corps

A - Les tests et donneacutees geacuteneacutetiques

Les tests geacuteneacutetiques sont susceptibles de recouvrir diffeacuterentes finaliteacutes meacutedico-

professionnelles (meacutedecine curative preacutedictive preacutevention des risques professionnels) ou

sociales (emploi assurance) voire de deacutepistage preacutenatal (diagnostic preacutenatal et

preacuteimplantatoire) Leacutevolution observeacutee conduit agrave distinguer les tests geacuteneacutetiques qualifieacutes de

11

donneacutees personnelles ou de donneacutees de santeacute

1 - Donneacutees personnelles

Deux inteacuterecircts contradictoires sont pris en compte par le leacutegislateur ou les avis de diffeacuterentes

instances celui de la personne elle-mecircme et celui des tiers au titre de la solidariteacute sociale

a) La prise en compte de linteacuterecirct de la personne

1 Dans un souci de garantir un reacutegime juridique plus protecteur pour les personnes la loi ndeg

2004-800 du 6 aoucirct 2004 (art 4) relative agrave la bioeacutethique a proceacutedeacute agrave un toilettage des anciens

textes pour uniformiser les formulations retenues en remplaccedilant dans les diffeacuterents codes

concerneacutes (code civil code de la santeacute publique code peacutenal) lexpression laquo eacutetude geacuteneacutetique

des caracteacuteristiques raquo ou laquo meacutedecine preacutedictive raquo par laquo examen des caracteacuteristiques

geacuteneacutetiques raquo de la personne Sont ainsi modifieacutes larticle 16-10 du code civil les intituleacutes du

titre III du livre I de la premiegravere partie du code de la santeacute publique et la section 6 du chapitre

IV du titre II du code peacutenal

Deux raisons militaient en faveur de ce changement dune part la notion de meacutedecine

preacutedictive eacutetait trop eacutetroite car elle nautorisait pas le diagnostic dune maladie deacutejagrave deacuteclareacutee

Dautre part la terminologie preacuteceacutedemment utiliseacutee laquo eacutetude ou examen geacuteneacutetique des

caracteacuteristiques raquo dune personne est apparue trop restrictive Elle ne permettait pas de

garantir la protection de la personne agrave leacutegard dune eacuteventuelle utilisation abusive

dinformations geacuteneacutetiques obtenues agrave loccasion dinvestigations meacutedicales diverses non

speacutecifiquement geacuteneacutetiques comme par exemple une biopsie musculaire chez un myopathe de

Duchecircne leacutelectroforegravese de lheacutemoglobine pour le diagnostic de la dreacutepanocytose ou des

thalasseacutemies ou encore de lHLA 27 (selon le rapport de F Giraud Commission des Affaires

sociales Seacutenat 1re lecture ndeg 128 du 15 janv 2003 [2002-2003])

Le terme retenu agrave larticle 4 de loi vise agrave encadrer lensemble des examens de caractegravere

geacuteneacutetique et apparaicirct plus adapteacute agrave lobjectif de lencadrement fixeacute Une telle harmonisation

des terminologies utiliseacutees vient ainsi assurer la coheacuterence des pratiques

La loi a eacutegalement deacutecideacute de sanctionner peacutenalement outre le fait de proceacuteder agrave un examen

des caracteacuteristiques geacuteneacutetiques dune personne sans avoir recueilli preacutealablement son

consentement le fait de proceacuteder agrave un tel examen agrave des fins autres que meacutedicales ou de

recherche scientifique Les sanctions preacutevues agrave larticle 226-25 du code peacutenal demeurent

inchangeacutees un an demprisonnement et 15 000 euros damende

2 La loi ndeg 2004-800 du 6 aoucirct 2004 (art 5) met en exergue limportance accordeacutee agrave la

volonteacute en matiegravere dexamen des caracteacuteristiques geacuteneacutetiques dune personne la loi vient

compleacuteter la reacutedaction de larticle 16-10 alineacutea 2 en posant lexigence dun consentement

mieux encadreacute quauparavant et elle en organise ses modaliteacutes recueil du consentement

expregraves par eacutecrit reacutevocable sans forme agrave tout moment et eacuteclaireacute puisque la personne doit ecirctre

laquo ducircment informeacutee de sa nature et de sa finaliteacute lobligation dinformation devenant une des

conditions du recueil du consentement raquo (D Thouvenin La loi relative agrave la bioeacutethique ou

comment accroicirctre laccegraves aux eacuteleacutements biologiques dorigine humaine D 2005 Chron p

116 et p 172) La loi preacutevoit un nouvel article L 1131-1 au code de la santeacute publique qui

renvoie agrave ces dispositions preacuteciteacutees du code civil

3 La loi ndeg 2004-800 du 6 aoucirct 2004 (art 6) organise le reacutegime juridique des collections

deacutechantillons biologiques humains et des recherches geacuteneacutetiques mises en oeuvre agrave partir de

ces collections Cet article vise agrave concilier les droits des personnes preacuteleveacutees avec la neacutecessiteacute

12

de ne pas alourdir la tacircche des chercheurs dans des secteurs jugeacutes prometteurs Larticle L

1131-4 du code de la santeacute publique rappelle que la constitution et lutilisation de collections

deacutechantillons biologiques humains agrave des fins de recherche geacuteneacutetique relegravevent des dispositions

relatives agrave la conservation et agrave lutilisation des eacuteleacutements et produits du corps humain agrave des fins

de recherche scientifique et non des dispositions reacutegissant les recherches biomeacutedicales (telles

quissues de la loi Huriet)

4 Cest ensuite une protection renforceacutee agrave leacutegard des risques de discrimination lieacutes agrave la

reacutealisation de tests geacuteneacutetiques qui se voit affirmeacutee dans deux types de recommandations lune

europeacuteenne (Recommandations sur les implications des tests geacuteneacutetiques Office des

publications officielles des Communauteacutes europeacuteennes Bruxelles mai 2004) lautre

internationale (Elaboration de la Deacuteclaration relative agrave des normes universelles en matiegravere de

bioeacutethique quatriegraveme eacutebauche de texte CIB UNESCO 15 deacutec 2004)

Le principe de non-discrimination en raison des caracteacuteristiques geacuteneacutetiques avait deacutejagrave eacuteteacute

inscrit agrave larticle 16-13 du code civil lors de la loi ndeg 2002-303 du 4 mars 2002 et il figure

eacutegalement dans la plupart des textes internationaux consacreacutes agrave ce sujet la Convention

dOviedo la Deacuteclaration universelle sur le geacutenome humain ainsi que la Charte des droits

fondamentaux de lUnion europeacuteenne

b) La prise en compte de linteacuterecirct du tiers

Larticle L 1131-1 alineacuteas 3 4 et 5 du code de la santeacute publique issu de la loi du 6 aoucirct 2004

envisage linteacuterecirct de la famille agrave propos dun test geacuteneacutetique reacutealiseacute sur une personne et traite de

linformation geacuteneacutetique familiale A la suite dun test geacuteneacutetique reacuteveacutelant une anomalie

geacuteneacutetique pouvant entraicircner chez les autres membres de la famille le deacuteveloppement dune

mecircme pathologie la personne concerneacutee ou le meacutedecin ont-ils une obligation dans linteacuterecirct

des tiers den informer la famille Doit-on envisager une simple obligation morale ou la

responsabiliteacute du patient qui par son silence aurait empecirccheacute deacuteviter lapparition dune telle

maladie

Cette interrogation sinscrit dans le deacutebat contemporain qui se deacuteveloppe progressivement sur

linteacuterecirct du tiers qui pourrait lemporter sur linteacuterecirct de la personne elle-mecircme

Ce problegraveme a eacuteteacute souleveacute lors des travaux parlementaires devant le Seacutenat en premiegravere lecture

agrave loccasion de laudition du Professeur A Munnich (chef du service de geacuteneacutetique meacutedicale de

lhocircpital Necker - Enfants malades directeur de recherche agrave INSERM) devant la Commission

des Affaires sociales le 4 deacutecembre 2002 Celui-ci suggeacuterait de reacutefleacutechir aux implications du

secret meacutedical sur la santeacute des membres de la famille dune personne atteinte dune affection

geacuteneacutetique

La prise en compte de linteacuterecirct du tiers avait deacutejagrave eacuteteacute eacutevoqueacutee avec prudence dans un avis du

Comiteacute consultatif national deacutethique (avis ndeg 70 du 13 deacutec 2001 laquo Consentement en faveur

dun tiers raquo) Le consentement en faveur ou au profit dun tiers met en jeu et parfois en

concurrence plusieurs principes lautonomie de la personne la bienfaisance agrave leacutegard du

tiers et la solidariteacute Lavis ndeg 70 rappelait que le deacutepistage envisageacute peut concerner le sujet

index mais eacutegalement dautres personnes les diffeacuterents laquo tiers raquo viseacutes dans lavis cest le cas

de certaines maladies infectieuses transmissibles et geacuteneacutetiques La deacutecouverte dun portage

infectieux chez une personne peut avoir des conseacutequences directes sur lopportuniteacute dun

deacutepistage effectueacute chez une autre personne qui aurait eacuteteacute exposeacutee Il en est ainsi par exemple

en cas de viol ou dexposition dun soignant agrave une contamination par le sang

13

La transmission des donneacutees geacuteneacutetiques dune personne au beacuteneacutefice dun tiers dont la parenteacute

biologique avec le sujet est eacutetablie peut ecirctre solliciteacutee dans un cas plus geacuteneacuteral en vue de

lobtention dinformations geacuteneacutetiques familiales compleacutementaires pour avoir une

caracteacuterisation preacutecise des anomalies voire la recherche systeacutematique de mutation dans une

famille agrave partir dun cas princeps afin de mettre en eacutevidence un risque geacuteneacutetique susceptible

decirctre preacutevenu ou non Lavis ndeg 70 du 13 deacutecembre 2001 soulignait que linteacuterecirct du tiers peut

ecirctre la connaissance de son statut par rapport agrave cette anomalie geacuteneacutetique la possibiliteacute lui

eacutetant donneacutee de pouvoir entreprendre une surveillance preacuteventive ou de se soumettre agrave une

theacuterapeutique dans un but curatif ou encore de choisir de ne pas la transmettre agrave sa

descendance

A loccasion de la reacutevision des lois de bioeacutethique le Comiteacute consultatif national deacutethique fut

solliciteacute par le ministre de la Santeacute sur lopportuniteacute dinscrire dans la loi la notion

dinformation geacuteneacutetique familiale doit-on envisager lobligation pour une personne

dinformer son entourage familial si a eacuteteacute deacutecouverte chez elle une preacutedisposition ou

lexistence dune maladie geacuteneacutetique grave pouvant faire lobjet pour les autres membres de la

famille dun traitement etou dune preacutevention efficaces Lavis ndeg 76 rendu le 24 avril 2003

laquo A propos de lobligation dinformation geacuteneacutetique familiale en cas de neacutecessiteacute meacutedicale raquo

privileacutegiait le maintien du secret meacutedical

Les donneacutees geacuteneacutetiques personnelles beacuteneacuteficient dune double protection donneacutees de santeacute

elles sont couvertes par le secret meacutedical et faisant partie de la sphegravere dintimiteacute de chaque

individu elles sont proteacutegeacutees au mecircme titre que toutes les donneacutees agrave caractegravere personnel par

le droit au respect de la vie priveacutee inscrit au code civil

Le nouvel article L 1131-1 du code de la santeacute publique issu de larticle 5 de la loi du 6 aoucirct

2004 sinscrit au contraire dans un mouvement favorable agrave une supreacutematie de la notion de laquo

solidariteacute normative raquo sur lintangibiliteacute du droit agrave lintimiteacute Dans le cas dune anomalie

geacuteneacutetique grave en cas de diagnostic poseacute lors de lexamen des caracteacuteristiques geacuteneacutetiques

dune personne le meacutedecin se doit dinformer celle-ci des risques que son silence ferait courir

aux membres de sa famille dans les cas ougrave des mesures de preacutevention ou de soins peuvent ecirctre

proposeacutees agrave ceux-ci Le texte preacutevoit une alternative laisseacutee agrave la personne concerneacutee soit elle

informe elle-mecircme les membres de sa famille soit elle opte pour la proceacutedure de

linformation meacutedicale agrave caractegravere familial expliciteacutee agrave larticle L 1131-1 du code de la santeacute

publique Les formaliteacutes de la transmission de linformation sont clairement deacutefinies Le

patient qui refuse agrave la fois de preacutevenir les membres de sa famille et de souscrire agrave la proceacutedure

de linformation meacutedicale agrave caractegravere familial ne va-t-il pas engager sa responsabiliteacute (V J-

R Binet La loi relative agrave la bioeacutethique Dr fam oct 2004 6 s)

2 - Donneacutees de santeacute

()

B - Les empreintes geacuteneacutetiques

Les empreintes geacuteneacutetiques moyen didentification des personnes font lobjet dun

encadrement speacutecifique selon le domaine viseacute civil ou peacutenal

1 - En matiegravere civile

1 Lidentification dune personne par ses empreintes geacuteneacutetiques est autoriseacutee par la loi agrave titre

de preuve judiciaire en matiegravere civile elle peut ecirctre ordonneacutee par le juge comme mesure

dinstruction dans certains procegraves mettant en jeu des actions relatives agrave la filiation ou des

14

actions agrave fins de subsides sous reacuteserve du recueil preacutealable expregraves du consentement de

linteacuteresseacute

Une deacutecision de la Cour dappel dAgen du 25 mars 2004 est rendue en application de larticle

16-11 alineacutea 2 du code civil dans le cadre dune action agrave fins de subsides La cour retient que

laquo sil ne peut ecirctre contesteacute que chacun a le droit au respect de son inteacutegriteacute physique larticle

16-11 du code civil preacutevoit expresseacutement lidentification dune personne au moyen de

lempreinte geacuteneacutetique [] raquo A deacutefaut davoir pu obtenir le consentement du deacutefendeur rendu

obligatoire par le mecircme texte la cour retient que si laquo les premiers juges deacutecidaient ainsi

justement que sil ne pouvait pas ecirctre fait grief agrave B de refuser une telle mesure leacutegale il

pouvait ecirctre tireacute toutes les conseacutequences de ce refus [] raquo La solution retenue est classique

Elle vient reacuteaffirmer le poids reconnu au recueil du consentement en matiegravere de respect du

corps humain et de linteacutegriteacute physique cette mesure ne peut ecirctre exeacutecuteacutee de force ou sous

astreinte En cas de refus le reacutegime geacuteneacuteral des mesures dinstruction est applicable en vertu

de larticle 11 alineacutea 1er et 198 du nouveau code de proceacutedure civile

Quen est-il du consentement sagissant de la demande de preacutelegravevement post-mortem

Le deuxiegraveme alineacutea de larticle 16-11 du code civil a eacuteteacute modifieacute par la loi du 6 aoucirct 2004

pour interdire toute identification post-mortem par empreintes geacuteneacutetiques en matiegravere civile

sauf accord expregraves manifesteacute de son vivant par la personne deacuteceacutedeacutee

Cette disposition destineacutee agrave renforcer la prise en compte de la volonteacute de la personne vient

mettre un terme agrave la question du preacutelegravevement post-mortem ordonneacute par une mesure judiciaire

dans le silence de la loi de 1994 la doctrine et la jurisprudence eacutetaient diviseacutees sur

linterpreacutetation agrave donner agrave lancien article 16-11 du code civil que laffaire Montand avait

meacutediatiseacute

Selon une premiegravere approche la reacutedaction de larticle 16-11 exigeait le consentement

preacutealable de la personne concerneacutee et ne pouvait sappliquer degraves lors agrave un deacutefunt le respect

ducirc aux morts sy opposait (CA Paris 17 deacutec 1998 D 1999 Jur p 476 note B Beignier 6

nov 1997 D 1998 Jur p 122 note P Malaurie Somm p 161 obs H Gaumont-Prat P

Malaurie et H Fulchiron Defreacutenois 2004 ndeg 821 p 333)

Selon une seconde approche lobligation de consentir fixeacute par larticle 16-11 ne concernait

que les vivants et il appartenait aux tribunaux den appreacutecier lopportuniteacute sagissant des

personnes deacuteceacutedeacutees (P Catala La jeune fille et le mort Dr fam 1997 Chron ndeg 12 J

Massip Defreacutenois 2002 art 37478)

2 Le juge des reacutefeacutereacutes peut-il ordonner une mesure dinstruction sur le fondement de larticle

145 du nouveau code de proceacutedure civile

Il a deacutejagrave eacuteteacute jugeacute que le juge des reacutefeacutereacutes ne peut sur le fondement de larticle 145 du nouveau

code de proceacutedure civile ordonner une mesure dinstruction tendant agrave lidentification dune

personne par ses empreintes geacuteneacutetiques mecircme avec laccord des parties (TGI Toulouse 25

janv 1995 Gaz Pal 1995 2 p 361 note Olivier CA Riom 19 juin 1997 D 1999 Somm

p 333 obs H Gaumont-Prat)

Avant le vote des lois de bioeacutethique de 1994 en matiegravere de filiation la Cour de cassation

(Cass 1re civ 4 mai 1994 Bull civ I ndeg 159 D 1994 Jur p 545 note J Massip D

1995 Somm p 113 obs F Granet-Lambrechts ) avait admis la possibiliteacute de recourir au

15

reacutefeacutereacute probatoire in futurum preacutevu agrave larticle 145 du nouveau code de proceacutedure civile pour

une expertise sanguine ou geacuteneacutetique degraves lors que se trouvaient respecteacutees les conditions

poseacutees par le texte (absence de procegraves au fond motif leacutegitime recherche ou conservation des

preuves) En lespegravece le demandeur faisait eacutetat de son inteacuterecirct leacutegitime en vue dappreacutecier les

chances de succegraves dune action en contestation de paterniteacute quil souhaitait intenter et

soulignait le risque de deacutepeacuterissement des preuves

Depuis 1994 la leacutegaliteacute dune mesure dinstruction destineacutee agrave eacutetablir la reacutealiteacute biologique de la

filiation gracircce aux empreintes geacuteneacutetiques est soumise agrave certaines conditions larticle 16-11

du code civil issu des lois bioeacutethiques de juillet 1994 se montre plus restrictif et pose

lexigence que la mesure dinstruction soit ordonneacutee par laquo le juge saisi dune action tendant

soit agrave leacutetablissement ou la contestation [] raquo formulation qui semble exclure de ce domaine

la proceacutedure de reacutefeacutereacute car seule une action au fond permettrait au juge dordonner une telle

mesure

Une deacutecision de la Cour dappel de Montpellier rappelle cette diffeacuterence de reacutegime pour

ordonner lexpertise biologique solliciteacutee dans le cadre dune action en reacutefeacutereacute aux motifs que laquo

la mesure dexpertise ne peut porter que sur des preacutelegravevements sanguins et non sur des

empreintes geacuteneacutetiques ces derniegraveres ne pouvant ecirctre ordonneacutees que par le seul juge saisi de

laction conformeacutement agrave larticle 16-11 du code civil raquo

Sachant que lexamen compareacute des sangs permet de donner des reacutesultats relativement fiables

en matiegravere de filiation au moins agrave titre indicatif permettant dappreacutecier les chances de succegraves

dune action en contestation ou en eacutetablissement de paterniteacute on peut degraves lors sinterroger sur

la peacuterenniteacute de cette dualiteacute de reacutegime Ne conviendrait-il pas de modifier les imperfections

reacutedactionnelles de larticle 16-11 alineacutea 2 pour autoriser eacutegalement le recours agrave la proceacutedure

de reacutefeacutereacute

3 La loi ndeg 2004-800 du 6 aoucirct 2004 (art 5) a modifieacute les conditions de lidentification dune

personne par ses empreintes geacuteneacutetiques agrave des fins meacutedicales ou de recherche scientifique

Comme pour lexamen des caracteacuteristiques geacuteneacutetiques agrave larticle 2 il sagit de garantir un

reacutegime du consentement plus protecteur pour les personnes et le texte reprend en partie la

teneur de larticle 16-10 en matiegravere dexamen des caracteacuteristiques geacuteneacutetiques recueil du

consentement expregraves par eacutecrit et preacutealable agrave la reacutealisation de lidentification reacutevocable sans

forme et agrave tout moment consentement eacuteclaireacute par lexigence de la communication de sa

finaliteacute

Le renforcement des droits de la personne saccompagne dun dispositif relatif aux conditions

dagreacutement aux fins de proceacuteder agrave lidentification dune personne agrave des fins meacutedicales ou agrave des

fins de recherche scientifique fixeacute par larticle L 1131-3 issu de la loi du 6 mai 2004

De la mecircme faccedilon un encadrement strict des conditions dagreacutement en matiegravere judiciaire est

mis en place avec le deacutecret ndeg 2004-471 du 25 mai 2004 qui vient modifier le deacutecret ndeg 97-

109 du 6 feacutevrier 1997 relatif aux conditions dagreacutement des personnes habiliteacutees agrave proceacuteder agrave

des identifications par empreintes geacuteneacutetiques dans le cadre dune proceacutedure judiciaire

1 - En matiegravere peacutenale

Un arrecirct de la Chambre criminelle de la Cour de cassation (22 juin 2004 Bull crim ndeg 164)

vient preacuteciser lapplication de larticle 706-56 du code de proceacutedure peacutenale issu de la loi ndeg

2001-1062 du 15 novembre 2001 (art 56 JO du 16 nov 2001) modifieacutee ensuite par la loi ndeg

2003-239 du 18 mars 2003 (art 29 JO du 19 mars 2003) et par la loi ndeg 2004-204 du 9 mars

16

2004 (art 49 JO du 10 mars 2004) en matiegravere dempreintes geacuteneacutetiques aux fins

didentification en matiegravere peacutenale Ce texte preacutevoit que le fait pour une personne

deacutefinitivement condamneacutee pour une des infractions viseacutees agrave larticle 706-55 de refuser de se

soumettre agrave un preacutelegravevement biologique destineacute agrave permettre lanalyse didentification de son

empreinte geacuteneacutetique est passible de sanctions peacutenales En lespegravece un homme condamneacute pour

viol avait refuseacute de se soumettre agrave un preacutelegravevement biologique en vue de son inscription au

fichier des empreintes geacuteneacutetiques et preacutetendait que le texte susviseacute ne sappliquait quaux

personnes deacutefinitivement condamneacutees apregraves son entreacutee en vigueur La cour dappel ne suit pas

cette argumentation et la Cour de cassation rejette le pourvoi aux motifs que ce texte

dapplication immeacutediate concerne toutes les personnes dont un preacutelegravevement est requis mecircme

si la condamnation est anteacuterieure agrave la loi

Les mesures viseacutees par ce texte sinscrivent dans la mise en place et le fonctionnement du

FNAEG le fichier national automatiseacute des empreintes geacuteneacutetiques destineacute notamment agrave

conserver dans un traitement automatiseacute les empreintes geacuteneacutetiques de lensemble des

personnes condamneacutees pour infractions sexuelles (Circ CRIM 00-8 F1 du 10 oct 2000 et

CRIM 01-15 E6 du 20 juill 2001) Un deacutecret ndeg 2004-470 du 25 mai 2004 modifiant le code

de proceacutedure peacutenale (2e partie deacutecrets en Conseil dEtat) relatif au fichier national

automatiseacute des empreintes geacuteneacutetiques vient compleacuteter le dispositif

C - Limage du corps

Limage du corps ou lapparence corporelle est classiquement proteacutegeacutee par le droit agrave limage

deacutecoulant de larticle 9 du code civil consacrant le droit au respect de la vie priveacutee et qualifieacute

de droit de la personnaliteacute (P Kayser in Meacutelanges Roubier p 73 T Hassler note sous TGI

Paris 15 avr 1987 D 1987 Jur p 551 F Dessemontet Le droit agrave sa propre image droit de

la personnaliteacute ou droit de la publiciteacute Meacutelanges en lhonneur de J-M Grossen) Cest le

droit pour toute personne dinterdire aux tiers la reproduction et la publication de son image

Limage du corps peut ecirctre appreacutehendeacutee de maniegravere plus originale par le recours agrave larticle 16

comme sinscrivant dans le domaine du droit au respect du corps humain et essentiellement

dans celui du respect de la digniteacute de la personne humaine On observe que le principe du

droit au respect du corps est proclameacute par le leacutegislateur en des termes semblables agrave ceux de

larticle 9 du code civil visant le respect de la vie priveacutee Il est vrai que laquo corps et vie priveacutee

repreacutesentent les deux faces de lintimiteacute dune personne raquo (J-C Galloux Le corps humain

dans le code civil in 1804-2004 Le code civil Un passeacute un preacutesent un avenir Dalloz 2004

p 381) Le recours agrave la notion de digniteacute de la personne humaine a eacuteteacute solliciteacute degraves 2001 dans

laffaire du preacutefet Erignac pour sanctionner la reproduction dans la presse de limage de son

cadavre (Cass 1re civ 20 deacutec 2000 J-P Gridel Retour sur limage du preacutefet assassineacute

digniteacute de la personne humaine et liberteacute de linformation dactualiteacute D 2001 Chron p 872

Jur p 885 Somm p 1990 obs A Lepage RTD civ 2001 p 329 obs J Hauser JCP

2001 II 10488 note J Ravanas)

1 Une deacutecision de la Cour dappel de Paris (1re ch B 23 sept 2004) consacre cette solution

en retenant que la liberteacute dexpression eacutetant une liberteacute fondamentale agrave valeur

constitutionnelle proteacutegeacutee par la Convention europeacuteenne des droits de lhomme et la

Deacuteclaration des droits de lhomme et du citoyen ses abus peuvent seulement ecirctre poursuivis

au nom dautres principes agrave valeur constitutionnelle comme le droit agrave reacuteparation de tout

preacutejudice subi ou la protection de la digniteacute de lhomme preacutevue par larticle 16 du code civil

2 Une deacutecision de la deuxiegraveme Chambre civile de la Cour de cassation (4 nov 2004) vient

confirmer cette dualiteacute Il sagissait en lespegravece dune photographie dun jeune homme de 17

17

ans gisant inanimeacute et agrave demi deacutevecirctu le visage ensanglanteacute victime dun accident de la

circulation alors quil pilotait un scooter Le clicheacute avait eacuteteacute pris par un hebdomadaire agrave grand

tirage pour illustrer un article intituleacute laquo Routes la guerre oublieacutee raquo consacreacute aux accidents de

la route

Les parents de ladolescent deacuteceacutedeacute des suites de laccident avaient assigneacute la socieacuteteacute eacuteditrice

de lhebdomadaire en reacuteparation arguant dune atteinte agrave la digniteacute de la personne ainsi

repreacutesenteacutee Les juges du fond avaient fait droit agrave la demande aux motifs que la liberteacute

dinformer revendiqueacutee par leacutediteur ne devait pas preacutevaloir sur le respect des droits de

lindividu sagissant dun article consacreacute agrave un pheacutenomegravene de socieacuteteacute La jurisprudence en la

matiegravere consacre en effet la liberteacute de communication des informations ainsi que la

publication dimages de personnes impliqueacutees dans un eacuteveacutenement sagissant deacuteveacutenements

dactualiteacute voire mecircme de faits dactualiteacute (Cass 2e civ 30 juin 2004 D 2004 IR p 2478

JCP 2004 II 10160 note D Bakouche) sous la seule reacuteserve du respect de la digniteacute

humaine (not absence de recherche du sensationnel et toute indeacutecence Cass 1re civ 20

feacutevr 2001 D 2001 Jur p 1199 note J-P Gridel Somm p 1990 obs A Lepage RTD civ

2001 p 329 note J Hauser Dr et patrimoine juin 2001 p 96 note G Loiseau 12 juill

2001 D 2002 Jur p 1380 note C Bigot Somm p 2298 obs L Marino RTD civ 2001

p 852 obs J Hauser JCP 2002 II ndeg 10152 note J Ravanas) Les diffeacuterentes deacutecisions

sont rendues au regard de latteinte agrave la vie priveacutee et du droit agrave limage sur le fondement de

larticle 9 (Cass 2e civ 5 mars 1997 D 1998 Jur p 474 note J Ravanas RTD civ 1997

p 396 obs J Hauser CA Versailles 31 janv 2002 Bull inf C cass 1er oct 2002 ndeg 983

D 2003 Somm p 1533 obs C Caron) voire sur le fondement de larticle 10 de la

Convention europeacuteenne des droits de lhomme (CEDH 3e sect 26 feacutevr 2002 Krone Verlag

c Austria req ndeg 34315)

Dans larrecirct susviseacute la Cour de cassation casse la deacutecision au visa des articles 10 de la

Convention europeacuteenne 9 et 16 du code civil Rappelant que laquo le principe de la liberteacute de la

presse implique le libre choix des illustrations dun deacutebat geacuteneacuteral de pheacutenomegravene de socieacuteteacute

sous la seule reacuteserve du respect de la digniteacute de la personne humaine [] raquo elle reproche agrave la

cour dappel de ne pas avoir laquo caracteacuteriseacute latteinte porteacutee par celle-ci [la photographie

litigieuse] agrave la digniteacute de la victime [] raquo

Le recours agrave larticle 16 du code civil selon lequel laquo la loi interdit toute atteinte agrave la digniteacute raquo

de la personne teacutemoigne de la proximiteacute des notions dimage (traditionnellement inscrite dans

le droit au respect de la vie priveacutee) et dapparence corporelle dont on perccediloit le lien avec la

notion de droit au respect du corps humain gouverneacute par larticle 16-1 prolongeant la

protection plus geacuteneacuterale fondeacutee sur la digniteacute inscrite agrave larticle 16 du code civil Nexiste-t-il

pas degraves lors une veacuteritable attraction de ces deux regravegles Les deux protections coexistent se

complegravetent et devraient favoriser le renforcement de la protection de limage de la personne

II - Le corps ses eacuteleacutements et ses produits

A - Regravegles geacuteneacuterales relatives au statut du corps humain

A leacutepoque contemporaine le corps humain devient de plus en plus un lieu de conflits

Conflits entre des normes juridiques de valeur comparable - autonomie de la volonteacute contre

solidariteacute sociale digniteacute des personnes contre liberteacute de la science - mais eacutegalement et de

maniegravere plus fondamentale conflits susciteacutes par des approches philosophiques et morales

diffeacuterentes sinon opposeacutees du corps humain Approches judeacuteo-chreacutetiennes qui le sacralisent

en linscrivant dans le mystegravere de lincarnation mateacuterialistes qui en nient la transcendance

utilitaristes precirctes agrave le sacrifier pour le bien-ecirctre collectif libertaires ou heacutedonistes qui

exaltent la liberteacute de lindividu agrave lencontre des contingences biologiques ou nen font que

18

linstrument de satisfaction des deacutesirs Le droit biomeacutedical se ressent de ces laquo oscillations de

la morale raquo (J Carbonnier Droit et passion du droit sous la Ve Reacutepublique Flammarion

1996 p 116) au risque de perdre peu agrave peu sa coheacuterence En teacutemoigne lapplication parfois

heacutesitante parfois jupiteacuterienne et souvent gecircneacutee des principes geacuteneacuteraux qui gouvernent le

statut du corps humain la protection de linteacutegriteacute corporelle et surtout lindisponibiliteacute ou

lextra-commercialiteacute du corps

1 - Protection de linteacutegriteacute corporelle

1 La loi du 6 aoucirct 2004 a modifieacute larticle 16-3 du code civil en ajoutant agrave la neacutecessiteacute laquo

meacutedicale raquo justifiant latteinte agrave linteacutegriteacute corporelle laquo agrave titre exceptionnel dans linteacuterecirct

theacuterapeutique dautrui raquo (art 9) Cette nouvelle extension de laccegraves aux ressources

biologiques corporelles au deacutetriment des droits de lindividu sur son corps (la premiegravere a eacuteteacute

consacreacutee par la loi ndeg 99-641 du 27 juill 1999 art 70 qui avait deacutejagrave substitueacute au terme laquo

theacuterapeutique raquo celui de laquo meacutedicale raquo afin de contrer linterpreacutetation neacutecessairement eacutetroite

quen avait fait la Cour de cassation dans son avis du 6 juill 1998 [D 1998 IR p 208 RTD

civ 1998 p 881 obs J Hauser] consideacuterant contraires agrave lart 16-3 les atteintes agrave linteacutegriteacute

du corps meneacutees agrave des fins purement contraceptives comme la ligature des trompes de Fallope

de telles atteintes sont deacutesormais licites car obeacuteissant agrave une finaliteacute meacutedicale mecircme si elles

tendent plus agrave preacutevenir ou agrave gueacuterir une maladie une grossesse neacutetant par elle-mecircme une

maladie) a davantage pour but dharmoniser les dispositions du code civil et celles du code de

la santeacute publique les preacutelegravevements reacutealiseacutes aux fins de greffes sur autrui ne pouvaient

certainement pas entrer dans les preacutevisions du texte dans sa reacutedaction anteacuteceacutedente Avec

lextension continue de la cateacutegorie des donneurs vivants (afin de pallier le deacuteficit chronique

de greffons en France cf infra) cette disposition est promise agrave un bel avenir (JOAN CR 2e

seacuteance 16 janv 2002)

2 Le titre III de la loi du 6 aoucirct 2004 apporte par ailleurs des modifications importantes agrave

larchitecture des preacutelegravevements deacuteleacutements du corps humain et par voie de conseacutequence aux

conditions dans lesquelles il peut ecirctre porteacute atteinte agrave linteacutegriteacute corporelle des donneurs

- lacte de preacutelegravevement est deacutesormais qualifieacute dlaquo acte de soin raquo au sens des articles L 1142-1

et suivants du code de la santeacute publique relatifs aux risques sanitaires reacutesultant du

fonctionnement du systegraveme de santeacute issus de la loi du 4 mars 2002 ce qui devrait ameacuteliorer

lindemnisation des victimes en cas daccident lors du preacutelegravevement

- le cercle des donneurs est eacutelargi (art L 1231-1 al 1er c santeacute publ)

- les modaliteacutes de recueil du consentement sont renforceacutees (mecircme art al 3)

- les finaliteacutes des preacutelegravevements sont mieux deacutefinies (par ex pour le sang art L 1211-8-1 c

santeacute publ) le patient pouvant controcircler une nouvelle utilisation des eacuteleacutements preacuteleveacutes

initialement pour dautres buts (not art L 1241-1 c santeacute publ) Les patients peuvent

eacutegalement sopposer agrave lutilisation des produits dexeacuteregravese et du placenta (art L 1235-2 et

1245-2 c santeacute publ) Pour les preacutelegravevements sur personne deacuteceacutedeacutee la regravegle mal veacutecue et

contourneacutee du consentement est ameacutelioreacutee obligeant le meacutedecin agrave recueillir aupregraves de ses

proches une eacuteventuelle opposition exprimeacutee par le deacutefunt de son vivant (art L 1232-1 c

santeacute publ) les proches se voyant reconnaicirctre le droit de connaicirctre les preacutelegravevements effectueacutes

3 Nonobstant les appels aux dons la peacutenurie de greffons saggrave en France selon

lEtablissement franccedilais des greffes qui constate une baisse des preacutelegravevements dorganes

(communiqueacute du 8 avr 2004) ce qui conduit lAcadeacutemie de meacutedecine agrave reacuteclamer de

19

nouvelles modifications reacuteglementaires afin dassouplir les regravegles de seacutelection des donneurs

(communiqueacute du 11 mai 2004) Cette situation ne doit toutefois pas conduire agrave des

discriminations ignoreacutees de la reacuteglementation sanitaire et contraires agrave notre tradition juridique

larrecirct du Conseil dEtat du 30 avril 2004 sen fait leacutecho En lespegravece un ressortissant

marocain en situation irreacuteguliegravere atteint dune grave insuffisance reacutenale chronique et inscrit

sur la liste des receveurs de greffes dorganes en vue dune transplantation reacutenale se voit

notifier une mesure de reconduite agrave la frontiegravere sur le fondement de larticle 25 de

lordonnance du 2 novembre 1945 Larrecircteacute deacutecidant cette reconduite est annuleacute comme

entacheacute dune erreur manifeste dappreacuteciation des conseacutequences de cet arrecircteacute sur la situation

personnelle de linteacuteresseacute car il ne pouvait pas beacuteneacuteficier dune opeacuteration de transplantation

dans son pays dorigine Peut-on voir dans cette solution tregraves humaine une application preacutecoce

du principe nouvellement inscrit dans le nouvel article L 1231-1 A c) du code de la santeacute

publique qui impose le respect du principe deacutequiteacute dans les regravegles de reacutepartition et

dattribution des greffons

4 La question des soins imposeacutes suscite toujours des questions deacutelicates autant sur un plan

humain quun plan juridique Le droit pour le patient majeur de donner lorsquil se trouve en

leacutetat de lexprimer son consentement agrave un traitement meacutedical comme le rappelle lalineacutea 2 de

larticle 16-3 revecirct le caractegravere dune liberteacute fondamentale (CE ord reacutef 16 aoucirct 2002 D

2004 Somm p 602 obs J Penneau RTD civ 2002 p 781 obs J Hauser) Larticle L

1111-4 du code de la santeacute publique tel quissu de la loi du 4 mars 2002 sur le droit des

malades prescrit que le pouvoir de deacutecision sexerce avec le professionnel de santeacute compte

tenu des informations et des preacuteconisations quil lui fournit le meacutedecin ne dispose plus

deacutesormais que dun pouvoir de conseil qui lui interdit de passer outre la volonteacute du patient

mecircme en cas durgence vitale Le meacutedecin doit respecter la volonteacute de la personne apregraves

lavoir informeacutee des conseacutequences de ses choix (il nest dailleurs pas obligeacute de la convaincre

Cass 1re civ 18 janv 2000 D 2001 Jur p 3559 note M-L Mathieu-Izorche) aucun acte

ni aucun traitement ne peut ecirctre pratiqueacute sans le consentement libre et eacuteclaireacute de la personne

consentement quelle peut retirer agrave tout moment Toutefois parmi les soins imposeacutes les

obligations de vaccination tiennent une place particuliegravere Bien accepteacutees par le public

lorsquelles furent introduites pour lutter contre des eacutepideacutemies dont chacun pouvait mesurer

autour de soi les effets deacutevastateurs (la premiegravere vaccination obligatoire remonte agrave la loi du 15

feacutevr 1902 F Moderne Le reacutegime juridique des vaccinations obligatoires AJDA 1965 p

195) ces mesures autoritaires encore nombreuses (contre la diphteacuterie art L 3111-1 c santeacute

publ le teacutetanos art L 3111-2 c santeacute publ la poliomyeacutelite art L 3111-3 c santeacute publ

la tuberculose art L 3111-4 c santeacute publ) sont aujourdhui contesteacutees au nom de la liberteacute

individuelle alors que ces grandes pandeacutemies ont peu agrave peu replieacute leurs ailes de mort sur

notre pays du moins Dans un arrecirct dAssembleacutee du 3 mars 2004 (Association Liberteacute

Information Santeacute RFDA 2004 p 581 concl comm du gouv G Le Chatelier AJDA

2004 p 971) le Conseil dEtat a eu loccasion de preacuteciser les pouvoirs reacuteglementaires dont

peut disposer le ministre de la Deacutefense pour imposer certaines vaccinations obligatoires

contrairement aux conclusions du commissaire du gouvernement il a admis que le ministre de

la Deacutefense en tant que chef de service peut imposer des vaccinations aux militaires placeacutes

sous son autoriteacute Si le principe dinteacutegriteacute du corps ne constitue pas en lui-mecircme un principe

agrave valeur constitutionnelle il concourt toutefois agrave assurer le respect du principe constitutionnel

de sauvegarde de la digniteacute de la personne humaine (Cons const 27 juill 1994 RJC p 100

B Edelman Le Conseil constitutionnel et lembryon D 1995 Chron p 205 Jur p 237 note

B Mathieu Somm p 299 obs L Favoreu) Cette expression essentielle et incarneacutee de la

liberteacute individuelle doit ecirctre concilieacutee avec des impeacuteratifs sociaux de santeacute dont la valeur nest

pas moindre La Haute juridiction administrative avait deacutejagrave eu loccasion de preacuteciser que les

20

dispositions imposant des vaccinations obligatoires si elles ont pour effet de porter une

atteinte limiteacutee aux principes dinviolabiliteacute et dinteacutegriteacute du corps humain voient leur mise en

oeuvre justifieacutee dans le but dassurer la protection de la santeacute dont le principe se trouve garanti

par le Preacuteambule de la Constitution de 1946 et sont proportionneacutees agrave cet objectif (CE 26 nov

2001 ALIS req ndeg 222741 RFDA 2002 p 65 concl comm du gouv S Boissard) Cest

normalement agrave la loi quil revient darbitrer entre ces deux principes Dans une autre affaire

(CA Pau 19 mars 2002 Dr fam 2004 ndeg 137 obs M S) des parents avaient eacuteteacute

condamneacutes agrave des peines contraventionnelles pour avoir soustrait leurs enfants agrave lobligation

vaccinale pour des raisons religieuses Ces deacutecisions ont eacuteteacute rendues alors que la loi du 4 mars

2002 sur le droit des patients neacutetait pas entreacutee en vigueur le renforcement de la liberteacute du

patient serait-elle de nature agrave assouplir les obligations vaccinales La jurisprudence de la

Cour europeacuteenne des droits de lhomme semble aller en ce sens (CEDH 9 juill 2002 ndeg

4219798 Salvetti c Italie une vaccination obligatoire en tant que traitement meacutedical non

volontaire constitue une ingeacuterence dans le droit au respect de la vie priveacutee reconnu par lart 8

sect 1 Conv EDH) Quil nous soit permis deacutemettre des reacuteserves sauf agrave ruiner toute la politique

de preacutevention mise en place par les autoriteacutes sanitaires depuis un siegravecle et dont les effets

salutaires ne sont pas contestables la reacutesistance des juridictions administratives qui sous-tend

larrecirct dAssembleacutee rapporteacute face aux derniers avatars dun certain extreacutemisme libertarien

dont le corps devient le bastion (pour un bon exposeacute de ces thegraveses Onfray Feacuteeacuteriques

anatomiques geacuteneacutealogie du corps faustien Grasset-Fasquelle 2003) montre que lhypothegravese

est ici bien diffeacuterente dun simple refus de soin comme dans le cas des transfusions elles ne

mettent en jeu que la vie du patient (sur cette derniegravere question B Mathieu De la difficulteacute

de choisir entre la liberteacute et la vie RGDM 2003 ndeg 9 p 97 A Garay Volonteacutes et liberteacutes

dans la relation meacutedecin-malade la mise agrave leacutepreuve des articles 16-3 du code civil et L

1111-4 du code de la santeacute publique RGDM 2003 ndeg 10 p 143)

5 Moins sujet agrave deacutebat larrecirct rendu par la Cour europeacuteenne (22 juill 2003 req ndeg 2420994

RD publ 2004 ndeg 3 p 826 note C Picheral) qui condamne la Turquie pour ingeacuterence dans

le droit au respect de la vie priveacutee reconnu par larticle 8 sect 1 de la Convention europeacuteenne

Dans cette affaire la plaignante avait subi un examen gyneacutecologique forceacute destineacute agrave prouver

agrave lissue de sa garde agrave vue quelle navait pas subi de violences sexuelles La Cour europeacuteenne

qui integravegre deacutesormais le respect du corps humain dans la sphegravere de la vie priveacutee fait ici une

application logique de larticle 8 dans la ligne de la jurisprudence preacuteceacutedemment citeacutee

2 - Indisponibiliteacute et extra-patrimonialiteacute du corps humain

6 Le principe dextra-patrimonialiteacute du corps humain se trouve repris par les articles 16-1

alineacutea 3 16-5 et 16-6 du code civil quil est parfois difficile de distinguer du principe

dindisponibiliteacute du corps humain que la jurisprudence fonde sur larticle 1128 du mecircme code

(Cass ass pleacuten 31 mai 1991 D 1991 Jur p 417 rapp Y Chartier note D Thouvenin) Si

la qualification dindisponibiliteacute a eacuteteacute eacutecarteacutee du vocabulaire des lois de 1994 et de 2004

comme par la doctrine dominante pour cause dambiguiumlteacute (D Fenouillet Respect et protection

du corps humain J-Cl civil art 16 agrave 16-12 fasc 12 ndeg 134 s) la jurisprudence y revient

parfois pour affirmer que le corps nest pas une chose dans le commerce Larrecirct de la Cour

dappel de Paris du 16 mai 2003 reacuteforme sur ce point un jugement du Tribunal des affaires de

seacutecuriteacute sociale de Paris du 5 juillet 2001 qui avait agrave tort exoneacutereacute une prostitueacutee du paiement

de la cotisation dallocations familiales des travailleurs indeacutependants au motif quanalyser une

activiteacute sexuelle reacutemuneacutereacutee comme un travail reviendrait agrave admettre que le commerce du

corps humain est leacutegal alors que leacutegaliser ce commerce aboutit agrave nier et agrave rejeter le principe

dindisponibiliteacute du corps humain La cour rappelle agrave bon droit que le commerce des relations

sexuelles nest pas en soi illicite seules eacutetant interdites certaines conditions dexercice de cette

21

activiteacute en tant quelles conduiraient aux infractions de racolage et de proxeacuteneacutetisme Affirmer

que lactiviteacute en cause na aucun lien avec lindisponibiliteacute du corps humain a quelque chose

de surreacutealiste le fait quelle ne soit pas peacutenalement reacuteprimeacutee nempecircche pas le caractegravere

illicite du contrat passeacute entre la prostitueacutee et son client (dans ce sens pour la nulliteacute dune

assurance souscrite par un proxeacutenegravete contre les accidents corporels freacutequents dans ce genre

dactiviteacutes CA Paris 22 janv 1992 Juris-Data ndeg 020308) Reste la justification de la

deacutecision par la relative autonomie du droit des prestations sociales larticle R 241-2 du code

de la seacutecuriteacute sociale vise toutes les activiteacutes non salarieacutees mecircme de caractegravere accessoire La

Chambre sociale de la Cour de cassation a deacutejagrave admis la prostitution au titre de ces activiteacutes

(18 mai 1995 D 1996 Somm p 38 obs X Preacutetot) eacutecarter les activiteacutes de prostitution de

lassiette des cotisations sociales ne serait-ce pas les encourager davantage au risque pour

lEtat de reprendre agrave son compte le ceacutelegravebre adage de Vespasien

7 Nous rappellerons encore larrecirct rendu par la premiegravere Chambre civile le 9 deacutecembre 2003

confirmant le rejet de ladoption pleacuteniegravere par la femme du pegravere dune enfant qui est le fruit

dune convention de megravere porteuse Lamie dun couple steacuterile avait accepteacute en 1987

dabandonner agrave sa naissance sans indication de filiation maternelle lenfant conccedilu des relations

intimes quelle avait eues avec leacutepoux La demanderesse au pourvoi soutenait que lilliceacuteiteacute de

la convention neacutetait pas eacutetablie par la jurisprudence et par la loi au moment des faits et quil

fallait prendre en consideacuteration pour ladoption pleacuteniegravere les douze anneacutees passeacutees par lenfant

aupregraves delle les inteacuterecircts de ce dernier primant la neacutecessiteacute de sanctionner la convention La

Cour de cassation confirmant sa jurisprudence du 31 mai 1991 (preacutec) et du 29 juin 1994 (D

1994 Jur p 581 note Y Chartier) rappelle laquo que la materniteacute pour autrui dont le caractegravere

illicite se deacuteduit des principes geacuteneacuteraux du code civil et aujourdhui de son article 16-7

reacutealise un deacutetournement de linstitution de ladoption que les premiers juges ont agrave bon droit

refuseacute raquo Prudemment la Haute juridiction neacutevoque pas la notion dindisponibiliteacute cet laquo

imaginaire de la doctrine raquo (M Gobert Reacuteflexions sur les sources du droit et les principes

dindisponibiliteacute du corps humain et de leacutetat des personnes RTD civ 1992 p 489) pour se

contenter logiquement de viser larticle 16-7 qui a vocation agrave sappliquer mecircme si le contrat

reste secret la graviteacute du vice initial de la materniteacute pour autrui contaminant toute adoption

ulteacuterieure

8 Le Tribunal administratif dAmiens dans sa deacutecision du 9 mars 2004 fait une application

discutable de la notion dextra-commercialiteacute des eacuteleacutements et des produits du corps humain

dans une hypothegravese ougrave cette qualification ne devait pas jouer Un couple perd ses embryons

congeleacutes in vitro en raison de la deacutefaillance du mateacuteriel de conservation imputable agrave un

eacutetablissement hospitalier Peut-il se preacutevaloir dun preacutejudice indemnisable dans le cadre de

laction en responsabiliteacute quil engage contre cet eacutetablissement La juridiction administrative

saisie admet la responsabiliteacute de la personne publique le mateacuteriel de conservation lui

appartenant eacutetant en cause mais sur la question de la reacuteparation du preacutejudice subi reacutepond de

maniegravere surprenante laquo si les eacutepoux peuvent se preacutevaloir de lexistence dun preacutejudice

mateacuteriel reacutesultant de la perte dovocytes les dispositions de larticle 16-1 du code civil selon

lesquelles le corps humain ses eacuteleacutements et ses produits ne peuvent faire lobjet dun droit

patrimonial sopposent agrave ce quils puissent en demander la reacuteparation en argent raquo et il

poursuit laquo les ovocytes surnumeacuteraires neacutetant pas des personnes ils ne sont pas fondeacutes agrave se

preacutevaloir dun preacutejudice moral reacutesultant selon eux de la perte decirctres chers raquo Le couple se

voit toutefois allouer 10 000 euros de dommages-inteacuterecircts pour les laquo troubles divers raquo dans

leurs conditions dexistence Si les ovocytes ne sont pas eacutevaluables en argent et si leur perte ne

peut donc pas justifier un preacutejudice mateacuteriel il nen va pas de mecircme dun preacutejudice moral

causeacute par leur perte (la perte dun animal domestique le justifie en droit civil ) et surtout le

22

preacutejudice reacutesultant de la perte dune chance de devenir parents pour un couple deacutejagrave acircgeacute et qui

rencontre des difficulteacutes pour procreacuteer degraves lors quaurait pu ecirctre eacutetablie la disparition par

leffet de la faute imputeacutee agrave leacutetablissement hospitalier de leacuteveacutenement favorable la

probabiliteacute de la naissance dun enfant (en droit meacutedical G Meacutemeteau Gaz Pal 1997 2

Doctr p 1367) La juridiction administrative a manqueacute une occasion de faire avancer le droit

biomeacutedical dans une affaire inattendue et hautement symbolique

B - Reacuteglementation des eacuteleacutements et les produits du corps

Prenant appui sur les principes geacuteneacuteraux gouvernant le statut du corps humain le reacutegime

juridique des eacuteleacutements et des produits biologiques dorigine humaine peut toutefois preacutesenter

des particulariteacutes

1 - La greffe de visage

9 Le Comiteacute consultatif national deacutethique dans son avis ndeg 82 du 6 feacutevrier 2004 eacutemet un

avis deacutefavorable au preacutelegravevement du visage dune personne deacuteceacutedeacutee ou en langage meacutedical agrave

lallotransplantation de tissus composites En deacutepit des besoins eacutevidents pour la chirurgie

reconstructive des victimes deacutefigureacutees agrave la suite daccidents ou de suicides manqueacutes le

Comiteacute consultatif considegravere que des obstacles dirimants subsistent actuellement pour

ladmission dun tel preacutelegravevement les perspectives de laquo reacuteussite raquo dune telle opeacuteration

demeurent tregraves theacuteoriques les risques de rejet des greffons eacutetant laquo extrecircmement graves raquo il

paraicirct par ailleurs fort deacutelicat de solliciter lautorisation de la famille du deacuteceacutedeacute pour effectuer

les preacutelegravevements la signification eacutethique particuliegravere du visage humain son lien intime agrave la

personnaliteacute et agrave lidentiteacute en font davantage quune piegravece anatomique Cette prudence sinscrit

dans le cadre des principes traditionnels du droit meacutedical la technique envisageacutee relevant

pour lheure davantage de lexpeacuterimentation que de la theacuterapeutique

2 - Les banques de sang de cordon ombilical

10 Les cellules heacutematopoiumleacutetiques preacutesentes dans le sang du cordon ombilical peuvent ecirctre

utiliseacutees pour le traitement de certaines maladies geacuteneacutetiques elles peuvent notamment

repeupler la moelle osseuse du patient et constituer une source de cellules sanguines offrant

ainsi une solution alternative agrave la greffe de moelle osseuse Des banques de ces cellules ont

eacuteteacute creacuteeacutees dans des institutions hospitaliegraveres et plus reacutecemment dans le secteur priveacute Ces

activiteacutes pour certaines agrave but lucratif suscitent eacutevidemment des questions juridiques et

eacutethiques Le Comiteacute national sest en France pencheacute sur ce problegraveme (avis ndeg 74 du 12 deacutec

2002) de mecircme que divers organismes de santeacute europeacuteens Le Groupe europeacuteen deacutethique

institueacute aupregraves du preacutesident de la Commission europeacuteenne a consacreacute agrave ce point son avis ndeg

16 rendu le 16 mars 2004 En substance les sages du Groupe europeacuteen critiquent vivement

louverture de cette activiteacute au secteur commercial degraves lors que les banques priveacutees noffrent

pas un laquo service utile en termes de possibiliteacutes theacuterapeutiques raquo (pt 21) et meacuteritent decirctre

eacutetroitement encadreacutees comme elles le seraient dailleurs en France Dun point de vue plus

geacuteneacuteral ces banques priveacutees de sang ombilical qui demeurent en veacuteriteacute assez marginales

posent la question des activiteacutes commerciales dans les secteurs sensibles de la santeacute qui nest

pas reacutesolue de maniegravere uniforme au sein de lUnion europeacuteenne Ladoption de

reacuteglementations telles que la directive CE ndeg 2004-23 du 31 mars 2004 concernant les aspects

de seacutecuriteacute et de qualiteacute pour les diffeacuterentes opeacuterations relatives aux eacuteleacutements biologiques

dorigine humaine va dans le sens de cette harmonisation

3 - Les normes europeacuteennes de qualiteacute et de seacutecuriteacute concernant les diffeacuterentes opeacuterations

relatives aux tissus et aux cellules humains

11 La directive CE ndeg 2004-23 du 31 mars 2004 constitue un texte important dans un secteur

ougrave lharmonisation communautaire tardait nonobstant le maillage reacuteglementaire existant en

23

matiegravere de meacutedicaments agrave usage humain (Dir CE ndeg 2001-83 du 6 nov 2001) Le texte

sapplique essentiellement aux eacuteleacutements biologiques destineacutes agrave lhomme ou agrave la fabrication de

produits manufactureacutes y compris pour des buts cosmeacutetiques agrave lexception des produits

destineacutes agrave des greffes autologues dans le cadre dune intervention chirurgicale unique du sang

et des produits sanguins (Dir CE ndeg 2002-98 du 27 janv 2002) des organes ou des parties

dorganes utiliseacutes aux mecircmes fins que lorgane entier dans le corps humain Les utilisations agrave

des fins de recherche sont eacutegalement exclues La directive sapplique en revanche aux gamegravetes

et aux cellules souches embryonnaires mais laisse aux Etats membres la faculteacute den autoriser

lutilisation Dune maniegravere geacuteneacuterale le texte communautaire nimpose pas de modegravele eacutethique

mais des obligations techniques dans un but de seacutecuriteacute sanitaire comprenant notamment la

mise en place dun systegraveme qualiteacute et de traccedilabiliteacute la deacutesignation dune personne responsable

mais il insiste cependant sur la gratuiteacute des dons et les exigences en matiegravere de consentement

La transposition qui ne devrait pas affecter de maniegravere sensible le cadre juridique franccedilais

actuel doit intervenir avant le 7 avril 2006

4 - Les cellules souches embryonnaires

12 Moins de deux mois apregraves ladoption de la reacutevision des lois bioeacutethiques et en application

de larticle 37 du nouveau texte qui autorise agrave titre transitoire avant la mise en place de

lAgence de la Biomeacutedecine les ministres concerneacutes agrave permettre limportation agrave des fins de

recherche de cellules souches embryonnaires humaines un deacutecret et un arrecircteacute (JO ndeg 228 du

30 sept 2004 p 16804) du 28 septembre 2004 viennent dy proceacuteder Les recherches sur ces

cellules fort contesteacutees il y a encore peu puisque la preacuteceacutedente autorisation dimportation de

cellules souches dorigine embryonnaire avait fait lobjet dun contentieux (TA Paris 21 janv

2003 D 2004 Somm p 532 obs H Gaumont-Prat LPA 2003 ndeg 196 p 7 note B

Pauvert) entrent donc rapidement dans la reacutealiteacute Ces souches importeacutees seront rapidement

supplanteacutees par pregraves de 50 000 embryons congeleacutes en France dont les geacuteniteurs ont renonceacute agrave

ce quils accegravedent agrave la naissance et qui vont pouvoir prochainement servir de mateacuteriel

dexpeacuterimentation comme la loi nouvelle lautorise deacutesormais

Mots cleacutes

PERSONNE HUMAINE Panorama 2004

Gazette du Palais 29 mai 2004 ndeg 150 P 15 - Tous droits reacuteserveacutes

Famille - Personnes

040412

ADOPTION Adoption pleacuteniegravere - Enfants pouvant faire lobjet dune adoption - Enfant neacute dune megravere

porteuse (non)

La materniteacute pour autrui dont le caractegravere illicite se deacuteduit des principes geacuteneacuteraux du Code

civil et aujourdhui de son article 16-7 reacutealise un deacutetournement de linstitution de ladoption

que les juges du fond ont donc agrave bon droit refuseacute de prononcer sans violer aucun des textes

invoqueacutes

C cass 1re civ 9 deacutecembre 2003 Mme X c Procureur geacuteneacuteral pregraves le Cour dappel de Y-

Pourvoi ndeg 0103927 Q - Rejet (C app Paris 1er feacutevrier 2001) - gr ndeg 1644P

NOTE

Reacuteiteacuteration de linterdiction dune adoption lieacutee agrave une procreacuteation pour le compte

dautrui -

24

Larrecirct rendu le 9 deacutecembre 2003 ne surprendra pas puisquil sinscrit dans la ligne traceacutee par

la Cour de cassation depuis 1989 confirmeacutee par la loi du 29 juillet 1994 relative au respect du

corps humain

En lespegravece Georges D et Denise M seacutetaient marieacutes le 15 deacutecembre 1962 et avaient eu un

enfant Fabrice neacute le 11 novembre 1966 Leacutepouse nayant pu avoir un deuxiegraveme enfant

pourtant vivement souhaiteacute le couple se serait adresseacute agrave une laquoamieraquo qui aurait accepteacute davoir

des relations intimes avec Georges D jusquagrave ce quelle conccediloive un enfant quil eacutetait convenu

de laisser degraves sa naissance au pegravere et agrave son eacutepouse

Cest ainsi que serait neacutee Sarah le 4 juillet 1987 qui fut deacuteclareacutee sur les registres de leacutetat civil

sans indication de filiation maternelle reconnue par Georges D puis recueillie aussitocirct par

celui-ci et son eacutepouse Cette derniegravere avait pris la preacutecaution de seacuteloigner de son domicile

pendant les derniers mois du deacuteveloppement in utero de lenfant afin que la substitution

maternelle soit ignoreacutee de lentourage des deux eacutepoux

Il sagissait donc bien selon les propres dires de Georges et Denise D dune materniteacute pour

autrui sans recours aux techniques modernes de procreacuteation meacutedicalement assisteacutee selon un

processus agrave la fois naturel et vieux comme le monde (1)

En janvier 1999 Denise D a saisi le Tribunal de grande instance dune requecircte en adoption

pleacuteniegravere de la fille de son mari

Le Tribunal par jugement du 8 deacutecembre 1999 puis la Cour dappel de Paris par arrecirct du 1er

feacutevrier 2001 ont rejeteacute sa demande au motif quen application des art 6 et 1128 C civ la

convention par laquelle une femme sengage agrave concevoir et agrave porter un enfant pour

labandonner agrave sa naissance est nulle car elle contrevient tant au principe dordre public de

lindisponibiliteacute du corps humain quagrave celui de lindisponibiliteacute de leacutetat des personnes et que

ladoption envisageacutee neacutetait que lultime phase dun processus illicite constitutif dun

deacutetournement de linstitution de ladoption

On reconnaicirctra lagrave les formules mecircmes employeacutees par la Cour de cassation notamment dans

son arrecirct dassembleacutee pleacuteniegravere du 31 mai 1991 (2) Il nest donc pas eacutetonnant que la Cour

suprecircme ait rendu un arrecirct de rejet dautant plus que sa jurisprudence a eacuteteacute conforteacutee par le

nouvel art 16-7 inseacutereacute dans le Code civil par la loi ndeg 94-653 du 29 juillet 1994 (3) qui

dispose que toute convention portant sur la procreacuteation ou la gestation pour le compte dautrui

est nulle

La Cour de cassation a bien entendu viseacute expresseacutement ce texte nouveau mais elle a tenu agrave

rappeler que le caractegravere illicite se deacuteduisait aussi des principes geacuteneacuteraux du Code civil

faisant ainsi implicitement reacutefeacuterence aux art 6 et 1128 de ce Code sur lesquels elle avait

preacuteceacutedemment fondeacute sa position

Le moyen de cassation tentait deacutechapper agrave la jurisprudence de la Cour suprecircme en se fondant

sur les circonstances de lespegravece et notamment sur le fait que la requecircte en adoption navait

eacuteteacute formeacutee que douze anneacutees apregraves la naissance de lenfant de sorte que lindivisibiliteacute entre la

materniteacute pour autrui et ladoption ne serait pas caracteacuteriseacutee Mais la Cour dappel avait

reacutepondu agrave cette argumentation en eacutenonccedilant que labandon de lenfant agrave naicirctre objet de

lobligation contracteacutee par la megravere biologique eacutetait destineacute agrave permettre que lenfant reconnu

par Georges D puisse ecirctre adopteacute par son eacutepouse et en soulignant que celle-ci avait dans le

mecircme but accepteacute linseacutemination dune autre femme par les gamegravetes de son mari et quelle

avait participeacute activement au processus en prenant toutes preacutecautions pour que la substitution

de materniteacute soit ignoreacutee des tiers

Denise D soutenait en outre que linteacuterecirct de lenfant retenu tant par lart 353 C civ que par

les art 3 et 21 de la Convention internationale des droits de lenfant devait primer sur le souci

de sanctionner lilliceacuteiteacute de la convention qui avait preacutesideacute agrave sa conception et agrave sa naissance

La Cour de cassation ne sest pas arrecircteacutee agrave cette argumentation pas plus quelle ne sy eacutetait

arrecircteacutee en 1991 pour elle lensemble de lopeacuteration est indivisible le deacutetournement de

25

linstitution de ladoption est caracteacuteriseacute et il convient de lutter contre la politique du fait

accompli (4) Laccepter au nom de linteacuterecirct de lenfant ne conduirait-il pas comme on la

souligneacute en doctrine (5) agrave admettre le commerce des enfants sous preacutetexte que bien souvent

ceux-ci y trouveraient beacuteneacutefice

(1) Selon la Bible Sarah eacutepouse dAbraham ne pouvant avoir denfant de lui lenvoya aupregraves

de son esclave eacutegyptienne Agar dont il eut un fils Ismaeumll Agar fut renvoyeacutee avec celui-ci

lorsque Sarah tregraves acircgeacutee mit au monde Isaac le fils de la promesse

Cest sans doute une coiumlncidence si nous trouvons aussi dans notre affaire une laquoSarahraquo qui

tient il est vrai un rocircle tout diffeacuterent de celui deacutevolu agrave son homonyme biblique

Lhistoire reacutevegravele eacutegalement des cas relativement freacutequents ougrave pour pallier agrave la steacuteriliteacute du

mari et pour permettre la continuation de la ligneacutee et la perpeacutetuation dun nom ou dun titre un

laquovaletraquo - souvent ensuite renvoyeacute - eacutetait chargeacute de feacuteconder leacutepouse Le proceacutedeacute eacutetait

juridiquement parfait dans la mesure ougrave par le jeu de la preacutesomption de paterniteacute le mari

devenait leacutegalement le pegravere de lenfant

(2) Cass ass pleacuten 31 mai 1991 Bull civ 1991 ndeg 4 Gaz Pal Rec 1991 panor cass p

162 [912144] D 1991 jur p 417 rapport Y Chartier note G Thouvenin JCP 1991 II

21752 comm J Bernard concl H Dontenwille note F Terreacute Defreacutenois 1991 art 35088

ndeg 67 p 948 obs J Massip RTD civ 1991 517 obs D Huet-Weiller Dans le mecircme sens

v Cass civ 1re 29 juin 1994 Bull civ 1994 I ndeg 226 Gaz Pal Rec 1995 jur p 36 note

J B [943856] D 1994 jur p 581 note Y Chartier JCP 1995 II 223621 note J Rubellin-

Devichi RTD civ 1994 p 842 obs J Hauser Defreacutenois 1995 art 36024 ndeg 4 p 315

obs J Massip

V aussi Cass civ 1re 13 deacutecembre 1989 Bull civ 1989 I ndeg 387 Gaz Pal Rec 1990

panor cass p 66 [901122] D 1990 jur p 273 rapport J Massip Defreacutenois 1990 art

34802 ndeg 55 p 743 obs J-L Aubert et art 34815 p 862 rapport J Massip et JCP 1990 II

21526 note A Seriaux Dans cette affaire la Cour de cassation avait proclameacute par des motifs

analogues agrave ceux adopteacutes par les arrecircts de 1991 et 1994 le caractegravere illicite de la materniteacute

pour autrui et des associations qui sefforcent de la promouvoir

(3) Sur cette loi v notamment notre commentaire in Defreacutenois 1975 art 35975 et 35922

speacutecialement en ce qui concerne lart 16-7 C civ le ndeg 9 de cette eacutetude p 72

(4) Sur ces divers points v notre note preacuteciteacutee sous Cass ass pleacuten 31 mai 1991

(5) Obs J Hauser sous larrecirct rendu le 1er feacutevrier 2001 par la Cour dappel de Paris dans le

preacutesente affaire in RTD civ 2001 347

AD2008DEF0291N1

Reacutepertoire du Notariat Defreacutenois 15 feacutevrier 2008 ndeg 3 P 291 - Tous droits reacuteserveacutes

FILIATION

38717 La convention de megravere porteuse

(Reacuteflexions sur les sources du droit et les principes dindisponibiliteacute du corps humain et de leacutetat des personnes)

Le droit franccedilais prohibe les conventions de megraveres porteuses

26

Malgreacute linterdiction leacutegale de nombreux couples ont chercheacute et cherchent encore agrave

contourner cette interdiction notamment en ayant recours agrave des megraveres de substitution dans

des pays eacutetrangers ougrave cette pratique est autoriseacutee

La Cour de cassation veille agrave ce que linstitution de ladoption ne soit pas deacutetourneacutee au profit

de ces parents

Dans un arrecirct du 25 octobre 2007 la cour dappel de Paris vient de reacuteouvrir le deacutebat non sur

le terrain de la convention mais sur celui de la non-transcription des actes de naissance et de

linteacuterecirct supeacuterieur de lenfant

Une excellente occasion de faire le point sur la question et de sinterroger pour lavenir avant

la reacutevision de la loi bioeacutethique en 2009

par Rabih CHENDEB

Docteur en droit

ATER agrave lUniversiteacute de Picardie Jules Verne

laquo La science va Elle est ineacuteluctable Ce quil faut cest la rendre eacutethique raquo (1)

Le droit positif franccedilais interdit de recourir aux megraveres porteuses si un couple conccediloit un

embryon in vitro qui est implanteacute dans luteacuterus dune tierce femme cest cette tierce femme

qui est la megravere selon la loi franccedilaise et les parents biologiques ne peuvent avoir aucun droit

mecircme en cas dabandon de lenfant agrave la naissance par la megravere porteuse La loi bioeacutethique de

1994 a interdit la gestation pour autrui car cela soulevait des questions

dinstrumentalisation et de commercialisation du corps de la femme

De nombreux couples en mal denfants ont depuis longtemps chercheacute agrave contourner les regravegles

notamment en ayant recours agrave des megraveres de substitution qui vivent dans des pays ougrave cette

pratique est autoriseacutee Jusquagrave preacutesent la Cour de cassation ne sy est jamais laisseacutee prendre et

condamnait ladoption faite par les parents de lenfant de la megravere porteuse consideacuterant quil

sagissait dun deacutetournement de linstitution de ladoption (I)

Le 25 octobre 2007 la cour dappel de Paris vient donner lespoir dune ouverture vers

lacceptation dans linteacuterecirct de lenfant de cette deacutemarche Cette deacutecision de la cour dappel

pourrait changer les choses en attendant la reacutevision de la loi bioeacutethique preacutevue en 2009 Une

chose est sucircre cet arrecirct a le meacuterite douvrir le deacutebat et de poser la question de linteacuterecirct de

lenfant comme exception agrave lindisponibiliteacute de leacutetat des personnes et agrave linterdiction de la

pratique des megraveres porteuses Une certaine eacutevolution des mentaliteacutes ainsi que la dispariteacute

entre la loi franccedilaise et dautres leacutegislations nationales pourraient donner lieu agrave un

assouplissement de cette leacutegislation (II)

I Lhostiliteacute du leacutegislateur et de la jurisprudence agrave leacutegard de la convention de megravere porteuse

Au siegravecle dernier seacutetaient deacuteveloppeacutees des associations ayant pour but de faire se rencontrer

des couples deacutesireux davoir un enfant et des femmes acceptant de le porter pour ensuite le

leur laquo ceacuteder raquo par contrat Pour des raisons plus ou moins louables le proceacutedeacute fut rapidement

condamneacute par le droit franccedilais (A) tout comme ladoption qui sen suivait (B)

27

A Le caractegravere illicite de la convention de megravere porteuse

La megravere porteuse met en effet agrave mal le scheacutema classique de la famille On affirmait en Droit

romain que la megravere eacutetait sucircre et que le pegravere eacutetait le mari Le Code napoleacuteon a enteacuterineacute cette

conception Dire que lenfant possegravede une megravere geacuteneacutetique et une megravere uteacuterine va agrave lencontre

de ses dispositions (2)

Pris au deacutepourvu le leacutegislateur franccedilais a tardeacute agrave reacuteagir face aux progregraves scientifiques Il en

est reacutesulteacute un vide juridique auquel la jurisprudence sest efforceacutee de faire face Devant cette

heacutesitation bien compreacutehensible du droit les ressources de la morale de la deacuteontologie et

surtout de la bioeacutethique ont eacuteteacute solliciteacutees (3) Le Conseil dEtat confronteacute aux associations

voulant intervenir dans ce domaine a ainsi prononceacute la dissolution de ces associations pour

objet illicite (4) Le 13 deacutecembre 1989 la premiegravere chambre civile de la Cour de cassation a

releveacute le principe dindisponibiliteacute du corps humain par une interpreacutetation a contrario de

larticle 1128 du Code civil qui dispose qu laquo il ny a que les choses qui sont dans le

commerce qui puissent ecirctre lobjet des conventions raquo La personne ne dispose pas de son

corps elle nen est pas proprieacutetaire (5) Le 31 mai 1991 lassembleacutee pleacuteniegravere de la Cour de

cassation vise les articles 6 1128 et 353 du Code civil afin daffirmer le caractegravere illicite de la

convention conclue entre une megravere porteuse et un couple steacuterile En effet ce contrat porte sur

deux corps humains la megravere et lenfant (6)

Rapidement le leacutegislateur est venu leacutegifeacuterer dans ce sens avec la loi no 94-653 du 29 juillet

1994 relative agrave la bioeacutethique pour que le Code civil reconnaisse le corps humain en tant que

tel Cette loi prend deacutesormais explicitement en compte le corps humain parce quil a voulu

promouvoir son respect face au deacuteveloppement des sciences biomeacutedicales Cette loi a entraicircneacute

la modification et la creacuteation darticles dans le Code civil et le Code peacutenal

Le principe du respect de la digniteacute de la personne humaine est poseacute par larticle 16 du Code

civil laquo La loi assure la primauteacute de la personne interdit toute atteinte agrave la digniteacute de celle-ci

et garantit le respect de lecirctre humain degraves le commencement de sa vie raquo Le nouvel article 16-1

preacutevoit que laquo Chacun a droit au respect de son corps Le corps humain est inviolable Le

corps humain ses eacuteleacutements et ses produits ne peuvent faire lobjet dun droit patrimonial raquo

Par conseacutequent selon larticle 16-5 laquo Les conventions ayant pour effet de confeacuterer une

valeur patrimoniale au corps humain agrave ses eacuteleacutements ou agrave ses produits sont nulles raquo De mecircme

quand une personne accepte de donner son sang ce ne peut ecirctre quagrave titre beacuteneacutevole Enfin

larticle 16-7 dispose mecircme laquo Toute convention portant sur la procreacuteation ou la gestation

pour le compte dautrui est nulle raquo (7)

En outre cette interdiction est assortie dune sanction peacutenale pouvant aller jusquagrave un an

demprisonnement et 15 000 euro damende pour celui qui sentremet ou tente de sentremettre

entre une personne ou un couple deacutesireux daccueillir un enfant et une femme acceptant de

porter en elle cet enfant en vue de le leur remettre Lorsque ces faits ont eacuteteacute commis agrave titre

habituel ou dans un but lucratif les peines sont porteacutees au double (8)

En deacutepit de la reacutesistance de quelques juges du fond qui ont admis ladoption la Cour de

cassation na pas infleacutechi sa position (9) Elle sest reacutecemment opposeacutee agrave ladoption simple

dun enfant par un couple homosexuel estimant cette adoption contraire agrave laquo linteacuterecirct supeacuterieur

de lenfant raquo (10)

28

Analyseacutes dans le contexte de ces deacutecisions les deux principes de lilliceacuteiteacute des conventions et

de lindisponibiliteacute du corps humain expriment une mecircme ideacutee la condamnation dune

convention qui porte sur le corps humain celui de lenfant agrave naicirctre et celui de la femme qui la

conccedilu et porteacute

Toutefois les motifs adopteacutes par la Cour de cassation savegraverent dune extrecircme faiblesse En

effet ces motifs sont lieacutes agrave lilliceacuteiteacute de lobjet des conventions agrave lindisponibiliteacute du corps

humain ainsi quagrave lindisponibiliteacute de leacutetat des personnes (11) Pourtant les lois dites laquo

bioeacutethiques raquo du 29 juillet 1994 puis la loi du 6 aoucirct 2004 (12) relative agrave la bioeacutethique ont

admis lutilisation des eacuteleacutements et des produits du corps humain agrave des fins theacuterapeutiques ou

scientifiques Effectivement une loi en date du 24 janvier 1953 deacutetermine laquo les tarifs de

cession du sang raquo Les dispositions sont aujourdhui dans le Code de la santeacute publique Degraves

lors on peut donner ses gamegravetes ses organes son sang Il semble que plus quune approche

anthropologique des sciences meacutedicales (qui conduiraient agrave une ineacutevitable instrumentalisation

du corps des hommes) il existerait ce que nous appelons une technoscience laquo de linvisible

raquo que seul le droit accepte de leacutegitimer (13)

Par ailleurs la terminologie employeacutee par le leacutegislateur de 1994 est eacuteloquente Cest

certainement parce que le principe dindisponibiliteacute du corps humain sest aveacutereacute irreacutealiste videacute

de sa substance par le nombre et limportance de ses exceptions que le leacutegislateur lui a preacutefeacutereacute

celui de non-patrimonialiteacute qui figure aujourdhui aux articles 16-1 16-5 et 16-6 du Code

civil Il est donc possible de disposer de son corps agrave titre de dons dans les limites de la loi

(14)

Pour conclure sur ce point il sera emprunteacute les propos de Mme Mayer-Jack laquo

Malheureusement si ce principe dindisponibiliteacute du corps humain possegravede les qualiteacutes trop

rares decirctre nettement formuleacute et universellement admis il apparaicirct agrave la reacuteflexion frappeacute dun

vice radical il se reacutevegravele contraire aux faits raquo (15)

B La nulliteacute de ladoption

En matiegravere de materniteacute de substitution lenfant reste au coeur du deacutebat Il est laquo lobjet raquo de la

convoitise du couple demandeur et lobjet de la convention En vue de permettre

leacutetablissement dune filiation adoptive deux processus eacutetaient suivis par lesdits couples

processus que la Cour de cassation sempressa dinterdire agrave son tour

1 Le contournement aveacutereacute de la loi par les couples restant en France

En effet le processus se deacuteroulait en trois eacutetapes dans un premier temps lembryon issu des

gamegravetes du couple ou du mari et de la femme porteuse eacutetait implanteacute dans luteacuterus de cette

derniegravere La megravere porteuse suivait sa grossesse normalement notamment au regard du suivi

meacutedical (16) Ensuite elle accouchait anonymement La leacutegislation autorise les

accouchements laquo sous X raquo et reconnaicirct ainsi aux parturientes le droit de ne pas ecirctre megraveres si

elles ne le deacutesirent ou ne le peuvent pas Le pegravere fournisseur de sperme quant agrave lui effectuait

une reconnaissance preacutenatale de lenfant A sa naissance il le reconnaissait Lenfant avait

donc un pegravere mais sans indication de la filiation maternelle Enfin leacutepouse de ce dernier

adoptait de maniegravere pleacuteniegravere lenfant Leacutetat de mariage de la megravere porteuse ne changeait rien

puisque laccouchement anonyme empecircchait que le mari soit consideacutereacute comme pegravere preacutesumeacute

29

Depuis larrecirct Alma Mater (17) nous savons que la convention de materniteacute de substitution

est nulle car contrevenant agrave lordre public (18) Mais jusqualors la jurisprudence avait eu le

soin de dissocier convention et adoption Toute convention portant sur la procreacuteation ou la

gestation pour le compte dautrui eacutetant nulle la convention de megravere porteuse ayant permis la

naissance de lenfant en cause est donc incontestablement frauduleuse Degraves lors la possession

deacutetat sur laquelle les demandeurs se fondent pour voir eacutetablir un lien de filiation leacutegitime agrave

leur profit et lacte de notorieacuteteacute quils ont ainsi obtenu sont eux-mecircmes vicieacutes et ne peuvent

donc permettre leacutetablissement dun tel lien Par ailleurs la Convention de New York sur les

droits de lenfant garantit notamment agrave celui-ci laccegraves agrave ses origines Or lapplication de la

convention frauduleuse aurait pour effet de consacrer un mensonge lacte de naissance qui

serait eacutetabli sur le fondement de cette convention aboutirait en effet agrave nier totalement les

conditions dans lesquelles lenfant a eacuteteacute conccedilu En conseacutequence les demandeurs ne pourront

se preacutevaloir de la possession deacutetat vicieacutee pour obtenir la retranscription de lacte de notorieacuteteacute

sur lacte de naissance de lenfant (19) Ainsi la prohibition de la convention a entraicircneacute dans

son sillage une impossibiliteacute dadoption par leacutepouse du pegravere (20) Il y a deacutetournement de

linstitution de ladoption pleacuteniegravere en ce que lenfant a eacuteteacute conccedilu pour ecirctre abandonneacute par sa

megravere et adopteacute par une autre (21)

Il en reacutesulte que cest labandon de lenfant qui rend impossible ladoption par leacutepouse du

mari Or labandon de lenfant constitue deacutejagrave une deacutemarche parfaitement licite et reacuteglementeacutee

par la loi Il suffit pour sen convaincre de lire attentivement les textes adeacutequats agrave savoir les

articles 61 et 62 du Code de la famille et de laide sociale 348-3 et 350 du Code civil et 1158

agrave 1163 du Code de proceacutedure civile Il suffit agrave la megravere et plus geacuteneacuteralement agrave la personne

investie des droits parentaux de confier 1enfant agrave un eacutetablissement ou agrave un service de laide

sociale agrave 1enfance (ASF) ou mecircme agrave un particulier puis de sen deacutesinteacuteresser

manifestement pendant une anneacutee nentretenant avec lui aucune relation neacutecessaire au

maintien de liens affectifs Le tribunal de grande instance peut degraves lors sauf agrave prendre en

consideacuteration le cas exceptionnel de grande deacutetresse du parent deacutefaillant deacuteclarer 1enfant

abandonneacute agrave la requecircte de tout inteacuteresseacute et notamment de leacutetablissement service ou famille

daccueil (22) laquo On cesse dinterdire une pratique non pas lorsquelle se deacuteveloppe mais

lorsquon ne sait plus pourquoi elle est interdite raquo (23)

Dailleurs une contradiction engendre ce refus dadoption En effet laquo consideacuterer ladoption

indissociable de la convention revient agrave ne voir lenfant que comme lobjet de cette convention

raquo (24) Ainsi les parents ont pu eacutetablir anteacuterieurement agrave la naissance le processus dont

ladoption est laquo lultime phase raquo Mais ce processus nest pas fait dans lintention de nuire agrave

lenfant Alors comment comprendre la seacuteveacuteriteacute afficheacutee de la Cour de cassation

Traiter lenfant comme une veacuteritable personne implique de dissocier la convention ougrave il

nintervient pas et ladoption dont il est partie prenante et mecircme partie principale Il faut

sinterroger sur son inteacuterecirct propre quitte agrave le confronter ensuite agrave ceux auxquels il soppose

(25)

2 Lexpansion du tourisme procreacuteatif

La dispariteacute des regravegles nationales agrave propos de la gestation pour autrui a conduit certains

couples agrave se rendre agrave leacutetranger pour pouvoir avoir recours agrave une megravere porteuse on parle

deacutesormais de laquo tourisme procreacuteatif raquo (26)

30

Lagrave encore le processus deacutebute par une inseacutemination artificielle mais les pays ayant leacutegaliseacute la

gestation pour le compte dautrui permettent par ailleurs que lembryon inseacutemineacute dans

luteacuterus de la femme soit issu de la rencontre des gamegravetes des deux parents demandeurs

Lenfant est donc geacuteneacutetiquement lenfant du couple Il a pour parent degraves sa naissance le

couple demandeur il porte leur nom et le preacutenom quils lui ont choisi Mais pour exister en

France il est neacutecessaire de recourir agrave une transcription sur les registres de leacutetat civil franccedilais

de lacte de naissance eacutetranger Lagrave encore la seacuteveacuteriteacute est de mise puisque le parquet de

Nantes qui a en charge la transcription des eacutetats civils venant de leacutetranger refuse

systeacutematiquement cette transcription qui nest pas conforme agrave la leacutegislation franccedilaise (27)

Les magistrats ont eacuteteacute confronteacutes agrave ces situations ougrave la megravere commanditaire deacutesirait eacutetablir un

lien de filiation entre elle et lenfant issu de la convention de materniteacute de substitution

Tel est par exemple le cas qui a eacuteteacute trancheacute par la cour dappel de Rennes le 4 juillet 2002

(28) Dans cet arrecirct la cour dappel a rejeteacute ladoption des enfants par un couple qui a conclu

en Californie une convention portant sur la gestation dun embryon issu de leurs propres

gamegravetes La cour relegraveve que laquo la loi franccedilaise ne donne pas une deacutefinition de la megravere raquo cette

notion est inscrite dans les mentaliteacutes depuis des siegravecles par ladage Mater semper certa est

Cest laccouchement qui deacutetermine la megravere et non la seule reacutealiteacute geacuteneacutetique

Cette jurisprudence installeacutee depuis le ceacutelegravebre arrecirct de lassembleacutee pleacuteniegravere du 31 mai 1991

constitue une atteinte directe agrave linteacuterecirct de lenfant Ce dernier est priveacute de toute filiation

maternelle leacutegalement reconnue et ce sans beacuteneacutefice pour personne (29)

Malheureusement en raison de cette solution les deux enfants sont acircgeacutes de sept ans et vivent

aupregraves de leur pegravere naturel et de sa compagne dont la materniteacute ne peut leacutegalement ecirctre eacutetablie

(30)

Cette jurisprudence preacutesente un point faible Selon larticle 353 du Code civil le tribunal de

grande instance saisi dune requecircte aux fins dadoption pleacuteniegravere veacuterifie si les conditions de

la loi sont remplies et si ladoption est conforme agrave linteacuterecirct de lenfant Or en loccurrence

le preacutetendu droit de lenfant ne coiumlncide pas avec son inteacuterecirct seul mis en avant dans 1article

353 du Code civil Le refus par la cour dappel de prononcer ladoption pleacuteniegravere a priveacute les

deux enfants (au nom de leur droit aussi eacuteminent que symbolique agrave la non-chosification) dun

avantage concret et primordial leur admission au statut denfants leacutegitimes de leurs vrais

parents geacuteneacutetiques (31) Simples enfants naturels ou adulteacuterins de leur pegravere ils demeureront

sans lien de filiation maternelle Un tel problegraveme meacuterite que les juridictions se penchent au

moins sur lui (32) La protection de linstitution de ladoption sopegravere au deacutetriment du droit

reconnu agrave lenfant deacutetablir sa filiation par le biais dune discrimination fondeacutee sur les

circonstances de sa naissance (33) La jurisprudence nous semble aller agrave lencontre des

engagements internationaux contracteacutes par la France (34)

II Leacutevolution des mentaliteacutes vers une leacutegislation plus souple

Jusquagrave preacutesent la jurisprudence a toujours interdit ladoption des enfants par des couples

ayant eu recours agrave la gestation pour autrui consideacuterant quil sagit dun deacutetournement de

linstitution de ladoption (35)

Un grand quotidien Libeacuteration reacutevegravele que la cour dappel de Paris a reconnu comme parents

leacutegitimes de jumelles un couple franccedilais ayant fait appel agrave une megravere porteuse ameacutericaine

31

Une chose est sucircre cet arrecirct a le meacuterite douvrir le deacutebat et de poser la question de linteacuterecirct de

lenfant comme exception agrave lindisponibiliteacute de leacutetat des personnes et agrave linterdiction de la

pratique des megraveres porteuses (A) Lorsque lon accepte une loi eacutetrangegravere qui a eacuteteacute appeleacutee au

secours pour contourner la loi franccedilaise la modification de la loi franccedilaise nest pas loin (B)

A Lassouplissement de la jurisprudence

Dans laffaire porteacutee devant la cour dappel de Paris que nous avons abordeacutee rapidement

preacuteceacutedemment un couple dont la femme ne peut assurer la gestation en raison dune

malformation congeacutenitale se rend en Californie ougrave il conclut une convention portant sur la

gestation dun embryon issu de leurs propres gamegravetes Des jumelles naissent de cette

convention Le droit californien fait abstraction du deacutefaut daccouchement La concubine est

inscrite comme megravere dans les registres de naissance de Californie Quelques semaines plus

tard le couple reconnaicirct les enfants en France Mais agrave leur retour dans lHexagone ils sont

placeacutes en garde agrave vue puis mis en examen pour laquo entremise entre une personne deacutesireuse

dadopter un enfant et un parent deacutesireux dabandonner son enfant neacute ou agrave naicirctre raquo et pour laquo

simulation ayant entraicircneacute une atteinte agrave leacutetat civil de lenfant raquo

En 2004 le juge dinstruction rend un non-lieu sur les poursuites peacutenales les faits seacutetant

deacuterouleacutes dans un pays ougrave cette pratique est leacutegale Le parquet a alors continueacute son offensive

sur le terrain civil et chercheacute agrave faire annuler la filiation et la transcription sur leacutetat civil Le

tribunal de grande instance a deacuteclareacute cette demande irrecevable en deacutecembre 2005 Une

deacutecision rendue par la cour dappel de Paris confirme ce jugement le 25 octobre dernier apregraves

avoir estimeacute que laquo La non-transcription des actes de naissances aurait des conseacutequences

contraires agrave linteacuterecirct supeacuterieur des enfants qui au regard du droit franccedilais se verraient priveacutes

dactes deacutetat civil indiquant leur lien de filiation y compris agrave leacutegard de leur pegravere biologique

raquo

La question sera deacutesormais soumise agrave la Cour de cassation qui a deacutejagrave pris des deacutecisions

progressistes dans des questions relatives au droit de la famille notamment dans linteacuterecirct de

lenfant Elle a ainsi fait le 24 feacutevrier 2006 un pas important vers la reconnaissance de

lhomoparentaliteacute en autorisant quun parent homosexuel deacutelegravegue tout ou partie de son

autoriteacute parentale agrave son partenaire avec lequel il vit en union stable agrave condition que cette

mesure soit prise dans linteacuterecirct supeacuterieur de lenfant (36)

Le plus important reacuteside dans le fait que la cour dappel de Paris a estimeacute que la non-

transcription sur les actes de naissance aurait des conseacutequences contraire agrave llaquo inteacuterecirct de

lenfant raquo Depuis longtemps linteacuterecirct de lenfant est au centre du droit de la famille et depuis

quelques anneacutees celui-ci devient veacuteritablement la pierre angulaire de cette discipline (37)

Dans un arrecirct du 18 mai 2005 la premiegravere chambre civile de la Cour de cassation preacutecise au

visa de larticle 3-1 de la Convention relative aux droits de lenfant que laquo dans toutes les

deacutecisions qui concernent les enfants linteacuterecirct supeacuterieur de lenfant doit ecirctre une

consideacuteration primordiale raquo (38) Mais que faut-il entendre par inteacuterecirct supeacuterieur de lenfant

(39)

Bien que le nouvel article L 112-4 du Code de laction sociale et des familles (40) et larticle

371-1 du Code civil semblent deacutefinir les eacuteleacutements constitutifs de cette notion llaquo inteacuterecirct de

lenfant raquo reste un concept assez flou que le leacutegislateur et les juges se gardent bien de deacutefinir

preacuteciseacutement on ne peut limiter linteacuterecirct supeacuterieur de lenfant agrave la protection de sa santeacute de sa

seacutecuriteacute et de sa moraliteacute Certes ces eacuteleacutements sont les bases de linteacuterecirct de lenfant mais

32

puisque celui-ci peut deacutepasser le strict cadre du droit de lautoriteacute parentale voire du droit de

la famille cette vision serait bien trop reacuteductrice

Le sens de cette notion peut encore sobscurcir si lon considegravere quelle peut se confondre avec

dautres concepts voisins Larticle 371-5 doit ainsi conduire agrave distinguer linteacuterecirct de lenfant de

celui de la fratrie En effet si celle-ci a inteacuterecirct agrave rester unie certaines circonstances permettent

deacutecarter un de ses membres dans son inteacuterecirct exclusif

Un amendement proposait cependant agrave la suite du nouvel article L 112-4 du Code de laction

sociale et des familles une deacutefinition inteacuteressante laquo Linteacuterecirct supeacuterieur de lenfant est deacutefini

comme lassurance de la protection de sa seacutecuriteacute personnelle et affective lassurance dun

contexte familial permettant un bon deacuteveloppement physique intellectuel affectif et social

lassurance dune relation dattachement parental permettant de se construire Linteacuterecirct

supeacuterieur de lenfant tel que deacutefini constitue son projet de vie raquo (41)

On ne peut que se feacuteliciter de la mise en avant de linteacuterecirct de lenfant pour deacuteroger agrave la sacro-

sainte interdiction des megraveres porteuses car il est vrai quil ne faut pas oublier que limportant

reste dabord et avant tout lenfant qui a et doit avoir une place centrale au sein de la famille

On peut envisager que cette reacutecente jurisprudence puisse influencer la reacuteflexion sur le recours

aux laquo megraveres porteuses raquo sur le territoire national qui conduise agrave une eacutevolution de la loi

B Vers une eacutevolution de la loi

Alors que la France interdit la laquo gestation pour autrui raquo cette pratique a eacuteteacute leacutegaliseacutee dans de

nombreux pays La France a donc une leacutegislation moins libeacuterale que dautres leacutegislations

nationales La pratique de la gestation pour autrui est notamment autoriseacutee aux Etats-Unis au

Canada en Australie et dans plusieurs pays de lUnion europeacuteenne (Espagne et Belgique

Gregravece et Royaume-Uni notamment) (42) La question de la leacutegalisation des megraveres porteuses

est tregraves controverseacutee en France et demanderait un strict encadrement (43)

On enseigne habituellement que les questions deacutetat ne peuvent deacutependre de la seule volonteacute

individuelle Leacutetat des personnes - le droit de la filiation en particulier - eacutechapperait aux

conventions Mais ce principe nest plus si absolu Leacutevolution contemporaine reacuteduit laspect

institutionnel Une place nettement importante a eacuteteacute faite dans lorganisation des relations

familiales agrave la volonteacute individuelle laquo Laccroissement du pouvoir des volonteacutes individuelles

dans le droit de la famille est une marque essentielle de ce droit raquo (44) Dougrave la justesse de

lexpression laquo contractualisation du droit de la famille raquo Le rocircle de la volonteacute individuelle

tend agrave ecirctre de plus en plus important (45) Tel est le cas du divorce du PACS et du mariage

La procreacuteation nest plus la finaliteacute avec larriveacutee en force dans des pays voisins du mariage

homosexuel

Une certaine eacutevolution des mentaliteacutes ainsi que la dispariteacute entre la loi franccedilaise et dautres

leacutegislations nationales pourraient bien donner lieu agrave un assouplissement de cette leacutegislation

(46)

La gestation pour autrui permet de pallier certaines formes de steacuteriliteacute feacuteminine en raison

dune absence ou dune deacuteformation duteacuterus de conseacutequences de cancer ou reacutesultant dune

hysteacuterectomie de fausses couches reacutepeacuteteacutees dune contre-indication meacutedicale agrave la grossesse ou

de nombreux eacutechecs de feacutecondations in vitro (47) Dans ce cas on implante les gamegravetes des

parents geacuteneacutetiques dans le ventre de la megravere porteuse

33

Un autre argument favorable agrave cette pratique est la certitude apaisante pour le couple steacuterile

de ce que lenfant porteacute en uteacuterus tiers nen sera pas moins leur veacuteritable enfant geacuteneacutetique

puisque conccedilu agrave partir de leurs propres gamegravetes

De plus il faut deacutenoncer une incoheacuterence Une femme empecirccheacutee par la loi de donner avant

sa grossesse agrave un couple agreacuteeacute par elle lenfant quelle portera moyennant eacutequitable

reacutecompense possegravede en revanche le droit discreacutetionnaire de labandonner une fois neacute au

hasard des eacutetablissements ou du service de lASE ou pis encore de recourir agrave une

interruption volontaire de grossesse pendant les douze premiegraveres semaines (48)

La possession deacutetat repreacutesente une valeur humaine et sociale qui doit ecirctre prise en compte en

tant que telle Comme lont joliment affirmeacute M Hauser et Mme Huet-Weiller laquo elle est la

veacuteriteacute des sentiments la veacuteriteacute du coeur tout aussi respectable sinon plus que celle des

registres deacutetat ou mecircme de nos gegravenes raquo (49) Ainsi on peut ecirctre favorable agrave cette reacuteflexion

sous certains reacuteserves

Tout dabord le couple demandeur devait avoir plus de 18 ans et linfertiliteacute devrait ecirctre

meacutedicalement eacutetablie Ensuite seule lutilisation des gamegravetes (sperme et ovocytes) du couple

serait autoriseacutee afin deacuteviter que la gestatrice soit aussi la megravere biologique de lenfant (pour

eacuteviter des liens trop forts eacutetablis entre elle et le beacutebeacute)

De son cocircteacute la megravere porteuse devait avoir plus de 18 ans et accepter de subir des tests divers

avant la grossesse Elle serait la seule agrave donner un consentement valable concernant la gestion

de sa grossesse et elle abandonnerait ses droits parentaux agrave la naissance de lenfant tout en

assistant le couple demandeur lors de la deacutelivrance du certificat de naissance Le

consentement devrait aussi ecirctre obtenu par un entretien psychologique meacutedical et juridique

Seul le juge pourrait donner laccord au deacutebut du processus Le couple demandeur devait

sengager agrave assumer la garde de lenfant degraves sa naissance afin deacuteviter soit une non-remise

denfant soit un refus de lenfant - par exemple en cas de handicap

Concernant la reacutemuneacuteration de la megravere porteuse la marchandisation est inacceptable Les

intermeacutediaires reacutemuneacutereacutes seraient interdits Le principe du volontariat et de la gratuiteacute sont

essentiels le don de vie (50)

Enfin il ne sagirait pas de reacutemuneacuteration mais de compensation financiegravere destineacutee agrave

deacutedommager les inconveacutenients lieacutes agrave la grossesse sur la base de la loi laquo Huriet raquo (loi sur la

recherche meacutedicale avec volontaires sains) Le couple demandeur devrait prendre agrave sa charge

les deacutepenses meacutedicales leacutegales et psychologiques ainsi quun montant raisonnable alloueacute agrave la

megravere porteuse pour subvenir agrave ses besoins Les juges appreacutecieraient librement ce que peut ecirctre

un montant laquo raisonnable raquo sans que cela puisse jamais ecirctre consideacutereacute comme une laquo vente raquo

denfant

(1) B Debreacute et S Agacinski laquo Faut-il leacutegaliser les megraveres porteuses en France raquo Le Figaro Magazine du samedi 10 novembre 2007 p 50

34

(2) G David laquo Don et utilisation du sperme raquo in Actes du colloque Geacuteneacutetique procreacuteation et

droit Actes sud 1985 p 205 G-M Faure Le deacutesir denfant agrave leacutepreuve du droit Essai sur le droit de la procreacuteation meacutedicalement assisteacutee Thegravese Universiteacute de Lille 1992 p 7

(3) G Lebreton Liberteacutes publiques et droits de lhomme 6e eacuted Armand Colin 2003 p 262

(4) CE 22 janvier 1988 Lebon 1988 p 37

(5) La Cour de cassation a enteacuterineacute la position de la cour dappel de Paris pour laquelle laquo ni laltruisme du comportement de la megravere de substitution ni le caractegravere deacutesinteacuteresseacute des activiteacutes de lassociation ne sont propres agrave faire disparaicirctre lilliceacuteiteacute qui frappe laccord litigieux raquo Cass civ 1re 13 deacutecembre 1989 Bull civ I no 387 Defreacutenois 1990 art 34802 no 55 obs J-L Aubert D 1990 p 273 JCP eacuted G 1990 II 21526 note A Seacuteriaux propos recueillis par C Slobodansky laquo Le droit doit limiter les progregraves de la science raquo LPA du 7 mai 2004 no 92 p 60

(6) laquo La convention par laquelle une femme sengage fucirct-ce agrave titre gratuit agrave concevoir et porter un enfant pour labandonner agrave sa naissance contrevient tant au principe dordre public de lindisponibiliteacute du corps humain quagrave celui de lindisponibiliteacute de leacutetat des personnes raquo Cass ass pleacuten 31 mai 1991 Bull civ ass pleacuten no 4 Defreacutenois 1991 art 35142 no 103 obs J-L Aubert Defreacutenois 1991 art 35088 no 67 note J Massip RTD civ 1991 p 517 obs D Huet-Weiller et p 489 note M Gobert M Gobert laquo Reacuteflexions sur les sources du droit et les

principes dindisponibiliteacute du corps humain et de leacutetat des personnes agrave propos de la materniteacute de substitution raquo RTD civ 1992 p 489 et s speacutec p 501 dans ce sens v deacutejagrave les remarques de P Murat laquo Laction de lordonnance du 4 juillet 2005 sur la possession deacutetat raquo Dr Famille 2006 eacutetude no 6 speacutec no 7 V aussi J Massip laquo Linsertion dans le Code civil de dispositions relatives au corps humain agrave lidentification geacuteneacutetique et agrave la procreacuteation meacutedicalement assisteacutee raquo Defreacutenois 1995 art 35975 et 35992

(7) En ce sens V Depadt-Sebag laquo De la neacutecessiteacute dune reacuteforme de larticle 16-7 du Code civil relatif agrave linterdiction de gestation pour autrui raquo RGD meacuted 2004 no 12 p 135 et s

(8) Art 227-12 et s C peacuten

(9) CA Paris 1re feacutevrier 2001 RTD civ 2001 p 347 obs J Hauser Cass civ 1re 9 deacutecembre 2003 Bull civ I no 252 p 201 CA Rennes 4 juillet 2002 D 2002 p 2904

(10) Cass civ 1re 20 feacutevrier 2007 Defreacutenois 2007 art 38595 no 45 obs J Massip

(11) V Depadt-Sebag laquo De la neacutecessiteacute dune reacuteforme de larticle 16-7 du Code civil relatif agrave linterdiction de gestation pour autrui raquo preacutec no 12 p 135 et s

(12) L no 2004-800 du 6 aoucirct 2004 relative agrave la bioeacutethique JO du 7 aoucirct 2004 p 14040 J Massip art preacutec

(13) Dans ce sens v M Gobert laquo Reacuteflexions sur les sources du droit et les principes dindisponibiliteacute du corps humain et de leacutetat des personnes agrave propos de la materniteacute de substitution raquo preacutec p 489 et s speacutec p 513

(14) V Depadt-Sebag laquo De la neacutecessiteacute dune reacuteforme de larticle 16-7 du Code civil relatif agrave linterdiction de gestation pour autrui raquo preacutec no 12 p 135 et s E Camuzet La convention de gestation pour autrui une illeacutegaliteacute franccedilaise injustifieacutee Meacutemoire Lille 2 Universiteacute du droit et de la santeacute 2005-2006 p 55

(15) A Mayer-Jack laquo Les conventions relatives agrave la personne physique raquo Rev crit leacutegisl et jurispr 1993 p 6

(16) G Meacutemeteau laquo Une distinction est opeacutereacutee sur la reacutefeacuterence des donneacutees acquises de la science agrave la date des soins par opposition agrave la notion erroneacutee de donneacutees actuelles de la science raquo note sous Cass civ 1re 6 juin 2000 JCP eacuted G 2001 II 10447

(17) Cass civ 1re 13 deacutecembre 1989 Bull civ I no 387 Defreacutenois 1990 art 34815 rapp J Massip D 1990 p 273 JCP eacuted G 1990 II 21526 note A Seacuteriaux

35

(18) Communication J Bernard et comm J Massip Defreacutenois 1990 art 35088 no 67 note J

Massip F Terreacute note sous Cass ass pleacuten 31 mai 1991 JCP eacuted G 1991 II 21752 dans ce sens v les remarques de P Murat laquo Laction de lordonnance du 4 juillet 2005 sur la possession deacutetat raquo preacutec eacutetude no 6 speacutec no 7 G Kessler laquo La consolidation de situations illicites dans linteacuterecirct de lenfant raquo Dr Famille no 7 juillet 2005 Etude 16

(19) TGI Lille 22 mars 2007 D 2007 no 18 p 1251 note X Labbeacutee B Edelman et C Labrusse-Riau note sous CA Paris 15 juin 1990 JCP eacuted G 1991 II 21653

(20) V Larribau-Terneyre note sous CA Pau 19 feacutevrier 1991 D 1991 juris p 380

(21) J Massip laquo Megravere porteuse et deacutecheacuteance de lautoriteacute parentale raquo LPA du 29 octobre 2003 no 216 p 10 Cass ass pleacuten 31 mai 1991 Bull civ ass pleacuten no 4 Defreacutenois 1991 art 35088 no 67 p 948 obs J Massip D 1991 p 417 rapport Y Chartier note D Thouvenin JCP eacuted G 1991 II 21752 communication J Bernard concl H Dontenwille note F Terreacute RTD civ 1991 p 517 obs D Huet-Weiller

(22) J Rubellin-Devichi laquo Materniteacute de substitution qui est la megravere raquo note sous CA Rennes 4 juillet 2002 JCP eacuted G 2003 I 101 C Ducomte laquo La vraie querelle des megraveres porteuses raquo httppagesperso-orangefrmax-christianducomtemereindexhtm

(23) Propos de Mme F Dekeuwer-Deacutefossez lors de son audition devant le preacutesident M Bloche pour la mission dinformation sur la famille (procegraves-verbal du 5 octobre 2005)

(24) J Hauser obs in RTD civ 1999 p 372 F Dekeuwer-Deacutefossez note sous Cass ass pleacuten 31 mai 1991 D 1992 somm p 59

(25) F Dekeuwer-Deacutefossez laquo Les droits de lenfant raquo D 1992 somm p 59 E Poisson-Drocourt laquo Recours agrave une megravere de substitution et refus de ladoption raquo D 2004 p 2001

(26) J-J Lemouland laquo Le tourisme procreacuteatif raquo LPA 2001 no 62 p 24 F Dekeuwer-Deacutefossez laquo Le lien parental raquo LPA du 1er juillet 2004 no 131 p 70 F Granet note sous CA Rennes 4 juillet 2002 D 2002 p 2904

(27) CA Aix-en-Provence 12 mars 2002 Juris-Data no 2002-190443 A Seacuteriaux laquo Droit naturel et procreacuteation artificielle quelle jurisprudence raquo D 1985 chron p 53 J Massip laquo Le nouveau droit de la filiation raquo Defreacutenois 2006 art 38303 p 13

(28) CA Rennes 4 juillet 2002 JCP eacuted G 2003 I 101 note J Rubellin-Devichi

(29) laquo Si le principe structurant de lautoriteacute parentale est linteacuterecirct de lenfant deacutetermineacute in concreto le droit de la filiation nappreacutecie en revanche jamais linteacuterecirct concret dun enfant preacutecis mais linteacuterecirct geacuteneacuteral de lenfant in abstracto raquo A Gouttenoire laquo A chacun sa famille agrave chacun son droit raquo Dr Famille no 7 juillet 2006 Alerte 41

(30) E Camuzet La convention de gestation pour autrui une illeacutegaliteacute franccedilaise injustifieacutee art preacutec p 52

(31) P Raynaud laquo Un abus de ladoption simple les couples adoptifs raquo D 1983 chron p 39 H Gaumont-Prat laquo Pas dadoption pour les enfants issus de convention de megravere porteuse raquo RLDC no 5 mai 2004 p 31 laquo Le rejet dans le non-droit des enfants neacutes dans des circonstances qui deacuterangent la socieacuteteacute relegraveve du deacuteni de la reacutealiteacute porteur de nombreux effets pathogegravenes et injustes raquo

(32) J Rubellin-Devichi laquo Materniteacute de substitution qui est la megravere raquo note sous CA Rennes 4 juillet 2002 preacutec I 101 C Ducomte laquo La vraie querelle des megraveres porteuses raquo preacutec P Raynaud laquo Un abus de ladoption simple les couples adoptifs raquo art preacutec chron p 39 G Kessler laquo La consolidation de situations illicites dans linteacuterecirct de lenfant raquo art preacutec Etude 16

(33) F Dekeuwer-Deacutefossez laquo Reacuteflexion sur les mythes fondateurs du droit contemporain de la famille raquo RTD civ 1995 p 269 E Camuzet La convention de gestation pour autrui une illeacutegaliteacute franccedilaise injustifieacutee art preacutec p 66 A Ponsard rapport sous Cass civ 1re 16

36

novembre 1982 JCP eacuted G 1983 II 19954 M-T Meulders-Klein laquo Le droit agrave lenfant face au

droit de lenfant et les procreacuteations meacutedicalement assisteacutees raquo RTD civ 1988 p 645 F Terreacute Lenfant de lesclave Geacuteneacutetique et droit Flammarion 1987 p 128

(34) Convention de New York du 26 janvier 1990 Charte des droits fondamentaux de lUnion europeacuteenne du 7 deacutecembre 2000 Deacuteclaration universelle des droits de lhomme de 1789 Convention internationale des droits de lenfant de 1989

(35) Cass ass plegraven 31 mai 1991 Bull civ ass plegraven no 4 Defreacutenois 1991 art 35142 no 103 obs J-L Aubert et art 35088 no 67 p 948 obs J Massip D 1991 p 417 rapport Y Chartier note D Thouvenin JCP eacuted G 1991 II 21752 communication J Bernard concl H Dontenwille note F Terreacute RTD civ 1991 p 517 obs D Huet-Weiller

(36) Cass civ 1re 24 feacutevrier 2006 Bull civ I no 101 p 95 Defreacutenois 2006 art 38415 no 40 p 1067 obs J Massip D 2006 juris p 897-900 obs D Vigneau T Anatrella laquo Adoption et homoparentaliteacute leacuteclairage des droits de lhomme raquo Dr Famille 2003 no 10 p

8-10 agrave lidentique dans un arrecirct du 22 janvier 1992 D 1993 p 119 note J Vassaux la cour dappel de Poitiers a prononceacute ladoption simple dun enfant neacute dune convention de megravere porteuse au motif que laquo cette adoption nest pas seulement conforme agrave linteacuterecirct de lenfant mais encore constitue une neacutecessiteacute qui deacutecoule des reacutealiteacutes de la vie issues derreurs des adultes dont lenfant ne doit pas subir les conseacutequences raquo

(37) G Kessler laquo La consolidation de situations illicites dans linteacuterecirct de lenfant raquo art preacutec eacutetude no 16 M-T Meulders-Klein laquo Le droit agrave lenfant face au droit de lenfant et les procreacuteations meacutedicalement assisteacutees raquo art preacutec p 645

(38) Cass civ 1re 18 mai 2005 Bull civ I no 211 p 179 V Depadt-Sebag laquo Non-lieu dans une affaire de materniteacute pour autrui raquo D 2005 p 476 J Massip laquo Megravere porteuse et deacutecheacuteance de lautoriteacute parentale raquo art preacutec no 216 p 11 F Terreacute Lenfant de lesclave Geacuteneacutetique et droit op cit adde F Terreacute et D Fenouillet Droit civil Les personnes la famille les incapaciteacutes 6e eacuted Preacutecis Dalloz no 926 M Lamarche laquo Inteacuterecirct supeacuterieur de lenfant de ladmission des effets dune convention de megravere porteuse agrave la destruction du droit franccedilais de la filiation raquo Dr Famille novembre 2007 no 11

(39) M Donnier laquo Linteacuterecirct de lenfant raquo D 1959 chron p 27 F Laroche-Gisserot note sous Cass civ 1re 27 mai 1998 D 1998 p 530 F Millet laquo Ladoption dun inteacuterecirct agrave lautre raquo RRJ 2003-3 p 1777 et s A Gouttenoire laquo A chacun sa famille agrave chacun son droit raquo art preacutec Alerte 41

(40) Par la loi no 2007-293 du 5 mars 2007 reacuteformant la protection de lenfance (JO du 6 mars 2007 Defreacutenois 2007 Leacuteg p 282) le leacutegislateur a inteacutegreacute la notion dinteacuterecirct de lenfant dans le Code de laction sociale et des familles Le nouvel article L 112-4 dudit code dispose que laquo Linteacuterecirct de lenfant la prise en compte de ses besoins fondamentaux physiques intellectuels sociaux et affectifs ainsi que le respect de ses droits doivent guider toutes deacutecisions le concernant raquo

(41) Amendement no 48 rect Protection de lenfance no 3184 Assembleacutee nationale 22 deacutecembre 2006 wwwassemblee-nationalefr v aussi sur lensemble de ces questions les consideacuterations tregraves eacuteclairantes de P Murat note sous CA Rennes 4 juillet 2002 D 2002 p 2902 Dr Famille 2002 comm no 142 note P Murat

(42) F Granet-Lambrechts laquo Materniteacutes de substitution filiation et eacutetat civil Panorama europeacuteen raquo Dr Famille no 12 deacutecembre 2007 eacutetude no 34

(43) D Youf Penser les droits de lenfant PUF 2002 p 2

(44) G Cornu La famille 6e eacuted no 7 J Carbonnier Droit civil t 4 Les obligations PUF coll Theacutemis no 372 p 649

(45) D Fenouillet et P de Vareilles-Sommiegraveres La contractualisation du droit de la famille Economica 2001

37

(46) H Gaumont-Prat laquo Pas dadoption pour les enfants issus de convention de megravere porteuse raquo art preacutec p 31

(47) E Poisson-Droccourt laquo Recours agrave une megravere de substitution et refus de ladoption raquo art preacutec p 2001 note sous Cass civ 1re 9 deacutecembre 2003 G Delaisi de Perseval laquo Gestation pour autrui en quecircte de leacutegitimation raquo httpwwwliberationfr

(48) C Neirinck laquo Les filiations eacutelectives agrave leacutepreuve du droit raquo JCP eacuted G 1997 I 4067 E Camuzet laquo La convention de gestation pour autrui une illeacutegaliteacute franccedilaise injustifieacutee raquo art preacutec p 59

(49) J Hauser et D Huet-Weiller Traiteacute de droit civil La famille Fondation et vie de la famille 2e eacuted LGDJ 1993 p 250

(50) B Debreacute et S Agacinski laquo Faut-il leacutegaliser les megraveres porteuses en France raquo art preacutec p 50 C Atias D 1986 chron p 67

Civ 1egravere

13 deacutecembre 1989

Ndeg de pourvoi 88-15655

Publieacute au bulletin

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Attendu selon les juges du fond que lrsquoassociation ldquo Alma Mater ldquo a pour objet de faciliter la

solution des problegravemes qui se posent aux couples dont la femme est steacuterile deacutesireux

drsquoaccueillir un enfant agrave leur foyer et aux ldquo megraveres porteuses ldquo volontaires qursquoil est proposeacute agrave

la ldquo megravere porteuse ldquo drsquoecirctre inseacutemineacutee artificiellement par la semence du mari ou du concubin

de porter et de mettre au monde lrsquoenfant qui sera deacuteclareacute sur les registres de lrsquoeacutetat civil sans

indication du nom de la megravere reconnu par le pegravere et accueilli au foyer de celui-ci en vue de

son adoption par lrsquoeacutepouse ou la compagne que lrsquoassociation intervient tout au long de ce

processus qualifieacute de ldquo precirct drsquouteacuterus ldquo ou de ldquo don drsquoenfant ldquo qursquoainsi apregraves avoir controcircleacute la

reacutealiteacute de la steacuteriliteacute du couple demandeur et des faculteacutes de feacutecondation de la ldquo megravere porteuse

ldquo geacuteneacuteralement recruteacutee par elle lrsquoassociation fait proceacuteder agrave lrsquoinseacutemination surveille la

grossesse et lrsquoaccouchement srsquooccupe de faire diligenter la proceacutedure drsquoadoption qursquoelle

verse ensuite agrave la megravere une somme forfaitaire - qui en 1987 eacutetait fixeacutee agrave 60 000 francs -

remise par le couple demandeur degraves le deacutebut de la grossesse que lrsquoarrecirct confirmatif attaqueacute

(Aix-en-Provence 29 avril 1988) estimant que cette association avait un objet illicite

contraire aux lois et aux bonnes moeurs en a prononceacute la nulliteacute sur le fondement de lrsquoarticle

3 de la loi du 1er juillet 1901

Sur le moyen unique pris en sa premiegravere branche

Attendu que lrsquoassociation ldquo Alma Mater ldquo fait grief agrave la cour drsquoappel drsquoavoir ainsi statueacute alors

que selon le moyen nrsquoest ni illicite ni contraire aux bonnes moeurs lrsquoassociation qui dans un

but humanitaire non lucratif met en relation un couple demandeur dont la femme est steacuterile et

38

une femme qui accepte drsquoecirctre inseacutemineacutee artificiellement par le mari de porter lrsquoenfant et de le

remettre agrave la naissance agrave ce couple qui lrsquoindemnisera des contraintes et de la gecircne occasionneacutee

par la grossesse de sorte que la juridiction du second degreacute aurait violeacute les articles 3 et 7 de la

loi du 1er juillet 1901

Mais attendu qursquoil reacutesulte des constatations des juges du fond que lrsquoobjet mecircme de

lrsquoassociation est de favoriser la conclusion et lrsquoexeacutecution de conventions qui fussent-elles

verbales portent tout agrave la fois sur la mise agrave la disposition des demandeurs des fonctions

reproductrices de la megravere et sur lrsquoenfant agrave naicirctre et sont donc nulles en application de lrsquoarticle

1128 du Code civil que ces conventions contreviennent au principe drsquoordre public de

lrsquoindisponibiliteacute de lrsquoeacutetat des personnes en ce qursquoelles ont pour but de faire venir au monde un

enfant dont lrsquoeacutetat ne correspondra pas agrave sa filiation reacuteelle au moyen drsquoune renonciation et

drsquoune cession eacutegalement prohibeacutees des droits reconnus par la loi agrave la future megravere que

lrsquoactiviteacute de lrsquoassociation qui tend deacutelibeacutereacutement agrave creacuteer une situation drsquoabandon aboutit agrave

deacutetourner lrsquoinstitution de lrsquoadoption de son veacuteritable objet qui est en principe de donner une

famille agrave un enfant qui en est deacutepourvu que crsquoest degraves lors agrave bon droit que lrsquoarrecirct attaqueacute a

deacutecideacute sur le fondement de lrsquoarticle 3 de la loi du 1er juillet 1901 que cette association eacutetait

nulle en raison de lrsquoilliceacuteiteacute de son objet que la premiegravere branche du moyen est donc sans

fondement

Et sur les deuxiegraveme et troisiegraveme branches du moyen

Attendu qursquoil est fait grief agrave la cour drsquoappel de nrsquoavoir pas reacutepondu aux conclusions faisant

valoir drsquoune part que lrsquointerdiction du ldquo don de gestation ldquo constituait une discrimination

fondeacutee sur la naissance contraire aux dispositions de lrsquoarticle 24 du pacte international relatif

aux droits civils et politiques signeacute agrave New York le 19 deacutecembre 1966 et drsquoautre part que ce ldquo

don de gestation ldquo reposait sur le droit leacutegitime de fonder une famille qui implique le droit

drsquoengendrer reconnu tant par lrsquoarticle 12 de la convention europeacuteenne des droits de lrsquohomme

et des liberteacutes fondamentales du 4 novembre 1950 que par lrsquoarticle 23 du pacte international

preacuteciteacute

Mais attendu que la reconnaissance du caractegravere illicite de la materniteacute pour autrui et des

associations qui srsquoefforcent de la promouvoir qui se deacuteduit des principes geacuteneacuteraux du Code

civil et de regravegles qui sont communes agrave toutes les filiations nrsquoest pas de nature agrave instaurer une

discrimination fondeacutee sur la naissance que le droit de se marier et de fonder une famille

reconnu par lrsquoarticle 12 de la convention du 4 novembre 1950 et par lrsquoarticle 23 du pacte

international du 19 deacutecembre 1966 agrave lrsquohomme et agrave la femme en acircge nubile nrsquoimplique pas le

droit de conclure avec un tiers des conventions portant sur le sort drsquoun enfant agrave naicirctre que

par ces motifs de droit reacutepondant aux conclusions invoqueacutees lrsquoarrecirct se trouve leacutegalement

justifieacute et que les deuxiegraveme et troisiegraveme branches du moyen ne peuvent ecirctre accueillies

PAR CES MOTIFS

REJETTE le pourvoi

Publication Bulletin 1989 I Ndeg 387 p 260

Deacutecision attaqueacutee Cour drsquoappel drsquoAix-en-Provence du 29 avril 1988

39

Cour de cassation Assembleacutee pleacuteniegravere

Audience publique du 31 mai 1991

Ndeg de pourvoi 90-20105 Publieacute au bulletin

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Sur le pourvoi dans lrsquointeacuterecirct de la loi formeacute par M le Procureur geacuteneacuteral pregraves la Cour de

Cassation

Vu les articles 6 et 1128 du Code civil ensemble lrsquoarticle 353 du mecircme Code

Attendu que la convention par laquelle une femme srsquoengage fucirct-ce agrave titre gratuit agrave concevoir

et agrave porter un enfant pour lrsquoabandonner agrave sa naissance contrevient tant au principe drsquoordre

public de lrsquoindisponibiliteacute du corps humain qursquoagrave celui de lrsquoindisponibiliteacute de lrsquoeacutetat des

personnes

Attendu selon lrsquoarrecirct infirmatif attaqueacute que Mme X eacutepouse de M Y eacutetant atteinte drsquoune

steacuteriliteacute irreacuteversible son mari a donneacute son sperme agrave une autre femme qui inseacutemineacutee

artificiellement a porteacute et mis au monde lrsquoenfant ainsi conccedilu qursquoagrave sa naissance cet enfant a

eacuteteacute deacuteclareacute comme eacutetant neacute de Y sans indication de filiation maternelle

Attendu que pour prononcer lrsquoadoption pleacuteniegravere de lrsquoenfant par Mme Y lrsquoarrecirct retient

qursquoen lrsquoeacutetat actuel des pratiques scientifiques et des moeurs la meacutethode de la materniteacute

substitueacutee doit ecirctre consideacutereacutee comme licite et non contraire agrave lrsquoordre public et que cette

adoption est conforme agrave lrsquointeacuterecirct de lrsquoenfant qui a eacuteteacute accueilli et eacuteleveacute au foyer de M et

Mme Y pratiquement depuis sa naissance

Qursquoen statuant ainsi alors que cette adoption nrsquoeacutetait que lrsquoultime phase drsquoun processus

drsquoensemble destineacute agrave permettre agrave un couple lrsquoaccueil agrave son foyer drsquoun enfant conccedilu en

exeacutecution drsquoun contrat tendant agrave lrsquoabandon agrave sa naissance par sa megravere et que portant atteinte

aux principes de lrsquoindisponibiliteacute du corps humain et de lrsquoeacutetat des personnes ce processus

constituait un deacutetournement de lrsquoinstitution de lrsquoadoption la cour drsquoappel a violeacute les textes

susviseacutes

PAR CES MOTIFS

CASSE ET ANNULE mais seulement dans lrsquointeacuterecirct de la loi et sans renvoi lrsquoarrecirct rendu le

15 juin 1990 par la cour drsquoappel de Paris

REQUETE DE M LE PROCUREUR GENERAL PRES LA COUR DE CASSATION

Le Procureur geacuteneacuteral pregraves la Cour de Cassation a lrsquohonneur drsquoexposer

- Que par jugement du 28 juin 1989 le tribunal de grande instance de Paris a rejeteacute la requecircte

preacutesenteacutee par Mme X eacutepouse Y tendant agrave lrsquoadoption pleacuteniegravere de lrsquoenfant Z deacuteclareacutee

comme eacutetant neacutee de M Y mari de la requeacuterante sans indication de filiation maternelle

- Que pour ne pas faire droit agrave cette requecircte les premiers juges ont retenu que les eacutepoux Y

pour remeacutedier agrave la steacuteriliteacute de leur couple avaient eu recours agrave lrsquoassociation Alma Mater

aujourdrsquohui dissoute lrsquoenfant eacutetant neacute drsquoune megravere de substitution qui lrsquoa abandonneacute agrave la

naissance pratique deacuteclareacutee illicite

- Que sur appel de Mme Y la premiegravere chambre civile section C de la cour drsquoappel de

Paris a par arrecirct du 15 juin 1990 infirmeacute la deacutecision entreprise et prononceacute lrsquoadoption

pleacuteniegravere solliciteacutee par la requeacuterante

- Qursquoau soutien de leur deacutecision devenue deacutefinitive les juges du second degreacute ont tireacute de nos

principes geacuteneacuteraux relatifs agrave la filiation des regravegles drsquoordre public concernant les contrats et de

40

certaines conventions ou deacuteclarations internationales des conclusions contraires agrave celles

auxquelles eacutetait parvenue votre premiegravere chambre civile de la Cour de Cassation qui dans un

cas de figure pratiquement identique a par arrecirct du 13 deacutecembre 1989 (association Alma

Mater contre procureur geacuteneacuteral Aix-en-Provence) reconnu le caractegravere illicite de la materniteacute

pour autrui et les associations qui srsquoefforcent de la promouvoir

- Qursquoil importe en cette matiegravere particuliegraverement sensible qui touche agrave un deacutelicat problegraveme de

socieacuteteacute et drsquoeacutethique que soit mis fin agrave des divergences jurisprudentielles majeures et que la

seacutecuriteacute juridique soit assureacutee

PAR CES MOTIFS

Vu lrsquoarticle 17 de la loi du 3 juillet 1967 relative agrave la Cour de Cassation

Requiert qursquoil plaise agrave la Cour de Cassation

CASSE ET ANNULE sans renvoi et dans le seul inteacuterecirct de la loi lrsquoarrecirct rendu le 15 juin 1990

par la cour drsquoappel de Paris ayant fait droit agrave la requecircte en adoption pleacuteniegravere preacutesenteacutee par

Mme X eacutepouse Y

Publication Bulletin 1991 AP Ndeg 4 p 5

Deacutecision attaqueacutee Cour drsquoappel de Paris du 15 juin 1990

Page 8: SEANCE_3 Droit Civil Methodologie

8

Quant agrave linteacuterecirct de lenfant il ne permet pas daneacuteantir les autres principes directeurs de notre

droit vus preacuteceacutedemment Au surplus tout le monde admet quil faut dire agrave lenfant adopteacute dans

quelle condition il la eacuteteacute Que lui dira-t-on en lespegravece Lui dira-t-on la veacuteriteacute ou lui mentira-

t-on Devenu plus grand il aura le droit laquo dans la mesure du possible de connaicirctre ses

parents et decirctre eacuteleveacute par eux raquo aux termes de la mecircme Convention de New York du 20 nov

1989 Cela nest pas non plus sans soulever de difficulteacute

Surtout ladoption est faite pour donner des parents agrave un enfant deacutejagrave neacute et qui en est deacutepourvu

et non pour satisfaire le deacutesir denfant dun couple Il ne manque malheureusement pas

denfants sans famille dans le monde En lespegravece dailleurs les eacutepoux avaient deacutejagrave eu en

commun un enfant

Ils invoquent aussi agrave lappui de leur demande dadoption la Convention europeacuteenne des droits

de lhomme dont lart 8 dit laquo Toute personne a droit au respect de sa vie priveacutee et familiale

raquo Mme X avait certes attendu presque douze ans avant de preacutesenter sa requecircte Mais quant

agrave y trouver une justification de ladoption cest faire dire agrave ce texte beaucoup plus que ses

termes geacuteneacuteraux ne le permettent Il ne faut pas non plus oublier lalineacutea 2 dudit article qui

dispose qulaquo il ne peut y avoir ingeacuterence dune autoriteacute publique dans lexercice de ce droit

que pour autant que cette ingeacuterence est preacutevue par la loi et quelle constitue une mesure qui

[] est neacutecessaire [] agrave la protection [] de la morale raquo Il y a les art 311-9 376 et

doreacutenavant 16-7 c civ Et la pratique des megraveres de substitution heurte bien agrave notre avis la

morale Quant agrave la prise en compte de la situation de fait nous y reviendrons plus loin mais

on heacutesite agrave cautionner la politique du fait accompli

Ladoption solliciteacutee est la phase ultime dun processus densemble dont la source le contrat

avec la megravere de substitution est illicite car contraire agrave lordre public Lentreprise globale

constitue un deacutetournement de linstitution de ladoption comme laffirme la Cour de cassation

dans larrecirct rapporteacute reprenant en cela son analyse anteacuterieure En refusant ladoption on rend

leacutetat des personnes incertain et lon incite les couples agrave ne pas recourir agrave la materniteacute pour

autrui

IV - Porteacutee de larrecirct

Nous avons deacutejagrave fait eacutetat de deux arrecircts de la Cour de cassation celui du 13 deacutec 1989

deacuteclarant illicite une association promouvant la materniteacute par substitution et celui de

lAssembleacutee pleacuteniegravere du 31 mai 1991 condamnant cette materniteacute Dans cette derniegravere affaire

le pourvoi avait eacuteteacute preacutesenteacute par le procureur geacuteneacuteral pregraves la Cour de cassation dans linteacuterecirct

de la loi Par conseacutequent il ne pouvait preacutejudicier aux parties en remettant en question

ladoption pleacuteniegravere prononceacutee par la Cour dappel de Paris Selon le doyen Carbonnier il

sagissait plutocirct laquo dun acte de politique judiciaire raquo

Le 29 juin 1994 la premiegravere Chambre civile de la Cour de cassation eut agrave se prononcer de

nouveau sur la question A la diffeacuterence du preacuteceacutedent arrecirct la Cour y casse sans renvoi larrecirct

de la cour dappel ayant prononceacute ladoption simple de lenfant En outre les faits sont assez

particuliers Cest la belle-soeur des eacutepoux Y qui avait conccedilu et porteacute lenfant elle lavait

reconnu avant M Y La belle-soeur et son mari consentirent agrave ladoption pleacuteniegravere par Mme

Y Les eacutepoux Y se seacuteparegraverent avant toute requecircte en adoption Apregraves que lenfant eut eacuteteacute

confieacute agrave Mme Y le jugement de divorce confia lautoriteacute parentale agrave la megravere biologique M

Y intente une action pour que lenfant lui soit confieacute Pendant cette proceacutedure Mme Y

deacutepose une requecircte en adoption pleacuteniegravere et assigne son ex-eacutepoux pour faire juger abusif son

refus dy consentir On comprend que devant un tel imbroglio la Cour de cassation ait refuseacute

que ladoption soit valideacutee Dune faccedilon geacuteneacuterale on peut se demander si la materniteacute de

substitution au sein de la famille proche nest pas de nature agrave faire perdre ses repegraveres agrave

9

lenfant Lenfant est appeleacute agrave voir souvent sa tante qui est aussi sa megravere par le sang tandis

quil est eacuteleveacute par une megravere sociologique

Par suite larrecirct commenteacute est inteacuteressant en ce quil confirme la position de la Cour de

cassation dans un cas plus classique un contrat a eacuteteacute passeacute entre un couple et une femme sans

relation avec le couple qui sest fait inseacuteminer par les gamegravetes du mari a porteacute lenfant et sest

engageacutee agrave labandonner agrave sa naissance afin quil ne soit reconnu que par le mari et quil soit

adopteacute par sa femme Il est probable quil y a eu une contrepartie financiegravere Le plus souvent

la megravere porteuse est pousseacutee agrave louer son ventre par deacutetresse financiegravere

Le contrat initial est tenu secret sauf si la megravere de substitution refuse dabandonner lenfant

Lannuler comme le prescrit lart 16-7 c civ permet agrave cette derniegravere de garder lenfant

Sinon le contrat reste occulte Cest au moment de la demande dadoption que peut apparaicirctre

lentreprise globale vicieacutee agrave sa source Souvent elle passe inaperccedilue Cest toute la difficulteacute

de la situation Refuser de prononcer ladoption est la seule sanction civile de quelque

efficaciteacute

Une autre particulariteacute de lespegravece meacuterite decirctre souligneacutee Mme X a preacutesenteacute sa requecircte aux

fins dadoption onze ans et demi apregraves la naissance de lenfant Ne faut-il pas tenir compte de

la situation de fait qui sest creacuteeacutee Lenfant a eacuteteacute eacuteleveacute par le couple pendant de longues

anneacutees Dans linteacuterecirct de lenfant on pourrait peut-ecirctre eacutetablir sa filiation maternelle par le

recours agrave la possession deacutetat mais cela ne serait en tout eacutetat de cause possible que dans un

cas comme celui-ci

La reacuteprobation de la materniteacute pour autrui peut ecirctre aussi atteinte par une autre voie il existe

aussi des sanctions peacutenales Aux termes de lart 227-12 nouveau c peacuten laquo le fait de

provoquer soit dans un but lucratif soit par don promesse menace ou abus dautoriteacute les

parents ou lun dentre eux agrave abandonner un enfant neacute ou agrave naicirctre est puni de six mois

demprisonnement et de 7500 euros raquo sans compter eacuteventuellement des peines

compleacutementaires Ce texte ne peut eacutevidemment sappliquer quagrave des faits posteacuterieurs agrave son

entreacutee en vigueur Il reprend toutefois en la preacutecisant lincrimination de lart 353-1 (2deg)

ancien c peacuten laquo Sera puni de dix jours agrave six mois demprisonnement et de 500 agrave 20 000 F

damende [] toute personne qui aura fait souscrire ou tenteacute de faire souscrire par les futurs

parents ou lun deux un acte aux termes duquel ils sengagent agrave abandonner lenfant agrave naicirctre

qui aura deacutetenu un tel acte en aura fait usage ou tenteacute den faire usage raquo Six mois

demprisonnement mecircme avec sursis paraissent excessifs et lamende est insuffisante Le

parquet pourrait neacuteanmoins mettre en oeuvre ces textes afin de dissuader les couples de

recourir agrave la materniteacute de substitution (18) plutocirct quagrave une veacuteritable adoption La

condamnation peacutenale aurait lavantage de faire tomber la sanction sur les couples sans

atteindre lenfant On pourrait alors songer agrave la possession deacutetat pour rattacher lenfant agrave la

femme qui la eacuteleveacute pendant de longues anneacutees comme ceacutetait le cas en lespegravece La

possession deacutetat permettrait deacutetablir une filiation maternelle naturelle Pourrait-elle aussi

faire acqueacuterir agrave lenfant la qualiteacute denfant leacutegitime La possession deacutetat joue alors

indivisiblement agrave leacutegard des deux parents (art 321 c civ) alors que la reconnaissance qui a

eacuteteacute faite par le mari atteste la qualiteacute denfant naturel de celui-ci

Dautre part il convient de sattaquer aux intermeacutediaires Par son arrecirct preacuteciteacute du 13 deacutec 1989

la Cour de cassation a confirmeacute la nulliteacute dune association en raison de lilliceacuteiteacute de son objet

de mettre en rapport des couples avec des megraveres de substitution Le gouvernement franccedilais

interdit semblables associations mais des personnes continuent certainement agrave sentremettre agrave

cet effet Elles tombent sous lincrimination de lart 227-12 al 3 nouveau c peacuten Est puni

dun an demprisonnement et de 15 000 euros damende laquo le fait dans un but lucratif de

sentremettre entre une personne ou un couple deacutesireux daccueillir un enfant et une femme

acceptant de porter en elle cet enfant en vue de le leur remettre raquo Lorsque ces faits ont eacuteteacute

10

commis agrave titre habituel ou dans un but lucratif les peines sont doubleacutees Les personnes

morales peuvent en ecirctre deacuteclareacutees responsables (art 227-14) et sont passibles de sanctions

approprieacutees preacutevues aux art 131-38 et 131-39 Lart 353-1 (1deg) ancien c peacuten eacutetait moins net

mais incriminait aussi celui qui avait dans un espoir de lucre provoqueacute les parents ou lun

deux agrave abandonner leur enfant agrave naicirctre Lactiviteacute des intermeacutediaires est hautement

condamnable Il convient donc de leur appliquer les sanctions civiles et peacutenales que contient

notre droit agrave leur eacutegard

Une difficulteacute suppleacutementaire pour sanctionner la materniteacute de substitution tient agrave ce quon a

appeleacute le tourisme procreacuteatif car les Franccedilais vont chercher les femmes qui se livrent agrave ce

commerce dans des pays voisins toleacuterants (19) Il en est ainsi en Angleterre comme le

teacutemoigne larrecirct de la Cour de cassation du 23 avr 2003 (20) Bien que non abordeacute dans

cette derniegravere deacutecision il surgit alors une question de conflit de lois et il est possible aussi

quintervienne lordre public

Mots cleacutes ADOPTION Adoption pleacuteniegravere Materniteacute de substitution Prohibition Deacutetournement de

linstitution

CONTRAT ET OBLIGATIONS Objet Illiceacuteiteacute Materniteacute de substitution Megravere

porteuse Filiation adoptive

Recueil Dalloz 2005 p 536

Droits et liberteacutes corporels

Panorama de la leacutegislation de la jurisprudence et des avis des instances eacutethiques

Jean-Christophe Galloux Professeur agrave luniversiteacute de Pantheacuteon-Assas (Paris II)

Responsable du Centre de droit meacutedical

Heacutelegravene Gaumont-Prat Professeur agrave luniversiteacute de Picardie-Jules Verne Membre du

Comiteacute national dEthique

Lessentiel

Les articles 16 agrave 16-13 du code civil qui consacrent le cadre du statut juridique du corps

humain depuis les lois dites laquo bioeacutethiques raquo du 29 juillet 1994 continuent deacutetendre leur

empire Les hypothegraveses quils ont vocation agrave reacutegir concernent autant les territoires

traditionnels de la biomeacutedecine que sont les tests et empreintes geacuteneacutetiques les procreacuteations

meacutedicalement assisteacutees ou des greffes dorganes pour ne citer que les principaux que des

champs nouveaux et parfois inattendus comme limage du corps le droit dasile

lassujettissement aux cotisations sociales ou les obligations scolaires Limportante reacutevision

des textes de 1994 par la loi ndeg 2004-800 du 6 aoucirct 2004 sest traduite par une eacuterosion de la

protection des droits et liberteacutes corporels individuels au profit de la liberteacute de la recherche

scientifique et des consideacuterations de solidariteacute comme en teacutemoigne notamment la deuxiegraveme

reformulation de larticle 16-3 relatif agrave linteacutegriteacute corporelle

I - Les donneacutees relatives au corps

A - Les tests et donneacutees geacuteneacutetiques

Les tests geacuteneacutetiques sont susceptibles de recouvrir diffeacuterentes finaliteacutes meacutedico-

professionnelles (meacutedecine curative preacutedictive preacutevention des risques professionnels) ou

sociales (emploi assurance) voire de deacutepistage preacutenatal (diagnostic preacutenatal et

preacuteimplantatoire) Leacutevolution observeacutee conduit agrave distinguer les tests geacuteneacutetiques qualifieacutes de

11

donneacutees personnelles ou de donneacutees de santeacute

1 - Donneacutees personnelles

Deux inteacuterecircts contradictoires sont pris en compte par le leacutegislateur ou les avis de diffeacuterentes

instances celui de la personne elle-mecircme et celui des tiers au titre de la solidariteacute sociale

a) La prise en compte de linteacuterecirct de la personne

1 Dans un souci de garantir un reacutegime juridique plus protecteur pour les personnes la loi ndeg

2004-800 du 6 aoucirct 2004 (art 4) relative agrave la bioeacutethique a proceacutedeacute agrave un toilettage des anciens

textes pour uniformiser les formulations retenues en remplaccedilant dans les diffeacuterents codes

concerneacutes (code civil code de la santeacute publique code peacutenal) lexpression laquo eacutetude geacuteneacutetique

des caracteacuteristiques raquo ou laquo meacutedecine preacutedictive raquo par laquo examen des caracteacuteristiques

geacuteneacutetiques raquo de la personne Sont ainsi modifieacutes larticle 16-10 du code civil les intituleacutes du

titre III du livre I de la premiegravere partie du code de la santeacute publique et la section 6 du chapitre

IV du titre II du code peacutenal

Deux raisons militaient en faveur de ce changement dune part la notion de meacutedecine

preacutedictive eacutetait trop eacutetroite car elle nautorisait pas le diagnostic dune maladie deacutejagrave deacuteclareacutee

Dautre part la terminologie preacuteceacutedemment utiliseacutee laquo eacutetude ou examen geacuteneacutetique des

caracteacuteristiques raquo dune personne est apparue trop restrictive Elle ne permettait pas de

garantir la protection de la personne agrave leacutegard dune eacuteventuelle utilisation abusive

dinformations geacuteneacutetiques obtenues agrave loccasion dinvestigations meacutedicales diverses non

speacutecifiquement geacuteneacutetiques comme par exemple une biopsie musculaire chez un myopathe de

Duchecircne leacutelectroforegravese de lheacutemoglobine pour le diagnostic de la dreacutepanocytose ou des

thalasseacutemies ou encore de lHLA 27 (selon le rapport de F Giraud Commission des Affaires

sociales Seacutenat 1re lecture ndeg 128 du 15 janv 2003 [2002-2003])

Le terme retenu agrave larticle 4 de loi vise agrave encadrer lensemble des examens de caractegravere

geacuteneacutetique et apparaicirct plus adapteacute agrave lobjectif de lencadrement fixeacute Une telle harmonisation

des terminologies utiliseacutees vient ainsi assurer la coheacuterence des pratiques

La loi a eacutegalement deacutecideacute de sanctionner peacutenalement outre le fait de proceacuteder agrave un examen

des caracteacuteristiques geacuteneacutetiques dune personne sans avoir recueilli preacutealablement son

consentement le fait de proceacuteder agrave un tel examen agrave des fins autres que meacutedicales ou de

recherche scientifique Les sanctions preacutevues agrave larticle 226-25 du code peacutenal demeurent

inchangeacutees un an demprisonnement et 15 000 euros damende

2 La loi ndeg 2004-800 du 6 aoucirct 2004 (art 5) met en exergue limportance accordeacutee agrave la

volonteacute en matiegravere dexamen des caracteacuteristiques geacuteneacutetiques dune personne la loi vient

compleacuteter la reacutedaction de larticle 16-10 alineacutea 2 en posant lexigence dun consentement

mieux encadreacute quauparavant et elle en organise ses modaliteacutes recueil du consentement

expregraves par eacutecrit reacutevocable sans forme agrave tout moment et eacuteclaireacute puisque la personne doit ecirctre

laquo ducircment informeacutee de sa nature et de sa finaliteacute lobligation dinformation devenant une des

conditions du recueil du consentement raquo (D Thouvenin La loi relative agrave la bioeacutethique ou

comment accroicirctre laccegraves aux eacuteleacutements biologiques dorigine humaine D 2005 Chron p

116 et p 172) La loi preacutevoit un nouvel article L 1131-1 au code de la santeacute publique qui

renvoie agrave ces dispositions preacuteciteacutees du code civil

3 La loi ndeg 2004-800 du 6 aoucirct 2004 (art 6) organise le reacutegime juridique des collections

deacutechantillons biologiques humains et des recherches geacuteneacutetiques mises en oeuvre agrave partir de

ces collections Cet article vise agrave concilier les droits des personnes preacuteleveacutees avec la neacutecessiteacute

12

de ne pas alourdir la tacircche des chercheurs dans des secteurs jugeacutes prometteurs Larticle L

1131-4 du code de la santeacute publique rappelle que la constitution et lutilisation de collections

deacutechantillons biologiques humains agrave des fins de recherche geacuteneacutetique relegravevent des dispositions

relatives agrave la conservation et agrave lutilisation des eacuteleacutements et produits du corps humain agrave des fins

de recherche scientifique et non des dispositions reacutegissant les recherches biomeacutedicales (telles

quissues de la loi Huriet)

4 Cest ensuite une protection renforceacutee agrave leacutegard des risques de discrimination lieacutes agrave la

reacutealisation de tests geacuteneacutetiques qui se voit affirmeacutee dans deux types de recommandations lune

europeacuteenne (Recommandations sur les implications des tests geacuteneacutetiques Office des

publications officielles des Communauteacutes europeacuteennes Bruxelles mai 2004) lautre

internationale (Elaboration de la Deacuteclaration relative agrave des normes universelles en matiegravere de

bioeacutethique quatriegraveme eacutebauche de texte CIB UNESCO 15 deacutec 2004)

Le principe de non-discrimination en raison des caracteacuteristiques geacuteneacutetiques avait deacutejagrave eacuteteacute

inscrit agrave larticle 16-13 du code civil lors de la loi ndeg 2002-303 du 4 mars 2002 et il figure

eacutegalement dans la plupart des textes internationaux consacreacutes agrave ce sujet la Convention

dOviedo la Deacuteclaration universelle sur le geacutenome humain ainsi que la Charte des droits

fondamentaux de lUnion europeacuteenne

b) La prise en compte de linteacuterecirct du tiers

Larticle L 1131-1 alineacuteas 3 4 et 5 du code de la santeacute publique issu de la loi du 6 aoucirct 2004

envisage linteacuterecirct de la famille agrave propos dun test geacuteneacutetique reacutealiseacute sur une personne et traite de

linformation geacuteneacutetique familiale A la suite dun test geacuteneacutetique reacuteveacutelant une anomalie

geacuteneacutetique pouvant entraicircner chez les autres membres de la famille le deacuteveloppement dune

mecircme pathologie la personne concerneacutee ou le meacutedecin ont-ils une obligation dans linteacuterecirct

des tiers den informer la famille Doit-on envisager une simple obligation morale ou la

responsabiliteacute du patient qui par son silence aurait empecirccheacute deacuteviter lapparition dune telle

maladie

Cette interrogation sinscrit dans le deacutebat contemporain qui se deacuteveloppe progressivement sur

linteacuterecirct du tiers qui pourrait lemporter sur linteacuterecirct de la personne elle-mecircme

Ce problegraveme a eacuteteacute souleveacute lors des travaux parlementaires devant le Seacutenat en premiegravere lecture

agrave loccasion de laudition du Professeur A Munnich (chef du service de geacuteneacutetique meacutedicale de

lhocircpital Necker - Enfants malades directeur de recherche agrave INSERM) devant la Commission

des Affaires sociales le 4 deacutecembre 2002 Celui-ci suggeacuterait de reacutefleacutechir aux implications du

secret meacutedical sur la santeacute des membres de la famille dune personne atteinte dune affection

geacuteneacutetique

La prise en compte de linteacuterecirct du tiers avait deacutejagrave eacuteteacute eacutevoqueacutee avec prudence dans un avis du

Comiteacute consultatif national deacutethique (avis ndeg 70 du 13 deacutec 2001 laquo Consentement en faveur

dun tiers raquo) Le consentement en faveur ou au profit dun tiers met en jeu et parfois en

concurrence plusieurs principes lautonomie de la personne la bienfaisance agrave leacutegard du

tiers et la solidariteacute Lavis ndeg 70 rappelait que le deacutepistage envisageacute peut concerner le sujet

index mais eacutegalement dautres personnes les diffeacuterents laquo tiers raquo viseacutes dans lavis cest le cas

de certaines maladies infectieuses transmissibles et geacuteneacutetiques La deacutecouverte dun portage

infectieux chez une personne peut avoir des conseacutequences directes sur lopportuniteacute dun

deacutepistage effectueacute chez une autre personne qui aurait eacuteteacute exposeacutee Il en est ainsi par exemple

en cas de viol ou dexposition dun soignant agrave une contamination par le sang

13

La transmission des donneacutees geacuteneacutetiques dune personne au beacuteneacutefice dun tiers dont la parenteacute

biologique avec le sujet est eacutetablie peut ecirctre solliciteacutee dans un cas plus geacuteneacuteral en vue de

lobtention dinformations geacuteneacutetiques familiales compleacutementaires pour avoir une

caracteacuterisation preacutecise des anomalies voire la recherche systeacutematique de mutation dans une

famille agrave partir dun cas princeps afin de mettre en eacutevidence un risque geacuteneacutetique susceptible

decirctre preacutevenu ou non Lavis ndeg 70 du 13 deacutecembre 2001 soulignait que linteacuterecirct du tiers peut

ecirctre la connaissance de son statut par rapport agrave cette anomalie geacuteneacutetique la possibiliteacute lui

eacutetant donneacutee de pouvoir entreprendre une surveillance preacuteventive ou de se soumettre agrave une

theacuterapeutique dans un but curatif ou encore de choisir de ne pas la transmettre agrave sa

descendance

A loccasion de la reacutevision des lois de bioeacutethique le Comiteacute consultatif national deacutethique fut

solliciteacute par le ministre de la Santeacute sur lopportuniteacute dinscrire dans la loi la notion

dinformation geacuteneacutetique familiale doit-on envisager lobligation pour une personne

dinformer son entourage familial si a eacuteteacute deacutecouverte chez elle une preacutedisposition ou

lexistence dune maladie geacuteneacutetique grave pouvant faire lobjet pour les autres membres de la

famille dun traitement etou dune preacutevention efficaces Lavis ndeg 76 rendu le 24 avril 2003

laquo A propos de lobligation dinformation geacuteneacutetique familiale en cas de neacutecessiteacute meacutedicale raquo

privileacutegiait le maintien du secret meacutedical

Les donneacutees geacuteneacutetiques personnelles beacuteneacuteficient dune double protection donneacutees de santeacute

elles sont couvertes par le secret meacutedical et faisant partie de la sphegravere dintimiteacute de chaque

individu elles sont proteacutegeacutees au mecircme titre que toutes les donneacutees agrave caractegravere personnel par

le droit au respect de la vie priveacutee inscrit au code civil

Le nouvel article L 1131-1 du code de la santeacute publique issu de larticle 5 de la loi du 6 aoucirct

2004 sinscrit au contraire dans un mouvement favorable agrave une supreacutematie de la notion de laquo

solidariteacute normative raquo sur lintangibiliteacute du droit agrave lintimiteacute Dans le cas dune anomalie

geacuteneacutetique grave en cas de diagnostic poseacute lors de lexamen des caracteacuteristiques geacuteneacutetiques

dune personne le meacutedecin se doit dinformer celle-ci des risques que son silence ferait courir

aux membres de sa famille dans les cas ougrave des mesures de preacutevention ou de soins peuvent ecirctre

proposeacutees agrave ceux-ci Le texte preacutevoit une alternative laisseacutee agrave la personne concerneacutee soit elle

informe elle-mecircme les membres de sa famille soit elle opte pour la proceacutedure de

linformation meacutedicale agrave caractegravere familial expliciteacutee agrave larticle L 1131-1 du code de la santeacute

publique Les formaliteacutes de la transmission de linformation sont clairement deacutefinies Le

patient qui refuse agrave la fois de preacutevenir les membres de sa famille et de souscrire agrave la proceacutedure

de linformation meacutedicale agrave caractegravere familial ne va-t-il pas engager sa responsabiliteacute (V J-

R Binet La loi relative agrave la bioeacutethique Dr fam oct 2004 6 s)

2 - Donneacutees de santeacute

()

B - Les empreintes geacuteneacutetiques

Les empreintes geacuteneacutetiques moyen didentification des personnes font lobjet dun

encadrement speacutecifique selon le domaine viseacute civil ou peacutenal

1 - En matiegravere civile

1 Lidentification dune personne par ses empreintes geacuteneacutetiques est autoriseacutee par la loi agrave titre

de preuve judiciaire en matiegravere civile elle peut ecirctre ordonneacutee par le juge comme mesure

dinstruction dans certains procegraves mettant en jeu des actions relatives agrave la filiation ou des

14

actions agrave fins de subsides sous reacuteserve du recueil preacutealable expregraves du consentement de

linteacuteresseacute

Une deacutecision de la Cour dappel dAgen du 25 mars 2004 est rendue en application de larticle

16-11 alineacutea 2 du code civil dans le cadre dune action agrave fins de subsides La cour retient que

laquo sil ne peut ecirctre contesteacute que chacun a le droit au respect de son inteacutegriteacute physique larticle

16-11 du code civil preacutevoit expresseacutement lidentification dune personne au moyen de

lempreinte geacuteneacutetique [] raquo A deacutefaut davoir pu obtenir le consentement du deacutefendeur rendu

obligatoire par le mecircme texte la cour retient que si laquo les premiers juges deacutecidaient ainsi

justement que sil ne pouvait pas ecirctre fait grief agrave B de refuser une telle mesure leacutegale il

pouvait ecirctre tireacute toutes les conseacutequences de ce refus [] raquo La solution retenue est classique

Elle vient reacuteaffirmer le poids reconnu au recueil du consentement en matiegravere de respect du

corps humain et de linteacutegriteacute physique cette mesure ne peut ecirctre exeacutecuteacutee de force ou sous

astreinte En cas de refus le reacutegime geacuteneacuteral des mesures dinstruction est applicable en vertu

de larticle 11 alineacutea 1er et 198 du nouveau code de proceacutedure civile

Quen est-il du consentement sagissant de la demande de preacutelegravevement post-mortem

Le deuxiegraveme alineacutea de larticle 16-11 du code civil a eacuteteacute modifieacute par la loi du 6 aoucirct 2004

pour interdire toute identification post-mortem par empreintes geacuteneacutetiques en matiegravere civile

sauf accord expregraves manifesteacute de son vivant par la personne deacuteceacutedeacutee

Cette disposition destineacutee agrave renforcer la prise en compte de la volonteacute de la personne vient

mettre un terme agrave la question du preacutelegravevement post-mortem ordonneacute par une mesure judiciaire

dans le silence de la loi de 1994 la doctrine et la jurisprudence eacutetaient diviseacutees sur

linterpreacutetation agrave donner agrave lancien article 16-11 du code civil que laffaire Montand avait

meacutediatiseacute

Selon une premiegravere approche la reacutedaction de larticle 16-11 exigeait le consentement

preacutealable de la personne concerneacutee et ne pouvait sappliquer degraves lors agrave un deacutefunt le respect

ducirc aux morts sy opposait (CA Paris 17 deacutec 1998 D 1999 Jur p 476 note B Beignier 6

nov 1997 D 1998 Jur p 122 note P Malaurie Somm p 161 obs H Gaumont-Prat P

Malaurie et H Fulchiron Defreacutenois 2004 ndeg 821 p 333)

Selon une seconde approche lobligation de consentir fixeacute par larticle 16-11 ne concernait

que les vivants et il appartenait aux tribunaux den appreacutecier lopportuniteacute sagissant des

personnes deacuteceacutedeacutees (P Catala La jeune fille et le mort Dr fam 1997 Chron ndeg 12 J

Massip Defreacutenois 2002 art 37478)

2 Le juge des reacutefeacutereacutes peut-il ordonner une mesure dinstruction sur le fondement de larticle

145 du nouveau code de proceacutedure civile

Il a deacutejagrave eacuteteacute jugeacute que le juge des reacutefeacutereacutes ne peut sur le fondement de larticle 145 du nouveau

code de proceacutedure civile ordonner une mesure dinstruction tendant agrave lidentification dune

personne par ses empreintes geacuteneacutetiques mecircme avec laccord des parties (TGI Toulouse 25

janv 1995 Gaz Pal 1995 2 p 361 note Olivier CA Riom 19 juin 1997 D 1999 Somm

p 333 obs H Gaumont-Prat)

Avant le vote des lois de bioeacutethique de 1994 en matiegravere de filiation la Cour de cassation

(Cass 1re civ 4 mai 1994 Bull civ I ndeg 159 D 1994 Jur p 545 note J Massip D

1995 Somm p 113 obs F Granet-Lambrechts ) avait admis la possibiliteacute de recourir au

15

reacutefeacutereacute probatoire in futurum preacutevu agrave larticle 145 du nouveau code de proceacutedure civile pour

une expertise sanguine ou geacuteneacutetique degraves lors que se trouvaient respecteacutees les conditions

poseacutees par le texte (absence de procegraves au fond motif leacutegitime recherche ou conservation des

preuves) En lespegravece le demandeur faisait eacutetat de son inteacuterecirct leacutegitime en vue dappreacutecier les

chances de succegraves dune action en contestation de paterniteacute quil souhaitait intenter et

soulignait le risque de deacutepeacuterissement des preuves

Depuis 1994 la leacutegaliteacute dune mesure dinstruction destineacutee agrave eacutetablir la reacutealiteacute biologique de la

filiation gracircce aux empreintes geacuteneacutetiques est soumise agrave certaines conditions larticle 16-11

du code civil issu des lois bioeacutethiques de juillet 1994 se montre plus restrictif et pose

lexigence que la mesure dinstruction soit ordonneacutee par laquo le juge saisi dune action tendant

soit agrave leacutetablissement ou la contestation [] raquo formulation qui semble exclure de ce domaine

la proceacutedure de reacutefeacutereacute car seule une action au fond permettrait au juge dordonner une telle

mesure

Une deacutecision de la Cour dappel de Montpellier rappelle cette diffeacuterence de reacutegime pour

ordonner lexpertise biologique solliciteacutee dans le cadre dune action en reacutefeacutereacute aux motifs que laquo

la mesure dexpertise ne peut porter que sur des preacutelegravevements sanguins et non sur des

empreintes geacuteneacutetiques ces derniegraveres ne pouvant ecirctre ordonneacutees que par le seul juge saisi de

laction conformeacutement agrave larticle 16-11 du code civil raquo

Sachant que lexamen compareacute des sangs permet de donner des reacutesultats relativement fiables

en matiegravere de filiation au moins agrave titre indicatif permettant dappreacutecier les chances de succegraves

dune action en contestation ou en eacutetablissement de paterniteacute on peut degraves lors sinterroger sur

la peacuterenniteacute de cette dualiteacute de reacutegime Ne conviendrait-il pas de modifier les imperfections

reacutedactionnelles de larticle 16-11 alineacutea 2 pour autoriser eacutegalement le recours agrave la proceacutedure

de reacutefeacutereacute

3 La loi ndeg 2004-800 du 6 aoucirct 2004 (art 5) a modifieacute les conditions de lidentification dune

personne par ses empreintes geacuteneacutetiques agrave des fins meacutedicales ou de recherche scientifique

Comme pour lexamen des caracteacuteristiques geacuteneacutetiques agrave larticle 2 il sagit de garantir un

reacutegime du consentement plus protecteur pour les personnes et le texte reprend en partie la

teneur de larticle 16-10 en matiegravere dexamen des caracteacuteristiques geacuteneacutetiques recueil du

consentement expregraves par eacutecrit et preacutealable agrave la reacutealisation de lidentification reacutevocable sans

forme et agrave tout moment consentement eacuteclaireacute par lexigence de la communication de sa

finaliteacute

Le renforcement des droits de la personne saccompagne dun dispositif relatif aux conditions

dagreacutement aux fins de proceacuteder agrave lidentification dune personne agrave des fins meacutedicales ou agrave des

fins de recherche scientifique fixeacute par larticle L 1131-3 issu de la loi du 6 mai 2004

De la mecircme faccedilon un encadrement strict des conditions dagreacutement en matiegravere judiciaire est

mis en place avec le deacutecret ndeg 2004-471 du 25 mai 2004 qui vient modifier le deacutecret ndeg 97-

109 du 6 feacutevrier 1997 relatif aux conditions dagreacutement des personnes habiliteacutees agrave proceacuteder agrave

des identifications par empreintes geacuteneacutetiques dans le cadre dune proceacutedure judiciaire

1 - En matiegravere peacutenale

Un arrecirct de la Chambre criminelle de la Cour de cassation (22 juin 2004 Bull crim ndeg 164)

vient preacuteciser lapplication de larticle 706-56 du code de proceacutedure peacutenale issu de la loi ndeg

2001-1062 du 15 novembre 2001 (art 56 JO du 16 nov 2001) modifieacutee ensuite par la loi ndeg

2003-239 du 18 mars 2003 (art 29 JO du 19 mars 2003) et par la loi ndeg 2004-204 du 9 mars

16

2004 (art 49 JO du 10 mars 2004) en matiegravere dempreintes geacuteneacutetiques aux fins

didentification en matiegravere peacutenale Ce texte preacutevoit que le fait pour une personne

deacutefinitivement condamneacutee pour une des infractions viseacutees agrave larticle 706-55 de refuser de se

soumettre agrave un preacutelegravevement biologique destineacute agrave permettre lanalyse didentification de son

empreinte geacuteneacutetique est passible de sanctions peacutenales En lespegravece un homme condamneacute pour

viol avait refuseacute de se soumettre agrave un preacutelegravevement biologique en vue de son inscription au

fichier des empreintes geacuteneacutetiques et preacutetendait que le texte susviseacute ne sappliquait quaux

personnes deacutefinitivement condamneacutees apregraves son entreacutee en vigueur La cour dappel ne suit pas

cette argumentation et la Cour de cassation rejette le pourvoi aux motifs que ce texte

dapplication immeacutediate concerne toutes les personnes dont un preacutelegravevement est requis mecircme

si la condamnation est anteacuterieure agrave la loi

Les mesures viseacutees par ce texte sinscrivent dans la mise en place et le fonctionnement du

FNAEG le fichier national automatiseacute des empreintes geacuteneacutetiques destineacute notamment agrave

conserver dans un traitement automatiseacute les empreintes geacuteneacutetiques de lensemble des

personnes condamneacutees pour infractions sexuelles (Circ CRIM 00-8 F1 du 10 oct 2000 et

CRIM 01-15 E6 du 20 juill 2001) Un deacutecret ndeg 2004-470 du 25 mai 2004 modifiant le code

de proceacutedure peacutenale (2e partie deacutecrets en Conseil dEtat) relatif au fichier national

automatiseacute des empreintes geacuteneacutetiques vient compleacuteter le dispositif

C - Limage du corps

Limage du corps ou lapparence corporelle est classiquement proteacutegeacutee par le droit agrave limage

deacutecoulant de larticle 9 du code civil consacrant le droit au respect de la vie priveacutee et qualifieacute

de droit de la personnaliteacute (P Kayser in Meacutelanges Roubier p 73 T Hassler note sous TGI

Paris 15 avr 1987 D 1987 Jur p 551 F Dessemontet Le droit agrave sa propre image droit de

la personnaliteacute ou droit de la publiciteacute Meacutelanges en lhonneur de J-M Grossen) Cest le

droit pour toute personne dinterdire aux tiers la reproduction et la publication de son image

Limage du corps peut ecirctre appreacutehendeacutee de maniegravere plus originale par le recours agrave larticle 16

comme sinscrivant dans le domaine du droit au respect du corps humain et essentiellement

dans celui du respect de la digniteacute de la personne humaine On observe que le principe du

droit au respect du corps est proclameacute par le leacutegislateur en des termes semblables agrave ceux de

larticle 9 du code civil visant le respect de la vie priveacutee Il est vrai que laquo corps et vie priveacutee

repreacutesentent les deux faces de lintimiteacute dune personne raquo (J-C Galloux Le corps humain

dans le code civil in 1804-2004 Le code civil Un passeacute un preacutesent un avenir Dalloz 2004

p 381) Le recours agrave la notion de digniteacute de la personne humaine a eacuteteacute solliciteacute degraves 2001 dans

laffaire du preacutefet Erignac pour sanctionner la reproduction dans la presse de limage de son

cadavre (Cass 1re civ 20 deacutec 2000 J-P Gridel Retour sur limage du preacutefet assassineacute

digniteacute de la personne humaine et liberteacute de linformation dactualiteacute D 2001 Chron p 872

Jur p 885 Somm p 1990 obs A Lepage RTD civ 2001 p 329 obs J Hauser JCP

2001 II 10488 note J Ravanas)

1 Une deacutecision de la Cour dappel de Paris (1re ch B 23 sept 2004) consacre cette solution

en retenant que la liberteacute dexpression eacutetant une liberteacute fondamentale agrave valeur

constitutionnelle proteacutegeacutee par la Convention europeacuteenne des droits de lhomme et la

Deacuteclaration des droits de lhomme et du citoyen ses abus peuvent seulement ecirctre poursuivis

au nom dautres principes agrave valeur constitutionnelle comme le droit agrave reacuteparation de tout

preacutejudice subi ou la protection de la digniteacute de lhomme preacutevue par larticle 16 du code civil

2 Une deacutecision de la deuxiegraveme Chambre civile de la Cour de cassation (4 nov 2004) vient

confirmer cette dualiteacute Il sagissait en lespegravece dune photographie dun jeune homme de 17

17

ans gisant inanimeacute et agrave demi deacutevecirctu le visage ensanglanteacute victime dun accident de la

circulation alors quil pilotait un scooter Le clicheacute avait eacuteteacute pris par un hebdomadaire agrave grand

tirage pour illustrer un article intituleacute laquo Routes la guerre oublieacutee raquo consacreacute aux accidents de

la route

Les parents de ladolescent deacuteceacutedeacute des suites de laccident avaient assigneacute la socieacuteteacute eacuteditrice

de lhebdomadaire en reacuteparation arguant dune atteinte agrave la digniteacute de la personne ainsi

repreacutesenteacutee Les juges du fond avaient fait droit agrave la demande aux motifs que la liberteacute

dinformer revendiqueacutee par leacutediteur ne devait pas preacutevaloir sur le respect des droits de

lindividu sagissant dun article consacreacute agrave un pheacutenomegravene de socieacuteteacute La jurisprudence en la

matiegravere consacre en effet la liberteacute de communication des informations ainsi que la

publication dimages de personnes impliqueacutees dans un eacuteveacutenement sagissant deacuteveacutenements

dactualiteacute voire mecircme de faits dactualiteacute (Cass 2e civ 30 juin 2004 D 2004 IR p 2478

JCP 2004 II 10160 note D Bakouche) sous la seule reacuteserve du respect de la digniteacute

humaine (not absence de recherche du sensationnel et toute indeacutecence Cass 1re civ 20

feacutevr 2001 D 2001 Jur p 1199 note J-P Gridel Somm p 1990 obs A Lepage RTD civ

2001 p 329 note J Hauser Dr et patrimoine juin 2001 p 96 note G Loiseau 12 juill

2001 D 2002 Jur p 1380 note C Bigot Somm p 2298 obs L Marino RTD civ 2001

p 852 obs J Hauser JCP 2002 II ndeg 10152 note J Ravanas) Les diffeacuterentes deacutecisions

sont rendues au regard de latteinte agrave la vie priveacutee et du droit agrave limage sur le fondement de

larticle 9 (Cass 2e civ 5 mars 1997 D 1998 Jur p 474 note J Ravanas RTD civ 1997

p 396 obs J Hauser CA Versailles 31 janv 2002 Bull inf C cass 1er oct 2002 ndeg 983

D 2003 Somm p 1533 obs C Caron) voire sur le fondement de larticle 10 de la

Convention europeacuteenne des droits de lhomme (CEDH 3e sect 26 feacutevr 2002 Krone Verlag

c Austria req ndeg 34315)

Dans larrecirct susviseacute la Cour de cassation casse la deacutecision au visa des articles 10 de la

Convention europeacuteenne 9 et 16 du code civil Rappelant que laquo le principe de la liberteacute de la

presse implique le libre choix des illustrations dun deacutebat geacuteneacuteral de pheacutenomegravene de socieacuteteacute

sous la seule reacuteserve du respect de la digniteacute de la personne humaine [] raquo elle reproche agrave la

cour dappel de ne pas avoir laquo caracteacuteriseacute latteinte porteacutee par celle-ci [la photographie

litigieuse] agrave la digniteacute de la victime [] raquo

Le recours agrave larticle 16 du code civil selon lequel laquo la loi interdit toute atteinte agrave la digniteacute raquo

de la personne teacutemoigne de la proximiteacute des notions dimage (traditionnellement inscrite dans

le droit au respect de la vie priveacutee) et dapparence corporelle dont on perccediloit le lien avec la

notion de droit au respect du corps humain gouverneacute par larticle 16-1 prolongeant la

protection plus geacuteneacuterale fondeacutee sur la digniteacute inscrite agrave larticle 16 du code civil Nexiste-t-il

pas degraves lors une veacuteritable attraction de ces deux regravegles Les deux protections coexistent se

complegravetent et devraient favoriser le renforcement de la protection de limage de la personne

II - Le corps ses eacuteleacutements et ses produits

A - Regravegles geacuteneacuterales relatives au statut du corps humain

A leacutepoque contemporaine le corps humain devient de plus en plus un lieu de conflits

Conflits entre des normes juridiques de valeur comparable - autonomie de la volonteacute contre

solidariteacute sociale digniteacute des personnes contre liberteacute de la science - mais eacutegalement et de

maniegravere plus fondamentale conflits susciteacutes par des approches philosophiques et morales

diffeacuterentes sinon opposeacutees du corps humain Approches judeacuteo-chreacutetiennes qui le sacralisent

en linscrivant dans le mystegravere de lincarnation mateacuterialistes qui en nient la transcendance

utilitaristes precirctes agrave le sacrifier pour le bien-ecirctre collectif libertaires ou heacutedonistes qui

exaltent la liberteacute de lindividu agrave lencontre des contingences biologiques ou nen font que

18

linstrument de satisfaction des deacutesirs Le droit biomeacutedical se ressent de ces laquo oscillations de

la morale raquo (J Carbonnier Droit et passion du droit sous la Ve Reacutepublique Flammarion

1996 p 116) au risque de perdre peu agrave peu sa coheacuterence En teacutemoigne lapplication parfois

heacutesitante parfois jupiteacuterienne et souvent gecircneacutee des principes geacuteneacuteraux qui gouvernent le

statut du corps humain la protection de linteacutegriteacute corporelle et surtout lindisponibiliteacute ou

lextra-commercialiteacute du corps

1 - Protection de linteacutegriteacute corporelle

1 La loi du 6 aoucirct 2004 a modifieacute larticle 16-3 du code civil en ajoutant agrave la neacutecessiteacute laquo

meacutedicale raquo justifiant latteinte agrave linteacutegriteacute corporelle laquo agrave titre exceptionnel dans linteacuterecirct

theacuterapeutique dautrui raquo (art 9) Cette nouvelle extension de laccegraves aux ressources

biologiques corporelles au deacutetriment des droits de lindividu sur son corps (la premiegravere a eacuteteacute

consacreacutee par la loi ndeg 99-641 du 27 juill 1999 art 70 qui avait deacutejagrave substitueacute au terme laquo

theacuterapeutique raquo celui de laquo meacutedicale raquo afin de contrer linterpreacutetation neacutecessairement eacutetroite

quen avait fait la Cour de cassation dans son avis du 6 juill 1998 [D 1998 IR p 208 RTD

civ 1998 p 881 obs J Hauser] consideacuterant contraires agrave lart 16-3 les atteintes agrave linteacutegriteacute

du corps meneacutees agrave des fins purement contraceptives comme la ligature des trompes de Fallope

de telles atteintes sont deacutesormais licites car obeacuteissant agrave une finaliteacute meacutedicale mecircme si elles

tendent plus agrave preacutevenir ou agrave gueacuterir une maladie une grossesse neacutetant par elle-mecircme une

maladie) a davantage pour but dharmoniser les dispositions du code civil et celles du code de

la santeacute publique les preacutelegravevements reacutealiseacutes aux fins de greffes sur autrui ne pouvaient

certainement pas entrer dans les preacutevisions du texte dans sa reacutedaction anteacuteceacutedente Avec

lextension continue de la cateacutegorie des donneurs vivants (afin de pallier le deacuteficit chronique

de greffons en France cf infra) cette disposition est promise agrave un bel avenir (JOAN CR 2e

seacuteance 16 janv 2002)

2 Le titre III de la loi du 6 aoucirct 2004 apporte par ailleurs des modifications importantes agrave

larchitecture des preacutelegravevements deacuteleacutements du corps humain et par voie de conseacutequence aux

conditions dans lesquelles il peut ecirctre porteacute atteinte agrave linteacutegriteacute corporelle des donneurs

- lacte de preacutelegravevement est deacutesormais qualifieacute dlaquo acte de soin raquo au sens des articles L 1142-1

et suivants du code de la santeacute publique relatifs aux risques sanitaires reacutesultant du

fonctionnement du systegraveme de santeacute issus de la loi du 4 mars 2002 ce qui devrait ameacuteliorer

lindemnisation des victimes en cas daccident lors du preacutelegravevement

- le cercle des donneurs est eacutelargi (art L 1231-1 al 1er c santeacute publ)

- les modaliteacutes de recueil du consentement sont renforceacutees (mecircme art al 3)

- les finaliteacutes des preacutelegravevements sont mieux deacutefinies (par ex pour le sang art L 1211-8-1 c

santeacute publ) le patient pouvant controcircler une nouvelle utilisation des eacuteleacutements preacuteleveacutes

initialement pour dautres buts (not art L 1241-1 c santeacute publ) Les patients peuvent

eacutegalement sopposer agrave lutilisation des produits dexeacuteregravese et du placenta (art L 1235-2 et

1245-2 c santeacute publ) Pour les preacutelegravevements sur personne deacuteceacutedeacutee la regravegle mal veacutecue et

contourneacutee du consentement est ameacutelioreacutee obligeant le meacutedecin agrave recueillir aupregraves de ses

proches une eacuteventuelle opposition exprimeacutee par le deacutefunt de son vivant (art L 1232-1 c

santeacute publ) les proches se voyant reconnaicirctre le droit de connaicirctre les preacutelegravevements effectueacutes

3 Nonobstant les appels aux dons la peacutenurie de greffons saggrave en France selon

lEtablissement franccedilais des greffes qui constate une baisse des preacutelegravevements dorganes

(communiqueacute du 8 avr 2004) ce qui conduit lAcadeacutemie de meacutedecine agrave reacuteclamer de

19

nouvelles modifications reacuteglementaires afin dassouplir les regravegles de seacutelection des donneurs

(communiqueacute du 11 mai 2004) Cette situation ne doit toutefois pas conduire agrave des

discriminations ignoreacutees de la reacuteglementation sanitaire et contraires agrave notre tradition juridique

larrecirct du Conseil dEtat du 30 avril 2004 sen fait leacutecho En lespegravece un ressortissant

marocain en situation irreacuteguliegravere atteint dune grave insuffisance reacutenale chronique et inscrit

sur la liste des receveurs de greffes dorganes en vue dune transplantation reacutenale se voit

notifier une mesure de reconduite agrave la frontiegravere sur le fondement de larticle 25 de

lordonnance du 2 novembre 1945 Larrecircteacute deacutecidant cette reconduite est annuleacute comme

entacheacute dune erreur manifeste dappreacuteciation des conseacutequences de cet arrecircteacute sur la situation

personnelle de linteacuteresseacute car il ne pouvait pas beacuteneacuteficier dune opeacuteration de transplantation

dans son pays dorigine Peut-on voir dans cette solution tregraves humaine une application preacutecoce

du principe nouvellement inscrit dans le nouvel article L 1231-1 A c) du code de la santeacute

publique qui impose le respect du principe deacutequiteacute dans les regravegles de reacutepartition et

dattribution des greffons

4 La question des soins imposeacutes suscite toujours des questions deacutelicates autant sur un plan

humain quun plan juridique Le droit pour le patient majeur de donner lorsquil se trouve en

leacutetat de lexprimer son consentement agrave un traitement meacutedical comme le rappelle lalineacutea 2 de

larticle 16-3 revecirct le caractegravere dune liberteacute fondamentale (CE ord reacutef 16 aoucirct 2002 D

2004 Somm p 602 obs J Penneau RTD civ 2002 p 781 obs J Hauser) Larticle L

1111-4 du code de la santeacute publique tel quissu de la loi du 4 mars 2002 sur le droit des

malades prescrit que le pouvoir de deacutecision sexerce avec le professionnel de santeacute compte

tenu des informations et des preacuteconisations quil lui fournit le meacutedecin ne dispose plus

deacutesormais que dun pouvoir de conseil qui lui interdit de passer outre la volonteacute du patient

mecircme en cas durgence vitale Le meacutedecin doit respecter la volonteacute de la personne apregraves

lavoir informeacutee des conseacutequences de ses choix (il nest dailleurs pas obligeacute de la convaincre

Cass 1re civ 18 janv 2000 D 2001 Jur p 3559 note M-L Mathieu-Izorche) aucun acte

ni aucun traitement ne peut ecirctre pratiqueacute sans le consentement libre et eacuteclaireacute de la personne

consentement quelle peut retirer agrave tout moment Toutefois parmi les soins imposeacutes les

obligations de vaccination tiennent une place particuliegravere Bien accepteacutees par le public

lorsquelles furent introduites pour lutter contre des eacutepideacutemies dont chacun pouvait mesurer

autour de soi les effets deacutevastateurs (la premiegravere vaccination obligatoire remonte agrave la loi du 15

feacutevr 1902 F Moderne Le reacutegime juridique des vaccinations obligatoires AJDA 1965 p

195) ces mesures autoritaires encore nombreuses (contre la diphteacuterie art L 3111-1 c santeacute

publ le teacutetanos art L 3111-2 c santeacute publ la poliomyeacutelite art L 3111-3 c santeacute publ

la tuberculose art L 3111-4 c santeacute publ) sont aujourdhui contesteacutees au nom de la liberteacute

individuelle alors que ces grandes pandeacutemies ont peu agrave peu replieacute leurs ailes de mort sur

notre pays du moins Dans un arrecirct dAssembleacutee du 3 mars 2004 (Association Liberteacute

Information Santeacute RFDA 2004 p 581 concl comm du gouv G Le Chatelier AJDA

2004 p 971) le Conseil dEtat a eu loccasion de preacuteciser les pouvoirs reacuteglementaires dont

peut disposer le ministre de la Deacutefense pour imposer certaines vaccinations obligatoires

contrairement aux conclusions du commissaire du gouvernement il a admis que le ministre de

la Deacutefense en tant que chef de service peut imposer des vaccinations aux militaires placeacutes

sous son autoriteacute Si le principe dinteacutegriteacute du corps ne constitue pas en lui-mecircme un principe

agrave valeur constitutionnelle il concourt toutefois agrave assurer le respect du principe constitutionnel

de sauvegarde de la digniteacute de la personne humaine (Cons const 27 juill 1994 RJC p 100

B Edelman Le Conseil constitutionnel et lembryon D 1995 Chron p 205 Jur p 237 note

B Mathieu Somm p 299 obs L Favoreu) Cette expression essentielle et incarneacutee de la

liberteacute individuelle doit ecirctre concilieacutee avec des impeacuteratifs sociaux de santeacute dont la valeur nest

pas moindre La Haute juridiction administrative avait deacutejagrave eu loccasion de preacuteciser que les

20

dispositions imposant des vaccinations obligatoires si elles ont pour effet de porter une

atteinte limiteacutee aux principes dinviolabiliteacute et dinteacutegriteacute du corps humain voient leur mise en

oeuvre justifieacutee dans le but dassurer la protection de la santeacute dont le principe se trouve garanti

par le Preacuteambule de la Constitution de 1946 et sont proportionneacutees agrave cet objectif (CE 26 nov

2001 ALIS req ndeg 222741 RFDA 2002 p 65 concl comm du gouv S Boissard) Cest

normalement agrave la loi quil revient darbitrer entre ces deux principes Dans une autre affaire

(CA Pau 19 mars 2002 Dr fam 2004 ndeg 137 obs M S) des parents avaient eacuteteacute

condamneacutes agrave des peines contraventionnelles pour avoir soustrait leurs enfants agrave lobligation

vaccinale pour des raisons religieuses Ces deacutecisions ont eacuteteacute rendues alors que la loi du 4 mars

2002 sur le droit des patients neacutetait pas entreacutee en vigueur le renforcement de la liberteacute du

patient serait-elle de nature agrave assouplir les obligations vaccinales La jurisprudence de la

Cour europeacuteenne des droits de lhomme semble aller en ce sens (CEDH 9 juill 2002 ndeg

4219798 Salvetti c Italie une vaccination obligatoire en tant que traitement meacutedical non

volontaire constitue une ingeacuterence dans le droit au respect de la vie priveacutee reconnu par lart 8

sect 1 Conv EDH) Quil nous soit permis deacutemettre des reacuteserves sauf agrave ruiner toute la politique

de preacutevention mise en place par les autoriteacutes sanitaires depuis un siegravecle et dont les effets

salutaires ne sont pas contestables la reacutesistance des juridictions administratives qui sous-tend

larrecirct dAssembleacutee rapporteacute face aux derniers avatars dun certain extreacutemisme libertarien

dont le corps devient le bastion (pour un bon exposeacute de ces thegraveses Onfray Feacuteeacuteriques

anatomiques geacuteneacutealogie du corps faustien Grasset-Fasquelle 2003) montre que lhypothegravese

est ici bien diffeacuterente dun simple refus de soin comme dans le cas des transfusions elles ne

mettent en jeu que la vie du patient (sur cette derniegravere question B Mathieu De la difficulteacute

de choisir entre la liberteacute et la vie RGDM 2003 ndeg 9 p 97 A Garay Volonteacutes et liberteacutes

dans la relation meacutedecin-malade la mise agrave leacutepreuve des articles 16-3 du code civil et L

1111-4 du code de la santeacute publique RGDM 2003 ndeg 10 p 143)

5 Moins sujet agrave deacutebat larrecirct rendu par la Cour europeacuteenne (22 juill 2003 req ndeg 2420994

RD publ 2004 ndeg 3 p 826 note C Picheral) qui condamne la Turquie pour ingeacuterence dans

le droit au respect de la vie priveacutee reconnu par larticle 8 sect 1 de la Convention europeacuteenne

Dans cette affaire la plaignante avait subi un examen gyneacutecologique forceacute destineacute agrave prouver

agrave lissue de sa garde agrave vue quelle navait pas subi de violences sexuelles La Cour europeacuteenne

qui integravegre deacutesormais le respect du corps humain dans la sphegravere de la vie priveacutee fait ici une

application logique de larticle 8 dans la ligne de la jurisprudence preacuteceacutedemment citeacutee

2 - Indisponibiliteacute et extra-patrimonialiteacute du corps humain

6 Le principe dextra-patrimonialiteacute du corps humain se trouve repris par les articles 16-1

alineacutea 3 16-5 et 16-6 du code civil quil est parfois difficile de distinguer du principe

dindisponibiliteacute du corps humain que la jurisprudence fonde sur larticle 1128 du mecircme code

(Cass ass pleacuten 31 mai 1991 D 1991 Jur p 417 rapp Y Chartier note D Thouvenin) Si

la qualification dindisponibiliteacute a eacuteteacute eacutecarteacutee du vocabulaire des lois de 1994 et de 2004

comme par la doctrine dominante pour cause dambiguiumlteacute (D Fenouillet Respect et protection

du corps humain J-Cl civil art 16 agrave 16-12 fasc 12 ndeg 134 s) la jurisprudence y revient

parfois pour affirmer que le corps nest pas une chose dans le commerce Larrecirct de la Cour

dappel de Paris du 16 mai 2003 reacuteforme sur ce point un jugement du Tribunal des affaires de

seacutecuriteacute sociale de Paris du 5 juillet 2001 qui avait agrave tort exoneacutereacute une prostitueacutee du paiement

de la cotisation dallocations familiales des travailleurs indeacutependants au motif quanalyser une

activiteacute sexuelle reacutemuneacutereacutee comme un travail reviendrait agrave admettre que le commerce du

corps humain est leacutegal alors que leacutegaliser ce commerce aboutit agrave nier et agrave rejeter le principe

dindisponibiliteacute du corps humain La cour rappelle agrave bon droit que le commerce des relations

sexuelles nest pas en soi illicite seules eacutetant interdites certaines conditions dexercice de cette

21

activiteacute en tant quelles conduiraient aux infractions de racolage et de proxeacuteneacutetisme Affirmer

que lactiviteacute en cause na aucun lien avec lindisponibiliteacute du corps humain a quelque chose

de surreacutealiste le fait quelle ne soit pas peacutenalement reacuteprimeacutee nempecircche pas le caractegravere

illicite du contrat passeacute entre la prostitueacutee et son client (dans ce sens pour la nulliteacute dune

assurance souscrite par un proxeacutenegravete contre les accidents corporels freacutequents dans ce genre

dactiviteacutes CA Paris 22 janv 1992 Juris-Data ndeg 020308) Reste la justification de la

deacutecision par la relative autonomie du droit des prestations sociales larticle R 241-2 du code

de la seacutecuriteacute sociale vise toutes les activiteacutes non salarieacutees mecircme de caractegravere accessoire La

Chambre sociale de la Cour de cassation a deacutejagrave admis la prostitution au titre de ces activiteacutes

(18 mai 1995 D 1996 Somm p 38 obs X Preacutetot) eacutecarter les activiteacutes de prostitution de

lassiette des cotisations sociales ne serait-ce pas les encourager davantage au risque pour

lEtat de reprendre agrave son compte le ceacutelegravebre adage de Vespasien

7 Nous rappellerons encore larrecirct rendu par la premiegravere Chambre civile le 9 deacutecembre 2003

confirmant le rejet de ladoption pleacuteniegravere par la femme du pegravere dune enfant qui est le fruit

dune convention de megravere porteuse Lamie dun couple steacuterile avait accepteacute en 1987

dabandonner agrave sa naissance sans indication de filiation maternelle lenfant conccedilu des relations

intimes quelle avait eues avec leacutepoux La demanderesse au pourvoi soutenait que lilliceacuteiteacute de

la convention neacutetait pas eacutetablie par la jurisprudence et par la loi au moment des faits et quil

fallait prendre en consideacuteration pour ladoption pleacuteniegravere les douze anneacutees passeacutees par lenfant

aupregraves delle les inteacuterecircts de ce dernier primant la neacutecessiteacute de sanctionner la convention La

Cour de cassation confirmant sa jurisprudence du 31 mai 1991 (preacutec) et du 29 juin 1994 (D

1994 Jur p 581 note Y Chartier) rappelle laquo que la materniteacute pour autrui dont le caractegravere

illicite se deacuteduit des principes geacuteneacuteraux du code civil et aujourdhui de son article 16-7

reacutealise un deacutetournement de linstitution de ladoption que les premiers juges ont agrave bon droit

refuseacute raquo Prudemment la Haute juridiction neacutevoque pas la notion dindisponibiliteacute cet laquo

imaginaire de la doctrine raquo (M Gobert Reacuteflexions sur les sources du droit et les principes

dindisponibiliteacute du corps humain et de leacutetat des personnes RTD civ 1992 p 489) pour se

contenter logiquement de viser larticle 16-7 qui a vocation agrave sappliquer mecircme si le contrat

reste secret la graviteacute du vice initial de la materniteacute pour autrui contaminant toute adoption

ulteacuterieure

8 Le Tribunal administratif dAmiens dans sa deacutecision du 9 mars 2004 fait une application

discutable de la notion dextra-commercialiteacute des eacuteleacutements et des produits du corps humain

dans une hypothegravese ougrave cette qualification ne devait pas jouer Un couple perd ses embryons

congeleacutes in vitro en raison de la deacutefaillance du mateacuteriel de conservation imputable agrave un

eacutetablissement hospitalier Peut-il se preacutevaloir dun preacutejudice indemnisable dans le cadre de

laction en responsabiliteacute quil engage contre cet eacutetablissement La juridiction administrative

saisie admet la responsabiliteacute de la personne publique le mateacuteriel de conservation lui

appartenant eacutetant en cause mais sur la question de la reacuteparation du preacutejudice subi reacutepond de

maniegravere surprenante laquo si les eacutepoux peuvent se preacutevaloir de lexistence dun preacutejudice

mateacuteriel reacutesultant de la perte dovocytes les dispositions de larticle 16-1 du code civil selon

lesquelles le corps humain ses eacuteleacutements et ses produits ne peuvent faire lobjet dun droit

patrimonial sopposent agrave ce quils puissent en demander la reacuteparation en argent raquo et il

poursuit laquo les ovocytes surnumeacuteraires neacutetant pas des personnes ils ne sont pas fondeacutes agrave se

preacutevaloir dun preacutejudice moral reacutesultant selon eux de la perte decirctres chers raquo Le couple se

voit toutefois allouer 10 000 euros de dommages-inteacuterecircts pour les laquo troubles divers raquo dans

leurs conditions dexistence Si les ovocytes ne sont pas eacutevaluables en argent et si leur perte ne

peut donc pas justifier un preacutejudice mateacuteriel il nen va pas de mecircme dun preacutejudice moral

causeacute par leur perte (la perte dun animal domestique le justifie en droit civil ) et surtout le

22

preacutejudice reacutesultant de la perte dune chance de devenir parents pour un couple deacutejagrave acircgeacute et qui

rencontre des difficulteacutes pour procreacuteer degraves lors quaurait pu ecirctre eacutetablie la disparition par

leffet de la faute imputeacutee agrave leacutetablissement hospitalier de leacuteveacutenement favorable la

probabiliteacute de la naissance dun enfant (en droit meacutedical G Meacutemeteau Gaz Pal 1997 2

Doctr p 1367) La juridiction administrative a manqueacute une occasion de faire avancer le droit

biomeacutedical dans une affaire inattendue et hautement symbolique

B - Reacuteglementation des eacuteleacutements et les produits du corps

Prenant appui sur les principes geacuteneacuteraux gouvernant le statut du corps humain le reacutegime

juridique des eacuteleacutements et des produits biologiques dorigine humaine peut toutefois preacutesenter

des particulariteacutes

1 - La greffe de visage

9 Le Comiteacute consultatif national deacutethique dans son avis ndeg 82 du 6 feacutevrier 2004 eacutemet un

avis deacutefavorable au preacutelegravevement du visage dune personne deacuteceacutedeacutee ou en langage meacutedical agrave

lallotransplantation de tissus composites En deacutepit des besoins eacutevidents pour la chirurgie

reconstructive des victimes deacutefigureacutees agrave la suite daccidents ou de suicides manqueacutes le

Comiteacute consultatif considegravere que des obstacles dirimants subsistent actuellement pour

ladmission dun tel preacutelegravevement les perspectives de laquo reacuteussite raquo dune telle opeacuteration

demeurent tregraves theacuteoriques les risques de rejet des greffons eacutetant laquo extrecircmement graves raquo il

paraicirct par ailleurs fort deacutelicat de solliciter lautorisation de la famille du deacuteceacutedeacute pour effectuer

les preacutelegravevements la signification eacutethique particuliegravere du visage humain son lien intime agrave la

personnaliteacute et agrave lidentiteacute en font davantage quune piegravece anatomique Cette prudence sinscrit

dans le cadre des principes traditionnels du droit meacutedical la technique envisageacutee relevant

pour lheure davantage de lexpeacuterimentation que de la theacuterapeutique

2 - Les banques de sang de cordon ombilical

10 Les cellules heacutematopoiumleacutetiques preacutesentes dans le sang du cordon ombilical peuvent ecirctre

utiliseacutees pour le traitement de certaines maladies geacuteneacutetiques elles peuvent notamment

repeupler la moelle osseuse du patient et constituer une source de cellules sanguines offrant

ainsi une solution alternative agrave la greffe de moelle osseuse Des banques de ces cellules ont

eacuteteacute creacuteeacutees dans des institutions hospitaliegraveres et plus reacutecemment dans le secteur priveacute Ces

activiteacutes pour certaines agrave but lucratif suscitent eacutevidemment des questions juridiques et

eacutethiques Le Comiteacute national sest en France pencheacute sur ce problegraveme (avis ndeg 74 du 12 deacutec

2002) de mecircme que divers organismes de santeacute europeacuteens Le Groupe europeacuteen deacutethique

institueacute aupregraves du preacutesident de la Commission europeacuteenne a consacreacute agrave ce point son avis ndeg

16 rendu le 16 mars 2004 En substance les sages du Groupe europeacuteen critiquent vivement

louverture de cette activiteacute au secteur commercial degraves lors que les banques priveacutees noffrent

pas un laquo service utile en termes de possibiliteacutes theacuterapeutiques raquo (pt 21) et meacuteritent decirctre

eacutetroitement encadreacutees comme elles le seraient dailleurs en France Dun point de vue plus

geacuteneacuteral ces banques priveacutees de sang ombilical qui demeurent en veacuteriteacute assez marginales

posent la question des activiteacutes commerciales dans les secteurs sensibles de la santeacute qui nest

pas reacutesolue de maniegravere uniforme au sein de lUnion europeacuteenne Ladoption de

reacuteglementations telles que la directive CE ndeg 2004-23 du 31 mars 2004 concernant les aspects

de seacutecuriteacute et de qualiteacute pour les diffeacuterentes opeacuterations relatives aux eacuteleacutements biologiques

dorigine humaine va dans le sens de cette harmonisation

3 - Les normes europeacuteennes de qualiteacute et de seacutecuriteacute concernant les diffeacuterentes opeacuterations

relatives aux tissus et aux cellules humains

11 La directive CE ndeg 2004-23 du 31 mars 2004 constitue un texte important dans un secteur

ougrave lharmonisation communautaire tardait nonobstant le maillage reacuteglementaire existant en

23

matiegravere de meacutedicaments agrave usage humain (Dir CE ndeg 2001-83 du 6 nov 2001) Le texte

sapplique essentiellement aux eacuteleacutements biologiques destineacutes agrave lhomme ou agrave la fabrication de

produits manufactureacutes y compris pour des buts cosmeacutetiques agrave lexception des produits

destineacutes agrave des greffes autologues dans le cadre dune intervention chirurgicale unique du sang

et des produits sanguins (Dir CE ndeg 2002-98 du 27 janv 2002) des organes ou des parties

dorganes utiliseacutes aux mecircmes fins que lorgane entier dans le corps humain Les utilisations agrave

des fins de recherche sont eacutegalement exclues La directive sapplique en revanche aux gamegravetes

et aux cellules souches embryonnaires mais laisse aux Etats membres la faculteacute den autoriser

lutilisation Dune maniegravere geacuteneacuterale le texte communautaire nimpose pas de modegravele eacutethique

mais des obligations techniques dans un but de seacutecuriteacute sanitaire comprenant notamment la

mise en place dun systegraveme qualiteacute et de traccedilabiliteacute la deacutesignation dune personne responsable

mais il insiste cependant sur la gratuiteacute des dons et les exigences en matiegravere de consentement

La transposition qui ne devrait pas affecter de maniegravere sensible le cadre juridique franccedilais

actuel doit intervenir avant le 7 avril 2006

4 - Les cellules souches embryonnaires

12 Moins de deux mois apregraves ladoption de la reacutevision des lois bioeacutethiques et en application

de larticle 37 du nouveau texte qui autorise agrave titre transitoire avant la mise en place de

lAgence de la Biomeacutedecine les ministres concerneacutes agrave permettre limportation agrave des fins de

recherche de cellules souches embryonnaires humaines un deacutecret et un arrecircteacute (JO ndeg 228 du

30 sept 2004 p 16804) du 28 septembre 2004 viennent dy proceacuteder Les recherches sur ces

cellules fort contesteacutees il y a encore peu puisque la preacuteceacutedente autorisation dimportation de

cellules souches dorigine embryonnaire avait fait lobjet dun contentieux (TA Paris 21 janv

2003 D 2004 Somm p 532 obs H Gaumont-Prat LPA 2003 ndeg 196 p 7 note B

Pauvert) entrent donc rapidement dans la reacutealiteacute Ces souches importeacutees seront rapidement

supplanteacutees par pregraves de 50 000 embryons congeleacutes en France dont les geacuteniteurs ont renonceacute agrave

ce quils accegravedent agrave la naissance et qui vont pouvoir prochainement servir de mateacuteriel

dexpeacuterimentation comme la loi nouvelle lautorise deacutesormais

Mots cleacutes

PERSONNE HUMAINE Panorama 2004

Gazette du Palais 29 mai 2004 ndeg 150 P 15 - Tous droits reacuteserveacutes

Famille - Personnes

040412

ADOPTION Adoption pleacuteniegravere - Enfants pouvant faire lobjet dune adoption - Enfant neacute dune megravere

porteuse (non)

La materniteacute pour autrui dont le caractegravere illicite se deacuteduit des principes geacuteneacuteraux du Code

civil et aujourdhui de son article 16-7 reacutealise un deacutetournement de linstitution de ladoption

que les juges du fond ont donc agrave bon droit refuseacute de prononcer sans violer aucun des textes

invoqueacutes

C cass 1re civ 9 deacutecembre 2003 Mme X c Procureur geacuteneacuteral pregraves le Cour dappel de Y-

Pourvoi ndeg 0103927 Q - Rejet (C app Paris 1er feacutevrier 2001) - gr ndeg 1644P

NOTE

Reacuteiteacuteration de linterdiction dune adoption lieacutee agrave une procreacuteation pour le compte

dautrui -

24

Larrecirct rendu le 9 deacutecembre 2003 ne surprendra pas puisquil sinscrit dans la ligne traceacutee par

la Cour de cassation depuis 1989 confirmeacutee par la loi du 29 juillet 1994 relative au respect du

corps humain

En lespegravece Georges D et Denise M seacutetaient marieacutes le 15 deacutecembre 1962 et avaient eu un

enfant Fabrice neacute le 11 novembre 1966 Leacutepouse nayant pu avoir un deuxiegraveme enfant

pourtant vivement souhaiteacute le couple se serait adresseacute agrave une laquoamieraquo qui aurait accepteacute davoir

des relations intimes avec Georges D jusquagrave ce quelle conccediloive un enfant quil eacutetait convenu

de laisser degraves sa naissance au pegravere et agrave son eacutepouse

Cest ainsi que serait neacutee Sarah le 4 juillet 1987 qui fut deacuteclareacutee sur les registres de leacutetat civil

sans indication de filiation maternelle reconnue par Georges D puis recueillie aussitocirct par

celui-ci et son eacutepouse Cette derniegravere avait pris la preacutecaution de seacuteloigner de son domicile

pendant les derniers mois du deacuteveloppement in utero de lenfant afin que la substitution

maternelle soit ignoreacutee de lentourage des deux eacutepoux

Il sagissait donc bien selon les propres dires de Georges et Denise D dune materniteacute pour

autrui sans recours aux techniques modernes de procreacuteation meacutedicalement assisteacutee selon un

processus agrave la fois naturel et vieux comme le monde (1)

En janvier 1999 Denise D a saisi le Tribunal de grande instance dune requecircte en adoption

pleacuteniegravere de la fille de son mari

Le Tribunal par jugement du 8 deacutecembre 1999 puis la Cour dappel de Paris par arrecirct du 1er

feacutevrier 2001 ont rejeteacute sa demande au motif quen application des art 6 et 1128 C civ la

convention par laquelle une femme sengage agrave concevoir et agrave porter un enfant pour

labandonner agrave sa naissance est nulle car elle contrevient tant au principe dordre public de

lindisponibiliteacute du corps humain quagrave celui de lindisponibiliteacute de leacutetat des personnes et que

ladoption envisageacutee neacutetait que lultime phase dun processus illicite constitutif dun

deacutetournement de linstitution de ladoption

On reconnaicirctra lagrave les formules mecircmes employeacutees par la Cour de cassation notamment dans

son arrecirct dassembleacutee pleacuteniegravere du 31 mai 1991 (2) Il nest donc pas eacutetonnant que la Cour

suprecircme ait rendu un arrecirct de rejet dautant plus que sa jurisprudence a eacuteteacute conforteacutee par le

nouvel art 16-7 inseacutereacute dans le Code civil par la loi ndeg 94-653 du 29 juillet 1994 (3) qui

dispose que toute convention portant sur la procreacuteation ou la gestation pour le compte dautrui

est nulle

La Cour de cassation a bien entendu viseacute expresseacutement ce texte nouveau mais elle a tenu agrave

rappeler que le caractegravere illicite se deacuteduisait aussi des principes geacuteneacuteraux du Code civil

faisant ainsi implicitement reacutefeacuterence aux art 6 et 1128 de ce Code sur lesquels elle avait

preacuteceacutedemment fondeacute sa position

Le moyen de cassation tentait deacutechapper agrave la jurisprudence de la Cour suprecircme en se fondant

sur les circonstances de lespegravece et notamment sur le fait que la requecircte en adoption navait

eacuteteacute formeacutee que douze anneacutees apregraves la naissance de lenfant de sorte que lindivisibiliteacute entre la

materniteacute pour autrui et ladoption ne serait pas caracteacuteriseacutee Mais la Cour dappel avait

reacutepondu agrave cette argumentation en eacutenonccedilant que labandon de lenfant agrave naicirctre objet de

lobligation contracteacutee par la megravere biologique eacutetait destineacute agrave permettre que lenfant reconnu

par Georges D puisse ecirctre adopteacute par son eacutepouse et en soulignant que celle-ci avait dans le

mecircme but accepteacute linseacutemination dune autre femme par les gamegravetes de son mari et quelle

avait participeacute activement au processus en prenant toutes preacutecautions pour que la substitution

de materniteacute soit ignoreacutee des tiers

Denise D soutenait en outre que linteacuterecirct de lenfant retenu tant par lart 353 C civ que par

les art 3 et 21 de la Convention internationale des droits de lenfant devait primer sur le souci

de sanctionner lilliceacuteiteacute de la convention qui avait preacutesideacute agrave sa conception et agrave sa naissance

La Cour de cassation ne sest pas arrecircteacutee agrave cette argumentation pas plus quelle ne sy eacutetait

arrecircteacutee en 1991 pour elle lensemble de lopeacuteration est indivisible le deacutetournement de

25

linstitution de ladoption est caracteacuteriseacute et il convient de lutter contre la politique du fait

accompli (4) Laccepter au nom de linteacuterecirct de lenfant ne conduirait-il pas comme on la

souligneacute en doctrine (5) agrave admettre le commerce des enfants sous preacutetexte que bien souvent

ceux-ci y trouveraient beacuteneacutefice

(1) Selon la Bible Sarah eacutepouse dAbraham ne pouvant avoir denfant de lui lenvoya aupregraves

de son esclave eacutegyptienne Agar dont il eut un fils Ismaeumll Agar fut renvoyeacutee avec celui-ci

lorsque Sarah tregraves acircgeacutee mit au monde Isaac le fils de la promesse

Cest sans doute une coiumlncidence si nous trouvons aussi dans notre affaire une laquoSarahraquo qui

tient il est vrai un rocircle tout diffeacuterent de celui deacutevolu agrave son homonyme biblique

Lhistoire reacutevegravele eacutegalement des cas relativement freacutequents ougrave pour pallier agrave la steacuteriliteacute du

mari et pour permettre la continuation de la ligneacutee et la perpeacutetuation dun nom ou dun titre un

laquovaletraquo - souvent ensuite renvoyeacute - eacutetait chargeacute de feacuteconder leacutepouse Le proceacutedeacute eacutetait

juridiquement parfait dans la mesure ougrave par le jeu de la preacutesomption de paterniteacute le mari

devenait leacutegalement le pegravere de lenfant

(2) Cass ass pleacuten 31 mai 1991 Bull civ 1991 ndeg 4 Gaz Pal Rec 1991 panor cass p

162 [912144] D 1991 jur p 417 rapport Y Chartier note G Thouvenin JCP 1991 II

21752 comm J Bernard concl H Dontenwille note F Terreacute Defreacutenois 1991 art 35088

ndeg 67 p 948 obs J Massip RTD civ 1991 517 obs D Huet-Weiller Dans le mecircme sens

v Cass civ 1re 29 juin 1994 Bull civ 1994 I ndeg 226 Gaz Pal Rec 1995 jur p 36 note

J B [943856] D 1994 jur p 581 note Y Chartier JCP 1995 II 223621 note J Rubellin-

Devichi RTD civ 1994 p 842 obs J Hauser Defreacutenois 1995 art 36024 ndeg 4 p 315

obs J Massip

V aussi Cass civ 1re 13 deacutecembre 1989 Bull civ 1989 I ndeg 387 Gaz Pal Rec 1990

panor cass p 66 [901122] D 1990 jur p 273 rapport J Massip Defreacutenois 1990 art

34802 ndeg 55 p 743 obs J-L Aubert et art 34815 p 862 rapport J Massip et JCP 1990 II

21526 note A Seriaux Dans cette affaire la Cour de cassation avait proclameacute par des motifs

analogues agrave ceux adopteacutes par les arrecircts de 1991 et 1994 le caractegravere illicite de la materniteacute

pour autrui et des associations qui sefforcent de la promouvoir

(3) Sur cette loi v notamment notre commentaire in Defreacutenois 1975 art 35975 et 35922

speacutecialement en ce qui concerne lart 16-7 C civ le ndeg 9 de cette eacutetude p 72

(4) Sur ces divers points v notre note preacuteciteacutee sous Cass ass pleacuten 31 mai 1991

(5) Obs J Hauser sous larrecirct rendu le 1er feacutevrier 2001 par la Cour dappel de Paris dans le

preacutesente affaire in RTD civ 2001 347

AD2008DEF0291N1

Reacutepertoire du Notariat Defreacutenois 15 feacutevrier 2008 ndeg 3 P 291 - Tous droits reacuteserveacutes

FILIATION

38717 La convention de megravere porteuse

(Reacuteflexions sur les sources du droit et les principes dindisponibiliteacute du corps humain et de leacutetat des personnes)

Le droit franccedilais prohibe les conventions de megraveres porteuses

26

Malgreacute linterdiction leacutegale de nombreux couples ont chercheacute et cherchent encore agrave

contourner cette interdiction notamment en ayant recours agrave des megraveres de substitution dans

des pays eacutetrangers ougrave cette pratique est autoriseacutee

La Cour de cassation veille agrave ce que linstitution de ladoption ne soit pas deacutetourneacutee au profit

de ces parents

Dans un arrecirct du 25 octobre 2007 la cour dappel de Paris vient de reacuteouvrir le deacutebat non sur

le terrain de la convention mais sur celui de la non-transcription des actes de naissance et de

linteacuterecirct supeacuterieur de lenfant

Une excellente occasion de faire le point sur la question et de sinterroger pour lavenir avant

la reacutevision de la loi bioeacutethique en 2009

par Rabih CHENDEB

Docteur en droit

ATER agrave lUniversiteacute de Picardie Jules Verne

laquo La science va Elle est ineacuteluctable Ce quil faut cest la rendre eacutethique raquo (1)

Le droit positif franccedilais interdit de recourir aux megraveres porteuses si un couple conccediloit un

embryon in vitro qui est implanteacute dans luteacuterus dune tierce femme cest cette tierce femme

qui est la megravere selon la loi franccedilaise et les parents biologiques ne peuvent avoir aucun droit

mecircme en cas dabandon de lenfant agrave la naissance par la megravere porteuse La loi bioeacutethique de

1994 a interdit la gestation pour autrui car cela soulevait des questions

dinstrumentalisation et de commercialisation du corps de la femme

De nombreux couples en mal denfants ont depuis longtemps chercheacute agrave contourner les regravegles

notamment en ayant recours agrave des megraveres de substitution qui vivent dans des pays ougrave cette

pratique est autoriseacutee Jusquagrave preacutesent la Cour de cassation ne sy est jamais laisseacutee prendre et

condamnait ladoption faite par les parents de lenfant de la megravere porteuse consideacuterant quil

sagissait dun deacutetournement de linstitution de ladoption (I)

Le 25 octobre 2007 la cour dappel de Paris vient donner lespoir dune ouverture vers

lacceptation dans linteacuterecirct de lenfant de cette deacutemarche Cette deacutecision de la cour dappel

pourrait changer les choses en attendant la reacutevision de la loi bioeacutethique preacutevue en 2009 Une

chose est sucircre cet arrecirct a le meacuterite douvrir le deacutebat et de poser la question de linteacuterecirct de

lenfant comme exception agrave lindisponibiliteacute de leacutetat des personnes et agrave linterdiction de la

pratique des megraveres porteuses Une certaine eacutevolution des mentaliteacutes ainsi que la dispariteacute

entre la loi franccedilaise et dautres leacutegislations nationales pourraient donner lieu agrave un

assouplissement de cette leacutegislation (II)

I Lhostiliteacute du leacutegislateur et de la jurisprudence agrave leacutegard de la convention de megravere porteuse

Au siegravecle dernier seacutetaient deacuteveloppeacutees des associations ayant pour but de faire se rencontrer

des couples deacutesireux davoir un enfant et des femmes acceptant de le porter pour ensuite le

leur laquo ceacuteder raquo par contrat Pour des raisons plus ou moins louables le proceacutedeacute fut rapidement

condamneacute par le droit franccedilais (A) tout comme ladoption qui sen suivait (B)

27

A Le caractegravere illicite de la convention de megravere porteuse

La megravere porteuse met en effet agrave mal le scheacutema classique de la famille On affirmait en Droit

romain que la megravere eacutetait sucircre et que le pegravere eacutetait le mari Le Code napoleacuteon a enteacuterineacute cette

conception Dire que lenfant possegravede une megravere geacuteneacutetique et une megravere uteacuterine va agrave lencontre

de ses dispositions (2)

Pris au deacutepourvu le leacutegislateur franccedilais a tardeacute agrave reacuteagir face aux progregraves scientifiques Il en

est reacutesulteacute un vide juridique auquel la jurisprudence sest efforceacutee de faire face Devant cette

heacutesitation bien compreacutehensible du droit les ressources de la morale de la deacuteontologie et

surtout de la bioeacutethique ont eacuteteacute solliciteacutees (3) Le Conseil dEtat confronteacute aux associations

voulant intervenir dans ce domaine a ainsi prononceacute la dissolution de ces associations pour

objet illicite (4) Le 13 deacutecembre 1989 la premiegravere chambre civile de la Cour de cassation a

releveacute le principe dindisponibiliteacute du corps humain par une interpreacutetation a contrario de

larticle 1128 du Code civil qui dispose qu laquo il ny a que les choses qui sont dans le

commerce qui puissent ecirctre lobjet des conventions raquo La personne ne dispose pas de son

corps elle nen est pas proprieacutetaire (5) Le 31 mai 1991 lassembleacutee pleacuteniegravere de la Cour de

cassation vise les articles 6 1128 et 353 du Code civil afin daffirmer le caractegravere illicite de la

convention conclue entre une megravere porteuse et un couple steacuterile En effet ce contrat porte sur

deux corps humains la megravere et lenfant (6)

Rapidement le leacutegislateur est venu leacutegifeacuterer dans ce sens avec la loi no 94-653 du 29 juillet

1994 relative agrave la bioeacutethique pour que le Code civil reconnaisse le corps humain en tant que

tel Cette loi prend deacutesormais explicitement en compte le corps humain parce quil a voulu

promouvoir son respect face au deacuteveloppement des sciences biomeacutedicales Cette loi a entraicircneacute

la modification et la creacuteation darticles dans le Code civil et le Code peacutenal

Le principe du respect de la digniteacute de la personne humaine est poseacute par larticle 16 du Code

civil laquo La loi assure la primauteacute de la personne interdit toute atteinte agrave la digniteacute de celle-ci

et garantit le respect de lecirctre humain degraves le commencement de sa vie raquo Le nouvel article 16-1

preacutevoit que laquo Chacun a droit au respect de son corps Le corps humain est inviolable Le

corps humain ses eacuteleacutements et ses produits ne peuvent faire lobjet dun droit patrimonial raquo

Par conseacutequent selon larticle 16-5 laquo Les conventions ayant pour effet de confeacuterer une

valeur patrimoniale au corps humain agrave ses eacuteleacutements ou agrave ses produits sont nulles raquo De mecircme

quand une personne accepte de donner son sang ce ne peut ecirctre quagrave titre beacuteneacutevole Enfin

larticle 16-7 dispose mecircme laquo Toute convention portant sur la procreacuteation ou la gestation

pour le compte dautrui est nulle raquo (7)

En outre cette interdiction est assortie dune sanction peacutenale pouvant aller jusquagrave un an

demprisonnement et 15 000 euro damende pour celui qui sentremet ou tente de sentremettre

entre une personne ou un couple deacutesireux daccueillir un enfant et une femme acceptant de

porter en elle cet enfant en vue de le leur remettre Lorsque ces faits ont eacuteteacute commis agrave titre

habituel ou dans un but lucratif les peines sont porteacutees au double (8)

En deacutepit de la reacutesistance de quelques juges du fond qui ont admis ladoption la Cour de

cassation na pas infleacutechi sa position (9) Elle sest reacutecemment opposeacutee agrave ladoption simple

dun enfant par un couple homosexuel estimant cette adoption contraire agrave laquo linteacuterecirct supeacuterieur

de lenfant raquo (10)

28

Analyseacutes dans le contexte de ces deacutecisions les deux principes de lilliceacuteiteacute des conventions et

de lindisponibiliteacute du corps humain expriment une mecircme ideacutee la condamnation dune

convention qui porte sur le corps humain celui de lenfant agrave naicirctre et celui de la femme qui la

conccedilu et porteacute

Toutefois les motifs adopteacutes par la Cour de cassation savegraverent dune extrecircme faiblesse En

effet ces motifs sont lieacutes agrave lilliceacuteiteacute de lobjet des conventions agrave lindisponibiliteacute du corps

humain ainsi quagrave lindisponibiliteacute de leacutetat des personnes (11) Pourtant les lois dites laquo

bioeacutethiques raquo du 29 juillet 1994 puis la loi du 6 aoucirct 2004 (12) relative agrave la bioeacutethique ont

admis lutilisation des eacuteleacutements et des produits du corps humain agrave des fins theacuterapeutiques ou

scientifiques Effectivement une loi en date du 24 janvier 1953 deacutetermine laquo les tarifs de

cession du sang raquo Les dispositions sont aujourdhui dans le Code de la santeacute publique Degraves

lors on peut donner ses gamegravetes ses organes son sang Il semble que plus quune approche

anthropologique des sciences meacutedicales (qui conduiraient agrave une ineacutevitable instrumentalisation

du corps des hommes) il existerait ce que nous appelons une technoscience laquo de linvisible

raquo que seul le droit accepte de leacutegitimer (13)

Par ailleurs la terminologie employeacutee par le leacutegislateur de 1994 est eacuteloquente Cest

certainement parce que le principe dindisponibiliteacute du corps humain sest aveacutereacute irreacutealiste videacute

de sa substance par le nombre et limportance de ses exceptions que le leacutegislateur lui a preacutefeacutereacute

celui de non-patrimonialiteacute qui figure aujourdhui aux articles 16-1 16-5 et 16-6 du Code

civil Il est donc possible de disposer de son corps agrave titre de dons dans les limites de la loi

(14)

Pour conclure sur ce point il sera emprunteacute les propos de Mme Mayer-Jack laquo

Malheureusement si ce principe dindisponibiliteacute du corps humain possegravede les qualiteacutes trop

rares decirctre nettement formuleacute et universellement admis il apparaicirct agrave la reacuteflexion frappeacute dun

vice radical il se reacutevegravele contraire aux faits raquo (15)

B La nulliteacute de ladoption

En matiegravere de materniteacute de substitution lenfant reste au coeur du deacutebat Il est laquo lobjet raquo de la

convoitise du couple demandeur et lobjet de la convention En vue de permettre

leacutetablissement dune filiation adoptive deux processus eacutetaient suivis par lesdits couples

processus que la Cour de cassation sempressa dinterdire agrave son tour

1 Le contournement aveacutereacute de la loi par les couples restant en France

En effet le processus se deacuteroulait en trois eacutetapes dans un premier temps lembryon issu des

gamegravetes du couple ou du mari et de la femme porteuse eacutetait implanteacute dans luteacuterus de cette

derniegravere La megravere porteuse suivait sa grossesse normalement notamment au regard du suivi

meacutedical (16) Ensuite elle accouchait anonymement La leacutegislation autorise les

accouchements laquo sous X raquo et reconnaicirct ainsi aux parturientes le droit de ne pas ecirctre megraveres si

elles ne le deacutesirent ou ne le peuvent pas Le pegravere fournisseur de sperme quant agrave lui effectuait

une reconnaissance preacutenatale de lenfant A sa naissance il le reconnaissait Lenfant avait

donc un pegravere mais sans indication de la filiation maternelle Enfin leacutepouse de ce dernier

adoptait de maniegravere pleacuteniegravere lenfant Leacutetat de mariage de la megravere porteuse ne changeait rien

puisque laccouchement anonyme empecircchait que le mari soit consideacutereacute comme pegravere preacutesumeacute

29

Depuis larrecirct Alma Mater (17) nous savons que la convention de materniteacute de substitution

est nulle car contrevenant agrave lordre public (18) Mais jusqualors la jurisprudence avait eu le

soin de dissocier convention et adoption Toute convention portant sur la procreacuteation ou la

gestation pour le compte dautrui eacutetant nulle la convention de megravere porteuse ayant permis la

naissance de lenfant en cause est donc incontestablement frauduleuse Degraves lors la possession

deacutetat sur laquelle les demandeurs se fondent pour voir eacutetablir un lien de filiation leacutegitime agrave

leur profit et lacte de notorieacuteteacute quils ont ainsi obtenu sont eux-mecircmes vicieacutes et ne peuvent

donc permettre leacutetablissement dun tel lien Par ailleurs la Convention de New York sur les

droits de lenfant garantit notamment agrave celui-ci laccegraves agrave ses origines Or lapplication de la

convention frauduleuse aurait pour effet de consacrer un mensonge lacte de naissance qui

serait eacutetabli sur le fondement de cette convention aboutirait en effet agrave nier totalement les

conditions dans lesquelles lenfant a eacuteteacute conccedilu En conseacutequence les demandeurs ne pourront

se preacutevaloir de la possession deacutetat vicieacutee pour obtenir la retranscription de lacte de notorieacuteteacute

sur lacte de naissance de lenfant (19) Ainsi la prohibition de la convention a entraicircneacute dans

son sillage une impossibiliteacute dadoption par leacutepouse du pegravere (20) Il y a deacutetournement de

linstitution de ladoption pleacuteniegravere en ce que lenfant a eacuteteacute conccedilu pour ecirctre abandonneacute par sa

megravere et adopteacute par une autre (21)

Il en reacutesulte que cest labandon de lenfant qui rend impossible ladoption par leacutepouse du

mari Or labandon de lenfant constitue deacutejagrave une deacutemarche parfaitement licite et reacuteglementeacutee

par la loi Il suffit pour sen convaincre de lire attentivement les textes adeacutequats agrave savoir les

articles 61 et 62 du Code de la famille et de laide sociale 348-3 et 350 du Code civil et 1158

agrave 1163 du Code de proceacutedure civile Il suffit agrave la megravere et plus geacuteneacuteralement agrave la personne

investie des droits parentaux de confier 1enfant agrave un eacutetablissement ou agrave un service de laide

sociale agrave 1enfance (ASF) ou mecircme agrave un particulier puis de sen deacutesinteacuteresser

manifestement pendant une anneacutee nentretenant avec lui aucune relation neacutecessaire au

maintien de liens affectifs Le tribunal de grande instance peut degraves lors sauf agrave prendre en

consideacuteration le cas exceptionnel de grande deacutetresse du parent deacutefaillant deacuteclarer 1enfant

abandonneacute agrave la requecircte de tout inteacuteresseacute et notamment de leacutetablissement service ou famille

daccueil (22) laquo On cesse dinterdire une pratique non pas lorsquelle se deacuteveloppe mais

lorsquon ne sait plus pourquoi elle est interdite raquo (23)

Dailleurs une contradiction engendre ce refus dadoption En effet laquo consideacuterer ladoption

indissociable de la convention revient agrave ne voir lenfant que comme lobjet de cette convention

raquo (24) Ainsi les parents ont pu eacutetablir anteacuterieurement agrave la naissance le processus dont

ladoption est laquo lultime phase raquo Mais ce processus nest pas fait dans lintention de nuire agrave

lenfant Alors comment comprendre la seacuteveacuteriteacute afficheacutee de la Cour de cassation

Traiter lenfant comme une veacuteritable personne implique de dissocier la convention ougrave il

nintervient pas et ladoption dont il est partie prenante et mecircme partie principale Il faut

sinterroger sur son inteacuterecirct propre quitte agrave le confronter ensuite agrave ceux auxquels il soppose

(25)

2 Lexpansion du tourisme procreacuteatif

La dispariteacute des regravegles nationales agrave propos de la gestation pour autrui a conduit certains

couples agrave se rendre agrave leacutetranger pour pouvoir avoir recours agrave une megravere porteuse on parle

deacutesormais de laquo tourisme procreacuteatif raquo (26)

30

Lagrave encore le processus deacutebute par une inseacutemination artificielle mais les pays ayant leacutegaliseacute la

gestation pour le compte dautrui permettent par ailleurs que lembryon inseacutemineacute dans

luteacuterus de la femme soit issu de la rencontre des gamegravetes des deux parents demandeurs

Lenfant est donc geacuteneacutetiquement lenfant du couple Il a pour parent degraves sa naissance le

couple demandeur il porte leur nom et le preacutenom quils lui ont choisi Mais pour exister en

France il est neacutecessaire de recourir agrave une transcription sur les registres de leacutetat civil franccedilais

de lacte de naissance eacutetranger Lagrave encore la seacuteveacuteriteacute est de mise puisque le parquet de

Nantes qui a en charge la transcription des eacutetats civils venant de leacutetranger refuse

systeacutematiquement cette transcription qui nest pas conforme agrave la leacutegislation franccedilaise (27)

Les magistrats ont eacuteteacute confronteacutes agrave ces situations ougrave la megravere commanditaire deacutesirait eacutetablir un

lien de filiation entre elle et lenfant issu de la convention de materniteacute de substitution

Tel est par exemple le cas qui a eacuteteacute trancheacute par la cour dappel de Rennes le 4 juillet 2002

(28) Dans cet arrecirct la cour dappel a rejeteacute ladoption des enfants par un couple qui a conclu

en Californie une convention portant sur la gestation dun embryon issu de leurs propres

gamegravetes La cour relegraveve que laquo la loi franccedilaise ne donne pas une deacutefinition de la megravere raquo cette

notion est inscrite dans les mentaliteacutes depuis des siegravecles par ladage Mater semper certa est

Cest laccouchement qui deacutetermine la megravere et non la seule reacutealiteacute geacuteneacutetique

Cette jurisprudence installeacutee depuis le ceacutelegravebre arrecirct de lassembleacutee pleacuteniegravere du 31 mai 1991

constitue une atteinte directe agrave linteacuterecirct de lenfant Ce dernier est priveacute de toute filiation

maternelle leacutegalement reconnue et ce sans beacuteneacutefice pour personne (29)

Malheureusement en raison de cette solution les deux enfants sont acircgeacutes de sept ans et vivent

aupregraves de leur pegravere naturel et de sa compagne dont la materniteacute ne peut leacutegalement ecirctre eacutetablie

(30)

Cette jurisprudence preacutesente un point faible Selon larticle 353 du Code civil le tribunal de

grande instance saisi dune requecircte aux fins dadoption pleacuteniegravere veacuterifie si les conditions de

la loi sont remplies et si ladoption est conforme agrave linteacuterecirct de lenfant Or en loccurrence

le preacutetendu droit de lenfant ne coiumlncide pas avec son inteacuterecirct seul mis en avant dans 1article

353 du Code civil Le refus par la cour dappel de prononcer ladoption pleacuteniegravere a priveacute les

deux enfants (au nom de leur droit aussi eacuteminent que symbolique agrave la non-chosification) dun

avantage concret et primordial leur admission au statut denfants leacutegitimes de leurs vrais

parents geacuteneacutetiques (31) Simples enfants naturels ou adulteacuterins de leur pegravere ils demeureront

sans lien de filiation maternelle Un tel problegraveme meacuterite que les juridictions se penchent au

moins sur lui (32) La protection de linstitution de ladoption sopegravere au deacutetriment du droit

reconnu agrave lenfant deacutetablir sa filiation par le biais dune discrimination fondeacutee sur les

circonstances de sa naissance (33) La jurisprudence nous semble aller agrave lencontre des

engagements internationaux contracteacutes par la France (34)

II Leacutevolution des mentaliteacutes vers une leacutegislation plus souple

Jusquagrave preacutesent la jurisprudence a toujours interdit ladoption des enfants par des couples

ayant eu recours agrave la gestation pour autrui consideacuterant quil sagit dun deacutetournement de

linstitution de ladoption (35)

Un grand quotidien Libeacuteration reacutevegravele que la cour dappel de Paris a reconnu comme parents

leacutegitimes de jumelles un couple franccedilais ayant fait appel agrave une megravere porteuse ameacutericaine

31

Une chose est sucircre cet arrecirct a le meacuterite douvrir le deacutebat et de poser la question de linteacuterecirct de

lenfant comme exception agrave lindisponibiliteacute de leacutetat des personnes et agrave linterdiction de la

pratique des megraveres porteuses (A) Lorsque lon accepte une loi eacutetrangegravere qui a eacuteteacute appeleacutee au

secours pour contourner la loi franccedilaise la modification de la loi franccedilaise nest pas loin (B)

A Lassouplissement de la jurisprudence

Dans laffaire porteacutee devant la cour dappel de Paris que nous avons abordeacutee rapidement

preacuteceacutedemment un couple dont la femme ne peut assurer la gestation en raison dune

malformation congeacutenitale se rend en Californie ougrave il conclut une convention portant sur la

gestation dun embryon issu de leurs propres gamegravetes Des jumelles naissent de cette

convention Le droit californien fait abstraction du deacutefaut daccouchement La concubine est

inscrite comme megravere dans les registres de naissance de Californie Quelques semaines plus

tard le couple reconnaicirct les enfants en France Mais agrave leur retour dans lHexagone ils sont

placeacutes en garde agrave vue puis mis en examen pour laquo entremise entre une personne deacutesireuse

dadopter un enfant et un parent deacutesireux dabandonner son enfant neacute ou agrave naicirctre raquo et pour laquo

simulation ayant entraicircneacute une atteinte agrave leacutetat civil de lenfant raquo

En 2004 le juge dinstruction rend un non-lieu sur les poursuites peacutenales les faits seacutetant

deacuterouleacutes dans un pays ougrave cette pratique est leacutegale Le parquet a alors continueacute son offensive

sur le terrain civil et chercheacute agrave faire annuler la filiation et la transcription sur leacutetat civil Le

tribunal de grande instance a deacuteclareacute cette demande irrecevable en deacutecembre 2005 Une

deacutecision rendue par la cour dappel de Paris confirme ce jugement le 25 octobre dernier apregraves

avoir estimeacute que laquo La non-transcription des actes de naissances aurait des conseacutequences

contraires agrave linteacuterecirct supeacuterieur des enfants qui au regard du droit franccedilais se verraient priveacutes

dactes deacutetat civil indiquant leur lien de filiation y compris agrave leacutegard de leur pegravere biologique

raquo

La question sera deacutesormais soumise agrave la Cour de cassation qui a deacutejagrave pris des deacutecisions

progressistes dans des questions relatives au droit de la famille notamment dans linteacuterecirct de

lenfant Elle a ainsi fait le 24 feacutevrier 2006 un pas important vers la reconnaissance de

lhomoparentaliteacute en autorisant quun parent homosexuel deacutelegravegue tout ou partie de son

autoriteacute parentale agrave son partenaire avec lequel il vit en union stable agrave condition que cette

mesure soit prise dans linteacuterecirct supeacuterieur de lenfant (36)

Le plus important reacuteside dans le fait que la cour dappel de Paris a estimeacute que la non-

transcription sur les actes de naissance aurait des conseacutequences contraire agrave llaquo inteacuterecirct de

lenfant raquo Depuis longtemps linteacuterecirct de lenfant est au centre du droit de la famille et depuis

quelques anneacutees celui-ci devient veacuteritablement la pierre angulaire de cette discipline (37)

Dans un arrecirct du 18 mai 2005 la premiegravere chambre civile de la Cour de cassation preacutecise au

visa de larticle 3-1 de la Convention relative aux droits de lenfant que laquo dans toutes les

deacutecisions qui concernent les enfants linteacuterecirct supeacuterieur de lenfant doit ecirctre une

consideacuteration primordiale raquo (38) Mais que faut-il entendre par inteacuterecirct supeacuterieur de lenfant

(39)

Bien que le nouvel article L 112-4 du Code de laction sociale et des familles (40) et larticle

371-1 du Code civil semblent deacutefinir les eacuteleacutements constitutifs de cette notion llaquo inteacuterecirct de

lenfant raquo reste un concept assez flou que le leacutegislateur et les juges se gardent bien de deacutefinir

preacuteciseacutement on ne peut limiter linteacuterecirct supeacuterieur de lenfant agrave la protection de sa santeacute de sa

seacutecuriteacute et de sa moraliteacute Certes ces eacuteleacutements sont les bases de linteacuterecirct de lenfant mais

32

puisque celui-ci peut deacutepasser le strict cadre du droit de lautoriteacute parentale voire du droit de

la famille cette vision serait bien trop reacuteductrice

Le sens de cette notion peut encore sobscurcir si lon considegravere quelle peut se confondre avec

dautres concepts voisins Larticle 371-5 doit ainsi conduire agrave distinguer linteacuterecirct de lenfant de

celui de la fratrie En effet si celle-ci a inteacuterecirct agrave rester unie certaines circonstances permettent

deacutecarter un de ses membres dans son inteacuterecirct exclusif

Un amendement proposait cependant agrave la suite du nouvel article L 112-4 du Code de laction

sociale et des familles une deacutefinition inteacuteressante laquo Linteacuterecirct supeacuterieur de lenfant est deacutefini

comme lassurance de la protection de sa seacutecuriteacute personnelle et affective lassurance dun

contexte familial permettant un bon deacuteveloppement physique intellectuel affectif et social

lassurance dune relation dattachement parental permettant de se construire Linteacuterecirct

supeacuterieur de lenfant tel que deacutefini constitue son projet de vie raquo (41)

On ne peut que se feacuteliciter de la mise en avant de linteacuterecirct de lenfant pour deacuteroger agrave la sacro-

sainte interdiction des megraveres porteuses car il est vrai quil ne faut pas oublier que limportant

reste dabord et avant tout lenfant qui a et doit avoir une place centrale au sein de la famille

On peut envisager que cette reacutecente jurisprudence puisse influencer la reacuteflexion sur le recours

aux laquo megraveres porteuses raquo sur le territoire national qui conduise agrave une eacutevolution de la loi

B Vers une eacutevolution de la loi

Alors que la France interdit la laquo gestation pour autrui raquo cette pratique a eacuteteacute leacutegaliseacutee dans de

nombreux pays La France a donc une leacutegislation moins libeacuterale que dautres leacutegislations

nationales La pratique de la gestation pour autrui est notamment autoriseacutee aux Etats-Unis au

Canada en Australie et dans plusieurs pays de lUnion europeacuteenne (Espagne et Belgique

Gregravece et Royaume-Uni notamment) (42) La question de la leacutegalisation des megraveres porteuses

est tregraves controverseacutee en France et demanderait un strict encadrement (43)

On enseigne habituellement que les questions deacutetat ne peuvent deacutependre de la seule volonteacute

individuelle Leacutetat des personnes - le droit de la filiation en particulier - eacutechapperait aux

conventions Mais ce principe nest plus si absolu Leacutevolution contemporaine reacuteduit laspect

institutionnel Une place nettement importante a eacuteteacute faite dans lorganisation des relations

familiales agrave la volonteacute individuelle laquo Laccroissement du pouvoir des volonteacutes individuelles

dans le droit de la famille est une marque essentielle de ce droit raquo (44) Dougrave la justesse de

lexpression laquo contractualisation du droit de la famille raquo Le rocircle de la volonteacute individuelle

tend agrave ecirctre de plus en plus important (45) Tel est le cas du divorce du PACS et du mariage

La procreacuteation nest plus la finaliteacute avec larriveacutee en force dans des pays voisins du mariage

homosexuel

Une certaine eacutevolution des mentaliteacutes ainsi que la dispariteacute entre la loi franccedilaise et dautres

leacutegislations nationales pourraient bien donner lieu agrave un assouplissement de cette leacutegislation

(46)

La gestation pour autrui permet de pallier certaines formes de steacuteriliteacute feacuteminine en raison

dune absence ou dune deacuteformation duteacuterus de conseacutequences de cancer ou reacutesultant dune

hysteacuterectomie de fausses couches reacutepeacuteteacutees dune contre-indication meacutedicale agrave la grossesse ou

de nombreux eacutechecs de feacutecondations in vitro (47) Dans ce cas on implante les gamegravetes des

parents geacuteneacutetiques dans le ventre de la megravere porteuse

33

Un autre argument favorable agrave cette pratique est la certitude apaisante pour le couple steacuterile

de ce que lenfant porteacute en uteacuterus tiers nen sera pas moins leur veacuteritable enfant geacuteneacutetique

puisque conccedilu agrave partir de leurs propres gamegravetes

De plus il faut deacutenoncer une incoheacuterence Une femme empecirccheacutee par la loi de donner avant

sa grossesse agrave un couple agreacuteeacute par elle lenfant quelle portera moyennant eacutequitable

reacutecompense possegravede en revanche le droit discreacutetionnaire de labandonner une fois neacute au

hasard des eacutetablissements ou du service de lASE ou pis encore de recourir agrave une

interruption volontaire de grossesse pendant les douze premiegraveres semaines (48)

La possession deacutetat repreacutesente une valeur humaine et sociale qui doit ecirctre prise en compte en

tant que telle Comme lont joliment affirmeacute M Hauser et Mme Huet-Weiller laquo elle est la

veacuteriteacute des sentiments la veacuteriteacute du coeur tout aussi respectable sinon plus que celle des

registres deacutetat ou mecircme de nos gegravenes raquo (49) Ainsi on peut ecirctre favorable agrave cette reacuteflexion

sous certains reacuteserves

Tout dabord le couple demandeur devait avoir plus de 18 ans et linfertiliteacute devrait ecirctre

meacutedicalement eacutetablie Ensuite seule lutilisation des gamegravetes (sperme et ovocytes) du couple

serait autoriseacutee afin deacuteviter que la gestatrice soit aussi la megravere biologique de lenfant (pour

eacuteviter des liens trop forts eacutetablis entre elle et le beacutebeacute)

De son cocircteacute la megravere porteuse devait avoir plus de 18 ans et accepter de subir des tests divers

avant la grossesse Elle serait la seule agrave donner un consentement valable concernant la gestion

de sa grossesse et elle abandonnerait ses droits parentaux agrave la naissance de lenfant tout en

assistant le couple demandeur lors de la deacutelivrance du certificat de naissance Le

consentement devrait aussi ecirctre obtenu par un entretien psychologique meacutedical et juridique

Seul le juge pourrait donner laccord au deacutebut du processus Le couple demandeur devait

sengager agrave assumer la garde de lenfant degraves sa naissance afin deacuteviter soit une non-remise

denfant soit un refus de lenfant - par exemple en cas de handicap

Concernant la reacutemuneacuteration de la megravere porteuse la marchandisation est inacceptable Les

intermeacutediaires reacutemuneacutereacutes seraient interdits Le principe du volontariat et de la gratuiteacute sont

essentiels le don de vie (50)

Enfin il ne sagirait pas de reacutemuneacuteration mais de compensation financiegravere destineacutee agrave

deacutedommager les inconveacutenients lieacutes agrave la grossesse sur la base de la loi laquo Huriet raquo (loi sur la

recherche meacutedicale avec volontaires sains) Le couple demandeur devrait prendre agrave sa charge

les deacutepenses meacutedicales leacutegales et psychologiques ainsi quun montant raisonnable alloueacute agrave la

megravere porteuse pour subvenir agrave ses besoins Les juges appreacutecieraient librement ce que peut ecirctre

un montant laquo raisonnable raquo sans que cela puisse jamais ecirctre consideacutereacute comme une laquo vente raquo

denfant

(1) B Debreacute et S Agacinski laquo Faut-il leacutegaliser les megraveres porteuses en France raquo Le Figaro Magazine du samedi 10 novembre 2007 p 50

34

(2) G David laquo Don et utilisation du sperme raquo in Actes du colloque Geacuteneacutetique procreacuteation et

droit Actes sud 1985 p 205 G-M Faure Le deacutesir denfant agrave leacutepreuve du droit Essai sur le droit de la procreacuteation meacutedicalement assisteacutee Thegravese Universiteacute de Lille 1992 p 7

(3) G Lebreton Liberteacutes publiques et droits de lhomme 6e eacuted Armand Colin 2003 p 262

(4) CE 22 janvier 1988 Lebon 1988 p 37

(5) La Cour de cassation a enteacuterineacute la position de la cour dappel de Paris pour laquelle laquo ni laltruisme du comportement de la megravere de substitution ni le caractegravere deacutesinteacuteresseacute des activiteacutes de lassociation ne sont propres agrave faire disparaicirctre lilliceacuteiteacute qui frappe laccord litigieux raquo Cass civ 1re 13 deacutecembre 1989 Bull civ I no 387 Defreacutenois 1990 art 34802 no 55 obs J-L Aubert D 1990 p 273 JCP eacuted G 1990 II 21526 note A Seacuteriaux propos recueillis par C Slobodansky laquo Le droit doit limiter les progregraves de la science raquo LPA du 7 mai 2004 no 92 p 60

(6) laquo La convention par laquelle une femme sengage fucirct-ce agrave titre gratuit agrave concevoir et porter un enfant pour labandonner agrave sa naissance contrevient tant au principe dordre public de lindisponibiliteacute du corps humain quagrave celui de lindisponibiliteacute de leacutetat des personnes raquo Cass ass pleacuten 31 mai 1991 Bull civ ass pleacuten no 4 Defreacutenois 1991 art 35142 no 103 obs J-L Aubert Defreacutenois 1991 art 35088 no 67 note J Massip RTD civ 1991 p 517 obs D Huet-Weiller et p 489 note M Gobert M Gobert laquo Reacuteflexions sur les sources du droit et les

principes dindisponibiliteacute du corps humain et de leacutetat des personnes agrave propos de la materniteacute de substitution raquo RTD civ 1992 p 489 et s speacutec p 501 dans ce sens v deacutejagrave les remarques de P Murat laquo Laction de lordonnance du 4 juillet 2005 sur la possession deacutetat raquo Dr Famille 2006 eacutetude no 6 speacutec no 7 V aussi J Massip laquo Linsertion dans le Code civil de dispositions relatives au corps humain agrave lidentification geacuteneacutetique et agrave la procreacuteation meacutedicalement assisteacutee raquo Defreacutenois 1995 art 35975 et 35992

(7) En ce sens V Depadt-Sebag laquo De la neacutecessiteacute dune reacuteforme de larticle 16-7 du Code civil relatif agrave linterdiction de gestation pour autrui raquo RGD meacuted 2004 no 12 p 135 et s

(8) Art 227-12 et s C peacuten

(9) CA Paris 1re feacutevrier 2001 RTD civ 2001 p 347 obs J Hauser Cass civ 1re 9 deacutecembre 2003 Bull civ I no 252 p 201 CA Rennes 4 juillet 2002 D 2002 p 2904

(10) Cass civ 1re 20 feacutevrier 2007 Defreacutenois 2007 art 38595 no 45 obs J Massip

(11) V Depadt-Sebag laquo De la neacutecessiteacute dune reacuteforme de larticle 16-7 du Code civil relatif agrave linterdiction de gestation pour autrui raquo preacutec no 12 p 135 et s

(12) L no 2004-800 du 6 aoucirct 2004 relative agrave la bioeacutethique JO du 7 aoucirct 2004 p 14040 J Massip art preacutec

(13) Dans ce sens v M Gobert laquo Reacuteflexions sur les sources du droit et les principes dindisponibiliteacute du corps humain et de leacutetat des personnes agrave propos de la materniteacute de substitution raquo preacutec p 489 et s speacutec p 513

(14) V Depadt-Sebag laquo De la neacutecessiteacute dune reacuteforme de larticle 16-7 du Code civil relatif agrave linterdiction de gestation pour autrui raquo preacutec no 12 p 135 et s E Camuzet La convention de gestation pour autrui une illeacutegaliteacute franccedilaise injustifieacutee Meacutemoire Lille 2 Universiteacute du droit et de la santeacute 2005-2006 p 55

(15) A Mayer-Jack laquo Les conventions relatives agrave la personne physique raquo Rev crit leacutegisl et jurispr 1993 p 6

(16) G Meacutemeteau laquo Une distinction est opeacutereacutee sur la reacutefeacuterence des donneacutees acquises de la science agrave la date des soins par opposition agrave la notion erroneacutee de donneacutees actuelles de la science raquo note sous Cass civ 1re 6 juin 2000 JCP eacuted G 2001 II 10447

(17) Cass civ 1re 13 deacutecembre 1989 Bull civ I no 387 Defreacutenois 1990 art 34815 rapp J Massip D 1990 p 273 JCP eacuted G 1990 II 21526 note A Seacuteriaux

35

(18) Communication J Bernard et comm J Massip Defreacutenois 1990 art 35088 no 67 note J

Massip F Terreacute note sous Cass ass pleacuten 31 mai 1991 JCP eacuted G 1991 II 21752 dans ce sens v les remarques de P Murat laquo Laction de lordonnance du 4 juillet 2005 sur la possession deacutetat raquo preacutec eacutetude no 6 speacutec no 7 G Kessler laquo La consolidation de situations illicites dans linteacuterecirct de lenfant raquo Dr Famille no 7 juillet 2005 Etude 16

(19) TGI Lille 22 mars 2007 D 2007 no 18 p 1251 note X Labbeacutee B Edelman et C Labrusse-Riau note sous CA Paris 15 juin 1990 JCP eacuted G 1991 II 21653

(20) V Larribau-Terneyre note sous CA Pau 19 feacutevrier 1991 D 1991 juris p 380

(21) J Massip laquo Megravere porteuse et deacutecheacuteance de lautoriteacute parentale raquo LPA du 29 octobre 2003 no 216 p 10 Cass ass pleacuten 31 mai 1991 Bull civ ass pleacuten no 4 Defreacutenois 1991 art 35088 no 67 p 948 obs J Massip D 1991 p 417 rapport Y Chartier note D Thouvenin JCP eacuted G 1991 II 21752 communication J Bernard concl H Dontenwille note F Terreacute RTD civ 1991 p 517 obs D Huet-Weiller

(22) J Rubellin-Devichi laquo Materniteacute de substitution qui est la megravere raquo note sous CA Rennes 4 juillet 2002 JCP eacuted G 2003 I 101 C Ducomte laquo La vraie querelle des megraveres porteuses raquo httppagesperso-orangefrmax-christianducomtemereindexhtm

(23) Propos de Mme F Dekeuwer-Deacutefossez lors de son audition devant le preacutesident M Bloche pour la mission dinformation sur la famille (procegraves-verbal du 5 octobre 2005)

(24) J Hauser obs in RTD civ 1999 p 372 F Dekeuwer-Deacutefossez note sous Cass ass pleacuten 31 mai 1991 D 1992 somm p 59

(25) F Dekeuwer-Deacutefossez laquo Les droits de lenfant raquo D 1992 somm p 59 E Poisson-Drocourt laquo Recours agrave une megravere de substitution et refus de ladoption raquo D 2004 p 2001

(26) J-J Lemouland laquo Le tourisme procreacuteatif raquo LPA 2001 no 62 p 24 F Dekeuwer-Deacutefossez laquo Le lien parental raquo LPA du 1er juillet 2004 no 131 p 70 F Granet note sous CA Rennes 4 juillet 2002 D 2002 p 2904

(27) CA Aix-en-Provence 12 mars 2002 Juris-Data no 2002-190443 A Seacuteriaux laquo Droit naturel et procreacuteation artificielle quelle jurisprudence raquo D 1985 chron p 53 J Massip laquo Le nouveau droit de la filiation raquo Defreacutenois 2006 art 38303 p 13

(28) CA Rennes 4 juillet 2002 JCP eacuted G 2003 I 101 note J Rubellin-Devichi

(29) laquo Si le principe structurant de lautoriteacute parentale est linteacuterecirct de lenfant deacutetermineacute in concreto le droit de la filiation nappreacutecie en revanche jamais linteacuterecirct concret dun enfant preacutecis mais linteacuterecirct geacuteneacuteral de lenfant in abstracto raquo A Gouttenoire laquo A chacun sa famille agrave chacun son droit raquo Dr Famille no 7 juillet 2006 Alerte 41

(30) E Camuzet La convention de gestation pour autrui une illeacutegaliteacute franccedilaise injustifieacutee art preacutec p 52

(31) P Raynaud laquo Un abus de ladoption simple les couples adoptifs raquo D 1983 chron p 39 H Gaumont-Prat laquo Pas dadoption pour les enfants issus de convention de megravere porteuse raquo RLDC no 5 mai 2004 p 31 laquo Le rejet dans le non-droit des enfants neacutes dans des circonstances qui deacuterangent la socieacuteteacute relegraveve du deacuteni de la reacutealiteacute porteur de nombreux effets pathogegravenes et injustes raquo

(32) J Rubellin-Devichi laquo Materniteacute de substitution qui est la megravere raquo note sous CA Rennes 4 juillet 2002 preacutec I 101 C Ducomte laquo La vraie querelle des megraveres porteuses raquo preacutec P Raynaud laquo Un abus de ladoption simple les couples adoptifs raquo art preacutec chron p 39 G Kessler laquo La consolidation de situations illicites dans linteacuterecirct de lenfant raquo art preacutec Etude 16

(33) F Dekeuwer-Deacutefossez laquo Reacuteflexion sur les mythes fondateurs du droit contemporain de la famille raquo RTD civ 1995 p 269 E Camuzet La convention de gestation pour autrui une illeacutegaliteacute franccedilaise injustifieacutee art preacutec p 66 A Ponsard rapport sous Cass civ 1re 16

36

novembre 1982 JCP eacuted G 1983 II 19954 M-T Meulders-Klein laquo Le droit agrave lenfant face au

droit de lenfant et les procreacuteations meacutedicalement assisteacutees raquo RTD civ 1988 p 645 F Terreacute Lenfant de lesclave Geacuteneacutetique et droit Flammarion 1987 p 128

(34) Convention de New York du 26 janvier 1990 Charte des droits fondamentaux de lUnion europeacuteenne du 7 deacutecembre 2000 Deacuteclaration universelle des droits de lhomme de 1789 Convention internationale des droits de lenfant de 1989

(35) Cass ass plegraven 31 mai 1991 Bull civ ass plegraven no 4 Defreacutenois 1991 art 35142 no 103 obs J-L Aubert et art 35088 no 67 p 948 obs J Massip D 1991 p 417 rapport Y Chartier note D Thouvenin JCP eacuted G 1991 II 21752 communication J Bernard concl H Dontenwille note F Terreacute RTD civ 1991 p 517 obs D Huet-Weiller

(36) Cass civ 1re 24 feacutevrier 2006 Bull civ I no 101 p 95 Defreacutenois 2006 art 38415 no 40 p 1067 obs J Massip D 2006 juris p 897-900 obs D Vigneau T Anatrella laquo Adoption et homoparentaliteacute leacuteclairage des droits de lhomme raquo Dr Famille 2003 no 10 p

8-10 agrave lidentique dans un arrecirct du 22 janvier 1992 D 1993 p 119 note J Vassaux la cour dappel de Poitiers a prononceacute ladoption simple dun enfant neacute dune convention de megravere porteuse au motif que laquo cette adoption nest pas seulement conforme agrave linteacuterecirct de lenfant mais encore constitue une neacutecessiteacute qui deacutecoule des reacutealiteacutes de la vie issues derreurs des adultes dont lenfant ne doit pas subir les conseacutequences raquo

(37) G Kessler laquo La consolidation de situations illicites dans linteacuterecirct de lenfant raquo art preacutec eacutetude no 16 M-T Meulders-Klein laquo Le droit agrave lenfant face au droit de lenfant et les procreacuteations meacutedicalement assisteacutees raquo art preacutec p 645

(38) Cass civ 1re 18 mai 2005 Bull civ I no 211 p 179 V Depadt-Sebag laquo Non-lieu dans une affaire de materniteacute pour autrui raquo D 2005 p 476 J Massip laquo Megravere porteuse et deacutecheacuteance de lautoriteacute parentale raquo art preacutec no 216 p 11 F Terreacute Lenfant de lesclave Geacuteneacutetique et droit op cit adde F Terreacute et D Fenouillet Droit civil Les personnes la famille les incapaciteacutes 6e eacuted Preacutecis Dalloz no 926 M Lamarche laquo Inteacuterecirct supeacuterieur de lenfant de ladmission des effets dune convention de megravere porteuse agrave la destruction du droit franccedilais de la filiation raquo Dr Famille novembre 2007 no 11

(39) M Donnier laquo Linteacuterecirct de lenfant raquo D 1959 chron p 27 F Laroche-Gisserot note sous Cass civ 1re 27 mai 1998 D 1998 p 530 F Millet laquo Ladoption dun inteacuterecirct agrave lautre raquo RRJ 2003-3 p 1777 et s A Gouttenoire laquo A chacun sa famille agrave chacun son droit raquo art preacutec Alerte 41

(40) Par la loi no 2007-293 du 5 mars 2007 reacuteformant la protection de lenfance (JO du 6 mars 2007 Defreacutenois 2007 Leacuteg p 282) le leacutegislateur a inteacutegreacute la notion dinteacuterecirct de lenfant dans le Code de laction sociale et des familles Le nouvel article L 112-4 dudit code dispose que laquo Linteacuterecirct de lenfant la prise en compte de ses besoins fondamentaux physiques intellectuels sociaux et affectifs ainsi que le respect de ses droits doivent guider toutes deacutecisions le concernant raquo

(41) Amendement no 48 rect Protection de lenfance no 3184 Assembleacutee nationale 22 deacutecembre 2006 wwwassemblee-nationalefr v aussi sur lensemble de ces questions les consideacuterations tregraves eacuteclairantes de P Murat note sous CA Rennes 4 juillet 2002 D 2002 p 2902 Dr Famille 2002 comm no 142 note P Murat

(42) F Granet-Lambrechts laquo Materniteacutes de substitution filiation et eacutetat civil Panorama europeacuteen raquo Dr Famille no 12 deacutecembre 2007 eacutetude no 34

(43) D Youf Penser les droits de lenfant PUF 2002 p 2

(44) G Cornu La famille 6e eacuted no 7 J Carbonnier Droit civil t 4 Les obligations PUF coll Theacutemis no 372 p 649

(45) D Fenouillet et P de Vareilles-Sommiegraveres La contractualisation du droit de la famille Economica 2001

37

(46) H Gaumont-Prat laquo Pas dadoption pour les enfants issus de convention de megravere porteuse raquo art preacutec p 31

(47) E Poisson-Droccourt laquo Recours agrave une megravere de substitution et refus de ladoption raquo art preacutec p 2001 note sous Cass civ 1re 9 deacutecembre 2003 G Delaisi de Perseval laquo Gestation pour autrui en quecircte de leacutegitimation raquo httpwwwliberationfr

(48) C Neirinck laquo Les filiations eacutelectives agrave leacutepreuve du droit raquo JCP eacuted G 1997 I 4067 E Camuzet laquo La convention de gestation pour autrui une illeacutegaliteacute franccedilaise injustifieacutee raquo art preacutec p 59

(49) J Hauser et D Huet-Weiller Traiteacute de droit civil La famille Fondation et vie de la famille 2e eacuted LGDJ 1993 p 250

(50) B Debreacute et S Agacinski laquo Faut-il leacutegaliser les megraveres porteuses en France raquo art preacutec p 50 C Atias D 1986 chron p 67

Civ 1egravere

13 deacutecembre 1989

Ndeg de pourvoi 88-15655

Publieacute au bulletin

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Attendu selon les juges du fond que lrsquoassociation ldquo Alma Mater ldquo a pour objet de faciliter la

solution des problegravemes qui se posent aux couples dont la femme est steacuterile deacutesireux

drsquoaccueillir un enfant agrave leur foyer et aux ldquo megraveres porteuses ldquo volontaires qursquoil est proposeacute agrave

la ldquo megravere porteuse ldquo drsquoecirctre inseacutemineacutee artificiellement par la semence du mari ou du concubin

de porter et de mettre au monde lrsquoenfant qui sera deacuteclareacute sur les registres de lrsquoeacutetat civil sans

indication du nom de la megravere reconnu par le pegravere et accueilli au foyer de celui-ci en vue de

son adoption par lrsquoeacutepouse ou la compagne que lrsquoassociation intervient tout au long de ce

processus qualifieacute de ldquo precirct drsquouteacuterus ldquo ou de ldquo don drsquoenfant ldquo qursquoainsi apregraves avoir controcircleacute la

reacutealiteacute de la steacuteriliteacute du couple demandeur et des faculteacutes de feacutecondation de la ldquo megravere porteuse

ldquo geacuteneacuteralement recruteacutee par elle lrsquoassociation fait proceacuteder agrave lrsquoinseacutemination surveille la

grossesse et lrsquoaccouchement srsquooccupe de faire diligenter la proceacutedure drsquoadoption qursquoelle

verse ensuite agrave la megravere une somme forfaitaire - qui en 1987 eacutetait fixeacutee agrave 60 000 francs -

remise par le couple demandeur degraves le deacutebut de la grossesse que lrsquoarrecirct confirmatif attaqueacute

(Aix-en-Provence 29 avril 1988) estimant que cette association avait un objet illicite

contraire aux lois et aux bonnes moeurs en a prononceacute la nulliteacute sur le fondement de lrsquoarticle

3 de la loi du 1er juillet 1901

Sur le moyen unique pris en sa premiegravere branche

Attendu que lrsquoassociation ldquo Alma Mater ldquo fait grief agrave la cour drsquoappel drsquoavoir ainsi statueacute alors

que selon le moyen nrsquoest ni illicite ni contraire aux bonnes moeurs lrsquoassociation qui dans un

but humanitaire non lucratif met en relation un couple demandeur dont la femme est steacuterile et

38

une femme qui accepte drsquoecirctre inseacutemineacutee artificiellement par le mari de porter lrsquoenfant et de le

remettre agrave la naissance agrave ce couple qui lrsquoindemnisera des contraintes et de la gecircne occasionneacutee

par la grossesse de sorte que la juridiction du second degreacute aurait violeacute les articles 3 et 7 de la

loi du 1er juillet 1901

Mais attendu qursquoil reacutesulte des constatations des juges du fond que lrsquoobjet mecircme de

lrsquoassociation est de favoriser la conclusion et lrsquoexeacutecution de conventions qui fussent-elles

verbales portent tout agrave la fois sur la mise agrave la disposition des demandeurs des fonctions

reproductrices de la megravere et sur lrsquoenfant agrave naicirctre et sont donc nulles en application de lrsquoarticle

1128 du Code civil que ces conventions contreviennent au principe drsquoordre public de

lrsquoindisponibiliteacute de lrsquoeacutetat des personnes en ce qursquoelles ont pour but de faire venir au monde un

enfant dont lrsquoeacutetat ne correspondra pas agrave sa filiation reacuteelle au moyen drsquoune renonciation et

drsquoune cession eacutegalement prohibeacutees des droits reconnus par la loi agrave la future megravere que

lrsquoactiviteacute de lrsquoassociation qui tend deacutelibeacutereacutement agrave creacuteer une situation drsquoabandon aboutit agrave

deacutetourner lrsquoinstitution de lrsquoadoption de son veacuteritable objet qui est en principe de donner une

famille agrave un enfant qui en est deacutepourvu que crsquoest degraves lors agrave bon droit que lrsquoarrecirct attaqueacute a

deacutecideacute sur le fondement de lrsquoarticle 3 de la loi du 1er juillet 1901 que cette association eacutetait

nulle en raison de lrsquoilliceacuteiteacute de son objet que la premiegravere branche du moyen est donc sans

fondement

Et sur les deuxiegraveme et troisiegraveme branches du moyen

Attendu qursquoil est fait grief agrave la cour drsquoappel de nrsquoavoir pas reacutepondu aux conclusions faisant

valoir drsquoune part que lrsquointerdiction du ldquo don de gestation ldquo constituait une discrimination

fondeacutee sur la naissance contraire aux dispositions de lrsquoarticle 24 du pacte international relatif

aux droits civils et politiques signeacute agrave New York le 19 deacutecembre 1966 et drsquoautre part que ce ldquo

don de gestation ldquo reposait sur le droit leacutegitime de fonder une famille qui implique le droit

drsquoengendrer reconnu tant par lrsquoarticle 12 de la convention europeacuteenne des droits de lrsquohomme

et des liberteacutes fondamentales du 4 novembre 1950 que par lrsquoarticle 23 du pacte international

preacuteciteacute

Mais attendu que la reconnaissance du caractegravere illicite de la materniteacute pour autrui et des

associations qui srsquoefforcent de la promouvoir qui se deacuteduit des principes geacuteneacuteraux du Code

civil et de regravegles qui sont communes agrave toutes les filiations nrsquoest pas de nature agrave instaurer une

discrimination fondeacutee sur la naissance que le droit de se marier et de fonder une famille

reconnu par lrsquoarticle 12 de la convention du 4 novembre 1950 et par lrsquoarticle 23 du pacte

international du 19 deacutecembre 1966 agrave lrsquohomme et agrave la femme en acircge nubile nrsquoimplique pas le

droit de conclure avec un tiers des conventions portant sur le sort drsquoun enfant agrave naicirctre que

par ces motifs de droit reacutepondant aux conclusions invoqueacutees lrsquoarrecirct se trouve leacutegalement

justifieacute et que les deuxiegraveme et troisiegraveme branches du moyen ne peuvent ecirctre accueillies

PAR CES MOTIFS

REJETTE le pourvoi

Publication Bulletin 1989 I Ndeg 387 p 260

Deacutecision attaqueacutee Cour drsquoappel drsquoAix-en-Provence du 29 avril 1988

39

Cour de cassation Assembleacutee pleacuteniegravere

Audience publique du 31 mai 1991

Ndeg de pourvoi 90-20105 Publieacute au bulletin

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Sur le pourvoi dans lrsquointeacuterecirct de la loi formeacute par M le Procureur geacuteneacuteral pregraves la Cour de

Cassation

Vu les articles 6 et 1128 du Code civil ensemble lrsquoarticle 353 du mecircme Code

Attendu que la convention par laquelle une femme srsquoengage fucirct-ce agrave titre gratuit agrave concevoir

et agrave porter un enfant pour lrsquoabandonner agrave sa naissance contrevient tant au principe drsquoordre

public de lrsquoindisponibiliteacute du corps humain qursquoagrave celui de lrsquoindisponibiliteacute de lrsquoeacutetat des

personnes

Attendu selon lrsquoarrecirct infirmatif attaqueacute que Mme X eacutepouse de M Y eacutetant atteinte drsquoune

steacuteriliteacute irreacuteversible son mari a donneacute son sperme agrave une autre femme qui inseacutemineacutee

artificiellement a porteacute et mis au monde lrsquoenfant ainsi conccedilu qursquoagrave sa naissance cet enfant a

eacuteteacute deacuteclareacute comme eacutetant neacute de Y sans indication de filiation maternelle

Attendu que pour prononcer lrsquoadoption pleacuteniegravere de lrsquoenfant par Mme Y lrsquoarrecirct retient

qursquoen lrsquoeacutetat actuel des pratiques scientifiques et des moeurs la meacutethode de la materniteacute

substitueacutee doit ecirctre consideacutereacutee comme licite et non contraire agrave lrsquoordre public et que cette

adoption est conforme agrave lrsquointeacuterecirct de lrsquoenfant qui a eacuteteacute accueilli et eacuteleveacute au foyer de M et

Mme Y pratiquement depuis sa naissance

Qursquoen statuant ainsi alors que cette adoption nrsquoeacutetait que lrsquoultime phase drsquoun processus

drsquoensemble destineacute agrave permettre agrave un couple lrsquoaccueil agrave son foyer drsquoun enfant conccedilu en

exeacutecution drsquoun contrat tendant agrave lrsquoabandon agrave sa naissance par sa megravere et que portant atteinte

aux principes de lrsquoindisponibiliteacute du corps humain et de lrsquoeacutetat des personnes ce processus

constituait un deacutetournement de lrsquoinstitution de lrsquoadoption la cour drsquoappel a violeacute les textes

susviseacutes

PAR CES MOTIFS

CASSE ET ANNULE mais seulement dans lrsquointeacuterecirct de la loi et sans renvoi lrsquoarrecirct rendu le

15 juin 1990 par la cour drsquoappel de Paris

REQUETE DE M LE PROCUREUR GENERAL PRES LA COUR DE CASSATION

Le Procureur geacuteneacuteral pregraves la Cour de Cassation a lrsquohonneur drsquoexposer

- Que par jugement du 28 juin 1989 le tribunal de grande instance de Paris a rejeteacute la requecircte

preacutesenteacutee par Mme X eacutepouse Y tendant agrave lrsquoadoption pleacuteniegravere de lrsquoenfant Z deacuteclareacutee

comme eacutetant neacutee de M Y mari de la requeacuterante sans indication de filiation maternelle

- Que pour ne pas faire droit agrave cette requecircte les premiers juges ont retenu que les eacutepoux Y

pour remeacutedier agrave la steacuteriliteacute de leur couple avaient eu recours agrave lrsquoassociation Alma Mater

aujourdrsquohui dissoute lrsquoenfant eacutetant neacute drsquoune megravere de substitution qui lrsquoa abandonneacute agrave la

naissance pratique deacuteclareacutee illicite

- Que sur appel de Mme Y la premiegravere chambre civile section C de la cour drsquoappel de

Paris a par arrecirct du 15 juin 1990 infirmeacute la deacutecision entreprise et prononceacute lrsquoadoption

pleacuteniegravere solliciteacutee par la requeacuterante

- Qursquoau soutien de leur deacutecision devenue deacutefinitive les juges du second degreacute ont tireacute de nos

principes geacuteneacuteraux relatifs agrave la filiation des regravegles drsquoordre public concernant les contrats et de

40

certaines conventions ou deacuteclarations internationales des conclusions contraires agrave celles

auxquelles eacutetait parvenue votre premiegravere chambre civile de la Cour de Cassation qui dans un

cas de figure pratiquement identique a par arrecirct du 13 deacutecembre 1989 (association Alma

Mater contre procureur geacuteneacuteral Aix-en-Provence) reconnu le caractegravere illicite de la materniteacute

pour autrui et les associations qui srsquoefforcent de la promouvoir

- Qursquoil importe en cette matiegravere particuliegraverement sensible qui touche agrave un deacutelicat problegraveme de

socieacuteteacute et drsquoeacutethique que soit mis fin agrave des divergences jurisprudentielles majeures et que la

seacutecuriteacute juridique soit assureacutee

PAR CES MOTIFS

Vu lrsquoarticle 17 de la loi du 3 juillet 1967 relative agrave la Cour de Cassation

Requiert qursquoil plaise agrave la Cour de Cassation

CASSE ET ANNULE sans renvoi et dans le seul inteacuterecirct de la loi lrsquoarrecirct rendu le 15 juin 1990

par la cour drsquoappel de Paris ayant fait droit agrave la requecircte en adoption pleacuteniegravere preacutesenteacutee par

Mme X eacutepouse Y

Publication Bulletin 1991 AP Ndeg 4 p 5

Deacutecision attaqueacutee Cour drsquoappel de Paris du 15 juin 1990

Page 9: SEANCE_3 Droit Civil Methodologie

9

lenfant Lenfant est appeleacute agrave voir souvent sa tante qui est aussi sa megravere par le sang tandis

quil est eacuteleveacute par une megravere sociologique

Par suite larrecirct commenteacute est inteacuteressant en ce quil confirme la position de la Cour de

cassation dans un cas plus classique un contrat a eacuteteacute passeacute entre un couple et une femme sans

relation avec le couple qui sest fait inseacuteminer par les gamegravetes du mari a porteacute lenfant et sest

engageacutee agrave labandonner agrave sa naissance afin quil ne soit reconnu que par le mari et quil soit

adopteacute par sa femme Il est probable quil y a eu une contrepartie financiegravere Le plus souvent

la megravere porteuse est pousseacutee agrave louer son ventre par deacutetresse financiegravere

Le contrat initial est tenu secret sauf si la megravere de substitution refuse dabandonner lenfant

Lannuler comme le prescrit lart 16-7 c civ permet agrave cette derniegravere de garder lenfant

Sinon le contrat reste occulte Cest au moment de la demande dadoption que peut apparaicirctre

lentreprise globale vicieacutee agrave sa source Souvent elle passe inaperccedilue Cest toute la difficulteacute

de la situation Refuser de prononcer ladoption est la seule sanction civile de quelque

efficaciteacute

Une autre particulariteacute de lespegravece meacuterite decirctre souligneacutee Mme X a preacutesenteacute sa requecircte aux

fins dadoption onze ans et demi apregraves la naissance de lenfant Ne faut-il pas tenir compte de

la situation de fait qui sest creacuteeacutee Lenfant a eacuteteacute eacuteleveacute par le couple pendant de longues

anneacutees Dans linteacuterecirct de lenfant on pourrait peut-ecirctre eacutetablir sa filiation maternelle par le

recours agrave la possession deacutetat mais cela ne serait en tout eacutetat de cause possible que dans un

cas comme celui-ci

La reacuteprobation de la materniteacute pour autrui peut ecirctre aussi atteinte par une autre voie il existe

aussi des sanctions peacutenales Aux termes de lart 227-12 nouveau c peacuten laquo le fait de

provoquer soit dans un but lucratif soit par don promesse menace ou abus dautoriteacute les

parents ou lun dentre eux agrave abandonner un enfant neacute ou agrave naicirctre est puni de six mois

demprisonnement et de 7500 euros raquo sans compter eacuteventuellement des peines

compleacutementaires Ce texte ne peut eacutevidemment sappliquer quagrave des faits posteacuterieurs agrave son

entreacutee en vigueur Il reprend toutefois en la preacutecisant lincrimination de lart 353-1 (2deg)

ancien c peacuten laquo Sera puni de dix jours agrave six mois demprisonnement et de 500 agrave 20 000 F

damende [] toute personne qui aura fait souscrire ou tenteacute de faire souscrire par les futurs

parents ou lun deux un acte aux termes duquel ils sengagent agrave abandonner lenfant agrave naicirctre

qui aura deacutetenu un tel acte en aura fait usage ou tenteacute den faire usage raquo Six mois

demprisonnement mecircme avec sursis paraissent excessifs et lamende est insuffisante Le

parquet pourrait neacuteanmoins mettre en oeuvre ces textes afin de dissuader les couples de

recourir agrave la materniteacute de substitution (18) plutocirct quagrave une veacuteritable adoption La

condamnation peacutenale aurait lavantage de faire tomber la sanction sur les couples sans

atteindre lenfant On pourrait alors songer agrave la possession deacutetat pour rattacher lenfant agrave la

femme qui la eacuteleveacute pendant de longues anneacutees comme ceacutetait le cas en lespegravece La

possession deacutetat permettrait deacutetablir une filiation maternelle naturelle Pourrait-elle aussi

faire acqueacuterir agrave lenfant la qualiteacute denfant leacutegitime La possession deacutetat joue alors

indivisiblement agrave leacutegard des deux parents (art 321 c civ) alors que la reconnaissance qui a

eacuteteacute faite par le mari atteste la qualiteacute denfant naturel de celui-ci

Dautre part il convient de sattaquer aux intermeacutediaires Par son arrecirct preacuteciteacute du 13 deacutec 1989

la Cour de cassation a confirmeacute la nulliteacute dune association en raison de lilliceacuteiteacute de son objet

de mettre en rapport des couples avec des megraveres de substitution Le gouvernement franccedilais

interdit semblables associations mais des personnes continuent certainement agrave sentremettre agrave

cet effet Elles tombent sous lincrimination de lart 227-12 al 3 nouveau c peacuten Est puni

dun an demprisonnement et de 15 000 euros damende laquo le fait dans un but lucratif de

sentremettre entre une personne ou un couple deacutesireux daccueillir un enfant et une femme

acceptant de porter en elle cet enfant en vue de le leur remettre raquo Lorsque ces faits ont eacuteteacute

10

commis agrave titre habituel ou dans un but lucratif les peines sont doubleacutees Les personnes

morales peuvent en ecirctre deacuteclareacutees responsables (art 227-14) et sont passibles de sanctions

approprieacutees preacutevues aux art 131-38 et 131-39 Lart 353-1 (1deg) ancien c peacuten eacutetait moins net

mais incriminait aussi celui qui avait dans un espoir de lucre provoqueacute les parents ou lun

deux agrave abandonner leur enfant agrave naicirctre Lactiviteacute des intermeacutediaires est hautement

condamnable Il convient donc de leur appliquer les sanctions civiles et peacutenales que contient

notre droit agrave leur eacutegard

Une difficulteacute suppleacutementaire pour sanctionner la materniteacute de substitution tient agrave ce quon a

appeleacute le tourisme procreacuteatif car les Franccedilais vont chercher les femmes qui se livrent agrave ce

commerce dans des pays voisins toleacuterants (19) Il en est ainsi en Angleterre comme le

teacutemoigne larrecirct de la Cour de cassation du 23 avr 2003 (20) Bien que non abordeacute dans

cette derniegravere deacutecision il surgit alors une question de conflit de lois et il est possible aussi

quintervienne lordre public

Mots cleacutes ADOPTION Adoption pleacuteniegravere Materniteacute de substitution Prohibition Deacutetournement de

linstitution

CONTRAT ET OBLIGATIONS Objet Illiceacuteiteacute Materniteacute de substitution Megravere

porteuse Filiation adoptive

Recueil Dalloz 2005 p 536

Droits et liberteacutes corporels

Panorama de la leacutegislation de la jurisprudence et des avis des instances eacutethiques

Jean-Christophe Galloux Professeur agrave luniversiteacute de Pantheacuteon-Assas (Paris II)

Responsable du Centre de droit meacutedical

Heacutelegravene Gaumont-Prat Professeur agrave luniversiteacute de Picardie-Jules Verne Membre du

Comiteacute national dEthique

Lessentiel

Les articles 16 agrave 16-13 du code civil qui consacrent le cadre du statut juridique du corps

humain depuis les lois dites laquo bioeacutethiques raquo du 29 juillet 1994 continuent deacutetendre leur

empire Les hypothegraveses quils ont vocation agrave reacutegir concernent autant les territoires

traditionnels de la biomeacutedecine que sont les tests et empreintes geacuteneacutetiques les procreacuteations

meacutedicalement assisteacutees ou des greffes dorganes pour ne citer que les principaux que des

champs nouveaux et parfois inattendus comme limage du corps le droit dasile

lassujettissement aux cotisations sociales ou les obligations scolaires Limportante reacutevision

des textes de 1994 par la loi ndeg 2004-800 du 6 aoucirct 2004 sest traduite par une eacuterosion de la

protection des droits et liberteacutes corporels individuels au profit de la liberteacute de la recherche

scientifique et des consideacuterations de solidariteacute comme en teacutemoigne notamment la deuxiegraveme

reformulation de larticle 16-3 relatif agrave linteacutegriteacute corporelle

I - Les donneacutees relatives au corps

A - Les tests et donneacutees geacuteneacutetiques

Les tests geacuteneacutetiques sont susceptibles de recouvrir diffeacuterentes finaliteacutes meacutedico-

professionnelles (meacutedecine curative preacutedictive preacutevention des risques professionnels) ou

sociales (emploi assurance) voire de deacutepistage preacutenatal (diagnostic preacutenatal et

preacuteimplantatoire) Leacutevolution observeacutee conduit agrave distinguer les tests geacuteneacutetiques qualifieacutes de

11

donneacutees personnelles ou de donneacutees de santeacute

1 - Donneacutees personnelles

Deux inteacuterecircts contradictoires sont pris en compte par le leacutegislateur ou les avis de diffeacuterentes

instances celui de la personne elle-mecircme et celui des tiers au titre de la solidariteacute sociale

a) La prise en compte de linteacuterecirct de la personne

1 Dans un souci de garantir un reacutegime juridique plus protecteur pour les personnes la loi ndeg

2004-800 du 6 aoucirct 2004 (art 4) relative agrave la bioeacutethique a proceacutedeacute agrave un toilettage des anciens

textes pour uniformiser les formulations retenues en remplaccedilant dans les diffeacuterents codes

concerneacutes (code civil code de la santeacute publique code peacutenal) lexpression laquo eacutetude geacuteneacutetique

des caracteacuteristiques raquo ou laquo meacutedecine preacutedictive raquo par laquo examen des caracteacuteristiques

geacuteneacutetiques raquo de la personne Sont ainsi modifieacutes larticle 16-10 du code civil les intituleacutes du

titre III du livre I de la premiegravere partie du code de la santeacute publique et la section 6 du chapitre

IV du titre II du code peacutenal

Deux raisons militaient en faveur de ce changement dune part la notion de meacutedecine

preacutedictive eacutetait trop eacutetroite car elle nautorisait pas le diagnostic dune maladie deacutejagrave deacuteclareacutee

Dautre part la terminologie preacuteceacutedemment utiliseacutee laquo eacutetude ou examen geacuteneacutetique des

caracteacuteristiques raquo dune personne est apparue trop restrictive Elle ne permettait pas de

garantir la protection de la personne agrave leacutegard dune eacuteventuelle utilisation abusive

dinformations geacuteneacutetiques obtenues agrave loccasion dinvestigations meacutedicales diverses non

speacutecifiquement geacuteneacutetiques comme par exemple une biopsie musculaire chez un myopathe de

Duchecircne leacutelectroforegravese de lheacutemoglobine pour le diagnostic de la dreacutepanocytose ou des

thalasseacutemies ou encore de lHLA 27 (selon le rapport de F Giraud Commission des Affaires

sociales Seacutenat 1re lecture ndeg 128 du 15 janv 2003 [2002-2003])

Le terme retenu agrave larticle 4 de loi vise agrave encadrer lensemble des examens de caractegravere

geacuteneacutetique et apparaicirct plus adapteacute agrave lobjectif de lencadrement fixeacute Une telle harmonisation

des terminologies utiliseacutees vient ainsi assurer la coheacuterence des pratiques

La loi a eacutegalement deacutecideacute de sanctionner peacutenalement outre le fait de proceacuteder agrave un examen

des caracteacuteristiques geacuteneacutetiques dune personne sans avoir recueilli preacutealablement son

consentement le fait de proceacuteder agrave un tel examen agrave des fins autres que meacutedicales ou de

recherche scientifique Les sanctions preacutevues agrave larticle 226-25 du code peacutenal demeurent

inchangeacutees un an demprisonnement et 15 000 euros damende

2 La loi ndeg 2004-800 du 6 aoucirct 2004 (art 5) met en exergue limportance accordeacutee agrave la

volonteacute en matiegravere dexamen des caracteacuteristiques geacuteneacutetiques dune personne la loi vient

compleacuteter la reacutedaction de larticle 16-10 alineacutea 2 en posant lexigence dun consentement

mieux encadreacute quauparavant et elle en organise ses modaliteacutes recueil du consentement

expregraves par eacutecrit reacutevocable sans forme agrave tout moment et eacuteclaireacute puisque la personne doit ecirctre

laquo ducircment informeacutee de sa nature et de sa finaliteacute lobligation dinformation devenant une des

conditions du recueil du consentement raquo (D Thouvenin La loi relative agrave la bioeacutethique ou

comment accroicirctre laccegraves aux eacuteleacutements biologiques dorigine humaine D 2005 Chron p

116 et p 172) La loi preacutevoit un nouvel article L 1131-1 au code de la santeacute publique qui

renvoie agrave ces dispositions preacuteciteacutees du code civil

3 La loi ndeg 2004-800 du 6 aoucirct 2004 (art 6) organise le reacutegime juridique des collections

deacutechantillons biologiques humains et des recherches geacuteneacutetiques mises en oeuvre agrave partir de

ces collections Cet article vise agrave concilier les droits des personnes preacuteleveacutees avec la neacutecessiteacute

12

de ne pas alourdir la tacircche des chercheurs dans des secteurs jugeacutes prometteurs Larticle L

1131-4 du code de la santeacute publique rappelle que la constitution et lutilisation de collections

deacutechantillons biologiques humains agrave des fins de recherche geacuteneacutetique relegravevent des dispositions

relatives agrave la conservation et agrave lutilisation des eacuteleacutements et produits du corps humain agrave des fins

de recherche scientifique et non des dispositions reacutegissant les recherches biomeacutedicales (telles

quissues de la loi Huriet)

4 Cest ensuite une protection renforceacutee agrave leacutegard des risques de discrimination lieacutes agrave la

reacutealisation de tests geacuteneacutetiques qui se voit affirmeacutee dans deux types de recommandations lune

europeacuteenne (Recommandations sur les implications des tests geacuteneacutetiques Office des

publications officielles des Communauteacutes europeacuteennes Bruxelles mai 2004) lautre

internationale (Elaboration de la Deacuteclaration relative agrave des normes universelles en matiegravere de

bioeacutethique quatriegraveme eacutebauche de texte CIB UNESCO 15 deacutec 2004)

Le principe de non-discrimination en raison des caracteacuteristiques geacuteneacutetiques avait deacutejagrave eacuteteacute

inscrit agrave larticle 16-13 du code civil lors de la loi ndeg 2002-303 du 4 mars 2002 et il figure

eacutegalement dans la plupart des textes internationaux consacreacutes agrave ce sujet la Convention

dOviedo la Deacuteclaration universelle sur le geacutenome humain ainsi que la Charte des droits

fondamentaux de lUnion europeacuteenne

b) La prise en compte de linteacuterecirct du tiers

Larticle L 1131-1 alineacuteas 3 4 et 5 du code de la santeacute publique issu de la loi du 6 aoucirct 2004

envisage linteacuterecirct de la famille agrave propos dun test geacuteneacutetique reacutealiseacute sur une personne et traite de

linformation geacuteneacutetique familiale A la suite dun test geacuteneacutetique reacuteveacutelant une anomalie

geacuteneacutetique pouvant entraicircner chez les autres membres de la famille le deacuteveloppement dune

mecircme pathologie la personne concerneacutee ou le meacutedecin ont-ils une obligation dans linteacuterecirct

des tiers den informer la famille Doit-on envisager une simple obligation morale ou la

responsabiliteacute du patient qui par son silence aurait empecirccheacute deacuteviter lapparition dune telle

maladie

Cette interrogation sinscrit dans le deacutebat contemporain qui se deacuteveloppe progressivement sur

linteacuterecirct du tiers qui pourrait lemporter sur linteacuterecirct de la personne elle-mecircme

Ce problegraveme a eacuteteacute souleveacute lors des travaux parlementaires devant le Seacutenat en premiegravere lecture

agrave loccasion de laudition du Professeur A Munnich (chef du service de geacuteneacutetique meacutedicale de

lhocircpital Necker - Enfants malades directeur de recherche agrave INSERM) devant la Commission

des Affaires sociales le 4 deacutecembre 2002 Celui-ci suggeacuterait de reacutefleacutechir aux implications du

secret meacutedical sur la santeacute des membres de la famille dune personne atteinte dune affection

geacuteneacutetique

La prise en compte de linteacuterecirct du tiers avait deacutejagrave eacuteteacute eacutevoqueacutee avec prudence dans un avis du

Comiteacute consultatif national deacutethique (avis ndeg 70 du 13 deacutec 2001 laquo Consentement en faveur

dun tiers raquo) Le consentement en faveur ou au profit dun tiers met en jeu et parfois en

concurrence plusieurs principes lautonomie de la personne la bienfaisance agrave leacutegard du

tiers et la solidariteacute Lavis ndeg 70 rappelait que le deacutepistage envisageacute peut concerner le sujet

index mais eacutegalement dautres personnes les diffeacuterents laquo tiers raquo viseacutes dans lavis cest le cas

de certaines maladies infectieuses transmissibles et geacuteneacutetiques La deacutecouverte dun portage

infectieux chez une personne peut avoir des conseacutequences directes sur lopportuniteacute dun

deacutepistage effectueacute chez une autre personne qui aurait eacuteteacute exposeacutee Il en est ainsi par exemple

en cas de viol ou dexposition dun soignant agrave une contamination par le sang

13

La transmission des donneacutees geacuteneacutetiques dune personne au beacuteneacutefice dun tiers dont la parenteacute

biologique avec le sujet est eacutetablie peut ecirctre solliciteacutee dans un cas plus geacuteneacuteral en vue de

lobtention dinformations geacuteneacutetiques familiales compleacutementaires pour avoir une

caracteacuterisation preacutecise des anomalies voire la recherche systeacutematique de mutation dans une

famille agrave partir dun cas princeps afin de mettre en eacutevidence un risque geacuteneacutetique susceptible

decirctre preacutevenu ou non Lavis ndeg 70 du 13 deacutecembre 2001 soulignait que linteacuterecirct du tiers peut

ecirctre la connaissance de son statut par rapport agrave cette anomalie geacuteneacutetique la possibiliteacute lui

eacutetant donneacutee de pouvoir entreprendre une surveillance preacuteventive ou de se soumettre agrave une

theacuterapeutique dans un but curatif ou encore de choisir de ne pas la transmettre agrave sa

descendance

A loccasion de la reacutevision des lois de bioeacutethique le Comiteacute consultatif national deacutethique fut

solliciteacute par le ministre de la Santeacute sur lopportuniteacute dinscrire dans la loi la notion

dinformation geacuteneacutetique familiale doit-on envisager lobligation pour une personne

dinformer son entourage familial si a eacuteteacute deacutecouverte chez elle une preacutedisposition ou

lexistence dune maladie geacuteneacutetique grave pouvant faire lobjet pour les autres membres de la

famille dun traitement etou dune preacutevention efficaces Lavis ndeg 76 rendu le 24 avril 2003

laquo A propos de lobligation dinformation geacuteneacutetique familiale en cas de neacutecessiteacute meacutedicale raquo

privileacutegiait le maintien du secret meacutedical

Les donneacutees geacuteneacutetiques personnelles beacuteneacuteficient dune double protection donneacutees de santeacute

elles sont couvertes par le secret meacutedical et faisant partie de la sphegravere dintimiteacute de chaque

individu elles sont proteacutegeacutees au mecircme titre que toutes les donneacutees agrave caractegravere personnel par

le droit au respect de la vie priveacutee inscrit au code civil

Le nouvel article L 1131-1 du code de la santeacute publique issu de larticle 5 de la loi du 6 aoucirct

2004 sinscrit au contraire dans un mouvement favorable agrave une supreacutematie de la notion de laquo

solidariteacute normative raquo sur lintangibiliteacute du droit agrave lintimiteacute Dans le cas dune anomalie

geacuteneacutetique grave en cas de diagnostic poseacute lors de lexamen des caracteacuteristiques geacuteneacutetiques

dune personne le meacutedecin se doit dinformer celle-ci des risques que son silence ferait courir

aux membres de sa famille dans les cas ougrave des mesures de preacutevention ou de soins peuvent ecirctre

proposeacutees agrave ceux-ci Le texte preacutevoit une alternative laisseacutee agrave la personne concerneacutee soit elle

informe elle-mecircme les membres de sa famille soit elle opte pour la proceacutedure de

linformation meacutedicale agrave caractegravere familial expliciteacutee agrave larticle L 1131-1 du code de la santeacute

publique Les formaliteacutes de la transmission de linformation sont clairement deacutefinies Le

patient qui refuse agrave la fois de preacutevenir les membres de sa famille et de souscrire agrave la proceacutedure

de linformation meacutedicale agrave caractegravere familial ne va-t-il pas engager sa responsabiliteacute (V J-

R Binet La loi relative agrave la bioeacutethique Dr fam oct 2004 6 s)

2 - Donneacutees de santeacute

()

B - Les empreintes geacuteneacutetiques

Les empreintes geacuteneacutetiques moyen didentification des personnes font lobjet dun

encadrement speacutecifique selon le domaine viseacute civil ou peacutenal

1 - En matiegravere civile

1 Lidentification dune personne par ses empreintes geacuteneacutetiques est autoriseacutee par la loi agrave titre

de preuve judiciaire en matiegravere civile elle peut ecirctre ordonneacutee par le juge comme mesure

dinstruction dans certains procegraves mettant en jeu des actions relatives agrave la filiation ou des

14

actions agrave fins de subsides sous reacuteserve du recueil preacutealable expregraves du consentement de

linteacuteresseacute

Une deacutecision de la Cour dappel dAgen du 25 mars 2004 est rendue en application de larticle

16-11 alineacutea 2 du code civil dans le cadre dune action agrave fins de subsides La cour retient que

laquo sil ne peut ecirctre contesteacute que chacun a le droit au respect de son inteacutegriteacute physique larticle

16-11 du code civil preacutevoit expresseacutement lidentification dune personne au moyen de

lempreinte geacuteneacutetique [] raquo A deacutefaut davoir pu obtenir le consentement du deacutefendeur rendu

obligatoire par le mecircme texte la cour retient que si laquo les premiers juges deacutecidaient ainsi

justement que sil ne pouvait pas ecirctre fait grief agrave B de refuser une telle mesure leacutegale il

pouvait ecirctre tireacute toutes les conseacutequences de ce refus [] raquo La solution retenue est classique

Elle vient reacuteaffirmer le poids reconnu au recueil du consentement en matiegravere de respect du

corps humain et de linteacutegriteacute physique cette mesure ne peut ecirctre exeacutecuteacutee de force ou sous

astreinte En cas de refus le reacutegime geacuteneacuteral des mesures dinstruction est applicable en vertu

de larticle 11 alineacutea 1er et 198 du nouveau code de proceacutedure civile

Quen est-il du consentement sagissant de la demande de preacutelegravevement post-mortem

Le deuxiegraveme alineacutea de larticle 16-11 du code civil a eacuteteacute modifieacute par la loi du 6 aoucirct 2004

pour interdire toute identification post-mortem par empreintes geacuteneacutetiques en matiegravere civile

sauf accord expregraves manifesteacute de son vivant par la personne deacuteceacutedeacutee

Cette disposition destineacutee agrave renforcer la prise en compte de la volonteacute de la personne vient

mettre un terme agrave la question du preacutelegravevement post-mortem ordonneacute par une mesure judiciaire

dans le silence de la loi de 1994 la doctrine et la jurisprudence eacutetaient diviseacutees sur

linterpreacutetation agrave donner agrave lancien article 16-11 du code civil que laffaire Montand avait

meacutediatiseacute

Selon une premiegravere approche la reacutedaction de larticle 16-11 exigeait le consentement

preacutealable de la personne concerneacutee et ne pouvait sappliquer degraves lors agrave un deacutefunt le respect

ducirc aux morts sy opposait (CA Paris 17 deacutec 1998 D 1999 Jur p 476 note B Beignier 6

nov 1997 D 1998 Jur p 122 note P Malaurie Somm p 161 obs H Gaumont-Prat P

Malaurie et H Fulchiron Defreacutenois 2004 ndeg 821 p 333)

Selon une seconde approche lobligation de consentir fixeacute par larticle 16-11 ne concernait

que les vivants et il appartenait aux tribunaux den appreacutecier lopportuniteacute sagissant des

personnes deacuteceacutedeacutees (P Catala La jeune fille et le mort Dr fam 1997 Chron ndeg 12 J

Massip Defreacutenois 2002 art 37478)

2 Le juge des reacutefeacutereacutes peut-il ordonner une mesure dinstruction sur le fondement de larticle

145 du nouveau code de proceacutedure civile

Il a deacutejagrave eacuteteacute jugeacute que le juge des reacutefeacutereacutes ne peut sur le fondement de larticle 145 du nouveau

code de proceacutedure civile ordonner une mesure dinstruction tendant agrave lidentification dune

personne par ses empreintes geacuteneacutetiques mecircme avec laccord des parties (TGI Toulouse 25

janv 1995 Gaz Pal 1995 2 p 361 note Olivier CA Riom 19 juin 1997 D 1999 Somm

p 333 obs H Gaumont-Prat)

Avant le vote des lois de bioeacutethique de 1994 en matiegravere de filiation la Cour de cassation

(Cass 1re civ 4 mai 1994 Bull civ I ndeg 159 D 1994 Jur p 545 note J Massip D

1995 Somm p 113 obs F Granet-Lambrechts ) avait admis la possibiliteacute de recourir au

15

reacutefeacutereacute probatoire in futurum preacutevu agrave larticle 145 du nouveau code de proceacutedure civile pour

une expertise sanguine ou geacuteneacutetique degraves lors que se trouvaient respecteacutees les conditions

poseacutees par le texte (absence de procegraves au fond motif leacutegitime recherche ou conservation des

preuves) En lespegravece le demandeur faisait eacutetat de son inteacuterecirct leacutegitime en vue dappreacutecier les

chances de succegraves dune action en contestation de paterniteacute quil souhaitait intenter et

soulignait le risque de deacutepeacuterissement des preuves

Depuis 1994 la leacutegaliteacute dune mesure dinstruction destineacutee agrave eacutetablir la reacutealiteacute biologique de la

filiation gracircce aux empreintes geacuteneacutetiques est soumise agrave certaines conditions larticle 16-11

du code civil issu des lois bioeacutethiques de juillet 1994 se montre plus restrictif et pose

lexigence que la mesure dinstruction soit ordonneacutee par laquo le juge saisi dune action tendant

soit agrave leacutetablissement ou la contestation [] raquo formulation qui semble exclure de ce domaine

la proceacutedure de reacutefeacutereacute car seule une action au fond permettrait au juge dordonner une telle

mesure

Une deacutecision de la Cour dappel de Montpellier rappelle cette diffeacuterence de reacutegime pour

ordonner lexpertise biologique solliciteacutee dans le cadre dune action en reacutefeacutereacute aux motifs que laquo

la mesure dexpertise ne peut porter que sur des preacutelegravevements sanguins et non sur des

empreintes geacuteneacutetiques ces derniegraveres ne pouvant ecirctre ordonneacutees que par le seul juge saisi de

laction conformeacutement agrave larticle 16-11 du code civil raquo

Sachant que lexamen compareacute des sangs permet de donner des reacutesultats relativement fiables

en matiegravere de filiation au moins agrave titre indicatif permettant dappreacutecier les chances de succegraves

dune action en contestation ou en eacutetablissement de paterniteacute on peut degraves lors sinterroger sur

la peacuterenniteacute de cette dualiteacute de reacutegime Ne conviendrait-il pas de modifier les imperfections

reacutedactionnelles de larticle 16-11 alineacutea 2 pour autoriser eacutegalement le recours agrave la proceacutedure

de reacutefeacutereacute

3 La loi ndeg 2004-800 du 6 aoucirct 2004 (art 5) a modifieacute les conditions de lidentification dune

personne par ses empreintes geacuteneacutetiques agrave des fins meacutedicales ou de recherche scientifique

Comme pour lexamen des caracteacuteristiques geacuteneacutetiques agrave larticle 2 il sagit de garantir un

reacutegime du consentement plus protecteur pour les personnes et le texte reprend en partie la

teneur de larticle 16-10 en matiegravere dexamen des caracteacuteristiques geacuteneacutetiques recueil du

consentement expregraves par eacutecrit et preacutealable agrave la reacutealisation de lidentification reacutevocable sans

forme et agrave tout moment consentement eacuteclaireacute par lexigence de la communication de sa

finaliteacute

Le renforcement des droits de la personne saccompagne dun dispositif relatif aux conditions

dagreacutement aux fins de proceacuteder agrave lidentification dune personne agrave des fins meacutedicales ou agrave des

fins de recherche scientifique fixeacute par larticle L 1131-3 issu de la loi du 6 mai 2004

De la mecircme faccedilon un encadrement strict des conditions dagreacutement en matiegravere judiciaire est

mis en place avec le deacutecret ndeg 2004-471 du 25 mai 2004 qui vient modifier le deacutecret ndeg 97-

109 du 6 feacutevrier 1997 relatif aux conditions dagreacutement des personnes habiliteacutees agrave proceacuteder agrave

des identifications par empreintes geacuteneacutetiques dans le cadre dune proceacutedure judiciaire

1 - En matiegravere peacutenale

Un arrecirct de la Chambre criminelle de la Cour de cassation (22 juin 2004 Bull crim ndeg 164)

vient preacuteciser lapplication de larticle 706-56 du code de proceacutedure peacutenale issu de la loi ndeg

2001-1062 du 15 novembre 2001 (art 56 JO du 16 nov 2001) modifieacutee ensuite par la loi ndeg

2003-239 du 18 mars 2003 (art 29 JO du 19 mars 2003) et par la loi ndeg 2004-204 du 9 mars

16

2004 (art 49 JO du 10 mars 2004) en matiegravere dempreintes geacuteneacutetiques aux fins

didentification en matiegravere peacutenale Ce texte preacutevoit que le fait pour une personne

deacutefinitivement condamneacutee pour une des infractions viseacutees agrave larticle 706-55 de refuser de se

soumettre agrave un preacutelegravevement biologique destineacute agrave permettre lanalyse didentification de son

empreinte geacuteneacutetique est passible de sanctions peacutenales En lespegravece un homme condamneacute pour

viol avait refuseacute de se soumettre agrave un preacutelegravevement biologique en vue de son inscription au

fichier des empreintes geacuteneacutetiques et preacutetendait que le texte susviseacute ne sappliquait quaux

personnes deacutefinitivement condamneacutees apregraves son entreacutee en vigueur La cour dappel ne suit pas

cette argumentation et la Cour de cassation rejette le pourvoi aux motifs que ce texte

dapplication immeacutediate concerne toutes les personnes dont un preacutelegravevement est requis mecircme

si la condamnation est anteacuterieure agrave la loi

Les mesures viseacutees par ce texte sinscrivent dans la mise en place et le fonctionnement du

FNAEG le fichier national automatiseacute des empreintes geacuteneacutetiques destineacute notamment agrave

conserver dans un traitement automatiseacute les empreintes geacuteneacutetiques de lensemble des

personnes condamneacutees pour infractions sexuelles (Circ CRIM 00-8 F1 du 10 oct 2000 et

CRIM 01-15 E6 du 20 juill 2001) Un deacutecret ndeg 2004-470 du 25 mai 2004 modifiant le code

de proceacutedure peacutenale (2e partie deacutecrets en Conseil dEtat) relatif au fichier national

automatiseacute des empreintes geacuteneacutetiques vient compleacuteter le dispositif

C - Limage du corps

Limage du corps ou lapparence corporelle est classiquement proteacutegeacutee par le droit agrave limage

deacutecoulant de larticle 9 du code civil consacrant le droit au respect de la vie priveacutee et qualifieacute

de droit de la personnaliteacute (P Kayser in Meacutelanges Roubier p 73 T Hassler note sous TGI

Paris 15 avr 1987 D 1987 Jur p 551 F Dessemontet Le droit agrave sa propre image droit de

la personnaliteacute ou droit de la publiciteacute Meacutelanges en lhonneur de J-M Grossen) Cest le

droit pour toute personne dinterdire aux tiers la reproduction et la publication de son image

Limage du corps peut ecirctre appreacutehendeacutee de maniegravere plus originale par le recours agrave larticle 16

comme sinscrivant dans le domaine du droit au respect du corps humain et essentiellement

dans celui du respect de la digniteacute de la personne humaine On observe que le principe du

droit au respect du corps est proclameacute par le leacutegislateur en des termes semblables agrave ceux de

larticle 9 du code civil visant le respect de la vie priveacutee Il est vrai que laquo corps et vie priveacutee

repreacutesentent les deux faces de lintimiteacute dune personne raquo (J-C Galloux Le corps humain

dans le code civil in 1804-2004 Le code civil Un passeacute un preacutesent un avenir Dalloz 2004

p 381) Le recours agrave la notion de digniteacute de la personne humaine a eacuteteacute solliciteacute degraves 2001 dans

laffaire du preacutefet Erignac pour sanctionner la reproduction dans la presse de limage de son

cadavre (Cass 1re civ 20 deacutec 2000 J-P Gridel Retour sur limage du preacutefet assassineacute

digniteacute de la personne humaine et liberteacute de linformation dactualiteacute D 2001 Chron p 872

Jur p 885 Somm p 1990 obs A Lepage RTD civ 2001 p 329 obs J Hauser JCP

2001 II 10488 note J Ravanas)

1 Une deacutecision de la Cour dappel de Paris (1re ch B 23 sept 2004) consacre cette solution

en retenant que la liberteacute dexpression eacutetant une liberteacute fondamentale agrave valeur

constitutionnelle proteacutegeacutee par la Convention europeacuteenne des droits de lhomme et la

Deacuteclaration des droits de lhomme et du citoyen ses abus peuvent seulement ecirctre poursuivis

au nom dautres principes agrave valeur constitutionnelle comme le droit agrave reacuteparation de tout

preacutejudice subi ou la protection de la digniteacute de lhomme preacutevue par larticle 16 du code civil

2 Une deacutecision de la deuxiegraveme Chambre civile de la Cour de cassation (4 nov 2004) vient

confirmer cette dualiteacute Il sagissait en lespegravece dune photographie dun jeune homme de 17

17

ans gisant inanimeacute et agrave demi deacutevecirctu le visage ensanglanteacute victime dun accident de la

circulation alors quil pilotait un scooter Le clicheacute avait eacuteteacute pris par un hebdomadaire agrave grand

tirage pour illustrer un article intituleacute laquo Routes la guerre oublieacutee raquo consacreacute aux accidents de

la route

Les parents de ladolescent deacuteceacutedeacute des suites de laccident avaient assigneacute la socieacuteteacute eacuteditrice

de lhebdomadaire en reacuteparation arguant dune atteinte agrave la digniteacute de la personne ainsi

repreacutesenteacutee Les juges du fond avaient fait droit agrave la demande aux motifs que la liberteacute

dinformer revendiqueacutee par leacutediteur ne devait pas preacutevaloir sur le respect des droits de

lindividu sagissant dun article consacreacute agrave un pheacutenomegravene de socieacuteteacute La jurisprudence en la

matiegravere consacre en effet la liberteacute de communication des informations ainsi que la

publication dimages de personnes impliqueacutees dans un eacuteveacutenement sagissant deacuteveacutenements

dactualiteacute voire mecircme de faits dactualiteacute (Cass 2e civ 30 juin 2004 D 2004 IR p 2478

JCP 2004 II 10160 note D Bakouche) sous la seule reacuteserve du respect de la digniteacute

humaine (not absence de recherche du sensationnel et toute indeacutecence Cass 1re civ 20

feacutevr 2001 D 2001 Jur p 1199 note J-P Gridel Somm p 1990 obs A Lepage RTD civ

2001 p 329 note J Hauser Dr et patrimoine juin 2001 p 96 note G Loiseau 12 juill

2001 D 2002 Jur p 1380 note C Bigot Somm p 2298 obs L Marino RTD civ 2001

p 852 obs J Hauser JCP 2002 II ndeg 10152 note J Ravanas) Les diffeacuterentes deacutecisions

sont rendues au regard de latteinte agrave la vie priveacutee et du droit agrave limage sur le fondement de

larticle 9 (Cass 2e civ 5 mars 1997 D 1998 Jur p 474 note J Ravanas RTD civ 1997

p 396 obs J Hauser CA Versailles 31 janv 2002 Bull inf C cass 1er oct 2002 ndeg 983

D 2003 Somm p 1533 obs C Caron) voire sur le fondement de larticle 10 de la

Convention europeacuteenne des droits de lhomme (CEDH 3e sect 26 feacutevr 2002 Krone Verlag

c Austria req ndeg 34315)

Dans larrecirct susviseacute la Cour de cassation casse la deacutecision au visa des articles 10 de la

Convention europeacuteenne 9 et 16 du code civil Rappelant que laquo le principe de la liberteacute de la

presse implique le libre choix des illustrations dun deacutebat geacuteneacuteral de pheacutenomegravene de socieacuteteacute

sous la seule reacuteserve du respect de la digniteacute de la personne humaine [] raquo elle reproche agrave la

cour dappel de ne pas avoir laquo caracteacuteriseacute latteinte porteacutee par celle-ci [la photographie

litigieuse] agrave la digniteacute de la victime [] raquo

Le recours agrave larticle 16 du code civil selon lequel laquo la loi interdit toute atteinte agrave la digniteacute raquo

de la personne teacutemoigne de la proximiteacute des notions dimage (traditionnellement inscrite dans

le droit au respect de la vie priveacutee) et dapparence corporelle dont on perccediloit le lien avec la

notion de droit au respect du corps humain gouverneacute par larticle 16-1 prolongeant la

protection plus geacuteneacuterale fondeacutee sur la digniteacute inscrite agrave larticle 16 du code civil Nexiste-t-il

pas degraves lors une veacuteritable attraction de ces deux regravegles Les deux protections coexistent se

complegravetent et devraient favoriser le renforcement de la protection de limage de la personne

II - Le corps ses eacuteleacutements et ses produits

A - Regravegles geacuteneacuterales relatives au statut du corps humain

A leacutepoque contemporaine le corps humain devient de plus en plus un lieu de conflits

Conflits entre des normes juridiques de valeur comparable - autonomie de la volonteacute contre

solidariteacute sociale digniteacute des personnes contre liberteacute de la science - mais eacutegalement et de

maniegravere plus fondamentale conflits susciteacutes par des approches philosophiques et morales

diffeacuterentes sinon opposeacutees du corps humain Approches judeacuteo-chreacutetiennes qui le sacralisent

en linscrivant dans le mystegravere de lincarnation mateacuterialistes qui en nient la transcendance

utilitaristes precirctes agrave le sacrifier pour le bien-ecirctre collectif libertaires ou heacutedonistes qui

exaltent la liberteacute de lindividu agrave lencontre des contingences biologiques ou nen font que

18

linstrument de satisfaction des deacutesirs Le droit biomeacutedical se ressent de ces laquo oscillations de

la morale raquo (J Carbonnier Droit et passion du droit sous la Ve Reacutepublique Flammarion

1996 p 116) au risque de perdre peu agrave peu sa coheacuterence En teacutemoigne lapplication parfois

heacutesitante parfois jupiteacuterienne et souvent gecircneacutee des principes geacuteneacuteraux qui gouvernent le

statut du corps humain la protection de linteacutegriteacute corporelle et surtout lindisponibiliteacute ou

lextra-commercialiteacute du corps

1 - Protection de linteacutegriteacute corporelle

1 La loi du 6 aoucirct 2004 a modifieacute larticle 16-3 du code civil en ajoutant agrave la neacutecessiteacute laquo

meacutedicale raquo justifiant latteinte agrave linteacutegriteacute corporelle laquo agrave titre exceptionnel dans linteacuterecirct

theacuterapeutique dautrui raquo (art 9) Cette nouvelle extension de laccegraves aux ressources

biologiques corporelles au deacutetriment des droits de lindividu sur son corps (la premiegravere a eacuteteacute

consacreacutee par la loi ndeg 99-641 du 27 juill 1999 art 70 qui avait deacutejagrave substitueacute au terme laquo

theacuterapeutique raquo celui de laquo meacutedicale raquo afin de contrer linterpreacutetation neacutecessairement eacutetroite

quen avait fait la Cour de cassation dans son avis du 6 juill 1998 [D 1998 IR p 208 RTD

civ 1998 p 881 obs J Hauser] consideacuterant contraires agrave lart 16-3 les atteintes agrave linteacutegriteacute

du corps meneacutees agrave des fins purement contraceptives comme la ligature des trompes de Fallope

de telles atteintes sont deacutesormais licites car obeacuteissant agrave une finaliteacute meacutedicale mecircme si elles

tendent plus agrave preacutevenir ou agrave gueacuterir une maladie une grossesse neacutetant par elle-mecircme une

maladie) a davantage pour but dharmoniser les dispositions du code civil et celles du code de

la santeacute publique les preacutelegravevements reacutealiseacutes aux fins de greffes sur autrui ne pouvaient

certainement pas entrer dans les preacutevisions du texte dans sa reacutedaction anteacuteceacutedente Avec

lextension continue de la cateacutegorie des donneurs vivants (afin de pallier le deacuteficit chronique

de greffons en France cf infra) cette disposition est promise agrave un bel avenir (JOAN CR 2e

seacuteance 16 janv 2002)

2 Le titre III de la loi du 6 aoucirct 2004 apporte par ailleurs des modifications importantes agrave

larchitecture des preacutelegravevements deacuteleacutements du corps humain et par voie de conseacutequence aux

conditions dans lesquelles il peut ecirctre porteacute atteinte agrave linteacutegriteacute corporelle des donneurs

- lacte de preacutelegravevement est deacutesormais qualifieacute dlaquo acte de soin raquo au sens des articles L 1142-1

et suivants du code de la santeacute publique relatifs aux risques sanitaires reacutesultant du

fonctionnement du systegraveme de santeacute issus de la loi du 4 mars 2002 ce qui devrait ameacuteliorer

lindemnisation des victimes en cas daccident lors du preacutelegravevement

- le cercle des donneurs est eacutelargi (art L 1231-1 al 1er c santeacute publ)

- les modaliteacutes de recueil du consentement sont renforceacutees (mecircme art al 3)

- les finaliteacutes des preacutelegravevements sont mieux deacutefinies (par ex pour le sang art L 1211-8-1 c

santeacute publ) le patient pouvant controcircler une nouvelle utilisation des eacuteleacutements preacuteleveacutes

initialement pour dautres buts (not art L 1241-1 c santeacute publ) Les patients peuvent

eacutegalement sopposer agrave lutilisation des produits dexeacuteregravese et du placenta (art L 1235-2 et

1245-2 c santeacute publ) Pour les preacutelegravevements sur personne deacuteceacutedeacutee la regravegle mal veacutecue et

contourneacutee du consentement est ameacutelioreacutee obligeant le meacutedecin agrave recueillir aupregraves de ses

proches une eacuteventuelle opposition exprimeacutee par le deacutefunt de son vivant (art L 1232-1 c

santeacute publ) les proches se voyant reconnaicirctre le droit de connaicirctre les preacutelegravevements effectueacutes

3 Nonobstant les appels aux dons la peacutenurie de greffons saggrave en France selon

lEtablissement franccedilais des greffes qui constate une baisse des preacutelegravevements dorganes

(communiqueacute du 8 avr 2004) ce qui conduit lAcadeacutemie de meacutedecine agrave reacuteclamer de

19

nouvelles modifications reacuteglementaires afin dassouplir les regravegles de seacutelection des donneurs

(communiqueacute du 11 mai 2004) Cette situation ne doit toutefois pas conduire agrave des

discriminations ignoreacutees de la reacuteglementation sanitaire et contraires agrave notre tradition juridique

larrecirct du Conseil dEtat du 30 avril 2004 sen fait leacutecho En lespegravece un ressortissant

marocain en situation irreacuteguliegravere atteint dune grave insuffisance reacutenale chronique et inscrit

sur la liste des receveurs de greffes dorganes en vue dune transplantation reacutenale se voit

notifier une mesure de reconduite agrave la frontiegravere sur le fondement de larticle 25 de

lordonnance du 2 novembre 1945 Larrecircteacute deacutecidant cette reconduite est annuleacute comme

entacheacute dune erreur manifeste dappreacuteciation des conseacutequences de cet arrecircteacute sur la situation

personnelle de linteacuteresseacute car il ne pouvait pas beacuteneacuteficier dune opeacuteration de transplantation

dans son pays dorigine Peut-on voir dans cette solution tregraves humaine une application preacutecoce

du principe nouvellement inscrit dans le nouvel article L 1231-1 A c) du code de la santeacute

publique qui impose le respect du principe deacutequiteacute dans les regravegles de reacutepartition et

dattribution des greffons

4 La question des soins imposeacutes suscite toujours des questions deacutelicates autant sur un plan

humain quun plan juridique Le droit pour le patient majeur de donner lorsquil se trouve en

leacutetat de lexprimer son consentement agrave un traitement meacutedical comme le rappelle lalineacutea 2 de

larticle 16-3 revecirct le caractegravere dune liberteacute fondamentale (CE ord reacutef 16 aoucirct 2002 D

2004 Somm p 602 obs J Penneau RTD civ 2002 p 781 obs J Hauser) Larticle L

1111-4 du code de la santeacute publique tel quissu de la loi du 4 mars 2002 sur le droit des

malades prescrit que le pouvoir de deacutecision sexerce avec le professionnel de santeacute compte

tenu des informations et des preacuteconisations quil lui fournit le meacutedecin ne dispose plus

deacutesormais que dun pouvoir de conseil qui lui interdit de passer outre la volonteacute du patient

mecircme en cas durgence vitale Le meacutedecin doit respecter la volonteacute de la personne apregraves

lavoir informeacutee des conseacutequences de ses choix (il nest dailleurs pas obligeacute de la convaincre

Cass 1re civ 18 janv 2000 D 2001 Jur p 3559 note M-L Mathieu-Izorche) aucun acte

ni aucun traitement ne peut ecirctre pratiqueacute sans le consentement libre et eacuteclaireacute de la personne

consentement quelle peut retirer agrave tout moment Toutefois parmi les soins imposeacutes les

obligations de vaccination tiennent une place particuliegravere Bien accepteacutees par le public

lorsquelles furent introduites pour lutter contre des eacutepideacutemies dont chacun pouvait mesurer

autour de soi les effets deacutevastateurs (la premiegravere vaccination obligatoire remonte agrave la loi du 15

feacutevr 1902 F Moderne Le reacutegime juridique des vaccinations obligatoires AJDA 1965 p

195) ces mesures autoritaires encore nombreuses (contre la diphteacuterie art L 3111-1 c santeacute

publ le teacutetanos art L 3111-2 c santeacute publ la poliomyeacutelite art L 3111-3 c santeacute publ

la tuberculose art L 3111-4 c santeacute publ) sont aujourdhui contesteacutees au nom de la liberteacute

individuelle alors que ces grandes pandeacutemies ont peu agrave peu replieacute leurs ailes de mort sur

notre pays du moins Dans un arrecirct dAssembleacutee du 3 mars 2004 (Association Liberteacute

Information Santeacute RFDA 2004 p 581 concl comm du gouv G Le Chatelier AJDA

2004 p 971) le Conseil dEtat a eu loccasion de preacuteciser les pouvoirs reacuteglementaires dont

peut disposer le ministre de la Deacutefense pour imposer certaines vaccinations obligatoires

contrairement aux conclusions du commissaire du gouvernement il a admis que le ministre de

la Deacutefense en tant que chef de service peut imposer des vaccinations aux militaires placeacutes

sous son autoriteacute Si le principe dinteacutegriteacute du corps ne constitue pas en lui-mecircme un principe

agrave valeur constitutionnelle il concourt toutefois agrave assurer le respect du principe constitutionnel

de sauvegarde de la digniteacute de la personne humaine (Cons const 27 juill 1994 RJC p 100

B Edelman Le Conseil constitutionnel et lembryon D 1995 Chron p 205 Jur p 237 note

B Mathieu Somm p 299 obs L Favoreu) Cette expression essentielle et incarneacutee de la

liberteacute individuelle doit ecirctre concilieacutee avec des impeacuteratifs sociaux de santeacute dont la valeur nest

pas moindre La Haute juridiction administrative avait deacutejagrave eu loccasion de preacuteciser que les

20

dispositions imposant des vaccinations obligatoires si elles ont pour effet de porter une

atteinte limiteacutee aux principes dinviolabiliteacute et dinteacutegriteacute du corps humain voient leur mise en

oeuvre justifieacutee dans le but dassurer la protection de la santeacute dont le principe se trouve garanti

par le Preacuteambule de la Constitution de 1946 et sont proportionneacutees agrave cet objectif (CE 26 nov

2001 ALIS req ndeg 222741 RFDA 2002 p 65 concl comm du gouv S Boissard) Cest

normalement agrave la loi quil revient darbitrer entre ces deux principes Dans une autre affaire

(CA Pau 19 mars 2002 Dr fam 2004 ndeg 137 obs M S) des parents avaient eacuteteacute

condamneacutes agrave des peines contraventionnelles pour avoir soustrait leurs enfants agrave lobligation

vaccinale pour des raisons religieuses Ces deacutecisions ont eacuteteacute rendues alors que la loi du 4 mars

2002 sur le droit des patients neacutetait pas entreacutee en vigueur le renforcement de la liberteacute du

patient serait-elle de nature agrave assouplir les obligations vaccinales La jurisprudence de la

Cour europeacuteenne des droits de lhomme semble aller en ce sens (CEDH 9 juill 2002 ndeg

4219798 Salvetti c Italie une vaccination obligatoire en tant que traitement meacutedical non

volontaire constitue une ingeacuterence dans le droit au respect de la vie priveacutee reconnu par lart 8

sect 1 Conv EDH) Quil nous soit permis deacutemettre des reacuteserves sauf agrave ruiner toute la politique

de preacutevention mise en place par les autoriteacutes sanitaires depuis un siegravecle et dont les effets

salutaires ne sont pas contestables la reacutesistance des juridictions administratives qui sous-tend

larrecirct dAssembleacutee rapporteacute face aux derniers avatars dun certain extreacutemisme libertarien

dont le corps devient le bastion (pour un bon exposeacute de ces thegraveses Onfray Feacuteeacuteriques

anatomiques geacuteneacutealogie du corps faustien Grasset-Fasquelle 2003) montre que lhypothegravese

est ici bien diffeacuterente dun simple refus de soin comme dans le cas des transfusions elles ne

mettent en jeu que la vie du patient (sur cette derniegravere question B Mathieu De la difficulteacute

de choisir entre la liberteacute et la vie RGDM 2003 ndeg 9 p 97 A Garay Volonteacutes et liberteacutes

dans la relation meacutedecin-malade la mise agrave leacutepreuve des articles 16-3 du code civil et L

1111-4 du code de la santeacute publique RGDM 2003 ndeg 10 p 143)

5 Moins sujet agrave deacutebat larrecirct rendu par la Cour europeacuteenne (22 juill 2003 req ndeg 2420994

RD publ 2004 ndeg 3 p 826 note C Picheral) qui condamne la Turquie pour ingeacuterence dans

le droit au respect de la vie priveacutee reconnu par larticle 8 sect 1 de la Convention europeacuteenne

Dans cette affaire la plaignante avait subi un examen gyneacutecologique forceacute destineacute agrave prouver

agrave lissue de sa garde agrave vue quelle navait pas subi de violences sexuelles La Cour europeacuteenne

qui integravegre deacutesormais le respect du corps humain dans la sphegravere de la vie priveacutee fait ici une

application logique de larticle 8 dans la ligne de la jurisprudence preacuteceacutedemment citeacutee

2 - Indisponibiliteacute et extra-patrimonialiteacute du corps humain

6 Le principe dextra-patrimonialiteacute du corps humain se trouve repris par les articles 16-1

alineacutea 3 16-5 et 16-6 du code civil quil est parfois difficile de distinguer du principe

dindisponibiliteacute du corps humain que la jurisprudence fonde sur larticle 1128 du mecircme code

(Cass ass pleacuten 31 mai 1991 D 1991 Jur p 417 rapp Y Chartier note D Thouvenin) Si

la qualification dindisponibiliteacute a eacuteteacute eacutecarteacutee du vocabulaire des lois de 1994 et de 2004

comme par la doctrine dominante pour cause dambiguiumlteacute (D Fenouillet Respect et protection

du corps humain J-Cl civil art 16 agrave 16-12 fasc 12 ndeg 134 s) la jurisprudence y revient

parfois pour affirmer que le corps nest pas une chose dans le commerce Larrecirct de la Cour

dappel de Paris du 16 mai 2003 reacuteforme sur ce point un jugement du Tribunal des affaires de

seacutecuriteacute sociale de Paris du 5 juillet 2001 qui avait agrave tort exoneacutereacute une prostitueacutee du paiement

de la cotisation dallocations familiales des travailleurs indeacutependants au motif quanalyser une

activiteacute sexuelle reacutemuneacutereacutee comme un travail reviendrait agrave admettre que le commerce du

corps humain est leacutegal alors que leacutegaliser ce commerce aboutit agrave nier et agrave rejeter le principe

dindisponibiliteacute du corps humain La cour rappelle agrave bon droit que le commerce des relations

sexuelles nest pas en soi illicite seules eacutetant interdites certaines conditions dexercice de cette

21

activiteacute en tant quelles conduiraient aux infractions de racolage et de proxeacuteneacutetisme Affirmer

que lactiviteacute en cause na aucun lien avec lindisponibiliteacute du corps humain a quelque chose

de surreacutealiste le fait quelle ne soit pas peacutenalement reacuteprimeacutee nempecircche pas le caractegravere

illicite du contrat passeacute entre la prostitueacutee et son client (dans ce sens pour la nulliteacute dune

assurance souscrite par un proxeacutenegravete contre les accidents corporels freacutequents dans ce genre

dactiviteacutes CA Paris 22 janv 1992 Juris-Data ndeg 020308) Reste la justification de la

deacutecision par la relative autonomie du droit des prestations sociales larticle R 241-2 du code

de la seacutecuriteacute sociale vise toutes les activiteacutes non salarieacutees mecircme de caractegravere accessoire La

Chambre sociale de la Cour de cassation a deacutejagrave admis la prostitution au titre de ces activiteacutes

(18 mai 1995 D 1996 Somm p 38 obs X Preacutetot) eacutecarter les activiteacutes de prostitution de

lassiette des cotisations sociales ne serait-ce pas les encourager davantage au risque pour

lEtat de reprendre agrave son compte le ceacutelegravebre adage de Vespasien

7 Nous rappellerons encore larrecirct rendu par la premiegravere Chambre civile le 9 deacutecembre 2003

confirmant le rejet de ladoption pleacuteniegravere par la femme du pegravere dune enfant qui est le fruit

dune convention de megravere porteuse Lamie dun couple steacuterile avait accepteacute en 1987

dabandonner agrave sa naissance sans indication de filiation maternelle lenfant conccedilu des relations

intimes quelle avait eues avec leacutepoux La demanderesse au pourvoi soutenait que lilliceacuteiteacute de

la convention neacutetait pas eacutetablie par la jurisprudence et par la loi au moment des faits et quil

fallait prendre en consideacuteration pour ladoption pleacuteniegravere les douze anneacutees passeacutees par lenfant

aupregraves delle les inteacuterecircts de ce dernier primant la neacutecessiteacute de sanctionner la convention La

Cour de cassation confirmant sa jurisprudence du 31 mai 1991 (preacutec) et du 29 juin 1994 (D

1994 Jur p 581 note Y Chartier) rappelle laquo que la materniteacute pour autrui dont le caractegravere

illicite se deacuteduit des principes geacuteneacuteraux du code civil et aujourdhui de son article 16-7

reacutealise un deacutetournement de linstitution de ladoption que les premiers juges ont agrave bon droit

refuseacute raquo Prudemment la Haute juridiction neacutevoque pas la notion dindisponibiliteacute cet laquo

imaginaire de la doctrine raquo (M Gobert Reacuteflexions sur les sources du droit et les principes

dindisponibiliteacute du corps humain et de leacutetat des personnes RTD civ 1992 p 489) pour se

contenter logiquement de viser larticle 16-7 qui a vocation agrave sappliquer mecircme si le contrat

reste secret la graviteacute du vice initial de la materniteacute pour autrui contaminant toute adoption

ulteacuterieure

8 Le Tribunal administratif dAmiens dans sa deacutecision du 9 mars 2004 fait une application

discutable de la notion dextra-commercialiteacute des eacuteleacutements et des produits du corps humain

dans une hypothegravese ougrave cette qualification ne devait pas jouer Un couple perd ses embryons

congeleacutes in vitro en raison de la deacutefaillance du mateacuteriel de conservation imputable agrave un

eacutetablissement hospitalier Peut-il se preacutevaloir dun preacutejudice indemnisable dans le cadre de

laction en responsabiliteacute quil engage contre cet eacutetablissement La juridiction administrative

saisie admet la responsabiliteacute de la personne publique le mateacuteriel de conservation lui

appartenant eacutetant en cause mais sur la question de la reacuteparation du preacutejudice subi reacutepond de

maniegravere surprenante laquo si les eacutepoux peuvent se preacutevaloir de lexistence dun preacutejudice

mateacuteriel reacutesultant de la perte dovocytes les dispositions de larticle 16-1 du code civil selon

lesquelles le corps humain ses eacuteleacutements et ses produits ne peuvent faire lobjet dun droit

patrimonial sopposent agrave ce quils puissent en demander la reacuteparation en argent raquo et il

poursuit laquo les ovocytes surnumeacuteraires neacutetant pas des personnes ils ne sont pas fondeacutes agrave se

preacutevaloir dun preacutejudice moral reacutesultant selon eux de la perte decirctres chers raquo Le couple se

voit toutefois allouer 10 000 euros de dommages-inteacuterecircts pour les laquo troubles divers raquo dans

leurs conditions dexistence Si les ovocytes ne sont pas eacutevaluables en argent et si leur perte ne

peut donc pas justifier un preacutejudice mateacuteriel il nen va pas de mecircme dun preacutejudice moral

causeacute par leur perte (la perte dun animal domestique le justifie en droit civil ) et surtout le

22

preacutejudice reacutesultant de la perte dune chance de devenir parents pour un couple deacutejagrave acircgeacute et qui

rencontre des difficulteacutes pour procreacuteer degraves lors quaurait pu ecirctre eacutetablie la disparition par

leffet de la faute imputeacutee agrave leacutetablissement hospitalier de leacuteveacutenement favorable la

probabiliteacute de la naissance dun enfant (en droit meacutedical G Meacutemeteau Gaz Pal 1997 2

Doctr p 1367) La juridiction administrative a manqueacute une occasion de faire avancer le droit

biomeacutedical dans une affaire inattendue et hautement symbolique

B - Reacuteglementation des eacuteleacutements et les produits du corps

Prenant appui sur les principes geacuteneacuteraux gouvernant le statut du corps humain le reacutegime

juridique des eacuteleacutements et des produits biologiques dorigine humaine peut toutefois preacutesenter

des particulariteacutes

1 - La greffe de visage

9 Le Comiteacute consultatif national deacutethique dans son avis ndeg 82 du 6 feacutevrier 2004 eacutemet un

avis deacutefavorable au preacutelegravevement du visage dune personne deacuteceacutedeacutee ou en langage meacutedical agrave

lallotransplantation de tissus composites En deacutepit des besoins eacutevidents pour la chirurgie

reconstructive des victimes deacutefigureacutees agrave la suite daccidents ou de suicides manqueacutes le

Comiteacute consultatif considegravere que des obstacles dirimants subsistent actuellement pour

ladmission dun tel preacutelegravevement les perspectives de laquo reacuteussite raquo dune telle opeacuteration

demeurent tregraves theacuteoriques les risques de rejet des greffons eacutetant laquo extrecircmement graves raquo il

paraicirct par ailleurs fort deacutelicat de solliciter lautorisation de la famille du deacuteceacutedeacute pour effectuer

les preacutelegravevements la signification eacutethique particuliegravere du visage humain son lien intime agrave la

personnaliteacute et agrave lidentiteacute en font davantage quune piegravece anatomique Cette prudence sinscrit

dans le cadre des principes traditionnels du droit meacutedical la technique envisageacutee relevant

pour lheure davantage de lexpeacuterimentation que de la theacuterapeutique

2 - Les banques de sang de cordon ombilical

10 Les cellules heacutematopoiumleacutetiques preacutesentes dans le sang du cordon ombilical peuvent ecirctre

utiliseacutees pour le traitement de certaines maladies geacuteneacutetiques elles peuvent notamment

repeupler la moelle osseuse du patient et constituer une source de cellules sanguines offrant

ainsi une solution alternative agrave la greffe de moelle osseuse Des banques de ces cellules ont

eacuteteacute creacuteeacutees dans des institutions hospitaliegraveres et plus reacutecemment dans le secteur priveacute Ces

activiteacutes pour certaines agrave but lucratif suscitent eacutevidemment des questions juridiques et

eacutethiques Le Comiteacute national sest en France pencheacute sur ce problegraveme (avis ndeg 74 du 12 deacutec

2002) de mecircme que divers organismes de santeacute europeacuteens Le Groupe europeacuteen deacutethique

institueacute aupregraves du preacutesident de la Commission europeacuteenne a consacreacute agrave ce point son avis ndeg

16 rendu le 16 mars 2004 En substance les sages du Groupe europeacuteen critiquent vivement

louverture de cette activiteacute au secteur commercial degraves lors que les banques priveacutees noffrent

pas un laquo service utile en termes de possibiliteacutes theacuterapeutiques raquo (pt 21) et meacuteritent decirctre

eacutetroitement encadreacutees comme elles le seraient dailleurs en France Dun point de vue plus

geacuteneacuteral ces banques priveacutees de sang ombilical qui demeurent en veacuteriteacute assez marginales

posent la question des activiteacutes commerciales dans les secteurs sensibles de la santeacute qui nest

pas reacutesolue de maniegravere uniforme au sein de lUnion europeacuteenne Ladoption de

reacuteglementations telles que la directive CE ndeg 2004-23 du 31 mars 2004 concernant les aspects

de seacutecuriteacute et de qualiteacute pour les diffeacuterentes opeacuterations relatives aux eacuteleacutements biologiques

dorigine humaine va dans le sens de cette harmonisation

3 - Les normes europeacuteennes de qualiteacute et de seacutecuriteacute concernant les diffeacuterentes opeacuterations

relatives aux tissus et aux cellules humains

11 La directive CE ndeg 2004-23 du 31 mars 2004 constitue un texte important dans un secteur

ougrave lharmonisation communautaire tardait nonobstant le maillage reacuteglementaire existant en

23

matiegravere de meacutedicaments agrave usage humain (Dir CE ndeg 2001-83 du 6 nov 2001) Le texte

sapplique essentiellement aux eacuteleacutements biologiques destineacutes agrave lhomme ou agrave la fabrication de

produits manufactureacutes y compris pour des buts cosmeacutetiques agrave lexception des produits

destineacutes agrave des greffes autologues dans le cadre dune intervention chirurgicale unique du sang

et des produits sanguins (Dir CE ndeg 2002-98 du 27 janv 2002) des organes ou des parties

dorganes utiliseacutes aux mecircmes fins que lorgane entier dans le corps humain Les utilisations agrave

des fins de recherche sont eacutegalement exclues La directive sapplique en revanche aux gamegravetes

et aux cellules souches embryonnaires mais laisse aux Etats membres la faculteacute den autoriser

lutilisation Dune maniegravere geacuteneacuterale le texte communautaire nimpose pas de modegravele eacutethique

mais des obligations techniques dans un but de seacutecuriteacute sanitaire comprenant notamment la

mise en place dun systegraveme qualiteacute et de traccedilabiliteacute la deacutesignation dune personne responsable

mais il insiste cependant sur la gratuiteacute des dons et les exigences en matiegravere de consentement

La transposition qui ne devrait pas affecter de maniegravere sensible le cadre juridique franccedilais

actuel doit intervenir avant le 7 avril 2006

4 - Les cellules souches embryonnaires

12 Moins de deux mois apregraves ladoption de la reacutevision des lois bioeacutethiques et en application

de larticle 37 du nouveau texte qui autorise agrave titre transitoire avant la mise en place de

lAgence de la Biomeacutedecine les ministres concerneacutes agrave permettre limportation agrave des fins de

recherche de cellules souches embryonnaires humaines un deacutecret et un arrecircteacute (JO ndeg 228 du

30 sept 2004 p 16804) du 28 septembre 2004 viennent dy proceacuteder Les recherches sur ces

cellules fort contesteacutees il y a encore peu puisque la preacuteceacutedente autorisation dimportation de

cellules souches dorigine embryonnaire avait fait lobjet dun contentieux (TA Paris 21 janv

2003 D 2004 Somm p 532 obs H Gaumont-Prat LPA 2003 ndeg 196 p 7 note B

Pauvert) entrent donc rapidement dans la reacutealiteacute Ces souches importeacutees seront rapidement

supplanteacutees par pregraves de 50 000 embryons congeleacutes en France dont les geacuteniteurs ont renonceacute agrave

ce quils accegravedent agrave la naissance et qui vont pouvoir prochainement servir de mateacuteriel

dexpeacuterimentation comme la loi nouvelle lautorise deacutesormais

Mots cleacutes

PERSONNE HUMAINE Panorama 2004

Gazette du Palais 29 mai 2004 ndeg 150 P 15 - Tous droits reacuteserveacutes

Famille - Personnes

040412

ADOPTION Adoption pleacuteniegravere - Enfants pouvant faire lobjet dune adoption - Enfant neacute dune megravere

porteuse (non)

La materniteacute pour autrui dont le caractegravere illicite se deacuteduit des principes geacuteneacuteraux du Code

civil et aujourdhui de son article 16-7 reacutealise un deacutetournement de linstitution de ladoption

que les juges du fond ont donc agrave bon droit refuseacute de prononcer sans violer aucun des textes

invoqueacutes

C cass 1re civ 9 deacutecembre 2003 Mme X c Procureur geacuteneacuteral pregraves le Cour dappel de Y-

Pourvoi ndeg 0103927 Q - Rejet (C app Paris 1er feacutevrier 2001) - gr ndeg 1644P

NOTE

Reacuteiteacuteration de linterdiction dune adoption lieacutee agrave une procreacuteation pour le compte

dautrui -

24

Larrecirct rendu le 9 deacutecembre 2003 ne surprendra pas puisquil sinscrit dans la ligne traceacutee par

la Cour de cassation depuis 1989 confirmeacutee par la loi du 29 juillet 1994 relative au respect du

corps humain

En lespegravece Georges D et Denise M seacutetaient marieacutes le 15 deacutecembre 1962 et avaient eu un

enfant Fabrice neacute le 11 novembre 1966 Leacutepouse nayant pu avoir un deuxiegraveme enfant

pourtant vivement souhaiteacute le couple se serait adresseacute agrave une laquoamieraquo qui aurait accepteacute davoir

des relations intimes avec Georges D jusquagrave ce quelle conccediloive un enfant quil eacutetait convenu

de laisser degraves sa naissance au pegravere et agrave son eacutepouse

Cest ainsi que serait neacutee Sarah le 4 juillet 1987 qui fut deacuteclareacutee sur les registres de leacutetat civil

sans indication de filiation maternelle reconnue par Georges D puis recueillie aussitocirct par

celui-ci et son eacutepouse Cette derniegravere avait pris la preacutecaution de seacuteloigner de son domicile

pendant les derniers mois du deacuteveloppement in utero de lenfant afin que la substitution

maternelle soit ignoreacutee de lentourage des deux eacutepoux

Il sagissait donc bien selon les propres dires de Georges et Denise D dune materniteacute pour

autrui sans recours aux techniques modernes de procreacuteation meacutedicalement assisteacutee selon un

processus agrave la fois naturel et vieux comme le monde (1)

En janvier 1999 Denise D a saisi le Tribunal de grande instance dune requecircte en adoption

pleacuteniegravere de la fille de son mari

Le Tribunal par jugement du 8 deacutecembre 1999 puis la Cour dappel de Paris par arrecirct du 1er

feacutevrier 2001 ont rejeteacute sa demande au motif quen application des art 6 et 1128 C civ la

convention par laquelle une femme sengage agrave concevoir et agrave porter un enfant pour

labandonner agrave sa naissance est nulle car elle contrevient tant au principe dordre public de

lindisponibiliteacute du corps humain quagrave celui de lindisponibiliteacute de leacutetat des personnes et que

ladoption envisageacutee neacutetait que lultime phase dun processus illicite constitutif dun

deacutetournement de linstitution de ladoption

On reconnaicirctra lagrave les formules mecircmes employeacutees par la Cour de cassation notamment dans

son arrecirct dassembleacutee pleacuteniegravere du 31 mai 1991 (2) Il nest donc pas eacutetonnant que la Cour

suprecircme ait rendu un arrecirct de rejet dautant plus que sa jurisprudence a eacuteteacute conforteacutee par le

nouvel art 16-7 inseacutereacute dans le Code civil par la loi ndeg 94-653 du 29 juillet 1994 (3) qui

dispose que toute convention portant sur la procreacuteation ou la gestation pour le compte dautrui

est nulle

La Cour de cassation a bien entendu viseacute expresseacutement ce texte nouveau mais elle a tenu agrave

rappeler que le caractegravere illicite se deacuteduisait aussi des principes geacuteneacuteraux du Code civil

faisant ainsi implicitement reacutefeacuterence aux art 6 et 1128 de ce Code sur lesquels elle avait

preacuteceacutedemment fondeacute sa position

Le moyen de cassation tentait deacutechapper agrave la jurisprudence de la Cour suprecircme en se fondant

sur les circonstances de lespegravece et notamment sur le fait que la requecircte en adoption navait

eacuteteacute formeacutee que douze anneacutees apregraves la naissance de lenfant de sorte que lindivisibiliteacute entre la

materniteacute pour autrui et ladoption ne serait pas caracteacuteriseacutee Mais la Cour dappel avait

reacutepondu agrave cette argumentation en eacutenonccedilant que labandon de lenfant agrave naicirctre objet de

lobligation contracteacutee par la megravere biologique eacutetait destineacute agrave permettre que lenfant reconnu

par Georges D puisse ecirctre adopteacute par son eacutepouse et en soulignant que celle-ci avait dans le

mecircme but accepteacute linseacutemination dune autre femme par les gamegravetes de son mari et quelle

avait participeacute activement au processus en prenant toutes preacutecautions pour que la substitution

de materniteacute soit ignoreacutee des tiers

Denise D soutenait en outre que linteacuterecirct de lenfant retenu tant par lart 353 C civ que par

les art 3 et 21 de la Convention internationale des droits de lenfant devait primer sur le souci

de sanctionner lilliceacuteiteacute de la convention qui avait preacutesideacute agrave sa conception et agrave sa naissance

La Cour de cassation ne sest pas arrecircteacutee agrave cette argumentation pas plus quelle ne sy eacutetait

arrecircteacutee en 1991 pour elle lensemble de lopeacuteration est indivisible le deacutetournement de

25

linstitution de ladoption est caracteacuteriseacute et il convient de lutter contre la politique du fait

accompli (4) Laccepter au nom de linteacuterecirct de lenfant ne conduirait-il pas comme on la

souligneacute en doctrine (5) agrave admettre le commerce des enfants sous preacutetexte que bien souvent

ceux-ci y trouveraient beacuteneacutefice

(1) Selon la Bible Sarah eacutepouse dAbraham ne pouvant avoir denfant de lui lenvoya aupregraves

de son esclave eacutegyptienne Agar dont il eut un fils Ismaeumll Agar fut renvoyeacutee avec celui-ci

lorsque Sarah tregraves acircgeacutee mit au monde Isaac le fils de la promesse

Cest sans doute une coiumlncidence si nous trouvons aussi dans notre affaire une laquoSarahraquo qui

tient il est vrai un rocircle tout diffeacuterent de celui deacutevolu agrave son homonyme biblique

Lhistoire reacutevegravele eacutegalement des cas relativement freacutequents ougrave pour pallier agrave la steacuteriliteacute du

mari et pour permettre la continuation de la ligneacutee et la perpeacutetuation dun nom ou dun titre un

laquovaletraquo - souvent ensuite renvoyeacute - eacutetait chargeacute de feacuteconder leacutepouse Le proceacutedeacute eacutetait

juridiquement parfait dans la mesure ougrave par le jeu de la preacutesomption de paterniteacute le mari

devenait leacutegalement le pegravere de lenfant

(2) Cass ass pleacuten 31 mai 1991 Bull civ 1991 ndeg 4 Gaz Pal Rec 1991 panor cass p

162 [912144] D 1991 jur p 417 rapport Y Chartier note G Thouvenin JCP 1991 II

21752 comm J Bernard concl H Dontenwille note F Terreacute Defreacutenois 1991 art 35088

ndeg 67 p 948 obs J Massip RTD civ 1991 517 obs D Huet-Weiller Dans le mecircme sens

v Cass civ 1re 29 juin 1994 Bull civ 1994 I ndeg 226 Gaz Pal Rec 1995 jur p 36 note

J B [943856] D 1994 jur p 581 note Y Chartier JCP 1995 II 223621 note J Rubellin-

Devichi RTD civ 1994 p 842 obs J Hauser Defreacutenois 1995 art 36024 ndeg 4 p 315

obs J Massip

V aussi Cass civ 1re 13 deacutecembre 1989 Bull civ 1989 I ndeg 387 Gaz Pal Rec 1990

panor cass p 66 [901122] D 1990 jur p 273 rapport J Massip Defreacutenois 1990 art

34802 ndeg 55 p 743 obs J-L Aubert et art 34815 p 862 rapport J Massip et JCP 1990 II

21526 note A Seriaux Dans cette affaire la Cour de cassation avait proclameacute par des motifs

analogues agrave ceux adopteacutes par les arrecircts de 1991 et 1994 le caractegravere illicite de la materniteacute

pour autrui et des associations qui sefforcent de la promouvoir

(3) Sur cette loi v notamment notre commentaire in Defreacutenois 1975 art 35975 et 35922

speacutecialement en ce qui concerne lart 16-7 C civ le ndeg 9 de cette eacutetude p 72

(4) Sur ces divers points v notre note preacuteciteacutee sous Cass ass pleacuten 31 mai 1991

(5) Obs J Hauser sous larrecirct rendu le 1er feacutevrier 2001 par la Cour dappel de Paris dans le

preacutesente affaire in RTD civ 2001 347

AD2008DEF0291N1

Reacutepertoire du Notariat Defreacutenois 15 feacutevrier 2008 ndeg 3 P 291 - Tous droits reacuteserveacutes

FILIATION

38717 La convention de megravere porteuse

(Reacuteflexions sur les sources du droit et les principes dindisponibiliteacute du corps humain et de leacutetat des personnes)

Le droit franccedilais prohibe les conventions de megraveres porteuses

26

Malgreacute linterdiction leacutegale de nombreux couples ont chercheacute et cherchent encore agrave

contourner cette interdiction notamment en ayant recours agrave des megraveres de substitution dans

des pays eacutetrangers ougrave cette pratique est autoriseacutee

La Cour de cassation veille agrave ce que linstitution de ladoption ne soit pas deacutetourneacutee au profit

de ces parents

Dans un arrecirct du 25 octobre 2007 la cour dappel de Paris vient de reacuteouvrir le deacutebat non sur

le terrain de la convention mais sur celui de la non-transcription des actes de naissance et de

linteacuterecirct supeacuterieur de lenfant

Une excellente occasion de faire le point sur la question et de sinterroger pour lavenir avant

la reacutevision de la loi bioeacutethique en 2009

par Rabih CHENDEB

Docteur en droit

ATER agrave lUniversiteacute de Picardie Jules Verne

laquo La science va Elle est ineacuteluctable Ce quil faut cest la rendre eacutethique raquo (1)

Le droit positif franccedilais interdit de recourir aux megraveres porteuses si un couple conccediloit un

embryon in vitro qui est implanteacute dans luteacuterus dune tierce femme cest cette tierce femme

qui est la megravere selon la loi franccedilaise et les parents biologiques ne peuvent avoir aucun droit

mecircme en cas dabandon de lenfant agrave la naissance par la megravere porteuse La loi bioeacutethique de

1994 a interdit la gestation pour autrui car cela soulevait des questions

dinstrumentalisation et de commercialisation du corps de la femme

De nombreux couples en mal denfants ont depuis longtemps chercheacute agrave contourner les regravegles

notamment en ayant recours agrave des megraveres de substitution qui vivent dans des pays ougrave cette

pratique est autoriseacutee Jusquagrave preacutesent la Cour de cassation ne sy est jamais laisseacutee prendre et

condamnait ladoption faite par les parents de lenfant de la megravere porteuse consideacuterant quil

sagissait dun deacutetournement de linstitution de ladoption (I)

Le 25 octobre 2007 la cour dappel de Paris vient donner lespoir dune ouverture vers

lacceptation dans linteacuterecirct de lenfant de cette deacutemarche Cette deacutecision de la cour dappel

pourrait changer les choses en attendant la reacutevision de la loi bioeacutethique preacutevue en 2009 Une

chose est sucircre cet arrecirct a le meacuterite douvrir le deacutebat et de poser la question de linteacuterecirct de

lenfant comme exception agrave lindisponibiliteacute de leacutetat des personnes et agrave linterdiction de la

pratique des megraveres porteuses Une certaine eacutevolution des mentaliteacutes ainsi que la dispariteacute

entre la loi franccedilaise et dautres leacutegislations nationales pourraient donner lieu agrave un

assouplissement de cette leacutegislation (II)

I Lhostiliteacute du leacutegislateur et de la jurisprudence agrave leacutegard de la convention de megravere porteuse

Au siegravecle dernier seacutetaient deacuteveloppeacutees des associations ayant pour but de faire se rencontrer

des couples deacutesireux davoir un enfant et des femmes acceptant de le porter pour ensuite le

leur laquo ceacuteder raquo par contrat Pour des raisons plus ou moins louables le proceacutedeacute fut rapidement

condamneacute par le droit franccedilais (A) tout comme ladoption qui sen suivait (B)

27

A Le caractegravere illicite de la convention de megravere porteuse

La megravere porteuse met en effet agrave mal le scheacutema classique de la famille On affirmait en Droit

romain que la megravere eacutetait sucircre et que le pegravere eacutetait le mari Le Code napoleacuteon a enteacuterineacute cette

conception Dire que lenfant possegravede une megravere geacuteneacutetique et une megravere uteacuterine va agrave lencontre

de ses dispositions (2)

Pris au deacutepourvu le leacutegislateur franccedilais a tardeacute agrave reacuteagir face aux progregraves scientifiques Il en

est reacutesulteacute un vide juridique auquel la jurisprudence sest efforceacutee de faire face Devant cette

heacutesitation bien compreacutehensible du droit les ressources de la morale de la deacuteontologie et

surtout de la bioeacutethique ont eacuteteacute solliciteacutees (3) Le Conseil dEtat confronteacute aux associations

voulant intervenir dans ce domaine a ainsi prononceacute la dissolution de ces associations pour

objet illicite (4) Le 13 deacutecembre 1989 la premiegravere chambre civile de la Cour de cassation a

releveacute le principe dindisponibiliteacute du corps humain par une interpreacutetation a contrario de

larticle 1128 du Code civil qui dispose qu laquo il ny a que les choses qui sont dans le

commerce qui puissent ecirctre lobjet des conventions raquo La personne ne dispose pas de son

corps elle nen est pas proprieacutetaire (5) Le 31 mai 1991 lassembleacutee pleacuteniegravere de la Cour de

cassation vise les articles 6 1128 et 353 du Code civil afin daffirmer le caractegravere illicite de la

convention conclue entre une megravere porteuse et un couple steacuterile En effet ce contrat porte sur

deux corps humains la megravere et lenfant (6)

Rapidement le leacutegislateur est venu leacutegifeacuterer dans ce sens avec la loi no 94-653 du 29 juillet

1994 relative agrave la bioeacutethique pour que le Code civil reconnaisse le corps humain en tant que

tel Cette loi prend deacutesormais explicitement en compte le corps humain parce quil a voulu

promouvoir son respect face au deacuteveloppement des sciences biomeacutedicales Cette loi a entraicircneacute

la modification et la creacuteation darticles dans le Code civil et le Code peacutenal

Le principe du respect de la digniteacute de la personne humaine est poseacute par larticle 16 du Code

civil laquo La loi assure la primauteacute de la personne interdit toute atteinte agrave la digniteacute de celle-ci

et garantit le respect de lecirctre humain degraves le commencement de sa vie raquo Le nouvel article 16-1

preacutevoit que laquo Chacun a droit au respect de son corps Le corps humain est inviolable Le

corps humain ses eacuteleacutements et ses produits ne peuvent faire lobjet dun droit patrimonial raquo

Par conseacutequent selon larticle 16-5 laquo Les conventions ayant pour effet de confeacuterer une

valeur patrimoniale au corps humain agrave ses eacuteleacutements ou agrave ses produits sont nulles raquo De mecircme

quand une personne accepte de donner son sang ce ne peut ecirctre quagrave titre beacuteneacutevole Enfin

larticle 16-7 dispose mecircme laquo Toute convention portant sur la procreacuteation ou la gestation

pour le compte dautrui est nulle raquo (7)

En outre cette interdiction est assortie dune sanction peacutenale pouvant aller jusquagrave un an

demprisonnement et 15 000 euro damende pour celui qui sentremet ou tente de sentremettre

entre une personne ou un couple deacutesireux daccueillir un enfant et une femme acceptant de

porter en elle cet enfant en vue de le leur remettre Lorsque ces faits ont eacuteteacute commis agrave titre

habituel ou dans un but lucratif les peines sont porteacutees au double (8)

En deacutepit de la reacutesistance de quelques juges du fond qui ont admis ladoption la Cour de

cassation na pas infleacutechi sa position (9) Elle sest reacutecemment opposeacutee agrave ladoption simple

dun enfant par un couple homosexuel estimant cette adoption contraire agrave laquo linteacuterecirct supeacuterieur

de lenfant raquo (10)

28

Analyseacutes dans le contexte de ces deacutecisions les deux principes de lilliceacuteiteacute des conventions et

de lindisponibiliteacute du corps humain expriment une mecircme ideacutee la condamnation dune

convention qui porte sur le corps humain celui de lenfant agrave naicirctre et celui de la femme qui la

conccedilu et porteacute

Toutefois les motifs adopteacutes par la Cour de cassation savegraverent dune extrecircme faiblesse En

effet ces motifs sont lieacutes agrave lilliceacuteiteacute de lobjet des conventions agrave lindisponibiliteacute du corps

humain ainsi quagrave lindisponibiliteacute de leacutetat des personnes (11) Pourtant les lois dites laquo

bioeacutethiques raquo du 29 juillet 1994 puis la loi du 6 aoucirct 2004 (12) relative agrave la bioeacutethique ont

admis lutilisation des eacuteleacutements et des produits du corps humain agrave des fins theacuterapeutiques ou

scientifiques Effectivement une loi en date du 24 janvier 1953 deacutetermine laquo les tarifs de

cession du sang raquo Les dispositions sont aujourdhui dans le Code de la santeacute publique Degraves

lors on peut donner ses gamegravetes ses organes son sang Il semble que plus quune approche

anthropologique des sciences meacutedicales (qui conduiraient agrave une ineacutevitable instrumentalisation

du corps des hommes) il existerait ce que nous appelons une technoscience laquo de linvisible

raquo que seul le droit accepte de leacutegitimer (13)

Par ailleurs la terminologie employeacutee par le leacutegislateur de 1994 est eacuteloquente Cest

certainement parce que le principe dindisponibiliteacute du corps humain sest aveacutereacute irreacutealiste videacute

de sa substance par le nombre et limportance de ses exceptions que le leacutegislateur lui a preacutefeacutereacute

celui de non-patrimonialiteacute qui figure aujourdhui aux articles 16-1 16-5 et 16-6 du Code

civil Il est donc possible de disposer de son corps agrave titre de dons dans les limites de la loi

(14)

Pour conclure sur ce point il sera emprunteacute les propos de Mme Mayer-Jack laquo

Malheureusement si ce principe dindisponibiliteacute du corps humain possegravede les qualiteacutes trop

rares decirctre nettement formuleacute et universellement admis il apparaicirct agrave la reacuteflexion frappeacute dun

vice radical il se reacutevegravele contraire aux faits raquo (15)

B La nulliteacute de ladoption

En matiegravere de materniteacute de substitution lenfant reste au coeur du deacutebat Il est laquo lobjet raquo de la

convoitise du couple demandeur et lobjet de la convention En vue de permettre

leacutetablissement dune filiation adoptive deux processus eacutetaient suivis par lesdits couples

processus que la Cour de cassation sempressa dinterdire agrave son tour

1 Le contournement aveacutereacute de la loi par les couples restant en France

En effet le processus se deacuteroulait en trois eacutetapes dans un premier temps lembryon issu des

gamegravetes du couple ou du mari et de la femme porteuse eacutetait implanteacute dans luteacuterus de cette

derniegravere La megravere porteuse suivait sa grossesse normalement notamment au regard du suivi

meacutedical (16) Ensuite elle accouchait anonymement La leacutegislation autorise les

accouchements laquo sous X raquo et reconnaicirct ainsi aux parturientes le droit de ne pas ecirctre megraveres si

elles ne le deacutesirent ou ne le peuvent pas Le pegravere fournisseur de sperme quant agrave lui effectuait

une reconnaissance preacutenatale de lenfant A sa naissance il le reconnaissait Lenfant avait

donc un pegravere mais sans indication de la filiation maternelle Enfin leacutepouse de ce dernier

adoptait de maniegravere pleacuteniegravere lenfant Leacutetat de mariage de la megravere porteuse ne changeait rien

puisque laccouchement anonyme empecircchait que le mari soit consideacutereacute comme pegravere preacutesumeacute

29

Depuis larrecirct Alma Mater (17) nous savons que la convention de materniteacute de substitution

est nulle car contrevenant agrave lordre public (18) Mais jusqualors la jurisprudence avait eu le

soin de dissocier convention et adoption Toute convention portant sur la procreacuteation ou la

gestation pour le compte dautrui eacutetant nulle la convention de megravere porteuse ayant permis la

naissance de lenfant en cause est donc incontestablement frauduleuse Degraves lors la possession

deacutetat sur laquelle les demandeurs se fondent pour voir eacutetablir un lien de filiation leacutegitime agrave

leur profit et lacte de notorieacuteteacute quils ont ainsi obtenu sont eux-mecircmes vicieacutes et ne peuvent

donc permettre leacutetablissement dun tel lien Par ailleurs la Convention de New York sur les

droits de lenfant garantit notamment agrave celui-ci laccegraves agrave ses origines Or lapplication de la

convention frauduleuse aurait pour effet de consacrer un mensonge lacte de naissance qui

serait eacutetabli sur le fondement de cette convention aboutirait en effet agrave nier totalement les

conditions dans lesquelles lenfant a eacuteteacute conccedilu En conseacutequence les demandeurs ne pourront

se preacutevaloir de la possession deacutetat vicieacutee pour obtenir la retranscription de lacte de notorieacuteteacute

sur lacte de naissance de lenfant (19) Ainsi la prohibition de la convention a entraicircneacute dans

son sillage une impossibiliteacute dadoption par leacutepouse du pegravere (20) Il y a deacutetournement de

linstitution de ladoption pleacuteniegravere en ce que lenfant a eacuteteacute conccedilu pour ecirctre abandonneacute par sa

megravere et adopteacute par une autre (21)

Il en reacutesulte que cest labandon de lenfant qui rend impossible ladoption par leacutepouse du

mari Or labandon de lenfant constitue deacutejagrave une deacutemarche parfaitement licite et reacuteglementeacutee

par la loi Il suffit pour sen convaincre de lire attentivement les textes adeacutequats agrave savoir les

articles 61 et 62 du Code de la famille et de laide sociale 348-3 et 350 du Code civil et 1158

agrave 1163 du Code de proceacutedure civile Il suffit agrave la megravere et plus geacuteneacuteralement agrave la personne

investie des droits parentaux de confier 1enfant agrave un eacutetablissement ou agrave un service de laide

sociale agrave 1enfance (ASF) ou mecircme agrave un particulier puis de sen deacutesinteacuteresser

manifestement pendant une anneacutee nentretenant avec lui aucune relation neacutecessaire au

maintien de liens affectifs Le tribunal de grande instance peut degraves lors sauf agrave prendre en

consideacuteration le cas exceptionnel de grande deacutetresse du parent deacutefaillant deacuteclarer 1enfant

abandonneacute agrave la requecircte de tout inteacuteresseacute et notamment de leacutetablissement service ou famille

daccueil (22) laquo On cesse dinterdire une pratique non pas lorsquelle se deacuteveloppe mais

lorsquon ne sait plus pourquoi elle est interdite raquo (23)

Dailleurs une contradiction engendre ce refus dadoption En effet laquo consideacuterer ladoption

indissociable de la convention revient agrave ne voir lenfant que comme lobjet de cette convention

raquo (24) Ainsi les parents ont pu eacutetablir anteacuterieurement agrave la naissance le processus dont

ladoption est laquo lultime phase raquo Mais ce processus nest pas fait dans lintention de nuire agrave

lenfant Alors comment comprendre la seacuteveacuteriteacute afficheacutee de la Cour de cassation

Traiter lenfant comme une veacuteritable personne implique de dissocier la convention ougrave il

nintervient pas et ladoption dont il est partie prenante et mecircme partie principale Il faut

sinterroger sur son inteacuterecirct propre quitte agrave le confronter ensuite agrave ceux auxquels il soppose

(25)

2 Lexpansion du tourisme procreacuteatif

La dispariteacute des regravegles nationales agrave propos de la gestation pour autrui a conduit certains

couples agrave se rendre agrave leacutetranger pour pouvoir avoir recours agrave une megravere porteuse on parle

deacutesormais de laquo tourisme procreacuteatif raquo (26)

30

Lagrave encore le processus deacutebute par une inseacutemination artificielle mais les pays ayant leacutegaliseacute la

gestation pour le compte dautrui permettent par ailleurs que lembryon inseacutemineacute dans

luteacuterus de la femme soit issu de la rencontre des gamegravetes des deux parents demandeurs

Lenfant est donc geacuteneacutetiquement lenfant du couple Il a pour parent degraves sa naissance le

couple demandeur il porte leur nom et le preacutenom quils lui ont choisi Mais pour exister en

France il est neacutecessaire de recourir agrave une transcription sur les registres de leacutetat civil franccedilais

de lacte de naissance eacutetranger Lagrave encore la seacuteveacuteriteacute est de mise puisque le parquet de

Nantes qui a en charge la transcription des eacutetats civils venant de leacutetranger refuse

systeacutematiquement cette transcription qui nest pas conforme agrave la leacutegislation franccedilaise (27)

Les magistrats ont eacuteteacute confronteacutes agrave ces situations ougrave la megravere commanditaire deacutesirait eacutetablir un

lien de filiation entre elle et lenfant issu de la convention de materniteacute de substitution

Tel est par exemple le cas qui a eacuteteacute trancheacute par la cour dappel de Rennes le 4 juillet 2002

(28) Dans cet arrecirct la cour dappel a rejeteacute ladoption des enfants par un couple qui a conclu

en Californie une convention portant sur la gestation dun embryon issu de leurs propres

gamegravetes La cour relegraveve que laquo la loi franccedilaise ne donne pas une deacutefinition de la megravere raquo cette

notion est inscrite dans les mentaliteacutes depuis des siegravecles par ladage Mater semper certa est

Cest laccouchement qui deacutetermine la megravere et non la seule reacutealiteacute geacuteneacutetique

Cette jurisprudence installeacutee depuis le ceacutelegravebre arrecirct de lassembleacutee pleacuteniegravere du 31 mai 1991

constitue une atteinte directe agrave linteacuterecirct de lenfant Ce dernier est priveacute de toute filiation

maternelle leacutegalement reconnue et ce sans beacuteneacutefice pour personne (29)

Malheureusement en raison de cette solution les deux enfants sont acircgeacutes de sept ans et vivent

aupregraves de leur pegravere naturel et de sa compagne dont la materniteacute ne peut leacutegalement ecirctre eacutetablie

(30)

Cette jurisprudence preacutesente un point faible Selon larticle 353 du Code civil le tribunal de

grande instance saisi dune requecircte aux fins dadoption pleacuteniegravere veacuterifie si les conditions de

la loi sont remplies et si ladoption est conforme agrave linteacuterecirct de lenfant Or en loccurrence

le preacutetendu droit de lenfant ne coiumlncide pas avec son inteacuterecirct seul mis en avant dans 1article

353 du Code civil Le refus par la cour dappel de prononcer ladoption pleacuteniegravere a priveacute les

deux enfants (au nom de leur droit aussi eacuteminent que symbolique agrave la non-chosification) dun

avantage concret et primordial leur admission au statut denfants leacutegitimes de leurs vrais

parents geacuteneacutetiques (31) Simples enfants naturels ou adulteacuterins de leur pegravere ils demeureront

sans lien de filiation maternelle Un tel problegraveme meacuterite que les juridictions se penchent au

moins sur lui (32) La protection de linstitution de ladoption sopegravere au deacutetriment du droit

reconnu agrave lenfant deacutetablir sa filiation par le biais dune discrimination fondeacutee sur les

circonstances de sa naissance (33) La jurisprudence nous semble aller agrave lencontre des

engagements internationaux contracteacutes par la France (34)

II Leacutevolution des mentaliteacutes vers une leacutegislation plus souple

Jusquagrave preacutesent la jurisprudence a toujours interdit ladoption des enfants par des couples

ayant eu recours agrave la gestation pour autrui consideacuterant quil sagit dun deacutetournement de

linstitution de ladoption (35)

Un grand quotidien Libeacuteration reacutevegravele que la cour dappel de Paris a reconnu comme parents

leacutegitimes de jumelles un couple franccedilais ayant fait appel agrave une megravere porteuse ameacutericaine

31

Une chose est sucircre cet arrecirct a le meacuterite douvrir le deacutebat et de poser la question de linteacuterecirct de

lenfant comme exception agrave lindisponibiliteacute de leacutetat des personnes et agrave linterdiction de la

pratique des megraveres porteuses (A) Lorsque lon accepte une loi eacutetrangegravere qui a eacuteteacute appeleacutee au

secours pour contourner la loi franccedilaise la modification de la loi franccedilaise nest pas loin (B)

A Lassouplissement de la jurisprudence

Dans laffaire porteacutee devant la cour dappel de Paris que nous avons abordeacutee rapidement

preacuteceacutedemment un couple dont la femme ne peut assurer la gestation en raison dune

malformation congeacutenitale se rend en Californie ougrave il conclut une convention portant sur la

gestation dun embryon issu de leurs propres gamegravetes Des jumelles naissent de cette

convention Le droit californien fait abstraction du deacutefaut daccouchement La concubine est

inscrite comme megravere dans les registres de naissance de Californie Quelques semaines plus

tard le couple reconnaicirct les enfants en France Mais agrave leur retour dans lHexagone ils sont

placeacutes en garde agrave vue puis mis en examen pour laquo entremise entre une personne deacutesireuse

dadopter un enfant et un parent deacutesireux dabandonner son enfant neacute ou agrave naicirctre raquo et pour laquo

simulation ayant entraicircneacute une atteinte agrave leacutetat civil de lenfant raquo

En 2004 le juge dinstruction rend un non-lieu sur les poursuites peacutenales les faits seacutetant

deacuterouleacutes dans un pays ougrave cette pratique est leacutegale Le parquet a alors continueacute son offensive

sur le terrain civil et chercheacute agrave faire annuler la filiation et la transcription sur leacutetat civil Le

tribunal de grande instance a deacuteclareacute cette demande irrecevable en deacutecembre 2005 Une

deacutecision rendue par la cour dappel de Paris confirme ce jugement le 25 octobre dernier apregraves

avoir estimeacute que laquo La non-transcription des actes de naissances aurait des conseacutequences

contraires agrave linteacuterecirct supeacuterieur des enfants qui au regard du droit franccedilais se verraient priveacutes

dactes deacutetat civil indiquant leur lien de filiation y compris agrave leacutegard de leur pegravere biologique

raquo

La question sera deacutesormais soumise agrave la Cour de cassation qui a deacutejagrave pris des deacutecisions

progressistes dans des questions relatives au droit de la famille notamment dans linteacuterecirct de

lenfant Elle a ainsi fait le 24 feacutevrier 2006 un pas important vers la reconnaissance de

lhomoparentaliteacute en autorisant quun parent homosexuel deacutelegravegue tout ou partie de son

autoriteacute parentale agrave son partenaire avec lequel il vit en union stable agrave condition que cette

mesure soit prise dans linteacuterecirct supeacuterieur de lenfant (36)

Le plus important reacuteside dans le fait que la cour dappel de Paris a estimeacute que la non-

transcription sur les actes de naissance aurait des conseacutequences contraire agrave llaquo inteacuterecirct de

lenfant raquo Depuis longtemps linteacuterecirct de lenfant est au centre du droit de la famille et depuis

quelques anneacutees celui-ci devient veacuteritablement la pierre angulaire de cette discipline (37)

Dans un arrecirct du 18 mai 2005 la premiegravere chambre civile de la Cour de cassation preacutecise au

visa de larticle 3-1 de la Convention relative aux droits de lenfant que laquo dans toutes les

deacutecisions qui concernent les enfants linteacuterecirct supeacuterieur de lenfant doit ecirctre une

consideacuteration primordiale raquo (38) Mais que faut-il entendre par inteacuterecirct supeacuterieur de lenfant

(39)

Bien que le nouvel article L 112-4 du Code de laction sociale et des familles (40) et larticle

371-1 du Code civil semblent deacutefinir les eacuteleacutements constitutifs de cette notion llaquo inteacuterecirct de

lenfant raquo reste un concept assez flou que le leacutegislateur et les juges se gardent bien de deacutefinir

preacuteciseacutement on ne peut limiter linteacuterecirct supeacuterieur de lenfant agrave la protection de sa santeacute de sa

seacutecuriteacute et de sa moraliteacute Certes ces eacuteleacutements sont les bases de linteacuterecirct de lenfant mais

32

puisque celui-ci peut deacutepasser le strict cadre du droit de lautoriteacute parentale voire du droit de

la famille cette vision serait bien trop reacuteductrice

Le sens de cette notion peut encore sobscurcir si lon considegravere quelle peut se confondre avec

dautres concepts voisins Larticle 371-5 doit ainsi conduire agrave distinguer linteacuterecirct de lenfant de

celui de la fratrie En effet si celle-ci a inteacuterecirct agrave rester unie certaines circonstances permettent

deacutecarter un de ses membres dans son inteacuterecirct exclusif

Un amendement proposait cependant agrave la suite du nouvel article L 112-4 du Code de laction

sociale et des familles une deacutefinition inteacuteressante laquo Linteacuterecirct supeacuterieur de lenfant est deacutefini

comme lassurance de la protection de sa seacutecuriteacute personnelle et affective lassurance dun

contexte familial permettant un bon deacuteveloppement physique intellectuel affectif et social

lassurance dune relation dattachement parental permettant de se construire Linteacuterecirct

supeacuterieur de lenfant tel que deacutefini constitue son projet de vie raquo (41)

On ne peut que se feacuteliciter de la mise en avant de linteacuterecirct de lenfant pour deacuteroger agrave la sacro-

sainte interdiction des megraveres porteuses car il est vrai quil ne faut pas oublier que limportant

reste dabord et avant tout lenfant qui a et doit avoir une place centrale au sein de la famille

On peut envisager que cette reacutecente jurisprudence puisse influencer la reacuteflexion sur le recours

aux laquo megraveres porteuses raquo sur le territoire national qui conduise agrave une eacutevolution de la loi

B Vers une eacutevolution de la loi

Alors que la France interdit la laquo gestation pour autrui raquo cette pratique a eacuteteacute leacutegaliseacutee dans de

nombreux pays La France a donc une leacutegislation moins libeacuterale que dautres leacutegislations

nationales La pratique de la gestation pour autrui est notamment autoriseacutee aux Etats-Unis au

Canada en Australie et dans plusieurs pays de lUnion europeacuteenne (Espagne et Belgique

Gregravece et Royaume-Uni notamment) (42) La question de la leacutegalisation des megraveres porteuses

est tregraves controverseacutee en France et demanderait un strict encadrement (43)

On enseigne habituellement que les questions deacutetat ne peuvent deacutependre de la seule volonteacute

individuelle Leacutetat des personnes - le droit de la filiation en particulier - eacutechapperait aux

conventions Mais ce principe nest plus si absolu Leacutevolution contemporaine reacuteduit laspect

institutionnel Une place nettement importante a eacuteteacute faite dans lorganisation des relations

familiales agrave la volonteacute individuelle laquo Laccroissement du pouvoir des volonteacutes individuelles

dans le droit de la famille est une marque essentielle de ce droit raquo (44) Dougrave la justesse de

lexpression laquo contractualisation du droit de la famille raquo Le rocircle de la volonteacute individuelle

tend agrave ecirctre de plus en plus important (45) Tel est le cas du divorce du PACS et du mariage

La procreacuteation nest plus la finaliteacute avec larriveacutee en force dans des pays voisins du mariage

homosexuel

Une certaine eacutevolution des mentaliteacutes ainsi que la dispariteacute entre la loi franccedilaise et dautres

leacutegislations nationales pourraient bien donner lieu agrave un assouplissement de cette leacutegislation

(46)

La gestation pour autrui permet de pallier certaines formes de steacuteriliteacute feacuteminine en raison

dune absence ou dune deacuteformation duteacuterus de conseacutequences de cancer ou reacutesultant dune

hysteacuterectomie de fausses couches reacutepeacuteteacutees dune contre-indication meacutedicale agrave la grossesse ou

de nombreux eacutechecs de feacutecondations in vitro (47) Dans ce cas on implante les gamegravetes des

parents geacuteneacutetiques dans le ventre de la megravere porteuse

33

Un autre argument favorable agrave cette pratique est la certitude apaisante pour le couple steacuterile

de ce que lenfant porteacute en uteacuterus tiers nen sera pas moins leur veacuteritable enfant geacuteneacutetique

puisque conccedilu agrave partir de leurs propres gamegravetes

De plus il faut deacutenoncer une incoheacuterence Une femme empecirccheacutee par la loi de donner avant

sa grossesse agrave un couple agreacuteeacute par elle lenfant quelle portera moyennant eacutequitable

reacutecompense possegravede en revanche le droit discreacutetionnaire de labandonner une fois neacute au

hasard des eacutetablissements ou du service de lASE ou pis encore de recourir agrave une

interruption volontaire de grossesse pendant les douze premiegraveres semaines (48)

La possession deacutetat repreacutesente une valeur humaine et sociale qui doit ecirctre prise en compte en

tant que telle Comme lont joliment affirmeacute M Hauser et Mme Huet-Weiller laquo elle est la

veacuteriteacute des sentiments la veacuteriteacute du coeur tout aussi respectable sinon plus que celle des

registres deacutetat ou mecircme de nos gegravenes raquo (49) Ainsi on peut ecirctre favorable agrave cette reacuteflexion

sous certains reacuteserves

Tout dabord le couple demandeur devait avoir plus de 18 ans et linfertiliteacute devrait ecirctre

meacutedicalement eacutetablie Ensuite seule lutilisation des gamegravetes (sperme et ovocytes) du couple

serait autoriseacutee afin deacuteviter que la gestatrice soit aussi la megravere biologique de lenfant (pour

eacuteviter des liens trop forts eacutetablis entre elle et le beacutebeacute)

De son cocircteacute la megravere porteuse devait avoir plus de 18 ans et accepter de subir des tests divers

avant la grossesse Elle serait la seule agrave donner un consentement valable concernant la gestion

de sa grossesse et elle abandonnerait ses droits parentaux agrave la naissance de lenfant tout en

assistant le couple demandeur lors de la deacutelivrance du certificat de naissance Le

consentement devrait aussi ecirctre obtenu par un entretien psychologique meacutedical et juridique

Seul le juge pourrait donner laccord au deacutebut du processus Le couple demandeur devait

sengager agrave assumer la garde de lenfant degraves sa naissance afin deacuteviter soit une non-remise

denfant soit un refus de lenfant - par exemple en cas de handicap

Concernant la reacutemuneacuteration de la megravere porteuse la marchandisation est inacceptable Les

intermeacutediaires reacutemuneacutereacutes seraient interdits Le principe du volontariat et de la gratuiteacute sont

essentiels le don de vie (50)

Enfin il ne sagirait pas de reacutemuneacuteration mais de compensation financiegravere destineacutee agrave

deacutedommager les inconveacutenients lieacutes agrave la grossesse sur la base de la loi laquo Huriet raquo (loi sur la

recherche meacutedicale avec volontaires sains) Le couple demandeur devrait prendre agrave sa charge

les deacutepenses meacutedicales leacutegales et psychologiques ainsi quun montant raisonnable alloueacute agrave la

megravere porteuse pour subvenir agrave ses besoins Les juges appreacutecieraient librement ce que peut ecirctre

un montant laquo raisonnable raquo sans que cela puisse jamais ecirctre consideacutereacute comme une laquo vente raquo

denfant

(1) B Debreacute et S Agacinski laquo Faut-il leacutegaliser les megraveres porteuses en France raquo Le Figaro Magazine du samedi 10 novembre 2007 p 50

34

(2) G David laquo Don et utilisation du sperme raquo in Actes du colloque Geacuteneacutetique procreacuteation et

droit Actes sud 1985 p 205 G-M Faure Le deacutesir denfant agrave leacutepreuve du droit Essai sur le droit de la procreacuteation meacutedicalement assisteacutee Thegravese Universiteacute de Lille 1992 p 7

(3) G Lebreton Liberteacutes publiques et droits de lhomme 6e eacuted Armand Colin 2003 p 262

(4) CE 22 janvier 1988 Lebon 1988 p 37

(5) La Cour de cassation a enteacuterineacute la position de la cour dappel de Paris pour laquelle laquo ni laltruisme du comportement de la megravere de substitution ni le caractegravere deacutesinteacuteresseacute des activiteacutes de lassociation ne sont propres agrave faire disparaicirctre lilliceacuteiteacute qui frappe laccord litigieux raquo Cass civ 1re 13 deacutecembre 1989 Bull civ I no 387 Defreacutenois 1990 art 34802 no 55 obs J-L Aubert D 1990 p 273 JCP eacuted G 1990 II 21526 note A Seacuteriaux propos recueillis par C Slobodansky laquo Le droit doit limiter les progregraves de la science raquo LPA du 7 mai 2004 no 92 p 60

(6) laquo La convention par laquelle une femme sengage fucirct-ce agrave titre gratuit agrave concevoir et porter un enfant pour labandonner agrave sa naissance contrevient tant au principe dordre public de lindisponibiliteacute du corps humain quagrave celui de lindisponibiliteacute de leacutetat des personnes raquo Cass ass pleacuten 31 mai 1991 Bull civ ass pleacuten no 4 Defreacutenois 1991 art 35142 no 103 obs J-L Aubert Defreacutenois 1991 art 35088 no 67 note J Massip RTD civ 1991 p 517 obs D Huet-Weiller et p 489 note M Gobert M Gobert laquo Reacuteflexions sur les sources du droit et les

principes dindisponibiliteacute du corps humain et de leacutetat des personnes agrave propos de la materniteacute de substitution raquo RTD civ 1992 p 489 et s speacutec p 501 dans ce sens v deacutejagrave les remarques de P Murat laquo Laction de lordonnance du 4 juillet 2005 sur la possession deacutetat raquo Dr Famille 2006 eacutetude no 6 speacutec no 7 V aussi J Massip laquo Linsertion dans le Code civil de dispositions relatives au corps humain agrave lidentification geacuteneacutetique et agrave la procreacuteation meacutedicalement assisteacutee raquo Defreacutenois 1995 art 35975 et 35992

(7) En ce sens V Depadt-Sebag laquo De la neacutecessiteacute dune reacuteforme de larticle 16-7 du Code civil relatif agrave linterdiction de gestation pour autrui raquo RGD meacuted 2004 no 12 p 135 et s

(8) Art 227-12 et s C peacuten

(9) CA Paris 1re feacutevrier 2001 RTD civ 2001 p 347 obs J Hauser Cass civ 1re 9 deacutecembre 2003 Bull civ I no 252 p 201 CA Rennes 4 juillet 2002 D 2002 p 2904

(10) Cass civ 1re 20 feacutevrier 2007 Defreacutenois 2007 art 38595 no 45 obs J Massip

(11) V Depadt-Sebag laquo De la neacutecessiteacute dune reacuteforme de larticle 16-7 du Code civil relatif agrave linterdiction de gestation pour autrui raquo preacutec no 12 p 135 et s

(12) L no 2004-800 du 6 aoucirct 2004 relative agrave la bioeacutethique JO du 7 aoucirct 2004 p 14040 J Massip art preacutec

(13) Dans ce sens v M Gobert laquo Reacuteflexions sur les sources du droit et les principes dindisponibiliteacute du corps humain et de leacutetat des personnes agrave propos de la materniteacute de substitution raquo preacutec p 489 et s speacutec p 513

(14) V Depadt-Sebag laquo De la neacutecessiteacute dune reacuteforme de larticle 16-7 du Code civil relatif agrave linterdiction de gestation pour autrui raquo preacutec no 12 p 135 et s E Camuzet La convention de gestation pour autrui une illeacutegaliteacute franccedilaise injustifieacutee Meacutemoire Lille 2 Universiteacute du droit et de la santeacute 2005-2006 p 55

(15) A Mayer-Jack laquo Les conventions relatives agrave la personne physique raquo Rev crit leacutegisl et jurispr 1993 p 6

(16) G Meacutemeteau laquo Une distinction est opeacutereacutee sur la reacutefeacuterence des donneacutees acquises de la science agrave la date des soins par opposition agrave la notion erroneacutee de donneacutees actuelles de la science raquo note sous Cass civ 1re 6 juin 2000 JCP eacuted G 2001 II 10447

(17) Cass civ 1re 13 deacutecembre 1989 Bull civ I no 387 Defreacutenois 1990 art 34815 rapp J Massip D 1990 p 273 JCP eacuted G 1990 II 21526 note A Seacuteriaux

35

(18) Communication J Bernard et comm J Massip Defreacutenois 1990 art 35088 no 67 note J

Massip F Terreacute note sous Cass ass pleacuten 31 mai 1991 JCP eacuted G 1991 II 21752 dans ce sens v les remarques de P Murat laquo Laction de lordonnance du 4 juillet 2005 sur la possession deacutetat raquo preacutec eacutetude no 6 speacutec no 7 G Kessler laquo La consolidation de situations illicites dans linteacuterecirct de lenfant raquo Dr Famille no 7 juillet 2005 Etude 16

(19) TGI Lille 22 mars 2007 D 2007 no 18 p 1251 note X Labbeacutee B Edelman et C Labrusse-Riau note sous CA Paris 15 juin 1990 JCP eacuted G 1991 II 21653

(20) V Larribau-Terneyre note sous CA Pau 19 feacutevrier 1991 D 1991 juris p 380

(21) J Massip laquo Megravere porteuse et deacutecheacuteance de lautoriteacute parentale raquo LPA du 29 octobre 2003 no 216 p 10 Cass ass pleacuten 31 mai 1991 Bull civ ass pleacuten no 4 Defreacutenois 1991 art 35088 no 67 p 948 obs J Massip D 1991 p 417 rapport Y Chartier note D Thouvenin JCP eacuted G 1991 II 21752 communication J Bernard concl H Dontenwille note F Terreacute RTD civ 1991 p 517 obs D Huet-Weiller

(22) J Rubellin-Devichi laquo Materniteacute de substitution qui est la megravere raquo note sous CA Rennes 4 juillet 2002 JCP eacuted G 2003 I 101 C Ducomte laquo La vraie querelle des megraveres porteuses raquo httppagesperso-orangefrmax-christianducomtemereindexhtm

(23) Propos de Mme F Dekeuwer-Deacutefossez lors de son audition devant le preacutesident M Bloche pour la mission dinformation sur la famille (procegraves-verbal du 5 octobre 2005)

(24) J Hauser obs in RTD civ 1999 p 372 F Dekeuwer-Deacutefossez note sous Cass ass pleacuten 31 mai 1991 D 1992 somm p 59

(25) F Dekeuwer-Deacutefossez laquo Les droits de lenfant raquo D 1992 somm p 59 E Poisson-Drocourt laquo Recours agrave une megravere de substitution et refus de ladoption raquo D 2004 p 2001

(26) J-J Lemouland laquo Le tourisme procreacuteatif raquo LPA 2001 no 62 p 24 F Dekeuwer-Deacutefossez laquo Le lien parental raquo LPA du 1er juillet 2004 no 131 p 70 F Granet note sous CA Rennes 4 juillet 2002 D 2002 p 2904

(27) CA Aix-en-Provence 12 mars 2002 Juris-Data no 2002-190443 A Seacuteriaux laquo Droit naturel et procreacuteation artificielle quelle jurisprudence raquo D 1985 chron p 53 J Massip laquo Le nouveau droit de la filiation raquo Defreacutenois 2006 art 38303 p 13

(28) CA Rennes 4 juillet 2002 JCP eacuted G 2003 I 101 note J Rubellin-Devichi

(29) laquo Si le principe structurant de lautoriteacute parentale est linteacuterecirct de lenfant deacutetermineacute in concreto le droit de la filiation nappreacutecie en revanche jamais linteacuterecirct concret dun enfant preacutecis mais linteacuterecirct geacuteneacuteral de lenfant in abstracto raquo A Gouttenoire laquo A chacun sa famille agrave chacun son droit raquo Dr Famille no 7 juillet 2006 Alerte 41

(30) E Camuzet La convention de gestation pour autrui une illeacutegaliteacute franccedilaise injustifieacutee art preacutec p 52

(31) P Raynaud laquo Un abus de ladoption simple les couples adoptifs raquo D 1983 chron p 39 H Gaumont-Prat laquo Pas dadoption pour les enfants issus de convention de megravere porteuse raquo RLDC no 5 mai 2004 p 31 laquo Le rejet dans le non-droit des enfants neacutes dans des circonstances qui deacuterangent la socieacuteteacute relegraveve du deacuteni de la reacutealiteacute porteur de nombreux effets pathogegravenes et injustes raquo

(32) J Rubellin-Devichi laquo Materniteacute de substitution qui est la megravere raquo note sous CA Rennes 4 juillet 2002 preacutec I 101 C Ducomte laquo La vraie querelle des megraveres porteuses raquo preacutec P Raynaud laquo Un abus de ladoption simple les couples adoptifs raquo art preacutec chron p 39 G Kessler laquo La consolidation de situations illicites dans linteacuterecirct de lenfant raquo art preacutec Etude 16

(33) F Dekeuwer-Deacutefossez laquo Reacuteflexion sur les mythes fondateurs du droit contemporain de la famille raquo RTD civ 1995 p 269 E Camuzet La convention de gestation pour autrui une illeacutegaliteacute franccedilaise injustifieacutee art preacutec p 66 A Ponsard rapport sous Cass civ 1re 16

36

novembre 1982 JCP eacuted G 1983 II 19954 M-T Meulders-Klein laquo Le droit agrave lenfant face au

droit de lenfant et les procreacuteations meacutedicalement assisteacutees raquo RTD civ 1988 p 645 F Terreacute Lenfant de lesclave Geacuteneacutetique et droit Flammarion 1987 p 128

(34) Convention de New York du 26 janvier 1990 Charte des droits fondamentaux de lUnion europeacuteenne du 7 deacutecembre 2000 Deacuteclaration universelle des droits de lhomme de 1789 Convention internationale des droits de lenfant de 1989

(35) Cass ass plegraven 31 mai 1991 Bull civ ass plegraven no 4 Defreacutenois 1991 art 35142 no 103 obs J-L Aubert et art 35088 no 67 p 948 obs J Massip D 1991 p 417 rapport Y Chartier note D Thouvenin JCP eacuted G 1991 II 21752 communication J Bernard concl H Dontenwille note F Terreacute RTD civ 1991 p 517 obs D Huet-Weiller

(36) Cass civ 1re 24 feacutevrier 2006 Bull civ I no 101 p 95 Defreacutenois 2006 art 38415 no 40 p 1067 obs J Massip D 2006 juris p 897-900 obs D Vigneau T Anatrella laquo Adoption et homoparentaliteacute leacuteclairage des droits de lhomme raquo Dr Famille 2003 no 10 p

8-10 agrave lidentique dans un arrecirct du 22 janvier 1992 D 1993 p 119 note J Vassaux la cour dappel de Poitiers a prononceacute ladoption simple dun enfant neacute dune convention de megravere porteuse au motif que laquo cette adoption nest pas seulement conforme agrave linteacuterecirct de lenfant mais encore constitue une neacutecessiteacute qui deacutecoule des reacutealiteacutes de la vie issues derreurs des adultes dont lenfant ne doit pas subir les conseacutequences raquo

(37) G Kessler laquo La consolidation de situations illicites dans linteacuterecirct de lenfant raquo art preacutec eacutetude no 16 M-T Meulders-Klein laquo Le droit agrave lenfant face au droit de lenfant et les procreacuteations meacutedicalement assisteacutees raquo art preacutec p 645

(38) Cass civ 1re 18 mai 2005 Bull civ I no 211 p 179 V Depadt-Sebag laquo Non-lieu dans une affaire de materniteacute pour autrui raquo D 2005 p 476 J Massip laquo Megravere porteuse et deacutecheacuteance de lautoriteacute parentale raquo art preacutec no 216 p 11 F Terreacute Lenfant de lesclave Geacuteneacutetique et droit op cit adde F Terreacute et D Fenouillet Droit civil Les personnes la famille les incapaciteacutes 6e eacuted Preacutecis Dalloz no 926 M Lamarche laquo Inteacuterecirct supeacuterieur de lenfant de ladmission des effets dune convention de megravere porteuse agrave la destruction du droit franccedilais de la filiation raquo Dr Famille novembre 2007 no 11

(39) M Donnier laquo Linteacuterecirct de lenfant raquo D 1959 chron p 27 F Laroche-Gisserot note sous Cass civ 1re 27 mai 1998 D 1998 p 530 F Millet laquo Ladoption dun inteacuterecirct agrave lautre raquo RRJ 2003-3 p 1777 et s A Gouttenoire laquo A chacun sa famille agrave chacun son droit raquo art preacutec Alerte 41

(40) Par la loi no 2007-293 du 5 mars 2007 reacuteformant la protection de lenfance (JO du 6 mars 2007 Defreacutenois 2007 Leacuteg p 282) le leacutegislateur a inteacutegreacute la notion dinteacuterecirct de lenfant dans le Code de laction sociale et des familles Le nouvel article L 112-4 dudit code dispose que laquo Linteacuterecirct de lenfant la prise en compte de ses besoins fondamentaux physiques intellectuels sociaux et affectifs ainsi que le respect de ses droits doivent guider toutes deacutecisions le concernant raquo

(41) Amendement no 48 rect Protection de lenfance no 3184 Assembleacutee nationale 22 deacutecembre 2006 wwwassemblee-nationalefr v aussi sur lensemble de ces questions les consideacuterations tregraves eacuteclairantes de P Murat note sous CA Rennes 4 juillet 2002 D 2002 p 2902 Dr Famille 2002 comm no 142 note P Murat

(42) F Granet-Lambrechts laquo Materniteacutes de substitution filiation et eacutetat civil Panorama europeacuteen raquo Dr Famille no 12 deacutecembre 2007 eacutetude no 34

(43) D Youf Penser les droits de lenfant PUF 2002 p 2

(44) G Cornu La famille 6e eacuted no 7 J Carbonnier Droit civil t 4 Les obligations PUF coll Theacutemis no 372 p 649

(45) D Fenouillet et P de Vareilles-Sommiegraveres La contractualisation du droit de la famille Economica 2001

37

(46) H Gaumont-Prat laquo Pas dadoption pour les enfants issus de convention de megravere porteuse raquo art preacutec p 31

(47) E Poisson-Droccourt laquo Recours agrave une megravere de substitution et refus de ladoption raquo art preacutec p 2001 note sous Cass civ 1re 9 deacutecembre 2003 G Delaisi de Perseval laquo Gestation pour autrui en quecircte de leacutegitimation raquo httpwwwliberationfr

(48) C Neirinck laquo Les filiations eacutelectives agrave leacutepreuve du droit raquo JCP eacuted G 1997 I 4067 E Camuzet laquo La convention de gestation pour autrui une illeacutegaliteacute franccedilaise injustifieacutee raquo art preacutec p 59

(49) J Hauser et D Huet-Weiller Traiteacute de droit civil La famille Fondation et vie de la famille 2e eacuted LGDJ 1993 p 250

(50) B Debreacute et S Agacinski laquo Faut-il leacutegaliser les megraveres porteuses en France raquo art preacutec p 50 C Atias D 1986 chron p 67

Civ 1egravere

13 deacutecembre 1989

Ndeg de pourvoi 88-15655

Publieacute au bulletin

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Attendu selon les juges du fond que lrsquoassociation ldquo Alma Mater ldquo a pour objet de faciliter la

solution des problegravemes qui se posent aux couples dont la femme est steacuterile deacutesireux

drsquoaccueillir un enfant agrave leur foyer et aux ldquo megraveres porteuses ldquo volontaires qursquoil est proposeacute agrave

la ldquo megravere porteuse ldquo drsquoecirctre inseacutemineacutee artificiellement par la semence du mari ou du concubin

de porter et de mettre au monde lrsquoenfant qui sera deacuteclareacute sur les registres de lrsquoeacutetat civil sans

indication du nom de la megravere reconnu par le pegravere et accueilli au foyer de celui-ci en vue de

son adoption par lrsquoeacutepouse ou la compagne que lrsquoassociation intervient tout au long de ce

processus qualifieacute de ldquo precirct drsquouteacuterus ldquo ou de ldquo don drsquoenfant ldquo qursquoainsi apregraves avoir controcircleacute la

reacutealiteacute de la steacuteriliteacute du couple demandeur et des faculteacutes de feacutecondation de la ldquo megravere porteuse

ldquo geacuteneacuteralement recruteacutee par elle lrsquoassociation fait proceacuteder agrave lrsquoinseacutemination surveille la

grossesse et lrsquoaccouchement srsquooccupe de faire diligenter la proceacutedure drsquoadoption qursquoelle

verse ensuite agrave la megravere une somme forfaitaire - qui en 1987 eacutetait fixeacutee agrave 60 000 francs -

remise par le couple demandeur degraves le deacutebut de la grossesse que lrsquoarrecirct confirmatif attaqueacute

(Aix-en-Provence 29 avril 1988) estimant que cette association avait un objet illicite

contraire aux lois et aux bonnes moeurs en a prononceacute la nulliteacute sur le fondement de lrsquoarticle

3 de la loi du 1er juillet 1901

Sur le moyen unique pris en sa premiegravere branche

Attendu que lrsquoassociation ldquo Alma Mater ldquo fait grief agrave la cour drsquoappel drsquoavoir ainsi statueacute alors

que selon le moyen nrsquoest ni illicite ni contraire aux bonnes moeurs lrsquoassociation qui dans un

but humanitaire non lucratif met en relation un couple demandeur dont la femme est steacuterile et

38

une femme qui accepte drsquoecirctre inseacutemineacutee artificiellement par le mari de porter lrsquoenfant et de le

remettre agrave la naissance agrave ce couple qui lrsquoindemnisera des contraintes et de la gecircne occasionneacutee

par la grossesse de sorte que la juridiction du second degreacute aurait violeacute les articles 3 et 7 de la

loi du 1er juillet 1901

Mais attendu qursquoil reacutesulte des constatations des juges du fond que lrsquoobjet mecircme de

lrsquoassociation est de favoriser la conclusion et lrsquoexeacutecution de conventions qui fussent-elles

verbales portent tout agrave la fois sur la mise agrave la disposition des demandeurs des fonctions

reproductrices de la megravere et sur lrsquoenfant agrave naicirctre et sont donc nulles en application de lrsquoarticle

1128 du Code civil que ces conventions contreviennent au principe drsquoordre public de

lrsquoindisponibiliteacute de lrsquoeacutetat des personnes en ce qursquoelles ont pour but de faire venir au monde un

enfant dont lrsquoeacutetat ne correspondra pas agrave sa filiation reacuteelle au moyen drsquoune renonciation et

drsquoune cession eacutegalement prohibeacutees des droits reconnus par la loi agrave la future megravere que

lrsquoactiviteacute de lrsquoassociation qui tend deacutelibeacutereacutement agrave creacuteer une situation drsquoabandon aboutit agrave

deacutetourner lrsquoinstitution de lrsquoadoption de son veacuteritable objet qui est en principe de donner une

famille agrave un enfant qui en est deacutepourvu que crsquoest degraves lors agrave bon droit que lrsquoarrecirct attaqueacute a

deacutecideacute sur le fondement de lrsquoarticle 3 de la loi du 1er juillet 1901 que cette association eacutetait

nulle en raison de lrsquoilliceacuteiteacute de son objet que la premiegravere branche du moyen est donc sans

fondement

Et sur les deuxiegraveme et troisiegraveme branches du moyen

Attendu qursquoil est fait grief agrave la cour drsquoappel de nrsquoavoir pas reacutepondu aux conclusions faisant

valoir drsquoune part que lrsquointerdiction du ldquo don de gestation ldquo constituait une discrimination

fondeacutee sur la naissance contraire aux dispositions de lrsquoarticle 24 du pacte international relatif

aux droits civils et politiques signeacute agrave New York le 19 deacutecembre 1966 et drsquoautre part que ce ldquo

don de gestation ldquo reposait sur le droit leacutegitime de fonder une famille qui implique le droit

drsquoengendrer reconnu tant par lrsquoarticle 12 de la convention europeacuteenne des droits de lrsquohomme

et des liberteacutes fondamentales du 4 novembre 1950 que par lrsquoarticle 23 du pacte international

preacuteciteacute

Mais attendu que la reconnaissance du caractegravere illicite de la materniteacute pour autrui et des

associations qui srsquoefforcent de la promouvoir qui se deacuteduit des principes geacuteneacuteraux du Code

civil et de regravegles qui sont communes agrave toutes les filiations nrsquoest pas de nature agrave instaurer une

discrimination fondeacutee sur la naissance que le droit de se marier et de fonder une famille

reconnu par lrsquoarticle 12 de la convention du 4 novembre 1950 et par lrsquoarticle 23 du pacte

international du 19 deacutecembre 1966 agrave lrsquohomme et agrave la femme en acircge nubile nrsquoimplique pas le

droit de conclure avec un tiers des conventions portant sur le sort drsquoun enfant agrave naicirctre que

par ces motifs de droit reacutepondant aux conclusions invoqueacutees lrsquoarrecirct se trouve leacutegalement

justifieacute et que les deuxiegraveme et troisiegraveme branches du moyen ne peuvent ecirctre accueillies

PAR CES MOTIFS

REJETTE le pourvoi

Publication Bulletin 1989 I Ndeg 387 p 260

Deacutecision attaqueacutee Cour drsquoappel drsquoAix-en-Provence du 29 avril 1988

39

Cour de cassation Assembleacutee pleacuteniegravere

Audience publique du 31 mai 1991

Ndeg de pourvoi 90-20105 Publieacute au bulletin

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Sur le pourvoi dans lrsquointeacuterecirct de la loi formeacute par M le Procureur geacuteneacuteral pregraves la Cour de

Cassation

Vu les articles 6 et 1128 du Code civil ensemble lrsquoarticle 353 du mecircme Code

Attendu que la convention par laquelle une femme srsquoengage fucirct-ce agrave titre gratuit agrave concevoir

et agrave porter un enfant pour lrsquoabandonner agrave sa naissance contrevient tant au principe drsquoordre

public de lrsquoindisponibiliteacute du corps humain qursquoagrave celui de lrsquoindisponibiliteacute de lrsquoeacutetat des

personnes

Attendu selon lrsquoarrecirct infirmatif attaqueacute que Mme X eacutepouse de M Y eacutetant atteinte drsquoune

steacuteriliteacute irreacuteversible son mari a donneacute son sperme agrave une autre femme qui inseacutemineacutee

artificiellement a porteacute et mis au monde lrsquoenfant ainsi conccedilu qursquoagrave sa naissance cet enfant a

eacuteteacute deacuteclareacute comme eacutetant neacute de Y sans indication de filiation maternelle

Attendu que pour prononcer lrsquoadoption pleacuteniegravere de lrsquoenfant par Mme Y lrsquoarrecirct retient

qursquoen lrsquoeacutetat actuel des pratiques scientifiques et des moeurs la meacutethode de la materniteacute

substitueacutee doit ecirctre consideacutereacutee comme licite et non contraire agrave lrsquoordre public et que cette

adoption est conforme agrave lrsquointeacuterecirct de lrsquoenfant qui a eacuteteacute accueilli et eacuteleveacute au foyer de M et

Mme Y pratiquement depuis sa naissance

Qursquoen statuant ainsi alors que cette adoption nrsquoeacutetait que lrsquoultime phase drsquoun processus

drsquoensemble destineacute agrave permettre agrave un couple lrsquoaccueil agrave son foyer drsquoun enfant conccedilu en

exeacutecution drsquoun contrat tendant agrave lrsquoabandon agrave sa naissance par sa megravere et que portant atteinte

aux principes de lrsquoindisponibiliteacute du corps humain et de lrsquoeacutetat des personnes ce processus

constituait un deacutetournement de lrsquoinstitution de lrsquoadoption la cour drsquoappel a violeacute les textes

susviseacutes

PAR CES MOTIFS

CASSE ET ANNULE mais seulement dans lrsquointeacuterecirct de la loi et sans renvoi lrsquoarrecirct rendu le

15 juin 1990 par la cour drsquoappel de Paris

REQUETE DE M LE PROCUREUR GENERAL PRES LA COUR DE CASSATION

Le Procureur geacuteneacuteral pregraves la Cour de Cassation a lrsquohonneur drsquoexposer

- Que par jugement du 28 juin 1989 le tribunal de grande instance de Paris a rejeteacute la requecircte

preacutesenteacutee par Mme X eacutepouse Y tendant agrave lrsquoadoption pleacuteniegravere de lrsquoenfant Z deacuteclareacutee

comme eacutetant neacutee de M Y mari de la requeacuterante sans indication de filiation maternelle

- Que pour ne pas faire droit agrave cette requecircte les premiers juges ont retenu que les eacutepoux Y

pour remeacutedier agrave la steacuteriliteacute de leur couple avaient eu recours agrave lrsquoassociation Alma Mater

aujourdrsquohui dissoute lrsquoenfant eacutetant neacute drsquoune megravere de substitution qui lrsquoa abandonneacute agrave la

naissance pratique deacuteclareacutee illicite

- Que sur appel de Mme Y la premiegravere chambre civile section C de la cour drsquoappel de

Paris a par arrecirct du 15 juin 1990 infirmeacute la deacutecision entreprise et prononceacute lrsquoadoption

pleacuteniegravere solliciteacutee par la requeacuterante

- Qursquoau soutien de leur deacutecision devenue deacutefinitive les juges du second degreacute ont tireacute de nos

principes geacuteneacuteraux relatifs agrave la filiation des regravegles drsquoordre public concernant les contrats et de

40

certaines conventions ou deacuteclarations internationales des conclusions contraires agrave celles

auxquelles eacutetait parvenue votre premiegravere chambre civile de la Cour de Cassation qui dans un

cas de figure pratiquement identique a par arrecirct du 13 deacutecembre 1989 (association Alma

Mater contre procureur geacuteneacuteral Aix-en-Provence) reconnu le caractegravere illicite de la materniteacute

pour autrui et les associations qui srsquoefforcent de la promouvoir

- Qursquoil importe en cette matiegravere particuliegraverement sensible qui touche agrave un deacutelicat problegraveme de

socieacuteteacute et drsquoeacutethique que soit mis fin agrave des divergences jurisprudentielles majeures et que la

seacutecuriteacute juridique soit assureacutee

PAR CES MOTIFS

Vu lrsquoarticle 17 de la loi du 3 juillet 1967 relative agrave la Cour de Cassation

Requiert qursquoil plaise agrave la Cour de Cassation

CASSE ET ANNULE sans renvoi et dans le seul inteacuterecirct de la loi lrsquoarrecirct rendu le 15 juin 1990

par la cour drsquoappel de Paris ayant fait droit agrave la requecircte en adoption pleacuteniegravere preacutesenteacutee par

Mme X eacutepouse Y

Publication Bulletin 1991 AP Ndeg 4 p 5

Deacutecision attaqueacutee Cour drsquoappel de Paris du 15 juin 1990

Page 10: SEANCE_3 Droit Civil Methodologie

10

commis agrave titre habituel ou dans un but lucratif les peines sont doubleacutees Les personnes

morales peuvent en ecirctre deacuteclareacutees responsables (art 227-14) et sont passibles de sanctions

approprieacutees preacutevues aux art 131-38 et 131-39 Lart 353-1 (1deg) ancien c peacuten eacutetait moins net

mais incriminait aussi celui qui avait dans un espoir de lucre provoqueacute les parents ou lun

deux agrave abandonner leur enfant agrave naicirctre Lactiviteacute des intermeacutediaires est hautement

condamnable Il convient donc de leur appliquer les sanctions civiles et peacutenales que contient

notre droit agrave leur eacutegard

Une difficulteacute suppleacutementaire pour sanctionner la materniteacute de substitution tient agrave ce quon a

appeleacute le tourisme procreacuteatif car les Franccedilais vont chercher les femmes qui se livrent agrave ce

commerce dans des pays voisins toleacuterants (19) Il en est ainsi en Angleterre comme le

teacutemoigne larrecirct de la Cour de cassation du 23 avr 2003 (20) Bien que non abordeacute dans

cette derniegravere deacutecision il surgit alors une question de conflit de lois et il est possible aussi

quintervienne lordre public

Mots cleacutes ADOPTION Adoption pleacuteniegravere Materniteacute de substitution Prohibition Deacutetournement de

linstitution

CONTRAT ET OBLIGATIONS Objet Illiceacuteiteacute Materniteacute de substitution Megravere

porteuse Filiation adoptive

Recueil Dalloz 2005 p 536

Droits et liberteacutes corporels

Panorama de la leacutegislation de la jurisprudence et des avis des instances eacutethiques

Jean-Christophe Galloux Professeur agrave luniversiteacute de Pantheacuteon-Assas (Paris II)

Responsable du Centre de droit meacutedical

Heacutelegravene Gaumont-Prat Professeur agrave luniversiteacute de Picardie-Jules Verne Membre du

Comiteacute national dEthique

Lessentiel

Les articles 16 agrave 16-13 du code civil qui consacrent le cadre du statut juridique du corps

humain depuis les lois dites laquo bioeacutethiques raquo du 29 juillet 1994 continuent deacutetendre leur

empire Les hypothegraveses quils ont vocation agrave reacutegir concernent autant les territoires

traditionnels de la biomeacutedecine que sont les tests et empreintes geacuteneacutetiques les procreacuteations

meacutedicalement assisteacutees ou des greffes dorganes pour ne citer que les principaux que des

champs nouveaux et parfois inattendus comme limage du corps le droit dasile

lassujettissement aux cotisations sociales ou les obligations scolaires Limportante reacutevision

des textes de 1994 par la loi ndeg 2004-800 du 6 aoucirct 2004 sest traduite par une eacuterosion de la

protection des droits et liberteacutes corporels individuels au profit de la liberteacute de la recherche

scientifique et des consideacuterations de solidariteacute comme en teacutemoigne notamment la deuxiegraveme

reformulation de larticle 16-3 relatif agrave linteacutegriteacute corporelle

I - Les donneacutees relatives au corps

A - Les tests et donneacutees geacuteneacutetiques

Les tests geacuteneacutetiques sont susceptibles de recouvrir diffeacuterentes finaliteacutes meacutedico-

professionnelles (meacutedecine curative preacutedictive preacutevention des risques professionnels) ou

sociales (emploi assurance) voire de deacutepistage preacutenatal (diagnostic preacutenatal et

preacuteimplantatoire) Leacutevolution observeacutee conduit agrave distinguer les tests geacuteneacutetiques qualifieacutes de

11

donneacutees personnelles ou de donneacutees de santeacute

1 - Donneacutees personnelles

Deux inteacuterecircts contradictoires sont pris en compte par le leacutegislateur ou les avis de diffeacuterentes

instances celui de la personne elle-mecircme et celui des tiers au titre de la solidariteacute sociale

a) La prise en compte de linteacuterecirct de la personne

1 Dans un souci de garantir un reacutegime juridique plus protecteur pour les personnes la loi ndeg

2004-800 du 6 aoucirct 2004 (art 4) relative agrave la bioeacutethique a proceacutedeacute agrave un toilettage des anciens

textes pour uniformiser les formulations retenues en remplaccedilant dans les diffeacuterents codes

concerneacutes (code civil code de la santeacute publique code peacutenal) lexpression laquo eacutetude geacuteneacutetique

des caracteacuteristiques raquo ou laquo meacutedecine preacutedictive raquo par laquo examen des caracteacuteristiques

geacuteneacutetiques raquo de la personne Sont ainsi modifieacutes larticle 16-10 du code civil les intituleacutes du

titre III du livre I de la premiegravere partie du code de la santeacute publique et la section 6 du chapitre

IV du titre II du code peacutenal

Deux raisons militaient en faveur de ce changement dune part la notion de meacutedecine

preacutedictive eacutetait trop eacutetroite car elle nautorisait pas le diagnostic dune maladie deacutejagrave deacuteclareacutee

Dautre part la terminologie preacuteceacutedemment utiliseacutee laquo eacutetude ou examen geacuteneacutetique des

caracteacuteristiques raquo dune personne est apparue trop restrictive Elle ne permettait pas de

garantir la protection de la personne agrave leacutegard dune eacuteventuelle utilisation abusive

dinformations geacuteneacutetiques obtenues agrave loccasion dinvestigations meacutedicales diverses non

speacutecifiquement geacuteneacutetiques comme par exemple une biopsie musculaire chez un myopathe de

Duchecircne leacutelectroforegravese de lheacutemoglobine pour le diagnostic de la dreacutepanocytose ou des

thalasseacutemies ou encore de lHLA 27 (selon le rapport de F Giraud Commission des Affaires

sociales Seacutenat 1re lecture ndeg 128 du 15 janv 2003 [2002-2003])

Le terme retenu agrave larticle 4 de loi vise agrave encadrer lensemble des examens de caractegravere

geacuteneacutetique et apparaicirct plus adapteacute agrave lobjectif de lencadrement fixeacute Une telle harmonisation

des terminologies utiliseacutees vient ainsi assurer la coheacuterence des pratiques

La loi a eacutegalement deacutecideacute de sanctionner peacutenalement outre le fait de proceacuteder agrave un examen

des caracteacuteristiques geacuteneacutetiques dune personne sans avoir recueilli preacutealablement son

consentement le fait de proceacuteder agrave un tel examen agrave des fins autres que meacutedicales ou de

recherche scientifique Les sanctions preacutevues agrave larticle 226-25 du code peacutenal demeurent

inchangeacutees un an demprisonnement et 15 000 euros damende

2 La loi ndeg 2004-800 du 6 aoucirct 2004 (art 5) met en exergue limportance accordeacutee agrave la

volonteacute en matiegravere dexamen des caracteacuteristiques geacuteneacutetiques dune personne la loi vient

compleacuteter la reacutedaction de larticle 16-10 alineacutea 2 en posant lexigence dun consentement

mieux encadreacute quauparavant et elle en organise ses modaliteacutes recueil du consentement

expregraves par eacutecrit reacutevocable sans forme agrave tout moment et eacuteclaireacute puisque la personne doit ecirctre

laquo ducircment informeacutee de sa nature et de sa finaliteacute lobligation dinformation devenant une des

conditions du recueil du consentement raquo (D Thouvenin La loi relative agrave la bioeacutethique ou

comment accroicirctre laccegraves aux eacuteleacutements biologiques dorigine humaine D 2005 Chron p

116 et p 172) La loi preacutevoit un nouvel article L 1131-1 au code de la santeacute publique qui

renvoie agrave ces dispositions preacuteciteacutees du code civil

3 La loi ndeg 2004-800 du 6 aoucirct 2004 (art 6) organise le reacutegime juridique des collections

deacutechantillons biologiques humains et des recherches geacuteneacutetiques mises en oeuvre agrave partir de

ces collections Cet article vise agrave concilier les droits des personnes preacuteleveacutees avec la neacutecessiteacute

12

de ne pas alourdir la tacircche des chercheurs dans des secteurs jugeacutes prometteurs Larticle L

1131-4 du code de la santeacute publique rappelle que la constitution et lutilisation de collections

deacutechantillons biologiques humains agrave des fins de recherche geacuteneacutetique relegravevent des dispositions

relatives agrave la conservation et agrave lutilisation des eacuteleacutements et produits du corps humain agrave des fins

de recherche scientifique et non des dispositions reacutegissant les recherches biomeacutedicales (telles

quissues de la loi Huriet)

4 Cest ensuite une protection renforceacutee agrave leacutegard des risques de discrimination lieacutes agrave la

reacutealisation de tests geacuteneacutetiques qui se voit affirmeacutee dans deux types de recommandations lune

europeacuteenne (Recommandations sur les implications des tests geacuteneacutetiques Office des

publications officielles des Communauteacutes europeacuteennes Bruxelles mai 2004) lautre

internationale (Elaboration de la Deacuteclaration relative agrave des normes universelles en matiegravere de

bioeacutethique quatriegraveme eacutebauche de texte CIB UNESCO 15 deacutec 2004)

Le principe de non-discrimination en raison des caracteacuteristiques geacuteneacutetiques avait deacutejagrave eacuteteacute

inscrit agrave larticle 16-13 du code civil lors de la loi ndeg 2002-303 du 4 mars 2002 et il figure

eacutegalement dans la plupart des textes internationaux consacreacutes agrave ce sujet la Convention

dOviedo la Deacuteclaration universelle sur le geacutenome humain ainsi que la Charte des droits

fondamentaux de lUnion europeacuteenne

b) La prise en compte de linteacuterecirct du tiers

Larticle L 1131-1 alineacuteas 3 4 et 5 du code de la santeacute publique issu de la loi du 6 aoucirct 2004

envisage linteacuterecirct de la famille agrave propos dun test geacuteneacutetique reacutealiseacute sur une personne et traite de

linformation geacuteneacutetique familiale A la suite dun test geacuteneacutetique reacuteveacutelant une anomalie

geacuteneacutetique pouvant entraicircner chez les autres membres de la famille le deacuteveloppement dune

mecircme pathologie la personne concerneacutee ou le meacutedecin ont-ils une obligation dans linteacuterecirct

des tiers den informer la famille Doit-on envisager une simple obligation morale ou la

responsabiliteacute du patient qui par son silence aurait empecirccheacute deacuteviter lapparition dune telle

maladie

Cette interrogation sinscrit dans le deacutebat contemporain qui se deacuteveloppe progressivement sur

linteacuterecirct du tiers qui pourrait lemporter sur linteacuterecirct de la personne elle-mecircme

Ce problegraveme a eacuteteacute souleveacute lors des travaux parlementaires devant le Seacutenat en premiegravere lecture

agrave loccasion de laudition du Professeur A Munnich (chef du service de geacuteneacutetique meacutedicale de

lhocircpital Necker - Enfants malades directeur de recherche agrave INSERM) devant la Commission

des Affaires sociales le 4 deacutecembre 2002 Celui-ci suggeacuterait de reacutefleacutechir aux implications du

secret meacutedical sur la santeacute des membres de la famille dune personne atteinte dune affection

geacuteneacutetique

La prise en compte de linteacuterecirct du tiers avait deacutejagrave eacuteteacute eacutevoqueacutee avec prudence dans un avis du

Comiteacute consultatif national deacutethique (avis ndeg 70 du 13 deacutec 2001 laquo Consentement en faveur

dun tiers raquo) Le consentement en faveur ou au profit dun tiers met en jeu et parfois en

concurrence plusieurs principes lautonomie de la personne la bienfaisance agrave leacutegard du

tiers et la solidariteacute Lavis ndeg 70 rappelait que le deacutepistage envisageacute peut concerner le sujet

index mais eacutegalement dautres personnes les diffeacuterents laquo tiers raquo viseacutes dans lavis cest le cas

de certaines maladies infectieuses transmissibles et geacuteneacutetiques La deacutecouverte dun portage

infectieux chez une personne peut avoir des conseacutequences directes sur lopportuniteacute dun

deacutepistage effectueacute chez une autre personne qui aurait eacuteteacute exposeacutee Il en est ainsi par exemple

en cas de viol ou dexposition dun soignant agrave une contamination par le sang

13

La transmission des donneacutees geacuteneacutetiques dune personne au beacuteneacutefice dun tiers dont la parenteacute

biologique avec le sujet est eacutetablie peut ecirctre solliciteacutee dans un cas plus geacuteneacuteral en vue de

lobtention dinformations geacuteneacutetiques familiales compleacutementaires pour avoir une

caracteacuterisation preacutecise des anomalies voire la recherche systeacutematique de mutation dans une

famille agrave partir dun cas princeps afin de mettre en eacutevidence un risque geacuteneacutetique susceptible

decirctre preacutevenu ou non Lavis ndeg 70 du 13 deacutecembre 2001 soulignait que linteacuterecirct du tiers peut

ecirctre la connaissance de son statut par rapport agrave cette anomalie geacuteneacutetique la possibiliteacute lui

eacutetant donneacutee de pouvoir entreprendre une surveillance preacuteventive ou de se soumettre agrave une

theacuterapeutique dans un but curatif ou encore de choisir de ne pas la transmettre agrave sa

descendance

A loccasion de la reacutevision des lois de bioeacutethique le Comiteacute consultatif national deacutethique fut

solliciteacute par le ministre de la Santeacute sur lopportuniteacute dinscrire dans la loi la notion

dinformation geacuteneacutetique familiale doit-on envisager lobligation pour une personne

dinformer son entourage familial si a eacuteteacute deacutecouverte chez elle une preacutedisposition ou

lexistence dune maladie geacuteneacutetique grave pouvant faire lobjet pour les autres membres de la

famille dun traitement etou dune preacutevention efficaces Lavis ndeg 76 rendu le 24 avril 2003

laquo A propos de lobligation dinformation geacuteneacutetique familiale en cas de neacutecessiteacute meacutedicale raquo

privileacutegiait le maintien du secret meacutedical

Les donneacutees geacuteneacutetiques personnelles beacuteneacuteficient dune double protection donneacutees de santeacute

elles sont couvertes par le secret meacutedical et faisant partie de la sphegravere dintimiteacute de chaque

individu elles sont proteacutegeacutees au mecircme titre que toutes les donneacutees agrave caractegravere personnel par

le droit au respect de la vie priveacutee inscrit au code civil

Le nouvel article L 1131-1 du code de la santeacute publique issu de larticle 5 de la loi du 6 aoucirct

2004 sinscrit au contraire dans un mouvement favorable agrave une supreacutematie de la notion de laquo

solidariteacute normative raquo sur lintangibiliteacute du droit agrave lintimiteacute Dans le cas dune anomalie

geacuteneacutetique grave en cas de diagnostic poseacute lors de lexamen des caracteacuteristiques geacuteneacutetiques

dune personne le meacutedecin se doit dinformer celle-ci des risques que son silence ferait courir

aux membres de sa famille dans les cas ougrave des mesures de preacutevention ou de soins peuvent ecirctre

proposeacutees agrave ceux-ci Le texte preacutevoit une alternative laisseacutee agrave la personne concerneacutee soit elle

informe elle-mecircme les membres de sa famille soit elle opte pour la proceacutedure de

linformation meacutedicale agrave caractegravere familial expliciteacutee agrave larticle L 1131-1 du code de la santeacute

publique Les formaliteacutes de la transmission de linformation sont clairement deacutefinies Le

patient qui refuse agrave la fois de preacutevenir les membres de sa famille et de souscrire agrave la proceacutedure

de linformation meacutedicale agrave caractegravere familial ne va-t-il pas engager sa responsabiliteacute (V J-

R Binet La loi relative agrave la bioeacutethique Dr fam oct 2004 6 s)

2 - Donneacutees de santeacute

()

B - Les empreintes geacuteneacutetiques

Les empreintes geacuteneacutetiques moyen didentification des personnes font lobjet dun

encadrement speacutecifique selon le domaine viseacute civil ou peacutenal

1 - En matiegravere civile

1 Lidentification dune personne par ses empreintes geacuteneacutetiques est autoriseacutee par la loi agrave titre

de preuve judiciaire en matiegravere civile elle peut ecirctre ordonneacutee par le juge comme mesure

dinstruction dans certains procegraves mettant en jeu des actions relatives agrave la filiation ou des

14

actions agrave fins de subsides sous reacuteserve du recueil preacutealable expregraves du consentement de

linteacuteresseacute

Une deacutecision de la Cour dappel dAgen du 25 mars 2004 est rendue en application de larticle

16-11 alineacutea 2 du code civil dans le cadre dune action agrave fins de subsides La cour retient que

laquo sil ne peut ecirctre contesteacute que chacun a le droit au respect de son inteacutegriteacute physique larticle

16-11 du code civil preacutevoit expresseacutement lidentification dune personne au moyen de

lempreinte geacuteneacutetique [] raquo A deacutefaut davoir pu obtenir le consentement du deacutefendeur rendu

obligatoire par le mecircme texte la cour retient que si laquo les premiers juges deacutecidaient ainsi

justement que sil ne pouvait pas ecirctre fait grief agrave B de refuser une telle mesure leacutegale il

pouvait ecirctre tireacute toutes les conseacutequences de ce refus [] raquo La solution retenue est classique

Elle vient reacuteaffirmer le poids reconnu au recueil du consentement en matiegravere de respect du

corps humain et de linteacutegriteacute physique cette mesure ne peut ecirctre exeacutecuteacutee de force ou sous

astreinte En cas de refus le reacutegime geacuteneacuteral des mesures dinstruction est applicable en vertu

de larticle 11 alineacutea 1er et 198 du nouveau code de proceacutedure civile

Quen est-il du consentement sagissant de la demande de preacutelegravevement post-mortem

Le deuxiegraveme alineacutea de larticle 16-11 du code civil a eacuteteacute modifieacute par la loi du 6 aoucirct 2004

pour interdire toute identification post-mortem par empreintes geacuteneacutetiques en matiegravere civile

sauf accord expregraves manifesteacute de son vivant par la personne deacuteceacutedeacutee

Cette disposition destineacutee agrave renforcer la prise en compte de la volonteacute de la personne vient

mettre un terme agrave la question du preacutelegravevement post-mortem ordonneacute par une mesure judiciaire

dans le silence de la loi de 1994 la doctrine et la jurisprudence eacutetaient diviseacutees sur

linterpreacutetation agrave donner agrave lancien article 16-11 du code civil que laffaire Montand avait

meacutediatiseacute

Selon une premiegravere approche la reacutedaction de larticle 16-11 exigeait le consentement

preacutealable de la personne concerneacutee et ne pouvait sappliquer degraves lors agrave un deacutefunt le respect

ducirc aux morts sy opposait (CA Paris 17 deacutec 1998 D 1999 Jur p 476 note B Beignier 6

nov 1997 D 1998 Jur p 122 note P Malaurie Somm p 161 obs H Gaumont-Prat P

Malaurie et H Fulchiron Defreacutenois 2004 ndeg 821 p 333)

Selon une seconde approche lobligation de consentir fixeacute par larticle 16-11 ne concernait

que les vivants et il appartenait aux tribunaux den appreacutecier lopportuniteacute sagissant des

personnes deacuteceacutedeacutees (P Catala La jeune fille et le mort Dr fam 1997 Chron ndeg 12 J

Massip Defreacutenois 2002 art 37478)

2 Le juge des reacutefeacutereacutes peut-il ordonner une mesure dinstruction sur le fondement de larticle

145 du nouveau code de proceacutedure civile

Il a deacutejagrave eacuteteacute jugeacute que le juge des reacutefeacutereacutes ne peut sur le fondement de larticle 145 du nouveau

code de proceacutedure civile ordonner une mesure dinstruction tendant agrave lidentification dune

personne par ses empreintes geacuteneacutetiques mecircme avec laccord des parties (TGI Toulouse 25

janv 1995 Gaz Pal 1995 2 p 361 note Olivier CA Riom 19 juin 1997 D 1999 Somm

p 333 obs H Gaumont-Prat)

Avant le vote des lois de bioeacutethique de 1994 en matiegravere de filiation la Cour de cassation

(Cass 1re civ 4 mai 1994 Bull civ I ndeg 159 D 1994 Jur p 545 note J Massip D

1995 Somm p 113 obs F Granet-Lambrechts ) avait admis la possibiliteacute de recourir au

15

reacutefeacutereacute probatoire in futurum preacutevu agrave larticle 145 du nouveau code de proceacutedure civile pour

une expertise sanguine ou geacuteneacutetique degraves lors que se trouvaient respecteacutees les conditions

poseacutees par le texte (absence de procegraves au fond motif leacutegitime recherche ou conservation des

preuves) En lespegravece le demandeur faisait eacutetat de son inteacuterecirct leacutegitime en vue dappreacutecier les

chances de succegraves dune action en contestation de paterniteacute quil souhaitait intenter et

soulignait le risque de deacutepeacuterissement des preuves

Depuis 1994 la leacutegaliteacute dune mesure dinstruction destineacutee agrave eacutetablir la reacutealiteacute biologique de la

filiation gracircce aux empreintes geacuteneacutetiques est soumise agrave certaines conditions larticle 16-11

du code civil issu des lois bioeacutethiques de juillet 1994 se montre plus restrictif et pose

lexigence que la mesure dinstruction soit ordonneacutee par laquo le juge saisi dune action tendant

soit agrave leacutetablissement ou la contestation [] raquo formulation qui semble exclure de ce domaine

la proceacutedure de reacutefeacutereacute car seule une action au fond permettrait au juge dordonner une telle

mesure

Une deacutecision de la Cour dappel de Montpellier rappelle cette diffeacuterence de reacutegime pour

ordonner lexpertise biologique solliciteacutee dans le cadre dune action en reacutefeacutereacute aux motifs que laquo

la mesure dexpertise ne peut porter que sur des preacutelegravevements sanguins et non sur des

empreintes geacuteneacutetiques ces derniegraveres ne pouvant ecirctre ordonneacutees que par le seul juge saisi de

laction conformeacutement agrave larticle 16-11 du code civil raquo

Sachant que lexamen compareacute des sangs permet de donner des reacutesultats relativement fiables

en matiegravere de filiation au moins agrave titre indicatif permettant dappreacutecier les chances de succegraves

dune action en contestation ou en eacutetablissement de paterniteacute on peut degraves lors sinterroger sur

la peacuterenniteacute de cette dualiteacute de reacutegime Ne conviendrait-il pas de modifier les imperfections

reacutedactionnelles de larticle 16-11 alineacutea 2 pour autoriser eacutegalement le recours agrave la proceacutedure

de reacutefeacutereacute

3 La loi ndeg 2004-800 du 6 aoucirct 2004 (art 5) a modifieacute les conditions de lidentification dune

personne par ses empreintes geacuteneacutetiques agrave des fins meacutedicales ou de recherche scientifique

Comme pour lexamen des caracteacuteristiques geacuteneacutetiques agrave larticle 2 il sagit de garantir un

reacutegime du consentement plus protecteur pour les personnes et le texte reprend en partie la

teneur de larticle 16-10 en matiegravere dexamen des caracteacuteristiques geacuteneacutetiques recueil du

consentement expregraves par eacutecrit et preacutealable agrave la reacutealisation de lidentification reacutevocable sans

forme et agrave tout moment consentement eacuteclaireacute par lexigence de la communication de sa

finaliteacute

Le renforcement des droits de la personne saccompagne dun dispositif relatif aux conditions

dagreacutement aux fins de proceacuteder agrave lidentification dune personne agrave des fins meacutedicales ou agrave des

fins de recherche scientifique fixeacute par larticle L 1131-3 issu de la loi du 6 mai 2004

De la mecircme faccedilon un encadrement strict des conditions dagreacutement en matiegravere judiciaire est

mis en place avec le deacutecret ndeg 2004-471 du 25 mai 2004 qui vient modifier le deacutecret ndeg 97-

109 du 6 feacutevrier 1997 relatif aux conditions dagreacutement des personnes habiliteacutees agrave proceacuteder agrave

des identifications par empreintes geacuteneacutetiques dans le cadre dune proceacutedure judiciaire

1 - En matiegravere peacutenale

Un arrecirct de la Chambre criminelle de la Cour de cassation (22 juin 2004 Bull crim ndeg 164)

vient preacuteciser lapplication de larticle 706-56 du code de proceacutedure peacutenale issu de la loi ndeg

2001-1062 du 15 novembre 2001 (art 56 JO du 16 nov 2001) modifieacutee ensuite par la loi ndeg

2003-239 du 18 mars 2003 (art 29 JO du 19 mars 2003) et par la loi ndeg 2004-204 du 9 mars

16

2004 (art 49 JO du 10 mars 2004) en matiegravere dempreintes geacuteneacutetiques aux fins

didentification en matiegravere peacutenale Ce texte preacutevoit que le fait pour une personne

deacutefinitivement condamneacutee pour une des infractions viseacutees agrave larticle 706-55 de refuser de se

soumettre agrave un preacutelegravevement biologique destineacute agrave permettre lanalyse didentification de son

empreinte geacuteneacutetique est passible de sanctions peacutenales En lespegravece un homme condamneacute pour

viol avait refuseacute de se soumettre agrave un preacutelegravevement biologique en vue de son inscription au

fichier des empreintes geacuteneacutetiques et preacutetendait que le texte susviseacute ne sappliquait quaux

personnes deacutefinitivement condamneacutees apregraves son entreacutee en vigueur La cour dappel ne suit pas

cette argumentation et la Cour de cassation rejette le pourvoi aux motifs que ce texte

dapplication immeacutediate concerne toutes les personnes dont un preacutelegravevement est requis mecircme

si la condamnation est anteacuterieure agrave la loi

Les mesures viseacutees par ce texte sinscrivent dans la mise en place et le fonctionnement du

FNAEG le fichier national automatiseacute des empreintes geacuteneacutetiques destineacute notamment agrave

conserver dans un traitement automatiseacute les empreintes geacuteneacutetiques de lensemble des

personnes condamneacutees pour infractions sexuelles (Circ CRIM 00-8 F1 du 10 oct 2000 et

CRIM 01-15 E6 du 20 juill 2001) Un deacutecret ndeg 2004-470 du 25 mai 2004 modifiant le code

de proceacutedure peacutenale (2e partie deacutecrets en Conseil dEtat) relatif au fichier national

automatiseacute des empreintes geacuteneacutetiques vient compleacuteter le dispositif

C - Limage du corps

Limage du corps ou lapparence corporelle est classiquement proteacutegeacutee par le droit agrave limage

deacutecoulant de larticle 9 du code civil consacrant le droit au respect de la vie priveacutee et qualifieacute

de droit de la personnaliteacute (P Kayser in Meacutelanges Roubier p 73 T Hassler note sous TGI

Paris 15 avr 1987 D 1987 Jur p 551 F Dessemontet Le droit agrave sa propre image droit de

la personnaliteacute ou droit de la publiciteacute Meacutelanges en lhonneur de J-M Grossen) Cest le

droit pour toute personne dinterdire aux tiers la reproduction et la publication de son image

Limage du corps peut ecirctre appreacutehendeacutee de maniegravere plus originale par le recours agrave larticle 16

comme sinscrivant dans le domaine du droit au respect du corps humain et essentiellement

dans celui du respect de la digniteacute de la personne humaine On observe que le principe du

droit au respect du corps est proclameacute par le leacutegislateur en des termes semblables agrave ceux de

larticle 9 du code civil visant le respect de la vie priveacutee Il est vrai que laquo corps et vie priveacutee

repreacutesentent les deux faces de lintimiteacute dune personne raquo (J-C Galloux Le corps humain

dans le code civil in 1804-2004 Le code civil Un passeacute un preacutesent un avenir Dalloz 2004

p 381) Le recours agrave la notion de digniteacute de la personne humaine a eacuteteacute solliciteacute degraves 2001 dans

laffaire du preacutefet Erignac pour sanctionner la reproduction dans la presse de limage de son

cadavre (Cass 1re civ 20 deacutec 2000 J-P Gridel Retour sur limage du preacutefet assassineacute

digniteacute de la personne humaine et liberteacute de linformation dactualiteacute D 2001 Chron p 872

Jur p 885 Somm p 1990 obs A Lepage RTD civ 2001 p 329 obs J Hauser JCP

2001 II 10488 note J Ravanas)

1 Une deacutecision de la Cour dappel de Paris (1re ch B 23 sept 2004) consacre cette solution

en retenant que la liberteacute dexpression eacutetant une liberteacute fondamentale agrave valeur

constitutionnelle proteacutegeacutee par la Convention europeacuteenne des droits de lhomme et la

Deacuteclaration des droits de lhomme et du citoyen ses abus peuvent seulement ecirctre poursuivis

au nom dautres principes agrave valeur constitutionnelle comme le droit agrave reacuteparation de tout

preacutejudice subi ou la protection de la digniteacute de lhomme preacutevue par larticle 16 du code civil

2 Une deacutecision de la deuxiegraveme Chambre civile de la Cour de cassation (4 nov 2004) vient

confirmer cette dualiteacute Il sagissait en lespegravece dune photographie dun jeune homme de 17

17

ans gisant inanimeacute et agrave demi deacutevecirctu le visage ensanglanteacute victime dun accident de la

circulation alors quil pilotait un scooter Le clicheacute avait eacuteteacute pris par un hebdomadaire agrave grand

tirage pour illustrer un article intituleacute laquo Routes la guerre oublieacutee raquo consacreacute aux accidents de

la route

Les parents de ladolescent deacuteceacutedeacute des suites de laccident avaient assigneacute la socieacuteteacute eacuteditrice

de lhebdomadaire en reacuteparation arguant dune atteinte agrave la digniteacute de la personne ainsi

repreacutesenteacutee Les juges du fond avaient fait droit agrave la demande aux motifs que la liberteacute

dinformer revendiqueacutee par leacutediteur ne devait pas preacutevaloir sur le respect des droits de

lindividu sagissant dun article consacreacute agrave un pheacutenomegravene de socieacuteteacute La jurisprudence en la

matiegravere consacre en effet la liberteacute de communication des informations ainsi que la

publication dimages de personnes impliqueacutees dans un eacuteveacutenement sagissant deacuteveacutenements

dactualiteacute voire mecircme de faits dactualiteacute (Cass 2e civ 30 juin 2004 D 2004 IR p 2478

JCP 2004 II 10160 note D Bakouche) sous la seule reacuteserve du respect de la digniteacute

humaine (not absence de recherche du sensationnel et toute indeacutecence Cass 1re civ 20

feacutevr 2001 D 2001 Jur p 1199 note J-P Gridel Somm p 1990 obs A Lepage RTD civ

2001 p 329 note J Hauser Dr et patrimoine juin 2001 p 96 note G Loiseau 12 juill

2001 D 2002 Jur p 1380 note C Bigot Somm p 2298 obs L Marino RTD civ 2001

p 852 obs J Hauser JCP 2002 II ndeg 10152 note J Ravanas) Les diffeacuterentes deacutecisions

sont rendues au regard de latteinte agrave la vie priveacutee et du droit agrave limage sur le fondement de

larticle 9 (Cass 2e civ 5 mars 1997 D 1998 Jur p 474 note J Ravanas RTD civ 1997

p 396 obs J Hauser CA Versailles 31 janv 2002 Bull inf C cass 1er oct 2002 ndeg 983

D 2003 Somm p 1533 obs C Caron) voire sur le fondement de larticle 10 de la

Convention europeacuteenne des droits de lhomme (CEDH 3e sect 26 feacutevr 2002 Krone Verlag

c Austria req ndeg 34315)

Dans larrecirct susviseacute la Cour de cassation casse la deacutecision au visa des articles 10 de la

Convention europeacuteenne 9 et 16 du code civil Rappelant que laquo le principe de la liberteacute de la

presse implique le libre choix des illustrations dun deacutebat geacuteneacuteral de pheacutenomegravene de socieacuteteacute

sous la seule reacuteserve du respect de la digniteacute de la personne humaine [] raquo elle reproche agrave la

cour dappel de ne pas avoir laquo caracteacuteriseacute latteinte porteacutee par celle-ci [la photographie

litigieuse] agrave la digniteacute de la victime [] raquo

Le recours agrave larticle 16 du code civil selon lequel laquo la loi interdit toute atteinte agrave la digniteacute raquo

de la personne teacutemoigne de la proximiteacute des notions dimage (traditionnellement inscrite dans

le droit au respect de la vie priveacutee) et dapparence corporelle dont on perccediloit le lien avec la

notion de droit au respect du corps humain gouverneacute par larticle 16-1 prolongeant la

protection plus geacuteneacuterale fondeacutee sur la digniteacute inscrite agrave larticle 16 du code civil Nexiste-t-il

pas degraves lors une veacuteritable attraction de ces deux regravegles Les deux protections coexistent se

complegravetent et devraient favoriser le renforcement de la protection de limage de la personne

II - Le corps ses eacuteleacutements et ses produits

A - Regravegles geacuteneacuterales relatives au statut du corps humain

A leacutepoque contemporaine le corps humain devient de plus en plus un lieu de conflits

Conflits entre des normes juridiques de valeur comparable - autonomie de la volonteacute contre

solidariteacute sociale digniteacute des personnes contre liberteacute de la science - mais eacutegalement et de

maniegravere plus fondamentale conflits susciteacutes par des approches philosophiques et morales

diffeacuterentes sinon opposeacutees du corps humain Approches judeacuteo-chreacutetiennes qui le sacralisent

en linscrivant dans le mystegravere de lincarnation mateacuterialistes qui en nient la transcendance

utilitaristes precirctes agrave le sacrifier pour le bien-ecirctre collectif libertaires ou heacutedonistes qui

exaltent la liberteacute de lindividu agrave lencontre des contingences biologiques ou nen font que

18

linstrument de satisfaction des deacutesirs Le droit biomeacutedical se ressent de ces laquo oscillations de

la morale raquo (J Carbonnier Droit et passion du droit sous la Ve Reacutepublique Flammarion

1996 p 116) au risque de perdre peu agrave peu sa coheacuterence En teacutemoigne lapplication parfois

heacutesitante parfois jupiteacuterienne et souvent gecircneacutee des principes geacuteneacuteraux qui gouvernent le

statut du corps humain la protection de linteacutegriteacute corporelle et surtout lindisponibiliteacute ou

lextra-commercialiteacute du corps

1 - Protection de linteacutegriteacute corporelle

1 La loi du 6 aoucirct 2004 a modifieacute larticle 16-3 du code civil en ajoutant agrave la neacutecessiteacute laquo

meacutedicale raquo justifiant latteinte agrave linteacutegriteacute corporelle laquo agrave titre exceptionnel dans linteacuterecirct

theacuterapeutique dautrui raquo (art 9) Cette nouvelle extension de laccegraves aux ressources

biologiques corporelles au deacutetriment des droits de lindividu sur son corps (la premiegravere a eacuteteacute

consacreacutee par la loi ndeg 99-641 du 27 juill 1999 art 70 qui avait deacutejagrave substitueacute au terme laquo

theacuterapeutique raquo celui de laquo meacutedicale raquo afin de contrer linterpreacutetation neacutecessairement eacutetroite

quen avait fait la Cour de cassation dans son avis du 6 juill 1998 [D 1998 IR p 208 RTD

civ 1998 p 881 obs J Hauser] consideacuterant contraires agrave lart 16-3 les atteintes agrave linteacutegriteacute

du corps meneacutees agrave des fins purement contraceptives comme la ligature des trompes de Fallope

de telles atteintes sont deacutesormais licites car obeacuteissant agrave une finaliteacute meacutedicale mecircme si elles

tendent plus agrave preacutevenir ou agrave gueacuterir une maladie une grossesse neacutetant par elle-mecircme une

maladie) a davantage pour but dharmoniser les dispositions du code civil et celles du code de

la santeacute publique les preacutelegravevements reacutealiseacutes aux fins de greffes sur autrui ne pouvaient

certainement pas entrer dans les preacutevisions du texte dans sa reacutedaction anteacuteceacutedente Avec

lextension continue de la cateacutegorie des donneurs vivants (afin de pallier le deacuteficit chronique

de greffons en France cf infra) cette disposition est promise agrave un bel avenir (JOAN CR 2e

seacuteance 16 janv 2002)

2 Le titre III de la loi du 6 aoucirct 2004 apporte par ailleurs des modifications importantes agrave

larchitecture des preacutelegravevements deacuteleacutements du corps humain et par voie de conseacutequence aux

conditions dans lesquelles il peut ecirctre porteacute atteinte agrave linteacutegriteacute corporelle des donneurs

- lacte de preacutelegravevement est deacutesormais qualifieacute dlaquo acte de soin raquo au sens des articles L 1142-1

et suivants du code de la santeacute publique relatifs aux risques sanitaires reacutesultant du

fonctionnement du systegraveme de santeacute issus de la loi du 4 mars 2002 ce qui devrait ameacuteliorer

lindemnisation des victimes en cas daccident lors du preacutelegravevement

- le cercle des donneurs est eacutelargi (art L 1231-1 al 1er c santeacute publ)

- les modaliteacutes de recueil du consentement sont renforceacutees (mecircme art al 3)

- les finaliteacutes des preacutelegravevements sont mieux deacutefinies (par ex pour le sang art L 1211-8-1 c

santeacute publ) le patient pouvant controcircler une nouvelle utilisation des eacuteleacutements preacuteleveacutes

initialement pour dautres buts (not art L 1241-1 c santeacute publ) Les patients peuvent

eacutegalement sopposer agrave lutilisation des produits dexeacuteregravese et du placenta (art L 1235-2 et

1245-2 c santeacute publ) Pour les preacutelegravevements sur personne deacuteceacutedeacutee la regravegle mal veacutecue et

contourneacutee du consentement est ameacutelioreacutee obligeant le meacutedecin agrave recueillir aupregraves de ses

proches une eacuteventuelle opposition exprimeacutee par le deacutefunt de son vivant (art L 1232-1 c

santeacute publ) les proches se voyant reconnaicirctre le droit de connaicirctre les preacutelegravevements effectueacutes

3 Nonobstant les appels aux dons la peacutenurie de greffons saggrave en France selon

lEtablissement franccedilais des greffes qui constate une baisse des preacutelegravevements dorganes

(communiqueacute du 8 avr 2004) ce qui conduit lAcadeacutemie de meacutedecine agrave reacuteclamer de

19

nouvelles modifications reacuteglementaires afin dassouplir les regravegles de seacutelection des donneurs

(communiqueacute du 11 mai 2004) Cette situation ne doit toutefois pas conduire agrave des

discriminations ignoreacutees de la reacuteglementation sanitaire et contraires agrave notre tradition juridique

larrecirct du Conseil dEtat du 30 avril 2004 sen fait leacutecho En lespegravece un ressortissant

marocain en situation irreacuteguliegravere atteint dune grave insuffisance reacutenale chronique et inscrit

sur la liste des receveurs de greffes dorganes en vue dune transplantation reacutenale se voit

notifier une mesure de reconduite agrave la frontiegravere sur le fondement de larticle 25 de

lordonnance du 2 novembre 1945 Larrecircteacute deacutecidant cette reconduite est annuleacute comme

entacheacute dune erreur manifeste dappreacuteciation des conseacutequences de cet arrecircteacute sur la situation

personnelle de linteacuteresseacute car il ne pouvait pas beacuteneacuteficier dune opeacuteration de transplantation

dans son pays dorigine Peut-on voir dans cette solution tregraves humaine une application preacutecoce

du principe nouvellement inscrit dans le nouvel article L 1231-1 A c) du code de la santeacute

publique qui impose le respect du principe deacutequiteacute dans les regravegles de reacutepartition et

dattribution des greffons

4 La question des soins imposeacutes suscite toujours des questions deacutelicates autant sur un plan

humain quun plan juridique Le droit pour le patient majeur de donner lorsquil se trouve en

leacutetat de lexprimer son consentement agrave un traitement meacutedical comme le rappelle lalineacutea 2 de

larticle 16-3 revecirct le caractegravere dune liberteacute fondamentale (CE ord reacutef 16 aoucirct 2002 D

2004 Somm p 602 obs J Penneau RTD civ 2002 p 781 obs J Hauser) Larticle L

1111-4 du code de la santeacute publique tel quissu de la loi du 4 mars 2002 sur le droit des

malades prescrit que le pouvoir de deacutecision sexerce avec le professionnel de santeacute compte

tenu des informations et des preacuteconisations quil lui fournit le meacutedecin ne dispose plus

deacutesormais que dun pouvoir de conseil qui lui interdit de passer outre la volonteacute du patient

mecircme en cas durgence vitale Le meacutedecin doit respecter la volonteacute de la personne apregraves

lavoir informeacutee des conseacutequences de ses choix (il nest dailleurs pas obligeacute de la convaincre

Cass 1re civ 18 janv 2000 D 2001 Jur p 3559 note M-L Mathieu-Izorche) aucun acte

ni aucun traitement ne peut ecirctre pratiqueacute sans le consentement libre et eacuteclaireacute de la personne

consentement quelle peut retirer agrave tout moment Toutefois parmi les soins imposeacutes les

obligations de vaccination tiennent une place particuliegravere Bien accepteacutees par le public

lorsquelles furent introduites pour lutter contre des eacutepideacutemies dont chacun pouvait mesurer

autour de soi les effets deacutevastateurs (la premiegravere vaccination obligatoire remonte agrave la loi du 15

feacutevr 1902 F Moderne Le reacutegime juridique des vaccinations obligatoires AJDA 1965 p

195) ces mesures autoritaires encore nombreuses (contre la diphteacuterie art L 3111-1 c santeacute

publ le teacutetanos art L 3111-2 c santeacute publ la poliomyeacutelite art L 3111-3 c santeacute publ

la tuberculose art L 3111-4 c santeacute publ) sont aujourdhui contesteacutees au nom de la liberteacute

individuelle alors que ces grandes pandeacutemies ont peu agrave peu replieacute leurs ailes de mort sur

notre pays du moins Dans un arrecirct dAssembleacutee du 3 mars 2004 (Association Liberteacute

Information Santeacute RFDA 2004 p 581 concl comm du gouv G Le Chatelier AJDA

2004 p 971) le Conseil dEtat a eu loccasion de preacuteciser les pouvoirs reacuteglementaires dont

peut disposer le ministre de la Deacutefense pour imposer certaines vaccinations obligatoires

contrairement aux conclusions du commissaire du gouvernement il a admis que le ministre de

la Deacutefense en tant que chef de service peut imposer des vaccinations aux militaires placeacutes

sous son autoriteacute Si le principe dinteacutegriteacute du corps ne constitue pas en lui-mecircme un principe

agrave valeur constitutionnelle il concourt toutefois agrave assurer le respect du principe constitutionnel

de sauvegarde de la digniteacute de la personne humaine (Cons const 27 juill 1994 RJC p 100

B Edelman Le Conseil constitutionnel et lembryon D 1995 Chron p 205 Jur p 237 note

B Mathieu Somm p 299 obs L Favoreu) Cette expression essentielle et incarneacutee de la

liberteacute individuelle doit ecirctre concilieacutee avec des impeacuteratifs sociaux de santeacute dont la valeur nest

pas moindre La Haute juridiction administrative avait deacutejagrave eu loccasion de preacuteciser que les

20

dispositions imposant des vaccinations obligatoires si elles ont pour effet de porter une

atteinte limiteacutee aux principes dinviolabiliteacute et dinteacutegriteacute du corps humain voient leur mise en

oeuvre justifieacutee dans le but dassurer la protection de la santeacute dont le principe se trouve garanti

par le Preacuteambule de la Constitution de 1946 et sont proportionneacutees agrave cet objectif (CE 26 nov

2001 ALIS req ndeg 222741 RFDA 2002 p 65 concl comm du gouv S Boissard) Cest

normalement agrave la loi quil revient darbitrer entre ces deux principes Dans une autre affaire

(CA Pau 19 mars 2002 Dr fam 2004 ndeg 137 obs M S) des parents avaient eacuteteacute

condamneacutes agrave des peines contraventionnelles pour avoir soustrait leurs enfants agrave lobligation

vaccinale pour des raisons religieuses Ces deacutecisions ont eacuteteacute rendues alors que la loi du 4 mars

2002 sur le droit des patients neacutetait pas entreacutee en vigueur le renforcement de la liberteacute du

patient serait-elle de nature agrave assouplir les obligations vaccinales La jurisprudence de la

Cour europeacuteenne des droits de lhomme semble aller en ce sens (CEDH 9 juill 2002 ndeg

4219798 Salvetti c Italie une vaccination obligatoire en tant que traitement meacutedical non

volontaire constitue une ingeacuterence dans le droit au respect de la vie priveacutee reconnu par lart 8

sect 1 Conv EDH) Quil nous soit permis deacutemettre des reacuteserves sauf agrave ruiner toute la politique

de preacutevention mise en place par les autoriteacutes sanitaires depuis un siegravecle et dont les effets

salutaires ne sont pas contestables la reacutesistance des juridictions administratives qui sous-tend

larrecirct dAssembleacutee rapporteacute face aux derniers avatars dun certain extreacutemisme libertarien

dont le corps devient le bastion (pour un bon exposeacute de ces thegraveses Onfray Feacuteeacuteriques

anatomiques geacuteneacutealogie du corps faustien Grasset-Fasquelle 2003) montre que lhypothegravese

est ici bien diffeacuterente dun simple refus de soin comme dans le cas des transfusions elles ne

mettent en jeu que la vie du patient (sur cette derniegravere question B Mathieu De la difficulteacute

de choisir entre la liberteacute et la vie RGDM 2003 ndeg 9 p 97 A Garay Volonteacutes et liberteacutes

dans la relation meacutedecin-malade la mise agrave leacutepreuve des articles 16-3 du code civil et L

1111-4 du code de la santeacute publique RGDM 2003 ndeg 10 p 143)

5 Moins sujet agrave deacutebat larrecirct rendu par la Cour europeacuteenne (22 juill 2003 req ndeg 2420994

RD publ 2004 ndeg 3 p 826 note C Picheral) qui condamne la Turquie pour ingeacuterence dans

le droit au respect de la vie priveacutee reconnu par larticle 8 sect 1 de la Convention europeacuteenne

Dans cette affaire la plaignante avait subi un examen gyneacutecologique forceacute destineacute agrave prouver

agrave lissue de sa garde agrave vue quelle navait pas subi de violences sexuelles La Cour europeacuteenne

qui integravegre deacutesormais le respect du corps humain dans la sphegravere de la vie priveacutee fait ici une

application logique de larticle 8 dans la ligne de la jurisprudence preacuteceacutedemment citeacutee

2 - Indisponibiliteacute et extra-patrimonialiteacute du corps humain

6 Le principe dextra-patrimonialiteacute du corps humain se trouve repris par les articles 16-1

alineacutea 3 16-5 et 16-6 du code civil quil est parfois difficile de distinguer du principe

dindisponibiliteacute du corps humain que la jurisprudence fonde sur larticle 1128 du mecircme code

(Cass ass pleacuten 31 mai 1991 D 1991 Jur p 417 rapp Y Chartier note D Thouvenin) Si

la qualification dindisponibiliteacute a eacuteteacute eacutecarteacutee du vocabulaire des lois de 1994 et de 2004

comme par la doctrine dominante pour cause dambiguiumlteacute (D Fenouillet Respect et protection

du corps humain J-Cl civil art 16 agrave 16-12 fasc 12 ndeg 134 s) la jurisprudence y revient

parfois pour affirmer que le corps nest pas une chose dans le commerce Larrecirct de la Cour

dappel de Paris du 16 mai 2003 reacuteforme sur ce point un jugement du Tribunal des affaires de

seacutecuriteacute sociale de Paris du 5 juillet 2001 qui avait agrave tort exoneacutereacute une prostitueacutee du paiement

de la cotisation dallocations familiales des travailleurs indeacutependants au motif quanalyser une

activiteacute sexuelle reacutemuneacutereacutee comme un travail reviendrait agrave admettre que le commerce du

corps humain est leacutegal alors que leacutegaliser ce commerce aboutit agrave nier et agrave rejeter le principe

dindisponibiliteacute du corps humain La cour rappelle agrave bon droit que le commerce des relations

sexuelles nest pas en soi illicite seules eacutetant interdites certaines conditions dexercice de cette

21

activiteacute en tant quelles conduiraient aux infractions de racolage et de proxeacuteneacutetisme Affirmer

que lactiviteacute en cause na aucun lien avec lindisponibiliteacute du corps humain a quelque chose

de surreacutealiste le fait quelle ne soit pas peacutenalement reacuteprimeacutee nempecircche pas le caractegravere

illicite du contrat passeacute entre la prostitueacutee et son client (dans ce sens pour la nulliteacute dune

assurance souscrite par un proxeacutenegravete contre les accidents corporels freacutequents dans ce genre

dactiviteacutes CA Paris 22 janv 1992 Juris-Data ndeg 020308) Reste la justification de la

deacutecision par la relative autonomie du droit des prestations sociales larticle R 241-2 du code

de la seacutecuriteacute sociale vise toutes les activiteacutes non salarieacutees mecircme de caractegravere accessoire La

Chambre sociale de la Cour de cassation a deacutejagrave admis la prostitution au titre de ces activiteacutes

(18 mai 1995 D 1996 Somm p 38 obs X Preacutetot) eacutecarter les activiteacutes de prostitution de

lassiette des cotisations sociales ne serait-ce pas les encourager davantage au risque pour

lEtat de reprendre agrave son compte le ceacutelegravebre adage de Vespasien

7 Nous rappellerons encore larrecirct rendu par la premiegravere Chambre civile le 9 deacutecembre 2003

confirmant le rejet de ladoption pleacuteniegravere par la femme du pegravere dune enfant qui est le fruit

dune convention de megravere porteuse Lamie dun couple steacuterile avait accepteacute en 1987

dabandonner agrave sa naissance sans indication de filiation maternelle lenfant conccedilu des relations

intimes quelle avait eues avec leacutepoux La demanderesse au pourvoi soutenait que lilliceacuteiteacute de

la convention neacutetait pas eacutetablie par la jurisprudence et par la loi au moment des faits et quil

fallait prendre en consideacuteration pour ladoption pleacuteniegravere les douze anneacutees passeacutees par lenfant

aupregraves delle les inteacuterecircts de ce dernier primant la neacutecessiteacute de sanctionner la convention La

Cour de cassation confirmant sa jurisprudence du 31 mai 1991 (preacutec) et du 29 juin 1994 (D

1994 Jur p 581 note Y Chartier) rappelle laquo que la materniteacute pour autrui dont le caractegravere

illicite se deacuteduit des principes geacuteneacuteraux du code civil et aujourdhui de son article 16-7

reacutealise un deacutetournement de linstitution de ladoption que les premiers juges ont agrave bon droit

refuseacute raquo Prudemment la Haute juridiction neacutevoque pas la notion dindisponibiliteacute cet laquo

imaginaire de la doctrine raquo (M Gobert Reacuteflexions sur les sources du droit et les principes

dindisponibiliteacute du corps humain et de leacutetat des personnes RTD civ 1992 p 489) pour se

contenter logiquement de viser larticle 16-7 qui a vocation agrave sappliquer mecircme si le contrat

reste secret la graviteacute du vice initial de la materniteacute pour autrui contaminant toute adoption

ulteacuterieure

8 Le Tribunal administratif dAmiens dans sa deacutecision du 9 mars 2004 fait une application

discutable de la notion dextra-commercialiteacute des eacuteleacutements et des produits du corps humain

dans une hypothegravese ougrave cette qualification ne devait pas jouer Un couple perd ses embryons

congeleacutes in vitro en raison de la deacutefaillance du mateacuteriel de conservation imputable agrave un

eacutetablissement hospitalier Peut-il se preacutevaloir dun preacutejudice indemnisable dans le cadre de

laction en responsabiliteacute quil engage contre cet eacutetablissement La juridiction administrative

saisie admet la responsabiliteacute de la personne publique le mateacuteriel de conservation lui

appartenant eacutetant en cause mais sur la question de la reacuteparation du preacutejudice subi reacutepond de

maniegravere surprenante laquo si les eacutepoux peuvent se preacutevaloir de lexistence dun preacutejudice

mateacuteriel reacutesultant de la perte dovocytes les dispositions de larticle 16-1 du code civil selon

lesquelles le corps humain ses eacuteleacutements et ses produits ne peuvent faire lobjet dun droit

patrimonial sopposent agrave ce quils puissent en demander la reacuteparation en argent raquo et il

poursuit laquo les ovocytes surnumeacuteraires neacutetant pas des personnes ils ne sont pas fondeacutes agrave se

preacutevaloir dun preacutejudice moral reacutesultant selon eux de la perte decirctres chers raquo Le couple se

voit toutefois allouer 10 000 euros de dommages-inteacuterecircts pour les laquo troubles divers raquo dans

leurs conditions dexistence Si les ovocytes ne sont pas eacutevaluables en argent et si leur perte ne

peut donc pas justifier un preacutejudice mateacuteriel il nen va pas de mecircme dun preacutejudice moral

causeacute par leur perte (la perte dun animal domestique le justifie en droit civil ) et surtout le

22

preacutejudice reacutesultant de la perte dune chance de devenir parents pour un couple deacutejagrave acircgeacute et qui

rencontre des difficulteacutes pour procreacuteer degraves lors quaurait pu ecirctre eacutetablie la disparition par

leffet de la faute imputeacutee agrave leacutetablissement hospitalier de leacuteveacutenement favorable la

probabiliteacute de la naissance dun enfant (en droit meacutedical G Meacutemeteau Gaz Pal 1997 2

Doctr p 1367) La juridiction administrative a manqueacute une occasion de faire avancer le droit

biomeacutedical dans une affaire inattendue et hautement symbolique

B - Reacuteglementation des eacuteleacutements et les produits du corps

Prenant appui sur les principes geacuteneacuteraux gouvernant le statut du corps humain le reacutegime

juridique des eacuteleacutements et des produits biologiques dorigine humaine peut toutefois preacutesenter

des particulariteacutes

1 - La greffe de visage

9 Le Comiteacute consultatif national deacutethique dans son avis ndeg 82 du 6 feacutevrier 2004 eacutemet un

avis deacutefavorable au preacutelegravevement du visage dune personne deacuteceacutedeacutee ou en langage meacutedical agrave

lallotransplantation de tissus composites En deacutepit des besoins eacutevidents pour la chirurgie

reconstructive des victimes deacutefigureacutees agrave la suite daccidents ou de suicides manqueacutes le

Comiteacute consultatif considegravere que des obstacles dirimants subsistent actuellement pour

ladmission dun tel preacutelegravevement les perspectives de laquo reacuteussite raquo dune telle opeacuteration

demeurent tregraves theacuteoriques les risques de rejet des greffons eacutetant laquo extrecircmement graves raquo il

paraicirct par ailleurs fort deacutelicat de solliciter lautorisation de la famille du deacuteceacutedeacute pour effectuer

les preacutelegravevements la signification eacutethique particuliegravere du visage humain son lien intime agrave la

personnaliteacute et agrave lidentiteacute en font davantage quune piegravece anatomique Cette prudence sinscrit

dans le cadre des principes traditionnels du droit meacutedical la technique envisageacutee relevant

pour lheure davantage de lexpeacuterimentation que de la theacuterapeutique

2 - Les banques de sang de cordon ombilical

10 Les cellules heacutematopoiumleacutetiques preacutesentes dans le sang du cordon ombilical peuvent ecirctre

utiliseacutees pour le traitement de certaines maladies geacuteneacutetiques elles peuvent notamment

repeupler la moelle osseuse du patient et constituer une source de cellules sanguines offrant

ainsi une solution alternative agrave la greffe de moelle osseuse Des banques de ces cellules ont

eacuteteacute creacuteeacutees dans des institutions hospitaliegraveres et plus reacutecemment dans le secteur priveacute Ces

activiteacutes pour certaines agrave but lucratif suscitent eacutevidemment des questions juridiques et

eacutethiques Le Comiteacute national sest en France pencheacute sur ce problegraveme (avis ndeg 74 du 12 deacutec

2002) de mecircme que divers organismes de santeacute europeacuteens Le Groupe europeacuteen deacutethique

institueacute aupregraves du preacutesident de la Commission europeacuteenne a consacreacute agrave ce point son avis ndeg

16 rendu le 16 mars 2004 En substance les sages du Groupe europeacuteen critiquent vivement

louverture de cette activiteacute au secteur commercial degraves lors que les banques priveacutees noffrent

pas un laquo service utile en termes de possibiliteacutes theacuterapeutiques raquo (pt 21) et meacuteritent decirctre

eacutetroitement encadreacutees comme elles le seraient dailleurs en France Dun point de vue plus

geacuteneacuteral ces banques priveacutees de sang ombilical qui demeurent en veacuteriteacute assez marginales

posent la question des activiteacutes commerciales dans les secteurs sensibles de la santeacute qui nest

pas reacutesolue de maniegravere uniforme au sein de lUnion europeacuteenne Ladoption de

reacuteglementations telles que la directive CE ndeg 2004-23 du 31 mars 2004 concernant les aspects

de seacutecuriteacute et de qualiteacute pour les diffeacuterentes opeacuterations relatives aux eacuteleacutements biologiques

dorigine humaine va dans le sens de cette harmonisation

3 - Les normes europeacuteennes de qualiteacute et de seacutecuriteacute concernant les diffeacuterentes opeacuterations

relatives aux tissus et aux cellules humains

11 La directive CE ndeg 2004-23 du 31 mars 2004 constitue un texte important dans un secteur

ougrave lharmonisation communautaire tardait nonobstant le maillage reacuteglementaire existant en

23

matiegravere de meacutedicaments agrave usage humain (Dir CE ndeg 2001-83 du 6 nov 2001) Le texte

sapplique essentiellement aux eacuteleacutements biologiques destineacutes agrave lhomme ou agrave la fabrication de

produits manufactureacutes y compris pour des buts cosmeacutetiques agrave lexception des produits

destineacutes agrave des greffes autologues dans le cadre dune intervention chirurgicale unique du sang

et des produits sanguins (Dir CE ndeg 2002-98 du 27 janv 2002) des organes ou des parties

dorganes utiliseacutes aux mecircmes fins que lorgane entier dans le corps humain Les utilisations agrave

des fins de recherche sont eacutegalement exclues La directive sapplique en revanche aux gamegravetes

et aux cellules souches embryonnaires mais laisse aux Etats membres la faculteacute den autoriser

lutilisation Dune maniegravere geacuteneacuterale le texte communautaire nimpose pas de modegravele eacutethique

mais des obligations techniques dans un but de seacutecuriteacute sanitaire comprenant notamment la

mise en place dun systegraveme qualiteacute et de traccedilabiliteacute la deacutesignation dune personne responsable

mais il insiste cependant sur la gratuiteacute des dons et les exigences en matiegravere de consentement

La transposition qui ne devrait pas affecter de maniegravere sensible le cadre juridique franccedilais

actuel doit intervenir avant le 7 avril 2006

4 - Les cellules souches embryonnaires

12 Moins de deux mois apregraves ladoption de la reacutevision des lois bioeacutethiques et en application

de larticle 37 du nouveau texte qui autorise agrave titre transitoire avant la mise en place de

lAgence de la Biomeacutedecine les ministres concerneacutes agrave permettre limportation agrave des fins de

recherche de cellules souches embryonnaires humaines un deacutecret et un arrecircteacute (JO ndeg 228 du

30 sept 2004 p 16804) du 28 septembre 2004 viennent dy proceacuteder Les recherches sur ces

cellules fort contesteacutees il y a encore peu puisque la preacuteceacutedente autorisation dimportation de

cellules souches dorigine embryonnaire avait fait lobjet dun contentieux (TA Paris 21 janv

2003 D 2004 Somm p 532 obs H Gaumont-Prat LPA 2003 ndeg 196 p 7 note B

Pauvert) entrent donc rapidement dans la reacutealiteacute Ces souches importeacutees seront rapidement

supplanteacutees par pregraves de 50 000 embryons congeleacutes en France dont les geacuteniteurs ont renonceacute agrave

ce quils accegravedent agrave la naissance et qui vont pouvoir prochainement servir de mateacuteriel

dexpeacuterimentation comme la loi nouvelle lautorise deacutesormais

Mots cleacutes

PERSONNE HUMAINE Panorama 2004

Gazette du Palais 29 mai 2004 ndeg 150 P 15 - Tous droits reacuteserveacutes

Famille - Personnes

040412

ADOPTION Adoption pleacuteniegravere - Enfants pouvant faire lobjet dune adoption - Enfant neacute dune megravere

porteuse (non)

La materniteacute pour autrui dont le caractegravere illicite se deacuteduit des principes geacuteneacuteraux du Code

civil et aujourdhui de son article 16-7 reacutealise un deacutetournement de linstitution de ladoption

que les juges du fond ont donc agrave bon droit refuseacute de prononcer sans violer aucun des textes

invoqueacutes

C cass 1re civ 9 deacutecembre 2003 Mme X c Procureur geacuteneacuteral pregraves le Cour dappel de Y-

Pourvoi ndeg 0103927 Q - Rejet (C app Paris 1er feacutevrier 2001) - gr ndeg 1644P

NOTE

Reacuteiteacuteration de linterdiction dune adoption lieacutee agrave une procreacuteation pour le compte

dautrui -

24

Larrecirct rendu le 9 deacutecembre 2003 ne surprendra pas puisquil sinscrit dans la ligne traceacutee par

la Cour de cassation depuis 1989 confirmeacutee par la loi du 29 juillet 1994 relative au respect du

corps humain

En lespegravece Georges D et Denise M seacutetaient marieacutes le 15 deacutecembre 1962 et avaient eu un

enfant Fabrice neacute le 11 novembre 1966 Leacutepouse nayant pu avoir un deuxiegraveme enfant

pourtant vivement souhaiteacute le couple se serait adresseacute agrave une laquoamieraquo qui aurait accepteacute davoir

des relations intimes avec Georges D jusquagrave ce quelle conccediloive un enfant quil eacutetait convenu

de laisser degraves sa naissance au pegravere et agrave son eacutepouse

Cest ainsi que serait neacutee Sarah le 4 juillet 1987 qui fut deacuteclareacutee sur les registres de leacutetat civil

sans indication de filiation maternelle reconnue par Georges D puis recueillie aussitocirct par

celui-ci et son eacutepouse Cette derniegravere avait pris la preacutecaution de seacuteloigner de son domicile

pendant les derniers mois du deacuteveloppement in utero de lenfant afin que la substitution

maternelle soit ignoreacutee de lentourage des deux eacutepoux

Il sagissait donc bien selon les propres dires de Georges et Denise D dune materniteacute pour

autrui sans recours aux techniques modernes de procreacuteation meacutedicalement assisteacutee selon un

processus agrave la fois naturel et vieux comme le monde (1)

En janvier 1999 Denise D a saisi le Tribunal de grande instance dune requecircte en adoption

pleacuteniegravere de la fille de son mari

Le Tribunal par jugement du 8 deacutecembre 1999 puis la Cour dappel de Paris par arrecirct du 1er

feacutevrier 2001 ont rejeteacute sa demande au motif quen application des art 6 et 1128 C civ la

convention par laquelle une femme sengage agrave concevoir et agrave porter un enfant pour

labandonner agrave sa naissance est nulle car elle contrevient tant au principe dordre public de

lindisponibiliteacute du corps humain quagrave celui de lindisponibiliteacute de leacutetat des personnes et que

ladoption envisageacutee neacutetait que lultime phase dun processus illicite constitutif dun

deacutetournement de linstitution de ladoption

On reconnaicirctra lagrave les formules mecircmes employeacutees par la Cour de cassation notamment dans

son arrecirct dassembleacutee pleacuteniegravere du 31 mai 1991 (2) Il nest donc pas eacutetonnant que la Cour

suprecircme ait rendu un arrecirct de rejet dautant plus que sa jurisprudence a eacuteteacute conforteacutee par le

nouvel art 16-7 inseacutereacute dans le Code civil par la loi ndeg 94-653 du 29 juillet 1994 (3) qui

dispose que toute convention portant sur la procreacuteation ou la gestation pour le compte dautrui

est nulle

La Cour de cassation a bien entendu viseacute expresseacutement ce texte nouveau mais elle a tenu agrave

rappeler que le caractegravere illicite se deacuteduisait aussi des principes geacuteneacuteraux du Code civil

faisant ainsi implicitement reacutefeacuterence aux art 6 et 1128 de ce Code sur lesquels elle avait

preacuteceacutedemment fondeacute sa position

Le moyen de cassation tentait deacutechapper agrave la jurisprudence de la Cour suprecircme en se fondant

sur les circonstances de lespegravece et notamment sur le fait que la requecircte en adoption navait

eacuteteacute formeacutee que douze anneacutees apregraves la naissance de lenfant de sorte que lindivisibiliteacute entre la

materniteacute pour autrui et ladoption ne serait pas caracteacuteriseacutee Mais la Cour dappel avait

reacutepondu agrave cette argumentation en eacutenonccedilant que labandon de lenfant agrave naicirctre objet de

lobligation contracteacutee par la megravere biologique eacutetait destineacute agrave permettre que lenfant reconnu

par Georges D puisse ecirctre adopteacute par son eacutepouse et en soulignant que celle-ci avait dans le

mecircme but accepteacute linseacutemination dune autre femme par les gamegravetes de son mari et quelle

avait participeacute activement au processus en prenant toutes preacutecautions pour que la substitution

de materniteacute soit ignoreacutee des tiers

Denise D soutenait en outre que linteacuterecirct de lenfant retenu tant par lart 353 C civ que par

les art 3 et 21 de la Convention internationale des droits de lenfant devait primer sur le souci

de sanctionner lilliceacuteiteacute de la convention qui avait preacutesideacute agrave sa conception et agrave sa naissance

La Cour de cassation ne sest pas arrecircteacutee agrave cette argumentation pas plus quelle ne sy eacutetait

arrecircteacutee en 1991 pour elle lensemble de lopeacuteration est indivisible le deacutetournement de

25

linstitution de ladoption est caracteacuteriseacute et il convient de lutter contre la politique du fait

accompli (4) Laccepter au nom de linteacuterecirct de lenfant ne conduirait-il pas comme on la

souligneacute en doctrine (5) agrave admettre le commerce des enfants sous preacutetexte que bien souvent

ceux-ci y trouveraient beacuteneacutefice

(1) Selon la Bible Sarah eacutepouse dAbraham ne pouvant avoir denfant de lui lenvoya aupregraves

de son esclave eacutegyptienne Agar dont il eut un fils Ismaeumll Agar fut renvoyeacutee avec celui-ci

lorsque Sarah tregraves acircgeacutee mit au monde Isaac le fils de la promesse

Cest sans doute une coiumlncidence si nous trouvons aussi dans notre affaire une laquoSarahraquo qui

tient il est vrai un rocircle tout diffeacuterent de celui deacutevolu agrave son homonyme biblique

Lhistoire reacutevegravele eacutegalement des cas relativement freacutequents ougrave pour pallier agrave la steacuteriliteacute du

mari et pour permettre la continuation de la ligneacutee et la perpeacutetuation dun nom ou dun titre un

laquovaletraquo - souvent ensuite renvoyeacute - eacutetait chargeacute de feacuteconder leacutepouse Le proceacutedeacute eacutetait

juridiquement parfait dans la mesure ougrave par le jeu de la preacutesomption de paterniteacute le mari

devenait leacutegalement le pegravere de lenfant

(2) Cass ass pleacuten 31 mai 1991 Bull civ 1991 ndeg 4 Gaz Pal Rec 1991 panor cass p

162 [912144] D 1991 jur p 417 rapport Y Chartier note G Thouvenin JCP 1991 II

21752 comm J Bernard concl H Dontenwille note F Terreacute Defreacutenois 1991 art 35088

ndeg 67 p 948 obs J Massip RTD civ 1991 517 obs D Huet-Weiller Dans le mecircme sens

v Cass civ 1re 29 juin 1994 Bull civ 1994 I ndeg 226 Gaz Pal Rec 1995 jur p 36 note

J B [943856] D 1994 jur p 581 note Y Chartier JCP 1995 II 223621 note J Rubellin-

Devichi RTD civ 1994 p 842 obs J Hauser Defreacutenois 1995 art 36024 ndeg 4 p 315

obs J Massip

V aussi Cass civ 1re 13 deacutecembre 1989 Bull civ 1989 I ndeg 387 Gaz Pal Rec 1990

panor cass p 66 [901122] D 1990 jur p 273 rapport J Massip Defreacutenois 1990 art

34802 ndeg 55 p 743 obs J-L Aubert et art 34815 p 862 rapport J Massip et JCP 1990 II

21526 note A Seriaux Dans cette affaire la Cour de cassation avait proclameacute par des motifs

analogues agrave ceux adopteacutes par les arrecircts de 1991 et 1994 le caractegravere illicite de la materniteacute

pour autrui et des associations qui sefforcent de la promouvoir

(3) Sur cette loi v notamment notre commentaire in Defreacutenois 1975 art 35975 et 35922

speacutecialement en ce qui concerne lart 16-7 C civ le ndeg 9 de cette eacutetude p 72

(4) Sur ces divers points v notre note preacuteciteacutee sous Cass ass pleacuten 31 mai 1991

(5) Obs J Hauser sous larrecirct rendu le 1er feacutevrier 2001 par la Cour dappel de Paris dans le

preacutesente affaire in RTD civ 2001 347

AD2008DEF0291N1

Reacutepertoire du Notariat Defreacutenois 15 feacutevrier 2008 ndeg 3 P 291 - Tous droits reacuteserveacutes

FILIATION

38717 La convention de megravere porteuse

(Reacuteflexions sur les sources du droit et les principes dindisponibiliteacute du corps humain et de leacutetat des personnes)

Le droit franccedilais prohibe les conventions de megraveres porteuses

26

Malgreacute linterdiction leacutegale de nombreux couples ont chercheacute et cherchent encore agrave

contourner cette interdiction notamment en ayant recours agrave des megraveres de substitution dans

des pays eacutetrangers ougrave cette pratique est autoriseacutee

La Cour de cassation veille agrave ce que linstitution de ladoption ne soit pas deacutetourneacutee au profit

de ces parents

Dans un arrecirct du 25 octobre 2007 la cour dappel de Paris vient de reacuteouvrir le deacutebat non sur

le terrain de la convention mais sur celui de la non-transcription des actes de naissance et de

linteacuterecirct supeacuterieur de lenfant

Une excellente occasion de faire le point sur la question et de sinterroger pour lavenir avant

la reacutevision de la loi bioeacutethique en 2009

par Rabih CHENDEB

Docteur en droit

ATER agrave lUniversiteacute de Picardie Jules Verne

laquo La science va Elle est ineacuteluctable Ce quil faut cest la rendre eacutethique raquo (1)

Le droit positif franccedilais interdit de recourir aux megraveres porteuses si un couple conccediloit un

embryon in vitro qui est implanteacute dans luteacuterus dune tierce femme cest cette tierce femme

qui est la megravere selon la loi franccedilaise et les parents biologiques ne peuvent avoir aucun droit

mecircme en cas dabandon de lenfant agrave la naissance par la megravere porteuse La loi bioeacutethique de

1994 a interdit la gestation pour autrui car cela soulevait des questions

dinstrumentalisation et de commercialisation du corps de la femme

De nombreux couples en mal denfants ont depuis longtemps chercheacute agrave contourner les regravegles

notamment en ayant recours agrave des megraveres de substitution qui vivent dans des pays ougrave cette

pratique est autoriseacutee Jusquagrave preacutesent la Cour de cassation ne sy est jamais laisseacutee prendre et

condamnait ladoption faite par les parents de lenfant de la megravere porteuse consideacuterant quil

sagissait dun deacutetournement de linstitution de ladoption (I)

Le 25 octobre 2007 la cour dappel de Paris vient donner lespoir dune ouverture vers

lacceptation dans linteacuterecirct de lenfant de cette deacutemarche Cette deacutecision de la cour dappel

pourrait changer les choses en attendant la reacutevision de la loi bioeacutethique preacutevue en 2009 Une

chose est sucircre cet arrecirct a le meacuterite douvrir le deacutebat et de poser la question de linteacuterecirct de

lenfant comme exception agrave lindisponibiliteacute de leacutetat des personnes et agrave linterdiction de la

pratique des megraveres porteuses Une certaine eacutevolution des mentaliteacutes ainsi que la dispariteacute

entre la loi franccedilaise et dautres leacutegislations nationales pourraient donner lieu agrave un

assouplissement de cette leacutegislation (II)

I Lhostiliteacute du leacutegislateur et de la jurisprudence agrave leacutegard de la convention de megravere porteuse

Au siegravecle dernier seacutetaient deacuteveloppeacutees des associations ayant pour but de faire se rencontrer

des couples deacutesireux davoir un enfant et des femmes acceptant de le porter pour ensuite le

leur laquo ceacuteder raquo par contrat Pour des raisons plus ou moins louables le proceacutedeacute fut rapidement

condamneacute par le droit franccedilais (A) tout comme ladoption qui sen suivait (B)

27

A Le caractegravere illicite de la convention de megravere porteuse

La megravere porteuse met en effet agrave mal le scheacutema classique de la famille On affirmait en Droit

romain que la megravere eacutetait sucircre et que le pegravere eacutetait le mari Le Code napoleacuteon a enteacuterineacute cette

conception Dire que lenfant possegravede une megravere geacuteneacutetique et une megravere uteacuterine va agrave lencontre

de ses dispositions (2)

Pris au deacutepourvu le leacutegislateur franccedilais a tardeacute agrave reacuteagir face aux progregraves scientifiques Il en

est reacutesulteacute un vide juridique auquel la jurisprudence sest efforceacutee de faire face Devant cette

heacutesitation bien compreacutehensible du droit les ressources de la morale de la deacuteontologie et

surtout de la bioeacutethique ont eacuteteacute solliciteacutees (3) Le Conseil dEtat confronteacute aux associations

voulant intervenir dans ce domaine a ainsi prononceacute la dissolution de ces associations pour

objet illicite (4) Le 13 deacutecembre 1989 la premiegravere chambre civile de la Cour de cassation a

releveacute le principe dindisponibiliteacute du corps humain par une interpreacutetation a contrario de

larticle 1128 du Code civil qui dispose qu laquo il ny a que les choses qui sont dans le

commerce qui puissent ecirctre lobjet des conventions raquo La personne ne dispose pas de son

corps elle nen est pas proprieacutetaire (5) Le 31 mai 1991 lassembleacutee pleacuteniegravere de la Cour de

cassation vise les articles 6 1128 et 353 du Code civil afin daffirmer le caractegravere illicite de la

convention conclue entre une megravere porteuse et un couple steacuterile En effet ce contrat porte sur

deux corps humains la megravere et lenfant (6)

Rapidement le leacutegislateur est venu leacutegifeacuterer dans ce sens avec la loi no 94-653 du 29 juillet

1994 relative agrave la bioeacutethique pour que le Code civil reconnaisse le corps humain en tant que

tel Cette loi prend deacutesormais explicitement en compte le corps humain parce quil a voulu

promouvoir son respect face au deacuteveloppement des sciences biomeacutedicales Cette loi a entraicircneacute

la modification et la creacuteation darticles dans le Code civil et le Code peacutenal

Le principe du respect de la digniteacute de la personne humaine est poseacute par larticle 16 du Code

civil laquo La loi assure la primauteacute de la personne interdit toute atteinte agrave la digniteacute de celle-ci

et garantit le respect de lecirctre humain degraves le commencement de sa vie raquo Le nouvel article 16-1

preacutevoit que laquo Chacun a droit au respect de son corps Le corps humain est inviolable Le

corps humain ses eacuteleacutements et ses produits ne peuvent faire lobjet dun droit patrimonial raquo

Par conseacutequent selon larticle 16-5 laquo Les conventions ayant pour effet de confeacuterer une

valeur patrimoniale au corps humain agrave ses eacuteleacutements ou agrave ses produits sont nulles raquo De mecircme

quand une personne accepte de donner son sang ce ne peut ecirctre quagrave titre beacuteneacutevole Enfin

larticle 16-7 dispose mecircme laquo Toute convention portant sur la procreacuteation ou la gestation

pour le compte dautrui est nulle raquo (7)

En outre cette interdiction est assortie dune sanction peacutenale pouvant aller jusquagrave un an

demprisonnement et 15 000 euro damende pour celui qui sentremet ou tente de sentremettre

entre une personne ou un couple deacutesireux daccueillir un enfant et une femme acceptant de

porter en elle cet enfant en vue de le leur remettre Lorsque ces faits ont eacuteteacute commis agrave titre

habituel ou dans un but lucratif les peines sont porteacutees au double (8)

En deacutepit de la reacutesistance de quelques juges du fond qui ont admis ladoption la Cour de

cassation na pas infleacutechi sa position (9) Elle sest reacutecemment opposeacutee agrave ladoption simple

dun enfant par un couple homosexuel estimant cette adoption contraire agrave laquo linteacuterecirct supeacuterieur

de lenfant raquo (10)

28

Analyseacutes dans le contexte de ces deacutecisions les deux principes de lilliceacuteiteacute des conventions et

de lindisponibiliteacute du corps humain expriment une mecircme ideacutee la condamnation dune

convention qui porte sur le corps humain celui de lenfant agrave naicirctre et celui de la femme qui la

conccedilu et porteacute

Toutefois les motifs adopteacutes par la Cour de cassation savegraverent dune extrecircme faiblesse En

effet ces motifs sont lieacutes agrave lilliceacuteiteacute de lobjet des conventions agrave lindisponibiliteacute du corps

humain ainsi quagrave lindisponibiliteacute de leacutetat des personnes (11) Pourtant les lois dites laquo

bioeacutethiques raquo du 29 juillet 1994 puis la loi du 6 aoucirct 2004 (12) relative agrave la bioeacutethique ont

admis lutilisation des eacuteleacutements et des produits du corps humain agrave des fins theacuterapeutiques ou

scientifiques Effectivement une loi en date du 24 janvier 1953 deacutetermine laquo les tarifs de

cession du sang raquo Les dispositions sont aujourdhui dans le Code de la santeacute publique Degraves

lors on peut donner ses gamegravetes ses organes son sang Il semble que plus quune approche

anthropologique des sciences meacutedicales (qui conduiraient agrave une ineacutevitable instrumentalisation

du corps des hommes) il existerait ce que nous appelons une technoscience laquo de linvisible

raquo que seul le droit accepte de leacutegitimer (13)

Par ailleurs la terminologie employeacutee par le leacutegislateur de 1994 est eacuteloquente Cest

certainement parce que le principe dindisponibiliteacute du corps humain sest aveacutereacute irreacutealiste videacute

de sa substance par le nombre et limportance de ses exceptions que le leacutegislateur lui a preacutefeacutereacute

celui de non-patrimonialiteacute qui figure aujourdhui aux articles 16-1 16-5 et 16-6 du Code

civil Il est donc possible de disposer de son corps agrave titre de dons dans les limites de la loi

(14)

Pour conclure sur ce point il sera emprunteacute les propos de Mme Mayer-Jack laquo

Malheureusement si ce principe dindisponibiliteacute du corps humain possegravede les qualiteacutes trop

rares decirctre nettement formuleacute et universellement admis il apparaicirct agrave la reacuteflexion frappeacute dun

vice radical il se reacutevegravele contraire aux faits raquo (15)

B La nulliteacute de ladoption

En matiegravere de materniteacute de substitution lenfant reste au coeur du deacutebat Il est laquo lobjet raquo de la

convoitise du couple demandeur et lobjet de la convention En vue de permettre

leacutetablissement dune filiation adoptive deux processus eacutetaient suivis par lesdits couples

processus que la Cour de cassation sempressa dinterdire agrave son tour

1 Le contournement aveacutereacute de la loi par les couples restant en France

En effet le processus se deacuteroulait en trois eacutetapes dans un premier temps lembryon issu des

gamegravetes du couple ou du mari et de la femme porteuse eacutetait implanteacute dans luteacuterus de cette

derniegravere La megravere porteuse suivait sa grossesse normalement notamment au regard du suivi

meacutedical (16) Ensuite elle accouchait anonymement La leacutegislation autorise les

accouchements laquo sous X raquo et reconnaicirct ainsi aux parturientes le droit de ne pas ecirctre megraveres si

elles ne le deacutesirent ou ne le peuvent pas Le pegravere fournisseur de sperme quant agrave lui effectuait

une reconnaissance preacutenatale de lenfant A sa naissance il le reconnaissait Lenfant avait

donc un pegravere mais sans indication de la filiation maternelle Enfin leacutepouse de ce dernier

adoptait de maniegravere pleacuteniegravere lenfant Leacutetat de mariage de la megravere porteuse ne changeait rien

puisque laccouchement anonyme empecircchait que le mari soit consideacutereacute comme pegravere preacutesumeacute

29

Depuis larrecirct Alma Mater (17) nous savons que la convention de materniteacute de substitution

est nulle car contrevenant agrave lordre public (18) Mais jusqualors la jurisprudence avait eu le

soin de dissocier convention et adoption Toute convention portant sur la procreacuteation ou la

gestation pour le compte dautrui eacutetant nulle la convention de megravere porteuse ayant permis la

naissance de lenfant en cause est donc incontestablement frauduleuse Degraves lors la possession

deacutetat sur laquelle les demandeurs se fondent pour voir eacutetablir un lien de filiation leacutegitime agrave

leur profit et lacte de notorieacuteteacute quils ont ainsi obtenu sont eux-mecircmes vicieacutes et ne peuvent

donc permettre leacutetablissement dun tel lien Par ailleurs la Convention de New York sur les

droits de lenfant garantit notamment agrave celui-ci laccegraves agrave ses origines Or lapplication de la

convention frauduleuse aurait pour effet de consacrer un mensonge lacte de naissance qui

serait eacutetabli sur le fondement de cette convention aboutirait en effet agrave nier totalement les

conditions dans lesquelles lenfant a eacuteteacute conccedilu En conseacutequence les demandeurs ne pourront

se preacutevaloir de la possession deacutetat vicieacutee pour obtenir la retranscription de lacte de notorieacuteteacute

sur lacte de naissance de lenfant (19) Ainsi la prohibition de la convention a entraicircneacute dans

son sillage une impossibiliteacute dadoption par leacutepouse du pegravere (20) Il y a deacutetournement de

linstitution de ladoption pleacuteniegravere en ce que lenfant a eacuteteacute conccedilu pour ecirctre abandonneacute par sa

megravere et adopteacute par une autre (21)

Il en reacutesulte que cest labandon de lenfant qui rend impossible ladoption par leacutepouse du

mari Or labandon de lenfant constitue deacutejagrave une deacutemarche parfaitement licite et reacuteglementeacutee

par la loi Il suffit pour sen convaincre de lire attentivement les textes adeacutequats agrave savoir les

articles 61 et 62 du Code de la famille et de laide sociale 348-3 et 350 du Code civil et 1158

agrave 1163 du Code de proceacutedure civile Il suffit agrave la megravere et plus geacuteneacuteralement agrave la personne

investie des droits parentaux de confier 1enfant agrave un eacutetablissement ou agrave un service de laide

sociale agrave 1enfance (ASF) ou mecircme agrave un particulier puis de sen deacutesinteacuteresser

manifestement pendant une anneacutee nentretenant avec lui aucune relation neacutecessaire au

maintien de liens affectifs Le tribunal de grande instance peut degraves lors sauf agrave prendre en

consideacuteration le cas exceptionnel de grande deacutetresse du parent deacutefaillant deacuteclarer 1enfant

abandonneacute agrave la requecircte de tout inteacuteresseacute et notamment de leacutetablissement service ou famille

daccueil (22) laquo On cesse dinterdire une pratique non pas lorsquelle se deacuteveloppe mais

lorsquon ne sait plus pourquoi elle est interdite raquo (23)

Dailleurs une contradiction engendre ce refus dadoption En effet laquo consideacuterer ladoption

indissociable de la convention revient agrave ne voir lenfant que comme lobjet de cette convention

raquo (24) Ainsi les parents ont pu eacutetablir anteacuterieurement agrave la naissance le processus dont

ladoption est laquo lultime phase raquo Mais ce processus nest pas fait dans lintention de nuire agrave

lenfant Alors comment comprendre la seacuteveacuteriteacute afficheacutee de la Cour de cassation

Traiter lenfant comme une veacuteritable personne implique de dissocier la convention ougrave il

nintervient pas et ladoption dont il est partie prenante et mecircme partie principale Il faut

sinterroger sur son inteacuterecirct propre quitte agrave le confronter ensuite agrave ceux auxquels il soppose

(25)

2 Lexpansion du tourisme procreacuteatif

La dispariteacute des regravegles nationales agrave propos de la gestation pour autrui a conduit certains

couples agrave se rendre agrave leacutetranger pour pouvoir avoir recours agrave une megravere porteuse on parle

deacutesormais de laquo tourisme procreacuteatif raquo (26)

30

Lagrave encore le processus deacutebute par une inseacutemination artificielle mais les pays ayant leacutegaliseacute la

gestation pour le compte dautrui permettent par ailleurs que lembryon inseacutemineacute dans

luteacuterus de la femme soit issu de la rencontre des gamegravetes des deux parents demandeurs

Lenfant est donc geacuteneacutetiquement lenfant du couple Il a pour parent degraves sa naissance le

couple demandeur il porte leur nom et le preacutenom quils lui ont choisi Mais pour exister en

France il est neacutecessaire de recourir agrave une transcription sur les registres de leacutetat civil franccedilais

de lacte de naissance eacutetranger Lagrave encore la seacuteveacuteriteacute est de mise puisque le parquet de

Nantes qui a en charge la transcription des eacutetats civils venant de leacutetranger refuse

systeacutematiquement cette transcription qui nest pas conforme agrave la leacutegislation franccedilaise (27)

Les magistrats ont eacuteteacute confronteacutes agrave ces situations ougrave la megravere commanditaire deacutesirait eacutetablir un

lien de filiation entre elle et lenfant issu de la convention de materniteacute de substitution

Tel est par exemple le cas qui a eacuteteacute trancheacute par la cour dappel de Rennes le 4 juillet 2002

(28) Dans cet arrecirct la cour dappel a rejeteacute ladoption des enfants par un couple qui a conclu

en Californie une convention portant sur la gestation dun embryon issu de leurs propres

gamegravetes La cour relegraveve que laquo la loi franccedilaise ne donne pas une deacutefinition de la megravere raquo cette

notion est inscrite dans les mentaliteacutes depuis des siegravecles par ladage Mater semper certa est

Cest laccouchement qui deacutetermine la megravere et non la seule reacutealiteacute geacuteneacutetique

Cette jurisprudence installeacutee depuis le ceacutelegravebre arrecirct de lassembleacutee pleacuteniegravere du 31 mai 1991

constitue une atteinte directe agrave linteacuterecirct de lenfant Ce dernier est priveacute de toute filiation

maternelle leacutegalement reconnue et ce sans beacuteneacutefice pour personne (29)

Malheureusement en raison de cette solution les deux enfants sont acircgeacutes de sept ans et vivent

aupregraves de leur pegravere naturel et de sa compagne dont la materniteacute ne peut leacutegalement ecirctre eacutetablie

(30)

Cette jurisprudence preacutesente un point faible Selon larticle 353 du Code civil le tribunal de

grande instance saisi dune requecircte aux fins dadoption pleacuteniegravere veacuterifie si les conditions de

la loi sont remplies et si ladoption est conforme agrave linteacuterecirct de lenfant Or en loccurrence

le preacutetendu droit de lenfant ne coiumlncide pas avec son inteacuterecirct seul mis en avant dans 1article

353 du Code civil Le refus par la cour dappel de prononcer ladoption pleacuteniegravere a priveacute les

deux enfants (au nom de leur droit aussi eacuteminent que symbolique agrave la non-chosification) dun

avantage concret et primordial leur admission au statut denfants leacutegitimes de leurs vrais

parents geacuteneacutetiques (31) Simples enfants naturels ou adulteacuterins de leur pegravere ils demeureront

sans lien de filiation maternelle Un tel problegraveme meacuterite que les juridictions se penchent au

moins sur lui (32) La protection de linstitution de ladoption sopegravere au deacutetriment du droit

reconnu agrave lenfant deacutetablir sa filiation par le biais dune discrimination fondeacutee sur les

circonstances de sa naissance (33) La jurisprudence nous semble aller agrave lencontre des

engagements internationaux contracteacutes par la France (34)

II Leacutevolution des mentaliteacutes vers une leacutegislation plus souple

Jusquagrave preacutesent la jurisprudence a toujours interdit ladoption des enfants par des couples

ayant eu recours agrave la gestation pour autrui consideacuterant quil sagit dun deacutetournement de

linstitution de ladoption (35)

Un grand quotidien Libeacuteration reacutevegravele que la cour dappel de Paris a reconnu comme parents

leacutegitimes de jumelles un couple franccedilais ayant fait appel agrave une megravere porteuse ameacutericaine

31

Une chose est sucircre cet arrecirct a le meacuterite douvrir le deacutebat et de poser la question de linteacuterecirct de

lenfant comme exception agrave lindisponibiliteacute de leacutetat des personnes et agrave linterdiction de la

pratique des megraveres porteuses (A) Lorsque lon accepte une loi eacutetrangegravere qui a eacuteteacute appeleacutee au

secours pour contourner la loi franccedilaise la modification de la loi franccedilaise nest pas loin (B)

A Lassouplissement de la jurisprudence

Dans laffaire porteacutee devant la cour dappel de Paris que nous avons abordeacutee rapidement

preacuteceacutedemment un couple dont la femme ne peut assurer la gestation en raison dune

malformation congeacutenitale se rend en Californie ougrave il conclut une convention portant sur la

gestation dun embryon issu de leurs propres gamegravetes Des jumelles naissent de cette

convention Le droit californien fait abstraction du deacutefaut daccouchement La concubine est

inscrite comme megravere dans les registres de naissance de Californie Quelques semaines plus

tard le couple reconnaicirct les enfants en France Mais agrave leur retour dans lHexagone ils sont

placeacutes en garde agrave vue puis mis en examen pour laquo entremise entre une personne deacutesireuse

dadopter un enfant et un parent deacutesireux dabandonner son enfant neacute ou agrave naicirctre raquo et pour laquo

simulation ayant entraicircneacute une atteinte agrave leacutetat civil de lenfant raquo

En 2004 le juge dinstruction rend un non-lieu sur les poursuites peacutenales les faits seacutetant

deacuterouleacutes dans un pays ougrave cette pratique est leacutegale Le parquet a alors continueacute son offensive

sur le terrain civil et chercheacute agrave faire annuler la filiation et la transcription sur leacutetat civil Le

tribunal de grande instance a deacuteclareacute cette demande irrecevable en deacutecembre 2005 Une

deacutecision rendue par la cour dappel de Paris confirme ce jugement le 25 octobre dernier apregraves

avoir estimeacute que laquo La non-transcription des actes de naissances aurait des conseacutequences

contraires agrave linteacuterecirct supeacuterieur des enfants qui au regard du droit franccedilais se verraient priveacutes

dactes deacutetat civil indiquant leur lien de filiation y compris agrave leacutegard de leur pegravere biologique

raquo

La question sera deacutesormais soumise agrave la Cour de cassation qui a deacutejagrave pris des deacutecisions

progressistes dans des questions relatives au droit de la famille notamment dans linteacuterecirct de

lenfant Elle a ainsi fait le 24 feacutevrier 2006 un pas important vers la reconnaissance de

lhomoparentaliteacute en autorisant quun parent homosexuel deacutelegravegue tout ou partie de son

autoriteacute parentale agrave son partenaire avec lequel il vit en union stable agrave condition que cette

mesure soit prise dans linteacuterecirct supeacuterieur de lenfant (36)

Le plus important reacuteside dans le fait que la cour dappel de Paris a estimeacute que la non-

transcription sur les actes de naissance aurait des conseacutequences contraire agrave llaquo inteacuterecirct de

lenfant raquo Depuis longtemps linteacuterecirct de lenfant est au centre du droit de la famille et depuis

quelques anneacutees celui-ci devient veacuteritablement la pierre angulaire de cette discipline (37)

Dans un arrecirct du 18 mai 2005 la premiegravere chambre civile de la Cour de cassation preacutecise au

visa de larticle 3-1 de la Convention relative aux droits de lenfant que laquo dans toutes les

deacutecisions qui concernent les enfants linteacuterecirct supeacuterieur de lenfant doit ecirctre une

consideacuteration primordiale raquo (38) Mais que faut-il entendre par inteacuterecirct supeacuterieur de lenfant

(39)

Bien que le nouvel article L 112-4 du Code de laction sociale et des familles (40) et larticle

371-1 du Code civil semblent deacutefinir les eacuteleacutements constitutifs de cette notion llaquo inteacuterecirct de

lenfant raquo reste un concept assez flou que le leacutegislateur et les juges se gardent bien de deacutefinir

preacuteciseacutement on ne peut limiter linteacuterecirct supeacuterieur de lenfant agrave la protection de sa santeacute de sa

seacutecuriteacute et de sa moraliteacute Certes ces eacuteleacutements sont les bases de linteacuterecirct de lenfant mais

32

puisque celui-ci peut deacutepasser le strict cadre du droit de lautoriteacute parentale voire du droit de

la famille cette vision serait bien trop reacuteductrice

Le sens de cette notion peut encore sobscurcir si lon considegravere quelle peut se confondre avec

dautres concepts voisins Larticle 371-5 doit ainsi conduire agrave distinguer linteacuterecirct de lenfant de

celui de la fratrie En effet si celle-ci a inteacuterecirct agrave rester unie certaines circonstances permettent

deacutecarter un de ses membres dans son inteacuterecirct exclusif

Un amendement proposait cependant agrave la suite du nouvel article L 112-4 du Code de laction

sociale et des familles une deacutefinition inteacuteressante laquo Linteacuterecirct supeacuterieur de lenfant est deacutefini

comme lassurance de la protection de sa seacutecuriteacute personnelle et affective lassurance dun

contexte familial permettant un bon deacuteveloppement physique intellectuel affectif et social

lassurance dune relation dattachement parental permettant de se construire Linteacuterecirct

supeacuterieur de lenfant tel que deacutefini constitue son projet de vie raquo (41)

On ne peut que se feacuteliciter de la mise en avant de linteacuterecirct de lenfant pour deacuteroger agrave la sacro-

sainte interdiction des megraveres porteuses car il est vrai quil ne faut pas oublier que limportant

reste dabord et avant tout lenfant qui a et doit avoir une place centrale au sein de la famille

On peut envisager que cette reacutecente jurisprudence puisse influencer la reacuteflexion sur le recours

aux laquo megraveres porteuses raquo sur le territoire national qui conduise agrave une eacutevolution de la loi

B Vers une eacutevolution de la loi

Alors que la France interdit la laquo gestation pour autrui raquo cette pratique a eacuteteacute leacutegaliseacutee dans de

nombreux pays La France a donc une leacutegislation moins libeacuterale que dautres leacutegislations

nationales La pratique de la gestation pour autrui est notamment autoriseacutee aux Etats-Unis au

Canada en Australie et dans plusieurs pays de lUnion europeacuteenne (Espagne et Belgique

Gregravece et Royaume-Uni notamment) (42) La question de la leacutegalisation des megraveres porteuses

est tregraves controverseacutee en France et demanderait un strict encadrement (43)

On enseigne habituellement que les questions deacutetat ne peuvent deacutependre de la seule volonteacute

individuelle Leacutetat des personnes - le droit de la filiation en particulier - eacutechapperait aux

conventions Mais ce principe nest plus si absolu Leacutevolution contemporaine reacuteduit laspect

institutionnel Une place nettement importante a eacuteteacute faite dans lorganisation des relations

familiales agrave la volonteacute individuelle laquo Laccroissement du pouvoir des volonteacutes individuelles

dans le droit de la famille est une marque essentielle de ce droit raquo (44) Dougrave la justesse de

lexpression laquo contractualisation du droit de la famille raquo Le rocircle de la volonteacute individuelle

tend agrave ecirctre de plus en plus important (45) Tel est le cas du divorce du PACS et du mariage

La procreacuteation nest plus la finaliteacute avec larriveacutee en force dans des pays voisins du mariage

homosexuel

Une certaine eacutevolution des mentaliteacutes ainsi que la dispariteacute entre la loi franccedilaise et dautres

leacutegislations nationales pourraient bien donner lieu agrave un assouplissement de cette leacutegislation

(46)

La gestation pour autrui permet de pallier certaines formes de steacuteriliteacute feacuteminine en raison

dune absence ou dune deacuteformation duteacuterus de conseacutequences de cancer ou reacutesultant dune

hysteacuterectomie de fausses couches reacutepeacuteteacutees dune contre-indication meacutedicale agrave la grossesse ou

de nombreux eacutechecs de feacutecondations in vitro (47) Dans ce cas on implante les gamegravetes des

parents geacuteneacutetiques dans le ventre de la megravere porteuse

33

Un autre argument favorable agrave cette pratique est la certitude apaisante pour le couple steacuterile

de ce que lenfant porteacute en uteacuterus tiers nen sera pas moins leur veacuteritable enfant geacuteneacutetique

puisque conccedilu agrave partir de leurs propres gamegravetes

De plus il faut deacutenoncer une incoheacuterence Une femme empecirccheacutee par la loi de donner avant

sa grossesse agrave un couple agreacuteeacute par elle lenfant quelle portera moyennant eacutequitable

reacutecompense possegravede en revanche le droit discreacutetionnaire de labandonner une fois neacute au

hasard des eacutetablissements ou du service de lASE ou pis encore de recourir agrave une

interruption volontaire de grossesse pendant les douze premiegraveres semaines (48)

La possession deacutetat repreacutesente une valeur humaine et sociale qui doit ecirctre prise en compte en

tant que telle Comme lont joliment affirmeacute M Hauser et Mme Huet-Weiller laquo elle est la

veacuteriteacute des sentiments la veacuteriteacute du coeur tout aussi respectable sinon plus que celle des

registres deacutetat ou mecircme de nos gegravenes raquo (49) Ainsi on peut ecirctre favorable agrave cette reacuteflexion

sous certains reacuteserves

Tout dabord le couple demandeur devait avoir plus de 18 ans et linfertiliteacute devrait ecirctre

meacutedicalement eacutetablie Ensuite seule lutilisation des gamegravetes (sperme et ovocytes) du couple

serait autoriseacutee afin deacuteviter que la gestatrice soit aussi la megravere biologique de lenfant (pour

eacuteviter des liens trop forts eacutetablis entre elle et le beacutebeacute)

De son cocircteacute la megravere porteuse devait avoir plus de 18 ans et accepter de subir des tests divers

avant la grossesse Elle serait la seule agrave donner un consentement valable concernant la gestion

de sa grossesse et elle abandonnerait ses droits parentaux agrave la naissance de lenfant tout en

assistant le couple demandeur lors de la deacutelivrance du certificat de naissance Le

consentement devrait aussi ecirctre obtenu par un entretien psychologique meacutedical et juridique

Seul le juge pourrait donner laccord au deacutebut du processus Le couple demandeur devait

sengager agrave assumer la garde de lenfant degraves sa naissance afin deacuteviter soit une non-remise

denfant soit un refus de lenfant - par exemple en cas de handicap

Concernant la reacutemuneacuteration de la megravere porteuse la marchandisation est inacceptable Les

intermeacutediaires reacutemuneacutereacutes seraient interdits Le principe du volontariat et de la gratuiteacute sont

essentiels le don de vie (50)

Enfin il ne sagirait pas de reacutemuneacuteration mais de compensation financiegravere destineacutee agrave

deacutedommager les inconveacutenients lieacutes agrave la grossesse sur la base de la loi laquo Huriet raquo (loi sur la

recherche meacutedicale avec volontaires sains) Le couple demandeur devrait prendre agrave sa charge

les deacutepenses meacutedicales leacutegales et psychologiques ainsi quun montant raisonnable alloueacute agrave la

megravere porteuse pour subvenir agrave ses besoins Les juges appreacutecieraient librement ce que peut ecirctre

un montant laquo raisonnable raquo sans que cela puisse jamais ecirctre consideacutereacute comme une laquo vente raquo

denfant

(1) B Debreacute et S Agacinski laquo Faut-il leacutegaliser les megraveres porteuses en France raquo Le Figaro Magazine du samedi 10 novembre 2007 p 50

34

(2) G David laquo Don et utilisation du sperme raquo in Actes du colloque Geacuteneacutetique procreacuteation et

droit Actes sud 1985 p 205 G-M Faure Le deacutesir denfant agrave leacutepreuve du droit Essai sur le droit de la procreacuteation meacutedicalement assisteacutee Thegravese Universiteacute de Lille 1992 p 7

(3) G Lebreton Liberteacutes publiques et droits de lhomme 6e eacuted Armand Colin 2003 p 262

(4) CE 22 janvier 1988 Lebon 1988 p 37

(5) La Cour de cassation a enteacuterineacute la position de la cour dappel de Paris pour laquelle laquo ni laltruisme du comportement de la megravere de substitution ni le caractegravere deacutesinteacuteresseacute des activiteacutes de lassociation ne sont propres agrave faire disparaicirctre lilliceacuteiteacute qui frappe laccord litigieux raquo Cass civ 1re 13 deacutecembre 1989 Bull civ I no 387 Defreacutenois 1990 art 34802 no 55 obs J-L Aubert D 1990 p 273 JCP eacuted G 1990 II 21526 note A Seacuteriaux propos recueillis par C Slobodansky laquo Le droit doit limiter les progregraves de la science raquo LPA du 7 mai 2004 no 92 p 60

(6) laquo La convention par laquelle une femme sengage fucirct-ce agrave titre gratuit agrave concevoir et porter un enfant pour labandonner agrave sa naissance contrevient tant au principe dordre public de lindisponibiliteacute du corps humain quagrave celui de lindisponibiliteacute de leacutetat des personnes raquo Cass ass pleacuten 31 mai 1991 Bull civ ass pleacuten no 4 Defreacutenois 1991 art 35142 no 103 obs J-L Aubert Defreacutenois 1991 art 35088 no 67 note J Massip RTD civ 1991 p 517 obs D Huet-Weiller et p 489 note M Gobert M Gobert laquo Reacuteflexions sur les sources du droit et les

principes dindisponibiliteacute du corps humain et de leacutetat des personnes agrave propos de la materniteacute de substitution raquo RTD civ 1992 p 489 et s speacutec p 501 dans ce sens v deacutejagrave les remarques de P Murat laquo Laction de lordonnance du 4 juillet 2005 sur la possession deacutetat raquo Dr Famille 2006 eacutetude no 6 speacutec no 7 V aussi J Massip laquo Linsertion dans le Code civil de dispositions relatives au corps humain agrave lidentification geacuteneacutetique et agrave la procreacuteation meacutedicalement assisteacutee raquo Defreacutenois 1995 art 35975 et 35992

(7) En ce sens V Depadt-Sebag laquo De la neacutecessiteacute dune reacuteforme de larticle 16-7 du Code civil relatif agrave linterdiction de gestation pour autrui raquo RGD meacuted 2004 no 12 p 135 et s

(8) Art 227-12 et s C peacuten

(9) CA Paris 1re feacutevrier 2001 RTD civ 2001 p 347 obs J Hauser Cass civ 1re 9 deacutecembre 2003 Bull civ I no 252 p 201 CA Rennes 4 juillet 2002 D 2002 p 2904

(10) Cass civ 1re 20 feacutevrier 2007 Defreacutenois 2007 art 38595 no 45 obs J Massip

(11) V Depadt-Sebag laquo De la neacutecessiteacute dune reacuteforme de larticle 16-7 du Code civil relatif agrave linterdiction de gestation pour autrui raquo preacutec no 12 p 135 et s

(12) L no 2004-800 du 6 aoucirct 2004 relative agrave la bioeacutethique JO du 7 aoucirct 2004 p 14040 J Massip art preacutec

(13) Dans ce sens v M Gobert laquo Reacuteflexions sur les sources du droit et les principes dindisponibiliteacute du corps humain et de leacutetat des personnes agrave propos de la materniteacute de substitution raquo preacutec p 489 et s speacutec p 513

(14) V Depadt-Sebag laquo De la neacutecessiteacute dune reacuteforme de larticle 16-7 du Code civil relatif agrave linterdiction de gestation pour autrui raquo preacutec no 12 p 135 et s E Camuzet La convention de gestation pour autrui une illeacutegaliteacute franccedilaise injustifieacutee Meacutemoire Lille 2 Universiteacute du droit et de la santeacute 2005-2006 p 55

(15) A Mayer-Jack laquo Les conventions relatives agrave la personne physique raquo Rev crit leacutegisl et jurispr 1993 p 6

(16) G Meacutemeteau laquo Une distinction est opeacutereacutee sur la reacutefeacuterence des donneacutees acquises de la science agrave la date des soins par opposition agrave la notion erroneacutee de donneacutees actuelles de la science raquo note sous Cass civ 1re 6 juin 2000 JCP eacuted G 2001 II 10447

(17) Cass civ 1re 13 deacutecembre 1989 Bull civ I no 387 Defreacutenois 1990 art 34815 rapp J Massip D 1990 p 273 JCP eacuted G 1990 II 21526 note A Seacuteriaux

35

(18) Communication J Bernard et comm J Massip Defreacutenois 1990 art 35088 no 67 note J

Massip F Terreacute note sous Cass ass pleacuten 31 mai 1991 JCP eacuted G 1991 II 21752 dans ce sens v les remarques de P Murat laquo Laction de lordonnance du 4 juillet 2005 sur la possession deacutetat raquo preacutec eacutetude no 6 speacutec no 7 G Kessler laquo La consolidation de situations illicites dans linteacuterecirct de lenfant raquo Dr Famille no 7 juillet 2005 Etude 16

(19) TGI Lille 22 mars 2007 D 2007 no 18 p 1251 note X Labbeacutee B Edelman et C Labrusse-Riau note sous CA Paris 15 juin 1990 JCP eacuted G 1991 II 21653

(20) V Larribau-Terneyre note sous CA Pau 19 feacutevrier 1991 D 1991 juris p 380

(21) J Massip laquo Megravere porteuse et deacutecheacuteance de lautoriteacute parentale raquo LPA du 29 octobre 2003 no 216 p 10 Cass ass pleacuten 31 mai 1991 Bull civ ass pleacuten no 4 Defreacutenois 1991 art 35088 no 67 p 948 obs J Massip D 1991 p 417 rapport Y Chartier note D Thouvenin JCP eacuted G 1991 II 21752 communication J Bernard concl H Dontenwille note F Terreacute RTD civ 1991 p 517 obs D Huet-Weiller

(22) J Rubellin-Devichi laquo Materniteacute de substitution qui est la megravere raquo note sous CA Rennes 4 juillet 2002 JCP eacuted G 2003 I 101 C Ducomte laquo La vraie querelle des megraveres porteuses raquo httppagesperso-orangefrmax-christianducomtemereindexhtm

(23) Propos de Mme F Dekeuwer-Deacutefossez lors de son audition devant le preacutesident M Bloche pour la mission dinformation sur la famille (procegraves-verbal du 5 octobre 2005)

(24) J Hauser obs in RTD civ 1999 p 372 F Dekeuwer-Deacutefossez note sous Cass ass pleacuten 31 mai 1991 D 1992 somm p 59

(25) F Dekeuwer-Deacutefossez laquo Les droits de lenfant raquo D 1992 somm p 59 E Poisson-Drocourt laquo Recours agrave une megravere de substitution et refus de ladoption raquo D 2004 p 2001

(26) J-J Lemouland laquo Le tourisme procreacuteatif raquo LPA 2001 no 62 p 24 F Dekeuwer-Deacutefossez laquo Le lien parental raquo LPA du 1er juillet 2004 no 131 p 70 F Granet note sous CA Rennes 4 juillet 2002 D 2002 p 2904

(27) CA Aix-en-Provence 12 mars 2002 Juris-Data no 2002-190443 A Seacuteriaux laquo Droit naturel et procreacuteation artificielle quelle jurisprudence raquo D 1985 chron p 53 J Massip laquo Le nouveau droit de la filiation raquo Defreacutenois 2006 art 38303 p 13

(28) CA Rennes 4 juillet 2002 JCP eacuted G 2003 I 101 note J Rubellin-Devichi

(29) laquo Si le principe structurant de lautoriteacute parentale est linteacuterecirct de lenfant deacutetermineacute in concreto le droit de la filiation nappreacutecie en revanche jamais linteacuterecirct concret dun enfant preacutecis mais linteacuterecirct geacuteneacuteral de lenfant in abstracto raquo A Gouttenoire laquo A chacun sa famille agrave chacun son droit raquo Dr Famille no 7 juillet 2006 Alerte 41

(30) E Camuzet La convention de gestation pour autrui une illeacutegaliteacute franccedilaise injustifieacutee art preacutec p 52

(31) P Raynaud laquo Un abus de ladoption simple les couples adoptifs raquo D 1983 chron p 39 H Gaumont-Prat laquo Pas dadoption pour les enfants issus de convention de megravere porteuse raquo RLDC no 5 mai 2004 p 31 laquo Le rejet dans le non-droit des enfants neacutes dans des circonstances qui deacuterangent la socieacuteteacute relegraveve du deacuteni de la reacutealiteacute porteur de nombreux effets pathogegravenes et injustes raquo

(32) J Rubellin-Devichi laquo Materniteacute de substitution qui est la megravere raquo note sous CA Rennes 4 juillet 2002 preacutec I 101 C Ducomte laquo La vraie querelle des megraveres porteuses raquo preacutec P Raynaud laquo Un abus de ladoption simple les couples adoptifs raquo art preacutec chron p 39 G Kessler laquo La consolidation de situations illicites dans linteacuterecirct de lenfant raquo art preacutec Etude 16

(33) F Dekeuwer-Deacutefossez laquo Reacuteflexion sur les mythes fondateurs du droit contemporain de la famille raquo RTD civ 1995 p 269 E Camuzet La convention de gestation pour autrui une illeacutegaliteacute franccedilaise injustifieacutee art preacutec p 66 A Ponsard rapport sous Cass civ 1re 16

36

novembre 1982 JCP eacuted G 1983 II 19954 M-T Meulders-Klein laquo Le droit agrave lenfant face au

droit de lenfant et les procreacuteations meacutedicalement assisteacutees raquo RTD civ 1988 p 645 F Terreacute Lenfant de lesclave Geacuteneacutetique et droit Flammarion 1987 p 128

(34) Convention de New York du 26 janvier 1990 Charte des droits fondamentaux de lUnion europeacuteenne du 7 deacutecembre 2000 Deacuteclaration universelle des droits de lhomme de 1789 Convention internationale des droits de lenfant de 1989

(35) Cass ass plegraven 31 mai 1991 Bull civ ass plegraven no 4 Defreacutenois 1991 art 35142 no 103 obs J-L Aubert et art 35088 no 67 p 948 obs J Massip D 1991 p 417 rapport Y Chartier note D Thouvenin JCP eacuted G 1991 II 21752 communication J Bernard concl H Dontenwille note F Terreacute RTD civ 1991 p 517 obs D Huet-Weiller

(36) Cass civ 1re 24 feacutevrier 2006 Bull civ I no 101 p 95 Defreacutenois 2006 art 38415 no 40 p 1067 obs J Massip D 2006 juris p 897-900 obs D Vigneau T Anatrella laquo Adoption et homoparentaliteacute leacuteclairage des droits de lhomme raquo Dr Famille 2003 no 10 p

8-10 agrave lidentique dans un arrecirct du 22 janvier 1992 D 1993 p 119 note J Vassaux la cour dappel de Poitiers a prononceacute ladoption simple dun enfant neacute dune convention de megravere porteuse au motif que laquo cette adoption nest pas seulement conforme agrave linteacuterecirct de lenfant mais encore constitue une neacutecessiteacute qui deacutecoule des reacutealiteacutes de la vie issues derreurs des adultes dont lenfant ne doit pas subir les conseacutequences raquo

(37) G Kessler laquo La consolidation de situations illicites dans linteacuterecirct de lenfant raquo art preacutec eacutetude no 16 M-T Meulders-Klein laquo Le droit agrave lenfant face au droit de lenfant et les procreacuteations meacutedicalement assisteacutees raquo art preacutec p 645

(38) Cass civ 1re 18 mai 2005 Bull civ I no 211 p 179 V Depadt-Sebag laquo Non-lieu dans une affaire de materniteacute pour autrui raquo D 2005 p 476 J Massip laquo Megravere porteuse et deacutecheacuteance de lautoriteacute parentale raquo art preacutec no 216 p 11 F Terreacute Lenfant de lesclave Geacuteneacutetique et droit op cit adde F Terreacute et D Fenouillet Droit civil Les personnes la famille les incapaciteacutes 6e eacuted Preacutecis Dalloz no 926 M Lamarche laquo Inteacuterecirct supeacuterieur de lenfant de ladmission des effets dune convention de megravere porteuse agrave la destruction du droit franccedilais de la filiation raquo Dr Famille novembre 2007 no 11

(39) M Donnier laquo Linteacuterecirct de lenfant raquo D 1959 chron p 27 F Laroche-Gisserot note sous Cass civ 1re 27 mai 1998 D 1998 p 530 F Millet laquo Ladoption dun inteacuterecirct agrave lautre raquo RRJ 2003-3 p 1777 et s A Gouttenoire laquo A chacun sa famille agrave chacun son droit raquo art preacutec Alerte 41

(40) Par la loi no 2007-293 du 5 mars 2007 reacuteformant la protection de lenfance (JO du 6 mars 2007 Defreacutenois 2007 Leacuteg p 282) le leacutegislateur a inteacutegreacute la notion dinteacuterecirct de lenfant dans le Code de laction sociale et des familles Le nouvel article L 112-4 dudit code dispose que laquo Linteacuterecirct de lenfant la prise en compte de ses besoins fondamentaux physiques intellectuels sociaux et affectifs ainsi que le respect de ses droits doivent guider toutes deacutecisions le concernant raquo

(41) Amendement no 48 rect Protection de lenfance no 3184 Assembleacutee nationale 22 deacutecembre 2006 wwwassemblee-nationalefr v aussi sur lensemble de ces questions les consideacuterations tregraves eacuteclairantes de P Murat note sous CA Rennes 4 juillet 2002 D 2002 p 2902 Dr Famille 2002 comm no 142 note P Murat

(42) F Granet-Lambrechts laquo Materniteacutes de substitution filiation et eacutetat civil Panorama europeacuteen raquo Dr Famille no 12 deacutecembre 2007 eacutetude no 34

(43) D Youf Penser les droits de lenfant PUF 2002 p 2

(44) G Cornu La famille 6e eacuted no 7 J Carbonnier Droit civil t 4 Les obligations PUF coll Theacutemis no 372 p 649

(45) D Fenouillet et P de Vareilles-Sommiegraveres La contractualisation du droit de la famille Economica 2001

37

(46) H Gaumont-Prat laquo Pas dadoption pour les enfants issus de convention de megravere porteuse raquo art preacutec p 31

(47) E Poisson-Droccourt laquo Recours agrave une megravere de substitution et refus de ladoption raquo art preacutec p 2001 note sous Cass civ 1re 9 deacutecembre 2003 G Delaisi de Perseval laquo Gestation pour autrui en quecircte de leacutegitimation raquo httpwwwliberationfr

(48) C Neirinck laquo Les filiations eacutelectives agrave leacutepreuve du droit raquo JCP eacuted G 1997 I 4067 E Camuzet laquo La convention de gestation pour autrui une illeacutegaliteacute franccedilaise injustifieacutee raquo art preacutec p 59

(49) J Hauser et D Huet-Weiller Traiteacute de droit civil La famille Fondation et vie de la famille 2e eacuted LGDJ 1993 p 250

(50) B Debreacute et S Agacinski laquo Faut-il leacutegaliser les megraveres porteuses en France raquo art preacutec p 50 C Atias D 1986 chron p 67

Civ 1egravere

13 deacutecembre 1989

Ndeg de pourvoi 88-15655

Publieacute au bulletin

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Attendu selon les juges du fond que lrsquoassociation ldquo Alma Mater ldquo a pour objet de faciliter la

solution des problegravemes qui se posent aux couples dont la femme est steacuterile deacutesireux

drsquoaccueillir un enfant agrave leur foyer et aux ldquo megraveres porteuses ldquo volontaires qursquoil est proposeacute agrave

la ldquo megravere porteuse ldquo drsquoecirctre inseacutemineacutee artificiellement par la semence du mari ou du concubin

de porter et de mettre au monde lrsquoenfant qui sera deacuteclareacute sur les registres de lrsquoeacutetat civil sans

indication du nom de la megravere reconnu par le pegravere et accueilli au foyer de celui-ci en vue de

son adoption par lrsquoeacutepouse ou la compagne que lrsquoassociation intervient tout au long de ce

processus qualifieacute de ldquo precirct drsquouteacuterus ldquo ou de ldquo don drsquoenfant ldquo qursquoainsi apregraves avoir controcircleacute la

reacutealiteacute de la steacuteriliteacute du couple demandeur et des faculteacutes de feacutecondation de la ldquo megravere porteuse

ldquo geacuteneacuteralement recruteacutee par elle lrsquoassociation fait proceacuteder agrave lrsquoinseacutemination surveille la

grossesse et lrsquoaccouchement srsquooccupe de faire diligenter la proceacutedure drsquoadoption qursquoelle

verse ensuite agrave la megravere une somme forfaitaire - qui en 1987 eacutetait fixeacutee agrave 60 000 francs -

remise par le couple demandeur degraves le deacutebut de la grossesse que lrsquoarrecirct confirmatif attaqueacute

(Aix-en-Provence 29 avril 1988) estimant que cette association avait un objet illicite

contraire aux lois et aux bonnes moeurs en a prononceacute la nulliteacute sur le fondement de lrsquoarticle

3 de la loi du 1er juillet 1901

Sur le moyen unique pris en sa premiegravere branche

Attendu que lrsquoassociation ldquo Alma Mater ldquo fait grief agrave la cour drsquoappel drsquoavoir ainsi statueacute alors

que selon le moyen nrsquoest ni illicite ni contraire aux bonnes moeurs lrsquoassociation qui dans un

but humanitaire non lucratif met en relation un couple demandeur dont la femme est steacuterile et

38

une femme qui accepte drsquoecirctre inseacutemineacutee artificiellement par le mari de porter lrsquoenfant et de le

remettre agrave la naissance agrave ce couple qui lrsquoindemnisera des contraintes et de la gecircne occasionneacutee

par la grossesse de sorte que la juridiction du second degreacute aurait violeacute les articles 3 et 7 de la

loi du 1er juillet 1901

Mais attendu qursquoil reacutesulte des constatations des juges du fond que lrsquoobjet mecircme de

lrsquoassociation est de favoriser la conclusion et lrsquoexeacutecution de conventions qui fussent-elles

verbales portent tout agrave la fois sur la mise agrave la disposition des demandeurs des fonctions

reproductrices de la megravere et sur lrsquoenfant agrave naicirctre et sont donc nulles en application de lrsquoarticle

1128 du Code civil que ces conventions contreviennent au principe drsquoordre public de

lrsquoindisponibiliteacute de lrsquoeacutetat des personnes en ce qursquoelles ont pour but de faire venir au monde un

enfant dont lrsquoeacutetat ne correspondra pas agrave sa filiation reacuteelle au moyen drsquoune renonciation et

drsquoune cession eacutegalement prohibeacutees des droits reconnus par la loi agrave la future megravere que

lrsquoactiviteacute de lrsquoassociation qui tend deacutelibeacutereacutement agrave creacuteer une situation drsquoabandon aboutit agrave

deacutetourner lrsquoinstitution de lrsquoadoption de son veacuteritable objet qui est en principe de donner une

famille agrave un enfant qui en est deacutepourvu que crsquoest degraves lors agrave bon droit que lrsquoarrecirct attaqueacute a

deacutecideacute sur le fondement de lrsquoarticle 3 de la loi du 1er juillet 1901 que cette association eacutetait

nulle en raison de lrsquoilliceacuteiteacute de son objet que la premiegravere branche du moyen est donc sans

fondement

Et sur les deuxiegraveme et troisiegraveme branches du moyen

Attendu qursquoil est fait grief agrave la cour drsquoappel de nrsquoavoir pas reacutepondu aux conclusions faisant

valoir drsquoune part que lrsquointerdiction du ldquo don de gestation ldquo constituait une discrimination

fondeacutee sur la naissance contraire aux dispositions de lrsquoarticle 24 du pacte international relatif

aux droits civils et politiques signeacute agrave New York le 19 deacutecembre 1966 et drsquoautre part que ce ldquo

don de gestation ldquo reposait sur le droit leacutegitime de fonder une famille qui implique le droit

drsquoengendrer reconnu tant par lrsquoarticle 12 de la convention europeacuteenne des droits de lrsquohomme

et des liberteacutes fondamentales du 4 novembre 1950 que par lrsquoarticle 23 du pacte international

preacuteciteacute

Mais attendu que la reconnaissance du caractegravere illicite de la materniteacute pour autrui et des

associations qui srsquoefforcent de la promouvoir qui se deacuteduit des principes geacuteneacuteraux du Code

civil et de regravegles qui sont communes agrave toutes les filiations nrsquoest pas de nature agrave instaurer une

discrimination fondeacutee sur la naissance que le droit de se marier et de fonder une famille

reconnu par lrsquoarticle 12 de la convention du 4 novembre 1950 et par lrsquoarticle 23 du pacte

international du 19 deacutecembre 1966 agrave lrsquohomme et agrave la femme en acircge nubile nrsquoimplique pas le

droit de conclure avec un tiers des conventions portant sur le sort drsquoun enfant agrave naicirctre que

par ces motifs de droit reacutepondant aux conclusions invoqueacutees lrsquoarrecirct se trouve leacutegalement

justifieacute et que les deuxiegraveme et troisiegraveme branches du moyen ne peuvent ecirctre accueillies

PAR CES MOTIFS

REJETTE le pourvoi

Publication Bulletin 1989 I Ndeg 387 p 260

Deacutecision attaqueacutee Cour drsquoappel drsquoAix-en-Provence du 29 avril 1988

39

Cour de cassation Assembleacutee pleacuteniegravere

Audience publique du 31 mai 1991

Ndeg de pourvoi 90-20105 Publieacute au bulletin

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Sur le pourvoi dans lrsquointeacuterecirct de la loi formeacute par M le Procureur geacuteneacuteral pregraves la Cour de

Cassation

Vu les articles 6 et 1128 du Code civil ensemble lrsquoarticle 353 du mecircme Code

Attendu que la convention par laquelle une femme srsquoengage fucirct-ce agrave titre gratuit agrave concevoir

et agrave porter un enfant pour lrsquoabandonner agrave sa naissance contrevient tant au principe drsquoordre

public de lrsquoindisponibiliteacute du corps humain qursquoagrave celui de lrsquoindisponibiliteacute de lrsquoeacutetat des

personnes

Attendu selon lrsquoarrecirct infirmatif attaqueacute que Mme X eacutepouse de M Y eacutetant atteinte drsquoune

steacuteriliteacute irreacuteversible son mari a donneacute son sperme agrave une autre femme qui inseacutemineacutee

artificiellement a porteacute et mis au monde lrsquoenfant ainsi conccedilu qursquoagrave sa naissance cet enfant a

eacuteteacute deacuteclareacute comme eacutetant neacute de Y sans indication de filiation maternelle

Attendu que pour prononcer lrsquoadoption pleacuteniegravere de lrsquoenfant par Mme Y lrsquoarrecirct retient

qursquoen lrsquoeacutetat actuel des pratiques scientifiques et des moeurs la meacutethode de la materniteacute

substitueacutee doit ecirctre consideacutereacutee comme licite et non contraire agrave lrsquoordre public et que cette

adoption est conforme agrave lrsquointeacuterecirct de lrsquoenfant qui a eacuteteacute accueilli et eacuteleveacute au foyer de M et

Mme Y pratiquement depuis sa naissance

Qursquoen statuant ainsi alors que cette adoption nrsquoeacutetait que lrsquoultime phase drsquoun processus

drsquoensemble destineacute agrave permettre agrave un couple lrsquoaccueil agrave son foyer drsquoun enfant conccedilu en

exeacutecution drsquoun contrat tendant agrave lrsquoabandon agrave sa naissance par sa megravere et que portant atteinte

aux principes de lrsquoindisponibiliteacute du corps humain et de lrsquoeacutetat des personnes ce processus

constituait un deacutetournement de lrsquoinstitution de lrsquoadoption la cour drsquoappel a violeacute les textes

susviseacutes

PAR CES MOTIFS

CASSE ET ANNULE mais seulement dans lrsquointeacuterecirct de la loi et sans renvoi lrsquoarrecirct rendu le

15 juin 1990 par la cour drsquoappel de Paris

REQUETE DE M LE PROCUREUR GENERAL PRES LA COUR DE CASSATION

Le Procureur geacuteneacuteral pregraves la Cour de Cassation a lrsquohonneur drsquoexposer

- Que par jugement du 28 juin 1989 le tribunal de grande instance de Paris a rejeteacute la requecircte

preacutesenteacutee par Mme X eacutepouse Y tendant agrave lrsquoadoption pleacuteniegravere de lrsquoenfant Z deacuteclareacutee

comme eacutetant neacutee de M Y mari de la requeacuterante sans indication de filiation maternelle

- Que pour ne pas faire droit agrave cette requecircte les premiers juges ont retenu que les eacutepoux Y

pour remeacutedier agrave la steacuteriliteacute de leur couple avaient eu recours agrave lrsquoassociation Alma Mater

aujourdrsquohui dissoute lrsquoenfant eacutetant neacute drsquoune megravere de substitution qui lrsquoa abandonneacute agrave la

naissance pratique deacuteclareacutee illicite

- Que sur appel de Mme Y la premiegravere chambre civile section C de la cour drsquoappel de

Paris a par arrecirct du 15 juin 1990 infirmeacute la deacutecision entreprise et prononceacute lrsquoadoption

pleacuteniegravere solliciteacutee par la requeacuterante

- Qursquoau soutien de leur deacutecision devenue deacutefinitive les juges du second degreacute ont tireacute de nos

principes geacuteneacuteraux relatifs agrave la filiation des regravegles drsquoordre public concernant les contrats et de

40

certaines conventions ou deacuteclarations internationales des conclusions contraires agrave celles

auxquelles eacutetait parvenue votre premiegravere chambre civile de la Cour de Cassation qui dans un

cas de figure pratiquement identique a par arrecirct du 13 deacutecembre 1989 (association Alma

Mater contre procureur geacuteneacuteral Aix-en-Provence) reconnu le caractegravere illicite de la materniteacute

pour autrui et les associations qui srsquoefforcent de la promouvoir

- Qursquoil importe en cette matiegravere particuliegraverement sensible qui touche agrave un deacutelicat problegraveme de

socieacuteteacute et drsquoeacutethique que soit mis fin agrave des divergences jurisprudentielles majeures et que la

seacutecuriteacute juridique soit assureacutee

PAR CES MOTIFS

Vu lrsquoarticle 17 de la loi du 3 juillet 1967 relative agrave la Cour de Cassation

Requiert qursquoil plaise agrave la Cour de Cassation

CASSE ET ANNULE sans renvoi et dans le seul inteacuterecirct de la loi lrsquoarrecirct rendu le 15 juin 1990

par la cour drsquoappel de Paris ayant fait droit agrave la requecircte en adoption pleacuteniegravere preacutesenteacutee par

Mme X eacutepouse Y

Publication Bulletin 1991 AP Ndeg 4 p 5

Deacutecision attaqueacutee Cour drsquoappel de Paris du 15 juin 1990

Page 11: SEANCE_3 Droit Civil Methodologie

11

donneacutees personnelles ou de donneacutees de santeacute

1 - Donneacutees personnelles

Deux inteacuterecircts contradictoires sont pris en compte par le leacutegislateur ou les avis de diffeacuterentes

instances celui de la personne elle-mecircme et celui des tiers au titre de la solidariteacute sociale

a) La prise en compte de linteacuterecirct de la personne

1 Dans un souci de garantir un reacutegime juridique plus protecteur pour les personnes la loi ndeg

2004-800 du 6 aoucirct 2004 (art 4) relative agrave la bioeacutethique a proceacutedeacute agrave un toilettage des anciens

textes pour uniformiser les formulations retenues en remplaccedilant dans les diffeacuterents codes

concerneacutes (code civil code de la santeacute publique code peacutenal) lexpression laquo eacutetude geacuteneacutetique

des caracteacuteristiques raquo ou laquo meacutedecine preacutedictive raquo par laquo examen des caracteacuteristiques

geacuteneacutetiques raquo de la personne Sont ainsi modifieacutes larticle 16-10 du code civil les intituleacutes du

titre III du livre I de la premiegravere partie du code de la santeacute publique et la section 6 du chapitre

IV du titre II du code peacutenal

Deux raisons militaient en faveur de ce changement dune part la notion de meacutedecine

preacutedictive eacutetait trop eacutetroite car elle nautorisait pas le diagnostic dune maladie deacutejagrave deacuteclareacutee

Dautre part la terminologie preacuteceacutedemment utiliseacutee laquo eacutetude ou examen geacuteneacutetique des

caracteacuteristiques raquo dune personne est apparue trop restrictive Elle ne permettait pas de

garantir la protection de la personne agrave leacutegard dune eacuteventuelle utilisation abusive

dinformations geacuteneacutetiques obtenues agrave loccasion dinvestigations meacutedicales diverses non

speacutecifiquement geacuteneacutetiques comme par exemple une biopsie musculaire chez un myopathe de

Duchecircne leacutelectroforegravese de lheacutemoglobine pour le diagnostic de la dreacutepanocytose ou des

thalasseacutemies ou encore de lHLA 27 (selon le rapport de F Giraud Commission des Affaires

sociales Seacutenat 1re lecture ndeg 128 du 15 janv 2003 [2002-2003])

Le terme retenu agrave larticle 4 de loi vise agrave encadrer lensemble des examens de caractegravere

geacuteneacutetique et apparaicirct plus adapteacute agrave lobjectif de lencadrement fixeacute Une telle harmonisation

des terminologies utiliseacutees vient ainsi assurer la coheacuterence des pratiques

La loi a eacutegalement deacutecideacute de sanctionner peacutenalement outre le fait de proceacuteder agrave un examen

des caracteacuteristiques geacuteneacutetiques dune personne sans avoir recueilli preacutealablement son

consentement le fait de proceacuteder agrave un tel examen agrave des fins autres que meacutedicales ou de

recherche scientifique Les sanctions preacutevues agrave larticle 226-25 du code peacutenal demeurent

inchangeacutees un an demprisonnement et 15 000 euros damende

2 La loi ndeg 2004-800 du 6 aoucirct 2004 (art 5) met en exergue limportance accordeacutee agrave la

volonteacute en matiegravere dexamen des caracteacuteristiques geacuteneacutetiques dune personne la loi vient

compleacuteter la reacutedaction de larticle 16-10 alineacutea 2 en posant lexigence dun consentement

mieux encadreacute quauparavant et elle en organise ses modaliteacutes recueil du consentement

expregraves par eacutecrit reacutevocable sans forme agrave tout moment et eacuteclaireacute puisque la personne doit ecirctre

laquo ducircment informeacutee de sa nature et de sa finaliteacute lobligation dinformation devenant une des

conditions du recueil du consentement raquo (D Thouvenin La loi relative agrave la bioeacutethique ou

comment accroicirctre laccegraves aux eacuteleacutements biologiques dorigine humaine D 2005 Chron p

116 et p 172) La loi preacutevoit un nouvel article L 1131-1 au code de la santeacute publique qui

renvoie agrave ces dispositions preacuteciteacutees du code civil

3 La loi ndeg 2004-800 du 6 aoucirct 2004 (art 6) organise le reacutegime juridique des collections

deacutechantillons biologiques humains et des recherches geacuteneacutetiques mises en oeuvre agrave partir de

ces collections Cet article vise agrave concilier les droits des personnes preacuteleveacutees avec la neacutecessiteacute

12

de ne pas alourdir la tacircche des chercheurs dans des secteurs jugeacutes prometteurs Larticle L

1131-4 du code de la santeacute publique rappelle que la constitution et lutilisation de collections

deacutechantillons biologiques humains agrave des fins de recherche geacuteneacutetique relegravevent des dispositions

relatives agrave la conservation et agrave lutilisation des eacuteleacutements et produits du corps humain agrave des fins

de recherche scientifique et non des dispositions reacutegissant les recherches biomeacutedicales (telles

quissues de la loi Huriet)

4 Cest ensuite une protection renforceacutee agrave leacutegard des risques de discrimination lieacutes agrave la

reacutealisation de tests geacuteneacutetiques qui se voit affirmeacutee dans deux types de recommandations lune

europeacuteenne (Recommandations sur les implications des tests geacuteneacutetiques Office des

publications officielles des Communauteacutes europeacuteennes Bruxelles mai 2004) lautre

internationale (Elaboration de la Deacuteclaration relative agrave des normes universelles en matiegravere de

bioeacutethique quatriegraveme eacutebauche de texte CIB UNESCO 15 deacutec 2004)

Le principe de non-discrimination en raison des caracteacuteristiques geacuteneacutetiques avait deacutejagrave eacuteteacute

inscrit agrave larticle 16-13 du code civil lors de la loi ndeg 2002-303 du 4 mars 2002 et il figure

eacutegalement dans la plupart des textes internationaux consacreacutes agrave ce sujet la Convention

dOviedo la Deacuteclaration universelle sur le geacutenome humain ainsi que la Charte des droits

fondamentaux de lUnion europeacuteenne

b) La prise en compte de linteacuterecirct du tiers

Larticle L 1131-1 alineacuteas 3 4 et 5 du code de la santeacute publique issu de la loi du 6 aoucirct 2004

envisage linteacuterecirct de la famille agrave propos dun test geacuteneacutetique reacutealiseacute sur une personne et traite de

linformation geacuteneacutetique familiale A la suite dun test geacuteneacutetique reacuteveacutelant une anomalie

geacuteneacutetique pouvant entraicircner chez les autres membres de la famille le deacuteveloppement dune

mecircme pathologie la personne concerneacutee ou le meacutedecin ont-ils une obligation dans linteacuterecirct

des tiers den informer la famille Doit-on envisager une simple obligation morale ou la

responsabiliteacute du patient qui par son silence aurait empecirccheacute deacuteviter lapparition dune telle

maladie

Cette interrogation sinscrit dans le deacutebat contemporain qui se deacuteveloppe progressivement sur

linteacuterecirct du tiers qui pourrait lemporter sur linteacuterecirct de la personne elle-mecircme

Ce problegraveme a eacuteteacute souleveacute lors des travaux parlementaires devant le Seacutenat en premiegravere lecture

agrave loccasion de laudition du Professeur A Munnich (chef du service de geacuteneacutetique meacutedicale de

lhocircpital Necker - Enfants malades directeur de recherche agrave INSERM) devant la Commission

des Affaires sociales le 4 deacutecembre 2002 Celui-ci suggeacuterait de reacutefleacutechir aux implications du

secret meacutedical sur la santeacute des membres de la famille dune personne atteinte dune affection

geacuteneacutetique

La prise en compte de linteacuterecirct du tiers avait deacutejagrave eacuteteacute eacutevoqueacutee avec prudence dans un avis du

Comiteacute consultatif national deacutethique (avis ndeg 70 du 13 deacutec 2001 laquo Consentement en faveur

dun tiers raquo) Le consentement en faveur ou au profit dun tiers met en jeu et parfois en

concurrence plusieurs principes lautonomie de la personne la bienfaisance agrave leacutegard du

tiers et la solidariteacute Lavis ndeg 70 rappelait que le deacutepistage envisageacute peut concerner le sujet

index mais eacutegalement dautres personnes les diffeacuterents laquo tiers raquo viseacutes dans lavis cest le cas

de certaines maladies infectieuses transmissibles et geacuteneacutetiques La deacutecouverte dun portage

infectieux chez une personne peut avoir des conseacutequences directes sur lopportuniteacute dun

deacutepistage effectueacute chez une autre personne qui aurait eacuteteacute exposeacutee Il en est ainsi par exemple

en cas de viol ou dexposition dun soignant agrave une contamination par le sang

13

La transmission des donneacutees geacuteneacutetiques dune personne au beacuteneacutefice dun tiers dont la parenteacute

biologique avec le sujet est eacutetablie peut ecirctre solliciteacutee dans un cas plus geacuteneacuteral en vue de

lobtention dinformations geacuteneacutetiques familiales compleacutementaires pour avoir une

caracteacuterisation preacutecise des anomalies voire la recherche systeacutematique de mutation dans une

famille agrave partir dun cas princeps afin de mettre en eacutevidence un risque geacuteneacutetique susceptible

decirctre preacutevenu ou non Lavis ndeg 70 du 13 deacutecembre 2001 soulignait que linteacuterecirct du tiers peut

ecirctre la connaissance de son statut par rapport agrave cette anomalie geacuteneacutetique la possibiliteacute lui

eacutetant donneacutee de pouvoir entreprendre une surveillance preacuteventive ou de se soumettre agrave une

theacuterapeutique dans un but curatif ou encore de choisir de ne pas la transmettre agrave sa

descendance

A loccasion de la reacutevision des lois de bioeacutethique le Comiteacute consultatif national deacutethique fut

solliciteacute par le ministre de la Santeacute sur lopportuniteacute dinscrire dans la loi la notion

dinformation geacuteneacutetique familiale doit-on envisager lobligation pour une personne

dinformer son entourage familial si a eacuteteacute deacutecouverte chez elle une preacutedisposition ou

lexistence dune maladie geacuteneacutetique grave pouvant faire lobjet pour les autres membres de la

famille dun traitement etou dune preacutevention efficaces Lavis ndeg 76 rendu le 24 avril 2003

laquo A propos de lobligation dinformation geacuteneacutetique familiale en cas de neacutecessiteacute meacutedicale raquo

privileacutegiait le maintien du secret meacutedical

Les donneacutees geacuteneacutetiques personnelles beacuteneacuteficient dune double protection donneacutees de santeacute

elles sont couvertes par le secret meacutedical et faisant partie de la sphegravere dintimiteacute de chaque

individu elles sont proteacutegeacutees au mecircme titre que toutes les donneacutees agrave caractegravere personnel par

le droit au respect de la vie priveacutee inscrit au code civil

Le nouvel article L 1131-1 du code de la santeacute publique issu de larticle 5 de la loi du 6 aoucirct

2004 sinscrit au contraire dans un mouvement favorable agrave une supreacutematie de la notion de laquo

solidariteacute normative raquo sur lintangibiliteacute du droit agrave lintimiteacute Dans le cas dune anomalie

geacuteneacutetique grave en cas de diagnostic poseacute lors de lexamen des caracteacuteristiques geacuteneacutetiques

dune personne le meacutedecin se doit dinformer celle-ci des risques que son silence ferait courir

aux membres de sa famille dans les cas ougrave des mesures de preacutevention ou de soins peuvent ecirctre

proposeacutees agrave ceux-ci Le texte preacutevoit une alternative laisseacutee agrave la personne concerneacutee soit elle

informe elle-mecircme les membres de sa famille soit elle opte pour la proceacutedure de

linformation meacutedicale agrave caractegravere familial expliciteacutee agrave larticle L 1131-1 du code de la santeacute

publique Les formaliteacutes de la transmission de linformation sont clairement deacutefinies Le

patient qui refuse agrave la fois de preacutevenir les membres de sa famille et de souscrire agrave la proceacutedure

de linformation meacutedicale agrave caractegravere familial ne va-t-il pas engager sa responsabiliteacute (V J-

R Binet La loi relative agrave la bioeacutethique Dr fam oct 2004 6 s)

2 - Donneacutees de santeacute

()

B - Les empreintes geacuteneacutetiques

Les empreintes geacuteneacutetiques moyen didentification des personnes font lobjet dun

encadrement speacutecifique selon le domaine viseacute civil ou peacutenal

1 - En matiegravere civile

1 Lidentification dune personne par ses empreintes geacuteneacutetiques est autoriseacutee par la loi agrave titre

de preuve judiciaire en matiegravere civile elle peut ecirctre ordonneacutee par le juge comme mesure

dinstruction dans certains procegraves mettant en jeu des actions relatives agrave la filiation ou des

14

actions agrave fins de subsides sous reacuteserve du recueil preacutealable expregraves du consentement de

linteacuteresseacute

Une deacutecision de la Cour dappel dAgen du 25 mars 2004 est rendue en application de larticle

16-11 alineacutea 2 du code civil dans le cadre dune action agrave fins de subsides La cour retient que

laquo sil ne peut ecirctre contesteacute que chacun a le droit au respect de son inteacutegriteacute physique larticle

16-11 du code civil preacutevoit expresseacutement lidentification dune personne au moyen de

lempreinte geacuteneacutetique [] raquo A deacutefaut davoir pu obtenir le consentement du deacutefendeur rendu

obligatoire par le mecircme texte la cour retient que si laquo les premiers juges deacutecidaient ainsi

justement que sil ne pouvait pas ecirctre fait grief agrave B de refuser une telle mesure leacutegale il

pouvait ecirctre tireacute toutes les conseacutequences de ce refus [] raquo La solution retenue est classique

Elle vient reacuteaffirmer le poids reconnu au recueil du consentement en matiegravere de respect du

corps humain et de linteacutegriteacute physique cette mesure ne peut ecirctre exeacutecuteacutee de force ou sous

astreinte En cas de refus le reacutegime geacuteneacuteral des mesures dinstruction est applicable en vertu

de larticle 11 alineacutea 1er et 198 du nouveau code de proceacutedure civile

Quen est-il du consentement sagissant de la demande de preacutelegravevement post-mortem

Le deuxiegraveme alineacutea de larticle 16-11 du code civil a eacuteteacute modifieacute par la loi du 6 aoucirct 2004

pour interdire toute identification post-mortem par empreintes geacuteneacutetiques en matiegravere civile

sauf accord expregraves manifesteacute de son vivant par la personne deacuteceacutedeacutee

Cette disposition destineacutee agrave renforcer la prise en compte de la volonteacute de la personne vient

mettre un terme agrave la question du preacutelegravevement post-mortem ordonneacute par une mesure judiciaire

dans le silence de la loi de 1994 la doctrine et la jurisprudence eacutetaient diviseacutees sur

linterpreacutetation agrave donner agrave lancien article 16-11 du code civil que laffaire Montand avait

meacutediatiseacute

Selon une premiegravere approche la reacutedaction de larticle 16-11 exigeait le consentement

preacutealable de la personne concerneacutee et ne pouvait sappliquer degraves lors agrave un deacutefunt le respect

ducirc aux morts sy opposait (CA Paris 17 deacutec 1998 D 1999 Jur p 476 note B Beignier 6

nov 1997 D 1998 Jur p 122 note P Malaurie Somm p 161 obs H Gaumont-Prat P

Malaurie et H Fulchiron Defreacutenois 2004 ndeg 821 p 333)

Selon une seconde approche lobligation de consentir fixeacute par larticle 16-11 ne concernait

que les vivants et il appartenait aux tribunaux den appreacutecier lopportuniteacute sagissant des

personnes deacuteceacutedeacutees (P Catala La jeune fille et le mort Dr fam 1997 Chron ndeg 12 J

Massip Defreacutenois 2002 art 37478)

2 Le juge des reacutefeacutereacutes peut-il ordonner une mesure dinstruction sur le fondement de larticle

145 du nouveau code de proceacutedure civile

Il a deacutejagrave eacuteteacute jugeacute que le juge des reacutefeacutereacutes ne peut sur le fondement de larticle 145 du nouveau

code de proceacutedure civile ordonner une mesure dinstruction tendant agrave lidentification dune

personne par ses empreintes geacuteneacutetiques mecircme avec laccord des parties (TGI Toulouse 25

janv 1995 Gaz Pal 1995 2 p 361 note Olivier CA Riom 19 juin 1997 D 1999 Somm

p 333 obs H Gaumont-Prat)

Avant le vote des lois de bioeacutethique de 1994 en matiegravere de filiation la Cour de cassation

(Cass 1re civ 4 mai 1994 Bull civ I ndeg 159 D 1994 Jur p 545 note J Massip D

1995 Somm p 113 obs F Granet-Lambrechts ) avait admis la possibiliteacute de recourir au

15

reacutefeacutereacute probatoire in futurum preacutevu agrave larticle 145 du nouveau code de proceacutedure civile pour

une expertise sanguine ou geacuteneacutetique degraves lors que se trouvaient respecteacutees les conditions

poseacutees par le texte (absence de procegraves au fond motif leacutegitime recherche ou conservation des

preuves) En lespegravece le demandeur faisait eacutetat de son inteacuterecirct leacutegitime en vue dappreacutecier les

chances de succegraves dune action en contestation de paterniteacute quil souhaitait intenter et

soulignait le risque de deacutepeacuterissement des preuves

Depuis 1994 la leacutegaliteacute dune mesure dinstruction destineacutee agrave eacutetablir la reacutealiteacute biologique de la

filiation gracircce aux empreintes geacuteneacutetiques est soumise agrave certaines conditions larticle 16-11

du code civil issu des lois bioeacutethiques de juillet 1994 se montre plus restrictif et pose

lexigence que la mesure dinstruction soit ordonneacutee par laquo le juge saisi dune action tendant

soit agrave leacutetablissement ou la contestation [] raquo formulation qui semble exclure de ce domaine

la proceacutedure de reacutefeacutereacute car seule une action au fond permettrait au juge dordonner une telle

mesure

Une deacutecision de la Cour dappel de Montpellier rappelle cette diffeacuterence de reacutegime pour

ordonner lexpertise biologique solliciteacutee dans le cadre dune action en reacutefeacutereacute aux motifs que laquo

la mesure dexpertise ne peut porter que sur des preacutelegravevements sanguins et non sur des

empreintes geacuteneacutetiques ces derniegraveres ne pouvant ecirctre ordonneacutees que par le seul juge saisi de

laction conformeacutement agrave larticle 16-11 du code civil raquo

Sachant que lexamen compareacute des sangs permet de donner des reacutesultats relativement fiables

en matiegravere de filiation au moins agrave titre indicatif permettant dappreacutecier les chances de succegraves

dune action en contestation ou en eacutetablissement de paterniteacute on peut degraves lors sinterroger sur

la peacuterenniteacute de cette dualiteacute de reacutegime Ne conviendrait-il pas de modifier les imperfections

reacutedactionnelles de larticle 16-11 alineacutea 2 pour autoriser eacutegalement le recours agrave la proceacutedure

de reacutefeacutereacute

3 La loi ndeg 2004-800 du 6 aoucirct 2004 (art 5) a modifieacute les conditions de lidentification dune

personne par ses empreintes geacuteneacutetiques agrave des fins meacutedicales ou de recherche scientifique

Comme pour lexamen des caracteacuteristiques geacuteneacutetiques agrave larticle 2 il sagit de garantir un

reacutegime du consentement plus protecteur pour les personnes et le texte reprend en partie la

teneur de larticle 16-10 en matiegravere dexamen des caracteacuteristiques geacuteneacutetiques recueil du

consentement expregraves par eacutecrit et preacutealable agrave la reacutealisation de lidentification reacutevocable sans

forme et agrave tout moment consentement eacuteclaireacute par lexigence de la communication de sa

finaliteacute

Le renforcement des droits de la personne saccompagne dun dispositif relatif aux conditions

dagreacutement aux fins de proceacuteder agrave lidentification dune personne agrave des fins meacutedicales ou agrave des

fins de recherche scientifique fixeacute par larticle L 1131-3 issu de la loi du 6 mai 2004

De la mecircme faccedilon un encadrement strict des conditions dagreacutement en matiegravere judiciaire est

mis en place avec le deacutecret ndeg 2004-471 du 25 mai 2004 qui vient modifier le deacutecret ndeg 97-

109 du 6 feacutevrier 1997 relatif aux conditions dagreacutement des personnes habiliteacutees agrave proceacuteder agrave

des identifications par empreintes geacuteneacutetiques dans le cadre dune proceacutedure judiciaire

1 - En matiegravere peacutenale

Un arrecirct de la Chambre criminelle de la Cour de cassation (22 juin 2004 Bull crim ndeg 164)

vient preacuteciser lapplication de larticle 706-56 du code de proceacutedure peacutenale issu de la loi ndeg

2001-1062 du 15 novembre 2001 (art 56 JO du 16 nov 2001) modifieacutee ensuite par la loi ndeg

2003-239 du 18 mars 2003 (art 29 JO du 19 mars 2003) et par la loi ndeg 2004-204 du 9 mars

16

2004 (art 49 JO du 10 mars 2004) en matiegravere dempreintes geacuteneacutetiques aux fins

didentification en matiegravere peacutenale Ce texte preacutevoit que le fait pour une personne

deacutefinitivement condamneacutee pour une des infractions viseacutees agrave larticle 706-55 de refuser de se

soumettre agrave un preacutelegravevement biologique destineacute agrave permettre lanalyse didentification de son

empreinte geacuteneacutetique est passible de sanctions peacutenales En lespegravece un homme condamneacute pour

viol avait refuseacute de se soumettre agrave un preacutelegravevement biologique en vue de son inscription au

fichier des empreintes geacuteneacutetiques et preacutetendait que le texte susviseacute ne sappliquait quaux

personnes deacutefinitivement condamneacutees apregraves son entreacutee en vigueur La cour dappel ne suit pas

cette argumentation et la Cour de cassation rejette le pourvoi aux motifs que ce texte

dapplication immeacutediate concerne toutes les personnes dont un preacutelegravevement est requis mecircme

si la condamnation est anteacuterieure agrave la loi

Les mesures viseacutees par ce texte sinscrivent dans la mise en place et le fonctionnement du

FNAEG le fichier national automatiseacute des empreintes geacuteneacutetiques destineacute notamment agrave

conserver dans un traitement automatiseacute les empreintes geacuteneacutetiques de lensemble des

personnes condamneacutees pour infractions sexuelles (Circ CRIM 00-8 F1 du 10 oct 2000 et

CRIM 01-15 E6 du 20 juill 2001) Un deacutecret ndeg 2004-470 du 25 mai 2004 modifiant le code

de proceacutedure peacutenale (2e partie deacutecrets en Conseil dEtat) relatif au fichier national

automatiseacute des empreintes geacuteneacutetiques vient compleacuteter le dispositif

C - Limage du corps

Limage du corps ou lapparence corporelle est classiquement proteacutegeacutee par le droit agrave limage

deacutecoulant de larticle 9 du code civil consacrant le droit au respect de la vie priveacutee et qualifieacute

de droit de la personnaliteacute (P Kayser in Meacutelanges Roubier p 73 T Hassler note sous TGI

Paris 15 avr 1987 D 1987 Jur p 551 F Dessemontet Le droit agrave sa propre image droit de

la personnaliteacute ou droit de la publiciteacute Meacutelanges en lhonneur de J-M Grossen) Cest le

droit pour toute personne dinterdire aux tiers la reproduction et la publication de son image

Limage du corps peut ecirctre appreacutehendeacutee de maniegravere plus originale par le recours agrave larticle 16

comme sinscrivant dans le domaine du droit au respect du corps humain et essentiellement

dans celui du respect de la digniteacute de la personne humaine On observe que le principe du

droit au respect du corps est proclameacute par le leacutegislateur en des termes semblables agrave ceux de

larticle 9 du code civil visant le respect de la vie priveacutee Il est vrai que laquo corps et vie priveacutee

repreacutesentent les deux faces de lintimiteacute dune personne raquo (J-C Galloux Le corps humain

dans le code civil in 1804-2004 Le code civil Un passeacute un preacutesent un avenir Dalloz 2004

p 381) Le recours agrave la notion de digniteacute de la personne humaine a eacuteteacute solliciteacute degraves 2001 dans

laffaire du preacutefet Erignac pour sanctionner la reproduction dans la presse de limage de son

cadavre (Cass 1re civ 20 deacutec 2000 J-P Gridel Retour sur limage du preacutefet assassineacute

digniteacute de la personne humaine et liberteacute de linformation dactualiteacute D 2001 Chron p 872

Jur p 885 Somm p 1990 obs A Lepage RTD civ 2001 p 329 obs J Hauser JCP

2001 II 10488 note J Ravanas)

1 Une deacutecision de la Cour dappel de Paris (1re ch B 23 sept 2004) consacre cette solution

en retenant que la liberteacute dexpression eacutetant une liberteacute fondamentale agrave valeur

constitutionnelle proteacutegeacutee par la Convention europeacuteenne des droits de lhomme et la

Deacuteclaration des droits de lhomme et du citoyen ses abus peuvent seulement ecirctre poursuivis

au nom dautres principes agrave valeur constitutionnelle comme le droit agrave reacuteparation de tout

preacutejudice subi ou la protection de la digniteacute de lhomme preacutevue par larticle 16 du code civil

2 Une deacutecision de la deuxiegraveme Chambre civile de la Cour de cassation (4 nov 2004) vient

confirmer cette dualiteacute Il sagissait en lespegravece dune photographie dun jeune homme de 17

17

ans gisant inanimeacute et agrave demi deacutevecirctu le visage ensanglanteacute victime dun accident de la

circulation alors quil pilotait un scooter Le clicheacute avait eacuteteacute pris par un hebdomadaire agrave grand

tirage pour illustrer un article intituleacute laquo Routes la guerre oublieacutee raquo consacreacute aux accidents de

la route

Les parents de ladolescent deacuteceacutedeacute des suites de laccident avaient assigneacute la socieacuteteacute eacuteditrice

de lhebdomadaire en reacuteparation arguant dune atteinte agrave la digniteacute de la personne ainsi

repreacutesenteacutee Les juges du fond avaient fait droit agrave la demande aux motifs que la liberteacute

dinformer revendiqueacutee par leacutediteur ne devait pas preacutevaloir sur le respect des droits de

lindividu sagissant dun article consacreacute agrave un pheacutenomegravene de socieacuteteacute La jurisprudence en la

matiegravere consacre en effet la liberteacute de communication des informations ainsi que la

publication dimages de personnes impliqueacutees dans un eacuteveacutenement sagissant deacuteveacutenements

dactualiteacute voire mecircme de faits dactualiteacute (Cass 2e civ 30 juin 2004 D 2004 IR p 2478

JCP 2004 II 10160 note D Bakouche) sous la seule reacuteserve du respect de la digniteacute

humaine (not absence de recherche du sensationnel et toute indeacutecence Cass 1re civ 20

feacutevr 2001 D 2001 Jur p 1199 note J-P Gridel Somm p 1990 obs A Lepage RTD civ

2001 p 329 note J Hauser Dr et patrimoine juin 2001 p 96 note G Loiseau 12 juill

2001 D 2002 Jur p 1380 note C Bigot Somm p 2298 obs L Marino RTD civ 2001

p 852 obs J Hauser JCP 2002 II ndeg 10152 note J Ravanas) Les diffeacuterentes deacutecisions

sont rendues au regard de latteinte agrave la vie priveacutee et du droit agrave limage sur le fondement de

larticle 9 (Cass 2e civ 5 mars 1997 D 1998 Jur p 474 note J Ravanas RTD civ 1997

p 396 obs J Hauser CA Versailles 31 janv 2002 Bull inf C cass 1er oct 2002 ndeg 983

D 2003 Somm p 1533 obs C Caron) voire sur le fondement de larticle 10 de la

Convention europeacuteenne des droits de lhomme (CEDH 3e sect 26 feacutevr 2002 Krone Verlag

c Austria req ndeg 34315)

Dans larrecirct susviseacute la Cour de cassation casse la deacutecision au visa des articles 10 de la

Convention europeacuteenne 9 et 16 du code civil Rappelant que laquo le principe de la liberteacute de la

presse implique le libre choix des illustrations dun deacutebat geacuteneacuteral de pheacutenomegravene de socieacuteteacute

sous la seule reacuteserve du respect de la digniteacute de la personne humaine [] raquo elle reproche agrave la

cour dappel de ne pas avoir laquo caracteacuteriseacute latteinte porteacutee par celle-ci [la photographie

litigieuse] agrave la digniteacute de la victime [] raquo

Le recours agrave larticle 16 du code civil selon lequel laquo la loi interdit toute atteinte agrave la digniteacute raquo

de la personne teacutemoigne de la proximiteacute des notions dimage (traditionnellement inscrite dans

le droit au respect de la vie priveacutee) et dapparence corporelle dont on perccediloit le lien avec la

notion de droit au respect du corps humain gouverneacute par larticle 16-1 prolongeant la

protection plus geacuteneacuterale fondeacutee sur la digniteacute inscrite agrave larticle 16 du code civil Nexiste-t-il

pas degraves lors une veacuteritable attraction de ces deux regravegles Les deux protections coexistent se

complegravetent et devraient favoriser le renforcement de la protection de limage de la personne

II - Le corps ses eacuteleacutements et ses produits

A - Regravegles geacuteneacuterales relatives au statut du corps humain

A leacutepoque contemporaine le corps humain devient de plus en plus un lieu de conflits

Conflits entre des normes juridiques de valeur comparable - autonomie de la volonteacute contre

solidariteacute sociale digniteacute des personnes contre liberteacute de la science - mais eacutegalement et de

maniegravere plus fondamentale conflits susciteacutes par des approches philosophiques et morales

diffeacuterentes sinon opposeacutees du corps humain Approches judeacuteo-chreacutetiennes qui le sacralisent

en linscrivant dans le mystegravere de lincarnation mateacuterialistes qui en nient la transcendance

utilitaristes precirctes agrave le sacrifier pour le bien-ecirctre collectif libertaires ou heacutedonistes qui

exaltent la liberteacute de lindividu agrave lencontre des contingences biologiques ou nen font que

18

linstrument de satisfaction des deacutesirs Le droit biomeacutedical se ressent de ces laquo oscillations de

la morale raquo (J Carbonnier Droit et passion du droit sous la Ve Reacutepublique Flammarion

1996 p 116) au risque de perdre peu agrave peu sa coheacuterence En teacutemoigne lapplication parfois

heacutesitante parfois jupiteacuterienne et souvent gecircneacutee des principes geacuteneacuteraux qui gouvernent le

statut du corps humain la protection de linteacutegriteacute corporelle et surtout lindisponibiliteacute ou

lextra-commercialiteacute du corps

1 - Protection de linteacutegriteacute corporelle

1 La loi du 6 aoucirct 2004 a modifieacute larticle 16-3 du code civil en ajoutant agrave la neacutecessiteacute laquo

meacutedicale raquo justifiant latteinte agrave linteacutegriteacute corporelle laquo agrave titre exceptionnel dans linteacuterecirct

theacuterapeutique dautrui raquo (art 9) Cette nouvelle extension de laccegraves aux ressources

biologiques corporelles au deacutetriment des droits de lindividu sur son corps (la premiegravere a eacuteteacute

consacreacutee par la loi ndeg 99-641 du 27 juill 1999 art 70 qui avait deacutejagrave substitueacute au terme laquo

theacuterapeutique raquo celui de laquo meacutedicale raquo afin de contrer linterpreacutetation neacutecessairement eacutetroite

quen avait fait la Cour de cassation dans son avis du 6 juill 1998 [D 1998 IR p 208 RTD

civ 1998 p 881 obs J Hauser] consideacuterant contraires agrave lart 16-3 les atteintes agrave linteacutegriteacute

du corps meneacutees agrave des fins purement contraceptives comme la ligature des trompes de Fallope

de telles atteintes sont deacutesormais licites car obeacuteissant agrave une finaliteacute meacutedicale mecircme si elles

tendent plus agrave preacutevenir ou agrave gueacuterir une maladie une grossesse neacutetant par elle-mecircme une

maladie) a davantage pour but dharmoniser les dispositions du code civil et celles du code de

la santeacute publique les preacutelegravevements reacutealiseacutes aux fins de greffes sur autrui ne pouvaient

certainement pas entrer dans les preacutevisions du texte dans sa reacutedaction anteacuteceacutedente Avec

lextension continue de la cateacutegorie des donneurs vivants (afin de pallier le deacuteficit chronique

de greffons en France cf infra) cette disposition est promise agrave un bel avenir (JOAN CR 2e

seacuteance 16 janv 2002)

2 Le titre III de la loi du 6 aoucirct 2004 apporte par ailleurs des modifications importantes agrave

larchitecture des preacutelegravevements deacuteleacutements du corps humain et par voie de conseacutequence aux

conditions dans lesquelles il peut ecirctre porteacute atteinte agrave linteacutegriteacute corporelle des donneurs

- lacte de preacutelegravevement est deacutesormais qualifieacute dlaquo acte de soin raquo au sens des articles L 1142-1

et suivants du code de la santeacute publique relatifs aux risques sanitaires reacutesultant du

fonctionnement du systegraveme de santeacute issus de la loi du 4 mars 2002 ce qui devrait ameacuteliorer

lindemnisation des victimes en cas daccident lors du preacutelegravevement

- le cercle des donneurs est eacutelargi (art L 1231-1 al 1er c santeacute publ)

- les modaliteacutes de recueil du consentement sont renforceacutees (mecircme art al 3)

- les finaliteacutes des preacutelegravevements sont mieux deacutefinies (par ex pour le sang art L 1211-8-1 c

santeacute publ) le patient pouvant controcircler une nouvelle utilisation des eacuteleacutements preacuteleveacutes

initialement pour dautres buts (not art L 1241-1 c santeacute publ) Les patients peuvent

eacutegalement sopposer agrave lutilisation des produits dexeacuteregravese et du placenta (art L 1235-2 et

1245-2 c santeacute publ) Pour les preacutelegravevements sur personne deacuteceacutedeacutee la regravegle mal veacutecue et

contourneacutee du consentement est ameacutelioreacutee obligeant le meacutedecin agrave recueillir aupregraves de ses

proches une eacuteventuelle opposition exprimeacutee par le deacutefunt de son vivant (art L 1232-1 c

santeacute publ) les proches se voyant reconnaicirctre le droit de connaicirctre les preacutelegravevements effectueacutes

3 Nonobstant les appels aux dons la peacutenurie de greffons saggrave en France selon

lEtablissement franccedilais des greffes qui constate une baisse des preacutelegravevements dorganes

(communiqueacute du 8 avr 2004) ce qui conduit lAcadeacutemie de meacutedecine agrave reacuteclamer de

19

nouvelles modifications reacuteglementaires afin dassouplir les regravegles de seacutelection des donneurs

(communiqueacute du 11 mai 2004) Cette situation ne doit toutefois pas conduire agrave des

discriminations ignoreacutees de la reacuteglementation sanitaire et contraires agrave notre tradition juridique

larrecirct du Conseil dEtat du 30 avril 2004 sen fait leacutecho En lespegravece un ressortissant

marocain en situation irreacuteguliegravere atteint dune grave insuffisance reacutenale chronique et inscrit

sur la liste des receveurs de greffes dorganes en vue dune transplantation reacutenale se voit

notifier une mesure de reconduite agrave la frontiegravere sur le fondement de larticle 25 de

lordonnance du 2 novembre 1945 Larrecircteacute deacutecidant cette reconduite est annuleacute comme

entacheacute dune erreur manifeste dappreacuteciation des conseacutequences de cet arrecircteacute sur la situation

personnelle de linteacuteresseacute car il ne pouvait pas beacuteneacuteficier dune opeacuteration de transplantation

dans son pays dorigine Peut-on voir dans cette solution tregraves humaine une application preacutecoce

du principe nouvellement inscrit dans le nouvel article L 1231-1 A c) du code de la santeacute

publique qui impose le respect du principe deacutequiteacute dans les regravegles de reacutepartition et

dattribution des greffons

4 La question des soins imposeacutes suscite toujours des questions deacutelicates autant sur un plan

humain quun plan juridique Le droit pour le patient majeur de donner lorsquil se trouve en

leacutetat de lexprimer son consentement agrave un traitement meacutedical comme le rappelle lalineacutea 2 de

larticle 16-3 revecirct le caractegravere dune liberteacute fondamentale (CE ord reacutef 16 aoucirct 2002 D

2004 Somm p 602 obs J Penneau RTD civ 2002 p 781 obs J Hauser) Larticle L

1111-4 du code de la santeacute publique tel quissu de la loi du 4 mars 2002 sur le droit des

malades prescrit que le pouvoir de deacutecision sexerce avec le professionnel de santeacute compte

tenu des informations et des preacuteconisations quil lui fournit le meacutedecin ne dispose plus

deacutesormais que dun pouvoir de conseil qui lui interdit de passer outre la volonteacute du patient

mecircme en cas durgence vitale Le meacutedecin doit respecter la volonteacute de la personne apregraves

lavoir informeacutee des conseacutequences de ses choix (il nest dailleurs pas obligeacute de la convaincre

Cass 1re civ 18 janv 2000 D 2001 Jur p 3559 note M-L Mathieu-Izorche) aucun acte

ni aucun traitement ne peut ecirctre pratiqueacute sans le consentement libre et eacuteclaireacute de la personne

consentement quelle peut retirer agrave tout moment Toutefois parmi les soins imposeacutes les

obligations de vaccination tiennent une place particuliegravere Bien accepteacutees par le public

lorsquelles furent introduites pour lutter contre des eacutepideacutemies dont chacun pouvait mesurer

autour de soi les effets deacutevastateurs (la premiegravere vaccination obligatoire remonte agrave la loi du 15

feacutevr 1902 F Moderne Le reacutegime juridique des vaccinations obligatoires AJDA 1965 p

195) ces mesures autoritaires encore nombreuses (contre la diphteacuterie art L 3111-1 c santeacute

publ le teacutetanos art L 3111-2 c santeacute publ la poliomyeacutelite art L 3111-3 c santeacute publ

la tuberculose art L 3111-4 c santeacute publ) sont aujourdhui contesteacutees au nom de la liberteacute

individuelle alors que ces grandes pandeacutemies ont peu agrave peu replieacute leurs ailes de mort sur

notre pays du moins Dans un arrecirct dAssembleacutee du 3 mars 2004 (Association Liberteacute

Information Santeacute RFDA 2004 p 581 concl comm du gouv G Le Chatelier AJDA

2004 p 971) le Conseil dEtat a eu loccasion de preacuteciser les pouvoirs reacuteglementaires dont

peut disposer le ministre de la Deacutefense pour imposer certaines vaccinations obligatoires

contrairement aux conclusions du commissaire du gouvernement il a admis que le ministre de

la Deacutefense en tant que chef de service peut imposer des vaccinations aux militaires placeacutes

sous son autoriteacute Si le principe dinteacutegriteacute du corps ne constitue pas en lui-mecircme un principe

agrave valeur constitutionnelle il concourt toutefois agrave assurer le respect du principe constitutionnel

de sauvegarde de la digniteacute de la personne humaine (Cons const 27 juill 1994 RJC p 100

B Edelman Le Conseil constitutionnel et lembryon D 1995 Chron p 205 Jur p 237 note

B Mathieu Somm p 299 obs L Favoreu) Cette expression essentielle et incarneacutee de la

liberteacute individuelle doit ecirctre concilieacutee avec des impeacuteratifs sociaux de santeacute dont la valeur nest

pas moindre La Haute juridiction administrative avait deacutejagrave eu loccasion de preacuteciser que les

20

dispositions imposant des vaccinations obligatoires si elles ont pour effet de porter une

atteinte limiteacutee aux principes dinviolabiliteacute et dinteacutegriteacute du corps humain voient leur mise en

oeuvre justifieacutee dans le but dassurer la protection de la santeacute dont le principe se trouve garanti

par le Preacuteambule de la Constitution de 1946 et sont proportionneacutees agrave cet objectif (CE 26 nov

2001 ALIS req ndeg 222741 RFDA 2002 p 65 concl comm du gouv S Boissard) Cest

normalement agrave la loi quil revient darbitrer entre ces deux principes Dans une autre affaire

(CA Pau 19 mars 2002 Dr fam 2004 ndeg 137 obs M S) des parents avaient eacuteteacute

condamneacutes agrave des peines contraventionnelles pour avoir soustrait leurs enfants agrave lobligation

vaccinale pour des raisons religieuses Ces deacutecisions ont eacuteteacute rendues alors que la loi du 4 mars

2002 sur le droit des patients neacutetait pas entreacutee en vigueur le renforcement de la liberteacute du

patient serait-elle de nature agrave assouplir les obligations vaccinales La jurisprudence de la

Cour europeacuteenne des droits de lhomme semble aller en ce sens (CEDH 9 juill 2002 ndeg

4219798 Salvetti c Italie une vaccination obligatoire en tant que traitement meacutedical non

volontaire constitue une ingeacuterence dans le droit au respect de la vie priveacutee reconnu par lart 8

sect 1 Conv EDH) Quil nous soit permis deacutemettre des reacuteserves sauf agrave ruiner toute la politique

de preacutevention mise en place par les autoriteacutes sanitaires depuis un siegravecle et dont les effets

salutaires ne sont pas contestables la reacutesistance des juridictions administratives qui sous-tend

larrecirct dAssembleacutee rapporteacute face aux derniers avatars dun certain extreacutemisme libertarien

dont le corps devient le bastion (pour un bon exposeacute de ces thegraveses Onfray Feacuteeacuteriques

anatomiques geacuteneacutealogie du corps faustien Grasset-Fasquelle 2003) montre que lhypothegravese

est ici bien diffeacuterente dun simple refus de soin comme dans le cas des transfusions elles ne

mettent en jeu que la vie du patient (sur cette derniegravere question B Mathieu De la difficulteacute

de choisir entre la liberteacute et la vie RGDM 2003 ndeg 9 p 97 A Garay Volonteacutes et liberteacutes

dans la relation meacutedecin-malade la mise agrave leacutepreuve des articles 16-3 du code civil et L

1111-4 du code de la santeacute publique RGDM 2003 ndeg 10 p 143)

5 Moins sujet agrave deacutebat larrecirct rendu par la Cour europeacuteenne (22 juill 2003 req ndeg 2420994

RD publ 2004 ndeg 3 p 826 note C Picheral) qui condamne la Turquie pour ingeacuterence dans

le droit au respect de la vie priveacutee reconnu par larticle 8 sect 1 de la Convention europeacuteenne

Dans cette affaire la plaignante avait subi un examen gyneacutecologique forceacute destineacute agrave prouver

agrave lissue de sa garde agrave vue quelle navait pas subi de violences sexuelles La Cour europeacuteenne

qui integravegre deacutesormais le respect du corps humain dans la sphegravere de la vie priveacutee fait ici une

application logique de larticle 8 dans la ligne de la jurisprudence preacuteceacutedemment citeacutee

2 - Indisponibiliteacute et extra-patrimonialiteacute du corps humain

6 Le principe dextra-patrimonialiteacute du corps humain se trouve repris par les articles 16-1

alineacutea 3 16-5 et 16-6 du code civil quil est parfois difficile de distinguer du principe

dindisponibiliteacute du corps humain que la jurisprudence fonde sur larticle 1128 du mecircme code

(Cass ass pleacuten 31 mai 1991 D 1991 Jur p 417 rapp Y Chartier note D Thouvenin) Si

la qualification dindisponibiliteacute a eacuteteacute eacutecarteacutee du vocabulaire des lois de 1994 et de 2004

comme par la doctrine dominante pour cause dambiguiumlteacute (D Fenouillet Respect et protection

du corps humain J-Cl civil art 16 agrave 16-12 fasc 12 ndeg 134 s) la jurisprudence y revient

parfois pour affirmer que le corps nest pas une chose dans le commerce Larrecirct de la Cour

dappel de Paris du 16 mai 2003 reacuteforme sur ce point un jugement du Tribunal des affaires de

seacutecuriteacute sociale de Paris du 5 juillet 2001 qui avait agrave tort exoneacutereacute une prostitueacutee du paiement

de la cotisation dallocations familiales des travailleurs indeacutependants au motif quanalyser une

activiteacute sexuelle reacutemuneacutereacutee comme un travail reviendrait agrave admettre que le commerce du

corps humain est leacutegal alors que leacutegaliser ce commerce aboutit agrave nier et agrave rejeter le principe

dindisponibiliteacute du corps humain La cour rappelle agrave bon droit que le commerce des relations

sexuelles nest pas en soi illicite seules eacutetant interdites certaines conditions dexercice de cette

21

activiteacute en tant quelles conduiraient aux infractions de racolage et de proxeacuteneacutetisme Affirmer

que lactiviteacute en cause na aucun lien avec lindisponibiliteacute du corps humain a quelque chose

de surreacutealiste le fait quelle ne soit pas peacutenalement reacuteprimeacutee nempecircche pas le caractegravere

illicite du contrat passeacute entre la prostitueacutee et son client (dans ce sens pour la nulliteacute dune

assurance souscrite par un proxeacutenegravete contre les accidents corporels freacutequents dans ce genre

dactiviteacutes CA Paris 22 janv 1992 Juris-Data ndeg 020308) Reste la justification de la

deacutecision par la relative autonomie du droit des prestations sociales larticle R 241-2 du code

de la seacutecuriteacute sociale vise toutes les activiteacutes non salarieacutees mecircme de caractegravere accessoire La

Chambre sociale de la Cour de cassation a deacutejagrave admis la prostitution au titre de ces activiteacutes

(18 mai 1995 D 1996 Somm p 38 obs X Preacutetot) eacutecarter les activiteacutes de prostitution de

lassiette des cotisations sociales ne serait-ce pas les encourager davantage au risque pour

lEtat de reprendre agrave son compte le ceacutelegravebre adage de Vespasien

7 Nous rappellerons encore larrecirct rendu par la premiegravere Chambre civile le 9 deacutecembre 2003

confirmant le rejet de ladoption pleacuteniegravere par la femme du pegravere dune enfant qui est le fruit

dune convention de megravere porteuse Lamie dun couple steacuterile avait accepteacute en 1987

dabandonner agrave sa naissance sans indication de filiation maternelle lenfant conccedilu des relations

intimes quelle avait eues avec leacutepoux La demanderesse au pourvoi soutenait que lilliceacuteiteacute de

la convention neacutetait pas eacutetablie par la jurisprudence et par la loi au moment des faits et quil

fallait prendre en consideacuteration pour ladoption pleacuteniegravere les douze anneacutees passeacutees par lenfant

aupregraves delle les inteacuterecircts de ce dernier primant la neacutecessiteacute de sanctionner la convention La

Cour de cassation confirmant sa jurisprudence du 31 mai 1991 (preacutec) et du 29 juin 1994 (D

1994 Jur p 581 note Y Chartier) rappelle laquo que la materniteacute pour autrui dont le caractegravere

illicite se deacuteduit des principes geacuteneacuteraux du code civil et aujourdhui de son article 16-7

reacutealise un deacutetournement de linstitution de ladoption que les premiers juges ont agrave bon droit

refuseacute raquo Prudemment la Haute juridiction neacutevoque pas la notion dindisponibiliteacute cet laquo

imaginaire de la doctrine raquo (M Gobert Reacuteflexions sur les sources du droit et les principes

dindisponibiliteacute du corps humain et de leacutetat des personnes RTD civ 1992 p 489) pour se

contenter logiquement de viser larticle 16-7 qui a vocation agrave sappliquer mecircme si le contrat

reste secret la graviteacute du vice initial de la materniteacute pour autrui contaminant toute adoption

ulteacuterieure

8 Le Tribunal administratif dAmiens dans sa deacutecision du 9 mars 2004 fait une application

discutable de la notion dextra-commercialiteacute des eacuteleacutements et des produits du corps humain

dans une hypothegravese ougrave cette qualification ne devait pas jouer Un couple perd ses embryons

congeleacutes in vitro en raison de la deacutefaillance du mateacuteriel de conservation imputable agrave un

eacutetablissement hospitalier Peut-il se preacutevaloir dun preacutejudice indemnisable dans le cadre de

laction en responsabiliteacute quil engage contre cet eacutetablissement La juridiction administrative

saisie admet la responsabiliteacute de la personne publique le mateacuteriel de conservation lui

appartenant eacutetant en cause mais sur la question de la reacuteparation du preacutejudice subi reacutepond de

maniegravere surprenante laquo si les eacutepoux peuvent se preacutevaloir de lexistence dun preacutejudice

mateacuteriel reacutesultant de la perte dovocytes les dispositions de larticle 16-1 du code civil selon

lesquelles le corps humain ses eacuteleacutements et ses produits ne peuvent faire lobjet dun droit

patrimonial sopposent agrave ce quils puissent en demander la reacuteparation en argent raquo et il

poursuit laquo les ovocytes surnumeacuteraires neacutetant pas des personnes ils ne sont pas fondeacutes agrave se

preacutevaloir dun preacutejudice moral reacutesultant selon eux de la perte decirctres chers raquo Le couple se

voit toutefois allouer 10 000 euros de dommages-inteacuterecircts pour les laquo troubles divers raquo dans

leurs conditions dexistence Si les ovocytes ne sont pas eacutevaluables en argent et si leur perte ne

peut donc pas justifier un preacutejudice mateacuteriel il nen va pas de mecircme dun preacutejudice moral

causeacute par leur perte (la perte dun animal domestique le justifie en droit civil ) et surtout le

22

preacutejudice reacutesultant de la perte dune chance de devenir parents pour un couple deacutejagrave acircgeacute et qui

rencontre des difficulteacutes pour procreacuteer degraves lors quaurait pu ecirctre eacutetablie la disparition par

leffet de la faute imputeacutee agrave leacutetablissement hospitalier de leacuteveacutenement favorable la

probabiliteacute de la naissance dun enfant (en droit meacutedical G Meacutemeteau Gaz Pal 1997 2

Doctr p 1367) La juridiction administrative a manqueacute une occasion de faire avancer le droit

biomeacutedical dans une affaire inattendue et hautement symbolique

B - Reacuteglementation des eacuteleacutements et les produits du corps

Prenant appui sur les principes geacuteneacuteraux gouvernant le statut du corps humain le reacutegime

juridique des eacuteleacutements et des produits biologiques dorigine humaine peut toutefois preacutesenter

des particulariteacutes

1 - La greffe de visage

9 Le Comiteacute consultatif national deacutethique dans son avis ndeg 82 du 6 feacutevrier 2004 eacutemet un

avis deacutefavorable au preacutelegravevement du visage dune personne deacuteceacutedeacutee ou en langage meacutedical agrave

lallotransplantation de tissus composites En deacutepit des besoins eacutevidents pour la chirurgie

reconstructive des victimes deacutefigureacutees agrave la suite daccidents ou de suicides manqueacutes le

Comiteacute consultatif considegravere que des obstacles dirimants subsistent actuellement pour

ladmission dun tel preacutelegravevement les perspectives de laquo reacuteussite raquo dune telle opeacuteration

demeurent tregraves theacuteoriques les risques de rejet des greffons eacutetant laquo extrecircmement graves raquo il

paraicirct par ailleurs fort deacutelicat de solliciter lautorisation de la famille du deacuteceacutedeacute pour effectuer

les preacutelegravevements la signification eacutethique particuliegravere du visage humain son lien intime agrave la

personnaliteacute et agrave lidentiteacute en font davantage quune piegravece anatomique Cette prudence sinscrit

dans le cadre des principes traditionnels du droit meacutedical la technique envisageacutee relevant

pour lheure davantage de lexpeacuterimentation que de la theacuterapeutique

2 - Les banques de sang de cordon ombilical

10 Les cellules heacutematopoiumleacutetiques preacutesentes dans le sang du cordon ombilical peuvent ecirctre

utiliseacutees pour le traitement de certaines maladies geacuteneacutetiques elles peuvent notamment

repeupler la moelle osseuse du patient et constituer une source de cellules sanguines offrant

ainsi une solution alternative agrave la greffe de moelle osseuse Des banques de ces cellules ont

eacuteteacute creacuteeacutees dans des institutions hospitaliegraveres et plus reacutecemment dans le secteur priveacute Ces

activiteacutes pour certaines agrave but lucratif suscitent eacutevidemment des questions juridiques et

eacutethiques Le Comiteacute national sest en France pencheacute sur ce problegraveme (avis ndeg 74 du 12 deacutec

2002) de mecircme que divers organismes de santeacute europeacuteens Le Groupe europeacuteen deacutethique

institueacute aupregraves du preacutesident de la Commission europeacuteenne a consacreacute agrave ce point son avis ndeg

16 rendu le 16 mars 2004 En substance les sages du Groupe europeacuteen critiquent vivement

louverture de cette activiteacute au secteur commercial degraves lors que les banques priveacutees noffrent

pas un laquo service utile en termes de possibiliteacutes theacuterapeutiques raquo (pt 21) et meacuteritent decirctre

eacutetroitement encadreacutees comme elles le seraient dailleurs en France Dun point de vue plus

geacuteneacuteral ces banques priveacutees de sang ombilical qui demeurent en veacuteriteacute assez marginales

posent la question des activiteacutes commerciales dans les secteurs sensibles de la santeacute qui nest

pas reacutesolue de maniegravere uniforme au sein de lUnion europeacuteenne Ladoption de

reacuteglementations telles que la directive CE ndeg 2004-23 du 31 mars 2004 concernant les aspects

de seacutecuriteacute et de qualiteacute pour les diffeacuterentes opeacuterations relatives aux eacuteleacutements biologiques

dorigine humaine va dans le sens de cette harmonisation

3 - Les normes europeacuteennes de qualiteacute et de seacutecuriteacute concernant les diffeacuterentes opeacuterations

relatives aux tissus et aux cellules humains

11 La directive CE ndeg 2004-23 du 31 mars 2004 constitue un texte important dans un secteur

ougrave lharmonisation communautaire tardait nonobstant le maillage reacuteglementaire existant en

23

matiegravere de meacutedicaments agrave usage humain (Dir CE ndeg 2001-83 du 6 nov 2001) Le texte

sapplique essentiellement aux eacuteleacutements biologiques destineacutes agrave lhomme ou agrave la fabrication de

produits manufactureacutes y compris pour des buts cosmeacutetiques agrave lexception des produits

destineacutes agrave des greffes autologues dans le cadre dune intervention chirurgicale unique du sang

et des produits sanguins (Dir CE ndeg 2002-98 du 27 janv 2002) des organes ou des parties

dorganes utiliseacutes aux mecircmes fins que lorgane entier dans le corps humain Les utilisations agrave

des fins de recherche sont eacutegalement exclues La directive sapplique en revanche aux gamegravetes

et aux cellules souches embryonnaires mais laisse aux Etats membres la faculteacute den autoriser

lutilisation Dune maniegravere geacuteneacuterale le texte communautaire nimpose pas de modegravele eacutethique

mais des obligations techniques dans un but de seacutecuriteacute sanitaire comprenant notamment la

mise en place dun systegraveme qualiteacute et de traccedilabiliteacute la deacutesignation dune personne responsable

mais il insiste cependant sur la gratuiteacute des dons et les exigences en matiegravere de consentement

La transposition qui ne devrait pas affecter de maniegravere sensible le cadre juridique franccedilais

actuel doit intervenir avant le 7 avril 2006

4 - Les cellules souches embryonnaires

12 Moins de deux mois apregraves ladoption de la reacutevision des lois bioeacutethiques et en application

de larticle 37 du nouveau texte qui autorise agrave titre transitoire avant la mise en place de

lAgence de la Biomeacutedecine les ministres concerneacutes agrave permettre limportation agrave des fins de

recherche de cellules souches embryonnaires humaines un deacutecret et un arrecircteacute (JO ndeg 228 du

30 sept 2004 p 16804) du 28 septembre 2004 viennent dy proceacuteder Les recherches sur ces

cellules fort contesteacutees il y a encore peu puisque la preacuteceacutedente autorisation dimportation de

cellules souches dorigine embryonnaire avait fait lobjet dun contentieux (TA Paris 21 janv

2003 D 2004 Somm p 532 obs H Gaumont-Prat LPA 2003 ndeg 196 p 7 note B

Pauvert) entrent donc rapidement dans la reacutealiteacute Ces souches importeacutees seront rapidement

supplanteacutees par pregraves de 50 000 embryons congeleacutes en France dont les geacuteniteurs ont renonceacute agrave

ce quils accegravedent agrave la naissance et qui vont pouvoir prochainement servir de mateacuteriel

dexpeacuterimentation comme la loi nouvelle lautorise deacutesormais

Mots cleacutes

PERSONNE HUMAINE Panorama 2004

Gazette du Palais 29 mai 2004 ndeg 150 P 15 - Tous droits reacuteserveacutes

Famille - Personnes

040412

ADOPTION Adoption pleacuteniegravere - Enfants pouvant faire lobjet dune adoption - Enfant neacute dune megravere

porteuse (non)

La materniteacute pour autrui dont le caractegravere illicite se deacuteduit des principes geacuteneacuteraux du Code

civil et aujourdhui de son article 16-7 reacutealise un deacutetournement de linstitution de ladoption

que les juges du fond ont donc agrave bon droit refuseacute de prononcer sans violer aucun des textes

invoqueacutes

C cass 1re civ 9 deacutecembre 2003 Mme X c Procureur geacuteneacuteral pregraves le Cour dappel de Y-

Pourvoi ndeg 0103927 Q - Rejet (C app Paris 1er feacutevrier 2001) - gr ndeg 1644P

NOTE

Reacuteiteacuteration de linterdiction dune adoption lieacutee agrave une procreacuteation pour le compte

dautrui -

24

Larrecirct rendu le 9 deacutecembre 2003 ne surprendra pas puisquil sinscrit dans la ligne traceacutee par

la Cour de cassation depuis 1989 confirmeacutee par la loi du 29 juillet 1994 relative au respect du

corps humain

En lespegravece Georges D et Denise M seacutetaient marieacutes le 15 deacutecembre 1962 et avaient eu un

enfant Fabrice neacute le 11 novembre 1966 Leacutepouse nayant pu avoir un deuxiegraveme enfant

pourtant vivement souhaiteacute le couple se serait adresseacute agrave une laquoamieraquo qui aurait accepteacute davoir

des relations intimes avec Georges D jusquagrave ce quelle conccediloive un enfant quil eacutetait convenu

de laisser degraves sa naissance au pegravere et agrave son eacutepouse

Cest ainsi que serait neacutee Sarah le 4 juillet 1987 qui fut deacuteclareacutee sur les registres de leacutetat civil

sans indication de filiation maternelle reconnue par Georges D puis recueillie aussitocirct par

celui-ci et son eacutepouse Cette derniegravere avait pris la preacutecaution de seacuteloigner de son domicile

pendant les derniers mois du deacuteveloppement in utero de lenfant afin que la substitution

maternelle soit ignoreacutee de lentourage des deux eacutepoux

Il sagissait donc bien selon les propres dires de Georges et Denise D dune materniteacute pour

autrui sans recours aux techniques modernes de procreacuteation meacutedicalement assisteacutee selon un

processus agrave la fois naturel et vieux comme le monde (1)

En janvier 1999 Denise D a saisi le Tribunal de grande instance dune requecircte en adoption

pleacuteniegravere de la fille de son mari

Le Tribunal par jugement du 8 deacutecembre 1999 puis la Cour dappel de Paris par arrecirct du 1er

feacutevrier 2001 ont rejeteacute sa demande au motif quen application des art 6 et 1128 C civ la

convention par laquelle une femme sengage agrave concevoir et agrave porter un enfant pour

labandonner agrave sa naissance est nulle car elle contrevient tant au principe dordre public de

lindisponibiliteacute du corps humain quagrave celui de lindisponibiliteacute de leacutetat des personnes et que

ladoption envisageacutee neacutetait que lultime phase dun processus illicite constitutif dun

deacutetournement de linstitution de ladoption

On reconnaicirctra lagrave les formules mecircmes employeacutees par la Cour de cassation notamment dans

son arrecirct dassembleacutee pleacuteniegravere du 31 mai 1991 (2) Il nest donc pas eacutetonnant que la Cour

suprecircme ait rendu un arrecirct de rejet dautant plus que sa jurisprudence a eacuteteacute conforteacutee par le

nouvel art 16-7 inseacutereacute dans le Code civil par la loi ndeg 94-653 du 29 juillet 1994 (3) qui

dispose que toute convention portant sur la procreacuteation ou la gestation pour le compte dautrui

est nulle

La Cour de cassation a bien entendu viseacute expresseacutement ce texte nouveau mais elle a tenu agrave

rappeler que le caractegravere illicite se deacuteduisait aussi des principes geacuteneacuteraux du Code civil

faisant ainsi implicitement reacutefeacuterence aux art 6 et 1128 de ce Code sur lesquels elle avait

preacuteceacutedemment fondeacute sa position

Le moyen de cassation tentait deacutechapper agrave la jurisprudence de la Cour suprecircme en se fondant

sur les circonstances de lespegravece et notamment sur le fait que la requecircte en adoption navait

eacuteteacute formeacutee que douze anneacutees apregraves la naissance de lenfant de sorte que lindivisibiliteacute entre la

materniteacute pour autrui et ladoption ne serait pas caracteacuteriseacutee Mais la Cour dappel avait

reacutepondu agrave cette argumentation en eacutenonccedilant que labandon de lenfant agrave naicirctre objet de

lobligation contracteacutee par la megravere biologique eacutetait destineacute agrave permettre que lenfant reconnu

par Georges D puisse ecirctre adopteacute par son eacutepouse et en soulignant que celle-ci avait dans le

mecircme but accepteacute linseacutemination dune autre femme par les gamegravetes de son mari et quelle

avait participeacute activement au processus en prenant toutes preacutecautions pour que la substitution

de materniteacute soit ignoreacutee des tiers

Denise D soutenait en outre que linteacuterecirct de lenfant retenu tant par lart 353 C civ que par

les art 3 et 21 de la Convention internationale des droits de lenfant devait primer sur le souci

de sanctionner lilliceacuteiteacute de la convention qui avait preacutesideacute agrave sa conception et agrave sa naissance

La Cour de cassation ne sest pas arrecircteacutee agrave cette argumentation pas plus quelle ne sy eacutetait

arrecircteacutee en 1991 pour elle lensemble de lopeacuteration est indivisible le deacutetournement de

25

linstitution de ladoption est caracteacuteriseacute et il convient de lutter contre la politique du fait

accompli (4) Laccepter au nom de linteacuterecirct de lenfant ne conduirait-il pas comme on la

souligneacute en doctrine (5) agrave admettre le commerce des enfants sous preacutetexte que bien souvent

ceux-ci y trouveraient beacuteneacutefice

(1) Selon la Bible Sarah eacutepouse dAbraham ne pouvant avoir denfant de lui lenvoya aupregraves

de son esclave eacutegyptienne Agar dont il eut un fils Ismaeumll Agar fut renvoyeacutee avec celui-ci

lorsque Sarah tregraves acircgeacutee mit au monde Isaac le fils de la promesse

Cest sans doute une coiumlncidence si nous trouvons aussi dans notre affaire une laquoSarahraquo qui

tient il est vrai un rocircle tout diffeacuterent de celui deacutevolu agrave son homonyme biblique

Lhistoire reacutevegravele eacutegalement des cas relativement freacutequents ougrave pour pallier agrave la steacuteriliteacute du

mari et pour permettre la continuation de la ligneacutee et la perpeacutetuation dun nom ou dun titre un

laquovaletraquo - souvent ensuite renvoyeacute - eacutetait chargeacute de feacuteconder leacutepouse Le proceacutedeacute eacutetait

juridiquement parfait dans la mesure ougrave par le jeu de la preacutesomption de paterniteacute le mari

devenait leacutegalement le pegravere de lenfant

(2) Cass ass pleacuten 31 mai 1991 Bull civ 1991 ndeg 4 Gaz Pal Rec 1991 panor cass p

162 [912144] D 1991 jur p 417 rapport Y Chartier note G Thouvenin JCP 1991 II

21752 comm J Bernard concl H Dontenwille note F Terreacute Defreacutenois 1991 art 35088

ndeg 67 p 948 obs J Massip RTD civ 1991 517 obs D Huet-Weiller Dans le mecircme sens

v Cass civ 1re 29 juin 1994 Bull civ 1994 I ndeg 226 Gaz Pal Rec 1995 jur p 36 note

J B [943856] D 1994 jur p 581 note Y Chartier JCP 1995 II 223621 note J Rubellin-

Devichi RTD civ 1994 p 842 obs J Hauser Defreacutenois 1995 art 36024 ndeg 4 p 315

obs J Massip

V aussi Cass civ 1re 13 deacutecembre 1989 Bull civ 1989 I ndeg 387 Gaz Pal Rec 1990

panor cass p 66 [901122] D 1990 jur p 273 rapport J Massip Defreacutenois 1990 art

34802 ndeg 55 p 743 obs J-L Aubert et art 34815 p 862 rapport J Massip et JCP 1990 II

21526 note A Seriaux Dans cette affaire la Cour de cassation avait proclameacute par des motifs

analogues agrave ceux adopteacutes par les arrecircts de 1991 et 1994 le caractegravere illicite de la materniteacute

pour autrui et des associations qui sefforcent de la promouvoir

(3) Sur cette loi v notamment notre commentaire in Defreacutenois 1975 art 35975 et 35922

speacutecialement en ce qui concerne lart 16-7 C civ le ndeg 9 de cette eacutetude p 72

(4) Sur ces divers points v notre note preacuteciteacutee sous Cass ass pleacuten 31 mai 1991

(5) Obs J Hauser sous larrecirct rendu le 1er feacutevrier 2001 par la Cour dappel de Paris dans le

preacutesente affaire in RTD civ 2001 347

AD2008DEF0291N1

Reacutepertoire du Notariat Defreacutenois 15 feacutevrier 2008 ndeg 3 P 291 - Tous droits reacuteserveacutes

FILIATION

38717 La convention de megravere porteuse

(Reacuteflexions sur les sources du droit et les principes dindisponibiliteacute du corps humain et de leacutetat des personnes)

Le droit franccedilais prohibe les conventions de megraveres porteuses

26

Malgreacute linterdiction leacutegale de nombreux couples ont chercheacute et cherchent encore agrave

contourner cette interdiction notamment en ayant recours agrave des megraveres de substitution dans

des pays eacutetrangers ougrave cette pratique est autoriseacutee

La Cour de cassation veille agrave ce que linstitution de ladoption ne soit pas deacutetourneacutee au profit

de ces parents

Dans un arrecirct du 25 octobre 2007 la cour dappel de Paris vient de reacuteouvrir le deacutebat non sur

le terrain de la convention mais sur celui de la non-transcription des actes de naissance et de

linteacuterecirct supeacuterieur de lenfant

Une excellente occasion de faire le point sur la question et de sinterroger pour lavenir avant

la reacutevision de la loi bioeacutethique en 2009

par Rabih CHENDEB

Docteur en droit

ATER agrave lUniversiteacute de Picardie Jules Verne

laquo La science va Elle est ineacuteluctable Ce quil faut cest la rendre eacutethique raquo (1)

Le droit positif franccedilais interdit de recourir aux megraveres porteuses si un couple conccediloit un

embryon in vitro qui est implanteacute dans luteacuterus dune tierce femme cest cette tierce femme

qui est la megravere selon la loi franccedilaise et les parents biologiques ne peuvent avoir aucun droit

mecircme en cas dabandon de lenfant agrave la naissance par la megravere porteuse La loi bioeacutethique de

1994 a interdit la gestation pour autrui car cela soulevait des questions

dinstrumentalisation et de commercialisation du corps de la femme

De nombreux couples en mal denfants ont depuis longtemps chercheacute agrave contourner les regravegles

notamment en ayant recours agrave des megraveres de substitution qui vivent dans des pays ougrave cette

pratique est autoriseacutee Jusquagrave preacutesent la Cour de cassation ne sy est jamais laisseacutee prendre et

condamnait ladoption faite par les parents de lenfant de la megravere porteuse consideacuterant quil

sagissait dun deacutetournement de linstitution de ladoption (I)

Le 25 octobre 2007 la cour dappel de Paris vient donner lespoir dune ouverture vers

lacceptation dans linteacuterecirct de lenfant de cette deacutemarche Cette deacutecision de la cour dappel

pourrait changer les choses en attendant la reacutevision de la loi bioeacutethique preacutevue en 2009 Une

chose est sucircre cet arrecirct a le meacuterite douvrir le deacutebat et de poser la question de linteacuterecirct de

lenfant comme exception agrave lindisponibiliteacute de leacutetat des personnes et agrave linterdiction de la

pratique des megraveres porteuses Une certaine eacutevolution des mentaliteacutes ainsi que la dispariteacute

entre la loi franccedilaise et dautres leacutegislations nationales pourraient donner lieu agrave un

assouplissement de cette leacutegislation (II)

I Lhostiliteacute du leacutegislateur et de la jurisprudence agrave leacutegard de la convention de megravere porteuse

Au siegravecle dernier seacutetaient deacuteveloppeacutees des associations ayant pour but de faire se rencontrer

des couples deacutesireux davoir un enfant et des femmes acceptant de le porter pour ensuite le

leur laquo ceacuteder raquo par contrat Pour des raisons plus ou moins louables le proceacutedeacute fut rapidement

condamneacute par le droit franccedilais (A) tout comme ladoption qui sen suivait (B)

27

A Le caractegravere illicite de la convention de megravere porteuse

La megravere porteuse met en effet agrave mal le scheacutema classique de la famille On affirmait en Droit

romain que la megravere eacutetait sucircre et que le pegravere eacutetait le mari Le Code napoleacuteon a enteacuterineacute cette

conception Dire que lenfant possegravede une megravere geacuteneacutetique et une megravere uteacuterine va agrave lencontre

de ses dispositions (2)

Pris au deacutepourvu le leacutegislateur franccedilais a tardeacute agrave reacuteagir face aux progregraves scientifiques Il en

est reacutesulteacute un vide juridique auquel la jurisprudence sest efforceacutee de faire face Devant cette

heacutesitation bien compreacutehensible du droit les ressources de la morale de la deacuteontologie et

surtout de la bioeacutethique ont eacuteteacute solliciteacutees (3) Le Conseil dEtat confronteacute aux associations

voulant intervenir dans ce domaine a ainsi prononceacute la dissolution de ces associations pour

objet illicite (4) Le 13 deacutecembre 1989 la premiegravere chambre civile de la Cour de cassation a

releveacute le principe dindisponibiliteacute du corps humain par une interpreacutetation a contrario de

larticle 1128 du Code civil qui dispose qu laquo il ny a que les choses qui sont dans le

commerce qui puissent ecirctre lobjet des conventions raquo La personne ne dispose pas de son

corps elle nen est pas proprieacutetaire (5) Le 31 mai 1991 lassembleacutee pleacuteniegravere de la Cour de

cassation vise les articles 6 1128 et 353 du Code civil afin daffirmer le caractegravere illicite de la

convention conclue entre une megravere porteuse et un couple steacuterile En effet ce contrat porte sur

deux corps humains la megravere et lenfant (6)

Rapidement le leacutegislateur est venu leacutegifeacuterer dans ce sens avec la loi no 94-653 du 29 juillet

1994 relative agrave la bioeacutethique pour que le Code civil reconnaisse le corps humain en tant que

tel Cette loi prend deacutesormais explicitement en compte le corps humain parce quil a voulu

promouvoir son respect face au deacuteveloppement des sciences biomeacutedicales Cette loi a entraicircneacute

la modification et la creacuteation darticles dans le Code civil et le Code peacutenal

Le principe du respect de la digniteacute de la personne humaine est poseacute par larticle 16 du Code

civil laquo La loi assure la primauteacute de la personne interdit toute atteinte agrave la digniteacute de celle-ci

et garantit le respect de lecirctre humain degraves le commencement de sa vie raquo Le nouvel article 16-1

preacutevoit que laquo Chacun a droit au respect de son corps Le corps humain est inviolable Le

corps humain ses eacuteleacutements et ses produits ne peuvent faire lobjet dun droit patrimonial raquo

Par conseacutequent selon larticle 16-5 laquo Les conventions ayant pour effet de confeacuterer une

valeur patrimoniale au corps humain agrave ses eacuteleacutements ou agrave ses produits sont nulles raquo De mecircme

quand une personne accepte de donner son sang ce ne peut ecirctre quagrave titre beacuteneacutevole Enfin

larticle 16-7 dispose mecircme laquo Toute convention portant sur la procreacuteation ou la gestation

pour le compte dautrui est nulle raquo (7)

En outre cette interdiction est assortie dune sanction peacutenale pouvant aller jusquagrave un an

demprisonnement et 15 000 euro damende pour celui qui sentremet ou tente de sentremettre

entre une personne ou un couple deacutesireux daccueillir un enfant et une femme acceptant de

porter en elle cet enfant en vue de le leur remettre Lorsque ces faits ont eacuteteacute commis agrave titre

habituel ou dans un but lucratif les peines sont porteacutees au double (8)

En deacutepit de la reacutesistance de quelques juges du fond qui ont admis ladoption la Cour de

cassation na pas infleacutechi sa position (9) Elle sest reacutecemment opposeacutee agrave ladoption simple

dun enfant par un couple homosexuel estimant cette adoption contraire agrave laquo linteacuterecirct supeacuterieur

de lenfant raquo (10)

28

Analyseacutes dans le contexte de ces deacutecisions les deux principes de lilliceacuteiteacute des conventions et

de lindisponibiliteacute du corps humain expriment une mecircme ideacutee la condamnation dune

convention qui porte sur le corps humain celui de lenfant agrave naicirctre et celui de la femme qui la

conccedilu et porteacute

Toutefois les motifs adopteacutes par la Cour de cassation savegraverent dune extrecircme faiblesse En

effet ces motifs sont lieacutes agrave lilliceacuteiteacute de lobjet des conventions agrave lindisponibiliteacute du corps

humain ainsi quagrave lindisponibiliteacute de leacutetat des personnes (11) Pourtant les lois dites laquo

bioeacutethiques raquo du 29 juillet 1994 puis la loi du 6 aoucirct 2004 (12) relative agrave la bioeacutethique ont

admis lutilisation des eacuteleacutements et des produits du corps humain agrave des fins theacuterapeutiques ou

scientifiques Effectivement une loi en date du 24 janvier 1953 deacutetermine laquo les tarifs de

cession du sang raquo Les dispositions sont aujourdhui dans le Code de la santeacute publique Degraves

lors on peut donner ses gamegravetes ses organes son sang Il semble que plus quune approche

anthropologique des sciences meacutedicales (qui conduiraient agrave une ineacutevitable instrumentalisation

du corps des hommes) il existerait ce que nous appelons une technoscience laquo de linvisible

raquo que seul le droit accepte de leacutegitimer (13)

Par ailleurs la terminologie employeacutee par le leacutegislateur de 1994 est eacuteloquente Cest

certainement parce que le principe dindisponibiliteacute du corps humain sest aveacutereacute irreacutealiste videacute

de sa substance par le nombre et limportance de ses exceptions que le leacutegislateur lui a preacutefeacutereacute

celui de non-patrimonialiteacute qui figure aujourdhui aux articles 16-1 16-5 et 16-6 du Code

civil Il est donc possible de disposer de son corps agrave titre de dons dans les limites de la loi

(14)

Pour conclure sur ce point il sera emprunteacute les propos de Mme Mayer-Jack laquo

Malheureusement si ce principe dindisponibiliteacute du corps humain possegravede les qualiteacutes trop

rares decirctre nettement formuleacute et universellement admis il apparaicirct agrave la reacuteflexion frappeacute dun

vice radical il se reacutevegravele contraire aux faits raquo (15)

B La nulliteacute de ladoption

En matiegravere de materniteacute de substitution lenfant reste au coeur du deacutebat Il est laquo lobjet raquo de la

convoitise du couple demandeur et lobjet de la convention En vue de permettre

leacutetablissement dune filiation adoptive deux processus eacutetaient suivis par lesdits couples

processus que la Cour de cassation sempressa dinterdire agrave son tour

1 Le contournement aveacutereacute de la loi par les couples restant en France

En effet le processus se deacuteroulait en trois eacutetapes dans un premier temps lembryon issu des

gamegravetes du couple ou du mari et de la femme porteuse eacutetait implanteacute dans luteacuterus de cette

derniegravere La megravere porteuse suivait sa grossesse normalement notamment au regard du suivi

meacutedical (16) Ensuite elle accouchait anonymement La leacutegislation autorise les

accouchements laquo sous X raquo et reconnaicirct ainsi aux parturientes le droit de ne pas ecirctre megraveres si

elles ne le deacutesirent ou ne le peuvent pas Le pegravere fournisseur de sperme quant agrave lui effectuait

une reconnaissance preacutenatale de lenfant A sa naissance il le reconnaissait Lenfant avait

donc un pegravere mais sans indication de la filiation maternelle Enfin leacutepouse de ce dernier

adoptait de maniegravere pleacuteniegravere lenfant Leacutetat de mariage de la megravere porteuse ne changeait rien

puisque laccouchement anonyme empecircchait que le mari soit consideacutereacute comme pegravere preacutesumeacute

29

Depuis larrecirct Alma Mater (17) nous savons que la convention de materniteacute de substitution

est nulle car contrevenant agrave lordre public (18) Mais jusqualors la jurisprudence avait eu le

soin de dissocier convention et adoption Toute convention portant sur la procreacuteation ou la

gestation pour le compte dautrui eacutetant nulle la convention de megravere porteuse ayant permis la

naissance de lenfant en cause est donc incontestablement frauduleuse Degraves lors la possession

deacutetat sur laquelle les demandeurs se fondent pour voir eacutetablir un lien de filiation leacutegitime agrave

leur profit et lacte de notorieacuteteacute quils ont ainsi obtenu sont eux-mecircmes vicieacutes et ne peuvent

donc permettre leacutetablissement dun tel lien Par ailleurs la Convention de New York sur les

droits de lenfant garantit notamment agrave celui-ci laccegraves agrave ses origines Or lapplication de la

convention frauduleuse aurait pour effet de consacrer un mensonge lacte de naissance qui

serait eacutetabli sur le fondement de cette convention aboutirait en effet agrave nier totalement les

conditions dans lesquelles lenfant a eacuteteacute conccedilu En conseacutequence les demandeurs ne pourront

se preacutevaloir de la possession deacutetat vicieacutee pour obtenir la retranscription de lacte de notorieacuteteacute

sur lacte de naissance de lenfant (19) Ainsi la prohibition de la convention a entraicircneacute dans

son sillage une impossibiliteacute dadoption par leacutepouse du pegravere (20) Il y a deacutetournement de

linstitution de ladoption pleacuteniegravere en ce que lenfant a eacuteteacute conccedilu pour ecirctre abandonneacute par sa

megravere et adopteacute par une autre (21)

Il en reacutesulte que cest labandon de lenfant qui rend impossible ladoption par leacutepouse du

mari Or labandon de lenfant constitue deacutejagrave une deacutemarche parfaitement licite et reacuteglementeacutee

par la loi Il suffit pour sen convaincre de lire attentivement les textes adeacutequats agrave savoir les

articles 61 et 62 du Code de la famille et de laide sociale 348-3 et 350 du Code civil et 1158

agrave 1163 du Code de proceacutedure civile Il suffit agrave la megravere et plus geacuteneacuteralement agrave la personne

investie des droits parentaux de confier 1enfant agrave un eacutetablissement ou agrave un service de laide

sociale agrave 1enfance (ASF) ou mecircme agrave un particulier puis de sen deacutesinteacuteresser

manifestement pendant une anneacutee nentretenant avec lui aucune relation neacutecessaire au

maintien de liens affectifs Le tribunal de grande instance peut degraves lors sauf agrave prendre en

consideacuteration le cas exceptionnel de grande deacutetresse du parent deacutefaillant deacuteclarer 1enfant

abandonneacute agrave la requecircte de tout inteacuteresseacute et notamment de leacutetablissement service ou famille

daccueil (22) laquo On cesse dinterdire une pratique non pas lorsquelle se deacuteveloppe mais

lorsquon ne sait plus pourquoi elle est interdite raquo (23)

Dailleurs une contradiction engendre ce refus dadoption En effet laquo consideacuterer ladoption

indissociable de la convention revient agrave ne voir lenfant que comme lobjet de cette convention

raquo (24) Ainsi les parents ont pu eacutetablir anteacuterieurement agrave la naissance le processus dont

ladoption est laquo lultime phase raquo Mais ce processus nest pas fait dans lintention de nuire agrave

lenfant Alors comment comprendre la seacuteveacuteriteacute afficheacutee de la Cour de cassation

Traiter lenfant comme une veacuteritable personne implique de dissocier la convention ougrave il

nintervient pas et ladoption dont il est partie prenante et mecircme partie principale Il faut

sinterroger sur son inteacuterecirct propre quitte agrave le confronter ensuite agrave ceux auxquels il soppose

(25)

2 Lexpansion du tourisme procreacuteatif

La dispariteacute des regravegles nationales agrave propos de la gestation pour autrui a conduit certains

couples agrave se rendre agrave leacutetranger pour pouvoir avoir recours agrave une megravere porteuse on parle

deacutesormais de laquo tourisme procreacuteatif raquo (26)

30

Lagrave encore le processus deacutebute par une inseacutemination artificielle mais les pays ayant leacutegaliseacute la

gestation pour le compte dautrui permettent par ailleurs que lembryon inseacutemineacute dans

luteacuterus de la femme soit issu de la rencontre des gamegravetes des deux parents demandeurs

Lenfant est donc geacuteneacutetiquement lenfant du couple Il a pour parent degraves sa naissance le

couple demandeur il porte leur nom et le preacutenom quils lui ont choisi Mais pour exister en

France il est neacutecessaire de recourir agrave une transcription sur les registres de leacutetat civil franccedilais

de lacte de naissance eacutetranger Lagrave encore la seacuteveacuteriteacute est de mise puisque le parquet de

Nantes qui a en charge la transcription des eacutetats civils venant de leacutetranger refuse

systeacutematiquement cette transcription qui nest pas conforme agrave la leacutegislation franccedilaise (27)

Les magistrats ont eacuteteacute confronteacutes agrave ces situations ougrave la megravere commanditaire deacutesirait eacutetablir un

lien de filiation entre elle et lenfant issu de la convention de materniteacute de substitution

Tel est par exemple le cas qui a eacuteteacute trancheacute par la cour dappel de Rennes le 4 juillet 2002

(28) Dans cet arrecirct la cour dappel a rejeteacute ladoption des enfants par un couple qui a conclu

en Californie une convention portant sur la gestation dun embryon issu de leurs propres

gamegravetes La cour relegraveve que laquo la loi franccedilaise ne donne pas une deacutefinition de la megravere raquo cette

notion est inscrite dans les mentaliteacutes depuis des siegravecles par ladage Mater semper certa est

Cest laccouchement qui deacutetermine la megravere et non la seule reacutealiteacute geacuteneacutetique

Cette jurisprudence installeacutee depuis le ceacutelegravebre arrecirct de lassembleacutee pleacuteniegravere du 31 mai 1991

constitue une atteinte directe agrave linteacuterecirct de lenfant Ce dernier est priveacute de toute filiation

maternelle leacutegalement reconnue et ce sans beacuteneacutefice pour personne (29)

Malheureusement en raison de cette solution les deux enfants sont acircgeacutes de sept ans et vivent

aupregraves de leur pegravere naturel et de sa compagne dont la materniteacute ne peut leacutegalement ecirctre eacutetablie

(30)

Cette jurisprudence preacutesente un point faible Selon larticle 353 du Code civil le tribunal de

grande instance saisi dune requecircte aux fins dadoption pleacuteniegravere veacuterifie si les conditions de

la loi sont remplies et si ladoption est conforme agrave linteacuterecirct de lenfant Or en loccurrence

le preacutetendu droit de lenfant ne coiumlncide pas avec son inteacuterecirct seul mis en avant dans 1article

353 du Code civil Le refus par la cour dappel de prononcer ladoption pleacuteniegravere a priveacute les

deux enfants (au nom de leur droit aussi eacuteminent que symbolique agrave la non-chosification) dun

avantage concret et primordial leur admission au statut denfants leacutegitimes de leurs vrais

parents geacuteneacutetiques (31) Simples enfants naturels ou adulteacuterins de leur pegravere ils demeureront

sans lien de filiation maternelle Un tel problegraveme meacuterite que les juridictions se penchent au

moins sur lui (32) La protection de linstitution de ladoption sopegravere au deacutetriment du droit

reconnu agrave lenfant deacutetablir sa filiation par le biais dune discrimination fondeacutee sur les

circonstances de sa naissance (33) La jurisprudence nous semble aller agrave lencontre des

engagements internationaux contracteacutes par la France (34)

II Leacutevolution des mentaliteacutes vers une leacutegislation plus souple

Jusquagrave preacutesent la jurisprudence a toujours interdit ladoption des enfants par des couples

ayant eu recours agrave la gestation pour autrui consideacuterant quil sagit dun deacutetournement de

linstitution de ladoption (35)

Un grand quotidien Libeacuteration reacutevegravele que la cour dappel de Paris a reconnu comme parents

leacutegitimes de jumelles un couple franccedilais ayant fait appel agrave une megravere porteuse ameacutericaine

31

Une chose est sucircre cet arrecirct a le meacuterite douvrir le deacutebat et de poser la question de linteacuterecirct de

lenfant comme exception agrave lindisponibiliteacute de leacutetat des personnes et agrave linterdiction de la

pratique des megraveres porteuses (A) Lorsque lon accepte une loi eacutetrangegravere qui a eacuteteacute appeleacutee au

secours pour contourner la loi franccedilaise la modification de la loi franccedilaise nest pas loin (B)

A Lassouplissement de la jurisprudence

Dans laffaire porteacutee devant la cour dappel de Paris que nous avons abordeacutee rapidement

preacuteceacutedemment un couple dont la femme ne peut assurer la gestation en raison dune

malformation congeacutenitale se rend en Californie ougrave il conclut une convention portant sur la

gestation dun embryon issu de leurs propres gamegravetes Des jumelles naissent de cette

convention Le droit californien fait abstraction du deacutefaut daccouchement La concubine est

inscrite comme megravere dans les registres de naissance de Californie Quelques semaines plus

tard le couple reconnaicirct les enfants en France Mais agrave leur retour dans lHexagone ils sont

placeacutes en garde agrave vue puis mis en examen pour laquo entremise entre une personne deacutesireuse

dadopter un enfant et un parent deacutesireux dabandonner son enfant neacute ou agrave naicirctre raquo et pour laquo

simulation ayant entraicircneacute une atteinte agrave leacutetat civil de lenfant raquo

En 2004 le juge dinstruction rend un non-lieu sur les poursuites peacutenales les faits seacutetant

deacuterouleacutes dans un pays ougrave cette pratique est leacutegale Le parquet a alors continueacute son offensive

sur le terrain civil et chercheacute agrave faire annuler la filiation et la transcription sur leacutetat civil Le

tribunal de grande instance a deacuteclareacute cette demande irrecevable en deacutecembre 2005 Une

deacutecision rendue par la cour dappel de Paris confirme ce jugement le 25 octobre dernier apregraves

avoir estimeacute que laquo La non-transcription des actes de naissances aurait des conseacutequences

contraires agrave linteacuterecirct supeacuterieur des enfants qui au regard du droit franccedilais se verraient priveacutes

dactes deacutetat civil indiquant leur lien de filiation y compris agrave leacutegard de leur pegravere biologique

raquo

La question sera deacutesormais soumise agrave la Cour de cassation qui a deacutejagrave pris des deacutecisions

progressistes dans des questions relatives au droit de la famille notamment dans linteacuterecirct de

lenfant Elle a ainsi fait le 24 feacutevrier 2006 un pas important vers la reconnaissance de

lhomoparentaliteacute en autorisant quun parent homosexuel deacutelegravegue tout ou partie de son

autoriteacute parentale agrave son partenaire avec lequel il vit en union stable agrave condition que cette

mesure soit prise dans linteacuterecirct supeacuterieur de lenfant (36)

Le plus important reacuteside dans le fait que la cour dappel de Paris a estimeacute que la non-

transcription sur les actes de naissance aurait des conseacutequences contraire agrave llaquo inteacuterecirct de

lenfant raquo Depuis longtemps linteacuterecirct de lenfant est au centre du droit de la famille et depuis

quelques anneacutees celui-ci devient veacuteritablement la pierre angulaire de cette discipline (37)

Dans un arrecirct du 18 mai 2005 la premiegravere chambre civile de la Cour de cassation preacutecise au

visa de larticle 3-1 de la Convention relative aux droits de lenfant que laquo dans toutes les

deacutecisions qui concernent les enfants linteacuterecirct supeacuterieur de lenfant doit ecirctre une

consideacuteration primordiale raquo (38) Mais que faut-il entendre par inteacuterecirct supeacuterieur de lenfant

(39)

Bien que le nouvel article L 112-4 du Code de laction sociale et des familles (40) et larticle

371-1 du Code civil semblent deacutefinir les eacuteleacutements constitutifs de cette notion llaquo inteacuterecirct de

lenfant raquo reste un concept assez flou que le leacutegislateur et les juges se gardent bien de deacutefinir

preacuteciseacutement on ne peut limiter linteacuterecirct supeacuterieur de lenfant agrave la protection de sa santeacute de sa

seacutecuriteacute et de sa moraliteacute Certes ces eacuteleacutements sont les bases de linteacuterecirct de lenfant mais

32

puisque celui-ci peut deacutepasser le strict cadre du droit de lautoriteacute parentale voire du droit de

la famille cette vision serait bien trop reacuteductrice

Le sens de cette notion peut encore sobscurcir si lon considegravere quelle peut se confondre avec

dautres concepts voisins Larticle 371-5 doit ainsi conduire agrave distinguer linteacuterecirct de lenfant de

celui de la fratrie En effet si celle-ci a inteacuterecirct agrave rester unie certaines circonstances permettent

deacutecarter un de ses membres dans son inteacuterecirct exclusif

Un amendement proposait cependant agrave la suite du nouvel article L 112-4 du Code de laction

sociale et des familles une deacutefinition inteacuteressante laquo Linteacuterecirct supeacuterieur de lenfant est deacutefini

comme lassurance de la protection de sa seacutecuriteacute personnelle et affective lassurance dun

contexte familial permettant un bon deacuteveloppement physique intellectuel affectif et social

lassurance dune relation dattachement parental permettant de se construire Linteacuterecirct

supeacuterieur de lenfant tel que deacutefini constitue son projet de vie raquo (41)

On ne peut que se feacuteliciter de la mise en avant de linteacuterecirct de lenfant pour deacuteroger agrave la sacro-

sainte interdiction des megraveres porteuses car il est vrai quil ne faut pas oublier que limportant

reste dabord et avant tout lenfant qui a et doit avoir une place centrale au sein de la famille

On peut envisager que cette reacutecente jurisprudence puisse influencer la reacuteflexion sur le recours

aux laquo megraveres porteuses raquo sur le territoire national qui conduise agrave une eacutevolution de la loi

B Vers une eacutevolution de la loi

Alors que la France interdit la laquo gestation pour autrui raquo cette pratique a eacuteteacute leacutegaliseacutee dans de

nombreux pays La France a donc une leacutegislation moins libeacuterale que dautres leacutegislations

nationales La pratique de la gestation pour autrui est notamment autoriseacutee aux Etats-Unis au

Canada en Australie et dans plusieurs pays de lUnion europeacuteenne (Espagne et Belgique

Gregravece et Royaume-Uni notamment) (42) La question de la leacutegalisation des megraveres porteuses

est tregraves controverseacutee en France et demanderait un strict encadrement (43)

On enseigne habituellement que les questions deacutetat ne peuvent deacutependre de la seule volonteacute

individuelle Leacutetat des personnes - le droit de la filiation en particulier - eacutechapperait aux

conventions Mais ce principe nest plus si absolu Leacutevolution contemporaine reacuteduit laspect

institutionnel Une place nettement importante a eacuteteacute faite dans lorganisation des relations

familiales agrave la volonteacute individuelle laquo Laccroissement du pouvoir des volonteacutes individuelles

dans le droit de la famille est une marque essentielle de ce droit raquo (44) Dougrave la justesse de

lexpression laquo contractualisation du droit de la famille raquo Le rocircle de la volonteacute individuelle

tend agrave ecirctre de plus en plus important (45) Tel est le cas du divorce du PACS et du mariage

La procreacuteation nest plus la finaliteacute avec larriveacutee en force dans des pays voisins du mariage

homosexuel

Une certaine eacutevolution des mentaliteacutes ainsi que la dispariteacute entre la loi franccedilaise et dautres

leacutegislations nationales pourraient bien donner lieu agrave un assouplissement de cette leacutegislation

(46)

La gestation pour autrui permet de pallier certaines formes de steacuteriliteacute feacuteminine en raison

dune absence ou dune deacuteformation duteacuterus de conseacutequences de cancer ou reacutesultant dune

hysteacuterectomie de fausses couches reacutepeacuteteacutees dune contre-indication meacutedicale agrave la grossesse ou

de nombreux eacutechecs de feacutecondations in vitro (47) Dans ce cas on implante les gamegravetes des

parents geacuteneacutetiques dans le ventre de la megravere porteuse

33

Un autre argument favorable agrave cette pratique est la certitude apaisante pour le couple steacuterile

de ce que lenfant porteacute en uteacuterus tiers nen sera pas moins leur veacuteritable enfant geacuteneacutetique

puisque conccedilu agrave partir de leurs propres gamegravetes

De plus il faut deacutenoncer une incoheacuterence Une femme empecirccheacutee par la loi de donner avant

sa grossesse agrave un couple agreacuteeacute par elle lenfant quelle portera moyennant eacutequitable

reacutecompense possegravede en revanche le droit discreacutetionnaire de labandonner une fois neacute au

hasard des eacutetablissements ou du service de lASE ou pis encore de recourir agrave une

interruption volontaire de grossesse pendant les douze premiegraveres semaines (48)

La possession deacutetat repreacutesente une valeur humaine et sociale qui doit ecirctre prise en compte en

tant que telle Comme lont joliment affirmeacute M Hauser et Mme Huet-Weiller laquo elle est la

veacuteriteacute des sentiments la veacuteriteacute du coeur tout aussi respectable sinon plus que celle des

registres deacutetat ou mecircme de nos gegravenes raquo (49) Ainsi on peut ecirctre favorable agrave cette reacuteflexion

sous certains reacuteserves

Tout dabord le couple demandeur devait avoir plus de 18 ans et linfertiliteacute devrait ecirctre

meacutedicalement eacutetablie Ensuite seule lutilisation des gamegravetes (sperme et ovocytes) du couple

serait autoriseacutee afin deacuteviter que la gestatrice soit aussi la megravere biologique de lenfant (pour

eacuteviter des liens trop forts eacutetablis entre elle et le beacutebeacute)

De son cocircteacute la megravere porteuse devait avoir plus de 18 ans et accepter de subir des tests divers

avant la grossesse Elle serait la seule agrave donner un consentement valable concernant la gestion

de sa grossesse et elle abandonnerait ses droits parentaux agrave la naissance de lenfant tout en

assistant le couple demandeur lors de la deacutelivrance du certificat de naissance Le

consentement devrait aussi ecirctre obtenu par un entretien psychologique meacutedical et juridique

Seul le juge pourrait donner laccord au deacutebut du processus Le couple demandeur devait

sengager agrave assumer la garde de lenfant degraves sa naissance afin deacuteviter soit une non-remise

denfant soit un refus de lenfant - par exemple en cas de handicap

Concernant la reacutemuneacuteration de la megravere porteuse la marchandisation est inacceptable Les

intermeacutediaires reacutemuneacutereacutes seraient interdits Le principe du volontariat et de la gratuiteacute sont

essentiels le don de vie (50)

Enfin il ne sagirait pas de reacutemuneacuteration mais de compensation financiegravere destineacutee agrave

deacutedommager les inconveacutenients lieacutes agrave la grossesse sur la base de la loi laquo Huriet raquo (loi sur la

recherche meacutedicale avec volontaires sains) Le couple demandeur devrait prendre agrave sa charge

les deacutepenses meacutedicales leacutegales et psychologiques ainsi quun montant raisonnable alloueacute agrave la

megravere porteuse pour subvenir agrave ses besoins Les juges appreacutecieraient librement ce que peut ecirctre

un montant laquo raisonnable raquo sans que cela puisse jamais ecirctre consideacutereacute comme une laquo vente raquo

denfant

(1) B Debreacute et S Agacinski laquo Faut-il leacutegaliser les megraveres porteuses en France raquo Le Figaro Magazine du samedi 10 novembre 2007 p 50

34

(2) G David laquo Don et utilisation du sperme raquo in Actes du colloque Geacuteneacutetique procreacuteation et

droit Actes sud 1985 p 205 G-M Faure Le deacutesir denfant agrave leacutepreuve du droit Essai sur le droit de la procreacuteation meacutedicalement assisteacutee Thegravese Universiteacute de Lille 1992 p 7

(3) G Lebreton Liberteacutes publiques et droits de lhomme 6e eacuted Armand Colin 2003 p 262

(4) CE 22 janvier 1988 Lebon 1988 p 37

(5) La Cour de cassation a enteacuterineacute la position de la cour dappel de Paris pour laquelle laquo ni laltruisme du comportement de la megravere de substitution ni le caractegravere deacutesinteacuteresseacute des activiteacutes de lassociation ne sont propres agrave faire disparaicirctre lilliceacuteiteacute qui frappe laccord litigieux raquo Cass civ 1re 13 deacutecembre 1989 Bull civ I no 387 Defreacutenois 1990 art 34802 no 55 obs J-L Aubert D 1990 p 273 JCP eacuted G 1990 II 21526 note A Seacuteriaux propos recueillis par C Slobodansky laquo Le droit doit limiter les progregraves de la science raquo LPA du 7 mai 2004 no 92 p 60

(6) laquo La convention par laquelle une femme sengage fucirct-ce agrave titre gratuit agrave concevoir et porter un enfant pour labandonner agrave sa naissance contrevient tant au principe dordre public de lindisponibiliteacute du corps humain quagrave celui de lindisponibiliteacute de leacutetat des personnes raquo Cass ass pleacuten 31 mai 1991 Bull civ ass pleacuten no 4 Defreacutenois 1991 art 35142 no 103 obs J-L Aubert Defreacutenois 1991 art 35088 no 67 note J Massip RTD civ 1991 p 517 obs D Huet-Weiller et p 489 note M Gobert M Gobert laquo Reacuteflexions sur les sources du droit et les

principes dindisponibiliteacute du corps humain et de leacutetat des personnes agrave propos de la materniteacute de substitution raquo RTD civ 1992 p 489 et s speacutec p 501 dans ce sens v deacutejagrave les remarques de P Murat laquo Laction de lordonnance du 4 juillet 2005 sur la possession deacutetat raquo Dr Famille 2006 eacutetude no 6 speacutec no 7 V aussi J Massip laquo Linsertion dans le Code civil de dispositions relatives au corps humain agrave lidentification geacuteneacutetique et agrave la procreacuteation meacutedicalement assisteacutee raquo Defreacutenois 1995 art 35975 et 35992

(7) En ce sens V Depadt-Sebag laquo De la neacutecessiteacute dune reacuteforme de larticle 16-7 du Code civil relatif agrave linterdiction de gestation pour autrui raquo RGD meacuted 2004 no 12 p 135 et s

(8) Art 227-12 et s C peacuten

(9) CA Paris 1re feacutevrier 2001 RTD civ 2001 p 347 obs J Hauser Cass civ 1re 9 deacutecembre 2003 Bull civ I no 252 p 201 CA Rennes 4 juillet 2002 D 2002 p 2904

(10) Cass civ 1re 20 feacutevrier 2007 Defreacutenois 2007 art 38595 no 45 obs J Massip

(11) V Depadt-Sebag laquo De la neacutecessiteacute dune reacuteforme de larticle 16-7 du Code civil relatif agrave linterdiction de gestation pour autrui raquo preacutec no 12 p 135 et s

(12) L no 2004-800 du 6 aoucirct 2004 relative agrave la bioeacutethique JO du 7 aoucirct 2004 p 14040 J Massip art preacutec

(13) Dans ce sens v M Gobert laquo Reacuteflexions sur les sources du droit et les principes dindisponibiliteacute du corps humain et de leacutetat des personnes agrave propos de la materniteacute de substitution raquo preacutec p 489 et s speacutec p 513

(14) V Depadt-Sebag laquo De la neacutecessiteacute dune reacuteforme de larticle 16-7 du Code civil relatif agrave linterdiction de gestation pour autrui raquo preacutec no 12 p 135 et s E Camuzet La convention de gestation pour autrui une illeacutegaliteacute franccedilaise injustifieacutee Meacutemoire Lille 2 Universiteacute du droit et de la santeacute 2005-2006 p 55

(15) A Mayer-Jack laquo Les conventions relatives agrave la personne physique raquo Rev crit leacutegisl et jurispr 1993 p 6

(16) G Meacutemeteau laquo Une distinction est opeacutereacutee sur la reacutefeacuterence des donneacutees acquises de la science agrave la date des soins par opposition agrave la notion erroneacutee de donneacutees actuelles de la science raquo note sous Cass civ 1re 6 juin 2000 JCP eacuted G 2001 II 10447

(17) Cass civ 1re 13 deacutecembre 1989 Bull civ I no 387 Defreacutenois 1990 art 34815 rapp J Massip D 1990 p 273 JCP eacuted G 1990 II 21526 note A Seacuteriaux

35

(18) Communication J Bernard et comm J Massip Defreacutenois 1990 art 35088 no 67 note J

Massip F Terreacute note sous Cass ass pleacuten 31 mai 1991 JCP eacuted G 1991 II 21752 dans ce sens v les remarques de P Murat laquo Laction de lordonnance du 4 juillet 2005 sur la possession deacutetat raquo preacutec eacutetude no 6 speacutec no 7 G Kessler laquo La consolidation de situations illicites dans linteacuterecirct de lenfant raquo Dr Famille no 7 juillet 2005 Etude 16

(19) TGI Lille 22 mars 2007 D 2007 no 18 p 1251 note X Labbeacutee B Edelman et C Labrusse-Riau note sous CA Paris 15 juin 1990 JCP eacuted G 1991 II 21653

(20) V Larribau-Terneyre note sous CA Pau 19 feacutevrier 1991 D 1991 juris p 380

(21) J Massip laquo Megravere porteuse et deacutecheacuteance de lautoriteacute parentale raquo LPA du 29 octobre 2003 no 216 p 10 Cass ass pleacuten 31 mai 1991 Bull civ ass pleacuten no 4 Defreacutenois 1991 art 35088 no 67 p 948 obs J Massip D 1991 p 417 rapport Y Chartier note D Thouvenin JCP eacuted G 1991 II 21752 communication J Bernard concl H Dontenwille note F Terreacute RTD civ 1991 p 517 obs D Huet-Weiller

(22) J Rubellin-Devichi laquo Materniteacute de substitution qui est la megravere raquo note sous CA Rennes 4 juillet 2002 JCP eacuted G 2003 I 101 C Ducomte laquo La vraie querelle des megraveres porteuses raquo httppagesperso-orangefrmax-christianducomtemereindexhtm

(23) Propos de Mme F Dekeuwer-Deacutefossez lors de son audition devant le preacutesident M Bloche pour la mission dinformation sur la famille (procegraves-verbal du 5 octobre 2005)

(24) J Hauser obs in RTD civ 1999 p 372 F Dekeuwer-Deacutefossez note sous Cass ass pleacuten 31 mai 1991 D 1992 somm p 59

(25) F Dekeuwer-Deacutefossez laquo Les droits de lenfant raquo D 1992 somm p 59 E Poisson-Drocourt laquo Recours agrave une megravere de substitution et refus de ladoption raquo D 2004 p 2001

(26) J-J Lemouland laquo Le tourisme procreacuteatif raquo LPA 2001 no 62 p 24 F Dekeuwer-Deacutefossez laquo Le lien parental raquo LPA du 1er juillet 2004 no 131 p 70 F Granet note sous CA Rennes 4 juillet 2002 D 2002 p 2904

(27) CA Aix-en-Provence 12 mars 2002 Juris-Data no 2002-190443 A Seacuteriaux laquo Droit naturel et procreacuteation artificielle quelle jurisprudence raquo D 1985 chron p 53 J Massip laquo Le nouveau droit de la filiation raquo Defreacutenois 2006 art 38303 p 13

(28) CA Rennes 4 juillet 2002 JCP eacuted G 2003 I 101 note J Rubellin-Devichi

(29) laquo Si le principe structurant de lautoriteacute parentale est linteacuterecirct de lenfant deacutetermineacute in concreto le droit de la filiation nappreacutecie en revanche jamais linteacuterecirct concret dun enfant preacutecis mais linteacuterecirct geacuteneacuteral de lenfant in abstracto raquo A Gouttenoire laquo A chacun sa famille agrave chacun son droit raquo Dr Famille no 7 juillet 2006 Alerte 41

(30) E Camuzet La convention de gestation pour autrui une illeacutegaliteacute franccedilaise injustifieacutee art preacutec p 52

(31) P Raynaud laquo Un abus de ladoption simple les couples adoptifs raquo D 1983 chron p 39 H Gaumont-Prat laquo Pas dadoption pour les enfants issus de convention de megravere porteuse raquo RLDC no 5 mai 2004 p 31 laquo Le rejet dans le non-droit des enfants neacutes dans des circonstances qui deacuterangent la socieacuteteacute relegraveve du deacuteni de la reacutealiteacute porteur de nombreux effets pathogegravenes et injustes raquo

(32) J Rubellin-Devichi laquo Materniteacute de substitution qui est la megravere raquo note sous CA Rennes 4 juillet 2002 preacutec I 101 C Ducomte laquo La vraie querelle des megraveres porteuses raquo preacutec P Raynaud laquo Un abus de ladoption simple les couples adoptifs raquo art preacutec chron p 39 G Kessler laquo La consolidation de situations illicites dans linteacuterecirct de lenfant raquo art preacutec Etude 16

(33) F Dekeuwer-Deacutefossez laquo Reacuteflexion sur les mythes fondateurs du droit contemporain de la famille raquo RTD civ 1995 p 269 E Camuzet La convention de gestation pour autrui une illeacutegaliteacute franccedilaise injustifieacutee art preacutec p 66 A Ponsard rapport sous Cass civ 1re 16

36

novembre 1982 JCP eacuted G 1983 II 19954 M-T Meulders-Klein laquo Le droit agrave lenfant face au

droit de lenfant et les procreacuteations meacutedicalement assisteacutees raquo RTD civ 1988 p 645 F Terreacute Lenfant de lesclave Geacuteneacutetique et droit Flammarion 1987 p 128

(34) Convention de New York du 26 janvier 1990 Charte des droits fondamentaux de lUnion europeacuteenne du 7 deacutecembre 2000 Deacuteclaration universelle des droits de lhomme de 1789 Convention internationale des droits de lenfant de 1989

(35) Cass ass plegraven 31 mai 1991 Bull civ ass plegraven no 4 Defreacutenois 1991 art 35142 no 103 obs J-L Aubert et art 35088 no 67 p 948 obs J Massip D 1991 p 417 rapport Y Chartier note D Thouvenin JCP eacuted G 1991 II 21752 communication J Bernard concl H Dontenwille note F Terreacute RTD civ 1991 p 517 obs D Huet-Weiller

(36) Cass civ 1re 24 feacutevrier 2006 Bull civ I no 101 p 95 Defreacutenois 2006 art 38415 no 40 p 1067 obs J Massip D 2006 juris p 897-900 obs D Vigneau T Anatrella laquo Adoption et homoparentaliteacute leacuteclairage des droits de lhomme raquo Dr Famille 2003 no 10 p

8-10 agrave lidentique dans un arrecirct du 22 janvier 1992 D 1993 p 119 note J Vassaux la cour dappel de Poitiers a prononceacute ladoption simple dun enfant neacute dune convention de megravere porteuse au motif que laquo cette adoption nest pas seulement conforme agrave linteacuterecirct de lenfant mais encore constitue une neacutecessiteacute qui deacutecoule des reacutealiteacutes de la vie issues derreurs des adultes dont lenfant ne doit pas subir les conseacutequences raquo

(37) G Kessler laquo La consolidation de situations illicites dans linteacuterecirct de lenfant raquo art preacutec eacutetude no 16 M-T Meulders-Klein laquo Le droit agrave lenfant face au droit de lenfant et les procreacuteations meacutedicalement assisteacutees raquo art preacutec p 645

(38) Cass civ 1re 18 mai 2005 Bull civ I no 211 p 179 V Depadt-Sebag laquo Non-lieu dans une affaire de materniteacute pour autrui raquo D 2005 p 476 J Massip laquo Megravere porteuse et deacutecheacuteance de lautoriteacute parentale raquo art preacutec no 216 p 11 F Terreacute Lenfant de lesclave Geacuteneacutetique et droit op cit adde F Terreacute et D Fenouillet Droit civil Les personnes la famille les incapaciteacutes 6e eacuted Preacutecis Dalloz no 926 M Lamarche laquo Inteacuterecirct supeacuterieur de lenfant de ladmission des effets dune convention de megravere porteuse agrave la destruction du droit franccedilais de la filiation raquo Dr Famille novembre 2007 no 11

(39) M Donnier laquo Linteacuterecirct de lenfant raquo D 1959 chron p 27 F Laroche-Gisserot note sous Cass civ 1re 27 mai 1998 D 1998 p 530 F Millet laquo Ladoption dun inteacuterecirct agrave lautre raquo RRJ 2003-3 p 1777 et s A Gouttenoire laquo A chacun sa famille agrave chacun son droit raquo art preacutec Alerte 41

(40) Par la loi no 2007-293 du 5 mars 2007 reacuteformant la protection de lenfance (JO du 6 mars 2007 Defreacutenois 2007 Leacuteg p 282) le leacutegislateur a inteacutegreacute la notion dinteacuterecirct de lenfant dans le Code de laction sociale et des familles Le nouvel article L 112-4 dudit code dispose que laquo Linteacuterecirct de lenfant la prise en compte de ses besoins fondamentaux physiques intellectuels sociaux et affectifs ainsi que le respect de ses droits doivent guider toutes deacutecisions le concernant raquo

(41) Amendement no 48 rect Protection de lenfance no 3184 Assembleacutee nationale 22 deacutecembre 2006 wwwassemblee-nationalefr v aussi sur lensemble de ces questions les consideacuterations tregraves eacuteclairantes de P Murat note sous CA Rennes 4 juillet 2002 D 2002 p 2902 Dr Famille 2002 comm no 142 note P Murat

(42) F Granet-Lambrechts laquo Materniteacutes de substitution filiation et eacutetat civil Panorama europeacuteen raquo Dr Famille no 12 deacutecembre 2007 eacutetude no 34

(43) D Youf Penser les droits de lenfant PUF 2002 p 2

(44) G Cornu La famille 6e eacuted no 7 J Carbonnier Droit civil t 4 Les obligations PUF coll Theacutemis no 372 p 649

(45) D Fenouillet et P de Vareilles-Sommiegraveres La contractualisation du droit de la famille Economica 2001

37

(46) H Gaumont-Prat laquo Pas dadoption pour les enfants issus de convention de megravere porteuse raquo art preacutec p 31

(47) E Poisson-Droccourt laquo Recours agrave une megravere de substitution et refus de ladoption raquo art preacutec p 2001 note sous Cass civ 1re 9 deacutecembre 2003 G Delaisi de Perseval laquo Gestation pour autrui en quecircte de leacutegitimation raquo httpwwwliberationfr

(48) C Neirinck laquo Les filiations eacutelectives agrave leacutepreuve du droit raquo JCP eacuted G 1997 I 4067 E Camuzet laquo La convention de gestation pour autrui une illeacutegaliteacute franccedilaise injustifieacutee raquo art preacutec p 59

(49) J Hauser et D Huet-Weiller Traiteacute de droit civil La famille Fondation et vie de la famille 2e eacuted LGDJ 1993 p 250

(50) B Debreacute et S Agacinski laquo Faut-il leacutegaliser les megraveres porteuses en France raquo art preacutec p 50 C Atias D 1986 chron p 67

Civ 1egravere

13 deacutecembre 1989

Ndeg de pourvoi 88-15655

Publieacute au bulletin

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Attendu selon les juges du fond que lrsquoassociation ldquo Alma Mater ldquo a pour objet de faciliter la

solution des problegravemes qui se posent aux couples dont la femme est steacuterile deacutesireux

drsquoaccueillir un enfant agrave leur foyer et aux ldquo megraveres porteuses ldquo volontaires qursquoil est proposeacute agrave

la ldquo megravere porteuse ldquo drsquoecirctre inseacutemineacutee artificiellement par la semence du mari ou du concubin

de porter et de mettre au monde lrsquoenfant qui sera deacuteclareacute sur les registres de lrsquoeacutetat civil sans

indication du nom de la megravere reconnu par le pegravere et accueilli au foyer de celui-ci en vue de

son adoption par lrsquoeacutepouse ou la compagne que lrsquoassociation intervient tout au long de ce

processus qualifieacute de ldquo precirct drsquouteacuterus ldquo ou de ldquo don drsquoenfant ldquo qursquoainsi apregraves avoir controcircleacute la

reacutealiteacute de la steacuteriliteacute du couple demandeur et des faculteacutes de feacutecondation de la ldquo megravere porteuse

ldquo geacuteneacuteralement recruteacutee par elle lrsquoassociation fait proceacuteder agrave lrsquoinseacutemination surveille la

grossesse et lrsquoaccouchement srsquooccupe de faire diligenter la proceacutedure drsquoadoption qursquoelle

verse ensuite agrave la megravere une somme forfaitaire - qui en 1987 eacutetait fixeacutee agrave 60 000 francs -

remise par le couple demandeur degraves le deacutebut de la grossesse que lrsquoarrecirct confirmatif attaqueacute

(Aix-en-Provence 29 avril 1988) estimant que cette association avait un objet illicite

contraire aux lois et aux bonnes moeurs en a prononceacute la nulliteacute sur le fondement de lrsquoarticle

3 de la loi du 1er juillet 1901

Sur le moyen unique pris en sa premiegravere branche

Attendu que lrsquoassociation ldquo Alma Mater ldquo fait grief agrave la cour drsquoappel drsquoavoir ainsi statueacute alors

que selon le moyen nrsquoest ni illicite ni contraire aux bonnes moeurs lrsquoassociation qui dans un

but humanitaire non lucratif met en relation un couple demandeur dont la femme est steacuterile et

38

une femme qui accepte drsquoecirctre inseacutemineacutee artificiellement par le mari de porter lrsquoenfant et de le

remettre agrave la naissance agrave ce couple qui lrsquoindemnisera des contraintes et de la gecircne occasionneacutee

par la grossesse de sorte que la juridiction du second degreacute aurait violeacute les articles 3 et 7 de la

loi du 1er juillet 1901

Mais attendu qursquoil reacutesulte des constatations des juges du fond que lrsquoobjet mecircme de

lrsquoassociation est de favoriser la conclusion et lrsquoexeacutecution de conventions qui fussent-elles

verbales portent tout agrave la fois sur la mise agrave la disposition des demandeurs des fonctions

reproductrices de la megravere et sur lrsquoenfant agrave naicirctre et sont donc nulles en application de lrsquoarticle

1128 du Code civil que ces conventions contreviennent au principe drsquoordre public de

lrsquoindisponibiliteacute de lrsquoeacutetat des personnes en ce qursquoelles ont pour but de faire venir au monde un

enfant dont lrsquoeacutetat ne correspondra pas agrave sa filiation reacuteelle au moyen drsquoune renonciation et

drsquoune cession eacutegalement prohibeacutees des droits reconnus par la loi agrave la future megravere que

lrsquoactiviteacute de lrsquoassociation qui tend deacutelibeacutereacutement agrave creacuteer une situation drsquoabandon aboutit agrave

deacutetourner lrsquoinstitution de lrsquoadoption de son veacuteritable objet qui est en principe de donner une

famille agrave un enfant qui en est deacutepourvu que crsquoest degraves lors agrave bon droit que lrsquoarrecirct attaqueacute a

deacutecideacute sur le fondement de lrsquoarticle 3 de la loi du 1er juillet 1901 que cette association eacutetait

nulle en raison de lrsquoilliceacuteiteacute de son objet que la premiegravere branche du moyen est donc sans

fondement

Et sur les deuxiegraveme et troisiegraveme branches du moyen

Attendu qursquoil est fait grief agrave la cour drsquoappel de nrsquoavoir pas reacutepondu aux conclusions faisant

valoir drsquoune part que lrsquointerdiction du ldquo don de gestation ldquo constituait une discrimination

fondeacutee sur la naissance contraire aux dispositions de lrsquoarticle 24 du pacte international relatif

aux droits civils et politiques signeacute agrave New York le 19 deacutecembre 1966 et drsquoautre part que ce ldquo

don de gestation ldquo reposait sur le droit leacutegitime de fonder une famille qui implique le droit

drsquoengendrer reconnu tant par lrsquoarticle 12 de la convention europeacuteenne des droits de lrsquohomme

et des liberteacutes fondamentales du 4 novembre 1950 que par lrsquoarticle 23 du pacte international

preacuteciteacute

Mais attendu que la reconnaissance du caractegravere illicite de la materniteacute pour autrui et des

associations qui srsquoefforcent de la promouvoir qui se deacuteduit des principes geacuteneacuteraux du Code

civil et de regravegles qui sont communes agrave toutes les filiations nrsquoest pas de nature agrave instaurer une

discrimination fondeacutee sur la naissance que le droit de se marier et de fonder une famille

reconnu par lrsquoarticle 12 de la convention du 4 novembre 1950 et par lrsquoarticle 23 du pacte

international du 19 deacutecembre 1966 agrave lrsquohomme et agrave la femme en acircge nubile nrsquoimplique pas le

droit de conclure avec un tiers des conventions portant sur le sort drsquoun enfant agrave naicirctre que

par ces motifs de droit reacutepondant aux conclusions invoqueacutees lrsquoarrecirct se trouve leacutegalement

justifieacute et que les deuxiegraveme et troisiegraveme branches du moyen ne peuvent ecirctre accueillies

PAR CES MOTIFS

REJETTE le pourvoi

Publication Bulletin 1989 I Ndeg 387 p 260

Deacutecision attaqueacutee Cour drsquoappel drsquoAix-en-Provence du 29 avril 1988

39

Cour de cassation Assembleacutee pleacuteniegravere

Audience publique du 31 mai 1991

Ndeg de pourvoi 90-20105 Publieacute au bulletin

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Sur le pourvoi dans lrsquointeacuterecirct de la loi formeacute par M le Procureur geacuteneacuteral pregraves la Cour de

Cassation

Vu les articles 6 et 1128 du Code civil ensemble lrsquoarticle 353 du mecircme Code

Attendu que la convention par laquelle une femme srsquoengage fucirct-ce agrave titre gratuit agrave concevoir

et agrave porter un enfant pour lrsquoabandonner agrave sa naissance contrevient tant au principe drsquoordre

public de lrsquoindisponibiliteacute du corps humain qursquoagrave celui de lrsquoindisponibiliteacute de lrsquoeacutetat des

personnes

Attendu selon lrsquoarrecirct infirmatif attaqueacute que Mme X eacutepouse de M Y eacutetant atteinte drsquoune

steacuteriliteacute irreacuteversible son mari a donneacute son sperme agrave une autre femme qui inseacutemineacutee

artificiellement a porteacute et mis au monde lrsquoenfant ainsi conccedilu qursquoagrave sa naissance cet enfant a

eacuteteacute deacuteclareacute comme eacutetant neacute de Y sans indication de filiation maternelle

Attendu que pour prononcer lrsquoadoption pleacuteniegravere de lrsquoenfant par Mme Y lrsquoarrecirct retient

qursquoen lrsquoeacutetat actuel des pratiques scientifiques et des moeurs la meacutethode de la materniteacute

substitueacutee doit ecirctre consideacutereacutee comme licite et non contraire agrave lrsquoordre public et que cette

adoption est conforme agrave lrsquointeacuterecirct de lrsquoenfant qui a eacuteteacute accueilli et eacuteleveacute au foyer de M et

Mme Y pratiquement depuis sa naissance

Qursquoen statuant ainsi alors que cette adoption nrsquoeacutetait que lrsquoultime phase drsquoun processus

drsquoensemble destineacute agrave permettre agrave un couple lrsquoaccueil agrave son foyer drsquoun enfant conccedilu en

exeacutecution drsquoun contrat tendant agrave lrsquoabandon agrave sa naissance par sa megravere et que portant atteinte

aux principes de lrsquoindisponibiliteacute du corps humain et de lrsquoeacutetat des personnes ce processus

constituait un deacutetournement de lrsquoinstitution de lrsquoadoption la cour drsquoappel a violeacute les textes

susviseacutes

PAR CES MOTIFS

CASSE ET ANNULE mais seulement dans lrsquointeacuterecirct de la loi et sans renvoi lrsquoarrecirct rendu le

15 juin 1990 par la cour drsquoappel de Paris

REQUETE DE M LE PROCUREUR GENERAL PRES LA COUR DE CASSATION

Le Procureur geacuteneacuteral pregraves la Cour de Cassation a lrsquohonneur drsquoexposer

- Que par jugement du 28 juin 1989 le tribunal de grande instance de Paris a rejeteacute la requecircte

preacutesenteacutee par Mme X eacutepouse Y tendant agrave lrsquoadoption pleacuteniegravere de lrsquoenfant Z deacuteclareacutee

comme eacutetant neacutee de M Y mari de la requeacuterante sans indication de filiation maternelle

- Que pour ne pas faire droit agrave cette requecircte les premiers juges ont retenu que les eacutepoux Y

pour remeacutedier agrave la steacuteriliteacute de leur couple avaient eu recours agrave lrsquoassociation Alma Mater

aujourdrsquohui dissoute lrsquoenfant eacutetant neacute drsquoune megravere de substitution qui lrsquoa abandonneacute agrave la

naissance pratique deacuteclareacutee illicite

- Que sur appel de Mme Y la premiegravere chambre civile section C de la cour drsquoappel de

Paris a par arrecirct du 15 juin 1990 infirmeacute la deacutecision entreprise et prononceacute lrsquoadoption

pleacuteniegravere solliciteacutee par la requeacuterante

- Qursquoau soutien de leur deacutecision devenue deacutefinitive les juges du second degreacute ont tireacute de nos

principes geacuteneacuteraux relatifs agrave la filiation des regravegles drsquoordre public concernant les contrats et de

40

certaines conventions ou deacuteclarations internationales des conclusions contraires agrave celles

auxquelles eacutetait parvenue votre premiegravere chambre civile de la Cour de Cassation qui dans un

cas de figure pratiquement identique a par arrecirct du 13 deacutecembre 1989 (association Alma

Mater contre procureur geacuteneacuteral Aix-en-Provence) reconnu le caractegravere illicite de la materniteacute

pour autrui et les associations qui srsquoefforcent de la promouvoir

- Qursquoil importe en cette matiegravere particuliegraverement sensible qui touche agrave un deacutelicat problegraveme de

socieacuteteacute et drsquoeacutethique que soit mis fin agrave des divergences jurisprudentielles majeures et que la

seacutecuriteacute juridique soit assureacutee

PAR CES MOTIFS

Vu lrsquoarticle 17 de la loi du 3 juillet 1967 relative agrave la Cour de Cassation

Requiert qursquoil plaise agrave la Cour de Cassation

CASSE ET ANNULE sans renvoi et dans le seul inteacuterecirct de la loi lrsquoarrecirct rendu le 15 juin 1990

par la cour drsquoappel de Paris ayant fait droit agrave la requecircte en adoption pleacuteniegravere preacutesenteacutee par

Mme X eacutepouse Y

Publication Bulletin 1991 AP Ndeg 4 p 5

Deacutecision attaqueacutee Cour drsquoappel de Paris du 15 juin 1990

Page 12: SEANCE_3 Droit Civil Methodologie

12

de ne pas alourdir la tacircche des chercheurs dans des secteurs jugeacutes prometteurs Larticle L

1131-4 du code de la santeacute publique rappelle que la constitution et lutilisation de collections

deacutechantillons biologiques humains agrave des fins de recherche geacuteneacutetique relegravevent des dispositions

relatives agrave la conservation et agrave lutilisation des eacuteleacutements et produits du corps humain agrave des fins

de recherche scientifique et non des dispositions reacutegissant les recherches biomeacutedicales (telles

quissues de la loi Huriet)

4 Cest ensuite une protection renforceacutee agrave leacutegard des risques de discrimination lieacutes agrave la

reacutealisation de tests geacuteneacutetiques qui se voit affirmeacutee dans deux types de recommandations lune

europeacuteenne (Recommandations sur les implications des tests geacuteneacutetiques Office des

publications officielles des Communauteacutes europeacuteennes Bruxelles mai 2004) lautre

internationale (Elaboration de la Deacuteclaration relative agrave des normes universelles en matiegravere de

bioeacutethique quatriegraveme eacutebauche de texte CIB UNESCO 15 deacutec 2004)

Le principe de non-discrimination en raison des caracteacuteristiques geacuteneacutetiques avait deacutejagrave eacuteteacute

inscrit agrave larticle 16-13 du code civil lors de la loi ndeg 2002-303 du 4 mars 2002 et il figure

eacutegalement dans la plupart des textes internationaux consacreacutes agrave ce sujet la Convention

dOviedo la Deacuteclaration universelle sur le geacutenome humain ainsi que la Charte des droits

fondamentaux de lUnion europeacuteenne

b) La prise en compte de linteacuterecirct du tiers

Larticle L 1131-1 alineacuteas 3 4 et 5 du code de la santeacute publique issu de la loi du 6 aoucirct 2004

envisage linteacuterecirct de la famille agrave propos dun test geacuteneacutetique reacutealiseacute sur une personne et traite de

linformation geacuteneacutetique familiale A la suite dun test geacuteneacutetique reacuteveacutelant une anomalie

geacuteneacutetique pouvant entraicircner chez les autres membres de la famille le deacuteveloppement dune

mecircme pathologie la personne concerneacutee ou le meacutedecin ont-ils une obligation dans linteacuterecirct

des tiers den informer la famille Doit-on envisager une simple obligation morale ou la

responsabiliteacute du patient qui par son silence aurait empecirccheacute deacuteviter lapparition dune telle

maladie

Cette interrogation sinscrit dans le deacutebat contemporain qui se deacuteveloppe progressivement sur

linteacuterecirct du tiers qui pourrait lemporter sur linteacuterecirct de la personne elle-mecircme

Ce problegraveme a eacuteteacute souleveacute lors des travaux parlementaires devant le Seacutenat en premiegravere lecture

agrave loccasion de laudition du Professeur A Munnich (chef du service de geacuteneacutetique meacutedicale de

lhocircpital Necker - Enfants malades directeur de recherche agrave INSERM) devant la Commission

des Affaires sociales le 4 deacutecembre 2002 Celui-ci suggeacuterait de reacutefleacutechir aux implications du

secret meacutedical sur la santeacute des membres de la famille dune personne atteinte dune affection

geacuteneacutetique

La prise en compte de linteacuterecirct du tiers avait deacutejagrave eacuteteacute eacutevoqueacutee avec prudence dans un avis du

Comiteacute consultatif national deacutethique (avis ndeg 70 du 13 deacutec 2001 laquo Consentement en faveur

dun tiers raquo) Le consentement en faveur ou au profit dun tiers met en jeu et parfois en

concurrence plusieurs principes lautonomie de la personne la bienfaisance agrave leacutegard du

tiers et la solidariteacute Lavis ndeg 70 rappelait que le deacutepistage envisageacute peut concerner le sujet

index mais eacutegalement dautres personnes les diffeacuterents laquo tiers raquo viseacutes dans lavis cest le cas

de certaines maladies infectieuses transmissibles et geacuteneacutetiques La deacutecouverte dun portage

infectieux chez une personne peut avoir des conseacutequences directes sur lopportuniteacute dun

deacutepistage effectueacute chez une autre personne qui aurait eacuteteacute exposeacutee Il en est ainsi par exemple

en cas de viol ou dexposition dun soignant agrave une contamination par le sang

13

La transmission des donneacutees geacuteneacutetiques dune personne au beacuteneacutefice dun tiers dont la parenteacute

biologique avec le sujet est eacutetablie peut ecirctre solliciteacutee dans un cas plus geacuteneacuteral en vue de

lobtention dinformations geacuteneacutetiques familiales compleacutementaires pour avoir une

caracteacuterisation preacutecise des anomalies voire la recherche systeacutematique de mutation dans une

famille agrave partir dun cas princeps afin de mettre en eacutevidence un risque geacuteneacutetique susceptible

decirctre preacutevenu ou non Lavis ndeg 70 du 13 deacutecembre 2001 soulignait que linteacuterecirct du tiers peut

ecirctre la connaissance de son statut par rapport agrave cette anomalie geacuteneacutetique la possibiliteacute lui

eacutetant donneacutee de pouvoir entreprendre une surveillance preacuteventive ou de se soumettre agrave une

theacuterapeutique dans un but curatif ou encore de choisir de ne pas la transmettre agrave sa

descendance

A loccasion de la reacutevision des lois de bioeacutethique le Comiteacute consultatif national deacutethique fut

solliciteacute par le ministre de la Santeacute sur lopportuniteacute dinscrire dans la loi la notion

dinformation geacuteneacutetique familiale doit-on envisager lobligation pour une personne

dinformer son entourage familial si a eacuteteacute deacutecouverte chez elle une preacutedisposition ou

lexistence dune maladie geacuteneacutetique grave pouvant faire lobjet pour les autres membres de la

famille dun traitement etou dune preacutevention efficaces Lavis ndeg 76 rendu le 24 avril 2003

laquo A propos de lobligation dinformation geacuteneacutetique familiale en cas de neacutecessiteacute meacutedicale raquo

privileacutegiait le maintien du secret meacutedical

Les donneacutees geacuteneacutetiques personnelles beacuteneacuteficient dune double protection donneacutees de santeacute

elles sont couvertes par le secret meacutedical et faisant partie de la sphegravere dintimiteacute de chaque

individu elles sont proteacutegeacutees au mecircme titre que toutes les donneacutees agrave caractegravere personnel par

le droit au respect de la vie priveacutee inscrit au code civil

Le nouvel article L 1131-1 du code de la santeacute publique issu de larticle 5 de la loi du 6 aoucirct

2004 sinscrit au contraire dans un mouvement favorable agrave une supreacutematie de la notion de laquo

solidariteacute normative raquo sur lintangibiliteacute du droit agrave lintimiteacute Dans le cas dune anomalie

geacuteneacutetique grave en cas de diagnostic poseacute lors de lexamen des caracteacuteristiques geacuteneacutetiques

dune personne le meacutedecin se doit dinformer celle-ci des risques que son silence ferait courir

aux membres de sa famille dans les cas ougrave des mesures de preacutevention ou de soins peuvent ecirctre

proposeacutees agrave ceux-ci Le texte preacutevoit une alternative laisseacutee agrave la personne concerneacutee soit elle

informe elle-mecircme les membres de sa famille soit elle opte pour la proceacutedure de

linformation meacutedicale agrave caractegravere familial expliciteacutee agrave larticle L 1131-1 du code de la santeacute

publique Les formaliteacutes de la transmission de linformation sont clairement deacutefinies Le

patient qui refuse agrave la fois de preacutevenir les membres de sa famille et de souscrire agrave la proceacutedure

de linformation meacutedicale agrave caractegravere familial ne va-t-il pas engager sa responsabiliteacute (V J-

R Binet La loi relative agrave la bioeacutethique Dr fam oct 2004 6 s)

2 - Donneacutees de santeacute

()

B - Les empreintes geacuteneacutetiques

Les empreintes geacuteneacutetiques moyen didentification des personnes font lobjet dun

encadrement speacutecifique selon le domaine viseacute civil ou peacutenal

1 - En matiegravere civile

1 Lidentification dune personne par ses empreintes geacuteneacutetiques est autoriseacutee par la loi agrave titre

de preuve judiciaire en matiegravere civile elle peut ecirctre ordonneacutee par le juge comme mesure

dinstruction dans certains procegraves mettant en jeu des actions relatives agrave la filiation ou des

14

actions agrave fins de subsides sous reacuteserve du recueil preacutealable expregraves du consentement de

linteacuteresseacute

Une deacutecision de la Cour dappel dAgen du 25 mars 2004 est rendue en application de larticle

16-11 alineacutea 2 du code civil dans le cadre dune action agrave fins de subsides La cour retient que

laquo sil ne peut ecirctre contesteacute que chacun a le droit au respect de son inteacutegriteacute physique larticle

16-11 du code civil preacutevoit expresseacutement lidentification dune personne au moyen de

lempreinte geacuteneacutetique [] raquo A deacutefaut davoir pu obtenir le consentement du deacutefendeur rendu

obligatoire par le mecircme texte la cour retient que si laquo les premiers juges deacutecidaient ainsi

justement que sil ne pouvait pas ecirctre fait grief agrave B de refuser une telle mesure leacutegale il

pouvait ecirctre tireacute toutes les conseacutequences de ce refus [] raquo La solution retenue est classique

Elle vient reacuteaffirmer le poids reconnu au recueil du consentement en matiegravere de respect du

corps humain et de linteacutegriteacute physique cette mesure ne peut ecirctre exeacutecuteacutee de force ou sous

astreinte En cas de refus le reacutegime geacuteneacuteral des mesures dinstruction est applicable en vertu

de larticle 11 alineacutea 1er et 198 du nouveau code de proceacutedure civile

Quen est-il du consentement sagissant de la demande de preacutelegravevement post-mortem

Le deuxiegraveme alineacutea de larticle 16-11 du code civil a eacuteteacute modifieacute par la loi du 6 aoucirct 2004

pour interdire toute identification post-mortem par empreintes geacuteneacutetiques en matiegravere civile

sauf accord expregraves manifesteacute de son vivant par la personne deacuteceacutedeacutee

Cette disposition destineacutee agrave renforcer la prise en compte de la volonteacute de la personne vient

mettre un terme agrave la question du preacutelegravevement post-mortem ordonneacute par une mesure judiciaire

dans le silence de la loi de 1994 la doctrine et la jurisprudence eacutetaient diviseacutees sur

linterpreacutetation agrave donner agrave lancien article 16-11 du code civil que laffaire Montand avait

meacutediatiseacute

Selon une premiegravere approche la reacutedaction de larticle 16-11 exigeait le consentement

preacutealable de la personne concerneacutee et ne pouvait sappliquer degraves lors agrave un deacutefunt le respect

ducirc aux morts sy opposait (CA Paris 17 deacutec 1998 D 1999 Jur p 476 note B Beignier 6

nov 1997 D 1998 Jur p 122 note P Malaurie Somm p 161 obs H Gaumont-Prat P

Malaurie et H Fulchiron Defreacutenois 2004 ndeg 821 p 333)

Selon une seconde approche lobligation de consentir fixeacute par larticle 16-11 ne concernait

que les vivants et il appartenait aux tribunaux den appreacutecier lopportuniteacute sagissant des

personnes deacuteceacutedeacutees (P Catala La jeune fille et le mort Dr fam 1997 Chron ndeg 12 J

Massip Defreacutenois 2002 art 37478)

2 Le juge des reacutefeacutereacutes peut-il ordonner une mesure dinstruction sur le fondement de larticle

145 du nouveau code de proceacutedure civile

Il a deacutejagrave eacuteteacute jugeacute que le juge des reacutefeacutereacutes ne peut sur le fondement de larticle 145 du nouveau

code de proceacutedure civile ordonner une mesure dinstruction tendant agrave lidentification dune

personne par ses empreintes geacuteneacutetiques mecircme avec laccord des parties (TGI Toulouse 25

janv 1995 Gaz Pal 1995 2 p 361 note Olivier CA Riom 19 juin 1997 D 1999 Somm

p 333 obs H Gaumont-Prat)

Avant le vote des lois de bioeacutethique de 1994 en matiegravere de filiation la Cour de cassation

(Cass 1re civ 4 mai 1994 Bull civ I ndeg 159 D 1994 Jur p 545 note J Massip D

1995 Somm p 113 obs F Granet-Lambrechts ) avait admis la possibiliteacute de recourir au

15

reacutefeacutereacute probatoire in futurum preacutevu agrave larticle 145 du nouveau code de proceacutedure civile pour

une expertise sanguine ou geacuteneacutetique degraves lors que se trouvaient respecteacutees les conditions

poseacutees par le texte (absence de procegraves au fond motif leacutegitime recherche ou conservation des

preuves) En lespegravece le demandeur faisait eacutetat de son inteacuterecirct leacutegitime en vue dappreacutecier les

chances de succegraves dune action en contestation de paterniteacute quil souhaitait intenter et

soulignait le risque de deacutepeacuterissement des preuves

Depuis 1994 la leacutegaliteacute dune mesure dinstruction destineacutee agrave eacutetablir la reacutealiteacute biologique de la

filiation gracircce aux empreintes geacuteneacutetiques est soumise agrave certaines conditions larticle 16-11

du code civil issu des lois bioeacutethiques de juillet 1994 se montre plus restrictif et pose

lexigence que la mesure dinstruction soit ordonneacutee par laquo le juge saisi dune action tendant

soit agrave leacutetablissement ou la contestation [] raquo formulation qui semble exclure de ce domaine

la proceacutedure de reacutefeacutereacute car seule une action au fond permettrait au juge dordonner une telle

mesure

Une deacutecision de la Cour dappel de Montpellier rappelle cette diffeacuterence de reacutegime pour

ordonner lexpertise biologique solliciteacutee dans le cadre dune action en reacutefeacutereacute aux motifs que laquo

la mesure dexpertise ne peut porter que sur des preacutelegravevements sanguins et non sur des

empreintes geacuteneacutetiques ces derniegraveres ne pouvant ecirctre ordonneacutees que par le seul juge saisi de

laction conformeacutement agrave larticle 16-11 du code civil raquo

Sachant que lexamen compareacute des sangs permet de donner des reacutesultats relativement fiables

en matiegravere de filiation au moins agrave titre indicatif permettant dappreacutecier les chances de succegraves

dune action en contestation ou en eacutetablissement de paterniteacute on peut degraves lors sinterroger sur

la peacuterenniteacute de cette dualiteacute de reacutegime Ne conviendrait-il pas de modifier les imperfections

reacutedactionnelles de larticle 16-11 alineacutea 2 pour autoriser eacutegalement le recours agrave la proceacutedure

de reacutefeacutereacute

3 La loi ndeg 2004-800 du 6 aoucirct 2004 (art 5) a modifieacute les conditions de lidentification dune

personne par ses empreintes geacuteneacutetiques agrave des fins meacutedicales ou de recherche scientifique

Comme pour lexamen des caracteacuteristiques geacuteneacutetiques agrave larticle 2 il sagit de garantir un

reacutegime du consentement plus protecteur pour les personnes et le texte reprend en partie la

teneur de larticle 16-10 en matiegravere dexamen des caracteacuteristiques geacuteneacutetiques recueil du

consentement expregraves par eacutecrit et preacutealable agrave la reacutealisation de lidentification reacutevocable sans

forme et agrave tout moment consentement eacuteclaireacute par lexigence de la communication de sa

finaliteacute

Le renforcement des droits de la personne saccompagne dun dispositif relatif aux conditions

dagreacutement aux fins de proceacuteder agrave lidentification dune personne agrave des fins meacutedicales ou agrave des

fins de recherche scientifique fixeacute par larticle L 1131-3 issu de la loi du 6 mai 2004

De la mecircme faccedilon un encadrement strict des conditions dagreacutement en matiegravere judiciaire est

mis en place avec le deacutecret ndeg 2004-471 du 25 mai 2004 qui vient modifier le deacutecret ndeg 97-

109 du 6 feacutevrier 1997 relatif aux conditions dagreacutement des personnes habiliteacutees agrave proceacuteder agrave

des identifications par empreintes geacuteneacutetiques dans le cadre dune proceacutedure judiciaire

1 - En matiegravere peacutenale

Un arrecirct de la Chambre criminelle de la Cour de cassation (22 juin 2004 Bull crim ndeg 164)

vient preacuteciser lapplication de larticle 706-56 du code de proceacutedure peacutenale issu de la loi ndeg

2001-1062 du 15 novembre 2001 (art 56 JO du 16 nov 2001) modifieacutee ensuite par la loi ndeg

2003-239 du 18 mars 2003 (art 29 JO du 19 mars 2003) et par la loi ndeg 2004-204 du 9 mars

16

2004 (art 49 JO du 10 mars 2004) en matiegravere dempreintes geacuteneacutetiques aux fins

didentification en matiegravere peacutenale Ce texte preacutevoit que le fait pour une personne

deacutefinitivement condamneacutee pour une des infractions viseacutees agrave larticle 706-55 de refuser de se

soumettre agrave un preacutelegravevement biologique destineacute agrave permettre lanalyse didentification de son

empreinte geacuteneacutetique est passible de sanctions peacutenales En lespegravece un homme condamneacute pour

viol avait refuseacute de se soumettre agrave un preacutelegravevement biologique en vue de son inscription au

fichier des empreintes geacuteneacutetiques et preacutetendait que le texte susviseacute ne sappliquait quaux

personnes deacutefinitivement condamneacutees apregraves son entreacutee en vigueur La cour dappel ne suit pas

cette argumentation et la Cour de cassation rejette le pourvoi aux motifs que ce texte

dapplication immeacutediate concerne toutes les personnes dont un preacutelegravevement est requis mecircme

si la condamnation est anteacuterieure agrave la loi

Les mesures viseacutees par ce texte sinscrivent dans la mise en place et le fonctionnement du

FNAEG le fichier national automatiseacute des empreintes geacuteneacutetiques destineacute notamment agrave

conserver dans un traitement automatiseacute les empreintes geacuteneacutetiques de lensemble des

personnes condamneacutees pour infractions sexuelles (Circ CRIM 00-8 F1 du 10 oct 2000 et

CRIM 01-15 E6 du 20 juill 2001) Un deacutecret ndeg 2004-470 du 25 mai 2004 modifiant le code

de proceacutedure peacutenale (2e partie deacutecrets en Conseil dEtat) relatif au fichier national

automatiseacute des empreintes geacuteneacutetiques vient compleacuteter le dispositif

C - Limage du corps

Limage du corps ou lapparence corporelle est classiquement proteacutegeacutee par le droit agrave limage

deacutecoulant de larticle 9 du code civil consacrant le droit au respect de la vie priveacutee et qualifieacute

de droit de la personnaliteacute (P Kayser in Meacutelanges Roubier p 73 T Hassler note sous TGI

Paris 15 avr 1987 D 1987 Jur p 551 F Dessemontet Le droit agrave sa propre image droit de

la personnaliteacute ou droit de la publiciteacute Meacutelanges en lhonneur de J-M Grossen) Cest le

droit pour toute personne dinterdire aux tiers la reproduction et la publication de son image

Limage du corps peut ecirctre appreacutehendeacutee de maniegravere plus originale par le recours agrave larticle 16

comme sinscrivant dans le domaine du droit au respect du corps humain et essentiellement

dans celui du respect de la digniteacute de la personne humaine On observe que le principe du

droit au respect du corps est proclameacute par le leacutegislateur en des termes semblables agrave ceux de

larticle 9 du code civil visant le respect de la vie priveacutee Il est vrai que laquo corps et vie priveacutee

repreacutesentent les deux faces de lintimiteacute dune personne raquo (J-C Galloux Le corps humain

dans le code civil in 1804-2004 Le code civil Un passeacute un preacutesent un avenir Dalloz 2004

p 381) Le recours agrave la notion de digniteacute de la personne humaine a eacuteteacute solliciteacute degraves 2001 dans

laffaire du preacutefet Erignac pour sanctionner la reproduction dans la presse de limage de son

cadavre (Cass 1re civ 20 deacutec 2000 J-P Gridel Retour sur limage du preacutefet assassineacute

digniteacute de la personne humaine et liberteacute de linformation dactualiteacute D 2001 Chron p 872

Jur p 885 Somm p 1990 obs A Lepage RTD civ 2001 p 329 obs J Hauser JCP

2001 II 10488 note J Ravanas)

1 Une deacutecision de la Cour dappel de Paris (1re ch B 23 sept 2004) consacre cette solution

en retenant que la liberteacute dexpression eacutetant une liberteacute fondamentale agrave valeur

constitutionnelle proteacutegeacutee par la Convention europeacuteenne des droits de lhomme et la

Deacuteclaration des droits de lhomme et du citoyen ses abus peuvent seulement ecirctre poursuivis

au nom dautres principes agrave valeur constitutionnelle comme le droit agrave reacuteparation de tout

preacutejudice subi ou la protection de la digniteacute de lhomme preacutevue par larticle 16 du code civil

2 Une deacutecision de la deuxiegraveme Chambre civile de la Cour de cassation (4 nov 2004) vient

confirmer cette dualiteacute Il sagissait en lespegravece dune photographie dun jeune homme de 17

17

ans gisant inanimeacute et agrave demi deacutevecirctu le visage ensanglanteacute victime dun accident de la

circulation alors quil pilotait un scooter Le clicheacute avait eacuteteacute pris par un hebdomadaire agrave grand

tirage pour illustrer un article intituleacute laquo Routes la guerre oublieacutee raquo consacreacute aux accidents de

la route

Les parents de ladolescent deacuteceacutedeacute des suites de laccident avaient assigneacute la socieacuteteacute eacuteditrice

de lhebdomadaire en reacuteparation arguant dune atteinte agrave la digniteacute de la personne ainsi

repreacutesenteacutee Les juges du fond avaient fait droit agrave la demande aux motifs que la liberteacute

dinformer revendiqueacutee par leacutediteur ne devait pas preacutevaloir sur le respect des droits de

lindividu sagissant dun article consacreacute agrave un pheacutenomegravene de socieacuteteacute La jurisprudence en la

matiegravere consacre en effet la liberteacute de communication des informations ainsi que la

publication dimages de personnes impliqueacutees dans un eacuteveacutenement sagissant deacuteveacutenements

dactualiteacute voire mecircme de faits dactualiteacute (Cass 2e civ 30 juin 2004 D 2004 IR p 2478

JCP 2004 II 10160 note D Bakouche) sous la seule reacuteserve du respect de la digniteacute

humaine (not absence de recherche du sensationnel et toute indeacutecence Cass 1re civ 20

feacutevr 2001 D 2001 Jur p 1199 note J-P Gridel Somm p 1990 obs A Lepage RTD civ

2001 p 329 note J Hauser Dr et patrimoine juin 2001 p 96 note G Loiseau 12 juill

2001 D 2002 Jur p 1380 note C Bigot Somm p 2298 obs L Marino RTD civ 2001

p 852 obs J Hauser JCP 2002 II ndeg 10152 note J Ravanas) Les diffeacuterentes deacutecisions

sont rendues au regard de latteinte agrave la vie priveacutee et du droit agrave limage sur le fondement de

larticle 9 (Cass 2e civ 5 mars 1997 D 1998 Jur p 474 note J Ravanas RTD civ 1997

p 396 obs J Hauser CA Versailles 31 janv 2002 Bull inf C cass 1er oct 2002 ndeg 983

D 2003 Somm p 1533 obs C Caron) voire sur le fondement de larticle 10 de la

Convention europeacuteenne des droits de lhomme (CEDH 3e sect 26 feacutevr 2002 Krone Verlag

c Austria req ndeg 34315)

Dans larrecirct susviseacute la Cour de cassation casse la deacutecision au visa des articles 10 de la

Convention europeacuteenne 9 et 16 du code civil Rappelant que laquo le principe de la liberteacute de la

presse implique le libre choix des illustrations dun deacutebat geacuteneacuteral de pheacutenomegravene de socieacuteteacute

sous la seule reacuteserve du respect de la digniteacute de la personne humaine [] raquo elle reproche agrave la

cour dappel de ne pas avoir laquo caracteacuteriseacute latteinte porteacutee par celle-ci [la photographie

litigieuse] agrave la digniteacute de la victime [] raquo

Le recours agrave larticle 16 du code civil selon lequel laquo la loi interdit toute atteinte agrave la digniteacute raquo

de la personne teacutemoigne de la proximiteacute des notions dimage (traditionnellement inscrite dans

le droit au respect de la vie priveacutee) et dapparence corporelle dont on perccediloit le lien avec la

notion de droit au respect du corps humain gouverneacute par larticle 16-1 prolongeant la

protection plus geacuteneacuterale fondeacutee sur la digniteacute inscrite agrave larticle 16 du code civil Nexiste-t-il

pas degraves lors une veacuteritable attraction de ces deux regravegles Les deux protections coexistent se

complegravetent et devraient favoriser le renforcement de la protection de limage de la personne

II - Le corps ses eacuteleacutements et ses produits

A - Regravegles geacuteneacuterales relatives au statut du corps humain

A leacutepoque contemporaine le corps humain devient de plus en plus un lieu de conflits

Conflits entre des normes juridiques de valeur comparable - autonomie de la volonteacute contre

solidariteacute sociale digniteacute des personnes contre liberteacute de la science - mais eacutegalement et de

maniegravere plus fondamentale conflits susciteacutes par des approches philosophiques et morales

diffeacuterentes sinon opposeacutees du corps humain Approches judeacuteo-chreacutetiennes qui le sacralisent

en linscrivant dans le mystegravere de lincarnation mateacuterialistes qui en nient la transcendance

utilitaristes precirctes agrave le sacrifier pour le bien-ecirctre collectif libertaires ou heacutedonistes qui

exaltent la liberteacute de lindividu agrave lencontre des contingences biologiques ou nen font que

18

linstrument de satisfaction des deacutesirs Le droit biomeacutedical se ressent de ces laquo oscillations de

la morale raquo (J Carbonnier Droit et passion du droit sous la Ve Reacutepublique Flammarion

1996 p 116) au risque de perdre peu agrave peu sa coheacuterence En teacutemoigne lapplication parfois

heacutesitante parfois jupiteacuterienne et souvent gecircneacutee des principes geacuteneacuteraux qui gouvernent le

statut du corps humain la protection de linteacutegriteacute corporelle et surtout lindisponibiliteacute ou

lextra-commercialiteacute du corps

1 - Protection de linteacutegriteacute corporelle

1 La loi du 6 aoucirct 2004 a modifieacute larticle 16-3 du code civil en ajoutant agrave la neacutecessiteacute laquo

meacutedicale raquo justifiant latteinte agrave linteacutegriteacute corporelle laquo agrave titre exceptionnel dans linteacuterecirct

theacuterapeutique dautrui raquo (art 9) Cette nouvelle extension de laccegraves aux ressources

biologiques corporelles au deacutetriment des droits de lindividu sur son corps (la premiegravere a eacuteteacute

consacreacutee par la loi ndeg 99-641 du 27 juill 1999 art 70 qui avait deacutejagrave substitueacute au terme laquo

theacuterapeutique raquo celui de laquo meacutedicale raquo afin de contrer linterpreacutetation neacutecessairement eacutetroite

quen avait fait la Cour de cassation dans son avis du 6 juill 1998 [D 1998 IR p 208 RTD

civ 1998 p 881 obs J Hauser] consideacuterant contraires agrave lart 16-3 les atteintes agrave linteacutegriteacute

du corps meneacutees agrave des fins purement contraceptives comme la ligature des trompes de Fallope

de telles atteintes sont deacutesormais licites car obeacuteissant agrave une finaliteacute meacutedicale mecircme si elles

tendent plus agrave preacutevenir ou agrave gueacuterir une maladie une grossesse neacutetant par elle-mecircme une

maladie) a davantage pour but dharmoniser les dispositions du code civil et celles du code de

la santeacute publique les preacutelegravevements reacutealiseacutes aux fins de greffes sur autrui ne pouvaient

certainement pas entrer dans les preacutevisions du texte dans sa reacutedaction anteacuteceacutedente Avec

lextension continue de la cateacutegorie des donneurs vivants (afin de pallier le deacuteficit chronique

de greffons en France cf infra) cette disposition est promise agrave un bel avenir (JOAN CR 2e

seacuteance 16 janv 2002)

2 Le titre III de la loi du 6 aoucirct 2004 apporte par ailleurs des modifications importantes agrave

larchitecture des preacutelegravevements deacuteleacutements du corps humain et par voie de conseacutequence aux

conditions dans lesquelles il peut ecirctre porteacute atteinte agrave linteacutegriteacute corporelle des donneurs

- lacte de preacutelegravevement est deacutesormais qualifieacute dlaquo acte de soin raquo au sens des articles L 1142-1

et suivants du code de la santeacute publique relatifs aux risques sanitaires reacutesultant du

fonctionnement du systegraveme de santeacute issus de la loi du 4 mars 2002 ce qui devrait ameacuteliorer

lindemnisation des victimes en cas daccident lors du preacutelegravevement

- le cercle des donneurs est eacutelargi (art L 1231-1 al 1er c santeacute publ)

- les modaliteacutes de recueil du consentement sont renforceacutees (mecircme art al 3)

- les finaliteacutes des preacutelegravevements sont mieux deacutefinies (par ex pour le sang art L 1211-8-1 c

santeacute publ) le patient pouvant controcircler une nouvelle utilisation des eacuteleacutements preacuteleveacutes

initialement pour dautres buts (not art L 1241-1 c santeacute publ) Les patients peuvent

eacutegalement sopposer agrave lutilisation des produits dexeacuteregravese et du placenta (art L 1235-2 et

1245-2 c santeacute publ) Pour les preacutelegravevements sur personne deacuteceacutedeacutee la regravegle mal veacutecue et

contourneacutee du consentement est ameacutelioreacutee obligeant le meacutedecin agrave recueillir aupregraves de ses

proches une eacuteventuelle opposition exprimeacutee par le deacutefunt de son vivant (art L 1232-1 c

santeacute publ) les proches se voyant reconnaicirctre le droit de connaicirctre les preacutelegravevements effectueacutes

3 Nonobstant les appels aux dons la peacutenurie de greffons saggrave en France selon

lEtablissement franccedilais des greffes qui constate une baisse des preacutelegravevements dorganes

(communiqueacute du 8 avr 2004) ce qui conduit lAcadeacutemie de meacutedecine agrave reacuteclamer de

19

nouvelles modifications reacuteglementaires afin dassouplir les regravegles de seacutelection des donneurs

(communiqueacute du 11 mai 2004) Cette situation ne doit toutefois pas conduire agrave des

discriminations ignoreacutees de la reacuteglementation sanitaire et contraires agrave notre tradition juridique

larrecirct du Conseil dEtat du 30 avril 2004 sen fait leacutecho En lespegravece un ressortissant

marocain en situation irreacuteguliegravere atteint dune grave insuffisance reacutenale chronique et inscrit

sur la liste des receveurs de greffes dorganes en vue dune transplantation reacutenale se voit

notifier une mesure de reconduite agrave la frontiegravere sur le fondement de larticle 25 de

lordonnance du 2 novembre 1945 Larrecircteacute deacutecidant cette reconduite est annuleacute comme

entacheacute dune erreur manifeste dappreacuteciation des conseacutequences de cet arrecircteacute sur la situation

personnelle de linteacuteresseacute car il ne pouvait pas beacuteneacuteficier dune opeacuteration de transplantation

dans son pays dorigine Peut-on voir dans cette solution tregraves humaine une application preacutecoce

du principe nouvellement inscrit dans le nouvel article L 1231-1 A c) du code de la santeacute

publique qui impose le respect du principe deacutequiteacute dans les regravegles de reacutepartition et

dattribution des greffons

4 La question des soins imposeacutes suscite toujours des questions deacutelicates autant sur un plan

humain quun plan juridique Le droit pour le patient majeur de donner lorsquil se trouve en

leacutetat de lexprimer son consentement agrave un traitement meacutedical comme le rappelle lalineacutea 2 de

larticle 16-3 revecirct le caractegravere dune liberteacute fondamentale (CE ord reacutef 16 aoucirct 2002 D

2004 Somm p 602 obs J Penneau RTD civ 2002 p 781 obs J Hauser) Larticle L

1111-4 du code de la santeacute publique tel quissu de la loi du 4 mars 2002 sur le droit des

malades prescrit que le pouvoir de deacutecision sexerce avec le professionnel de santeacute compte

tenu des informations et des preacuteconisations quil lui fournit le meacutedecin ne dispose plus

deacutesormais que dun pouvoir de conseil qui lui interdit de passer outre la volonteacute du patient

mecircme en cas durgence vitale Le meacutedecin doit respecter la volonteacute de la personne apregraves

lavoir informeacutee des conseacutequences de ses choix (il nest dailleurs pas obligeacute de la convaincre

Cass 1re civ 18 janv 2000 D 2001 Jur p 3559 note M-L Mathieu-Izorche) aucun acte

ni aucun traitement ne peut ecirctre pratiqueacute sans le consentement libre et eacuteclaireacute de la personne

consentement quelle peut retirer agrave tout moment Toutefois parmi les soins imposeacutes les

obligations de vaccination tiennent une place particuliegravere Bien accepteacutees par le public

lorsquelles furent introduites pour lutter contre des eacutepideacutemies dont chacun pouvait mesurer

autour de soi les effets deacutevastateurs (la premiegravere vaccination obligatoire remonte agrave la loi du 15

feacutevr 1902 F Moderne Le reacutegime juridique des vaccinations obligatoires AJDA 1965 p

195) ces mesures autoritaires encore nombreuses (contre la diphteacuterie art L 3111-1 c santeacute

publ le teacutetanos art L 3111-2 c santeacute publ la poliomyeacutelite art L 3111-3 c santeacute publ

la tuberculose art L 3111-4 c santeacute publ) sont aujourdhui contesteacutees au nom de la liberteacute

individuelle alors que ces grandes pandeacutemies ont peu agrave peu replieacute leurs ailes de mort sur

notre pays du moins Dans un arrecirct dAssembleacutee du 3 mars 2004 (Association Liberteacute

Information Santeacute RFDA 2004 p 581 concl comm du gouv G Le Chatelier AJDA

2004 p 971) le Conseil dEtat a eu loccasion de preacuteciser les pouvoirs reacuteglementaires dont

peut disposer le ministre de la Deacutefense pour imposer certaines vaccinations obligatoires

contrairement aux conclusions du commissaire du gouvernement il a admis que le ministre de

la Deacutefense en tant que chef de service peut imposer des vaccinations aux militaires placeacutes

sous son autoriteacute Si le principe dinteacutegriteacute du corps ne constitue pas en lui-mecircme un principe

agrave valeur constitutionnelle il concourt toutefois agrave assurer le respect du principe constitutionnel

de sauvegarde de la digniteacute de la personne humaine (Cons const 27 juill 1994 RJC p 100

B Edelman Le Conseil constitutionnel et lembryon D 1995 Chron p 205 Jur p 237 note

B Mathieu Somm p 299 obs L Favoreu) Cette expression essentielle et incarneacutee de la

liberteacute individuelle doit ecirctre concilieacutee avec des impeacuteratifs sociaux de santeacute dont la valeur nest

pas moindre La Haute juridiction administrative avait deacutejagrave eu loccasion de preacuteciser que les

20

dispositions imposant des vaccinations obligatoires si elles ont pour effet de porter une

atteinte limiteacutee aux principes dinviolabiliteacute et dinteacutegriteacute du corps humain voient leur mise en

oeuvre justifieacutee dans le but dassurer la protection de la santeacute dont le principe se trouve garanti

par le Preacuteambule de la Constitution de 1946 et sont proportionneacutees agrave cet objectif (CE 26 nov

2001 ALIS req ndeg 222741 RFDA 2002 p 65 concl comm du gouv S Boissard) Cest

normalement agrave la loi quil revient darbitrer entre ces deux principes Dans une autre affaire

(CA Pau 19 mars 2002 Dr fam 2004 ndeg 137 obs M S) des parents avaient eacuteteacute

condamneacutes agrave des peines contraventionnelles pour avoir soustrait leurs enfants agrave lobligation

vaccinale pour des raisons religieuses Ces deacutecisions ont eacuteteacute rendues alors que la loi du 4 mars

2002 sur le droit des patients neacutetait pas entreacutee en vigueur le renforcement de la liberteacute du

patient serait-elle de nature agrave assouplir les obligations vaccinales La jurisprudence de la

Cour europeacuteenne des droits de lhomme semble aller en ce sens (CEDH 9 juill 2002 ndeg

4219798 Salvetti c Italie une vaccination obligatoire en tant que traitement meacutedical non

volontaire constitue une ingeacuterence dans le droit au respect de la vie priveacutee reconnu par lart 8

sect 1 Conv EDH) Quil nous soit permis deacutemettre des reacuteserves sauf agrave ruiner toute la politique

de preacutevention mise en place par les autoriteacutes sanitaires depuis un siegravecle et dont les effets

salutaires ne sont pas contestables la reacutesistance des juridictions administratives qui sous-tend

larrecirct dAssembleacutee rapporteacute face aux derniers avatars dun certain extreacutemisme libertarien

dont le corps devient le bastion (pour un bon exposeacute de ces thegraveses Onfray Feacuteeacuteriques

anatomiques geacuteneacutealogie du corps faustien Grasset-Fasquelle 2003) montre que lhypothegravese

est ici bien diffeacuterente dun simple refus de soin comme dans le cas des transfusions elles ne

mettent en jeu que la vie du patient (sur cette derniegravere question B Mathieu De la difficulteacute

de choisir entre la liberteacute et la vie RGDM 2003 ndeg 9 p 97 A Garay Volonteacutes et liberteacutes

dans la relation meacutedecin-malade la mise agrave leacutepreuve des articles 16-3 du code civil et L

1111-4 du code de la santeacute publique RGDM 2003 ndeg 10 p 143)

5 Moins sujet agrave deacutebat larrecirct rendu par la Cour europeacuteenne (22 juill 2003 req ndeg 2420994

RD publ 2004 ndeg 3 p 826 note C Picheral) qui condamne la Turquie pour ingeacuterence dans

le droit au respect de la vie priveacutee reconnu par larticle 8 sect 1 de la Convention europeacuteenne

Dans cette affaire la plaignante avait subi un examen gyneacutecologique forceacute destineacute agrave prouver

agrave lissue de sa garde agrave vue quelle navait pas subi de violences sexuelles La Cour europeacuteenne

qui integravegre deacutesormais le respect du corps humain dans la sphegravere de la vie priveacutee fait ici une

application logique de larticle 8 dans la ligne de la jurisprudence preacuteceacutedemment citeacutee

2 - Indisponibiliteacute et extra-patrimonialiteacute du corps humain

6 Le principe dextra-patrimonialiteacute du corps humain se trouve repris par les articles 16-1

alineacutea 3 16-5 et 16-6 du code civil quil est parfois difficile de distinguer du principe

dindisponibiliteacute du corps humain que la jurisprudence fonde sur larticle 1128 du mecircme code

(Cass ass pleacuten 31 mai 1991 D 1991 Jur p 417 rapp Y Chartier note D Thouvenin) Si

la qualification dindisponibiliteacute a eacuteteacute eacutecarteacutee du vocabulaire des lois de 1994 et de 2004

comme par la doctrine dominante pour cause dambiguiumlteacute (D Fenouillet Respect et protection

du corps humain J-Cl civil art 16 agrave 16-12 fasc 12 ndeg 134 s) la jurisprudence y revient

parfois pour affirmer que le corps nest pas une chose dans le commerce Larrecirct de la Cour

dappel de Paris du 16 mai 2003 reacuteforme sur ce point un jugement du Tribunal des affaires de

seacutecuriteacute sociale de Paris du 5 juillet 2001 qui avait agrave tort exoneacutereacute une prostitueacutee du paiement

de la cotisation dallocations familiales des travailleurs indeacutependants au motif quanalyser une

activiteacute sexuelle reacutemuneacutereacutee comme un travail reviendrait agrave admettre que le commerce du

corps humain est leacutegal alors que leacutegaliser ce commerce aboutit agrave nier et agrave rejeter le principe

dindisponibiliteacute du corps humain La cour rappelle agrave bon droit que le commerce des relations

sexuelles nest pas en soi illicite seules eacutetant interdites certaines conditions dexercice de cette

21

activiteacute en tant quelles conduiraient aux infractions de racolage et de proxeacuteneacutetisme Affirmer

que lactiviteacute en cause na aucun lien avec lindisponibiliteacute du corps humain a quelque chose

de surreacutealiste le fait quelle ne soit pas peacutenalement reacuteprimeacutee nempecircche pas le caractegravere

illicite du contrat passeacute entre la prostitueacutee et son client (dans ce sens pour la nulliteacute dune

assurance souscrite par un proxeacutenegravete contre les accidents corporels freacutequents dans ce genre

dactiviteacutes CA Paris 22 janv 1992 Juris-Data ndeg 020308) Reste la justification de la

deacutecision par la relative autonomie du droit des prestations sociales larticle R 241-2 du code

de la seacutecuriteacute sociale vise toutes les activiteacutes non salarieacutees mecircme de caractegravere accessoire La

Chambre sociale de la Cour de cassation a deacutejagrave admis la prostitution au titre de ces activiteacutes

(18 mai 1995 D 1996 Somm p 38 obs X Preacutetot) eacutecarter les activiteacutes de prostitution de

lassiette des cotisations sociales ne serait-ce pas les encourager davantage au risque pour

lEtat de reprendre agrave son compte le ceacutelegravebre adage de Vespasien

7 Nous rappellerons encore larrecirct rendu par la premiegravere Chambre civile le 9 deacutecembre 2003

confirmant le rejet de ladoption pleacuteniegravere par la femme du pegravere dune enfant qui est le fruit

dune convention de megravere porteuse Lamie dun couple steacuterile avait accepteacute en 1987

dabandonner agrave sa naissance sans indication de filiation maternelle lenfant conccedilu des relations

intimes quelle avait eues avec leacutepoux La demanderesse au pourvoi soutenait que lilliceacuteiteacute de

la convention neacutetait pas eacutetablie par la jurisprudence et par la loi au moment des faits et quil

fallait prendre en consideacuteration pour ladoption pleacuteniegravere les douze anneacutees passeacutees par lenfant

aupregraves delle les inteacuterecircts de ce dernier primant la neacutecessiteacute de sanctionner la convention La

Cour de cassation confirmant sa jurisprudence du 31 mai 1991 (preacutec) et du 29 juin 1994 (D

1994 Jur p 581 note Y Chartier) rappelle laquo que la materniteacute pour autrui dont le caractegravere

illicite se deacuteduit des principes geacuteneacuteraux du code civil et aujourdhui de son article 16-7

reacutealise un deacutetournement de linstitution de ladoption que les premiers juges ont agrave bon droit

refuseacute raquo Prudemment la Haute juridiction neacutevoque pas la notion dindisponibiliteacute cet laquo

imaginaire de la doctrine raquo (M Gobert Reacuteflexions sur les sources du droit et les principes

dindisponibiliteacute du corps humain et de leacutetat des personnes RTD civ 1992 p 489) pour se

contenter logiquement de viser larticle 16-7 qui a vocation agrave sappliquer mecircme si le contrat

reste secret la graviteacute du vice initial de la materniteacute pour autrui contaminant toute adoption

ulteacuterieure

8 Le Tribunal administratif dAmiens dans sa deacutecision du 9 mars 2004 fait une application

discutable de la notion dextra-commercialiteacute des eacuteleacutements et des produits du corps humain

dans une hypothegravese ougrave cette qualification ne devait pas jouer Un couple perd ses embryons

congeleacutes in vitro en raison de la deacutefaillance du mateacuteriel de conservation imputable agrave un

eacutetablissement hospitalier Peut-il se preacutevaloir dun preacutejudice indemnisable dans le cadre de

laction en responsabiliteacute quil engage contre cet eacutetablissement La juridiction administrative

saisie admet la responsabiliteacute de la personne publique le mateacuteriel de conservation lui

appartenant eacutetant en cause mais sur la question de la reacuteparation du preacutejudice subi reacutepond de

maniegravere surprenante laquo si les eacutepoux peuvent se preacutevaloir de lexistence dun preacutejudice

mateacuteriel reacutesultant de la perte dovocytes les dispositions de larticle 16-1 du code civil selon

lesquelles le corps humain ses eacuteleacutements et ses produits ne peuvent faire lobjet dun droit

patrimonial sopposent agrave ce quils puissent en demander la reacuteparation en argent raquo et il

poursuit laquo les ovocytes surnumeacuteraires neacutetant pas des personnes ils ne sont pas fondeacutes agrave se

preacutevaloir dun preacutejudice moral reacutesultant selon eux de la perte decirctres chers raquo Le couple se

voit toutefois allouer 10 000 euros de dommages-inteacuterecircts pour les laquo troubles divers raquo dans

leurs conditions dexistence Si les ovocytes ne sont pas eacutevaluables en argent et si leur perte ne

peut donc pas justifier un preacutejudice mateacuteriel il nen va pas de mecircme dun preacutejudice moral

causeacute par leur perte (la perte dun animal domestique le justifie en droit civil ) et surtout le

22

preacutejudice reacutesultant de la perte dune chance de devenir parents pour un couple deacutejagrave acircgeacute et qui

rencontre des difficulteacutes pour procreacuteer degraves lors quaurait pu ecirctre eacutetablie la disparition par

leffet de la faute imputeacutee agrave leacutetablissement hospitalier de leacuteveacutenement favorable la

probabiliteacute de la naissance dun enfant (en droit meacutedical G Meacutemeteau Gaz Pal 1997 2

Doctr p 1367) La juridiction administrative a manqueacute une occasion de faire avancer le droit

biomeacutedical dans une affaire inattendue et hautement symbolique

B - Reacuteglementation des eacuteleacutements et les produits du corps

Prenant appui sur les principes geacuteneacuteraux gouvernant le statut du corps humain le reacutegime

juridique des eacuteleacutements et des produits biologiques dorigine humaine peut toutefois preacutesenter

des particulariteacutes

1 - La greffe de visage

9 Le Comiteacute consultatif national deacutethique dans son avis ndeg 82 du 6 feacutevrier 2004 eacutemet un

avis deacutefavorable au preacutelegravevement du visage dune personne deacuteceacutedeacutee ou en langage meacutedical agrave

lallotransplantation de tissus composites En deacutepit des besoins eacutevidents pour la chirurgie

reconstructive des victimes deacutefigureacutees agrave la suite daccidents ou de suicides manqueacutes le

Comiteacute consultatif considegravere que des obstacles dirimants subsistent actuellement pour

ladmission dun tel preacutelegravevement les perspectives de laquo reacuteussite raquo dune telle opeacuteration

demeurent tregraves theacuteoriques les risques de rejet des greffons eacutetant laquo extrecircmement graves raquo il

paraicirct par ailleurs fort deacutelicat de solliciter lautorisation de la famille du deacuteceacutedeacute pour effectuer

les preacutelegravevements la signification eacutethique particuliegravere du visage humain son lien intime agrave la

personnaliteacute et agrave lidentiteacute en font davantage quune piegravece anatomique Cette prudence sinscrit

dans le cadre des principes traditionnels du droit meacutedical la technique envisageacutee relevant

pour lheure davantage de lexpeacuterimentation que de la theacuterapeutique

2 - Les banques de sang de cordon ombilical

10 Les cellules heacutematopoiumleacutetiques preacutesentes dans le sang du cordon ombilical peuvent ecirctre

utiliseacutees pour le traitement de certaines maladies geacuteneacutetiques elles peuvent notamment

repeupler la moelle osseuse du patient et constituer une source de cellules sanguines offrant

ainsi une solution alternative agrave la greffe de moelle osseuse Des banques de ces cellules ont

eacuteteacute creacuteeacutees dans des institutions hospitaliegraveres et plus reacutecemment dans le secteur priveacute Ces

activiteacutes pour certaines agrave but lucratif suscitent eacutevidemment des questions juridiques et

eacutethiques Le Comiteacute national sest en France pencheacute sur ce problegraveme (avis ndeg 74 du 12 deacutec

2002) de mecircme que divers organismes de santeacute europeacuteens Le Groupe europeacuteen deacutethique

institueacute aupregraves du preacutesident de la Commission europeacuteenne a consacreacute agrave ce point son avis ndeg

16 rendu le 16 mars 2004 En substance les sages du Groupe europeacuteen critiquent vivement

louverture de cette activiteacute au secteur commercial degraves lors que les banques priveacutees noffrent

pas un laquo service utile en termes de possibiliteacutes theacuterapeutiques raquo (pt 21) et meacuteritent decirctre

eacutetroitement encadreacutees comme elles le seraient dailleurs en France Dun point de vue plus

geacuteneacuteral ces banques priveacutees de sang ombilical qui demeurent en veacuteriteacute assez marginales

posent la question des activiteacutes commerciales dans les secteurs sensibles de la santeacute qui nest

pas reacutesolue de maniegravere uniforme au sein de lUnion europeacuteenne Ladoption de

reacuteglementations telles que la directive CE ndeg 2004-23 du 31 mars 2004 concernant les aspects

de seacutecuriteacute et de qualiteacute pour les diffeacuterentes opeacuterations relatives aux eacuteleacutements biologiques

dorigine humaine va dans le sens de cette harmonisation

3 - Les normes europeacuteennes de qualiteacute et de seacutecuriteacute concernant les diffeacuterentes opeacuterations

relatives aux tissus et aux cellules humains

11 La directive CE ndeg 2004-23 du 31 mars 2004 constitue un texte important dans un secteur

ougrave lharmonisation communautaire tardait nonobstant le maillage reacuteglementaire existant en

23

matiegravere de meacutedicaments agrave usage humain (Dir CE ndeg 2001-83 du 6 nov 2001) Le texte

sapplique essentiellement aux eacuteleacutements biologiques destineacutes agrave lhomme ou agrave la fabrication de

produits manufactureacutes y compris pour des buts cosmeacutetiques agrave lexception des produits

destineacutes agrave des greffes autologues dans le cadre dune intervention chirurgicale unique du sang

et des produits sanguins (Dir CE ndeg 2002-98 du 27 janv 2002) des organes ou des parties

dorganes utiliseacutes aux mecircmes fins que lorgane entier dans le corps humain Les utilisations agrave

des fins de recherche sont eacutegalement exclues La directive sapplique en revanche aux gamegravetes

et aux cellules souches embryonnaires mais laisse aux Etats membres la faculteacute den autoriser

lutilisation Dune maniegravere geacuteneacuterale le texte communautaire nimpose pas de modegravele eacutethique

mais des obligations techniques dans un but de seacutecuriteacute sanitaire comprenant notamment la

mise en place dun systegraveme qualiteacute et de traccedilabiliteacute la deacutesignation dune personne responsable

mais il insiste cependant sur la gratuiteacute des dons et les exigences en matiegravere de consentement

La transposition qui ne devrait pas affecter de maniegravere sensible le cadre juridique franccedilais

actuel doit intervenir avant le 7 avril 2006

4 - Les cellules souches embryonnaires

12 Moins de deux mois apregraves ladoption de la reacutevision des lois bioeacutethiques et en application

de larticle 37 du nouveau texte qui autorise agrave titre transitoire avant la mise en place de

lAgence de la Biomeacutedecine les ministres concerneacutes agrave permettre limportation agrave des fins de

recherche de cellules souches embryonnaires humaines un deacutecret et un arrecircteacute (JO ndeg 228 du

30 sept 2004 p 16804) du 28 septembre 2004 viennent dy proceacuteder Les recherches sur ces

cellules fort contesteacutees il y a encore peu puisque la preacuteceacutedente autorisation dimportation de

cellules souches dorigine embryonnaire avait fait lobjet dun contentieux (TA Paris 21 janv

2003 D 2004 Somm p 532 obs H Gaumont-Prat LPA 2003 ndeg 196 p 7 note B

Pauvert) entrent donc rapidement dans la reacutealiteacute Ces souches importeacutees seront rapidement

supplanteacutees par pregraves de 50 000 embryons congeleacutes en France dont les geacuteniteurs ont renonceacute agrave

ce quils accegravedent agrave la naissance et qui vont pouvoir prochainement servir de mateacuteriel

dexpeacuterimentation comme la loi nouvelle lautorise deacutesormais

Mots cleacutes

PERSONNE HUMAINE Panorama 2004

Gazette du Palais 29 mai 2004 ndeg 150 P 15 - Tous droits reacuteserveacutes

Famille - Personnes

040412

ADOPTION Adoption pleacuteniegravere - Enfants pouvant faire lobjet dune adoption - Enfant neacute dune megravere

porteuse (non)

La materniteacute pour autrui dont le caractegravere illicite se deacuteduit des principes geacuteneacuteraux du Code

civil et aujourdhui de son article 16-7 reacutealise un deacutetournement de linstitution de ladoption

que les juges du fond ont donc agrave bon droit refuseacute de prononcer sans violer aucun des textes

invoqueacutes

C cass 1re civ 9 deacutecembre 2003 Mme X c Procureur geacuteneacuteral pregraves le Cour dappel de Y-

Pourvoi ndeg 0103927 Q - Rejet (C app Paris 1er feacutevrier 2001) - gr ndeg 1644P

NOTE

Reacuteiteacuteration de linterdiction dune adoption lieacutee agrave une procreacuteation pour le compte

dautrui -

24

Larrecirct rendu le 9 deacutecembre 2003 ne surprendra pas puisquil sinscrit dans la ligne traceacutee par

la Cour de cassation depuis 1989 confirmeacutee par la loi du 29 juillet 1994 relative au respect du

corps humain

En lespegravece Georges D et Denise M seacutetaient marieacutes le 15 deacutecembre 1962 et avaient eu un

enfant Fabrice neacute le 11 novembre 1966 Leacutepouse nayant pu avoir un deuxiegraveme enfant

pourtant vivement souhaiteacute le couple se serait adresseacute agrave une laquoamieraquo qui aurait accepteacute davoir

des relations intimes avec Georges D jusquagrave ce quelle conccediloive un enfant quil eacutetait convenu

de laisser degraves sa naissance au pegravere et agrave son eacutepouse

Cest ainsi que serait neacutee Sarah le 4 juillet 1987 qui fut deacuteclareacutee sur les registres de leacutetat civil

sans indication de filiation maternelle reconnue par Georges D puis recueillie aussitocirct par

celui-ci et son eacutepouse Cette derniegravere avait pris la preacutecaution de seacuteloigner de son domicile

pendant les derniers mois du deacuteveloppement in utero de lenfant afin que la substitution

maternelle soit ignoreacutee de lentourage des deux eacutepoux

Il sagissait donc bien selon les propres dires de Georges et Denise D dune materniteacute pour

autrui sans recours aux techniques modernes de procreacuteation meacutedicalement assisteacutee selon un

processus agrave la fois naturel et vieux comme le monde (1)

En janvier 1999 Denise D a saisi le Tribunal de grande instance dune requecircte en adoption

pleacuteniegravere de la fille de son mari

Le Tribunal par jugement du 8 deacutecembre 1999 puis la Cour dappel de Paris par arrecirct du 1er

feacutevrier 2001 ont rejeteacute sa demande au motif quen application des art 6 et 1128 C civ la

convention par laquelle une femme sengage agrave concevoir et agrave porter un enfant pour

labandonner agrave sa naissance est nulle car elle contrevient tant au principe dordre public de

lindisponibiliteacute du corps humain quagrave celui de lindisponibiliteacute de leacutetat des personnes et que

ladoption envisageacutee neacutetait que lultime phase dun processus illicite constitutif dun

deacutetournement de linstitution de ladoption

On reconnaicirctra lagrave les formules mecircmes employeacutees par la Cour de cassation notamment dans

son arrecirct dassembleacutee pleacuteniegravere du 31 mai 1991 (2) Il nest donc pas eacutetonnant que la Cour

suprecircme ait rendu un arrecirct de rejet dautant plus que sa jurisprudence a eacuteteacute conforteacutee par le

nouvel art 16-7 inseacutereacute dans le Code civil par la loi ndeg 94-653 du 29 juillet 1994 (3) qui

dispose que toute convention portant sur la procreacuteation ou la gestation pour le compte dautrui

est nulle

La Cour de cassation a bien entendu viseacute expresseacutement ce texte nouveau mais elle a tenu agrave

rappeler que le caractegravere illicite se deacuteduisait aussi des principes geacuteneacuteraux du Code civil

faisant ainsi implicitement reacutefeacuterence aux art 6 et 1128 de ce Code sur lesquels elle avait

preacuteceacutedemment fondeacute sa position

Le moyen de cassation tentait deacutechapper agrave la jurisprudence de la Cour suprecircme en se fondant

sur les circonstances de lespegravece et notamment sur le fait que la requecircte en adoption navait

eacuteteacute formeacutee que douze anneacutees apregraves la naissance de lenfant de sorte que lindivisibiliteacute entre la

materniteacute pour autrui et ladoption ne serait pas caracteacuteriseacutee Mais la Cour dappel avait

reacutepondu agrave cette argumentation en eacutenonccedilant que labandon de lenfant agrave naicirctre objet de

lobligation contracteacutee par la megravere biologique eacutetait destineacute agrave permettre que lenfant reconnu

par Georges D puisse ecirctre adopteacute par son eacutepouse et en soulignant que celle-ci avait dans le

mecircme but accepteacute linseacutemination dune autre femme par les gamegravetes de son mari et quelle

avait participeacute activement au processus en prenant toutes preacutecautions pour que la substitution

de materniteacute soit ignoreacutee des tiers

Denise D soutenait en outre que linteacuterecirct de lenfant retenu tant par lart 353 C civ que par

les art 3 et 21 de la Convention internationale des droits de lenfant devait primer sur le souci

de sanctionner lilliceacuteiteacute de la convention qui avait preacutesideacute agrave sa conception et agrave sa naissance

La Cour de cassation ne sest pas arrecircteacutee agrave cette argumentation pas plus quelle ne sy eacutetait

arrecircteacutee en 1991 pour elle lensemble de lopeacuteration est indivisible le deacutetournement de

25

linstitution de ladoption est caracteacuteriseacute et il convient de lutter contre la politique du fait

accompli (4) Laccepter au nom de linteacuterecirct de lenfant ne conduirait-il pas comme on la

souligneacute en doctrine (5) agrave admettre le commerce des enfants sous preacutetexte que bien souvent

ceux-ci y trouveraient beacuteneacutefice

(1) Selon la Bible Sarah eacutepouse dAbraham ne pouvant avoir denfant de lui lenvoya aupregraves

de son esclave eacutegyptienne Agar dont il eut un fils Ismaeumll Agar fut renvoyeacutee avec celui-ci

lorsque Sarah tregraves acircgeacutee mit au monde Isaac le fils de la promesse

Cest sans doute une coiumlncidence si nous trouvons aussi dans notre affaire une laquoSarahraquo qui

tient il est vrai un rocircle tout diffeacuterent de celui deacutevolu agrave son homonyme biblique

Lhistoire reacutevegravele eacutegalement des cas relativement freacutequents ougrave pour pallier agrave la steacuteriliteacute du

mari et pour permettre la continuation de la ligneacutee et la perpeacutetuation dun nom ou dun titre un

laquovaletraquo - souvent ensuite renvoyeacute - eacutetait chargeacute de feacuteconder leacutepouse Le proceacutedeacute eacutetait

juridiquement parfait dans la mesure ougrave par le jeu de la preacutesomption de paterniteacute le mari

devenait leacutegalement le pegravere de lenfant

(2) Cass ass pleacuten 31 mai 1991 Bull civ 1991 ndeg 4 Gaz Pal Rec 1991 panor cass p

162 [912144] D 1991 jur p 417 rapport Y Chartier note G Thouvenin JCP 1991 II

21752 comm J Bernard concl H Dontenwille note F Terreacute Defreacutenois 1991 art 35088

ndeg 67 p 948 obs J Massip RTD civ 1991 517 obs D Huet-Weiller Dans le mecircme sens

v Cass civ 1re 29 juin 1994 Bull civ 1994 I ndeg 226 Gaz Pal Rec 1995 jur p 36 note

J B [943856] D 1994 jur p 581 note Y Chartier JCP 1995 II 223621 note J Rubellin-

Devichi RTD civ 1994 p 842 obs J Hauser Defreacutenois 1995 art 36024 ndeg 4 p 315

obs J Massip

V aussi Cass civ 1re 13 deacutecembre 1989 Bull civ 1989 I ndeg 387 Gaz Pal Rec 1990

panor cass p 66 [901122] D 1990 jur p 273 rapport J Massip Defreacutenois 1990 art

34802 ndeg 55 p 743 obs J-L Aubert et art 34815 p 862 rapport J Massip et JCP 1990 II

21526 note A Seriaux Dans cette affaire la Cour de cassation avait proclameacute par des motifs

analogues agrave ceux adopteacutes par les arrecircts de 1991 et 1994 le caractegravere illicite de la materniteacute

pour autrui et des associations qui sefforcent de la promouvoir

(3) Sur cette loi v notamment notre commentaire in Defreacutenois 1975 art 35975 et 35922

speacutecialement en ce qui concerne lart 16-7 C civ le ndeg 9 de cette eacutetude p 72

(4) Sur ces divers points v notre note preacuteciteacutee sous Cass ass pleacuten 31 mai 1991

(5) Obs J Hauser sous larrecirct rendu le 1er feacutevrier 2001 par la Cour dappel de Paris dans le

preacutesente affaire in RTD civ 2001 347

AD2008DEF0291N1

Reacutepertoire du Notariat Defreacutenois 15 feacutevrier 2008 ndeg 3 P 291 - Tous droits reacuteserveacutes

FILIATION

38717 La convention de megravere porteuse

(Reacuteflexions sur les sources du droit et les principes dindisponibiliteacute du corps humain et de leacutetat des personnes)

Le droit franccedilais prohibe les conventions de megraveres porteuses

26

Malgreacute linterdiction leacutegale de nombreux couples ont chercheacute et cherchent encore agrave

contourner cette interdiction notamment en ayant recours agrave des megraveres de substitution dans

des pays eacutetrangers ougrave cette pratique est autoriseacutee

La Cour de cassation veille agrave ce que linstitution de ladoption ne soit pas deacutetourneacutee au profit

de ces parents

Dans un arrecirct du 25 octobre 2007 la cour dappel de Paris vient de reacuteouvrir le deacutebat non sur

le terrain de la convention mais sur celui de la non-transcription des actes de naissance et de

linteacuterecirct supeacuterieur de lenfant

Une excellente occasion de faire le point sur la question et de sinterroger pour lavenir avant

la reacutevision de la loi bioeacutethique en 2009

par Rabih CHENDEB

Docteur en droit

ATER agrave lUniversiteacute de Picardie Jules Verne

laquo La science va Elle est ineacuteluctable Ce quil faut cest la rendre eacutethique raquo (1)

Le droit positif franccedilais interdit de recourir aux megraveres porteuses si un couple conccediloit un

embryon in vitro qui est implanteacute dans luteacuterus dune tierce femme cest cette tierce femme

qui est la megravere selon la loi franccedilaise et les parents biologiques ne peuvent avoir aucun droit

mecircme en cas dabandon de lenfant agrave la naissance par la megravere porteuse La loi bioeacutethique de

1994 a interdit la gestation pour autrui car cela soulevait des questions

dinstrumentalisation et de commercialisation du corps de la femme

De nombreux couples en mal denfants ont depuis longtemps chercheacute agrave contourner les regravegles

notamment en ayant recours agrave des megraveres de substitution qui vivent dans des pays ougrave cette

pratique est autoriseacutee Jusquagrave preacutesent la Cour de cassation ne sy est jamais laisseacutee prendre et

condamnait ladoption faite par les parents de lenfant de la megravere porteuse consideacuterant quil

sagissait dun deacutetournement de linstitution de ladoption (I)

Le 25 octobre 2007 la cour dappel de Paris vient donner lespoir dune ouverture vers

lacceptation dans linteacuterecirct de lenfant de cette deacutemarche Cette deacutecision de la cour dappel

pourrait changer les choses en attendant la reacutevision de la loi bioeacutethique preacutevue en 2009 Une

chose est sucircre cet arrecirct a le meacuterite douvrir le deacutebat et de poser la question de linteacuterecirct de

lenfant comme exception agrave lindisponibiliteacute de leacutetat des personnes et agrave linterdiction de la

pratique des megraveres porteuses Une certaine eacutevolution des mentaliteacutes ainsi que la dispariteacute

entre la loi franccedilaise et dautres leacutegislations nationales pourraient donner lieu agrave un

assouplissement de cette leacutegislation (II)

I Lhostiliteacute du leacutegislateur et de la jurisprudence agrave leacutegard de la convention de megravere porteuse

Au siegravecle dernier seacutetaient deacuteveloppeacutees des associations ayant pour but de faire se rencontrer

des couples deacutesireux davoir un enfant et des femmes acceptant de le porter pour ensuite le

leur laquo ceacuteder raquo par contrat Pour des raisons plus ou moins louables le proceacutedeacute fut rapidement

condamneacute par le droit franccedilais (A) tout comme ladoption qui sen suivait (B)

27

A Le caractegravere illicite de la convention de megravere porteuse

La megravere porteuse met en effet agrave mal le scheacutema classique de la famille On affirmait en Droit

romain que la megravere eacutetait sucircre et que le pegravere eacutetait le mari Le Code napoleacuteon a enteacuterineacute cette

conception Dire que lenfant possegravede une megravere geacuteneacutetique et une megravere uteacuterine va agrave lencontre

de ses dispositions (2)

Pris au deacutepourvu le leacutegislateur franccedilais a tardeacute agrave reacuteagir face aux progregraves scientifiques Il en

est reacutesulteacute un vide juridique auquel la jurisprudence sest efforceacutee de faire face Devant cette

heacutesitation bien compreacutehensible du droit les ressources de la morale de la deacuteontologie et

surtout de la bioeacutethique ont eacuteteacute solliciteacutees (3) Le Conseil dEtat confronteacute aux associations

voulant intervenir dans ce domaine a ainsi prononceacute la dissolution de ces associations pour

objet illicite (4) Le 13 deacutecembre 1989 la premiegravere chambre civile de la Cour de cassation a

releveacute le principe dindisponibiliteacute du corps humain par une interpreacutetation a contrario de

larticle 1128 du Code civil qui dispose qu laquo il ny a que les choses qui sont dans le

commerce qui puissent ecirctre lobjet des conventions raquo La personne ne dispose pas de son

corps elle nen est pas proprieacutetaire (5) Le 31 mai 1991 lassembleacutee pleacuteniegravere de la Cour de

cassation vise les articles 6 1128 et 353 du Code civil afin daffirmer le caractegravere illicite de la

convention conclue entre une megravere porteuse et un couple steacuterile En effet ce contrat porte sur

deux corps humains la megravere et lenfant (6)

Rapidement le leacutegislateur est venu leacutegifeacuterer dans ce sens avec la loi no 94-653 du 29 juillet

1994 relative agrave la bioeacutethique pour que le Code civil reconnaisse le corps humain en tant que

tel Cette loi prend deacutesormais explicitement en compte le corps humain parce quil a voulu

promouvoir son respect face au deacuteveloppement des sciences biomeacutedicales Cette loi a entraicircneacute

la modification et la creacuteation darticles dans le Code civil et le Code peacutenal

Le principe du respect de la digniteacute de la personne humaine est poseacute par larticle 16 du Code

civil laquo La loi assure la primauteacute de la personne interdit toute atteinte agrave la digniteacute de celle-ci

et garantit le respect de lecirctre humain degraves le commencement de sa vie raquo Le nouvel article 16-1

preacutevoit que laquo Chacun a droit au respect de son corps Le corps humain est inviolable Le

corps humain ses eacuteleacutements et ses produits ne peuvent faire lobjet dun droit patrimonial raquo

Par conseacutequent selon larticle 16-5 laquo Les conventions ayant pour effet de confeacuterer une

valeur patrimoniale au corps humain agrave ses eacuteleacutements ou agrave ses produits sont nulles raquo De mecircme

quand une personne accepte de donner son sang ce ne peut ecirctre quagrave titre beacuteneacutevole Enfin

larticle 16-7 dispose mecircme laquo Toute convention portant sur la procreacuteation ou la gestation

pour le compte dautrui est nulle raquo (7)

En outre cette interdiction est assortie dune sanction peacutenale pouvant aller jusquagrave un an

demprisonnement et 15 000 euro damende pour celui qui sentremet ou tente de sentremettre

entre une personne ou un couple deacutesireux daccueillir un enfant et une femme acceptant de

porter en elle cet enfant en vue de le leur remettre Lorsque ces faits ont eacuteteacute commis agrave titre

habituel ou dans un but lucratif les peines sont porteacutees au double (8)

En deacutepit de la reacutesistance de quelques juges du fond qui ont admis ladoption la Cour de

cassation na pas infleacutechi sa position (9) Elle sest reacutecemment opposeacutee agrave ladoption simple

dun enfant par un couple homosexuel estimant cette adoption contraire agrave laquo linteacuterecirct supeacuterieur

de lenfant raquo (10)

28

Analyseacutes dans le contexte de ces deacutecisions les deux principes de lilliceacuteiteacute des conventions et

de lindisponibiliteacute du corps humain expriment une mecircme ideacutee la condamnation dune

convention qui porte sur le corps humain celui de lenfant agrave naicirctre et celui de la femme qui la

conccedilu et porteacute

Toutefois les motifs adopteacutes par la Cour de cassation savegraverent dune extrecircme faiblesse En

effet ces motifs sont lieacutes agrave lilliceacuteiteacute de lobjet des conventions agrave lindisponibiliteacute du corps

humain ainsi quagrave lindisponibiliteacute de leacutetat des personnes (11) Pourtant les lois dites laquo

bioeacutethiques raquo du 29 juillet 1994 puis la loi du 6 aoucirct 2004 (12) relative agrave la bioeacutethique ont

admis lutilisation des eacuteleacutements et des produits du corps humain agrave des fins theacuterapeutiques ou

scientifiques Effectivement une loi en date du 24 janvier 1953 deacutetermine laquo les tarifs de

cession du sang raquo Les dispositions sont aujourdhui dans le Code de la santeacute publique Degraves

lors on peut donner ses gamegravetes ses organes son sang Il semble que plus quune approche

anthropologique des sciences meacutedicales (qui conduiraient agrave une ineacutevitable instrumentalisation

du corps des hommes) il existerait ce que nous appelons une technoscience laquo de linvisible

raquo que seul le droit accepte de leacutegitimer (13)

Par ailleurs la terminologie employeacutee par le leacutegislateur de 1994 est eacuteloquente Cest

certainement parce que le principe dindisponibiliteacute du corps humain sest aveacutereacute irreacutealiste videacute

de sa substance par le nombre et limportance de ses exceptions que le leacutegislateur lui a preacutefeacutereacute

celui de non-patrimonialiteacute qui figure aujourdhui aux articles 16-1 16-5 et 16-6 du Code

civil Il est donc possible de disposer de son corps agrave titre de dons dans les limites de la loi

(14)

Pour conclure sur ce point il sera emprunteacute les propos de Mme Mayer-Jack laquo

Malheureusement si ce principe dindisponibiliteacute du corps humain possegravede les qualiteacutes trop

rares decirctre nettement formuleacute et universellement admis il apparaicirct agrave la reacuteflexion frappeacute dun

vice radical il se reacutevegravele contraire aux faits raquo (15)

B La nulliteacute de ladoption

En matiegravere de materniteacute de substitution lenfant reste au coeur du deacutebat Il est laquo lobjet raquo de la

convoitise du couple demandeur et lobjet de la convention En vue de permettre

leacutetablissement dune filiation adoptive deux processus eacutetaient suivis par lesdits couples

processus que la Cour de cassation sempressa dinterdire agrave son tour

1 Le contournement aveacutereacute de la loi par les couples restant en France

En effet le processus se deacuteroulait en trois eacutetapes dans un premier temps lembryon issu des

gamegravetes du couple ou du mari et de la femme porteuse eacutetait implanteacute dans luteacuterus de cette

derniegravere La megravere porteuse suivait sa grossesse normalement notamment au regard du suivi

meacutedical (16) Ensuite elle accouchait anonymement La leacutegislation autorise les

accouchements laquo sous X raquo et reconnaicirct ainsi aux parturientes le droit de ne pas ecirctre megraveres si

elles ne le deacutesirent ou ne le peuvent pas Le pegravere fournisseur de sperme quant agrave lui effectuait

une reconnaissance preacutenatale de lenfant A sa naissance il le reconnaissait Lenfant avait

donc un pegravere mais sans indication de la filiation maternelle Enfin leacutepouse de ce dernier

adoptait de maniegravere pleacuteniegravere lenfant Leacutetat de mariage de la megravere porteuse ne changeait rien

puisque laccouchement anonyme empecircchait que le mari soit consideacutereacute comme pegravere preacutesumeacute

29

Depuis larrecirct Alma Mater (17) nous savons que la convention de materniteacute de substitution

est nulle car contrevenant agrave lordre public (18) Mais jusqualors la jurisprudence avait eu le

soin de dissocier convention et adoption Toute convention portant sur la procreacuteation ou la

gestation pour le compte dautrui eacutetant nulle la convention de megravere porteuse ayant permis la

naissance de lenfant en cause est donc incontestablement frauduleuse Degraves lors la possession

deacutetat sur laquelle les demandeurs se fondent pour voir eacutetablir un lien de filiation leacutegitime agrave

leur profit et lacte de notorieacuteteacute quils ont ainsi obtenu sont eux-mecircmes vicieacutes et ne peuvent

donc permettre leacutetablissement dun tel lien Par ailleurs la Convention de New York sur les

droits de lenfant garantit notamment agrave celui-ci laccegraves agrave ses origines Or lapplication de la

convention frauduleuse aurait pour effet de consacrer un mensonge lacte de naissance qui

serait eacutetabli sur le fondement de cette convention aboutirait en effet agrave nier totalement les

conditions dans lesquelles lenfant a eacuteteacute conccedilu En conseacutequence les demandeurs ne pourront

se preacutevaloir de la possession deacutetat vicieacutee pour obtenir la retranscription de lacte de notorieacuteteacute

sur lacte de naissance de lenfant (19) Ainsi la prohibition de la convention a entraicircneacute dans

son sillage une impossibiliteacute dadoption par leacutepouse du pegravere (20) Il y a deacutetournement de

linstitution de ladoption pleacuteniegravere en ce que lenfant a eacuteteacute conccedilu pour ecirctre abandonneacute par sa

megravere et adopteacute par une autre (21)

Il en reacutesulte que cest labandon de lenfant qui rend impossible ladoption par leacutepouse du

mari Or labandon de lenfant constitue deacutejagrave une deacutemarche parfaitement licite et reacuteglementeacutee

par la loi Il suffit pour sen convaincre de lire attentivement les textes adeacutequats agrave savoir les

articles 61 et 62 du Code de la famille et de laide sociale 348-3 et 350 du Code civil et 1158

agrave 1163 du Code de proceacutedure civile Il suffit agrave la megravere et plus geacuteneacuteralement agrave la personne

investie des droits parentaux de confier 1enfant agrave un eacutetablissement ou agrave un service de laide

sociale agrave 1enfance (ASF) ou mecircme agrave un particulier puis de sen deacutesinteacuteresser

manifestement pendant une anneacutee nentretenant avec lui aucune relation neacutecessaire au

maintien de liens affectifs Le tribunal de grande instance peut degraves lors sauf agrave prendre en

consideacuteration le cas exceptionnel de grande deacutetresse du parent deacutefaillant deacuteclarer 1enfant

abandonneacute agrave la requecircte de tout inteacuteresseacute et notamment de leacutetablissement service ou famille

daccueil (22) laquo On cesse dinterdire une pratique non pas lorsquelle se deacuteveloppe mais

lorsquon ne sait plus pourquoi elle est interdite raquo (23)

Dailleurs une contradiction engendre ce refus dadoption En effet laquo consideacuterer ladoption

indissociable de la convention revient agrave ne voir lenfant que comme lobjet de cette convention

raquo (24) Ainsi les parents ont pu eacutetablir anteacuterieurement agrave la naissance le processus dont

ladoption est laquo lultime phase raquo Mais ce processus nest pas fait dans lintention de nuire agrave

lenfant Alors comment comprendre la seacuteveacuteriteacute afficheacutee de la Cour de cassation

Traiter lenfant comme une veacuteritable personne implique de dissocier la convention ougrave il

nintervient pas et ladoption dont il est partie prenante et mecircme partie principale Il faut

sinterroger sur son inteacuterecirct propre quitte agrave le confronter ensuite agrave ceux auxquels il soppose

(25)

2 Lexpansion du tourisme procreacuteatif

La dispariteacute des regravegles nationales agrave propos de la gestation pour autrui a conduit certains

couples agrave se rendre agrave leacutetranger pour pouvoir avoir recours agrave une megravere porteuse on parle

deacutesormais de laquo tourisme procreacuteatif raquo (26)

30

Lagrave encore le processus deacutebute par une inseacutemination artificielle mais les pays ayant leacutegaliseacute la

gestation pour le compte dautrui permettent par ailleurs que lembryon inseacutemineacute dans

luteacuterus de la femme soit issu de la rencontre des gamegravetes des deux parents demandeurs

Lenfant est donc geacuteneacutetiquement lenfant du couple Il a pour parent degraves sa naissance le

couple demandeur il porte leur nom et le preacutenom quils lui ont choisi Mais pour exister en

France il est neacutecessaire de recourir agrave une transcription sur les registres de leacutetat civil franccedilais

de lacte de naissance eacutetranger Lagrave encore la seacuteveacuteriteacute est de mise puisque le parquet de

Nantes qui a en charge la transcription des eacutetats civils venant de leacutetranger refuse

systeacutematiquement cette transcription qui nest pas conforme agrave la leacutegislation franccedilaise (27)

Les magistrats ont eacuteteacute confronteacutes agrave ces situations ougrave la megravere commanditaire deacutesirait eacutetablir un

lien de filiation entre elle et lenfant issu de la convention de materniteacute de substitution

Tel est par exemple le cas qui a eacuteteacute trancheacute par la cour dappel de Rennes le 4 juillet 2002

(28) Dans cet arrecirct la cour dappel a rejeteacute ladoption des enfants par un couple qui a conclu

en Californie une convention portant sur la gestation dun embryon issu de leurs propres

gamegravetes La cour relegraveve que laquo la loi franccedilaise ne donne pas une deacutefinition de la megravere raquo cette

notion est inscrite dans les mentaliteacutes depuis des siegravecles par ladage Mater semper certa est

Cest laccouchement qui deacutetermine la megravere et non la seule reacutealiteacute geacuteneacutetique

Cette jurisprudence installeacutee depuis le ceacutelegravebre arrecirct de lassembleacutee pleacuteniegravere du 31 mai 1991

constitue une atteinte directe agrave linteacuterecirct de lenfant Ce dernier est priveacute de toute filiation

maternelle leacutegalement reconnue et ce sans beacuteneacutefice pour personne (29)

Malheureusement en raison de cette solution les deux enfants sont acircgeacutes de sept ans et vivent

aupregraves de leur pegravere naturel et de sa compagne dont la materniteacute ne peut leacutegalement ecirctre eacutetablie

(30)

Cette jurisprudence preacutesente un point faible Selon larticle 353 du Code civil le tribunal de

grande instance saisi dune requecircte aux fins dadoption pleacuteniegravere veacuterifie si les conditions de

la loi sont remplies et si ladoption est conforme agrave linteacuterecirct de lenfant Or en loccurrence

le preacutetendu droit de lenfant ne coiumlncide pas avec son inteacuterecirct seul mis en avant dans 1article

353 du Code civil Le refus par la cour dappel de prononcer ladoption pleacuteniegravere a priveacute les

deux enfants (au nom de leur droit aussi eacuteminent que symbolique agrave la non-chosification) dun

avantage concret et primordial leur admission au statut denfants leacutegitimes de leurs vrais

parents geacuteneacutetiques (31) Simples enfants naturels ou adulteacuterins de leur pegravere ils demeureront

sans lien de filiation maternelle Un tel problegraveme meacuterite que les juridictions se penchent au

moins sur lui (32) La protection de linstitution de ladoption sopegravere au deacutetriment du droit

reconnu agrave lenfant deacutetablir sa filiation par le biais dune discrimination fondeacutee sur les

circonstances de sa naissance (33) La jurisprudence nous semble aller agrave lencontre des

engagements internationaux contracteacutes par la France (34)

II Leacutevolution des mentaliteacutes vers une leacutegislation plus souple

Jusquagrave preacutesent la jurisprudence a toujours interdit ladoption des enfants par des couples

ayant eu recours agrave la gestation pour autrui consideacuterant quil sagit dun deacutetournement de

linstitution de ladoption (35)

Un grand quotidien Libeacuteration reacutevegravele que la cour dappel de Paris a reconnu comme parents

leacutegitimes de jumelles un couple franccedilais ayant fait appel agrave une megravere porteuse ameacutericaine

31

Une chose est sucircre cet arrecirct a le meacuterite douvrir le deacutebat et de poser la question de linteacuterecirct de

lenfant comme exception agrave lindisponibiliteacute de leacutetat des personnes et agrave linterdiction de la

pratique des megraveres porteuses (A) Lorsque lon accepte une loi eacutetrangegravere qui a eacuteteacute appeleacutee au

secours pour contourner la loi franccedilaise la modification de la loi franccedilaise nest pas loin (B)

A Lassouplissement de la jurisprudence

Dans laffaire porteacutee devant la cour dappel de Paris que nous avons abordeacutee rapidement

preacuteceacutedemment un couple dont la femme ne peut assurer la gestation en raison dune

malformation congeacutenitale se rend en Californie ougrave il conclut une convention portant sur la

gestation dun embryon issu de leurs propres gamegravetes Des jumelles naissent de cette

convention Le droit californien fait abstraction du deacutefaut daccouchement La concubine est

inscrite comme megravere dans les registres de naissance de Californie Quelques semaines plus

tard le couple reconnaicirct les enfants en France Mais agrave leur retour dans lHexagone ils sont

placeacutes en garde agrave vue puis mis en examen pour laquo entremise entre une personne deacutesireuse

dadopter un enfant et un parent deacutesireux dabandonner son enfant neacute ou agrave naicirctre raquo et pour laquo

simulation ayant entraicircneacute une atteinte agrave leacutetat civil de lenfant raquo

En 2004 le juge dinstruction rend un non-lieu sur les poursuites peacutenales les faits seacutetant

deacuterouleacutes dans un pays ougrave cette pratique est leacutegale Le parquet a alors continueacute son offensive

sur le terrain civil et chercheacute agrave faire annuler la filiation et la transcription sur leacutetat civil Le

tribunal de grande instance a deacuteclareacute cette demande irrecevable en deacutecembre 2005 Une

deacutecision rendue par la cour dappel de Paris confirme ce jugement le 25 octobre dernier apregraves

avoir estimeacute que laquo La non-transcription des actes de naissances aurait des conseacutequences

contraires agrave linteacuterecirct supeacuterieur des enfants qui au regard du droit franccedilais se verraient priveacutes

dactes deacutetat civil indiquant leur lien de filiation y compris agrave leacutegard de leur pegravere biologique

raquo

La question sera deacutesormais soumise agrave la Cour de cassation qui a deacutejagrave pris des deacutecisions

progressistes dans des questions relatives au droit de la famille notamment dans linteacuterecirct de

lenfant Elle a ainsi fait le 24 feacutevrier 2006 un pas important vers la reconnaissance de

lhomoparentaliteacute en autorisant quun parent homosexuel deacutelegravegue tout ou partie de son

autoriteacute parentale agrave son partenaire avec lequel il vit en union stable agrave condition que cette

mesure soit prise dans linteacuterecirct supeacuterieur de lenfant (36)

Le plus important reacuteside dans le fait que la cour dappel de Paris a estimeacute que la non-

transcription sur les actes de naissance aurait des conseacutequences contraire agrave llaquo inteacuterecirct de

lenfant raquo Depuis longtemps linteacuterecirct de lenfant est au centre du droit de la famille et depuis

quelques anneacutees celui-ci devient veacuteritablement la pierre angulaire de cette discipline (37)

Dans un arrecirct du 18 mai 2005 la premiegravere chambre civile de la Cour de cassation preacutecise au

visa de larticle 3-1 de la Convention relative aux droits de lenfant que laquo dans toutes les

deacutecisions qui concernent les enfants linteacuterecirct supeacuterieur de lenfant doit ecirctre une

consideacuteration primordiale raquo (38) Mais que faut-il entendre par inteacuterecirct supeacuterieur de lenfant

(39)

Bien que le nouvel article L 112-4 du Code de laction sociale et des familles (40) et larticle

371-1 du Code civil semblent deacutefinir les eacuteleacutements constitutifs de cette notion llaquo inteacuterecirct de

lenfant raquo reste un concept assez flou que le leacutegislateur et les juges se gardent bien de deacutefinir

preacuteciseacutement on ne peut limiter linteacuterecirct supeacuterieur de lenfant agrave la protection de sa santeacute de sa

seacutecuriteacute et de sa moraliteacute Certes ces eacuteleacutements sont les bases de linteacuterecirct de lenfant mais

32

puisque celui-ci peut deacutepasser le strict cadre du droit de lautoriteacute parentale voire du droit de

la famille cette vision serait bien trop reacuteductrice

Le sens de cette notion peut encore sobscurcir si lon considegravere quelle peut se confondre avec

dautres concepts voisins Larticle 371-5 doit ainsi conduire agrave distinguer linteacuterecirct de lenfant de

celui de la fratrie En effet si celle-ci a inteacuterecirct agrave rester unie certaines circonstances permettent

deacutecarter un de ses membres dans son inteacuterecirct exclusif

Un amendement proposait cependant agrave la suite du nouvel article L 112-4 du Code de laction

sociale et des familles une deacutefinition inteacuteressante laquo Linteacuterecirct supeacuterieur de lenfant est deacutefini

comme lassurance de la protection de sa seacutecuriteacute personnelle et affective lassurance dun

contexte familial permettant un bon deacuteveloppement physique intellectuel affectif et social

lassurance dune relation dattachement parental permettant de se construire Linteacuterecirct

supeacuterieur de lenfant tel que deacutefini constitue son projet de vie raquo (41)

On ne peut que se feacuteliciter de la mise en avant de linteacuterecirct de lenfant pour deacuteroger agrave la sacro-

sainte interdiction des megraveres porteuses car il est vrai quil ne faut pas oublier que limportant

reste dabord et avant tout lenfant qui a et doit avoir une place centrale au sein de la famille

On peut envisager que cette reacutecente jurisprudence puisse influencer la reacuteflexion sur le recours

aux laquo megraveres porteuses raquo sur le territoire national qui conduise agrave une eacutevolution de la loi

B Vers une eacutevolution de la loi

Alors que la France interdit la laquo gestation pour autrui raquo cette pratique a eacuteteacute leacutegaliseacutee dans de

nombreux pays La France a donc une leacutegislation moins libeacuterale que dautres leacutegislations

nationales La pratique de la gestation pour autrui est notamment autoriseacutee aux Etats-Unis au

Canada en Australie et dans plusieurs pays de lUnion europeacuteenne (Espagne et Belgique

Gregravece et Royaume-Uni notamment) (42) La question de la leacutegalisation des megraveres porteuses

est tregraves controverseacutee en France et demanderait un strict encadrement (43)

On enseigne habituellement que les questions deacutetat ne peuvent deacutependre de la seule volonteacute

individuelle Leacutetat des personnes - le droit de la filiation en particulier - eacutechapperait aux

conventions Mais ce principe nest plus si absolu Leacutevolution contemporaine reacuteduit laspect

institutionnel Une place nettement importante a eacuteteacute faite dans lorganisation des relations

familiales agrave la volonteacute individuelle laquo Laccroissement du pouvoir des volonteacutes individuelles

dans le droit de la famille est une marque essentielle de ce droit raquo (44) Dougrave la justesse de

lexpression laquo contractualisation du droit de la famille raquo Le rocircle de la volonteacute individuelle

tend agrave ecirctre de plus en plus important (45) Tel est le cas du divorce du PACS et du mariage

La procreacuteation nest plus la finaliteacute avec larriveacutee en force dans des pays voisins du mariage

homosexuel

Une certaine eacutevolution des mentaliteacutes ainsi que la dispariteacute entre la loi franccedilaise et dautres

leacutegislations nationales pourraient bien donner lieu agrave un assouplissement de cette leacutegislation

(46)

La gestation pour autrui permet de pallier certaines formes de steacuteriliteacute feacuteminine en raison

dune absence ou dune deacuteformation duteacuterus de conseacutequences de cancer ou reacutesultant dune

hysteacuterectomie de fausses couches reacutepeacuteteacutees dune contre-indication meacutedicale agrave la grossesse ou

de nombreux eacutechecs de feacutecondations in vitro (47) Dans ce cas on implante les gamegravetes des

parents geacuteneacutetiques dans le ventre de la megravere porteuse

33

Un autre argument favorable agrave cette pratique est la certitude apaisante pour le couple steacuterile

de ce que lenfant porteacute en uteacuterus tiers nen sera pas moins leur veacuteritable enfant geacuteneacutetique

puisque conccedilu agrave partir de leurs propres gamegravetes

De plus il faut deacutenoncer une incoheacuterence Une femme empecirccheacutee par la loi de donner avant

sa grossesse agrave un couple agreacuteeacute par elle lenfant quelle portera moyennant eacutequitable

reacutecompense possegravede en revanche le droit discreacutetionnaire de labandonner une fois neacute au

hasard des eacutetablissements ou du service de lASE ou pis encore de recourir agrave une

interruption volontaire de grossesse pendant les douze premiegraveres semaines (48)

La possession deacutetat repreacutesente une valeur humaine et sociale qui doit ecirctre prise en compte en

tant que telle Comme lont joliment affirmeacute M Hauser et Mme Huet-Weiller laquo elle est la

veacuteriteacute des sentiments la veacuteriteacute du coeur tout aussi respectable sinon plus que celle des

registres deacutetat ou mecircme de nos gegravenes raquo (49) Ainsi on peut ecirctre favorable agrave cette reacuteflexion

sous certains reacuteserves

Tout dabord le couple demandeur devait avoir plus de 18 ans et linfertiliteacute devrait ecirctre

meacutedicalement eacutetablie Ensuite seule lutilisation des gamegravetes (sperme et ovocytes) du couple

serait autoriseacutee afin deacuteviter que la gestatrice soit aussi la megravere biologique de lenfant (pour

eacuteviter des liens trop forts eacutetablis entre elle et le beacutebeacute)

De son cocircteacute la megravere porteuse devait avoir plus de 18 ans et accepter de subir des tests divers

avant la grossesse Elle serait la seule agrave donner un consentement valable concernant la gestion

de sa grossesse et elle abandonnerait ses droits parentaux agrave la naissance de lenfant tout en

assistant le couple demandeur lors de la deacutelivrance du certificat de naissance Le

consentement devrait aussi ecirctre obtenu par un entretien psychologique meacutedical et juridique

Seul le juge pourrait donner laccord au deacutebut du processus Le couple demandeur devait

sengager agrave assumer la garde de lenfant degraves sa naissance afin deacuteviter soit une non-remise

denfant soit un refus de lenfant - par exemple en cas de handicap

Concernant la reacutemuneacuteration de la megravere porteuse la marchandisation est inacceptable Les

intermeacutediaires reacutemuneacutereacutes seraient interdits Le principe du volontariat et de la gratuiteacute sont

essentiels le don de vie (50)

Enfin il ne sagirait pas de reacutemuneacuteration mais de compensation financiegravere destineacutee agrave

deacutedommager les inconveacutenients lieacutes agrave la grossesse sur la base de la loi laquo Huriet raquo (loi sur la

recherche meacutedicale avec volontaires sains) Le couple demandeur devrait prendre agrave sa charge

les deacutepenses meacutedicales leacutegales et psychologiques ainsi quun montant raisonnable alloueacute agrave la

megravere porteuse pour subvenir agrave ses besoins Les juges appreacutecieraient librement ce que peut ecirctre

un montant laquo raisonnable raquo sans que cela puisse jamais ecirctre consideacutereacute comme une laquo vente raquo

denfant

(1) B Debreacute et S Agacinski laquo Faut-il leacutegaliser les megraveres porteuses en France raquo Le Figaro Magazine du samedi 10 novembre 2007 p 50

34

(2) G David laquo Don et utilisation du sperme raquo in Actes du colloque Geacuteneacutetique procreacuteation et

droit Actes sud 1985 p 205 G-M Faure Le deacutesir denfant agrave leacutepreuve du droit Essai sur le droit de la procreacuteation meacutedicalement assisteacutee Thegravese Universiteacute de Lille 1992 p 7

(3) G Lebreton Liberteacutes publiques et droits de lhomme 6e eacuted Armand Colin 2003 p 262

(4) CE 22 janvier 1988 Lebon 1988 p 37

(5) La Cour de cassation a enteacuterineacute la position de la cour dappel de Paris pour laquelle laquo ni laltruisme du comportement de la megravere de substitution ni le caractegravere deacutesinteacuteresseacute des activiteacutes de lassociation ne sont propres agrave faire disparaicirctre lilliceacuteiteacute qui frappe laccord litigieux raquo Cass civ 1re 13 deacutecembre 1989 Bull civ I no 387 Defreacutenois 1990 art 34802 no 55 obs J-L Aubert D 1990 p 273 JCP eacuted G 1990 II 21526 note A Seacuteriaux propos recueillis par C Slobodansky laquo Le droit doit limiter les progregraves de la science raquo LPA du 7 mai 2004 no 92 p 60

(6) laquo La convention par laquelle une femme sengage fucirct-ce agrave titre gratuit agrave concevoir et porter un enfant pour labandonner agrave sa naissance contrevient tant au principe dordre public de lindisponibiliteacute du corps humain quagrave celui de lindisponibiliteacute de leacutetat des personnes raquo Cass ass pleacuten 31 mai 1991 Bull civ ass pleacuten no 4 Defreacutenois 1991 art 35142 no 103 obs J-L Aubert Defreacutenois 1991 art 35088 no 67 note J Massip RTD civ 1991 p 517 obs D Huet-Weiller et p 489 note M Gobert M Gobert laquo Reacuteflexions sur les sources du droit et les

principes dindisponibiliteacute du corps humain et de leacutetat des personnes agrave propos de la materniteacute de substitution raquo RTD civ 1992 p 489 et s speacutec p 501 dans ce sens v deacutejagrave les remarques de P Murat laquo Laction de lordonnance du 4 juillet 2005 sur la possession deacutetat raquo Dr Famille 2006 eacutetude no 6 speacutec no 7 V aussi J Massip laquo Linsertion dans le Code civil de dispositions relatives au corps humain agrave lidentification geacuteneacutetique et agrave la procreacuteation meacutedicalement assisteacutee raquo Defreacutenois 1995 art 35975 et 35992

(7) En ce sens V Depadt-Sebag laquo De la neacutecessiteacute dune reacuteforme de larticle 16-7 du Code civil relatif agrave linterdiction de gestation pour autrui raquo RGD meacuted 2004 no 12 p 135 et s

(8) Art 227-12 et s C peacuten

(9) CA Paris 1re feacutevrier 2001 RTD civ 2001 p 347 obs J Hauser Cass civ 1re 9 deacutecembre 2003 Bull civ I no 252 p 201 CA Rennes 4 juillet 2002 D 2002 p 2904

(10) Cass civ 1re 20 feacutevrier 2007 Defreacutenois 2007 art 38595 no 45 obs J Massip

(11) V Depadt-Sebag laquo De la neacutecessiteacute dune reacuteforme de larticle 16-7 du Code civil relatif agrave linterdiction de gestation pour autrui raquo preacutec no 12 p 135 et s

(12) L no 2004-800 du 6 aoucirct 2004 relative agrave la bioeacutethique JO du 7 aoucirct 2004 p 14040 J Massip art preacutec

(13) Dans ce sens v M Gobert laquo Reacuteflexions sur les sources du droit et les principes dindisponibiliteacute du corps humain et de leacutetat des personnes agrave propos de la materniteacute de substitution raquo preacutec p 489 et s speacutec p 513

(14) V Depadt-Sebag laquo De la neacutecessiteacute dune reacuteforme de larticle 16-7 du Code civil relatif agrave linterdiction de gestation pour autrui raquo preacutec no 12 p 135 et s E Camuzet La convention de gestation pour autrui une illeacutegaliteacute franccedilaise injustifieacutee Meacutemoire Lille 2 Universiteacute du droit et de la santeacute 2005-2006 p 55

(15) A Mayer-Jack laquo Les conventions relatives agrave la personne physique raquo Rev crit leacutegisl et jurispr 1993 p 6

(16) G Meacutemeteau laquo Une distinction est opeacutereacutee sur la reacutefeacuterence des donneacutees acquises de la science agrave la date des soins par opposition agrave la notion erroneacutee de donneacutees actuelles de la science raquo note sous Cass civ 1re 6 juin 2000 JCP eacuted G 2001 II 10447

(17) Cass civ 1re 13 deacutecembre 1989 Bull civ I no 387 Defreacutenois 1990 art 34815 rapp J Massip D 1990 p 273 JCP eacuted G 1990 II 21526 note A Seacuteriaux

35

(18) Communication J Bernard et comm J Massip Defreacutenois 1990 art 35088 no 67 note J

Massip F Terreacute note sous Cass ass pleacuten 31 mai 1991 JCP eacuted G 1991 II 21752 dans ce sens v les remarques de P Murat laquo Laction de lordonnance du 4 juillet 2005 sur la possession deacutetat raquo preacutec eacutetude no 6 speacutec no 7 G Kessler laquo La consolidation de situations illicites dans linteacuterecirct de lenfant raquo Dr Famille no 7 juillet 2005 Etude 16

(19) TGI Lille 22 mars 2007 D 2007 no 18 p 1251 note X Labbeacutee B Edelman et C Labrusse-Riau note sous CA Paris 15 juin 1990 JCP eacuted G 1991 II 21653

(20) V Larribau-Terneyre note sous CA Pau 19 feacutevrier 1991 D 1991 juris p 380

(21) J Massip laquo Megravere porteuse et deacutecheacuteance de lautoriteacute parentale raquo LPA du 29 octobre 2003 no 216 p 10 Cass ass pleacuten 31 mai 1991 Bull civ ass pleacuten no 4 Defreacutenois 1991 art 35088 no 67 p 948 obs J Massip D 1991 p 417 rapport Y Chartier note D Thouvenin JCP eacuted G 1991 II 21752 communication J Bernard concl H Dontenwille note F Terreacute RTD civ 1991 p 517 obs D Huet-Weiller

(22) J Rubellin-Devichi laquo Materniteacute de substitution qui est la megravere raquo note sous CA Rennes 4 juillet 2002 JCP eacuted G 2003 I 101 C Ducomte laquo La vraie querelle des megraveres porteuses raquo httppagesperso-orangefrmax-christianducomtemereindexhtm

(23) Propos de Mme F Dekeuwer-Deacutefossez lors de son audition devant le preacutesident M Bloche pour la mission dinformation sur la famille (procegraves-verbal du 5 octobre 2005)

(24) J Hauser obs in RTD civ 1999 p 372 F Dekeuwer-Deacutefossez note sous Cass ass pleacuten 31 mai 1991 D 1992 somm p 59

(25) F Dekeuwer-Deacutefossez laquo Les droits de lenfant raquo D 1992 somm p 59 E Poisson-Drocourt laquo Recours agrave une megravere de substitution et refus de ladoption raquo D 2004 p 2001

(26) J-J Lemouland laquo Le tourisme procreacuteatif raquo LPA 2001 no 62 p 24 F Dekeuwer-Deacutefossez laquo Le lien parental raquo LPA du 1er juillet 2004 no 131 p 70 F Granet note sous CA Rennes 4 juillet 2002 D 2002 p 2904

(27) CA Aix-en-Provence 12 mars 2002 Juris-Data no 2002-190443 A Seacuteriaux laquo Droit naturel et procreacuteation artificielle quelle jurisprudence raquo D 1985 chron p 53 J Massip laquo Le nouveau droit de la filiation raquo Defreacutenois 2006 art 38303 p 13

(28) CA Rennes 4 juillet 2002 JCP eacuted G 2003 I 101 note J Rubellin-Devichi

(29) laquo Si le principe structurant de lautoriteacute parentale est linteacuterecirct de lenfant deacutetermineacute in concreto le droit de la filiation nappreacutecie en revanche jamais linteacuterecirct concret dun enfant preacutecis mais linteacuterecirct geacuteneacuteral de lenfant in abstracto raquo A Gouttenoire laquo A chacun sa famille agrave chacun son droit raquo Dr Famille no 7 juillet 2006 Alerte 41

(30) E Camuzet La convention de gestation pour autrui une illeacutegaliteacute franccedilaise injustifieacutee art preacutec p 52

(31) P Raynaud laquo Un abus de ladoption simple les couples adoptifs raquo D 1983 chron p 39 H Gaumont-Prat laquo Pas dadoption pour les enfants issus de convention de megravere porteuse raquo RLDC no 5 mai 2004 p 31 laquo Le rejet dans le non-droit des enfants neacutes dans des circonstances qui deacuterangent la socieacuteteacute relegraveve du deacuteni de la reacutealiteacute porteur de nombreux effets pathogegravenes et injustes raquo

(32) J Rubellin-Devichi laquo Materniteacute de substitution qui est la megravere raquo note sous CA Rennes 4 juillet 2002 preacutec I 101 C Ducomte laquo La vraie querelle des megraveres porteuses raquo preacutec P Raynaud laquo Un abus de ladoption simple les couples adoptifs raquo art preacutec chron p 39 G Kessler laquo La consolidation de situations illicites dans linteacuterecirct de lenfant raquo art preacutec Etude 16

(33) F Dekeuwer-Deacutefossez laquo Reacuteflexion sur les mythes fondateurs du droit contemporain de la famille raquo RTD civ 1995 p 269 E Camuzet La convention de gestation pour autrui une illeacutegaliteacute franccedilaise injustifieacutee art preacutec p 66 A Ponsard rapport sous Cass civ 1re 16

36

novembre 1982 JCP eacuted G 1983 II 19954 M-T Meulders-Klein laquo Le droit agrave lenfant face au

droit de lenfant et les procreacuteations meacutedicalement assisteacutees raquo RTD civ 1988 p 645 F Terreacute Lenfant de lesclave Geacuteneacutetique et droit Flammarion 1987 p 128

(34) Convention de New York du 26 janvier 1990 Charte des droits fondamentaux de lUnion europeacuteenne du 7 deacutecembre 2000 Deacuteclaration universelle des droits de lhomme de 1789 Convention internationale des droits de lenfant de 1989

(35) Cass ass plegraven 31 mai 1991 Bull civ ass plegraven no 4 Defreacutenois 1991 art 35142 no 103 obs J-L Aubert et art 35088 no 67 p 948 obs J Massip D 1991 p 417 rapport Y Chartier note D Thouvenin JCP eacuted G 1991 II 21752 communication J Bernard concl H Dontenwille note F Terreacute RTD civ 1991 p 517 obs D Huet-Weiller

(36) Cass civ 1re 24 feacutevrier 2006 Bull civ I no 101 p 95 Defreacutenois 2006 art 38415 no 40 p 1067 obs J Massip D 2006 juris p 897-900 obs D Vigneau T Anatrella laquo Adoption et homoparentaliteacute leacuteclairage des droits de lhomme raquo Dr Famille 2003 no 10 p

8-10 agrave lidentique dans un arrecirct du 22 janvier 1992 D 1993 p 119 note J Vassaux la cour dappel de Poitiers a prononceacute ladoption simple dun enfant neacute dune convention de megravere porteuse au motif que laquo cette adoption nest pas seulement conforme agrave linteacuterecirct de lenfant mais encore constitue une neacutecessiteacute qui deacutecoule des reacutealiteacutes de la vie issues derreurs des adultes dont lenfant ne doit pas subir les conseacutequences raquo

(37) G Kessler laquo La consolidation de situations illicites dans linteacuterecirct de lenfant raquo art preacutec eacutetude no 16 M-T Meulders-Klein laquo Le droit agrave lenfant face au droit de lenfant et les procreacuteations meacutedicalement assisteacutees raquo art preacutec p 645

(38) Cass civ 1re 18 mai 2005 Bull civ I no 211 p 179 V Depadt-Sebag laquo Non-lieu dans une affaire de materniteacute pour autrui raquo D 2005 p 476 J Massip laquo Megravere porteuse et deacutecheacuteance de lautoriteacute parentale raquo art preacutec no 216 p 11 F Terreacute Lenfant de lesclave Geacuteneacutetique et droit op cit adde F Terreacute et D Fenouillet Droit civil Les personnes la famille les incapaciteacutes 6e eacuted Preacutecis Dalloz no 926 M Lamarche laquo Inteacuterecirct supeacuterieur de lenfant de ladmission des effets dune convention de megravere porteuse agrave la destruction du droit franccedilais de la filiation raquo Dr Famille novembre 2007 no 11

(39) M Donnier laquo Linteacuterecirct de lenfant raquo D 1959 chron p 27 F Laroche-Gisserot note sous Cass civ 1re 27 mai 1998 D 1998 p 530 F Millet laquo Ladoption dun inteacuterecirct agrave lautre raquo RRJ 2003-3 p 1777 et s A Gouttenoire laquo A chacun sa famille agrave chacun son droit raquo art preacutec Alerte 41

(40) Par la loi no 2007-293 du 5 mars 2007 reacuteformant la protection de lenfance (JO du 6 mars 2007 Defreacutenois 2007 Leacuteg p 282) le leacutegislateur a inteacutegreacute la notion dinteacuterecirct de lenfant dans le Code de laction sociale et des familles Le nouvel article L 112-4 dudit code dispose que laquo Linteacuterecirct de lenfant la prise en compte de ses besoins fondamentaux physiques intellectuels sociaux et affectifs ainsi que le respect de ses droits doivent guider toutes deacutecisions le concernant raquo

(41) Amendement no 48 rect Protection de lenfance no 3184 Assembleacutee nationale 22 deacutecembre 2006 wwwassemblee-nationalefr v aussi sur lensemble de ces questions les consideacuterations tregraves eacuteclairantes de P Murat note sous CA Rennes 4 juillet 2002 D 2002 p 2902 Dr Famille 2002 comm no 142 note P Murat

(42) F Granet-Lambrechts laquo Materniteacutes de substitution filiation et eacutetat civil Panorama europeacuteen raquo Dr Famille no 12 deacutecembre 2007 eacutetude no 34

(43) D Youf Penser les droits de lenfant PUF 2002 p 2

(44) G Cornu La famille 6e eacuted no 7 J Carbonnier Droit civil t 4 Les obligations PUF coll Theacutemis no 372 p 649

(45) D Fenouillet et P de Vareilles-Sommiegraveres La contractualisation du droit de la famille Economica 2001

37

(46) H Gaumont-Prat laquo Pas dadoption pour les enfants issus de convention de megravere porteuse raquo art preacutec p 31

(47) E Poisson-Droccourt laquo Recours agrave une megravere de substitution et refus de ladoption raquo art preacutec p 2001 note sous Cass civ 1re 9 deacutecembre 2003 G Delaisi de Perseval laquo Gestation pour autrui en quecircte de leacutegitimation raquo httpwwwliberationfr

(48) C Neirinck laquo Les filiations eacutelectives agrave leacutepreuve du droit raquo JCP eacuted G 1997 I 4067 E Camuzet laquo La convention de gestation pour autrui une illeacutegaliteacute franccedilaise injustifieacutee raquo art preacutec p 59

(49) J Hauser et D Huet-Weiller Traiteacute de droit civil La famille Fondation et vie de la famille 2e eacuted LGDJ 1993 p 250

(50) B Debreacute et S Agacinski laquo Faut-il leacutegaliser les megraveres porteuses en France raquo art preacutec p 50 C Atias D 1986 chron p 67

Civ 1egravere

13 deacutecembre 1989

Ndeg de pourvoi 88-15655

Publieacute au bulletin

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Attendu selon les juges du fond que lrsquoassociation ldquo Alma Mater ldquo a pour objet de faciliter la

solution des problegravemes qui se posent aux couples dont la femme est steacuterile deacutesireux

drsquoaccueillir un enfant agrave leur foyer et aux ldquo megraveres porteuses ldquo volontaires qursquoil est proposeacute agrave

la ldquo megravere porteuse ldquo drsquoecirctre inseacutemineacutee artificiellement par la semence du mari ou du concubin

de porter et de mettre au monde lrsquoenfant qui sera deacuteclareacute sur les registres de lrsquoeacutetat civil sans

indication du nom de la megravere reconnu par le pegravere et accueilli au foyer de celui-ci en vue de

son adoption par lrsquoeacutepouse ou la compagne que lrsquoassociation intervient tout au long de ce

processus qualifieacute de ldquo precirct drsquouteacuterus ldquo ou de ldquo don drsquoenfant ldquo qursquoainsi apregraves avoir controcircleacute la

reacutealiteacute de la steacuteriliteacute du couple demandeur et des faculteacutes de feacutecondation de la ldquo megravere porteuse

ldquo geacuteneacuteralement recruteacutee par elle lrsquoassociation fait proceacuteder agrave lrsquoinseacutemination surveille la

grossesse et lrsquoaccouchement srsquooccupe de faire diligenter la proceacutedure drsquoadoption qursquoelle

verse ensuite agrave la megravere une somme forfaitaire - qui en 1987 eacutetait fixeacutee agrave 60 000 francs -

remise par le couple demandeur degraves le deacutebut de la grossesse que lrsquoarrecirct confirmatif attaqueacute

(Aix-en-Provence 29 avril 1988) estimant que cette association avait un objet illicite

contraire aux lois et aux bonnes moeurs en a prononceacute la nulliteacute sur le fondement de lrsquoarticle

3 de la loi du 1er juillet 1901

Sur le moyen unique pris en sa premiegravere branche

Attendu que lrsquoassociation ldquo Alma Mater ldquo fait grief agrave la cour drsquoappel drsquoavoir ainsi statueacute alors

que selon le moyen nrsquoest ni illicite ni contraire aux bonnes moeurs lrsquoassociation qui dans un

but humanitaire non lucratif met en relation un couple demandeur dont la femme est steacuterile et

38

une femme qui accepte drsquoecirctre inseacutemineacutee artificiellement par le mari de porter lrsquoenfant et de le

remettre agrave la naissance agrave ce couple qui lrsquoindemnisera des contraintes et de la gecircne occasionneacutee

par la grossesse de sorte que la juridiction du second degreacute aurait violeacute les articles 3 et 7 de la

loi du 1er juillet 1901

Mais attendu qursquoil reacutesulte des constatations des juges du fond que lrsquoobjet mecircme de

lrsquoassociation est de favoriser la conclusion et lrsquoexeacutecution de conventions qui fussent-elles

verbales portent tout agrave la fois sur la mise agrave la disposition des demandeurs des fonctions

reproductrices de la megravere et sur lrsquoenfant agrave naicirctre et sont donc nulles en application de lrsquoarticle

1128 du Code civil que ces conventions contreviennent au principe drsquoordre public de

lrsquoindisponibiliteacute de lrsquoeacutetat des personnes en ce qursquoelles ont pour but de faire venir au monde un

enfant dont lrsquoeacutetat ne correspondra pas agrave sa filiation reacuteelle au moyen drsquoune renonciation et

drsquoune cession eacutegalement prohibeacutees des droits reconnus par la loi agrave la future megravere que

lrsquoactiviteacute de lrsquoassociation qui tend deacutelibeacutereacutement agrave creacuteer une situation drsquoabandon aboutit agrave

deacutetourner lrsquoinstitution de lrsquoadoption de son veacuteritable objet qui est en principe de donner une

famille agrave un enfant qui en est deacutepourvu que crsquoest degraves lors agrave bon droit que lrsquoarrecirct attaqueacute a

deacutecideacute sur le fondement de lrsquoarticle 3 de la loi du 1er juillet 1901 que cette association eacutetait

nulle en raison de lrsquoilliceacuteiteacute de son objet que la premiegravere branche du moyen est donc sans

fondement

Et sur les deuxiegraveme et troisiegraveme branches du moyen

Attendu qursquoil est fait grief agrave la cour drsquoappel de nrsquoavoir pas reacutepondu aux conclusions faisant

valoir drsquoune part que lrsquointerdiction du ldquo don de gestation ldquo constituait une discrimination

fondeacutee sur la naissance contraire aux dispositions de lrsquoarticle 24 du pacte international relatif

aux droits civils et politiques signeacute agrave New York le 19 deacutecembre 1966 et drsquoautre part que ce ldquo

don de gestation ldquo reposait sur le droit leacutegitime de fonder une famille qui implique le droit

drsquoengendrer reconnu tant par lrsquoarticle 12 de la convention europeacuteenne des droits de lrsquohomme

et des liberteacutes fondamentales du 4 novembre 1950 que par lrsquoarticle 23 du pacte international

preacuteciteacute

Mais attendu que la reconnaissance du caractegravere illicite de la materniteacute pour autrui et des

associations qui srsquoefforcent de la promouvoir qui se deacuteduit des principes geacuteneacuteraux du Code

civil et de regravegles qui sont communes agrave toutes les filiations nrsquoest pas de nature agrave instaurer une

discrimination fondeacutee sur la naissance que le droit de se marier et de fonder une famille

reconnu par lrsquoarticle 12 de la convention du 4 novembre 1950 et par lrsquoarticle 23 du pacte

international du 19 deacutecembre 1966 agrave lrsquohomme et agrave la femme en acircge nubile nrsquoimplique pas le

droit de conclure avec un tiers des conventions portant sur le sort drsquoun enfant agrave naicirctre que

par ces motifs de droit reacutepondant aux conclusions invoqueacutees lrsquoarrecirct se trouve leacutegalement

justifieacute et que les deuxiegraveme et troisiegraveme branches du moyen ne peuvent ecirctre accueillies

PAR CES MOTIFS

REJETTE le pourvoi

Publication Bulletin 1989 I Ndeg 387 p 260

Deacutecision attaqueacutee Cour drsquoappel drsquoAix-en-Provence du 29 avril 1988

39

Cour de cassation Assembleacutee pleacuteniegravere

Audience publique du 31 mai 1991

Ndeg de pourvoi 90-20105 Publieacute au bulletin

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Sur le pourvoi dans lrsquointeacuterecirct de la loi formeacute par M le Procureur geacuteneacuteral pregraves la Cour de

Cassation

Vu les articles 6 et 1128 du Code civil ensemble lrsquoarticle 353 du mecircme Code

Attendu que la convention par laquelle une femme srsquoengage fucirct-ce agrave titre gratuit agrave concevoir

et agrave porter un enfant pour lrsquoabandonner agrave sa naissance contrevient tant au principe drsquoordre

public de lrsquoindisponibiliteacute du corps humain qursquoagrave celui de lrsquoindisponibiliteacute de lrsquoeacutetat des

personnes

Attendu selon lrsquoarrecirct infirmatif attaqueacute que Mme X eacutepouse de M Y eacutetant atteinte drsquoune

steacuteriliteacute irreacuteversible son mari a donneacute son sperme agrave une autre femme qui inseacutemineacutee

artificiellement a porteacute et mis au monde lrsquoenfant ainsi conccedilu qursquoagrave sa naissance cet enfant a

eacuteteacute deacuteclareacute comme eacutetant neacute de Y sans indication de filiation maternelle

Attendu que pour prononcer lrsquoadoption pleacuteniegravere de lrsquoenfant par Mme Y lrsquoarrecirct retient

qursquoen lrsquoeacutetat actuel des pratiques scientifiques et des moeurs la meacutethode de la materniteacute

substitueacutee doit ecirctre consideacutereacutee comme licite et non contraire agrave lrsquoordre public et que cette

adoption est conforme agrave lrsquointeacuterecirct de lrsquoenfant qui a eacuteteacute accueilli et eacuteleveacute au foyer de M et

Mme Y pratiquement depuis sa naissance

Qursquoen statuant ainsi alors que cette adoption nrsquoeacutetait que lrsquoultime phase drsquoun processus

drsquoensemble destineacute agrave permettre agrave un couple lrsquoaccueil agrave son foyer drsquoun enfant conccedilu en

exeacutecution drsquoun contrat tendant agrave lrsquoabandon agrave sa naissance par sa megravere et que portant atteinte

aux principes de lrsquoindisponibiliteacute du corps humain et de lrsquoeacutetat des personnes ce processus

constituait un deacutetournement de lrsquoinstitution de lrsquoadoption la cour drsquoappel a violeacute les textes

susviseacutes

PAR CES MOTIFS

CASSE ET ANNULE mais seulement dans lrsquointeacuterecirct de la loi et sans renvoi lrsquoarrecirct rendu le

15 juin 1990 par la cour drsquoappel de Paris

REQUETE DE M LE PROCUREUR GENERAL PRES LA COUR DE CASSATION

Le Procureur geacuteneacuteral pregraves la Cour de Cassation a lrsquohonneur drsquoexposer

- Que par jugement du 28 juin 1989 le tribunal de grande instance de Paris a rejeteacute la requecircte

preacutesenteacutee par Mme X eacutepouse Y tendant agrave lrsquoadoption pleacuteniegravere de lrsquoenfant Z deacuteclareacutee

comme eacutetant neacutee de M Y mari de la requeacuterante sans indication de filiation maternelle

- Que pour ne pas faire droit agrave cette requecircte les premiers juges ont retenu que les eacutepoux Y

pour remeacutedier agrave la steacuteriliteacute de leur couple avaient eu recours agrave lrsquoassociation Alma Mater

aujourdrsquohui dissoute lrsquoenfant eacutetant neacute drsquoune megravere de substitution qui lrsquoa abandonneacute agrave la

naissance pratique deacuteclareacutee illicite

- Que sur appel de Mme Y la premiegravere chambre civile section C de la cour drsquoappel de

Paris a par arrecirct du 15 juin 1990 infirmeacute la deacutecision entreprise et prononceacute lrsquoadoption

pleacuteniegravere solliciteacutee par la requeacuterante

- Qursquoau soutien de leur deacutecision devenue deacutefinitive les juges du second degreacute ont tireacute de nos

principes geacuteneacuteraux relatifs agrave la filiation des regravegles drsquoordre public concernant les contrats et de

40

certaines conventions ou deacuteclarations internationales des conclusions contraires agrave celles

auxquelles eacutetait parvenue votre premiegravere chambre civile de la Cour de Cassation qui dans un

cas de figure pratiquement identique a par arrecirct du 13 deacutecembre 1989 (association Alma

Mater contre procureur geacuteneacuteral Aix-en-Provence) reconnu le caractegravere illicite de la materniteacute

pour autrui et les associations qui srsquoefforcent de la promouvoir

- Qursquoil importe en cette matiegravere particuliegraverement sensible qui touche agrave un deacutelicat problegraveme de

socieacuteteacute et drsquoeacutethique que soit mis fin agrave des divergences jurisprudentielles majeures et que la

seacutecuriteacute juridique soit assureacutee

PAR CES MOTIFS

Vu lrsquoarticle 17 de la loi du 3 juillet 1967 relative agrave la Cour de Cassation

Requiert qursquoil plaise agrave la Cour de Cassation

CASSE ET ANNULE sans renvoi et dans le seul inteacuterecirct de la loi lrsquoarrecirct rendu le 15 juin 1990

par la cour drsquoappel de Paris ayant fait droit agrave la requecircte en adoption pleacuteniegravere preacutesenteacutee par

Mme X eacutepouse Y

Publication Bulletin 1991 AP Ndeg 4 p 5

Deacutecision attaqueacutee Cour drsquoappel de Paris du 15 juin 1990

Page 13: SEANCE_3 Droit Civil Methodologie

13

La transmission des donneacutees geacuteneacutetiques dune personne au beacuteneacutefice dun tiers dont la parenteacute

biologique avec le sujet est eacutetablie peut ecirctre solliciteacutee dans un cas plus geacuteneacuteral en vue de

lobtention dinformations geacuteneacutetiques familiales compleacutementaires pour avoir une

caracteacuterisation preacutecise des anomalies voire la recherche systeacutematique de mutation dans une

famille agrave partir dun cas princeps afin de mettre en eacutevidence un risque geacuteneacutetique susceptible

decirctre preacutevenu ou non Lavis ndeg 70 du 13 deacutecembre 2001 soulignait que linteacuterecirct du tiers peut

ecirctre la connaissance de son statut par rapport agrave cette anomalie geacuteneacutetique la possibiliteacute lui

eacutetant donneacutee de pouvoir entreprendre une surveillance preacuteventive ou de se soumettre agrave une

theacuterapeutique dans un but curatif ou encore de choisir de ne pas la transmettre agrave sa

descendance

A loccasion de la reacutevision des lois de bioeacutethique le Comiteacute consultatif national deacutethique fut

solliciteacute par le ministre de la Santeacute sur lopportuniteacute dinscrire dans la loi la notion

dinformation geacuteneacutetique familiale doit-on envisager lobligation pour une personne

dinformer son entourage familial si a eacuteteacute deacutecouverte chez elle une preacutedisposition ou

lexistence dune maladie geacuteneacutetique grave pouvant faire lobjet pour les autres membres de la

famille dun traitement etou dune preacutevention efficaces Lavis ndeg 76 rendu le 24 avril 2003

laquo A propos de lobligation dinformation geacuteneacutetique familiale en cas de neacutecessiteacute meacutedicale raquo

privileacutegiait le maintien du secret meacutedical

Les donneacutees geacuteneacutetiques personnelles beacuteneacuteficient dune double protection donneacutees de santeacute

elles sont couvertes par le secret meacutedical et faisant partie de la sphegravere dintimiteacute de chaque

individu elles sont proteacutegeacutees au mecircme titre que toutes les donneacutees agrave caractegravere personnel par

le droit au respect de la vie priveacutee inscrit au code civil

Le nouvel article L 1131-1 du code de la santeacute publique issu de larticle 5 de la loi du 6 aoucirct

2004 sinscrit au contraire dans un mouvement favorable agrave une supreacutematie de la notion de laquo

solidariteacute normative raquo sur lintangibiliteacute du droit agrave lintimiteacute Dans le cas dune anomalie

geacuteneacutetique grave en cas de diagnostic poseacute lors de lexamen des caracteacuteristiques geacuteneacutetiques

dune personne le meacutedecin se doit dinformer celle-ci des risques que son silence ferait courir

aux membres de sa famille dans les cas ougrave des mesures de preacutevention ou de soins peuvent ecirctre

proposeacutees agrave ceux-ci Le texte preacutevoit une alternative laisseacutee agrave la personne concerneacutee soit elle

informe elle-mecircme les membres de sa famille soit elle opte pour la proceacutedure de

linformation meacutedicale agrave caractegravere familial expliciteacutee agrave larticle L 1131-1 du code de la santeacute

publique Les formaliteacutes de la transmission de linformation sont clairement deacutefinies Le

patient qui refuse agrave la fois de preacutevenir les membres de sa famille et de souscrire agrave la proceacutedure

de linformation meacutedicale agrave caractegravere familial ne va-t-il pas engager sa responsabiliteacute (V J-

R Binet La loi relative agrave la bioeacutethique Dr fam oct 2004 6 s)

2 - Donneacutees de santeacute

()

B - Les empreintes geacuteneacutetiques

Les empreintes geacuteneacutetiques moyen didentification des personnes font lobjet dun

encadrement speacutecifique selon le domaine viseacute civil ou peacutenal

1 - En matiegravere civile

1 Lidentification dune personne par ses empreintes geacuteneacutetiques est autoriseacutee par la loi agrave titre

de preuve judiciaire en matiegravere civile elle peut ecirctre ordonneacutee par le juge comme mesure

dinstruction dans certains procegraves mettant en jeu des actions relatives agrave la filiation ou des

14

actions agrave fins de subsides sous reacuteserve du recueil preacutealable expregraves du consentement de

linteacuteresseacute

Une deacutecision de la Cour dappel dAgen du 25 mars 2004 est rendue en application de larticle

16-11 alineacutea 2 du code civil dans le cadre dune action agrave fins de subsides La cour retient que

laquo sil ne peut ecirctre contesteacute que chacun a le droit au respect de son inteacutegriteacute physique larticle

16-11 du code civil preacutevoit expresseacutement lidentification dune personne au moyen de

lempreinte geacuteneacutetique [] raquo A deacutefaut davoir pu obtenir le consentement du deacutefendeur rendu

obligatoire par le mecircme texte la cour retient que si laquo les premiers juges deacutecidaient ainsi

justement que sil ne pouvait pas ecirctre fait grief agrave B de refuser une telle mesure leacutegale il

pouvait ecirctre tireacute toutes les conseacutequences de ce refus [] raquo La solution retenue est classique

Elle vient reacuteaffirmer le poids reconnu au recueil du consentement en matiegravere de respect du

corps humain et de linteacutegriteacute physique cette mesure ne peut ecirctre exeacutecuteacutee de force ou sous

astreinte En cas de refus le reacutegime geacuteneacuteral des mesures dinstruction est applicable en vertu

de larticle 11 alineacutea 1er et 198 du nouveau code de proceacutedure civile

Quen est-il du consentement sagissant de la demande de preacutelegravevement post-mortem

Le deuxiegraveme alineacutea de larticle 16-11 du code civil a eacuteteacute modifieacute par la loi du 6 aoucirct 2004

pour interdire toute identification post-mortem par empreintes geacuteneacutetiques en matiegravere civile

sauf accord expregraves manifesteacute de son vivant par la personne deacuteceacutedeacutee

Cette disposition destineacutee agrave renforcer la prise en compte de la volonteacute de la personne vient

mettre un terme agrave la question du preacutelegravevement post-mortem ordonneacute par une mesure judiciaire

dans le silence de la loi de 1994 la doctrine et la jurisprudence eacutetaient diviseacutees sur

linterpreacutetation agrave donner agrave lancien article 16-11 du code civil que laffaire Montand avait

meacutediatiseacute

Selon une premiegravere approche la reacutedaction de larticle 16-11 exigeait le consentement

preacutealable de la personne concerneacutee et ne pouvait sappliquer degraves lors agrave un deacutefunt le respect

ducirc aux morts sy opposait (CA Paris 17 deacutec 1998 D 1999 Jur p 476 note B Beignier 6

nov 1997 D 1998 Jur p 122 note P Malaurie Somm p 161 obs H Gaumont-Prat P

Malaurie et H Fulchiron Defreacutenois 2004 ndeg 821 p 333)

Selon une seconde approche lobligation de consentir fixeacute par larticle 16-11 ne concernait

que les vivants et il appartenait aux tribunaux den appreacutecier lopportuniteacute sagissant des

personnes deacuteceacutedeacutees (P Catala La jeune fille et le mort Dr fam 1997 Chron ndeg 12 J

Massip Defreacutenois 2002 art 37478)

2 Le juge des reacutefeacutereacutes peut-il ordonner une mesure dinstruction sur le fondement de larticle

145 du nouveau code de proceacutedure civile

Il a deacutejagrave eacuteteacute jugeacute que le juge des reacutefeacutereacutes ne peut sur le fondement de larticle 145 du nouveau

code de proceacutedure civile ordonner une mesure dinstruction tendant agrave lidentification dune

personne par ses empreintes geacuteneacutetiques mecircme avec laccord des parties (TGI Toulouse 25

janv 1995 Gaz Pal 1995 2 p 361 note Olivier CA Riom 19 juin 1997 D 1999 Somm

p 333 obs H Gaumont-Prat)

Avant le vote des lois de bioeacutethique de 1994 en matiegravere de filiation la Cour de cassation

(Cass 1re civ 4 mai 1994 Bull civ I ndeg 159 D 1994 Jur p 545 note J Massip D

1995 Somm p 113 obs F Granet-Lambrechts ) avait admis la possibiliteacute de recourir au

15

reacutefeacutereacute probatoire in futurum preacutevu agrave larticle 145 du nouveau code de proceacutedure civile pour

une expertise sanguine ou geacuteneacutetique degraves lors que se trouvaient respecteacutees les conditions

poseacutees par le texte (absence de procegraves au fond motif leacutegitime recherche ou conservation des

preuves) En lespegravece le demandeur faisait eacutetat de son inteacuterecirct leacutegitime en vue dappreacutecier les

chances de succegraves dune action en contestation de paterniteacute quil souhaitait intenter et

soulignait le risque de deacutepeacuterissement des preuves

Depuis 1994 la leacutegaliteacute dune mesure dinstruction destineacutee agrave eacutetablir la reacutealiteacute biologique de la

filiation gracircce aux empreintes geacuteneacutetiques est soumise agrave certaines conditions larticle 16-11

du code civil issu des lois bioeacutethiques de juillet 1994 se montre plus restrictif et pose

lexigence que la mesure dinstruction soit ordonneacutee par laquo le juge saisi dune action tendant

soit agrave leacutetablissement ou la contestation [] raquo formulation qui semble exclure de ce domaine

la proceacutedure de reacutefeacutereacute car seule une action au fond permettrait au juge dordonner une telle

mesure

Une deacutecision de la Cour dappel de Montpellier rappelle cette diffeacuterence de reacutegime pour

ordonner lexpertise biologique solliciteacutee dans le cadre dune action en reacutefeacutereacute aux motifs que laquo

la mesure dexpertise ne peut porter que sur des preacutelegravevements sanguins et non sur des

empreintes geacuteneacutetiques ces derniegraveres ne pouvant ecirctre ordonneacutees que par le seul juge saisi de

laction conformeacutement agrave larticle 16-11 du code civil raquo

Sachant que lexamen compareacute des sangs permet de donner des reacutesultats relativement fiables

en matiegravere de filiation au moins agrave titre indicatif permettant dappreacutecier les chances de succegraves

dune action en contestation ou en eacutetablissement de paterniteacute on peut degraves lors sinterroger sur

la peacuterenniteacute de cette dualiteacute de reacutegime Ne conviendrait-il pas de modifier les imperfections

reacutedactionnelles de larticle 16-11 alineacutea 2 pour autoriser eacutegalement le recours agrave la proceacutedure

de reacutefeacutereacute

3 La loi ndeg 2004-800 du 6 aoucirct 2004 (art 5) a modifieacute les conditions de lidentification dune

personne par ses empreintes geacuteneacutetiques agrave des fins meacutedicales ou de recherche scientifique

Comme pour lexamen des caracteacuteristiques geacuteneacutetiques agrave larticle 2 il sagit de garantir un

reacutegime du consentement plus protecteur pour les personnes et le texte reprend en partie la

teneur de larticle 16-10 en matiegravere dexamen des caracteacuteristiques geacuteneacutetiques recueil du

consentement expregraves par eacutecrit et preacutealable agrave la reacutealisation de lidentification reacutevocable sans

forme et agrave tout moment consentement eacuteclaireacute par lexigence de la communication de sa

finaliteacute

Le renforcement des droits de la personne saccompagne dun dispositif relatif aux conditions

dagreacutement aux fins de proceacuteder agrave lidentification dune personne agrave des fins meacutedicales ou agrave des

fins de recherche scientifique fixeacute par larticle L 1131-3 issu de la loi du 6 mai 2004

De la mecircme faccedilon un encadrement strict des conditions dagreacutement en matiegravere judiciaire est

mis en place avec le deacutecret ndeg 2004-471 du 25 mai 2004 qui vient modifier le deacutecret ndeg 97-

109 du 6 feacutevrier 1997 relatif aux conditions dagreacutement des personnes habiliteacutees agrave proceacuteder agrave

des identifications par empreintes geacuteneacutetiques dans le cadre dune proceacutedure judiciaire

1 - En matiegravere peacutenale

Un arrecirct de la Chambre criminelle de la Cour de cassation (22 juin 2004 Bull crim ndeg 164)

vient preacuteciser lapplication de larticle 706-56 du code de proceacutedure peacutenale issu de la loi ndeg

2001-1062 du 15 novembre 2001 (art 56 JO du 16 nov 2001) modifieacutee ensuite par la loi ndeg

2003-239 du 18 mars 2003 (art 29 JO du 19 mars 2003) et par la loi ndeg 2004-204 du 9 mars

16

2004 (art 49 JO du 10 mars 2004) en matiegravere dempreintes geacuteneacutetiques aux fins

didentification en matiegravere peacutenale Ce texte preacutevoit que le fait pour une personne

deacutefinitivement condamneacutee pour une des infractions viseacutees agrave larticle 706-55 de refuser de se

soumettre agrave un preacutelegravevement biologique destineacute agrave permettre lanalyse didentification de son

empreinte geacuteneacutetique est passible de sanctions peacutenales En lespegravece un homme condamneacute pour

viol avait refuseacute de se soumettre agrave un preacutelegravevement biologique en vue de son inscription au

fichier des empreintes geacuteneacutetiques et preacutetendait que le texte susviseacute ne sappliquait quaux

personnes deacutefinitivement condamneacutees apregraves son entreacutee en vigueur La cour dappel ne suit pas

cette argumentation et la Cour de cassation rejette le pourvoi aux motifs que ce texte

dapplication immeacutediate concerne toutes les personnes dont un preacutelegravevement est requis mecircme

si la condamnation est anteacuterieure agrave la loi

Les mesures viseacutees par ce texte sinscrivent dans la mise en place et le fonctionnement du

FNAEG le fichier national automatiseacute des empreintes geacuteneacutetiques destineacute notamment agrave

conserver dans un traitement automatiseacute les empreintes geacuteneacutetiques de lensemble des

personnes condamneacutees pour infractions sexuelles (Circ CRIM 00-8 F1 du 10 oct 2000 et

CRIM 01-15 E6 du 20 juill 2001) Un deacutecret ndeg 2004-470 du 25 mai 2004 modifiant le code

de proceacutedure peacutenale (2e partie deacutecrets en Conseil dEtat) relatif au fichier national

automatiseacute des empreintes geacuteneacutetiques vient compleacuteter le dispositif

C - Limage du corps

Limage du corps ou lapparence corporelle est classiquement proteacutegeacutee par le droit agrave limage

deacutecoulant de larticle 9 du code civil consacrant le droit au respect de la vie priveacutee et qualifieacute

de droit de la personnaliteacute (P Kayser in Meacutelanges Roubier p 73 T Hassler note sous TGI

Paris 15 avr 1987 D 1987 Jur p 551 F Dessemontet Le droit agrave sa propre image droit de

la personnaliteacute ou droit de la publiciteacute Meacutelanges en lhonneur de J-M Grossen) Cest le

droit pour toute personne dinterdire aux tiers la reproduction et la publication de son image

Limage du corps peut ecirctre appreacutehendeacutee de maniegravere plus originale par le recours agrave larticle 16

comme sinscrivant dans le domaine du droit au respect du corps humain et essentiellement

dans celui du respect de la digniteacute de la personne humaine On observe que le principe du

droit au respect du corps est proclameacute par le leacutegislateur en des termes semblables agrave ceux de

larticle 9 du code civil visant le respect de la vie priveacutee Il est vrai que laquo corps et vie priveacutee

repreacutesentent les deux faces de lintimiteacute dune personne raquo (J-C Galloux Le corps humain

dans le code civil in 1804-2004 Le code civil Un passeacute un preacutesent un avenir Dalloz 2004

p 381) Le recours agrave la notion de digniteacute de la personne humaine a eacuteteacute solliciteacute degraves 2001 dans

laffaire du preacutefet Erignac pour sanctionner la reproduction dans la presse de limage de son

cadavre (Cass 1re civ 20 deacutec 2000 J-P Gridel Retour sur limage du preacutefet assassineacute

digniteacute de la personne humaine et liberteacute de linformation dactualiteacute D 2001 Chron p 872

Jur p 885 Somm p 1990 obs A Lepage RTD civ 2001 p 329 obs J Hauser JCP

2001 II 10488 note J Ravanas)

1 Une deacutecision de la Cour dappel de Paris (1re ch B 23 sept 2004) consacre cette solution

en retenant que la liberteacute dexpression eacutetant une liberteacute fondamentale agrave valeur

constitutionnelle proteacutegeacutee par la Convention europeacuteenne des droits de lhomme et la

Deacuteclaration des droits de lhomme et du citoyen ses abus peuvent seulement ecirctre poursuivis

au nom dautres principes agrave valeur constitutionnelle comme le droit agrave reacuteparation de tout

preacutejudice subi ou la protection de la digniteacute de lhomme preacutevue par larticle 16 du code civil

2 Une deacutecision de la deuxiegraveme Chambre civile de la Cour de cassation (4 nov 2004) vient

confirmer cette dualiteacute Il sagissait en lespegravece dune photographie dun jeune homme de 17

17

ans gisant inanimeacute et agrave demi deacutevecirctu le visage ensanglanteacute victime dun accident de la

circulation alors quil pilotait un scooter Le clicheacute avait eacuteteacute pris par un hebdomadaire agrave grand

tirage pour illustrer un article intituleacute laquo Routes la guerre oublieacutee raquo consacreacute aux accidents de

la route

Les parents de ladolescent deacuteceacutedeacute des suites de laccident avaient assigneacute la socieacuteteacute eacuteditrice

de lhebdomadaire en reacuteparation arguant dune atteinte agrave la digniteacute de la personne ainsi

repreacutesenteacutee Les juges du fond avaient fait droit agrave la demande aux motifs que la liberteacute

dinformer revendiqueacutee par leacutediteur ne devait pas preacutevaloir sur le respect des droits de

lindividu sagissant dun article consacreacute agrave un pheacutenomegravene de socieacuteteacute La jurisprudence en la

matiegravere consacre en effet la liberteacute de communication des informations ainsi que la

publication dimages de personnes impliqueacutees dans un eacuteveacutenement sagissant deacuteveacutenements

dactualiteacute voire mecircme de faits dactualiteacute (Cass 2e civ 30 juin 2004 D 2004 IR p 2478

JCP 2004 II 10160 note D Bakouche) sous la seule reacuteserve du respect de la digniteacute

humaine (not absence de recherche du sensationnel et toute indeacutecence Cass 1re civ 20

feacutevr 2001 D 2001 Jur p 1199 note J-P Gridel Somm p 1990 obs A Lepage RTD civ

2001 p 329 note J Hauser Dr et patrimoine juin 2001 p 96 note G Loiseau 12 juill

2001 D 2002 Jur p 1380 note C Bigot Somm p 2298 obs L Marino RTD civ 2001

p 852 obs J Hauser JCP 2002 II ndeg 10152 note J Ravanas) Les diffeacuterentes deacutecisions

sont rendues au regard de latteinte agrave la vie priveacutee et du droit agrave limage sur le fondement de

larticle 9 (Cass 2e civ 5 mars 1997 D 1998 Jur p 474 note J Ravanas RTD civ 1997

p 396 obs J Hauser CA Versailles 31 janv 2002 Bull inf C cass 1er oct 2002 ndeg 983

D 2003 Somm p 1533 obs C Caron) voire sur le fondement de larticle 10 de la

Convention europeacuteenne des droits de lhomme (CEDH 3e sect 26 feacutevr 2002 Krone Verlag

c Austria req ndeg 34315)

Dans larrecirct susviseacute la Cour de cassation casse la deacutecision au visa des articles 10 de la

Convention europeacuteenne 9 et 16 du code civil Rappelant que laquo le principe de la liberteacute de la

presse implique le libre choix des illustrations dun deacutebat geacuteneacuteral de pheacutenomegravene de socieacuteteacute

sous la seule reacuteserve du respect de la digniteacute de la personne humaine [] raquo elle reproche agrave la

cour dappel de ne pas avoir laquo caracteacuteriseacute latteinte porteacutee par celle-ci [la photographie

litigieuse] agrave la digniteacute de la victime [] raquo

Le recours agrave larticle 16 du code civil selon lequel laquo la loi interdit toute atteinte agrave la digniteacute raquo

de la personne teacutemoigne de la proximiteacute des notions dimage (traditionnellement inscrite dans

le droit au respect de la vie priveacutee) et dapparence corporelle dont on perccediloit le lien avec la

notion de droit au respect du corps humain gouverneacute par larticle 16-1 prolongeant la

protection plus geacuteneacuterale fondeacutee sur la digniteacute inscrite agrave larticle 16 du code civil Nexiste-t-il

pas degraves lors une veacuteritable attraction de ces deux regravegles Les deux protections coexistent se

complegravetent et devraient favoriser le renforcement de la protection de limage de la personne

II - Le corps ses eacuteleacutements et ses produits

A - Regravegles geacuteneacuterales relatives au statut du corps humain

A leacutepoque contemporaine le corps humain devient de plus en plus un lieu de conflits

Conflits entre des normes juridiques de valeur comparable - autonomie de la volonteacute contre

solidariteacute sociale digniteacute des personnes contre liberteacute de la science - mais eacutegalement et de

maniegravere plus fondamentale conflits susciteacutes par des approches philosophiques et morales

diffeacuterentes sinon opposeacutees du corps humain Approches judeacuteo-chreacutetiennes qui le sacralisent

en linscrivant dans le mystegravere de lincarnation mateacuterialistes qui en nient la transcendance

utilitaristes precirctes agrave le sacrifier pour le bien-ecirctre collectif libertaires ou heacutedonistes qui

exaltent la liberteacute de lindividu agrave lencontre des contingences biologiques ou nen font que

18

linstrument de satisfaction des deacutesirs Le droit biomeacutedical se ressent de ces laquo oscillations de

la morale raquo (J Carbonnier Droit et passion du droit sous la Ve Reacutepublique Flammarion

1996 p 116) au risque de perdre peu agrave peu sa coheacuterence En teacutemoigne lapplication parfois

heacutesitante parfois jupiteacuterienne et souvent gecircneacutee des principes geacuteneacuteraux qui gouvernent le

statut du corps humain la protection de linteacutegriteacute corporelle et surtout lindisponibiliteacute ou

lextra-commercialiteacute du corps

1 - Protection de linteacutegriteacute corporelle

1 La loi du 6 aoucirct 2004 a modifieacute larticle 16-3 du code civil en ajoutant agrave la neacutecessiteacute laquo

meacutedicale raquo justifiant latteinte agrave linteacutegriteacute corporelle laquo agrave titre exceptionnel dans linteacuterecirct

theacuterapeutique dautrui raquo (art 9) Cette nouvelle extension de laccegraves aux ressources

biologiques corporelles au deacutetriment des droits de lindividu sur son corps (la premiegravere a eacuteteacute

consacreacutee par la loi ndeg 99-641 du 27 juill 1999 art 70 qui avait deacutejagrave substitueacute au terme laquo

theacuterapeutique raquo celui de laquo meacutedicale raquo afin de contrer linterpreacutetation neacutecessairement eacutetroite

quen avait fait la Cour de cassation dans son avis du 6 juill 1998 [D 1998 IR p 208 RTD

civ 1998 p 881 obs J Hauser] consideacuterant contraires agrave lart 16-3 les atteintes agrave linteacutegriteacute

du corps meneacutees agrave des fins purement contraceptives comme la ligature des trompes de Fallope

de telles atteintes sont deacutesormais licites car obeacuteissant agrave une finaliteacute meacutedicale mecircme si elles

tendent plus agrave preacutevenir ou agrave gueacuterir une maladie une grossesse neacutetant par elle-mecircme une

maladie) a davantage pour but dharmoniser les dispositions du code civil et celles du code de

la santeacute publique les preacutelegravevements reacutealiseacutes aux fins de greffes sur autrui ne pouvaient

certainement pas entrer dans les preacutevisions du texte dans sa reacutedaction anteacuteceacutedente Avec

lextension continue de la cateacutegorie des donneurs vivants (afin de pallier le deacuteficit chronique

de greffons en France cf infra) cette disposition est promise agrave un bel avenir (JOAN CR 2e

seacuteance 16 janv 2002)

2 Le titre III de la loi du 6 aoucirct 2004 apporte par ailleurs des modifications importantes agrave

larchitecture des preacutelegravevements deacuteleacutements du corps humain et par voie de conseacutequence aux

conditions dans lesquelles il peut ecirctre porteacute atteinte agrave linteacutegriteacute corporelle des donneurs

- lacte de preacutelegravevement est deacutesormais qualifieacute dlaquo acte de soin raquo au sens des articles L 1142-1

et suivants du code de la santeacute publique relatifs aux risques sanitaires reacutesultant du

fonctionnement du systegraveme de santeacute issus de la loi du 4 mars 2002 ce qui devrait ameacuteliorer

lindemnisation des victimes en cas daccident lors du preacutelegravevement

- le cercle des donneurs est eacutelargi (art L 1231-1 al 1er c santeacute publ)

- les modaliteacutes de recueil du consentement sont renforceacutees (mecircme art al 3)

- les finaliteacutes des preacutelegravevements sont mieux deacutefinies (par ex pour le sang art L 1211-8-1 c

santeacute publ) le patient pouvant controcircler une nouvelle utilisation des eacuteleacutements preacuteleveacutes

initialement pour dautres buts (not art L 1241-1 c santeacute publ) Les patients peuvent

eacutegalement sopposer agrave lutilisation des produits dexeacuteregravese et du placenta (art L 1235-2 et

1245-2 c santeacute publ) Pour les preacutelegravevements sur personne deacuteceacutedeacutee la regravegle mal veacutecue et

contourneacutee du consentement est ameacutelioreacutee obligeant le meacutedecin agrave recueillir aupregraves de ses

proches une eacuteventuelle opposition exprimeacutee par le deacutefunt de son vivant (art L 1232-1 c

santeacute publ) les proches se voyant reconnaicirctre le droit de connaicirctre les preacutelegravevements effectueacutes

3 Nonobstant les appels aux dons la peacutenurie de greffons saggrave en France selon

lEtablissement franccedilais des greffes qui constate une baisse des preacutelegravevements dorganes

(communiqueacute du 8 avr 2004) ce qui conduit lAcadeacutemie de meacutedecine agrave reacuteclamer de

19

nouvelles modifications reacuteglementaires afin dassouplir les regravegles de seacutelection des donneurs

(communiqueacute du 11 mai 2004) Cette situation ne doit toutefois pas conduire agrave des

discriminations ignoreacutees de la reacuteglementation sanitaire et contraires agrave notre tradition juridique

larrecirct du Conseil dEtat du 30 avril 2004 sen fait leacutecho En lespegravece un ressortissant

marocain en situation irreacuteguliegravere atteint dune grave insuffisance reacutenale chronique et inscrit

sur la liste des receveurs de greffes dorganes en vue dune transplantation reacutenale se voit

notifier une mesure de reconduite agrave la frontiegravere sur le fondement de larticle 25 de

lordonnance du 2 novembre 1945 Larrecircteacute deacutecidant cette reconduite est annuleacute comme

entacheacute dune erreur manifeste dappreacuteciation des conseacutequences de cet arrecircteacute sur la situation

personnelle de linteacuteresseacute car il ne pouvait pas beacuteneacuteficier dune opeacuteration de transplantation

dans son pays dorigine Peut-on voir dans cette solution tregraves humaine une application preacutecoce

du principe nouvellement inscrit dans le nouvel article L 1231-1 A c) du code de la santeacute

publique qui impose le respect du principe deacutequiteacute dans les regravegles de reacutepartition et

dattribution des greffons

4 La question des soins imposeacutes suscite toujours des questions deacutelicates autant sur un plan

humain quun plan juridique Le droit pour le patient majeur de donner lorsquil se trouve en

leacutetat de lexprimer son consentement agrave un traitement meacutedical comme le rappelle lalineacutea 2 de

larticle 16-3 revecirct le caractegravere dune liberteacute fondamentale (CE ord reacutef 16 aoucirct 2002 D

2004 Somm p 602 obs J Penneau RTD civ 2002 p 781 obs J Hauser) Larticle L

1111-4 du code de la santeacute publique tel quissu de la loi du 4 mars 2002 sur le droit des

malades prescrit que le pouvoir de deacutecision sexerce avec le professionnel de santeacute compte

tenu des informations et des preacuteconisations quil lui fournit le meacutedecin ne dispose plus

deacutesormais que dun pouvoir de conseil qui lui interdit de passer outre la volonteacute du patient

mecircme en cas durgence vitale Le meacutedecin doit respecter la volonteacute de la personne apregraves

lavoir informeacutee des conseacutequences de ses choix (il nest dailleurs pas obligeacute de la convaincre

Cass 1re civ 18 janv 2000 D 2001 Jur p 3559 note M-L Mathieu-Izorche) aucun acte

ni aucun traitement ne peut ecirctre pratiqueacute sans le consentement libre et eacuteclaireacute de la personne

consentement quelle peut retirer agrave tout moment Toutefois parmi les soins imposeacutes les

obligations de vaccination tiennent une place particuliegravere Bien accepteacutees par le public

lorsquelles furent introduites pour lutter contre des eacutepideacutemies dont chacun pouvait mesurer

autour de soi les effets deacutevastateurs (la premiegravere vaccination obligatoire remonte agrave la loi du 15

feacutevr 1902 F Moderne Le reacutegime juridique des vaccinations obligatoires AJDA 1965 p

195) ces mesures autoritaires encore nombreuses (contre la diphteacuterie art L 3111-1 c santeacute

publ le teacutetanos art L 3111-2 c santeacute publ la poliomyeacutelite art L 3111-3 c santeacute publ

la tuberculose art L 3111-4 c santeacute publ) sont aujourdhui contesteacutees au nom de la liberteacute

individuelle alors que ces grandes pandeacutemies ont peu agrave peu replieacute leurs ailes de mort sur

notre pays du moins Dans un arrecirct dAssembleacutee du 3 mars 2004 (Association Liberteacute

Information Santeacute RFDA 2004 p 581 concl comm du gouv G Le Chatelier AJDA

2004 p 971) le Conseil dEtat a eu loccasion de preacuteciser les pouvoirs reacuteglementaires dont

peut disposer le ministre de la Deacutefense pour imposer certaines vaccinations obligatoires

contrairement aux conclusions du commissaire du gouvernement il a admis que le ministre de

la Deacutefense en tant que chef de service peut imposer des vaccinations aux militaires placeacutes

sous son autoriteacute Si le principe dinteacutegriteacute du corps ne constitue pas en lui-mecircme un principe

agrave valeur constitutionnelle il concourt toutefois agrave assurer le respect du principe constitutionnel

de sauvegarde de la digniteacute de la personne humaine (Cons const 27 juill 1994 RJC p 100

B Edelman Le Conseil constitutionnel et lembryon D 1995 Chron p 205 Jur p 237 note

B Mathieu Somm p 299 obs L Favoreu) Cette expression essentielle et incarneacutee de la

liberteacute individuelle doit ecirctre concilieacutee avec des impeacuteratifs sociaux de santeacute dont la valeur nest

pas moindre La Haute juridiction administrative avait deacutejagrave eu loccasion de preacuteciser que les

20

dispositions imposant des vaccinations obligatoires si elles ont pour effet de porter une

atteinte limiteacutee aux principes dinviolabiliteacute et dinteacutegriteacute du corps humain voient leur mise en

oeuvre justifieacutee dans le but dassurer la protection de la santeacute dont le principe se trouve garanti

par le Preacuteambule de la Constitution de 1946 et sont proportionneacutees agrave cet objectif (CE 26 nov

2001 ALIS req ndeg 222741 RFDA 2002 p 65 concl comm du gouv S Boissard) Cest

normalement agrave la loi quil revient darbitrer entre ces deux principes Dans une autre affaire

(CA Pau 19 mars 2002 Dr fam 2004 ndeg 137 obs M S) des parents avaient eacuteteacute

condamneacutes agrave des peines contraventionnelles pour avoir soustrait leurs enfants agrave lobligation

vaccinale pour des raisons religieuses Ces deacutecisions ont eacuteteacute rendues alors que la loi du 4 mars

2002 sur le droit des patients neacutetait pas entreacutee en vigueur le renforcement de la liberteacute du

patient serait-elle de nature agrave assouplir les obligations vaccinales La jurisprudence de la

Cour europeacuteenne des droits de lhomme semble aller en ce sens (CEDH 9 juill 2002 ndeg

4219798 Salvetti c Italie une vaccination obligatoire en tant que traitement meacutedical non

volontaire constitue une ingeacuterence dans le droit au respect de la vie priveacutee reconnu par lart 8

sect 1 Conv EDH) Quil nous soit permis deacutemettre des reacuteserves sauf agrave ruiner toute la politique

de preacutevention mise en place par les autoriteacutes sanitaires depuis un siegravecle et dont les effets

salutaires ne sont pas contestables la reacutesistance des juridictions administratives qui sous-tend

larrecirct dAssembleacutee rapporteacute face aux derniers avatars dun certain extreacutemisme libertarien

dont le corps devient le bastion (pour un bon exposeacute de ces thegraveses Onfray Feacuteeacuteriques

anatomiques geacuteneacutealogie du corps faustien Grasset-Fasquelle 2003) montre que lhypothegravese

est ici bien diffeacuterente dun simple refus de soin comme dans le cas des transfusions elles ne

mettent en jeu que la vie du patient (sur cette derniegravere question B Mathieu De la difficulteacute

de choisir entre la liberteacute et la vie RGDM 2003 ndeg 9 p 97 A Garay Volonteacutes et liberteacutes

dans la relation meacutedecin-malade la mise agrave leacutepreuve des articles 16-3 du code civil et L

1111-4 du code de la santeacute publique RGDM 2003 ndeg 10 p 143)

5 Moins sujet agrave deacutebat larrecirct rendu par la Cour europeacuteenne (22 juill 2003 req ndeg 2420994

RD publ 2004 ndeg 3 p 826 note C Picheral) qui condamne la Turquie pour ingeacuterence dans

le droit au respect de la vie priveacutee reconnu par larticle 8 sect 1 de la Convention europeacuteenne

Dans cette affaire la plaignante avait subi un examen gyneacutecologique forceacute destineacute agrave prouver

agrave lissue de sa garde agrave vue quelle navait pas subi de violences sexuelles La Cour europeacuteenne

qui integravegre deacutesormais le respect du corps humain dans la sphegravere de la vie priveacutee fait ici une

application logique de larticle 8 dans la ligne de la jurisprudence preacuteceacutedemment citeacutee

2 - Indisponibiliteacute et extra-patrimonialiteacute du corps humain

6 Le principe dextra-patrimonialiteacute du corps humain se trouve repris par les articles 16-1

alineacutea 3 16-5 et 16-6 du code civil quil est parfois difficile de distinguer du principe

dindisponibiliteacute du corps humain que la jurisprudence fonde sur larticle 1128 du mecircme code

(Cass ass pleacuten 31 mai 1991 D 1991 Jur p 417 rapp Y Chartier note D Thouvenin) Si

la qualification dindisponibiliteacute a eacuteteacute eacutecarteacutee du vocabulaire des lois de 1994 et de 2004

comme par la doctrine dominante pour cause dambiguiumlteacute (D Fenouillet Respect et protection

du corps humain J-Cl civil art 16 agrave 16-12 fasc 12 ndeg 134 s) la jurisprudence y revient

parfois pour affirmer que le corps nest pas une chose dans le commerce Larrecirct de la Cour

dappel de Paris du 16 mai 2003 reacuteforme sur ce point un jugement du Tribunal des affaires de

seacutecuriteacute sociale de Paris du 5 juillet 2001 qui avait agrave tort exoneacutereacute une prostitueacutee du paiement

de la cotisation dallocations familiales des travailleurs indeacutependants au motif quanalyser une

activiteacute sexuelle reacutemuneacutereacutee comme un travail reviendrait agrave admettre que le commerce du

corps humain est leacutegal alors que leacutegaliser ce commerce aboutit agrave nier et agrave rejeter le principe

dindisponibiliteacute du corps humain La cour rappelle agrave bon droit que le commerce des relations

sexuelles nest pas en soi illicite seules eacutetant interdites certaines conditions dexercice de cette

21

activiteacute en tant quelles conduiraient aux infractions de racolage et de proxeacuteneacutetisme Affirmer

que lactiviteacute en cause na aucun lien avec lindisponibiliteacute du corps humain a quelque chose

de surreacutealiste le fait quelle ne soit pas peacutenalement reacuteprimeacutee nempecircche pas le caractegravere

illicite du contrat passeacute entre la prostitueacutee et son client (dans ce sens pour la nulliteacute dune

assurance souscrite par un proxeacutenegravete contre les accidents corporels freacutequents dans ce genre

dactiviteacutes CA Paris 22 janv 1992 Juris-Data ndeg 020308) Reste la justification de la

deacutecision par la relative autonomie du droit des prestations sociales larticle R 241-2 du code

de la seacutecuriteacute sociale vise toutes les activiteacutes non salarieacutees mecircme de caractegravere accessoire La

Chambre sociale de la Cour de cassation a deacutejagrave admis la prostitution au titre de ces activiteacutes

(18 mai 1995 D 1996 Somm p 38 obs X Preacutetot) eacutecarter les activiteacutes de prostitution de

lassiette des cotisations sociales ne serait-ce pas les encourager davantage au risque pour

lEtat de reprendre agrave son compte le ceacutelegravebre adage de Vespasien

7 Nous rappellerons encore larrecirct rendu par la premiegravere Chambre civile le 9 deacutecembre 2003

confirmant le rejet de ladoption pleacuteniegravere par la femme du pegravere dune enfant qui est le fruit

dune convention de megravere porteuse Lamie dun couple steacuterile avait accepteacute en 1987

dabandonner agrave sa naissance sans indication de filiation maternelle lenfant conccedilu des relations

intimes quelle avait eues avec leacutepoux La demanderesse au pourvoi soutenait que lilliceacuteiteacute de

la convention neacutetait pas eacutetablie par la jurisprudence et par la loi au moment des faits et quil

fallait prendre en consideacuteration pour ladoption pleacuteniegravere les douze anneacutees passeacutees par lenfant

aupregraves delle les inteacuterecircts de ce dernier primant la neacutecessiteacute de sanctionner la convention La

Cour de cassation confirmant sa jurisprudence du 31 mai 1991 (preacutec) et du 29 juin 1994 (D

1994 Jur p 581 note Y Chartier) rappelle laquo que la materniteacute pour autrui dont le caractegravere

illicite se deacuteduit des principes geacuteneacuteraux du code civil et aujourdhui de son article 16-7

reacutealise un deacutetournement de linstitution de ladoption que les premiers juges ont agrave bon droit

refuseacute raquo Prudemment la Haute juridiction neacutevoque pas la notion dindisponibiliteacute cet laquo

imaginaire de la doctrine raquo (M Gobert Reacuteflexions sur les sources du droit et les principes

dindisponibiliteacute du corps humain et de leacutetat des personnes RTD civ 1992 p 489) pour se

contenter logiquement de viser larticle 16-7 qui a vocation agrave sappliquer mecircme si le contrat

reste secret la graviteacute du vice initial de la materniteacute pour autrui contaminant toute adoption

ulteacuterieure

8 Le Tribunal administratif dAmiens dans sa deacutecision du 9 mars 2004 fait une application

discutable de la notion dextra-commercialiteacute des eacuteleacutements et des produits du corps humain

dans une hypothegravese ougrave cette qualification ne devait pas jouer Un couple perd ses embryons

congeleacutes in vitro en raison de la deacutefaillance du mateacuteriel de conservation imputable agrave un

eacutetablissement hospitalier Peut-il se preacutevaloir dun preacutejudice indemnisable dans le cadre de

laction en responsabiliteacute quil engage contre cet eacutetablissement La juridiction administrative

saisie admet la responsabiliteacute de la personne publique le mateacuteriel de conservation lui

appartenant eacutetant en cause mais sur la question de la reacuteparation du preacutejudice subi reacutepond de

maniegravere surprenante laquo si les eacutepoux peuvent se preacutevaloir de lexistence dun preacutejudice

mateacuteriel reacutesultant de la perte dovocytes les dispositions de larticle 16-1 du code civil selon

lesquelles le corps humain ses eacuteleacutements et ses produits ne peuvent faire lobjet dun droit

patrimonial sopposent agrave ce quils puissent en demander la reacuteparation en argent raquo et il

poursuit laquo les ovocytes surnumeacuteraires neacutetant pas des personnes ils ne sont pas fondeacutes agrave se

preacutevaloir dun preacutejudice moral reacutesultant selon eux de la perte decirctres chers raquo Le couple se

voit toutefois allouer 10 000 euros de dommages-inteacuterecircts pour les laquo troubles divers raquo dans

leurs conditions dexistence Si les ovocytes ne sont pas eacutevaluables en argent et si leur perte ne

peut donc pas justifier un preacutejudice mateacuteriel il nen va pas de mecircme dun preacutejudice moral

causeacute par leur perte (la perte dun animal domestique le justifie en droit civil ) et surtout le

22

preacutejudice reacutesultant de la perte dune chance de devenir parents pour un couple deacutejagrave acircgeacute et qui

rencontre des difficulteacutes pour procreacuteer degraves lors quaurait pu ecirctre eacutetablie la disparition par

leffet de la faute imputeacutee agrave leacutetablissement hospitalier de leacuteveacutenement favorable la

probabiliteacute de la naissance dun enfant (en droit meacutedical G Meacutemeteau Gaz Pal 1997 2

Doctr p 1367) La juridiction administrative a manqueacute une occasion de faire avancer le droit

biomeacutedical dans une affaire inattendue et hautement symbolique

B - Reacuteglementation des eacuteleacutements et les produits du corps

Prenant appui sur les principes geacuteneacuteraux gouvernant le statut du corps humain le reacutegime

juridique des eacuteleacutements et des produits biologiques dorigine humaine peut toutefois preacutesenter

des particulariteacutes

1 - La greffe de visage

9 Le Comiteacute consultatif national deacutethique dans son avis ndeg 82 du 6 feacutevrier 2004 eacutemet un

avis deacutefavorable au preacutelegravevement du visage dune personne deacuteceacutedeacutee ou en langage meacutedical agrave

lallotransplantation de tissus composites En deacutepit des besoins eacutevidents pour la chirurgie

reconstructive des victimes deacutefigureacutees agrave la suite daccidents ou de suicides manqueacutes le

Comiteacute consultatif considegravere que des obstacles dirimants subsistent actuellement pour

ladmission dun tel preacutelegravevement les perspectives de laquo reacuteussite raquo dune telle opeacuteration

demeurent tregraves theacuteoriques les risques de rejet des greffons eacutetant laquo extrecircmement graves raquo il

paraicirct par ailleurs fort deacutelicat de solliciter lautorisation de la famille du deacuteceacutedeacute pour effectuer

les preacutelegravevements la signification eacutethique particuliegravere du visage humain son lien intime agrave la

personnaliteacute et agrave lidentiteacute en font davantage quune piegravece anatomique Cette prudence sinscrit

dans le cadre des principes traditionnels du droit meacutedical la technique envisageacutee relevant

pour lheure davantage de lexpeacuterimentation que de la theacuterapeutique

2 - Les banques de sang de cordon ombilical

10 Les cellules heacutematopoiumleacutetiques preacutesentes dans le sang du cordon ombilical peuvent ecirctre

utiliseacutees pour le traitement de certaines maladies geacuteneacutetiques elles peuvent notamment

repeupler la moelle osseuse du patient et constituer une source de cellules sanguines offrant

ainsi une solution alternative agrave la greffe de moelle osseuse Des banques de ces cellules ont

eacuteteacute creacuteeacutees dans des institutions hospitaliegraveres et plus reacutecemment dans le secteur priveacute Ces

activiteacutes pour certaines agrave but lucratif suscitent eacutevidemment des questions juridiques et

eacutethiques Le Comiteacute national sest en France pencheacute sur ce problegraveme (avis ndeg 74 du 12 deacutec

2002) de mecircme que divers organismes de santeacute europeacuteens Le Groupe europeacuteen deacutethique

institueacute aupregraves du preacutesident de la Commission europeacuteenne a consacreacute agrave ce point son avis ndeg

16 rendu le 16 mars 2004 En substance les sages du Groupe europeacuteen critiquent vivement

louverture de cette activiteacute au secteur commercial degraves lors que les banques priveacutees noffrent

pas un laquo service utile en termes de possibiliteacutes theacuterapeutiques raquo (pt 21) et meacuteritent decirctre

eacutetroitement encadreacutees comme elles le seraient dailleurs en France Dun point de vue plus

geacuteneacuteral ces banques priveacutees de sang ombilical qui demeurent en veacuteriteacute assez marginales

posent la question des activiteacutes commerciales dans les secteurs sensibles de la santeacute qui nest

pas reacutesolue de maniegravere uniforme au sein de lUnion europeacuteenne Ladoption de

reacuteglementations telles que la directive CE ndeg 2004-23 du 31 mars 2004 concernant les aspects

de seacutecuriteacute et de qualiteacute pour les diffeacuterentes opeacuterations relatives aux eacuteleacutements biologiques

dorigine humaine va dans le sens de cette harmonisation

3 - Les normes europeacuteennes de qualiteacute et de seacutecuriteacute concernant les diffeacuterentes opeacuterations

relatives aux tissus et aux cellules humains

11 La directive CE ndeg 2004-23 du 31 mars 2004 constitue un texte important dans un secteur

ougrave lharmonisation communautaire tardait nonobstant le maillage reacuteglementaire existant en

23

matiegravere de meacutedicaments agrave usage humain (Dir CE ndeg 2001-83 du 6 nov 2001) Le texte

sapplique essentiellement aux eacuteleacutements biologiques destineacutes agrave lhomme ou agrave la fabrication de

produits manufactureacutes y compris pour des buts cosmeacutetiques agrave lexception des produits

destineacutes agrave des greffes autologues dans le cadre dune intervention chirurgicale unique du sang

et des produits sanguins (Dir CE ndeg 2002-98 du 27 janv 2002) des organes ou des parties

dorganes utiliseacutes aux mecircmes fins que lorgane entier dans le corps humain Les utilisations agrave

des fins de recherche sont eacutegalement exclues La directive sapplique en revanche aux gamegravetes

et aux cellules souches embryonnaires mais laisse aux Etats membres la faculteacute den autoriser

lutilisation Dune maniegravere geacuteneacuterale le texte communautaire nimpose pas de modegravele eacutethique

mais des obligations techniques dans un but de seacutecuriteacute sanitaire comprenant notamment la

mise en place dun systegraveme qualiteacute et de traccedilabiliteacute la deacutesignation dune personne responsable

mais il insiste cependant sur la gratuiteacute des dons et les exigences en matiegravere de consentement

La transposition qui ne devrait pas affecter de maniegravere sensible le cadre juridique franccedilais

actuel doit intervenir avant le 7 avril 2006

4 - Les cellules souches embryonnaires

12 Moins de deux mois apregraves ladoption de la reacutevision des lois bioeacutethiques et en application

de larticle 37 du nouveau texte qui autorise agrave titre transitoire avant la mise en place de

lAgence de la Biomeacutedecine les ministres concerneacutes agrave permettre limportation agrave des fins de

recherche de cellules souches embryonnaires humaines un deacutecret et un arrecircteacute (JO ndeg 228 du

30 sept 2004 p 16804) du 28 septembre 2004 viennent dy proceacuteder Les recherches sur ces

cellules fort contesteacutees il y a encore peu puisque la preacuteceacutedente autorisation dimportation de

cellules souches dorigine embryonnaire avait fait lobjet dun contentieux (TA Paris 21 janv

2003 D 2004 Somm p 532 obs H Gaumont-Prat LPA 2003 ndeg 196 p 7 note B

Pauvert) entrent donc rapidement dans la reacutealiteacute Ces souches importeacutees seront rapidement

supplanteacutees par pregraves de 50 000 embryons congeleacutes en France dont les geacuteniteurs ont renonceacute agrave

ce quils accegravedent agrave la naissance et qui vont pouvoir prochainement servir de mateacuteriel

dexpeacuterimentation comme la loi nouvelle lautorise deacutesormais

Mots cleacutes

PERSONNE HUMAINE Panorama 2004

Gazette du Palais 29 mai 2004 ndeg 150 P 15 - Tous droits reacuteserveacutes

Famille - Personnes

040412

ADOPTION Adoption pleacuteniegravere - Enfants pouvant faire lobjet dune adoption - Enfant neacute dune megravere

porteuse (non)

La materniteacute pour autrui dont le caractegravere illicite se deacuteduit des principes geacuteneacuteraux du Code

civil et aujourdhui de son article 16-7 reacutealise un deacutetournement de linstitution de ladoption

que les juges du fond ont donc agrave bon droit refuseacute de prononcer sans violer aucun des textes

invoqueacutes

C cass 1re civ 9 deacutecembre 2003 Mme X c Procureur geacuteneacuteral pregraves le Cour dappel de Y-

Pourvoi ndeg 0103927 Q - Rejet (C app Paris 1er feacutevrier 2001) - gr ndeg 1644P

NOTE

Reacuteiteacuteration de linterdiction dune adoption lieacutee agrave une procreacuteation pour le compte

dautrui -

24

Larrecirct rendu le 9 deacutecembre 2003 ne surprendra pas puisquil sinscrit dans la ligne traceacutee par

la Cour de cassation depuis 1989 confirmeacutee par la loi du 29 juillet 1994 relative au respect du

corps humain

En lespegravece Georges D et Denise M seacutetaient marieacutes le 15 deacutecembre 1962 et avaient eu un

enfant Fabrice neacute le 11 novembre 1966 Leacutepouse nayant pu avoir un deuxiegraveme enfant

pourtant vivement souhaiteacute le couple se serait adresseacute agrave une laquoamieraquo qui aurait accepteacute davoir

des relations intimes avec Georges D jusquagrave ce quelle conccediloive un enfant quil eacutetait convenu

de laisser degraves sa naissance au pegravere et agrave son eacutepouse

Cest ainsi que serait neacutee Sarah le 4 juillet 1987 qui fut deacuteclareacutee sur les registres de leacutetat civil

sans indication de filiation maternelle reconnue par Georges D puis recueillie aussitocirct par

celui-ci et son eacutepouse Cette derniegravere avait pris la preacutecaution de seacuteloigner de son domicile

pendant les derniers mois du deacuteveloppement in utero de lenfant afin que la substitution

maternelle soit ignoreacutee de lentourage des deux eacutepoux

Il sagissait donc bien selon les propres dires de Georges et Denise D dune materniteacute pour

autrui sans recours aux techniques modernes de procreacuteation meacutedicalement assisteacutee selon un

processus agrave la fois naturel et vieux comme le monde (1)

En janvier 1999 Denise D a saisi le Tribunal de grande instance dune requecircte en adoption

pleacuteniegravere de la fille de son mari

Le Tribunal par jugement du 8 deacutecembre 1999 puis la Cour dappel de Paris par arrecirct du 1er

feacutevrier 2001 ont rejeteacute sa demande au motif quen application des art 6 et 1128 C civ la

convention par laquelle une femme sengage agrave concevoir et agrave porter un enfant pour

labandonner agrave sa naissance est nulle car elle contrevient tant au principe dordre public de

lindisponibiliteacute du corps humain quagrave celui de lindisponibiliteacute de leacutetat des personnes et que

ladoption envisageacutee neacutetait que lultime phase dun processus illicite constitutif dun

deacutetournement de linstitution de ladoption

On reconnaicirctra lagrave les formules mecircmes employeacutees par la Cour de cassation notamment dans

son arrecirct dassembleacutee pleacuteniegravere du 31 mai 1991 (2) Il nest donc pas eacutetonnant que la Cour

suprecircme ait rendu un arrecirct de rejet dautant plus que sa jurisprudence a eacuteteacute conforteacutee par le

nouvel art 16-7 inseacutereacute dans le Code civil par la loi ndeg 94-653 du 29 juillet 1994 (3) qui

dispose que toute convention portant sur la procreacuteation ou la gestation pour le compte dautrui

est nulle

La Cour de cassation a bien entendu viseacute expresseacutement ce texte nouveau mais elle a tenu agrave

rappeler que le caractegravere illicite se deacuteduisait aussi des principes geacuteneacuteraux du Code civil

faisant ainsi implicitement reacutefeacuterence aux art 6 et 1128 de ce Code sur lesquels elle avait

preacuteceacutedemment fondeacute sa position

Le moyen de cassation tentait deacutechapper agrave la jurisprudence de la Cour suprecircme en se fondant

sur les circonstances de lespegravece et notamment sur le fait que la requecircte en adoption navait

eacuteteacute formeacutee que douze anneacutees apregraves la naissance de lenfant de sorte que lindivisibiliteacute entre la

materniteacute pour autrui et ladoption ne serait pas caracteacuteriseacutee Mais la Cour dappel avait

reacutepondu agrave cette argumentation en eacutenonccedilant que labandon de lenfant agrave naicirctre objet de

lobligation contracteacutee par la megravere biologique eacutetait destineacute agrave permettre que lenfant reconnu

par Georges D puisse ecirctre adopteacute par son eacutepouse et en soulignant que celle-ci avait dans le

mecircme but accepteacute linseacutemination dune autre femme par les gamegravetes de son mari et quelle

avait participeacute activement au processus en prenant toutes preacutecautions pour que la substitution

de materniteacute soit ignoreacutee des tiers

Denise D soutenait en outre que linteacuterecirct de lenfant retenu tant par lart 353 C civ que par

les art 3 et 21 de la Convention internationale des droits de lenfant devait primer sur le souci

de sanctionner lilliceacuteiteacute de la convention qui avait preacutesideacute agrave sa conception et agrave sa naissance

La Cour de cassation ne sest pas arrecircteacutee agrave cette argumentation pas plus quelle ne sy eacutetait

arrecircteacutee en 1991 pour elle lensemble de lopeacuteration est indivisible le deacutetournement de

25

linstitution de ladoption est caracteacuteriseacute et il convient de lutter contre la politique du fait

accompli (4) Laccepter au nom de linteacuterecirct de lenfant ne conduirait-il pas comme on la

souligneacute en doctrine (5) agrave admettre le commerce des enfants sous preacutetexte que bien souvent

ceux-ci y trouveraient beacuteneacutefice

(1) Selon la Bible Sarah eacutepouse dAbraham ne pouvant avoir denfant de lui lenvoya aupregraves

de son esclave eacutegyptienne Agar dont il eut un fils Ismaeumll Agar fut renvoyeacutee avec celui-ci

lorsque Sarah tregraves acircgeacutee mit au monde Isaac le fils de la promesse

Cest sans doute une coiumlncidence si nous trouvons aussi dans notre affaire une laquoSarahraquo qui

tient il est vrai un rocircle tout diffeacuterent de celui deacutevolu agrave son homonyme biblique

Lhistoire reacutevegravele eacutegalement des cas relativement freacutequents ougrave pour pallier agrave la steacuteriliteacute du

mari et pour permettre la continuation de la ligneacutee et la perpeacutetuation dun nom ou dun titre un

laquovaletraquo - souvent ensuite renvoyeacute - eacutetait chargeacute de feacuteconder leacutepouse Le proceacutedeacute eacutetait

juridiquement parfait dans la mesure ougrave par le jeu de la preacutesomption de paterniteacute le mari

devenait leacutegalement le pegravere de lenfant

(2) Cass ass pleacuten 31 mai 1991 Bull civ 1991 ndeg 4 Gaz Pal Rec 1991 panor cass p

162 [912144] D 1991 jur p 417 rapport Y Chartier note G Thouvenin JCP 1991 II

21752 comm J Bernard concl H Dontenwille note F Terreacute Defreacutenois 1991 art 35088

ndeg 67 p 948 obs J Massip RTD civ 1991 517 obs D Huet-Weiller Dans le mecircme sens

v Cass civ 1re 29 juin 1994 Bull civ 1994 I ndeg 226 Gaz Pal Rec 1995 jur p 36 note

J B [943856] D 1994 jur p 581 note Y Chartier JCP 1995 II 223621 note J Rubellin-

Devichi RTD civ 1994 p 842 obs J Hauser Defreacutenois 1995 art 36024 ndeg 4 p 315

obs J Massip

V aussi Cass civ 1re 13 deacutecembre 1989 Bull civ 1989 I ndeg 387 Gaz Pal Rec 1990

panor cass p 66 [901122] D 1990 jur p 273 rapport J Massip Defreacutenois 1990 art

34802 ndeg 55 p 743 obs J-L Aubert et art 34815 p 862 rapport J Massip et JCP 1990 II

21526 note A Seriaux Dans cette affaire la Cour de cassation avait proclameacute par des motifs

analogues agrave ceux adopteacutes par les arrecircts de 1991 et 1994 le caractegravere illicite de la materniteacute

pour autrui et des associations qui sefforcent de la promouvoir

(3) Sur cette loi v notamment notre commentaire in Defreacutenois 1975 art 35975 et 35922

speacutecialement en ce qui concerne lart 16-7 C civ le ndeg 9 de cette eacutetude p 72

(4) Sur ces divers points v notre note preacuteciteacutee sous Cass ass pleacuten 31 mai 1991

(5) Obs J Hauser sous larrecirct rendu le 1er feacutevrier 2001 par la Cour dappel de Paris dans le

preacutesente affaire in RTD civ 2001 347

AD2008DEF0291N1

Reacutepertoire du Notariat Defreacutenois 15 feacutevrier 2008 ndeg 3 P 291 - Tous droits reacuteserveacutes

FILIATION

38717 La convention de megravere porteuse

(Reacuteflexions sur les sources du droit et les principes dindisponibiliteacute du corps humain et de leacutetat des personnes)

Le droit franccedilais prohibe les conventions de megraveres porteuses

26

Malgreacute linterdiction leacutegale de nombreux couples ont chercheacute et cherchent encore agrave

contourner cette interdiction notamment en ayant recours agrave des megraveres de substitution dans

des pays eacutetrangers ougrave cette pratique est autoriseacutee

La Cour de cassation veille agrave ce que linstitution de ladoption ne soit pas deacutetourneacutee au profit

de ces parents

Dans un arrecirct du 25 octobre 2007 la cour dappel de Paris vient de reacuteouvrir le deacutebat non sur

le terrain de la convention mais sur celui de la non-transcription des actes de naissance et de

linteacuterecirct supeacuterieur de lenfant

Une excellente occasion de faire le point sur la question et de sinterroger pour lavenir avant

la reacutevision de la loi bioeacutethique en 2009

par Rabih CHENDEB

Docteur en droit

ATER agrave lUniversiteacute de Picardie Jules Verne

laquo La science va Elle est ineacuteluctable Ce quil faut cest la rendre eacutethique raquo (1)

Le droit positif franccedilais interdit de recourir aux megraveres porteuses si un couple conccediloit un

embryon in vitro qui est implanteacute dans luteacuterus dune tierce femme cest cette tierce femme

qui est la megravere selon la loi franccedilaise et les parents biologiques ne peuvent avoir aucun droit

mecircme en cas dabandon de lenfant agrave la naissance par la megravere porteuse La loi bioeacutethique de

1994 a interdit la gestation pour autrui car cela soulevait des questions

dinstrumentalisation et de commercialisation du corps de la femme

De nombreux couples en mal denfants ont depuis longtemps chercheacute agrave contourner les regravegles

notamment en ayant recours agrave des megraveres de substitution qui vivent dans des pays ougrave cette

pratique est autoriseacutee Jusquagrave preacutesent la Cour de cassation ne sy est jamais laisseacutee prendre et

condamnait ladoption faite par les parents de lenfant de la megravere porteuse consideacuterant quil

sagissait dun deacutetournement de linstitution de ladoption (I)

Le 25 octobre 2007 la cour dappel de Paris vient donner lespoir dune ouverture vers

lacceptation dans linteacuterecirct de lenfant de cette deacutemarche Cette deacutecision de la cour dappel

pourrait changer les choses en attendant la reacutevision de la loi bioeacutethique preacutevue en 2009 Une

chose est sucircre cet arrecirct a le meacuterite douvrir le deacutebat et de poser la question de linteacuterecirct de

lenfant comme exception agrave lindisponibiliteacute de leacutetat des personnes et agrave linterdiction de la

pratique des megraveres porteuses Une certaine eacutevolution des mentaliteacutes ainsi que la dispariteacute

entre la loi franccedilaise et dautres leacutegislations nationales pourraient donner lieu agrave un

assouplissement de cette leacutegislation (II)

I Lhostiliteacute du leacutegislateur et de la jurisprudence agrave leacutegard de la convention de megravere porteuse

Au siegravecle dernier seacutetaient deacuteveloppeacutees des associations ayant pour but de faire se rencontrer

des couples deacutesireux davoir un enfant et des femmes acceptant de le porter pour ensuite le

leur laquo ceacuteder raquo par contrat Pour des raisons plus ou moins louables le proceacutedeacute fut rapidement

condamneacute par le droit franccedilais (A) tout comme ladoption qui sen suivait (B)

27

A Le caractegravere illicite de la convention de megravere porteuse

La megravere porteuse met en effet agrave mal le scheacutema classique de la famille On affirmait en Droit

romain que la megravere eacutetait sucircre et que le pegravere eacutetait le mari Le Code napoleacuteon a enteacuterineacute cette

conception Dire que lenfant possegravede une megravere geacuteneacutetique et une megravere uteacuterine va agrave lencontre

de ses dispositions (2)

Pris au deacutepourvu le leacutegislateur franccedilais a tardeacute agrave reacuteagir face aux progregraves scientifiques Il en

est reacutesulteacute un vide juridique auquel la jurisprudence sest efforceacutee de faire face Devant cette

heacutesitation bien compreacutehensible du droit les ressources de la morale de la deacuteontologie et

surtout de la bioeacutethique ont eacuteteacute solliciteacutees (3) Le Conseil dEtat confronteacute aux associations

voulant intervenir dans ce domaine a ainsi prononceacute la dissolution de ces associations pour

objet illicite (4) Le 13 deacutecembre 1989 la premiegravere chambre civile de la Cour de cassation a

releveacute le principe dindisponibiliteacute du corps humain par une interpreacutetation a contrario de

larticle 1128 du Code civil qui dispose qu laquo il ny a que les choses qui sont dans le

commerce qui puissent ecirctre lobjet des conventions raquo La personne ne dispose pas de son

corps elle nen est pas proprieacutetaire (5) Le 31 mai 1991 lassembleacutee pleacuteniegravere de la Cour de

cassation vise les articles 6 1128 et 353 du Code civil afin daffirmer le caractegravere illicite de la

convention conclue entre une megravere porteuse et un couple steacuterile En effet ce contrat porte sur

deux corps humains la megravere et lenfant (6)

Rapidement le leacutegislateur est venu leacutegifeacuterer dans ce sens avec la loi no 94-653 du 29 juillet

1994 relative agrave la bioeacutethique pour que le Code civil reconnaisse le corps humain en tant que

tel Cette loi prend deacutesormais explicitement en compte le corps humain parce quil a voulu

promouvoir son respect face au deacuteveloppement des sciences biomeacutedicales Cette loi a entraicircneacute

la modification et la creacuteation darticles dans le Code civil et le Code peacutenal

Le principe du respect de la digniteacute de la personne humaine est poseacute par larticle 16 du Code

civil laquo La loi assure la primauteacute de la personne interdit toute atteinte agrave la digniteacute de celle-ci

et garantit le respect de lecirctre humain degraves le commencement de sa vie raquo Le nouvel article 16-1

preacutevoit que laquo Chacun a droit au respect de son corps Le corps humain est inviolable Le

corps humain ses eacuteleacutements et ses produits ne peuvent faire lobjet dun droit patrimonial raquo

Par conseacutequent selon larticle 16-5 laquo Les conventions ayant pour effet de confeacuterer une

valeur patrimoniale au corps humain agrave ses eacuteleacutements ou agrave ses produits sont nulles raquo De mecircme

quand une personne accepte de donner son sang ce ne peut ecirctre quagrave titre beacuteneacutevole Enfin

larticle 16-7 dispose mecircme laquo Toute convention portant sur la procreacuteation ou la gestation

pour le compte dautrui est nulle raquo (7)

En outre cette interdiction est assortie dune sanction peacutenale pouvant aller jusquagrave un an

demprisonnement et 15 000 euro damende pour celui qui sentremet ou tente de sentremettre

entre une personne ou un couple deacutesireux daccueillir un enfant et une femme acceptant de

porter en elle cet enfant en vue de le leur remettre Lorsque ces faits ont eacuteteacute commis agrave titre

habituel ou dans un but lucratif les peines sont porteacutees au double (8)

En deacutepit de la reacutesistance de quelques juges du fond qui ont admis ladoption la Cour de

cassation na pas infleacutechi sa position (9) Elle sest reacutecemment opposeacutee agrave ladoption simple

dun enfant par un couple homosexuel estimant cette adoption contraire agrave laquo linteacuterecirct supeacuterieur

de lenfant raquo (10)

28

Analyseacutes dans le contexte de ces deacutecisions les deux principes de lilliceacuteiteacute des conventions et

de lindisponibiliteacute du corps humain expriment une mecircme ideacutee la condamnation dune

convention qui porte sur le corps humain celui de lenfant agrave naicirctre et celui de la femme qui la

conccedilu et porteacute

Toutefois les motifs adopteacutes par la Cour de cassation savegraverent dune extrecircme faiblesse En

effet ces motifs sont lieacutes agrave lilliceacuteiteacute de lobjet des conventions agrave lindisponibiliteacute du corps

humain ainsi quagrave lindisponibiliteacute de leacutetat des personnes (11) Pourtant les lois dites laquo

bioeacutethiques raquo du 29 juillet 1994 puis la loi du 6 aoucirct 2004 (12) relative agrave la bioeacutethique ont

admis lutilisation des eacuteleacutements et des produits du corps humain agrave des fins theacuterapeutiques ou

scientifiques Effectivement une loi en date du 24 janvier 1953 deacutetermine laquo les tarifs de

cession du sang raquo Les dispositions sont aujourdhui dans le Code de la santeacute publique Degraves

lors on peut donner ses gamegravetes ses organes son sang Il semble que plus quune approche

anthropologique des sciences meacutedicales (qui conduiraient agrave une ineacutevitable instrumentalisation

du corps des hommes) il existerait ce que nous appelons une technoscience laquo de linvisible

raquo que seul le droit accepte de leacutegitimer (13)

Par ailleurs la terminologie employeacutee par le leacutegislateur de 1994 est eacuteloquente Cest

certainement parce que le principe dindisponibiliteacute du corps humain sest aveacutereacute irreacutealiste videacute

de sa substance par le nombre et limportance de ses exceptions que le leacutegislateur lui a preacutefeacutereacute

celui de non-patrimonialiteacute qui figure aujourdhui aux articles 16-1 16-5 et 16-6 du Code

civil Il est donc possible de disposer de son corps agrave titre de dons dans les limites de la loi

(14)

Pour conclure sur ce point il sera emprunteacute les propos de Mme Mayer-Jack laquo

Malheureusement si ce principe dindisponibiliteacute du corps humain possegravede les qualiteacutes trop

rares decirctre nettement formuleacute et universellement admis il apparaicirct agrave la reacuteflexion frappeacute dun

vice radical il se reacutevegravele contraire aux faits raquo (15)

B La nulliteacute de ladoption

En matiegravere de materniteacute de substitution lenfant reste au coeur du deacutebat Il est laquo lobjet raquo de la

convoitise du couple demandeur et lobjet de la convention En vue de permettre

leacutetablissement dune filiation adoptive deux processus eacutetaient suivis par lesdits couples

processus que la Cour de cassation sempressa dinterdire agrave son tour

1 Le contournement aveacutereacute de la loi par les couples restant en France

En effet le processus se deacuteroulait en trois eacutetapes dans un premier temps lembryon issu des

gamegravetes du couple ou du mari et de la femme porteuse eacutetait implanteacute dans luteacuterus de cette

derniegravere La megravere porteuse suivait sa grossesse normalement notamment au regard du suivi

meacutedical (16) Ensuite elle accouchait anonymement La leacutegislation autorise les

accouchements laquo sous X raquo et reconnaicirct ainsi aux parturientes le droit de ne pas ecirctre megraveres si

elles ne le deacutesirent ou ne le peuvent pas Le pegravere fournisseur de sperme quant agrave lui effectuait

une reconnaissance preacutenatale de lenfant A sa naissance il le reconnaissait Lenfant avait

donc un pegravere mais sans indication de la filiation maternelle Enfin leacutepouse de ce dernier

adoptait de maniegravere pleacuteniegravere lenfant Leacutetat de mariage de la megravere porteuse ne changeait rien

puisque laccouchement anonyme empecircchait que le mari soit consideacutereacute comme pegravere preacutesumeacute

29

Depuis larrecirct Alma Mater (17) nous savons que la convention de materniteacute de substitution

est nulle car contrevenant agrave lordre public (18) Mais jusqualors la jurisprudence avait eu le

soin de dissocier convention et adoption Toute convention portant sur la procreacuteation ou la

gestation pour le compte dautrui eacutetant nulle la convention de megravere porteuse ayant permis la

naissance de lenfant en cause est donc incontestablement frauduleuse Degraves lors la possession

deacutetat sur laquelle les demandeurs se fondent pour voir eacutetablir un lien de filiation leacutegitime agrave

leur profit et lacte de notorieacuteteacute quils ont ainsi obtenu sont eux-mecircmes vicieacutes et ne peuvent

donc permettre leacutetablissement dun tel lien Par ailleurs la Convention de New York sur les

droits de lenfant garantit notamment agrave celui-ci laccegraves agrave ses origines Or lapplication de la

convention frauduleuse aurait pour effet de consacrer un mensonge lacte de naissance qui

serait eacutetabli sur le fondement de cette convention aboutirait en effet agrave nier totalement les

conditions dans lesquelles lenfant a eacuteteacute conccedilu En conseacutequence les demandeurs ne pourront

se preacutevaloir de la possession deacutetat vicieacutee pour obtenir la retranscription de lacte de notorieacuteteacute

sur lacte de naissance de lenfant (19) Ainsi la prohibition de la convention a entraicircneacute dans

son sillage une impossibiliteacute dadoption par leacutepouse du pegravere (20) Il y a deacutetournement de

linstitution de ladoption pleacuteniegravere en ce que lenfant a eacuteteacute conccedilu pour ecirctre abandonneacute par sa

megravere et adopteacute par une autre (21)

Il en reacutesulte que cest labandon de lenfant qui rend impossible ladoption par leacutepouse du

mari Or labandon de lenfant constitue deacutejagrave une deacutemarche parfaitement licite et reacuteglementeacutee

par la loi Il suffit pour sen convaincre de lire attentivement les textes adeacutequats agrave savoir les

articles 61 et 62 du Code de la famille et de laide sociale 348-3 et 350 du Code civil et 1158

agrave 1163 du Code de proceacutedure civile Il suffit agrave la megravere et plus geacuteneacuteralement agrave la personne

investie des droits parentaux de confier 1enfant agrave un eacutetablissement ou agrave un service de laide

sociale agrave 1enfance (ASF) ou mecircme agrave un particulier puis de sen deacutesinteacuteresser

manifestement pendant une anneacutee nentretenant avec lui aucune relation neacutecessaire au

maintien de liens affectifs Le tribunal de grande instance peut degraves lors sauf agrave prendre en

consideacuteration le cas exceptionnel de grande deacutetresse du parent deacutefaillant deacuteclarer 1enfant

abandonneacute agrave la requecircte de tout inteacuteresseacute et notamment de leacutetablissement service ou famille

daccueil (22) laquo On cesse dinterdire une pratique non pas lorsquelle se deacuteveloppe mais

lorsquon ne sait plus pourquoi elle est interdite raquo (23)

Dailleurs une contradiction engendre ce refus dadoption En effet laquo consideacuterer ladoption

indissociable de la convention revient agrave ne voir lenfant que comme lobjet de cette convention

raquo (24) Ainsi les parents ont pu eacutetablir anteacuterieurement agrave la naissance le processus dont

ladoption est laquo lultime phase raquo Mais ce processus nest pas fait dans lintention de nuire agrave

lenfant Alors comment comprendre la seacuteveacuteriteacute afficheacutee de la Cour de cassation

Traiter lenfant comme une veacuteritable personne implique de dissocier la convention ougrave il

nintervient pas et ladoption dont il est partie prenante et mecircme partie principale Il faut

sinterroger sur son inteacuterecirct propre quitte agrave le confronter ensuite agrave ceux auxquels il soppose

(25)

2 Lexpansion du tourisme procreacuteatif

La dispariteacute des regravegles nationales agrave propos de la gestation pour autrui a conduit certains

couples agrave se rendre agrave leacutetranger pour pouvoir avoir recours agrave une megravere porteuse on parle

deacutesormais de laquo tourisme procreacuteatif raquo (26)

30

Lagrave encore le processus deacutebute par une inseacutemination artificielle mais les pays ayant leacutegaliseacute la

gestation pour le compte dautrui permettent par ailleurs que lembryon inseacutemineacute dans

luteacuterus de la femme soit issu de la rencontre des gamegravetes des deux parents demandeurs

Lenfant est donc geacuteneacutetiquement lenfant du couple Il a pour parent degraves sa naissance le

couple demandeur il porte leur nom et le preacutenom quils lui ont choisi Mais pour exister en

France il est neacutecessaire de recourir agrave une transcription sur les registres de leacutetat civil franccedilais

de lacte de naissance eacutetranger Lagrave encore la seacuteveacuteriteacute est de mise puisque le parquet de

Nantes qui a en charge la transcription des eacutetats civils venant de leacutetranger refuse

systeacutematiquement cette transcription qui nest pas conforme agrave la leacutegislation franccedilaise (27)

Les magistrats ont eacuteteacute confronteacutes agrave ces situations ougrave la megravere commanditaire deacutesirait eacutetablir un

lien de filiation entre elle et lenfant issu de la convention de materniteacute de substitution

Tel est par exemple le cas qui a eacuteteacute trancheacute par la cour dappel de Rennes le 4 juillet 2002

(28) Dans cet arrecirct la cour dappel a rejeteacute ladoption des enfants par un couple qui a conclu

en Californie une convention portant sur la gestation dun embryon issu de leurs propres

gamegravetes La cour relegraveve que laquo la loi franccedilaise ne donne pas une deacutefinition de la megravere raquo cette

notion est inscrite dans les mentaliteacutes depuis des siegravecles par ladage Mater semper certa est

Cest laccouchement qui deacutetermine la megravere et non la seule reacutealiteacute geacuteneacutetique

Cette jurisprudence installeacutee depuis le ceacutelegravebre arrecirct de lassembleacutee pleacuteniegravere du 31 mai 1991

constitue une atteinte directe agrave linteacuterecirct de lenfant Ce dernier est priveacute de toute filiation

maternelle leacutegalement reconnue et ce sans beacuteneacutefice pour personne (29)

Malheureusement en raison de cette solution les deux enfants sont acircgeacutes de sept ans et vivent

aupregraves de leur pegravere naturel et de sa compagne dont la materniteacute ne peut leacutegalement ecirctre eacutetablie

(30)

Cette jurisprudence preacutesente un point faible Selon larticle 353 du Code civil le tribunal de

grande instance saisi dune requecircte aux fins dadoption pleacuteniegravere veacuterifie si les conditions de

la loi sont remplies et si ladoption est conforme agrave linteacuterecirct de lenfant Or en loccurrence

le preacutetendu droit de lenfant ne coiumlncide pas avec son inteacuterecirct seul mis en avant dans 1article

353 du Code civil Le refus par la cour dappel de prononcer ladoption pleacuteniegravere a priveacute les

deux enfants (au nom de leur droit aussi eacuteminent que symbolique agrave la non-chosification) dun

avantage concret et primordial leur admission au statut denfants leacutegitimes de leurs vrais

parents geacuteneacutetiques (31) Simples enfants naturels ou adulteacuterins de leur pegravere ils demeureront

sans lien de filiation maternelle Un tel problegraveme meacuterite que les juridictions se penchent au

moins sur lui (32) La protection de linstitution de ladoption sopegravere au deacutetriment du droit

reconnu agrave lenfant deacutetablir sa filiation par le biais dune discrimination fondeacutee sur les

circonstances de sa naissance (33) La jurisprudence nous semble aller agrave lencontre des

engagements internationaux contracteacutes par la France (34)

II Leacutevolution des mentaliteacutes vers une leacutegislation plus souple

Jusquagrave preacutesent la jurisprudence a toujours interdit ladoption des enfants par des couples

ayant eu recours agrave la gestation pour autrui consideacuterant quil sagit dun deacutetournement de

linstitution de ladoption (35)

Un grand quotidien Libeacuteration reacutevegravele que la cour dappel de Paris a reconnu comme parents

leacutegitimes de jumelles un couple franccedilais ayant fait appel agrave une megravere porteuse ameacutericaine

31

Une chose est sucircre cet arrecirct a le meacuterite douvrir le deacutebat et de poser la question de linteacuterecirct de

lenfant comme exception agrave lindisponibiliteacute de leacutetat des personnes et agrave linterdiction de la

pratique des megraveres porteuses (A) Lorsque lon accepte une loi eacutetrangegravere qui a eacuteteacute appeleacutee au

secours pour contourner la loi franccedilaise la modification de la loi franccedilaise nest pas loin (B)

A Lassouplissement de la jurisprudence

Dans laffaire porteacutee devant la cour dappel de Paris que nous avons abordeacutee rapidement

preacuteceacutedemment un couple dont la femme ne peut assurer la gestation en raison dune

malformation congeacutenitale se rend en Californie ougrave il conclut une convention portant sur la

gestation dun embryon issu de leurs propres gamegravetes Des jumelles naissent de cette

convention Le droit californien fait abstraction du deacutefaut daccouchement La concubine est

inscrite comme megravere dans les registres de naissance de Californie Quelques semaines plus

tard le couple reconnaicirct les enfants en France Mais agrave leur retour dans lHexagone ils sont

placeacutes en garde agrave vue puis mis en examen pour laquo entremise entre une personne deacutesireuse

dadopter un enfant et un parent deacutesireux dabandonner son enfant neacute ou agrave naicirctre raquo et pour laquo

simulation ayant entraicircneacute une atteinte agrave leacutetat civil de lenfant raquo

En 2004 le juge dinstruction rend un non-lieu sur les poursuites peacutenales les faits seacutetant

deacuterouleacutes dans un pays ougrave cette pratique est leacutegale Le parquet a alors continueacute son offensive

sur le terrain civil et chercheacute agrave faire annuler la filiation et la transcription sur leacutetat civil Le

tribunal de grande instance a deacuteclareacute cette demande irrecevable en deacutecembre 2005 Une

deacutecision rendue par la cour dappel de Paris confirme ce jugement le 25 octobre dernier apregraves

avoir estimeacute que laquo La non-transcription des actes de naissances aurait des conseacutequences

contraires agrave linteacuterecirct supeacuterieur des enfants qui au regard du droit franccedilais se verraient priveacutes

dactes deacutetat civil indiquant leur lien de filiation y compris agrave leacutegard de leur pegravere biologique

raquo

La question sera deacutesormais soumise agrave la Cour de cassation qui a deacutejagrave pris des deacutecisions

progressistes dans des questions relatives au droit de la famille notamment dans linteacuterecirct de

lenfant Elle a ainsi fait le 24 feacutevrier 2006 un pas important vers la reconnaissance de

lhomoparentaliteacute en autorisant quun parent homosexuel deacutelegravegue tout ou partie de son

autoriteacute parentale agrave son partenaire avec lequel il vit en union stable agrave condition que cette

mesure soit prise dans linteacuterecirct supeacuterieur de lenfant (36)

Le plus important reacuteside dans le fait que la cour dappel de Paris a estimeacute que la non-

transcription sur les actes de naissance aurait des conseacutequences contraire agrave llaquo inteacuterecirct de

lenfant raquo Depuis longtemps linteacuterecirct de lenfant est au centre du droit de la famille et depuis

quelques anneacutees celui-ci devient veacuteritablement la pierre angulaire de cette discipline (37)

Dans un arrecirct du 18 mai 2005 la premiegravere chambre civile de la Cour de cassation preacutecise au

visa de larticle 3-1 de la Convention relative aux droits de lenfant que laquo dans toutes les

deacutecisions qui concernent les enfants linteacuterecirct supeacuterieur de lenfant doit ecirctre une

consideacuteration primordiale raquo (38) Mais que faut-il entendre par inteacuterecirct supeacuterieur de lenfant

(39)

Bien que le nouvel article L 112-4 du Code de laction sociale et des familles (40) et larticle

371-1 du Code civil semblent deacutefinir les eacuteleacutements constitutifs de cette notion llaquo inteacuterecirct de

lenfant raquo reste un concept assez flou que le leacutegislateur et les juges se gardent bien de deacutefinir

preacuteciseacutement on ne peut limiter linteacuterecirct supeacuterieur de lenfant agrave la protection de sa santeacute de sa

seacutecuriteacute et de sa moraliteacute Certes ces eacuteleacutements sont les bases de linteacuterecirct de lenfant mais

32

puisque celui-ci peut deacutepasser le strict cadre du droit de lautoriteacute parentale voire du droit de

la famille cette vision serait bien trop reacuteductrice

Le sens de cette notion peut encore sobscurcir si lon considegravere quelle peut se confondre avec

dautres concepts voisins Larticle 371-5 doit ainsi conduire agrave distinguer linteacuterecirct de lenfant de

celui de la fratrie En effet si celle-ci a inteacuterecirct agrave rester unie certaines circonstances permettent

deacutecarter un de ses membres dans son inteacuterecirct exclusif

Un amendement proposait cependant agrave la suite du nouvel article L 112-4 du Code de laction

sociale et des familles une deacutefinition inteacuteressante laquo Linteacuterecirct supeacuterieur de lenfant est deacutefini

comme lassurance de la protection de sa seacutecuriteacute personnelle et affective lassurance dun

contexte familial permettant un bon deacuteveloppement physique intellectuel affectif et social

lassurance dune relation dattachement parental permettant de se construire Linteacuterecirct

supeacuterieur de lenfant tel que deacutefini constitue son projet de vie raquo (41)

On ne peut que se feacuteliciter de la mise en avant de linteacuterecirct de lenfant pour deacuteroger agrave la sacro-

sainte interdiction des megraveres porteuses car il est vrai quil ne faut pas oublier que limportant

reste dabord et avant tout lenfant qui a et doit avoir une place centrale au sein de la famille

On peut envisager que cette reacutecente jurisprudence puisse influencer la reacuteflexion sur le recours

aux laquo megraveres porteuses raquo sur le territoire national qui conduise agrave une eacutevolution de la loi

B Vers une eacutevolution de la loi

Alors que la France interdit la laquo gestation pour autrui raquo cette pratique a eacuteteacute leacutegaliseacutee dans de

nombreux pays La France a donc une leacutegislation moins libeacuterale que dautres leacutegislations

nationales La pratique de la gestation pour autrui est notamment autoriseacutee aux Etats-Unis au

Canada en Australie et dans plusieurs pays de lUnion europeacuteenne (Espagne et Belgique

Gregravece et Royaume-Uni notamment) (42) La question de la leacutegalisation des megraveres porteuses

est tregraves controverseacutee en France et demanderait un strict encadrement (43)

On enseigne habituellement que les questions deacutetat ne peuvent deacutependre de la seule volonteacute

individuelle Leacutetat des personnes - le droit de la filiation en particulier - eacutechapperait aux

conventions Mais ce principe nest plus si absolu Leacutevolution contemporaine reacuteduit laspect

institutionnel Une place nettement importante a eacuteteacute faite dans lorganisation des relations

familiales agrave la volonteacute individuelle laquo Laccroissement du pouvoir des volonteacutes individuelles

dans le droit de la famille est une marque essentielle de ce droit raquo (44) Dougrave la justesse de

lexpression laquo contractualisation du droit de la famille raquo Le rocircle de la volonteacute individuelle

tend agrave ecirctre de plus en plus important (45) Tel est le cas du divorce du PACS et du mariage

La procreacuteation nest plus la finaliteacute avec larriveacutee en force dans des pays voisins du mariage

homosexuel

Une certaine eacutevolution des mentaliteacutes ainsi que la dispariteacute entre la loi franccedilaise et dautres

leacutegislations nationales pourraient bien donner lieu agrave un assouplissement de cette leacutegislation

(46)

La gestation pour autrui permet de pallier certaines formes de steacuteriliteacute feacuteminine en raison

dune absence ou dune deacuteformation duteacuterus de conseacutequences de cancer ou reacutesultant dune

hysteacuterectomie de fausses couches reacutepeacuteteacutees dune contre-indication meacutedicale agrave la grossesse ou

de nombreux eacutechecs de feacutecondations in vitro (47) Dans ce cas on implante les gamegravetes des

parents geacuteneacutetiques dans le ventre de la megravere porteuse

33

Un autre argument favorable agrave cette pratique est la certitude apaisante pour le couple steacuterile

de ce que lenfant porteacute en uteacuterus tiers nen sera pas moins leur veacuteritable enfant geacuteneacutetique

puisque conccedilu agrave partir de leurs propres gamegravetes

De plus il faut deacutenoncer une incoheacuterence Une femme empecirccheacutee par la loi de donner avant

sa grossesse agrave un couple agreacuteeacute par elle lenfant quelle portera moyennant eacutequitable

reacutecompense possegravede en revanche le droit discreacutetionnaire de labandonner une fois neacute au

hasard des eacutetablissements ou du service de lASE ou pis encore de recourir agrave une

interruption volontaire de grossesse pendant les douze premiegraveres semaines (48)

La possession deacutetat repreacutesente une valeur humaine et sociale qui doit ecirctre prise en compte en

tant que telle Comme lont joliment affirmeacute M Hauser et Mme Huet-Weiller laquo elle est la

veacuteriteacute des sentiments la veacuteriteacute du coeur tout aussi respectable sinon plus que celle des

registres deacutetat ou mecircme de nos gegravenes raquo (49) Ainsi on peut ecirctre favorable agrave cette reacuteflexion

sous certains reacuteserves

Tout dabord le couple demandeur devait avoir plus de 18 ans et linfertiliteacute devrait ecirctre

meacutedicalement eacutetablie Ensuite seule lutilisation des gamegravetes (sperme et ovocytes) du couple

serait autoriseacutee afin deacuteviter que la gestatrice soit aussi la megravere biologique de lenfant (pour

eacuteviter des liens trop forts eacutetablis entre elle et le beacutebeacute)

De son cocircteacute la megravere porteuse devait avoir plus de 18 ans et accepter de subir des tests divers

avant la grossesse Elle serait la seule agrave donner un consentement valable concernant la gestion

de sa grossesse et elle abandonnerait ses droits parentaux agrave la naissance de lenfant tout en

assistant le couple demandeur lors de la deacutelivrance du certificat de naissance Le

consentement devrait aussi ecirctre obtenu par un entretien psychologique meacutedical et juridique

Seul le juge pourrait donner laccord au deacutebut du processus Le couple demandeur devait

sengager agrave assumer la garde de lenfant degraves sa naissance afin deacuteviter soit une non-remise

denfant soit un refus de lenfant - par exemple en cas de handicap

Concernant la reacutemuneacuteration de la megravere porteuse la marchandisation est inacceptable Les

intermeacutediaires reacutemuneacutereacutes seraient interdits Le principe du volontariat et de la gratuiteacute sont

essentiels le don de vie (50)

Enfin il ne sagirait pas de reacutemuneacuteration mais de compensation financiegravere destineacutee agrave

deacutedommager les inconveacutenients lieacutes agrave la grossesse sur la base de la loi laquo Huriet raquo (loi sur la

recherche meacutedicale avec volontaires sains) Le couple demandeur devrait prendre agrave sa charge

les deacutepenses meacutedicales leacutegales et psychologiques ainsi quun montant raisonnable alloueacute agrave la

megravere porteuse pour subvenir agrave ses besoins Les juges appreacutecieraient librement ce que peut ecirctre

un montant laquo raisonnable raquo sans que cela puisse jamais ecirctre consideacutereacute comme une laquo vente raquo

denfant

(1) B Debreacute et S Agacinski laquo Faut-il leacutegaliser les megraveres porteuses en France raquo Le Figaro Magazine du samedi 10 novembre 2007 p 50

34

(2) G David laquo Don et utilisation du sperme raquo in Actes du colloque Geacuteneacutetique procreacuteation et

droit Actes sud 1985 p 205 G-M Faure Le deacutesir denfant agrave leacutepreuve du droit Essai sur le droit de la procreacuteation meacutedicalement assisteacutee Thegravese Universiteacute de Lille 1992 p 7

(3) G Lebreton Liberteacutes publiques et droits de lhomme 6e eacuted Armand Colin 2003 p 262

(4) CE 22 janvier 1988 Lebon 1988 p 37

(5) La Cour de cassation a enteacuterineacute la position de la cour dappel de Paris pour laquelle laquo ni laltruisme du comportement de la megravere de substitution ni le caractegravere deacutesinteacuteresseacute des activiteacutes de lassociation ne sont propres agrave faire disparaicirctre lilliceacuteiteacute qui frappe laccord litigieux raquo Cass civ 1re 13 deacutecembre 1989 Bull civ I no 387 Defreacutenois 1990 art 34802 no 55 obs J-L Aubert D 1990 p 273 JCP eacuted G 1990 II 21526 note A Seacuteriaux propos recueillis par C Slobodansky laquo Le droit doit limiter les progregraves de la science raquo LPA du 7 mai 2004 no 92 p 60

(6) laquo La convention par laquelle une femme sengage fucirct-ce agrave titre gratuit agrave concevoir et porter un enfant pour labandonner agrave sa naissance contrevient tant au principe dordre public de lindisponibiliteacute du corps humain quagrave celui de lindisponibiliteacute de leacutetat des personnes raquo Cass ass pleacuten 31 mai 1991 Bull civ ass pleacuten no 4 Defreacutenois 1991 art 35142 no 103 obs J-L Aubert Defreacutenois 1991 art 35088 no 67 note J Massip RTD civ 1991 p 517 obs D Huet-Weiller et p 489 note M Gobert M Gobert laquo Reacuteflexions sur les sources du droit et les

principes dindisponibiliteacute du corps humain et de leacutetat des personnes agrave propos de la materniteacute de substitution raquo RTD civ 1992 p 489 et s speacutec p 501 dans ce sens v deacutejagrave les remarques de P Murat laquo Laction de lordonnance du 4 juillet 2005 sur la possession deacutetat raquo Dr Famille 2006 eacutetude no 6 speacutec no 7 V aussi J Massip laquo Linsertion dans le Code civil de dispositions relatives au corps humain agrave lidentification geacuteneacutetique et agrave la procreacuteation meacutedicalement assisteacutee raquo Defreacutenois 1995 art 35975 et 35992

(7) En ce sens V Depadt-Sebag laquo De la neacutecessiteacute dune reacuteforme de larticle 16-7 du Code civil relatif agrave linterdiction de gestation pour autrui raquo RGD meacuted 2004 no 12 p 135 et s

(8) Art 227-12 et s C peacuten

(9) CA Paris 1re feacutevrier 2001 RTD civ 2001 p 347 obs J Hauser Cass civ 1re 9 deacutecembre 2003 Bull civ I no 252 p 201 CA Rennes 4 juillet 2002 D 2002 p 2904

(10) Cass civ 1re 20 feacutevrier 2007 Defreacutenois 2007 art 38595 no 45 obs J Massip

(11) V Depadt-Sebag laquo De la neacutecessiteacute dune reacuteforme de larticle 16-7 du Code civil relatif agrave linterdiction de gestation pour autrui raquo preacutec no 12 p 135 et s

(12) L no 2004-800 du 6 aoucirct 2004 relative agrave la bioeacutethique JO du 7 aoucirct 2004 p 14040 J Massip art preacutec

(13) Dans ce sens v M Gobert laquo Reacuteflexions sur les sources du droit et les principes dindisponibiliteacute du corps humain et de leacutetat des personnes agrave propos de la materniteacute de substitution raquo preacutec p 489 et s speacutec p 513

(14) V Depadt-Sebag laquo De la neacutecessiteacute dune reacuteforme de larticle 16-7 du Code civil relatif agrave linterdiction de gestation pour autrui raquo preacutec no 12 p 135 et s E Camuzet La convention de gestation pour autrui une illeacutegaliteacute franccedilaise injustifieacutee Meacutemoire Lille 2 Universiteacute du droit et de la santeacute 2005-2006 p 55

(15) A Mayer-Jack laquo Les conventions relatives agrave la personne physique raquo Rev crit leacutegisl et jurispr 1993 p 6

(16) G Meacutemeteau laquo Une distinction est opeacutereacutee sur la reacutefeacuterence des donneacutees acquises de la science agrave la date des soins par opposition agrave la notion erroneacutee de donneacutees actuelles de la science raquo note sous Cass civ 1re 6 juin 2000 JCP eacuted G 2001 II 10447

(17) Cass civ 1re 13 deacutecembre 1989 Bull civ I no 387 Defreacutenois 1990 art 34815 rapp J Massip D 1990 p 273 JCP eacuted G 1990 II 21526 note A Seacuteriaux

35

(18) Communication J Bernard et comm J Massip Defreacutenois 1990 art 35088 no 67 note J

Massip F Terreacute note sous Cass ass pleacuten 31 mai 1991 JCP eacuted G 1991 II 21752 dans ce sens v les remarques de P Murat laquo Laction de lordonnance du 4 juillet 2005 sur la possession deacutetat raquo preacutec eacutetude no 6 speacutec no 7 G Kessler laquo La consolidation de situations illicites dans linteacuterecirct de lenfant raquo Dr Famille no 7 juillet 2005 Etude 16

(19) TGI Lille 22 mars 2007 D 2007 no 18 p 1251 note X Labbeacutee B Edelman et C Labrusse-Riau note sous CA Paris 15 juin 1990 JCP eacuted G 1991 II 21653

(20) V Larribau-Terneyre note sous CA Pau 19 feacutevrier 1991 D 1991 juris p 380

(21) J Massip laquo Megravere porteuse et deacutecheacuteance de lautoriteacute parentale raquo LPA du 29 octobre 2003 no 216 p 10 Cass ass pleacuten 31 mai 1991 Bull civ ass pleacuten no 4 Defreacutenois 1991 art 35088 no 67 p 948 obs J Massip D 1991 p 417 rapport Y Chartier note D Thouvenin JCP eacuted G 1991 II 21752 communication J Bernard concl H Dontenwille note F Terreacute RTD civ 1991 p 517 obs D Huet-Weiller

(22) J Rubellin-Devichi laquo Materniteacute de substitution qui est la megravere raquo note sous CA Rennes 4 juillet 2002 JCP eacuted G 2003 I 101 C Ducomte laquo La vraie querelle des megraveres porteuses raquo httppagesperso-orangefrmax-christianducomtemereindexhtm

(23) Propos de Mme F Dekeuwer-Deacutefossez lors de son audition devant le preacutesident M Bloche pour la mission dinformation sur la famille (procegraves-verbal du 5 octobre 2005)

(24) J Hauser obs in RTD civ 1999 p 372 F Dekeuwer-Deacutefossez note sous Cass ass pleacuten 31 mai 1991 D 1992 somm p 59

(25) F Dekeuwer-Deacutefossez laquo Les droits de lenfant raquo D 1992 somm p 59 E Poisson-Drocourt laquo Recours agrave une megravere de substitution et refus de ladoption raquo D 2004 p 2001

(26) J-J Lemouland laquo Le tourisme procreacuteatif raquo LPA 2001 no 62 p 24 F Dekeuwer-Deacutefossez laquo Le lien parental raquo LPA du 1er juillet 2004 no 131 p 70 F Granet note sous CA Rennes 4 juillet 2002 D 2002 p 2904

(27) CA Aix-en-Provence 12 mars 2002 Juris-Data no 2002-190443 A Seacuteriaux laquo Droit naturel et procreacuteation artificielle quelle jurisprudence raquo D 1985 chron p 53 J Massip laquo Le nouveau droit de la filiation raquo Defreacutenois 2006 art 38303 p 13

(28) CA Rennes 4 juillet 2002 JCP eacuted G 2003 I 101 note J Rubellin-Devichi

(29) laquo Si le principe structurant de lautoriteacute parentale est linteacuterecirct de lenfant deacutetermineacute in concreto le droit de la filiation nappreacutecie en revanche jamais linteacuterecirct concret dun enfant preacutecis mais linteacuterecirct geacuteneacuteral de lenfant in abstracto raquo A Gouttenoire laquo A chacun sa famille agrave chacun son droit raquo Dr Famille no 7 juillet 2006 Alerte 41

(30) E Camuzet La convention de gestation pour autrui une illeacutegaliteacute franccedilaise injustifieacutee art preacutec p 52

(31) P Raynaud laquo Un abus de ladoption simple les couples adoptifs raquo D 1983 chron p 39 H Gaumont-Prat laquo Pas dadoption pour les enfants issus de convention de megravere porteuse raquo RLDC no 5 mai 2004 p 31 laquo Le rejet dans le non-droit des enfants neacutes dans des circonstances qui deacuterangent la socieacuteteacute relegraveve du deacuteni de la reacutealiteacute porteur de nombreux effets pathogegravenes et injustes raquo

(32) J Rubellin-Devichi laquo Materniteacute de substitution qui est la megravere raquo note sous CA Rennes 4 juillet 2002 preacutec I 101 C Ducomte laquo La vraie querelle des megraveres porteuses raquo preacutec P Raynaud laquo Un abus de ladoption simple les couples adoptifs raquo art preacutec chron p 39 G Kessler laquo La consolidation de situations illicites dans linteacuterecirct de lenfant raquo art preacutec Etude 16

(33) F Dekeuwer-Deacutefossez laquo Reacuteflexion sur les mythes fondateurs du droit contemporain de la famille raquo RTD civ 1995 p 269 E Camuzet La convention de gestation pour autrui une illeacutegaliteacute franccedilaise injustifieacutee art preacutec p 66 A Ponsard rapport sous Cass civ 1re 16

36

novembre 1982 JCP eacuted G 1983 II 19954 M-T Meulders-Klein laquo Le droit agrave lenfant face au

droit de lenfant et les procreacuteations meacutedicalement assisteacutees raquo RTD civ 1988 p 645 F Terreacute Lenfant de lesclave Geacuteneacutetique et droit Flammarion 1987 p 128

(34) Convention de New York du 26 janvier 1990 Charte des droits fondamentaux de lUnion europeacuteenne du 7 deacutecembre 2000 Deacuteclaration universelle des droits de lhomme de 1789 Convention internationale des droits de lenfant de 1989

(35) Cass ass plegraven 31 mai 1991 Bull civ ass plegraven no 4 Defreacutenois 1991 art 35142 no 103 obs J-L Aubert et art 35088 no 67 p 948 obs J Massip D 1991 p 417 rapport Y Chartier note D Thouvenin JCP eacuted G 1991 II 21752 communication J Bernard concl H Dontenwille note F Terreacute RTD civ 1991 p 517 obs D Huet-Weiller

(36) Cass civ 1re 24 feacutevrier 2006 Bull civ I no 101 p 95 Defreacutenois 2006 art 38415 no 40 p 1067 obs J Massip D 2006 juris p 897-900 obs D Vigneau T Anatrella laquo Adoption et homoparentaliteacute leacuteclairage des droits de lhomme raquo Dr Famille 2003 no 10 p

8-10 agrave lidentique dans un arrecirct du 22 janvier 1992 D 1993 p 119 note J Vassaux la cour dappel de Poitiers a prononceacute ladoption simple dun enfant neacute dune convention de megravere porteuse au motif que laquo cette adoption nest pas seulement conforme agrave linteacuterecirct de lenfant mais encore constitue une neacutecessiteacute qui deacutecoule des reacutealiteacutes de la vie issues derreurs des adultes dont lenfant ne doit pas subir les conseacutequences raquo

(37) G Kessler laquo La consolidation de situations illicites dans linteacuterecirct de lenfant raquo art preacutec eacutetude no 16 M-T Meulders-Klein laquo Le droit agrave lenfant face au droit de lenfant et les procreacuteations meacutedicalement assisteacutees raquo art preacutec p 645

(38) Cass civ 1re 18 mai 2005 Bull civ I no 211 p 179 V Depadt-Sebag laquo Non-lieu dans une affaire de materniteacute pour autrui raquo D 2005 p 476 J Massip laquo Megravere porteuse et deacutecheacuteance de lautoriteacute parentale raquo art preacutec no 216 p 11 F Terreacute Lenfant de lesclave Geacuteneacutetique et droit op cit adde F Terreacute et D Fenouillet Droit civil Les personnes la famille les incapaciteacutes 6e eacuted Preacutecis Dalloz no 926 M Lamarche laquo Inteacuterecirct supeacuterieur de lenfant de ladmission des effets dune convention de megravere porteuse agrave la destruction du droit franccedilais de la filiation raquo Dr Famille novembre 2007 no 11

(39) M Donnier laquo Linteacuterecirct de lenfant raquo D 1959 chron p 27 F Laroche-Gisserot note sous Cass civ 1re 27 mai 1998 D 1998 p 530 F Millet laquo Ladoption dun inteacuterecirct agrave lautre raquo RRJ 2003-3 p 1777 et s A Gouttenoire laquo A chacun sa famille agrave chacun son droit raquo art preacutec Alerte 41

(40) Par la loi no 2007-293 du 5 mars 2007 reacuteformant la protection de lenfance (JO du 6 mars 2007 Defreacutenois 2007 Leacuteg p 282) le leacutegislateur a inteacutegreacute la notion dinteacuterecirct de lenfant dans le Code de laction sociale et des familles Le nouvel article L 112-4 dudit code dispose que laquo Linteacuterecirct de lenfant la prise en compte de ses besoins fondamentaux physiques intellectuels sociaux et affectifs ainsi que le respect de ses droits doivent guider toutes deacutecisions le concernant raquo

(41) Amendement no 48 rect Protection de lenfance no 3184 Assembleacutee nationale 22 deacutecembre 2006 wwwassemblee-nationalefr v aussi sur lensemble de ces questions les consideacuterations tregraves eacuteclairantes de P Murat note sous CA Rennes 4 juillet 2002 D 2002 p 2902 Dr Famille 2002 comm no 142 note P Murat

(42) F Granet-Lambrechts laquo Materniteacutes de substitution filiation et eacutetat civil Panorama europeacuteen raquo Dr Famille no 12 deacutecembre 2007 eacutetude no 34

(43) D Youf Penser les droits de lenfant PUF 2002 p 2

(44) G Cornu La famille 6e eacuted no 7 J Carbonnier Droit civil t 4 Les obligations PUF coll Theacutemis no 372 p 649

(45) D Fenouillet et P de Vareilles-Sommiegraveres La contractualisation du droit de la famille Economica 2001

37

(46) H Gaumont-Prat laquo Pas dadoption pour les enfants issus de convention de megravere porteuse raquo art preacutec p 31

(47) E Poisson-Droccourt laquo Recours agrave une megravere de substitution et refus de ladoption raquo art preacutec p 2001 note sous Cass civ 1re 9 deacutecembre 2003 G Delaisi de Perseval laquo Gestation pour autrui en quecircte de leacutegitimation raquo httpwwwliberationfr

(48) C Neirinck laquo Les filiations eacutelectives agrave leacutepreuve du droit raquo JCP eacuted G 1997 I 4067 E Camuzet laquo La convention de gestation pour autrui une illeacutegaliteacute franccedilaise injustifieacutee raquo art preacutec p 59

(49) J Hauser et D Huet-Weiller Traiteacute de droit civil La famille Fondation et vie de la famille 2e eacuted LGDJ 1993 p 250

(50) B Debreacute et S Agacinski laquo Faut-il leacutegaliser les megraveres porteuses en France raquo art preacutec p 50 C Atias D 1986 chron p 67

Civ 1egravere

13 deacutecembre 1989

Ndeg de pourvoi 88-15655

Publieacute au bulletin

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Attendu selon les juges du fond que lrsquoassociation ldquo Alma Mater ldquo a pour objet de faciliter la

solution des problegravemes qui se posent aux couples dont la femme est steacuterile deacutesireux

drsquoaccueillir un enfant agrave leur foyer et aux ldquo megraveres porteuses ldquo volontaires qursquoil est proposeacute agrave

la ldquo megravere porteuse ldquo drsquoecirctre inseacutemineacutee artificiellement par la semence du mari ou du concubin

de porter et de mettre au monde lrsquoenfant qui sera deacuteclareacute sur les registres de lrsquoeacutetat civil sans

indication du nom de la megravere reconnu par le pegravere et accueilli au foyer de celui-ci en vue de

son adoption par lrsquoeacutepouse ou la compagne que lrsquoassociation intervient tout au long de ce

processus qualifieacute de ldquo precirct drsquouteacuterus ldquo ou de ldquo don drsquoenfant ldquo qursquoainsi apregraves avoir controcircleacute la

reacutealiteacute de la steacuteriliteacute du couple demandeur et des faculteacutes de feacutecondation de la ldquo megravere porteuse

ldquo geacuteneacuteralement recruteacutee par elle lrsquoassociation fait proceacuteder agrave lrsquoinseacutemination surveille la

grossesse et lrsquoaccouchement srsquooccupe de faire diligenter la proceacutedure drsquoadoption qursquoelle

verse ensuite agrave la megravere une somme forfaitaire - qui en 1987 eacutetait fixeacutee agrave 60 000 francs -

remise par le couple demandeur degraves le deacutebut de la grossesse que lrsquoarrecirct confirmatif attaqueacute

(Aix-en-Provence 29 avril 1988) estimant que cette association avait un objet illicite

contraire aux lois et aux bonnes moeurs en a prononceacute la nulliteacute sur le fondement de lrsquoarticle

3 de la loi du 1er juillet 1901

Sur le moyen unique pris en sa premiegravere branche

Attendu que lrsquoassociation ldquo Alma Mater ldquo fait grief agrave la cour drsquoappel drsquoavoir ainsi statueacute alors

que selon le moyen nrsquoest ni illicite ni contraire aux bonnes moeurs lrsquoassociation qui dans un

but humanitaire non lucratif met en relation un couple demandeur dont la femme est steacuterile et

38

une femme qui accepte drsquoecirctre inseacutemineacutee artificiellement par le mari de porter lrsquoenfant et de le

remettre agrave la naissance agrave ce couple qui lrsquoindemnisera des contraintes et de la gecircne occasionneacutee

par la grossesse de sorte que la juridiction du second degreacute aurait violeacute les articles 3 et 7 de la

loi du 1er juillet 1901

Mais attendu qursquoil reacutesulte des constatations des juges du fond que lrsquoobjet mecircme de

lrsquoassociation est de favoriser la conclusion et lrsquoexeacutecution de conventions qui fussent-elles

verbales portent tout agrave la fois sur la mise agrave la disposition des demandeurs des fonctions

reproductrices de la megravere et sur lrsquoenfant agrave naicirctre et sont donc nulles en application de lrsquoarticle

1128 du Code civil que ces conventions contreviennent au principe drsquoordre public de

lrsquoindisponibiliteacute de lrsquoeacutetat des personnes en ce qursquoelles ont pour but de faire venir au monde un

enfant dont lrsquoeacutetat ne correspondra pas agrave sa filiation reacuteelle au moyen drsquoune renonciation et

drsquoune cession eacutegalement prohibeacutees des droits reconnus par la loi agrave la future megravere que

lrsquoactiviteacute de lrsquoassociation qui tend deacutelibeacutereacutement agrave creacuteer une situation drsquoabandon aboutit agrave

deacutetourner lrsquoinstitution de lrsquoadoption de son veacuteritable objet qui est en principe de donner une

famille agrave un enfant qui en est deacutepourvu que crsquoest degraves lors agrave bon droit que lrsquoarrecirct attaqueacute a

deacutecideacute sur le fondement de lrsquoarticle 3 de la loi du 1er juillet 1901 que cette association eacutetait

nulle en raison de lrsquoilliceacuteiteacute de son objet que la premiegravere branche du moyen est donc sans

fondement

Et sur les deuxiegraveme et troisiegraveme branches du moyen

Attendu qursquoil est fait grief agrave la cour drsquoappel de nrsquoavoir pas reacutepondu aux conclusions faisant

valoir drsquoune part que lrsquointerdiction du ldquo don de gestation ldquo constituait une discrimination

fondeacutee sur la naissance contraire aux dispositions de lrsquoarticle 24 du pacte international relatif

aux droits civils et politiques signeacute agrave New York le 19 deacutecembre 1966 et drsquoautre part que ce ldquo

don de gestation ldquo reposait sur le droit leacutegitime de fonder une famille qui implique le droit

drsquoengendrer reconnu tant par lrsquoarticle 12 de la convention europeacuteenne des droits de lrsquohomme

et des liberteacutes fondamentales du 4 novembre 1950 que par lrsquoarticle 23 du pacte international

preacuteciteacute

Mais attendu que la reconnaissance du caractegravere illicite de la materniteacute pour autrui et des

associations qui srsquoefforcent de la promouvoir qui se deacuteduit des principes geacuteneacuteraux du Code

civil et de regravegles qui sont communes agrave toutes les filiations nrsquoest pas de nature agrave instaurer une

discrimination fondeacutee sur la naissance que le droit de se marier et de fonder une famille

reconnu par lrsquoarticle 12 de la convention du 4 novembre 1950 et par lrsquoarticle 23 du pacte

international du 19 deacutecembre 1966 agrave lrsquohomme et agrave la femme en acircge nubile nrsquoimplique pas le

droit de conclure avec un tiers des conventions portant sur le sort drsquoun enfant agrave naicirctre que

par ces motifs de droit reacutepondant aux conclusions invoqueacutees lrsquoarrecirct se trouve leacutegalement

justifieacute et que les deuxiegraveme et troisiegraveme branches du moyen ne peuvent ecirctre accueillies

PAR CES MOTIFS

REJETTE le pourvoi

Publication Bulletin 1989 I Ndeg 387 p 260

Deacutecision attaqueacutee Cour drsquoappel drsquoAix-en-Provence du 29 avril 1988

39

Cour de cassation Assembleacutee pleacuteniegravere

Audience publique du 31 mai 1991

Ndeg de pourvoi 90-20105 Publieacute au bulletin

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Sur le pourvoi dans lrsquointeacuterecirct de la loi formeacute par M le Procureur geacuteneacuteral pregraves la Cour de

Cassation

Vu les articles 6 et 1128 du Code civil ensemble lrsquoarticle 353 du mecircme Code

Attendu que la convention par laquelle une femme srsquoengage fucirct-ce agrave titre gratuit agrave concevoir

et agrave porter un enfant pour lrsquoabandonner agrave sa naissance contrevient tant au principe drsquoordre

public de lrsquoindisponibiliteacute du corps humain qursquoagrave celui de lrsquoindisponibiliteacute de lrsquoeacutetat des

personnes

Attendu selon lrsquoarrecirct infirmatif attaqueacute que Mme X eacutepouse de M Y eacutetant atteinte drsquoune

steacuteriliteacute irreacuteversible son mari a donneacute son sperme agrave une autre femme qui inseacutemineacutee

artificiellement a porteacute et mis au monde lrsquoenfant ainsi conccedilu qursquoagrave sa naissance cet enfant a

eacuteteacute deacuteclareacute comme eacutetant neacute de Y sans indication de filiation maternelle

Attendu que pour prononcer lrsquoadoption pleacuteniegravere de lrsquoenfant par Mme Y lrsquoarrecirct retient

qursquoen lrsquoeacutetat actuel des pratiques scientifiques et des moeurs la meacutethode de la materniteacute

substitueacutee doit ecirctre consideacutereacutee comme licite et non contraire agrave lrsquoordre public et que cette

adoption est conforme agrave lrsquointeacuterecirct de lrsquoenfant qui a eacuteteacute accueilli et eacuteleveacute au foyer de M et

Mme Y pratiquement depuis sa naissance

Qursquoen statuant ainsi alors que cette adoption nrsquoeacutetait que lrsquoultime phase drsquoun processus

drsquoensemble destineacute agrave permettre agrave un couple lrsquoaccueil agrave son foyer drsquoun enfant conccedilu en

exeacutecution drsquoun contrat tendant agrave lrsquoabandon agrave sa naissance par sa megravere et que portant atteinte

aux principes de lrsquoindisponibiliteacute du corps humain et de lrsquoeacutetat des personnes ce processus

constituait un deacutetournement de lrsquoinstitution de lrsquoadoption la cour drsquoappel a violeacute les textes

susviseacutes

PAR CES MOTIFS

CASSE ET ANNULE mais seulement dans lrsquointeacuterecirct de la loi et sans renvoi lrsquoarrecirct rendu le

15 juin 1990 par la cour drsquoappel de Paris

REQUETE DE M LE PROCUREUR GENERAL PRES LA COUR DE CASSATION

Le Procureur geacuteneacuteral pregraves la Cour de Cassation a lrsquohonneur drsquoexposer

- Que par jugement du 28 juin 1989 le tribunal de grande instance de Paris a rejeteacute la requecircte

preacutesenteacutee par Mme X eacutepouse Y tendant agrave lrsquoadoption pleacuteniegravere de lrsquoenfant Z deacuteclareacutee

comme eacutetant neacutee de M Y mari de la requeacuterante sans indication de filiation maternelle

- Que pour ne pas faire droit agrave cette requecircte les premiers juges ont retenu que les eacutepoux Y

pour remeacutedier agrave la steacuteriliteacute de leur couple avaient eu recours agrave lrsquoassociation Alma Mater

aujourdrsquohui dissoute lrsquoenfant eacutetant neacute drsquoune megravere de substitution qui lrsquoa abandonneacute agrave la

naissance pratique deacuteclareacutee illicite

- Que sur appel de Mme Y la premiegravere chambre civile section C de la cour drsquoappel de

Paris a par arrecirct du 15 juin 1990 infirmeacute la deacutecision entreprise et prononceacute lrsquoadoption

pleacuteniegravere solliciteacutee par la requeacuterante

- Qursquoau soutien de leur deacutecision devenue deacutefinitive les juges du second degreacute ont tireacute de nos

principes geacuteneacuteraux relatifs agrave la filiation des regravegles drsquoordre public concernant les contrats et de

40

certaines conventions ou deacuteclarations internationales des conclusions contraires agrave celles

auxquelles eacutetait parvenue votre premiegravere chambre civile de la Cour de Cassation qui dans un

cas de figure pratiquement identique a par arrecirct du 13 deacutecembre 1989 (association Alma

Mater contre procureur geacuteneacuteral Aix-en-Provence) reconnu le caractegravere illicite de la materniteacute

pour autrui et les associations qui srsquoefforcent de la promouvoir

- Qursquoil importe en cette matiegravere particuliegraverement sensible qui touche agrave un deacutelicat problegraveme de

socieacuteteacute et drsquoeacutethique que soit mis fin agrave des divergences jurisprudentielles majeures et que la

seacutecuriteacute juridique soit assureacutee

PAR CES MOTIFS

Vu lrsquoarticle 17 de la loi du 3 juillet 1967 relative agrave la Cour de Cassation

Requiert qursquoil plaise agrave la Cour de Cassation

CASSE ET ANNULE sans renvoi et dans le seul inteacuterecirct de la loi lrsquoarrecirct rendu le 15 juin 1990

par la cour drsquoappel de Paris ayant fait droit agrave la requecircte en adoption pleacuteniegravere preacutesenteacutee par

Mme X eacutepouse Y

Publication Bulletin 1991 AP Ndeg 4 p 5

Deacutecision attaqueacutee Cour drsquoappel de Paris du 15 juin 1990

Page 14: SEANCE_3 Droit Civil Methodologie

14

actions agrave fins de subsides sous reacuteserve du recueil preacutealable expregraves du consentement de

linteacuteresseacute

Une deacutecision de la Cour dappel dAgen du 25 mars 2004 est rendue en application de larticle

16-11 alineacutea 2 du code civil dans le cadre dune action agrave fins de subsides La cour retient que

laquo sil ne peut ecirctre contesteacute que chacun a le droit au respect de son inteacutegriteacute physique larticle

16-11 du code civil preacutevoit expresseacutement lidentification dune personne au moyen de

lempreinte geacuteneacutetique [] raquo A deacutefaut davoir pu obtenir le consentement du deacutefendeur rendu

obligatoire par le mecircme texte la cour retient que si laquo les premiers juges deacutecidaient ainsi

justement que sil ne pouvait pas ecirctre fait grief agrave B de refuser une telle mesure leacutegale il

pouvait ecirctre tireacute toutes les conseacutequences de ce refus [] raquo La solution retenue est classique

Elle vient reacuteaffirmer le poids reconnu au recueil du consentement en matiegravere de respect du

corps humain et de linteacutegriteacute physique cette mesure ne peut ecirctre exeacutecuteacutee de force ou sous

astreinte En cas de refus le reacutegime geacuteneacuteral des mesures dinstruction est applicable en vertu

de larticle 11 alineacutea 1er et 198 du nouveau code de proceacutedure civile

Quen est-il du consentement sagissant de la demande de preacutelegravevement post-mortem

Le deuxiegraveme alineacutea de larticle 16-11 du code civil a eacuteteacute modifieacute par la loi du 6 aoucirct 2004

pour interdire toute identification post-mortem par empreintes geacuteneacutetiques en matiegravere civile

sauf accord expregraves manifesteacute de son vivant par la personne deacuteceacutedeacutee

Cette disposition destineacutee agrave renforcer la prise en compte de la volonteacute de la personne vient

mettre un terme agrave la question du preacutelegravevement post-mortem ordonneacute par une mesure judiciaire

dans le silence de la loi de 1994 la doctrine et la jurisprudence eacutetaient diviseacutees sur

linterpreacutetation agrave donner agrave lancien article 16-11 du code civil que laffaire Montand avait

meacutediatiseacute

Selon une premiegravere approche la reacutedaction de larticle 16-11 exigeait le consentement

preacutealable de la personne concerneacutee et ne pouvait sappliquer degraves lors agrave un deacutefunt le respect

ducirc aux morts sy opposait (CA Paris 17 deacutec 1998 D 1999 Jur p 476 note B Beignier 6

nov 1997 D 1998 Jur p 122 note P Malaurie Somm p 161 obs H Gaumont-Prat P

Malaurie et H Fulchiron Defreacutenois 2004 ndeg 821 p 333)

Selon une seconde approche lobligation de consentir fixeacute par larticle 16-11 ne concernait

que les vivants et il appartenait aux tribunaux den appreacutecier lopportuniteacute sagissant des

personnes deacuteceacutedeacutees (P Catala La jeune fille et le mort Dr fam 1997 Chron ndeg 12 J

Massip Defreacutenois 2002 art 37478)

2 Le juge des reacutefeacutereacutes peut-il ordonner une mesure dinstruction sur le fondement de larticle

145 du nouveau code de proceacutedure civile

Il a deacutejagrave eacuteteacute jugeacute que le juge des reacutefeacutereacutes ne peut sur le fondement de larticle 145 du nouveau

code de proceacutedure civile ordonner une mesure dinstruction tendant agrave lidentification dune

personne par ses empreintes geacuteneacutetiques mecircme avec laccord des parties (TGI Toulouse 25

janv 1995 Gaz Pal 1995 2 p 361 note Olivier CA Riom 19 juin 1997 D 1999 Somm

p 333 obs H Gaumont-Prat)

Avant le vote des lois de bioeacutethique de 1994 en matiegravere de filiation la Cour de cassation

(Cass 1re civ 4 mai 1994 Bull civ I ndeg 159 D 1994 Jur p 545 note J Massip D

1995 Somm p 113 obs F Granet-Lambrechts ) avait admis la possibiliteacute de recourir au

15

reacutefeacutereacute probatoire in futurum preacutevu agrave larticle 145 du nouveau code de proceacutedure civile pour

une expertise sanguine ou geacuteneacutetique degraves lors que se trouvaient respecteacutees les conditions

poseacutees par le texte (absence de procegraves au fond motif leacutegitime recherche ou conservation des

preuves) En lespegravece le demandeur faisait eacutetat de son inteacuterecirct leacutegitime en vue dappreacutecier les

chances de succegraves dune action en contestation de paterniteacute quil souhaitait intenter et

soulignait le risque de deacutepeacuterissement des preuves

Depuis 1994 la leacutegaliteacute dune mesure dinstruction destineacutee agrave eacutetablir la reacutealiteacute biologique de la

filiation gracircce aux empreintes geacuteneacutetiques est soumise agrave certaines conditions larticle 16-11

du code civil issu des lois bioeacutethiques de juillet 1994 se montre plus restrictif et pose

lexigence que la mesure dinstruction soit ordonneacutee par laquo le juge saisi dune action tendant

soit agrave leacutetablissement ou la contestation [] raquo formulation qui semble exclure de ce domaine

la proceacutedure de reacutefeacutereacute car seule une action au fond permettrait au juge dordonner une telle

mesure

Une deacutecision de la Cour dappel de Montpellier rappelle cette diffeacuterence de reacutegime pour

ordonner lexpertise biologique solliciteacutee dans le cadre dune action en reacutefeacutereacute aux motifs que laquo

la mesure dexpertise ne peut porter que sur des preacutelegravevements sanguins et non sur des

empreintes geacuteneacutetiques ces derniegraveres ne pouvant ecirctre ordonneacutees que par le seul juge saisi de

laction conformeacutement agrave larticle 16-11 du code civil raquo

Sachant que lexamen compareacute des sangs permet de donner des reacutesultats relativement fiables

en matiegravere de filiation au moins agrave titre indicatif permettant dappreacutecier les chances de succegraves

dune action en contestation ou en eacutetablissement de paterniteacute on peut degraves lors sinterroger sur

la peacuterenniteacute de cette dualiteacute de reacutegime Ne conviendrait-il pas de modifier les imperfections

reacutedactionnelles de larticle 16-11 alineacutea 2 pour autoriser eacutegalement le recours agrave la proceacutedure

de reacutefeacutereacute

3 La loi ndeg 2004-800 du 6 aoucirct 2004 (art 5) a modifieacute les conditions de lidentification dune

personne par ses empreintes geacuteneacutetiques agrave des fins meacutedicales ou de recherche scientifique

Comme pour lexamen des caracteacuteristiques geacuteneacutetiques agrave larticle 2 il sagit de garantir un

reacutegime du consentement plus protecteur pour les personnes et le texte reprend en partie la

teneur de larticle 16-10 en matiegravere dexamen des caracteacuteristiques geacuteneacutetiques recueil du

consentement expregraves par eacutecrit et preacutealable agrave la reacutealisation de lidentification reacutevocable sans

forme et agrave tout moment consentement eacuteclaireacute par lexigence de la communication de sa

finaliteacute

Le renforcement des droits de la personne saccompagne dun dispositif relatif aux conditions

dagreacutement aux fins de proceacuteder agrave lidentification dune personne agrave des fins meacutedicales ou agrave des

fins de recherche scientifique fixeacute par larticle L 1131-3 issu de la loi du 6 mai 2004

De la mecircme faccedilon un encadrement strict des conditions dagreacutement en matiegravere judiciaire est

mis en place avec le deacutecret ndeg 2004-471 du 25 mai 2004 qui vient modifier le deacutecret ndeg 97-

109 du 6 feacutevrier 1997 relatif aux conditions dagreacutement des personnes habiliteacutees agrave proceacuteder agrave

des identifications par empreintes geacuteneacutetiques dans le cadre dune proceacutedure judiciaire

1 - En matiegravere peacutenale

Un arrecirct de la Chambre criminelle de la Cour de cassation (22 juin 2004 Bull crim ndeg 164)

vient preacuteciser lapplication de larticle 706-56 du code de proceacutedure peacutenale issu de la loi ndeg

2001-1062 du 15 novembre 2001 (art 56 JO du 16 nov 2001) modifieacutee ensuite par la loi ndeg

2003-239 du 18 mars 2003 (art 29 JO du 19 mars 2003) et par la loi ndeg 2004-204 du 9 mars

16

2004 (art 49 JO du 10 mars 2004) en matiegravere dempreintes geacuteneacutetiques aux fins

didentification en matiegravere peacutenale Ce texte preacutevoit que le fait pour une personne

deacutefinitivement condamneacutee pour une des infractions viseacutees agrave larticle 706-55 de refuser de se

soumettre agrave un preacutelegravevement biologique destineacute agrave permettre lanalyse didentification de son

empreinte geacuteneacutetique est passible de sanctions peacutenales En lespegravece un homme condamneacute pour

viol avait refuseacute de se soumettre agrave un preacutelegravevement biologique en vue de son inscription au

fichier des empreintes geacuteneacutetiques et preacutetendait que le texte susviseacute ne sappliquait quaux

personnes deacutefinitivement condamneacutees apregraves son entreacutee en vigueur La cour dappel ne suit pas

cette argumentation et la Cour de cassation rejette le pourvoi aux motifs que ce texte

dapplication immeacutediate concerne toutes les personnes dont un preacutelegravevement est requis mecircme

si la condamnation est anteacuterieure agrave la loi

Les mesures viseacutees par ce texte sinscrivent dans la mise en place et le fonctionnement du

FNAEG le fichier national automatiseacute des empreintes geacuteneacutetiques destineacute notamment agrave

conserver dans un traitement automatiseacute les empreintes geacuteneacutetiques de lensemble des

personnes condamneacutees pour infractions sexuelles (Circ CRIM 00-8 F1 du 10 oct 2000 et

CRIM 01-15 E6 du 20 juill 2001) Un deacutecret ndeg 2004-470 du 25 mai 2004 modifiant le code

de proceacutedure peacutenale (2e partie deacutecrets en Conseil dEtat) relatif au fichier national

automatiseacute des empreintes geacuteneacutetiques vient compleacuteter le dispositif

C - Limage du corps

Limage du corps ou lapparence corporelle est classiquement proteacutegeacutee par le droit agrave limage

deacutecoulant de larticle 9 du code civil consacrant le droit au respect de la vie priveacutee et qualifieacute

de droit de la personnaliteacute (P Kayser in Meacutelanges Roubier p 73 T Hassler note sous TGI

Paris 15 avr 1987 D 1987 Jur p 551 F Dessemontet Le droit agrave sa propre image droit de

la personnaliteacute ou droit de la publiciteacute Meacutelanges en lhonneur de J-M Grossen) Cest le

droit pour toute personne dinterdire aux tiers la reproduction et la publication de son image

Limage du corps peut ecirctre appreacutehendeacutee de maniegravere plus originale par le recours agrave larticle 16

comme sinscrivant dans le domaine du droit au respect du corps humain et essentiellement

dans celui du respect de la digniteacute de la personne humaine On observe que le principe du

droit au respect du corps est proclameacute par le leacutegislateur en des termes semblables agrave ceux de

larticle 9 du code civil visant le respect de la vie priveacutee Il est vrai que laquo corps et vie priveacutee

repreacutesentent les deux faces de lintimiteacute dune personne raquo (J-C Galloux Le corps humain

dans le code civil in 1804-2004 Le code civil Un passeacute un preacutesent un avenir Dalloz 2004

p 381) Le recours agrave la notion de digniteacute de la personne humaine a eacuteteacute solliciteacute degraves 2001 dans

laffaire du preacutefet Erignac pour sanctionner la reproduction dans la presse de limage de son

cadavre (Cass 1re civ 20 deacutec 2000 J-P Gridel Retour sur limage du preacutefet assassineacute

digniteacute de la personne humaine et liberteacute de linformation dactualiteacute D 2001 Chron p 872

Jur p 885 Somm p 1990 obs A Lepage RTD civ 2001 p 329 obs J Hauser JCP

2001 II 10488 note J Ravanas)

1 Une deacutecision de la Cour dappel de Paris (1re ch B 23 sept 2004) consacre cette solution

en retenant que la liberteacute dexpression eacutetant une liberteacute fondamentale agrave valeur

constitutionnelle proteacutegeacutee par la Convention europeacuteenne des droits de lhomme et la

Deacuteclaration des droits de lhomme et du citoyen ses abus peuvent seulement ecirctre poursuivis

au nom dautres principes agrave valeur constitutionnelle comme le droit agrave reacuteparation de tout

preacutejudice subi ou la protection de la digniteacute de lhomme preacutevue par larticle 16 du code civil

2 Une deacutecision de la deuxiegraveme Chambre civile de la Cour de cassation (4 nov 2004) vient

confirmer cette dualiteacute Il sagissait en lespegravece dune photographie dun jeune homme de 17

17

ans gisant inanimeacute et agrave demi deacutevecirctu le visage ensanglanteacute victime dun accident de la

circulation alors quil pilotait un scooter Le clicheacute avait eacuteteacute pris par un hebdomadaire agrave grand

tirage pour illustrer un article intituleacute laquo Routes la guerre oublieacutee raquo consacreacute aux accidents de

la route

Les parents de ladolescent deacuteceacutedeacute des suites de laccident avaient assigneacute la socieacuteteacute eacuteditrice

de lhebdomadaire en reacuteparation arguant dune atteinte agrave la digniteacute de la personne ainsi

repreacutesenteacutee Les juges du fond avaient fait droit agrave la demande aux motifs que la liberteacute

dinformer revendiqueacutee par leacutediteur ne devait pas preacutevaloir sur le respect des droits de

lindividu sagissant dun article consacreacute agrave un pheacutenomegravene de socieacuteteacute La jurisprudence en la

matiegravere consacre en effet la liberteacute de communication des informations ainsi que la

publication dimages de personnes impliqueacutees dans un eacuteveacutenement sagissant deacuteveacutenements

dactualiteacute voire mecircme de faits dactualiteacute (Cass 2e civ 30 juin 2004 D 2004 IR p 2478

JCP 2004 II 10160 note D Bakouche) sous la seule reacuteserve du respect de la digniteacute

humaine (not absence de recherche du sensationnel et toute indeacutecence Cass 1re civ 20

feacutevr 2001 D 2001 Jur p 1199 note J-P Gridel Somm p 1990 obs A Lepage RTD civ

2001 p 329 note J Hauser Dr et patrimoine juin 2001 p 96 note G Loiseau 12 juill

2001 D 2002 Jur p 1380 note C Bigot Somm p 2298 obs L Marino RTD civ 2001

p 852 obs J Hauser JCP 2002 II ndeg 10152 note J Ravanas) Les diffeacuterentes deacutecisions

sont rendues au regard de latteinte agrave la vie priveacutee et du droit agrave limage sur le fondement de

larticle 9 (Cass 2e civ 5 mars 1997 D 1998 Jur p 474 note J Ravanas RTD civ 1997

p 396 obs J Hauser CA Versailles 31 janv 2002 Bull inf C cass 1er oct 2002 ndeg 983

D 2003 Somm p 1533 obs C Caron) voire sur le fondement de larticle 10 de la

Convention europeacuteenne des droits de lhomme (CEDH 3e sect 26 feacutevr 2002 Krone Verlag

c Austria req ndeg 34315)

Dans larrecirct susviseacute la Cour de cassation casse la deacutecision au visa des articles 10 de la

Convention europeacuteenne 9 et 16 du code civil Rappelant que laquo le principe de la liberteacute de la

presse implique le libre choix des illustrations dun deacutebat geacuteneacuteral de pheacutenomegravene de socieacuteteacute

sous la seule reacuteserve du respect de la digniteacute de la personne humaine [] raquo elle reproche agrave la

cour dappel de ne pas avoir laquo caracteacuteriseacute latteinte porteacutee par celle-ci [la photographie

litigieuse] agrave la digniteacute de la victime [] raquo

Le recours agrave larticle 16 du code civil selon lequel laquo la loi interdit toute atteinte agrave la digniteacute raquo

de la personne teacutemoigne de la proximiteacute des notions dimage (traditionnellement inscrite dans

le droit au respect de la vie priveacutee) et dapparence corporelle dont on perccediloit le lien avec la

notion de droit au respect du corps humain gouverneacute par larticle 16-1 prolongeant la

protection plus geacuteneacuterale fondeacutee sur la digniteacute inscrite agrave larticle 16 du code civil Nexiste-t-il

pas degraves lors une veacuteritable attraction de ces deux regravegles Les deux protections coexistent se

complegravetent et devraient favoriser le renforcement de la protection de limage de la personne

II - Le corps ses eacuteleacutements et ses produits

A - Regravegles geacuteneacuterales relatives au statut du corps humain

A leacutepoque contemporaine le corps humain devient de plus en plus un lieu de conflits

Conflits entre des normes juridiques de valeur comparable - autonomie de la volonteacute contre

solidariteacute sociale digniteacute des personnes contre liberteacute de la science - mais eacutegalement et de

maniegravere plus fondamentale conflits susciteacutes par des approches philosophiques et morales

diffeacuterentes sinon opposeacutees du corps humain Approches judeacuteo-chreacutetiennes qui le sacralisent

en linscrivant dans le mystegravere de lincarnation mateacuterialistes qui en nient la transcendance

utilitaristes precirctes agrave le sacrifier pour le bien-ecirctre collectif libertaires ou heacutedonistes qui

exaltent la liberteacute de lindividu agrave lencontre des contingences biologiques ou nen font que

18

linstrument de satisfaction des deacutesirs Le droit biomeacutedical se ressent de ces laquo oscillations de

la morale raquo (J Carbonnier Droit et passion du droit sous la Ve Reacutepublique Flammarion

1996 p 116) au risque de perdre peu agrave peu sa coheacuterence En teacutemoigne lapplication parfois

heacutesitante parfois jupiteacuterienne et souvent gecircneacutee des principes geacuteneacuteraux qui gouvernent le

statut du corps humain la protection de linteacutegriteacute corporelle et surtout lindisponibiliteacute ou

lextra-commercialiteacute du corps

1 - Protection de linteacutegriteacute corporelle

1 La loi du 6 aoucirct 2004 a modifieacute larticle 16-3 du code civil en ajoutant agrave la neacutecessiteacute laquo

meacutedicale raquo justifiant latteinte agrave linteacutegriteacute corporelle laquo agrave titre exceptionnel dans linteacuterecirct

theacuterapeutique dautrui raquo (art 9) Cette nouvelle extension de laccegraves aux ressources

biologiques corporelles au deacutetriment des droits de lindividu sur son corps (la premiegravere a eacuteteacute

consacreacutee par la loi ndeg 99-641 du 27 juill 1999 art 70 qui avait deacutejagrave substitueacute au terme laquo

theacuterapeutique raquo celui de laquo meacutedicale raquo afin de contrer linterpreacutetation neacutecessairement eacutetroite

quen avait fait la Cour de cassation dans son avis du 6 juill 1998 [D 1998 IR p 208 RTD

civ 1998 p 881 obs J Hauser] consideacuterant contraires agrave lart 16-3 les atteintes agrave linteacutegriteacute

du corps meneacutees agrave des fins purement contraceptives comme la ligature des trompes de Fallope

de telles atteintes sont deacutesormais licites car obeacuteissant agrave une finaliteacute meacutedicale mecircme si elles

tendent plus agrave preacutevenir ou agrave gueacuterir une maladie une grossesse neacutetant par elle-mecircme une

maladie) a davantage pour but dharmoniser les dispositions du code civil et celles du code de

la santeacute publique les preacutelegravevements reacutealiseacutes aux fins de greffes sur autrui ne pouvaient

certainement pas entrer dans les preacutevisions du texte dans sa reacutedaction anteacuteceacutedente Avec

lextension continue de la cateacutegorie des donneurs vivants (afin de pallier le deacuteficit chronique

de greffons en France cf infra) cette disposition est promise agrave un bel avenir (JOAN CR 2e

seacuteance 16 janv 2002)

2 Le titre III de la loi du 6 aoucirct 2004 apporte par ailleurs des modifications importantes agrave

larchitecture des preacutelegravevements deacuteleacutements du corps humain et par voie de conseacutequence aux

conditions dans lesquelles il peut ecirctre porteacute atteinte agrave linteacutegriteacute corporelle des donneurs

- lacte de preacutelegravevement est deacutesormais qualifieacute dlaquo acte de soin raquo au sens des articles L 1142-1

et suivants du code de la santeacute publique relatifs aux risques sanitaires reacutesultant du

fonctionnement du systegraveme de santeacute issus de la loi du 4 mars 2002 ce qui devrait ameacuteliorer

lindemnisation des victimes en cas daccident lors du preacutelegravevement

- le cercle des donneurs est eacutelargi (art L 1231-1 al 1er c santeacute publ)

- les modaliteacutes de recueil du consentement sont renforceacutees (mecircme art al 3)

- les finaliteacutes des preacutelegravevements sont mieux deacutefinies (par ex pour le sang art L 1211-8-1 c

santeacute publ) le patient pouvant controcircler une nouvelle utilisation des eacuteleacutements preacuteleveacutes

initialement pour dautres buts (not art L 1241-1 c santeacute publ) Les patients peuvent

eacutegalement sopposer agrave lutilisation des produits dexeacuteregravese et du placenta (art L 1235-2 et

1245-2 c santeacute publ) Pour les preacutelegravevements sur personne deacuteceacutedeacutee la regravegle mal veacutecue et

contourneacutee du consentement est ameacutelioreacutee obligeant le meacutedecin agrave recueillir aupregraves de ses

proches une eacuteventuelle opposition exprimeacutee par le deacutefunt de son vivant (art L 1232-1 c

santeacute publ) les proches se voyant reconnaicirctre le droit de connaicirctre les preacutelegravevements effectueacutes

3 Nonobstant les appels aux dons la peacutenurie de greffons saggrave en France selon

lEtablissement franccedilais des greffes qui constate une baisse des preacutelegravevements dorganes

(communiqueacute du 8 avr 2004) ce qui conduit lAcadeacutemie de meacutedecine agrave reacuteclamer de

19

nouvelles modifications reacuteglementaires afin dassouplir les regravegles de seacutelection des donneurs

(communiqueacute du 11 mai 2004) Cette situation ne doit toutefois pas conduire agrave des

discriminations ignoreacutees de la reacuteglementation sanitaire et contraires agrave notre tradition juridique

larrecirct du Conseil dEtat du 30 avril 2004 sen fait leacutecho En lespegravece un ressortissant

marocain en situation irreacuteguliegravere atteint dune grave insuffisance reacutenale chronique et inscrit

sur la liste des receveurs de greffes dorganes en vue dune transplantation reacutenale se voit

notifier une mesure de reconduite agrave la frontiegravere sur le fondement de larticle 25 de

lordonnance du 2 novembre 1945 Larrecircteacute deacutecidant cette reconduite est annuleacute comme

entacheacute dune erreur manifeste dappreacuteciation des conseacutequences de cet arrecircteacute sur la situation

personnelle de linteacuteresseacute car il ne pouvait pas beacuteneacuteficier dune opeacuteration de transplantation

dans son pays dorigine Peut-on voir dans cette solution tregraves humaine une application preacutecoce

du principe nouvellement inscrit dans le nouvel article L 1231-1 A c) du code de la santeacute

publique qui impose le respect du principe deacutequiteacute dans les regravegles de reacutepartition et

dattribution des greffons

4 La question des soins imposeacutes suscite toujours des questions deacutelicates autant sur un plan

humain quun plan juridique Le droit pour le patient majeur de donner lorsquil se trouve en

leacutetat de lexprimer son consentement agrave un traitement meacutedical comme le rappelle lalineacutea 2 de

larticle 16-3 revecirct le caractegravere dune liberteacute fondamentale (CE ord reacutef 16 aoucirct 2002 D

2004 Somm p 602 obs J Penneau RTD civ 2002 p 781 obs J Hauser) Larticle L

1111-4 du code de la santeacute publique tel quissu de la loi du 4 mars 2002 sur le droit des

malades prescrit que le pouvoir de deacutecision sexerce avec le professionnel de santeacute compte

tenu des informations et des preacuteconisations quil lui fournit le meacutedecin ne dispose plus

deacutesormais que dun pouvoir de conseil qui lui interdit de passer outre la volonteacute du patient

mecircme en cas durgence vitale Le meacutedecin doit respecter la volonteacute de la personne apregraves

lavoir informeacutee des conseacutequences de ses choix (il nest dailleurs pas obligeacute de la convaincre

Cass 1re civ 18 janv 2000 D 2001 Jur p 3559 note M-L Mathieu-Izorche) aucun acte

ni aucun traitement ne peut ecirctre pratiqueacute sans le consentement libre et eacuteclaireacute de la personne

consentement quelle peut retirer agrave tout moment Toutefois parmi les soins imposeacutes les

obligations de vaccination tiennent une place particuliegravere Bien accepteacutees par le public

lorsquelles furent introduites pour lutter contre des eacutepideacutemies dont chacun pouvait mesurer

autour de soi les effets deacutevastateurs (la premiegravere vaccination obligatoire remonte agrave la loi du 15

feacutevr 1902 F Moderne Le reacutegime juridique des vaccinations obligatoires AJDA 1965 p

195) ces mesures autoritaires encore nombreuses (contre la diphteacuterie art L 3111-1 c santeacute

publ le teacutetanos art L 3111-2 c santeacute publ la poliomyeacutelite art L 3111-3 c santeacute publ

la tuberculose art L 3111-4 c santeacute publ) sont aujourdhui contesteacutees au nom de la liberteacute

individuelle alors que ces grandes pandeacutemies ont peu agrave peu replieacute leurs ailes de mort sur

notre pays du moins Dans un arrecirct dAssembleacutee du 3 mars 2004 (Association Liberteacute

Information Santeacute RFDA 2004 p 581 concl comm du gouv G Le Chatelier AJDA

2004 p 971) le Conseil dEtat a eu loccasion de preacuteciser les pouvoirs reacuteglementaires dont

peut disposer le ministre de la Deacutefense pour imposer certaines vaccinations obligatoires

contrairement aux conclusions du commissaire du gouvernement il a admis que le ministre de

la Deacutefense en tant que chef de service peut imposer des vaccinations aux militaires placeacutes

sous son autoriteacute Si le principe dinteacutegriteacute du corps ne constitue pas en lui-mecircme un principe

agrave valeur constitutionnelle il concourt toutefois agrave assurer le respect du principe constitutionnel

de sauvegarde de la digniteacute de la personne humaine (Cons const 27 juill 1994 RJC p 100

B Edelman Le Conseil constitutionnel et lembryon D 1995 Chron p 205 Jur p 237 note

B Mathieu Somm p 299 obs L Favoreu) Cette expression essentielle et incarneacutee de la

liberteacute individuelle doit ecirctre concilieacutee avec des impeacuteratifs sociaux de santeacute dont la valeur nest

pas moindre La Haute juridiction administrative avait deacutejagrave eu loccasion de preacuteciser que les

20

dispositions imposant des vaccinations obligatoires si elles ont pour effet de porter une

atteinte limiteacutee aux principes dinviolabiliteacute et dinteacutegriteacute du corps humain voient leur mise en

oeuvre justifieacutee dans le but dassurer la protection de la santeacute dont le principe se trouve garanti

par le Preacuteambule de la Constitution de 1946 et sont proportionneacutees agrave cet objectif (CE 26 nov

2001 ALIS req ndeg 222741 RFDA 2002 p 65 concl comm du gouv S Boissard) Cest

normalement agrave la loi quil revient darbitrer entre ces deux principes Dans une autre affaire

(CA Pau 19 mars 2002 Dr fam 2004 ndeg 137 obs M S) des parents avaient eacuteteacute

condamneacutes agrave des peines contraventionnelles pour avoir soustrait leurs enfants agrave lobligation

vaccinale pour des raisons religieuses Ces deacutecisions ont eacuteteacute rendues alors que la loi du 4 mars

2002 sur le droit des patients neacutetait pas entreacutee en vigueur le renforcement de la liberteacute du

patient serait-elle de nature agrave assouplir les obligations vaccinales La jurisprudence de la

Cour europeacuteenne des droits de lhomme semble aller en ce sens (CEDH 9 juill 2002 ndeg

4219798 Salvetti c Italie une vaccination obligatoire en tant que traitement meacutedical non

volontaire constitue une ingeacuterence dans le droit au respect de la vie priveacutee reconnu par lart 8

sect 1 Conv EDH) Quil nous soit permis deacutemettre des reacuteserves sauf agrave ruiner toute la politique

de preacutevention mise en place par les autoriteacutes sanitaires depuis un siegravecle et dont les effets

salutaires ne sont pas contestables la reacutesistance des juridictions administratives qui sous-tend

larrecirct dAssembleacutee rapporteacute face aux derniers avatars dun certain extreacutemisme libertarien

dont le corps devient le bastion (pour un bon exposeacute de ces thegraveses Onfray Feacuteeacuteriques

anatomiques geacuteneacutealogie du corps faustien Grasset-Fasquelle 2003) montre que lhypothegravese

est ici bien diffeacuterente dun simple refus de soin comme dans le cas des transfusions elles ne

mettent en jeu que la vie du patient (sur cette derniegravere question B Mathieu De la difficulteacute

de choisir entre la liberteacute et la vie RGDM 2003 ndeg 9 p 97 A Garay Volonteacutes et liberteacutes

dans la relation meacutedecin-malade la mise agrave leacutepreuve des articles 16-3 du code civil et L

1111-4 du code de la santeacute publique RGDM 2003 ndeg 10 p 143)

5 Moins sujet agrave deacutebat larrecirct rendu par la Cour europeacuteenne (22 juill 2003 req ndeg 2420994

RD publ 2004 ndeg 3 p 826 note C Picheral) qui condamne la Turquie pour ingeacuterence dans

le droit au respect de la vie priveacutee reconnu par larticle 8 sect 1 de la Convention europeacuteenne

Dans cette affaire la plaignante avait subi un examen gyneacutecologique forceacute destineacute agrave prouver

agrave lissue de sa garde agrave vue quelle navait pas subi de violences sexuelles La Cour europeacuteenne

qui integravegre deacutesormais le respect du corps humain dans la sphegravere de la vie priveacutee fait ici une

application logique de larticle 8 dans la ligne de la jurisprudence preacuteceacutedemment citeacutee

2 - Indisponibiliteacute et extra-patrimonialiteacute du corps humain

6 Le principe dextra-patrimonialiteacute du corps humain se trouve repris par les articles 16-1

alineacutea 3 16-5 et 16-6 du code civil quil est parfois difficile de distinguer du principe

dindisponibiliteacute du corps humain que la jurisprudence fonde sur larticle 1128 du mecircme code

(Cass ass pleacuten 31 mai 1991 D 1991 Jur p 417 rapp Y Chartier note D Thouvenin) Si

la qualification dindisponibiliteacute a eacuteteacute eacutecarteacutee du vocabulaire des lois de 1994 et de 2004

comme par la doctrine dominante pour cause dambiguiumlteacute (D Fenouillet Respect et protection

du corps humain J-Cl civil art 16 agrave 16-12 fasc 12 ndeg 134 s) la jurisprudence y revient

parfois pour affirmer que le corps nest pas une chose dans le commerce Larrecirct de la Cour

dappel de Paris du 16 mai 2003 reacuteforme sur ce point un jugement du Tribunal des affaires de

seacutecuriteacute sociale de Paris du 5 juillet 2001 qui avait agrave tort exoneacutereacute une prostitueacutee du paiement

de la cotisation dallocations familiales des travailleurs indeacutependants au motif quanalyser une

activiteacute sexuelle reacutemuneacutereacutee comme un travail reviendrait agrave admettre que le commerce du

corps humain est leacutegal alors que leacutegaliser ce commerce aboutit agrave nier et agrave rejeter le principe

dindisponibiliteacute du corps humain La cour rappelle agrave bon droit que le commerce des relations

sexuelles nest pas en soi illicite seules eacutetant interdites certaines conditions dexercice de cette

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activiteacute en tant quelles conduiraient aux infractions de racolage et de proxeacuteneacutetisme Affirmer

que lactiviteacute en cause na aucun lien avec lindisponibiliteacute du corps humain a quelque chose

de surreacutealiste le fait quelle ne soit pas peacutenalement reacuteprimeacutee nempecircche pas le caractegravere

illicite du contrat passeacute entre la prostitueacutee et son client (dans ce sens pour la nulliteacute dune

assurance souscrite par un proxeacutenegravete contre les accidents corporels freacutequents dans ce genre

dactiviteacutes CA Paris 22 janv 1992 Juris-Data ndeg 020308) Reste la justification de la

deacutecision par la relative autonomie du droit des prestations sociales larticle R 241-2 du code

de la seacutecuriteacute sociale vise toutes les activiteacutes non salarieacutees mecircme de caractegravere accessoire La

Chambre sociale de la Cour de cassation a deacutejagrave admis la prostitution au titre de ces activiteacutes

(18 mai 1995 D 1996 Somm p 38 obs X Preacutetot) eacutecarter les activiteacutes de prostitution de

lassiette des cotisations sociales ne serait-ce pas les encourager davantage au risque pour

lEtat de reprendre agrave son compte le ceacutelegravebre adage de Vespasien

7 Nous rappellerons encore larrecirct rendu par la premiegravere Chambre civile le 9 deacutecembre 2003

confirmant le rejet de ladoption pleacuteniegravere par la femme du pegravere dune enfant qui est le fruit

dune convention de megravere porteuse Lamie dun couple steacuterile avait accepteacute en 1987

dabandonner agrave sa naissance sans indication de filiation maternelle lenfant conccedilu des relations

intimes quelle avait eues avec leacutepoux La demanderesse au pourvoi soutenait que lilliceacuteiteacute de

la convention neacutetait pas eacutetablie par la jurisprudence et par la loi au moment des faits et quil

fallait prendre en consideacuteration pour ladoption pleacuteniegravere les douze anneacutees passeacutees par lenfant

aupregraves delle les inteacuterecircts de ce dernier primant la neacutecessiteacute de sanctionner la convention La

Cour de cassation confirmant sa jurisprudence du 31 mai 1991 (preacutec) et du 29 juin 1994 (D

1994 Jur p 581 note Y Chartier) rappelle laquo que la materniteacute pour autrui dont le caractegravere

illicite se deacuteduit des principes geacuteneacuteraux du code civil et aujourdhui de son article 16-7

reacutealise un deacutetournement de linstitution de ladoption que les premiers juges ont agrave bon droit

refuseacute raquo Prudemment la Haute juridiction neacutevoque pas la notion dindisponibiliteacute cet laquo

imaginaire de la doctrine raquo (M Gobert Reacuteflexions sur les sources du droit et les principes

dindisponibiliteacute du corps humain et de leacutetat des personnes RTD civ 1992 p 489) pour se

contenter logiquement de viser larticle 16-7 qui a vocation agrave sappliquer mecircme si le contrat

reste secret la graviteacute du vice initial de la materniteacute pour autrui contaminant toute adoption

ulteacuterieure

8 Le Tribunal administratif dAmiens dans sa deacutecision du 9 mars 2004 fait une application

discutable de la notion dextra-commercialiteacute des eacuteleacutements et des produits du corps humain

dans une hypothegravese ougrave cette qualification ne devait pas jouer Un couple perd ses embryons

congeleacutes in vitro en raison de la deacutefaillance du mateacuteriel de conservation imputable agrave un

eacutetablissement hospitalier Peut-il se preacutevaloir dun preacutejudice indemnisable dans le cadre de

laction en responsabiliteacute quil engage contre cet eacutetablissement La juridiction administrative

saisie admet la responsabiliteacute de la personne publique le mateacuteriel de conservation lui

appartenant eacutetant en cause mais sur la question de la reacuteparation du preacutejudice subi reacutepond de

maniegravere surprenante laquo si les eacutepoux peuvent se preacutevaloir de lexistence dun preacutejudice

mateacuteriel reacutesultant de la perte dovocytes les dispositions de larticle 16-1 du code civil selon

lesquelles le corps humain ses eacuteleacutements et ses produits ne peuvent faire lobjet dun droit

patrimonial sopposent agrave ce quils puissent en demander la reacuteparation en argent raquo et il

poursuit laquo les ovocytes surnumeacuteraires neacutetant pas des personnes ils ne sont pas fondeacutes agrave se

preacutevaloir dun preacutejudice moral reacutesultant selon eux de la perte decirctres chers raquo Le couple se

voit toutefois allouer 10 000 euros de dommages-inteacuterecircts pour les laquo troubles divers raquo dans

leurs conditions dexistence Si les ovocytes ne sont pas eacutevaluables en argent et si leur perte ne

peut donc pas justifier un preacutejudice mateacuteriel il nen va pas de mecircme dun preacutejudice moral

causeacute par leur perte (la perte dun animal domestique le justifie en droit civil ) et surtout le

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preacutejudice reacutesultant de la perte dune chance de devenir parents pour un couple deacutejagrave acircgeacute et qui

rencontre des difficulteacutes pour procreacuteer degraves lors quaurait pu ecirctre eacutetablie la disparition par

leffet de la faute imputeacutee agrave leacutetablissement hospitalier de leacuteveacutenement favorable la

probabiliteacute de la naissance dun enfant (en droit meacutedical G Meacutemeteau Gaz Pal 1997 2

Doctr p 1367) La juridiction administrative a manqueacute une occasion de faire avancer le droit

biomeacutedical dans une affaire inattendue et hautement symbolique

B - Reacuteglementation des eacuteleacutements et les produits du corps

Prenant appui sur les principes geacuteneacuteraux gouvernant le statut du corps humain le reacutegime

juridique des eacuteleacutements et des produits biologiques dorigine humaine peut toutefois preacutesenter

des particulariteacutes

1 - La greffe de visage

9 Le Comiteacute consultatif national deacutethique dans son avis ndeg 82 du 6 feacutevrier 2004 eacutemet un

avis deacutefavorable au preacutelegravevement du visage dune personne deacuteceacutedeacutee ou en langage meacutedical agrave

lallotransplantation de tissus composites En deacutepit des besoins eacutevidents pour la chirurgie

reconstructive des victimes deacutefigureacutees agrave la suite daccidents ou de suicides manqueacutes le

Comiteacute consultatif considegravere que des obstacles dirimants subsistent actuellement pour

ladmission dun tel preacutelegravevement les perspectives de laquo reacuteussite raquo dune telle opeacuteration

demeurent tregraves theacuteoriques les risques de rejet des greffons eacutetant laquo extrecircmement graves raquo il

paraicirct par ailleurs fort deacutelicat de solliciter lautorisation de la famille du deacuteceacutedeacute pour effectuer

les preacutelegravevements la signification eacutethique particuliegravere du visage humain son lien intime agrave la

personnaliteacute et agrave lidentiteacute en font davantage quune piegravece anatomique Cette prudence sinscrit

dans le cadre des principes traditionnels du droit meacutedical la technique envisageacutee relevant

pour lheure davantage de lexpeacuterimentation que de la theacuterapeutique

2 - Les banques de sang de cordon ombilical

10 Les cellules heacutematopoiumleacutetiques preacutesentes dans le sang du cordon ombilical peuvent ecirctre

utiliseacutees pour le traitement de certaines maladies geacuteneacutetiques elles peuvent notamment

repeupler la moelle osseuse du patient et constituer une source de cellules sanguines offrant

ainsi une solution alternative agrave la greffe de moelle osseuse Des banques de ces cellules ont

eacuteteacute creacuteeacutees dans des institutions hospitaliegraveres et plus reacutecemment dans le secteur priveacute Ces

activiteacutes pour certaines agrave but lucratif suscitent eacutevidemment des questions juridiques et

eacutethiques Le Comiteacute national sest en France pencheacute sur ce problegraveme (avis ndeg 74 du 12 deacutec

2002) de mecircme que divers organismes de santeacute europeacuteens Le Groupe europeacuteen deacutethique

institueacute aupregraves du preacutesident de la Commission europeacuteenne a consacreacute agrave ce point son avis ndeg

16 rendu le 16 mars 2004 En substance les sages du Groupe europeacuteen critiquent vivement

louverture de cette activiteacute au secteur commercial degraves lors que les banques priveacutees noffrent

pas un laquo service utile en termes de possibiliteacutes theacuterapeutiques raquo (pt 21) et meacuteritent decirctre

eacutetroitement encadreacutees comme elles le seraient dailleurs en France Dun point de vue plus

geacuteneacuteral ces banques priveacutees de sang ombilical qui demeurent en veacuteriteacute assez marginales

posent la question des activiteacutes commerciales dans les secteurs sensibles de la santeacute qui nest

pas reacutesolue de maniegravere uniforme au sein de lUnion europeacuteenne Ladoption de

reacuteglementations telles que la directive CE ndeg 2004-23 du 31 mars 2004 concernant les aspects

de seacutecuriteacute et de qualiteacute pour les diffeacuterentes opeacuterations relatives aux eacuteleacutements biologiques

dorigine humaine va dans le sens de cette harmonisation

3 - Les normes europeacuteennes de qualiteacute et de seacutecuriteacute concernant les diffeacuterentes opeacuterations

relatives aux tissus et aux cellules humains

11 La directive CE ndeg 2004-23 du 31 mars 2004 constitue un texte important dans un secteur

ougrave lharmonisation communautaire tardait nonobstant le maillage reacuteglementaire existant en

23

matiegravere de meacutedicaments agrave usage humain (Dir CE ndeg 2001-83 du 6 nov 2001) Le texte

sapplique essentiellement aux eacuteleacutements biologiques destineacutes agrave lhomme ou agrave la fabrication de

produits manufactureacutes y compris pour des buts cosmeacutetiques agrave lexception des produits

destineacutes agrave des greffes autologues dans le cadre dune intervention chirurgicale unique du sang

et des produits sanguins (Dir CE ndeg 2002-98 du 27 janv 2002) des organes ou des parties

dorganes utiliseacutes aux mecircmes fins que lorgane entier dans le corps humain Les utilisations agrave

des fins de recherche sont eacutegalement exclues La directive sapplique en revanche aux gamegravetes

et aux cellules souches embryonnaires mais laisse aux Etats membres la faculteacute den autoriser

lutilisation Dune maniegravere geacuteneacuterale le texte communautaire nimpose pas de modegravele eacutethique

mais des obligations techniques dans un but de seacutecuriteacute sanitaire comprenant notamment la

mise en place dun systegraveme qualiteacute et de traccedilabiliteacute la deacutesignation dune personne responsable

mais il insiste cependant sur la gratuiteacute des dons et les exigences en matiegravere de consentement

La transposition qui ne devrait pas affecter de maniegravere sensible le cadre juridique franccedilais

actuel doit intervenir avant le 7 avril 2006

4 - Les cellules souches embryonnaires

12 Moins de deux mois apregraves ladoption de la reacutevision des lois bioeacutethiques et en application

de larticle 37 du nouveau texte qui autorise agrave titre transitoire avant la mise en place de

lAgence de la Biomeacutedecine les ministres concerneacutes agrave permettre limportation agrave des fins de

recherche de cellules souches embryonnaires humaines un deacutecret et un arrecircteacute (JO ndeg 228 du

30 sept 2004 p 16804) du 28 septembre 2004 viennent dy proceacuteder Les recherches sur ces

cellules fort contesteacutees il y a encore peu puisque la preacuteceacutedente autorisation dimportation de

cellules souches dorigine embryonnaire avait fait lobjet dun contentieux (TA Paris 21 janv

2003 D 2004 Somm p 532 obs H Gaumont-Prat LPA 2003 ndeg 196 p 7 note B

Pauvert) entrent donc rapidement dans la reacutealiteacute Ces souches importeacutees seront rapidement

supplanteacutees par pregraves de 50 000 embryons congeleacutes en France dont les geacuteniteurs ont renonceacute agrave

ce quils accegravedent agrave la naissance et qui vont pouvoir prochainement servir de mateacuteriel

dexpeacuterimentation comme la loi nouvelle lautorise deacutesormais

Mots cleacutes

PERSONNE HUMAINE Panorama 2004

Gazette du Palais 29 mai 2004 ndeg 150 P 15 - Tous droits reacuteserveacutes

Famille - Personnes

040412

ADOPTION Adoption pleacuteniegravere - Enfants pouvant faire lobjet dune adoption - Enfant neacute dune megravere

porteuse (non)

La materniteacute pour autrui dont le caractegravere illicite se deacuteduit des principes geacuteneacuteraux du Code

civil et aujourdhui de son article 16-7 reacutealise un deacutetournement de linstitution de ladoption

que les juges du fond ont donc agrave bon droit refuseacute de prononcer sans violer aucun des textes

invoqueacutes

C cass 1re civ 9 deacutecembre 2003 Mme X c Procureur geacuteneacuteral pregraves le Cour dappel de Y-

Pourvoi ndeg 0103927 Q - Rejet (C app Paris 1er feacutevrier 2001) - gr ndeg 1644P

NOTE

Reacuteiteacuteration de linterdiction dune adoption lieacutee agrave une procreacuteation pour le compte

dautrui -

24

Larrecirct rendu le 9 deacutecembre 2003 ne surprendra pas puisquil sinscrit dans la ligne traceacutee par

la Cour de cassation depuis 1989 confirmeacutee par la loi du 29 juillet 1994 relative au respect du

corps humain

En lespegravece Georges D et Denise M seacutetaient marieacutes le 15 deacutecembre 1962 et avaient eu un

enfant Fabrice neacute le 11 novembre 1966 Leacutepouse nayant pu avoir un deuxiegraveme enfant

pourtant vivement souhaiteacute le couple se serait adresseacute agrave une laquoamieraquo qui aurait accepteacute davoir

des relations intimes avec Georges D jusquagrave ce quelle conccediloive un enfant quil eacutetait convenu

de laisser degraves sa naissance au pegravere et agrave son eacutepouse

Cest ainsi que serait neacutee Sarah le 4 juillet 1987 qui fut deacuteclareacutee sur les registres de leacutetat civil

sans indication de filiation maternelle reconnue par Georges D puis recueillie aussitocirct par

celui-ci et son eacutepouse Cette derniegravere avait pris la preacutecaution de seacuteloigner de son domicile

pendant les derniers mois du deacuteveloppement in utero de lenfant afin que la substitution

maternelle soit ignoreacutee de lentourage des deux eacutepoux

Il sagissait donc bien selon les propres dires de Georges et Denise D dune materniteacute pour

autrui sans recours aux techniques modernes de procreacuteation meacutedicalement assisteacutee selon un

processus agrave la fois naturel et vieux comme le monde (1)

En janvier 1999 Denise D a saisi le Tribunal de grande instance dune requecircte en adoption

pleacuteniegravere de la fille de son mari

Le Tribunal par jugement du 8 deacutecembre 1999 puis la Cour dappel de Paris par arrecirct du 1er

feacutevrier 2001 ont rejeteacute sa demande au motif quen application des art 6 et 1128 C civ la

convention par laquelle une femme sengage agrave concevoir et agrave porter un enfant pour

labandonner agrave sa naissance est nulle car elle contrevient tant au principe dordre public de

lindisponibiliteacute du corps humain quagrave celui de lindisponibiliteacute de leacutetat des personnes et que

ladoption envisageacutee neacutetait que lultime phase dun processus illicite constitutif dun

deacutetournement de linstitution de ladoption

On reconnaicirctra lagrave les formules mecircmes employeacutees par la Cour de cassation notamment dans

son arrecirct dassembleacutee pleacuteniegravere du 31 mai 1991 (2) Il nest donc pas eacutetonnant que la Cour

suprecircme ait rendu un arrecirct de rejet dautant plus que sa jurisprudence a eacuteteacute conforteacutee par le

nouvel art 16-7 inseacutereacute dans le Code civil par la loi ndeg 94-653 du 29 juillet 1994 (3) qui

dispose que toute convention portant sur la procreacuteation ou la gestation pour le compte dautrui

est nulle

La Cour de cassation a bien entendu viseacute expresseacutement ce texte nouveau mais elle a tenu agrave

rappeler que le caractegravere illicite se deacuteduisait aussi des principes geacuteneacuteraux du Code civil

faisant ainsi implicitement reacutefeacuterence aux art 6 et 1128 de ce Code sur lesquels elle avait

preacuteceacutedemment fondeacute sa position

Le moyen de cassation tentait deacutechapper agrave la jurisprudence de la Cour suprecircme en se fondant

sur les circonstances de lespegravece et notamment sur le fait que la requecircte en adoption navait

eacuteteacute formeacutee que douze anneacutees apregraves la naissance de lenfant de sorte que lindivisibiliteacute entre la

materniteacute pour autrui et ladoption ne serait pas caracteacuteriseacutee Mais la Cour dappel avait

reacutepondu agrave cette argumentation en eacutenonccedilant que labandon de lenfant agrave naicirctre objet de

lobligation contracteacutee par la megravere biologique eacutetait destineacute agrave permettre que lenfant reconnu

par Georges D puisse ecirctre adopteacute par son eacutepouse et en soulignant que celle-ci avait dans le

mecircme but accepteacute linseacutemination dune autre femme par les gamegravetes de son mari et quelle

avait participeacute activement au processus en prenant toutes preacutecautions pour que la substitution

de materniteacute soit ignoreacutee des tiers

Denise D soutenait en outre que linteacuterecirct de lenfant retenu tant par lart 353 C civ que par

les art 3 et 21 de la Convention internationale des droits de lenfant devait primer sur le souci

de sanctionner lilliceacuteiteacute de la convention qui avait preacutesideacute agrave sa conception et agrave sa naissance

La Cour de cassation ne sest pas arrecircteacutee agrave cette argumentation pas plus quelle ne sy eacutetait

arrecircteacutee en 1991 pour elle lensemble de lopeacuteration est indivisible le deacutetournement de

25

linstitution de ladoption est caracteacuteriseacute et il convient de lutter contre la politique du fait

accompli (4) Laccepter au nom de linteacuterecirct de lenfant ne conduirait-il pas comme on la

souligneacute en doctrine (5) agrave admettre le commerce des enfants sous preacutetexte que bien souvent

ceux-ci y trouveraient beacuteneacutefice

(1) Selon la Bible Sarah eacutepouse dAbraham ne pouvant avoir denfant de lui lenvoya aupregraves

de son esclave eacutegyptienne Agar dont il eut un fils Ismaeumll Agar fut renvoyeacutee avec celui-ci

lorsque Sarah tregraves acircgeacutee mit au monde Isaac le fils de la promesse

Cest sans doute une coiumlncidence si nous trouvons aussi dans notre affaire une laquoSarahraquo qui

tient il est vrai un rocircle tout diffeacuterent de celui deacutevolu agrave son homonyme biblique

Lhistoire reacutevegravele eacutegalement des cas relativement freacutequents ougrave pour pallier agrave la steacuteriliteacute du

mari et pour permettre la continuation de la ligneacutee et la perpeacutetuation dun nom ou dun titre un

laquovaletraquo - souvent ensuite renvoyeacute - eacutetait chargeacute de feacuteconder leacutepouse Le proceacutedeacute eacutetait

juridiquement parfait dans la mesure ougrave par le jeu de la preacutesomption de paterniteacute le mari

devenait leacutegalement le pegravere de lenfant

(2) Cass ass pleacuten 31 mai 1991 Bull civ 1991 ndeg 4 Gaz Pal Rec 1991 panor cass p

162 [912144] D 1991 jur p 417 rapport Y Chartier note G Thouvenin JCP 1991 II

21752 comm J Bernard concl H Dontenwille note F Terreacute Defreacutenois 1991 art 35088

ndeg 67 p 948 obs J Massip RTD civ 1991 517 obs D Huet-Weiller Dans le mecircme sens

v Cass civ 1re 29 juin 1994 Bull civ 1994 I ndeg 226 Gaz Pal Rec 1995 jur p 36 note

J B [943856] D 1994 jur p 581 note Y Chartier JCP 1995 II 223621 note J Rubellin-

Devichi RTD civ 1994 p 842 obs J Hauser Defreacutenois 1995 art 36024 ndeg 4 p 315

obs J Massip

V aussi Cass civ 1re 13 deacutecembre 1989 Bull civ 1989 I ndeg 387 Gaz Pal Rec 1990

panor cass p 66 [901122] D 1990 jur p 273 rapport J Massip Defreacutenois 1990 art

34802 ndeg 55 p 743 obs J-L Aubert et art 34815 p 862 rapport J Massip et JCP 1990 II

21526 note A Seriaux Dans cette affaire la Cour de cassation avait proclameacute par des motifs

analogues agrave ceux adopteacutes par les arrecircts de 1991 et 1994 le caractegravere illicite de la materniteacute

pour autrui et des associations qui sefforcent de la promouvoir

(3) Sur cette loi v notamment notre commentaire in Defreacutenois 1975 art 35975 et 35922

speacutecialement en ce qui concerne lart 16-7 C civ le ndeg 9 de cette eacutetude p 72

(4) Sur ces divers points v notre note preacuteciteacutee sous Cass ass pleacuten 31 mai 1991

(5) Obs J Hauser sous larrecirct rendu le 1er feacutevrier 2001 par la Cour dappel de Paris dans le

preacutesente affaire in RTD civ 2001 347

AD2008DEF0291N1

Reacutepertoire du Notariat Defreacutenois 15 feacutevrier 2008 ndeg 3 P 291 - Tous droits reacuteserveacutes

FILIATION

38717 La convention de megravere porteuse

(Reacuteflexions sur les sources du droit et les principes dindisponibiliteacute du corps humain et de leacutetat des personnes)

Le droit franccedilais prohibe les conventions de megraveres porteuses

26

Malgreacute linterdiction leacutegale de nombreux couples ont chercheacute et cherchent encore agrave

contourner cette interdiction notamment en ayant recours agrave des megraveres de substitution dans

des pays eacutetrangers ougrave cette pratique est autoriseacutee

La Cour de cassation veille agrave ce que linstitution de ladoption ne soit pas deacutetourneacutee au profit

de ces parents

Dans un arrecirct du 25 octobre 2007 la cour dappel de Paris vient de reacuteouvrir le deacutebat non sur

le terrain de la convention mais sur celui de la non-transcription des actes de naissance et de

linteacuterecirct supeacuterieur de lenfant

Une excellente occasion de faire le point sur la question et de sinterroger pour lavenir avant

la reacutevision de la loi bioeacutethique en 2009

par Rabih CHENDEB

Docteur en droit

ATER agrave lUniversiteacute de Picardie Jules Verne

laquo La science va Elle est ineacuteluctable Ce quil faut cest la rendre eacutethique raquo (1)

Le droit positif franccedilais interdit de recourir aux megraveres porteuses si un couple conccediloit un

embryon in vitro qui est implanteacute dans luteacuterus dune tierce femme cest cette tierce femme

qui est la megravere selon la loi franccedilaise et les parents biologiques ne peuvent avoir aucun droit

mecircme en cas dabandon de lenfant agrave la naissance par la megravere porteuse La loi bioeacutethique de

1994 a interdit la gestation pour autrui car cela soulevait des questions

dinstrumentalisation et de commercialisation du corps de la femme

De nombreux couples en mal denfants ont depuis longtemps chercheacute agrave contourner les regravegles

notamment en ayant recours agrave des megraveres de substitution qui vivent dans des pays ougrave cette

pratique est autoriseacutee Jusquagrave preacutesent la Cour de cassation ne sy est jamais laisseacutee prendre et

condamnait ladoption faite par les parents de lenfant de la megravere porteuse consideacuterant quil

sagissait dun deacutetournement de linstitution de ladoption (I)

Le 25 octobre 2007 la cour dappel de Paris vient donner lespoir dune ouverture vers

lacceptation dans linteacuterecirct de lenfant de cette deacutemarche Cette deacutecision de la cour dappel

pourrait changer les choses en attendant la reacutevision de la loi bioeacutethique preacutevue en 2009 Une

chose est sucircre cet arrecirct a le meacuterite douvrir le deacutebat et de poser la question de linteacuterecirct de

lenfant comme exception agrave lindisponibiliteacute de leacutetat des personnes et agrave linterdiction de la

pratique des megraveres porteuses Une certaine eacutevolution des mentaliteacutes ainsi que la dispariteacute

entre la loi franccedilaise et dautres leacutegislations nationales pourraient donner lieu agrave un

assouplissement de cette leacutegislation (II)

I Lhostiliteacute du leacutegislateur et de la jurisprudence agrave leacutegard de la convention de megravere porteuse

Au siegravecle dernier seacutetaient deacuteveloppeacutees des associations ayant pour but de faire se rencontrer

des couples deacutesireux davoir un enfant et des femmes acceptant de le porter pour ensuite le

leur laquo ceacuteder raquo par contrat Pour des raisons plus ou moins louables le proceacutedeacute fut rapidement

condamneacute par le droit franccedilais (A) tout comme ladoption qui sen suivait (B)

27

A Le caractegravere illicite de la convention de megravere porteuse

La megravere porteuse met en effet agrave mal le scheacutema classique de la famille On affirmait en Droit

romain que la megravere eacutetait sucircre et que le pegravere eacutetait le mari Le Code napoleacuteon a enteacuterineacute cette

conception Dire que lenfant possegravede une megravere geacuteneacutetique et une megravere uteacuterine va agrave lencontre

de ses dispositions (2)

Pris au deacutepourvu le leacutegislateur franccedilais a tardeacute agrave reacuteagir face aux progregraves scientifiques Il en

est reacutesulteacute un vide juridique auquel la jurisprudence sest efforceacutee de faire face Devant cette

heacutesitation bien compreacutehensible du droit les ressources de la morale de la deacuteontologie et

surtout de la bioeacutethique ont eacuteteacute solliciteacutees (3) Le Conseil dEtat confronteacute aux associations

voulant intervenir dans ce domaine a ainsi prononceacute la dissolution de ces associations pour

objet illicite (4) Le 13 deacutecembre 1989 la premiegravere chambre civile de la Cour de cassation a

releveacute le principe dindisponibiliteacute du corps humain par une interpreacutetation a contrario de

larticle 1128 du Code civil qui dispose qu laquo il ny a que les choses qui sont dans le

commerce qui puissent ecirctre lobjet des conventions raquo La personne ne dispose pas de son

corps elle nen est pas proprieacutetaire (5) Le 31 mai 1991 lassembleacutee pleacuteniegravere de la Cour de

cassation vise les articles 6 1128 et 353 du Code civil afin daffirmer le caractegravere illicite de la

convention conclue entre une megravere porteuse et un couple steacuterile En effet ce contrat porte sur

deux corps humains la megravere et lenfant (6)

Rapidement le leacutegislateur est venu leacutegifeacuterer dans ce sens avec la loi no 94-653 du 29 juillet

1994 relative agrave la bioeacutethique pour que le Code civil reconnaisse le corps humain en tant que

tel Cette loi prend deacutesormais explicitement en compte le corps humain parce quil a voulu

promouvoir son respect face au deacuteveloppement des sciences biomeacutedicales Cette loi a entraicircneacute

la modification et la creacuteation darticles dans le Code civil et le Code peacutenal

Le principe du respect de la digniteacute de la personne humaine est poseacute par larticle 16 du Code

civil laquo La loi assure la primauteacute de la personne interdit toute atteinte agrave la digniteacute de celle-ci

et garantit le respect de lecirctre humain degraves le commencement de sa vie raquo Le nouvel article 16-1

preacutevoit que laquo Chacun a droit au respect de son corps Le corps humain est inviolable Le

corps humain ses eacuteleacutements et ses produits ne peuvent faire lobjet dun droit patrimonial raquo

Par conseacutequent selon larticle 16-5 laquo Les conventions ayant pour effet de confeacuterer une

valeur patrimoniale au corps humain agrave ses eacuteleacutements ou agrave ses produits sont nulles raquo De mecircme

quand une personne accepte de donner son sang ce ne peut ecirctre quagrave titre beacuteneacutevole Enfin

larticle 16-7 dispose mecircme laquo Toute convention portant sur la procreacuteation ou la gestation

pour le compte dautrui est nulle raquo (7)

En outre cette interdiction est assortie dune sanction peacutenale pouvant aller jusquagrave un an

demprisonnement et 15 000 euro damende pour celui qui sentremet ou tente de sentremettre

entre une personne ou un couple deacutesireux daccueillir un enfant et une femme acceptant de

porter en elle cet enfant en vue de le leur remettre Lorsque ces faits ont eacuteteacute commis agrave titre

habituel ou dans un but lucratif les peines sont porteacutees au double (8)

En deacutepit de la reacutesistance de quelques juges du fond qui ont admis ladoption la Cour de

cassation na pas infleacutechi sa position (9) Elle sest reacutecemment opposeacutee agrave ladoption simple

dun enfant par un couple homosexuel estimant cette adoption contraire agrave laquo linteacuterecirct supeacuterieur

de lenfant raquo (10)

28

Analyseacutes dans le contexte de ces deacutecisions les deux principes de lilliceacuteiteacute des conventions et

de lindisponibiliteacute du corps humain expriment une mecircme ideacutee la condamnation dune

convention qui porte sur le corps humain celui de lenfant agrave naicirctre et celui de la femme qui la

conccedilu et porteacute

Toutefois les motifs adopteacutes par la Cour de cassation savegraverent dune extrecircme faiblesse En

effet ces motifs sont lieacutes agrave lilliceacuteiteacute de lobjet des conventions agrave lindisponibiliteacute du corps

humain ainsi quagrave lindisponibiliteacute de leacutetat des personnes (11) Pourtant les lois dites laquo

bioeacutethiques raquo du 29 juillet 1994 puis la loi du 6 aoucirct 2004 (12) relative agrave la bioeacutethique ont

admis lutilisation des eacuteleacutements et des produits du corps humain agrave des fins theacuterapeutiques ou

scientifiques Effectivement une loi en date du 24 janvier 1953 deacutetermine laquo les tarifs de

cession du sang raquo Les dispositions sont aujourdhui dans le Code de la santeacute publique Degraves

lors on peut donner ses gamegravetes ses organes son sang Il semble que plus quune approche

anthropologique des sciences meacutedicales (qui conduiraient agrave une ineacutevitable instrumentalisation

du corps des hommes) il existerait ce que nous appelons une technoscience laquo de linvisible

raquo que seul le droit accepte de leacutegitimer (13)

Par ailleurs la terminologie employeacutee par le leacutegislateur de 1994 est eacuteloquente Cest

certainement parce que le principe dindisponibiliteacute du corps humain sest aveacutereacute irreacutealiste videacute

de sa substance par le nombre et limportance de ses exceptions que le leacutegislateur lui a preacutefeacutereacute

celui de non-patrimonialiteacute qui figure aujourdhui aux articles 16-1 16-5 et 16-6 du Code

civil Il est donc possible de disposer de son corps agrave titre de dons dans les limites de la loi

(14)

Pour conclure sur ce point il sera emprunteacute les propos de Mme Mayer-Jack laquo

Malheureusement si ce principe dindisponibiliteacute du corps humain possegravede les qualiteacutes trop

rares decirctre nettement formuleacute et universellement admis il apparaicirct agrave la reacuteflexion frappeacute dun

vice radical il se reacutevegravele contraire aux faits raquo (15)

B La nulliteacute de ladoption

En matiegravere de materniteacute de substitution lenfant reste au coeur du deacutebat Il est laquo lobjet raquo de la

convoitise du couple demandeur et lobjet de la convention En vue de permettre

leacutetablissement dune filiation adoptive deux processus eacutetaient suivis par lesdits couples

processus que la Cour de cassation sempressa dinterdire agrave son tour

1 Le contournement aveacutereacute de la loi par les couples restant en France

En effet le processus se deacuteroulait en trois eacutetapes dans un premier temps lembryon issu des

gamegravetes du couple ou du mari et de la femme porteuse eacutetait implanteacute dans luteacuterus de cette

derniegravere La megravere porteuse suivait sa grossesse normalement notamment au regard du suivi

meacutedical (16) Ensuite elle accouchait anonymement La leacutegislation autorise les

accouchements laquo sous X raquo et reconnaicirct ainsi aux parturientes le droit de ne pas ecirctre megraveres si

elles ne le deacutesirent ou ne le peuvent pas Le pegravere fournisseur de sperme quant agrave lui effectuait

une reconnaissance preacutenatale de lenfant A sa naissance il le reconnaissait Lenfant avait

donc un pegravere mais sans indication de la filiation maternelle Enfin leacutepouse de ce dernier

adoptait de maniegravere pleacuteniegravere lenfant Leacutetat de mariage de la megravere porteuse ne changeait rien

puisque laccouchement anonyme empecircchait que le mari soit consideacutereacute comme pegravere preacutesumeacute

29

Depuis larrecirct Alma Mater (17) nous savons que la convention de materniteacute de substitution

est nulle car contrevenant agrave lordre public (18) Mais jusqualors la jurisprudence avait eu le

soin de dissocier convention et adoption Toute convention portant sur la procreacuteation ou la

gestation pour le compte dautrui eacutetant nulle la convention de megravere porteuse ayant permis la

naissance de lenfant en cause est donc incontestablement frauduleuse Degraves lors la possession

deacutetat sur laquelle les demandeurs se fondent pour voir eacutetablir un lien de filiation leacutegitime agrave

leur profit et lacte de notorieacuteteacute quils ont ainsi obtenu sont eux-mecircmes vicieacutes et ne peuvent

donc permettre leacutetablissement dun tel lien Par ailleurs la Convention de New York sur les

droits de lenfant garantit notamment agrave celui-ci laccegraves agrave ses origines Or lapplication de la

convention frauduleuse aurait pour effet de consacrer un mensonge lacte de naissance qui

serait eacutetabli sur le fondement de cette convention aboutirait en effet agrave nier totalement les

conditions dans lesquelles lenfant a eacuteteacute conccedilu En conseacutequence les demandeurs ne pourront

se preacutevaloir de la possession deacutetat vicieacutee pour obtenir la retranscription de lacte de notorieacuteteacute

sur lacte de naissance de lenfant (19) Ainsi la prohibition de la convention a entraicircneacute dans

son sillage une impossibiliteacute dadoption par leacutepouse du pegravere (20) Il y a deacutetournement de

linstitution de ladoption pleacuteniegravere en ce que lenfant a eacuteteacute conccedilu pour ecirctre abandonneacute par sa

megravere et adopteacute par une autre (21)

Il en reacutesulte que cest labandon de lenfant qui rend impossible ladoption par leacutepouse du

mari Or labandon de lenfant constitue deacutejagrave une deacutemarche parfaitement licite et reacuteglementeacutee

par la loi Il suffit pour sen convaincre de lire attentivement les textes adeacutequats agrave savoir les

articles 61 et 62 du Code de la famille et de laide sociale 348-3 et 350 du Code civil et 1158

agrave 1163 du Code de proceacutedure civile Il suffit agrave la megravere et plus geacuteneacuteralement agrave la personne

investie des droits parentaux de confier 1enfant agrave un eacutetablissement ou agrave un service de laide

sociale agrave 1enfance (ASF) ou mecircme agrave un particulier puis de sen deacutesinteacuteresser

manifestement pendant une anneacutee nentretenant avec lui aucune relation neacutecessaire au

maintien de liens affectifs Le tribunal de grande instance peut degraves lors sauf agrave prendre en

consideacuteration le cas exceptionnel de grande deacutetresse du parent deacutefaillant deacuteclarer 1enfant

abandonneacute agrave la requecircte de tout inteacuteresseacute et notamment de leacutetablissement service ou famille

daccueil (22) laquo On cesse dinterdire une pratique non pas lorsquelle se deacuteveloppe mais

lorsquon ne sait plus pourquoi elle est interdite raquo (23)

Dailleurs une contradiction engendre ce refus dadoption En effet laquo consideacuterer ladoption

indissociable de la convention revient agrave ne voir lenfant que comme lobjet de cette convention

raquo (24) Ainsi les parents ont pu eacutetablir anteacuterieurement agrave la naissance le processus dont

ladoption est laquo lultime phase raquo Mais ce processus nest pas fait dans lintention de nuire agrave

lenfant Alors comment comprendre la seacuteveacuteriteacute afficheacutee de la Cour de cassation

Traiter lenfant comme une veacuteritable personne implique de dissocier la convention ougrave il

nintervient pas et ladoption dont il est partie prenante et mecircme partie principale Il faut

sinterroger sur son inteacuterecirct propre quitte agrave le confronter ensuite agrave ceux auxquels il soppose

(25)

2 Lexpansion du tourisme procreacuteatif

La dispariteacute des regravegles nationales agrave propos de la gestation pour autrui a conduit certains

couples agrave se rendre agrave leacutetranger pour pouvoir avoir recours agrave une megravere porteuse on parle

deacutesormais de laquo tourisme procreacuteatif raquo (26)

30

Lagrave encore le processus deacutebute par une inseacutemination artificielle mais les pays ayant leacutegaliseacute la

gestation pour le compte dautrui permettent par ailleurs que lembryon inseacutemineacute dans

luteacuterus de la femme soit issu de la rencontre des gamegravetes des deux parents demandeurs

Lenfant est donc geacuteneacutetiquement lenfant du couple Il a pour parent degraves sa naissance le

couple demandeur il porte leur nom et le preacutenom quils lui ont choisi Mais pour exister en

France il est neacutecessaire de recourir agrave une transcription sur les registres de leacutetat civil franccedilais

de lacte de naissance eacutetranger Lagrave encore la seacuteveacuteriteacute est de mise puisque le parquet de

Nantes qui a en charge la transcription des eacutetats civils venant de leacutetranger refuse

systeacutematiquement cette transcription qui nest pas conforme agrave la leacutegislation franccedilaise (27)

Les magistrats ont eacuteteacute confronteacutes agrave ces situations ougrave la megravere commanditaire deacutesirait eacutetablir un

lien de filiation entre elle et lenfant issu de la convention de materniteacute de substitution

Tel est par exemple le cas qui a eacuteteacute trancheacute par la cour dappel de Rennes le 4 juillet 2002

(28) Dans cet arrecirct la cour dappel a rejeteacute ladoption des enfants par un couple qui a conclu

en Californie une convention portant sur la gestation dun embryon issu de leurs propres

gamegravetes La cour relegraveve que laquo la loi franccedilaise ne donne pas une deacutefinition de la megravere raquo cette

notion est inscrite dans les mentaliteacutes depuis des siegravecles par ladage Mater semper certa est

Cest laccouchement qui deacutetermine la megravere et non la seule reacutealiteacute geacuteneacutetique

Cette jurisprudence installeacutee depuis le ceacutelegravebre arrecirct de lassembleacutee pleacuteniegravere du 31 mai 1991

constitue une atteinte directe agrave linteacuterecirct de lenfant Ce dernier est priveacute de toute filiation

maternelle leacutegalement reconnue et ce sans beacuteneacutefice pour personne (29)

Malheureusement en raison de cette solution les deux enfants sont acircgeacutes de sept ans et vivent

aupregraves de leur pegravere naturel et de sa compagne dont la materniteacute ne peut leacutegalement ecirctre eacutetablie

(30)

Cette jurisprudence preacutesente un point faible Selon larticle 353 du Code civil le tribunal de

grande instance saisi dune requecircte aux fins dadoption pleacuteniegravere veacuterifie si les conditions de

la loi sont remplies et si ladoption est conforme agrave linteacuterecirct de lenfant Or en loccurrence

le preacutetendu droit de lenfant ne coiumlncide pas avec son inteacuterecirct seul mis en avant dans 1article

353 du Code civil Le refus par la cour dappel de prononcer ladoption pleacuteniegravere a priveacute les

deux enfants (au nom de leur droit aussi eacuteminent que symbolique agrave la non-chosification) dun

avantage concret et primordial leur admission au statut denfants leacutegitimes de leurs vrais

parents geacuteneacutetiques (31) Simples enfants naturels ou adulteacuterins de leur pegravere ils demeureront

sans lien de filiation maternelle Un tel problegraveme meacuterite que les juridictions se penchent au

moins sur lui (32) La protection de linstitution de ladoption sopegravere au deacutetriment du droit

reconnu agrave lenfant deacutetablir sa filiation par le biais dune discrimination fondeacutee sur les

circonstances de sa naissance (33) La jurisprudence nous semble aller agrave lencontre des

engagements internationaux contracteacutes par la France (34)

II Leacutevolution des mentaliteacutes vers une leacutegislation plus souple

Jusquagrave preacutesent la jurisprudence a toujours interdit ladoption des enfants par des couples

ayant eu recours agrave la gestation pour autrui consideacuterant quil sagit dun deacutetournement de

linstitution de ladoption (35)

Un grand quotidien Libeacuteration reacutevegravele que la cour dappel de Paris a reconnu comme parents

leacutegitimes de jumelles un couple franccedilais ayant fait appel agrave une megravere porteuse ameacutericaine

31

Une chose est sucircre cet arrecirct a le meacuterite douvrir le deacutebat et de poser la question de linteacuterecirct de

lenfant comme exception agrave lindisponibiliteacute de leacutetat des personnes et agrave linterdiction de la

pratique des megraveres porteuses (A) Lorsque lon accepte une loi eacutetrangegravere qui a eacuteteacute appeleacutee au

secours pour contourner la loi franccedilaise la modification de la loi franccedilaise nest pas loin (B)

A Lassouplissement de la jurisprudence

Dans laffaire porteacutee devant la cour dappel de Paris que nous avons abordeacutee rapidement

preacuteceacutedemment un couple dont la femme ne peut assurer la gestation en raison dune

malformation congeacutenitale se rend en Californie ougrave il conclut une convention portant sur la

gestation dun embryon issu de leurs propres gamegravetes Des jumelles naissent de cette

convention Le droit californien fait abstraction du deacutefaut daccouchement La concubine est

inscrite comme megravere dans les registres de naissance de Californie Quelques semaines plus

tard le couple reconnaicirct les enfants en France Mais agrave leur retour dans lHexagone ils sont

placeacutes en garde agrave vue puis mis en examen pour laquo entremise entre une personne deacutesireuse

dadopter un enfant et un parent deacutesireux dabandonner son enfant neacute ou agrave naicirctre raquo et pour laquo

simulation ayant entraicircneacute une atteinte agrave leacutetat civil de lenfant raquo

En 2004 le juge dinstruction rend un non-lieu sur les poursuites peacutenales les faits seacutetant

deacuterouleacutes dans un pays ougrave cette pratique est leacutegale Le parquet a alors continueacute son offensive

sur le terrain civil et chercheacute agrave faire annuler la filiation et la transcription sur leacutetat civil Le

tribunal de grande instance a deacuteclareacute cette demande irrecevable en deacutecembre 2005 Une

deacutecision rendue par la cour dappel de Paris confirme ce jugement le 25 octobre dernier apregraves

avoir estimeacute que laquo La non-transcription des actes de naissances aurait des conseacutequences

contraires agrave linteacuterecirct supeacuterieur des enfants qui au regard du droit franccedilais se verraient priveacutes

dactes deacutetat civil indiquant leur lien de filiation y compris agrave leacutegard de leur pegravere biologique

raquo

La question sera deacutesormais soumise agrave la Cour de cassation qui a deacutejagrave pris des deacutecisions

progressistes dans des questions relatives au droit de la famille notamment dans linteacuterecirct de

lenfant Elle a ainsi fait le 24 feacutevrier 2006 un pas important vers la reconnaissance de

lhomoparentaliteacute en autorisant quun parent homosexuel deacutelegravegue tout ou partie de son

autoriteacute parentale agrave son partenaire avec lequel il vit en union stable agrave condition que cette

mesure soit prise dans linteacuterecirct supeacuterieur de lenfant (36)

Le plus important reacuteside dans le fait que la cour dappel de Paris a estimeacute que la non-

transcription sur les actes de naissance aurait des conseacutequences contraire agrave llaquo inteacuterecirct de

lenfant raquo Depuis longtemps linteacuterecirct de lenfant est au centre du droit de la famille et depuis

quelques anneacutees celui-ci devient veacuteritablement la pierre angulaire de cette discipline (37)

Dans un arrecirct du 18 mai 2005 la premiegravere chambre civile de la Cour de cassation preacutecise au

visa de larticle 3-1 de la Convention relative aux droits de lenfant que laquo dans toutes les

deacutecisions qui concernent les enfants linteacuterecirct supeacuterieur de lenfant doit ecirctre une

consideacuteration primordiale raquo (38) Mais que faut-il entendre par inteacuterecirct supeacuterieur de lenfant

(39)

Bien que le nouvel article L 112-4 du Code de laction sociale et des familles (40) et larticle

371-1 du Code civil semblent deacutefinir les eacuteleacutements constitutifs de cette notion llaquo inteacuterecirct de

lenfant raquo reste un concept assez flou que le leacutegislateur et les juges se gardent bien de deacutefinir

preacuteciseacutement on ne peut limiter linteacuterecirct supeacuterieur de lenfant agrave la protection de sa santeacute de sa

seacutecuriteacute et de sa moraliteacute Certes ces eacuteleacutements sont les bases de linteacuterecirct de lenfant mais

32

puisque celui-ci peut deacutepasser le strict cadre du droit de lautoriteacute parentale voire du droit de

la famille cette vision serait bien trop reacuteductrice

Le sens de cette notion peut encore sobscurcir si lon considegravere quelle peut se confondre avec

dautres concepts voisins Larticle 371-5 doit ainsi conduire agrave distinguer linteacuterecirct de lenfant de

celui de la fratrie En effet si celle-ci a inteacuterecirct agrave rester unie certaines circonstances permettent

deacutecarter un de ses membres dans son inteacuterecirct exclusif

Un amendement proposait cependant agrave la suite du nouvel article L 112-4 du Code de laction

sociale et des familles une deacutefinition inteacuteressante laquo Linteacuterecirct supeacuterieur de lenfant est deacutefini

comme lassurance de la protection de sa seacutecuriteacute personnelle et affective lassurance dun

contexte familial permettant un bon deacuteveloppement physique intellectuel affectif et social

lassurance dune relation dattachement parental permettant de se construire Linteacuterecirct

supeacuterieur de lenfant tel que deacutefini constitue son projet de vie raquo (41)

On ne peut que se feacuteliciter de la mise en avant de linteacuterecirct de lenfant pour deacuteroger agrave la sacro-

sainte interdiction des megraveres porteuses car il est vrai quil ne faut pas oublier que limportant

reste dabord et avant tout lenfant qui a et doit avoir une place centrale au sein de la famille

On peut envisager que cette reacutecente jurisprudence puisse influencer la reacuteflexion sur le recours

aux laquo megraveres porteuses raquo sur le territoire national qui conduise agrave une eacutevolution de la loi

B Vers une eacutevolution de la loi

Alors que la France interdit la laquo gestation pour autrui raquo cette pratique a eacuteteacute leacutegaliseacutee dans de

nombreux pays La France a donc une leacutegislation moins libeacuterale que dautres leacutegislations

nationales La pratique de la gestation pour autrui est notamment autoriseacutee aux Etats-Unis au

Canada en Australie et dans plusieurs pays de lUnion europeacuteenne (Espagne et Belgique

Gregravece et Royaume-Uni notamment) (42) La question de la leacutegalisation des megraveres porteuses

est tregraves controverseacutee en France et demanderait un strict encadrement (43)

On enseigne habituellement que les questions deacutetat ne peuvent deacutependre de la seule volonteacute

individuelle Leacutetat des personnes - le droit de la filiation en particulier - eacutechapperait aux

conventions Mais ce principe nest plus si absolu Leacutevolution contemporaine reacuteduit laspect

institutionnel Une place nettement importante a eacuteteacute faite dans lorganisation des relations

familiales agrave la volonteacute individuelle laquo Laccroissement du pouvoir des volonteacutes individuelles

dans le droit de la famille est une marque essentielle de ce droit raquo (44) Dougrave la justesse de

lexpression laquo contractualisation du droit de la famille raquo Le rocircle de la volonteacute individuelle

tend agrave ecirctre de plus en plus important (45) Tel est le cas du divorce du PACS et du mariage

La procreacuteation nest plus la finaliteacute avec larriveacutee en force dans des pays voisins du mariage

homosexuel

Une certaine eacutevolution des mentaliteacutes ainsi que la dispariteacute entre la loi franccedilaise et dautres

leacutegislations nationales pourraient bien donner lieu agrave un assouplissement de cette leacutegislation

(46)

La gestation pour autrui permet de pallier certaines formes de steacuteriliteacute feacuteminine en raison

dune absence ou dune deacuteformation duteacuterus de conseacutequences de cancer ou reacutesultant dune

hysteacuterectomie de fausses couches reacutepeacuteteacutees dune contre-indication meacutedicale agrave la grossesse ou

de nombreux eacutechecs de feacutecondations in vitro (47) Dans ce cas on implante les gamegravetes des

parents geacuteneacutetiques dans le ventre de la megravere porteuse

33

Un autre argument favorable agrave cette pratique est la certitude apaisante pour le couple steacuterile

de ce que lenfant porteacute en uteacuterus tiers nen sera pas moins leur veacuteritable enfant geacuteneacutetique

puisque conccedilu agrave partir de leurs propres gamegravetes

De plus il faut deacutenoncer une incoheacuterence Une femme empecirccheacutee par la loi de donner avant

sa grossesse agrave un couple agreacuteeacute par elle lenfant quelle portera moyennant eacutequitable

reacutecompense possegravede en revanche le droit discreacutetionnaire de labandonner une fois neacute au

hasard des eacutetablissements ou du service de lASE ou pis encore de recourir agrave une

interruption volontaire de grossesse pendant les douze premiegraveres semaines (48)

La possession deacutetat repreacutesente une valeur humaine et sociale qui doit ecirctre prise en compte en

tant que telle Comme lont joliment affirmeacute M Hauser et Mme Huet-Weiller laquo elle est la

veacuteriteacute des sentiments la veacuteriteacute du coeur tout aussi respectable sinon plus que celle des

registres deacutetat ou mecircme de nos gegravenes raquo (49) Ainsi on peut ecirctre favorable agrave cette reacuteflexion

sous certains reacuteserves

Tout dabord le couple demandeur devait avoir plus de 18 ans et linfertiliteacute devrait ecirctre

meacutedicalement eacutetablie Ensuite seule lutilisation des gamegravetes (sperme et ovocytes) du couple

serait autoriseacutee afin deacuteviter que la gestatrice soit aussi la megravere biologique de lenfant (pour

eacuteviter des liens trop forts eacutetablis entre elle et le beacutebeacute)

De son cocircteacute la megravere porteuse devait avoir plus de 18 ans et accepter de subir des tests divers

avant la grossesse Elle serait la seule agrave donner un consentement valable concernant la gestion

de sa grossesse et elle abandonnerait ses droits parentaux agrave la naissance de lenfant tout en

assistant le couple demandeur lors de la deacutelivrance du certificat de naissance Le

consentement devrait aussi ecirctre obtenu par un entretien psychologique meacutedical et juridique

Seul le juge pourrait donner laccord au deacutebut du processus Le couple demandeur devait

sengager agrave assumer la garde de lenfant degraves sa naissance afin deacuteviter soit une non-remise

denfant soit un refus de lenfant - par exemple en cas de handicap

Concernant la reacutemuneacuteration de la megravere porteuse la marchandisation est inacceptable Les

intermeacutediaires reacutemuneacutereacutes seraient interdits Le principe du volontariat et de la gratuiteacute sont

essentiels le don de vie (50)

Enfin il ne sagirait pas de reacutemuneacuteration mais de compensation financiegravere destineacutee agrave

deacutedommager les inconveacutenients lieacutes agrave la grossesse sur la base de la loi laquo Huriet raquo (loi sur la

recherche meacutedicale avec volontaires sains) Le couple demandeur devrait prendre agrave sa charge

les deacutepenses meacutedicales leacutegales et psychologiques ainsi quun montant raisonnable alloueacute agrave la

megravere porteuse pour subvenir agrave ses besoins Les juges appreacutecieraient librement ce que peut ecirctre

un montant laquo raisonnable raquo sans que cela puisse jamais ecirctre consideacutereacute comme une laquo vente raquo

denfant

(1) B Debreacute et S Agacinski laquo Faut-il leacutegaliser les megraveres porteuses en France raquo Le Figaro Magazine du samedi 10 novembre 2007 p 50

34

(2) G David laquo Don et utilisation du sperme raquo in Actes du colloque Geacuteneacutetique procreacuteation et

droit Actes sud 1985 p 205 G-M Faure Le deacutesir denfant agrave leacutepreuve du droit Essai sur le droit de la procreacuteation meacutedicalement assisteacutee Thegravese Universiteacute de Lille 1992 p 7

(3) G Lebreton Liberteacutes publiques et droits de lhomme 6e eacuted Armand Colin 2003 p 262

(4) CE 22 janvier 1988 Lebon 1988 p 37

(5) La Cour de cassation a enteacuterineacute la position de la cour dappel de Paris pour laquelle laquo ni laltruisme du comportement de la megravere de substitution ni le caractegravere deacutesinteacuteresseacute des activiteacutes de lassociation ne sont propres agrave faire disparaicirctre lilliceacuteiteacute qui frappe laccord litigieux raquo Cass civ 1re 13 deacutecembre 1989 Bull civ I no 387 Defreacutenois 1990 art 34802 no 55 obs J-L Aubert D 1990 p 273 JCP eacuted G 1990 II 21526 note A Seacuteriaux propos recueillis par C Slobodansky laquo Le droit doit limiter les progregraves de la science raquo LPA du 7 mai 2004 no 92 p 60

(6) laquo La convention par laquelle une femme sengage fucirct-ce agrave titre gratuit agrave concevoir et porter un enfant pour labandonner agrave sa naissance contrevient tant au principe dordre public de lindisponibiliteacute du corps humain quagrave celui de lindisponibiliteacute de leacutetat des personnes raquo Cass ass pleacuten 31 mai 1991 Bull civ ass pleacuten no 4 Defreacutenois 1991 art 35142 no 103 obs J-L Aubert Defreacutenois 1991 art 35088 no 67 note J Massip RTD civ 1991 p 517 obs D Huet-Weiller et p 489 note M Gobert M Gobert laquo Reacuteflexions sur les sources du droit et les

principes dindisponibiliteacute du corps humain et de leacutetat des personnes agrave propos de la materniteacute de substitution raquo RTD civ 1992 p 489 et s speacutec p 501 dans ce sens v deacutejagrave les remarques de P Murat laquo Laction de lordonnance du 4 juillet 2005 sur la possession deacutetat raquo Dr Famille 2006 eacutetude no 6 speacutec no 7 V aussi J Massip laquo Linsertion dans le Code civil de dispositions relatives au corps humain agrave lidentification geacuteneacutetique et agrave la procreacuteation meacutedicalement assisteacutee raquo Defreacutenois 1995 art 35975 et 35992

(7) En ce sens V Depadt-Sebag laquo De la neacutecessiteacute dune reacuteforme de larticle 16-7 du Code civil relatif agrave linterdiction de gestation pour autrui raquo RGD meacuted 2004 no 12 p 135 et s

(8) Art 227-12 et s C peacuten

(9) CA Paris 1re feacutevrier 2001 RTD civ 2001 p 347 obs J Hauser Cass civ 1re 9 deacutecembre 2003 Bull civ I no 252 p 201 CA Rennes 4 juillet 2002 D 2002 p 2904

(10) Cass civ 1re 20 feacutevrier 2007 Defreacutenois 2007 art 38595 no 45 obs J Massip

(11) V Depadt-Sebag laquo De la neacutecessiteacute dune reacuteforme de larticle 16-7 du Code civil relatif agrave linterdiction de gestation pour autrui raquo preacutec no 12 p 135 et s

(12) L no 2004-800 du 6 aoucirct 2004 relative agrave la bioeacutethique JO du 7 aoucirct 2004 p 14040 J Massip art preacutec

(13) Dans ce sens v M Gobert laquo Reacuteflexions sur les sources du droit et les principes dindisponibiliteacute du corps humain et de leacutetat des personnes agrave propos de la materniteacute de substitution raquo preacutec p 489 et s speacutec p 513

(14) V Depadt-Sebag laquo De la neacutecessiteacute dune reacuteforme de larticle 16-7 du Code civil relatif agrave linterdiction de gestation pour autrui raquo preacutec no 12 p 135 et s E Camuzet La convention de gestation pour autrui une illeacutegaliteacute franccedilaise injustifieacutee Meacutemoire Lille 2 Universiteacute du droit et de la santeacute 2005-2006 p 55

(15) A Mayer-Jack laquo Les conventions relatives agrave la personne physique raquo Rev crit leacutegisl et jurispr 1993 p 6

(16) G Meacutemeteau laquo Une distinction est opeacutereacutee sur la reacutefeacuterence des donneacutees acquises de la science agrave la date des soins par opposition agrave la notion erroneacutee de donneacutees actuelles de la science raquo note sous Cass civ 1re 6 juin 2000 JCP eacuted G 2001 II 10447

(17) Cass civ 1re 13 deacutecembre 1989 Bull civ I no 387 Defreacutenois 1990 art 34815 rapp J Massip D 1990 p 273 JCP eacuted G 1990 II 21526 note A Seacuteriaux

35

(18) Communication J Bernard et comm J Massip Defreacutenois 1990 art 35088 no 67 note J

Massip F Terreacute note sous Cass ass pleacuten 31 mai 1991 JCP eacuted G 1991 II 21752 dans ce sens v les remarques de P Murat laquo Laction de lordonnance du 4 juillet 2005 sur la possession deacutetat raquo preacutec eacutetude no 6 speacutec no 7 G Kessler laquo La consolidation de situations illicites dans linteacuterecirct de lenfant raquo Dr Famille no 7 juillet 2005 Etude 16

(19) TGI Lille 22 mars 2007 D 2007 no 18 p 1251 note X Labbeacutee B Edelman et C Labrusse-Riau note sous CA Paris 15 juin 1990 JCP eacuted G 1991 II 21653

(20) V Larribau-Terneyre note sous CA Pau 19 feacutevrier 1991 D 1991 juris p 380

(21) J Massip laquo Megravere porteuse et deacutecheacuteance de lautoriteacute parentale raquo LPA du 29 octobre 2003 no 216 p 10 Cass ass pleacuten 31 mai 1991 Bull civ ass pleacuten no 4 Defreacutenois 1991 art 35088 no 67 p 948 obs J Massip D 1991 p 417 rapport Y Chartier note D Thouvenin JCP eacuted G 1991 II 21752 communication J Bernard concl H Dontenwille note F Terreacute RTD civ 1991 p 517 obs D Huet-Weiller

(22) J Rubellin-Devichi laquo Materniteacute de substitution qui est la megravere raquo note sous CA Rennes 4 juillet 2002 JCP eacuted G 2003 I 101 C Ducomte laquo La vraie querelle des megraveres porteuses raquo httppagesperso-orangefrmax-christianducomtemereindexhtm

(23) Propos de Mme F Dekeuwer-Deacutefossez lors de son audition devant le preacutesident M Bloche pour la mission dinformation sur la famille (procegraves-verbal du 5 octobre 2005)

(24) J Hauser obs in RTD civ 1999 p 372 F Dekeuwer-Deacutefossez note sous Cass ass pleacuten 31 mai 1991 D 1992 somm p 59

(25) F Dekeuwer-Deacutefossez laquo Les droits de lenfant raquo D 1992 somm p 59 E Poisson-Drocourt laquo Recours agrave une megravere de substitution et refus de ladoption raquo D 2004 p 2001

(26) J-J Lemouland laquo Le tourisme procreacuteatif raquo LPA 2001 no 62 p 24 F Dekeuwer-Deacutefossez laquo Le lien parental raquo LPA du 1er juillet 2004 no 131 p 70 F Granet note sous CA Rennes 4 juillet 2002 D 2002 p 2904

(27) CA Aix-en-Provence 12 mars 2002 Juris-Data no 2002-190443 A Seacuteriaux laquo Droit naturel et procreacuteation artificielle quelle jurisprudence raquo D 1985 chron p 53 J Massip laquo Le nouveau droit de la filiation raquo Defreacutenois 2006 art 38303 p 13

(28) CA Rennes 4 juillet 2002 JCP eacuted G 2003 I 101 note J Rubellin-Devichi

(29) laquo Si le principe structurant de lautoriteacute parentale est linteacuterecirct de lenfant deacutetermineacute in concreto le droit de la filiation nappreacutecie en revanche jamais linteacuterecirct concret dun enfant preacutecis mais linteacuterecirct geacuteneacuteral de lenfant in abstracto raquo A Gouttenoire laquo A chacun sa famille agrave chacun son droit raquo Dr Famille no 7 juillet 2006 Alerte 41

(30) E Camuzet La convention de gestation pour autrui une illeacutegaliteacute franccedilaise injustifieacutee art preacutec p 52

(31) P Raynaud laquo Un abus de ladoption simple les couples adoptifs raquo D 1983 chron p 39 H Gaumont-Prat laquo Pas dadoption pour les enfants issus de convention de megravere porteuse raquo RLDC no 5 mai 2004 p 31 laquo Le rejet dans le non-droit des enfants neacutes dans des circonstances qui deacuterangent la socieacuteteacute relegraveve du deacuteni de la reacutealiteacute porteur de nombreux effets pathogegravenes et injustes raquo

(32) J Rubellin-Devichi laquo Materniteacute de substitution qui est la megravere raquo note sous CA Rennes 4 juillet 2002 preacutec I 101 C Ducomte laquo La vraie querelle des megraveres porteuses raquo preacutec P Raynaud laquo Un abus de ladoption simple les couples adoptifs raquo art preacutec chron p 39 G Kessler laquo La consolidation de situations illicites dans linteacuterecirct de lenfant raquo art preacutec Etude 16

(33) F Dekeuwer-Deacutefossez laquo Reacuteflexion sur les mythes fondateurs du droit contemporain de la famille raquo RTD civ 1995 p 269 E Camuzet La convention de gestation pour autrui une illeacutegaliteacute franccedilaise injustifieacutee art preacutec p 66 A Ponsard rapport sous Cass civ 1re 16

36

novembre 1982 JCP eacuted G 1983 II 19954 M-T Meulders-Klein laquo Le droit agrave lenfant face au

droit de lenfant et les procreacuteations meacutedicalement assisteacutees raquo RTD civ 1988 p 645 F Terreacute Lenfant de lesclave Geacuteneacutetique et droit Flammarion 1987 p 128

(34) Convention de New York du 26 janvier 1990 Charte des droits fondamentaux de lUnion europeacuteenne du 7 deacutecembre 2000 Deacuteclaration universelle des droits de lhomme de 1789 Convention internationale des droits de lenfant de 1989

(35) Cass ass plegraven 31 mai 1991 Bull civ ass plegraven no 4 Defreacutenois 1991 art 35142 no 103 obs J-L Aubert et art 35088 no 67 p 948 obs J Massip D 1991 p 417 rapport Y Chartier note D Thouvenin JCP eacuted G 1991 II 21752 communication J Bernard concl H Dontenwille note F Terreacute RTD civ 1991 p 517 obs D Huet-Weiller

(36) Cass civ 1re 24 feacutevrier 2006 Bull civ I no 101 p 95 Defreacutenois 2006 art 38415 no 40 p 1067 obs J Massip D 2006 juris p 897-900 obs D Vigneau T Anatrella laquo Adoption et homoparentaliteacute leacuteclairage des droits de lhomme raquo Dr Famille 2003 no 10 p

8-10 agrave lidentique dans un arrecirct du 22 janvier 1992 D 1993 p 119 note J Vassaux la cour dappel de Poitiers a prononceacute ladoption simple dun enfant neacute dune convention de megravere porteuse au motif que laquo cette adoption nest pas seulement conforme agrave linteacuterecirct de lenfant mais encore constitue une neacutecessiteacute qui deacutecoule des reacutealiteacutes de la vie issues derreurs des adultes dont lenfant ne doit pas subir les conseacutequences raquo

(37) G Kessler laquo La consolidation de situations illicites dans linteacuterecirct de lenfant raquo art preacutec eacutetude no 16 M-T Meulders-Klein laquo Le droit agrave lenfant face au droit de lenfant et les procreacuteations meacutedicalement assisteacutees raquo art preacutec p 645

(38) Cass civ 1re 18 mai 2005 Bull civ I no 211 p 179 V Depadt-Sebag laquo Non-lieu dans une affaire de materniteacute pour autrui raquo D 2005 p 476 J Massip laquo Megravere porteuse et deacutecheacuteance de lautoriteacute parentale raquo art preacutec no 216 p 11 F Terreacute Lenfant de lesclave Geacuteneacutetique et droit op cit adde F Terreacute et D Fenouillet Droit civil Les personnes la famille les incapaciteacutes 6e eacuted Preacutecis Dalloz no 926 M Lamarche laquo Inteacuterecirct supeacuterieur de lenfant de ladmission des effets dune convention de megravere porteuse agrave la destruction du droit franccedilais de la filiation raquo Dr Famille novembre 2007 no 11

(39) M Donnier laquo Linteacuterecirct de lenfant raquo D 1959 chron p 27 F Laroche-Gisserot note sous Cass civ 1re 27 mai 1998 D 1998 p 530 F Millet laquo Ladoption dun inteacuterecirct agrave lautre raquo RRJ 2003-3 p 1777 et s A Gouttenoire laquo A chacun sa famille agrave chacun son droit raquo art preacutec Alerte 41

(40) Par la loi no 2007-293 du 5 mars 2007 reacuteformant la protection de lenfance (JO du 6 mars 2007 Defreacutenois 2007 Leacuteg p 282) le leacutegislateur a inteacutegreacute la notion dinteacuterecirct de lenfant dans le Code de laction sociale et des familles Le nouvel article L 112-4 dudit code dispose que laquo Linteacuterecirct de lenfant la prise en compte de ses besoins fondamentaux physiques intellectuels sociaux et affectifs ainsi que le respect de ses droits doivent guider toutes deacutecisions le concernant raquo

(41) Amendement no 48 rect Protection de lenfance no 3184 Assembleacutee nationale 22 deacutecembre 2006 wwwassemblee-nationalefr v aussi sur lensemble de ces questions les consideacuterations tregraves eacuteclairantes de P Murat note sous CA Rennes 4 juillet 2002 D 2002 p 2902 Dr Famille 2002 comm no 142 note P Murat

(42) F Granet-Lambrechts laquo Materniteacutes de substitution filiation et eacutetat civil Panorama europeacuteen raquo Dr Famille no 12 deacutecembre 2007 eacutetude no 34

(43) D Youf Penser les droits de lenfant PUF 2002 p 2

(44) G Cornu La famille 6e eacuted no 7 J Carbonnier Droit civil t 4 Les obligations PUF coll Theacutemis no 372 p 649

(45) D Fenouillet et P de Vareilles-Sommiegraveres La contractualisation du droit de la famille Economica 2001

37

(46) H Gaumont-Prat laquo Pas dadoption pour les enfants issus de convention de megravere porteuse raquo art preacutec p 31

(47) E Poisson-Droccourt laquo Recours agrave une megravere de substitution et refus de ladoption raquo art preacutec p 2001 note sous Cass civ 1re 9 deacutecembre 2003 G Delaisi de Perseval laquo Gestation pour autrui en quecircte de leacutegitimation raquo httpwwwliberationfr

(48) C Neirinck laquo Les filiations eacutelectives agrave leacutepreuve du droit raquo JCP eacuted G 1997 I 4067 E Camuzet laquo La convention de gestation pour autrui une illeacutegaliteacute franccedilaise injustifieacutee raquo art preacutec p 59

(49) J Hauser et D Huet-Weiller Traiteacute de droit civil La famille Fondation et vie de la famille 2e eacuted LGDJ 1993 p 250

(50) B Debreacute et S Agacinski laquo Faut-il leacutegaliser les megraveres porteuses en France raquo art preacutec p 50 C Atias D 1986 chron p 67

Civ 1egravere

13 deacutecembre 1989

Ndeg de pourvoi 88-15655

Publieacute au bulletin

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Attendu selon les juges du fond que lrsquoassociation ldquo Alma Mater ldquo a pour objet de faciliter la

solution des problegravemes qui se posent aux couples dont la femme est steacuterile deacutesireux

drsquoaccueillir un enfant agrave leur foyer et aux ldquo megraveres porteuses ldquo volontaires qursquoil est proposeacute agrave

la ldquo megravere porteuse ldquo drsquoecirctre inseacutemineacutee artificiellement par la semence du mari ou du concubin

de porter et de mettre au monde lrsquoenfant qui sera deacuteclareacute sur les registres de lrsquoeacutetat civil sans

indication du nom de la megravere reconnu par le pegravere et accueilli au foyer de celui-ci en vue de

son adoption par lrsquoeacutepouse ou la compagne que lrsquoassociation intervient tout au long de ce

processus qualifieacute de ldquo precirct drsquouteacuterus ldquo ou de ldquo don drsquoenfant ldquo qursquoainsi apregraves avoir controcircleacute la

reacutealiteacute de la steacuteriliteacute du couple demandeur et des faculteacutes de feacutecondation de la ldquo megravere porteuse

ldquo geacuteneacuteralement recruteacutee par elle lrsquoassociation fait proceacuteder agrave lrsquoinseacutemination surveille la

grossesse et lrsquoaccouchement srsquooccupe de faire diligenter la proceacutedure drsquoadoption qursquoelle

verse ensuite agrave la megravere une somme forfaitaire - qui en 1987 eacutetait fixeacutee agrave 60 000 francs -

remise par le couple demandeur degraves le deacutebut de la grossesse que lrsquoarrecirct confirmatif attaqueacute

(Aix-en-Provence 29 avril 1988) estimant que cette association avait un objet illicite

contraire aux lois et aux bonnes moeurs en a prononceacute la nulliteacute sur le fondement de lrsquoarticle

3 de la loi du 1er juillet 1901

Sur le moyen unique pris en sa premiegravere branche

Attendu que lrsquoassociation ldquo Alma Mater ldquo fait grief agrave la cour drsquoappel drsquoavoir ainsi statueacute alors

que selon le moyen nrsquoest ni illicite ni contraire aux bonnes moeurs lrsquoassociation qui dans un

but humanitaire non lucratif met en relation un couple demandeur dont la femme est steacuterile et

38

une femme qui accepte drsquoecirctre inseacutemineacutee artificiellement par le mari de porter lrsquoenfant et de le

remettre agrave la naissance agrave ce couple qui lrsquoindemnisera des contraintes et de la gecircne occasionneacutee

par la grossesse de sorte que la juridiction du second degreacute aurait violeacute les articles 3 et 7 de la

loi du 1er juillet 1901

Mais attendu qursquoil reacutesulte des constatations des juges du fond que lrsquoobjet mecircme de

lrsquoassociation est de favoriser la conclusion et lrsquoexeacutecution de conventions qui fussent-elles

verbales portent tout agrave la fois sur la mise agrave la disposition des demandeurs des fonctions

reproductrices de la megravere et sur lrsquoenfant agrave naicirctre et sont donc nulles en application de lrsquoarticle

1128 du Code civil que ces conventions contreviennent au principe drsquoordre public de

lrsquoindisponibiliteacute de lrsquoeacutetat des personnes en ce qursquoelles ont pour but de faire venir au monde un

enfant dont lrsquoeacutetat ne correspondra pas agrave sa filiation reacuteelle au moyen drsquoune renonciation et

drsquoune cession eacutegalement prohibeacutees des droits reconnus par la loi agrave la future megravere que

lrsquoactiviteacute de lrsquoassociation qui tend deacutelibeacutereacutement agrave creacuteer une situation drsquoabandon aboutit agrave

deacutetourner lrsquoinstitution de lrsquoadoption de son veacuteritable objet qui est en principe de donner une

famille agrave un enfant qui en est deacutepourvu que crsquoest degraves lors agrave bon droit que lrsquoarrecirct attaqueacute a

deacutecideacute sur le fondement de lrsquoarticle 3 de la loi du 1er juillet 1901 que cette association eacutetait

nulle en raison de lrsquoilliceacuteiteacute de son objet que la premiegravere branche du moyen est donc sans

fondement

Et sur les deuxiegraveme et troisiegraveme branches du moyen

Attendu qursquoil est fait grief agrave la cour drsquoappel de nrsquoavoir pas reacutepondu aux conclusions faisant

valoir drsquoune part que lrsquointerdiction du ldquo don de gestation ldquo constituait une discrimination

fondeacutee sur la naissance contraire aux dispositions de lrsquoarticle 24 du pacte international relatif

aux droits civils et politiques signeacute agrave New York le 19 deacutecembre 1966 et drsquoautre part que ce ldquo

don de gestation ldquo reposait sur le droit leacutegitime de fonder une famille qui implique le droit

drsquoengendrer reconnu tant par lrsquoarticle 12 de la convention europeacuteenne des droits de lrsquohomme

et des liberteacutes fondamentales du 4 novembre 1950 que par lrsquoarticle 23 du pacte international

preacuteciteacute

Mais attendu que la reconnaissance du caractegravere illicite de la materniteacute pour autrui et des

associations qui srsquoefforcent de la promouvoir qui se deacuteduit des principes geacuteneacuteraux du Code

civil et de regravegles qui sont communes agrave toutes les filiations nrsquoest pas de nature agrave instaurer une

discrimination fondeacutee sur la naissance que le droit de se marier et de fonder une famille

reconnu par lrsquoarticle 12 de la convention du 4 novembre 1950 et par lrsquoarticle 23 du pacte

international du 19 deacutecembre 1966 agrave lrsquohomme et agrave la femme en acircge nubile nrsquoimplique pas le

droit de conclure avec un tiers des conventions portant sur le sort drsquoun enfant agrave naicirctre que

par ces motifs de droit reacutepondant aux conclusions invoqueacutees lrsquoarrecirct se trouve leacutegalement

justifieacute et que les deuxiegraveme et troisiegraveme branches du moyen ne peuvent ecirctre accueillies

PAR CES MOTIFS

REJETTE le pourvoi

Publication Bulletin 1989 I Ndeg 387 p 260

Deacutecision attaqueacutee Cour drsquoappel drsquoAix-en-Provence du 29 avril 1988

39

Cour de cassation Assembleacutee pleacuteniegravere

Audience publique du 31 mai 1991

Ndeg de pourvoi 90-20105 Publieacute au bulletin

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Sur le pourvoi dans lrsquointeacuterecirct de la loi formeacute par M le Procureur geacuteneacuteral pregraves la Cour de

Cassation

Vu les articles 6 et 1128 du Code civil ensemble lrsquoarticle 353 du mecircme Code

Attendu que la convention par laquelle une femme srsquoengage fucirct-ce agrave titre gratuit agrave concevoir

et agrave porter un enfant pour lrsquoabandonner agrave sa naissance contrevient tant au principe drsquoordre

public de lrsquoindisponibiliteacute du corps humain qursquoagrave celui de lrsquoindisponibiliteacute de lrsquoeacutetat des

personnes

Attendu selon lrsquoarrecirct infirmatif attaqueacute que Mme X eacutepouse de M Y eacutetant atteinte drsquoune

steacuteriliteacute irreacuteversible son mari a donneacute son sperme agrave une autre femme qui inseacutemineacutee

artificiellement a porteacute et mis au monde lrsquoenfant ainsi conccedilu qursquoagrave sa naissance cet enfant a

eacuteteacute deacuteclareacute comme eacutetant neacute de Y sans indication de filiation maternelle

Attendu que pour prononcer lrsquoadoption pleacuteniegravere de lrsquoenfant par Mme Y lrsquoarrecirct retient

qursquoen lrsquoeacutetat actuel des pratiques scientifiques et des moeurs la meacutethode de la materniteacute

substitueacutee doit ecirctre consideacutereacutee comme licite et non contraire agrave lrsquoordre public et que cette

adoption est conforme agrave lrsquointeacuterecirct de lrsquoenfant qui a eacuteteacute accueilli et eacuteleveacute au foyer de M et

Mme Y pratiquement depuis sa naissance

Qursquoen statuant ainsi alors que cette adoption nrsquoeacutetait que lrsquoultime phase drsquoun processus

drsquoensemble destineacute agrave permettre agrave un couple lrsquoaccueil agrave son foyer drsquoun enfant conccedilu en

exeacutecution drsquoun contrat tendant agrave lrsquoabandon agrave sa naissance par sa megravere et que portant atteinte

aux principes de lrsquoindisponibiliteacute du corps humain et de lrsquoeacutetat des personnes ce processus

constituait un deacutetournement de lrsquoinstitution de lrsquoadoption la cour drsquoappel a violeacute les textes

susviseacutes

PAR CES MOTIFS

CASSE ET ANNULE mais seulement dans lrsquointeacuterecirct de la loi et sans renvoi lrsquoarrecirct rendu le

15 juin 1990 par la cour drsquoappel de Paris

REQUETE DE M LE PROCUREUR GENERAL PRES LA COUR DE CASSATION

Le Procureur geacuteneacuteral pregraves la Cour de Cassation a lrsquohonneur drsquoexposer

- Que par jugement du 28 juin 1989 le tribunal de grande instance de Paris a rejeteacute la requecircte

preacutesenteacutee par Mme X eacutepouse Y tendant agrave lrsquoadoption pleacuteniegravere de lrsquoenfant Z deacuteclareacutee

comme eacutetant neacutee de M Y mari de la requeacuterante sans indication de filiation maternelle

- Que pour ne pas faire droit agrave cette requecircte les premiers juges ont retenu que les eacutepoux Y

pour remeacutedier agrave la steacuteriliteacute de leur couple avaient eu recours agrave lrsquoassociation Alma Mater

aujourdrsquohui dissoute lrsquoenfant eacutetant neacute drsquoune megravere de substitution qui lrsquoa abandonneacute agrave la

naissance pratique deacuteclareacutee illicite

- Que sur appel de Mme Y la premiegravere chambre civile section C de la cour drsquoappel de

Paris a par arrecirct du 15 juin 1990 infirmeacute la deacutecision entreprise et prononceacute lrsquoadoption

pleacuteniegravere solliciteacutee par la requeacuterante

- Qursquoau soutien de leur deacutecision devenue deacutefinitive les juges du second degreacute ont tireacute de nos

principes geacuteneacuteraux relatifs agrave la filiation des regravegles drsquoordre public concernant les contrats et de

40

certaines conventions ou deacuteclarations internationales des conclusions contraires agrave celles

auxquelles eacutetait parvenue votre premiegravere chambre civile de la Cour de Cassation qui dans un

cas de figure pratiquement identique a par arrecirct du 13 deacutecembre 1989 (association Alma

Mater contre procureur geacuteneacuteral Aix-en-Provence) reconnu le caractegravere illicite de la materniteacute

pour autrui et les associations qui srsquoefforcent de la promouvoir

- Qursquoil importe en cette matiegravere particuliegraverement sensible qui touche agrave un deacutelicat problegraveme de

socieacuteteacute et drsquoeacutethique que soit mis fin agrave des divergences jurisprudentielles majeures et que la

seacutecuriteacute juridique soit assureacutee

PAR CES MOTIFS

Vu lrsquoarticle 17 de la loi du 3 juillet 1967 relative agrave la Cour de Cassation

Requiert qursquoil plaise agrave la Cour de Cassation

CASSE ET ANNULE sans renvoi et dans le seul inteacuterecirct de la loi lrsquoarrecirct rendu le 15 juin 1990

par la cour drsquoappel de Paris ayant fait droit agrave la requecircte en adoption pleacuteniegravere preacutesenteacutee par

Mme X eacutepouse Y

Publication Bulletin 1991 AP Ndeg 4 p 5

Deacutecision attaqueacutee Cour drsquoappel de Paris du 15 juin 1990

Page 15: SEANCE_3 Droit Civil Methodologie

15

reacutefeacutereacute probatoire in futurum preacutevu agrave larticle 145 du nouveau code de proceacutedure civile pour

une expertise sanguine ou geacuteneacutetique degraves lors que se trouvaient respecteacutees les conditions

poseacutees par le texte (absence de procegraves au fond motif leacutegitime recherche ou conservation des

preuves) En lespegravece le demandeur faisait eacutetat de son inteacuterecirct leacutegitime en vue dappreacutecier les

chances de succegraves dune action en contestation de paterniteacute quil souhaitait intenter et

soulignait le risque de deacutepeacuterissement des preuves

Depuis 1994 la leacutegaliteacute dune mesure dinstruction destineacutee agrave eacutetablir la reacutealiteacute biologique de la

filiation gracircce aux empreintes geacuteneacutetiques est soumise agrave certaines conditions larticle 16-11

du code civil issu des lois bioeacutethiques de juillet 1994 se montre plus restrictif et pose

lexigence que la mesure dinstruction soit ordonneacutee par laquo le juge saisi dune action tendant

soit agrave leacutetablissement ou la contestation [] raquo formulation qui semble exclure de ce domaine

la proceacutedure de reacutefeacutereacute car seule une action au fond permettrait au juge dordonner une telle

mesure

Une deacutecision de la Cour dappel de Montpellier rappelle cette diffeacuterence de reacutegime pour

ordonner lexpertise biologique solliciteacutee dans le cadre dune action en reacutefeacutereacute aux motifs que laquo

la mesure dexpertise ne peut porter que sur des preacutelegravevements sanguins et non sur des

empreintes geacuteneacutetiques ces derniegraveres ne pouvant ecirctre ordonneacutees que par le seul juge saisi de

laction conformeacutement agrave larticle 16-11 du code civil raquo

Sachant que lexamen compareacute des sangs permet de donner des reacutesultats relativement fiables

en matiegravere de filiation au moins agrave titre indicatif permettant dappreacutecier les chances de succegraves

dune action en contestation ou en eacutetablissement de paterniteacute on peut degraves lors sinterroger sur

la peacuterenniteacute de cette dualiteacute de reacutegime Ne conviendrait-il pas de modifier les imperfections

reacutedactionnelles de larticle 16-11 alineacutea 2 pour autoriser eacutegalement le recours agrave la proceacutedure

de reacutefeacutereacute

3 La loi ndeg 2004-800 du 6 aoucirct 2004 (art 5) a modifieacute les conditions de lidentification dune

personne par ses empreintes geacuteneacutetiques agrave des fins meacutedicales ou de recherche scientifique

Comme pour lexamen des caracteacuteristiques geacuteneacutetiques agrave larticle 2 il sagit de garantir un

reacutegime du consentement plus protecteur pour les personnes et le texte reprend en partie la

teneur de larticle 16-10 en matiegravere dexamen des caracteacuteristiques geacuteneacutetiques recueil du

consentement expregraves par eacutecrit et preacutealable agrave la reacutealisation de lidentification reacutevocable sans

forme et agrave tout moment consentement eacuteclaireacute par lexigence de la communication de sa

finaliteacute

Le renforcement des droits de la personne saccompagne dun dispositif relatif aux conditions

dagreacutement aux fins de proceacuteder agrave lidentification dune personne agrave des fins meacutedicales ou agrave des

fins de recherche scientifique fixeacute par larticle L 1131-3 issu de la loi du 6 mai 2004

De la mecircme faccedilon un encadrement strict des conditions dagreacutement en matiegravere judiciaire est

mis en place avec le deacutecret ndeg 2004-471 du 25 mai 2004 qui vient modifier le deacutecret ndeg 97-

109 du 6 feacutevrier 1997 relatif aux conditions dagreacutement des personnes habiliteacutees agrave proceacuteder agrave

des identifications par empreintes geacuteneacutetiques dans le cadre dune proceacutedure judiciaire

1 - En matiegravere peacutenale

Un arrecirct de la Chambre criminelle de la Cour de cassation (22 juin 2004 Bull crim ndeg 164)

vient preacuteciser lapplication de larticle 706-56 du code de proceacutedure peacutenale issu de la loi ndeg

2001-1062 du 15 novembre 2001 (art 56 JO du 16 nov 2001) modifieacutee ensuite par la loi ndeg

2003-239 du 18 mars 2003 (art 29 JO du 19 mars 2003) et par la loi ndeg 2004-204 du 9 mars

16

2004 (art 49 JO du 10 mars 2004) en matiegravere dempreintes geacuteneacutetiques aux fins

didentification en matiegravere peacutenale Ce texte preacutevoit que le fait pour une personne

deacutefinitivement condamneacutee pour une des infractions viseacutees agrave larticle 706-55 de refuser de se

soumettre agrave un preacutelegravevement biologique destineacute agrave permettre lanalyse didentification de son

empreinte geacuteneacutetique est passible de sanctions peacutenales En lespegravece un homme condamneacute pour

viol avait refuseacute de se soumettre agrave un preacutelegravevement biologique en vue de son inscription au

fichier des empreintes geacuteneacutetiques et preacutetendait que le texte susviseacute ne sappliquait quaux

personnes deacutefinitivement condamneacutees apregraves son entreacutee en vigueur La cour dappel ne suit pas

cette argumentation et la Cour de cassation rejette le pourvoi aux motifs que ce texte

dapplication immeacutediate concerne toutes les personnes dont un preacutelegravevement est requis mecircme

si la condamnation est anteacuterieure agrave la loi

Les mesures viseacutees par ce texte sinscrivent dans la mise en place et le fonctionnement du

FNAEG le fichier national automatiseacute des empreintes geacuteneacutetiques destineacute notamment agrave

conserver dans un traitement automatiseacute les empreintes geacuteneacutetiques de lensemble des

personnes condamneacutees pour infractions sexuelles (Circ CRIM 00-8 F1 du 10 oct 2000 et

CRIM 01-15 E6 du 20 juill 2001) Un deacutecret ndeg 2004-470 du 25 mai 2004 modifiant le code

de proceacutedure peacutenale (2e partie deacutecrets en Conseil dEtat) relatif au fichier national

automatiseacute des empreintes geacuteneacutetiques vient compleacuteter le dispositif

C - Limage du corps

Limage du corps ou lapparence corporelle est classiquement proteacutegeacutee par le droit agrave limage

deacutecoulant de larticle 9 du code civil consacrant le droit au respect de la vie priveacutee et qualifieacute

de droit de la personnaliteacute (P Kayser in Meacutelanges Roubier p 73 T Hassler note sous TGI

Paris 15 avr 1987 D 1987 Jur p 551 F Dessemontet Le droit agrave sa propre image droit de

la personnaliteacute ou droit de la publiciteacute Meacutelanges en lhonneur de J-M Grossen) Cest le

droit pour toute personne dinterdire aux tiers la reproduction et la publication de son image

Limage du corps peut ecirctre appreacutehendeacutee de maniegravere plus originale par le recours agrave larticle 16

comme sinscrivant dans le domaine du droit au respect du corps humain et essentiellement

dans celui du respect de la digniteacute de la personne humaine On observe que le principe du

droit au respect du corps est proclameacute par le leacutegislateur en des termes semblables agrave ceux de

larticle 9 du code civil visant le respect de la vie priveacutee Il est vrai que laquo corps et vie priveacutee

repreacutesentent les deux faces de lintimiteacute dune personne raquo (J-C Galloux Le corps humain

dans le code civil in 1804-2004 Le code civil Un passeacute un preacutesent un avenir Dalloz 2004

p 381) Le recours agrave la notion de digniteacute de la personne humaine a eacuteteacute solliciteacute degraves 2001 dans

laffaire du preacutefet Erignac pour sanctionner la reproduction dans la presse de limage de son

cadavre (Cass 1re civ 20 deacutec 2000 J-P Gridel Retour sur limage du preacutefet assassineacute

digniteacute de la personne humaine et liberteacute de linformation dactualiteacute D 2001 Chron p 872

Jur p 885 Somm p 1990 obs A Lepage RTD civ 2001 p 329 obs J Hauser JCP

2001 II 10488 note J Ravanas)

1 Une deacutecision de la Cour dappel de Paris (1re ch B 23 sept 2004) consacre cette solution

en retenant que la liberteacute dexpression eacutetant une liberteacute fondamentale agrave valeur

constitutionnelle proteacutegeacutee par la Convention europeacuteenne des droits de lhomme et la

Deacuteclaration des droits de lhomme et du citoyen ses abus peuvent seulement ecirctre poursuivis

au nom dautres principes agrave valeur constitutionnelle comme le droit agrave reacuteparation de tout

preacutejudice subi ou la protection de la digniteacute de lhomme preacutevue par larticle 16 du code civil

2 Une deacutecision de la deuxiegraveme Chambre civile de la Cour de cassation (4 nov 2004) vient

confirmer cette dualiteacute Il sagissait en lespegravece dune photographie dun jeune homme de 17

17

ans gisant inanimeacute et agrave demi deacutevecirctu le visage ensanglanteacute victime dun accident de la

circulation alors quil pilotait un scooter Le clicheacute avait eacuteteacute pris par un hebdomadaire agrave grand

tirage pour illustrer un article intituleacute laquo Routes la guerre oublieacutee raquo consacreacute aux accidents de

la route

Les parents de ladolescent deacuteceacutedeacute des suites de laccident avaient assigneacute la socieacuteteacute eacuteditrice

de lhebdomadaire en reacuteparation arguant dune atteinte agrave la digniteacute de la personne ainsi

repreacutesenteacutee Les juges du fond avaient fait droit agrave la demande aux motifs que la liberteacute

dinformer revendiqueacutee par leacutediteur ne devait pas preacutevaloir sur le respect des droits de

lindividu sagissant dun article consacreacute agrave un pheacutenomegravene de socieacuteteacute La jurisprudence en la

matiegravere consacre en effet la liberteacute de communication des informations ainsi que la

publication dimages de personnes impliqueacutees dans un eacuteveacutenement sagissant deacuteveacutenements

dactualiteacute voire mecircme de faits dactualiteacute (Cass 2e civ 30 juin 2004 D 2004 IR p 2478

JCP 2004 II 10160 note D Bakouche) sous la seule reacuteserve du respect de la digniteacute

humaine (not absence de recherche du sensationnel et toute indeacutecence Cass 1re civ 20

feacutevr 2001 D 2001 Jur p 1199 note J-P Gridel Somm p 1990 obs A Lepage RTD civ

2001 p 329 note J Hauser Dr et patrimoine juin 2001 p 96 note G Loiseau 12 juill

2001 D 2002 Jur p 1380 note C Bigot Somm p 2298 obs L Marino RTD civ 2001

p 852 obs J Hauser JCP 2002 II ndeg 10152 note J Ravanas) Les diffeacuterentes deacutecisions

sont rendues au regard de latteinte agrave la vie priveacutee et du droit agrave limage sur le fondement de

larticle 9 (Cass 2e civ 5 mars 1997 D 1998 Jur p 474 note J Ravanas RTD civ 1997

p 396 obs J Hauser CA Versailles 31 janv 2002 Bull inf C cass 1er oct 2002 ndeg 983

D 2003 Somm p 1533 obs C Caron) voire sur le fondement de larticle 10 de la

Convention europeacuteenne des droits de lhomme (CEDH 3e sect 26 feacutevr 2002 Krone Verlag

c Austria req ndeg 34315)

Dans larrecirct susviseacute la Cour de cassation casse la deacutecision au visa des articles 10 de la

Convention europeacuteenne 9 et 16 du code civil Rappelant que laquo le principe de la liberteacute de la

presse implique le libre choix des illustrations dun deacutebat geacuteneacuteral de pheacutenomegravene de socieacuteteacute

sous la seule reacuteserve du respect de la digniteacute de la personne humaine [] raquo elle reproche agrave la

cour dappel de ne pas avoir laquo caracteacuteriseacute latteinte porteacutee par celle-ci [la photographie

litigieuse] agrave la digniteacute de la victime [] raquo

Le recours agrave larticle 16 du code civil selon lequel laquo la loi interdit toute atteinte agrave la digniteacute raquo

de la personne teacutemoigne de la proximiteacute des notions dimage (traditionnellement inscrite dans

le droit au respect de la vie priveacutee) et dapparence corporelle dont on perccediloit le lien avec la

notion de droit au respect du corps humain gouverneacute par larticle 16-1 prolongeant la

protection plus geacuteneacuterale fondeacutee sur la digniteacute inscrite agrave larticle 16 du code civil Nexiste-t-il

pas degraves lors une veacuteritable attraction de ces deux regravegles Les deux protections coexistent se

complegravetent et devraient favoriser le renforcement de la protection de limage de la personne

II - Le corps ses eacuteleacutements et ses produits

A - Regravegles geacuteneacuterales relatives au statut du corps humain

A leacutepoque contemporaine le corps humain devient de plus en plus un lieu de conflits

Conflits entre des normes juridiques de valeur comparable - autonomie de la volonteacute contre

solidariteacute sociale digniteacute des personnes contre liberteacute de la science - mais eacutegalement et de

maniegravere plus fondamentale conflits susciteacutes par des approches philosophiques et morales

diffeacuterentes sinon opposeacutees du corps humain Approches judeacuteo-chreacutetiennes qui le sacralisent

en linscrivant dans le mystegravere de lincarnation mateacuterialistes qui en nient la transcendance

utilitaristes precirctes agrave le sacrifier pour le bien-ecirctre collectif libertaires ou heacutedonistes qui

exaltent la liberteacute de lindividu agrave lencontre des contingences biologiques ou nen font que

18

linstrument de satisfaction des deacutesirs Le droit biomeacutedical se ressent de ces laquo oscillations de

la morale raquo (J Carbonnier Droit et passion du droit sous la Ve Reacutepublique Flammarion

1996 p 116) au risque de perdre peu agrave peu sa coheacuterence En teacutemoigne lapplication parfois

heacutesitante parfois jupiteacuterienne et souvent gecircneacutee des principes geacuteneacuteraux qui gouvernent le

statut du corps humain la protection de linteacutegriteacute corporelle et surtout lindisponibiliteacute ou

lextra-commercialiteacute du corps

1 - Protection de linteacutegriteacute corporelle

1 La loi du 6 aoucirct 2004 a modifieacute larticle 16-3 du code civil en ajoutant agrave la neacutecessiteacute laquo

meacutedicale raquo justifiant latteinte agrave linteacutegriteacute corporelle laquo agrave titre exceptionnel dans linteacuterecirct

theacuterapeutique dautrui raquo (art 9) Cette nouvelle extension de laccegraves aux ressources

biologiques corporelles au deacutetriment des droits de lindividu sur son corps (la premiegravere a eacuteteacute

consacreacutee par la loi ndeg 99-641 du 27 juill 1999 art 70 qui avait deacutejagrave substitueacute au terme laquo

theacuterapeutique raquo celui de laquo meacutedicale raquo afin de contrer linterpreacutetation neacutecessairement eacutetroite

quen avait fait la Cour de cassation dans son avis du 6 juill 1998 [D 1998 IR p 208 RTD

civ 1998 p 881 obs J Hauser] consideacuterant contraires agrave lart 16-3 les atteintes agrave linteacutegriteacute

du corps meneacutees agrave des fins purement contraceptives comme la ligature des trompes de Fallope

de telles atteintes sont deacutesormais licites car obeacuteissant agrave une finaliteacute meacutedicale mecircme si elles

tendent plus agrave preacutevenir ou agrave gueacuterir une maladie une grossesse neacutetant par elle-mecircme une

maladie) a davantage pour but dharmoniser les dispositions du code civil et celles du code de

la santeacute publique les preacutelegravevements reacutealiseacutes aux fins de greffes sur autrui ne pouvaient

certainement pas entrer dans les preacutevisions du texte dans sa reacutedaction anteacuteceacutedente Avec

lextension continue de la cateacutegorie des donneurs vivants (afin de pallier le deacuteficit chronique

de greffons en France cf infra) cette disposition est promise agrave un bel avenir (JOAN CR 2e

seacuteance 16 janv 2002)

2 Le titre III de la loi du 6 aoucirct 2004 apporte par ailleurs des modifications importantes agrave

larchitecture des preacutelegravevements deacuteleacutements du corps humain et par voie de conseacutequence aux

conditions dans lesquelles il peut ecirctre porteacute atteinte agrave linteacutegriteacute corporelle des donneurs

- lacte de preacutelegravevement est deacutesormais qualifieacute dlaquo acte de soin raquo au sens des articles L 1142-1

et suivants du code de la santeacute publique relatifs aux risques sanitaires reacutesultant du

fonctionnement du systegraveme de santeacute issus de la loi du 4 mars 2002 ce qui devrait ameacuteliorer

lindemnisation des victimes en cas daccident lors du preacutelegravevement

- le cercle des donneurs est eacutelargi (art L 1231-1 al 1er c santeacute publ)

- les modaliteacutes de recueil du consentement sont renforceacutees (mecircme art al 3)

- les finaliteacutes des preacutelegravevements sont mieux deacutefinies (par ex pour le sang art L 1211-8-1 c

santeacute publ) le patient pouvant controcircler une nouvelle utilisation des eacuteleacutements preacuteleveacutes

initialement pour dautres buts (not art L 1241-1 c santeacute publ) Les patients peuvent

eacutegalement sopposer agrave lutilisation des produits dexeacuteregravese et du placenta (art L 1235-2 et

1245-2 c santeacute publ) Pour les preacutelegravevements sur personne deacuteceacutedeacutee la regravegle mal veacutecue et

contourneacutee du consentement est ameacutelioreacutee obligeant le meacutedecin agrave recueillir aupregraves de ses

proches une eacuteventuelle opposition exprimeacutee par le deacutefunt de son vivant (art L 1232-1 c

santeacute publ) les proches se voyant reconnaicirctre le droit de connaicirctre les preacutelegravevements effectueacutes

3 Nonobstant les appels aux dons la peacutenurie de greffons saggrave en France selon

lEtablissement franccedilais des greffes qui constate une baisse des preacutelegravevements dorganes

(communiqueacute du 8 avr 2004) ce qui conduit lAcadeacutemie de meacutedecine agrave reacuteclamer de

19

nouvelles modifications reacuteglementaires afin dassouplir les regravegles de seacutelection des donneurs

(communiqueacute du 11 mai 2004) Cette situation ne doit toutefois pas conduire agrave des

discriminations ignoreacutees de la reacuteglementation sanitaire et contraires agrave notre tradition juridique

larrecirct du Conseil dEtat du 30 avril 2004 sen fait leacutecho En lespegravece un ressortissant

marocain en situation irreacuteguliegravere atteint dune grave insuffisance reacutenale chronique et inscrit

sur la liste des receveurs de greffes dorganes en vue dune transplantation reacutenale se voit

notifier une mesure de reconduite agrave la frontiegravere sur le fondement de larticle 25 de

lordonnance du 2 novembre 1945 Larrecircteacute deacutecidant cette reconduite est annuleacute comme

entacheacute dune erreur manifeste dappreacuteciation des conseacutequences de cet arrecircteacute sur la situation

personnelle de linteacuteresseacute car il ne pouvait pas beacuteneacuteficier dune opeacuteration de transplantation

dans son pays dorigine Peut-on voir dans cette solution tregraves humaine une application preacutecoce

du principe nouvellement inscrit dans le nouvel article L 1231-1 A c) du code de la santeacute

publique qui impose le respect du principe deacutequiteacute dans les regravegles de reacutepartition et

dattribution des greffons

4 La question des soins imposeacutes suscite toujours des questions deacutelicates autant sur un plan

humain quun plan juridique Le droit pour le patient majeur de donner lorsquil se trouve en

leacutetat de lexprimer son consentement agrave un traitement meacutedical comme le rappelle lalineacutea 2 de

larticle 16-3 revecirct le caractegravere dune liberteacute fondamentale (CE ord reacutef 16 aoucirct 2002 D

2004 Somm p 602 obs J Penneau RTD civ 2002 p 781 obs J Hauser) Larticle L

1111-4 du code de la santeacute publique tel quissu de la loi du 4 mars 2002 sur le droit des

malades prescrit que le pouvoir de deacutecision sexerce avec le professionnel de santeacute compte

tenu des informations et des preacuteconisations quil lui fournit le meacutedecin ne dispose plus

deacutesormais que dun pouvoir de conseil qui lui interdit de passer outre la volonteacute du patient

mecircme en cas durgence vitale Le meacutedecin doit respecter la volonteacute de la personne apregraves

lavoir informeacutee des conseacutequences de ses choix (il nest dailleurs pas obligeacute de la convaincre

Cass 1re civ 18 janv 2000 D 2001 Jur p 3559 note M-L Mathieu-Izorche) aucun acte

ni aucun traitement ne peut ecirctre pratiqueacute sans le consentement libre et eacuteclaireacute de la personne

consentement quelle peut retirer agrave tout moment Toutefois parmi les soins imposeacutes les

obligations de vaccination tiennent une place particuliegravere Bien accepteacutees par le public

lorsquelles furent introduites pour lutter contre des eacutepideacutemies dont chacun pouvait mesurer

autour de soi les effets deacutevastateurs (la premiegravere vaccination obligatoire remonte agrave la loi du 15

feacutevr 1902 F Moderne Le reacutegime juridique des vaccinations obligatoires AJDA 1965 p

195) ces mesures autoritaires encore nombreuses (contre la diphteacuterie art L 3111-1 c santeacute

publ le teacutetanos art L 3111-2 c santeacute publ la poliomyeacutelite art L 3111-3 c santeacute publ

la tuberculose art L 3111-4 c santeacute publ) sont aujourdhui contesteacutees au nom de la liberteacute

individuelle alors que ces grandes pandeacutemies ont peu agrave peu replieacute leurs ailes de mort sur

notre pays du moins Dans un arrecirct dAssembleacutee du 3 mars 2004 (Association Liberteacute

Information Santeacute RFDA 2004 p 581 concl comm du gouv G Le Chatelier AJDA

2004 p 971) le Conseil dEtat a eu loccasion de preacuteciser les pouvoirs reacuteglementaires dont

peut disposer le ministre de la Deacutefense pour imposer certaines vaccinations obligatoires

contrairement aux conclusions du commissaire du gouvernement il a admis que le ministre de

la Deacutefense en tant que chef de service peut imposer des vaccinations aux militaires placeacutes

sous son autoriteacute Si le principe dinteacutegriteacute du corps ne constitue pas en lui-mecircme un principe

agrave valeur constitutionnelle il concourt toutefois agrave assurer le respect du principe constitutionnel

de sauvegarde de la digniteacute de la personne humaine (Cons const 27 juill 1994 RJC p 100

B Edelman Le Conseil constitutionnel et lembryon D 1995 Chron p 205 Jur p 237 note

B Mathieu Somm p 299 obs L Favoreu) Cette expression essentielle et incarneacutee de la

liberteacute individuelle doit ecirctre concilieacutee avec des impeacuteratifs sociaux de santeacute dont la valeur nest

pas moindre La Haute juridiction administrative avait deacutejagrave eu loccasion de preacuteciser que les

20

dispositions imposant des vaccinations obligatoires si elles ont pour effet de porter une

atteinte limiteacutee aux principes dinviolabiliteacute et dinteacutegriteacute du corps humain voient leur mise en

oeuvre justifieacutee dans le but dassurer la protection de la santeacute dont le principe se trouve garanti

par le Preacuteambule de la Constitution de 1946 et sont proportionneacutees agrave cet objectif (CE 26 nov

2001 ALIS req ndeg 222741 RFDA 2002 p 65 concl comm du gouv S Boissard) Cest

normalement agrave la loi quil revient darbitrer entre ces deux principes Dans une autre affaire

(CA Pau 19 mars 2002 Dr fam 2004 ndeg 137 obs M S) des parents avaient eacuteteacute

condamneacutes agrave des peines contraventionnelles pour avoir soustrait leurs enfants agrave lobligation

vaccinale pour des raisons religieuses Ces deacutecisions ont eacuteteacute rendues alors que la loi du 4 mars

2002 sur le droit des patients neacutetait pas entreacutee en vigueur le renforcement de la liberteacute du

patient serait-elle de nature agrave assouplir les obligations vaccinales La jurisprudence de la

Cour europeacuteenne des droits de lhomme semble aller en ce sens (CEDH 9 juill 2002 ndeg

4219798 Salvetti c Italie une vaccination obligatoire en tant que traitement meacutedical non

volontaire constitue une ingeacuterence dans le droit au respect de la vie priveacutee reconnu par lart 8

sect 1 Conv EDH) Quil nous soit permis deacutemettre des reacuteserves sauf agrave ruiner toute la politique

de preacutevention mise en place par les autoriteacutes sanitaires depuis un siegravecle et dont les effets

salutaires ne sont pas contestables la reacutesistance des juridictions administratives qui sous-tend

larrecirct dAssembleacutee rapporteacute face aux derniers avatars dun certain extreacutemisme libertarien

dont le corps devient le bastion (pour un bon exposeacute de ces thegraveses Onfray Feacuteeacuteriques

anatomiques geacuteneacutealogie du corps faustien Grasset-Fasquelle 2003) montre que lhypothegravese

est ici bien diffeacuterente dun simple refus de soin comme dans le cas des transfusions elles ne

mettent en jeu que la vie du patient (sur cette derniegravere question B Mathieu De la difficulteacute

de choisir entre la liberteacute et la vie RGDM 2003 ndeg 9 p 97 A Garay Volonteacutes et liberteacutes

dans la relation meacutedecin-malade la mise agrave leacutepreuve des articles 16-3 du code civil et L

1111-4 du code de la santeacute publique RGDM 2003 ndeg 10 p 143)

5 Moins sujet agrave deacutebat larrecirct rendu par la Cour europeacuteenne (22 juill 2003 req ndeg 2420994

RD publ 2004 ndeg 3 p 826 note C Picheral) qui condamne la Turquie pour ingeacuterence dans

le droit au respect de la vie priveacutee reconnu par larticle 8 sect 1 de la Convention europeacuteenne

Dans cette affaire la plaignante avait subi un examen gyneacutecologique forceacute destineacute agrave prouver

agrave lissue de sa garde agrave vue quelle navait pas subi de violences sexuelles La Cour europeacuteenne

qui integravegre deacutesormais le respect du corps humain dans la sphegravere de la vie priveacutee fait ici une

application logique de larticle 8 dans la ligne de la jurisprudence preacuteceacutedemment citeacutee

2 - Indisponibiliteacute et extra-patrimonialiteacute du corps humain

6 Le principe dextra-patrimonialiteacute du corps humain se trouve repris par les articles 16-1

alineacutea 3 16-5 et 16-6 du code civil quil est parfois difficile de distinguer du principe

dindisponibiliteacute du corps humain que la jurisprudence fonde sur larticle 1128 du mecircme code

(Cass ass pleacuten 31 mai 1991 D 1991 Jur p 417 rapp Y Chartier note D Thouvenin) Si

la qualification dindisponibiliteacute a eacuteteacute eacutecarteacutee du vocabulaire des lois de 1994 et de 2004

comme par la doctrine dominante pour cause dambiguiumlteacute (D Fenouillet Respect et protection

du corps humain J-Cl civil art 16 agrave 16-12 fasc 12 ndeg 134 s) la jurisprudence y revient

parfois pour affirmer que le corps nest pas une chose dans le commerce Larrecirct de la Cour

dappel de Paris du 16 mai 2003 reacuteforme sur ce point un jugement du Tribunal des affaires de

seacutecuriteacute sociale de Paris du 5 juillet 2001 qui avait agrave tort exoneacutereacute une prostitueacutee du paiement

de la cotisation dallocations familiales des travailleurs indeacutependants au motif quanalyser une

activiteacute sexuelle reacutemuneacutereacutee comme un travail reviendrait agrave admettre que le commerce du

corps humain est leacutegal alors que leacutegaliser ce commerce aboutit agrave nier et agrave rejeter le principe

dindisponibiliteacute du corps humain La cour rappelle agrave bon droit que le commerce des relations

sexuelles nest pas en soi illicite seules eacutetant interdites certaines conditions dexercice de cette

21

activiteacute en tant quelles conduiraient aux infractions de racolage et de proxeacuteneacutetisme Affirmer

que lactiviteacute en cause na aucun lien avec lindisponibiliteacute du corps humain a quelque chose

de surreacutealiste le fait quelle ne soit pas peacutenalement reacuteprimeacutee nempecircche pas le caractegravere

illicite du contrat passeacute entre la prostitueacutee et son client (dans ce sens pour la nulliteacute dune

assurance souscrite par un proxeacutenegravete contre les accidents corporels freacutequents dans ce genre

dactiviteacutes CA Paris 22 janv 1992 Juris-Data ndeg 020308) Reste la justification de la

deacutecision par la relative autonomie du droit des prestations sociales larticle R 241-2 du code

de la seacutecuriteacute sociale vise toutes les activiteacutes non salarieacutees mecircme de caractegravere accessoire La

Chambre sociale de la Cour de cassation a deacutejagrave admis la prostitution au titre de ces activiteacutes

(18 mai 1995 D 1996 Somm p 38 obs X Preacutetot) eacutecarter les activiteacutes de prostitution de

lassiette des cotisations sociales ne serait-ce pas les encourager davantage au risque pour

lEtat de reprendre agrave son compte le ceacutelegravebre adage de Vespasien

7 Nous rappellerons encore larrecirct rendu par la premiegravere Chambre civile le 9 deacutecembre 2003

confirmant le rejet de ladoption pleacuteniegravere par la femme du pegravere dune enfant qui est le fruit

dune convention de megravere porteuse Lamie dun couple steacuterile avait accepteacute en 1987

dabandonner agrave sa naissance sans indication de filiation maternelle lenfant conccedilu des relations

intimes quelle avait eues avec leacutepoux La demanderesse au pourvoi soutenait que lilliceacuteiteacute de

la convention neacutetait pas eacutetablie par la jurisprudence et par la loi au moment des faits et quil

fallait prendre en consideacuteration pour ladoption pleacuteniegravere les douze anneacutees passeacutees par lenfant

aupregraves delle les inteacuterecircts de ce dernier primant la neacutecessiteacute de sanctionner la convention La

Cour de cassation confirmant sa jurisprudence du 31 mai 1991 (preacutec) et du 29 juin 1994 (D

1994 Jur p 581 note Y Chartier) rappelle laquo que la materniteacute pour autrui dont le caractegravere

illicite se deacuteduit des principes geacuteneacuteraux du code civil et aujourdhui de son article 16-7

reacutealise un deacutetournement de linstitution de ladoption que les premiers juges ont agrave bon droit

refuseacute raquo Prudemment la Haute juridiction neacutevoque pas la notion dindisponibiliteacute cet laquo

imaginaire de la doctrine raquo (M Gobert Reacuteflexions sur les sources du droit et les principes

dindisponibiliteacute du corps humain et de leacutetat des personnes RTD civ 1992 p 489) pour se

contenter logiquement de viser larticle 16-7 qui a vocation agrave sappliquer mecircme si le contrat

reste secret la graviteacute du vice initial de la materniteacute pour autrui contaminant toute adoption

ulteacuterieure

8 Le Tribunal administratif dAmiens dans sa deacutecision du 9 mars 2004 fait une application

discutable de la notion dextra-commercialiteacute des eacuteleacutements et des produits du corps humain

dans une hypothegravese ougrave cette qualification ne devait pas jouer Un couple perd ses embryons

congeleacutes in vitro en raison de la deacutefaillance du mateacuteriel de conservation imputable agrave un

eacutetablissement hospitalier Peut-il se preacutevaloir dun preacutejudice indemnisable dans le cadre de

laction en responsabiliteacute quil engage contre cet eacutetablissement La juridiction administrative

saisie admet la responsabiliteacute de la personne publique le mateacuteriel de conservation lui

appartenant eacutetant en cause mais sur la question de la reacuteparation du preacutejudice subi reacutepond de

maniegravere surprenante laquo si les eacutepoux peuvent se preacutevaloir de lexistence dun preacutejudice

mateacuteriel reacutesultant de la perte dovocytes les dispositions de larticle 16-1 du code civil selon

lesquelles le corps humain ses eacuteleacutements et ses produits ne peuvent faire lobjet dun droit

patrimonial sopposent agrave ce quils puissent en demander la reacuteparation en argent raquo et il

poursuit laquo les ovocytes surnumeacuteraires neacutetant pas des personnes ils ne sont pas fondeacutes agrave se

preacutevaloir dun preacutejudice moral reacutesultant selon eux de la perte decirctres chers raquo Le couple se

voit toutefois allouer 10 000 euros de dommages-inteacuterecircts pour les laquo troubles divers raquo dans

leurs conditions dexistence Si les ovocytes ne sont pas eacutevaluables en argent et si leur perte ne

peut donc pas justifier un preacutejudice mateacuteriel il nen va pas de mecircme dun preacutejudice moral

causeacute par leur perte (la perte dun animal domestique le justifie en droit civil ) et surtout le

22

preacutejudice reacutesultant de la perte dune chance de devenir parents pour un couple deacutejagrave acircgeacute et qui

rencontre des difficulteacutes pour procreacuteer degraves lors quaurait pu ecirctre eacutetablie la disparition par

leffet de la faute imputeacutee agrave leacutetablissement hospitalier de leacuteveacutenement favorable la

probabiliteacute de la naissance dun enfant (en droit meacutedical G Meacutemeteau Gaz Pal 1997 2

Doctr p 1367) La juridiction administrative a manqueacute une occasion de faire avancer le droit

biomeacutedical dans une affaire inattendue et hautement symbolique

B - Reacuteglementation des eacuteleacutements et les produits du corps

Prenant appui sur les principes geacuteneacuteraux gouvernant le statut du corps humain le reacutegime

juridique des eacuteleacutements et des produits biologiques dorigine humaine peut toutefois preacutesenter

des particulariteacutes

1 - La greffe de visage

9 Le Comiteacute consultatif national deacutethique dans son avis ndeg 82 du 6 feacutevrier 2004 eacutemet un

avis deacutefavorable au preacutelegravevement du visage dune personne deacuteceacutedeacutee ou en langage meacutedical agrave

lallotransplantation de tissus composites En deacutepit des besoins eacutevidents pour la chirurgie

reconstructive des victimes deacutefigureacutees agrave la suite daccidents ou de suicides manqueacutes le

Comiteacute consultatif considegravere que des obstacles dirimants subsistent actuellement pour

ladmission dun tel preacutelegravevement les perspectives de laquo reacuteussite raquo dune telle opeacuteration

demeurent tregraves theacuteoriques les risques de rejet des greffons eacutetant laquo extrecircmement graves raquo il

paraicirct par ailleurs fort deacutelicat de solliciter lautorisation de la famille du deacuteceacutedeacute pour effectuer

les preacutelegravevements la signification eacutethique particuliegravere du visage humain son lien intime agrave la

personnaliteacute et agrave lidentiteacute en font davantage quune piegravece anatomique Cette prudence sinscrit

dans le cadre des principes traditionnels du droit meacutedical la technique envisageacutee relevant

pour lheure davantage de lexpeacuterimentation que de la theacuterapeutique

2 - Les banques de sang de cordon ombilical

10 Les cellules heacutematopoiumleacutetiques preacutesentes dans le sang du cordon ombilical peuvent ecirctre

utiliseacutees pour le traitement de certaines maladies geacuteneacutetiques elles peuvent notamment

repeupler la moelle osseuse du patient et constituer une source de cellules sanguines offrant

ainsi une solution alternative agrave la greffe de moelle osseuse Des banques de ces cellules ont

eacuteteacute creacuteeacutees dans des institutions hospitaliegraveres et plus reacutecemment dans le secteur priveacute Ces

activiteacutes pour certaines agrave but lucratif suscitent eacutevidemment des questions juridiques et

eacutethiques Le Comiteacute national sest en France pencheacute sur ce problegraveme (avis ndeg 74 du 12 deacutec

2002) de mecircme que divers organismes de santeacute europeacuteens Le Groupe europeacuteen deacutethique

institueacute aupregraves du preacutesident de la Commission europeacuteenne a consacreacute agrave ce point son avis ndeg

16 rendu le 16 mars 2004 En substance les sages du Groupe europeacuteen critiquent vivement

louverture de cette activiteacute au secteur commercial degraves lors que les banques priveacutees noffrent

pas un laquo service utile en termes de possibiliteacutes theacuterapeutiques raquo (pt 21) et meacuteritent decirctre

eacutetroitement encadreacutees comme elles le seraient dailleurs en France Dun point de vue plus

geacuteneacuteral ces banques priveacutees de sang ombilical qui demeurent en veacuteriteacute assez marginales

posent la question des activiteacutes commerciales dans les secteurs sensibles de la santeacute qui nest

pas reacutesolue de maniegravere uniforme au sein de lUnion europeacuteenne Ladoption de

reacuteglementations telles que la directive CE ndeg 2004-23 du 31 mars 2004 concernant les aspects

de seacutecuriteacute et de qualiteacute pour les diffeacuterentes opeacuterations relatives aux eacuteleacutements biologiques

dorigine humaine va dans le sens de cette harmonisation

3 - Les normes europeacuteennes de qualiteacute et de seacutecuriteacute concernant les diffeacuterentes opeacuterations

relatives aux tissus et aux cellules humains

11 La directive CE ndeg 2004-23 du 31 mars 2004 constitue un texte important dans un secteur

ougrave lharmonisation communautaire tardait nonobstant le maillage reacuteglementaire existant en

23

matiegravere de meacutedicaments agrave usage humain (Dir CE ndeg 2001-83 du 6 nov 2001) Le texte

sapplique essentiellement aux eacuteleacutements biologiques destineacutes agrave lhomme ou agrave la fabrication de

produits manufactureacutes y compris pour des buts cosmeacutetiques agrave lexception des produits

destineacutes agrave des greffes autologues dans le cadre dune intervention chirurgicale unique du sang

et des produits sanguins (Dir CE ndeg 2002-98 du 27 janv 2002) des organes ou des parties

dorganes utiliseacutes aux mecircmes fins que lorgane entier dans le corps humain Les utilisations agrave

des fins de recherche sont eacutegalement exclues La directive sapplique en revanche aux gamegravetes

et aux cellules souches embryonnaires mais laisse aux Etats membres la faculteacute den autoriser

lutilisation Dune maniegravere geacuteneacuterale le texte communautaire nimpose pas de modegravele eacutethique

mais des obligations techniques dans un but de seacutecuriteacute sanitaire comprenant notamment la

mise en place dun systegraveme qualiteacute et de traccedilabiliteacute la deacutesignation dune personne responsable

mais il insiste cependant sur la gratuiteacute des dons et les exigences en matiegravere de consentement

La transposition qui ne devrait pas affecter de maniegravere sensible le cadre juridique franccedilais

actuel doit intervenir avant le 7 avril 2006

4 - Les cellules souches embryonnaires

12 Moins de deux mois apregraves ladoption de la reacutevision des lois bioeacutethiques et en application

de larticle 37 du nouveau texte qui autorise agrave titre transitoire avant la mise en place de

lAgence de la Biomeacutedecine les ministres concerneacutes agrave permettre limportation agrave des fins de

recherche de cellules souches embryonnaires humaines un deacutecret et un arrecircteacute (JO ndeg 228 du

30 sept 2004 p 16804) du 28 septembre 2004 viennent dy proceacuteder Les recherches sur ces

cellules fort contesteacutees il y a encore peu puisque la preacuteceacutedente autorisation dimportation de

cellules souches dorigine embryonnaire avait fait lobjet dun contentieux (TA Paris 21 janv

2003 D 2004 Somm p 532 obs H Gaumont-Prat LPA 2003 ndeg 196 p 7 note B

Pauvert) entrent donc rapidement dans la reacutealiteacute Ces souches importeacutees seront rapidement

supplanteacutees par pregraves de 50 000 embryons congeleacutes en France dont les geacuteniteurs ont renonceacute agrave

ce quils accegravedent agrave la naissance et qui vont pouvoir prochainement servir de mateacuteriel

dexpeacuterimentation comme la loi nouvelle lautorise deacutesormais

Mots cleacutes

PERSONNE HUMAINE Panorama 2004

Gazette du Palais 29 mai 2004 ndeg 150 P 15 - Tous droits reacuteserveacutes

Famille - Personnes

040412

ADOPTION Adoption pleacuteniegravere - Enfants pouvant faire lobjet dune adoption - Enfant neacute dune megravere

porteuse (non)

La materniteacute pour autrui dont le caractegravere illicite se deacuteduit des principes geacuteneacuteraux du Code

civil et aujourdhui de son article 16-7 reacutealise un deacutetournement de linstitution de ladoption

que les juges du fond ont donc agrave bon droit refuseacute de prononcer sans violer aucun des textes

invoqueacutes

C cass 1re civ 9 deacutecembre 2003 Mme X c Procureur geacuteneacuteral pregraves le Cour dappel de Y-

Pourvoi ndeg 0103927 Q - Rejet (C app Paris 1er feacutevrier 2001) - gr ndeg 1644P

NOTE

Reacuteiteacuteration de linterdiction dune adoption lieacutee agrave une procreacuteation pour le compte

dautrui -

24

Larrecirct rendu le 9 deacutecembre 2003 ne surprendra pas puisquil sinscrit dans la ligne traceacutee par

la Cour de cassation depuis 1989 confirmeacutee par la loi du 29 juillet 1994 relative au respect du

corps humain

En lespegravece Georges D et Denise M seacutetaient marieacutes le 15 deacutecembre 1962 et avaient eu un

enfant Fabrice neacute le 11 novembre 1966 Leacutepouse nayant pu avoir un deuxiegraveme enfant

pourtant vivement souhaiteacute le couple se serait adresseacute agrave une laquoamieraquo qui aurait accepteacute davoir

des relations intimes avec Georges D jusquagrave ce quelle conccediloive un enfant quil eacutetait convenu

de laisser degraves sa naissance au pegravere et agrave son eacutepouse

Cest ainsi que serait neacutee Sarah le 4 juillet 1987 qui fut deacuteclareacutee sur les registres de leacutetat civil

sans indication de filiation maternelle reconnue par Georges D puis recueillie aussitocirct par

celui-ci et son eacutepouse Cette derniegravere avait pris la preacutecaution de seacuteloigner de son domicile

pendant les derniers mois du deacuteveloppement in utero de lenfant afin que la substitution

maternelle soit ignoreacutee de lentourage des deux eacutepoux

Il sagissait donc bien selon les propres dires de Georges et Denise D dune materniteacute pour

autrui sans recours aux techniques modernes de procreacuteation meacutedicalement assisteacutee selon un

processus agrave la fois naturel et vieux comme le monde (1)

En janvier 1999 Denise D a saisi le Tribunal de grande instance dune requecircte en adoption

pleacuteniegravere de la fille de son mari

Le Tribunal par jugement du 8 deacutecembre 1999 puis la Cour dappel de Paris par arrecirct du 1er

feacutevrier 2001 ont rejeteacute sa demande au motif quen application des art 6 et 1128 C civ la

convention par laquelle une femme sengage agrave concevoir et agrave porter un enfant pour

labandonner agrave sa naissance est nulle car elle contrevient tant au principe dordre public de

lindisponibiliteacute du corps humain quagrave celui de lindisponibiliteacute de leacutetat des personnes et que

ladoption envisageacutee neacutetait que lultime phase dun processus illicite constitutif dun

deacutetournement de linstitution de ladoption

On reconnaicirctra lagrave les formules mecircmes employeacutees par la Cour de cassation notamment dans

son arrecirct dassembleacutee pleacuteniegravere du 31 mai 1991 (2) Il nest donc pas eacutetonnant que la Cour

suprecircme ait rendu un arrecirct de rejet dautant plus que sa jurisprudence a eacuteteacute conforteacutee par le

nouvel art 16-7 inseacutereacute dans le Code civil par la loi ndeg 94-653 du 29 juillet 1994 (3) qui

dispose que toute convention portant sur la procreacuteation ou la gestation pour le compte dautrui

est nulle

La Cour de cassation a bien entendu viseacute expresseacutement ce texte nouveau mais elle a tenu agrave

rappeler que le caractegravere illicite se deacuteduisait aussi des principes geacuteneacuteraux du Code civil

faisant ainsi implicitement reacutefeacuterence aux art 6 et 1128 de ce Code sur lesquels elle avait

preacuteceacutedemment fondeacute sa position

Le moyen de cassation tentait deacutechapper agrave la jurisprudence de la Cour suprecircme en se fondant

sur les circonstances de lespegravece et notamment sur le fait que la requecircte en adoption navait

eacuteteacute formeacutee que douze anneacutees apregraves la naissance de lenfant de sorte que lindivisibiliteacute entre la

materniteacute pour autrui et ladoption ne serait pas caracteacuteriseacutee Mais la Cour dappel avait

reacutepondu agrave cette argumentation en eacutenonccedilant que labandon de lenfant agrave naicirctre objet de

lobligation contracteacutee par la megravere biologique eacutetait destineacute agrave permettre que lenfant reconnu

par Georges D puisse ecirctre adopteacute par son eacutepouse et en soulignant que celle-ci avait dans le

mecircme but accepteacute linseacutemination dune autre femme par les gamegravetes de son mari et quelle

avait participeacute activement au processus en prenant toutes preacutecautions pour que la substitution

de materniteacute soit ignoreacutee des tiers

Denise D soutenait en outre que linteacuterecirct de lenfant retenu tant par lart 353 C civ que par

les art 3 et 21 de la Convention internationale des droits de lenfant devait primer sur le souci

de sanctionner lilliceacuteiteacute de la convention qui avait preacutesideacute agrave sa conception et agrave sa naissance

La Cour de cassation ne sest pas arrecircteacutee agrave cette argumentation pas plus quelle ne sy eacutetait

arrecircteacutee en 1991 pour elle lensemble de lopeacuteration est indivisible le deacutetournement de

25

linstitution de ladoption est caracteacuteriseacute et il convient de lutter contre la politique du fait

accompli (4) Laccepter au nom de linteacuterecirct de lenfant ne conduirait-il pas comme on la

souligneacute en doctrine (5) agrave admettre le commerce des enfants sous preacutetexte que bien souvent

ceux-ci y trouveraient beacuteneacutefice

(1) Selon la Bible Sarah eacutepouse dAbraham ne pouvant avoir denfant de lui lenvoya aupregraves

de son esclave eacutegyptienne Agar dont il eut un fils Ismaeumll Agar fut renvoyeacutee avec celui-ci

lorsque Sarah tregraves acircgeacutee mit au monde Isaac le fils de la promesse

Cest sans doute une coiumlncidence si nous trouvons aussi dans notre affaire une laquoSarahraquo qui

tient il est vrai un rocircle tout diffeacuterent de celui deacutevolu agrave son homonyme biblique

Lhistoire reacutevegravele eacutegalement des cas relativement freacutequents ougrave pour pallier agrave la steacuteriliteacute du

mari et pour permettre la continuation de la ligneacutee et la perpeacutetuation dun nom ou dun titre un

laquovaletraquo - souvent ensuite renvoyeacute - eacutetait chargeacute de feacuteconder leacutepouse Le proceacutedeacute eacutetait

juridiquement parfait dans la mesure ougrave par le jeu de la preacutesomption de paterniteacute le mari

devenait leacutegalement le pegravere de lenfant

(2) Cass ass pleacuten 31 mai 1991 Bull civ 1991 ndeg 4 Gaz Pal Rec 1991 panor cass p

162 [912144] D 1991 jur p 417 rapport Y Chartier note G Thouvenin JCP 1991 II

21752 comm J Bernard concl H Dontenwille note F Terreacute Defreacutenois 1991 art 35088

ndeg 67 p 948 obs J Massip RTD civ 1991 517 obs D Huet-Weiller Dans le mecircme sens

v Cass civ 1re 29 juin 1994 Bull civ 1994 I ndeg 226 Gaz Pal Rec 1995 jur p 36 note

J B [943856] D 1994 jur p 581 note Y Chartier JCP 1995 II 223621 note J Rubellin-

Devichi RTD civ 1994 p 842 obs J Hauser Defreacutenois 1995 art 36024 ndeg 4 p 315

obs J Massip

V aussi Cass civ 1re 13 deacutecembre 1989 Bull civ 1989 I ndeg 387 Gaz Pal Rec 1990

panor cass p 66 [901122] D 1990 jur p 273 rapport J Massip Defreacutenois 1990 art

34802 ndeg 55 p 743 obs J-L Aubert et art 34815 p 862 rapport J Massip et JCP 1990 II

21526 note A Seriaux Dans cette affaire la Cour de cassation avait proclameacute par des motifs

analogues agrave ceux adopteacutes par les arrecircts de 1991 et 1994 le caractegravere illicite de la materniteacute

pour autrui et des associations qui sefforcent de la promouvoir

(3) Sur cette loi v notamment notre commentaire in Defreacutenois 1975 art 35975 et 35922

speacutecialement en ce qui concerne lart 16-7 C civ le ndeg 9 de cette eacutetude p 72

(4) Sur ces divers points v notre note preacuteciteacutee sous Cass ass pleacuten 31 mai 1991

(5) Obs J Hauser sous larrecirct rendu le 1er feacutevrier 2001 par la Cour dappel de Paris dans le

preacutesente affaire in RTD civ 2001 347

AD2008DEF0291N1

Reacutepertoire du Notariat Defreacutenois 15 feacutevrier 2008 ndeg 3 P 291 - Tous droits reacuteserveacutes

FILIATION

38717 La convention de megravere porteuse

(Reacuteflexions sur les sources du droit et les principes dindisponibiliteacute du corps humain et de leacutetat des personnes)

Le droit franccedilais prohibe les conventions de megraveres porteuses

26

Malgreacute linterdiction leacutegale de nombreux couples ont chercheacute et cherchent encore agrave

contourner cette interdiction notamment en ayant recours agrave des megraveres de substitution dans

des pays eacutetrangers ougrave cette pratique est autoriseacutee

La Cour de cassation veille agrave ce que linstitution de ladoption ne soit pas deacutetourneacutee au profit

de ces parents

Dans un arrecirct du 25 octobre 2007 la cour dappel de Paris vient de reacuteouvrir le deacutebat non sur

le terrain de la convention mais sur celui de la non-transcription des actes de naissance et de

linteacuterecirct supeacuterieur de lenfant

Une excellente occasion de faire le point sur la question et de sinterroger pour lavenir avant

la reacutevision de la loi bioeacutethique en 2009

par Rabih CHENDEB

Docteur en droit

ATER agrave lUniversiteacute de Picardie Jules Verne

laquo La science va Elle est ineacuteluctable Ce quil faut cest la rendre eacutethique raquo (1)

Le droit positif franccedilais interdit de recourir aux megraveres porteuses si un couple conccediloit un

embryon in vitro qui est implanteacute dans luteacuterus dune tierce femme cest cette tierce femme

qui est la megravere selon la loi franccedilaise et les parents biologiques ne peuvent avoir aucun droit

mecircme en cas dabandon de lenfant agrave la naissance par la megravere porteuse La loi bioeacutethique de

1994 a interdit la gestation pour autrui car cela soulevait des questions

dinstrumentalisation et de commercialisation du corps de la femme

De nombreux couples en mal denfants ont depuis longtemps chercheacute agrave contourner les regravegles

notamment en ayant recours agrave des megraveres de substitution qui vivent dans des pays ougrave cette

pratique est autoriseacutee Jusquagrave preacutesent la Cour de cassation ne sy est jamais laisseacutee prendre et

condamnait ladoption faite par les parents de lenfant de la megravere porteuse consideacuterant quil

sagissait dun deacutetournement de linstitution de ladoption (I)

Le 25 octobre 2007 la cour dappel de Paris vient donner lespoir dune ouverture vers

lacceptation dans linteacuterecirct de lenfant de cette deacutemarche Cette deacutecision de la cour dappel

pourrait changer les choses en attendant la reacutevision de la loi bioeacutethique preacutevue en 2009 Une

chose est sucircre cet arrecirct a le meacuterite douvrir le deacutebat et de poser la question de linteacuterecirct de

lenfant comme exception agrave lindisponibiliteacute de leacutetat des personnes et agrave linterdiction de la

pratique des megraveres porteuses Une certaine eacutevolution des mentaliteacutes ainsi que la dispariteacute

entre la loi franccedilaise et dautres leacutegislations nationales pourraient donner lieu agrave un

assouplissement de cette leacutegislation (II)

I Lhostiliteacute du leacutegislateur et de la jurisprudence agrave leacutegard de la convention de megravere porteuse

Au siegravecle dernier seacutetaient deacuteveloppeacutees des associations ayant pour but de faire se rencontrer

des couples deacutesireux davoir un enfant et des femmes acceptant de le porter pour ensuite le

leur laquo ceacuteder raquo par contrat Pour des raisons plus ou moins louables le proceacutedeacute fut rapidement

condamneacute par le droit franccedilais (A) tout comme ladoption qui sen suivait (B)

27

A Le caractegravere illicite de la convention de megravere porteuse

La megravere porteuse met en effet agrave mal le scheacutema classique de la famille On affirmait en Droit

romain que la megravere eacutetait sucircre et que le pegravere eacutetait le mari Le Code napoleacuteon a enteacuterineacute cette

conception Dire que lenfant possegravede une megravere geacuteneacutetique et une megravere uteacuterine va agrave lencontre

de ses dispositions (2)

Pris au deacutepourvu le leacutegislateur franccedilais a tardeacute agrave reacuteagir face aux progregraves scientifiques Il en

est reacutesulteacute un vide juridique auquel la jurisprudence sest efforceacutee de faire face Devant cette

heacutesitation bien compreacutehensible du droit les ressources de la morale de la deacuteontologie et

surtout de la bioeacutethique ont eacuteteacute solliciteacutees (3) Le Conseil dEtat confronteacute aux associations

voulant intervenir dans ce domaine a ainsi prononceacute la dissolution de ces associations pour

objet illicite (4) Le 13 deacutecembre 1989 la premiegravere chambre civile de la Cour de cassation a

releveacute le principe dindisponibiliteacute du corps humain par une interpreacutetation a contrario de

larticle 1128 du Code civil qui dispose qu laquo il ny a que les choses qui sont dans le

commerce qui puissent ecirctre lobjet des conventions raquo La personne ne dispose pas de son

corps elle nen est pas proprieacutetaire (5) Le 31 mai 1991 lassembleacutee pleacuteniegravere de la Cour de

cassation vise les articles 6 1128 et 353 du Code civil afin daffirmer le caractegravere illicite de la

convention conclue entre une megravere porteuse et un couple steacuterile En effet ce contrat porte sur

deux corps humains la megravere et lenfant (6)

Rapidement le leacutegislateur est venu leacutegifeacuterer dans ce sens avec la loi no 94-653 du 29 juillet

1994 relative agrave la bioeacutethique pour que le Code civil reconnaisse le corps humain en tant que

tel Cette loi prend deacutesormais explicitement en compte le corps humain parce quil a voulu

promouvoir son respect face au deacuteveloppement des sciences biomeacutedicales Cette loi a entraicircneacute

la modification et la creacuteation darticles dans le Code civil et le Code peacutenal

Le principe du respect de la digniteacute de la personne humaine est poseacute par larticle 16 du Code

civil laquo La loi assure la primauteacute de la personne interdit toute atteinte agrave la digniteacute de celle-ci

et garantit le respect de lecirctre humain degraves le commencement de sa vie raquo Le nouvel article 16-1

preacutevoit que laquo Chacun a droit au respect de son corps Le corps humain est inviolable Le

corps humain ses eacuteleacutements et ses produits ne peuvent faire lobjet dun droit patrimonial raquo

Par conseacutequent selon larticle 16-5 laquo Les conventions ayant pour effet de confeacuterer une

valeur patrimoniale au corps humain agrave ses eacuteleacutements ou agrave ses produits sont nulles raquo De mecircme

quand une personne accepte de donner son sang ce ne peut ecirctre quagrave titre beacuteneacutevole Enfin

larticle 16-7 dispose mecircme laquo Toute convention portant sur la procreacuteation ou la gestation

pour le compte dautrui est nulle raquo (7)

En outre cette interdiction est assortie dune sanction peacutenale pouvant aller jusquagrave un an

demprisonnement et 15 000 euro damende pour celui qui sentremet ou tente de sentremettre

entre une personne ou un couple deacutesireux daccueillir un enfant et une femme acceptant de

porter en elle cet enfant en vue de le leur remettre Lorsque ces faits ont eacuteteacute commis agrave titre

habituel ou dans un but lucratif les peines sont porteacutees au double (8)

En deacutepit de la reacutesistance de quelques juges du fond qui ont admis ladoption la Cour de

cassation na pas infleacutechi sa position (9) Elle sest reacutecemment opposeacutee agrave ladoption simple

dun enfant par un couple homosexuel estimant cette adoption contraire agrave laquo linteacuterecirct supeacuterieur

de lenfant raquo (10)

28

Analyseacutes dans le contexte de ces deacutecisions les deux principes de lilliceacuteiteacute des conventions et

de lindisponibiliteacute du corps humain expriment une mecircme ideacutee la condamnation dune

convention qui porte sur le corps humain celui de lenfant agrave naicirctre et celui de la femme qui la

conccedilu et porteacute

Toutefois les motifs adopteacutes par la Cour de cassation savegraverent dune extrecircme faiblesse En

effet ces motifs sont lieacutes agrave lilliceacuteiteacute de lobjet des conventions agrave lindisponibiliteacute du corps

humain ainsi quagrave lindisponibiliteacute de leacutetat des personnes (11) Pourtant les lois dites laquo

bioeacutethiques raquo du 29 juillet 1994 puis la loi du 6 aoucirct 2004 (12) relative agrave la bioeacutethique ont

admis lutilisation des eacuteleacutements et des produits du corps humain agrave des fins theacuterapeutiques ou

scientifiques Effectivement une loi en date du 24 janvier 1953 deacutetermine laquo les tarifs de

cession du sang raquo Les dispositions sont aujourdhui dans le Code de la santeacute publique Degraves

lors on peut donner ses gamegravetes ses organes son sang Il semble que plus quune approche

anthropologique des sciences meacutedicales (qui conduiraient agrave une ineacutevitable instrumentalisation

du corps des hommes) il existerait ce que nous appelons une technoscience laquo de linvisible

raquo que seul le droit accepte de leacutegitimer (13)

Par ailleurs la terminologie employeacutee par le leacutegislateur de 1994 est eacuteloquente Cest

certainement parce que le principe dindisponibiliteacute du corps humain sest aveacutereacute irreacutealiste videacute

de sa substance par le nombre et limportance de ses exceptions que le leacutegislateur lui a preacutefeacutereacute

celui de non-patrimonialiteacute qui figure aujourdhui aux articles 16-1 16-5 et 16-6 du Code

civil Il est donc possible de disposer de son corps agrave titre de dons dans les limites de la loi

(14)

Pour conclure sur ce point il sera emprunteacute les propos de Mme Mayer-Jack laquo

Malheureusement si ce principe dindisponibiliteacute du corps humain possegravede les qualiteacutes trop

rares decirctre nettement formuleacute et universellement admis il apparaicirct agrave la reacuteflexion frappeacute dun

vice radical il se reacutevegravele contraire aux faits raquo (15)

B La nulliteacute de ladoption

En matiegravere de materniteacute de substitution lenfant reste au coeur du deacutebat Il est laquo lobjet raquo de la

convoitise du couple demandeur et lobjet de la convention En vue de permettre

leacutetablissement dune filiation adoptive deux processus eacutetaient suivis par lesdits couples

processus que la Cour de cassation sempressa dinterdire agrave son tour

1 Le contournement aveacutereacute de la loi par les couples restant en France

En effet le processus se deacuteroulait en trois eacutetapes dans un premier temps lembryon issu des

gamegravetes du couple ou du mari et de la femme porteuse eacutetait implanteacute dans luteacuterus de cette

derniegravere La megravere porteuse suivait sa grossesse normalement notamment au regard du suivi

meacutedical (16) Ensuite elle accouchait anonymement La leacutegislation autorise les

accouchements laquo sous X raquo et reconnaicirct ainsi aux parturientes le droit de ne pas ecirctre megraveres si

elles ne le deacutesirent ou ne le peuvent pas Le pegravere fournisseur de sperme quant agrave lui effectuait

une reconnaissance preacutenatale de lenfant A sa naissance il le reconnaissait Lenfant avait

donc un pegravere mais sans indication de la filiation maternelle Enfin leacutepouse de ce dernier

adoptait de maniegravere pleacuteniegravere lenfant Leacutetat de mariage de la megravere porteuse ne changeait rien

puisque laccouchement anonyme empecircchait que le mari soit consideacutereacute comme pegravere preacutesumeacute

29

Depuis larrecirct Alma Mater (17) nous savons que la convention de materniteacute de substitution

est nulle car contrevenant agrave lordre public (18) Mais jusqualors la jurisprudence avait eu le

soin de dissocier convention et adoption Toute convention portant sur la procreacuteation ou la

gestation pour le compte dautrui eacutetant nulle la convention de megravere porteuse ayant permis la

naissance de lenfant en cause est donc incontestablement frauduleuse Degraves lors la possession

deacutetat sur laquelle les demandeurs se fondent pour voir eacutetablir un lien de filiation leacutegitime agrave

leur profit et lacte de notorieacuteteacute quils ont ainsi obtenu sont eux-mecircmes vicieacutes et ne peuvent

donc permettre leacutetablissement dun tel lien Par ailleurs la Convention de New York sur les

droits de lenfant garantit notamment agrave celui-ci laccegraves agrave ses origines Or lapplication de la

convention frauduleuse aurait pour effet de consacrer un mensonge lacte de naissance qui

serait eacutetabli sur le fondement de cette convention aboutirait en effet agrave nier totalement les

conditions dans lesquelles lenfant a eacuteteacute conccedilu En conseacutequence les demandeurs ne pourront

se preacutevaloir de la possession deacutetat vicieacutee pour obtenir la retranscription de lacte de notorieacuteteacute

sur lacte de naissance de lenfant (19) Ainsi la prohibition de la convention a entraicircneacute dans

son sillage une impossibiliteacute dadoption par leacutepouse du pegravere (20) Il y a deacutetournement de

linstitution de ladoption pleacuteniegravere en ce que lenfant a eacuteteacute conccedilu pour ecirctre abandonneacute par sa

megravere et adopteacute par une autre (21)

Il en reacutesulte que cest labandon de lenfant qui rend impossible ladoption par leacutepouse du

mari Or labandon de lenfant constitue deacutejagrave une deacutemarche parfaitement licite et reacuteglementeacutee

par la loi Il suffit pour sen convaincre de lire attentivement les textes adeacutequats agrave savoir les

articles 61 et 62 du Code de la famille et de laide sociale 348-3 et 350 du Code civil et 1158

agrave 1163 du Code de proceacutedure civile Il suffit agrave la megravere et plus geacuteneacuteralement agrave la personne

investie des droits parentaux de confier 1enfant agrave un eacutetablissement ou agrave un service de laide

sociale agrave 1enfance (ASF) ou mecircme agrave un particulier puis de sen deacutesinteacuteresser

manifestement pendant une anneacutee nentretenant avec lui aucune relation neacutecessaire au

maintien de liens affectifs Le tribunal de grande instance peut degraves lors sauf agrave prendre en

consideacuteration le cas exceptionnel de grande deacutetresse du parent deacutefaillant deacuteclarer 1enfant

abandonneacute agrave la requecircte de tout inteacuteresseacute et notamment de leacutetablissement service ou famille

daccueil (22) laquo On cesse dinterdire une pratique non pas lorsquelle se deacuteveloppe mais

lorsquon ne sait plus pourquoi elle est interdite raquo (23)

Dailleurs une contradiction engendre ce refus dadoption En effet laquo consideacuterer ladoption

indissociable de la convention revient agrave ne voir lenfant que comme lobjet de cette convention

raquo (24) Ainsi les parents ont pu eacutetablir anteacuterieurement agrave la naissance le processus dont

ladoption est laquo lultime phase raquo Mais ce processus nest pas fait dans lintention de nuire agrave

lenfant Alors comment comprendre la seacuteveacuteriteacute afficheacutee de la Cour de cassation

Traiter lenfant comme une veacuteritable personne implique de dissocier la convention ougrave il

nintervient pas et ladoption dont il est partie prenante et mecircme partie principale Il faut

sinterroger sur son inteacuterecirct propre quitte agrave le confronter ensuite agrave ceux auxquels il soppose

(25)

2 Lexpansion du tourisme procreacuteatif

La dispariteacute des regravegles nationales agrave propos de la gestation pour autrui a conduit certains

couples agrave se rendre agrave leacutetranger pour pouvoir avoir recours agrave une megravere porteuse on parle

deacutesormais de laquo tourisme procreacuteatif raquo (26)

30

Lagrave encore le processus deacutebute par une inseacutemination artificielle mais les pays ayant leacutegaliseacute la

gestation pour le compte dautrui permettent par ailleurs que lembryon inseacutemineacute dans

luteacuterus de la femme soit issu de la rencontre des gamegravetes des deux parents demandeurs

Lenfant est donc geacuteneacutetiquement lenfant du couple Il a pour parent degraves sa naissance le

couple demandeur il porte leur nom et le preacutenom quils lui ont choisi Mais pour exister en

France il est neacutecessaire de recourir agrave une transcription sur les registres de leacutetat civil franccedilais

de lacte de naissance eacutetranger Lagrave encore la seacuteveacuteriteacute est de mise puisque le parquet de

Nantes qui a en charge la transcription des eacutetats civils venant de leacutetranger refuse

systeacutematiquement cette transcription qui nest pas conforme agrave la leacutegislation franccedilaise (27)

Les magistrats ont eacuteteacute confronteacutes agrave ces situations ougrave la megravere commanditaire deacutesirait eacutetablir un

lien de filiation entre elle et lenfant issu de la convention de materniteacute de substitution

Tel est par exemple le cas qui a eacuteteacute trancheacute par la cour dappel de Rennes le 4 juillet 2002

(28) Dans cet arrecirct la cour dappel a rejeteacute ladoption des enfants par un couple qui a conclu

en Californie une convention portant sur la gestation dun embryon issu de leurs propres

gamegravetes La cour relegraveve que laquo la loi franccedilaise ne donne pas une deacutefinition de la megravere raquo cette

notion est inscrite dans les mentaliteacutes depuis des siegravecles par ladage Mater semper certa est

Cest laccouchement qui deacutetermine la megravere et non la seule reacutealiteacute geacuteneacutetique

Cette jurisprudence installeacutee depuis le ceacutelegravebre arrecirct de lassembleacutee pleacuteniegravere du 31 mai 1991

constitue une atteinte directe agrave linteacuterecirct de lenfant Ce dernier est priveacute de toute filiation

maternelle leacutegalement reconnue et ce sans beacuteneacutefice pour personne (29)

Malheureusement en raison de cette solution les deux enfants sont acircgeacutes de sept ans et vivent

aupregraves de leur pegravere naturel et de sa compagne dont la materniteacute ne peut leacutegalement ecirctre eacutetablie

(30)

Cette jurisprudence preacutesente un point faible Selon larticle 353 du Code civil le tribunal de

grande instance saisi dune requecircte aux fins dadoption pleacuteniegravere veacuterifie si les conditions de

la loi sont remplies et si ladoption est conforme agrave linteacuterecirct de lenfant Or en loccurrence

le preacutetendu droit de lenfant ne coiumlncide pas avec son inteacuterecirct seul mis en avant dans 1article

353 du Code civil Le refus par la cour dappel de prononcer ladoption pleacuteniegravere a priveacute les

deux enfants (au nom de leur droit aussi eacuteminent que symbolique agrave la non-chosification) dun

avantage concret et primordial leur admission au statut denfants leacutegitimes de leurs vrais

parents geacuteneacutetiques (31) Simples enfants naturels ou adulteacuterins de leur pegravere ils demeureront

sans lien de filiation maternelle Un tel problegraveme meacuterite que les juridictions se penchent au

moins sur lui (32) La protection de linstitution de ladoption sopegravere au deacutetriment du droit

reconnu agrave lenfant deacutetablir sa filiation par le biais dune discrimination fondeacutee sur les

circonstances de sa naissance (33) La jurisprudence nous semble aller agrave lencontre des

engagements internationaux contracteacutes par la France (34)

II Leacutevolution des mentaliteacutes vers une leacutegislation plus souple

Jusquagrave preacutesent la jurisprudence a toujours interdit ladoption des enfants par des couples

ayant eu recours agrave la gestation pour autrui consideacuterant quil sagit dun deacutetournement de

linstitution de ladoption (35)

Un grand quotidien Libeacuteration reacutevegravele que la cour dappel de Paris a reconnu comme parents

leacutegitimes de jumelles un couple franccedilais ayant fait appel agrave une megravere porteuse ameacutericaine

31

Une chose est sucircre cet arrecirct a le meacuterite douvrir le deacutebat et de poser la question de linteacuterecirct de

lenfant comme exception agrave lindisponibiliteacute de leacutetat des personnes et agrave linterdiction de la

pratique des megraveres porteuses (A) Lorsque lon accepte une loi eacutetrangegravere qui a eacuteteacute appeleacutee au

secours pour contourner la loi franccedilaise la modification de la loi franccedilaise nest pas loin (B)

A Lassouplissement de la jurisprudence

Dans laffaire porteacutee devant la cour dappel de Paris que nous avons abordeacutee rapidement

preacuteceacutedemment un couple dont la femme ne peut assurer la gestation en raison dune

malformation congeacutenitale se rend en Californie ougrave il conclut une convention portant sur la

gestation dun embryon issu de leurs propres gamegravetes Des jumelles naissent de cette

convention Le droit californien fait abstraction du deacutefaut daccouchement La concubine est

inscrite comme megravere dans les registres de naissance de Californie Quelques semaines plus

tard le couple reconnaicirct les enfants en France Mais agrave leur retour dans lHexagone ils sont

placeacutes en garde agrave vue puis mis en examen pour laquo entremise entre une personne deacutesireuse

dadopter un enfant et un parent deacutesireux dabandonner son enfant neacute ou agrave naicirctre raquo et pour laquo

simulation ayant entraicircneacute une atteinte agrave leacutetat civil de lenfant raquo

En 2004 le juge dinstruction rend un non-lieu sur les poursuites peacutenales les faits seacutetant

deacuterouleacutes dans un pays ougrave cette pratique est leacutegale Le parquet a alors continueacute son offensive

sur le terrain civil et chercheacute agrave faire annuler la filiation et la transcription sur leacutetat civil Le

tribunal de grande instance a deacuteclareacute cette demande irrecevable en deacutecembre 2005 Une

deacutecision rendue par la cour dappel de Paris confirme ce jugement le 25 octobre dernier apregraves

avoir estimeacute que laquo La non-transcription des actes de naissances aurait des conseacutequences

contraires agrave linteacuterecirct supeacuterieur des enfants qui au regard du droit franccedilais se verraient priveacutes

dactes deacutetat civil indiquant leur lien de filiation y compris agrave leacutegard de leur pegravere biologique

raquo

La question sera deacutesormais soumise agrave la Cour de cassation qui a deacutejagrave pris des deacutecisions

progressistes dans des questions relatives au droit de la famille notamment dans linteacuterecirct de

lenfant Elle a ainsi fait le 24 feacutevrier 2006 un pas important vers la reconnaissance de

lhomoparentaliteacute en autorisant quun parent homosexuel deacutelegravegue tout ou partie de son

autoriteacute parentale agrave son partenaire avec lequel il vit en union stable agrave condition que cette

mesure soit prise dans linteacuterecirct supeacuterieur de lenfant (36)

Le plus important reacuteside dans le fait que la cour dappel de Paris a estimeacute que la non-

transcription sur les actes de naissance aurait des conseacutequences contraire agrave llaquo inteacuterecirct de

lenfant raquo Depuis longtemps linteacuterecirct de lenfant est au centre du droit de la famille et depuis

quelques anneacutees celui-ci devient veacuteritablement la pierre angulaire de cette discipline (37)

Dans un arrecirct du 18 mai 2005 la premiegravere chambre civile de la Cour de cassation preacutecise au

visa de larticle 3-1 de la Convention relative aux droits de lenfant que laquo dans toutes les

deacutecisions qui concernent les enfants linteacuterecirct supeacuterieur de lenfant doit ecirctre une

consideacuteration primordiale raquo (38) Mais que faut-il entendre par inteacuterecirct supeacuterieur de lenfant

(39)

Bien que le nouvel article L 112-4 du Code de laction sociale et des familles (40) et larticle

371-1 du Code civil semblent deacutefinir les eacuteleacutements constitutifs de cette notion llaquo inteacuterecirct de

lenfant raquo reste un concept assez flou que le leacutegislateur et les juges se gardent bien de deacutefinir

preacuteciseacutement on ne peut limiter linteacuterecirct supeacuterieur de lenfant agrave la protection de sa santeacute de sa

seacutecuriteacute et de sa moraliteacute Certes ces eacuteleacutements sont les bases de linteacuterecirct de lenfant mais

32

puisque celui-ci peut deacutepasser le strict cadre du droit de lautoriteacute parentale voire du droit de

la famille cette vision serait bien trop reacuteductrice

Le sens de cette notion peut encore sobscurcir si lon considegravere quelle peut se confondre avec

dautres concepts voisins Larticle 371-5 doit ainsi conduire agrave distinguer linteacuterecirct de lenfant de

celui de la fratrie En effet si celle-ci a inteacuterecirct agrave rester unie certaines circonstances permettent

deacutecarter un de ses membres dans son inteacuterecirct exclusif

Un amendement proposait cependant agrave la suite du nouvel article L 112-4 du Code de laction

sociale et des familles une deacutefinition inteacuteressante laquo Linteacuterecirct supeacuterieur de lenfant est deacutefini

comme lassurance de la protection de sa seacutecuriteacute personnelle et affective lassurance dun

contexte familial permettant un bon deacuteveloppement physique intellectuel affectif et social

lassurance dune relation dattachement parental permettant de se construire Linteacuterecirct

supeacuterieur de lenfant tel que deacutefini constitue son projet de vie raquo (41)

On ne peut que se feacuteliciter de la mise en avant de linteacuterecirct de lenfant pour deacuteroger agrave la sacro-

sainte interdiction des megraveres porteuses car il est vrai quil ne faut pas oublier que limportant

reste dabord et avant tout lenfant qui a et doit avoir une place centrale au sein de la famille

On peut envisager que cette reacutecente jurisprudence puisse influencer la reacuteflexion sur le recours

aux laquo megraveres porteuses raquo sur le territoire national qui conduise agrave une eacutevolution de la loi

B Vers une eacutevolution de la loi

Alors que la France interdit la laquo gestation pour autrui raquo cette pratique a eacuteteacute leacutegaliseacutee dans de

nombreux pays La France a donc une leacutegislation moins libeacuterale que dautres leacutegislations

nationales La pratique de la gestation pour autrui est notamment autoriseacutee aux Etats-Unis au

Canada en Australie et dans plusieurs pays de lUnion europeacuteenne (Espagne et Belgique

Gregravece et Royaume-Uni notamment) (42) La question de la leacutegalisation des megraveres porteuses

est tregraves controverseacutee en France et demanderait un strict encadrement (43)

On enseigne habituellement que les questions deacutetat ne peuvent deacutependre de la seule volonteacute

individuelle Leacutetat des personnes - le droit de la filiation en particulier - eacutechapperait aux

conventions Mais ce principe nest plus si absolu Leacutevolution contemporaine reacuteduit laspect

institutionnel Une place nettement importante a eacuteteacute faite dans lorganisation des relations

familiales agrave la volonteacute individuelle laquo Laccroissement du pouvoir des volonteacutes individuelles

dans le droit de la famille est une marque essentielle de ce droit raquo (44) Dougrave la justesse de

lexpression laquo contractualisation du droit de la famille raquo Le rocircle de la volonteacute individuelle

tend agrave ecirctre de plus en plus important (45) Tel est le cas du divorce du PACS et du mariage

La procreacuteation nest plus la finaliteacute avec larriveacutee en force dans des pays voisins du mariage

homosexuel

Une certaine eacutevolution des mentaliteacutes ainsi que la dispariteacute entre la loi franccedilaise et dautres

leacutegislations nationales pourraient bien donner lieu agrave un assouplissement de cette leacutegislation

(46)

La gestation pour autrui permet de pallier certaines formes de steacuteriliteacute feacuteminine en raison

dune absence ou dune deacuteformation duteacuterus de conseacutequences de cancer ou reacutesultant dune

hysteacuterectomie de fausses couches reacutepeacuteteacutees dune contre-indication meacutedicale agrave la grossesse ou

de nombreux eacutechecs de feacutecondations in vitro (47) Dans ce cas on implante les gamegravetes des

parents geacuteneacutetiques dans le ventre de la megravere porteuse

33

Un autre argument favorable agrave cette pratique est la certitude apaisante pour le couple steacuterile

de ce que lenfant porteacute en uteacuterus tiers nen sera pas moins leur veacuteritable enfant geacuteneacutetique

puisque conccedilu agrave partir de leurs propres gamegravetes

De plus il faut deacutenoncer une incoheacuterence Une femme empecirccheacutee par la loi de donner avant

sa grossesse agrave un couple agreacuteeacute par elle lenfant quelle portera moyennant eacutequitable

reacutecompense possegravede en revanche le droit discreacutetionnaire de labandonner une fois neacute au

hasard des eacutetablissements ou du service de lASE ou pis encore de recourir agrave une

interruption volontaire de grossesse pendant les douze premiegraveres semaines (48)

La possession deacutetat repreacutesente une valeur humaine et sociale qui doit ecirctre prise en compte en

tant que telle Comme lont joliment affirmeacute M Hauser et Mme Huet-Weiller laquo elle est la

veacuteriteacute des sentiments la veacuteriteacute du coeur tout aussi respectable sinon plus que celle des

registres deacutetat ou mecircme de nos gegravenes raquo (49) Ainsi on peut ecirctre favorable agrave cette reacuteflexion

sous certains reacuteserves

Tout dabord le couple demandeur devait avoir plus de 18 ans et linfertiliteacute devrait ecirctre

meacutedicalement eacutetablie Ensuite seule lutilisation des gamegravetes (sperme et ovocytes) du couple

serait autoriseacutee afin deacuteviter que la gestatrice soit aussi la megravere biologique de lenfant (pour

eacuteviter des liens trop forts eacutetablis entre elle et le beacutebeacute)

De son cocircteacute la megravere porteuse devait avoir plus de 18 ans et accepter de subir des tests divers

avant la grossesse Elle serait la seule agrave donner un consentement valable concernant la gestion

de sa grossesse et elle abandonnerait ses droits parentaux agrave la naissance de lenfant tout en

assistant le couple demandeur lors de la deacutelivrance du certificat de naissance Le

consentement devrait aussi ecirctre obtenu par un entretien psychologique meacutedical et juridique

Seul le juge pourrait donner laccord au deacutebut du processus Le couple demandeur devait

sengager agrave assumer la garde de lenfant degraves sa naissance afin deacuteviter soit une non-remise

denfant soit un refus de lenfant - par exemple en cas de handicap

Concernant la reacutemuneacuteration de la megravere porteuse la marchandisation est inacceptable Les

intermeacutediaires reacutemuneacutereacutes seraient interdits Le principe du volontariat et de la gratuiteacute sont

essentiels le don de vie (50)

Enfin il ne sagirait pas de reacutemuneacuteration mais de compensation financiegravere destineacutee agrave

deacutedommager les inconveacutenients lieacutes agrave la grossesse sur la base de la loi laquo Huriet raquo (loi sur la

recherche meacutedicale avec volontaires sains) Le couple demandeur devrait prendre agrave sa charge

les deacutepenses meacutedicales leacutegales et psychologiques ainsi quun montant raisonnable alloueacute agrave la

megravere porteuse pour subvenir agrave ses besoins Les juges appreacutecieraient librement ce que peut ecirctre

un montant laquo raisonnable raquo sans que cela puisse jamais ecirctre consideacutereacute comme une laquo vente raquo

denfant

(1) B Debreacute et S Agacinski laquo Faut-il leacutegaliser les megraveres porteuses en France raquo Le Figaro Magazine du samedi 10 novembre 2007 p 50

34

(2) G David laquo Don et utilisation du sperme raquo in Actes du colloque Geacuteneacutetique procreacuteation et

droit Actes sud 1985 p 205 G-M Faure Le deacutesir denfant agrave leacutepreuve du droit Essai sur le droit de la procreacuteation meacutedicalement assisteacutee Thegravese Universiteacute de Lille 1992 p 7

(3) G Lebreton Liberteacutes publiques et droits de lhomme 6e eacuted Armand Colin 2003 p 262

(4) CE 22 janvier 1988 Lebon 1988 p 37

(5) La Cour de cassation a enteacuterineacute la position de la cour dappel de Paris pour laquelle laquo ni laltruisme du comportement de la megravere de substitution ni le caractegravere deacutesinteacuteresseacute des activiteacutes de lassociation ne sont propres agrave faire disparaicirctre lilliceacuteiteacute qui frappe laccord litigieux raquo Cass civ 1re 13 deacutecembre 1989 Bull civ I no 387 Defreacutenois 1990 art 34802 no 55 obs J-L Aubert D 1990 p 273 JCP eacuted G 1990 II 21526 note A Seacuteriaux propos recueillis par C Slobodansky laquo Le droit doit limiter les progregraves de la science raquo LPA du 7 mai 2004 no 92 p 60

(6) laquo La convention par laquelle une femme sengage fucirct-ce agrave titre gratuit agrave concevoir et porter un enfant pour labandonner agrave sa naissance contrevient tant au principe dordre public de lindisponibiliteacute du corps humain quagrave celui de lindisponibiliteacute de leacutetat des personnes raquo Cass ass pleacuten 31 mai 1991 Bull civ ass pleacuten no 4 Defreacutenois 1991 art 35142 no 103 obs J-L Aubert Defreacutenois 1991 art 35088 no 67 note J Massip RTD civ 1991 p 517 obs D Huet-Weiller et p 489 note M Gobert M Gobert laquo Reacuteflexions sur les sources du droit et les

principes dindisponibiliteacute du corps humain et de leacutetat des personnes agrave propos de la materniteacute de substitution raquo RTD civ 1992 p 489 et s speacutec p 501 dans ce sens v deacutejagrave les remarques de P Murat laquo Laction de lordonnance du 4 juillet 2005 sur la possession deacutetat raquo Dr Famille 2006 eacutetude no 6 speacutec no 7 V aussi J Massip laquo Linsertion dans le Code civil de dispositions relatives au corps humain agrave lidentification geacuteneacutetique et agrave la procreacuteation meacutedicalement assisteacutee raquo Defreacutenois 1995 art 35975 et 35992

(7) En ce sens V Depadt-Sebag laquo De la neacutecessiteacute dune reacuteforme de larticle 16-7 du Code civil relatif agrave linterdiction de gestation pour autrui raquo RGD meacuted 2004 no 12 p 135 et s

(8) Art 227-12 et s C peacuten

(9) CA Paris 1re feacutevrier 2001 RTD civ 2001 p 347 obs J Hauser Cass civ 1re 9 deacutecembre 2003 Bull civ I no 252 p 201 CA Rennes 4 juillet 2002 D 2002 p 2904

(10) Cass civ 1re 20 feacutevrier 2007 Defreacutenois 2007 art 38595 no 45 obs J Massip

(11) V Depadt-Sebag laquo De la neacutecessiteacute dune reacuteforme de larticle 16-7 du Code civil relatif agrave linterdiction de gestation pour autrui raquo preacutec no 12 p 135 et s

(12) L no 2004-800 du 6 aoucirct 2004 relative agrave la bioeacutethique JO du 7 aoucirct 2004 p 14040 J Massip art preacutec

(13) Dans ce sens v M Gobert laquo Reacuteflexions sur les sources du droit et les principes dindisponibiliteacute du corps humain et de leacutetat des personnes agrave propos de la materniteacute de substitution raquo preacutec p 489 et s speacutec p 513

(14) V Depadt-Sebag laquo De la neacutecessiteacute dune reacuteforme de larticle 16-7 du Code civil relatif agrave linterdiction de gestation pour autrui raquo preacutec no 12 p 135 et s E Camuzet La convention de gestation pour autrui une illeacutegaliteacute franccedilaise injustifieacutee Meacutemoire Lille 2 Universiteacute du droit et de la santeacute 2005-2006 p 55

(15) A Mayer-Jack laquo Les conventions relatives agrave la personne physique raquo Rev crit leacutegisl et jurispr 1993 p 6

(16) G Meacutemeteau laquo Une distinction est opeacutereacutee sur la reacutefeacuterence des donneacutees acquises de la science agrave la date des soins par opposition agrave la notion erroneacutee de donneacutees actuelles de la science raquo note sous Cass civ 1re 6 juin 2000 JCP eacuted G 2001 II 10447

(17) Cass civ 1re 13 deacutecembre 1989 Bull civ I no 387 Defreacutenois 1990 art 34815 rapp J Massip D 1990 p 273 JCP eacuted G 1990 II 21526 note A Seacuteriaux

35

(18) Communication J Bernard et comm J Massip Defreacutenois 1990 art 35088 no 67 note J

Massip F Terreacute note sous Cass ass pleacuten 31 mai 1991 JCP eacuted G 1991 II 21752 dans ce sens v les remarques de P Murat laquo Laction de lordonnance du 4 juillet 2005 sur la possession deacutetat raquo preacutec eacutetude no 6 speacutec no 7 G Kessler laquo La consolidation de situations illicites dans linteacuterecirct de lenfant raquo Dr Famille no 7 juillet 2005 Etude 16

(19) TGI Lille 22 mars 2007 D 2007 no 18 p 1251 note X Labbeacutee B Edelman et C Labrusse-Riau note sous CA Paris 15 juin 1990 JCP eacuted G 1991 II 21653

(20) V Larribau-Terneyre note sous CA Pau 19 feacutevrier 1991 D 1991 juris p 380

(21) J Massip laquo Megravere porteuse et deacutecheacuteance de lautoriteacute parentale raquo LPA du 29 octobre 2003 no 216 p 10 Cass ass pleacuten 31 mai 1991 Bull civ ass pleacuten no 4 Defreacutenois 1991 art 35088 no 67 p 948 obs J Massip D 1991 p 417 rapport Y Chartier note D Thouvenin JCP eacuted G 1991 II 21752 communication J Bernard concl H Dontenwille note F Terreacute RTD civ 1991 p 517 obs D Huet-Weiller

(22) J Rubellin-Devichi laquo Materniteacute de substitution qui est la megravere raquo note sous CA Rennes 4 juillet 2002 JCP eacuted G 2003 I 101 C Ducomte laquo La vraie querelle des megraveres porteuses raquo httppagesperso-orangefrmax-christianducomtemereindexhtm

(23) Propos de Mme F Dekeuwer-Deacutefossez lors de son audition devant le preacutesident M Bloche pour la mission dinformation sur la famille (procegraves-verbal du 5 octobre 2005)

(24) J Hauser obs in RTD civ 1999 p 372 F Dekeuwer-Deacutefossez note sous Cass ass pleacuten 31 mai 1991 D 1992 somm p 59

(25) F Dekeuwer-Deacutefossez laquo Les droits de lenfant raquo D 1992 somm p 59 E Poisson-Drocourt laquo Recours agrave une megravere de substitution et refus de ladoption raquo D 2004 p 2001

(26) J-J Lemouland laquo Le tourisme procreacuteatif raquo LPA 2001 no 62 p 24 F Dekeuwer-Deacutefossez laquo Le lien parental raquo LPA du 1er juillet 2004 no 131 p 70 F Granet note sous CA Rennes 4 juillet 2002 D 2002 p 2904

(27) CA Aix-en-Provence 12 mars 2002 Juris-Data no 2002-190443 A Seacuteriaux laquo Droit naturel et procreacuteation artificielle quelle jurisprudence raquo D 1985 chron p 53 J Massip laquo Le nouveau droit de la filiation raquo Defreacutenois 2006 art 38303 p 13

(28) CA Rennes 4 juillet 2002 JCP eacuted G 2003 I 101 note J Rubellin-Devichi

(29) laquo Si le principe structurant de lautoriteacute parentale est linteacuterecirct de lenfant deacutetermineacute in concreto le droit de la filiation nappreacutecie en revanche jamais linteacuterecirct concret dun enfant preacutecis mais linteacuterecirct geacuteneacuteral de lenfant in abstracto raquo A Gouttenoire laquo A chacun sa famille agrave chacun son droit raquo Dr Famille no 7 juillet 2006 Alerte 41

(30) E Camuzet La convention de gestation pour autrui une illeacutegaliteacute franccedilaise injustifieacutee art preacutec p 52

(31) P Raynaud laquo Un abus de ladoption simple les couples adoptifs raquo D 1983 chron p 39 H Gaumont-Prat laquo Pas dadoption pour les enfants issus de convention de megravere porteuse raquo RLDC no 5 mai 2004 p 31 laquo Le rejet dans le non-droit des enfants neacutes dans des circonstances qui deacuterangent la socieacuteteacute relegraveve du deacuteni de la reacutealiteacute porteur de nombreux effets pathogegravenes et injustes raquo

(32) J Rubellin-Devichi laquo Materniteacute de substitution qui est la megravere raquo note sous CA Rennes 4 juillet 2002 preacutec I 101 C Ducomte laquo La vraie querelle des megraveres porteuses raquo preacutec P Raynaud laquo Un abus de ladoption simple les couples adoptifs raquo art preacutec chron p 39 G Kessler laquo La consolidation de situations illicites dans linteacuterecirct de lenfant raquo art preacutec Etude 16

(33) F Dekeuwer-Deacutefossez laquo Reacuteflexion sur les mythes fondateurs du droit contemporain de la famille raquo RTD civ 1995 p 269 E Camuzet La convention de gestation pour autrui une illeacutegaliteacute franccedilaise injustifieacutee art preacutec p 66 A Ponsard rapport sous Cass civ 1re 16

36

novembre 1982 JCP eacuted G 1983 II 19954 M-T Meulders-Klein laquo Le droit agrave lenfant face au

droit de lenfant et les procreacuteations meacutedicalement assisteacutees raquo RTD civ 1988 p 645 F Terreacute Lenfant de lesclave Geacuteneacutetique et droit Flammarion 1987 p 128

(34) Convention de New York du 26 janvier 1990 Charte des droits fondamentaux de lUnion europeacuteenne du 7 deacutecembre 2000 Deacuteclaration universelle des droits de lhomme de 1789 Convention internationale des droits de lenfant de 1989

(35) Cass ass plegraven 31 mai 1991 Bull civ ass plegraven no 4 Defreacutenois 1991 art 35142 no 103 obs J-L Aubert et art 35088 no 67 p 948 obs J Massip D 1991 p 417 rapport Y Chartier note D Thouvenin JCP eacuted G 1991 II 21752 communication J Bernard concl H Dontenwille note F Terreacute RTD civ 1991 p 517 obs D Huet-Weiller

(36) Cass civ 1re 24 feacutevrier 2006 Bull civ I no 101 p 95 Defreacutenois 2006 art 38415 no 40 p 1067 obs J Massip D 2006 juris p 897-900 obs D Vigneau T Anatrella laquo Adoption et homoparentaliteacute leacuteclairage des droits de lhomme raquo Dr Famille 2003 no 10 p

8-10 agrave lidentique dans un arrecirct du 22 janvier 1992 D 1993 p 119 note J Vassaux la cour dappel de Poitiers a prononceacute ladoption simple dun enfant neacute dune convention de megravere porteuse au motif que laquo cette adoption nest pas seulement conforme agrave linteacuterecirct de lenfant mais encore constitue une neacutecessiteacute qui deacutecoule des reacutealiteacutes de la vie issues derreurs des adultes dont lenfant ne doit pas subir les conseacutequences raquo

(37) G Kessler laquo La consolidation de situations illicites dans linteacuterecirct de lenfant raquo art preacutec eacutetude no 16 M-T Meulders-Klein laquo Le droit agrave lenfant face au droit de lenfant et les procreacuteations meacutedicalement assisteacutees raquo art preacutec p 645

(38) Cass civ 1re 18 mai 2005 Bull civ I no 211 p 179 V Depadt-Sebag laquo Non-lieu dans une affaire de materniteacute pour autrui raquo D 2005 p 476 J Massip laquo Megravere porteuse et deacutecheacuteance de lautoriteacute parentale raquo art preacutec no 216 p 11 F Terreacute Lenfant de lesclave Geacuteneacutetique et droit op cit adde F Terreacute et D Fenouillet Droit civil Les personnes la famille les incapaciteacutes 6e eacuted Preacutecis Dalloz no 926 M Lamarche laquo Inteacuterecirct supeacuterieur de lenfant de ladmission des effets dune convention de megravere porteuse agrave la destruction du droit franccedilais de la filiation raquo Dr Famille novembre 2007 no 11

(39) M Donnier laquo Linteacuterecirct de lenfant raquo D 1959 chron p 27 F Laroche-Gisserot note sous Cass civ 1re 27 mai 1998 D 1998 p 530 F Millet laquo Ladoption dun inteacuterecirct agrave lautre raquo RRJ 2003-3 p 1777 et s A Gouttenoire laquo A chacun sa famille agrave chacun son droit raquo art preacutec Alerte 41

(40) Par la loi no 2007-293 du 5 mars 2007 reacuteformant la protection de lenfance (JO du 6 mars 2007 Defreacutenois 2007 Leacuteg p 282) le leacutegislateur a inteacutegreacute la notion dinteacuterecirct de lenfant dans le Code de laction sociale et des familles Le nouvel article L 112-4 dudit code dispose que laquo Linteacuterecirct de lenfant la prise en compte de ses besoins fondamentaux physiques intellectuels sociaux et affectifs ainsi que le respect de ses droits doivent guider toutes deacutecisions le concernant raquo

(41) Amendement no 48 rect Protection de lenfance no 3184 Assembleacutee nationale 22 deacutecembre 2006 wwwassemblee-nationalefr v aussi sur lensemble de ces questions les consideacuterations tregraves eacuteclairantes de P Murat note sous CA Rennes 4 juillet 2002 D 2002 p 2902 Dr Famille 2002 comm no 142 note P Murat

(42) F Granet-Lambrechts laquo Materniteacutes de substitution filiation et eacutetat civil Panorama europeacuteen raquo Dr Famille no 12 deacutecembre 2007 eacutetude no 34

(43) D Youf Penser les droits de lenfant PUF 2002 p 2

(44) G Cornu La famille 6e eacuted no 7 J Carbonnier Droit civil t 4 Les obligations PUF coll Theacutemis no 372 p 649

(45) D Fenouillet et P de Vareilles-Sommiegraveres La contractualisation du droit de la famille Economica 2001

37

(46) H Gaumont-Prat laquo Pas dadoption pour les enfants issus de convention de megravere porteuse raquo art preacutec p 31

(47) E Poisson-Droccourt laquo Recours agrave une megravere de substitution et refus de ladoption raquo art preacutec p 2001 note sous Cass civ 1re 9 deacutecembre 2003 G Delaisi de Perseval laquo Gestation pour autrui en quecircte de leacutegitimation raquo httpwwwliberationfr

(48) C Neirinck laquo Les filiations eacutelectives agrave leacutepreuve du droit raquo JCP eacuted G 1997 I 4067 E Camuzet laquo La convention de gestation pour autrui une illeacutegaliteacute franccedilaise injustifieacutee raquo art preacutec p 59

(49) J Hauser et D Huet-Weiller Traiteacute de droit civil La famille Fondation et vie de la famille 2e eacuted LGDJ 1993 p 250

(50) B Debreacute et S Agacinski laquo Faut-il leacutegaliser les megraveres porteuses en France raquo art preacutec p 50 C Atias D 1986 chron p 67

Civ 1egravere

13 deacutecembre 1989

Ndeg de pourvoi 88-15655

Publieacute au bulletin

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Attendu selon les juges du fond que lrsquoassociation ldquo Alma Mater ldquo a pour objet de faciliter la

solution des problegravemes qui se posent aux couples dont la femme est steacuterile deacutesireux

drsquoaccueillir un enfant agrave leur foyer et aux ldquo megraveres porteuses ldquo volontaires qursquoil est proposeacute agrave

la ldquo megravere porteuse ldquo drsquoecirctre inseacutemineacutee artificiellement par la semence du mari ou du concubin

de porter et de mettre au monde lrsquoenfant qui sera deacuteclareacute sur les registres de lrsquoeacutetat civil sans

indication du nom de la megravere reconnu par le pegravere et accueilli au foyer de celui-ci en vue de

son adoption par lrsquoeacutepouse ou la compagne que lrsquoassociation intervient tout au long de ce

processus qualifieacute de ldquo precirct drsquouteacuterus ldquo ou de ldquo don drsquoenfant ldquo qursquoainsi apregraves avoir controcircleacute la

reacutealiteacute de la steacuteriliteacute du couple demandeur et des faculteacutes de feacutecondation de la ldquo megravere porteuse

ldquo geacuteneacuteralement recruteacutee par elle lrsquoassociation fait proceacuteder agrave lrsquoinseacutemination surveille la

grossesse et lrsquoaccouchement srsquooccupe de faire diligenter la proceacutedure drsquoadoption qursquoelle

verse ensuite agrave la megravere une somme forfaitaire - qui en 1987 eacutetait fixeacutee agrave 60 000 francs -

remise par le couple demandeur degraves le deacutebut de la grossesse que lrsquoarrecirct confirmatif attaqueacute

(Aix-en-Provence 29 avril 1988) estimant que cette association avait un objet illicite

contraire aux lois et aux bonnes moeurs en a prononceacute la nulliteacute sur le fondement de lrsquoarticle

3 de la loi du 1er juillet 1901

Sur le moyen unique pris en sa premiegravere branche

Attendu que lrsquoassociation ldquo Alma Mater ldquo fait grief agrave la cour drsquoappel drsquoavoir ainsi statueacute alors

que selon le moyen nrsquoest ni illicite ni contraire aux bonnes moeurs lrsquoassociation qui dans un

but humanitaire non lucratif met en relation un couple demandeur dont la femme est steacuterile et

38

une femme qui accepte drsquoecirctre inseacutemineacutee artificiellement par le mari de porter lrsquoenfant et de le

remettre agrave la naissance agrave ce couple qui lrsquoindemnisera des contraintes et de la gecircne occasionneacutee

par la grossesse de sorte que la juridiction du second degreacute aurait violeacute les articles 3 et 7 de la

loi du 1er juillet 1901

Mais attendu qursquoil reacutesulte des constatations des juges du fond que lrsquoobjet mecircme de

lrsquoassociation est de favoriser la conclusion et lrsquoexeacutecution de conventions qui fussent-elles

verbales portent tout agrave la fois sur la mise agrave la disposition des demandeurs des fonctions

reproductrices de la megravere et sur lrsquoenfant agrave naicirctre et sont donc nulles en application de lrsquoarticle

1128 du Code civil que ces conventions contreviennent au principe drsquoordre public de

lrsquoindisponibiliteacute de lrsquoeacutetat des personnes en ce qursquoelles ont pour but de faire venir au monde un

enfant dont lrsquoeacutetat ne correspondra pas agrave sa filiation reacuteelle au moyen drsquoune renonciation et

drsquoune cession eacutegalement prohibeacutees des droits reconnus par la loi agrave la future megravere que

lrsquoactiviteacute de lrsquoassociation qui tend deacutelibeacutereacutement agrave creacuteer une situation drsquoabandon aboutit agrave

deacutetourner lrsquoinstitution de lrsquoadoption de son veacuteritable objet qui est en principe de donner une

famille agrave un enfant qui en est deacutepourvu que crsquoest degraves lors agrave bon droit que lrsquoarrecirct attaqueacute a

deacutecideacute sur le fondement de lrsquoarticle 3 de la loi du 1er juillet 1901 que cette association eacutetait

nulle en raison de lrsquoilliceacuteiteacute de son objet que la premiegravere branche du moyen est donc sans

fondement

Et sur les deuxiegraveme et troisiegraveme branches du moyen

Attendu qursquoil est fait grief agrave la cour drsquoappel de nrsquoavoir pas reacutepondu aux conclusions faisant

valoir drsquoune part que lrsquointerdiction du ldquo don de gestation ldquo constituait une discrimination

fondeacutee sur la naissance contraire aux dispositions de lrsquoarticle 24 du pacte international relatif

aux droits civils et politiques signeacute agrave New York le 19 deacutecembre 1966 et drsquoautre part que ce ldquo

don de gestation ldquo reposait sur le droit leacutegitime de fonder une famille qui implique le droit

drsquoengendrer reconnu tant par lrsquoarticle 12 de la convention europeacuteenne des droits de lrsquohomme

et des liberteacutes fondamentales du 4 novembre 1950 que par lrsquoarticle 23 du pacte international

preacuteciteacute

Mais attendu que la reconnaissance du caractegravere illicite de la materniteacute pour autrui et des

associations qui srsquoefforcent de la promouvoir qui se deacuteduit des principes geacuteneacuteraux du Code

civil et de regravegles qui sont communes agrave toutes les filiations nrsquoest pas de nature agrave instaurer une

discrimination fondeacutee sur la naissance que le droit de se marier et de fonder une famille

reconnu par lrsquoarticle 12 de la convention du 4 novembre 1950 et par lrsquoarticle 23 du pacte

international du 19 deacutecembre 1966 agrave lrsquohomme et agrave la femme en acircge nubile nrsquoimplique pas le

droit de conclure avec un tiers des conventions portant sur le sort drsquoun enfant agrave naicirctre que

par ces motifs de droit reacutepondant aux conclusions invoqueacutees lrsquoarrecirct se trouve leacutegalement

justifieacute et que les deuxiegraveme et troisiegraveme branches du moyen ne peuvent ecirctre accueillies

PAR CES MOTIFS

REJETTE le pourvoi

Publication Bulletin 1989 I Ndeg 387 p 260

Deacutecision attaqueacutee Cour drsquoappel drsquoAix-en-Provence du 29 avril 1988

39

Cour de cassation Assembleacutee pleacuteniegravere

Audience publique du 31 mai 1991

Ndeg de pourvoi 90-20105 Publieacute au bulletin

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Sur le pourvoi dans lrsquointeacuterecirct de la loi formeacute par M le Procureur geacuteneacuteral pregraves la Cour de

Cassation

Vu les articles 6 et 1128 du Code civil ensemble lrsquoarticle 353 du mecircme Code

Attendu que la convention par laquelle une femme srsquoengage fucirct-ce agrave titre gratuit agrave concevoir

et agrave porter un enfant pour lrsquoabandonner agrave sa naissance contrevient tant au principe drsquoordre

public de lrsquoindisponibiliteacute du corps humain qursquoagrave celui de lrsquoindisponibiliteacute de lrsquoeacutetat des

personnes

Attendu selon lrsquoarrecirct infirmatif attaqueacute que Mme X eacutepouse de M Y eacutetant atteinte drsquoune

steacuteriliteacute irreacuteversible son mari a donneacute son sperme agrave une autre femme qui inseacutemineacutee

artificiellement a porteacute et mis au monde lrsquoenfant ainsi conccedilu qursquoagrave sa naissance cet enfant a

eacuteteacute deacuteclareacute comme eacutetant neacute de Y sans indication de filiation maternelle

Attendu que pour prononcer lrsquoadoption pleacuteniegravere de lrsquoenfant par Mme Y lrsquoarrecirct retient

qursquoen lrsquoeacutetat actuel des pratiques scientifiques et des moeurs la meacutethode de la materniteacute

substitueacutee doit ecirctre consideacutereacutee comme licite et non contraire agrave lrsquoordre public et que cette

adoption est conforme agrave lrsquointeacuterecirct de lrsquoenfant qui a eacuteteacute accueilli et eacuteleveacute au foyer de M et

Mme Y pratiquement depuis sa naissance

Qursquoen statuant ainsi alors que cette adoption nrsquoeacutetait que lrsquoultime phase drsquoun processus

drsquoensemble destineacute agrave permettre agrave un couple lrsquoaccueil agrave son foyer drsquoun enfant conccedilu en

exeacutecution drsquoun contrat tendant agrave lrsquoabandon agrave sa naissance par sa megravere et que portant atteinte

aux principes de lrsquoindisponibiliteacute du corps humain et de lrsquoeacutetat des personnes ce processus

constituait un deacutetournement de lrsquoinstitution de lrsquoadoption la cour drsquoappel a violeacute les textes

susviseacutes

PAR CES MOTIFS

CASSE ET ANNULE mais seulement dans lrsquointeacuterecirct de la loi et sans renvoi lrsquoarrecirct rendu le

15 juin 1990 par la cour drsquoappel de Paris

REQUETE DE M LE PROCUREUR GENERAL PRES LA COUR DE CASSATION

Le Procureur geacuteneacuteral pregraves la Cour de Cassation a lrsquohonneur drsquoexposer

- Que par jugement du 28 juin 1989 le tribunal de grande instance de Paris a rejeteacute la requecircte

preacutesenteacutee par Mme X eacutepouse Y tendant agrave lrsquoadoption pleacuteniegravere de lrsquoenfant Z deacuteclareacutee

comme eacutetant neacutee de M Y mari de la requeacuterante sans indication de filiation maternelle

- Que pour ne pas faire droit agrave cette requecircte les premiers juges ont retenu que les eacutepoux Y

pour remeacutedier agrave la steacuteriliteacute de leur couple avaient eu recours agrave lrsquoassociation Alma Mater

aujourdrsquohui dissoute lrsquoenfant eacutetant neacute drsquoune megravere de substitution qui lrsquoa abandonneacute agrave la

naissance pratique deacuteclareacutee illicite

- Que sur appel de Mme Y la premiegravere chambre civile section C de la cour drsquoappel de

Paris a par arrecirct du 15 juin 1990 infirmeacute la deacutecision entreprise et prononceacute lrsquoadoption

pleacuteniegravere solliciteacutee par la requeacuterante

- Qursquoau soutien de leur deacutecision devenue deacutefinitive les juges du second degreacute ont tireacute de nos

principes geacuteneacuteraux relatifs agrave la filiation des regravegles drsquoordre public concernant les contrats et de

40

certaines conventions ou deacuteclarations internationales des conclusions contraires agrave celles

auxquelles eacutetait parvenue votre premiegravere chambre civile de la Cour de Cassation qui dans un

cas de figure pratiquement identique a par arrecirct du 13 deacutecembre 1989 (association Alma

Mater contre procureur geacuteneacuteral Aix-en-Provence) reconnu le caractegravere illicite de la materniteacute

pour autrui et les associations qui srsquoefforcent de la promouvoir

- Qursquoil importe en cette matiegravere particuliegraverement sensible qui touche agrave un deacutelicat problegraveme de

socieacuteteacute et drsquoeacutethique que soit mis fin agrave des divergences jurisprudentielles majeures et que la

seacutecuriteacute juridique soit assureacutee

PAR CES MOTIFS

Vu lrsquoarticle 17 de la loi du 3 juillet 1967 relative agrave la Cour de Cassation

Requiert qursquoil plaise agrave la Cour de Cassation

CASSE ET ANNULE sans renvoi et dans le seul inteacuterecirct de la loi lrsquoarrecirct rendu le 15 juin 1990

par la cour drsquoappel de Paris ayant fait droit agrave la requecircte en adoption pleacuteniegravere preacutesenteacutee par

Mme X eacutepouse Y

Publication Bulletin 1991 AP Ndeg 4 p 5

Deacutecision attaqueacutee Cour drsquoappel de Paris du 15 juin 1990

Page 16: SEANCE_3 Droit Civil Methodologie

16

2004 (art 49 JO du 10 mars 2004) en matiegravere dempreintes geacuteneacutetiques aux fins

didentification en matiegravere peacutenale Ce texte preacutevoit que le fait pour une personne

deacutefinitivement condamneacutee pour une des infractions viseacutees agrave larticle 706-55 de refuser de se

soumettre agrave un preacutelegravevement biologique destineacute agrave permettre lanalyse didentification de son

empreinte geacuteneacutetique est passible de sanctions peacutenales En lespegravece un homme condamneacute pour

viol avait refuseacute de se soumettre agrave un preacutelegravevement biologique en vue de son inscription au

fichier des empreintes geacuteneacutetiques et preacutetendait que le texte susviseacute ne sappliquait quaux

personnes deacutefinitivement condamneacutees apregraves son entreacutee en vigueur La cour dappel ne suit pas

cette argumentation et la Cour de cassation rejette le pourvoi aux motifs que ce texte

dapplication immeacutediate concerne toutes les personnes dont un preacutelegravevement est requis mecircme

si la condamnation est anteacuterieure agrave la loi

Les mesures viseacutees par ce texte sinscrivent dans la mise en place et le fonctionnement du

FNAEG le fichier national automatiseacute des empreintes geacuteneacutetiques destineacute notamment agrave

conserver dans un traitement automatiseacute les empreintes geacuteneacutetiques de lensemble des

personnes condamneacutees pour infractions sexuelles (Circ CRIM 00-8 F1 du 10 oct 2000 et

CRIM 01-15 E6 du 20 juill 2001) Un deacutecret ndeg 2004-470 du 25 mai 2004 modifiant le code

de proceacutedure peacutenale (2e partie deacutecrets en Conseil dEtat) relatif au fichier national

automatiseacute des empreintes geacuteneacutetiques vient compleacuteter le dispositif

C - Limage du corps

Limage du corps ou lapparence corporelle est classiquement proteacutegeacutee par le droit agrave limage

deacutecoulant de larticle 9 du code civil consacrant le droit au respect de la vie priveacutee et qualifieacute

de droit de la personnaliteacute (P Kayser in Meacutelanges Roubier p 73 T Hassler note sous TGI

Paris 15 avr 1987 D 1987 Jur p 551 F Dessemontet Le droit agrave sa propre image droit de

la personnaliteacute ou droit de la publiciteacute Meacutelanges en lhonneur de J-M Grossen) Cest le

droit pour toute personne dinterdire aux tiers la reproduction et la publication de son image

Limage du corps peut ecirctre appreacutehendeacutee de maniegravere plus originale par le recours agrave larticle 16

comme sinscrivant dans le domaine du droit au respect du corps humain et essentiellement

dans celui du respect de la digniteacute de la personne humaine On observe que le principe du

droit au respect du corps est proclameacute par le leacutegislateur en des termes semblables agrave ceux de

larticle 9 du code civil visant le respect de la vie priveacutee Il est vrai que laquo corps et vie priveacutee

repreacutesentent les deux faces de lintimiteacute dune personne raquo (J-C Galloux Le corps humain

dans le code civil in 1804-2004 Le code civil Un passeacute un preacutesent un avenir Dalloz 2004

p 381) Le recours agrave la notion de digniteacute de la personne humaine a eacuteteacute solliciteacute degraves 2001 dans

laffaire du preacutefet Erignac pour sanctionner la reproduction dans la presse de limage de son

cadavre (Cass 1re civ 20 deacutec 2000 J-P Gridel Retour sur limage du preacutefet assassineacute

digniteacute de la personne humaine et liberteacute de linformation dactualiteacute D 2001 Chron p 872

Jur p 885 Somm p 1990 obs A Lepage RTD civ 2001 p 329 obs J Hauser JCP

2001 II 10488 note J Ravanas)

1 Une deacutecision de la Cour dappel de Paris (1re ch B 23 sept 2004) consacre cette solution

en retenant que la liberteacute dexpression eacutetant une liberteacute fondamentale agrave valeur

constitutionnelle proteacutegeacutee par la Convention europeacuteenne des droits de lhomme et la

Deacuteclaration des droits de lhomme et du citoyen ses abus peuvent seulement ecirctre poursuivis

au nom dautres principes agrave valeur constitutionnelle comme le droit agrave reacuteparation de tout

preacutejudice subi ou la protection de la digniteacute de lhomme preacutevue par larticle 16 du code civil

2 Une deacutecision de la deuxiegraveme Chambre civile de la Cour de cassation (4 nov 2004) vient

confirmer cette dualiteacute Il sagissait en lespegravece dune photographie dun jeune homme de 17

17

ans gisant inanimeacute et agrave demi deacutevecirctu le visage ensanglanteacute victime dun accident de la

circulation alors quil pilotait un scooter Le clicheacute avait eacuteteacute pris par un hebdomadaire agrave grand

tirage pour illustrer un article intituleacute laquo Routes la guerre oublieacutee raquo consacreacute aux accidents de

la route

Les parents de ladolescent deacuteceacutedeacute des suites de laccident avaient assigneacute la socieacuteteacute eacuteditrice

de lhebdomadaire en reacuteparation arguant dune atteinte agrave la digniteacute de la personne ainsi

repreacutesenteacutee Les juges du fond avaient fait droit agrave la demande aux motifs que la liberteacute

dinformer revendiqueacutee par leacutediteur ne devait pas preacutevaloir sur le respect des droits de

lindividu sagissant dun article consacreacute agrave un pheacutenomegravene de socieacuteteacute La jurisprudence en la

matiegravere consacre en effet la liberteacute de communication des informations ainsi que la

publication dimages de personnes impliqueacutees dans un eacuteveacutenement sagissant deacuteveacutenements

dactualiteacute voire mecircme de faits dactualiteacute (Cass 2e civ 30 juin 2004 D 2004 IR p 2478

JCP 2004 II 10160 note D Bakouche) sous la seule reacuteserve du respect de la digniteacute

humaine (not absence de recherche du sensationnel et toute indeacutecence Cass 1re civ 20

feacutevr 2001 D 2001 Jur p 1199 note J-P Gridel Somm p 1990 obs A Lepage RTD civ

2001 p 329 note J Hauser Dr et patrimoine juin 2001 p 96 note G Loiseau 12 juill

2001 D 2002 Jur p 1380 note C Bigot Somm p 2298 obs L Marino RTD civ 2001

p 852 obs J Hauser JCP 2002 II ndeg 10152 note J Ravanas) Les diffeacuterentes deacutecisions

sont rendues au regard de latteinte agrave la vie priveacutee et du droit agrave limage sur le fondement de

larticle 9 (Cass 2e civ 5 mars 1997 D 1998 Jur p 474 note J Ravanas RTD civ 1997

p 396 obs J Hauser CA Versailles 31 janv 2002 Bull inf C cass 1er oct 2002 ndeg 983

D 2003 Somm p 1533 obs C Caron) voire sur le fondement de larticle 10 de la

Convention europeacuteenne des droits de lhomme (CEDH 3e sect 26 feacutevr 2002 Krone Verlag

c Austria req ndeg 34315)

Dans larrecirct susviseacute la Cour de cassation casse la deacutecision au visa des articles 10 de la

Convention europeacuteenne 9 et 16 du code civil Rappelant que laquo le principe de la liberteacute de la

presse implique le libre choix des illustrations dun deacutebat geacuteneacuteral de pheacutenomegravene de socieacuteteacute

sous la seule reacuteserve du respect de la digniteacute de la personne humaine [] raquo elle reproche agrave la

cour dappel de ne pas avoir laquo caracteacuteriseacute latteinte porteacutee par celle-ci [la photographie

litigieuse] agrave la digniteacute de la victime [] raquo

Le recours agrave larticle 16 du code civil selon lequel laquo la loi interdit toute atteinte agrave la digniteacute raquo

de la personne teacutemoigne de la proximiteacute des notions dimage (traditionnellement inscrite dans

le droit au respect de la vie priveacutee) et dapparence corporelle dont on perccediloit le lien avec la

notion de droit au respect du corps humain gouverneacute par larticle 16-1 prolongeant la

protection plus geacuteneacuterale fondeacutee sur la digniteacute inscrite agrave larticle 16 du code civil Nexiste-t-il

pas degraves lors une veacuteritable attraction de ces deux regravegles Les deux protections coexistent se

complegravetent et devraient favoriser le renforcement de la protection de limage de la personne

II - Le corps ses eacuteleacutements et ses produits

A - Regravegles geacuteneacuterales relatives au statut du corps humain

A leacutepoque contemporaine le corps humain devient de plus en plus un lieu de conflits

Conflits entre des normes juridiques de valeur comparable - autonomie de la volonteacute contre

solidariteacute sociale digniteacute des personnes contre liberteacute de la science - mais eacutegalement et de

maniegravere plus fondamentale conflits susciteacutes par des approches philosophiques et morales

diffeacuterentes sinon opposeacutees du corps humain Approches judeacuteo-chreacutetiennes qui le sacralisent

en linscrivant dans le mystegravere de lincarnation mateacuterialistes qui en nient la transcendance

utilitaristes precirctes agrave le sacrifier pour le bien-ecirctre collectif libertaires ou heacutedonistes qui

exaltent la liberteacute de lindividu agrave lencontre des contingences biologiques ou nen font que

18

linstrument de satisfaction des deacutesirs Le droit biomeacutedical se ressent de ces laquo oscillations de

la morale raquo (J Carbonnier Droit et passion du droit sous la Ve Reacutepublique Flammarion

1996 p 116) au risque de perdre peu agrave peu sa coheacuterence En teacutemoigne lapplication parfois

heacutesitante parfois jupiteacuterienne et souvent gecircneacutee des principes geacuteneacuteraux qui gouvernent le

statut du corps humain la protection de linteacutegriteacute corporelle et surtout lindisponibiliteacute ou

lextra-commercialiteacute du corps

1 - Protection de linteacutegriteacute corporelle

1 La loi du 6 aoucirct 2004 a modifieacute larticle 16-3 du code civil en ajoutant agrave la neacutecessiteacute laquo

meacutedicale raquo justifiant latteinte agrave linteacutegriteacute corporelle laquo agrave titre exceptionnel dans linteacuterecirct

theacuterapeutique dautrui raquo (art 9) Cette nouvelle extension de laccegraves aux ressources

biologiques corporelles au deacutetriment des droits de lindividu sur son corps (la premiegravere a eacuteteacute

consacreacutee par la loi ndeg 99-641 du 27 juill 1999 art 70 qui avait deacutejagrave substitueacute au terme laquo

theacuterapeutique raquo celui de laquo meacutedicale raquo afin de contrer linterpreacutetation neacutecessairement eacutetroite

quen avait fait la Cour de cassation dans son avis du 6 juill 1998 [D 1998 IR p 208 RTD

civ 1998 p 881 obs J Hauser] consideacuterant contraires agrave lart 16-3 les atteintes agrave linteacutegriteacute

du corps meneacutees agrave des fins purement contraceptives comme la ligature des trompes de Fallope

de telles atteintes sont deacutesormais licites car obeacuteissant agrave une finaliteacute meacutedicale mecircme si elles

tendent plus agrave preacutevenir ou agrave gueacuterir une maladie une grossesse neacutetant par elle-mecircme une

maladie) a davantage pour but dharmoniser les dispositions du code civil et celles du code de

la santeacute publique les preacutelegravevements reacutealiseacutes aux fins de greffes sur autrui ne pouvaient

certainement pas entrer dans les preacutevisions du texte dans sa reacutedaction anteacuteceacutedente Avec

lextension continue de la cateacutegorie des donneurs vivants (afin de pallier le deacuteficit chronique

de greffons en France cf infra) cette disposition est promise agrave un bel avenir (JOAN CR 2e

seacuteance 16 janv 2002)

2 Le titre III de la loi du 6 aoucirct 2004 apporte par ailleurs des modifications importantes agrave

larchitecture des preacutelegravevements deacuteleacutements du corps humain et par voie de conseacutequence aux

conditions dans lesquelles il peut ecirctre porteacute atteinte agrave linteacutegriteacute corporelle des donneurs

- lacte de preacutelegravevement est deacutesormais qualifieacute dlaquo acte de soin raquo au sens des articles L 1142-1

et suivants du code de la santeacute publique relatifs aux risques sanitaires reacutesultant du

fonctionnement du systegraveme de santeacute issus de la loi du 4 mars 2002 ce qui devrait ameacuteliorer

lindemnisation des victimes en cas daccident lors du preacutelegravevement

- le cercle des donneurs est eacutelargi (art L 1231-1 al 1er c santeacute publ)

- les modaliteacutes de recueil du consentement sont renforceacutees (mecircme art al 3)

- les finaliteacutes des preacutelegravevements sont mieux deacutefinies (par ex pour le sang art L 1211-8-1 c

santeacute publ) le patient pouvant controcircler une nouvelle utilisation des eacuteleacutements preacuteleveacutes

initialement pour dautres buts (not art L 1241-1 c santeacute publ) Les patients peuvent

eacutegalement sopposer agrave lutilisation des produits dexeacuteregravese et du placenta (art L 1235-2 et

1245-2 c santeacute publ) Pour les preacutelegravevements sur personne deacuteceacutedeacutee la regravegle mal veacutecue et

contourneacutee du consentement est ameacutelioreacutee obligeant le meacutedecin agrave recueillir aupregraves de ses

proches une eacuteventuelle opposition exprimeacutee par le deacutefunt de son vivant (art L 1232-1 c

santeacute publ) les proches se voyant reconnaicirctre le droit de connaicirctre les preacutelegravevements effectueacutes

3 Nonobstant les appels aux dons la peacutenurie de greffons saggrave en France selon

lEtablissement franccedilais des greffes qui constate une baisse des preacutelegravevements dorganes

(communiqueacute du 8 avr 2004) ce qui conduit lAcadeacutemie de meacutedecine agrave reacuteclamer de

19

nouvelles modifications reacuteglementaires afin dassouplir les regravegles de seacutelection des donneurs

(communiqueacute du 11 mai 2004) Cette situation ne doit toutefois pas conduire agrave des

discriminations ignoreacutees de la reacuteglementation sanitaire et contraires agrave notre tradition juridique

larrecirct du Conseil dEtat du 30 avril 2004 sen fait leacutecho En lespegravece un ressortissant

marocain en situation irreacuteguliegravere atteint dune grave insuffisance reacutenale chronique et inscrit

sur la liste des receveurs de greffes dorganes en vue dune transplantation reacutenale se voit

notifier une mesure de reconduite agrave la frontiegravere sur le fondement de larticle 25 de

lordonnance du 2 novembre 1945 Larrecircteacute deacutecidant cette reconduite est annuleacute comme

entacheacute dune erreur manifeste dappreacuteciation des conseacutequences de cet arrecircteacute sur la situation

personnelle de linteacuteresseacute car il ne pouvait pas beacuteneacuteficier dune opeacuteration de transplantation

dans son pays dorigine Peut-on voir dans cette solution tregraves humaine une application preacutecoce

du principe nouvellement inscrit dans le nouvel article L 1231-1 A c) du code de la santeacute

publique qui impose le respect du principe deacutequiteacute dans les regravegles de reacutepartition et

dattribution des greffons

4 La question des soins imposeacutes suscite toujours des questions deacutelicates autant sur un plan

humain quun plan juridique Le droit pour le patient majeur de donner lorsquil se trouve en

leacutetat de lexprimer son consentement agrave un traitement meacutedical comme le rappelle lalineacutea 2 de

larticle 16-3 revecirct le caractegravere dune liberteacute fondamentale (CE ord reacutef 16 aoucirct 2002 D

2004 Somm p 602 obs J Penneau RTD civ 2002 p 781 obs J Hauser) Larticle L

1111-4 du code de la santeacute publique tel quissu de la loi du 4 mars 2002 sur le droit des

malades prescrit que le pouvoir de deacutecision sexerce avec le professionnel de santeacute compte

tenu des informations et des preacuteconisations quil lui fournit le meacutedecin ne dispose plus

deacutesormais que dun pouvoir de conseil qui lui interdit de passer outre la volonteacute du patient

mecircme en cas durgence vitale Le meacutedecin doit respecter la volonteacute de la personne apregraves

lavoir informeacutee des conseacutequences de ses choix (il nest dailleurs pas obligeacute de la convaincre

Cass 1re civ 18 janv 2000 D 2001 Jur p 3559 note M-L Mathieu-Izorche) aucun acte

ni aucun traitement ne peut ecirctre pratiqueacute sans le consentement libre et eacuteclaireacute de la personne

consentement quelle peut retirer agrave tout moment Toutefois parmi les soins imposeacutes les

obligations de vaccination tiennent une place particuliegravere Bien accepteacutees par le public

lorsquelles furent introduites pour lutter contre des eacutepideacutemies dont chacun pouvait mesurer

autour de soi les effets deacutevastateurs (la premiegravere vaccination obligatoire remonte agrave la loi du 15

feacutevr 1902 F Moderne Le reacutegime juridique des vaccinations obligatoires AJDA 1965 p

195) ces mesures autoritaires encore nombreuses (contre la diphteacuterie art L 3111-1 c santeacute

publ le teacutetanos art L 3111-2 c santeacute publ la poliomyeacutelite art L 3111-3 c santeacute publ

la tuberculose art L 3111-4 c santeacute publ) sont aujourdhui contesteacutees au nom de la liberteacute

individuelle alors que ces grandes pandeacutemies ont peu agrave peu replieacute leurs ailes de mort sur

notre pays du moins Dans un arrecirct dAssembleacutee du 3 mars 2004 (Association Liberteacute

Information Santeacute RFDA 2004 p 581 concl comm du gouv G Le Chatelier AJDA

2004 p 971) le Conseil dEtat a eu loccasion de preacuteciser les pouvoirs reacuteglementaires dont

peut disposer le ministre de la Deacutefense pour imposer certaines vaccinations obligatoires

contrairement aux conclusions du commissaire du gouvernement il a admis que le ministre de

la Deacutefense en tant que chef de service peut imposer des vaccinations aux militaires placeacutes

sous son autoriteacute Si le principe dinteacutegriteacute du corps ne constitue pas en lui-mecircme un principe

agrave valeur constitutionnelle il concourt toutefois agrave assurer le respect du principe constitutionnel

de sauvegarde de la digniteacute de la personne humaine (Cons const 27 juill 1994 RJC p 100

B Edelman Le Conseil constitutionnel et lembryon D 1995 Chron p 205 Jur p 237 note

B Mathieu Somm p 299 obs L Favoreu) Cette expression essentielle et incarneacutee de la

liberteacute individuelle doit ecirctre concilieacutee avec des impeacuteratifs sociaux de santeacute dont la valeur nest

pas moindre La Haute juridiction administrative avait deacutejagrave eu loccasion de preacuteciser que les

20

dispositions imposant des vaccinations obligatoires si elles ont pour effet de porter une

atteinte limiteacutee aux principes dinviolabiliteacute et dinteacutegriteacute du corps humain voient leur mise en

oeuvre justifieacutee dans le but dassurer la protection de la santeacute dont le principe se trouve garanti

par le Preacuteambule de la Constitution de 1946 et sont proportionneacutees agrave cet objectif (CE 26 nov

2001 ALIS req ndeg 222741 RFDA 2002 p 65 concl comm du gouv S Boissard) Cest

normalement agrave la loi quil revient darbitrer entre ces deux principes Dans une autre affaire

(CA Pau 19 mars 2002 Dr fam 2004 ndeg 137 obs M S) des parents avaient eacuteteacute

condamneacutes agrave des peines contraventionnelles pour avoir soustrait leurs enfants agrave lobligation

vaccinale pour des raisons religieuses Ces deacutecisions ont eacuteteacute rendues alors que la loi du 4 mars

2002 sur le droit des patients neacutetait pas entreacutee en vigueur le renforcement de la liberteacute du

patient serait-elle de nature agrave assouplir les obligations vaccinales La jurisprudence de la

Cour europeacuteenne des droits de lhomme semble aller en ce sens (CEDH 9 juill 2002 ndeg

4219798 Salvetti c Italie une vaccination obligatoire en tant que traitement meacutedical non

volontaire constitue une ingeacuterence dans le droit au respect de la vie priveacutee reconnu par lart 8

sect 1 Conv EDH) Quil nous soit permis deacutemettre des reacuteserves sauf agrave ruiner toute la politique

de preacutevention mise en place par les autoriteacutes sanitaires depuis un siegravecle et dont les effets

salutaires ne sont pas contestables la reacutesistance des juridictions administratives qui sous-tend

larrecirct dAssembleacutee rapporteacute face aux derniers avatars dun certain extreacutemisme libertarien

dont le corps devient le bastion (pour un bon exposeacute de ces thegraveses Onfray Feacuteeacuteriques

anatomiques geacuteneacutealogie du corps faustien Grasset-Fasquelle 2003) montre que lhypothegravese

est ici bien diffeacuterente dun simple refus de soin comme dans le cas des transfusions elles ne

mettent en jeu que la vie du patient (sur cette derniegravere question B Mathieu De la difficulteacute

de choisir entre la liberteacute et la vie RGDM 2003 ndeg 9 p 97 A Garay Volonteacutes et liberteacutes

dans la relation meacutedecin-malade la mise agrave leacutepreuve des articles 16-3 du code civil et L

1111-4 du code de la santeacute publique RGDM 2003 ndeg 10 p 143)

5 Moins sujet agrave deacutebat larrecirct rendu par la Cour europeacuteenne (22 juill 2003 req ndeg 2420994

RD publ 2004 ndeg 3 p 826 note C Picheral) qui condamne la Turquie pour ingeacuterence dans

le droit au respect de la vie priveacutee reconnu par larticle 8 sect 1 de la Convention europeacuteenne

Dans cette affaire la plaignante avait subi un examen gyneacutecologique forceacute destineacute agrave prouver

agrave lissue de sa garde agrave vue quelle navait pas subi de violences sexuelles La Cour europeacuteenne

qui integravegre deacutesormais le respect du corps humain dans la sphegravere de la vie priveacutee fait ici une

application logique de larticle 8 dans la ligne de la jurisprudence preacuteceacutedemment citeacutee

2 - Indisponibiliteacute et extra-patrimonialiteacute du corps humain

6 Le principe dextra-patrimonialiteacute du corps humain se trouve repris par les articles 16-1

alineacutea 3 16-5 et 16-6 du code civil quil est parfois difficile de distinguer du principe

dindisponibiliteacute du corps humain que la jurisprudence fonde sur larticle 1128 du mecircme code

(Cass ass pleacuten 31 mai 1991 D 1991 Jur p 417 rapp Y Chartier note D Thouvenin) Si

la qualification dindisponibiliteacute a eacuteteacute eacutecarteacutee du vocabulaire des lois de 1994 et de 2004

comme par la doctrine dominante pour cause dambiguiumlteacute (D Fenouillet Respect et protection

du corps humain J-Cl civil art 16 agrave 16-12 fasc 12 ndeg 134 s) la jurisprudence y revient

parfois pour affirmer que le corps nest pas une chose dans le commerce Larrecirct de la Cour

dappel de Paris du 16 mai 2003 reacuteforme sur ce point un jugement du Tribunal des affaires de

seacutecuriteacute sociale de Paris du 5 juillet 2001 qui avait agrave tort exoneacutereacute une prostitueacutee du paiement

de la cotisation dallocations familiales des travailleurs indeacutependants au motif quanalyser une

activiteacute sexuelle reacutemuneacutereacutee comme un travail reviendrait agrave admettre que le commerce du

corps humain est leacutegal alors que leacutegaliser ce commerce aboutit agrave nier et agrave rejeter le principe

dindisponibiliteacute du corps humain La cour rappelle agrave bon droit que le commerce des relations

sexuelles nest pas en soi illicite seules eacutetant interdites certaines conditions dexercice de cette

21

activiteacute en tant quelles conduiraient aux infractions de racolage et de proxeacuteneacutetisme Affirmer

que lactiviteacute en cause na aucun lien avec lindisponibiliteacute du corps humain a quelque chose

de surreacutealiste le fait quelle ne soit pas peacutenalement reacuteprimeacutee nempecircche pas le caractegravere

illicite du contrat passeacute entre la prostitueacutee et son client (dans ce sens pour la nulliteacute dune

assurance souscrite par un proxeacutenegravete contre les accidents corporels freacutequents dans ce genre

dactiviteacutes CA Paris 22 janv 1992 Juris-Data ndeg 020308) Reste la justification de la

deacutecision par la relative autonomie du droit des prestations sociales larticle R 241-2 du code

de la seacutecuriteacute sociale vise toutes les activiteacutes non salarieacutees mecircme de caractegravere accessoire La

Chambre sociale de la Cour de cassation a deacutejagrave admis la prostitution au titre de ces activiteacutes

(18 mai 1995 D 1996 Somm p 38 obs X Preacutetot) eacutecarter les activiteacutes de prostitution de

lassiette des cotisations sociales ne serait-ce pas les encourager davantage au risque pour

lEtat de reprendre agrave son compte le ceacutelegravebre adage de Vespasien

7 Nous rappellerons encore larrecirct rendu par la premiegravere Chambre civile le 9 deacutecembre 2003

confirmant le rejet de ladoption pleacuteniegravere par la femme du pegravere dune enfant qui est le fruit

dune convention de megravere porteuse Lamie dun couple steacuterile avait accepteacute en 1987

dabandonner agrave sa naissance sans indication de filiation maternelle lenfant conccedilu des relations

intimes quelle avait eues avec leacutepoux La demanderesse au pourvoi soutenait que lilliceacuteiteacute de

la convention neacutetait pas eacutetablie par la jurisprudence et par la loi au moment des faits et quil

fallait prendre en consideacuteration pour ladoption pleacuteniegravere les douze anneacutees passeacutees par lenfant

aupregraves delle les inteacuterecircts de ce dernier primant la neacutecessiteacute de sanctionner la convention La

Cour de cassation confirmant sa jurisprudence du 31 mai 1991 (preacutec) et du 29 juin 1994 (D

1994 Jur p 581 note Y Chartier) rappelle laquo que la materniteacute pour autrui dont le caractegravere

illicite se deacuteduit des principes geacuteneacuteraux du code civil et aujourdhui de son article 16-7

reacutealise un deacutetournement de linstitution de ladoption que les premiers juges ont agrave bon droit

refuseacute raquo Prudemment la Haute juridiction neacutevoque pas la notion dindisponibiliteacute cet laquo

imaginaire de la doctrine raquo (M Gobert Reacuteflexions sur les sources du droit et les principes

dindisponibiliteacute du corps humain et de leacutetat des personnes RTD civ 1992 p 489) pour se

contenter logiquement de viser larticle 16-7 qui a vocation agrave sappliquer mecircme si le contrat

reste secret la graviteacute du vice initial de la materniteacute pour autrui contaminant toute adoption

ulteacuterieure

8 Le Tribunal administratif dAmiens dans sa deacutecision du 9 mars 2004 fait une application

discutable de la notion dextra-commercialiteacute des eacuteleacutements et des produits du corps humain

dans une hypothegravese ougrave cette qualification ne devait pas jouer Un couple perd ses embryons

congeleacutes in vitro en raison de la deacutefaillance du mateacuteriel de conservation imputable agrave un

eacutetablissement hospitalier Peut-il se preacutevaloir dun preacutejudice indemnisable dans le cadre de

laction en responsabiliteacute quil engage contre cet eacutetablissement La juridiction administrative

saisie admet la responsabiliteacute de la personne publique le mateacuteriel de conservation lui

appartenant eacutetant en cause mais sur la question de la reacuteparation du preacutejudice subi reacutepond de

maniegravere surprenante laquo si les eacutepoux peuvent se preacutevaloir de lexistence dun preacutejudice

mateacuteriel reacutesultant de la perte dovocytes les dispositions de larticle 16-1 du code civil selon

lesquelles le corps humain ses eacuteleacutements et ses produits ne peuvent faire lobjet dun droit

patrimonial sopposent agrave ce quils puissent en demander la reacuteparation en argent raquo et il

poursuit laquo les ovocytes surnumeacuteraires neacutetant pas des personnes ils ne sont pas fondeacutes agrave se

preacutevaloir dun preacutejudice moral reacutesultant selon eux de la perte decirctres chers raquo Le couple se

voit toutefois allouer 10 000 euros de dommages-inteacuterecircts pour les laquo troubles divers raquo dans

leurs conditions dexistence Si les ovocytes ne sont pas eacutevaluables en argent et si leur perte ne

peut donc pas justifier un preacutejudice mateacuteriel il nen va pas de mecircme dun preacutejudice moral

causeacute par leur perte (la perte dun animal domestique le justifie en droit civil ) et surtout le

22

preacutejudice reacutesultant de la perte dune chance de devenir parents pour un couple deacutejagrave acircgeacute et qui

rencontre des difficulteacutes pour procreacuteer degraves lors quaurait pu ecirctre eacutetablie la disparition par

leffet de la faute imputeacutee agrave leacutetablissement hospitalier de leacuteveacutenement favorable la

probabiliteacute de la naissance dun enfant (en droit meacutedical G Meacutemeteau Gaz Pal 1997 2

Doctr p 1367) La juridiction administrative a manqueacute une occasion de faire avancer le droit

biomeacutedical dans une affaire inattendue et hautement symbolique

B - Reacuteglementation des eacuteleacutements et les produits du corps

Prenant appui sur les principes geacuteneacuteraux gouvernant le statut du corps humain le reacutegime

juridique des eacuteleacutements et des produits biologiques dorigine humaine peut toutefois preacutesenter

des particulariteacutes

1 - La greffe de visage

9 Le Comiteacute consultatif national deacutethique dans son avis ndeg 82 du 6 feacutevrier 2004 eacutemet un

avis deacutefavorable au preacutelegravevement du visage dune personne deacuteceacutedeacutee ou en langage meacutedical agrave

lallotransplantation de tissus composites En deacutepit des besoins eacutevidents pour la chirurgie

reconstructive des victimes deacutefigureacutees agrave la suite daccidents ou de suicides manqueacutes le

Comiteacute consultatif considegravere que des obstacles dirimants subsistent actuellement pour

ladmission dun tel preacutelegravevement les perspectives de laquo reacuteussite raquo dune telle opeacuteration

demeurent tregraves theacuteoriques les risques de rejet des greffons eacutetant laquo extrecircmement graves raquo il

paraicirct par ailleurs fort deacutelicat de solliciter lautorisation de la famille du deacuteceacutedeacute pour effectuer

les preacutelegravevements la signification eacutethique particuliegravere du visage humain son lien intime agrave la

personnaliteacute et agrave lidentiteacute en font davantage quune piegravece anatomique Cette prudence sinscrit

dans le cadre des principes traditionnels du droit meacutedical la technique envisageacutee relevant

pour lheure davantage de lexpeacuterimentation que de la theacuterapeutique

2 - Les banques de sang de cordon ombilical

10 Les cellules heacutematopoiumleacutetiques preacutesentes dans le sang du cordon ombilical peuvent ecirctre

utiliseacutees pour le traitement de certaines maladies geacuteneacutetiques elles peuvent notamment

repeupler la moelle osseuse du patient et constituer une source de cellules sanguines offrant

ainsi une solution alternative agrave la greffe de moelle osseuse Des banques de ces cellules ont

eacuteteacute creacuteeacutees dans des institutions hospitaliegraveres et plus reacutecemment dans le secteur priveacute Ces

activiteacutes pour certaines agrave but lucratif suscitent eacutevidemment des questions juridiques et

eacutethiques Le Comiteacute national sest en France pencheacute sur ce problegraveme (avis ndeg 74 du 12 deacutec

2002) de mecircme que divers organismes de santeacute europeacuteens Le Groupe europeacuteen deacutethique

institueacute aupregraves du preacutesident de la Commission europeacuteenne a consacreacute agrave ce point son avis ndeg

16 rendu le 16 mars 2004 En substance les sages du Groupe europeacuteen critiquent vivement

louverture de cette activiteacute au secteur commercial degraves lors que les banques priveacutees noffrent

pas un laquo service utile en termes de possibiliteacutes theacuterapeutiques raquo (pt 21) et meacuteritent decirctre

eacutetroitement encadreacutees comme elles le seraient dailleurs en France Dun point de vue plus

geacuteneacuteral ces banques priveacutees de sang ombilical qui demeurent en veacuteriteacute assez marginales

posent la question des activiteacutes commerciales dans les secteurs sensibles de la santeacute qui nest

pas reacutesolue de maniegravere uniforme au sein de lUnion europeacuteenne Ladoption de

reacuteglementations telles que la directive CE ndeg 2004-23 du 31 mars 2004 concernant les aspects

de seacutecuriteacute et de qualiteacute pour les diffeacuterentes opeacuterations relatives aux eacuteleacutements biologiques

dorigine humaine va dans le sens de cette harmonisation

3 - Les normes europeacuteennes de qualiteacute et de seacutecuriteacute concernant les diffeacuterentes opeacuterations

relatives aux tissus et aux cellules humains

11 La directive CE ndeg 2004-23 du 31 mars 2004 constitue un texte important dans un secteur

ougrave lharmonisation communautaire tardait nonobstant le maillage reacuteglementaire existant en

23

matiegravere de meacutedicaments agrave usage humain (Dir CE ndeg 2001-83 du 6 nov 2001) Le texte

sapplique essentiellement aux eacuteleacutements biologiques destineacutes agrave lhomme ou agrave la fabrication de

produits manufactureacutes y compris pour des buts cosmeacutetiques agrave lexception des produits

destineacutes agrave des greffes autologues dans le cadre dune intervention chirurgicale unique du sang

et des produits sanguins (Dir CE ndeg 2002-98 du 27 janv 2002) des organes ou des parties

dorganes utiliseacutes aux mecircmes fins que lorgane entier dans le corps humain Les utilisations agrave

des fins de recherche sont eacutegalement exclues La directive sapplique en revanche aux gamegravetes

et aux cellules souches embryonnaires mais laisse aux Etats membres la faculteacute den autoriser

lutilisation Dune maniegravere geacuteneacuterale le texte communautaire nimpose pas de modegravele eacutethique

mais des obligations techniques dans un but de seacutecuriteacute sanitaire comprenant notamment la

mise en place dun systegraveme qualiteacute et de traccedilabiliteacute la deacutesignation dune personne responsable

mais il insiste cependant sur la gratuiteacute des dons et les exigences en matiegravere de consentement

La transposition qui ne devrait pas affecter de maniegravere sensible le cadre juridique franccedilais

actuel doit intervenir avant le 7 avril 2006

4 - Les cellules souches embryonnaires

12 Moins de deux mois apregraves ladoption de la reacutevision des lois bioeacutethiques et en application

de larticle 37 du nouveau texte qui autorise agrave titre transitoire avant la mise en place de

lAgence de la Biomeacutedecine les ministres concerneacutes agrave permettre limportation agrave des fins de

recherche de cellules souches embryonnaires humaines un deacutecret et un arrecircteacute (JO ndeg 228 du

30 sept 2004 p 16804) du 28 septembre 2004 viennent dy proceacuteder Les recherches sur ces

cellules fort contesteacutees il y a encore peu puisque la preacuteceacutedente autorisation dimportation de

cellules souches dorigine embryonnaire avait fait lobjet dun contentieux (TA Paris 21 janv

2003 D 2004 Somm p 532 obs H Gaumont-Prat LPA 2003 ndeg 196 p 7 note B

Pauvert) entrent donc rapidement dans la reacutealiteacute Ces souches importeacutees seront rapidement

supplanteacutees par pregraves de 50 000 embryons congeleacutes en France dont les geacuteniteurs ont renonceacute agrave

ce quils accegravedent agrave la naissance et qui vont pouvoir prochainement servir de mateacuteriel

dexpeacuterimentation comme la loi nouvelle lautorise deacutesormais

Mots cleacutes

PERSONNE HUMAINE Panorama 2004

Gazette du Palais 29 mai 2004 ndeg 150 P 15 - Tous droits reacuteserveacutes

Famille - Personnes

040412

ADOPTION Adoption pleacuteniegravere - Enfants pouvant faire lobjet dune adoption - Enfant neacute dune megravere

porteuse (non)

La materniteacute pour autrui dont le caractegravere illicite se deacuteduit des principes geacuteneacuteraux du Code

civil et aujourdhui de son article 16-7 reacutealise un deacutetournement de linstitution de ladoption

que les juges du fond ont donc agrave bon droit refuseacute de prononcer sans violer aucun des textes

invoqueacutes

C cass 1re civ 9 deacutecembre 2003 Mme X c Procureur geacuteneacuteral pregraves le Cour dappel de Y-

Pourvoi ndeg 0103927 Q - Rejet (C app Paris 1er feacutevrier 2001) - gr ndeg 1644P

NOTE

Reacuteiteacuteration de linterdiction dune adoption lieacutee agrave une procreacuteation pour le compte

dautrui -

24

Larrecirct rendu le 9 deacutecembre 2003 ne surprendra pas puisquil sinscrit dans la ligne traceacutee par

la Cour de cassation depuis 1989 confirmeacutee par la loi du 29 juillet 1994 relative au respect du

corps humain

En lespegravece Georges D et Denise M seacutetaient marieacutes le 15 deacutecembre 1962 et avaient eu un

enfant Fabrice neacute le 11 novembre 1966 Leacutepouse nayant pu avoir un deuxiegraveme enfant

pourtant vivement souhaiteacute le couple se serait adresseacute agrave une laquoamieraquo qui aurait accepteacute davoir

des relations intimes avec Georges D jusquagrave ce quelle conccediloive un enfant quil eacutetait convenu

de laisser degraves sa naissance au pegravere et agrave son eacutepouse

Cest ainsi que serait neacutee Sarah le 4 juillet 1987 qui fut deacuteclareacutee sur les registres de leacutetat civil

sans indication de filiation maternelle reconnue par Georges D puis recueillie aussitocirct par

celui-ci et son eacutepouse Cette derniegravere avait pris la preacutecaution de seacuteloigner de son domicile

pendant les derniers mois du deacuteveloppement in utero de lenfant afin que la substitution

maternelle soit ignoreacutee de lentourage des deux eacutepoux

Il sagissait donc bien selon les propres dires de Georges et Denise D dune materniteacute pour

autrui sans recours aux techniques modernes de procreacuteation meacutedicalement assisteacutee selon un

processus agrave la fois naturel et vieux comme le monde (1)

En janvier 1999 Denise D a saisi le Tribunal de grande instance dune requecircte en adoption

pleacuteniegravere de la fille de son mari

Le Tribunal par jugement du 8 deacutecembre 1999 puis la Cour dappel de Paris par arrecirct du 1er

feacutevrier 2001 ont rejeteacute sa demande au motif quen application des art 6 et 1128 C civ la

convention par laquelle une femme sengage agrave concevoir et agrave porter un enfant pour

labandonner agrave sa naissance est nulle car elle contrevient tant au principe dordre public de

lindisponibiliteacute du corps humain quagrave celui de lindisponibiliteacute de leacutetat des personnes et que

ladoption envisageacutee neacutetait que lultime phase dun processus illicite constitutif dun

deacutetournement de linstitution de ladoption

On reconnaicirctra lagrave les formules mecircmes employeacutees par la Cour de cassation notamment dans

son arrecirct dassembleacutee pleacuteniegravere du 31 mai 1991 (2) Il nest donc pas eacutetonnant que la Cour

suprecircme ait rendu un arrecirct de rejet dautant plus que sa jurisprudence a eacuteteacute conforteacutee par le

nouvel art 16-7 inseacutereacute dans le Code civil par la loi ndeg 94-653 du 29 juillet 1994 (3) qui

dispose que toute convention portant sur la procreacuteation ou la gestation pour le compte dautrui

est nulle

La Cour de cassation a bien entendu viseacute expresseacutement ce texte nouveau mais elle a tenu agrave

rappeler que le caractegravere illicite se deacuteduisait aussi des principes geacuteneacuteraux du Code civil

faisant ainsi implicitement reacutefeacuterence aux art 6 et 1128 de ce Code sur lesquels elle avait

preacuteceacutedemment fondeacute sa position

Le moyen de cassation tentait deacutechapper agrave la jurisprudence de la Cour suprecircme en se fondant

sur les circonstances de lespegravece et notamment sur le fait que la requecircte en adoption navait

eacuteteacute formeacutee que douze anneacutees apregraves la naissance de lenfant de sorte que lindivisibiliteacute entre la

materniteacute pour autrui et ladoption ne serait pas caracteacuteriseacutee Mais la Cour dappel avait

reacutepondu agrave cette argumentation en eacutenonccedilant que labandon de lenfant agrave naicirctre objet de

lobligation contracteacutee par la megravere biologique eacutetait destineacute agrave permettre que lenfant reconnu

par Georges D puisse ecirctre adopteacute par son eacutepouse et en soulignant que celle-ci avait dans le

mecircme but accepteacute linseacutemination dune autre femme par les gamegravetes de son mari et quelle

avait participeacute activement au processus en prenant toutes preacutecautions pour que la substitution

de materniteacute soit ignoreacutee des tiers

Denise D soutenait en outre que linteacuterecirct de lenfant retenu tant par lart 353 C civ que par

les art 3 et 21 de la Convention internationale des droits de lenfant devait primer sur le souci

de sanctionner lilliceacuteiteacute de la convention qui avait preacutesideacute agrave sa conception et agrave sa naissance

La Cour de cassation ne sest pas arrecircteacutee agrave cette argumentation pas plus quelle ne sy eacutetait

arrecircteacutee en 1991 pour elle lensemble de lopeacuteration est indivisible le deacutetournement de

25

linstitution de ladoption est caracteacuteriseacute et il convient de lutter contre la politique du fait

accompli (4) Laccepter au nom de linteacuterecirct de lenfant ne conduirait-il pas comme on la

souligneacute en doctrine (5) agrave admettre le commerce des enfants sous preacutetexte que bien souvent

ceux-ci y trouveraient beacuteneacutefice

(1) Selon la Bible Sarah eacutepouse dAbraham ne pouvant avoir denfant de lui lenvoya aupregraves

de son esclave eacutegyptienne Agar dont il eut un fils Ismaeumll Agar fut renvoyeacutee avec celui-ci

lorsque Sarah tregraves acircgeacutee mit au monde Isaac le fils de la promesse

Cest sans doute une coiumlncidence si nous trouvons aussi dans notre affaire une laquoSarahraquo qui

tient il est vrai un rocircle tout diffeacuterent de celui deacutevolu agrave son homonyme biblique

Lhistoire reacutevegravele eacutegalement des cas relativement freacutequents ougrave pour pallier agrave la steacuteriliteacute du

mari et pour permettre la continuation de la ligneacutee et la perpeacutetuation dun nom ou dun titre un

laquovaletraquo - souvent ensuite renvoyeacute - eacutetait chargeacute de feacuteconder leacutepouse Le proceacutedeacute eacutetait

juridiquement parfait dans la mesure ougrave par le jeu de la preacutesomption de paterniteacute le mari

devenait leacutegalement le pegravere de lenfant

(2) Cass ass pleacuten 31 mai 1991 Bull civ 1991 ndeg 4 Gaz Pal Rec 1991 panor cass p

162 [912144] D 1991 jur p 417 rapport Y Chartier note G Thouvenin JCP 1991 II

21752 comm J Bernard concl H Dontenwille note F Terreacute Defreacutenois 1991 art 35088

ndeg 67 p 948 obs J Massip RTD civ 1991 517 obs D Huet-Weiller Dans le mecircme sens

v Cass civ 1re 29 juin 1994 Bull civ 1994 I ndeg 226 Gaz Pal Rec 1995 jur p 36 note

J B [943856] D 1994 jur p 581 note Y Chartier JCP 1995 II 223621 note J Rubellin-

Devichi RTD civ 1994 p 842 obs J Hauser Defreacutenois 1995 art 36024 ndeg 4 p 315

obs J Massip

V aussi Cass civ 1re 13 deacutecembre 1989 Bull civ 1989 I ndeg 387 Gaz Pal Rec 1990

panor cass p 66 [901122] D 1990 jur p 273 rapport J Massip Defreacutenois 1990 art

34802 ndeg 55 p 743 obs J-L Aubert et art 34815 p 862 rapport J Massip et JCP 1990 II

21526 note A Seriaux Dans cette affaire la Cour de cassation avait proclameacute par des motifs

analogues agrave ceux adopteacutes par les arrecircts de 1991 et 1994 le caractegravere illicite de la materniteacute

pour autrui et des associations qui sefforcent de la promouvoir

(3) Sur cette loi v notamment notre commentaire in Defreacutenois 1975 art 35975 et 35922

speacutecialement en ce qui concerne lart 16-7 C civ le ndeg 9 de cette eacutetude p 72

(4) Sur ces divers points v notre note preacuteciteacutee sous Cass ass pleacuten 31 mai 1991

(5) Obs J Hauser sous larrecirct rendu le 1er feacutevrier 2001 par la Cour dappel de Paris dans le

preacutesente affaire in RTD civ 2001 347

AD2008DEF0291N1

Reacutepertoire du Notariat Defreacutenois 15 feacutevrier 2008 ndeg 3 P 291 - Tous droits reacuteserveacutes

FILIATION

38717 La convention de megravere porteuse

(Reacuteflexions sur les sources du droit et les principes dindisponibiliteacute du corps humain et de leacutetat des personnes)

Le droit franccedilais prohibe les conventions de megraveres porteuses

26

Malgreacute linterdiction leacutegale de nombreux couples ont chercheacute et cherchent encore agrave

contourner cette interdiction notamment en ayant recours agrave des megraveres de substitution dans

des pays eacutetrangers ougrave cette pratique est autoriseacutee

La Cour de cassation veille agrave ce que linstitution de ladoption ne soit pas deacutetourneacutee au profit

de ces parents

Dans un arrecirct du 25 octobre 2007 la cour dappel de Paris vient de reacuteouvrir le deacutebat non sur

le terrain de la convention mais sur celui de la non-transcription des actes de naissance et de

linteacuterecirct supeacuterieur de lenfant

Une excellente occasion de faire le point sur la question et de sinterroger pour lavenir avant

la reacutevision de la loi bioeacutethique en 2009

par Rabih CHENDEB

Docteur en droit

ATER agrave lUniversiteacute de Picardie Jules Verne

laquo La science va Elle est ineacuteluctable Ce quil faut cest la rendre eacutethique raquo (1)

Le droit positif franccedilais interdit de recourir aux megraveres porteuses si un couple conccediloit un

embryon in vitro qui est implanteacute dans luteacuterus dune tierce femme cest cette tierce femme

qui est la megravere selon la loi franccedilaise et les parents biologiques ne peuvent avoir aucun droit

mecircme en cas dabandon de lenfant agrave la naissance par la megravere porteuse La loi bioeacutethique de

1994 a interdit la gestation pour autrui car cela soulevait des questions

dinstrumentalisation et de commercialisation du corps de la femme

De nombreux couples en mal denfants ont depuis longtemps chercheacute agrave contourner les regravegles

notamment en ayant recours agrave des megraveres de substitution qui vivent dans des pays ougrave cette

pratique est autoriseacutee Jusquagrave preacutesent la Cour de cassation ne sy est jamais laisseacutee prendre et

condamnait ladoption faite par les parents de lenfant de la megravere porteuse consideacuterant quil

sagissait dun deacutetournement de linstitution de ladoption (I)

Le 25 octobre 2007 la cour dappel de Paris vient donner lespoir dune ouverture vers

lacceptation dans linteacuterecirct de lenfant de cette deacutemarche Cette deacutecision de la cour dappel

pourrait changer les choses en attendant la reacutevision de la loi bioeacutethique preacutevue en 2009 Une

chose est sucircre cet arrecirct a le meacuterite douvrir le deacutebat et de poser la question de linteacuterecirct de

lenfant comme exception agrave lindisponibiliteacute de leacutetat des personnes et agrave linterdiction de la

pratique des megraveres porteuses Une certaine eacutevolution des mentaliteacutes ainsi que la dispariteacute

entre la loi franccedilaise et dautres leacutegislations nationales pourraient donner lieu agrave un

assouplissement de cette leacutegislation (II)

I Lhostiliteacute du leacutegislateur et de la jurisprudence agrave leacutegard de la convention de megravere porteuse

Au siegravecle dernier seacutetaient deacuteveloppeacutees des associations ayant pour but de faire se rencontrer

des couples deacutesireux davoir un enfant et des femmes acceptant de le porter pour ensuite le

leur laquo ceacuteder raquo par contrat Pour des raisons plus ou moins louables le proceacutedeacute fut rapidement

condamneacute par le droit franccedilais (A) tout comme ladoption qui sen suivait (B)

27

A Le caractegravere illicite de la convention de megravere porteuse

La megravere porteuse met en effet agrave mal le scheacutema classique de la famille On affirmait en Droit

romain que la megravere eacutetait sucircre et que le pegravere eacutetait le mari Le Code napoleacuteon a enteacuterineacute cette

conception Dire que lenfant possegravede une megravere geacuteneacutetique et une megravere uteacuterine va agrave lencontre

de ses dispositions (2)

Pris au deacutepourvu le leacutegislateur franccedilais a tardeacute agrave reacuteagir face aux progregraves scientifiques Il en

est reacutesulteacute un vide juridique auquel la jurisprudence sest efforceacutee de faire face Devant cette

heacutesitation bien compreacutehensible du droit les ressources de la morale de la deacuteontologie et

surtout de la bioeacutethique ont eacuteteacute solliciteacutees (3) Le Conseil dEtat confronteacute aux associations

voulant intervenir dans ce domaine a ainsi prononceacute la dissolution de ces associations pour

objet illicite (4) Le 13 deacutecembre 1989 la premiegravere chambre civile de la Cour de cassation a

releveacute le principe dindisponibiliteacute du corps humain par une interpreacutetation a contrario de

larticle 1128 du Code civil qui dispose qu laquo il ny a que les choses qui sont dans le

commerce qui puissent ecirctre lobjet des conventions raquo La personne ne dispose pas de son

corps elle nen est pas proprieacutetaire (5) Le 31 mai 1991 lassembleacutee pleacuteniegravere de la Cour de

cassation vise les articles 6 1128 et 353 du Code civil afin daffirmer le caractegravere illicite de la

convention conclue entre une megravere porteuse et un couple steacuterile En effet ce contrat porte sur

deux corps humains la megravere et lenfant (6)

Rapidement le leacutegislateur est venu leacutegifeacuterer dans ce sens avec la loi no 94-653 du 29 juillet

1994 relative agrave la bioeacutethique pour que le Code civil reconnaisse le corps humain en tant que

tel Cette loi prend deacutesormais explicitement en compte le corps humain parce quil a voulu

promouvoir son respect face au deacuteveloppement des sciences biomeacutedicales Cette loi a entraicircneacute

la modification et la creacuteation darticles dans le Code civil et le Code peacutenal

Le principe du respect de la digniteacute de la personne humaine est poseacute par larticle 16 du Code

civil laquo La loi assure la primauteacute de la personne interdit toute atteinte agrave la digniteacute de celle-ci

et garantit le respect de lecirctre humain degraves le commencement de sa vie raquo Le nouvel article 16-1

preacutevoit que laquo Chacun a droit au respect de son corps Le corps humain est inviolable Le

corps humain ses eacuteleacutements et ses produits ne peuvent faire lobjet dun droit patrimonial raquo

Par conseacutequent selon larticle 16-5 laquo Les conventions ayant pour effet de confeacuterer une

valeur patrimoniale au corps humain agrave ses eacuteleacutements ou agrave ses produits sont nulles raquo De mecircme

quand une personne accepte de donner son sang ce ne peut ecirctre quagrave titre beacuteneacutevole Enfin

larticle 16-7 dispose mecircme laquo Toute convention portant sur la procreacuteation ou la gestation

pour le compte dautrui est nulle raquo (7)

En outre cette interdiction est assortie dune sanction peacutenale pouvant aller jusquagrave un an

demprisonnement et 15 000 euro damende pour celui qui sentremet ou tente de sentremettre

entre une personne ou un couple deacutesireux daccueillir un enfant et une femme acceptant de

porter en elle cet enfant en vue de le leur remettre Lorsque ces faits ont eacuteteacute commis agrave titre

habituel ou dans un but lucratif les peines sont porteacutees au double (8)

En deacutepit de la reacutesistance de quelques juges du fond qui ont admis ladoption la Cour de

cassation na pas infleacutechi sa position (9) Elle sest reacutecemment opposeacutee agrave ladoption simple

dun enfant par un couple homosexuel estimant cette adoption contraire agrave laquo linteacuterecirct supeacuterieur

de lenfant raquo (10)

28

Analyseacutes dans le contexte de ces deacutecisions les deux principes de lilliceacuteiteacute des conventions et

de lindisponibiliteacute du corps humain expriment une mecircme ideacutee la condamnation dune

convention qui porte sur le corps humain celui de lenfant agrave naicirctre et celui de la femme qui la

conccedilu et porteacute

Toutefois les motifs adopteacutes par la Cour de cassation savegraverent dune extrecircme faiblesse En

effet ces motifs sont lieacutes agrave lilliceacuteiteacute de lobjet des conventions agrave lindisponibiliteacute du corps

humain ainsi quagrave lindisponibiliteacute de leacutetat des personnes (11) Pourtant les lois dites laquo

bioeacutethiques raquo du 29 juillet 1994 puis la loi du 6 aoucirct 2004 (12) relative agrave la bioeacutethique ont

admis lutilisation des eacuteleacutements et des produits du corps humain agrave des fins theacuterapeutiques ou

scientifiques Effectivement une loi en date du 24 janvier 1953 deacutetermine laquo les tarifs de

cession du sang raquo Les dispositions sont aujourdhui dans le Code de la santeacute publique Degraves

lors on peut donner ses gamegravetes ses organes son sang Il semble que plus quune approche

anthropologique des sciences meacutedicales (qui conduiraient agrave une ineacutevitable instrumentalisation

du corps des hommes) il existerait ce que nous appelons une technoscience laquo de linvisible

raquo que seul le droit accepte de leacutegitimer (13)

Par ailleurs la terminologie employeacutee par le leacutegislateur de 1994 est eacuteloquente Cest

certainement parce que le principe dindisponibiliteacute du corps humain sest aveacutereacute irreacutealiste videacute

de sa substance par le nombre et limportance de ses exceptions que le leacutegislateur lui a preacutefeacutereacute

celui de non-patrimonialiteacute qui figure aujourdhui aux articles 16-1 16-5 et 16-6 du Code

civil Il est donc possible de disposer de son corps agrave titre de dons dans les limites de la loi

(14)

Pour conclure sur ce point il sera emprunteacute les propos de Mme Mayer-Jack laquo

Malheureusement si ce principe dindisponibiliteacute du corps humain possegravede les qualiteacutes trop

rares decirctre nettement formuleacute et universellement admis il apparaicirct agrave la reacuteflexion frappeacute dun

vice radical il se reacutevegravele contraire aux faits raquo (15)

B La nulliteacute de ladoption

En matiegravere de materniteacute de substitution lenfant reste au coeur du deacutebat Il est laquo lobjet raquo de la

convoitise du couple demandeur et lobjet de la convention En vue de permettre

leacutetablissement dune filiation adoptive deux processus eacutetaient suivis par lesdits couples

processus que la Cour de cassation sempressa dinterdire agrave son tour

1 Le contournement aveacutereacute de la loi par les couples restant en France

En effet le processus se deacuteroulait en trois eacutetapes dans un premier temps lembryon issu des

gamegravetes du couple ou du mari et de la femme porteuse eacutetait implanteacute dans luteacuterus de cette

derniegravere La megravere porteuse suivait sa grossesse normalement notamment au regard du suivi

meacutedical (16) Ensuite elle accouchait anonymement La leacutegislation autorise les

accouchements laquo sous X raquo et reconnaicirct ainsi aux parturientes le droit de ne pas ecirctre megraveres si

elles ne le deacutesirent ou ne le peuvent pas Le pegravere fournisseur de sperme quant agrave lui effectuait

une reconnaissance preacutenatale de lenfant A sa naissance il le reconnaissait Lenfant avait

donc un pegravere mais sans indication de la filiation maternelle Enfin leacutepouse de ce dernier

adoptait de maniegravere pleacuteniegravere lenfant Leacutetat de mariage de la megravere porteuse ne changeait rien

puisque laccouchement anonyme empecircchait que le mari soit consideacutereacute comme pegravere preacutesumeacute

29

Depuis larrecirct Alma Mater (17) nous savons que la convention de materniteacute de substitution

est nulle car contrevenant agrave lordre public (18) Mais jusqualors la jurisprudence avait eu le

soin de dissocier convention et adoption Toute convention portant sur la procreacuteation ou la

gestation pour le compte dautrui eacutetant nulle la convention de megravere porteuse ayant permis la

naissance de lenfant en cause est donc incontestablement frauduleuse Degraves lors la possession

deacutetat sur laquelle les demandeurs se fondent pour voir eacutetablir un lien de filiation leacutegitime agrave

leur profit et lacte de notorieacuteteacute quils ont ainsi obtenu sont eux-mecircmes vicieacutes et ne peuvent

donc permettre leacutetablissement dun tel lien Par ailleurs la Convention de New York sur les

droits de lenfant garantit notamment agrave celui-ci laccegraves agrave ses origines Or lapplication de la

convention frauduleuse aurait pour effet de consacrer un mensonge lacte de naissance qui

serait eacutetabli sur le fondement de cette convention aboutirait en effet agrave nier totalement les

conditions dans lesquelles lenfant a eacuteteacute conccedilu En conseacutequence les demandeurs ne pourront

se preacutevaloir de la possession deacutetat vicieacutee pour obtenir la retranscription de lacte de notorieacuteteacute

sur lacte de naissance de lenfant (19) Ainsi la prohibition de la convention a entraicircneacute dans

son sillage une impossibiliteacute dadoption par leacutepouse du pegravere (20) Il y a deacutetournement de

linstitution de ladoption pleacuteniegravere en ce que lenfant a eacuteteacute conccedilu pour ecirctre abandonneacute par sa

megravere et adopteacute par une autre (21)

Il en reacutesulte que cest labandon de lenfant qui rend impossible ladoption par leacutepouse du

mari Or labandon de lenfant constitue deacutejagrave une deacutemarche parfaitement licite et reacuteglementeacutee

par la loi Il suffit pour sen convaincre de lire attentivement les textes adeacutequats agrave savoir les

articles 61 et 62 du Code de la famille et de laide sociale 348-3 et 350 du Code civil et 1158

agrave 1163 du Code de proceacutedure civile Il suffit agrave la megravere et plus geacuteneacuteralement agrave la personne

investie des droits parentaux de confier 1enfant agrave un eacutetablissement ou agrave un service de laide

sociale agrave 1enfance (ASF) ou mecircme agrave un particulier puis de sen deacutesinteacuteresser

manifestement pendant une anneacutee nentretenant avec lui aucune relation neacutecessaire au

maintien de liens affectifs Le tribunal de grande instance peut degraves lors sauf agrave prendre en

consideacuteration le cas exceptionnel de grande deacutetresse du parent deacutefaillant deacuteclarer 1enfant

abandonneacute agrave la requecircte de tout inteacuteresseacute et notamment de leacutetablissement service ou famille

daccueil (22) laquo On cesse dinterdire une pratique non pas lorsquelle se deacuteveloppe mais

lorsquon ne sait plus pourquoi elle est interdite raquo (23)

Dailleurs une contradiction engendre ce refus dadoption En effet laquo consideacuterer ladoption

indissociable de la convention revient agrave ne voir lenfant que comme lobjet de cette convention

raquo (24) Ainsi les parents ont pu eacutetablir anteacuterieurement agrave la naissance le processus dont

ladoption est laquo lultime phase raquo Mais ce processus nest pas fait dans lintention de nuire agrave

lenfant Alors comment comprendre la seacuteveacuteriteacute afficheacutee de la Cour de cassation

Traiter lenfant comme une veacuteritable personne implique de dissocier la convention ougrave il

nintervient pas et ladoption dont il est partie prenante et mecircme partie principale Il faut

sinterroger sur son inteacuterecirct propre quitte agrave le confronter ensuite agrave ceux auxquels il soppose

(25)

2 Lexpansion du tourisme procreacuteatif

La dispariteacute des regravegles nationales agrave propos de la gestation pour autrui a conduit certains

couples agrave se rendre agrave leacutetranger pour pouvoir avoir recours agrave une megravere porteuse on parle

deacutesormais de laquo tourisme procreacuteatif raquo (26)

30

Lagrave encore le processus deacutebute par une inseacutemination artificielle mais les pays ayant leacutegaliseacute la

gestation pour le compte dautrui permettent par ailleurs que lembryon inseacutemineacute dans

luteacuterus de la femme soit issu de la rencontre des gamegravetes des deux parents demandeurs

Lenfant est donc geacuteneacutetiquement lenfant du couple Il a pour parent degraves sa naissance le

couple demandeur il porte leur nom et le preacutenom quils lui ont choisi Mais pour exister en

France il est neacutecessaire de recourir agrave une transcription sur les registres de leacutetat civil franccedilais

de lacte de naissance eacutetranger Lagrave encore la seacuteveacuteriteacute est de mise puisque le parquet de

Nantes qui a en charge la transcription des eacutetats civils venant de leacutetranger refuse

systeacutematiquement cette transcription qui nest pas conforme agrave la leacutegislation franccedilaise (27)

Les magistrats ont eacuteteacute confronteacutes agrave ces situations ougrave la megravere commanditaire deacutesirait eacutetablir un

lien de filiation entre elle et lenfant issu de la convention de materniteacute de substitution

Tel est par exemple le cas qui a eacuteteacute trancheacute par la cour dappel de Rennes le 4 juillet 2002

(28) Dans cet arrecirct la cour dappel a rejeteacute ladoption des enfants par un couple qui a conclu

en Californie une convention portant sur la gestation dun embryon issu de leurs propres

gamegravetes La cour relegraveve que laquo la loi franccedilaise ne donne pas une deacutefinition de la megravere raquo cette

notion est inscrite dans les mentaliteacutes depuis des siegravecles par ladage Mater semper certa est

Cest laccouchement qui deacutetermine la megravere et non la seule reacutealiteacute geacuteneacutetique

Cette jurisprudence installeacutee depuis le ceacutelegravebre arrecirct de lassembleacutee pleacuteniegravere du 31 mai 1991

constitue une atteinte directe agrave linteacuterecirct de lenfant Ce dernier est priveacute de toute filiation

maternelle leacutegalement reconnue et ce sans beacuteneacutefice pour personne (29)

Malheureusement en raison de cette solution les deux enfants sont acircgeacutes de sept ans et vivent

aupregraves de leur pegravere naturel et de sa compagne dont la materniteacute ne peut leacutegalement ecirctre eacutetablie

(30)

Cette jurisprudence preacutesente un point faible Selon larticle 353 du Code civil le tribunal de

grande instance saisi dune requecircte aux fins dadoption pleacuteniegravere veacuterifie si les conditions de

la loi sont remplies et si ladoption est conforme agrave linteacuterecirct de lenfant Or en loccurrence

le preacutetendu droit de lenfant ne coiumlncide pas avec son inteacuterecirct seul mis en avant dans 1article

353 du Code civil Le refus par la cour dappel de prononcer ladoption pleacuteniegravere a priveacute les

deux enfants (au nom de leur droit aussi eacuteminent que symbolique agrave la non-chosification) dun

avantage concret et primordial leur admission au statut denfants leacutegitimes de leurs vrais

parents geacuteneacutetiques (31) Simples enfants naturels ou adulteacuterins de leur pegravere ils demeureront

sans lien de filiation maternelle Un tel problegraveme meacuterite que les juridictions se penchent au

moins sur lui (32) La protection de linstitution de ladoption sopegravere au deacutetriment du droit

reconnu agrave lenfant deacutetablir sa filiation par le biais dune discrimination fondeacutee sur les

circonstances de sa naissance (33) La jurisprudence nous semble aller agrave lencontre des

engagements internationaux contracteacutes par la France (34)

II Leacutevolution des mentaliteacutes vers une leacutegislation plus souple

Jusquagrave preacutesent la jurisprudence a toujours interdit ladoption des enfants par des couples

ayant eu recours agrave la gestation pour autrui consideacuterant quil sagit dun deacutetournement de

linstitution de ladoption (35)

Un grand quotidien Libeacuteration reacutevegravele que la cour dappel de Paris a reconnu comme parents

leacutegitimes de jumelles un couple franccedilais ayant fait appel agrave une megravere porteuse ameacutericaine

31

Une chose est sucircre cet arrecirct a le meacuterite douvrir le deacutebat et de poser la question de linteacuterecirct de

lenfant comme exception agrave lindisponibiliteacute de leacutetat des personnes et agrave linterdiction de la

pratique des megraveres porteuses (A) Lorsque lon accepte une loi eacutetrangegravere qui a eacuteteacute appeleacutee au

secours pour contourner la loi franccedilaise la modification de la loi franccedilaise nest pas loin (B)

A Lassouplissement de la jurisprudence

Dans laffaire porteacutee devant la cour dappel de Paris que nous avons abordeacutee rapidement

preacuteceacutedemment un couple dont la femme ne peut assurer la gestation en raison dune

malformation congeacutenitale se rend en Californie ougrave il conclut une convention portant sur la

gestation dun embryon issu de leurs propres gamegravetes Des jumelles naissent de cette

convention Le droit californien fait abstraction du deacutefaut daccouchement La concubine est

inscrite comme megravere dans les registres de naissance de Californie Quelques semaines plus

tard le couple reconnaicirct les enfants en France Mais agrave leur retour dans lHexagone ils sont

placeacutes en garde agrave vue puis mis en examen pour laquo entremise entre une personne deacutesireuse

dadopter un enfant et un parent deacutesireux dabandonner son enfant neacute ou agrave naicirctre raquo et pour laquo

simulation ayant entraicircneacute une atteinte agrave leacutetat civil de lenfant raquo

En 2004 le juge dinstruction rend un non-lieu sur les poursuites peacutenales les faits seacutetant

deacuterouleacutes dans un pays ougrave cette pratique est leacutegale Le parquet a alors continueacute son offensive

sur le terrain civil et chercheacute agrave faire annuler la filiation et la transcription sur leacutetat civil Le

tribunal de grande instance a deacuteclareacute cette demande irrecevable en deacutecembre 2005 Une

deacutecision rendue par la cour dappel de Paris confirme ce jugement le 25 octobre dernier apregraves

avoir estimeacute que laquo La non-transcription des actes de naissances aurait des conseacutequences

contraires agrave linteacuterecirct supeacuterieur des enfants qui au regard du droit franccedilais se verraient priveacutes

dactes deacutetat civil indiquant leur lien de filiation y compris agrave leacutegard de leur pegravere biologique

raquo

La question sera deacutesormais soumise agrave la Cour de cassation qui a deacutejagrave pris des deacutecisions

progressistes dans des questions relatives au droit de la famille notamment dans linteacuterecirct de

lenfant Elle a ainsi fait le 24 feacutevrier 2006 un pas important vers la reconnaissance de

lhomoparentaliteacute en autorisant quun parent homosexuel deacutelegravegue tout ou partie de son

autoriteacute parentale agrave son partenaire avec lequel il vit en union stable agrave condition que cette

mesure soit prise dans linteacuterecirct supeacuterieur de lenfant (36)

Le plus important reacuteside dans le fait que la cour dappel de Paris a estimeacute que la non-

transcription sur les actes de naissance aurait des conseacutequences contraire agrave llaquo inteacuterecirct de

lenfant raquo Depuis longtemps linteacuterecirct de lenfant est au centre du droit de la famille et depuis

quelques anneacutees celui-ci devient veacuteritablement la pierre angulaire de cette discipline (37)

Dans un arrecirct du 18 mai 2005 la premiegravere chambre civile de la Cour de cassation preacutecise au

visa de larticle 3-1 de la Convention relative aux droits de lenfant que laquo dans toutes les

deacutecisions qui concernent les enfants linteacuterecirct supeacuterieur de lenfant doit ecirctre une

consideacuteration primordiale raquo (38) Mais que faut-il entendre par inteacuterecirct supeacuterieur de lenfant

(39)

Bien que le nouvel article L 112-4 du Code de laction sociale et des familles (40) et larticle

371-1 du Code civil semblent deacutefinir les eacuteleacutements constitutifs de cette notion llaquo inteacuterecirct de

lenfant raquo reste un concept assez flou que le leacutegislateur et les juges se gardent bien de deacutefinir

preacuteciseacutement on ne peut limiter linteacuterecirct supeacuterieur de lenfant agrave la protection de sa santeacute de sa

seacutecuriteacute et de sa moraliteacute Certes ces eacuteleacutements sont les bases de linteacuterecirct de lenfant mais

32

puisque celui-ci peut deacutepasser le strict cadre du droit de lautoriteacute parentale voire du droit de

la famille cette vision serait bien trop reacuteductrice

Le sens de cette notion peut encore sobscurcir si lon considegravere quelle peut se confondre avec

dautres concepts voisins Larticle 371-5 doit ainsi conduire agrave distinguer linteacuterecirct de lenfant de

celui de la fratrie En effet si celle-ci a inteacuterecirct agrave rester unie certaines circonstances permettent

deacutecarter un de ses membres dans son inteacuterecirct exclusif

Un amendement proposait cependant agrave la suite du nouvel article L 112-4 du Code de laction

sociale et des familles une deacutefinition inteacuteressante laquo Linteacuterecirct supeacuterieur de lenfant est deacutefini

comme lassurance de la protection de sa seacutecuriteacute personnelle et affective lassurance dun

contexte familial permettant un bon deacuteveloppement physique intellectuel affectif et social

lassurance dune relation dattachement parental permettant de se construire Linteacuterecirct

supeacuterieur de lenfant tel que deacutefini constitue son projet de vie raquo (41)

On ne peut que se feacuteliciter de la mise en avant de linteacuterecirct de lenfant pour deacuteroger agrave la sacro-

sainte interdiction des megraveres porteuses car il est vrai quil ne faut pas oublier que limportant

reste dabord et avant tout lenfant qui a et doit avoir une place centrale au sein de la famille

On peut envisager que cette reacutecente jurisprudence puisse influencer la reacuteflexion sur le recours

aux laquo megraveres porteuses raquo sur le territoire national qui conduise agrave une eacutevolution de la loi

B Vers une eacutevolution de la loi

Alors que la France interdit la laquo gestation pour autrui raquo cette pratique a eacuteteacute leacutegaliseacutee dans de

nombreux pays La France a donc une leacutegislation moins libeacuterale que dautres leacutegislations

nationales La pratique de la gestation pour autrui est notamment autoriseacutee aux Etats-Unis au

Canada en Australie et dans plusieurs pays de lUnion europeacuteenne (Espagne et Belgique

Gregravece et Royaume-Uni notamment) (42) La question de la leacutegalisation des megraveres porteuses

est tregraves controverseacutee en France et demanderait un strict encadrement (43)

On enseigne habituellement que les questions deacutetat ne peuvent deacutependre de la seule volonteacute

individuelle Leacutetat des personnes - le droit de la filiation en particulier - eacutechapperait aux

conventions Mais ce principe nest plus si absolu Leacutevolution contemporaine reacuteduit laspect

institutionnel Une place nettement importante a eacuteteacute faite dans lorganisation des relations

familiales agrave la volonteacute individuelle laquo Laccroissement du pouvoir des volonteacutes individuelles

dans le droit de la famille est une marque essentielle de ce droit raquo (44) Dougrave la justesse de

lexpression laquo contractualisation du droit de la famille raquo Le rocircle de la volonteacute individuelle

tend agrave ecirctre de plus en plus important (45) Tel est le cas du divorce du PACS et du mariage

La procreacuteation nest plus la finaliteacute avec larriveacutee en force dans des pays voisins du mariage

homosexuel

Une certaine eacutevolution des mentaliteacutes ainsi que la dispariteacute entre la loi franccedilaise et dautres

leacutegislations nationales pourraient bien donner lieu agrave un assouplissement de cette leacutegislation

(46)

La gestation pour autrui permet de pallier certaines formes de steacuteriliteacute feacuteminine en raison

dune absence ou dune deacuteformation duteacuterus de conseacutequences de cancer ou reacutesultant dune

hysteacuterectomie de fausses couches reacutepeacuteteacutees dune contre-indication meacutedicale agrave la grossesse ou

de nombreux eacutechecs de feacutecondations in vitro (47) Dans ce cas on implante les gamegravetes des

parents geacuteneacutetiques dans le ventre de la megravere porteuse

33

Un autre argument favorable agrave cette pratique est la certitude apaisante pour le couple steacuterile

de ce que lenfant porteacute en uteacuterus tiers nen sera pas moins leur veacuteritable enfant geacuteneacutetique

puisque conccedilu agrave partir de leurs propres gamegravetes

De plus il faut deacutenoncer une incoheacuterence Une femme empecirccheacutee par la loi de donner avant

sa grossesse agrave un couple agreacuteeacute par elle lenfant quelle portera moyennant eacutequitable

reacutecompense possegravede en revanche le droit discreacutetionnaire de labandonner une fois neacute au

hasard des eacutetablissements ou du service de lASE ou pis encore de recourir agrave une

interruption volontaire de grossesse pendant les douze premiegraveres semaines (48)

La possession deacutetat repreacutesente une valeur humaine et sociale qui doit ecirctre prise en compte en

tant que telle Comme lont joliment affirmeacute M Hauser et Mme Huet-Weiller laquo elle est la

veacuteriteacute des sentiments la veacuteriteacute du coeur tout aussi respectable sinon plus que celle des

registres deacutetat ou mecircme de nos gegravenes raquo (49) Ainsi on peut ecirctre favorable agrave cette reacuteflexion

sous certains reacuteserves

Tout dabord le couple demandeur devait avoir plus de 18 ans et linfertiliteacute devrait ecirctre

meacutedicalement eacutetablie Ensuite seule lutilisation des gamegravetes (sperme et ovocytes) du couple

serait autoriseacutee afin deacuteviter que la gestatrice soit aussi la megravere biologique de lenfant (pour

eacuteviter des liens trop forts eacutetablis entre elle et le beacutebeacute)

De son cocircteacute la megravere porteuse devait avoir plus de 18 ans et accepter de subir des tests divers

avant la grossesse Elle serait la seule agrave donner un consentement valable concernant la gestion

de sa grossesse et elle abandonnerait ses droits parentaux agrave la naissance de lenfant tout en

assistant le couple demandeur lors de la deacutelivrance du certificat de naissance Le

consentement devrait aussi ecirctre obtenu par un entretien psychologique meacutedical et juridique

Seul le juge pourrait donner laccord au deacutebut du processus Le couple demandeur devait

sengager agrave assumer la garde de lenfant degraves sa naissance afin deacuteviter soit une non-remise

denfant soit un refus de lenfant - par exemple en cas de handicap

Concernant la reacutemuneacuteration de la megravere porteuse la marchandisation est inacceptable Les

intermeacutediaires reacutemuneacutereacutes seraient interdits Le principe du volontariat et de la gratuiteacute sont

essentiels le don de vie (50)

Enfin il ne sagirait pas de reacutemuneacuteration mais de compensation financiegravere destineacutee agrave

deacutedommager les inconveacutenients lieacutes agrave la grossesse sur la base de la loi laquo Huriet raquo (loi sur la

recherche meacutedicale avec volontaires sains) Le couple demandeur devrait prendre agrave sa charge

les deacutepenses meacutedicales leacutegales et psychologiques ainsi quun montant raisonnable alloueacute agrave la

megravere porteuse pour subvenir agrave ses besoins Les juges appreacutecieraient librement ce que peut ecirctre

un montant laquo raisonnable raquo sans que cela puisse jamais ecirctre consideacutereacute comme une laquo vente raquo

denfant

(1) B Debreacute et S Agacinski laquo Faut-il leacutegaliser les megraveres porteuses en France raquo Le Figaro Magazine du samedi 10 novembre 2007 p 50

34

(2) G David laquo Don et utilisation du sperme raquo in Actes du colloque Geacuteneacutetique procreacuteation et

droit Actes sud 1985 p 205 G-M Faure Le deacutesir denfant agrave leacutepreuve du droit Essai sur le droit de la procreacuteation meacutedicalement assisteacutee Thegravese Universiteacute de Lille 1992 p 7

(3) G Lebreton Liberteacutes publiques et droits de lhomme 6e eacuted Armand Colin 2003 p 262

(4) CE 22 janvier 1988 Lebon 1988 p 37

(5) La Cour de cassation a enteacuterineacute la position de la cour dappel de Paris pour laquelle laquo ni laltruisme du comportement de la megravere de substitution ni le caractegravere deacutesinteacuteresseacute des activiteacutes de lassociation ne sont propres agrave faire disparaicirctre lilliceacuteiteacute qui frappe laccord litigieux raquo Cass civ 1re 13 deacutecembre 1989 Bull civ I no 387 Defreacutenois 1990 art 34802 no 55 obs J-L Aubert D 1990 p 273 JCP eacuted G 1990 II 21526 note A Seacuteriaux propos recueillis par C Slobodansky laquo Le droit doit limiter les progregraves de la science raquo LPA du 7 mai 2004 no 92 p 60

(6) laquo La convention par laquelle une femme sengage fucirct-ce agrave titre gratuit agrave concevoir et porter un enfant pour labandonner agrave sa naissance contrevient tant au principe dordre public de lindisponibiliteacute du corps humain quagrave celui de lindisponibiliteacute de leacutetat des personnes raquo Cass ass pleacuten 31 mai 1991 Bull civ ass pleacuten no 4 Defreacutenois 1991 art 35142 no 103 obs J-L Aubert Defreacutenois 1991 art 35088 no 67 note J Massip RTD civ 1991 p 517 obs D Huet-Weiller et p 489 note M Gobert M Gobert laquo Reacuteflexions sur les sources du droit et les

principes dindisponibiliteacute du corps humain et de leacutetat des personnes agrave propos de la materniteacute de substitution raquo RTD civ 1992 p 489 et s speacutec p 501 dans ce sens v deacutejagrave les remarques de P Murat laquo Laction de lordonnance du 4 juillet 2005 sur la possession deacutetat raquo Dr Famille 2006 eacutetude no 6 speacutec no 7 V aussi J Massip laquo Linsertion dans le Code civil de dispositions relatives au corps humain agrave lidentification geacuteneacutetique et agrave la procreacuteation meacutedicalement assisteacutee raquo Defreacutenois 1995 art 35975 et 35992

(7) En ce sens V Depadt-Sebag laquo De la neacutecessiteacute dune reacuteforme de larticle 16-7 du Code civil relatif agrave linterdiction de gestation pour autrui raquo RGD meacuted 2004 no 12 p 135 et s

(8) Art 227-12 et s C peacuten

(9) CA Paris 1re feacutevrier 2001 RTD civ 2001 p 347 obs J Hauser Cass civ 1re 9 deacutecembre 2003 Bull civ I no 252 p 201 CA Rennes 4 juillet 2002 D 2002 p 2904

(10) Cass civ 1re 20 feacutevrier 2007 Defreacutenois 2007 art 38595 no 45 obs J Massip

(11) V Depadt-Sebag laquo De la neacutecessiteacute dune reacuteforme de larticle 16-7 du Code civil relatif agrave linterdiction de gestation pour autrui raquo preacutec no 12 p 135 et s

(12) L no 2004-800 du 6 aoucirct 2004 relative agrave la bioeacutethique JO du 7 aoucirct 2004 p 14040 J Massip art preacutec

(13) Dans ce sens v M Gobert laquo Reacuteflexions sur les sources du droit et les principes dindisponibiliteacute du corps humain et de leacutetat des personnes agrave propos de la materniteacute de substitution raquo preacutec p 489 et s speacutec p 513

(14) V Depadt-Sebag laquo De la neacutecessiteacute dune reacuteforme de larticle 16-7 du Code civil relatif agrave linterdiction de gestation pour autrui raquo preacutec no 12 p 135 et s E Camuzet La convention de gestation pour autrui une illeacutegaliteacute franccedilaise injustifieacutee Meacutemoire Lille 2 Universiteacute du droit et de la santeacute 2005-2006 p 55

(15) A Mayer-Jack laquo Les conventions relatives agrave la personne physique raquo Rev crit leacutegisl et jurispr 1993 p 6

(16) G Meacutemeteau laquo Une distinction est opeacutereacutee sur la reacutefeacuterence des donneacutees acquises de la science agrave la date des soins par opposition agrave la notion erroneacutee de donneacutees actuelles de la science raquo note sous Cass civ 1re 6 juin 2000 JCP eacuted G 2001 II 10447

(17) Cass civ 1re 13 deacutecembre 1989 Bull civ I no 387 Defreacutenois 1990 art 34815 rapp J Massip D 1990 p 273 JCP eacuted G 1990 II 21526 note A Seacuteriaux

35

(18) Communication J Bernard et comm J Massip Defreacutenois 1990 art 35088 no 67 note J

Massip F Terreacute note sous Cass ass pleacuten 31 mai 1991 JCP eacuted G 1991 II 21752 dans ce sens v les remarques de P Murat laquo Laction de lordonnance du 4 juillet 2005 sur la possession deacutetat raquo preacutec eacutetude no 6 speacutec no 7 G Kessler laquo La consolidation de situations illicites dans linteacuterecirct de lenfant raquo Dr Famille no 7 juillet 2005 Etude 16

(19) TGI Lille 22 mars 2007 D 2007 no 18 p 1251 note X Labbeacutee B Edelman et C Labrusse-Riau note sous CA Paris 15 juin 1990 JCP eacuted G 1991 II 21653

(20) V Larribau-Terneyre note sous CA Pau 19 feacutevrier 1991 D 1991 juris p 380

(21) J Massip laquo Megravere porteuse et deacutecheacuteance de lautoriteacute parentale raquo LPA du 29 octobre 2003 no 216 p 10 Cass ass pleacuten 31 mai 1991 Bull civ ass pleacuten no 4 Defreacutenois 1991 art 35088 no 67 p 948 obs J Massip D 1991 p 417 rapport Y Chartier note D Thouvenin JCP eacuted G 1991 II 21752 communication J Bernard concl H Dontenwille note F Terreacute RTD civ 1991 p 517 obs D Huet-Weiller

(22) J Rubellin-Devichi laquo Materniteacute de substitution qui est la megravere raquo note sous CA Rennes 4 juillet 2002 JCP eacuted G 2003 I 101 C Ducomte laquo La vraie querelle des megraveres porteuses raquo httppagesperso-orangefrmax-christianducomtemereindexhtm

(23) Propos de Mme F Dekeuwer-Deacutefossez lors de son audition devant le preacutesident M Bloche pour la mission dinformation sur la famille (procegraves-verbal du 5 octobre 2005)

(24) J Hauser obs in RTD civ 1999 p 372 F Dekeuwer-Deacutefossez note sous Cass ass pleacuten 31 mai 1991 D 1992 somm p 59

(25) F Dekeuwer-Deacutefossez laquo Les droits de lenfant raquo D 1992 somm p 59 E Poisson-Drocourt laquo Recours agrave une megravere de substitution et refus de ladoption raquo D 2004 p 2001

(26) J-J Lemouland laquo Le tourisme procreacuteatif raquo LPA 2001 no 62 p 24 F Dekeuwer-Deacutefossez laquo Le lien parental raquo LPA du 1er juillet 2004 no 131 p 70 F Granet note sous CA Rennes 4 juillet 2002 D 2002 p 2904

(27) CA Aix-en-Provence 12 mars 2002 Juris-Data no 2002-190443 A Seacuteriaux laquo Droit naturel et procreacuteation artificielle quelle jurisprudence raquo D 1985 chron p 53 J Massip laquo Le nouveau droit de la filiation raquo Defreacutenois 2006 art 38303 p 13

(28) CA Rennes 4 juillet 2002 JCP eacuted G 2003 I 101 note J Rubellin-Devichi

(29) laquo Si le principe structurant de lautoriteacute parentale est linteacuterecirct de lenfant deacutetermineacute in concreto le droit de la filiation nappreacutecie en revanche jamais linteacuterecirct concret dun enfant preacutecis mais linteacuterecirct geacuteneacuteral de lenfant in abstracto raquo A Gouttenoire laquo A chacun sa famille agrave chacun son droit raquo Dr Famille no 7 juillet 2006 Alerte 41

(30) E Camuzet La convention de gestation pour autrui une illeacutegaliteacute franccedilaise injustifieacutee art preacutec p 52

(31) P Raynaud laquo Un abus de ladoption simple les couples adoptifs raquo D 1983 chron p 39 H Gaumont-Prat laquo Pas dadoption pour les enfants issus de convention de megravere porteuse raquo RLDC no 5 mai 2004 p 31 laquo Le rejet dans le non-droit des enfants neacutes dans des circonstances qui deacuterangent la socieacuteteacute relegraveve du deacuteni de la reacutealiteacute porteur de nombreux effets pathogegravenes et injustes raquo

(32) J Rubellin-Devichi laquo Materniteacute de substitution qui est la megravere raquo note sous CA Rennes 4 juillet 2002 preacutec I 101 C Ducomte laquo La vraie querelle des megraveres porteuses raquo preacutec P Raynaud laquo Un abus de ladoption simple les couples adoptifs raquo art preacutec chron p 39 G Kessler laquo La consolidation de situations illicites dans linteacuterecirct de lenfant raquo art preacutec Etude 16

(33) F Dekeuwer-Deacutefossez laquo Reacuteflexion sur les mythes fondateurs du droit contemporain de la famille raquo RTD civ 1995 p 269 E Camuzet La convention de gestation pour autrui une illeacutegaliteacute franccedilaise injustifieacutee art preacutec p 66 A Ponsard rapport sous Cass civ 1re 16

36

novembre 1982 JCP eacuted G 1983 II 19954 M-T Meulders-Klein laquo Le droit agrave lenfant face au

droit de lenfant et les procreacuteations meacutedicalement assisteacutees raquo RTD civ 1988 p 645 F Terreacute Lenfant de lesclave Geacuteneacutetique et droit Flammarion 1987 p 128

(34) Convention de New York du 26 janvier 1990 Charte des droits fondamentaux de lUnion europeacuteenne du 7 deacutecembre 2000 Deacuteclaration universelle des droits de lhomme de 1789 Convention internationale des droits de lenfant de 1989

(35) Cass ass plegraven 31 mai 1991 Bull civ ass plegraven no 4 Defreacutenois 1991 art 35142 no 103 obs J-L Aubert et art 35088 no 67 p 948 obs J Massip D 1991 p 417 rapport Y Chartier note D Thouvenin JCP eacuted G 1991 II 21752 communication J Bernard concl H Dontenwille note F Terreacute RTD civ 1991 p 517 obs D Huet-Weiller

(36) Cass civ 1re 24 feacutevrier 2006 Bull civ I no 101 p 95 Defreacutenois 2006 art 38415 no 40 p 1067 obs J Massip D 2006 juris p 897-900 obs D Vigneau T Anatrella laquo Adoption et homoparentaliteacute leacuteclairage des droits de lhomme raquo Dr Famille 2003 no 10 p

8-10 agrave lidentique dans un arrecirct du 22 janvier 1992 D 1993 p 119 note J Vassaux la cour dappel de Poitiers a prononceacute ladoption simple dun enfant neacute dune convention de megravere porteuse au motif que laquo cette adoption nest pas seulement conforme agrave linteacuterecirct de lenfant mais encore constitue une neacutecessiteacute qui deacutecoule des reacutealiteacutes de la vie issues derreurs des adultes dont lenfant ne doit pas subir les conseacutequences raquo

(37) G Kessler laquo La consolidation de situations illicites dans linteacuterecirct de lenfant raquo art preacutec eacutetude no 16 M-T Meulders-Klein laquo Le droit agrave lenfant face au droit de lenfant et les procreacuteations meacutedicalement assisteacutees raquo art preacutec p 645

(38) Cass civ 1re 18 mai 2005 Bull civ I no 211 p 179 V Depadt-Sebag laquo Non-lieu dans une affaire de materniteacute pour autrui raquo D 2005 p 476 J Massip laquo Megravere porteuse et deacutecheacuteance de lautoriteacute parentale raquo art preacutec no 216 p 11 F Terreacute Lenfant de lesclave Geacuteneacutetique et droit op cit adde F Terreacute et D Fenouillet Droit civil Les personnes la famille les incapaciteacutes 6e eacuted Preacutecis Dalloz no 926 M Lamarche laquo Inteacuterecirct supeacuterieur de lenfant de ladmission des effets dune convention de megravere porteuse agrave la destruction du droit franccedilais de la filiation raquo Dr Famille novembre 2007 no 11

(39) M Donnier laquo Linteacuterecirct de lenfant raquo D 1959 chron p 27 F Laroche-Gisserot note sous Cass civ 1re 27 mai 1998 D 1998 p 530 F Millet laquo Ladoption dun inteacuterecirct agrave lautre raquo RRJ 2003-3 p 1777 et s A Gouttenoire laquo A chacun sa famille agrave chacun son droit raquo art preacutec Alerte 41

(40) Par la loi no 2007-293 du 5 mars 2007 reacuteformant la protection de lenfance (JO du 6 mars 2007 Defreacutenois 2007 Leacuteg p 282) le leacutegislateur a inteacutegreacute la notion dinteacuterecirct de lenfant dans le Code de laction sociale et des familles Le nouvel article L 112-4 dudit code dispose que laquo Linteacuterecirct de lenfant la prise en compte de ses besoins fondamentaux physiques intellectuels sociaux et affectifs ainsi que le respect de ses droits doivent guider toutes deacutecisions le concernant raquo

(41) Amendement no 48 rect Protection de lenfance no 3184 Assembleacutee nationale 22 deacutecembre 2006 wwwassemblee-nationalefr v aussi sur lensemble de ces questions les consideacuterations tregraves eacuteclairantes de P Murat note sous CA Rennes 4 juillet 2002 D 2002 p 2902 Dr Famille 2002 comm no 142 note P Murat

(42) F Granet-Lambrechts laquo Materniteacutes de substitution filiation et eacutetat civil Panorama europeacuteen raquo Dr Famille no 12 deacutecembre 2007 eacutetude no 34

(43) D Youf Penser les droits de lenfant PUF 2002 p 2

(44) G Cornu La famille 6e eacuted no 7 J Carbonnier Droit civil t 4 Les obligations PUF coll Theacutemis no 372 p 649

(45) D Fenouillet et P de Vareilles-Sommiegraveres La contractualisation du droit de la famille Economica 2001

37

(46) H Gaumont-Prat laquo Pas dadoption pour les enfants issus de convention de megravere porteuse raquo art preacutec p 31

(47) E Poisson-Droccourt laquo Recours agrave une megravere de substitution et refus de ladoption raquo art preacutec p 2001 note sous Cass civ 1re 9 deacutecembre 2003 G Delaisi de Perseval laquo Gestation pour autrui en quecircte de leacutegitimation raquo httpwwwliberationfr

(48) C Neirinck laquo Les filiations eacutelectives agrave leacutepreuve du droit raquo JCP eacuted G 1997 I 4067 E Camuzet laquo La convention de gestation pour autrui une illeacutegaliteacute franccedilaise injustifieacutee raquo art preacutec p 59

(49) J Hauser et D Huet-Weiller Traiteacute de droit civil La famille Fondation et vie de la famille 2e eacuted LGDJ 1993 p 250

(50) B Debreacute et S Agacinski laquo Faut-il leacutegaliser les megraveres porteuses en France raquo art preacutec p 50 C Atias D 1986 chron p 67

Civ 1egravere

13 deacutecembre 1989

Ndeg de pourvoi 88-15655

Publieacute au bulletin

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Attendu selon les juges du fond que lrsquoassociation ldquo Alma Mater ldquo a pour objet de faciliter la

solution des problegravemes qui se posent aux couples dont la femme est steacuterile deacutesireux

drsquoaccueillir un enfant agrave leur foyer et aux ldquo megraveres porteuses ldquo volontaires qursquoil est proposeacute agrave

la ldquo megravere porteuse ldquo drsquoecirctre inseacutemineacutee artificiellement par la semence du mari ou du concubin

de porter et de mettre au monde lrsquoenfant qui sera deacuteclareacute sur les registres de lrsquoeacutetat civil sans

indication du nom de la megravere reconnu par le pegravere et accueilli au foyer de celui-ci en vue de

son adoption par lrsquoeacutepouse ou la compagne que lrsquoassociation intervient tout au long de ce

processus qualifieacute de ldquo precirct drsquouteacuterus ldquo ou de ldquo don drsquoenfant ldquo qursquoainsi apregraves avoir controcircleacute la

reacutealiteacute de la steacuteriliteacute du couple demandeur et des faculteacutes de feacutecondation de la ldquo megravere porteuse

ldquo geacuteneacuteralement recruteacutee par elle lrsquoassociation fait proceacuteder agrave lrsquoinseacutemination surveille la

grossesse et lrsquoaccouchement srsquooccupe de faire diligenter la proceacutedure drsquoadoption qursquoelle

verse ensuite agrave la megravere une somme forfaitaire - qui en 1987 eacutetait fixeacutee agrave 60 000 francs -

remise par le couple demandeur degraves le deacutebut de la grossesse que lrsquoarrecirct confirmatif attaqueacute

(Aix-en-Provence 29 avril 1988) estimant que cette association avait un objet illicite

contraire aux lois et aux bonnes moeurs en a prononceacute la nulliteacute sur le fondement de lrsquoarticle

3 de la loi du 1er juillet 1901

Sur le moyen unique pris en sa premiegravere branche

Attendu que lrsquoassociation ldquo Alma Mater ldquo fait grief agrave la cour drsquoappel drsquoavoir ainsi statueacute alors

que selon le moyen nrsquoest ni illicite ni contraire aux bonnes moeurs lrsquoassociation qui dans un

but humanitaire non lucratif met en relation un couple demandeur dont la femme est steacuterile et

38

une femme qui accepte drsquoecirctre inseacutemineacutee artificiellement par le mari de porter lrsquoenfant et de le

remettre agrave la naissance agrave ce couple qui lrsquoindemnisera des contraintes et de la gecircne occasionneacutee

par la grossesse de sorte que la juridiction du second degreacute aurait violeacute les articles 3 et 7 de la

loi du 1er juillet 1901

Mais attendu qursquoil reacutesulte des constatations des juges du fond que lrsquoobjet mecircme de

lrsquoassociation est de favoriser la conclusion et lrsquoexeacutecution de conventions qui fussent-elles

verbales portent tout agrave la fois sur la mise agrave la disposition des demandeurs des fonctions

reproductrices de la megravere et sur lrsquoenfant agrave naicirctre et sont donc nulles en application de lrsquoarticle

1128 du Code civil que ces conventions contreviennent au principe drsquoordre public de

lrsquoindisponibiliteacute de lrsquoeacutetat des personnes en ce qursquoelles ont pour but de faire venir au monde un

enfant dont lrsquoeacutetat ne correspondra pas agrave sa filiation reacuteelle au moyen drsquoune renonciation et

drsquoune cession eacutegalement prohibeacutees des droits reconnus par la loi agrave la future megravere que

lrsquoactiviteacute de lrsquoassociation qui tend deacutelibeacutereacutement agrave creacuteer une situation drsquoabandon aboutit agrave

deacutetourner lrsquoinstitution de lrsquoadoption de son veacuteritable objet qui est en principe de donner une

famille agrave un enfant qui en est deacutepourvu que crsquoest degraves lors agrave bon droit que lrsquoarrecirct attaqueacute a

deacutecideacute sur le fondement de lrsquoarticle 3 de la loi du 1er juillet 1901 que cette association eacutetait

nulle en raison de lrsquoilliceacuteiteacute de son objet que la premiegravere branche du moyen est donc sans

fondement

Et sur les deuxiegraveme et troisiegraveme branches du moyen

Attendu qursquoil est fait grief agrave la cour drsquoappel de nrsquoavoir pas reacutepondu aux conclusions faisant

valoir drsquoune part que lrsquointerdiction du ldquo don de gestation ldquo constituait une discrimination

fondeacutee sur la naissance contraire aux dispositions de lrsquoarticle 24 du pacte international relatif

aux droits civils et politiques signeacute agrave New York le 19 deacutecembre 1966 et drsquoautre part que ce ldquo

don de gestation ldquo reposait sur le droit leacutegitime de fonder une famille qui implique le droit

drsquoengendrer reconnu tant par lrsquoarticle 12 de la convention europeacuteenne des droits de lrsquohomme

et des liberteacutes fondamentales du 4 novembre 1950 que par lrsquoarticle 23 du pacte international

preacuteciteacute

Mais attendu que la reconnaissance du caractegravere illicite de la materniteacute pour autrui et des

associations qui srsquoefforcent de la promouvoir qui se deacuteduit des principes geacuteneacuteraux du Code

civil et de regravegles qui sont communes agrave toutes les filiations nrsquoest pas de nature agrave instaurer une

discrimination fondeacutee sur la naissance que le droit de se marier et de fonder une famille

reconnu par lrsquoarticle 12 de la convention du 4 novembre 1950 et par lrsquoarticle 23 du pacte

international du 19 deacutecembre 1966 agrave lrsquohomme et agrave la femme en acircge nubile nrsquoimplique pas le

droit de conclure avec un tiers des conventions portant sur le sort drsquoun enfant agrave naicirctre que

par ces motifs de droit reacutepondant aux conclusions invoqueacutees lrsquoarrecirct se trouve leacutegalement

justifieacute et que les deuxiegraveme et troisiegraveme branches du moyen ne peuvent ecirctre accueillies

PAR CES MOTIFS

REJETTE le pourvoi

Publication Bulletin 1989 I Ndeg 387 p 260

Deacutecision attaqueacutee Cour drsquoappel drsquoAix-en-Provence du 29 avril 1988

39

Cour de cassation Assembleacutee pleacuteniegravere

Audience publique du 31 mai 1991

Ndeg de pourvoi 90-20105 Publieacute au bulletin

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Sur le pourvoi dans lrsquointeacuterecirct de la loi formeacute par M le Procureur geacuteneacuteral pregraves la Cour de

Cassation

Vu les articles 6 et 1128 du Code civil ensemble lrsquoarticle 353 du mecircme Code

Attendu que la convention par laquelle une femme srsquoengage fucirct-ce agrave titre gratuit agrave concevoir

et agrave porter un enfant pour lrsquoabandonner agrave sa naissance contrevient tant au principe drsquoordre

public de lrsquoindisponibiliteacute du corps humain qursquoagrave celui de lrsquoindisponibiliteacute de lrsquoeacutetat des

personnes

Attendu selon lrsquoarrecirct infirmatif attaqueacute que Mme X eacutepouse de M Y eacutetant atteinte drsquoune

steacuteriliteacute irreacuteversible son mari a donneacute son sperme agrave une autre femme qui inseacutemineacutee

artificiellement a porteacute et mis au monde lrsquoenfant ainsi conccedilu qursquoagrave sa naissance cet enfant a

eacuteteacute deacuteclareacute comme eacutetant neacute de Y sans indication de filiation maternelle

Attendu que pour prononcer lrsquoadoption pleacuteniegravere de lrsquoenfant par Mme Y lrsquoarrecirct retient

qursquoen lrsquoeacutetat actuel des pratiques scientifiques et des moeurs la meacutethode de la materniteacute

substitueacutee doit ecirctre consideacutereacutee comme licite et non contraire agrave lrsquoordre public et que cette

adoption est conforme agrave lrsquointeacuterecirct de lrsquoenfant qui a eacuteteacute accueilli et eacuteleveacute au foyer de M et

Mme Y pratiquement depuis sa naissance

Qursquoen statuant ainsi alors que cette adoption nrsquoeacutetait que lrsquoultime phase drsquoun processus

drsquoensemble destineacute agrave permettre agrave un couple lrsquoaccueil agrave son foyer drsquoun enfant conccedilu en

exeacutecution drsquoun contrat tendant agrave lrsquoabandon agrave sa naissance par sa megravere et que portant atteinte

aux principes de lrsquoindisponibiliteacute du corps humain et de lrsquoeacutetat des personnes ce processus

constituait un deacutetournement de lrsquoinstitution de lrsquoadoption la cour drsquoappel a violeacute les textes

susviseacutes

PAR CES MOTIFS

CASSE ET ANNULE mais seulement dans lrsquointeacuterecirct de la loi et sans renvoi lrsquoarrecirct rendu le

15 juin 1990 par la cour drsquoappel de Paris

REQUETE DE M LE PROCUREUR GENERAL PRES LA COUR DE CASSATION

Le Procureur geacuteneacuteral pregraves la Cour de Cassation a lrsquohonneur drsquoexposer

- Que par jugement du 28 juin 1989 le tribunal de grande instance de Paris a rejeteacute la requecircte

preacutesenteacutee par Mme X eacutepouse Y tendant agrave lrsquoadoption pleacuteniegravere de lrsquoenfant Z deacuteclareacutee

comme eacutetant neacutee de M Y mari de la requeacuterante sans indication de filiation maternelle

- Que pour ne pas faire droit agrave cette requecircte les premiers juges ont retenu que les eacutepoux Y

pour remeacutedier agrave la steacuteriliteacute de leur couple avaient eu recours agrave lrsquoassociation Alma Mater

aujourdrsquohui dissoute lrsquoenfant eacutetant neacute drsquoune megravere de substitution qui lrsquoa abandonneacute agrave la

naissance pratique deacuteclareacutee illicite

- Que sur appel de Mme Y la premiegravere chambre civile section C de la cour drsquoappel de

Paris a par arrecirct du 15 juin 1990 infirmeacute la deacutecision entreprise et prononceacute lrsquoadoption

pleacuteniegravere solliciteacutee par la requeacuterante

- Qursquoau soutien de leur deacutecision devenue deacutefinitive les juges du second degreacute ont tireacute de nos

principes geacuteneacuteraux relatifs agrave la filiation des regravegles drsquoordre public concernant les contrats et de

40

certaines conventions ou deacuteclarations internationales des conclusions contraires agrave celles

auxquelles eacutetait parvenue votre premiegravere chambre civile de la Cour de Cassation qui dans un

cas de figure pratiquement identique a par arrecirct du 13 deacutecembre 1989 (association Alma

Mater contre procureur geacuteneacuteral Aix-en-Provence) reconnu le caractegravere illicite de la materniteacute

pour autrui et les associations qui srsquoefforcent de la promouvoir

- Qursquoil importe en cette matiegravere particuliegraverement sensible qui touche agrave un deacutelicat problegraveme de

socieacuteteacute et drsquoeacutethique que soit mis fin agrave des divergences jurisprudentielles majeures et que la

seacutecuriteacute juridique soit assureacutee

PAR CES MOTIFS

Vu lrsquoarticle 17 de la loi du 3 juillet 1967 relative agrave la Cour de Cassation

Requiert qursquoil plaise agrave la Cour de Cassation

CASSE ET ANNULE sans renvoi et dans le seul inteacuterecirct de la loi lrsquoarrecirct rendu le 15 juin 1990

par la cour drsquoappel de Paris ayant fait droit agrave la requecircte en adoption pleacuteniegravere preacutesenteacutee par

Mme X eacutepouse Y

Publication Bulletin 1991 AP Ndeg 4 p 5

Deacutecision attaqueacutee Cour drsquoappel de Paris du 15 juin 1990

Page 17: SEANCE_3 Droit Civil Methodologie

17

ans gisant inanimeacute et agrave demi deacutevecirctu le visage ensanglanteacute victime dun accident de la

circulation alors quil pilotait un scooter Le clicheacute avait eacuteteacute pris par un hebdomadaire agrave grand

tirage pour illustrer un article intituleacute laquo Routes la guerre oublieacutee raquo consacreacute aux accidents de

la route

Les parents de ladolescent deacuteceacutedeacute des suites de laccident avaient assigneacute la socieacuteteacute eacuteditrice

de lhebdomadaire en reacuteparation arguant dune atteinte agrave la digniteacute de la personne ainsi

repreacutesenteacutee Les juges du fond avaient fait droit agrave la demande aux motifs que la liberteacute

dinformer revendiqueacutee par leacutediteur ne devait pas preacutevaloir sur le respect des droits de

lindividu sagissant dun article consacreacute agrave un pheacutenomegravene de socieacuteteacute La jurisprudence en la

matiegravere consacre en effet la liberteacute de communication des informations ainsi que la

publication dimages de personnes impliqueacutees dans un eacuteveacutenement sagissant deacuteveacutenements

dactualiteacute voire mecircme de faits dactualiteacute (Cass 2e civ 30 juin 2004 D 2004 IR p 2478

JCP 2004 II 10160 note D Bakouche) sous la seule reacuteserve du respect de la digniteacute

humaine (not absence de recherche du sensationnel et toute indeacutecence Cass 1re civ 20

feacutevr 2001 D 2001 Jur p 1199 note J-P Gridel Somm p 1990 obs A Lepage RTD civ

2001 p 329 note J Hauser Dr et patrimoine juin 2001 p 96 note G Loiseau 12 juill

2001 D 2002 Jur p 1380 note C Bigot Somm p 2298 obs L Marino RTD civ 2001

p 852 obs J Hauser JCP 2002 II ndeg 10152 note J Ravanas) Les diffeacuterentes deacutecisions

sont rendues au regard de latteinte agrave la vie priveacutee et du droit agrave limage sur le fondement de

larticle 9 (Cass 2e civ 5 mars 1997 D 1998 Jur p 474 note J Ravanas RTD civ 1997

p 396 obs J Hauser CA Versailles 31 janv 2002 Bull inf C cass 1er oct 2002 ndeg 983

D 2003 Somm p 1533 obs C Caron) voire sur le fondement de larticle 10 de la

Convention europeacuteenne des droits de lhomme (CEDH 3e sect 26 feacutevr 2002 Krone Verlag

c Austria req ndeg 34315)

Dans larrecirct susviseacute la Cour de cassation casse la deacutecision au visa des articles 10 de la

Convention europeacuteenne 9 et 16 du code civil Rappelant que laquo le principe de la liberteacute de la

presse implique le libre choix des illustrations dun deacutebat geacuteneacuteral de pheacutenomegravene de socieacuteteacute

sous la seule reacuteserve du respect de la digniteacute de la personne humaine [] raquo elle reproche agrave la

cour dappel de ne pas avoir laquo caracteacuteriseacute latteinte porteacutee par celle-ci [la photographie

litigieuse] agrave la digniteacute de la victime [] raquo

Le recours agrave larticle 16 du code civil selon lequel laquo la loi interdit toute atteinte agrave la digniteacute raquo

de la personne teacutemoigne de la proximiteacute des notions dimage (traditionnellement inscrite dans

le droit au respect de la vie priveacutee) et dapparence corporelle dont on perccediloit le lien avec la

notion de droit au respect du corps humain gouverneacute par larticle 16-1 prolongeant la

protection plus geacuteneacuterale fondeacutee sur la digniteacute inscrite agrave larticle 16 du code civil Nexiste-t-il

pas degraves lors une veacuteritable attraction de ces deux regravegles Les deux protections coexistent se

complegravetent et devraient favoriser le renforcement de la protection de limage de la personne

II - Le corps ses eacuteleacutements et ses produits

A - Regravegles geacuteneacuterales relatives au statut du corps humain

A leacutepoque contemporaine le corps humain devient de plus en plus un lieu de conflits

Conflits entre des normes juridiques de valeur comparable - autonomie de la volonteacute contre

solidariteacute sociale digniteacute des personnes contre liberteacute de la science - mais eacutegalement et de

maniegravere plus fondamentale conflits susciteacutes par des approches philosophiques et morales

diffeacuterentes sinon opposeacutees du corps humain Approches judeacuteo-chreacutetiennes qui le sacralisent

en linscrivant dans le mystegravere de lincarnation mateacuterialistes qui en nient la transcendance

utilitaristes precirctes agrave le sacrifier pour le bien-ecirctre collectif libertaires ou heacutedonistes qui

exaltent la liberteacute de lindividu agrave lencontre des contingences biologiques ou nen font que

18

linstrument de satisfaction des deacutesirs Le droit biomeacutedical se ressent de ces laquo oscillations de

la morale raquo (J Carbonnier Droit et passion du droit sous la Ve Reacutepublique Flammarion

1996 p 116) au risque de perdre peu agrave peu sa coheacuterence En teacutemoigne lapplication parfois

heacutesitante parfois jupiteacuterienne et souvent gecircneacutee des principes geacuteneacuteraux qui gouvernent le

statut du corps humain la protection de linteacutegriteacute corporelle et surtout lindisponibiliteacute ou

lextra-commercialiteacute du corps

1 - Protection de linteacutegriteacute corporelle

1 La loi du 6 aoucirct 2004 a modifieacute larticle 16-3 du code civil en ajoutant agrave la neacutecessiteacute laquo

meacutedicale raquo justifiant latteinte agrave linteacutegriteacute corporelle laquo agrave titre exceptionnel dans linteacuterecirct

theacuterapeutique dautrui raquo (art 9) Cette nouvelle extension de laccegraves aux ressources

biologiques corporelles au deacutetriment des droits de lindividu sur son corps (la premiegravere a eacuteteacute

consacreacutee par la loi ndeg 99-641 du 27 juill 1999 art 70 qui avait deacutejagrave substitueacute au terme laquo

theacuterapeutique raquo celui de laquo meacutedicale raquo afin de contrer linterpreacutetation neacutecessairement eacutetroite

quen avait fait la Cour de cassation dans son avis du 6 juill 1998 [D 1998 IR p 208 RTD

civ 1998 p 881 obs J Hauser] consideacuterant contraires agrave lart 16-3 les atteintes agrave linteacutegriteacute

du corps meneacutees agrave des fins purement contraceptives comme la ligature des trompes de Fallope

de telles atteintes sont deacutesormais licites car obeacuteissant agrave une finaliteacute meacutedicale mecircme si elles

tendent plus agrave preacutevenir ou agrave gueacuterir une maladie une grossesse neacutetant par elle-mecircme une

maladie) a davantage pour but dharmoniser les dispositions du code civil et celles du code de

la santeacute publique les preacutelegravevements reacutealiseacutes aux fins de greffes sur autrui ne pouvaient

certainement pas entrer dans les preacutevisions du texte dans sa reacutedaction anteacuteceacutedente Avec

lextension continue de la cateacutegorie des donneurs vivants (afin de pallier le deacuteficit chronique

de greffons en France cf infra) cette disposition est promise agrave un bel avenir (JOAN CR 2e

seacuteance 16 janv 2002)

2 Le titre III de la loi du 6 aoucirct 2004 apporte par ailleurs des modifications importantes agrave

larchitecture des preacutelegravevements deacuteleacutements du corps humain et par voie de conseacutequence aux

conditions dans lesquelles il peut ecirctre porteacute atteinte agrave linteacutegriteacute corporelle des donneurs

- lacte de preacutelegravevement est deacutesormais qualifieacute dlaquo acte de soin raquo au sens des articles L 1142-1

et suivants du code de la santeacute publique relatifs aux risques sanitaires reacutesultant du

fonctionnement du systegraveme de santeacute issus de la loi du 4 mars 2002 ce qui devrait ameacuteliorer

lindemnisation des victimes en cas daccident lors du preacutelegravevement

- le cercle des donneurs est eacutelargi (art L 1231-1 al 1er c santeacute publ)

- les modaliteacutes de recueil du consentement sont renforceacutees (mecircme art al 3)

- les finaliteacutes des preacutelegravevements sont mieux deacutefinies (par ex pour le sang art L 1211-8-1 c

santeacute publ) le patient pouvant controcircler une nouvelle utilisation des eacuteleacutements preacuteleveacutes

initialement pour dautres buts (not art L 1241-1 c santeacute publ) Les patients peuvent

eacutegalement sopposer agrave lutilisation des produits dexeacuteregravese et du placenta (art L 1235-2 et

1245-2 c santeacute publ) Pour les preacutelegravevements sur personne deacuteceacutedeacutee la regravegle mal veacutecue et

contourneacutee du consentement est ameacutelioreacutee obligeant le meacutedecin agrave recueillir aupregraves de ses

proches une eacuteventuelle opposition exprimeacutee par le deacutefunt de son vivant (art L 1232-1 c

santeacute publ) les proches se voyant reconnaicirctre le droit de connaicirctre les preacutelegravevements effectueacutes

3 Nonobstant les appels aux dons la peacutenurie de greffons saggrave en France selon

lEtablissement franccedilais des greffes qui constate une baisse des preacutelegravevements dorganes

(communiqueacute du 8 avr 2004) ce qui conduit lAcadeacutemie de meacutedecine agrave reacuteclamer de

19

nouvelles modifications reacuteglementaires afin dassouplir les regravegles de seacutelection des donneurs

(communiqueacute du 11 mai 2004) Cette situation ne doit toutefois pas conduire agrave des

discriminations ignoreacutees de la reacuteglementation sanitaire et contraires agrave notre tradition juridique

larrecirct du Conseil dEtat du 30 avril 2004 sen fait leacutecho En lespegravece un ressortissant

marocain en situation irreacuteguliegravere atteint dune grave insuffisance reacutenale chronique et inscrit

sur la liste des receveurs de greffes dorganes en vue dune transplantation reacutenale se voit

notifier une mesure de reconduite agrave la frontiegravere sur le fondement de larticle 25 de

lordonnance du 2 novembre 1945 Larrecircteacute deacutecidant cette reconduite est annuleacute comme

entacheacute dune erreur manifeste dappreacuteciation des conseacutequences de cet arrecircteacute sur la situation

personnelle de linteacuteresseacute car il ne pouvait pas beacuteneacuteficier dune opeacuteration de transplantation

dans son pays dorigine Peut-on voir dans cette solution tregraves humaine une application preacutecoce

du principe nouvellement inscrit dans le nouvel article L 1231-1 A c) du code de la santeacute

publique qui impose le respect du principe deacutequiteacute dans les regravegles de reacutepartition et

dattribution des greffons

4 La question des soins imposeacutes suscite toujours des questions deacutelicates autant sur un plan

humain quun plan juridique Le droit pour le patient majeur de donner lorsquil se trouve en

leacutetat de lexprimer son consentement agrave un traitement meacutedical comme le rappelle lalineacutea 2 de

larticle 16-3 revecirct le caractegravere dune liberteacute fondamentale (CE ord reacutef 16 aoucirct 2002 D

2004 Somm p 602 obs J Penneau RTD civ 2002 p 781 obs J Hauser) Larticle L

1111-4 du code de la santeacute publique tel quissu de la loi du 4 mars 2002 sur le droit des

malades prescrit que le pouvoir de deacutecision sexerce avec le professionnel de santeacute compte

tenu des informations et des preacuteconisations quil lui fournit le meacutedecin ne dispose plus

deacutesormais que dun pouvoir de conseil qui lui interdit de passer outre la volonteacute du patient

mecircme en cas durgence vitale Le meacutedecin doit respecter la volonteacute de la personne apregraves

lavoir informeacutee des conseacutequences de ses choix (il nest dailleurs pas obligeacute de la convaincre

Cass 1re civ 18 janv 2000 D 2001 Jur p 3559 note M-L Mathieu-Izorche) aucun acte

ni aucun traitement ne peut ecirctre pratiqueacute sans le consentement libre et eacuteclaireacute de la personne

consentement quelle peut retirer agrave tout moment Toutefois parmi les soins imposeacutes les

obligations de vaccination tiennent une place particuliegravere Bien accepteacutees par le public

lorsquelles furent introduites pour lutter contre des eacutepideacutemies dont chacun pouvait mesurer

autour de soi les effets deacutevastateurs (la premiegravere vaccination obligatoire remonte agrave la loi du 15

feacutevr 1902 F Moderne Le reacutegime juridique des vaccinations obligatoires AJDA 1965 p

195) ces mesures autoritaires encore nombreuses (contre la diphteacuterie art L 3111-1 c santeacute

publ le teacutetanos art L 3111-2 c santeacute publ la poliomyeacutelite art L 3111-3 c santeacute publ

la tuberculose art L 3111-4 c santeacute publ) sont aujourdhui contesteacutees au nom de la liberteacute

individuelle alors que ces grandes pandeacutemies ont peu agrave peu replieacute leurs ailes de mort sur

notre pays du moins Dans un arrecirct dAssembleacutee du 3 mars 2004 (Association Liberteacute

Information Santeacute RFDA 2004 p 581 concl comm du gouv G Le Chatelier AJDA

2004 p 971) le Conseil dEtat a eu loccasion de preacuteciser les pouvoirs reacuteglementaires dont

peut disposer le ministre de la Deacutefense pour imposer certaines vaccinations obligatoires

contrairement aux conclusions du commissaire du gouvernement il a admis que le ministre de

la Deacutefense en tant que chef de service peut imposer des vaccinations aux militaires placeacutes

sous son autoriteacute Si le principe dinteacutegriteacute du corps ne constitue pas en lui-mecircme un principe

agrave valeur constitutionnelle il concourt toutefois agrave assurer le respect du principe constitutionnel

de sauvegarde de la digniteacute de la personne humaine (Cons const 27 juill 1994 RJC p 100

B Edelman Le Conseil constitutionnel et lembryon D 1995 Chron p 205 Jur p 237 note

B Mathieu Somm p 299 obs L Favoreu) Cette expression essentielle et incarneacutee de la

liberteacute individuelle doit ecirctre concilieacutee avec des impeacuteratifs sociaux de santeacute dont la valeur nest

pas moindre La Haute juridiction administrative avait deacutejagrave eu loccasion de preacuteciser que les

20

dispositions imposant des vaccinations obligatoires si elles ont pour effet de porter une

atteinte limiteacutee aux principes dinviolabiliteacute et dinteacutegriteacute du corps humain voient leur mise en

oeuvre justifieacutee dans le but dassurer la protection de la santeacute dont le principe se trouve garanti

par le Preacuteambule de la Constitution de 1946 et sont proportionneacutees agrave cet objectif (CE 26 nov

2001 ALIS req ndeg 222741 RFDA 2002 p 65 concl comm du gouv S Boissard) Cest

normalement agrave la loi quil revient darbitrer entre ces deux principes Dans une autre affaire

(CA Pau 19 mars 2002 Dr fam 2004 ndeg 137 obs M S) des parents avaient eacuteteacute

condamneacutes agrave des peines contraventionnelles pour avoir soustrait leurs enfants agrave lobligation

vaccinale pour des raisons religieuses Ces deacutecisions ont eacuteteacute rendues alors que la loi du 4 mars

2002 sur le droit des patients neacutetait pas entreacutee en vigueur le renforcement de la liberteacute du

patient serait-elle de nature agrave assouplir les obligations vaccinales La jurisprudence de la

Cour europeacuteenne des droits de lhomme semble aller en ce sens (CEDH 9 juill 2002 ndeg

4219798 Salvetti c Italie une vaccination obligatoire en tant que traitement meacutedical non

volontaire constitue une ingeacuterence dans le droit au respect de la vie priveacutee reconnu par lart 8

sect 1 Conv EDH) Quil nous soit permis deacutemettre des reacuteserves sauf agrave ruiner toute la politique

de preacutevention mise en place par les autoriteacutes sanitaires depuis un siegravecle et dont les effets

salutaires ne sont pas contestables la reacutesistance des juridictions administratives qui sous-tend

larrecirct dAssembleacutee rapporteacute face aux derniers avatars dun certain extreacutemisme libertarien

dont le corps devient le bastion (pour un bon exposeacute de ces thegraveses Onfray Feacuteeacuteriques

anatomiques geacuteneacutealogie du corps faustien Grasset-Fasquelle 2003) montre que lhypothegravese

est ici bien diffeacuterente dun simple refus de soin comme dans le cas des transfusions elles ne

mettent en jeu que la vie du patient (sur cette derniegravere question B Mathieu De la difficulteacute

de choisir entre la liberteacute et la vie RGDM 2003 ndeg 9 p 97 A Garay Volonteacutes et liberteacutes

dans la relation meacutedecin-malade la mise agrave leacutepreuve des articles 16-3 du code civil et L

1111-4 du code de la santeacute publique RGDM 2003 ndeg 10 p 143)

5 Moins sujet agrave deacutebat larrecirct rendu par la Cour europeacuteenne (22 juill 2003 req ndeg 2420994

RD publ 2004 ndeg 3 p 826 note C Picheral) qui condamne la Turquie pour ingeacuterence dans

le droit au respect de la vie priveacutee reconnu par larticle 8 sect 1 de la Convention europeacuteenne

Dans cette affaire la plaignante avait subi un examen gyneacutecologique forceacute destineacute agrave prouver

agrave lissue de sa garde agrave vue quelle navait pas subi de violences sexuelles La Cour europeacuteenne

qui integravegre deacutesormais le respect du corps humain dans la sphegravere de la vie priveacutee fait ici une

application logique de larticle 8 dans la ligne de la jurisprudence preacuteceacutedemment citeacutee

2 - Indisponibiliteacute et extra-patrimonialiteacute du corps humain

6 Le principe dextra-patrimonialiteacute du corps humain se trouve repris par les articles 16-1

alineacutea 3 16-5 et 16-6 du code civil quil est parfois difficile de distinguer du principe

dindisponibiliteacute du corps humain que la jurisprudence fonde sur larticle 1128 du mecircme code

(Cass ass pleacuten 31 mai 1991 D 1991 Jur p 417 rapp Y Chartier note D Thouvenin) Si

la qualification dindisponibiliteacute a eacuteteacute eacutecarteacutee du vocabulaire des lois de 1994 et de 2004

comme par la doctrine dominante pour cause dambiguiumlteacute (D Fenouillet Respect et protection

du corps humain J-Cl civil art 16 agrave 16-12 fasc 12 ndeg 134 s) la jurisprudence y revient

parfois pour affirmer que le corps nest pas une chose dans le commerce Larrecirct de la Cour

dappel de Paris du 16 mai 2003 reacuteforme sur ce point un jugement du Tribunal des affaires de

seacutecuriteacute sociale de Paris du 5 juillet 2001 qui avait agrave tort exoneacutereacute une prostitueacutee du paiement

de la cotisation dallocations familiales des travailleurs indeacutependants au motif quanalyser une

activiteacute sexuelle reacutemuneacutereacutee comme un travail reviendrait agrave admettre que le commerce du

corps humain est leacutegal alors que leacutegaliser ce commerce aboutit agrave nier et agrave rejeter le principe

dindisponibiliteacute du corps humain La cour rappelle agrave bon droit que le commerce des relations

sexuelles nest pas en soi illicite seules eacutetant interdites certaines conditions dexercice de cette

21

activiteacute en tant quelles conduiraient aux infractions de racolage et de proxeacuteneacutetisme Affirmer

que lactiviteacute en cause na aucun lien avec lindisponibiliteacute du corps humain a quelque chose

de surreacutealiste le fait quelle ne soit pas peacutenalement reacuteprimeacutee nempecircche pas le caractegravere

illicite du contrat passeacute entre la prostitueacutee et son client (dans ce sens pour la nulliteacute dune

assurance souscrite par un proxeacutenegravete contre les accidents corporels freacutequents dans ce genre

dactiviteacutes CA Paris 22 janv 1992 Juris-Data ndeg 020308) Reste la justification de la

deacutecision par la relative autonomie du droit des prestations sociales larticle R 241-2 du code

de la seacutecuriteacute sociale vise toutes les activiteacutes non salarieacutees mecircme de caractegravere accessoire La

Chambre sociale de la Cour de cassation a deacutejagrave admis la prostitution au titre de ces activiteacutes

(18 mai 1995 D 1996 Somm p 38 obs X Preacutetot) eacutecarter les activiteacutes de prostitution de

lassiette des cotisations sociales ne serait-ce pas les encourager davantage au risque pour

lEtat de reprendre agrave son compte le ceacutelegravebre adage de Vespasien

7 Nous rappellerons encore larrecirct rendu par la premiegravere Chambre civile le 9 deacutecembre 2003

confirmant le rejet de ladoption pleacuteniegravere par la femme du pegravere dune enfant qui est le fruit

dune convention de megravere porteuse Lamie dun couple steacuterile avait accepteacute en 1987

dabandonner agrave sa naissance sans indication de filiation maternelle lenfant conccedilu des relations

intimes quelle avait eues avec leacutepoux La demanderesse au pourvoi soutenait que lilliceacuteiteacute de

la convention neacutetait pas eacutetablie par la jurisprudence et par la loi au moment des faits et quil

fallait prendre en consideacuteration pour ladoption pleacuteniegravere les douze anneacutees passeacutees par lenfant

aupregraves delle les inteacuterecircts de ce dernier primant la neacutecessiteacute de sanctionner la convention La

Cour de cassation confirmant sa jurisprudence du 31 mai 1991 (preacutec) et du 29 juin 1994 (D

1994 Jur p 581 note Y Chartier) rappelle laquo que la materniteacute pour autrui dont le caractegravere

illicite se deacuteduit des principes geacuteneacuteraux du code civil et aujourdhui de son article 16-7

reacutealise un deacutetournement de linstitution de ladoption que les premiers juges ont agrave bon droit

refuseacute raquo Prudemment la Haute juridiction neacutevoque pas la notion dindisponibiliteacute cet laquo

imaginaire de la doctrine raquo (M Gobert Reacuteflexions sur les sources du droit et les principes

dindisponibiliteacute du corps humain et de leacutetat des personnes RTD civ 1992 p 489) pour se

contenter logiquement de viser larticle 16-7 qui a vocation agrave sappliquer mecircme si le contrat

reste secret la graviteacute du vice initial de la materniteacute pour autrui contaminant toute adoption

ulteacuterieure

8 Le Tribunal administratif dAmiens dans sa deacutecision du 9 mars 2004 fait une application

discutable de la notion dextra-commercialiteacute des eacuteleacutements et des produits du corps humain

dans une hypothegravese ougrave cette qualification ne devait pas jouer Un couple perd ses embryons

congeleacutes in vitro en raison de la deacutefaillance du mateacuteriel de conservation imputable agrave un

eacutetablissement hospitalier Peut-il se preacutevaloir dun preacutejudice indemnisable dans le cadre de

laction en responsabiliteacute quil engage contre cet eacutetablissement La juridiction administrative

saisie admet la responsabiliteacute de la personne publique le mateacuteriel de conservation lui

appartenant eacutetant en cause mais sur la question de la reacuteparation du preacutejudice subi reacutepond de

maniegravere surprenante laquo si les eacutepoux peuvent se preacutevaloir de lexistence dun preacutejudice

mateacuteriel reacutesultant de la perte dovocytes les dispositions de larticle 16-1 du code civil selon

lesquelles le corps humain ses eacuteleacutements et ses produits ne peuvent faire lobjet dun droit

patrimonial sopposent agrave ce quils puissent en demander la reacuteparation en argent raquo et il

poursuit laquo les ovocytes surnumeacuteraires neacutetant pas des personnes ils ne sont pas fondeacutes agrave se

preacutevaloir dun preacutejudice moral reacutesultant selon eux de la perte decirctres chers raquo Le couple se

voit toutefois allouer 10 000 euros de dommages-inteacuterecircts pour les laquo troubles divers raquo dans

leurs conditions dexistence Si les ovocytes ne sont pas eacutevaluables en argent et si leur perte ne

peut donc pas justifier un preacutejudice mateacuteriel il nen va pas de mecircme dun preacutejudice moral

causeacute par leur perte (la perte dun animal domestique le justifie en droit civil ) et surtout le

22

preacutejudice reacutesultant de la perte dune chance de devenir parents pour un couple deacutejagrave acircgeacute et qui

rencontre des difficulteacutes pour procreacuteer degraves lors quaurait pu ecirctre eacutetablie la disparition par

leffet de la faute imputeacutee agrave leacutetablissement hospitalier de leacuteveacutenement favorable la

probabiliteacute de la naissance dun enfant (en droit meacutedical G Meacutemeteau Gaz Pal 1997 2

Doctr p 1367) La juridiction administrative a manqueacute une occasion de faire avancer le droit

biomeacutedical dans une affaire inattendue et hautement symbolique

B - Reacuteglementation des eacuteleacutements et les produits du corps

Prenant appui sur les principes geacuteneacuteraux gouvernant le statut du corps humain le reacutegime

juridique des eacuteleacutements et des produits biologiques dorigine humaine peut toutefois preacutesenter

des particulariteacutes

1 - La greffe de visage

9 Le Comiteacute consultatif national deacutethique dans son avis ndeg 82 du 6 feacutevrier 2004 eacutemet un

avis deacutefavorable au preacutelegravevement du visage dune personne deacuteceacutedeacutee ou en langage meacutedical agrave

lallotransplantation de tissus composites En deacutepit des besoins eacutevidents pour la chirurgie

reconstructive des victimes deacutefigureacutees agrave la suite daccidents ou de suicides manqueacutes le

Comiteacute consultatif considegravere que des obstacles dirimants subsistent actuellement pour

ladmission dun tel preacutelegravevement les perspectives de laquo reacuteussite raquo dune telle opeacuteration

demeurent tregraves theacuteoriques les risques de rejet des greffons eacutetant laquo extrecircmement graves raquo il

paraicirct par ailleurs fort deacutelicat de solliciter lautorisation de la famille du deacuteceacutedeacute pour effectuer

les preacutelegravevements la signification eacutethique particuliegravere du visage humain son lien intime agrave la

personnaliteacute et agrave lidentiteacute en font davantage quune piegravece anatomique Cette prudence sinscrit

dans le cadre des principes traditionnels du droit meacutedical la technique envisageacutee relevant

pour lheure davantage de lexpeacuterimentation que de la theacuterapeutique

2 - Les banques de sang de cordon ombilical

10 Les cellules heacutematopoiumleacutetiques preacutesentes dans le sang du cordon ombilical peuvent ecirctre

utiliseacutees pour le traitement de certaines maladies geacuteneacutetiques elles peuvent notamment

repeupler la moelle osseuse du patient et constituer une source de cellules sanguines offrant

ainsi une solution alternative agrave la greffe de moelle osseuse Des banques de ces cellules ont

eacuteteacute creacuteeacutees dans des institutions hospitaliegraveres et plus reacutecemment dans le secteur priveacute Ces

activiteacutes pour certaines agrave but lucratif suscitent eacutevidemment des questions juridiques et

eacutethiques Le Comiteacute national sest en France pencheacute sur ce problegraveme (avis ndeg 74 du 12 deacutec

2002) de mecircme que divers organismes de santeacute europeacuteens Le Groupe europeacuteen deacutethique

institueacute aupregraves du preacutesident de la Commission europeacuteenne a consacreacute agrave ce point son avis ndeg

16 rendu le 16 mars 2004 En substance les sages du Groupe europeacuteen critiquent vivement

louverture de cette activiteacute au secteur commercial degraves lors que les banques priveacutees noffrent

pas un laquo service utile en termes de possibiliteacutes theacuterapeutiques raquo (pt 21) et meacuteritent decirctre

eacutetroitement encadreacutees comme elles le seraient dailleurs en France Dun point de vue plus

geacuteneacuteral ces banques priveacutees de sang ombilical qui demeurent en veacuteriteacute assez marginales

posent la question des activiteacutes commerciales dans les secteurs sensibles de la santeacute qui nest

pas reacutesolue de maniegravere uniforme au sein de lUnion europeacuteenne Ladoption de

reacuteglementations telles que la directive CE ndeg 2004-23 du 31 mars 2004 concernant les aspects

de seacutecuriteacute et de qualiteacute pour les diffeacuterentes opeacuterations relatives aux eacuteleacutements biologiques

dorigine humaine va dans le sens de cette harmonisation

3 - Les normes europeacuteennes de qualiteacute et de seacutecuriteacute concernant les diffeacuterentes opeacuterations

relatives aux tissus et aux cellules humains

11 La directive CE ndeg 2004-23 du 31 mars 2004 constitue un texte important dans un secteur

ougrave lharmonisation communautaire tardait nonobstant le maillage reacuteglementaire existant en

23

matiegravere de meacutedicaments agrave usage humain (Dir CE ndeg 2001-83 du 6 nov 2001) Le texte

sapplique essentiellement aux eacuteleacutements biologiques destineacutes agrave lhomme ou agrave la fabrication de

produits manufactureacutes y compris pour des buts cosmeacutetiques agrave lexception des produits

destineacutes agrave des greffes autologues dans le cadre dune intervention chirurgicale unique du sang

et des produits sanguins (Dir CE ndeg 2002-98 du 27 janv 2002) des organes ou des parties

dorganes utiliseacutes aux mecircmes fins que lorgane entier dans le corps humain Les utilisations agrave

des fins de recherche sont eacutegalement exclues La directive sapplique en revanche aux gamegravetes

et aux cellules souches embryonnaires mais laisse aux Etats membres la faculteacute den autoriser

lutilisation Dune maniegravere geacuteneacuterale le texte communautaire nimpose pas de modegravele eacutethique

mais des obligations techniques dans un but de seacutecuriteacute sanitaire comprenant notamment la

mise en place dun systegraveme qualiteacute et de traccedilabiliteacute la deacutesignation dune personne responsable

mais il insiste cependant sur la gratuiteacute des dons et les exigences en matiegravere de consentement

La transposition qui ne devrait pas affecter de maniegravere sensible le cadre juridique franccedilais

actuel doit intervenir avant le 7 avril 2006

4 - Les cellules souches embryonnaires

12 Moins de deux mois apregraves ladoption de la reacutevision des lois bioeacutethiques et en application

de larticle 37 du nouveau texte qui autorise agrave titre transitoire avant la mise en place de

lAgence de la Biomeacutedecine les ministres concerneacutes agrave permettre limportation agrave des fins de

recherche de cellules souches embryonnaires humaines un deacutecret et un arrecircteacute (JO ndeg 228 du

30 sept 2004 p 16804) du 28 septembre 2004 viennent dy proceacuteder Les recherches sur ces

cellules fort contesteacutees il y a encore peu puisque la preacuteceacutedente autorisation dimportation de

cellules souches dorigine embryonnaire avait fait lobjet dun contentieux (TA Paris 21 janv

2003 D 2004 Somm p 532 obs H Gaumont-Prat LPA 2003 ndeg 196 p 7 note B

Pauvert) entrent donc rapidement dans la reacutealiteacute Ces souches importeacutees seront rapidement

supplanteacutees par pregraves de 50 000 embryons congeleacutes en France dont les geacuteniteurs ont renonceacute agrave

ce quils accegravedent agrave la naissance et qui vont pouvoir prochainement servir de mateacuteriel

dexpeacuterimentation comme la loi nouvelle lautorise deacutesormais

Mots cleacutes

PERSONNE HUMAINE Panorama 2004

Gazette du Palais 29 mai 2004 ndeg 150 P 15 - Tous droits reacuteserveacutes

Famille - Personnes

040412

ADOPTION Adoption pleacuteniegravere - Enfants pouvant faire lobjet dune adoption - Enfant neacute dune megravere

porteuse (non)

La materniteacute pour autrui dont le caractegravere illicite se deacuteduit des principes geacuteneacuteraux du Code

civil et aujourdhui de son article 16-7 reacutealise un deacutetournement de linstitution de ladoption

que les juges du fond ont donc agrave bon droit refuseacute de prononcer sans violer aucun des textes

invoqueacutes

C cass 1re civ 9 deacutecembre 2003 Mme X c Procureur geacuteneacuteral pregraves le Cour dappel de Y-

Pourvoi ndeg 0103927 Q - Rejet (C app Paris 1er feacutevrier 2001) - gr ndeg 1644P

NOTE

Reacuteiteacuteration de linterdiction dune adoption lieacutee agrave une procreacuteation pour le compte

dautrui -

24

Larrecirct rendu le 9 deacutecembre 2003 ne surprendra pas puisquil sinscrit dans la ligne traceacutee par

la Cour de cassation depuis 1989 confirmeacutee par la loi du 29 juillet 1994 relative au respect du

corps humain

En lespegravece Georges D et Denise M seacutetaient marieacutes le 15 deacutecembre 1962 et avaient eu un

enfant Fabrice neacute le 11 novembre 1966 Leacutepouse nayant pu avoir un deuxiegraveme enfant

pourtant vivement souhaiteacute le couple se serait adresseacute agrave une laquoamieraquo qui aurait accepteacute davoir

des relations intimes avec Georges D jusquagrave ce quelle conccediloive un enfant quil eacutetait convenu

de laisser degraves sa naissance au pegravere et agrave son eacutepouse

Cest ainsi que serait neacutee Sarah le 4 juillet 1987 qui fut deacuteclareacutee sur les registres de leacutetat civil

sans indication de filiation maternelle reconnue par Georges D puis recueillie aussitocirct par

celui-ci et son eacutepouse Cette derniegravere avait pris la preacutecaution de seacuteloigner de son domicile

pendant les derniers mois du deacuteveloppement in utero de lenfant afin que la substitution

maternelle soit ignoreacutee de lentourage des deux eacutepoux

Il sagissait donc bien selon les propres dires de Georges et Denise D dune materniteacute pour

autrui sans recours aux techniques modernes de procreacuteation meacutedicalement assisteacutee selon un

processus agrave la fois naturel et vieux comme le monde (1)

En janvier 1999 Denise D a saisi le Tribunal de grande instance dune requecircte en adoption

pleacuteniegravere de la fille de son mari

Le Tribunal par jugement du 8 deacutecembre 1999 puis la Cour dappel de Paris par arrecirct du 1er

feacutevrier 2001 ont rejeteacute sa demande au motif quen application des art 6 et 1128 C civ la

convention par laquelle une femme sengage agrave concevoir et agrave porter un enfant pour

labandonner agrave sa naissance est nulle car elle contrevient tant au principe dordre public de

lindisponibiliteacute du corps humain quagrave celui de lindisponibiliteacute de leacutetat des personnes et que

ladoption envisageacutee neacutetait que lultime phase dun processus illicite constitutif dun

deacutetournement de linstitution de ladoption

On reconnaicirctra lagrave les formules mecircmes employeacutees par la Cour de cassation notamment dans

son arrecirct dassembleacutee pleacuteniegravere du 31 mai 1991 (2) Il nest donc pas eacutetonnant que la Cour

suprecircme ait rendu un arrecirct de rejet dautant plus que sa jurisprudence a eacuteteacute conforteacutee par le

nouvel art 16-7 inseacutereacute dans le Code civil par la loi ndeg 94-653 du 29 juillet 1994 (3) qui

dispose que toute convention portant sur la procreacuteation ou la gestation pour le compte dautrui

est nulle

La Cour de cassation a bien entendu viseacute expresseacutement ce texte nouveau mais elle a tenu agrave

rappeler que le caractegravere illicite se deacuteduisait aussi des principes geacuteneacuteraux du Code civil

faisant ainsi implicitement reacutefeacuterence aux art 6 et 1128 de ce Code sur lesquels elle avait

preacuteceacutedemment fondeacute sa position

Le moyen de cassation tentait deacutechapper agrave la jurisprudence de la Cour suprecircme en se fondant

sur les circonstances de lespegravece et notamment sur le fait que la requecircte en adoption navait

eacuteteacute formeacutee que douze anneacutees apregraves la naissance de lenfant de sorte que lindivisibiliteacute entre la

materniteacute pour autrui et ladoption ne serait pas caracteacuteriseacutee Mais la Cour dappel avait

reacutepondu agrave cette argumentation en eacutenonccedilant que labandon de lenfant agrave naicirctre objet de

lobligation contracteacutee par la megravere biologique eacutetait destineacute agrave permettre que lenfant reconnu

par Georges D puisse ecirctre adopteacute par son eacutepouse et en soulignant que celle-ci avait dans le

mecircme but accepteacute linseacutemination dune autre femme par les gamegravetes de son mari et quelle

avait participeacute activement au processus en prenant toutes preacutecautions pour que la substitution

de materniteacute soit ignoreacutee des tiers

Denise D soutenait en outre que linteacuterecirct de lenfant retenu tant par lart 353 C civ que par

les art 3 et 21 de la Convention internationale des droits de lenfant devait primer sur le souci

de sanctionner lilliceacuteiteacute de la convention qui avait preacutesideacute agrave sa conception et agrave sa naissance

La Cour de cassation ne sest pas arrecircteacutee agrave cette argumentation pas plus quelle ne sy eacutetait

arrecircteacutee en 1991 pour elle lensemble de lopeacuteration est indivisible le deacutetournement de

25

linstitution de ladoption est caracteacuteriseacute et il convient de lutter contre la politique du fait

accompli (4) Laccepter au nom de linteacuterecirct de lenfant ne conduirait-il pas comme on la

souligneacute en doctrine (5) agrave admettre le commerce des enfants sous preacutetexte que bien souvent

ceux-ci y trouveraient beacuteneacutefice

(1) Selon la Bible Sarah eacutepouse dAbraham ne pouvant avoir denfant de lui lenvoya aupregraves

de son esclave eacutegyptienne Agar dont il eut un fils Ismaeumll Agar fut renvoyeacutee avec celui-ci

lorsque Sarah tregraves acircgeacutee mit au monde Isaac le fils de la promesse

Cest sans doute une coiumlncidence si nous trouvons aussi dans notre affaire une laquoSarahraquo qui

tient il est vrai un rocircle tout diffeacuterent de celui deacutevolu agrave son homonyme biblique

Lhistoire reacutevegravele eacutegalement des cas relativement freacutequents ougrave pour pallier agrave la steacuteriliteacute du

mari et pour permettre la continuation de la ligneacutee et la perpeacutetuation dun nom ou dun titre un

laquovaletraquo - souvent ensuite renvoyeacute - eacutetait chargeacute de feacuteconder leacutepouse Le proceacutedeacute eacutetait

juridiquement parfait dans la mesure ougrave par le jeu de la preacutesomption de paterniteacute le mari

devenait leacutegalement le pegravere de lenfant

(2) Cass ass pleacuten 31 mai 1991 Bull civ 1991 ndeg 4 Gaz Pal Rec 1991 panor cass p

162 [912144] D 1991 jur p 417 rapport Y Chartier note G Thouvenin JCP 1991 II

21752 comm J Bernard concl H Dontenwille note F Terreacute Defreacutenois 1991 art 35088

ndeg 67 p 948 obs J Massip RTD civ 1991 517 obs D Huet-Weiller Dans le mecircme sens

v Cass civ 1re 29 juin 1994 Bull civ 1994 I ndeg 226 Gaz Pal Rec 1995 jur p 36 note

J B [943856] D 1994 jur p 581 note Y Chartier JCP 1995 II 223621 note J Rubellin-

Devichi RTD civ 1994 p 842 obs J Hauser Defreacutenois 1995 art 36024 ndeg 4 p 315

obs J Massip

V aussi Cass civ 1re 13 deacutecembre 1989 Bull civ 1989 I ndeg 387 Gaz Pal Rec 1990

panor cass p 66 [901122] D 1990 jur p 273 rapport J Massip Defreacutenois 1990 art

34802 ndeg 55 p 743 obs J-L Aubert et art 34815 p 862 rapport J Massip et JCP 1990 II

21526 note A Seriaux Dans cette affaire la Cour de cassation avait proclameacute par des motifs

analogues agrave ceux adopteacutes par les arrecircts de 1991 et 1994 le caractegravere illicite de la materniteacute

pour autrui et des associations qui sefforcent de la promouvoir

(3) Sur cette loi v notamment notre commentaire in Defreacutenois 1975 art 35975 et 35922

speacutecialement en ce qui concerne lart 16-7 C civ le ndeg 9 de cette eacutetude p 72

(4) Sur ces divers points v notre note preacuteciteacutee sous Cass ass pleacuten 31 mai 1991

(5) Obs J Hauser sous larrecirct rendu le 1er feacutevrier 2001 par la Cour dappel de Paris dans le

preacutesente affaire in RTD civ 2001 347

AD2008DEF0291N1

Reacutepertoire du Notariat Defreacutenois 15 feacutevrier 2008 ndeg 3 P 291 - Tous droits reacuteserveacutes

FILIATION

38717 La convention de megravere porteuse

(Reacuteflexions sur les sources du droit et les principes dindisponibiliteacute du corps humain et de leacutetat des personnes)

Le droit franccedilais prohibe les conventions de megraveres porteuses

26

Malgreacute linterdiction leacutegale de nombreux couples ont chercheacute et cherchent encore agrave

contourner cette interdiction notamment en ayant recours agrave des megraveres de substitution dans

des pays eacutetrangers ougrave cette pratique est autoriseacutee

La Cour de cassation veille agrave ce que linstitution de ladoption ne soit pas deacutetourneacutee au profit

de ces parents

Dans un arrecirct du 25 octobre 2007 la cour dappel de Paris vient de reacuteouvrir le deacutebat non sur

le terrain de la convention mais sur celui de la non-transcription des actes de naissance et de

linteacuterecirct supeacuterieur de lenfant

Une excellente occasion de faire le point sur la question et de sinterroger pour lavenir avant

la reacutevision de la loi bioeacutethique en 2009

par Rabih CHENDEB

Docteur en droit

ATER agrave lUniversiteacute de Picardie Jules Verne

laquo La science va Elle est ineacuteluctable Ce quil faut cest la rendre eacutethique raquo (1)

Le droit positif franccedilais interdit de recourir aux megraveres porteuses si un couple conccediloit un

embryon in vitro qui est implanteacute dans luteacuterus dune tierce femme cest cette tierce femme

qui est la megravere selon la loi franccedilaise et les parents biologiques ne peuvent avoir aucun droit

mecircme en cas dabandon de lenfant agrave la naissance par la megravere porteuse La loi bioeacutethique de

1994 a interdit la gestation pour autrui car cela soulevait des questions

dinstrumentalisation et de commercialisation du corps de la femme

De nombreux couples en mal denfants ont depuis longtemps chercheacute agrave contourner les regravegles

notamment en ayant recours agrave des megraveres de substitution qui vivent dans des pays ougrave cette

pratique est autoriseacutee Jusquagrave preacutesent la Cour de cassation ne sy est jamais laisseacutee prendre et

condamnait ladoption faite par les parents de lenfant de la megravere porteuse consideacuterant quil

sagissait dun deacutetournement de linstitution de ladoption (I)

Le 25 octobre 2007 la cour dappel de Paris vient donner lespoir dune ouverture vers

lacceptation dans linteacuterecirct de lenfant de cette deacutemarche Cette deacutecision de la cour dappel

pourrait changer les choses en attendant la reacutevision de la loi bioeacutethique preacutevue en 2009 Une

chose est sucircre cet arrecirct a le meacuterite douvrir le deacutebat et de poser la question de linteacuterecirct de

lenfant comme exception agrave lindisponibiliteacute de leacutetat des personnes et agrave linterdiction de la

pratique des megraveres porteuses Une certaine eacutevolution des mentaliteacutes ainsi que la dispariteacute

entre la loi franccedilaise et dautres leacutegislations nationales pourraient donner lieu agrave un

assouplissement de cette leacutegislation (II)

I Lhostiliteacute du leacutegislateur et de la jurisprudence agrave leacutegard de la convention de megravere porteuse

Au siegravecle dernier seacutetaient deacuteveloppeacutees des associations ayant pour but de faire se rencontrer

des couples deacutesireux davoir un enfant et des femmes acceptant de le porter pour ensuite le

leur laquo ceacuteder raquo par contrat Pour des raisons plus ou moins louables le proceacutedeacute fut rapidement

condamneacute par le droit franccedilais (A) tout comme ladoption qui sen suivait (B)

27

A Le caractegravere illicite de la convention de megravere porteuse

La megravere porteuse met en effet agrave mal le scheacutema classique de la famille On affirmait en Droit

romain que la megravere eacutetait sucircre et que le pegravere eacutetait le mari Le Code napoleacuteon a enteacuterineacute cette

conception Dire que lenfant possegravede une megravere geacuteneacutetique et une megravere uteacuterine va agrave lencontre

de ses dispositions (2)

Pris au deacutepourvu le leacutegislateur franccedilais a tardeacute agrave reacuteagir face aux progregraves scientifiques Il en

est reacutesulteacute un vide juridique auquel la jurisprudence sest efforceacutee de faire face Devant cette

heacutesitation bien compreacutehensible du droit les ressources de la morale de la deacuteontologie et

surtout de la bioeacutethique ont eacuteteacute solliciteacutees (3) Le Conseil dEtat confronteacute aux associations

voulant intervenir dans ce domaine a ainsi prononceacute la dissolution de ces associations pour

objet illicite (4) Le 13 deacutecembre 1989 la premiegravere chambre civile de la Cour de cassation a

releveacute le principe dindisponibiliteacute du corps humain par une interpreacutetation a contrario de

larticle 1128 du Code civil qui dispose qu laquo il ny a que les choses qui sont dans le

commerce qui puissent ecirctre lobjet des conventions raquo La personne ne dispose pas de son

corps elle nen est pas proprieacutetaire (5) Le 31 mai 1991 lassembleacutee pleacuteniegravere de la Cour de

cassation vise les articles 6 1128 et 353 du Code civil afin daffirmer le caractegravere illicite de la

convention conclue entre une megravere porteuse et un couple steacuterile En effet ce contrat porte sur

deux corps humains la megravere et lenfant (6)

Rapidement le leacutegislateur est venu leacutegifeacuterer dans ce sens avec la loi no 94-653 du 29 juillet

1994 relative agrave la bioeacutethique pour que le Code civil reconnaisse le corps humain en tant que

tel Cette loi prend deacutesormais explicitement en compte le corps humain parce quil a voulu

promouvoir son respect face au deacuteveloppement des sciences biomeacutedicales Cette loi a entraicircneacute

la modification et la creacuteation darticles dans le Code civil et le Code peacutenal

Le principe du respect de la digniteacute de la personne humaine est poseacute par larticle 16 du Code

civil laquo La loi assure la primauteacute de la personne interdit toute atteinte agrave la digniteacute de celle-ci

et garantit le respect de lecirctre humain degraves le commencement de sa vie raquo Le nouvel article 16-1

preacutevoit que laquo Chacun a droit au respect de son corps Le corps humain est inviolable Le

corps humain ses eacuteleacutements et ses produits ne peuvent faire lobjet dun droit patrimonial raquo

Par conseacutequent selon larticle 16-5 laquo Les conventions ayant pour effet de confeacuterer une

valeur patrimoniale au corps humain agrave ses eacuteleacutements ou agrave ses produits sont nulles raquo De mecircme

quand une personne accepte de donner son sang ce ne peut ecirctre quagrave titre beacuteneacutevole Enfin

larticle 16-7 dispose mecircme laquo Toute convention portant sur la procreacuteation ou la gestation

pour le compte dautrui est nulle raquo (7)

En outre cette interdiction est assortie dune sanction peacutenale pouvant aller jusquagrave un an

demprisonnement et 15 000 euro damende pour celui qui sentremet ou tente de sentremettre

entre une personne ou un couple deacutesireux daccueillir un enfant et une femme acceptant de

porter en elle cet enfant en vue de le leur remettre Lorsque ces faits ont eacuteteacute commis agrave titre

habituel ou dans un but lucratif les peines sont porteacutees au double (8)

En deacutepit de la reacutesistance de quelques juges du fond qui ont admis ladoption la Cour de

cassation na pas infleacutechi sa position (9) Elle sest reacutecemment opposeacutee agrave ladoption simple

dun enfant par un couple homosexuel estimant cette adoption contraire agrave laquo linteacuterecirct supeacuterieur

de lenfant raquo (10)

28

Analyseacutes dans le contexte de ces deacutecisions les deux principes de lilliceacuteiteacute des conventions et

de lindisponibiliteacute du corps humain expriment une mecircme ideacutee la condamnation dune

convention qui porte sur le corps humain celui de lenfant agrave naicirctre et celui de la femme qui la

conccedilu et porteacute

Toutefois les motifs adopteacutes par la Cour de cassation savegraverent dune extrecircme faiblesse En

effet ces motifs sont lieacutes agrave lilliceacuteiteacute de lobjet des conventions agrave lindisponibiliteacute du corps

humain ainsi quagrave lindisponibiliteacute de leacutetat des personnes (11) Pourtant les lois dites laquo

bioeacutethiques raquo du 29 juillet 1994 puis la loi du 6 aoucirct 2004 (12) relative agrave la bioeacutethique ont

admis lutilisation des eacuteleacutements et des produits du corps humain agrave des fins theacuterapeutiques ou

scientifiques Effectivement une loi en date du 24 janvier 1953 deacutetermine laquo les tarifs de

cession du sang raquo Les dispositions sont aujourdhui dans le Code de la santeacute publique Degraves

lors on peut donner ses gamegravetes ses organes son sang Il semble que plus quune approche

anthropologique des sciences meacutedicales (qui conduiraient agrave une ineacutevitable instrumentalisation

du corps des hommes) il existerait ce que nous appelons une technoscience laquo de linvisible

raquo que seul le droit accepte de leacutegitimer (13)

Par ailleurs la terminologie employeacutee par le leacutegislateur de 1994 est eacuteloquente Cest

certainement parce que le principe dindisponibiliteacute du corps humain sest aveacutereacute irreacutealiste videacute

de sa substance par le nombre et limportance de ses exceptions que le leacutegislateur lui a preacutefeacutereacute

celui de non-patrimonialiteacute qui figure aujourdhui aux articles 16-1 16-5 et 16-6 du Code

civil Il est donc possible de disposer de son corps agrave titre de dons dans les limites de la loi

(14)

Pour conclure sur ce point il sera emprunteacute les propos de Mme Mayer-Jack laquo

Malheureusement si ce principe dindisponibiliteacute du corps humain possegravede les qualiteacutes trop

rares decirctre nettement formuleacute et universellement admis il apparaicirct agrave la reacuteflexion frappeacute dun

vice radical il se reacutevegravele contraire aux faits raquo (15)

B La nulliteacute de ladoption

En matiegravere de materniteacute de substitution lenfant reste au coeur du deacutebat Il est laquo lobjet raquo de la

convoitise du couple demandeur et lobjet de la convention En vue de permettre

leacutetablissement dune filiation adoptive deux processus eacutetaient suivis par lesdits couples

processus que la Cour de cassation sempressa dinterdire agrave son tour

1 Le contournement aveacutereacute de la loi par les couples restant en France

En effet le processus se deacuteroulait en trois eacutetapes dans un premier temps lembryon issu des

gamegravetes du couple ou du mari et de la femme porteuse eacutetait implanteacute dans luteacuterus de cette

derniegravere La megravere porteuse suivait sa grossesse normalement notamment au regard du suivi

meacutedical (16) Ensuite elle accouchait anonymement La leacutegislation autorise les

accouchements laquo sous X raquo et reconnaicirct ainsi aux parturientes le droit de ne pas ecirctre megraveres si

elles ne le deacutesirent ou ne le peuvent pas Le pegravere fournisseur de sperme quant agrave lui effectuait

une reconnaissance preacutenatale de lenfant A sa naissance il le reconnaissait Lenfant avait

donc un pegravere mais sans indication de la filiation maternelle Enfin leacutepouse de ce dernier

adoptait de maniegravere pleacuteniegravere lenfant Leacutetat de mariage de la megravere porteuse ne changeait rien

puisque laccouchement anonyme empecircchait que le mari soit consideacutereacute comme pegravere preacutesumeacute

29

Depuis larrecirct Alma Mater (17) nous savons que la convention de materniteacute de substitution

est nulle car contrevenant agrave lordre public (18) Mais jusqualors la jurisprudence avait eu le

soin de dissocier convention et adoption Toute convention portant sur la procreacuteation ou la

gestation pour le compte dautrui eacutetant nulle la convention de megravere porteuse ayant permis la

naissance de lenfant en cause est donc incontestablement frauduleuse Degraves lors la possession

deacutetat sur laquelle les demandeurs se fondent pour voir eacutetablir un lien de filiation leacutegitime agrave

leur profit et lacte de notorieacuteteacute quils ont ainsi obtenu sont eux-mecircmes vicieacutes et ne peuvent

donc permettre leacutetablissement dun tel lien Par ailleurs la Convention de New York sur les

droits de lenfant garantit notamment agrave celui-ci laccegraves agrave ses origines Or lapplication de la

convention frauduleuse aurait pour effet de consacrer un mensonge lacte de naissance qui

serait eacutetabli sur le fondement de cette convention aboutirait en effet agrave nier totalement les

conditions dans lesquelles lenfant a eacuteteacute conccedilu En conseacutequence les demandeurs ne pourront

se preacutevaloir de la possession deacutetat vicieacutee pour obtenir la retranscription de lacte de notorieacuteteacute

sur lacte de naissance de lenfant (19) Ainsi la prohibition de la convention a entraicircneacute dans

son sillage une impossibiliteacute dadoption par leacutepouse du pegravere (20) Il y a deacutetournement de

linstitution de ladoption pleacuteniegravere en ce que lenfant a eacuteteacute conccedilu pour ecirctre abandonneacute par sa

megravere et adopteacute par une autre (21)

Il en reacutesulte que cest labandon de lenfant qui rend impossible ladoption par leacutepouse du

mari Or labandon de lenfant constitue deacutejagrave une deacutemarche parfaitement licite et reacuteglementeacutee

par la loi Il suffit pour sen convaincre de lire attentivement les textes adeacutequats agrave savoir les

articles 61 et 62 du Code de la famille et de laide sociale 348-3 et 350 du Code civil et 1158

agrave 1163 du Code de proceacutedure civile Il suffit agrave la megravere et plus geacuteneacuteralement agrave la personne

investie des droits parentaux de confier 1enfant agrave un eacutetablissement ou agrave un service de laide

sociale agrave 1enfance (ASF) ou mecircme agrave un particulier puis de sen deacutesinteacuteresser

manifestement pendant une anneacutee nentretenant avec lui aucune relation neacutecessaire au

maintien de liens affectifs Le tribunal de grande instance peut degraves lors sauf agrave prendre en

consideacuteration le cas exceptionnel de grande deacutetresse du parent deacutefaillant deacuteclarer 1enfant

abandonneacute agrave la requecircte de tout inteacuteresseacute et notamment de leacutetablissement service ou famille

daccueil (22) laquo On cesse dinterdire une pratique non pas lorsquelle se deacuteveloppe mais

lorsquon ne sait plus pourquoi elle est interdite raquo (23)

Dailleurs une contradiction engendre ce refus dadoption En effet laquo consideacuterer ladoption

indissociable de la convention revient agrave ne voir lenfant que comme lobjet de cette convention

raquo (24) Ainsi les parents ont pu eacutetablir anteacuterieurement agrave la naissance le processus dont

ladoption est laquo lultime phase raquo Mais ce processus nest pas fait dans lintention de nuire agrave

lenfant Alors comment comprendre la seacuteveacuteriteacute afficheacutee de la Cour de cassation

Traiter lenfant comme une veacuteritable personne implique de dissocier la convention ougrave il

nintervient pas et ladoption dont il est partie prenante et mecircme partie principale Il faut

sinterroger sur son inteacuterecirct propre quitte agrave le confronter ensuite agrave ceux auxquels il soppose

(25)

2 Lexpansion du tourisme procreacuteatif

La dispariteacute des regravegles nationales agrave propos de la gestation pour autrui a conduit certains

couples agrave se rendre agrave leacutetranger pour pouvoir avoir recours agrave une megravere porteuse on parle

deacutesormais de laquo tourisme procreacuteatif raquo (26)

30

Lagrave encore le processus deacutebute par une inseacutemination artificielle mais les pays ayant leacutegaliseacute la

gestation pour le compte dautrui permettent par ailleurs que lembryon inseacutemineacute dans

luteacuterus de la femme soit issu de la rencontre des gamegravetes des deux parents demandeurs

Lenfant est donc geacuteneacutetiquement lenfant du couple Il a pour parent degraves sa naissance le

couple demandeur il porte leur nom et le preacutenom quils lui ont choisi Mais pour exister en

France il est neacutecessaire de recourir agrave une transcription sur les registres de leacutetat civil franccedilais

de lacte de naissance eacutetranger Lagrave encore la seacuteveacuteriteacute est de mise puisque le parquet de

Nantes qui a en charge la transcription des eacutetats civils venant de leacutetranger refuse

systeacutematiquement cette transcription qui nest pas conforme agrave la leacutegislation franccedilaise (27)

Les magistrats ont eacuteteacute confronteacutes agrave ces situations ougrave la megravere commanditaire deacutesirait eacutetablir un

lien de filiation entre elle et lenfant issu de la convention de materniteacute de substitution

Tel est par exemple le cas qui a eacuteteacute trancheacute par la cour dappel de Rennes le 4 juillet 2002

(28) Dans cet arrecirct la cour dappel a rejeteacute ladoption des enfants par un couple qui a conclu

en Californie une convention portant sur la gestation dun embryon issu de leurs propres

gamegravetes La cour relegraveve que laquo la loi franccedilaise ne donne pas une deacutefinition de la megravere raquo cette

notion est inscrite dans les mentaliteacutes depuis des siegravecles par ladage Mater semper certa est

Cest laccouchement qui deacutetermine la megravere et non la seule reacutealiteacute geacuteneacutetique

Cette jurisprudence installeacutee depuis le ceacutelegravebre arrecirct de lassembleacutee pleacuteniegravere du 31 mai 1991

constitue une atteinte directe agrave linteacuterecirct de lenfant Ce dernier est priveacute de toute filiation

maternelle leacutegalement reconnue et ce sans beacuteneacutefice pour personne (29)

Malheureusement en raison de cette solution les deux enfants sont acircgeacutes de sept ans et vivent

aupregraves de leur pegravere naturel et de sa compagne dont la materniteacute ne peut leacutegalement ecirctre eacutetablie

(30)

Cette jurisprudence preacutesente un point faible Selon larticle 353 du Code civil le tribunal de

grande instance saisi dune requecircte aux fins dadoption pleacuteniegravere veacuterifie si les conditions de

la loi sont remplies et si ladoption est conforme agrave linteacuterecirct de lenfant Or en loccurrence

le preacutetendu droit de lenfant ne coiumlncide pas avec son inteacuterecirct seul mis en avant dans 1article

353 du Code civil Le refus par la cour dappel de prononcer ladoption pleacuteniegravere a priveacute les

deux enfants (au nom de leur droit aussi eacuteminent que symbolique agrave la non-chosification) dun

avantage concret et primordial leur admission au statut denfants leacutegitimes de leurs vrais

parents geacuteneacutetiques (31) Simples enfants naturels ou adulteacuterins de leur pegravere ils demeureront

sans lien de filiation maternelle Un tel problegraveme meacuterite que les juridictions se penchent au

moins sur lui (32) La protection de linstitution de ladoption sopegravere au deacutetriment du droit

reconnu agrave lenfant deacutetablir sa filiation par le biais dune discrimination fondeacutee sur les

circonstances de sa naissance (33) La jurisprudence nous semble aller agrave lencontre des

engagements internationaux contracteacutes par la France (34)

II Leacutevolution des mentaliteacutes vers une leacutegislation plus souple

Jusquagrave preacutesent la jurisprudence a toujours interdit ladoption des enfants par des couples

ayant eu recours agrave la gestation pour autrui consideacuterant quil sagit dun deacutetournement de

linstitution de ladoption (35)

Un grand quotidien Libeacuteration reacutevegravele que la cour dappel de Paris a reconnu comme parents

leacutegitimes de jumelles un couple franccedilais ayant fait appel agrave une megravere porteuse ameacutericaine

31

Une chose est sucircre cet arrecirct a le meacuterite douvrir le deacutebat et de poser la question de linteacuterecirct de

lenfant comme exception agrave lindisponibiliteacute de leacutetat des personnes et agrave linterdiction de la

pratique des megraveres porteuses (A) Lorsque lon accepte une loi eacutetrangegravere qui a eacuteteacute appeleacutee au

secours pour contourner la loi franccedilaise la modification de la loi franccedilaise nest pas loin (B)

A Lassouplissement de la jurisprudence

Dans laffaire porteacutee devant la cour dappel de Paris que nous avons abordeacutee rapidement

preacuteceacutedemment un couple dont la femme ne peut assurer la gestation en raison dune

malformation congeacutenitale se rend en Californie ougrave il conclut une convention portant sur la

gestation dun embryon issu de leurs propres gamegravetes Des jumelles naissent de cette

convention Le droit californien fait abstraction du deacutefaut daccouchement La concubine est

inscrite comme megravere dans les registres de naissance de Californie Quelques semaines plus

tard le couple reconnaicirct les enfants en France Mais agrave leur retour dans lHexagone ils sont

placeacutes en garde agrave vue puis mis en examen pour laquo entremise entre une personne deacutesireuse

dadopter un enfant et un parent deacutesireux dabandonner son enfant neacute ou agrave naicirctre raquo et pour laquo

simulation ayant entraicircneacute une atteinte agrave leacutetat civil de lenfant raquo

En 2004 le juge dinstruction rend un non-lieu sur les poursuites peacutenales les faits seacutetant

deacuterouleacutes dans un pays ougrave cette pratique est leacutegale Le parquet a alors continueacute son offensive

sur le terrain civil et chercheacute agrave faire annuler la filiation et la transcription sur leacutetat civil Le

tribunal de grande instance a deacuteclareacute cette demande irrecevable en deacutecembre 2005 Une

deacutecision rendue par la cour dappel de Paris confirme ce jugement le 25 octobre dernier apregraves

avoir estimeacute que laquo La non-transcription des actes de naissances aurait des conseacutequences

contraires agrave linteacuterecirct supeacuterieur des enfants qui au regard du droit franccedilais se verraient priveacutes

dactes deacutetat civil indiquant leur lien de filiation y compris agrave leacutegard de leur pegravere biologique

raquo

La question sera deacutesormais soumise agrave la Cour de cassation qui a deacutejagrave pris des deacutecisions

progressistes dans des questions relatives au droit de la famille notamment dans linteacuterecirct de

lenfant Elle a ainsi fait le 24 feacutevrier 2006 un pas important vers la reconnaissance de

lhomoparentaliteacute en autorisant quun parent homosexuel deacutelegravegue tout ou partie de son

autoriteacute parentale agrave son partenaire avec lequel il vit en union stable agrave condition que cette

mesure soit prise dans linteacuterecirct supeacuterieur de lenfant (36)

Le plus important reacuteside dans le fait que la cour dappel de Paris a estimeacute que la non-

transcription sur les actes de naissance aurait des conseacutequences contraire agrave llaquo inteacuterecirct de

lenfant raquo Depuis longtemps linteacuterecirct de lenfant est au centre du droit de la famille et depuis

quelques anneacutees celui-ci devient veacuteritablement la pierre angulaire de cette discipline (37)

Dans un arrecirct du 18 mai 2005 la premiegravere chambre civile de la Cour de cassation preacutecise au

visa de larticle 3-1 de la Convention relative aux droits de lenfant que laquo dans toutes les

deacutecisions qui concernent les enfants linteacuterecirct supeacuterieur de lenfant doit ecirctre une

consideacuteration primordiale raquo (38) Mais que faut-il entendre par inteacuterecirct supeacuterieur de lenfant

(39)

Bien que le nouvel article L 112-4 du Code de laction sociale et des familles (40) et larticle

371-1 du Code civil semblent deacutefinir les eacuteleacutements constitutifs de cette notion llaquo inteacuterecirct de

lenfant raquo reste un concept assez flou que le leacutegislateur et les juges se gardent bien de deacutefinir

preacuteciseacutement on ne peut limiter linteacuterecirct supeacuterieur de lenfant agrave la protection de sa santeacute de sa

seacutecuriteacute et de sa moraliteacute Certes ces eacuteleacutements sont les bases de linteacuterecirct de lenfant mais

32

puisque celui-ci peut deacutepasser le strict cadre du droit de lautoriteacute parentale voire du droit de

la famille cette vision serait bien trop reacuteductrice

Le sens de cette notion peut encore sobscurcir si lon considegravere quelle peut se confondre avec

dautres concepts voisins Larticle 371-5 doit ainsi conduire agrave distinguer linteacuterecirct de lenfant de

celui de la fratrie En effet si celle-ci a inteacuterecirct agrave rester unie certaines circonstances permettent

deacutecarter un de ses membres dans son inteacuterecirct exclusif

Un amendement proposait cependant agrave la suite du nouvel article L 112-4 du Code de laction

sociale et des familles une deacutefinition inteacuteressante laquo Linteacuterecirct supeacuterieur de lenfant est deacutefini

comme lassurance de la protection de sa seacutecuriteacute personnelle et affective lassurance dun

contexte familial permettant un bon deacuteveloppement physique intellectuel affectif et social

lassurance dune relation dattachement parental permettant de se construire Linteacuterecirct

supeacuterieur de lenfant tel que deacutefini constitue son projet de vie raquo (41)

On ne peut que se feacuteliciter de la mise en avant de linteacuterecirct de lenfant pour deacuteroger agrave la sacro-

sainte interdiction des megraveres porteuses car il est vrai quil ne faut pas oublier que limportant

reste dabord et avant tout lenfant qui a et doit avoir une place centrale au sein de la famille

On peut envisager que cette reacutecente jurisprudence puisse influencer la reacuteflexion sur le recours

aux laquo megraveres porteuses raquo sur le territoire national qui conduise agrave une eacutevolution de la loi

B Vers une eacutevolution de la loi

Alors que la France interdit la laquo gestation pour autrui raquo cette pratique a eacuteteacute leacutegaliseacutee dans de

nombreux pays La France a donc une leacutegislation moins libeacuterale que dautres leacutegislations

nationales La pratique de la gestation pour autrui est notamment autoriseacutee aux Etats-Unis au

Canada en Australie et dans plusieurs pays de lUnion europeacuteenne (Espagne et Belgique

Gregravece et Royaume-Uni notamment) (42) La question de la leacutegalisation des megraveres porteuses

est tregraves controverseacutee en France et demanderait un strict encadrement (43)

On enseigne habituellement que les questions deacutetat ne peuvent deacutependre de la seule volonteacute

individuelle Leacutetat des personnes - le droit de la filiation en particulier - eacutechapperait aux

conventions Mais ce principe nest plus si absolu Leacutevolution contemporaine reacuteduit laspect

institutionnel Une place nettement importante a eacuteteacute faite dans lorganisation des relations

familiales agrave la volonteacute individuelle laquo Laccroissement du pouvoir des volonteacutes individuelles

dans le droit de la famille est une marque essentielle de ce droit raquo (44) Dougrave la justesse de

lexpression laquo contractualisation du droit de la famille raquo Le rocircle de la volonteacute individuelle

tend agrave ecirctre de plus en plus important (45) Tel est le cas du divorce du PACS et du mariage

La procreacuteation nest plus la finaliteacute avec larriveacutee en force dans des pays voisins du mariage

homosexuel

Une certaine eacutevolution des mentaliteacutes ainsi que la dispariteacute entre la loi franccedilaise et dautres

leacutegislations nationales pourraient bien donner lieu agrave un assouplissement de cette leacutegislation

(46)

La gestation pour autrui permet de pallier certaines formes de steacuteriliteacute feacuteminine en raison

dune absence ou dune deacuteformation duteacuterus de conseacutequences de cancer ou reacutesultant dune

hysteacuterectomie de fausses couches reacutepeacuteteacutees dune contre-indication meacutedicale agrave la grossesse ou

de nombreux eacutechecs de feacutecondations in vitro (47) Dans ce cas on implante les gamegravetes des

parents geacuteneacutetiques dans le ventre de la megravere porteuse

33

Un autre argument favorable agrave cette pratique est la certitude apaisante pour le couple steacuterile

de ce que lenfant porteacute en uteacuterus tiers nen sera pas moins leur veacuteritable enfant geacuteneacutetique

puisque conccedilu agrave partir de leurs propres gamegravetes

De plus il faut deacutenoncer une incoheacuterence Une femme empecirccheacutee par la loi de donner avant

sa grossesse agrave un couple agreacuteeacute par elle lenfant quelle portera moyennant eacutequitable

reacutecompense possegravede en revanche le droit discreacutetionnaire de labandonner une fois neacute au

hasard des eacutetablissements ou du service de lASE ou pis encore de recourir agrave une

interruption volontaire de grossesse pendant les douze premiegraveres semaines (48)

La possession deacutetat repreacutesente une valeur humaine et sociale qui doit ecirctre prise en compte en

tant que telle Comme lont joliment affirmeacute M Hauser et Mme Huet-Weiller laquo elle est la

veacuteriteacute des sentiments la veacuteriteacute du coeur tout aussi respectable sinon plus que celle des

registres deacutetat ou mecircme de nos gegravenes raquo (49) Ainsi on peut ecirctre favorable agrave cette reacuteflexion

sous certains reacuteserves

Tout dabord le couple demandeur devait avoir plus de 18 ans et linfertiliteacute devrait ecirctre

meacutedicalement eacutetablie Ensuite seule lutilisation des gamegravetes (sperme et ovocytes) du couple

serait autoriseacutee afin deacuteviter que la gestatrice soit aussi la megravere biologique de lenfant (pour

eacuteviter des liens trop forts eacutetablis entre elle et le beacutebeacute)

De son cocircteacute la megravere porteuse devait avoir plus de 18 ans et accepter de subir des tests divers

avant la grossesse Elle serait la seule agrave donner un consentement valable concernant la gestion

de sa grossesse et elle abandonnerait ses droits parentaux agrave la naissance de lenfant tout en

assistant le couple demandeur lors de la deacutelivrance du certificat de naissance Le

consentement devrait aussi ecirctre obtenu par un entretien psychologique meacutedical et juridique

Seul le juge pourrait donner laccord au deacutebut du processus Le couple demandeur devait

sengager agrave assumer la garde de lenfant degraves sa naissance afin deacuteviter soit une non-remise

denfant soit un refus de lenfant - par exemple en cas de handicap

Concernant la reacutemuneacuteration de la megravere porteuse la marchandisation est inacceptable Les

intermeacutediaires reacutemuneacutereacutes seraient interdits Le principe du volontariat et de la gratuiteacute sont

essentiels le don de vie (50)

Enfin il ne sagirait pas de reacutemuneacuteration mais de compensation financiegravere destineacutee agrave

deacutedommager les inconveacutenients lieacutes agrave la grossesse sur la base de la loi laquo Huriet raquo (loi sur la

recherche meacutedicale avec volontaires sains) Le couple demandeur devrait prendre agrave sa charge

les deacutepenses meacutedicales leacutegales et psychologiques ainsi quun montant raisonnable alloueacute agrave la

megravere porteuse pour subvenir agrave ses besoins Les juges appreacutecieraient librement ce que peut ecirctre

un montant laquo raisonnable raquo sans que cela puisse jamais ecirctre consideacutereacute comme une laquo vente raquo

denfant

(1) B Debreacute et S Agacinski laquo Faut-il leacutegaliser les megraveres porteuses en France raquo Le Figaro Magazine du samedi 10 novembre 2007 p 50

34

(2) G David laquo Don et utilisation du sperme raquo in Actes du colloque Geacuteneacutetique procreacuteation et

droit Actes sud 1985 p 205 G-M Faure Le deacutesir denfant agrave leacutepreuve du droit Essai sur le droit de la procreacuteation meacutedicalement assisteacutee Thegravese Universiteacute de Lille 1992 p 7

(3) G Lebreton Liberteacutes publiques et droits de lhomme 6e eacuted Armand Colin 2003 p 262

(4) CE 22 janvier 1988 Lebon 1988 p 37

(5) La Cour de cassation a enteacuterineacute la position de la cour dappel de Paris pour laquelle laquo ni laltruisme du comportement de la megravere de substitution ni le caractegravere deacutesinteacuteresseacute des activiteacutes de lassociation ne sont propres agrave faire disparaicirctre lilliceacuteiteacute qui frappe laccord litigieux raquo Cass civ 1re 13 deacutecembre 1989 Bull civ I no 387 Defreacutenois 1990 art 34802 no 55 obs J-L Aubert D 1990 p 273 JCP eacuted G 1990 II 21526 note A Seacuteriaux propos recueillis par C Slobodansky laquo Le droit doit limiter les progregraves de la science raquo LPA du 7 mai 2004 no 92 p 60

(6) laquo La convention par laquelle une femme sengage fucirct-ce agrave titre gratuit agrave concevoir et porter un enfant pour labandonner agrave sa naissance contrevient tant au principe dordre public de lindisponibiliteacute du corps humain quagrave celui de lindisponibiliteacute de leacutetat des personnes raquo Cass ass pleacuten 31 mai 1991 Bull civ ass pleacuten no 4 Defreacutenois 1991 art 35142 no 103 obs J-L Aubert Defreacutenois 1991 art 35088 no 67 note J Massip RTD civ 1991 p 517 obs D Huet-Weiller et p 489 note M Gobert M Gobert laquo Reacuteflexions sur les sources du droit et les

principes dindisponibiliteacute du corps humain et de leacutetat des personnes agrave propos de la materniteacute de substitution raquo RTD civ 1992 p 489 et s speacutec p 501 dans ce sens v deacutejagrave les remarques de P Murat laquo Laction de lordonnance du 4 juillet 2005 sur la possession deacutetat raquo Dr Famille 2006 eacutetude no 6 speacutec no 7 V aussi J Massip laquo Linsertion dans le Code civil de dispositions relatives au corps humain agrave lidentification geacuteneacutetique et agrave la procreacuteation meacutedicalement assisteacutee raquo Defreacutenois 1995 art 35975 et 35992

(7) En ce sens V Depadt-Sebag laquo De la neacutecessiteacute dune reacuteforme de larticle 16-7 du Code civil relatif agrave linterdiction de gestation pour autrui raquo RGD meacuted 2004 no 12 p 135 et s

(8) Art 227-12 et s C peacuten

(9) CA Paris 1re feacutevrier 2001 RTD civ 2001 p 347 obs J Hauser Cass civ 1re 9 deacutecembre 2003 Bull civ I no 252 p 201 CA Rennes 4 juillet 2002 D 2002 p 2904

(10) Cass civ 1re 20 feacutevrier 2007 Defreacutenois 2007 art 38595 no 45 obs J Massip

(11) V Depadt-Sebag laquo De la neacutecessiteacute dune reacuteforme de larticle 16-7 du Code civil relatif agrave linterdiction de gestation pour autrui raquo preacutec no 12 p 135 et s

(12) L no 2004-800 du 6 aoucirct 2004 relative agrave la bioeacutethique JO du 7 aoucirct 2004 p 14040 J Massip art preacutec

(13) Dans ce sens v M Gobert laquo Reacuteflexions sur les sources du droit et les principes dindisponibiliteacute du corps humain et de leacutetat des personnes agrave propos de la materniteacute de substitution raquo preacutec p 489 et s speacutec p 513

(14) V Depadt-Sebag laquo De la neacutecessiteacute dune reacuteforme de larticle 16-7 du Code civil relatif agrave linterdiction de gestation pour autrui raquo preacutec no 12 p 135 et s E Camuzet La convention de gestation pour autrui une illeacutegaliteacute franccedilaise injustifieacutee Meacutemoire Lille 2 Universiteacute du droit et de la santeacute 2005-2006 p 55

(15) A Mayer-Jack laquo Les conventions relatives agrave la personne physique raquo Rev crit leacutegisl et jurispr 1993 p 6

(16) G Meacutemeteau laquo Une distinction est opeacutereacutee sur la reacutefeacuterence des donneacutees acquises de la science agrave la date des soins par opposition agrave la notion erroneacutee de donneacutees actuelles de la science raquo note sous Cass civ 1re 6 juin 2000 JCP eacuted G 2001 II 10447

(17) Cass civ 1re 13 deacutecembre 1989 Bull civ I no 387 Defreacutenois 1990 art 34815 rapp J Massip D 1990 p 273 JCP eacuted G 1990 II 21526 note A Seacuteriaux

35

(18) Communication J Bernard et comm J Massip Defreacutenois 1990 art 35088 no 67 note J

Massip F Terreacute note sous Cass ass pleacuten 31 mai 1991 JCP eacuted G 1991 II 21752 dans ce sens v les remarques de P Murat laquo Laction de lordonnance du 4 juillet 2005 sur la possession deacutetat raquo preacutec eacutetude no 6 speacutec no 7 G Kessler laquo La consolidation de situations illicites dans linteacuterecirct de lenfant raquo Dr Famille no 7 juillet 2005 Etude 16

(19) TGI Lille 22 mars 2007 D 2007 no 18 p 1251 note X Labbeacutee B Edelman et C Labrusse-Riau note sous CA Paris 15 juin 1990 JCP eacuted G 1991 II 21653

(20) V Larribau-Terneyre note sous CA Pau 19 feacutevrier 1991 D 1991 juris p 380

(21) J Massip laquo Megravere porteuse et deacutecheacuteance de lautoriteacute parentale raquo LPA du 29 octobre 2003 no 216 p 10 Cass ass pleacuten 31 mai 1991 Bull civ ass pleacuten no 4 Defreacutenois 1991 art 35088 no 67 p 948 obs J Massip D 1991 p 417 rapport Y Chartier note D Thouvenin JCP eacuted G 1991 II 21752 communication J Bernard concl H Dontenwille note F Terreacute RTD civ 1991 p 517 obs D Huet-Weiller

(22) J Rubellin-Devichi laquo Materniteacute de substitution qui est la megravere raquo note sous CA Rennes 4 juillet 2002 JCP eacuted G 2003 I 101 C Ducomte laquo La vraie querelle des megraveres porteuses raquo httppagesperso-orangefrmax-christianducomtemereindexhtm

(23) Propos de Mme F Dekeuwer-Deacutefossez lors de son audition devant le preacutesident M Bloche pour la mission dinformation sur la famille (procegraves-verbal du 5 octobre 2005)

(24) J Hauser obs in RTD civ 1999 p 372 F Dekeuwer-Deacutefossez note sous Cass ass pleacuten 31 mai 1991 D 1992 somm p 59

(25) F Dekeuwer-Deacutefossez laquo Les droits de lenfant raquo D 1992 somm p 59 E Poisson-Drocourt laquo Recours agrave une megravere de substitution et refus de ladoption raquo D 2004 p 2001

(26) J-J Lemouland laquo Le tourisme procreacuteatif raquo LPA 2001 no 62 p 24 F Dekeuwer-Deacutefossez laquo Le lien parental raquo LPA du 1er juillet 2004 no 131 p 70 F Granet note sous CA Rennes 4 juillet 2002 D 2002 p 2904

(27) CA Aix-en-Provence 12 mars 2002 Juris-Data no 2002-190443 A Seacuteriaux laquo Droit naturel et procreacuteation artificielle quelle jurisprudence raquo D 1985 chron p 53 J Massip laquo Le nouveau droit de la filiation raquo Defreacutenois 2006 art 38303 p 13

(28) CA Rennes 4 juillet 2002 JCP eacuted G 2003 I 101 note J Rubellin-Devichi

(29) laquo Si le principe structurant de lautoriteacute parentale est linteacuterecirct de lenfant deacutetermineacute in concreto le droit de la filiation nappreacutecie en revanche jamais linteacuterecirct concret dun enfant preacutecis mais linteacuterecirct geacuteneacuteral de lenfant in abstracto raquo A Gouttenoire laquo A chacun sa famille agrave chacun son droit raquo Dr Famille no 7 juillet 2006 Alerte 41

(30) E Camuzet La convention de gestation pour autrui une illeacutegaliteacute franccedilaise injustifieacutee art preacutec p 52

(31) P Raynaud laquo Un abus de ladoption simple les couples adoptifs raquo D 1983 chron p 39 H Gaumont-Prat laquo Pas dadoption pour les enfants issus de convention de megravere porteuse raquo RLDC no 5 mai 2004 p 31 laquo Le rejet dans le non-droit des enfants neacutes dans des circonstances qui deacuterangent la socieacuteteacute relegraveve du deacuteni de la reacutealiteacute porteur de nombreux effets pathogegravenes et injustes raquo

(32) J Rubellin-Devichi laquo Materniteacute de substitution qui est la megravere raquo note sous CA Rennes 4 juillet 2002 preacutec I 101 C Ducomte laquo La vraie querelle des megraveres porteuses raquo preacutec P Raynaud laquo Un abus de ladoption simple les couples adoptifs raquo art preacutec chron p 39 G Kessler laquo La consolidation de situations illicites dans linteacuterecirct de lenfant raquo art preacutec Etude 16

(33) F Dekeuwer-Deacutefossez laquo Reacuteflexion sur les mythes fondateurs du droit contemporain de la famille raquo RTD civ 1995 p 269 E Camuzet La convention de gestation pour autrui une illeacutegaliteacute franccedilaise injustifieacutee art preacutec p 66 A Ponsard rapport sous Cass civ 1re 16

36

novembre 1982 JCP eacuted G 1983 II 19954 M-T Meulders-Klein laquo Le droit agrave lenfant face au

droit de lenfant et les procreacuteations meacutedicalement assisteacutees raquo RTD civ 1988 p 645 F Terreacute Lenfant de lesclave Geacuteneacutetique et droit Flammarion 1987 p 128

(34) Convention de New York du 26 janvier 1990 Charte des droits fondamentaux de lUnion europeacuteenne du 7 deacutecembre 2000 Deacuteclaration universelle des droits de lhomme de 1789 Convention internationale des droits de lenfant de 1989

(35) Cass ass plegraven 31 mai 1991 Bull civ ass plegraven no 4 Defreacutenois 1991 art 35142 no 103 obs J-L Aubert et art 35088 no 67 p 948 obs J Massip D 1991 p 417 rapport Y Chartier note D Thouvenin JCP eacuted G 1991 II 21752 communication J Bernard concl H Dontenwille note F Terreacute RTD civ 1991 p 517 obs D Huet-Weiller

(36) Cass civ 1re 24 feacutevrier 2006 Bull civ I no 101 p 95 Defreacutenois 2006 art 38415 no 40 p 1067 obs J Massip D 2006 juris p 897-900 obs D Vigneau T Anatrella laquo Adoption et homoparentaliteacute leacuteclairage des droits de lhomme raquo Dr Famille 2003 no 10 p

8-10 agrave lidentique dans un arrecirct du 22 janvier 1992 D 1993 p 119 note J Vassaux la cour dappel de Poitiers a prononceacute ladoption simple dun enfant neacute dune convention de megravere porteuse au motif que laquo cette adoption nest pas seulement conforme agrave linteacuterecirct de lenfant mais encore constitue une neacutecessiteacute qui deacutecoule des reacutealiteacutes de la vie issues derreurs des adultes dont lenfant ne doit pas subir les conseacutequences raquo

(37) G Kessler laquo La consolidation de situations illicites dans linteacuterecirct de lenfant raquo art preacutec eacutetude no 16 M-T Meulders-Klein laquo Le droit agrave lenfant face au droit de lenfant et les procreacuteations meacutedicalement assisteacutees raquo art preacutec p 645

(38) Cass civ 1re 18 mai 2005 Bull civ I no 211 p 179 V Depadt-Sebag laquo Non-lieu dans une affaire de materniteacute pour autrui raquo D 2005 p 476 J Massip laquo Megravere porteuse et deacutecheacuteance de lautoriteacute parentale raquo art preacutec no 216 p 11 F Terreacute Lenfant de lesclave Geacuteneacutetique et droit op cit adde F Terreacute et D Fenouillet Droit civil Les personnes la famille les incapaciteacutes 6e eacuted Preacutecis Dalloz no 926 M Lamarche laquo Inteacuterecirct supeacuterieur de lenfant de ladmission des effets dune convention de megravere porteuse agrave la destruction du droit franccedilais de la filiation raquo Dr Famille novembre 2007 no 11

(39) M Donnier laquo Linteacuterecirct de lenfant raquo D 1959 chron p 27 F Laroche-Gisserot note sous Cass civ 1re 27 mai 1998 D 1998 p 530 F Millet laquo Ladoption dun inteacuterecirct agrave lautre raquo RRJ 2003-3 p 1777 et s A Gouttenoire laquo A chacun sa famille agrave chacun son droit raquo art preacutec Alerte 41

(40) Par la loi no 2007-293 du 5 mars 2007 reacuteformant la protection de lenfance (JO du 6 mars 2007 Defreacutenois 2007 Leacuteg p 282) le leacutegislateur a inteacutegreacute la notion dinteacuterecirct de lenfant dans le Code de laction sociale et des familles Le nouvel article L 112-4 dudit code dispose que laquo Linteacuterecirct de lenfant la prise en compte de ses besoins fondamentaux physiques intellectuels sociaux et affectifs ainsi que le respect de ses droits doivent guider toutes deacutecisions le concernant raquo

(41) Amendement no 48 rect Protection de lenfance no 3184 Assembleacutee nationale 22 deacutecembre 2006 wwwassemblee-nationalefr v aussi sur lensemble de ces questions les consideacuterations tregraves eacuteclairantes de P Murat note sous CA Rennes 4 juillet 2002 D 2002 p 2902 Dr Famille 2002 comm no 142 note P Murat

(42) F Granet-Lambrechts laquo Materniteacutes de substitution filiation et eacutetat civil Panorama europeacuteen raquo Dr Famille no 12 deacutecembre 2007 eacutetude no 34

(43) D Youf Penser les droits de lenfant PUF 2002 p 2

(44) G Cornu La famille 6e eacuted no 7 J Carbonnier Droit civil t 4 Les obligations PUF coll Theacutemis no 372 p 649

(45) D Fenouillet et P de Vareilles-Sommiegraveres La contractualisation du droit de la famille Economica 2001

37

(46) H Gaumont-Prat laquo Pas dadoption pour les enfants issus de convention de megravere porteuse raquo art preacutec p 31

(47) E Poisson-Droccourt laquo Recours agrave une megravere de substitution et refus de ladoption raquo art preacutec p 2001 note sous Cass civ 1re 9 deacutecembre 2003 G Delaisi de Perseval laquo Gestation pour autrui en quecircte de leacutegitimation raquo httpwwwliberationfr

(48) C Neirinck laquo Les filiations eacutelectives agrave leacutepreuve du droit raquo JCP eacuted G 1997 I 4067 E Camuzet laquo La convention de gestation pour autrui une illeacutegaliteacute franccedilaise injustifieacutee raquo art preacutec p 59

(49) J Hauser et D Huet-Weiller Traiteacute de droit civil La famille Fondation et vie de la famille 2e eacuted LGDJ 1993 p 250

(50) B Debreacute et S Agacinski laquo Faut-il leacutegaliser les megraveres porteuses en France raquo art preacutec p 50 C Atias D 1986 chron p 67

Civ 1egravere

13 deacutecembre 1989

Ndeg de pourvoi 88-15655

Publieacute au bulletin

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Attendu selon les juges du fond que lrsquoassociation ldquo Alma Mater ldquo a pour objet de faciliter la

solution des problegravemes qui se posent aux couples dont la femme est steacuterile deacutesireux

drsquoaccueillir un enfant agrave leur foyer et aux ldquo megraveres porteuses ldquo volontaires qursquoil est proposeacute agrave

la ldquo megravere porteuse ldquo drsquoecirctre inseacutemineacutee artificiellement par la semence du mari ou du concubin

de porter et de mettre au monde lrsquoenfant qui sera deacuteclareacute sur les registres de lrsquoeacutetat civil sans

indication du nom de la megravere reconnu par le pegravere et accueilli au foyer de celui-ci en vue de

son adoption par lrsquoeacutepouse ou la compagne que lrsquoassociation intervient tout au long de ce

processus qualifieacute de ldquo precirct drsquouteacuterus ldquo ou de ldquo don drsquoenfant ldquo qursquoainsi apregraves avoir controcircleacute la

reacutealiteacute de la steacuteriliteacute du couple demandeur et des faculteacutes de feacutecondation de la ldquo megravere porteuse

ldquo geacuteneacuteralement recruteacutee par elle lrsquoassociation fait proceacuteder agrave lrsquoinseacutemination surveille la

grossesse et lrsquoaccouchement srsquooccupe de faire diligenter la proceacutedure drsquoadoption qursquoelle

verse ensuite agrave la megravere une somme forfaitaire - qui en 1987 eacutetait fixeacutee agrave 60 000 francs -

remise par le couple demandeur degraves le deacutebut de la grossesse que lrsquoarrecirct confirmatif attaqueacute

(Aix-en-Provence 29 avril 1988) estimant que cette association avait un objet illicite

contraire aux lois et aux bonnes moeurs en a prononceacute la nulliteacute sur le fondement de lrsquoarticle

3 de la loi du 1er juillet 1901

Sur le moyen unique pris en sa premiegravere branche

Attendu que lrsquoassociation ldquo Alma Mater ldquo fait grief agrave la cour drsquoappel drsquoavoir ainsi statueacute alors

que selon le moyen nrsquoest ni illicite ni contraire aux bonnes moeurs lrsquoassociation qui dans un

but humanitaire non lucratif met en relation un couple demandeur dont la femme est steacuterile et

38

une femme qui accepte drsquoecirctre inseacutemineacutee artificiellement par le mari de porter lrsquoenfant et de le

remettre agrave la naissance agrave ce couple qui lrsquoindemnisera des contraintes et de la gecircne occasionneacutee

par la grossesse de sorte que la juridiction du second degreacute aurait violeacute les articles 3 et 7 de la

loi du 1er juillet 1901

Mais attendu qursquoil reacutesulte des constatations des juges du fond que lrsquoobjet mecircme de

lrsquoassociation est de favoriser la conclusion et lrsquoexeacutecution de conventions qui fussent-elles

verbales portent tout agrave la fois sur la mise agrave la disposition des demandeurs des fonctions

reproductrices de la megravere et sur lrsquoenfant agrave naicirctre et sont donc nulles en application de lrsquoarticle

1128 du Code civil que ces conventions contreviennent au principe drsquoordre public de

lrsquoindisponibiliteacute de lrsquoeacutetat des personnes en ce qursquoelles ont pour but de faire venir au monde un

enfant dont lrsquoeacutetat ne correspondra pas agrave sa filiation reacuteelle au moyen drsquoune renonciation et

drsquoune cession eacutegalement prohibeacutees des droits reconnus par la loi agrave la future megravere que

lrsquoactiviteacute de lrsquoassociation qui tend deacutelibeacutereacutement agrave creacuteer une situation drsquoabandon aboutit agrave

deacutetourner lrsquoinstitution de lrsquoadoption de son veacuteritable objet qui est en principe de donner une

famille agrave un enfant qui en est deacutepourvu que crsquoest degraves lors agrave bon droit que lrsquoarrecirct attaqueacute a

deacutecideacute sur le fondement de lrsquoarticle 3 de la loi du 1er juillet 1901 que cette association eacutetait

nulle en raison de lrsquoilliceacuteiteacute de son objet que la premiegravere branche du moyen est donc sans

fondement

Et sur les deuxiegraveme et troisiegraveme branches du moyen

Attendu qursquoil est fait grief agrave la cour drsquoappel de nrsquoavoir pas reacutepondu aux conclusions faisant

valoir drsquoune part que lrsquointerdiction du ldquo don de gestation ldquo constituait une discrimination

fondeacutee sur la naissance contraire aux dispositions de lrsquoarticle 24 du pacte international relatif

aux droits civils et politiques signeacute agrave New York le 19 deacutecembre 1966 et drsquoautre part que ce ldquo

don de gestation ldquo reposait sur le droit leacutegitime de fonder une famille qui implique le droit

drsquoengendrer reconnu tant par lrsquoarticle 12 de la convention europeacuteenne des droits de lrsquohomme

et des liberteacutes fondamentales du 4 novembre 1950 que par lrsquoarticle 23 du pacte international

preacuteciteacute

Mais attendu que la reconnaissance du caractegravere illicite de la materniteacute pour autrui et des

associations qui srsquoefforcent de la promouvoir qui se deacuteduit des principes geacuteneacuteraux du Code

civil et de regravegles qui sont communes agrave toutes les filiations nrsquoest pas de nature agrave instaurer une

discrimination fondeacutee sur la naissance que le droit de se marier et de fonder une famille

reconnu par lrsquoarticle 12 de la convention du 4 novembre 1950 et par lrsquoarticle 23 du pacte

international du 19 deacutecembre 1966 agrave lrsquohomme et agrave la femme en acircge nubile nrsquoimplique pas le

droit de conclure avec un tiers des conventions portant sur le sort drsquoun enfant agrave naicirctre que

par ces motifs de droit reacutepondant aux conclusions invoqueacutees lrsquoarrecirct se trouve leacutegalement

justifieacute et que les deuxiegraveme et troisiegraveme branches du moyen ne peuvent ecirctre accueillies

PAR CES MOTIFS

REJETTE le pourvoi

Publication Bulletin 1989 I Ndeg 387 p 260

Deacutecision attaqueacutee Cour drsquoappel drsquoAix-en-Provence du 29 avril 1988

39

Cour de cassation Assembleacutee pleacuteniegravere

Audience publique du 31 mai 1991

Ndeg de pourvoi 90-20105 Publieacute au bulletin

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Sur le pourvoi dans lrsquointeacuterecirct de la loi formeacute par M le Procureur geacuteneacuteral pregraves la Cour de

Cassation

Vu les articles 6 et 1128 du Code civil ensemble lrsquoarticle 353 du mecircme Code

Attendu que la convention par laquelle une femme srsquoengage fucirct-ce agrave titre gratuit agrave concevoir

et agrave porter un enfant pour lrsquoabandonner agrave sa naissance contrevient tant au principe drsquoordre

public de lrsquoindisponibiliteacute du corps humain qursquoagrave celui de lrsquoindisponibiliteacute de lrsquoeacutetat des

personnes

Attendu selon lrsquoarrecirct infirmatif attaqueacute que Mme X eacutepouse de M Y eacutetant atteinte drsquoune

steacuteriliteacute irreacuteversible son mari a donneacute son sperme agrave une autre femme qui inseacutemineacutee

artificiellement a porteacute et mis au monde lrsquoenfant ainsi conccedilu qursquoagrave sa naissance cet enfant a

eacuteteacute deacuteclareacute comme eacutetant neacute de Y sans indication de filiation maternelle

Attendu que pour prononcer lrsquoadoption pleacuteniegravere de lrsquoenfant par Mme Y lrsquoarrecirct retient

qursquoen lrsquoeacutetat actuel des pratiques scientifiques et des moeurs la meacutethode de la materniteacute

substitueacutee doit ecirctre consideacutereacutee comme licite et non contraire agrave lrsquoordre public et que cette

adoption est conforme agrave lrsquointeacuterecirct de lrsquoenfant qui a eacuteteacute accueilli et eacuteleveacute au foyer de M et

Mme Y pratiquement depuis sa naissance

Qursquoen statuant ainsi alors que cette adoption nrsquoeacutetait que lrsquoultime phase drsquoun processus

drsquoensemble destineacute agrave permettre agrave un couple lrsquoaccueil agrave son foyer drsquoun enfant conccedilu en

exeacutecution drsquoun contrat tendant agrave lrsquoabandon agrave sa naissance par sa megravere et que portant atteinte

aux principes de lrsquoindisponibiliteacute du corps humain et de lrsquoeacutetat des personnes ce processus

constituait un deacutetournement de lrsquoinstitution de lrsquoadoption la cour drsquoappel a violeacute les textes

susviseacutes

PAR CES MOTIFS

CASSE ET ANNULE mais seulement dans lrsquointeacuterecirct de la loi et sans renvoi lrsquoarrecirct rendu le

15 juin 1990 par la cour drsquoappel de Paris

REQUETE DE M LE PROCUREUR GENERAL PRES LA COUR DE CASSATION

Le Procureur geacuteneacuteral pregraves la Cour de Cassation a lrsquohonneur drsquoexposer

- Que par jugement du 28 juin 1989 le tribunal de grande instance de Paris a rejeteacute la requecircte

preacutesenteacutee par Mme X eacutepouse Y tendant agrave lrsquoadoption pleacuteniegravere de lrsquoenfant Z deacuteclareacutee

comme eacutetant neacutee de M Y mari de la requeacuterante sans indication de filiation maternelle

- Que pour ne pas faire droit agrave cette requecircte les premiers juges ont retenu que les eacutepoux Y

pour remeacutedier agrave la steacuteriliteacute de leur couple avaient eu recours agrave lrsquoassociation Alma Mater

aujourdrsquohui dissoute lrsquoenfant eacutetant neacute drsquoune megravere de substitution qui lrsquoa abandonneacute agrave la

naissance pratique deacuteclareacutee illicite

- Que sur appel de Mme Y la premiegravere chambre civile section C de la cour drsquoappel de

Paris a par arrecirct du 15 juin 1990 infirmeacute la deacutecision entreprise et prononceacute lrsquoadoption

pleacuteniegravere solliciteacutee par la requeacuterante

- Qursquoau soutien de leur deacutecision devenue deacutefinitive les juges du second degreacute ont tireacute de nos

principes geacuteneacuteraux relatifs agrave la filiation des regravegles drsquoordre public concernant les contrats et de

40

certaines conventions ou deacuteclarations internationales des conclusions contraires agrave celles

auxquelles eacutetait parvenue votre premiegravere chambre civile de la Cour de Cassation qui dans un

cas de figure pratiquement identique a par arrecirct du 13 deacutecembre 1989 (association Alma

Mater contre procureur geacuteneacuteral Aix-en-Provence) reconnu le caractegravere illicite de la materniteacute

pour autrui et les associations qui srsquoefforcent de la promouvoir

- Qursquoil importe en cette matiegravere particuliegraverement sensible qui touche agrave un deacutelicat problegraveme de

socieacuteteacute et drsquoeacutethique que soit mis fin agrave des divergences jurisprudentielles majeures et que la

seacutecuriteacute juridique soit assureacutee

PAR CES MOTIFS

Vu lrsquoarticle 17 de la loi du 3 juillet 1967 relative agrave la Cour de Cassation

Requiert qursquoil plaise agrave la Cour de Cassation

CASSE ET ANNULE sans renvoi et dans le seul inteacuterecirct de la loi lrsquoarrecirct rendu le 15 juin 1990

par la cour drsquoappel de Paris ayant fait droit agrave la requecircte en adoption pleacuteniegravere preacutesenteacutee par

Mme X eacutepouse Y

Publication Bulletin 1991 AP Ndeg 4 p 5

Deacutecision attaqueacutee Cour drsquoappel de Paris du 15 juin 1990

Page 18: SEANCE_3 Droit Civil Methodologie

18

linstrument de satisfaction des deacutesirs Le droit biomeacutedical se ressent de ces laquo oscillations de

la morale raquo (J Carbonnier Droit et passion du droit sous la Ve Reacutepublique Flammarion

1996 p 116) au risque de perdre peu agrave peu sa coheacuterence En teacutemoigne lapplication parfois

heacutesitante parfois jupiteacuterienne et souvent gecircneacutee des principes geacuteneacuteraux qui gouvernent le

statut du corps humain la protection de linteacutegriteacute corporelle et surtout lindisponibiliteacute ou

lextra-commercialiteacute du corps

1 - Protection de linteacutegriteacute corporelle

1 La loi du 6 aoucirct 2004 a modifieacute larticle 16-3 du code civil en ajoutant agrave la neacutecessiteacute laquo

meacutedicale raquo justifiant latteinte agrave linteacutegriteacute corporelle laquo agrave titre exceptionnel dans linteacuterecirct

theacuterapeutique dautrui raquo (art 9) Cette nouvelle extension de laccegraves aux ressources

biologiques corporelles au deacutetriment des droits de lindividu sur son corps (la premiegravere a eacuteteacute

consacreacutee par la loi ndeg 99-641 du 27 juill 1999 art 70 qui avait deacutejagrave substitueacute au terme laquo

theacuterapeutique raquo celui de laquo meacutedicale raquo afin de contrer linterpreacutetation neacutecessairement eacutetroite

quen avait fait la Cour de cassation dans son avis du 6 juill 1998 [D 1998 IR p 208 RTD

civ 1998 p 881 obs J Hauser] consideacuterant contraires agrave lart 16-3 les atteintes agrave linteacutegriteacute

du corps meneacutees agrave des fins purement contraceptives comme la ligature des trompes de Fallope

de telles atteintes sont deacutesormais licites car obeacuteissant agrave une finaliteacute meacutedicale mecircme si elles

tendent plus agrave preacutevenir ou agrave gueacuterir une maladie une grossesse neacutetant par elle-mecircme une

maladie) a davantage pour but dharmoniser les dispositions du code civil et celles du code de

la santeacute publique les preacutelegravevements reacutealiseacutes aux fins de greffes sur autrui ne pouvaient

certainement pas entrer dans les preacutevisions du texte dans sa reacutedaction anteacuteceacutedente Avec

lextension continue de la cateacutegorie des donneurs vivants (afin de pallier le deacuteficit chronique

de greffons en France cf infra) cette disposition est promise agrave un bel avenir (JOAN CR 2e

seacuteance 16 janv 2002)

2 Le titre III de la loi du 6 aoucirct 2004 apporte par ailleurs des modifications importantes agrave

larchitecture des preacutelegravevements deacuteleacutements du corps humain et par voie de conseacutequence aux

conditions dans lesquelles il peut ecirctre porteacute atteinte agrave linteacutegriteacute corporelle des donneurs

- lacte de preacutelegravevement est deacutesormais qualifieacute dlaquo acte de soin raquo au sens des articles L 1142-1

et suivants du code de la santeacute publique relatifs aux risques sanitaires reacutesultant du

fonctionnement du systegraveme de santeacute issus de la loi du 4 mars 2002 ce qui devrait ameacuteliorer

lindemnisation des victimes en cas daccident lors du preacutelegravevement

- le cercle des donneurs est eacutelargi (art L 1231-1 al 1er c santeacute publ)

- les modaliteacutes de recueil du consentement sont renforceacutees (mecircme art al 3)

- les finaliteacutes des preacutelegravevements sont mieux deacutefinies (par ex pour le sang art L 1211-8-1 c

santeacute publ) le patient pouvant controcircler une nouvelle utilisation des eacuteleacutements preacuteleveacutes

initialement pour dautres buts (not art L 1241-1 c santeacute publ) Les patients peuvent

eacutegalement sopposer agrave lutilisation des produits dexeacuteregravese et du placenta (art L 1235-2 et

1245-2 c santeacute publ) Pour les preacutelegravevements sur personne deacuteceacutedeacutee la regravegle mal veacutecue et

contourneacutee du consentement est ameacutelioreacutee obligeant le meacutedecin agrave recueillir aupregraves de ses

proches une eacuteventuelle opposition exprimeacutee par le deacutefunt de son vivant (art L 1232-1 c

santeacute publ) les proches se voyant reconnaicirctre le droit de connaicirctre les preacutelegravevements effectueacutes

3 Nonobstant les appels aux dons la peacutenurie de greffons saggrave en France selon

lEtablissement franccedilais des greffes qui constate une baisse des preacutelegravevements dorganes

(communiqueacute du 8 avr 2004) ce qui conduit lAcadeacutemie de meacutedecine agrave reacuteclamer de

19

nouvelles modifications reacuteglementaires afin dassouplir les regravegles de seacutelection des donneurs

(communiqueacute du 11 mai 2004) Cette situation ne doit toutefois pas conduire agrave des

discriminations ignoreacutees de la reacuteglementation sanitaire et contraires agrave notre tradition juridique

larrecirct du Conseil dEtat du 30 avril 2004 sen fait leacutecho En lespegravece un ressortissant

marocain en situation irreacuteguliegravere atteint dune grave insuffisance reacutenale chronique et inscrit

sur la liste des receveurs de greffes dorganes en vue dune transplantation reacutenale se voit

notifier une mesure de reconduite agrave la frontiegravere sur le fondement de larticle 25 de

lordonnance du 2 novembre 1945 Larrecircteacute deacutecidant cette reconduite est annuleacute comme

entacheacute dune erreur manifeste dappreacuteciation des conseacutequences de cet arrecircteacute sur la situation

personnelle de linteacuteresseacute car il ne pouvait pas beacuteneacuteficier dune opeacuteration de transplantation

dans son pays dorigine Peut-on voir dans cette solution tregraves humaine une application preacutecoce

du principe nouvellement inscrit dans le nouvel article L 1231-1 A c) du code de la santeacute

publique qui impose le respect du principe deacutequiteacute dans les regravegles de reacutepartition et

dattribution des greffons

4 La question des soins imposeacutes suscite toujours des questions deacutelicates autant sur un plan

humain quun plan juridique Le droit pour le patient majeur de donner lorsquil se trouve en

leacutetat de lexprimer son consentement agrave un traitement meacutedical comme le rappelle lalineacutea 2 de

larticle 16-3 revecirct le caractegravere dune liberteacute fondamentale (CE ord reacutef 16 aoucirct 2002 D

2004 Somm p 602 obs J Penneau RTD civ 2002 p 781 obs J Hauser) Larticle L

1111-4 du code de la santeacute publique tel quissu de la loi du 4 mars 2002 sur le droit des

malades prescrit que le pouvoir de deacutecision sexerce avec le professionnel de santeacute compte

tenu des informations et des preacuteconisations quil lui fournit le meacutedecin ne dispose plus

deacutesormais que dun pouvoir de conseil qui lui interdit de passer outre la volonteacute du patient

mecircme en cas durgence vitale Le meacutedecin doit respecter la volonteacute de la personne apregraves

lavoir informeacutee des conseacutequences de ses choix (il nest dailleurs pas obligeacute de la convaincre

Cass 1re civ 18 janv 2000 D 2001 Jur p 3559 note M-L Mathieu-Izorche) aucun acte

ni aucun traitement ne peut ecirctre pratiqueacute sans le consentement libre et eacuteclaireacute de la personne

consentement quelle peut retirer agrave tout moment Toutefois parmi les soins imposeacutes les

obligations de vaccination tiennent une place particuliegravere Bien accepteacutees par le public

lorsquelles furent introduites pour lutter contre des eacutepideacutemies dont chacun pouvait mesurer

autour de soi les effets deacutevastateurs (la premiegravere vaccination obligatoire remonte agrave la loi du 15

feacutevr 1902 F Moderne Le reacutegime juridique des vaccinations obligatoires AJDA 1965 p

195) ces mesures autoritaires encore nombreuses (contre la diphteacuterie art L 3111-1 c santeacute

publ le teacutetanos art L 3111-2 c santeacute publ la poliomyeacutelite art L 3111-3 c santeacute publ

la tuberculose art L 3111-4 c santeacute publ) sont aujourdhui contesteacutees au nom de la liberteacute

individuelle alors que ces grandes pandeacutemies ont peu agrave peu replieacute leurs ailes de mort sur

notre pays du moins Dans un arrecirct dAssembleacutee du 3 mars 2004 (Association Liberteacute

Information Santeacute RFDA 2004 p 581 concl comm du gouv G Le Chatelier AJDA

2004 p 971) le Conseil dEtat a eu loccasion de preacuteciser les pouvoirs reacuteglementaires dont

peut disposer le ministre de la Deacutefense pour imposer certaines vaccinations obligatoires

contrairement aux conclusions du commissaire du gouvernement il a admis que le ministre de

la Deacutefense en tant que chef de service peut imposer des vaccinations aux militaires placeacutes

sous son autoriteacute Si le principe dinteacutegriteacute du corps ne constitue pas en lui-mecircme un principe

agrave valeur constitutionnelle il concourt toutefois agrave assurer le respect du principe constitutionnel

de sauvegarde de la digniteacute de la personne humaine (Cons const 27 juill 1994 RJC p 100

B Edelman Le Conseil constitutionnel et lembryon D 1995 Chron p 205 Jur p 237 note

B Mathieu Somm p 299 obs L Favoreu) Cette expression essentielle et incarneacutee de la

liberteacute individuelle doit ecirctre concilieacutee avec des impeacuteratifs sociaux de santeacute dont la valeur nest

pas moindre La Haute juridiction administrative avait deacutejagrave eu loccasion de preacuteciser que les

20

dispositions imposant des vaccinations obligatoires si elles ont pour effet de porter une

atteinte limiteacutee aux principes dinviolabiliteacute et dinteacutegriteacute du corps humain voient leur mise en

oeuvre justifieacutee dans le but dassurer la protection de la santeacute dont le principe se trouve garanti

par le Preacuteambule de la Constitution de 1946 et sont proportionneacutees agrave cet objectif (CE 26 nov

2001 ALIS req ndeg 222741 RFDA 2002 p 65 concl comm du gouv S Boissard) Cest

normalement agrave la loi quil revient darbitrer entre ces deux principes Dans une autre affaire

(CA Pau 19 mars 2002 Dr fam 2004 ndeg 137 obs M S) des parents avaient eacuteteacute

condamneacutes agrave des peines contraventionnelles pour avoir soustrait leurs enfants agrave lobligation

vaccinale pour des raisons religieuses Ces deacutecisions ont eacuteteacute rendues alors que la loi du 4 mars

2002 sur le droit des patients neacutetait pas entreacutee en vigueur le renforcement de la liberteacute du

patient serait-elle de nature agrave assouplir les obligations vaccinales La jurisprudence de la

Cour europeacuteenne des droits de lhomme semble aller en ce sens (CEDH 9 juill 2002 ndeg

4219798 Salvetti c Italie une vaccination obligatoire en tant que traitement meacutedical non

volontaire constitue une ingeacuterence dans le droit au respect de la vie priveacutee reconnu par lart 8

sect 1 Conv EDH) Quil nous soit permis deacutemettre des reacuteserves sauf agrave ruiner toute la politique

de preacutevention mise en place par les autoriteacutes sanitaires depuis un siegravecle et dont les effets

salutaires ne sont pas contestables la reacutesistance des juridictions administratives qui sous-tend

larrecirct dAssembleacutee rapporteacute face aux derniers avatars dun certain extreacutemisme libertarien

dont le corps devient le bastion (pour un bon exposeacute de ces thegraveses Onfray Feacuteeacuteriques

anatomiques geacuteneacutealogie du corps faustien Grasset-Fasquelle 2003) montre que lhypothegravese

est ici bien diffeacuterente dun simple refus de soin comme dans le cas des transfusions elles ne

mettent en jeu que la vie du patient (sur cette derniegravere question B Mathieu De la difficulteacute

de choisir entre la liberteacute et la vie RGDM 2003 ndeg 9 p 97 A Garay Volonteacutes et liberteacutes

dans la relation meacutedecin-malade la mise agrave leacutepreuve des articles 16-3 du code civil et L

1111-4 du code de la santeacute publique RGDM 2003 ndeg 10 p 143)

5 Moins sujet agrave deacutebat larrecirct rendu par la Cour europeacuteenne (22 juill 2003 req ndeg 2420994

RD publ 2004 ndeg 3 p 826 note C Picheral) qui condamne la Turquie pour ingeacuterence dans

le droit au respect de la vie priveacutee reconnu par larticle 8 sect 1 de la Convention europeacuteenne

Dans cette affaire la plaignante avait subi un examen gyneacutecologique forceacute destineacute agrave prouver

agrave lissue de sa garde agrave vue quelle navait pas subi de violences sexuelles La Cour europeacuteenne

qui integravegre deacutesormais le respect du corps humain dans la sphegravere de la vie priveacutee fait ici une

application logique de larticle 8 dans la ligne de la jurisprudence preacuteceacutedemment citeacutee

2 - Indisponibiliteacute et extra-patrimonialiteacute du corps humain

6 Le principe dextra-patrimonialiteacute du corps humain se trouve repris par les articles 16-1

alineacutea 3 16-5 et 16-6 du code civil quil est parfois difficile de distinguer du principe

dindisponibiliteacute du corps humain que la jurisprudence fonde sur larticle 1128 du mecircme code

(Cass ass pleacuten 31 mai 1991 D 1991 Jur p 417 rapp Y Chartier note D Thouvenin) Si

la qualification dindisponibiliteacute a eacuteteacute eacutecarteacutee du vocabulaire des lois de 1994 et de 2004

comme par la doctrine dominante pour cause dambiguiumlteacute (D Fenouillet Respect et protection

du corps humain J-Cl civil art 16 agrave 16-12 fasc 12 ndeg 134 s) la jurisprudence y revient

parfois pour affirmer que le corps nest pas une chose dans le commerce Larrecirct de la Cour

dappel de Paris du 16 mai 2003 reacuteforme sur ce point un jugement du Tribunal des affaires de

seacutecuriteacute sociale de Paris du 5 juillet 2001 qui avait agrave tort exoneacutereacute une prostitueacutee du paiement

de la cotisation dallocations familiales des travailleurs indeacutependants au motif quanalyser une

activiteacute sexuelle reacutemuneacutereacutee comme un travail reviendrait agrave admettre que le commerce du

corps humain est leacutegal alors que leacutegaliser ce commerce aboutit agrave nier et agrave rejeter le principe

dindisponibiliteacute du corps humain La cour rappelle agrave bon droit que le commerce des relations

sexuelles nest pas en soi illicite seules eacutetant interdites certaines conditions dexercice de cette

21

activiteacute en tant quelles conduiraient aux infractions de racolage et de proxeacuteneacutetisme Affirmer

que lactiviteacute en cause na aucun lien avec lindisponibiliteacute du corps humain a quelque chose

de surreacutealiste le fait quelle ne soit pas peacutenalement reacuteprimeacutee nempecircche pas le caractegravere

illicite du contrat passeacute entre la prostitueacutee et son client (dans ce sens pour la nulliteacute dune

assurance souscrite par un proxeacutenegravete contre les accidents corporels freacutequents dans ce genre

dactiviteacutes CA Paris 22 janv 1992 Juris-Data ndeg 020308) Reste la justification de la

deacutecision par la relative autonomie du droit des prestations sociales larticle R 241-2 du code

de la seacutecuriteacute sociale vise toutes les activiteacutes non salarieacutees mecircme de caractegravere accessoire La

Chambre sociale de la Cour de cassation a deacutejagrave admis la prostitution au titre de ces activiteacutes

(18 mai 1995 D 1996 Somm p 38 obs X Preacutetot) eacutecarter les activiteacutes de prostitution de

lassiette des cotisations sociales ne serait-ce pas les encourager davantage au risque pour

lEtat de reprendre agrave son compte le ceacutelegravebre adage de Vespasien

7 Nous rappellerons encore larrecirct rendu par la premiegravere Chambre civile le 9 deacutecembre 2003

confirmant le rejet de ladoption pleacuteniegravere par la femme du pegravere dune enfant qui est le fruit

dune convention de megravere porteuse Lamie dun couple steacuterile avait accepteacute en 1987

dabandonner agrave sa naissance sans indication de filiation maternelle lenfant conccedilu des relations

intimes quelle avait eues avec leacutepoux La demanderesse au pourvoi soutenait que lilliceacuteiteacute de

la convention neacutetait pas eacutetablie par la jurisprudence et par la loi au moment des faits et quil

fallait prendre en consideacuteration pour ladoption pleacuteniegravere les douze anneacutees passeacutees par lenfant

aupregraves delle les inteacuterecircts de ce dernier primant la neacutecessiteacute de sanctionner la convention La

Cour de cassation confirmant sa jurisprudence du 31 mai 1991 (preacutec) et du 29 juin 1994 (D

1994 Jur p 581 note Y Chartier) rappelle laquo que la materniteacute pour autrui dont le caractegravere

illicite se deacuteduit des principes geacuteneacuteraux du code civil et aujourdhui de son article 16-7

reacutealise un deacutetournement de linstitution de ladoption que les premiers juges ont agrave bon droit

refuseacute raquo Prudemment la Haute juridiction neacutevoque pas la notion dindisponibiliteacute cet laquo

imaginaire de la doctrine raquo (M Gobert Reacuteflexions sur les sources du droit et les principes

dindisponibiliteacute du corps humain et de leacutetat des personnes RTD civ 1992 p 489) pour se

contenter logiquement de viser larticle 16-7 qui a vocation agrave sappliquer mecircme si le contrat

reste secret la graviteacute du vice initial de la materniteacute pour autrui contaminant toute adoption

ulteacuterieure

8 Le Tribunal administratif dAmiens dans sa deacutecision du 9 mars 2004 fait une application

discutable de la notion dextra-commercialiteacute des eacuteleacutements et des produits du corps humain

dans une hypothegravese ougrave cette qualification ne devait pas jouer Un couple perd ses embryons

congeleacutes in vitro en raison de la deacutefaillance du mateacuteriel de conservation imputable agrave un

eacutetablissement hospitalier Peut-il se preacutevaloir dun preacutejudice indemnisable dans le cadre de

laction en responsabiliteacute quil engage contre cet eacutetablissement La juridiction administrative

saisie admet la responsabiliteacute de la personne publique le mateacuteriel de conservation lui

appartenant eacutetant en cause mais sur la question de la reacuteparation du preacutejudice subi reacutepond de

maniegravere surprenante laquo si les eacutepoux peuvent se preacutevaloir de lexistence dun preacutejudice

mateacuteriel reacutesultant de la perte dovocytes les dispositions de larticle 16-1 du code civil selon

lesquelles le corps humain ses eacuteleacutements et ses produits ne peuvent faire lobjet dun droit

patrimonial sopposent agrave ce quils puissent en demander la reacuteparation en argent raquo et il

poursuit laquo les ovocytes surnumeacuteraires neacutetant pas des personnes ils ne sont pas fondeacutes agrave se

preacutevaloir dun preacutejudice moral reacutesultant selon eux de la perte decirctres chers raquo Le couple se

voit toutefois allouer 10 000 euros de dommages-inteacuterecircts pour les laquo troubles divers raquo dans

leurs conditions dexistence Si les ovocytes ne sont pas eacutevaluables en argent et si leur perte ne

peut donc pas justifier un preacutejudice mateacuteriel il nen va pas de mecircme dun preacutejudice moral

causeacute par leur perte (la perte dun animal domestique le justifie en droit civil ) et surtout le

22

preacutejudice reacutesultant de la perte dune chance de devenir parents pour un couple deacutejagrave acircgeacute et qui

rencontre des difficulteacutes pour procreacuteer degraves lors quaurait pu ecirctre eacutetablie la disparition par

leffet de la faute imputeacutee agrave leacutetablissement hospitalier de leacuteveacutenement favorable la

probabiliteacute de la naissance dun enfant (en droit meacutedical G Meacutemeteau Gaz Pal 1997 2

Doctr p 1367) La juridiction administrative a manqueacute une occasion de faire avancer le droit

biomeacutedical dans une affaire inattendue et hautement symbolique

B - Reacuteglementation des eacuteleacutements et les produits du corps

Prenant appui sur les principes geacuteneacuteraux gouvernant le statut du corps humain le reacutegime

juridique des eacuteleacutements et des produits biologiques dorigine humaine peut toutefois preacutesenter

des particulariteacutes

1 - La greffe de visage

9 Le Comiteacute consultatif national deacutethique dans son avis ndeg 82 du 6 feacutevrier 2004 eacutemet un

avis deacutefavorable au preacutelegravevement du visage dune personne deacuteceacutedeacutee ou en langage meacutedical agrave

lallotransplantation de tissus composites En deacutepit des besoins eacutevidents pour la chirurgie

reconstructive des victimes deacutefigureacutees agrave la suite daccidents ou de suicides manqueacutes le

Comiteacute consultatif considegravere que des obstacles dirimants subsistent actuellement pour

ladmission dun tel preacutelegravevement les perspectives de laquo reacuteussite raquo dune telle opeacuteration

demeurent tregraves theacuteoriques les risques de rejet des greffons eacutetant laquo extrecircmement graves raquo il

paraicirct par ailleurs fort deacutelicat de solliciter lautorisation de la famille du deacuteceacutedeacute pour effectuer

les preacutelegravevements la signification eacutethique particuliegravere du visage humain son lien intime agrave la

personnaliteacute et agrave lidentiteacute en font davantage quune piegravece anatomique Cette prudence sinscrit

dans le cadre des principes traditionnels du droit meacutedical la technique envisageacutee relevant

pour lheure davantage de lexpeacuterimentation que de la theacuterapeutique

2 - Les banques de sang de cordon ombilical

10 Les cellules heacutematopoiumleacutetiques preacutesentes dans le sang du cordon ombilical peuvent ecirctre

utiliseacutees pour le traitement de certaines maladies geacuteneacutetiques elles peuvent notamment

repeupler la moelle osseuse du patient et constituer une source de cellules sanguines offrant

ainsi une solution alternative agrave la greffe de moelle osseuse Des banques de ces cellules ont

eacuteteacute creacuteeacutees dans des institutions hospitaliegraveres et plus reacutecemment dans le secteur priveacute Ces

activiteacutes pour certaines agrave but lucratif suscitent eacutevidemment des questions juridiques et

eacutethiques Le Comiteacute national sest en France pencheacute sur ce problegraveme (avis ndeg 74 du 12 deacutec

2002) de mecircme que divers organismes de santeacute europeacuteens Le Groupe europeacuteen deacutethique

institueacute aupregraves du preacutesident de la Commission europeacuteenne a consacreacute agrave ce point son avis ndeg

16 rendu le 16 mars 2004 En substance les sages du Groupe europeacuteen critiquent vivement

louverture de cette activiteacute au secteur commercial degraves lors que les banques priveacutees noffrent

pas un laquo service utile en termes de possibiliteacutes theacuterapeutiques raquo (pt 21) et meacuteritent decirctre

eacutetroitement encadreacutees comme elles le seraient dailleurs en France Dun point de vue plus

geacuteneacuteral ces banques priveacutees de sang ombilical qui demeurent en veacuteriteacute assez marginales

posent la question des activiteacutes commerciales dans les secteurs sensibles de la santeacute qui nest

pas reacutesolue de maniegravere uniforme au sein de lUnion europeacuteenne Ladoption de

reacuteglementations telles que la directive CE ndeg 2004-23 du 31 mars 2004 concernant les aspects

de seacutecuriteacute et de qualiteacute pour les diffeacuterentes opeacuterations relatives aux eacuteleacutements biologiques

dorigine humaine va dans le sens de cette harmonisation

3 - Les normes europeacuteennes de qualiteacute et de seacutecuriteacute concernant les diffeacuterentes opeacuterations

relatives aux tissus et aux cellules humains

11 La directive CE ndeg 2004-23 du 31 mars 2004 constitue un texte important dans un secteur

ougrave lharmonisation communautaire tardait nonobstant le maillage reacuteglementaire existant en

23

matiegravere de meacutedicaments agrave usage humain (Dir CE ndeg 2001-83 du 6 nov 2001) Le texte

sapplique essentiellement aux eacuteleacutements biologiques destineacutes agrave lhomme ou agrave la fabrication de

produits manufactureacutes y compris pour des buts cosmeacutetiques agrave lexception des produits

destineacutes agrave des greffes autologues dans le cadre dune intervention chirurgicale unique du sang

et des produits sanguins (Dir CE ndeg 2002-98 du 27 janv 2002) des organes ou des parties

dorganes utiliseacutes aux mecircmes fins que lorgane entier dans le corps humain Les utilisations agrave

des fins de recherche sont eacutegalement exclues La directive sapplique en revanche aux gamegravetes

et aux cellules souches embryonnaires mais laisse aux Etats membres la faculteacute den autoriser

lutilisation Dune maniegravere geacuteneacuterale le texte communautaire nimpose pas de modegravele eacutethique

mais des obligations techniques dans un but de seacutecuriteacute sanitaire comprenant notamment la

mise en place dun systegraveme qualiteacute et de traccedilabiliteacute la deacutesignation dune personne responsable

mais il insiste cependant sur la gratuiteacute des dons et les exigences en matiegravere de consentement

La transposition qui ne devrait pas affecter de maniegravere sensible le cadre juridique franccedilais

actuel doit intervenir avant le 7 avril 2006

4 - Les cellules souches embryonnaires

12 Moins de deux mois apregraves ladoption de la reacutevision des lois bioeacutethiques et en application

de larticle 37 du nouveau texte qui autorise agrave titre transitoire avant la mise en place de

lAgence de la Biomeacutedecine les ministres concerneacutes agrave permettre limportation agrave des fins de

recherche de cellules souches embryonnaires humaines un deacutecret et un arrecircteacute (JO ndeg 228 du

30 sept 2004 p 16804) du 28 septembre 2004 viennent dy proceacuteder Les recherches sur ces

cellules fort contesteacutees il y a encore peu puisque la preacuteceacutedente autorisation dimportation de

cellules souches dorigine embryonnaire avait fait lobjet dun contentieux (TA Paris 21 janv

2003 D 2004 Somm p 532 obs H Gaumont-Prat LPA 2003 ndeg 196 p 7 note B

Pauvert) entrent donc rapidement dans la reacutealiteacute Ces souches importeacutees seront rapidement

supplanteacutees par pregraves de 50 000 embryons congeleacutes en France dont les geacuteniteurs ont renonceacute agrave

ce quils accegravedent agrave la naissance et qui vont pouvoir prochainement servir de mateacuteriel

dexpeacuterimentation comme la loi nouvelle lautorise deacutesormais

Mots cleacutes

PERSONNE HUMAINE Panorama 2004

Gazette du Palais 29 mai 2004 ndeg 150 P 15 - Tous droits reacuteserveacutes

Famille - Personnes

040412

ADOPTION Adoption pleacuteniegravere - Enfants pouvant faire lobjet dune adoption - Enfant neacute dune megravere

porteuse (non)

La materniteacute pour autrui dont le caractegravere illicite se deacuteduit des principes geacuteneacuteraux du Code

civil et aujourdhui de son article 16-7 reacutealise un deacutetournement de linstitution de ladoption

que les juges du fond ont donc agrave bon droit refuseacute de prononcer sans violer aucun des textes

invoqueacutes

C cass 1re civ 9 deacutecembre 2003 Mme X c Procureur geacuteneacuteral pregraves le Cour dappel de Y-

Pourvoi ndeg 0103927 Q - Rejet (C app Paris 1er feacutevrier 2001) - gr ndeg 1644P

NOTE

Reacuteiteacuteration de linterdiction dune adoption lieacutee agrave une procreacuteation pour le compte

dautrui -

24

Larrecirct rendu le 9 deacutecembre 2003 ne surprendra pas puisquil sinscrit dans la ligne traceacutee par

la Cour de cassation depuis 1989 confirmeacutee par la loi du 29 juillet 1994 relative au respect du

corps humain

En lespegravece Georges D et Denise M seacutetaient marieacutes le 15 deacutecembre 1962 et avaient eu un

enfant Fabrice neacute le 11 novembre 1966 Leacutepouse nayant pu avoir un deuxiegraveme enfant

pourtant vivement souhaiteacute le couple se serait adresseacute agrave une laquoamieraquo qui aurait accepteacute davoir

des relations intimes avec Georges D jusquagrave ce quelle conccediloive un enfant quil eacutetait convenu

de laisser degraves sa naissance au pegravere et agrave son eacutepouse

Cest ainsi que serait neacutee Sarah le 4 juillet 1987 qui fut deacuteclareacutee sur les registres de leacutetat civil

sans indication de filiation maternelle reconnue par Georges D puis recueillie aussitocirct par

celui-ci et son eacutepouse Cette derniegravere avait pris la preacutecaution de seacuteloigner de son domicile

pendant les derniers mois du deacuteveloppement in utero de lenfant afin que la substitution

maternelle soit ignoreacutee de lentourage des deux eacutepoux

Il sagissait donc bien selon les propres dires de Georges et Denise D dune materniteacute pour

autrui sans recours aux techniques modernes de procreacuteation meacutedicalement assisteacutee selon un

processus agrave la fois naturel et vieux comme le monde (1)

En janvier 1999 Denise D a saisi le Tribunal de grande instance dune requecircte en adoption

pleacuteniegravere de la fille de son mari

Le Tribunal par jugement du 8 deacutecembre 1999 puis la Cour dappel de Paris par arrecirct du 1er

feacutevrier 2001 ont rejeteacute sa demande au motif quen application des art 6 et 1128 C civ la

convention par laquelle une femme sengage agrave concevoir et agrave porter un enfant pour

labandonner agrave sa naissance est nulle car elle contrevient tant au principe dordre public de

lindisponibiliteacute du corps humain quagrave celui de lindisponibiliteacute de leacutetat des personnes et que

ladoption envisageacutee neacutetait que lultime phase dun processus illicite constitutif dun

deacutetournement de linstitution de ladoption

On reconnaicirctra lagrave les formules mecircmes employeacutees par la Cour de cassation notamment dans

son arrecirct dassembleacutee pleacuteniegravere du 31 mai 1991 (2) Il nest donc pas eacutetonnant que la Cour

suprecircme ait rendu un arrecirct de rejet dautant plus que sa jurisprudence a eacuteteacute conforteacutee par le

nouvel art 16-7 inseacutereacute dans le Code civil par la loi ndeg 94-653 du 29 juillet 1994 (3) qui

dispose que toute convention portant sur la procreacuteation ou la gestation pour le compte dautrui

est nulle

La Cour de cassation a bien entendu viseacute expresseacutement ce texte nouveau mais elle a tenu agrave

rappeler que le caractegravere illicite se deacuteduisait aussi des principes geacuteneacuteraux du Code civil

faisant ainsi implicitement reacutefeacuterence aux art 6 et 1128 de ce Code sur lesquels elle avait

preacuteceacutedemment fondeacute sa position

Le moyen de cassation tentait deacutechapper agrave la jurisprudence de la Cour suprecircme en se fondant

sur les circonstances de lespegravece et notamment sur le fait que la requecircte en adoption navait

eacuteteacute formeacutee que douze anneacutees apregraves la naissance de lenfant de sorte que lindivisibiliteacute entre la

materniteacute pour autrui et ladoption ne serait pas caracteacuteriseacutee Mais la Cour dappel avait

reacutepondu agrave cette argumentation en eacutenonccedilant que labandon de lenfant agrave naicirctre objet de

lobligation contracteacutee par la megravere biologique eacutetait destineacute agrave permettre que lenfant reconnu

par Georges D puisse ecirctre adopteacute par son eacutepouse et en soulignant que celle-ci avait dans le

mecircme but accepteacute linseacutemination dune autre femme par les gamegravetes de son mari et quelle

avait participeacute activement au processus en prenant toutes preacutecautions pour que la substitution

de materniteacute soit ignoreacutee des tiers

Denise D soutenait en outre que linteacuterecirct de lenfant retenu tant par lart 353 C civ que par

les art 3 et 21 de la Convention internationale des droits de lenfant devait primer sur le souci

de sanctionner lilliceacuteiteacute de la convention qui avait preacutesideacute agrave sa conception et agrave sa naissance

La Cour de cassation ne sest pas arrecircteacutee agrave cette argumentation pas plus quelle ne sy eacutetait

arrecircteacutee en 1991 pour elle lensemble de lopeacuteration est indivisible le deacutetournement de

25

linstitution de ladoption est caracteacuteriseacute et il convient de lutter contre la politique du fait

accompli (4) Laccepter au nom de linteacuterecirct de lenfant ne conduirait-il pas comme on la

souligneacute en doctrine (5) agrave admettre le commerce des enfants sous preacutetexte que bien souvent

ceux-ci y trouveraient beacuteneacutefice

(1) Selon la Bible Sarah eacutepouse dAbraham ne pouvant avoir denfant de lui lenvoya aupregraves

de son esclave eacutegyptienne Agar dont il eut un fils Ismaeumll Agar fut renvoyeacutee avec celui-ci

lorsque Sarah tregraves acircgeacutee mit au monde Isaac le fils de la promesse

Cest sans doute une coiumlncidence si nous trouvons aussi dans notre affaire une laquoSarahraquo qui

tient il est vrai un rocircle tout diffeacuterent de celui deacutevolu agrave son homonyme biblique

Lhistoire reacutevegravele eacutegalement des cas relativement freacutequents ougrave pour pallier agrave la steacuteriliteacute du

mari et pour permettre la continuation de la ligneacutee et la perpeacutetuation dun nom ou dun titre un

laquovaletraquo - souvent ensuite renvoyeacute - eacutetait chargeacute de feacuteconder leacutepouse Le proceacutedeacute eacutetait

juridiquement parfait dans la mesure ougrave par le jeu de la preacutesomption de paterniteacute le mari

devenait leacutegalement le pegravere de lenfant

(2) Cass ass pleacuten 31 mai 1991 Bull civ 1991 ndeg 4 Gaz Pal Rec 1991 panor cass p

162 [912144] D 1991 jur p 417 rapport Y Chartier note G Thouvenin JCP 1991 II

21752 comm J Bernard concl H Dontenwille note F Terreacute Defreacutenois 1991 art 35088

ndeg 67 p 948 obs J Massip RTD civ 1991 517 obs D Huet-Weiller Dans le mecircme sens

v Cass civ 1re 29 juin 1994 Bull civ 1994 I ndeg 226 Gaz Pal Rec 1995 jur p 36 note

J B [943856] D 1994 jur p 581 note Y Chartier JCP 1995 II 223621 note J Rubellin-

Devichi RTD civ 1994 p 842 obs J Hauser Defreacutenois 1995 art 36024 ndeg 4 p 315

obs J Massip

V aussi Cass civ 1re 13 deacutecembre 1989 Bull civ 1989 I ndeg 387 Gaz Pal Rec 1990

panor cass p 66 [901122] D 1990 jur p 273 rapport J Massip Defreacutenois 1990 art

34802 ndeg 55 p 743 obs J-L Aubert et art 34815 p 862 rapport J Massip et JCP 1990 II

21526 note A Seriaux Dans cette affaire la Cour de cassation avait proclameacute par des motifs

analogues agrave ceux adopteacutes par les arrecircts de 1991 et 1994 le caractegravere illicite de la materniteacute

pour autrui et des associations qui sefforcent de la promouvoir

(3) Sur cette loi v notamment notre commentaire in Defreacutenois 1975 art 35975 et 35922

speacutecialement en ce qui concerne lart 16-7 C civ le ndeg 9 de cette eacutetude p 72

(4) Sur ces divers points v notre note preacuteciteacutee sous Cass ass pleacuten 31 mai 1991

(5) Obs J Hauser sous larrecirct rendu le 1er feacutevrier 2001 par la Cour dappel de Paris dans le

preacutesente affaire in RTD civ 2001 347

AD2008DEF0291N1

Reacutepertoire du Notariat Defreacutenois 15 feacutevrier 2008 ndeg 3 P 291 - Tous droits reacuteserveacutes

FILIATION

38717 La convention de megravere porteuse

(Reacuteflexions sur les sources du droit et les principes dindisponibiliteacute du corps humain et de leacutetat des personnes)

Le droit franccedilais prohibe les conventions de megraveres porteuses

26

Malgreacute linterdiction leacutegale de nombreux couples ont chercheacute et cherchent encore agrave

contourner cette interdiction notamment en ayant recours agrave des megraveres de substitution dans

des pays eacutetrangers ougrave cette pratique est autoriseacutee

La Cour de cassation veille agrave ce que linstitution de ladoption ne soit pas deacutetourneacutee au profit

de ces parents

Dans un arrecirct du 25 octobre 2007 la cour dappel de Paris vient de reacuteouvrir le deacutebat non sur

le terrain de la convention mais sur celui de la non-transcription des actes de naissance et de

linteacuterecirct supeacuterieur de lenfant

Une excellente occasion de faire le point sur la question et de sinterroger pour lavenir avant

la reacutevision de la loi bioeacutethique en 2009

par Rabih CHENDEB

Docteur en droit

ATER agrave lUniversiteacute de Picardie Jules Verne

laquo La science va Elle est ineacuteluctable Ce quil faut cest la rendre eacutethique raquo (1)

Le droit positif franccedilais interdit de recourir aux megraveres porteuses si un couple conccediloit un

embryon in vitro qui est implanteacute dans luteacuterus dune tierce femme cest cette tierce femme

qui est la megravere selon la loi franccedilaise et les parents biologiques ne peuvent avoir aucun droit

mecircme en cas dabandon de lenfant agrave la naissance par la megravere porteuse La loi bioeacutethique de

1994 a interdit la gestation pour autrui car cela soulevait des questions

dinstrumentalisation et de commercialisation du corps de la femme

De nombreux couples en mal denfants ont depuis longtemps chercheacute agrave contourner les regravegles

notamment en ayant recours agrave des megraveres de substitution qui vivent dans des pays ougrave cette

pratique est autoriseacutee Jusquagrave preacutesent la Cour de cassation ne sy est jamais laisseacutee prendre et

condamnait ladoption faite par les parents de lenfant de la megravere porteuse consideacuterant quil

sagissait dun deacutetournement de linstitution de ladoption (I)

Le 25 octobre 2007 la cour dappel de Paris vient donner lespoir dune ouverture vers

lacceptation dans linteacuterecirct de lenfant de cette deacutemarche Cette deacutecision de la cour dappel

pourrait changer les choses en attendant la reacutevision de la loi bioeacutethique preacutevue en 2009 Une

chose est sucircre cet arrecirct a le meacuterite douvrir le deacutebat et de poser la question de linteacuterecirct de

lenfant comme exception agrave lindisponibiliteacute de leacutetat des personnes et agrave linterdiction de la

pratique des megraveres porteuses Une certaine eacutevolution des mentaliteacutes ainsi que la dispariteacute

entre la loi franccedilaise et dautres leacutegislations nationales pourraient donner lieu agrave un

assouplissement de cette leacutegislation (II)

I Lhostiliteacute du leacutegislateur et de la jurisprudence agrave leacutegard de la convention de megravere porteuse

Au siegravecle dernier seacutetaient deacuteveloppeacutees des associations ayant pour but de faire se rencontrer

des couples deacutesireux davoir un enfant et des femmes acceptant de le porter pour ensuite le

leur laquo ceacuteder raquo par contrat Pour des raisons plus ou moins louables le proceacutedeacute fut rapidement

condamneacute par le droit franccedilais (A) tout comme ladoption qui sen suivait (B)

27

A Le caractegravere illicite de la convention de megravere porteuse

La megravere porteuse met en effet agrave mal le scheacutema classique de la famille On affirmait en Droit

romain que la megravere eacutetait sucircre et que le pegravere eacutetait le mari Le Code napoleacuteon a enteacuterineacute cette

conception Dire que lenfant possegravede une megravere geacuteneacutetique et une megravere uteacuterine va agrave lencontre

de ses dispositions (2)

Pris au deacutepourvu le leacutegislateur franccedilais a tardeacute agrave reacuteagir face aux progregraves scientifiques Il en

est reacutesulteacute un vide juridique auquel la jurisprudence sest efforceacutee de faire face Devant cette

heacutesitation bien compreacutehensible du droit les ressources de la morale de la deacuteontologie et

surtout de la bioeacutethique ont eacuteteacute solliciteacutees (3) Le Conseil dEtat confronteacute aux associations

voulant intervenir dans ce domaine a ainsi prononceacute la dissolution de ces associations pour

objet illicite (4) Le 13 deacutecembre 1989 la premiegravere chambre civile de la Cour de cassation a

releveacute le principe dindisponibiliteacute du corps humain par une interpreacutetation a contrario de

larticle 1128 du Code civil qui dispose qu laquo il ny a que les choses qui sont dans le

commerce qui puissent ecirctre lobjet des conventions raquo La personne ne dispose pas de son

corps elle nen est pas proprieacutetaire (5) Le 31 mai 1991 lassembleacutee pleacuteniegravere de la Cour de

cassation vise les articles 6 1128 et 353 du Code civil afin daffirmer le caractegravere illicite de la

convention conclue entre une megravere porteuse et un couple steacuterile En effet ce contrat porte sur

deux corps humains la megravere et lenfant (6)

Rapidement le leacutegislateur est venu leacutegifeacuterer dans ce sens avec la loi no 94-653 du 29 juillet

1994 relative agrave la bioeacutethique pour que le Code civil reconnaisse le corps humain en tant que

tel Cette loi prend deacutesormais explicitement en compte le corps humain parce quil a voulu

promouvoir son respect face au deacuteveloppement des sciences biomeacutedicales Cette loi a entraicircneacute

la modification et la creacuteation darticles dans le Code civil et le Code peacutenal

Le principe du respect de la digniteacute de la personne humaine est poseacute par larticle 16 du Code

civil laquo La loi assure la primauteacute de la personne interdit toute atteinte agrave la digniteacute de celle-ci

et garantit le respect de lecirctre humain degraves le commencement de sa vie raquo Le nouvel article 16-1

preacutevoit que laquo Chacun a droit au respect de son corps Le corps humain est inviolable Le

corps humain ses eacuteleacutements et ses produits ne peuvent faire lobjet dun droit patrimonial raquo

Par conseacutequent selon larticle 16-5 laquo Les conventions ayant pour effet de confeacuterer une

valeur patrimoniale au corps humain agrave ses eacuteleacutements ou agrave ses produits sont nulles raquo De mecircme

quand une personne accepte de donner son sang ce ne peut ecirctre quagrave titre beacuteneacutevole Enfin

larticle 16-7 dispose mecircme laquo Toute convention portant sur la procreacuteation ou la gestation

pour le compte dautrui est nulle raquo (7)

En outre cette interdiction est assortie dune sanction peacutenale pouvant aller jusquagrave un an

demprisonnement et 15 000 euro damende pour celui qui sentremet ou tente de sentremettre

entre une personne ou un couple deacutesireux daccueillir un enfant et une femme acceptant de

porter en elle cet enfant en vue de le leur remettre Lorsque ces faits ont eacuteteacute commis agrave titre

habituel ou dans un but lucratif les peines sont porteacutees au double (8)

En deacutepit de la reacutesistance de quelques juges du fond qui ont admis ladoption la Cour de

cassation na pas infleacutechi sa position (9) Elle sest reacutecemment opposeacutee agrave ladoption simple

dun enfant par un couple homosexuel estimant cette adoption contraire agrave laquo linteacuterecirct supeacuterieur

de lenfant raquo (10)

28

Analyseacutes dans le contexte de ces deacutecisions les deux principes de lilliceacuteiteacute des conventions et

de lindisponibiliteacute du corps humain expriment une mecircme ideacutee la condamnation dune

convention qui porte sur le corps humain celui de lenfant agrave naicirctre et celui de la femme qui la

conccedilu et porteacute

Toutefois les motifs adopteacutes par la Cour de cassation savegraverent dune extrecircme faiblesse En

effet ces motifs sont lieacutes agrave lilliceacuteiteacute de lobjet des conventions agrave lindisponibiliteacute du corps

humain ainsi quagrave lindisponibiliteacute de leacutetat des personnes (11) Pourtant les lois dites laquo

bioeacutethiques raquo du 29 juillet 1994 puis la loi du 6 aoucirct 2004 (12) relative agrave la bioeacutethique ont

admis lutilisation des eacuteleacutements et des produits du corps humain agrave des fins theacuterapeutiques ou

scientifiques Effectivement une loi en date du 24 janvier 1953 deacutetermine laquo les tarifs de

cession du sang raquo Les dispositions sont aujourdhui dans le Code de la santeacute publique Degraves

lors on peut donner ses gamegravetes ses organes son sang Il semble que plus quune approche

anthropologique des sciences meacutedicales (qui conduiraient agrave une ineacutevitable instrumentalisation

du corps des hommes) il existerait ce que nous appelons une technoscience laquo de linvisible

raquo que seul le droit accepte de leacutegitimer (13)

Par ailleurs la terminologie employeacutee par le leacutegislateur de 1994 est eacuteloquente Cest

certainement parce que le principe dindisponibiliteacute du corps humain sest aveacutereacute irreacutealiste videacute

de sa substance par le nombre et limportance de ses exceptions que le leacutegislateur lui a preacutefeacutereacute

celui de non-patrimonialiteacute qui figure aujourdhui aux articles 16-1 16-5 et 16-6 du Code

civil Il est donc possible de disposer de son corps agrave titre de dons dans les limites de la loi

(14)

Pour conclure sur ce point il sera emprunteacute les propos de Mme Mayer-Jack laquo

Malheureusement si ce principe dindisponibiliteacute du corps humain possegravede les qualiteacutes trop

rares decirctre nettement formuleacute et universellement admis il apparaicirct agrave la reacuteflexion frappeacute dun

vice radical il se reacutevegravele contraire aux faits raquo (15)

B La nulliteacute de ladoption

En matiegravere de materniteacute de substitution lenfant reste au coeur du deacutebat Il est laquo lobjet raquo de la

convoitise du couple demandeur et lobjet de la convention En vue de permettre

leacutetablissement dune filiation adoptive deux processus eacutetaient suivis par lesdits couples

processus que la Cour de cassation sempressa dinterdire agrave son tour

1 Le contournement aveacutereacute de la loi par les couples restant en France

En effet le processus se deacuteroulait en trois eacutetapes dans un premier temps lembryon issu des

gamegravetes du couple ou du mari et de la femme porteuse eacutetait implanteacute dans luteacuterus de cette

derniegravere La megravere porteuse suivait sa grossesse normalement notamment au regard du suivi

meacutedical (16) Ensuite elle accouchait anonymement La leacutegislation autorise les

accouchements laquo sous X raquo et reconnaicirct ainsi aux parturientes le droit de ne pas ecirctre megraveres si

elles ne le deacutesirent ou ne le peuvent pas Le pegravere fournisseur de sperme quant agrave lui effectuait

une reconnaissance preacutenatale de lenfant A sa naissance il le reconnaissait Lenfant avait

donc un pegravere mais sans indication de la filiation maternelle Enfin leacutepouse de ce dernier

adoptait de maniegravere pleacuteniegravere lenfant Leacutetat de mariage de la megravere porteuse ne changeait rien

puisque laccouchement anonyme empecircchait que le mari soit consideacutereacute comme pegravere preacutesumeacute

29

Depuis larrecirct Alma Mater (17) nous savons que la convention de materniteacute de substitution

est nulle car contrevenant agrave lordre public (18) Mais jusqualors la jurisprudence avait eu le

soin de dissocier convention et adoption Toute convention portant sur la procreacuteation ou la

gestation pour le compte dautrui eacutetant nulle la convention de megravere porteuse ayant permis la

naissance de lenfant en cause est donc incontestablement frauduleuse Degraves lors la possession

deacutetat sur laquelle les demandeurs se fondent pour voir eacutetablir un lien de filiation leacutegitime agrave

leur profit et lacte de notorieacuteteacute quils ont ainsi obtenu sont eux-mecircmes vicieacutes et ne peuvent

donc permettre leacutetablissement dun tel lien Par ailleurs la Convention de New York sur les

droits de lenfant garantit notamment agrave celui-ci laccegraves agrave ses origines Or lapplication de la

convention frauduleuse aurait pour effet de consacrer un mensonge lacte de naissance qui

serait eacutetabli sur le fondement de cette convention aboutirait en effet agrave nier totalement les

conditions dans lesquelles lenfant a eacuteteacute conccedilu En conseacutequence les demandeurs ne pourront

se preacutevaloir de la possession deacutetat vicieacutee pour obtenir la retranscription de lacte de notorieacuteteacute

sur lacte de naissance de lenfant (19) Ainsi la prohibition de la convention a entraicircneacute dans

son sillage une impossibiliteacute dadoption par leacutepouse du pegravere (20) Il y a deacutetournement de

linstitution de ladoption pleacuteniegravere en ce que lenfant a eacuteteacute conccedilu pour ecirctre abandonneacute par sa

megravere et adopteacute par une autre (21)

Il en reacutesulte que cest labandon de lenfant qui rend impossible ladoption par leacutepouse du

mari Or labandon de lenfant constitue deacutejagrave une deacutemarche parfaitement licite et reacuteglementeacutee

par la loi Il suffit pour sen convaincre de lire attentivement les textes adeacutequats agrave savoir les

articles 61 et 62 du Code de la famille et de laide sociale 348-3 et 350 du Code civil et 1158

agrave 1163 du Code de proceacutedure civile Il suffit agrave la megravere et plus geacuteneacuteralement agrave la personne

investie des droits parentaux de confier 1enfant agrave un eacutetablissement ou agrave un service de laide

sociale agrave 1enfance (ASF) ou mecircme agrave un particulier puis de sen deacutesinteacuteresser

manifestement pendant une anneacutee nentretenant avec lui aucune relation neacutecessaire au

maintien de liens affectifs Le tribunal de grande instance peut degraves lors sauf agrave prendre en

consideacuteration le cas exceptionnel de grande deacutetresse du parent deacutefaillant deacuteclarer 1enfant

abandonneacute agrave la requecircte de tout inteacuteresseacute et notamment de leacutetablissement service ou famille

daccueil (22) laquo On cesse dinterdire une pratique non pas lorsquelle se deacuteveloppe mais

lorsquon ne sait plus pourquoi elle est interdite raquo (23)

Dailleurs une contradiction engendre ce refus dadoption En effet laquo consideacuterer ladoption

indissociable de la convention revient agrave ne voir lenfant que comme lobjet de cette convention

raquo (24) Ainsi les parents ont pu eacutetablir anteacuterieurement agrave la naissance le processus dont

ladoption est laquo lultime phase raquo Mais ce processus nest pas fait dans lintention de nuire agrave

lenfant Alors comment comprendre la seacuteveacuteriteacute afficheacutee de la Cour de cassation

Traiter lenfant comme une veacuteritable personne implique de dissocier la convention ougrave il

nintervient pas et ladoption dont il est partie prenante et mecircme partie principale Il faut

sinterroger sur son inteacuterecirct propre quitte agrave le confronter ensuite agrave ceux auxquels il soppose

(25)

2 Lexpansion du tourisme procreacuteatif

La dispariteacute des regravegles nationales agrave propos de la gestation pour autrui a conduit certains

couples agrave se rendre agrave leacutetranger pour pouvoir avoir recours agrave une megravere porteuse on parle

deacutesormais de laquo tourisme procreacuteatif raquo (26)

30

Lagrave encore le processus deacutebute par une inseacutemination artificielle mais les pays ayant leacutegaliseacute la

gestation pour le compte dautrui permettent par ailleurs que lembryon inseacutemineacute dans

luteacuterus de la femme soit issu de la rencontre des gamegravetes des deux parents demandeurs

Lenfant est donc geacuteneacutetiquement lenfant du couple Il a pour parent degraves sa naissance le

couple demandeur il porte leur nom et le preacutenom quils lui ont choisi Mais pour exister en

France il est neacutecessaire de recourir agrave une transcription sur les registres de leacutetat civil franccedilais

de lacte de naissance eacutetranger Lagrave encore la seacuteveacuteriteacute est de mise puisque le parquet de

Nantes qui a en charge la transcription des eacutetats civils venant de leacutetranger refuse

systeacutematiquement cette transcription qui nest pas conforme agrave la leacutegislation franccedilaise (27)

Les magistrats ont eacuteteacute confronteacutes agrave ces situations ougrave la megravere commanditaire deacutesirait eacutetablir un

lien de filiation entre elle et lenfant issu de la convention de materniteacute de substitution

Tel est par exemple le cas qui a eacuteteacute trancheacute par la cour dappel de Rennes le 4 juillet 2002

(28) Dans cet arrecirct la cour dappel a rejeteacute ladoption des enfants par un couple qui a conclu

en Californie une convention portant sur la gestation dun embryon issu de leurs propres

gamegravetes La cour relegraveve que laquo la loi franccedilaise ne donne pas une deacutefinition de la megravere raquo cette

notion est inscrite dans les mentaliteacutes depuis des siegravecles par ladage Mater semper certa est

Cest laccouchement qui deacutetermine la megravere et non la seule reacutealiteacute geacuteneacutetique

Cette jurisprudence installeacutee depuis le ceacutelegravebre arrecirct de lassembleacutee pleacuteniegravere du 31 mai 1991

constitue une atteinte directe agrave linteacuterecirct de lenfant Ce dernier est priveacute de toute filiation

maternelle leacutegalement reconnue et ce sans beacuteneacutefice pour personne (29)

Malheureusement en raison de cette solution les deux enfants sont acircgeacutes de sept ans et vivent

aupregraves de leur pegravere naturel et de sa compagne dont la materniteacute ne peut leacutegalement ecirctre eacutetablie

(30)

Cette jurisprudence preacutesente un point faible Selon larticle 353 du Code civil le tribunal de

grande instance saisi dune requecircte aux fins dadoption pleacuteniegravere veacuterifie si les conditions de

la loi sont remplies et si ladoption est conforme agrave linteacuterecirct de lenfant Or en loccurrence

le preacutetendu droit de lenfant ne coiumlncide pas avec son inteacuterecirct seul mis en avant dans 1article

353 du Code civil Le refus par la cour dappel de prononcer ladoption pleacuteniegravere a priveacute les

deux enfants (au nom de leur droit aussi eacuteminent que symbolique agrave la non-chosification) dun

avantage concret et primordial leur admission au statut denfants leacutegitimes de leurs vrais

parents geacuteneacutetiques (31) Simples enfants naturels ou adulteacuterins de leur pegravere ils demeureront

sans lien de filiation maternelle Un tel problegraveme meacuterite que les juridictions se penchent au

moins sur lui (32) La protection de linstitution de ladoption sopegravere au deacutetriment du droit

reconnu agrave lenfant deacutetablir sa filiation par le biais dune discrimination fondeacutee sur les

circonstances de sa naissance (33) La jurisprudence nous semble aller agrave lencontre des

engagements internationaux contracteacutes par la France (34)

II Leacutevolution des mentaliteacutes vers une leacutegislation plus souple

Jusquagrave preacutesent la jurisprudence a toujours interdit ladoption des enfants par des couples

ayant eu recours agrave la gestation pour autrui consideacuterant quil sagit dun deacutetournement de

linstitution de ladoption (35)

Un grand quotidien Libeacuteration reacutevegravele que la cour dappel de Paris a reconnu comme parents

leacutegitimes de jumelles un couple franccedilais ayant fait appel agrave une megravere porteuse ameacutericaine

31

Une chose est sucircre cet arrecirct a le meacuterite douvrir le deacutebat et de poser la question de linteacuterecirct de

lenfant comme exception agrave lindisponibiliteacute de leacutetat des personnes et agrave linterdiction de la

pratique des megraveres porteuses (A) Lorsque lon accepte une loi eacutetrangegravere qui a eacuteteacute appeleacutee au

secours pour contourner la loi franccedilaise la modification de la loi franccedilaise nest pas loin (B)

A Lassouplissement de la jurisprudence

Dans laffaire porteacutee devant la cour dappel de Paris que nous avons abordeacutee rapidement

preacuteceacutedemment un couple dont la femme ne peut assurer la gestation en raison dune

malformation congeacutenitale se rend en Californie ougrave il conclut une convention portant sur la

gestation dun embryon issu de leurs propres gamegravetes Des jumelles naissent de cette

convention Le droit californien fait abstraction du deacutefaut daccouchement La concubine est

inscrite comme megravere dans les registres de naissance de Californie Quelques semaines plus

tard le couple reconnaicirct les enfants en France Mais agrave leur retour dans lHexagone ils sont

placeacutes en garde agrave vue puis mis en examen pour laquo entremise entre une personne deacutesireuse

dadopter un enfant et un parent deacutesireux dabandonner son enfant neacute ou agrave naicirctre raquo et pour laquo

simulation ayant entraicircneacute une atteinte agrave leacutetat civil de lenfant raquo

En 2004 le juge dinstruction rend un non-lieu sur les poursuites peacutenales les faits seacutetant

deacuterouleacutes dans un pays ougrave cette pratique est leacutegale Le parquet a alors continueacute son offensive

sur le terrain civil et chercheacute agrave faire annuler la filiation et la transcription sur leacutetat civil Le

tribunal de grande instance a deacuteclareacute cette demande irrecevable en deacutecembre 2005 Une

deacutecision rendue par la cour dappel de Paris confirme ce jugement le 25 octobre dernier apregraves

avoir estimeacute que laquo La non-transcription des actes de naissances aurait des conseacutequences

contraires agrave linteacuterecirct supeacuterieur des enfants qui au regard du droit franccedilais se verraient priveacutes

dactes deacutetat civil indiquant leur lien de filiation y compris agrave leacutegard de leur pegravere biologique

raquo

La question sera deacutesormais soumise agrave la Cour de cassation qui a deacutejagrave pris des deacutecisions

progressistes dans des questions relatives au droit de la famille notamment dans linteacuterecirct de

lenfant Elle a ainsi fait le 24 feacutevrier 2006 un pas important vers la reconnaissance de

lhomoparentaliteacute en autorisant quun parent homosexuel deacutelegravegue tout ou partie de son

autoriteacute parentale agrave son partenaire avec lequel il vit en union stable agrave condition que cette

mesure soit prise dans linteacuterecirct supeacuterieur de lenfant (36)

Le plus important reacuteside dans le fait que la cour dappel de Paris a estimeacute que la non-

transcription sur les actes de naissance aurait des conseacutequences contraire agrave llaquo inteacuterecirct de

lenfant raquo Depuis longtemps linteacuterecirct de lenfant est au centre du droit de la famille et depuis

quelques anneacutees celui-ci devient veacuteritablement la pierre angulaire de cette discipline (37)

Dans un arrecirct du 18 mai 2005 la premiegravere chambre civile de la Cour de cassation preacutecise au

visa de larticle 3-1 de la Convention relative aux droits de lenfant que laquo dans toutes les

deacutecisions qui concernent les enfants linteacuterecirct supeacuterieur de lenfant doit ecirctre une

consideacuteration primordiale raquo (38) Mais que faut-il entendre par inteacuterecirct supeacuterieur de lenfant

(39)

Bien que le nouvel article L 112-4 du Code de laction sociale et des familles (40) et larticle

371-1 du Code civil semblent deacutefinir les eacuteleacutements constitutifs de cette notion llaquo inteacuterecirct de

lenfant raquo reste un concept assez flou que le leacutegislateur et les juges se gardent bien de deacutefinir

preacuteciseacutement on ne peut limiter linteacuterecirct supeacuterieur de lenfant agrave la protection de sa santeacute de sa

seacutecuriteacute et de sa moraliteacute Certes ces eacuteleacutements sont les bases de linteacuterecirct de lenfant mais

32

puisque celui-ci peut deacutepasser le strict cadre du droit de lautoriteacute parentale voire du droit de

la famille cette vision serait bien trop reacuteductrice

Le sens de cette notion peut encore sobscurcir si lon considegravere quelle peut se confondre avec

dautres concepts voisins Larticle 371-5 doit ainsi conduire agrave distinguer linteacuterecirct de lenfant de

celui de la fratrie En effet si celle-ci a inteacuterecirct agrave rester unie certaines circonstances permettent

deacutecarter un de ses membres dans son inteacuterecirct exclusif

Un amendement proposait cependant agrave la suite du nouvel article L 112-4 du Code de laction

sociale et des familles une deacutefinition inteacuteressante laquo Linteacuterecirct supeacuterieur de lenfant est deacutefini

comme lassurance de la protection de sa seacutecuriteacute personnelle et affective lassurance dun

contexte familial permettant un bon deacuteveloppement physique intellectuel affectif et social

lassurance dune relation dattachement parental permettant de se construire Linteacuterecirct

supeacuterieur de lenfant tel que deacutefini constitue son projet de vie raquo (41)

On ne peut que se feacuteliciter de la mise en avant de linteacuterecirct de lenfant pour deacuteroger agrave la sacro-

sainte interdiction des megraveres porteuses car il est vrai quil ne faut pas oublier que limportant

reste dabord et avant tout lenfant qui a et doit avoir une place centrale au sein de la famille

On peut envisager que cette reacutecente jurisprudence puisse influencer la reacuteflexion sur le recours

aux laquo megraveres porteuses raquo sur le territoire national qui conduise agrave une eacutevolution de la loi

B Vers une eacutevolution de la loi

Alors que la France interdit la laquo gestation pour autrui raquo cette pratique a eacuteteacute leacutegaliseacutee dans de

nombreux pays La France a donc une leacutegislation moins libeacuterale que dautres leacutegislations

nationales La pratique de la gestation pour autrui est notamment autoriseacutee aux Etats-Unis au

Canada en Australie et dans plusieurs pays de lUnion europeacuteenne (Espagne et Belgique

Gregravece et Royaume-Uni notamment) (42) La question de la leacutegalisation des megraveres porteuses

est tregraves controverseacutee en France et demanderait un strict encadrement (43)

On enseigne habituellement que les questions deacutetat ne peuvent deacutependre de la seule volonteacute

individuelle Leacutetat des personnes - le droit de la filiation en particulier - eacutechapperait aux

conventions Mais ce principe nest plus si absolu Leacutevolution contemporaine reacuteduit laspect

institutionnel Une place nettement importante a eacuteteacute faite dans lorganisation des relations

familiales agrave la volonteacute individuelle laquo Laccroissement du pouvoir des volonteacutes individuelles

dans le droit de la famille est une marque essentielle de ce droit raquo (44) Dougrave la justesse de

lexpression laquo contractualisation du droit de la famille raquo Le rocircle de la volonteacute individuelle

tend agrave ecirctre de plus en plus important (45) Tel est le cas du divorce du PACS et du mariage

La procreacuteation nest plus la finaliteacute avec larriveacutee en force dans des pays voisins du mariage

homosexuel

Une certaine eacutevolution des mentaliteacutes ainsi que la dispariteacute entre la loi franccedilaise et dautres

leacutegislations nationales pourraient bien donner lieu agrave un assouplissement de cette leacutegislation

(46)

La gestation pour autrui permet de pallier certaines formes de steacuteriliteacute feacuteminine en raison

dune absence ou dune deacuteformation duteacuterus de conseacutequences de cancer ou reacutesultant dune

hysteacuterectomie de fausses couches reacutepeacuteteacutees dune contre-indication meacutedicale agrave la grossesse ou

de nombreux eacutechecs de feacutecondations in vitro (47) Dans ce cas on implante les gamegravetes des

parents geacuteneacutetiques dans le ventre de la megravere porteuse

33

Un autre argument favorable agrave cette pratique est la certitude apaisante pour le couple steacuterile

de ce que lenfant porteacute en uteacuterus tiers nen sera pas moins leur veacuteritable enfant geacuteneacutetique

puisque conccedilu agrave partir de leurs propres gamegravetes

De plus il faut deacutenoncer une incoheacuterence Une femme empecirccheacutee par la loi de donner avant

sa grossesse agrave un couple agreacuteeacute par elle lenfant quelle portera moyennant eacutequitable

reacutecompense possegravede en revanche le droit discreacutetionnaire de labandonner une fois neacute au

hasard des eacutetablissements ou du service de lASE ou pis encore de recourir agrave une

interruption volontaire de grossesse pendant les douze premiegraveres semaines (48)

La possession deacutetat repreacutesente une valeur humaine et sociale qui doit ecirctre prise en compte en

tant que telle Comme lont joliment affirmeacute M Hauser et Mme Huet-Weiller laquo elle est la

veacuteriteacute des sentiments la veacuteriteacute du coeur tout aussi respectable sinon plus que celle des

registres deacutetat ou mecircme de nos gegravenes raquo (49) Ainsi on peut ecirctre favorable agrave cette reacuteflexion

sous certains reacuteserves

Tout dabord le couple demandeur devait avoir plus de 18 ans et linfertiliteacute devrait ecirctre

meacutedicalement eacutetablie Ensuite seule lutilisation des gamegravetes (sperme et ovocytes) du couple

serait autoriseacutee afin deacuteviter que la gestatrice soit aussi la megravere biologique de lenfant (pour

eacuteviter des liens trop forts eacutetablis entre elle et le beacutebeacute)

De son cocircteacute la megravere porteuse devait avoir plus de 18 ans et accepter de subir des tests divers

avant la grossesse Elle serait la seule agrave donner un consentement valable concernant la gestion

de sa grossesse et elle abandonnerait ses droits parentaux agrave la naissance de lenfant tout en

assistant le couple demandeur lors de la deacutelivrance du certificat de naissance Le

consentement devrait aussi ecirctre obtenu par un entretien psychologique meacutedical et juridique

Seul le juge pourrait donner laccord au deacutebut du processus Le couple demandeur devait

sengager agrave assumer la garde de lenfant degraves sa naissance afin deacuteviter soit une non-remise

denfant soit un refus de lenfant - par exemple en cas de handicap

Concernant la reacutemuneacuteration de la megravere porteuse la marchandisation est inacceptable Les

intermeacutediaires reacutemuneacutereacutes seraient interdits Le principe du volontariat et de la gratuiteacute sont

essentiels le don de vie (50)

Enfin il ne sagirait pas de reacutemuneacuteration mais de compensation financiegravere destineacutee agrave

deacutedommager les inconveacutenients lieacutes agrave la grossesse sur la base de la loi laquo Huriet raquo (loi sur la

recherche meacutedicale avec volontaires sains) Le couple demandeur devrait prendre agrave sa charge

les deacutepenses meacutedicales leacutegales et psychologiques ainsi quun montant raisonnable alloueacute agrave la

megravere porteuse pour subvenir agrave ses besoins Les juges appreacutecieraient librement ce que peut ecirctre

un montant laquo raisonnable raquo sans que cela puisse jamais ecirctre consideacutereacute comme une laquo vente raquo

denfant

(1) B Debreacute et S Agacinski laquo Faut-il leacutegaliser les megraveres porteuses en France raquo Le Figaro Magazine du samedi 10 novembre 2007 p 50

34

(2) G David laquo Don et utilisation du sperme raquo in Actes du colloque Geacuteneacutetique procreacuteation et

droit Actes sud 1985 p 205 G-M Faure Le deacutesir denfant agrave leacutepreuve du droit Essai sur le droit de la procreacuteation meacutedicalement assisteacutee Thegravese Universiteacute de Lille 1992 p 7

(3) G Lebreton Liberteacutes publiques et droits de lhomme 6e eacuted Armand Colin 2003 p 262

(4) CE 22 janvier 1988 Lebon 1988 p 37

(5) La Cour de cassation a enteacuterineacute la position de la cour dappel de Paris pour laquelle laquo ni laltruisme du comportement de la megravere de substitution ni le caractegravere deacutesinteacuteresseacute des activiteacutes de lassociation ne sont propres agrave faire disparaicirctre lilliceacuteiteacute qui frappe laccord litigieux raquo Cass civ 1re 13 deacutecembre 1989 Bull civ I no 387 Defreacutenois 1990 art 34802 no 55 obs J-L Aubert D 1990 p 273 JCP eacuted G 1990 II 21526 note A Seacuteriaux propos recueillis par C Slobodansky laquo Le droit doit limiter les progregraves de la science raquo LPA du 7 mai 2004 no 92 p 60

(6) laquo La convention par laquelle une femme sengage fucirct-ce agrave titre gratuit agrave concevoir et porter un enfant pour labandonner agrave sa naissance contrevient tant au principe dordre public de lindisponibiliteacute du corps humain quagrave celui de lindisponibiliteacute de leacutetat des personnes raquo Cass ass pleacuten 31 mai 1991 Bull civ ass pleacuten no 4 Defreacutenois 1991 art 35142 no 103 obs J-L Aubert Defreacutenois 1991 art 35088 no 67 note J Massip RTD civ 1991 p 517 obs D Huet-Weiller et p 489 note M Gobert M Gobert laquo Reacuteflexions sur les sources du droit et les

principes dindisponibiliteacute du corps humain et de leacutetat des personnes agrave propos de la materniteacute de substitution raquo RTD civ 1992 p 489 et s speacutec p 501 dans ce sens v deacutejagrave les remarques de P Murat laquo Laction de lordonnance du 4 juillet 2005 sur la possession deacutetat raquo Dr Famille 2006 eacutetude no 6 speacutec no 7 V aussi J Massip laquo Linsertion dans le Code civil de dispositions relatives au corps humain agrave lidentification geacuteneacutetique et agrave la procreacuteation meacutedicalement assisteacutee raquo Defreacutenois 1995 art 35975 et 35992

(7) En ce sens V Depadt-Sebag laquo De la neacutecessiteacute dune reacuteforme de larticle 16-7 du Code civil relatif agrave linterdiction de gestation pour autrui raquo RGD meacuted 2004 no 12 p 135 et s

(8) Art 227-12 et s C peacuten

(9) CA Paris 1re feacutevrier 2001 RTD civ 2001 p 347 obs J Hauser Cass civ 1re 9 deacutecembre 2003 Bull civ I no 252 p 201 CA Rennes 4 juillet 2002 D 2002 p 2904

(10) Cass civ 1re 20 feacutevrier 2007 Defreacutenois 2007 art 38595 no 45 obs J Massip

(11) V Depadt-Sebag laquo De la neacutecessiteacute dune reacuteforme de larticle 16-7 du Code civil relatif agrave linterdiction de gestation pour autrui raquo preacutec no 12 p 135 et s

(12) L no 2004-800 du 6 aoucirct 2004 relative agrave la bioeacutethique JO du 7 aoucirct 2004 p 14040 J Massip art preacutec

(13) Dans ce sens v M Gobert laquo Reacuteflexions sur les sources du droit et les principes dindisponibiliteacute du corps humain et de leacutetat des personnes agrave propos de la materniteacute de substitution raquo preacutec p 489 et s speacutec p 513

(14) V Depadt-Sebag laquo De la neacutecessiteacute dune reacuteforme de larticle 16-7 du Code civil relatif agrave linterdiction de gestation pour autrui raquo preacutec no 12 p 135 et s E Camuzet La convention de gestation pour autrui une illeacutegaliteacute franccedilaise injustifieacutee Meacutemoire Lille 2 Universiteacute du droit et de la santeacute 2005-2006 p 55

(15) A Mayer-Jack laquo Les conventions relatives agrave la personne physique raquo Rev crit leacutegisl et jurispr 1993 p 6

(16) G Meacutemeteau laquo Une distinction est opeacutereacutee sur la reacutefeacuterence des donneacutees acquises de la science agrave la date des soins par opposition agrave la notion erroneacutee de donneacutees actuelles de la science raquo note sous Cass civ 1re 6 juin 2000 JCP eacuted G 2001 II 10447

(17) Cass civ 1re 13 deacutecembre 1989 Bull civ I no 387 Defreacutenois 1990 art 34815 rapp J Massip D 1990 p 273 JCP eacuted G 1990 II 21526 note A Seacuteriaux

35

(18) Communication J Bernard et comm J Massip Defreacutenois 1990 art 35088 no 67 note J

Massip F Terreacute note sous Cass ass pleacuten 31 mai 1991 JCP eacuted G 1991 II 21752 dans ce sens v les remarques de P Murat laquo Laction de lordonnance du 4 juillet 2005 sur la possession deacutetat raquo preacutec eacutetude no 6 speacutec no 7 G Kessler laquo La consolidation de situations illicites dans linteacuterecirct de lenfant raquo Dr Famille no 7 juillet 2005 Etude 16

(19) TGI Lille 22 mars 2007 D 2007 no 18 p 1251 note X Labbeacutee B Edelman et C Labrusse-Riau note sous CA Paris 15 juin 1990 JCP eacuted G 1991 II 21653

(20) V Larribau-Terneyre note sous CA Pau 19 feacutevrier 1991 D 1991 juris p 380

(21) J Massip laquo Megravere porteuse et deacutecheacuteance de lautoriteacute parentale raquo LPA du 29 octobre 2003 no 216 p 10 Cass ass pleacuten 31 mai 1991 Bull civ ass pleacuten no 4 Defreacutenois 1991 art 35088 no 67 p 948 obs J Massip D 1991 p 417 rapport Y Chartier note D Thouvenin JCP eacuted G 1991 II 21752 communication J Bernard concl H Dontenwille note F Terreacute RTD civ 1991 p 517 obs D Huet-Weiller

(22) J Rubellin-Devichi laquo Materniteacute de substitution qui est la megravere raquo note sous CA Rennes 4 juillet 2002 JCP eacuted G 2003 I 101 C Ducomte laquo La vraie querelle des megraveres porteuses raquo httppagesperso-orangefrmax-christianducomtemereindexhtm

(23) Propos de Mme F Dekeuwer-Deacutefossez lors de son audition devant le preacutesident M Bloche pour la mission dinformation sur la famille (procegraves-verbal du 5 octobre 2005)

(24) J Hauser obs in RTD civ 1999 p 372 F Dekeuwer-Deacutefossez note sous Cass ass pleacuten 31 mai 1991 D 1992 somm p 59

(25) F Dekeuwer-Deacutefossez laquo Les droits de lenfant raquo D 1992 somm p 59 E Poisson-Drocourt laquo Recours agrave une megravere de substitution et refus de ladoption raquo D 2004 p 2001

(26) J-J Lemouland laquo Le tourisme procreacuteatif raquo LPA 2001 no 62 p 24 F Dekeuwer-Deacutefossez laquo Le lien parental raquo LPA du 1er juillet 2004 no 131 p 70 F Granet note sous CA Rennes 4 juillet 2002 D 2002 p 2904

(27) CA Aix-en-Provence 12 mars 2002 Juris-Data no 2002-190443 A Seacuteriaux laquo Droit naturel et procreacuteation artificielle quelle jurisprudence raquo D 1985 chron p 53 J Massip laquo Le nouveau droit de la filiation raquo Defreacutenois 2006 art 38303 p 13

(28) CA Rennes 4 juillet 2002 JCP eacuted G 2003 I 101 note J Rubellin-Devichi

(29) laquo Si le principe structurant de lautoriteacute parentale est linteacuterecirct de lenfant deacutetermineacute in concreto le droit de la filiation nappreacutecie en revanche jamais linteacuterecirct concret dun enfant preacutecis mais linteacuterecirct geacuteneacuteral de lenfant in abstracto raquo A Gouttenoire laquo A chacun sa famille agrave chacun son droit raquo Dr Famille no 7 juillet 2006 Alerte 41

(30) E Camuzet La convention de gestation pour autrui une illeacutegaliteacute franccedilaise injustifieacutee art preacutec p 52

(31) P Raynaud laquo Un abus de ladoption simple les couples adoptifs raquo D 1983 chron p 39 H Gaumont-Prat laquo Pas dadoption pour les enfants issus de convention de megravere porteuse raquo RLDC no 5 mai 2004 p 31 laquo Le rejet dans le non-droit des enfants neacutes dans des circonstances qui deacuterangent la socieacuteteacute relegraveve du deacuteni de la reacutealiteacute porteur de nombreux effets pathogegravenes et injustes raquo

(32) J Rubellin-Devichi laquo Materniteacute de substitution qui est la megravere raquo note sous CA Rennes 4 juillet 2002 preacutec I 101 C Ducomte laquo La vraie querelle des megraveres porteuses raquo preacutec P Raynaud laquo Un abus de ladoption simple les couples adoptifs raquo art preacutec chron p 39 G Kessler laquo La consolidation de situations illicites dans linteacuterecirct de lenfant raquo art preacutec Etude 16

(33) F Dekeuwer-Deacutefossez laquo Reacuteflexion sur les mythes fondateurs du droit contemporain de la famille raquo RTD civ 1995 p 269 E Camuzet La convention de gestation pour autrui une illeacutegaliteacute franccedilaise injustifieacutee art preacutec p 66 A Ponsard rapport sous Cass civ 1re 16

36

novembre 1982 JCP eacuted G 1983 II 19954 M-T Meulders-Klein laquo Le droit agrave lenfant face au

droit de lenfant et les procreacuteations meacutedicalement assisteacutees raquo RTD civ 1988 p 645 F Terreacute Lenfant de lesclave Geacuteneacutetique et droit Flammarion 1987 p 128

(34) Convention de New York du 26 janvier 1990 Charte des droits fondamentaux de lUnion europeacuteenne du 7 deacutecembre 2000 Deacuteclaration universelle des droits de lhomme de 1789 Convention internationale des droits de lenfant de 1989

(35) Cass ass plegraven 31 mai 1991 Bull civ ass plegraven no 4 Defreacutenois 1991 art 35142 no 103 obs J-L Aubert et art 35088 no 67 p 948 obs J Massip D 1991 p 417 rapport Y Chartier note D Thouvenin JCP eacuted G 1991 II 21752 communication J Bernard concl H Dontenwille note F Terreacute RTD civ 1991 p 517 obs D Huet-Weiller

(36) Cass civ 1re 24 feacutevrier 2006 Bull civ I no 101 p 95 Defreacutenois 2006 art 38415 no 40 p 1067 obs J Massip D 2006 juris p 897-900 obs D Vigneau T Anatrella laquo Adoption et homoparentaliteacute leacuteclairage des droits de lhomme raquo Dr Famille 2003 no 10 p

8-10 agrave lidentique dans un arrecirct du 22 janvier 1992 D 1993 p 119 note J Vassaux la cour dappel de Poitiers a prononceacute ladoption simple dun enfant neacute dune convention de megravere porteuse au motif que laquo cette adoption nest pas seulement conforme agrave linteacuterecirct de lenfant mais encore constitue une neacutecessiteacute qui deacutecoule des reacutealiteacutes de la vie issues derreurs des adultes dont lenfant ne doit pas subir les conseacutequences raquo

(37) G Kessler laquo La consolidation de situations illicites dans linteacuterecirct de lenfant raquo art preacutec eacutetude no 16 M-T Meulders-Klein laquo Le droit agrave lenfant face au droit de lenfant et les procreacuteations meacutedicalement assisteacutees raquo art preacutec p 645

(38) Cass civ 1re 18 mai 2005 Bull civ I no 211 p 179 V Depadt-Sebag laquo Non-lieu dans une affaire de materniteacute pour autrui raquo D 2005 p 476 J Massip laquo Megravere porteuse et deacutecheacuteance de lautoriteacute parentale raquo art preacutec no 216 p 11 F Terreacute Lenfant de lesclave Geacuteneacutetique et droit op cit adde F Terreacute et D Fenouillet Droit civil Les personnes la famille les incapaciteacutes 6e eacuted Preacutecis Dalloz no 926 M Lamarche laquo Inteacuterecirct supeacuterieur de lenfant de ladmission des effets dune convention de megravere porteuse agrave la destruction du droit franccedilais de la filiation raquo Dr Famille novembre 2007 no 11

(39) M Donnier laquo Linteacuterecirct de lenfant raquo D 1959 chron p 27 F Laroche-Gisserot note sous Cass civ 1re 27 mai 1998 D 1998 p 530 F Millet laquo Ladoption dun inteacuterecirct agrave lautre raquo RRJ 2003-3 p 1777 et s A Gouttenoire laquo A chacun sa famille agrave chacun son droit raquo art preacutec Alerte 41

(40) Par la loi no 2007-293 du 5 mars 2007 reacuteformant la protection de lenfance (JO du 6 mars 2007 Defreacutenois 2007 Leacuteg p 282) le leacutegislateur a inteacutegreacute la notion dinteacuterecirct de lenfant dans le Code de laction sociale et des familles Le nouvel article L 112-4 dudit code dispose que laquo Linteacuterecirct de lenfant la prise en compte de ses besoins fondamentaux physiques intellectuels sociaux et affectifs ainsi que le respect de ses droits doivent guider toutes deacutecisions le concernant raquo

(41) Amendement no 48 rect Protection de lenfance no 3184 Assembleacutee nationale 22 deacutecembre 2006 wwwassemblee-nationalefr v aussi sur lensemble de ces questions les consideacuterations tregraves eacuteclairantes de P Murat note sous CA Rennes 4 juillet 2002 D 2002 p 2902 Dr Famille 2002 comm no 142 note P Murat

(42) F Granet-Lambrechts laquo Materniteacutes de substitution filiation et eacutetat civil Panorama europeacuteen raquo Dr Famille no 12 deacutecembre 2007 eacutetude no 34

(43) D Youf Penser les droits de lenfant PUF 2002 p 2

(44) G Cornu La famille 6e eacuted no 7 J Carbonnier Droit civil t 4 Les obligations PUF coll Theacutemis no 372 p 649

(45) D Fenouillet et P de Vareilles-Sommiegraveres La contractualisation du droit de la famille Economica 2001

37

(46) H Gaumont-Prat laquo Pas dadoption pour les enfants issus de convention de megravere porteuse raquo art preacutec p 31

(47) E Poisson-Droccourt laquo Recours agrave une megravere de substitution et refus de ladoption raquo art preacutec p 2001 note sous Cass civ 1re 9 deacutecembre 2003 G Delaisi de Perseval laquo Gestation pour autrui en quecircte de leacutegitimation raquo httpwwwliberationfr

(48) C Neirinck laquo Les filiations eacutelectives agrave leacutepreuve du droit raquo JCP eacuted G 1997 I 4067 E Camuzet laquo La convention de gestation pour autrui une illeacutegaliteacute franccedilaise injustifieacutee raquo art preacutec p 59

(49) J Hauser et D Huet-Weiller Traiteacute de droit civil La famille Fondation et vie de la famille 2e eacuted LGDJ 1993 p 250

(50) B Debreacute et S Agacinski laquo Faut-il leacutegaliser les megraveres porteuses en France raquo art preacutec p 50 C Atias D 1986 chron p 67

Civ 1egravere

13 deacutecembre 1989

Ndeg de pourvoi 88-15655

Publieacute au bulletin

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Attendu selon les juges du fond que lrsquoassociation ldquo Alma Mater ldquo a pour objet de faciliter la

solution des problegravemes qui se posent aux couples dont la femme est steacuterile deacutesireux

drsquoaccueillir un enfant agrave leur foyer et aux ldquo megraveres porteuses ldquo volontaires qursquoil est proposeacute agrave

la ldquo megravere porteuse ldquo drsquoecirctre inseacutemineacutee artificiellement par la semence du mari ou du concubin

de porter et de mettre au monde lrsquoenfant qui sera deacuteclareacute sur les registres de lrsquoeacutetat civil sans

indication du nom de la megravere reconnu par le pegravere et accueilli au foyer de celui-ci en vue de

son adoption par lrsquoeacutepouse ou la compagne que lrsquoassociation intervient tout au long de ce

processus qualifieacute de ldquo precirct drsquouteacuterus ldquo ou de ldquo don drsquoenfant ldquo qursquoainsi apregraves avoir controcircleacute la

reacutealiteacute de la steacuteriliteacute du couple demandeur et des faculteacutes de feacutecondation de la ldquo megravere porteuse

ldquo geacuteneacuteralement recruteacutee par elle lrsquoassociation fait proceacuteder agrave lrsquoinseacutemination surveille la

grossesse et lrsquoaccouchement srsquooccupe de faire diligenter la proceacutedure drsquoadoption qursquoelle

verse ensuite agrave la megravere une somme forfaitaire - qui en 1987 eacutetait fixeacutee agrave 60 000 francs -

remise par le couple demandeur degraves le deacutebut de la grossesse que lrsquoarrecirct confirmatif attaqueacute

(Aix-en-Provence 29 avril 1988) estimant que cette association avait un objet illicite

contraire aux lois et aux bonnes moeurs en a prononceacute la nulliteacute sur le fondement de lrsquoarticle

3 de la loi du 1er juillet 1901

Sur le moyen unique pris en sa premiegravere branche

Attendu que lrsquoassociation ldquo Alma Mater ldquo fait grief agrave la cour drsquoappel drsquoavoir ainsi statueacute alors

que selon le moyen nrsquoest ni illicite ni contraire aux bonnes moeurs lrsquoassociation qui dans un

but humanitaire non lucratif met en relation un couple demandeur dont la femme est steacuterile et

38

une femme qui accepte drsquoecirctre inseacutemineacutee artificiellement par le mari de porter lrsquoenfant et de le

remettre agrave la naissance agrave ce couple qui lrsquoindemnisera des contraintes et de la gecircne occasionneacutee

par la grossesse de sorte que la juridiction du second degreacute aurait violeacute les articles 3 et 7 de la

loi du 1er juillet 1901

Mais attendu qursquoil reacutesulte des constatations des juges du fond que lrsquoobjet mecircme de

lrsquoassociation est de favoriser la conclusion et lrsquoexeacutecution de conventions qui fussent-elles

verbales portent tout agrave la fois sur la mise agrave la disposition des demandeurs des fonctions

reproductrices de la megravere et sur lrsquoenfant agrave naicirctre et sont donc nulles en application de lrsquoarticle

1128 du Code civil que ces conventions contreviennent au principe drsquoordre public de

lrsquoindisponibiliteacute de lrsquoeacutetat des personnes en ce qursquoelles ont pour but de faire venir au monde un

enfant dont lrsquoeacutetat ne correspondra pas agrave sa filiation reacuteelle au moyen drsquoune renonciation et

drsquoune cession eacutegalement prohibeacutees des droits reconnus par la loi agrave la future megravere que

lrsquoactiviteacute de lrsquoassociation qui tend deacutelibeacutereacutement agrave creacuteer une situation drsquoabandon aboutit agrave

deacutetourner lrsquoinstitution de lrsquoadoption de son veacuteritable objet qui est en principe de donner une

famille agrave un enfant qui en est deacutepourvu que crsquoest degraves lors agrave bon droit que lrsquoarrecirct attaqueacute a

deacutecideacute sur le fondement de lrsquoarticle 3 de la loi du 1er juillet 1901 que cette association eacutetait

nulle en raison de lrsquoilliceacuteiteacute de son objet que la premiegravere branche du moyen est donc sans

fondement

Et sur les deuxiegraveme et troisiegraveme branches du moyen

Attendu qursquoil est fait grief agrave la cour drsquoappel de nrsquoavoir pas reacutepondu aux conclusions faisant

valoir drsquoune part que lrsquointerdiction du ldquo don de gestation ldquo constituait une discrimination

fondeacutee sur la naissance contraire aux dispositions de lrsquoarticle 24 du pacte international relatif

aux droits civils et politiques signeacute agrave New York le 19 deacutecembre 1966 et drsquoautre part que ce ldquo

don de gestation ldquo reposait sur le droit leacutegitime de fonder une famille qui implique le droit

drsquoengendrer reconnu tant par lrsquoarticle 12 de la convention europeacuteenne des droits de lrsquohomme

et des liberteacutes fondamentales du 4 novembre 1950 que par lrsquoarticle 23 du pacte international

preacuteciteacute

Mais attendu que la reconnaissance du caractegravere illicite de la materniteacute pour autrui et des

associations qui srsquoefforcent de la promouvoir qui se deacuteduit des principes geacuteneacuteraux du Code

civil et de regravegles qui sont communes agrave toutes les filiations nrsquoest pas de nature agrave instaurer une

discrimination fondeacutee sur la naissance que le droit de se marier et de fonder une famille

reconnu par lrsquoarticle 12 de la convention du 4 novembre 1950 et par lrsquoarticle 23 du pacte

international du 19 deacutecembre 1966 agrave lrsquohomme et agrave la femme en acircge nubile nrsquoimplique pas le

droit de conclure avec un tiers des conventions portant sur le sort drsquoun enfant agrave naicirctre que

par ces motifs de droit reacutepondant aux conclusions invoqueacutees lrsquoarrecirct se trouve leacutegalement

justifieacute et que les deuxiegraveme et troisiegraveme branches du moyen ne peuvent ecirctre accueillies

PAR CES MOTIFS

REJETTE le pourvoi

Publication Bulletin 1989 I Ndeg 387 p 260

Deacutecision attaqueacutee Cour drsquoappel drsquoAix-en-Provence du 29 avril 1988

39

Cour de cassation Assembleacutee pleacuteniegravere

Audience publique du 31 mai 1991

Ndeg de pourvoi 90-20105 Publieacute au bulletin

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Sur le pourvoi dans lrsquointeacuterecirct de la loi formeacute par M le Procureur geacuteneacuteral pregraves la Cour de

Cassation

Vu les articles 6 et 1128 du Code civil ensemble lrsquoarticle 353 du mecircme Code

Attendu que la convention par laquelle une femme srsquoengage fucirct-ce agrave titre gratuit agrave concevoir

et agrave porter un enfant pour lrsquoabandonner agrave sa naissance contrevient tant au principe drsquoordre

public de lrsquoindisponibiliteacute du corps humain qursquoagrave celui de lrsquoindisponibiliteacute de lrsquoeacutetat des

personnes

Attendu selon lrsquoarrecirct infirmatif attaqueacute que Mme X eacutepouse de M Y eacutetant atteinte drsquoune

steacuteriliteacute irreacuteversible son mari a donneacute son sperme agrave une autre femme qui inseacutemineacutee

artificiellement a porteacute et mis au monde lrsquoenfant ainsi conccedilu qursquoagrave sa naissance cet enfant a

eacuteteacute deacuteclareacute comme eacutetant neacute de Y sans indication de filiation maternelle

Attendu que pour prononcer lrsquoadoption pleacuteniegravere de lrsquoenfant par Mme Y lrsquoarrecirct retient

qursquoen lrsquoeacutetat actuel des pratiques scientifiques et des moeurs la meacutethode de la materniteacute

substitueacutee doit ecirctre consideacutereacutee comme licite et non contraire agrave lrsquoordre public et que cette

adoption est conforme agrave lrsquointeacuterecirct de lrsquoenfant qui a eacuteteacute accueilli et eacuteleveacute au foyer de M et

Mme Y pratiquement depuis sa naissance

Qursquoen statuant ainsi alors que cette adoption nrsquoeacutetait que lrsquoultime phase drsquoun processus

drsquoensemble destineacute agrave permettre agrave un couple lrsquoaccueil agrave son foyer drsquoun enfant conccedilu en

exeacutecution drsquoun contrat tendant agrave lrsquoabandon agrave sa naissance par sa megravere et que portant atteinte

aux principes de lrsquoindisponibiliteacute du corps humain et de lrsquoeacutetat des personnes ce processus

constituait un deacutetournement de lrsquoinstitution de lrsquoadoption la cour drsquoappel a violeacute les textes

susviseacutes

PAR CES MOTIFS

CASSE ET ANNULE mais seulement dans lrsquointeacuterecirct de la loi et sans renvoi lrsquoarrecirct rendu le

15 juin 1990 par la cour drsquoappel de Paris

REQUETE DE M LE PROCUREUR GENERAL PRES LA COUR DE CASSATION

Le Procureur geacuteneacuteral pregraves la Cour de Cassation a lrsquohonneur drsquoexposer

- Que par jugement du 28 juin 1989 le tribunal de grande instance de Paris a rejeteacute la requecircte

preacutesenteacutee par Mme X eacutepouse Y tendant agrave lrsquoadoption pleacuteniegravere de lrsquoenfant Z deacuteclareacutee

comme eacutetant neacutee de M Y mari de la requeacuterante sans indication de filiation maternelle

- Que pour ne pas faire droit agrave cette requecircte les premiers juges ont retenu que les eacutepoux Y

pour remeacutedier agrave la steacuteriliteacute de leur couple avaient eu recours agrave lrsquoassociation Alma Mater

aujourdrsquohui dissoute lrsquoenfant eacutetant neacute drsquoune megravere de substitution qui lrsquoa abandonneacute agrave la

naissance pratique deacuteclareacutee illicite

- Que sur appel de Mme Y la premiegravere chambre civile section C de la cour drsquoappel de

Paris a par arrecirct du 15 juin 1990 infirmeacute la deacutecision entreprise et prononceacute lrsquoadoption

pleacuteniegravere solliciteacutee par la requeacuterante

- Qursquoau soutien de leur deacutecision devenue deacutefinitive les juges du second degreacute ont tireacute de nos

principes geacuteneacuteraux relatifs agrave la filiation des regravegles drsquoordre public concernant les contrats et de

40

certaines conventions ou deacuteclarations internationales des conclusions contraires agrave celles

auxquelles eacutetait parvenue votre premiegravere chambre civile de la Cour de Cassation qui dans un

cas de figure pratiquement identique a par arrecirct du 13 deacutecembre 1989 (association Alma

Mater contre procureur geacuteneacuteral Aix-en-Provence) reconnu le caractegravere illicite de la materniteacute

pour autrui et les associations qui srsquoefforcent de la promouvoir

- Qursquoil importe en cette matiegravere particuliegraverement sensible qui touche agrave un deacutelicat problegraveme de

socieacuteteacute et drsquoeacutethique que soit mis fin agrave des divergences jurisprudentielles majeures et que la

seacutecuriteacute juridique soit assureacutee

PAR CES MOTIFS

Vu lrsquoarticle 17 de la loi du 3 juillet 1967 relative agrave la Cour de Cassation

Requiert qursquoil plaise agrave la Cour de Cassation

CASSE ET ANNULE sans renvoi et dans le seul inteacuterecirct de la loi lrsquoarrecirct rendu le 15 juin 1990

par la cour drsquoappel de Paris ayant fait droit agrave la requecircte en adoption pleacuteniegravere preacutesenteacutee par

Mme X eacutepouse Y

Publication Bulletin 1991 AP Ndeg 4 p 5

Deacutecision attaqueacutee Cour drsquoappel de Paris du 15 juin 1990

Page 19: SEANCE_3 Droit Civil Methodologie

19

nouvelles modifications reacuteglementaires afin dassouplir les regravegles de seacutelection des donneurs

(communiqueacute du 11 mai 2004) Cette situation ne doit toutefois pas conduire agrave des

discriminations ignoreacutees de la reacuteglementation sanitaire et contraires agrave notre tradition juridique

larrecirct du Conseil dEtat du 30 avril 2004 sen fait leacutecho En lespegravece un ressortissant

marocain en situation irreacuteguliegravere atteint dune grave insuffisance reacutenale chronique et inscrit

sur la liste des receveurs de greffes dorganes en vue dune transplantation reacutenale se voit

notifier une mesure de reconduite agrave la frontiegravere sur le fondement de larticle 25 de

lordonnance du 2 novembre 1945 Larrecircteacute deacutecidant cette reconduite est annuleacute comme

entacheacute dune erreur manifeste dappreacuteciation des conseacutequences de cet arrecircteacute sur la situation

personnelle de linteacuteresseacute car il ne pouvait pas beacuteneacuteficier dune opeacuteration de transplantation

dans son pays dorigine Peut-on voir dans cette solution tregraves humaine une application preacutecoce

du principe nouvellement inscrit dans le nouvel article L 1231-1 A c) du code de la santeacute

publique qui impose le respect du principe deacutequiteacute dans les regravegles de reacutepartition et

dattribution des greffons

4 La question des soins imposeacutes suscite toujours des questions deacutelicates autant sur un plan

humain quun plan juridique Le droit pour le patient majeur de donner lorsquil se trouve en

leacutetat de lexprimer son consentement agrave un traitement meacutedical comme le rappelle lalineacutea 2 de

larticle 16-3 revecirct le caractegravere dune liberteacute fondamentale (CE ord reacutef 16 aoucirct 2002 D

2004 Somm p 602 obs J Penneau RTD civ 2002 p 781 obs J Hauser) Larticle L

1111-4 du code de la santeacute publique tel quissu de la loi du 4 mars 2002 sur le droit des

malades prescrit que le pouvoir de deacutecision sexerce avec le professionnel de santeacute compte

tenu des informations et des preacuteconisations quil lui fournit le meacutedecin ne dispose plus

deacutesormais que dun pouvoir de conseil qui lui interdit de passer outre la volonteacute du patient

mecircme en cas durgence vitale Le meacutedecin doit respecter la volonteacute de la personne apregraves

lavoir informeacutee des conseacutequences de ses choix (il nest dailleurs pas obligeacute de la convaincre

Cass 1re civ 18 janv 2000 D 2001 Jur p 3559 note M-L Mathieu-Izorche) aucun acte

ni aucun traitement ne peut ecirctre pratiqueacute sans le consentement libre et eacuteclaireacute de la personne

consentement quelle peut retirer agrave tout moment Toutefois parmi les soins imposeacutes les

obligations de vaccination tiennent une place particuliegravere Bien accepteacutees par le public

lorsquelles furent introduites pour lutter contre des eacutepideacutemies dont chacun pouvait mesurer

autour de soi les effets deacutevastateurs (la premiegravere vaccination obligatoire remonte agrave la loi du 15

feacutevr 1902 F Moderne Le reacutegime juridique des vaccinations obligatoires AJDA 1965 p

195) ces mesures autoritaires encore nombreuses (contre la diphteacuterie art L 3111-1 c santeacute

publ le teacutetanos art L 3111-2 c santeacute publ la poliomyeacutelite art L 3111-3 c santeacute publ

la tuberculose art L 3111-4 c santeacute publ) sont aujourdhui contesteacutees au nom de la liberteacute

individuelle alors que ces grandes pandeacutemies ont peu agrave peu replieacute leurs ailes de mort sur

notre pays du moins Dans un arrecirct dAssembleacutee du 3 mars 2004 (Association Liberteacute

Information Santeacute RFDA 2004 p 581 concl comm du gouv G Le Chatelier AJDA

2004 p 971) le Conseil dEtat a eu loccasion de preacuteciser les pouvoirs reacuteglementaires dont

peut disposer le ministre de la Deacutefense pour imposer certaines vaccinations obligatoires

contrairement aux conclusions du commissaire du gouvernement il a admis que le ministre de

la Deacutefense en tant que chef de service peut imposer des vaccinations aux militaires placeacutes

sous son autoriteacute Si le principe dinteacutegriteacute du corps ne constitue pas en lui-mecircme un principe

agrave valeur constitutionnelle il concourt toutefois agrave assurer le respect du principe constitutionnel

de sauvegarde de la digniteacute de la personne humaine (Cons const 27 juill 1994 RJC p 100

B Edelman Le Conseil constitutionnel et lembryon D 1995 Chron p 205 Jur p 237 note

B Mathieu Somm p 299 obs L Favoreu) Cette expression essentielle et incarneacutee de la

liberteacute individuelle doit ecirctre concilieacutee avec des impeacuteratifs sociaux de santeacute dont la valeur nest

pas moindre La Haute juridiction administrative avait deacutejagrave eu loccasion de preacuteciser que les

20

dispositions imposant des vaccinations obligatoires si elles ont pour effet de porter une

atteinte limiteacutee aux principes dinviolabiliteacute et dinteacutegriteacute du corps humain voient leur mise en

oeuvre justifieacutee dans le but dassurer la protection de la santeacute dont le principe se trouve garanti

par le Preacuteambule de la Constitution de 1946 et sont proportionneacutees agrave cet objectif (CE 26 nov

2001 ALIS req ndeg 222741 RFDA 2002 p 65 concl comm du gouv S Boissard) Cest

normalement agrave la loi quil revient darbitrer entre ces deux principes Dans une autre affaire

(CA Pau 19 mars 2002 Dr fam 2004 ndeg 137 obs M S) des parents avaient eacuteteacute

condamneacutes agrave des peines contraventionnelles pour avoir soustrait leurs enfants agrave lobligation

vaccinale pour des raisons religieuses Ces deacutecisions ont eacuteteacute rendues alors que la loi du 4 mars

2002 sur le droit des patients neacutetait pas entreacutee en vigueur le renforcement de la liberteacute du

patient serait-elle de nature agrave assouplir les obligations vaccinales La jurisprudence de la

Cour europeacuteenne des droits de lhomme semble aller en ce sens (CEDH 9 juill 2002 ndeg

4219798 Salvetti c Italie une vaccination obligatoire en tant que traitement meacutedical non

volontaire constitue une ingeacuterence dans le droit au respect de la vie priveacutee reconnu par lart 8

sect 1 Conv EDH) Quil nous soit permis deacutemettre des reacuteserves sauf agrave ruiner toute la politique

de preacutevention mise en place par les autoriteacutes sanitaires depuis un siegravecle et dont les effets

salutaires ne sont pas contestables la reacutesistance des juridictions administratives qui sous-tend

larrecirct dAssembleacutee rapporteacute face aux derniers avatars dun certain extreacutemisme libertarien

dont le corps devient le bastion (pour un bon exposeacute de ces thegraveses Onfray Feacuteeacuteriques

anatomiques geacuteneacutealogie du corps faustien Grasset-Fasquelle 2003) montre que lhypothegravese

est ici bien diffeacuterente dun simple refus de soin comme dans le cas des transfusions elles ne

mettent en jeu que la vie du patient (sur cette derniegravere question B Mathieu De la difficulteacute

de choisir entre la liberteacute et la vie RGDM 2003 ndeg 9 p 97 A Garay Volonteacutes et liberteacutes

dans la relation meacutedecin-malade la mise agrave leacutepreuve des articles 16-3 du code civil et L

1111-4 du code de la santeacute publique RGDM 2003 ndeg 10 p 143)

5 Moins sujet agrave deacutebat larrecirct rendu par la Cour europeacuteenne (22 juill 2003 req ndeg 2420994

RD publ 2004 ndeg 3 p 826 note C Picheral) qui condamne la Turquie pour ingeacuterence dans

le droit au respect de la vie priveacutee reconnu par larticle 8 sect 1 de la Convention europeacuteenne

Dans cette affaire la plaignante avait subi un examen gyneacutecologique forceacute destineacute agrave prouver

agrave lissue de sa garde agrave vue quelle navait pas subi de violences sexuelles La Cour europeacuteenne

qui integravegre deacutesormais le respect du corps humain dans la sphegravere de la vie priveacutee fait ici une

application logique de larticle 8 dans la ligne de la jurisprudence preacuteceacutedemment citeacutee

2 - Indisponibiliteacute et extra-patrimonialiteacute du corps humain

6 Le principe dextra-patrimonialiteacute du corps humain se trouve repris par les articles 16-1

alineacutea 3 16-5 et 16-6 du code civil quil est parfois difficile de distinguer du principe

dindisponibiliteacute du corps humain que la jurisprudence fonde sur larticle 1128 du mecircme code

(Cass ass pleacuten 31 mai 1991 D 1991 Jur p 417 rapp Y Chartier note D Thouvenin) Si

la qualification dindisponibiliteacute a eacuteteacute eacutecarteacutee du vocabulaire des lois de 1994 et de 2004

comme par la doctrine dominante pour cause dambiguiumlteacute (D Fenouillet Respect et protection

du corps humain J-Cl civil art 16 agrave 16-12 fasc 12 ndeg 134 s) la jurisprudence y revient

parfois pour affirmer que le corps nest pas une chose dans le commerce Larrecirct de la Cour

dappel de Paris du 16 mai 2003 reacuteforme sur ce point un jugement du Tribunal des affaires de

seacutecuriteacute sociale de Paris du 5 juillet 2001 qui avait agrave tort exoneacutereacute une prostitueacutee du paiement

de la cotisation dallocations familiales des travailleurs indeacutependants au motif quanalyser une

activiteacute sexuelle reacutemuneacutereacutee comme un travail reviendrait agrave admettre que le commerce du

corps humain est leacutegal alors que leacutegaliser ce commerce aboutit agrave nier et agrave rejeter le principe

dindisponibiliteacute du corps humain La cour rappelle agrave bon droit que le commerce des relations

sexuelles nest pas en soi illicite seules eacutetant interdites certaines conditions dexercice de cette

21

activiteacute en tant quelles conduiraient aux infractions de racolage et de proxeacuteneacutetisme Affirmer

que lactiviteacute en cause na aucun lien avec lindisponibiliteacute du corps humain a quelque chose

de surreacutealiste le fait quelle ne soit pas peacutenalement reacuteprimeacutee nempecircche pas le caractegravere

illicite du contrat passeacute entre la prostitueacutee et son client (dans ce sens pour la nulliteacute dune

assurance souscrite par un proxeacutenegravete contre les accidents corporels freacutequents dans ce genre

dactiviteacutes CA Paris 22 janv 1992 Juris-Data ndeg 020308) Reste la justification de la

deacutecision par la relative autonomie du droit des prestations sociales larticle R 241-2 du code

de la seacutecuriteacute sociale vise toutes les activiteacutes non salarieacutees mecircme de caractegravere accessoire La

Chambre sociale de la Cour de cassation a deacutejagrave admis la prostitution au titre de ces activiteacutes

(18 mai 1995 D 1996 Somm p 38 obs X Preacutetot) eacutecarter les activiteacutes de prostitution de

lassiette des cotisations sociales ne serait-ce pas les encourager davantage au risque pour

lEtat de reprendre agrave son compte le ceacutelegravebre adage de Vespasien

7 Nous rappellerons encore larrecirct rendu par la premiegravere Chambre civile le 9 deacutecembre 2003

confirmant le rejet de ladoption pleacuteniegravere par la femme du pegravere dune enfant qui est le fruit

dune convention de megravere porteuse Lamie dun couple steacuterile avait accepteacute en 1987

dabandonner agrave sa naissance sans indication de filiation maternelle lenfant conccedilu des relations

intimes quelle avait eues avec leacutepoux La demanderesse au pourvoi soutenait que lilliceacuteiteacute de

la convention neacutetait pas eacutetablie par la jurisprudence et par la loi au moment des faits et quil

fallait prendre en consideacuteration pour ladoption pleacuteniegravere les douze anneacutees passeacutees par lenfant

aupregraves delle les inteacuterecircts de ce dernier primant la neacutecessiteacute de sanctionner la convention La

Cour de cassation confirmant sa jurisprudence du 31 mai 1991 (preacutec) et du 29 juin 1994 (D

1994 Jur p 581 note Y Chartier) rappelle laquo que la materniteacute pour autrui dont le caractegravere

illicite se deacuteduit des principes geacuteneacuteraux du code civil et aujourdhui de son article 16-7

reacutealise un deacutetournement de linstitution de ladoption que les premiers juges ont agrave bon droit

refuseacute raquo Prudemment la Haute juridiction neacutevoque pas la notion dindisponibiliteacute cet laquo

imaginaire de la doctrine raquo (M Gobert Reacuteflexions sur les sources du droit et les principes

dindisponibiliteacute du corps humain et de leacutetat des personnes RTD civ 1992 p 489) pour se

contenter logiquement de viser larticle 16-7 qui a vocation agrave sappliquer mecircme si le contrat

reste secret la graviteacute du vice initial de la materniteacute pour autrui contaminant toute adoption

ulteacuterieure

8 Le Tribunal administratif dAmiens dans sa deacutecision du 9 mars 2004 fait une application

discutable de la notion dextra-commercialiteacute des eacuteleacutements et des produits du corps humain

dans une hypothegravese ougrave cette qualification ne devait pas jouer Un couple perd ses embryons

congeleacutes in vitro en raison de la deacutefaillance du mateacuteriel de conservation imputable agrave un

eacutetablissement hospitalier Peut-il se preacutevaloir dun preacutejudice indemnisable dans le cadre de

laction en responsabiliteacute quil engage contre cet eacutetablissement La juridiction administrative

saisie admet la responsabiliteacute de la personne publique le mateacuteriel de conservation lui

appartenant eacutetant en cause mais sur la question de la reacuteparation du preacutejudice subi reacutepond de

maniegravere surprenante laquo si les eacutepoux peuvent se preacutevaloir de lexistence dun preacutejudice

mateacuteriel reacutesultant de la perte dovocytes les dispositions de larticle 16-1 du code civil selon

lesquelles le corps humain ses eacuteleacutements et ses produits ne peuvent faire lobjet dun droit

patrimonial sopposent agrave ce quils puissent en demander la reacuteparation en argent raquo et il

poursuit laquo les ovocytes surnumeacuteraires neacutetant pas des personnes ils ne sont pas fondeacutes agrave se

preacutevaloir dun preacutejudice moral reacutesultant selon eux de la perte decirctres chers raquo Le couple se

voit toutefois allouer 10 000 euros de dommages-inteacuterecircts pour les laquo troubles divers raquo dans

leurs conditions dexistence Si les ovocytes ne sont pas eacutevaluables en argent et si leur perte ne

peut donc pas justifier un preacutejudice mateacuteriel il nen va pas de mecircme dun preacutejudice moral

causeacute par leur perte (la perte dun animal domestique le justifie en droit civil ) et surtout le

22

preacutejudice reacutesultant de la perte dune chance de devenir parents pour un couple deacutejagrave acircgeacute et qui

rencontre des difficulteacutes pour procreacuteer degraves lors quaurait pu ecirctre eacutetablie la disparition par

leffet de la faute imputeacutee agrave leacutetablissement hospitalier de leacuteveacutenement favorable la

probabiliteacute de la naissance dun enfant (en droit meacutedical G Meacutemeteau Gaz Pal 1997 2

Doctr p 1367) La juridiction administrative a manqueacute une occasion de faire avancer le droit

biomeacutedical dans une affaire inattendue et hautement symbolique

B - Reacuteglementation des eacuteleacutements et les produits du corps

Prenant appui sur les principes geacuteneacuteraux gouvernant le statut du corps humain le reacutegime

juridique des eacuteleacutements et des produits biologiques dorigine humaine peut toutefois preacutesenter

des particulariteacutes

1 - La greffe de visage

9 Le Comiteacute consultatif national deacutethique dans son avis ndeg 82 du 6 feacutevrier 2004 eacutemet un

avis deacutefavorable au preacutelegravevement du visage dune personne deacuteceacutedeacutee ou en langage meacutedical agrave

lallotransplantation de tissus composites En deacutepit des besoins eacutevidents pour la chirurgie

reconstructive des victimes deacutefigureacutees agrave la suite daccidents ou de suicides manqueacutes le

Comiteacute consultatif considegravere que des obstacles dirimants subsistent actuellement pour

ladmission dun tel preacutelegravevement les perspectives de laquo reacuteussite raquo dune telle opeacuteration

demeurent tregraves theacuteoriques les risques de rejet des greffons eacutetant laquo extrecircmement graves raquo il

paraicirct par ailleurs fort deacutelicat de solliciter lautorisation de la famille du deacuteceacutedeacute pour effectuer

les preacutelegravevements la signification eacutethique particuliegravere du visage humain son lien intime agrave la

personnaliteacute et agrave lidentiteacute en font davantage quune piegravece anatomique Cette prudence sinscrit

dans le cadre des principes traditionnels du droit meacutedical la technique envisageacutee relevant

pour lheure davantage de lexpeacuterimentation que de la theacuterapeutique

2 - Les banques de sang de cordon ombilical

10 Les cellules heacutematopoiumleacutetiques preacutesentes dans le sang du cordon ombilical peuvent ecirctre

utiliseacutees pour le traitement de certaines maladies geacuteneacutetiques elles peuvent notamment

repeupler la moelle osseuse du patient et constituer une source de cellules sanguines offrant

ainsi une solution alternative agrave la greffe de moelle osseuse Des banques de ces cellules ont

eacuteteacute creacuteeacutees dans des institutions hospitaliegraveres et plus reacutecemment dans le secteur priveacute Ces

activiteacutes pour certaines agrave but lucratif suscitent eacutevidemment des questions juridiques et

eacutethiques Le Comiteacute national sest en France pencheacute sur ce problegraveme (avis ndeg 74 du 12 deacutec

2002) de mecircme que divers organismes de santeacute europeacuteens Le Groupe europeacuteen deacutethique

institueacute aupregraves du preacutesident de la Commission europeacuteenne a consacreacute agrave ce point son avis ndeg

16 rendu le 16 mars 2004 En substance les sages du Groupe europeacuteen critiquent vivement

louverture de cette activiteacute au secteur commercial degraves lors que les banques priveacutees noffrent

pas un laquo service utile en termes de possibiliteacutes theacuterapeutiques raquo (pt 21) et meacuteritent decirctre

eacutetroitement encadreacutees comme elles le seraient dailleurs en France Dun point de vue plus

geacuteneacuteral ces banques priveacutees de sang ombilical qui demeurent en veacuteriteacute assez marginales

posent la question des activiteacutes commerciales dans les secteurs sensibles de la santeacute qui nest

pas reacutesolue de maniegravere uniforme au sein de lUnion europeacuteenne Ladoption de

reacuteglementations telles que la directive CE ndeg 2004-23 du 31 mars 2004 concernant les aspects

de seacutecuriteacute et de qualiteacute pour les diffeacuterentes opeacuterations relatives aux eacuteleacutements biologiques

dorigine humaine va dans le sens de cette harmonisation

3 - Les normes europeacuteennes de qualiteacute et de seacutecuriteacute concernant les diffeacuterentes opeacuterations

relatives aux tissus et aux cellules humains

11 La directive CE ndeg 2004-23 du 31 mars 2004 constitue un texte important dans un secteur

ougrave lharmonisation communautaire tardait nonobstant le maillage reacuteglementaire existant en

23

matiegravere de meacutedicaments agrave usage humain (Dir CE ndeg 2001-83 du 6 nov 2001) Le texte

sapplique essentiellement aux eacuteleacutements biologiques destineacutes agrave lhomme ou agrave la fabrication de

produits manufactureacutes y compris pour des buts cosmeacutetiques agrave lexception des produits

destineacutes agrave des greffes autologues dans le cadre dune intervention chirurgicale unique du sang

et des produits sanguins (Dir CE ndeg 2002-98 du 27 janv 2002) des organes ou des parties

dorganes utiliseacutes aux mecircmes fins que lorgane entier dans le corps humain Les utilisations agrave

des fins de recherche sont eacutegalement exclues La directive sapplique en revanche aux gamegravetes

et aux cellules souches embryonnaires mais laisse aux Etats membres la faculteacute den autoriser

lutilisation Dune maniegravere geacuteneacuterale le texte communautaire nimpose pas de modegravele eacutethique

mais des obligations techniques dans un but de seacutecuriteacute sanitaire comprenant notamment la

mise en place dun systegraveme qualiteacute et de traccedilabiliteacute la deacutesignation dune personne responsable

mais il insiste cependant sur la gratuiteacute des dons et les exigences en matiegravere de consentement

La transposition qui ne devrait pas affecter de maniegravere sensible le cadre juridique franccedilais

actuel doit intervenir avant le 7 avril 2006

4 - Les cellules souches embryonnaires

12 Moins de deux mois apregraves ladoption de la reacutevision des lois bioeacutethiques et en application

de larticle 37 du nouveau texte qui autorise agrave titre transitoire avant la mise en place de

lAgence de la Biomeacutedecine les ministres concerneacutes agrave permettre limportation agrave des fins de

recherche de cellules souches embryonnaires humaines un deacutecret et un arrecircteacute (JO ndeg 228 du

30 sept 2004 p 16804) du 28 septembre 2004 viennent dy proceacuteder Les recherches sur ces

cellules fort contesteacutees il y a encore peu puisque la preacuteceacutedente autorisation dimportation de

cellules souches dorigine embryonnaire avait fait lobjet dun contentieux (TA Paris 21 janv

2003 D 2004 Somm p 532 obs H Gaumont-Prat LPA 2003 ndeg 196 p 7 note B

Pauvert) entrent donc rapidement dans la reacutealiteacute Ces souches importeacutees seront rapidement

supplanteacutees par pregraves de 50 000 embryons congeleacutes en France dont les geacuteniteurs ont renonceacute agrave

ce quils accegravedent agrave la naissance et qui vont pouvoir prochainement servir de mateacuteriel

dexpeacuterimentation comme la loi nouvelle lautorise deacutesormais

Mots cleacutes

PERSONNE HUMAINE Panorama 2004

Gazette du Palais 29 mai 2004 ndeg 150 P 15 - Tous droits reacuteserveacutes

Famille - Personnes

040412

ADOPTION Adoption pleacuteniegravere - Enfants pouvant faire lobjet dune adoption - Enfant neacute dune megravere

porteuse (non)

La materniteacute pour autrui dont le caractegravere illicite se deacuteduit des principes geacuteneacuteraux du Code

civil et aujourdhui de son article 16-7 reacutealise un deacutetournement de linstitution de ladoption

que les juges du fond ont donc agrave bon droit refuseacute de prononcer sans violer aucun des textes

invoqueacutes

C cass 1re civ 9 deacutecembre 2003 Mme X c Procureur geacuteneacuteral pregraves le Cour dappel de Y-

Pourvoi ndeg 0103927 Q - Rejet (C app Paris 1er feacutevrier 2001) - gr ndeg 1644P

NOTE

Reacuteiteacuteration de linterdiction dune adoption lieacutee agrave une procreacuteation pour le compte

dautrui -

24

Larrecirct rendu le 9 deacutecembre 2003 ne surprendra pas puisquil sinscrit dans la ligne traceacutee par

la Cour de cassation depuis 1989 confirmeacutee par la loi du 29 juillet 1994 relative au respect du

corps humain

En lespegravece Georges D et Denise M seacutetaient marieacutes le 15 deacutecembre 1962 et avaient eu un

enfant Fabrice neacute le 11 novembre 1966 Leacutepouse nayant pu avoir un deuxiegraveme enfant

pourtant vivement souhaiteacute le couple se serait adresseacute agrave une laquoamieraquo qui aurait accepteacute davoir

des relations intimes avec Georges D jusquagrave ce quelle conccediloive un enfant quil eacutetait convenu

de laisser degraves sa naissance au pegravere et agrave son eacutepouse

Cest ainsi que serait neacutee Sarah le 4 juillet 1987 qui fut deacuteclareacutee sur les registres de leacutetat civil

sans indication de filiation maternelle reconnue par Georges D puis recueillie aussitocirct par

celui-ci et son eacutepouse Cette derniegravere avait pris la preacutecaution de seacuteloigner de son domicile

pendant les derniers mois du deacuteveloppement in utero de lenfant afin que la substitution

maternelle soit ignoreacutee de lentourage des deux eacutepoux

Il sagissait donc bien selon les propres dires de Georges et Denise D dune materniteacute pour

autrui sans recours aux techniques modernes de procreacuteation meacutedicalement assisteacutee selon un

processus agrave la fois naturel et vieux comme le monde (1)

En janvier 1999 Denise D a saisi le Tribunal de grande instance dune requecircte en adoption

pleacuteniegravere de la fille de son mari

Le Tribunal par jugement du 8 deacutecembre 1999 puis la Cour dappel de Paris par arrecirct du 1er

feacutevrier 2001 ont rejeteacute sa demande au motif quen application des art 6 et 1128 C civ la

convention par laquelle une femme sengage agrave concevoir et agrave porter un enfant pour

labandonner agrave sa naissance est nulle car elle contrevient tant au principe dordre public de

lindisponibiliteacute du corps humain quagrave celui de lindisponibiliteacute de leacutetat des personnes et que

ladoption envisageacutee neacutetait que lultime phase dun processus illicite constitutif dun

deacutetournement de linstitution de ladoption

On reconnaicirctra lagrave les formules mecircmes employeacutees par la Cour de cassation notamment dans

son arrecirct dassembleacutee pleacuteniegravere du 31 mai 1991 (2) Il nest donc pas eacutetonnant que la Cour

suprecircme ait rendu un arrecirct de rejet dautant plus que sa jurisprudence a eacuteteacute conforteacutee par le

nouvel art 16-7 inseacutereacute dans le Code civil par la loi ndeg 94-653 du 29 juillet 1994 (3) qui

dispose que toute convention portant sur la procreacuteation ou la gestation pour le compte dautrui

est nulle

La Cour de cassation a bien entendu viseacute expresseacutement ce texte nouveau mais elle a tenu agrave

rappeler que le caractegravere illicite se deacuteduisait aussi des principes geacuteneacuteraux du Code civil

faisant ainsi implicitement reacutefeacuterence aux art 6 et 1128 de ce Code sur lesquels elle avait

preacuteceacutedemment fondeacute sa position

Le moyen de cassation tentait deacutechapper agrave la jurisprudence de la Cour suprecircme en se fondant

sur les circonstances de lespegravece et notamment sur le fait que la requecircte en adoption navait

eacuteteacute formeacutee que douze anneacutees apregraves la naissance de lenfant de sorte que lindivisibiliteacute entre la

materniteacute pour autrui et ladoption ne serait pas caracteacuteriseacutee Mais la Cour dappel avait

reacutepondu agrave cette argumentation en eacutenonccedilant que labandon de lenfant agrave naicirctre objet de

lobligation contracteacutee par la megravere biologique eacutetait destineacute agrave permettre que lenfant reconnu

par Georges D puisse ecirctre adopteacute par son eacutepouse et en soulignant que celle-ci avait dans le

mecircme but accepteacute linseacutemination dune autre femme par les gamegravetes de son mari et quelle

avait participeacute activement au processus en prenant toutes preacutecautions pour que la substitution

de materniteacute soit ignoreacutee des tiers

Denise D soutenait en outre que linteacuterecirct de lenfant retenu tant par lart 353 C civ que par

les art 3 et 21 de la Convention internationale des droits de lenfant devait primer sur le souci

de sanctionner lilliceacuteiteacute de la convention qui avait preacutesideacute agrave sa conception et agrave sa naissance

La Cour de cassation ne sest pas arrecircteacutee agrave cette argumentation pas plus quelle ne sy eacutetait

arrecircteacutee en 1991 pour elle lensemble de lopeacuteration est indivisible le deacutetournement de

25

linstitution de ladoption est caracteacuteriseacute et il convient de lutter contre la politique du fait

accompli (4) Laccepter au nom de linteacuterecirct de lenfant ne conduirait-il pas comme on la

souligneacute en doctrine (5) agrave admettre le commerce des enfants sous preacutetexte que bien souvent

ceux-ci y trouveraient beacuteneacutefice

(1) Selon la Bible Sarah eacutepouse dAbraham ne pouvant avoir denfant de lui lenvoya aupregraves

de son esclave eacutegyptienne Agar dont il eut un fils Ismaeumll Agar fut renvoyeacutee avec celui-ci

lorsque Sarah tregraves acircgeacutee mit au monde Isaac le fils de la promesse

Cest sans doute une coiumlncidence si nous trouvons aussi dans notre affaire une laquoSarahraquo qui

tient il est vrai un rocircle tout diffeacuterent de celui deacutevolu agrave son homonyme biblique

Lhistoire reacutevegravele eacutegalement des cas relativement freacutequents ougrave pour pallier agrave la steacuteriliteacute du

mari et pour permettre la continuation de la ligneacutee et la perpeacutetuation dun nom ou dun titre un

laquovaletraquo - souvent ensuite renvoyeacute - eacutetait chargeacute de feacuteconder leacutepouse Le proceacutedeacute eacutetait

juridiquement parfait dans la mesure ougrave par le jeu de la preacutesomption de paterniteacute le mari

devenait leacutegalement le pegravere de lenfant

(2) Cass ass pleacuten 31 mai 1991 Bull civ 1991 ndeg 4 Gaz Pal Rec 1991 panor cass p

162 [912144] D 1991 jur p 417 rapport Y Chartier note G Thouvenin JCP 1991 II

21752 comm J Bernard concl H Dontenwille note F Terreacute Defreacutenois 1991 art 35088

ndeg 67 p 948 obs J Massip RTD civ 1991 517 obs D Huet-Weiller Dans le mecircme sens

v Cass civ 1re 29 juin 1994 Bull civ 1994 I ndeg 226 Gaz Pal Rec 1995 jur p 36 note

J B [943856] D 1994 jur p 581 note Y Chartier JCP 1995 II 223621 note J Rubellin-

Devichi RTD civ 1994 p 842 obs J Hauser Defreacutenois 1995 art 36024 ndeg 4 p 315

obs J Massip

V aussi Cass civ 1re 13 deacutecembre 1989 Bull civ 1989 I ndeg 387 Gaz Pal Rec 1990

panor cass p 66 [901122] D 1990 jur p 273 rapport J Massip Defreacutenois 1990 art

34802 ndeg 55 p 743 obs J-L Aubert et art 34815 p 862 rapport J Massip et JCP 1990 II

21526 note A Seriaux Dans cette affaire la Cour de cassation avait proclameacute par des motifs

analogues agrave ceux adopteacutes par les arrecircts de 1991 et 1994 le caractegravere illicite de la materniteacute

pour autrui et des associations qui sefforcent de la promouvoir

(3) Sur cette loi v notamment notre commentaire in Defreacutenois 1975 art 35975 et 35922

speacutecialement en ce qui concerne lart 16-7 C civ le ndeg 9 de cette eacutetude p 72

(4) Sur ces divers points v notre note preacuteciteacutee sous Cass ass pleacuten 31 mai 1991

(5) Obs J Hauser sous larrecirct rendu le 1er feacutevrier 2001 par la Cour dappel de Paris dans le

preacutesente affaire in RTD civ 2001 347

AD2008DEF0291N1

Reacutepertoire du Notariat Defreacutenois 15 feacutevrier 2008 ndeg 3 P 291 - Tous droits reacuteserveacutes

FILIATION

38717 La convention de megravere porteuse

(Reacuteflexions sur les sources du droit et les principes dindisponibiliteacute du corps humain et de leacutetat des personnes)

Le droit franccedilais prohibe les conventions de megraveres porteuses

26

Malgreacute linterdiction leacutegale de nombreux couples ont chercheacute et cherchent encore agrave

contourner cette interdiction notamment en ayant recours agrave des megraveres de substitution dans

des pays eacutetrangers ougrave cette pratique est autoriseacutee

La Cour de cassation veille agrave ce que linstitution de ladoption ne soit pas deacutetourneacutee au profit

de ces parents

Dans un arrecirct du 25 octobre 2007 la cour dappel de Paris vient de reacuteouvrir le deacutebat non sur

le terrain de la convention mais sur celui de la non-transcription des actes de naissance et de

linteacuterecirct supeacuterieur de lenfant

Une excellente occasion de faire le point sur la question et de sinterroger pour lavenir avant

la reacutevision de la loi bioeacutethique en 2009

par Rabih CHENDEB

Docteur en droit

ATER agrave lUniversiteacute de Picardie Jules Verne

laquo La science va Elle est ineacuteluctable Ce quil faut cest la rendre eacutethique raquo (1)

Le droit positif franccedilais interdit de recourir aux megraveres porteuses si un couple conccediloit un

embryon in vitro qui est implanteacute dans luteacuterus dune tierce femme cest cette tierce femme

qui est la megravere selon la loi franccedilaise et les parents biologiques ne peuvent avoir aucun droit

mecircme en cas dabandon de lenfant agrave la naissance par la megravere porteuse La loi bioeacutethique de

1994 a interdit la gestation pour autrui car cela soulevait des questions

dinstrumentalisation et de commercialisation du corps de la femme

De nombreux couples en mal denfants ont depuis longtemps chercheacute agrave contourner les regravegles

notamment en ayant recours agrave des megraveres de substitution qui vivent dans des pays ougrave cette

pratique est autoriseacutee Jusquagrave preacutesent la Cour de cassation ne sy est jamais laisseacutee prendre et

condamnait ladoption faite par les parents de lenfant de la megravere porteuse consideacuterant quil

sagissait dun deacutetournement de linstitution de ladoption (I)

Le 25 octobre 2007 la cour dappel de Paris vient donner lespoir dune ouverture vers

lacceptation dans linteacuterecirct de lenfant de cette deacutemarche Cette deacutecision de la cour dappel

pourrait changer les choses en attendant la reacutevision de la loi bioeacutethique preacutevue en 2009 Une

chose est sucircre cet arrecirct a le meacuterite douvrir le deacutebat et de poser la question de linteacuterecirct de

lenfant comme exception agrave lindisponibiliteacute de leacutetat des personnes et agrave linterdiction de la

pratique des megraveres porteuses Une certaine eacutevolution des mentaliteacutes ainsi que la dispariteacute

entre la loi franccedilaise et dautres leacutegislations nationales pourraient donner lieu agrave un

assouplissement de cette leacutegislation (II)

I Lhostiliteacute du leacutegislateur et de la jurisprudence agrave leacutegard de la convention de megravere porteuse

Au siegravecle dernier seacutetaient deacuteveloppeacutees des associations ayant pour but de faire se rencontrer

des couples deacutesireux davoir un enfant et des femmes acceptant de le porter pour ensuite le

leur laquo ceacuteder raquo par contrat Pour des raisons plus ou moins louables le proceacutedeacute fut rapidement

condamneacute par le droit franccedilais (A) tout comme ladoption qui sen suivait (B)

27

A Le caractegravere illicite de la convention de megravere porteuse

La megravere porteuse met en effet agrave mal le scheacutema classique de la famille On affirmait en Droit

romain que la megravere eacutetait sucircre et que le pegravere eacutetait le mari Le Code napoleacuteon a enteacuterineacute cette

conception Dire que lenfant possegravede une megravere geacuteneacutetique et une megravere uteacuterine va agrave lencontre

de ses dispositions (2)

Pris au deacutepourvu le leacutegislateur franccedilais a tardeacute agrave reacuteagir face aux progregraves scientifiques Il en

est reacutesulteacute un vide juridique auquel la jurisprudence sest efforceacutee de faire face Devant cette

heacutesitation bien compreacutehensible du droit les ressources de la morale de la deacuteontologie et

surtout de la bioeacutethique ont eacuteteacute solliciteacutees (3) Le Conseil dEtat confronteacute aux associations

voulant intervenir dans ce domaine a ainsi prononceacute la dissolution de ces associations pour

objet illicite (4) Le 13 deacutecembre 1989 la premiegravere chambre civile de la Cour de cassation a

releveacute le principe dindisponibiliteacute du corps humain par une interpreacutetation a contrario de

larticle 1128 du Code civil qui dispose qu laquo il ny a que les choses qui sont dans le

commerce qui puissent ecirctre lobjet des conventions raquo La personne ne dispose pas de son

corps elle nen est pas proprieacutetaire (5) Le 31 mai 1991 lassembleacutee pleacuteniegravere de la Cour de

cassation vise les articles 6 1128 et 353 du Code civil afin daffirmer le caractegravere illicite de la

convention conclue entre une megravere porteuse et un couple steacuterile En effet ce contrat porte sur

deux corps humains la megravere et lenfant (6)

Rapidement le leacutegislateur est venu leacutegifeacuterer dans ce sens avec la loi no 94-653 du 29 juillet

1994 relative agrave la bioeacutethique pour que le Code civil reconnaisse le corps humain en tant que

tel Cette loi prend deacutesormais explicitement en compte le corps humain parce quil a voulu

promouvoir son respect face au deacuteveloppement des sciences biomeacutedicales Cette loi a entraicircneacute

la modification et la creacuteation darticles dans le Code civil et le Code peacutenal

Le principe du respect de la digniteacute de la personne humaine est poseacute par larticle 16 du Code

civil laquo La loi assure la primauteacute de la personne interdit toute atteinte agrave la digniteacute de celle-ci

et garantit le respect de lecirctre humain degraves le commencement de sa vie raquo Le nouvel article 16-1

preacutevoit que laquo Chacun a droit au respect de son corps Le corps humain est inviolable Le

corps humain ses eacuteleacutements et ses produits ne peuvent faire lobjet dun droit patrimonial raquo

Par conseacutequent selon larticle 16-5 laquo Les conventions ayant pour effet de confeacuterer une

valeur patrimoniale au corps humain agrave ses eacuteleacutements ou agrave ses produits sont nulles raquo De mecircme

quand une personne accepte de donner son sang ce ne peut ecirctre quagrave titre beacuteneacutevole Enfin

larticle 16-7 dispose mecircme laquo Toute convention portant sur la procreacuteation ou la gestation

pour le compte dautrui est nulle raquo (7)

En outre cette interdiction est assortie dune sanction peacutenale pouvant aller jusquagrave un an

demprisonnement et 15 000 euro damende pour celui qui sentremet ou tente de sentremettre

entre une personne ou un couple deacutesireux daccueillir un enfant et une femme acceptant de

porter en elle cet enfant en vue de le leur remettre Lorsque ces faits ont eacuteteacute commis agrave titre

habituel ou dans un but lucratif les peines sont porteacutees au double (8)

En deacutepit de la reacutesistance de quelques juges du fond qui ont admis ladoption la Cour de

cassation na pas infleacutechi sa position (9) Elle sest reacutecemment opposeacutee agrave ladoption simple

dun enfant par un couple homosexuel estimant cette adoption contraire agrave laquo linteacuterecirct supeacuterieur

de lenfant raquo (10)

28

Analyseacutes dans le contexte de ces deacutecisions les deux principes de lilliceacuteiteacute des conventions et

de lindisponibiliteacute du corps humain expriment une mecircme ideacutee la condamnation dune

convention qui porte sur le corps humain celui de lenfant agrave naicirctre et celui de la femme qui la

conccedilu et porteacute

Toutefois les motifs adopteacutes par la Cour de cassation savegraverent dune extrecircme faiblesse En

effet ces motifs sont lieacutes agrave lilliceacuteiteacute de lobjet des conventions agrave lindisponibiliteacute du corps

humain ainsi quagrave lindisponibiliteacute de leacutetat des personnes (11) Pourtant les lois dites laquo

bioeacutethiques raquo du 29 juillet 1994 puis la loi du 6 aoucirct 2004 (12) relative agrave la bioeacutethique ont

admis lutilisation des eacuteleacutements et des produits du corps humain agrave des fins theacuterapeutiques ou

scientifiques Effectivement une loi en date du 24 janvier 1953 deacutetermine laquo les tarifs de

cession du sang raquo Les dispositions sont aujourdhui dans le Code de la santeacute publique Degraves

lors on peut donner ses gamegravetes ses organes son sang Il semble que plus quune approche

anthropologique des sciences meacutedicales (qui conduiraient agrave une ineacutevitable instrumentalisation

du corps des hommes) il existerait ce que nous appelons une technoscience laquo de linvisible

raquo que seul le droit accepte de leacutegitimer (13)

Par ailleurs la terminologie employeacutee par le leacutegislateur de 1994 est eacuteloquente Cest

certainement parce que le principe dindisponibiliteacute du corps humain sest aveacutereacute irreacutealiste videacute

de sa substance par le nombre et limportance de ses exceptions que le leacutegislateur lui a preacutefeacutereacute

celui de non-patrimonialiteacute qui figure aujourdhui aux articles 16-1 16-5 et 16-6 du Code

civil Il est donc possible de disposer de son corps agrave titre de dons dans les limites de la loi

(14)

Pour conclure sur ce point il sera emprunteacute les propos de Mme Mayer-Jack laquo

Malheureusement si ce principe dindisponibiliteacute du corps humain possegravede les qualiteacutes trop

rares decirctre nettement formuleacute et universellement admis il apparaicirct agrave la reacuteflexion frappeacute dun

vice radical il se reacutevegravele contraire aux faits raquo (15)

B La nulliteacute de ladoption

En matiegravere de materniteacute de substitution lenfant reste au coeur du deacutebat Il est laquo lobjet raquo de la

convoitise du couple demandeur et lobjet de la convention En vue de permettre

leacutetablissement dune filiation adoptive deux processus eacutetaient suivis par lesdits couples

processus que la Cour de cassation sempressa dinterdire agrave son tour

1 Le contournement aveacutereacute de la loi par les couples restant en France

En effet le processus se deacuteroulait en trois eacutetapes dans un premier temps lembryon issu des

gamegravetes du couple ou du mari et de la femme porteuse eacutetait implanteacute dans luteacuterus de cette

derniegravere La megravere porteuse suivait sa grossesse normalement notamment au regard du suivi

meacutedical (16) Ensuite elle accouchait anonymement La leacutegislation autorise les

accouchements laquo sous X raquo et reconnaicirct ainsi aux parturientes le droit de ne pas ecirctre megraveres si

elles ne le deacutesirent ou ne le peuvent pas Le pegravere fournisseur de sperme quant agrave lui effectuait

une reconnaissance preacutenatale de lenfant A sa naissance il le reconnaissait Lenfant avait

donc un pegravere mais sans indication de la filiation maternelle Enfin leacutepouse de ce dernier

adoptait de maniegravere pleacuteniegravere lenfant Leacutetat de mariage de la megravere porteuse ne changeait rien

puisque laccouchement anonyme empecircchait que le mari soit consideacutereacute comme pegravere preacutesumeacute

29

Depuis larrecirct Alma Mater (17) nous savons que la convention de materniteacute de substitution

est nulle car contrevenant agrave lordre public (18) Mais jusqualors la jurisprudence avait eu le

soin de dissocier convention et adoption Toute convention portant sur la procreacuteation ou la

gestation pour le compte dautrui eacutetant nulle la convention de megravere porteuse ayant permis la

naissance de lenfant en cause est donc incontestablement frauduleuse Degraves lors la possession

deacutetat sur laquelle les demandeurs se fondent pour voir eacutetablir un lien de filiation leacutegitime agrave

leur profit et lacte de notorieacuteteacute quils ont ainsi obtenu sont eux-mecircmes vicieacutes et ne peuvent

donc permettre leacutetablissement dun tel lien Par ailleurs la Convention de New York sur les

droits de lenfant garantit notamment agrave celui-ci laccegraves agrave ses origines Or lapplication de la

convention frauduleuse aurait pour effet de consacrer un mensonge lacte de naissance qui

serait eacutetabli sur le fondement de cette convention aboutirait en effet agrave nier totalement les

conditions dans lesquelles lenfant a eacuteteacute conccedilu En conseacutequence les demandeurs ne pourront

se preacutevaloir de la possession deacutetat vicieacutee pour obtenir la retranscription de lacte de notorieacuteteacute

sur lacte de naissance de lenfant (19) Ainsi la prohibition de la convention a entraicircneacute dans

son sillage une impossibiliteacute dadoption par leacutepouse du pegravere (20) Il y a deacutetournement de

linstitution de ladoption pleacuteniegravere en ce que lenfant a eacuteteacute conccedilu pour ecirctre abandonneacute par sa

megravere et adopteacute par une autre (21)

Il en reacutesulte que cest labandon de lenfant qui rend impossible ladoption par leacutepouse du

mari Or labandon de lenfant constitue deacutejagrave une deacutemarche parfaitement licite et reacuteglementeacutee

par la loi Il suffit pour sen convaincre de lire attentivement les textes adeacutequats agrave savoir les

articles 61 et 62 du Code de la famille et de laide sociale 348-3 et 350 du Code civil et 1158

agrave 1163 du Code de proceacutedure civile Il suffit agrave la megravere et plus geacuteneacuteralement agrave la personne

investie des droits parentaux de confier 1enfant agrave un eacutetablissement ou agrave un service de laide

sociale agrave 1enfance (ASF) ou mecircme agrave un particulier puis de sen deacutesinteacuteresser

manifestement pendant une anneacutee nentretenant avec lui aucune relation neacutecessaire au

maintien de liens affectifs Le tribunal de grande instance peut degraves lors sauf agrave prendre en

consideacuteration le cas exceptionnel de grande deacutetresse du parent deacutefaillant deacuteclarer 1enfant

abandonneacute agrave la requecircte de tout inteacuteresseacute et notamment de leacutetablissement service ou famille

daccueil (22) laquo On cesse dinterdire une pratique non pas lorsquelle se deacuteveloppe mais

lorsquon ne sait plus pourquoi elle est interdite raquo (23)

Dailleurs une contradiction engendre ce refus dadoption En effet laquo consideacuterer ladoption

indissociable de la convention revient agrave ne voir lenfant que comme lobjet de cette convention

raquo (24) Ainsi les parents ont pu eacutetablir anteacuterieurement agrave la naissance le processus dont

ladoption est laquo lultime phase raquo Mais ce processus nest pas fait dans lintention de nuire agrave

lenfant Alors comment comprendre la seacuteveacuteriteacute afficheacutee de la Cour de cassation

Traiter lenfant comme une veacuteritable personne implique de dissocier la convention ougrave il

nintervient pas et ladoption dont il est partie prenante et mecircme partie principale Il faut

sinterroger sur son inteacuterecirct propre quitte agrave le confronter ensuite agrave ceux auxquels il soppose

(25)

2 Lexpansion du tourisme procreacuteatif

La dispariteacute des regravegles nationales agrave propos de la gestation pour autrui a conduit certains

couples agrave se rendre agrave leacutetranger pour pouvoir avoir recours agrave une megravere porteuse on parle

deacutesormais de laquo tourisme procreacuteatif raquo (26)

30

Lagrave encore le processus deacutebute par une inseacutemination artificielle mais les pays ayant leacutegaliseacute la

gestation pour le compte dautrui permettent par ailleurs que lembryon inseacutemineacute dans

luteacuterus de la femme soit issu de la rencontre des gamegravetes des deux parents demandeurs

Lenfant est donc geacuteneacutetiquement lenfant du couple Il a pour parent degraves sa naissance le

couple demandeur il porte leur nom et le preacutenom quils lui ont choisi Mais pour exister en

France il est neacutecessaire de recourir agrave une transcription sur les registres de leacutetat civil franccedilais

de lacte de naissance eacutetranger Lagrave encore la seacuteveacuteriteacute est de mise puisque le parquet de

Nantes qui a en charge la transcription des eacutetats civils venant de leacutetranger refuse

systeacutematiquement cette transcription qui nest pas conforme agrave la leacutegislation franccedilaise (27)

Les magistrats ont eacuteteacute confronteacutes agrave ces situations ougrave la megravere commanditaire deacutesirait eacutetablir un

lien de filiation entre elle et lenfant issu de la convention de materniteacute de substitution

Tel est par exemple le cas qui a eacuteteacute trancheacute par la cour dappel de Rennes le 4 juillet 2002

(28) Dans cet arrecirct la cour dappel a rejeteacute ladoption des enfants par un couple qui a conclu

en Californie une convention portant sur la gestation dun embryon issu de leurs propres

gamegravetes La cour relegraveve que laquo la loi franccedilaise ne donne pas une deacutefinition de la megravere raquo cette

notion est inscrite dans les mentaliteacutes depuis des siegravecles par ladage Mater semper certa est

Cest laccouchement qui deacutetermine la megravere et non la seule reacutealiteacute geacuteneacutetique

Cette jurisprudence installeacutee depuis le ceacutelegravebre arrecirct de lassembleacutee pleacuteniegravere du 31 mai 1991

constitue une atteinte directe agrave linteacuterecirct de lenfant Ce dernier est priveacute de toute filiation

maternelle leacutegalement reconnue et ce sans beacuteneacutefice pour personne (29)

Malheureusement en raison de cette solution les deux enfants sont acircgeacutes de sept ans et vivent

aupregraves de leur pegravere naturel et de sa compagne dont la materniteacute ne peut leacutegalement ecirctre eacutetablie

(30)

Cette jurisprudence preacutesente un point faible Selon larticle 353 du Code civil le tribunal de

grande instance saisi dune requecircte aux fins dadoption pleacuteniegravere veacuterifie si les conditions de

la loi sont remplies et si ladoption est conforme agrave linteacuterecirct de lenfant Or en loccurrence

le preacutetendu droit de lenfant ne coiumlncide pas avec son inteacuterecirct seul mis en avant dans 1article

353 du Code civil Le refus par la cour dappel de prononcer ladoption pleacuteniegravere a priveacute les

deux enfants (au nom de leur droit aussi eacuteminent que symbolique agrave la non-chosification) dun

avantage concret et primordial leur admission au statut denfants leacutegitimes de leurs vrais

parents geacuteneacutetiques (31) Simples enfants naturels ou adulteacuterins de leur pegravere ils demeureront

sans lien de filiation maternelle Un tel problegraveme meacuterite que les juridictions se penchent au

moins sur lui (32) La protection de linstitution de ladoption sopegravere au deacutetriment du droit

reconnu agrave lenfant deacutetablir sa filiation par le biais dune discrimination fondeacutee sur les

circonstances de sa naissance (33) La jurisprudence nous semble aller agrave lencontre des

engagements internationaux contracteacutes par la France (34)

II Leacutevolution des mentaliteacutes vers une leacutegislation plus souple

Jusquagrave preacutesent la jurisprudence a toujours interdit ladoption des enfants par des couples

ayant eu recours agrave la gestation pour autrui consideacuterant quil sagit dun deacutetournement de

linstitution de ladoption (35)

Un grand quotidien Libeacuteration reacutevegravele que la cour dappel de Paris a reconnu comme parents

leacutegitimes de jumelles un couple franccedilais ayant fait appel agrave une megravere porteuse ameacutericaine

31

Une chose est sucircre cet arrecirct a le meacuterite douvrir le deacutebat et de poser la question de linteacuterecirct de

lenfant comme exception agrave lindisponibiliteacute de leacutetat des personnes et agrave linterdiction de la

pratique des megraveres porteuses (A) Lorsque lon accepte une loi eacutetrangegravere qui a eacuteteacute appeleacutee au

secours pour contourner la loi franccedilaise la modification de la loi franccedilaise nest pas loin (B)

A Lassouplissement de la jurisprudence

Dans laffaire porteacutee devant la cour dappel de Paris que nous avons abordeacutee rapidement

preacuteceacutedemment un couple dont la femme ne peut assurer la gestation en raison dune

malformation congeacutenitale se rend en Californie ougrave il conclut une convention portant sur la

gestation dun embryon issu de leurs propres gamegravetes Des jumelles naissent de cette

convention Le droit californien fait abstraction du deacutefaut daccouchement La concubine est

inscrite comme megravere dans les registres de naissance de Californie Quelques semaines plus

tard le couple reconnaicirct les enfants en France Mais agrave leur retour dans lHexagone ils sont

placeacutes en garde agrave vue puis mis en examen pour laquo entremise entre une personne deacutesireuse

dadopter un enfant et un parent deacutesireux dabandonner son enfant neacute ou agrave naicirctre raquo et pour laquo

simulation ayant entraicircneacute une atteinte agrave leacutetat civil de lenfant raquo

En 2004 le juge dinstruction rend un non-lieu sur les poursuites peacutenales les faits seacutetant

deacuterouleacutes dans un pays ougrave cette pratique est leacutegale Le parquet a alors continueacute son offensive

sur le terrain civil et chercheacute agrave faire annuler la filiation et la transcription sur leacutetat civil Le

tribunal de grande instance a deacuteclareacute cette demande irrecevable en deacutecembre 2005 Une

deacutecision rendue par la cour dappel de Paris confirme ce jugement le 25 octobre dernier apregraves

avoir estimeacute que laquo La non-transcription des actes de naissances aurait des conseacutequences

contraires agrave linteacuterecirct supeacuterieur des enfants qui au regard du droit franccedilais se verraient priveacutes

dactes deacutetat civil indiquant leur lien de filiation y compris agrave leacutegard de leur pegravere biologique

raquo

La question sera deacutesormais soumise agrave la Cour de cassation qui a deacutejagrave pris des deacutecisions

progressistes dans des questions relatives au droit de la famille notamment dans linteacuterecirct de

lenfant Elle a ainsi fait le 24 feacutevrier 2006 un pas important vers la reconnaissance de

lhomoparentaliteacute en autorisant quun parent homosexuel deacutelegravegue tout ou partie de son

autoriteacute parentale agrave son partenaire avec lequel il vit en union stable agrave condition que cette

mesure soit prise dans linteacuterecirct supeacuterieur de lenfant (36)

Le plus important reacuteside dans le fait que la cour dappel de Paris a estimeacute que la non-

transcription sur les actes de naissance aurait des conseacutequences contraire agrave llaquo inteacuterecirct de

lenfant raquo Depuis longtemps linteacuterecirct de lenfant est au centre du droit de la famille et depuis

quelques anneacutees celui-ci devient veacuteritablement la pierre angulaire de cette discipline (37)

Dans un arrecirct du 18 mai 2005 la premiegravere chambre civile de la Cour de cassation preacutecise au

visa de larticle 3-1 de la Convention relative aux droits de lenfant que laquo dans toutes les

deacutecisions qui concernent les enfants linteacuterecirct supeacuterieur de lenfant doit ecirctre une

consideacuteration primordiale raquo (38) Mais que faut-il entendre par inteacuterecirct supeacuterieur de lenfant

(39)

Bien que le nouvel article L 112-4 du Code de laction sociale et des familles (40) et larticle

371-1 du Code civil semblent deacutefinir les eacuteleacutements constitutifs de cette notion llaquo inteacuterecirct de

lenfant raquo reste un concept assez flou que le leacutegislateur et les juges se gardent bien de deacutefinir

preacuteciseacutement on ne peut limiter linteacuterecirct supeacuterieur de lenfant agrave la protection de sa santeacute de sa

seacutecuriteacute et de sa moraliteacute Certes ces eacuteleacutements sont les bases de linteacuterecirct de lenfant mais

32

puisque celui-ci peut deacutepasser le strict cadre du droit de lautoriteacute parentale voire du droit de

la famille cette vision serait bien trop reacuteductrice

Le sens de cette notion peut encore sobscurcir si lon considegravere quelle peut se confondre avec

dautres concepts voisins Larticle 371-5 doit ainsi conduire agrave distinguer linteacuterecirct de lenfant de

celui de la fratrie En effet si celle-ci a inteacuterecirct agrave rester unie certaines circonstances permettent

deacutecarter un de ses membres dans son inteacuterecirct exclusif

Un amendement proposait cependant agrave la suite du nouvel article L 112-4 du Code de laction

sociale et des familles une deacutefinition inteacuteressante laquo Linteacuterecirct supeacuterieur de lenfant est deacutefini

comme lassurance de la protection de sa seacutecuriteacute personnelle et affective lassurance dun

contexte familial permettant un bon deacuteveloppement physique intellectuel affectif et social

lassurance dune relation dattachement parental permettant de se construire Linteacuterecirct

supeacuterieur de lenfant tel que deacutefini constitue son projet de vie raquo (41)

On ne peut que se feacuteliciter de la mise en avant de linteacuterecirct de lenfant pour deacuteroger agrave la sacro-

sainte interdiction des megraveres porteuses car il est vrai quil ne faut pas oublier que limportant

reste dabord et avant tout lenfant qui a et doit avoir une place centrale au sein de la famille

On peut envisager que cette reacutecente jurisprudence puisse influencer la reacuteflexion sur le recours

aux laquo megraveres porteuses raquo sur le territoire national qui conduise agrave une eacutevolution de la loi

B Vers une eacutevolution de la loi

Alors que la France interdit la laquo gestation pour autrui raquo cette pratique a eacuteteacute leacutegaliseacutee dans de

nombreux pays La France a donc une leacutegislation moins libeacuterale que dautres leacutegislations

nationales La pratique de la gestation pour autrui est notamment autoriseacutee aux Etats-Unis au

Canada en Australie et dans plusieurs pays de lUnion europeacuteenne (Espagne et Belgique

Gregravece et Royaume-Uni notamment) (42) La question de la leacutegalisation des megraveres porteuses

est tregraves controverseacutee en France et demanderait un strict encadrement (43)

On enseigne habituellement que les questions deacutetat ne peuvent deacutependre de la seule volonteacute

individuelle Leacutetat des personnes - le droit de la filiation en particulier - eacutechapperait aux

conventions Mais ce principe nest plus si absolu Leacutevolution contemporaine reacuteduit laspect

institutionnel Une place nettement importante a eacuteteacute faite dans lorganisation des relations

familiales agrave la volonteacute individuelle laquo Laccroissement du pouvoir des volonteacutes individuelles

dans le droit de la famille est une marque essentielle de ce droit raquo (44) Dougrave la justesse de

lexpression laquo contractualisation du droit de la famille raquo Le rocircle de la volonteacute individuelle

tend agrave ecirctre de plus en plus important (45) Tel est le cas du divorce du PACS et du mariage

La procreacuteation nest plus la finaliteacute avec larriveacutee en force dans des pays voisins du mariage

homosexuel

Une certaine eacutevolution des mentaliteacutes ainsi que la dispariteacute entre la loi franccedilaise et dautres

leacutegislations nationales pourraient bien donner lieu agrave un assouplissement de cette leacutegislation

(46)

La gestation pour autrui permet de pallier certaines formes de steacuteriliteacute feacuteminine en raison

dune absence ou dune deacuteformation duteacuterus de conseacutequences de cancer ou reacutesultant dune

hysteacuterectomie de fausses couches reacutepeacuteteacutees dune contre-indication meacutedicale agrave la grossesse ou

de nombreux eacutechecs de feacutecondations in vitro (47) Dans ce cas on implante les gamegravetes des

parents geacuteneacutetiques dans le ventre de la megravere porteuse

33

Un autre argument favorable agrave cette pratique est la certitude apaisante pour le couple steacuterile

de ce que lenfant porteacute en uteacuterus tiers nen sera pas moins leur veacuteritable enfant geacuteneacutetique

puisque conccedilu agrave partir de leurs propres gamegravetes

De plus il faut deacutenoncer une incoheacuterence Une femme empecirccheacutee par la loi de donner avant

sa grossesse agrave un couple agreacuteeacute par elle lenfant quelle portera moyennant eacutequitable

reacutecompense possegravede en revanche le droit discreacutetionnaire de labandonner une fois neacute au

hasard des eacutetablissements ou du service de lASE ou pis encore de recourir agrave une

interruption volontaire de grossesse pendant les douze premiegraveres semaines (48)

La possession deacutetat repreacutesente une valeur humaine et sociale qui doit ecirctre prise en compte en

tant que telle Comme lont joliment affirmeacute M Hauser et Mme Huet-Weiller laquo elle est la

veacuteriteacute des sentiments la veacuteriteacute du coeur tout aussi respectable sinon plus que celle des

registres deacutetat ou mecircme de nos gegravenes raquo (49) Ainsi on peut ecirctre favorable agrave cette reacuteflexion

sous certains reacuteserves

Tout dabord le couple demandeur devait avoir plus de 18 ans et linfertiliteacute devrait ecirctre

meacutedicalement eacutetablie Ensuite seule lutilisation des gamegravetes (sperme et ovocytes) du couple

serait autoriseacutee afin deacuteviter que la gestatrice soit aussi la megravere biologique de lenfant (pour

eacuteviter des liens trop forts eacutetablis entre elle et le beacutebeacute)

De son cocircteacute la megravere porteuse devait avoir plus de 18 ans et accepter de subir des tests divers

avant la grossesse Elle serait la seule agrave donner un consentement valable concernant la gestion

de sa grossesse et elle abandonnerait ses droits parentaux agrave la naissance de lenfant tout en

assistant le couple demandeur lors de la deacutelivrance du certificat de naissance Le

consentement devrait aussi ecirctre obtenu par un entretien psychologique meacutedical et juridique

Seul le juge pourrait donner laccord au deacutebut du processus Le couple demandeur devait

sengager agrave assumer la garde de lenfant degraves sa naissance afin deacuteviter soit une non-remise

denfant soit un refus de lenfant - par exemple en cas de handicap

Concernant la reacutemuneacuteration de la megravere porteuse la marchandisation est inacceptable Les

intermeacutediaires reacutemuneacutereacutes seraient interdits Le principe du volontariat et de la gratuiteacute sont

essentiels le don de vie (50)

Enfin il ne sagirait pas de reacutemuneacuteration mais de compensation financiegravere destineacutee agrave

deacutedommager les inconveacutenients lieacutes agrave la grossesse sur la base de la loi laquo Huriet raquo (loi sur la

recherche meacutedicale avec volontaires sains) Le couple demandeur devrait prendre agrave sa charge

les deacutepenses meacutedicales leacutegales et psychologiques ainsi quun montant raisonnable alloueacute agrave la

megravere porteuse pour subvenir agrave ses besoins Les juges appreacutecieraient librement ce que peut ecirctre

un montant laquo raisonnable raquo sans que cela puisse jamais ecirctre consideacutereacute comme une laquo vente raquo

denfant

(1) B Debreacute et S Agacinski laquo Faut-il leacutegaliser les megraveres porteuses en France raquo Le Figaro Magazine du samedi 10 novembre 2007 p 50

34

(2) G David laquo Don et utilisation du sperme raquo in Actes du colloque Geacuteneacutetique procreacuteation et

droit Actes sud 1985 p 205 G-M Faure Le deacutesir denfant agrave leacutepreuve du droit Essai sur le droit de la procreacuteation meacutedicalement assisteacutee Thegravese Universiteacute de Lille 1992 p 7

(3) G Lebreton Liberteacutes publiques et droits de lhomme 6e eacuted Armand Colin 2003 p 262

(4) CE 22 janvier 1988 Lebon 1988 p 37

(5) La Cour de cassation a enteacuterineacute la position de la cour dappel de Paris pour laquelle laquo ni laltruisme du comportement de la megravere de substitution ni le caractegravere deacutesinteacuteresseacute des activiteacutes de lassociation ne sont propres agrave faire disparaicirctre lilliceacuteiteacute qui frappe laccord litigieux raquo Cass civ 1re 13 deacutecembre 1989 Bull civ I no 387 Defreacutenois 1990 art 34802 no 55 obs J-L Aubert D 1990 p 273 JCP eacuted G 1990 II 21526 note A Seacuteriaux propos recueillis par C Slobodansky laquo Le droit doit limiter les progregraves de la science raquo LPA du 7 mai 2004 no 92 p 60

(6) laquo La convention par laquelle une femme sengage fucirct-ce agrave titre gratuit agrave concevoir et porter un enfant pour labandonner agrave sa naissance contrevient tant au principe dordre public de lindisponibiliteacute du corps humain quagrave celui de lindisponibiliteacute de leacutetat des personnes raquo Cass ass pleacuten 31 mai 1991 Bull civ ass pleacuten no 4 Defreacutenois 1991 art 35142 no 103 obs J-L Aubert Defreacutenois 1991 art 35088 no 67 note J Massip RTD civ 1991 p 517 obs D Huet-Weiller et p 489 note M Gobert M Gobert laquo Reacuteflexions sur les sources du droit et les

principes dindisponibiliteacute du corps humain et de leacutetat des personnes agrave propos de la materniteacute de substitution raquo RTD civ 1992 p 489 et s speacutec p 501 dans ce sens v deacutejagrave les remarques de P Murat laquo Laction de lordonnance du 4 juillet 2005 sur la possession deacutetat raquo Dr Famille 2006 eacutetude no 6 speacutec no 7 V aussi J Massip laquo Linsertion dans le Code civil de dispositions relatives au corps humain agrave lidentification geacuteneacutetique et agrave la procreacuteation meacutedicalement assisteacutee raquo Defreacutenois 1995 art 35975 et 35992

(7) En ce sens V Depadt-Sebag laquo De la neacutecessiteacute dune reacuteforme de larticle 16-7 du Code civil relatif agrave linterdiction de gestation pour autrui raquo RGD meacuted 2004 no 12 p 135 et s

(8) Art 227-12 et s C peacuten

(9) CA Paris 1re feacutevrier 2001 RTD civ 2001 p 347 obs J Hauser Cass civ 1re 9 deacutecembre 2003 Bull civ I no 252 p 201 CA Rennes 4 juillet 2002 D 2002 p 2904

(10) Cass civ 1re 20 feacutevrier 2007 Defreacutenois 2007 art 38595 no 45 obs J Massip

(11) V Depadt-Sebag laquo De la neacutecessiteacute dune reacuteforme de larticle 16-7 du Code civil relatif agrave linterdiction de gestation pour autrui raquo preacutec no 12 p 135 et s

(12) L no 2004-800 du 6 aoucirct 2004 relative agrave la bioeacutethique JO du 7 aoucirct 2004 p 14040 J Massip art preacutec

(13) Dans ce sens v M Gobert laquo Reacuteflexions sur les sources du droit et les principes dindisponibiliteacute du corps humain et de leacutetat des personnes agrave propos de la materniteacute de substitution raquo preacutec p 489 et s speacutec p 513

(14) V Depadt-Sebag laquo De la neacutecessiteacute dune reacuteforme de larticle 16-7 du Code civil relatif agrave linterdiction de gestation pour autrui raquo preacutec no 12 p 135 et s E Camuzet La convention de gestation pour autrui une illeacutegaliteacute franccedilaise injustifieacutee Meacutemoire Lille 2 Universiteacute du droit et de la santeacute 2005-2006 p 55

(15) A Mayer-Jack laquo Les conventions relatives agrave la personne physique raquo Rev crit leacutegisl et jurispr 1993 p 6

(16) G Meacutemeteau laquo Une distinction est opeacutereacutee sur la reacutefeacuterence des donneacutees acquises de la science agrave la date des soins par opposition agrave la notion erroneacutee de donneacutees actuelles de la science raquo note sous Cass civ 1re 6 juin 2000 JCP eacuted G 2001 II 10447

(17) Cass civ 1re 13 deacutecembre 1989 Bull civ I no 387 Defreacutenois 1990 art 34815 rapp J Massip D 1990 p 273 JCP eacuted G 1990 II 21526 note A Seacuteriaux

35

(18) Communication J Bernard et comm J Massip Defreacutenois 1990 art 35088 no 67 note J

Massip F Terreacute note sous Cass ass pleacuten 31 mai 1991 JCP eacuted G 1991 II 21752 dans ce sens v les remarques de P Murat laquo Laction de lordonnance du 4 juillet 2005 sur la possession deacutetat raquo preacutec eacutetude no 6 speacutec no 7 G Kessler laquo La consolidation de situations illicites dans linteacuterecirct de lenfant raquo Dr Famille no 7 juillet 2005 Etude 16

(19) TGI Lille 22 mars 2007 D 2007 no 18 p 1251 note X Labbeacutee B Edelman et C Labrusse-Riau note sous CA Paris 15 juin 1990 JCP eacuted G 1991 II 21653

(20) V Larribau-Terneyre note sous CA Pau 19 feacutevrier 1991 D 1991 juris p 380

(21) J Massip laquo Megravere porteuse et deacutecheacuteance de lautoriteacute parentale raquo LPA du 29 octobre 2003 no 216 p 10 Cass ass pleacuten 31 mai 1991 Bull civ ass pleacuten no 4 Defreacutenois 1991 art 35088 no 67 p 948 obs J Massip D 1991 p 417 rapport Y Chartier note D Thouvenin JCP eacuted G 1991 II 21752 communication J Bernard concl H Dontenwille note F Terreacute RTD civ 1991 p 517 obs D Huet-Weiller

(22) J Rubellin-Devichi laquo Materniteacute de substitution qui est la megravere raquo note sous CA Rennes 4 juillet 2002 JCP eacuted G 2003 I 101 C Ducomte laquo La vraie querelle des megraveres porteuses raquo httppagesperso-orangefrmax-christianducomtemereindexhtm

(23) Propos de Mme F Dekeuwer-Deacutefossez lors de son audition devant le preacutesident M Bloche pour la mission dinformation sur la famille (procegraves-verbal du 5 octobre 2005)

(24) J Hauser obs in RTD civ 1999 p 372 F Dekeuwer-Deacutefossez note sous Cass ass pleacuten 31 mai 1991 D 1992 somm p 59

(25) F Dekeuwer-Deacutefossez laquo Les droits de lenfant raquo D 1992 somm p 59 E Poisson-Drocourt laquo Recours agrave une megravere de substitution et refus de ladoption raquo D 2004 p 2001

(26) J-J Lemouland laquo Le tourisme procreacuteatif raquo LPA 2001 no 62 p 24 F Dekeuwer-Deacutefossez laquo Le lien parental raquo LPA du 1er juillet 2004 no 131 p 70 F Granet note sous CA Rennes 4 juillet 2002 D 2002 p 2904

(27) CA Aix-en-Provence 12 mars 2002 Juris-Data no 2002-190443 A Seacuteriaux laquo Droit naturel et procreacuteation artificielle quelle jurisprudence raquo D 1985 chron p 53 J Massip laquo Le nouveau droit de la filiation raquo Defreacutenois 2006 art 38303 p 13

(28) CA Rennes 4 juillet 2002 JCP eacuted G 2003 I 101 note J Rubellin-Devichi

(29) laquo Si le principe structurant de lautoriteacute parentale est linteacuterecirct de lenfant deacutetermineacute in concreto le droit de la filiation nappreacutecie en revanche jamais linteacuterecirct concret dun enfant preacutecis mais linteacuterecirct geacuteneacuteral de lenfant in abstracto raquo A Gouttenoire laquo A chacun sa famille agrave chacun son droit raquo Dr Famille no 7 juillet 2006 Alerte 41

(30) E Camuzet La convention de gestation pour autrui une illeacutegaliteacute franccedilaise injustifieacutee art preacutec p 52

(31) P Raynaud laquo Un abus de ladoption simple les couples adoptifs raquo D 1983 chron p 39 H Gaumont-Prat laquo Pas dadoption pour les enfants issus de convention de megravere porteuse raquo RLDC no 5 mai 2004 p 31 laquo Le rejet dans le non-droit des enfants neacutes dans des circonstances qui deacuterangent la socieacuteteacute relegraveve du deacuteni de la reacutealiteacute porteur de nombreux effets pathogegravenes et injustes raquo

(32) J Rubellin-Devichi laquo Materniteacute de substitution qui est la megravere raquo note sous CA Rennes 4 juillet 2002 preacutec I 101 C Ducomte laquo La vraie querelle des megraveres porteuses raquo preacutec P Raynaud laquo Un abus de ladoption simple les couples adoptifs raquo art preacutec chron p 39 G Kessler laquo La consolidation de situations illicites dans linteacuterecirct de lenfant raquo art preacutec Etude 16

(33) F Dekeuwer-Deacutefossez laquo Reacuteflexion sur les mythes fondateurs du droit contemporain de la famille raquo RTD civ 1995 p 269 E Camuzet La convention de gestation pour autrui une illeacutegaliteacute franccedilaise injustifieacutee art preacutec p 66 A Ponsard rapport sous Cass civ 1re 16

36

novembre 1982 JCP eacuted G 1983 II 19954 M-T Meulders-Klein laquo Le droit agrave lenfant face au

droit de lenfant et les procreacuteations meacutedicalement assisteacutees raquo RTD civ 1988 p 645 F Terreacute Lenfant de lesclave Geacuteneacutetique et droit Flammarion 1987 p 128

(34) Convention de New York du 26 janvier 1990 Charte des droits fondamentaux de lUnion europeacuteenne du 7 deacutecembre 2000 Deacuteclaration universelle des droits de lhomme de 1789 Convention internationale des droits de lenfant de 1989

(35) Cass ass plegraven 31 mai 1991 Bull civ ass plegraven no 4 Defreacutenois 1991 art 35142 no 103 obs J-L Aubert et art 35088 no 67 p 948 obs J Massip D 1991 p 417 rapport Y Chartier note D Thouvenin JCP eacuted G 1991 II 21752 communication J Bernard concl H Dontenwille note F Terreacute RTD civ 1991 p 517 obs D Huet-Weiller

(36) Cass civ 1re 24 feacutevrier 2006 Bull civ I no 101 p 95 Defreacutenois 2006 art 38415 no 40 p 1067 obs J Massip D 2006 juris p 897-900 obs D Vigneau T Anatrella laquo Adoption et homoparentaliteacute leacuteclairage des droits de lhomme raquo Dr Famille 2003 no 10 p

8-10 agrave lidentique dans un arrecirct du 22 janvier 1992 D 1993 p 119 note J Vassaux la cour dappel de Poitiers a prononceacute ladoption simple dun enfant neacute dune convention de megravere porteuse au motif que laquo cette adoption nest pas seulement conforme agrave linteacuterecirct de lenfant mais encore constitue une neacutecessiteacute qui deacutecoule des reacutealiteacutes de la vie issues derreurs des adultes dont lenfant ne doit pas subir les conseacutequences raquo

(37) G Kessler laquo La consolidation de situations illicites dans linteacuterecirct de lenfant raquo art preacutec eacutetude no 16 M-T Meulders-Klein laquo Le droit agrave lenfant face au droit de lenfant et les procreacuteations meacutedicalement assisteacutees raquo art preacutec p 645

(38) Cass civ 1re 18 mai 2005 Bull civ I no 211 p 179 V Depadt-Sebag laquo Non-lieu dans une affaire de materniteacute pour autrui raquo D 2005 p 476 J Massip laquo Megravere porteuse et deacutecheacuteance de lautoriteacute parentale raquo art preacutec no 216 p 11 F Terreacute Lenfant de lesclave Geacuteneacutetique et droit op cit adde F Terreacute et D Fenouillet Droit civil Les personnes la famille les incapaciteacutes 6e eacuted Preacutecis Dalloz no 926 M Lamarche laquo Inteacuterecirct supeacuterieur de lenfant de ladmission des effets dune convention de megravere porteuse agrave la destruction du droit franccedilais de la filiation raquo Dr Famille novembre 2007 no 11

(39) M Donnier laquo Linteacuterecirct de lenfant raquo D 1959 chron p 27 F Laroche-Gisserot note sous Cass civ 1re 27 mai 1998 D 1998 p 530 F Millet laquo Ladoption dun inteacuterecirct agrave lautre raquo RRJ 2003-3 p 1777 et s A Gouttenoire laquo A chacun sa famille agrave chacun son droit raquo art preacutec Alerte 41

(40) Par la loi no 2007-293 du 5 mars 2007 reacuteformant la protection de lenfance (JO du 6 mars 2007 Defreacutenois 2007 Leacuteg p 282) le leacutegislateur a inteacutegreacute la notion dinteacuterecirct de lenfant dans le Code de laction sociale et des familles Le nouvel article L 112-4 dudit code dispose que laquo Linteacuterecirct de lenfant la prise en compte de ses besoins fondamentaux physiques intellectuels sociaux et affectifs ainsi que le respect de ses droits doivent guider toutes deacutecisions le concernant raquo

(41) Amendement no 48 rect Protection de lenfance no 3184 Assembleacutee nationale 22 deacutecembre 2006 wwwassemblee-nationalefr v aussi sur lensemble de ces questions les consideacuterations tregraves eacuteclairantes de P Murat note sous CA Rennes 4 juillet 2002 D 2002 p 2902 Dr Famille 2002 comm no 142 note P Murat

(42) F Granet-Lambrechts laquo Materniteacutes de substitution filiation et eacutetat civil Panorama europeacuteen raquo Dr Famille no 12 deacutecembre 2007 eacutetude no 34

(43) D Youf Penser les droits de lenfant PUF 2002 p 2

(44) G Cornu La famille 6e eacuted no 7 J Carbonnier Droit civil t 4 Les obligations PUF coll Theacutemis no 372 p 649

(45) D Fenouillet et P de Vareilles-Sommiegraveres La contractualisation du droit de la famille Economica 2001

37

(46) H Gaumont-Prat laquo Pas dadoption pour les enfants issus de convention de megravere porteuse raquo art preacutec p 31

(47) E Poisson-Droccourt laquo Recours agrave une megravere de substitution et refus de ladoption raquo art preacutec p 2001 note sous Cass civ 1re 9 deacutecembre 2003 G Delaisi de Perseval laquo Gestation pour autrui en quecircte de leacutegitimation raquo httpwwwliberationfr

(48) C Neirinck laquo Les filiations eacutelectives agrave leacutepreuve du droit raquo JCP eacuted G 1997 I 4067 E Camuzet laquo La convention de gestation pour autrui une illeacutegaliteacute franccedilaise injustifieacutee raquo art preacutec p 59

(49) J Hauser et D Huet-Weiller Traiteacute de droit civil La famille Fondation et vie de la famille 2e eacuted LGDJ 1993 p 250

(50) B Debreacute et S Agacinski laquo Faut-il leacutegaliser les megraveres porteuses en France raquo art preacutec p 50 C Atias D 1986 chron p 67

Civ 1egravere

13 deacutecembre 1989

Ndeg de pourvoi 88-15655

Publieacute au bulletin

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Attendu selon les juges du fond que lrsquoassociation ldquo Alma Mater ldquo a pour objet de faciliter la

solution des problegravemes qui se posent aux couples dont la femme est steacuterile deacutesireux

drsquoaccueillir un enfant agrave leur foyer et aux ldquo megraveres porteuses ldquo volontaires qursquoil est proposeacute agrave

la ldquo megravere porteuse ldquo drsquoecirctre inseacutemineacutee artificiellement par la semence du mari ou du concubin

de porter et de mettre au monde lrsquoenfant qui sera deacuteclareacute sur les registres de lrsquoeacutetat civil sans

indication du nom de la megravere reconnu par le pegravere et accueilli au foyer de celui-ci en vue de

son adoption par lrsquoeacutepouse ou la compagne que lrsquoassociation intervient tout au long de ce

processus qualifieacute de ldquo precirct drsquouteacuterus ldquo ou de ldquo don drsquoenfant ldquo qursquoainsi apregraves avoir controcircleacute la

reacutealiteacute de la steacuteriliteacute du couple demandeur et des faculteacutes de feacutecondation de la ldquo megravere porteuse

ldquo geacuteneacuteralement recruteacutee par elle lrsquoassociation fait proceacuteder agrave lrsquoinseacutemination surveille la

grossesse et lrsquoaccouchement srsquooccupe de faire diligenter la proceacutedure drsquoadoption qursquoelle

verse ensuite agrave la megravere une somme forfaitaire - qui en 1987 eacutetait fixeacutee agrave 60 000 francs -

remise par le couple demandeur degraves le deacutebut de la grossesse que lrsquoarrecirct confirmatif attaqueacute

(Aix-en-Provence 29 avril 1988) estimant que cette association avait un objet illicite

contraire aux lois et aux bonnes moeurs en a prononceacute la nulliteacute sur le fondement de lrsquoarticle

3 de la loi du 1er juillet 1901

Sur le moyen unique pris en sa premiegravere branche

Attendu que lrsquoassociation ldquo Alma Mater ldquo fait grief agrave la cour drsquoappel drsquoavoir ainsi statueacute alors

que selon le moyen nrsquoest ni illicite ni contraire aux bonnes moeurs lrsquoassociation qui dans un

but humanitaire non lucratif met en relation un couple demandeur dont la femme est steacuterile et

38

une femme qui accepte drsquoecirctre inseacutemineacutee artificiellement par le mari de porter lrsquoenfant et de le

remettre agrave la naissance agrave ce couple qui lrsquoindemnisera des contraintes et de la gecircne occasionneacutee

par la grossesse de sorte que la juridiction du second degreacute aurait violeacute les articles 3 et 7 de la

loi du 1er juillet 1901

Mais attendu qursquoil reacutesulte des constatations des juges du fond que lrsquoobjet mecircme de

lrsquoassociation est de favoriser la conclusion et lrsquoexeacutecution de conventions qui fussent-elles

verbales portent tout agrave la fois sur la mise agrave la disposition des demandeurs des fonctions

reproductrices de la megravere et sur lrsquoenfant agrave naicirctre et sont donc nulles en application de lrsquoarticle

1128 du Code civil que ces conventions contreviennent au principe drsquoordre public de

lrsquoindisponibiliteacute de lrsquoeacutetat des personnes en ce qursquoelles ont pour but de faire venir au monde un

enfant dont lrsquoeacutetat ne correspondra pas agrave sa filiation reacuteelle au moyen drsquoune renonciation et

drsquoune cession eacutegalement prohibeacutees des droits reconnus par la loi agrave la future megravere que

lrsquoactiviteacute de lrsquoassociation qui tend deacutelibeacutereacutement agrave creacuteer une situation drsquoabandon aboutit agrave

deacutetourner lrsquoinstitution de lrsquoadoption de son veacuteritable objet qui est en principe de donner une

famille agrave un enfant qui en est deacutepourvu que crsquoest degraves lors agrave bon droit que lrsquoarrecirct attaqueacute a

deacutecideacute sur le fondement de lrsquoarticle 3 de la loi du 1er juillet 1901 que cette association eacutetait

nulle en raison de lrsquoilliceacuteiteacute de son objet que la premiegravere branche du moyen est donc sans

fondement

Et sur les deuxiegraveme et troisiegraveme branches du moyen

Attendu qursquoil est fait grief agrave la cour drsquoappel de nrsquoavoir pas reacutepondu aux conclusions faisant

valoir drsquoune part que lrsquointerdiction du ldquo don de gestation ldquo constituait une discrimination

fondeacutee sur la naissance contraire aux dispositions de lrsquoarticle 24 du pacte international relatif

aux droits civils et politiques signeacute agrave New York le 19 deacutecembre 1966 et drsquoautre part que ce ldquo

don de gestation ldquo reposait sur le droit leacutegitime de fonder une famille qui implique le droit

drsquoengendrer reconnu tant par lrsquoarticle 12 de la convention europeacuteenne des droits de lrsquohomme

et des liberteacutes fondamentales du 4 novembre 1950 que par lrsquoarticle 23 du pacte international

preacuteciteacute

Mais attendu que la reconnaissance du caractegravere illicite de la materniteacute pour autrui et des

associations qui srsquoefforcent de la promouvoir qui se deacuteduit des principes geacuteneacuteraux du Code

civil et de regravegles qui sont communes agrave toutes les filiations nrsquoest pas de nature agrave instaurer une

discrimination fondeacutee sur la naissance que le droit de se marier et de fonder une famille

reconnu par lrsquoarticle 12 de la convention du 4 novembre 1950 et par lrsquoarticle 23 du pacte

international du 19 deacutecembre 1966 agrave lrsquohomme et agrave la femme en acircge nubile nrsquoimplique pas le

droit de conclure avec un tiers des conventions portant sur le sort drsquoun enfant agrave naicirctre que

par ces motifs de droit reacutepondant aux conclusions invoqueacutees lrsquoarrecirct se trouve leacutegalement

justifieacute et que les deuxiegraveme et troisiegraveme branches du moyen ne peuvent ecirctre accueillies

PAR CES MOTIFS

REJETTE le pourvoi

Publication Bulletin 1989 I Ndeg 387 p 260

Deacutecision attaqueacutee Cour drsquoappel drsquoAix-en-Provence du 29 avril 1988

39

Cour de cassation Assembleacutee pleacuteniegravere

Audience publique du 31 mai 1991

Ndeg de pourvoi 90-20105 Publieacute au bulletin

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Sur le pourvoi dans lrsquointeacuterecirct de la loi formeacute par M le Procureur geacuteneacuteral pregraves la Cour de

Cassation

Vu les articles 6 et 1128 du Code civil ensemble lrsquoarticle 353 du mecircme Code

Attendu que la convention par laquelle une femme srsquoengage fucirct-ce agrave titre gratuit agrave concevoir

et agrave porter un enfant pour lrsquoabandonner agrave sa naissance contrevient tant au principe drsquoordre

public de lrsquoindisponibiliteacute du corps humain qursquoagrave celui de lrsquoindisponibiliteacute de lrsquoeacutetat des

personnes

Attendu selon lrsquoarrecirct infirmatif attaqueacute que Mme X eacutepouse de M Y eacutetant atteinte drsquoune

steacuteriliteacute irreacuteversible son mari a donneacute son sperme agrave une autre femme qui inseacutemineacutee

artificiellement a porteacute et mis au monde lrsquoenfant ainsi conccedilu qursquoagrave sa naissance cet enfant a

eacuteteacute deacuteclareacute comme eacutetant neacute de Y sans indication de filiation maternelle

Attendu que pour prononcer lrsquoadoption pleacuteniegravere de lrsquoenfant par Mme Y lrsquoarrecirct retient

qursquoen lrsquoeacutetat actuel des pratiques scientifiques et des moeurs la meacutethode de la materniteacute

substitueacutee doit ecirctre consideacutereacutee comme licite et non contraire agrave lrsquoordre public et que cette

adoption est conforme agrave lrsquointeacuterecirct de lrsquoenfant qui a eacuteteacute accueilli et eacuteleveacute au foyer de M et

Mme Y pratiquement depuis sa naissance

Qursquoen statuant ainsi alors que cette adoption nrsquoeacutetait que lrsquoultime phase drsquoun processus

drsquoensemble destineacute agrave permettre agrave un couple lrsquoaccueil agrave son foyer drsquoun enfant conccedilu en

exeacutecution drsquoun contrat tendant agrave lrsquoabandon agrave sa naissance par sa megravere et que portant atteinte

aux principes de lrsquoindisponibiliteacute du corps humain et de lrsquoeacutetat des personnes ce processus

constituait un deacutetournement de lrsquoinstitution de lrsquoadoption la cour drsquoappel a violeacute les textes

susviseacutes

PAR CES MOTIFS

CASSE ET ANNULE mais seulement dans lrsquointeacuterecirct de la loi et sans renvoi lrsquoarrecirct rendu le

15 juin 1990 par la cour drsquoappel de Paris

REQUETE DE M LE PROCUREUR GENERAL PRES LA COUR DE CASSATION

Le Procureur geacuteneacuteral pregraves la Cour de Cassation a lrsquohonneur drsquoexposer

- Que par jugement du 28 juin 1989 le tribunal de grande instance de Paris a rejeteacute la requecircte

preacutesenteacutee par Mme X eacutepouse Y tendant agrave lrsquoadoption pleacuteniegravere de lrsquoenfant Z deacuteclareacutee

comme eacutetant neacutee de M Y mari de la requeacuterante sans indication de filiation maternelle

- Que pour ne pas faire droit agrave cette requecircte les premiers juges ont retenu que les eacutepoux Y

pour remeacutedier agrave la steacuteriliteacute de leur couple avaient eu recours agrave lrsquoassociation Alma Mater

aujourdrsquohui dissoute lrsquoenfant eacutetant neacute drsquoune megravere de substitution qui lrsquoa abandonneacute agrave la

naissance pratique deacuteclareacutee illicite

- Que sur appel de Mme Y la premiegravere chambre civile section C de la cour drsquoappel de

Paris a par arrecirct du 15 juin 1990 infirmeacute la deacutecision entreprise et prononceacute lrsquoadoption

pleacuteniegravere solliciteacutee par la requeacuterante

- Qursquoau soutien de leur deacutecision devenue deacutefinitive les juges du second degreacute ont tireacute de nos

principes geacuteneacuteraux relatifs agrave la filiation des regravegles drsquoordre public concernant les contrats et de

40

certaines conventions ou deacuteclarations internationales des conclusions contraires agrave celles

auxquelles eacutetait parvenue votre premiegravere chambre civile de la Cour de Cassation qui dans un

cas de figure pratiquement identique a par arrecirct du 13 deacutecembre 1989 (association Alma

Mater contre procureur geacuteneacuteral Aix-en-Provence) reconnu le caractegravere illicite de la materniteacute

pour autrui et les associations qui srsquoefforcent de la promouvoir

- Qursquoil importe en cette matiegravere particuliegraverement sensible qui touche agrave un deacutelicat problegraveme de

socieacuteteacute et drsquoeacutethique que soit mis fin agrave des divergences jurisprudentielles majeures et que la

seacutecuriteacute juridique soit assureacutee

PAR CES MOTIFS

Vu lrsquoarticle 17 de la loi du 3 juillet 1967 relative agrave la Cour de Cassation

Requiert qursquoil plaise agrave la Cour de Cassation

CASSE ET ANNULE sans renvoi et dans le seul inteacuterecirct de la loi lrsquoarrecirct rendu le 15 juin 1990

par la cour drsquoappel de Paris ayant fait droit agrave la requecircte en adoption pleacuteniegravere preacutesenteacutee par

Mme X eacutepouse Y

Publication Bulletin 1991 AP Ndeg 4 p 5

Deacutecision attaqueacutee Cour drsquoappel de Paris du 15 juin 1990

Page 20: SEANCE_3 Droit Civil Methodologie

20

dispositions imposant des vaccinations obligatoires si elles ont pour effet de porter une

atteinte limiteacutee aux principes dinviolabiliteacute et dinteacutegriteacute du corps humain voient leur mise en

oeuvre justifieacutee dans le but dassurer la protection de la santeacute dont le principe se trouve garanti

par le Preacuteambule de la Constitution de 1946 et sont proportionneacutees agrave cet objectif (CE 26 nov

2001 ALIS req ndeg 222741 RFDA 2002 p 65 concl comm du gouv S Boissard) Cest

normalement agrave la loi quil revient darbitrer entre ces deux principes Dans une autre affaire

(CA Pau 19 mars 2002 Dr fam 2004 ndeg 137 obs M S) des parents avaient eacuteteacute

condamneacutes agrave des peines contraventionnelles pour avoir soustrait leurs enfants agrave lobligation

vaccinale pour des raisons religieuses Ces deacutecisions ont eacuteteacute rendues alors que la loi du 4 mars

2002 sur le droit des patients neacutetait pas entreacutee en vigueur le renforcement de la liberteacute du

patient serait-elle de nature agrave assouplir les obligations vaccinales La jurisprudence de la

Cour europeacuteenne des droits de lhomme semble aller en ce sens (CEDH 9 juill 2002 ndeg

4219798 Salvetti c Italie une vaccination obligatoire en tant que traitement meacutedical non

volontaire constitue une ingeacuterence dans le droit au respect de la vie priveacutee reconnu par lart 8

sect 1 Conv EDH) Quil nous soit permis deacutemettre des reacuteserves sauf agrave ruiner toute la politique

de preacutevention mise en place par les autoriteacutes sanitaires depuis un siegravecle et dont les effets

salutaires ne sont pas contestables la reacutesistance des juridictions administratives qui sous-tend

larrecirct dAssembleacutee rapporteacute face aux derniers avatars dun certain extreacutemisme libertarien

dont le corps devient le bastion (pour un bon exposeacute de ces thegraveses Onfray Feacuteeacuteriques

anatomiques geacuteneacutealogie du corps faustien Grasset-Fasquelle 2003) montre que lhypothegravese

est ici bien diffeacuterente dun simple refus de soin comme dans le cas des transfusions elles ne

mettent en jeu que la vie du patient (sur cette derniegravere question B Mathieu De la difficulteacute

de choisir entre la liberteacute et la vie RGDM 2003 ndeg 9 p 97 A Garay Volonteacutes et liberteacutes

dans la relation meacutedecin-malade la mise agrave leacutepreuve des articles 16-3 du code civil et L

1111-4 du code de la santeacute publique RGDM 2003 ndeg 10 p 143)

5 Moins sujet agrave deacutebat larrecirct rendu par la Cour europeacuteenne (22 juill 2003 req ndeg 2420994

RD publ 2004 ndeg 3 p 826 note C Picheral) qui condamne la Turquie pour ingeacuterence dans

le droit au respect de la vie priveacutee reconnu par larticle 8 sect 1 de la Convention europeacuteenne

Dans cette affaire la plaignante avait subi un examen gyneacutecologique forceacute destineacute agrave prouver

agrave lissue de sa garde agrave vue quelle navait pas subi de violences sexuelles La Cour europeacuteenne

qui integravegre deacutesormais le respect du corps humain dans la sphegravere de la vie priveacutee fait ici une

application logique de larticle 8 dans la ligne de la jurisprudence preacuteceacutedemment citeacutee

2 - Indisponibiliteacute et extra-patrimonialiteacute du corps humain

6 Le principe dextra-patrimonialiteacute du corps humain se trouve repris par les articles 16-1

alineacutea 3 16-5 et 16-6 du code civil quil est parfois difficile de distinguer du principe

dindisponibiliteacute du corps humain que la jurisprudence fonde sur larticle 1128 du mecircme code

(Cass ass pleacuten 31 mai 1991 D 1991 Jur p 417 rapp Y Chartier note D Thouvenin) Si

la qualification dindisponibiliteacute a eacuteteacute eacutecarteacutee du vocabulaire des lois de 1994 et de 2004

comme par la doctrine dominante pour cause dambiguiumlteacute (D Fenouillet Respect et protection

du corps humain J-Cl civil art 16 agrave 16-12 fasc 12 ndeg 134 s) la jurisprudence y revient

parfois pour affirmer que le corps nest pas une chose dans le commerce Larrecirct de la Cour

dappel de Paris du 16 mai 2003 reacuteforme sur ce point un jugement du Tribunal des affaires de

seacutecuriteacute sociale de Paris du 5 juillet 2001 qui avait agrave tort exoneacutereacute une prostitueacutee du paiement

de la cotisation dallocations familiales des travailleurs indeacutependants au motif quanalyser une

activiteacute sexuelle reacutemuneacutereacutee comme un travail reviendrait agrave admettre que le commerce du

corps humain est leacutegal alors que leacutegaliser ce commerce aboutit agrave nier et agrave rejeter le principe

dindisponibiliteacute du corps humain La cour rappelle agrave bon droit que le commerce des relations

sexuelles nest pas en soi illicite seules eacutetant interdites certaines conditions dexercice de cette

21

activiteacute en tant quelles conduiraient aux infractions de racolage et de proxeacuteneacutetisme Affirmer

que lactiviteacute en cause na aucun lien avec lindisponibiliteacute du corps humain a quelque chose

de surreacutealiste le fait quelle ne soit pas peacutenalement reacuteprimeacutee nempecircche pas le caractegravere

illicite du contrat passeacute entre la prostitueacutee et son client (dans ce sens pour la nulliteacute dune

assurance souscrite par un proxeacutenegravete contre les accidents corporels freacutequents dans ce genre

dactiviteacutes CA Paris 22 janv 1992 Juris-Data ndeg 020308) Reste la justification de la

deacutecision par la relative autonomie du droit des prestations sociales larticle R 241-2 du code

de la seacutecuriteacute sociale vise toutes les activiteacutes non salarieacutees mecircme de caractegravere accessoire La

Chambre sociale de la Cour de cassation a deacutejagrave admis la prostitution au titre de ces activiteacutes

(18 mai 1995 D 1996 Somm p 38 obs X Preacutetot) eacutecarter les activiteacutes de prostitution de

lassiette des cotisations sociales ne serait-ce pas les encourager davantage au risque pour

lEtat de reprendre agrave son compte le ceacutelegravebre adage de Vespasien

7 Nous rappellerons encore larrecirct rendu par la premiegravere Chambre civile le 9 deacutecembre 2003

confirmant le rejet de ladoption pleacuteniegravere par la femme du pegravere dune enfant qui est le fruit

dune convention de megravere porteuse Lamie dun couple steacuterile avait accepteacute en 1987

dabandonner agrave sa naissance sans indication de filiation maternelle lenfant conccedilu des relations

intimes quelle avait eues avec leacutepoux La demanderesse au pourvoi soutenait que lilliceacuteiteacute de

la convention neacutetait pas eacutetablie par la jurisprudence et par la loi au moment des faits et quil

fallait prendre en consideacuteration pour ladoption pleacuteniegravere les douze anneacutees passeacutees par lenfant

aupregraves delle les inteacuterecircts de ce dernier primant la neacutecessiteacute de sanctionner la convention La

Cour de cassation confirmant sa jurisprudence du 31 mai 1991 (preacutec) et du 29 juin 1994 (D

1994 Jur p 581 note Y Chartier) rappelle laquo que la materniteacute pour autrui dont le caractegravere

illicite se deacuteduit des principes geacuteneacuteraux du code civil et aujourdhui de son article 16-7

reacutealise un deacutetournement de linstitution de ladoption que les premiers juges ont agrave bon droit

refuseacute raquo Prudemment la Haute juridiction neacutevoque pas la notion dindisponibiliteacute cet laquo

imaginaire de la doctrine raquo (M Gobert Reacuteflexions sur les sources du droit et les principes

dindisponibiliteacute du corps humain et de leacutetat des personnes RTD civ 1992 p 489) pour se

contenter logiquement de viser larticle 16-7 qui a vocation agrave sappliquer mecircme si le contrat

reste secret la graviteacute du vice initial de la materniteacute pour autrui contaminant toute adoption

ulteacuterieure

8 Le Tribunal administratif dAmiens dans sa deacutecision du 9 mars 2004 fait une application

discutable de la notion dextra-commercialiteacute des eacuteleacutements et des produits du corps humain

dans une hypothegravese ougrave cette qualification ne devait pas jouer Un couple perd ses embryons

congeleacutes in vitro en raison de la deacutefaillance du mateacuteriel de conservation imputable agrave un

eacutetablissement hospitalier Peut-il se preacutevaloir dun preacutejudice indemnisable dans le cadre de

laction en responsabiliteacute quil engage contre cet eacutetablissement La juridiction administrative

saisie admet la responsabiliteacute de la personne publique le mateacuteriel de conservation lui

appartenant eacutetant en cause mais sur la question de la reacuteparation du preacutejudice subi reacutepond de

maniegravere surprenante laquo si les eacutepoux peuvent se preacutevaloir de lexistence dun preacutejudice

mateacuteriel reacutesultant de la perte dovocytes les dispositions de larticle 16-1 du code civil selon

lesquelles le corps humain ses eacuteleacutements et ses produits ne peuvent faire lobjet dun droit

patrimonial sopposent agrave ce quils puissent en demander la reacuteparation en argent raquo et il

poursuit laquo les ovocytes surnumeacuteraires neacutetant pas des personnes ils ne sont pas fondeacutes agrave se

preacutevaloir dun preacutejudice moral reacutesultant selon eux de la perte decirctres chers raquo Le couple se

voit toutefois allouer 10 000 euros de dommages-inteacuterecircts pour les laquo troubles divers raquo dans

leurs conditions dexistence Si les ovocytes ne sont pas eacutevaluables en argent et si leur perte ne

peut donc pas justifier un preacutejudice mateacuteriel il nen va pas de mecircme dun preacutejudice moral

causeacute par leur perte (la perte dun animal domestique le justifie en droit civil ) et surtout le

22

preacutejudice reacutesultant de la perte dune chance de devenir parents pour un couple deacutejagrave acircgeacute et qui

rencontre des difficulteacutes pour procreacuteer degraves lors quaurait pu ecirctre eacutetablie la disparition par

leffet de la faute imputeacutee agrave leacutetablissement hospitalier de leacuteveacutenement favorable la

probabiliteacute de la naissance dun enfant (en droit meacutedical G Meacutemeteau Gaz Pal 1997 2

Doctr p 1367) La juridiction administrative a manqueacute une occasion de faire avancer le droit

biomeacutedical dans une affaire inattendue et hautement symbolique

B - Reacuteglementation des eacuteleacutements et les produits du corps

Prenant appui sur les principes geacuteneacuteraux gouvernant le statut du corps humain le reacutegime

juridique des eacuteleacutements et des produits biologiques dorigine humaine peut toutefois preacutesenter

des particulariteacutes

1 - La greffe de visage

9 Le Comiteacute consultatif national deacutethique dans son avis ndeg 82 du 6 feacutevrier 2004 eacutemet un

avis deacutefavorable au preacutelegravevement du visage dune personne deacuteceacutedeacutee ou en langage meacutedical agrave

lallotransplantation de tissus composites En deacutepit des besoins eacutevidents pour la chirurgie

reconstructive des victimes deacutefigureacutees agrave la suite daccidents ou de suicides manqueacutes le

Comiteacute consultatif considegravere que des obstacles dirimants subsistent actuellement pour

ladmission dun tel preacutelegravevement les perspectives de laquo reacuteussite raquo dune telle opeacuteration

demeurent tregraves theacuteoriques les risques de rejet des greffons eacutetant laquo extrecircmement graves raquo il

paraicirct par ailleurs fort deacutelicat de solliciter lautorisation de la famille du deacuteceacutedeacute pour effectuer

les preacutelegravevements la signification eacutethique particuliegravere du visage humain son lien intime agrave la

personnaliteacute et agrave lidentiteacute en font davantage quune piegravece anatomique Cette prudence sinscrit

dans le cadre des principes traditionnels du droit meacutedical la technique envisageacutee relevant

pour lheure davantage de lexpeacuterimentation que de la theacuterapeutique

2 - Les banques de sang de cordon ombilical

10 Les cellules heacutematopoiumleacutetiques preacutesentes dans le sang du cordon ombilical peuvent ecirctre

utiliseacutees pour le traitement de certaines maladies geacuteneacutetiques elles peuvent notamment

repeupler la moelle osseuse du patient et constituer une source de cellules sanguines offrant

ainsi une solution alternative agrave la greffe de moelle osseuse Des banques de ces cellules ont

eacuteteacute creacuteeacutees dans des institutions hospitaliegraveres et plus reacutecemment dans le secteur priveacute Ces

activiteacutes pour certaines agrave but lucratif suscitent eacutevidemment des questions juridiques et

eacutethiques Le Comiteacute national sest en France pencheacute sur ce problegraveme (avis ndeg 74 du 12 deacutec

2002) de mecircme que divers organismes de santeacute europeacuteens Le Groupe europeacuteen deacutethique

institueacute aupregraves du preacutesident de la Commission europeacuteenne a consacreacute agrave ce point son avis ndeg

16 rendu le 16 mars 2004 En substance les sages du Groupe europeacuteen critiquent vivement

louverture de cette activiteacute au secteur commercial degraves lors que les banques priveacutees noffrent

pas un laquo service utile en termes de possibiliteacutes theacuterapeutiques raquo (pt 21) et meacuteritent decirctre

eacutetroitement encadreacutees comme elles le seraient dailleurs en France Dun point de vue plus

geacuteneacuteral ces banques priveacutees de sang ombilical qui demeurent en veacuteriteacute assez marginales

posent la question des activiteacutes commerciales dans les secteurs sensibles de la santeacute qui nest

pas reacutesolue de maniegravere uniforme au sein de lUnion europeacuteenne Ladoption de

reacuteglementations telles que la directive CE ndeg 2004-23 du 31 mars 2004 concernant les aspects

de seacutecuriteacute et de qualiteacute pour les diffeacuterentes opeacuterations relatives aux eacuteleacutements biologiques

dorigine humaine va dans le sens de cette harmonisation

3 - Les normes europeacuteennes de qualiteacute et de seacutecuriteacute concernant les diffeacuterentes opeacuterations

relatives aux tissus et aux cellules humains

11 La directive CE ndeg 2004-23 du 31 mars 2004 constitue un texte important dans un secteur

ougrave lharmonisation communautaire tardait nonobstant le maillage reacuteglementaire existant en

23

matiegravere de meacutedicaments agrave usage humain (Dir CE ndeg 2001-83 du 6 nov 2001) Le texte

sapplique essentiellement aux eacuteleacutements biologiques destineacutes agrave lhomme ou agrave la fabrication de

produits manufactureacutes y compris pour des buts cosmeacutetiques agrave lexception des produits

destineacutes agrave des greffes autologues dans le cadre dune intervention chirurgicale unique du sang

et des produits sanguins (Dir CE ndeg 2002-98 du 27 janv 2002) des organes ou des parties

dorganes utiliseacutes aux mecircmes fins que lorgane entier dans le corps humain Les utilisations agrave

des fins de recherche sont eacutegalement exclues La directive sapplique en revanche aux gamegravetes

et aux cellules souches embryonnaires mais laisse aux Etats membres la faculteacute den autoriser

lutilisation Dune maniegravere geacuteneacuterale le texte communautaire nimpose pas de modegravele eacutethique

mais des obligations techniques dans un but de seacutecuriteacute sanitaire comprenant notamment la

mise en place dun systegraveme qualiteacute et de traccedilabiliteacute la deacutesignation dune personne responsable

mais il insiste cependant sur la gratuiteacute des dons et les exigences en matiegravere de consentement

La transposition qui ne devrait pas affecter de maniegravere sensible le cadre juridique franccedilais

actuel doit intervenir avant le 7 avril 2006

4 - Les cellules souches embryonnaires

12 Moins de deux mois apregraves ladoption de la reacutevision des lois bioeacutethiques et en application

de larticle 37 du nouveau texte qui autorise agrave titre transitoire avant la mise en place de

lAgence de la Biomeacutedecine les ministres concerneacutes agrave permettre limportation agrave des fins de

recherche de cellules souches embryonnaires humaines un deacutecret et un arrecircteacute (JO ndeg 228 du

30 sept 2004 p 16804) du 28 septembre 2004 viennent dy proceacuteder Les recherches sur ces

cellules fort contesteacutees il y a encore peu puisque la preacuteceacutedente autorisation dimportation de

cellules souches dorigine embryonnaire avait fait lobjet dun contentieux (TA Paris 21 janv

2003 D 2004 Somm p 532 obs H Gaumont-Prat LPA 2003 ndeg 196 p 7 note B

Pauvert) entrent donc rapidement dans la reacutealiteacute Ces souches importeacutees seront rapidement

supplanteacutees par pregraves de 50 000 embryons congeleacutes en France dont les geacuteniteurs ont renonceacute agrave

ce quils accegravedent agrave la naissance et qui vont pouvoir prochainement servir de mateacuteriel

dexpeacuterimentation comme la loi nouvelle lautorise deacutesormais

Mots cleacutes

PERSONNE HUMAINE Panorama 2004

Gazette du Palais 29 mai 2004 ndeg 150 P 15 - Tous droits reacuteserveacutes

Famille - Personnes

040412

ADOPTION Adoption pleacuteniegravere - Enfants pouvant faire lobjet dune adoption - Enfant neacute dune megravere

porteuse (non)

La materniteacute pour autrui dont le caractegravere illicite se deacuteduit des principes geacuteneacuteraux du Code

civil et aujourdhui de son article 16-7 reacutealise un deacutetournement de linstitution de ladoption

que les juges du fond ont donc agrave bon droit refuseacute de prononcer sans violer aucun des textes

invoqueacutes

C cass 1re civ 9 deacutecembre 2003 Mme X c Procureur geacuteneacuteral pregraves le Cour dappel de Y-

Pourvoi ndeg 0103927 Q - Rejet (C app Paris 1er feacutevrier 2001) - gr ndeg 1644P

NOTE

Reacuteiteacuteration de linterdiction dune adoption lieacutee agrave une procreacuteation pour le compte

dautrui -

24

Larrecirct rendu le 9 deacutecembre 2003 ne surprendra pas puisquil sinscrit dans la ligne traceacutee par

la Cour de cassation depuis 1989 confirmeacutee par la loi du 29 juillet 1994 relative au respect du

corps humain

En lespegravece Georges D et Denise M seacutetaient marieacutes le 15 deacutecembre 1962 et avaient eu un

enfant Fabrice neacute le 11 novembre 1966 Leacutepouse nayant pu avoir un deuxiegraveme enfant

pourtant vivement souhaiteacute le couple se serait adresseacute agrave une laquoamieraquo qui aurait accepteacute davoir

des relations intimes avec Georges D jusquagrave ce quelle conccediloive un enfant quil eacutetait convenu

de laisser degraves sa naissance au pegravere et agrave son eacutepouse

Cest ainsi que serait neacutee Sarah le 4 juillet 1987 qui fut deacuteclareacutee sur les registres de leacutetat civil

sans indication de filiation maternelle reconnue par Georges D puis recueillie aussitocirct par

celui-ci et son eacutepouse Cette derniegravere avait pris la preacutecaution de seacuteloigner de son domicile

pendant les derniers mois du deacuteveloppement in utero de lenfant afin que la substitution

maternelle soit ignoreacutee de lentourage des deux eacutepoux

Il sagissait donc bien selon les propres dires de Georges et Denise D dune materniteacute pour

autrui sans recours aux techniques modernes de procreacuteation meacutedicalement assisteacutee selon un

processus agrave la fois naturel et vieux comme le monde (1)

En janvier 1999 Denise D a saisi le Tribunal de grande instance dune requecircte en adoption

pleacuteniegravere de la fille de son mari

Le Tribunal par jugement du 8 deacutecembre 1999 puis la Cour dappel de Paris par arrecirct du 1er

feacutevrier 2001 ont rejeteacute sa demande au motif quen application des art 6 et 1128 C civ la

convention par laquelle une femme sengage agrave concevoir et agrave porter un enfant pour

labandonner agrave sa naissance est nulle car elle contrevient tant au principe dordre public de

lindisponibiliteacute du corps humain quagrave celui de lindisponibiliteacute de leacutetat des personnes et que

ladoption envisageacutee neacutetait que lultime phase dun processus illicite constitutif dun

deacutetournement de linstitution de ladoption

On reconnaicirctra lagrave les formules mecircmes employeacutees par la Cour de cassation notamment dans

son arrecirct dassembleacutee pleacuteniegravere du 31 mai 1991 (2) Il nest donc pas eacutetonnant que la Cour

suprecircme ait rendu un arrecirct de rejet dautant plus que sa jurisprudence a eacuteteacute conforteacutee par le

nouvel art 16-7 inseacutereacute dans le Code civil par la loi ndeg 94-653 du 29 juillet 1994 (3) qui

dispose que toute convention portant sur la procreacuteation ou la gestation pour le compte dautrui

est nulle

La Cour de cassation a bien entendu viseacute expresseacutement ce texte nouveau mais elle a tenu agrave

rappeler que le caractegravere illicite se deacuteduisait aussi des principes geacuteneacuteraux du Code civil

faisant ainsi implicitement reacutefeacuterence aux art 6 et 1128 de ce Code sur lesquels elle avait

preacuteceacutedemment fondeacute sa position

Le moyen de cassation tentait deacutechapper agrave la jurisprudence de la Cour suprecircme en se fondant

sur les circonstances de lespegravece et notamment sur le fait que la requecircte en adoption navait

eacuteteacute formeacutee que douze anneacutees apregraves la naissance de lenfant de sorte que lindivisibiliteacute entre la

materniteacute pour autrui et ladoption ne serait pas caracteacuteriseacutee Mais la Cour dappel avait

reacutepondu agrave cette argumentation en eacutenonccedilant que labandon de lenfant agrave naicirctre objet de

lobligation contracteacutee par la megravere biologique eacutetait destineacute agrave permettre que lenfant reconnu

par Georges D puisse ecirctre adopteacute par son eacutepouse et en soulignant que celle-ci avait dans le

mecircme but accepteacute linseacutemination dune autre femme par les gamegravetes de son mari et quelle

avait participeacute activement au processus en prenant toutes preacutecautions pour que la substitution

de materniteacute soit ignoreacutee des tiers

Denise D soutenait en outre que linteacuterecirct de lenfant retenu tant par lart 353 C civ que par

les art 3 et 21 de la Convention internationale des droits de lenfant devait primer sur le souci

de sanctionner lilliceacuteiteacute de la convention qui avait preacutesideacute agrave sa conception et agrave sa naissance

La Cour de cassation ne sest pas arrecircteacutee agrave cette argumentation pas plus quelle ne sy eacutetait

arrecircteacutee en 1991 pour elle lensemble de lopeacuteration est indivisible le deacutetournement de

25

linstitution de ladoption est caracteacuteriseacute et il convient de lutter contre la politique du fait

accompli (4) Laccepter au nom de linteacuterecirct de lenfant ne conduirait-il pas comme on la

souligneacute en doctrine (5) agrave admettre le commerce des enfants sous preacutetexte que bien souvent

ceux-ci y trouveraient beacuteneacutefice

(1) Selon la Bible Sarah eacutepouse dAbraham ne pouvant avoir denfant de lui lenvoya aupregraves

de son esclave eacutegyptienne Agar dont il eut un fils Ismaeumll Agar fut renvoyeacutee avec celui-ci

lorsque Sarah tregraves acircgeacutee mit au monde Isaac le fils de la promesse

Cest sans doute une coiumlncidence si nous trouvons aussi dans notre affaire une laquoSarahraquo qui

tient il est vrai un rocircle tout diffeacuterent de celui deacutevolu agrave son homonyme biblique

Lhistoire reacutevegravele eacutegalement des cas relativement freacutequents ougrave pour pallier agrave la steacuteriliteacute du

mari et pour permettre la continuation de la ligneacutee et la perpeacutetuation dun nom ou dun titre un

laquovaletraquo - souvent ensuite renvoyeacute - eacutetait chargeacute de feacuteconder leacutepouse Le proceacutedeacute eacutetait

juridiquement parfait dans la mesure ougrave par le jeu de la preacutesomption de paterniteacute le mari

devenait leacutegalement le pegravere de lenfant

(2) Cass ass pleacuten 31 mai 1991 Bull civ 1991 ndeg 4 Gaz Pal Rec 1991 panor cass p

162 [912144] D 1991 jur p 417 rapport Y Chartier note G Thouvenin JCP 1991 II

21752 comm J Bernard concl H Dontenwille note F Terreacute Defreacutenois 1991 art 35088

ndeg 67 p 948 obs J Massip RTD civ 1991 517 obs D Huet-Weiller Dans le mecircme sens

v Cass civ 1re 29 juin 1994 Bull civ 1994 I ndeg 226 Gaz Pal Rec 1995 jur p 36 note

J B [943856] D 1994 jur p 581 note Y Chartier JCP 1995 II 223621 note J Rubellin-

Devichi RTD civ 1994 p 842 obs J Hauser Defreacutenois 1995 art 36024 ndeg 4 p 315

obs J Massip

V aussi Cass civ 1re 13 deacutecembre 1989 Bull civ 1989 I ndeg 387 Gaz Pal Rec 1990

panor cass p 66 [901122] D 1990 jur p 273 rapport J Massip Defreacutenois 1990 art

34802 ndeg 55 p 743 obs J-L Aubert et art 34815 p 862 rapport J Massip et JCP 1990 II

21526 note A Seriaux Dans cette affaire la Cour de cassation avait proclameacute par des motifs

analogues agrave ceux adopteacutes par les arrecircts de 1991 et 1994 le caractegravere illicite de la materniteacute

pour autrui et des associations qui sefforcent de la promouvoir

(3) Sur cette loi v notamment notre commentaire in Defreacutenois 1975 art 35975 et 35922

speacutecialement en ce qui concerne lart 16-7 C civ le ndeg 9 de cette eacutetude p 72

(4) Sur ces divers points v notre note preacuteciteacutee sous Cass ass pleacuten 31 mai 1991

(5) Obs J Hauser sous larrecirct rendu le 1er feacutevrier 2001 par la Cour dappel de Paris dans le

preacutesente affaire in RTD civ 2001 347

AD2008DEF0291N1

Reacutepertoire du Notariat Defreacutenois 15 feacutevrier 2008 ndeg 3 P 291 - Tous droits reacuteserveacutes

FILIATION

38717 La convention de megravere porteuse

(Reacuteflexions sur les sources du droit et les principes dindisponibiliteacute du corps humain et de leacutetat des personnes)

Le droit franccedilais prohibe les conventions de megraveres porteuses

26

Malgreacute linterdiction leacutegale de nombreux couples ont chercheacute et cherchent encore agrave

contourner cette interdiction notamment en ayant recours agrave des megraveres de substitution dans

des pays eacutetrangers ougrave cette pratique est autoriseacutee

La Cour de cassation veille agrave ce que linstitution de ladoption ne soit pas deacutetourneacutee au profit

de ces parents

Dans un arrecirct du 25 octobre 2007 la cour dappel de Paris vient de reacuteouvrir le deacutebat non sur

le terrain de la convention mais sur celui de la non-transcription des actes de naissance et de

linteacuterecirct supeacuterieur de lenfant

Une excellente occasion de faire le point sur la question et de sinterroger pour lavenir avant

la reacutevision de la loi bioeacutethique en 2009

par Rabih CHENDEB

Docteur en droit

ATER agrave lUniversiteacute de Picardie Jules Verne

laquo La science va Elle est ineacuteluctable Ce quil faut cest la rendre eacutethique raquo (1)

Le droit positif franccedilais interdit de recourir aux megraveres porteuses si un couple conccediloit un

embryon in vitro qui est implanteacute dans luteacuterus dune tierce femme cest cette tierce femme

qui est la megravere selon la loi franccedilaise et les parents biologiques ne peuvent avoir aucun droit

mecircme en cas dabandon de lenfant agrave la naissance par la megravere porteuse La loi bioeacutethique de

1994 a interdit la gestation pour autrui car cela soulevait des questions

dinstrumentalisation et de commercialisation du corps de la femme

De nombreux couples en mal denfants ont depuis longtemps chercheacute agrave contourner les regravegles

notamment en ayant recours agrave des megraveres de substitution qui vivent dans des pays ougrave cette

pratique est autoriseacutee Jusquagrave preacutesent la Cour de cassation ne sy est jamais laisseacutee prendre et

condamnait ladoption faite par les parents de lenfant de la megravere porteuse consideacuterant quil

sagissait dun deacutetournement de linstitution de ladoption (I)

Le 25 octobre 2007 la cour dappel de Paris vient donner lespoir dune ouverture vers

lacceptation dans linteacuterecirct de lenfant de cette deacutemarche Cette deacutecision de la cour dappel

pourrait changer les choses en attendant la reacutevision de la loi bioeacutethique preacutevue en 2009 Une

chose est sucircre cet arrecirct a le meacuterite douvrir le deacutebat et de poser la question de linteacuterecirct de

lenfant comme exception agrave lindisponibiliteacute de leacutetat des personnes et agrave linterdiction de la

pratique des megraveres porteuses Une certaine eacutevolution des mentaliteacutes ainsi que la dispariteacute

entre la loi franccedilaise et dautres leacutegislations nationales pourraient donner lieu agrave un

assouplissement de cette leacutegislation (II)

I Lhostiliteacute du leacutegislateur et de la jurisprudence agrave leacutegard de la convention de megravere porteuse

Au siegravecle dernier seacutetaient deacuteveloppeacutees des associations ayant pour but de faire se rencontrer

des couples deacutesireux davoir un enfant et des femmes acceptant de le porter pour ensuite le

leur laquo ceacuteder raquo par contrat Pour des raisons plus ou moins louables le proceacutedeacute fut rapidement

condamneacute par le droit franccedilais (A) tout comme ladoption qui sen suivait (B)

27

A Le caractegravere illicite de la convention de megravere porteuse

La megravere porteuse met en effet agrave mal le scheacutema classique de la famille On affirmait en Droit

romain que la megravere eacutetait sucircre et que le pegravere eacutetait le mari Le Code napoleacuteon a enteacuterineacute cette

conception Dire que lenfant possegravede une megravere geacuteneacutetique et une megravere uteacuterine va agrave lencontre

de ses dispositions (2)

Pris au deacutepourvu le leacutegislateur franccedilais a tardeacute agrave reacuteagir face aux progregraves scientifiques Il en

est reacutesulteacute un vide juridique auquel la jurisprudence sest efforceacutee de faire face Devant cette

heacutesitation bien compreacutehensible du droit les ressources de la morale de la deacuteontologie et

surtout de la bioeacutethique ont eacuteteacute solliciteacutees (3) Le Conseil dEtat confronteacute aux associations

voulant intervenir dans ce domaine a ainsi prononceacute la dissolution de ces associations pour

objet illicite (4) Le 13 deacutecembre 1989 la premiegravere chambre civile de la Cour de cassation a

releveacute le principe dindisponibiliteacute du corps humain par une interpreacutetation a contrario de

larticle 1128 du Code civil qui dispose qu laquo il ny a que les choses qui sont dans le

commerce qui puissent ecirctre lobjet des conventions raquo La personne ne dispose pas de son

corps elle nen est pas proprieacutetaire (5) Le 31 mai 1991 lassembleacutee pleacuteniegravere de la Cour de

cassation vise les articles 6 1128 et 353 du Code civil afin daffirmer le caractegravere illicite de la

convention conclue entre une megravere porteuse et un couple steacuterile En effet ce contrat porte sur

deux corps humains la megravere et lenfant (6)

Rapidement le leacutegislateur est venu leacutegifeacuterer dans ce sens avec la loi no 94-653 du 29 juillet

1994 relative agrave la bioeacutethique pour que le Code civil reconnaisse le corps humain en tant que

tel Cette loi prend deacutesormais explicitement en compte le corps humain parce quil a voulu

promouvoir son respect face au deacuteveloppement des sciences biomeacutedicales Cette loi a entraicircneacute

la modification et la creacuteation darticles dans le Code civil et le Code peacutenal

Le principe du respect de la digniteacute de la personne humaine est poseacute par larticle 16 du Code

civil laquo La loi assure la primauteacute de la personne interdit toute atteinte agrave la digniteacute de celle-ci

et garantit le respect de lecirctre humain degraves le commencement de sa vie raquo Le nouvel article 16-1

preacutevoit que laquo Chacun a droit au respect de son corps Le corps humain est inviolable Le

corps humain ses eacuteleacutements et ses produits ne peuvent faire lobjet dun droit patrimonial raquo

Par conseacutequent selon larticle 16-5 laquo Les conventions ayant pour effet de confeacuterer une

valeur patrimoniale au corps humain agrave ses eacuteleacutements ou agrave ses produits sont nulles raquo De mecircme

quand une personne accepte de donner son sang ce ne peut ecirctre quagrave titre beacuteneacutevole Enfin

larticle 16-7 dispose mecircme laquo Toute convention portant sur la procreacuteation ou la gestation

pour le compte dautrui est nulle raquo (7)

En outre cette interdiction est assortie dune sanction peacutenale pouvant aller jusquagrave un an

demprisonnement et 15 000 euro damende pour celui qui sentremet ou tente de sentremettre

entre une personne ou un couple deacutesireux daccueillir un enfant et une femme acceptant de

porter en elle cet enfant en vue de le leur remettre Lorsque ces faits ont eacuteteacute commis agrave titre

habituel ou dans un but lucratif les peines sont porteacutees au double (8)

En deacutepit de la reacutesistance de quelques juges du fond qui ont admis ladoption la Cour de

cassation na pas infleacutechi sa position (9) Elle sest reacutecemment opposeacutee agrave ladoption simple

dun enfant par un couple homosexuel estimant cette adoption contraire agrave laquo linteacuterecirct supeacuterieur

de lenfant raquo (10)

28

Analyseacutes dans le contexte de ces deacutecisions les deux principes de lilliceacuteiteacute des conventions et

de lindisponibiliteacute du corps humain expriment une mecircme ideacutee la condamnation dune

convention qui porte sur le corps humain celui de lenfant agrave naicirctre et celui de la femme qui la

conccedilu et porteacute

Toutefois les motifs adopteacutes par la Cour de cassation savegraverent dune extrecircme faiblesse En

effet ces motifs sont lieacutes agrave lilliceacuteiteacute de lobjet des conventions agrave lindisponibiliteacute du corps

humain ainsi quagrave lindisponibiliteacute de leacutetat des personnes (11) Pourtant les lois dites laquo

bioeacutethiques raquo du 29 juillet 1994 puis la loi du 6 aoucirct 2004 (12) relative agrave la bioeacutethique ont

admis lutilisation des eacuteleacutements et des produits du corps humain agrave des fins theacuterapeutiques ou

scientifiques Effectivement une loi en date du 24 janvier 1953 deacutetermine laquo les tarifs de

cession du sang raquo Les dispositions sont aujourdhui dans le Code de la santeacute publique Degraves

lors on peut donner ses gamegravetes ses organes son sang Il semble que plus quune approche

anthropologique des sciences meacutedicales (qui conduiraient agrave une ineacutevitable instrumentalisation

du corps des hommes) il existerait ce que nous appelons une technoscience laquo de linvisible

raquo que seul le droit accepte de leacutegitimer (13)

Par ailleurs la terminologie employeacutee par le leacutegislateur de 1994 est eacuteloquente Cest

certainement parce que le principe dindisponibiliteacute du corps humain sest aveacutereacute irreacutealiste videacute

de sa substance par le nombre et limportance de ses exceptions que le leacutegislateur lui a preacutefeacutereacute

celui de non-patrimonialiteacute qui figure aujourdhui aux articles 16-1 16-5 et 16-6 du Code

civil Il est donc possible de disposer de son corps agrave titre de dons dans les limites de la loi

(14)

Pour conclure sur ce point il sera emprunteacute les propos de Mme Mayer-Jack laquo

Malheureusement si ce principe dindisponibiliteacute du corps humain possegravede les qualiteacutes trop

rares decirctre nettement formuleacute et universellement admis il apparaicirct agrave la reacuteflexion frappeacute dun

vice radical il se reacutevegravele contraire aux faits raquo (15)

B La nulliteacute de ladoption

En matiegravere de materniteacute de substitution lenfant reste au coeur du deacutebat Il est laquo lobjet raquo de la

convoitise du couple demandeur et lobjet de la convention En vue de permettre

leacutetablissement dune filiation adoptive deux processus eacutetaient suivis par lesdits couples

processus que la Cour de cassation sempressa dinterdire agrave son tour

1 Le contournement aveacutereacute de la loi par les couples restant en France

En effet le processus se deacuteroulait en trois eacutetapes dans un premier temps lembryon issu des

gamegravetes du couple ou du mari et de la femme porteuse eacutetait implanteacute dans luteacuterus de cette

derniegravere La megravere porteuse suivait sa grossesse normalement notamment au regard du suivi

meacutedical (16) Ensuite elle accouchait anonymement La leacutegislation autorise les

accouchements laquo sous X raquo et reconnaicirct ainsi aux parturientes le droit de ne pas ecirctre megraveres si

elles ne le deacutesirent ou ne le peuvent pas Le pegravere fournisseur de sperme quant agrave lui effectuait

une reconnaissance preacutenatale de lenfant A sa naissance il le reconnaissait Lenfant avait

donc un pegravere mais sans indication de la filiation maternelle Enfin leacutepouse de ce dernier

adoptait de maniegravere pleacuteniegravere lenfant Leacutetat de mariage de la megravere porteuse ne changeait rien

puisque laccouchement anonyme empecircchait que le mari soit consideacutereacute comme pegravere preacutesumeacute

29

Depuis larrecirct Alma Mater (17) nous savons que la convention de materniteacute de substitution

est nulle car contrevenant agrave lordre public (18) Mais jusqualors la jurisprudence avait eu le

soin de dissocier convention et adoption Toute convention portant sur la procreacuteation ou la

gestation pour le compte dautrui eacutetant nulle la convention de megravere porteuse ayant permis la

naissance de lenfant en cause est donc incontestablement frauduleuse Degraves lors la possession

deacutetat sur laquelle les demandeurs se fondent pour voir eacutetablir un lien de filiation leacutegitime agrave

leur profit et lacte de notorieacuteteacute quils ont ainsi obtenu sont eux-mecircmes vicieacutes et ne peuvent

donc permettre leacutetablissement dun tel lien Par ailleurs la Convention de New York sur les

droits de lenfant garantit notamment agrave celui-ci laccegraves agrave ses origines Or lapplication de la

convention frauduleuse aurait pour effet de consacrer un mensonge lacte de naissance qui

serait eacutetabli sur le fondement de cette convention aboutirait en effet agrave nier totalement les

conditions dans lesquelles lenfant a eacuteteacute conccedilu En conseacutequence les demandeurs ne pourront

se preacutevaloir de la possession deacutetat vicieacutee pour obtenir la retranscription de lacte de notorieacuteteacute

sur lacte de naissance de lenfant (19) Ainsi la prohibition de la convention a entraicircneacute dans

son sillage une impossibiliteacute dadoption par leacutepouse du pegravere (20) Il y a deacutetournement de

linstitution de ladoption pleacuteniegravere en ce que lenfant a eacuteteacute conccedilu pour ecirctre abandonneacute par sa

megravere et adopteacute par une autre (21)

Il en reacutesulte que cest labandon de lenfant qui rend impossible ladoption par leacutepouse du

mari Or labandon de lenfant constitue deacutejagrave une deacutemarche parfaitement licite et reacuteglementeacutee

par la loi Il suffit pour sen convaincre de lire attentivement les textes adeacutequats agrave savoir les

articles 61 et 62 du Code de la famille et de laide sociale 348-3 et 350 du Code civil et 1158

agrave 1163 du Code de proceacutedure civile Il suffit agrave la megravere et plus geacuteneacuteralement agrave la personne

investie des droits parentaux de confier 1enfant agrave un eacutetablissement ou agrave un service de laide

sociale agrave 1enfance (ASF) ou mecircme agrave un particulier puis de sen deacutesinteacuteresser

manifestement pendant une anneacutee nentretenant avec lui aucune relation neacutecessaire au

maintien de liens affectifs Le tribunal de grande instance peut degraves lors sauf agrave prendre en

consideacuteration le cas exceptionnel de grande deacutetresse du parent deacutefaillant deacuteclarer 1enfant

abandonneacute agrave la requecircte de tout inteacuteresseacute et notamment de leacutetablissement service ou famille

daccueil (22) laquo On cesse dinterdire une pratique non pas lorsquelle se deacuteveloppe mais

lorsquon ne sait plus pourquoi elle est interdite raquo (23)

Dailleurs une contradiction engendre ce refus dadoption En effet laquo consideacuterer ladoption

indissociable de la convention revient agrave ne voir lenfant que comme lobjet de cette convention

raquo (24) Ainsi les parents ont pu eacutetablir anteacuterieurement agrave la naissance le processus dont

ladoption est laquo lultime phase raquo Mais ce processus nest pas fait dans lintention de nuire agrave

lenfant Alors comment comprendre la seacuteveacuteriteacute afficheacutee de la Cour de cassation

Traiter lenfant comme une veacuteritable personne implique de dissocier la convention ougrave il

nintervient pas et ladoption dont il est partie prenante et mecircme partie principale Il faut

sinterroger sur son inteacuterecirct propre quitte agrave le confronter ensuite agrave ceux auxquels il soppose

(25)

2 Lexpansion du tourisme procreacuteatif

La dispariteacute des regravegles nationales agrave propos de la gestation pour autrui a conduit certains

couples agrave se rendre agrave leacutetranger pour pouvoir avoir recours agrave une megravere porteuse on parle

deacutesormais de laquo tourisme procreacuteatif raquo (26)

30

Lagrave encore le processus deacutebute par une inseacutemination artificielle mais les pays ayant leacutegaliseacute la

gestation pour le compte dautrui permettent par ailleurs que lembryon inseacutemineacute dans

luteacuterus de la femme soit issu de la rencontre des gamegravetes des deux parents demandeurs

Lenfant est donc geacuteneacutetiquement lenfant du couple Il a pour parent degraves sa naissance le

couple demandeur il porte leur nom et le preacutenom quils lui ont choisi Mais pour exister en

France il est neacutecessaire de recourir agrave une transcription sur les registres de leacutetat civil franccedilais

de lacte de naissance eacutetranger Lagrave encore la seacuteveacuteriteacute est de mise puisque le parquet de

Nantes qui a en charge la transcription des eacutetats civils venant de leacutetranger refuse

systeacutematiquement cette transcription qui nest pas conforme agrave la leacutegislation franccedilaise (27)

Les magistrats ont eacuteteacute confronteacutes agrave ces situations ougrave la megravere commanditaire deacutesirait eacutetablir un

lien de filiation entre elle et lenfant issu de la convention de materniteacute de substitution

Tel est par exemple le cas qui a eacuteteacute trancheacute par la cour dappel de Rennes le 4 juillet 2002

(28) Dans cet arrecirct la cour dappel a rejeteacute ladoption des enfants par un couple qui a conclu

en Californie une convention portant sur la gestation dun embryon issu de leurs propres

gamegravetes La cour relegraveve que laquo la loi franccedilaise ne donne pas une deacutefinition de la megravere raquo cette

notion est inscrite dans les mentaliteacutes depuis des siegravecles par ladage Mater semper certa est

Cest laccouchement qui deacutetermine la megravere et non la seule reacutealiteacute geacuteneacutetique

Cette jurisprudence installeacutee depuis le ceacutelegravebre arrecirct de lassembleacutee pleacuteniegravere du 31 mai 1991

constitue une atteinte directe agrave linteacuterecirct de lenfant Ce dernier est priveacute de toute filiation

maternelle leacutegalement reconnue et ce sans beacuteneacutefice pour personne (29)

Malheureusement en raison de cette solution les deux enfants sont acircgeacutes de sept ans et vivent

aupregraves de leur pegravere naturel et de sa compagne dont la materniteacute ne peut leacutegalement ecirctre eacutetablie

(30)

Cette jurisprudence preacutesente un point faible Selon larticle 353 du Code civil le tribunal de

grande instance saisi dune requecircte aux fins dadoption pleacuteniegravere veacuterifie si les conditions de

la loi sont remplies et si ladoption est conforme agrave linteacuterecirct de lenfant Or en loccurrence

le preacutetendu droit de lenfant ne coiumlncide pas avec son inteacuterecirct seul mis en avant dans 1article

353 du Code civil Le refus par la cour dappel de prononcer ladoption pleacuteniegravere a priveacute les

deux enfants (au nom de leur droit aussi eacuteminent que symbolique agrave la non-chosification) dun

avantage concret et primordial leur admission au statut denfants leacutegitimes de leurs vrais

parents geacuteneacutetiques (31) Simples enfants naturels ou adulteacuterins de leur pegravere ils demeureront

sans lien de filiation maternelle Un tel problegraveme meacuterite que les juridictions se penchent au

moins sur lui (32) La protection de linstitution de ladoption sopegravere au deacutetriment du droit

reconnu agrave lenfant deacutetablir sa filiation par le biais dune discrimination fondeacutee sur les

circonstances de sa naissance (33) La jurisprudence nous semble aller agrave lencontre des

engagements internationaux contracteacutes par la France (34)

II Leacutevolution des mentaliteacutes vers une leacutegislation plus souple

Jusquagrave preacutesent la jurisprudence a toujours interdit ladoption des enfants par des couples

ayant eu recours agrave la gestation pour autrui consideacuterant quil sagit dun deacutetournement de

linstitution de ladoption (35)

Un grand quotidien Libeacuteration reacutevegravele que la cour dappel de Paris a reconnu comme parents

leacutegitimes de jumelles un couple franccedilais ayant fait appel agrave une megravere porteuse ameacutericaine

31

Une chose est sucircre cet arrecirct a le meacuterite douvrir le deacutebat et de poser la question de linteacuterecirct de

lenfant comme exception agrave lindisponibiliteacute de leacutetat des personnes et agrave linterdiction de la

pratique des megraveres porteuses (A) Lorsque lon accepte une loi eacutetrangegravere qui a eacuteteacute appeleacutee au

secours pour contourner la loi franccedilaise la modification de la loi franccedilaise nest pas loin (B)

A Lassouplissement de la jurisprudence

Dans laffaire porteacutee devant la cour dappel de Paris que nous avons abordeacutee rapidement

preacuteceacutedemment un couple dont la femme ne peut assurer la gestation en raison dune

malformation congeacutenitale se rend en Californie ougrave il conclut une convention portant sur la

gestation dun embryon issu de leurs propres gamegravetes Des jumelles naissent de cette

convention Le droit californien fait abstraction du deacutefaut daccouchement La concubine est

inscrite comme megravere dans les registres de naissance de Californie Quelques semaines plus

tard le couple reconnaicirct les enfants en France Mais agrave leur retour dans lHexagone ils sont

placeacutes en garde agrave vue puis mis en examen pour laquo entremise entre une personne deacutesireuse

dadopter un enfant et un parent deacutesireux dabandonner son enfant neacute ou agrave naicirctre raquo et pour laquo

simulation ayant entraicircneacute une atteinte agrave leacutetat civil de lenfant raquo

En 2004 le juge dinstruction rend un non-lieu sur les poursuites peacutenales les faits seacutetant

deacuterouleacutes dans un pays ougrave cette pratique est leacutegale Le parquet a alors continueacute son offensive

sur le terrain civil et chercheacute agrave faire annuler la filiation et la transcription sur leacutetat civil Le

tribunal de grande instance a deacuteclareacute cette demande irrecevable en deacutecembre 2005 Une

deacutecision rendue par la cour dappel de Paris confirme ce jugement le 25 octobre dernier apregraves

avoir estimeacute que laquo La non-transcription des actes de naissances aurait des conseacutequences

contraires agrave linteacuterecirct supeacuterieur des enfants qui au regard du droit franccedilais se verraient priveacutes

dactes deacutetat civil indiquant leur lien de filiation y compris agrave leacutegard de leur pegravere biologique

raquo

La question sera deacutesormais soumise agrave la Cour de cassation qui a deacutejagrave pris des deacutecisions

progressistes dans des questions relatives au droit de la famille notamment dans linteacuterecirct de

lenfant Elle a ainsi fait le 24 feacutevrier 2006 un pas important vers la reconnaissance de

lhomoparentaliteacute en autorisant quun parent homosexuel deacutelegravegue tout ou partie de son

autoriteacute parentale agrave son partenaire avec lequel il vit en union stable agrave condition que cette

mesure soit prise dans linteacuterecirct supeacuterieur de lenfant (36)

Le plus important reacuteside dans le fait que la cour dappel de Paris a estimeacute que la non-

transcription sur les actes de naissance aurait des conseacutequences contraire agrave llaquo inteacuterecirct de

lenfant raquo Depuis longtemps linteacuterecirct de lenfant est au centre du droit de la famille et depuis

quelques anneacutees celui-ci devient veacuteritablement la pierre angulaire de cette discipline (37)

Dans un arrecirct du 18 mai 2005 la premiegravere chambre civile de la Cour de cassation preacutecise au

visa de larticle 3-1 de la Convention relative aux droits de lenfant que laquo dans toutes les

deacutecisions qui concernent les enfants linteacuterecirct supeacuterieur de lenfant doit ecirctre une

consideacuteration primordiale raquo (38) Mais que faut-il entendre par inteacuterecirct supeacuterieur de lenfant

(39)

Bien que le nouvel article L 112-4 du Code de laction sociale et des familles (40) et larticle

371-1 du Code civil semblent deacutefinir les eacuteleacutements constitutifs de cette notion llaquo inteacuterecirct de

lenfant raquo reste un concept assez flou que le leacutegislateur et les juges se gardent bien de deacutefinir

preacuteciseacutement on ne peut limiter linteacuterecirct supeacuterieur de lenfant agrave la protection de sa santeacute de sa

seacutecuriteacute et de sa moraliteacute Certes ces eacuteleacutements sont les bases de linteacuterecirct de lenfant mais

32

puisque celui-ci peut deacutepasser le strict cadre du droit de lautoriteacute parentale voire du droit de

la famille cette vision serait bien trop reacuteductrice

Le sens de cette notion peut encore sobscurcir si lon considegravere quelle peut se confondre avec

dautres concepts voisins Larticle 371-5 doit ainsi conduire agrave distinguer linteacuterecirct de lenfant de

celui de la fratrie En effet si celle-ci a inteacuterecirct agrave rester unie certaines circonstances permettent

deacutecarter un de ses membres dans son inteacuterecirct exclusif

Un amendement proposait cependant agrave la suite du nouvel article L 112-4 du Code de laction

sociale et des familles une deacutefinition inteacuteressante laquo Linteacuterecirct supeacuterieur de lenfant est deacutefini

comme lassurance de la protection de sa seacutecuriteacute personnelle et affective lassurance dun

contexte familial permettant un bon deacuteveloppement physique intellectuel affectif et social

lassurance dune relation dattachement parental permettant de se construire Linteacuterecirct

supeacuterieur de lenfant tel que deacutefini constitue son projet de vie raquo (41)

On ne peut que se feacuteliciter de la mise en avant de linteacuterecirct de lenfant pour deacuteroger agrave la sacro-

sainte interdiction des megraveres porteuses car il est vrai quil ne faut pas oublier que limportant

reste dabord et avant tout lenfant qui a et doit avoir une place centrale au sein de la famille

On peut envisager que cette reacutecente jurisprudence puisse influencer la reacuteflexion sur le recours

aux laquo megraveres porteuses raquo sur le territoire national qui conduise agrave une eacutevolution de la loi

B Vers une eacutevolution de la loi

Alors que la France interdit la laquo gestation pour autrui raquo cette pratique a eacuteteacute leacutegaliseacutee dans de

nombreux pays La France a donc une leacutegislation moins libeacuterale que dautres leacutegislations

nationales La pratique de la gestation pour autrui est notamment autoriseacutee aux Etats-Unis au

Canada en Australie et dans plusieurs pays de lUnion europeacuteenne (Espagne et Belgique

Gregravece et Royaume-Uni notamment) (42) La question de la leacutegalisation des megraveres porteuses

est tregraves controverseacutee en France et demanderait un strict encadrement (43)

On enseigne habituellement que les questions deacutetat ne peuvent deacutependre de la seule volonteacute

individuelle Leacutetat des personnes - le droit de la filiation en particulier - eacutechapperait aux

conventions Mais ce principe nest plus si absolu Leacutevolution contemporaine reacuteduit laspect

institutionnel Une place nettement importante a eacuteteacute faite dans lorganisation des relations

familiales agrave la volonteacute individuelle laquo Laccroissement du pouvoir des volonteacutes individuelles

dans le droit de la famille est une marque essentielle de ce droit raquo (44) Dougrave la justesse de

lexpression laquo contractualisation du droit de la famille raquo Le rocircle de la volonteacute individuelle

tend agrave ecirctre de plus en plus important (45) Tel est le cas du divorce du PACS et du mariage

La procreacuteation nest plus la finaliteacute avec larriveacutee en force dans des pays voisins du mariage

homosexuel

Une certaine eacutevolution des mentaliteacutes ainsi que la dispariteacute entre la loi franccedilaise et dautres

leacutegislations nationales pourraient bien donner lieu agrave un assouplissement de cette leacutegislation

(46)

La gestation pour autrui permet de pallier certaines formes de steacuteriliteacute feacuteminine en raison

dune absence ou dune deacuteformation duteacuterus de conseacutequences de cancer ou reacutesultant dune

hysteacuterectomie de fausses couches reacutepeacuteteacutees dune contre-indication meacutedicale agrave la grossesse ou

de nombreux eacutechecs de feacutecondations in vitro (47) Dans ce cas on implante les gamegravetes des

parents geacuteneacutetiques dans le ventre de la megravere porteuse

33

Un autre argument favorable agrave cette pratique est la certitude apaisante pour le couple steacuterile

de ce que lenfant porteacute en uteacuterus tiers nen sera pas moins leur veacuteritable enfant geacuteneacutetique

puisque conccedilu agrave partir de leurs propres gamegravetes

De plus il faut deacutenoncer une incoheacuterence Une femme empecirccheacutee par la loi de donner avant

sa grossesse agrave un couple agreacuteeacute par elle lenfant quelle portera moyennant eacutequitable

reacutecompense possegravede en revanche le droit discreacutetionnaire de labandonner une fois neacute au

hasard des eacutetablissements ou du service de lASE ou pis encore de recourir agrave une

interruption volontaire de grossesse pendant les douze premiegraveres semaines (48)

La possession deacutetat repreacutesente une valeur humaine et sociale qui doit ecirctre prise en compte en

tant que telle Comme lont joliment affirmeacute M Hauser et Mme Huet-Weiller laquo elle est la

veacuteriteacute des sentiments la veacuteriteacute du coeur tout aussi respectable sinon plus que celle des

registres deacutetat ou mecircme de nos gegravenes raquo (49) Ainsi on peut ecirctre favorable agrave cette reacuteflexion

sous certains reacuteserves

Tout dabord le couple demandeur devait avoir plus de 18 ans et linfertiliteacute devrait ecirctre

meacutedicalement eacutetablie Ensuite seule lutilisation des gamegravetes (sperme et ovocytes) du couple

serait autoriseacutee afin deacuteviter que la gestatrice soit aussi la megravere biologique de lenfant (pour

eacuteviter des liens trop forts eacutetablis entre elle et le beacutebeacute)

De son cocircteacute la megravere porteuse devait avoir plus de 18 ans et accepter de subir des tests divers

avant la grossesse Elle serait la seule agrave donner un consentement valable concernant la gestion

de sa grossesse et elle abandonnerait ses droits parentaux agrave la naissance de lenfant tout en

assistant le couple demandeur lors de la deacutelivrance du certificat de naissance Le

consentement devrait aussi ecirctre obtenu par un entretien psychologique meacutedical et juridique

Seul le juge pourrait donner laccord au deacutebut du processus Le couple demandeur devait

sengager agrave assumer la garde de lenfant degraves sa naissance afin deacuteviter soit une non-remise

denfant soit un refus de lenfant - par exemple en cas de handicap

Concernant la reacutemuneacuteration de la megravere porteuse la marchandisation est inacceptable Les

intermeacutediaires reacutemuneacutereacutes seraient interdits Le principe du volontariat et de la gratuiteacute sont

essentiels le don de vie (50)

Enfin il ne sagirait pas de reacutemuneacuteration mais de compensation financiegravere destineacutee agrave

deacutedommager les inconveacutenients lieacutes agrave la grossesse sur la base de la loi laquo Huriet raquo (loi sur la

recherche meacutedicale avec volontaires sains) Le couple demandeur devrait prendre agrave sa charge

les deacutepenses meacutedicales leacutegales et psychologiques ainsi quun montant raisonnable alloueacute agrave la

megravere porteuse pour subvenir agrave ses besoins Les juges appreacutecieraient librement ce que peut ecirctre

un montant laquo raisonnable raquo sans que cela puisse jamais ecirctre consideacutereacute comme une laquo vente raquo

denfant

(1) B Debreacute et S Agacinski laquo Faut-il leacutegaliser les megraveres porteuses en France raquo Le Figaro Magazine du samedi 10 novembre 2007 p 50

34

(2) G David laquo Don et utilisation du sperme raquo in Actes du colloque Geacuteneacutetique procreacuteation et

droit Actes sud 1985 p 205 G-M Faure Le deacutesir denfant agrave leacutepreuve du droit Essai sur le droit de la procreacuteation meacutedicalement assisteacutee Thegravese Universiteacute de Lille 1992 p 7

(3) G Lebreton Liberteacutes publiques et droits de lhomme 6e eacuted Armand Colin 2003 p 262

(4) CE 22 janvier 1988 Lebon 1988 p 37

(5) La Cour de cassation a enteacuterineacute la position de la cour dappel de Paris pour laquelle laquo ni laltruisme du comportement de la megravere de substitution ni le caractegravere deacutesinteacuteresseacute des activiteacutes de lassociation ne sont propres agrave faire disparaicirctre lilliceacuteiteacute qui frappe laccord litigieux raquo Cass civ 1re 13 deacutecembre 1989 Bull civ I no 387 Defreacutenois 1990 art 34802 no 55 obs J-L Aubert D 1990 p 273 JCP eacuted G 1990 II 21526 note A Seacuteriaux propos recueillis par C Slobodansky laquo Le droit doit limiter les progregraves de la science raquo LPA du 7 mai 2004 no 92 p 60

(6) laquo La convention par laquelle une femme sengage fucirct-ce agrave titre gratuit agrave concevoir et porter un enfant pour labandonner agrave sa naissance contrevient tant au principe dordre public de lindisponibiliteacute du corps humain quagrave celui de lindisponibiliteacute de leacutetat des personnes raquo Cass ass pleacuten 31 mai 1991 Bull civ ass pleacuten no 4 Defreacutenois 1991 art 35142 no 103 obs J-L Aubert Defreacutenois 1991 art 35088 no 67 note J Massip RTD civ 1991 p 517 obs D Huet-Weiller et p 489 note M Gobert M Gobert laquo Reacuteflexions sur les sources du droit et les

principes dindisponibiliteacute du corps humain et de leacutetat des personnes agrave propos de la materniteacute de substitution raquo RTD civ 1992 p 489 et s speacutec p 501 dans ce sens v deacutejagrave les remarques de P Murat laquo Laction de lordonnance du 4 juillet 2005 sur la possession deacutetat raquo Dr Famille 2006 eacutetude no 6 speacutec no 7 V aussi J Massip laquo Linsertion dans le Code civil de dispositions relatives au corps humain agrave lidentification geacuteneacutetique et agrave la procreacuteation meacutedicalement assisteacutee raquo Defreacutenois 1995 art 35975 et 35992

(7) En ce sens V Depadt-Sebag laquo De la neacutecessiteacute dune reacuteforme de larticle 16-7 du Code civil relatif agrave linterdiction de gestation pour autrui raquo RGD meacuted 2004 no 12 p 135 et s

(8) Art 227-12 et s C peacuten

(9) CA Paris 1re feacutevrier 2001 RTD civ 2001 p 347 obs J Hauser Cass civ 1re 9 deacutecembre 2003 Bull civ I no 252 p 201 CA Rennes 4 juillet 2002 D 2002 p 2904

(10) Cass civ 1re 20 feacutevrier 2007 Defreacutenois 2007 art 38595 no 45 obs J Massip

(11) V Depadt-Sebag laquo De la neacutecessiteacute dune reacuteforme de larticle 16-7 du Code civil relatif agrave linterdiction de gestation pour autrui raquo preacutec no 12 p 135 et s

(12) L no 2004-800 du 6 aoucirct 2004 relative agrave la bioeacutethique JO du 7 aoucirct 2004 p 14040 J Massip art preacutec

(13) Dans ce sens v M Gobert laquo Reacuteflexions sur les sources du droit et les principes dindisponibiliteacute du corps humain et de leacutetat des personnes agrave propos de la materniteacute de substitution raquo preacutec p 489 et s speacutec p 513

(14) V Depadt-Sebag laquo De la neacutecessiteacute dune reacuteforme de larticle 16-7 du Code civil relatif agrave linterdiction de gestation pour autrui raquo preacutec no 12 p 135 et s E Camuzet La convention de gestation pour autrui une illeacutegaliteacute franccedilaise injustifieacutee Meacutemoire Lille 2 Universiteacute du droit et de la santeacute 2005-2006 p 55

(15) A Mayer-Jack laquo Les conventions relatives agrave la personne physique raquo Rev crit leacutegisl et jurispr 1993 p 6

(16) G Meacutemeteau laquo Une distinction est opeacutereacutee sur la reacutefeacuterence des donneacutees acquises de la science agrave la date des soins par opposition agrave la notion erroneacutee de donneacutees actuelles de la science raquo note sous Cass civ 1re 6 juin 2000 JCP eacuted G 2001 II 10447

(17) Cass civ 1re 13 deacutecembre 1989 Bull civ I no 387 Defreacutenois 1990 art 34815 rapp J Massip D 1990 p 273 JCP eacuted G 1990 II 21526 note A Seacuteriaux

35

(18) Communication J Bernard et comm J Massip Defreacutenois 1990 art 35088 no 67 note J

Massip F Terreacute note sous Cass ass pleacuten 31 mai 1991 JCP eacuted G 1991 II 21752 dans ce sens v les remarques de P Murat laquo Laction de lordonnance du 4 juillet 2005 sur la possession deacutetat raquo preacutec eacutetude no 6 speacutec no 7 G Kessler laquo La consolidation de situations illicites dans linteacuterecirct de lenfant raquo Dr Famille no 7 juillet 2005 Etude 16

(19) TGI Lille 22 mars 2007 D 2007 no 18 p 1251 note X Labbeacutee B Edelman et C Labrusse-Riau note sous CA Paris 15 juin 1990 JCP eacuted G 1991 II 21653

(20) V Larribau-Terneyre note sous CA Pau 19 feacutevrier 1991 D 1991 juris p 380

(21) J Massip laquo Megravere porteuse et deacutecheacuteance de lautoriteacute parentale raquo LPA du 29 octobre 2003 no 216 p 10 Cass ass pleacuten 31 mai 1991 Bull civ ass pleacuten no 4 Defreacutenois 1991 art 35088 no 67 p 948 obs J Massip D 1991 p 417 rapport Y Chartier note D Thouvenin JCP eacuted G 1991 II 21752 communication J Bernard concl H Dontenwille note F Terreacute RTD civ 1991 p 517 obs D Huet-Weiller

(22) J Rubellin-Devichi laquo Materniteacute de substitution qui est la megravere raquo note sous CA Rennes 4 juillet 2002 JCP eacuted G 2003 I 101 C Ducomte laquo La vraie querelle des megraveres porteuses raquo httppagesperso-orangefrmax-christianducomtemereindexhtm

(23) Propos de Mme F Dekeuwer-Deacutefossez lors de son audition devant le preacutesident M Bloche pour la mission dinformation sur la famille (procegraves-verbal du 5 octobre 2005)

(24) J Hauser obs in RTD civ 1999 p 372 F Dekeuwer-Deacutefossez note sous Cass ass pleacuten 31 mai 1991 D 1992 somm p 59

(25) F Dekeuwer-Deacutefossez laquo Les droits de lenfant raquo D 1992 somm p 59 E Poisson-Drocourt laquo Recours agrave une megravere de substitution et refus de ladoption raquo D 2004 p 2001

(26) J-J Lemouland laquo Le tourisme procreacuteatif raquo LPA 2001 no 62 p 24 F Dekeuwer-Deacutefossez laquo Le lien parental raquo LPA du 1er juillet 2004 no 131 p 70 F Granet note sous CA Rennes 4 juillet 2002 D 2002 p 2904

(27) CA Aix-en-Provence 12 mars 2002 Juris-Data no 2002-190443 A Seacuteriaux laquo Droit naturel et procreacuteation artificielle quelle jurisprudence raquo D 1985 chron p 53 J Massip laquo Le nouveau droit de la filiation raquo Defreacutenois 2006 art 38303 p 13

(28) CA Rennes 4 juillet 2002 JCP eacuted G 2003 I 101 note J Rubellin-Devichi

(29) laquo Si le principe structurant de lautoriteacute parentale est linteacuterecirct de lenfant deacutetermineacute in concreto le droit de la filiation nappreacutecie en revanche jamais linteacuterecirct concret dun enfant preacutecis mais linteacuterecirct geacuteneacuteral de lenfant in abstracto raquo A Gouttenoire laquo A chacun sa famille agrave chacun son droit raquo Dr Famille no 7 juillet 2006 Alerte 41

(30) E Camuzet La convention de gestation pour autrui une illeacutegaliteacute franccedilaise injustifieacutee art preacutec p 52

(31) P Raynaud laquo Un abus de ladoption simple les couples adoptifs raquo D 1983 chron p 39 H Gaumont-Prat laquo Pas dadoption pour les enfants issus de convention de megravere porteuse raquo RLDC no 5 mai 2004 p 31 laquo Le rejet dans le non-droit des enfants neacutes dans des circonstances qui deacuterangent la socieacuteteacute relegraveve du deacuteni de la reacutealiteacute porteur de nombreux effets pathogegravenes et injustes raquo

(32) J Rubellin-Devichi laquo Materniteacute de substitution qui est la megravere raquo note sous CA Rennes 4 juillet 2002 preacutec I 101 C Ducomte laquo La vraie querelle des megraveres porteuses raquo preacutec P Raynaud laquo Un abus de ladoption simple les couples adoptifs raquo art preacutec chron p 39 G Kessler laquo La consolidation de situations illicites dans linteacuterecirct de lenfant raquo art preacutec Etude 16

(33) F Dekeuwer-Deacutefossez laquo Reacuteflexion sur les mythes fondateurs du droit contemporain de la famille raquo RTD civ 1995 p 269 E Camuzet La convention de gestation pour autrui une illeacutegaliteacute franccedilaise injustifieacutee art preacutec p 66 A Ponsard rapport sous Cass civ 1re 16

36

novembre 1982 JCP eacuted G 1983 II 19954 M-T Meulders-Klein laquo Le droit agrave lenfant face au

droit de lenfant et les procreacuteations meacutedicalement assisteacutees raquo RTD civ 1988 p 645 F Terreacute Lenfant de lesclave Geacuteneacutetique et droit Flammarion 1987 p 128

(34) Convention de New York du 26 janvier 1990 Charte des droits fondamentaux de lUnion europeacuteenne du 7 deacutecembre 2000 Deacuteclaration universelle des droits de lhomme de 1789 Convention internationale des droits de lenfant de 1989

(35) Cass ass plegraven 31 mai 1991 Bull civ ass plegraven no 4 Defreacutenois 1991 art 35142 no 103 obs J-L Aubert et art 35088 no 67 p 948 obs J Massip D 1991 p 417 rapport Y Chartier note D Thouvenin JCP eacuted G 1991 II 21752 communication J Bernard concl H Dontenwille note F Terreacute RTD civ 1991 p 517 obs D Huet-Weiller

(36) Cass civ 1re 24 feacutevrier 2006 Bull civ I no 101 p 95 Defreacutenois 2006 art 38415 no 40 p 1067 obs J Massip D 2006 juris p 897-900 obs D Vigneau T Anatrella laquo Adoption et homoparentaliteacute leacuteclairage des droits de lhomme raquo Dr Famille 2003 no 10 p

8-10 agrave lidentique dans un arrecirct du 22 janvier 1992 D 1993 p 119 note J Vassaux la cour dappel de Poitiers a prononceacute ladoption simple dun enfant neacute dune convention de megravere porteuse au motif que laquo cette adoption nest pas seulement conforme agrave linteacuterecirct de lenfant mais encore constitue une neacutecessiteacute qui deacutecoule des reacutealiteacutes de la vie issues derreurs des adultes dont lenfant ne doit pas subir les conseacutequences raquo

(37) G Kessler laquo La consolidation de situations illicites dans linteacuterecirct de lenfant raquo art preacutec eacutetude no 16 M-T Meulders-Klein laquo Le droit agrave lenfant face au droit de lenfant et les procreacuteations meacutedicalement assisteacutees raquo art preacutec p 645

(38) Cass civ 1re 18 mai 2005 Bull civ I no 211 p 179 V Depadt-Sebag laquo Non-lieu dans une affaire de materniteacute pour autrui raquo D 2005 p 476 J Massip laquo Megravere porteuse et deacutecheacuteance de lautoriteacute parentale raquo art preacutec no 216 p 11 F Terreacute Lenfant de lesclave Geacuteneacutetique et droit op cit adde F Terreacute et D Fenouillet Droit civil Les personnes la famille les incapaciteacutes 6e eacuted Preacutecis Dalloz no 926 M Lamarche laquo Inteacuterecirct supeacuterieur de lenfant de ladmission des effets dune convention de megravere porteuse agrave la destruction du droit franccedilais de la filiation raquo Dr Famille novembre 2007 no 11

(39) M Donnier laquo Linteacuterecirct de lenfant raquo D 1959 chron p 27 F Laroche-Gisserot note sous Cass civ 1re 27 mai 1998 D 1998 p 530 F Millet laquo Ladoption dun inteacuterecirct agrave lautre raquo RRJ 2003-3 p 1777 et s A Gouttenoire laquo A chacun sa famille agrave chacun son droit raquo art preacutec Alerte 41

(40) Par la loi no 2007-293 du 5 mars 2007 reacuteformant la protection de lenfance (JO du 6 mars 2007 Defreacutenois 2007 Leacuteg p 282) le leacutegislateur a inteacutegreacute la notion dinteacuterecirct de lenfant dans le Code de laction sociale et des familles Le nouvel article L 112-4 dudit code dispose que laquo Linteacuterecirct de lenfant la prise en compte de ses besoins fondamentaux physiques intellectuels sociaux et affectifs ainsi que le respect de ses droits doivent guider toutes deacutecisions le concernant raquo

(41) Amendement no 48 rect Protection de lenfance no 3184 Assembleacutee nationale 22 deacutecembre 2006 wwwassemblee-nationalefr v aussi sur lensemble de ces questions les consideacuterations tregraves eacuteclairantes de P Murat note sous CA Rennes 4 juillet 2002 D 2002 p 2902 Dr Famille 2002 comm no 142 note P Murat

(42) F Granet-Lambrechts laquo Materniteacutes de substitution filiation et eacutetat civil Panorama europeacuteen raquo Dr Famille no 12 deacutecembre 2007 eacutetude no 34

(43) D Youf Penser les droits de lenfant PUF 2002 p 2

(44) G Cornu La famille 6e eacuted no 7 J Carbonnier Droit civil t 4 Les obligations PUF coll Theacutemis no 372 p 649

(45) D Fenouillet et P de Vareilles-Sommiegraveres La contractualisation du droit de la famille Economica 2001

37

(46) H Gaumont-Prat laquo Pas dadoption pour les enfants issus de convention de megravere porteuse raquo art preacutec p 31

(47) E Poisson-Droccourt laquo Recours agrave une megravere de substitution et refus de ladoption raquo art preacutec p 2001 note sous Cass civ 1re 9 deacutecembre 2003 G Delaisi de Perseval laquo Gestation pour autrui en quecircte de leacutegitimation raquo httpwwwliberationfr

(48) C Neirinck laquo Les filiations eacutelectives agrave leacutepreuve du droit raquo JCP eacuted G 1997 I 4067 E Camuzet laquo La convention de gestation pour autrui une illeacutegaliteacute franccedilaise injustifieacutee raquo art preacutec p 59

(49) J Hauser et D Huet-Weiller Traiteacute de droit civil La famille Fondation et vie de la famille 2e eacuted LGDJ 1993 p 250

(50) B Debreacute et S Agacinski laquo Faut-il leacutegaliser les megraveres porteuses en France raquo art preacutec p 50 C Atias D 1986 chron p 67

Civ 1egravere

13 deacutecembre 1989

Ndeg de pourvoi 88-15655

Publieacute au bulletin

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Attendu selon les juges du fond que lrsquoassociation ldquo Alma Mater ldquo a pour objet de faciliter la

solution des problegravemes qui se posent aux couples dont la femme est steacuterile deacutesireux

drsquoaccueillir un enfant agrave leur foyer et aux ldquo megraveres porteuses ldquo volontaires qursquoil est proposeacute agrave

la ldquo megravere porteuse ldquo drsquoecirctre inseacutemineacutee artificiellement par la semence du mari ou du concubin

de porter et de mettre au monde lrsquoenfant qui sera deacuteclareacute sur les registres de lrsquoeacutetat civil sans

indication du nom de la megravere reconnu par le pegravere et accueilli au foyer de celui-ci en vue de

son adoption par lrsquoeacutepouse ou la compagne que lrsquoassociation intervient tout au long de ce

processus qualifieacute de ldquo precirct drsquouteacuterus ldquo ou de ldquo don drsquoenfant ldquo qursquoainsi apregraves avoir controcircleacute la

reacutealiteacute de la steacuteriliteacute du couple demandeur et des faculteacutes de feacutecondation de la ldquo megravere porteuse

ldquo geacuteneacuteralement recruteacutee par elle lrsquoassociation fait proceacuteder agrave lrsquoinseacutemination surveille la

grossesse et lrsquoaccouchement srsquooccupe de faire diligenter la proceacutedure drsquoadoption qursquoelle

verse ensuite agrave la megravere une somme forfaitaire - qui en 1987 eacutetait fixeacutee agrave 60 000 francs -

remise par le couple demandeur degraves le deacutebut de la grossesse que lrsquoarrecirct confirmatif attaqueacute

(Aix-en-Provence 29 avril 1988) estimant que cette association avait un objet illicite

contraire aux lois et aux bonnes moeurs en a prononceacute la nulliteacute sur le fondement de lrsquoarticle

3 de la loi du 1er juillet 1901

Sur le moyen unique pris en sa premiegravere branche

Attendu que lrsquoassociation ldquo Alma Mater ldquo fait grief agrave la cour drsquoappel drsquoavoir ainsi statueacute alors

que selon le moyen nrsquoest ni illicite ni contraire aux bonnes moeurs lrsquoassociation qui dans un

but humanitaire non lucratif met en relation un couple demandeur dont la femme est steacuterile et

38

une femme qui accepte drsquoecirctre inseacutemineacutee artificiellement par le mari de porter lrsquoenfant et de le

remettre agrave la naissance agrave ce couple qui lrsquoindemnisera des contraintes et de la gecircne occasionneacutee

par la grossesse de sorte que la juridiction du second degreacute aurait violeacute les articles 3 et 7 de la

loi du 1er juillet 1901

Mais attendu qursquoil reacutesulte des constatations des juges du fond que lrsquoobjet mecircme de

lrsquoassociation est de favoriser la conclusion et lrsquoexeacutecution de conventions qui fussent-elles

verbales portent tout agrave la fois sur la mise agrave la disposition des demandeurs des fonctions

reproductrices de la megravere et sur lrsquoenfant agrave naicirctre et sont donc nulles en application de lrsquoarticle

1128 du Code civil que ces conventions contreviennent au principe drsquoordre public de

lrsquoindisponibiliteacute de lrsquoeacutetat des personnes en ce qursquoelles ont pour but de faire venir au monde un

enfant dont lrsquoeacutetat ne correspondra pas agrave sa filiation reacuteelle au moyen drsquoune renonciation et

drsquoune cession eacutegalement prohibeacutees des droits reconnus par la loi agrave la future megravere que

lrsquoactiviteacute de lrsquoassociation qui tend deacutelibeacutereacutement agrave creacuteer une situation drsquoabandon aboutit agrave

deacutetourner lrsquoinstitution de lrsquoadoption de son veacuteritable objet qui est en principe de donner une

famille agrave un enfant qui en est deacutepourvu que crsquoest degraves lors agrave bon droit que lrsquoarrecirct attaqueacute a

deacutecideacute sur le fondement de lrsquoarticle 3 de la loi du 1er juillet 1901 que cette association eacutetait

nulle en raison de lrsquoilliceacuteiteacute de son objet que la premiegravere branche du moyen est donc sans

fondement

Et sur les deuxiegraveme et troisiegraveme branches du moyen

Attendu qursquoil est fait grief agrave la cour drsquoappel de nrsquoavoir pas reacutepondu aux conclusions faisant

valoir drsquoune part que lrsquointerdiction du ldquo don de gestation ldquo constituait une discrimination

fondeacutee sur la naissance contraire aux dispositions de lrsquoarticle 24 du pacte international relatif

aux droits civils et politiques signeacute agrave New York le 19 deacutecembre 1966 et drsquoautre part que ce ldquo

don de gestation ldquo reposait sur le droit leacutegitime de fonder une famille qui implique le droit

drsquoengendrer reconnu tant par lrsquoarticle 12 de la convention europeacuteenne des droits de lrsquohomme

et des liberteacutes fondamentales du 4 novembre 1950 que par lrsquoarticle 23 du pacte international

preacuteciteacute

Mais attendu que la reconnaissance du caractegravere illicite de la materniteacute pour autrui et des

associations qui srsquoefforcent de la promouvoir qui se deacuteduit des principes geacuteneacuteraux du Code

civil et de regravegles qui sont communes agrave toutes les filiations nrsquoest pas de nature agrave instaurer une

discrimination fondeacutee sur la naissance que le droit de se marier et de fonder une famille

reconnu par lrsquoarticle 12 de la convention du 4 novembre 1950 et par lrsquoarticle 23 du pacte

international du 19 deacutecembre 1966 agrave lrsquohomme et agrave la femme en acircge nubile nrsquoimplique pas le

droit de conclure avec un tiers des conventions portant sur le sort drsquoun enfant agrave naicirctre que

par ces motifs de droit reacutepondant aux conclusions invoqueacutees lrsquoarrecirct se trouve leacutegalement

justifieacute et que les deuxiegraveme et troisiegraveme branches du moyen ne peuvent ecirctre accueillies

PAR CES MOTIFS

REJETTE le pourvoi

Publication Bulletin 1989 I Ndeg 387 p 260

Deacutecision attaqueacutee Cour drsquoappel drsquoAix-en-Provence du 29 avril 1988

39

Cour de cassation Assembleacutee pleacuteniegravere

Audience publique du 31 mai 1991

Ndeg de pourvoi 90-20105 Publieacute au bulletin

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Sur le pourvoi dans lrsquointeacuterecirct de la loi formeacute par M le Procureur geacuteneacuteral pregraves la Cour de

Cassation

Vu les articles 6 et 1128 du Code civil ensemble lrsquoarticle 353 du mecircme Code

Attendu que la convention par laquelle une femme srsquoengage fucirct-ce agrave titre gratuit agrave concevoir

et agrave porter un enfant pour lrsquoabandonner agrave sa naissance contrevient tant au principe drsquoordre

public de lrsquoindisponibiliteacute du corps humain qursquoagrave celui de lrsquoindisponibiliteacute de lrsquoeacutetat des

personnes

Attendu selon lrsquoarrecirct infirmatif attaqueacute que Mme X eacutepouse de M Y eacutetant atteinte drsquoune

steacuteriliteacute irreacuteversible son mari a donneacute son sperme agrave une autre femme qui inseacutemineacutee

artificiellement a porteacute et mis au monde lrsquoenfant ainsi conccedilu qursquoagrave sa naissance cet enfant a

eacuteteacute deacuteclareacute comme eacutetant neacute de Y sans indication de filiation maternelle

Attendu que pour prononcer lrsquoadoption pleacuteniegravere de lrsquoenfant par Mme Y lrsquoarrecirct retient

qursquoen lrsquoeacutetat actuel des pratiques scientifiques et des moeurs la meacutethode de la materniteacute

substitueacutee doit ecirctre consideacutereacutee comme licite et non contraire agrave lrsquoordre public et que cette

adoption est conforme agrave lrsquointeacuterecirct de lrsquoenfant qui a eacuteteacute accueilli et eacuteleveacute au foyer de M et

Mme Y pratiquement depuis sa naissance

Qursquoen statuant ainsi alors que cette adoption nrsquoeacutetait que lrsquoultime phase drsquoun processus

drsquoensemble destineacute agrave permettre agrave un couple lrsquoaccueil agrave son foyer drsquoun enfant conccedilu en

exeacutecution drsquoun contrat tendant agrave lrsquoabandon agrave sa naissance par sa megravere et que portant atteinte

aux principes de lrsquoindisponibiliteacute du corps humain et de lrsquoeacutetat des personnes ce processus

constituait un deacutetournement de lrsquoinstitution de lrsquoadoption la cour drsquoappel a violeacute les textes

susviseacutes

PAR CES MOTIFS

CASSE ET ANNULE mais seulement dans lrsquointeacuterecirct de la loi et sans renvoi lrsquoarrecirct rendu le

15 juin 1990 par la cour drsquoappel de Paris

REQUETE DE M LE PROCUREUR GENERAL PRES LA COUR DE CASSATION

Le Procureur geacuteneacuteral pregraves la Cour de Cassation a lrsquohonneur drsquoexposer

- Que par jugement du 28 juin 1989 le tribunal de grande instance de Paris a rejeteacute la requecircte

preacutesenteacutee par Mme X eacutepouse Y tendant agrave lrsquoadoption pleacuteniegravere de lrsquoenfant Z deacuteclareacutee

comme eacutetant neacutee de M Y mari de la requeacuterante sans indication de filiation maternelle

- Que pour ne pas faire droit agrave cette requecircte les premiers juges ont retenu que les eacutepoux Y

pour remeacutedier agrave la steacuteriliteacute de leur couple avaient eu recours agrave lrsquoassociation Alma Mater

aujourdrsquohui dissoute lrsquoenfant eacutetant neacute drsquoune megravere de substitution qui lrsquoa abandonneacute agrave la

naissance pratique deacuteclareacutee illicite

- Que sur appel de Mme Y la premiegravere chambre civile section C de la cour drsquoappel de

Paris a par arrecirct du 15 juin 1990 infirmeacute la deacutecision entreprise et prononceacute lrsquoadoption

pleacuteniegravere solliciteacutee par la requeacuterante

- Qursquoau soutien de leur deacutecision devenue deacutefinitive les juges du second degreacute ont tireacute de nos

principes geacuteneacuteraux relatifs agrave la filiation des regravegles drsquoordre public concernant les contrats et de

40

certaines conventions ou deacuteclarations internationales des conclusions contraires agrave celles

auxquelles eacutetait parvenue votre premiegravere chambre civile de la Cour de Cassation qui dans un

cas de figure pratiquement identique a par arrecirct du 13 deacutecembre 1989 (association Alma

Mater contre procureur geacuteneacuteral Aix-en-Provence) reconnu le caractegravere illicite de la materniteacute

pour autrui et les associations qui srsquoefforcent de la promouvoir

- Qursquoil importe en cette matiegravere particuliegraverement sensible qui touche agrave un deacutelicat problegraveme de

socieacuteteacute et drsquoeacutethique que soit mis fin agrave des divergences jurisprudentielles majeures et que la

seacutecuriteacute juridique soit assureacutee

PAR CES MOTIFS

Vu lrsquoarticle 17 de la loi du 3 juillet 1967 relative agrave la Cour de Cassation

Requiert qursquoil plaise agrave la Cour de Cassation

CASSE ET ANNULE sans renvoi et dans le seul inteacuterecirct de la loi lrsquoarrecirct rendu le 15 juin 1990

par la cour drsquoappel de Paris ayant fait droit agrave la requecircte en adoption pleacuteniegravere preacutesenteacutee par

Mme X eacutepouse Y

Publication Bulletin 1991 AP Ndeg 4 p 5

Deacutecision attaqueacutee Cour drsquoappel de Paris du 15 juin 1990

Page 21: SEANCE_3 Droit Civil Methodologie

21

activiteacute en tant quelles conduiraient aux infractions de racolage et de proxeacuteneacutetisme Affirmer

que lactiviteacute en cause na aucun lien avec lindisponibiliteacute du corps humain a quelque chose

de surreacutealiste le fait quelle ne soit pas peacutenalement reacuteprimeacutee nempecircche pas le caractegravere

illicite du contrat passeacute entre la prostitueacutee et son client (dans ce sens pour la nulliteacute dune

assurance souscrite par un proxeacutenegravete contre les accidents corporels freacutequents dans ce genre

dactiviteacutes CA Paris 22 janv 1992 Juris-Data ndeg 020308) Reste la justification de la

deacutecision par la relative autonomie du droit des prestations sociales larticle R 241-2 du code

de la seacutecuriteacute sociale vise toutes les activiteacutes non salarieacutees mecircme de caractegravere accessoire La

Chambre sociale de la Cour de cassation a deacutejagrave admis la prostitution au titre de ces activiteacutes

(18 mai 1995 D 1996 Somm p 38 obs X Preacutetot) eacutecarter les activiteacutes de prostitution de

lassiette des cotisations sociales ne serait-ce pas les encourager davantage au risque pour

lEtat de reprendre agrave son compte le ceacutelegravebre adage de Vespasien

7 Nous rappellerons encore larrecirct rendu par la premiegravere Chambre civile le 9 deacutecembre 2003

confirmant le rejet de ladoption pleacuteniegravere par la femme du pegravere dune enfant qui est le fruit

dune convention de megravere porteuse Lamie dun couple steacuterile avait accepteacute en 1987

dabandonner agrave sa naissance sans indication de filiation maternelle lenfant conccedilu des relations

intimes quelle avait eues avec leacutepoux La demanderesse au pourvoi soutenait que lilliceacuteiteacute de

la convention neacutetait pas eacutetablie par la jurisprudence et par la loi au moment des faits et quil

fallait prendre en consideacuteration pour ladoption pleacuteniegravere les douze anneacutees passeacutees par lenfant

aupregraves delle les inteacuterecircts de ce dernier primant la neacutecessiteacute de sanctionner la convention La

Cour de cassation confirmant sa jurisprudence du 31 mai 1991 (preacutec) et du 29 juin 1994 (D

1994 Jur p 581 note Y Chartier) rappelle laquo que la materniteacute pour autrui dont le caractegravere

illicite se deacuteduit des principes geacuteneacuteraux du code civil et aujourdhui de son article 16-7

reacutealise un deacutetournement de linstitution de ladoption que les premiers juges ont agrave bon droit

refuseacute raquo Prudemment la Haute juridiction neacutevoque pas la notion dindisponibiliteacute cet laquo

imaginaire de la doctrine raquo (M Gobert Reacuteflexions sur les sources du droit et les principes

dindisponibiliteacute du corps humain et de leacutetat des personnes RTD civ 1992 p 489) pour se

contenter logiquement de viser larticle 16-7 qui a vocation agrave sappliquer mecircme si le contrat

reste secret la graviteacute du vice initial de la materniteacute pour autrui contaminant toute adoption

ulteacuterieure

8 Le Tribunal administratif dAmiens dans sa deacutecision du 9 mars 2004 fait une application

discutable de la notion dextra-commercialiteacute des eacuteleacutements et des produits du corps humain

dans une hypothegravese ougrave cette qualification ne devait pas jouer Un couple perd ses embryons

congeleacutes in vitro en raison de la deacutefaillance du mateacuteriel de conservation imputable agrave un

eacutetablissement hospitalier Peut-il se preacutevaloir dun preacutejudice indemnisable dans le cadre de

laction en responsabiliteacute quil engage contre cet eacutetablissement La juridiction administrative

saisie admet la responsabiliteacute de la personne publique le mateacuteriel de conservation lui

appartenant eacutetant en cause mais sur la question de la reacuteparation du preacutejudice subi reacutepond de

maniegravere surprenante laquo si les eacutepoux peuvent se preacutevaloir de lexistence dun preacutejudice

mateacuteriel reacutesultant de la perte dovocytes les dispositions de larticle 16-1 du code civil selon

lesquelles le corps humain ses eacuteleacutements et ses produits ne peuvent faire lobjet dun droit

patrimonial sopposent agrave ce quils puissent en demander la reacuteparation en argent raquo et il

poursuit laquo les ovocytes surnumeacuteraires neacutetant pas des personnes ils ne sont pas fondeacutes agrave se

preacutevaloir dun preacutejudice moral reacutesultant selon eux de la perte decirctres chers raquo Le couple se

voit toutefois allouer 10 000 euros de dommages-inteacuterecircts pour les laquo troubles divers raquo dans

leurs conditions dexistence Si les ovocytes ne sont pas eacutevaluables en argent et si leur perte ne

peut donc pas justifier un preacutejudice mateacuteriel il nen va pas de mecircme dun preacutejudice moral

causeacute par leur perte (la perte dun animal domestique le justifie en droit civil ) et surtout le

22

preacutejudice reacutesultant de la perte dune chance de devenir parents pour un couple deacutejagrave acircgeacute et qui

rencontre des difficulteacutes pour procreacuteer degraves lors quaurait pu ecirctre eacutetablie la disparition par

leffet de la faute imputeacutee agrave leacutetablissement hospitalier de leacuteveacutenement favorable la

probabiliteacute de la naissance dun enfant (en droit meacutedical G Meacutemeteau Gaz Pal 1997 2

Doctr p 1367) La juridiction administrative a manqueacute une occasion de faire avancer le droit

biomeacutedical dans une affaire inattendue et hautement symbolique

B - Reacuteglementation des eacuteleacutements et les produits du corps

Prenant appui sur les principes geacuteneacuteraux gouvernant le statut du corps humain le reacutegime

juridique des eacuteleacutements et des produits biologiques dorigine humaine peut toutefois preacutesenter

des particulariteacutes

1 - La greffe de visage

9 Le Comiteacute consultatif national deacutethique dans son avis ndeg 82 du 6 feacutevrier 2004 eacutemet un

avis deacutefavorable au preacutelegravevement du visage dune personne deacuteceacutedeacutee ou en langage meacutedical agrave

lallotransplantation de tissus composites En deacutepit des besoins eacutevidents pour la chirurgie

reconstructive des victimes deacutefigureacutees agrave la suite daccidents ou de suicides manqueacutes le

Comiteacute consultatif considegravere que des obstacles dirimants subsistent actuellement pour

ladmission dun tel preacutelegravevement les perspectives de laquo reacuteussite raquo dune telle opeacuteration

demeurent tregraves theacuteoriques les risques de rejet des greffons eacutetant laquo extrecircmement graves raquo il

paraicirct par ailleurs fort deacutelicat de solliciter lautorisation de la famille du deacuteceacutedeacute pour effectuer

les preacutelegravevements la signification eacutethique particuliegravere du visage humain son lien intime agrave la

personnaliteacute et agrave lidentiteacute en font davantage quune piegravece anatomique Cette prudence sinscrit

dans le cadre des principes traditionnels du droit meacutedical la technique envisageacutee relevant

pour lheure davantage de lexpeacuterimentation que de la theacuterapeutique

2 - Les banques de sang de cordon ombilical

10 Les cellules heacutematopoiumleacutetiques preacutesentes dans le sang du cordon ombilical peuvent ecirctre

utiliseacutees pour le traitement de certaines maladies geacuteneacutetiques elles peuvent notamment

repeupler la moelle osseuse du patient et constituer une source de cellules sanguines offrant

ainsi une solution alternative agrave la greffe de moelle osseuse Des banques de ces cellules ont

eacuteteacute creacuteeacutees dans des institutions hospitaliegraveres et plus reacutecemment dans le secteur priveacute Ces

activiteacutes pour certaines agrave but lucratif suscitent eacutevidemment des questions juridiques et

eacutethiques Le Comiteacute national sest en France pencheacute sur ce problegraveme (avis ndeg 74 du 12 deacutec

2002) de mecircme que divers organismes de santeacute europeacuteens Le Groupe europeacuteen deacutethique

institueacute aupregraves du preacutesident de la Commission europeacuteenne a consacreacute agrave ce point son avis ndeg

16 rendu le 16 mars 2004 En substance les sages du Groupe europeacuteen critiquent vivement

louverture de cette activiteacute au secteur commercial degraves lors que les banques priveacutees noffrent

pas un laquo service utile en termes de possibiliteacutes theacuterapeutiques raquo (pt 21) et meacuteritent decirctre

eacutetroitement encadreacutees comme elles le seraient dailleurs en France Dun point de vue plus

geacuteneacuteral ces banques priveacutees de sang ombilical qui demeurent en veacuteriteacute assez marginales

posent la question des activiteacutes commerciales dans les secteurs sensibles de la santeacute qui nest

pas reacutesolue de maniegravere uniforme au sein de lUnion europeacuteenne Ladoption de

reacuteglementations telles que la directive CE ndeg 2004-23 du 31 mars 2004 concernant les aspects

de seacutecuriteacute et de qualiteacute pour les diffeacuterentes opeacuterations relatives aux eacuteleacutements biologiques

dorigine humaine va dans le sens de cette harmonisation

3 - Les normes europeacuteennes de qualiteacute et de seacutecuriteacute concernant les diffeacuterentes opeacuterations

relatives aux tissus et aux cellules humains

11 La directive CE ndeg 2004-23 du 31 mars 2004 constitue un texte important dans un secteur

ougrave lharmonisation communautaire tardait nonobstant le maillage reacuteglementaire existant en

23

matiegravere de meacutedicaments agrave usage humain (Dir CE ndeg 2001-83 du 6 nov 2001) Le texte

sapplique essentiellement aux eacuteleacutements biologiques destineacutes agrave lhomme ou agrave la fabrication de

produits manufactureacutes y compris pour des buts cosmeacutetiques agrave lexception des produits

destineacutes agrave des greffes autologues dans le cadre dune intervention chirurgicale unique du sang

et des produits sanguins (Dir CE ndeg 2002-98 du 27 janv 2002) des organes ou des parties

dorganes utiliseacutes aux mecircmes fins que lorgane entier dans le corps humain Les utilisations agrave

des fins de recherche sont eacutegalement exclues La directive sapplique en revanche aux gamegravetes

et aux cellules souches embryonnaires mais laisse aux Etats membres la faculteacute den autoriser

lutilisation Dune maniegravere geacuteneacuterale le texte communautaire nimpose pas de modegravele eacutethique

mais des obligations techniques dans un but de seacutecuriteacute sanitaire comprenant notamment la

mise en place dun systegraveme qualiteacute et de traccedilabiliteacute la deacutesignation dune personne responsable

mais il insiste cependant sur la gratuiteacute des dons et les exigences en matiegravere de consentement

La transposition qui ne devrait pas affecter de maniegravere sensible le cadre juridique franccedilais

actuel doit intervenir avant le 7 avril 2006

4 - Les cellules souches embryonnaires

12 Moins de deux mois apregraves ladoption de la reacutevision des lois bioeacutethiques et en application

de larticle 37 du nouveau texte qui autorise agrave titre transitoire avant la mise en place de

lAgence de la Biomeacutedecine les ministres concerneacutes agrave permettre limportation agrave des fins de

recherche de cellules souches embryonnaires humaines un deacutecret et un arrecircteacute (JO ndeg 228 du

30 sept 2004 p 16804) du 28 septembre 2004 viennent dy proceacuteder Les recherches sur ces

cellules fort contesteacutees il y a encore peu puisque la preacuteceacutedente autorisation dimportation de

cellules souches dorigine embryonnaire avait fait lobjet dun contentieux (TA Paris 21 janv

2003 D 2004 Somm p 532 obs H Gaumont-Prat LPA 2003 ndeg 196 p 7 note B

Pauvert) entrent donc rapidement dans la reacutealiteacute Ces souches importeacutees seront rapidement

supplanteacutees par pregraves de 50 000 embryons congeleacutes en France dont les geacuteniteurs ont renonceacute agrave

ce quils accegravedent agrave la naissance et qui vont pouvoir prochainement servir de mateacuteriel

dexpeacuterimentation comme la loi nouvelle lautorise deacutesormais

Mots cleacutes

PERSONNE HUMAINE Panorama 2004

Gazette du Palais 29 mai 2004 ndeg 150 P 15 - Tous droits reacuteserveacutes

Famille - Personnes

040412

ADOPTION Adoption pleacuteniegravere - Enfants pouvant faire lobjet dune adoption - Enfant neacute dune megravere

porteuse (non)

La materniteacute pour autrui dont le caractegravere illicite se deacuteduit des principes geacuteneacuteraux du Code

civil et aujourdhui de son article 16-7 reacutealise un deacutetournement de linstitution de ladoption

que les juges du fond ont donc agrave bon droit refuseacute de prononcer sans violer aucun des textes

invoqueacutes

C cass 1re civ 9 deacutecembre 2003 Mme X c Procureur geacuteneacuteral pregraves le Cour dappel de Y-

Pourvoi ndeg 0103927 Q - Rejet (C app Paris 1er feacutevrier 2001) - gr ndeg 1644P

NOTE

Reacuteiteacuteration de linterdiction dune adoption lieacutee agrave une procreacuteation pour le compte

dautrui -

24

Larrecirct rendu le 9 deacutecembre 2003 ne surprendra pas puisquil sinscrit dans la ligne traceacutee par

la Cour de cassation depuis 1989 confirmeacutee par la loi du 29 juillet 1994 relative au respect du

corps humain

En lespegravece Georges D et Denise M seacutetaient marieacutes le 15 deacutecembre 1962 et avaient eu un

enfant Fabrice neacute le 11 novembre 1966 Leacutepouse nayant pu avoir un deuxiegraveme enfant

pourtant vivement souhaiteacute le couple se serait adresseacute agrave une laquoamieraquo qui aurait accepteacute davoir

des relations intimes avec Georges D jusquagrave ce quelle conccediloive un enfant quil eacutetait convenu

de laisser degraves sa naissance au pegravere et agrave son eacutepouse

Cest ainsi que serait neacutee Sarah le 4 juillet 1987 qui fut deacuteclareacutee sur les registres de leacutetat civil

sans indication de filiation maternelle reconnue par Georges D puis recueillie aussitocirct par

celui-ci et son eacutepouse Cette derniegravere avait pris la preacutecaution de seacuteloigner de son domicile

pendant les derniers mois du deacuteveloppement in utero de lenfant afin que la substitution

maternelle soit ignoreacutee de lentourage des deux eacutepoux

Il sagissait donc bien selon les propres dires de Georges et Denise D dune materniteacute pour

autrui sans recours aux techniques modernes de procreacuteation meacutedicalement assisteacutee selon un

processus agrave la fois naturel et vieux comme le monde (1)

En janvier 1999 Denise D a saisi le Tribunal de grande instance dune requecircte en adoption

pleacuteniegravere de la fille de son mari

Le Tribunal par jugement du 8 deacutecembre 1999 puis la Cour dappel de Paris par arrecirct du 1er

feacutevrier 2001 ont rejeteacute sa demande au motif quen application des art 6 et 1128 C civ la

convention par laquelle une femme sengage agrave concevoir et agrave porter un enfant pour

labandonner agrave sa naissance est nulle car elle contrevient tant au principe dordre public de

lindisponibiliteacute du corps humain quagrave celui de lindisponibiliteacute de leacutetat des personnes et que

ladoption envisageacutee neacutetait que lultime phase dun processus illicite constitutif dun

deacutetournement de linstitution de ladoption

On reconnaicirctra lagrave les formules mecircmes employeacutees par la Cour de cassation notamment dans

son arrecirct dassembleacutee pleacuteniegravere du 31 mai 1991 (2) Il nest donc pas eacutetonnant que la Cour

suprecircme ait rendu un arrecirct de rejet dautant plus que sa jurisprudence a eacuteteacute conforteacutee par le

nouvel art 16-7 inseacutereacute dans le Code civil par la loi ndeg 94-653 du 29 juillet 1994 (3) qui

dispose que toute convention portant sur la procreacuteation ou la gestation pour le compte dautrui

est nulle

La Cour de cassation a bien entendu viseacute expresseacutement ce texte nouveau mais elle a tenu agrave

rappeler que le caractegravere illicite se deacuteduisait aussi des principes geacuteneacuteraux du Code civil

faisant ainsi implicitement reacutefeacuterence aux art 6 et 1128 de ce Code sur lesquels elle avait

preacuteceacutedemment fondeacute sa position

Le moyen de cassation tentait deacutechapper agrave la jurisprudence de la Cour suprecircme en se fondant

sur les circonstances de lespegravece et notamment sur le fait que la requecircte en adoption navait

eacuteteacute formeacutee que douze anneacutees apregraves la naissance de lenfant de sorte que lindivisibiliteacute entre la

materniteacute pour autrui et ladoption ne serait pas caracteacuteriseacutee Mais la Cour dappel avait

reacutepondu agrave cette argumentation en eacutenonccedilant que labandon de lenfant agrave naicirctre objet de

lobligation contracteacutee par la megravere biologique eacutetait destineacute agrave permettre que lenfant reconnu

par Georges D puisse ecirctre adopteacute par son eacutepouse et en soulignant que celle-ci avait dans le

mecircme but accepteacute linseacutemination dune autre femme par les gamegravetes de son mari et quelle

avait participeacute activement au processus en prenant toutes preacutecautions pour que la substitution

de materniteacute soit ignoreacutee des tiers

Denise D soutenait en outre que linteacuterecirct de lenfant retenu tant par lart 353 C civ que par

les art 3 et 21 de la Convention internationale des droits de lenfant devait primer sur le souci

de sanctionner lilliceacuteiteacute de la convention qui avait preacutesideacute agrave sa conception et agrave sa naissance

La Cour de cassation ne sest pas arrecircteacutee agrave cette argumentation pas plus quelle ne sy eacutetait

arrecircteacutee en 1991 pour elle lensemble de lopeacuteration est indivisible le deacutetournement de

25

linstitution de ladoption est caracteacuteriseacute et il convient de lutter contre la politique du fait

accompli (4) Laccepter au nom de linteacuterecirct de lenfant ne conduirait-il pas comme on la

souligneacute en doctrine (5) agrave admettre le commerce des enfants sous preacutetexte que bien souvent

ceux-ci y trouveraient beacuteneacutefice

(1) Selon la Bible Sarah eacutepouse dAbraham ne pouvant avoir denfant de lui lenvoya aupregraves

de son esclave eacutegyptienne Agar dont il eut un fils Ismaeumll Agar fut renvoyeacutee avec celui-ci

lorsque Sarah tregraves acircgeacutee mit au monde Isaac le fils de la promesse

Cest sans doute une coiumlncidence si nous trouvons aussi dans notre affaire une laquoSarahraquo qui

tient il est vrai un rocircle tout diffeacuterent de celui deacutevolu agrave son homonyme biblique

Lhistoire reacutevegravele eacutegalement des cas relativement freacutequents ougrave pour pallier agrave la steacuteriliteacute du

mari et pour permettre la continuation de la ligneacutee et la perpeacutetuation dun nom ou dun titre un

laquovaletraquo - souvent ensuite renvoyeacute - eacutetait chargeacute de feacuteconder leacutepouse Le proceacutedeacute eacutetait

juridiquement parfait dans la mesure ougrave par le jeu de la preacutesomption de paterniteacute le mari

devenait leacutegalement le pegravere de lenfant

(2) Cass ass pleacuten 31 mai 1991 Bull civ 1991 ndeg 4 Gaz Pal Rec 1991 panor cass p

162 [912144] D 1991 jur p 417 rapport Y Chartier note G Thouvenin JCP 1991 II

21752 comm J Bernard concl H Dontenwille note F Terreacute Defreacutenois 1991 art 35088

ndeg 67 p 948 obs J Massip RTD civ 1991 517 obs D Huet-Weiller Dans le mecircme sens

v Cass civ 1re 29 juin 1994 Bull civ 1994 I ndeg 226 Gaz Pal Rec 1995 jur p 36 note

J B [943856] D 1994 jur p 581 note Y Chartier JCP 1995 II 223621 note J Rubellin-

Devichi RTD civ 1994 p 842 obs J Hauser Defreacutenois 1995 art 36024 ndeg 4 p 315

obs J Massip

V aussi Cass civ 1re 13 deacutecembre 1989 Bull civ 1989 I ndeg 387 Gaz Pal Rec 1990

panor cass p 66 [901122] D 1990 jur p 273 rapport J Massip Defreacutenois 1990 art

34802 ndeg 55 p 743 obs J-L Aubert et art 34815 p 862 rapport J Massip et JCP 1990 II

21526 note A Seriaux Dans cette affaire la Cour de cassation avait proclameacute par des motifs

analogues agrave ceux adopteacutes par les arrecircts de 1991 et 1994 le caractegravere illicite de la materniteacute

pour autrui et des associations qui sefforcent de la promouvoir

(3) Sur cette loi v notamment notre commentaire in Defreacutenois 1975 art 35975 et 35922

speacutecialement en ce qui concerne lart 16-7 C civ le ndeg 9 de cette eacutetude p 72

(4) Sur ces divers points v notre note preacuteciteacutee sous Cass ass pleacuten 31 mai 1991

(5) Obs J Hauser sous larrecirct rendu le 1er feacutevrier 2001 par la Cour dappel de Paris dans le

preacutesente affaire in RTD civ 2001 347

AD2008DEF0291N1

Reacutepertoire du Notariat Defreacutenois 15 feacutevrier 2008 ndeg 3 P 291 - Tous droits reacuteserveacutes

FILIATION

38717 La convention de megravere porteuse

(Reacuteflexions sur les sources du droit et les principes dindisponibiliteacute du corps humain et de leacutetat des personnes)

Le droit franccedilais prohibe les conventions de megraveres porteuses

26

Malgreacute linterdiction leacutegale de nombreux couples ont chercheacute et cherchent encore agrave

contourner cette interdiction notamment en ayant recours agrave des megraveres de substitution dans

des pays eacutetrangers ougrave cette pratique est autoriseacutee

La Cour de cassation veille agrave ce que linstitution de ladoption ne soit pas deacutetourneacutee au profit

de ces parents

Dans un arrecirct du 25 octobre 2007 la cour dappel de Paris vient de reacuteouvrir le deacutebat non sur

le terrain de la convention mais sur celui de la non-transcription des actes de naissance et de

linteacuterecirct supeacuterieur de lenfant

Une excellente occasion de faire le point sur la question et de sinterroger pour lavenir avant

la reacutevision de la loi bioeacutethique en 2009

par Rabih CHENDEB

Docteur en droit

ATER agrave lUniversiteacute de Picardie Jules Verne

laquo La science va Elle est ineacuteluctable Ce quil faut cest la rendre eacutethique raquo (1)

Le droit positif franccedilais interdit de recourir aux megraveres porteuses si un couple conccediloit un

embryon in vitro qui est implanteacute dans luteacuterus dune tierce femme cest cette tierce femme

qui est la megravere selon la loi franccedilaise et les parents biologiques ne peuvent avoir aucun droit

mecircme en cas dabandon de lenfant agrave la naissance par la megravere porteuse La loi bioeacutethique de

1994 a interdit la gestation pour autrui car cela soulevait des questions

dinstrumentalisation et de commercialisation du corps de la femme

De nombreux couples en mal denfants ont depuis longtemps chercheacute agrave contourner les regravegles

notamment en ayant recours agrave des megraveres de substitution qui vivent dans des pays ougrave cette

pratique est autoriseacutee Jusquagrave preacutesent la Cour de cassation ne sy est jamais laisseacutee prendre et

condamnait ladoption faite par les parents de lenfant de la megravere porteuse consideacuterant quil

sagissait dun deacutetournement de linstitution de ladoption (I)

Le 25 octobre 2007 la cour dappel de Paris vient donner lespoir dune ouverture vers

lacceptation dans linteacuterecirct de lenfant de cette deacutemarche Cette deacutecision de la cour dappel

pourrait changer les choses en attendant la reacutevision de la loi bioeacutethique preacutevue en 2009 Une

chose est sucircre cet arrecirct a le meacuterite douvrir le deacutebat et de poser la question de linteacuterecirct de

lenfant comme exception agrave lindisponibiliteacute de leacutetat des personnes et agrave linterdiction de la

pratique des megraveres porteuses Une certaine eacutevolution des mentaliteacutes ainsi que la dispariteacute

entre la loi franccedilaise et dautres leacutegislations nationales pourraient donner lieu agrave un

assouplissement de cette leacutegislation (II)

I Lhostiliteacute du leacutegislateur et de la jurisprudence agrave leacutegard de la convention de megravere porteuse

Au siegravecle dernier seacutetaient deacuteveloppeacutees des associations ayant pour but de faire se rencontrer

des couples deacutesireux davoir un enfant et des femmes acceptant de le porter pour ensuite le

leur laquo ceacuteder raquo par contrat Pour des raisons plus ou moins louables le proceacutedeacute fut rapidement

condamneacute par le droit franccedilais (A) tout comme ladoption qui sen suivait (B)

27

A Le caractegravere illicite de la convention de megravere porteuse

La megravere porteuse met en effet agrave mal le scheacutema classique de la famille On affirmait en Droit

romain que la megravere eacutetait sucircre et que le pegravere eacutetait le mari Le Code napoleacuteon a enteacuterineacute cette

conception Dire que lenfant possegravede une megravere geacuteneacutetique et une megravere uteacuterine va agrave lencontre

de ses dispositions (2)

Pris au deacutepourvu le leacutegislateur franccedilais a tardeacute agrave reacuteagir face aux progregraves scientifiques Il en

est reacutesulteacute un vide juridique auquel la jurisprudence sest efforceacutee de faire face Devant cette

heacutesitation bien compreacutehensible du droit les ressources de la morale de la deacuteontologie et

surtout de la bioeacutethique ont eacuteteacute solliciteacutees (3) Le Conseil dEtat confronteacute aux associations

voulant intervenir dans ce domaine a ainsi prononceacute la dissolution de ces associations pour

objet illicite (4) Le 13 deacutecembre 1989 la premiegravere chambre civile de la Cour de cassation a

releveacute le principe dindisponibiliteacute du corps humain par une interpreacutetation a contrario de

larticle 1128 du Code civil qui dispose qu laquo il ny a que les choses qui sont dans le

commerce qui puissent ecirctre lobjet des conventions raquo La personne ne dispose pas de son

corps elle nen est pas proprieacutetaire (5) Le 31 mai 1991 lassembleacutee pleacuteniegravere de la Cour de

cassation vise les articles 6 1128 et 353 du Code civil afin daffirmer le caractegravere illicite de la

convention conclue entre une megravere porteuse et un couple steacuterile En effet ce contrat porte sur

deux corps humains la megravere et lenfant (6)

Rapidement le leacutegislateur est venu leacutegifeacuterer dans ce sens avec la loi no 94-653 du 29 juillet

1994 relative agrave la bioeacutethique pour que le Code civil reconnaisse le corps humain en tant que

tel Cette loi prend deacutesormais explicitement en compte le corps humain parce quil a voulu

promouvoir son respect face au deacuteveloppement des sciences biomeacutedicales Cette loi a entraicircneacute

la modification et la creacuteation darticles dans le Code civil et le Code peacutenal

Le principe du respect de la digniteacute de la personne humaine est poseacute par larticle 16 du Code

civil laquo La loi assure la primauteacute de la personne interdit toute atteinte agrave la digniteacute de celle-ci

et garantit le respect de lecirctre humain degraves le commencement de sa vie raquo Le nouvel article 16-1

preacutevoit que laquo Chacun a droit au respect de son corps Le corps humain est inviolable Le

corps humain ses eacuteleacutements et ses produits ne peuvent faire lobjet dun droit patrimonial raquo

Par conseacutequent selon larticle 16-5 laquo Les conventions ayant pour effet de confeacuterer une

valeur patrimoniale au corps humain agrave ses eacuteleacutements ou agrave ses produits sont nulles raquo De mecircme

quand une personne accepte de donner son sang ce ne peut ecirctre quagrave titre beacuteneacutevole Enfin

larticle 16-7 dispose mecircme laquo Toute convention portant sur la procreacuteation ou la gestation

pour le compte dautrui est nulle raquo (7)

En outre cette interdiction est assortie dune sanction peacutenale pouvant aller jusquagrave un an

demprisonnement et 15 000 euro damende pour celui qui sentremet ou tente de sentremettre

entre une personne ou un couple deacutesireux daccueillir un enfant et une femme acceptant de

porter en elle cet enfant en vue de le leur remettre Lorsque ces faits ont eacuteteacute commis agrave titre

habituel ou dans un but lucratif les peines sont porteacutees au double (8)

En deacutepit de la reacutesistance de quelques juges du fond qui ont admis ladoption la Cour de

cassation na pas infleacutechi sa position (9) Elle sest reacutecemment opposeacutee agrave ladoption simple

dun enfant par un couple homosexuel estimant cette adoption contraire agrave laquo linteacuterecirct supeacuterieur

de lenfant raquo (10)

28

Analyseacutes dans le contexte de ces deacutecisions les deux principes de lilliceacuteiteacute des conventions et

de lindisponibiliteacute du corps humain expriment une mecircme ideacutee la condamnation dune

convention qui porte sur le corps humain celui de lenfant agrave naicirctre et celui de la femme qui la

conccedilu et porteacute

Toutefois les motifs adopteacutes par la Cour de cassation savegraverent dune extrecircme faiblesse En

effet ces motifs sont lieacutes agrave lilliceacuteiteacute de lobjet des conventions agrave lindisponibiliteacute du corps

humain ainsi quagrave lindisponibiliteacute de leacutetat des personnes (11) Pourtant les lois dites laquo

bioeacutethiques raquo du 29 juillet 1994 puis la loi du 6 aoucirct 2004 (12) relative agrave la bioeacutethique ont

admis lutilisation des eacuteleacutements et des produits du corps humain agrave des fins theacuterapeutiques ou

scientifiques Effectivement une loi en date du 24 janvier 1953 deacutetermine laquo les tarifs de

cession du sang raquo Les dispositions sont aujourdhui dans le Code de la santeacute publique Degraves

lors on peut donner ses gamegravetes ses organes son sang Il semble que plus quune approche

anthropologique des sciences meacutedicales (qui conduiraient agrave une ineacutevitable instrumentalisation

du corps des hommes) il existerait ce que nous appelons une technoscience laquo de linvisible

raquo que seul le droit accepte de leacutegitimer (13)

Par ailleurs la terminologie employeacutee par le leacutegislateur de 1994 est eacuteloquente Cest

certainement parce que le principe dindisponibiliteacute du corps humain sest aveacutereacute irreacutealiste videacute

de sa substance par le nombre et limportance de ses exceptions que le leacutegislateur lui a preacutefeacutereacute

celui de non-patrimonialiteacute qui figure aujourdhui aux articles 16-1 16-5 et 16-6 du Code

civil Il est donc possible de disposer de son corps agrave titre de dons dans les limites de la loi

(14)

Pour conclure sur ce point il sera emprunteacute les propos de Mme Mayer-Jack laquo

Malheureusement si ce principe dindisponibiliteacute du corps humain possegravede les qualiteacutes trop

rares decirctre nettement formuleacute et universellement admis il apparaicirct agrave la reacuteflexion frappeacute dun

vice radical il se reacutevegravele contraire aux faits raquo (15)

B La nulliteacute de ladoption

En matiegravere de materniteacute de substitution lenfant reste au coeur du deacutebat Il est laquo lobjet raquo de la

convoitise du couple demandeur et lobjet de la convention En vue de permettre

leacutetablissement dune filiation adoptive deux processus eacutetaient suivis par lesdits couples

processus que la Cour de cassation sempressa dinterdire agrave son tour

1 Le contournement aveacutereacute de la loi par les couples restant en France

En effet le processus se deacuteroulait en trois eacutetapes dans un premier temps lembryon issu des

gamegravetes du couple ou du mari et de la femme porteuse eacutetait implanteacute dans luteacuterus de cette

derniegravere La megravere porteuse suivait sa grossesse normalement notamment au regard du suivi

meacutedical (16) Ensuite elle accouchait anonymement La leacutegislation autorise les

accouchements laquo sous X raquo et reconnaicirct ainsi aux parturientes le droit de ne pas ecirctre megraveres si

elles ne le deacutesirent ou ne le peuvent pas Le pegravere fournisseur de sperme quant agrave lui effectuait

une reconnaissance preacutenatale de lenfant A sa naissance il le reconnaissait Lenfant avait

donc un pegravere mais sans indication de la filiation maternelle Enfin leacutepouse de ce dernier

adoptait de maniegravere pleacuteniegravere lenfant Leacutetat de mariage de la megravere porteuse ne changeait rien

puisque laccouchement anonyme empecircchait que le mari soit consideacutereacute comme pegravere preacutesumeacute

29

Depuis larrecirct Alma Mater (17) nous savons que la convention de materniteacute de substitution

est nulle car contrevenant agrave lordre public (18) Mais jusqualors la jurisprudence avait eu le

soin de dissocier convention et adoption Toute convention portant sur la procreacuteation ou la

gestation pour le compte dautrui eacutetant nulle la convention de megravere porteuse ayant permis la

naissance de lenfant en cause est donc incontestablement frauduleuse Degraves lors la possession

deacutetat sur laquelle les demandeurs se fondent pour voir eacutetablir un lien de filiation leacutegitime agrave

leur profit et lacte de notorieacuteteacute quils ont ainsi obtenu sont eux-mecircmes vicieacutes et ne peuvent

donc permettre leacutetablissement dun tel lien Par ailleurs la Convention de New York sur les

droits de lenfant garantit notamment agrave celui-ci laccegraves agrave ses origines Or lapplication de la

convention frauduleuse aurait pour effet de consacrer un mensonge lacte de naissance qui

serait eacutetabli sur le fondement de cette convention aboutirait en effet agrave nier totalement les

conditions dans lesquelles lenfant a eacuteteacute conccedilu En conseacutequence les demandeurs ne pourront

se preacutevaloir de la possession deacutetat vicieacutee pour obtenir la retranscription de lacte de notorieacuteteacute

sur lacte de naissance de lenfant (19) Ainsi la prohibition de la convention a entraicircneacute dans

son sillage une impossibiliteacute dadoption par leacutepouse du pegravere (20) Il y a deacutetournement de

linstitution de ladoption pleacuteniegravere en ce que lenfant a eacuteteacute conccedilu pour ecirctre abandonneacute par sa

megravere et adopteacute par une autre (21)

Il en reacutesulte que cest labandon de lenfant qui rend impossible ladoption par leacutepouse du

mari Or labandon de lenfant constitue deacutejagrave une deacutemarche parfaitement licite et reacuteglementeacutee

par la loi Il suffit pour sen convaincre de lire attentivement les textes adeacutequats agrave savoir les

articles 61 et 62 du Code de la famille et de laide sociale 348-3 et 350 du Code civil et 1158

agrave 1163 du Code de proceacutedure civile Il suffit agrave la megravere et plus geacuteneacuteralement agrave la personne

investie des droits parentaux de confier 1enfant agrave un eacutetablissement ou agrave un service de laide

sociale agrave 1enfance (ASF) ou mecircme agrave un particulier puis de sen deacutesinteacuteresser

manifestement pendant une anneacutee nentretenant avec lui aucune relation neacutecessaire au

maintien de liens affectifs Le tribunal de grande instance peut degraves lors sauf agrave prendre en

consideacuteration le cas exceptionnel de grande deacutetresse du parent deacutefaillant deacuteclarer 1enfant

abandonneacute agrave la requecircte de tout inteacuteresseacute et notamment de leacutetablissement service ou famille

daccueil (22) laquo On cesse dinterdire une pratique non pas lorsquelle se deacuteveloppe mais

lorsquon ne sait plus pourquoi elle est interdite raquo (23)

Dailleurs une contradiction engendre ce refus dadoption En effet laquo consideacuterer ladoption

indissociable de la convention revient agrave ne voir lenfant que comme lobjet de cette convention

raquo (24) Ainsi les parents ont pu eacutetablir anteacuterieurement agrave la naissance le processus dont

ladoption est laquo lultime phase raquo Mais ce processus nest pas fait dans lintention de nuire agrave

lenfant Alors comment comprendre la seacuteveacuteriteacute afficheacutee de la Cour de cassation

Traiter lenfant comme une veacuteritable personne implique de dissocier la convention ougrave il

nintervient pas et ladoption dont il est partie prenante et mecircme partie principale Il faut

sinterroger sur son inteacuterecirct propre quitte agrave le confronter ensuite agrave ceux auxquels il soppose

(25)

2 Lexpansion du tourisme procreacuteatif

La dispariteacute des regravegles nationales agrave propos de la gestation pour autrui a conduit certains

couples agrave se rendre agrave leacutetranger pour pouvoir avoir recours agrave une megravere porteuse on parle

deacutesormais de laquo tourisme procreacuteatif raquo (26)

30

Lagrave encore le processus deacutebute par une inseacutemination artificielle mais les pays ayant leacutegaliseacute la

gestation pour le compte dautrui permettent par ailleurs que lembryon inseacutemineacute dans

luteacuterus de la femme soit issu de la rencontre des gamegravetes des deux parents demandeurs

Lenfant est donc geacuteneacutetiquement lenfant du couple Il a pour parent degraves sa naissance le

couple demandeur il porte leur nom et le preacutenom quils lui ont choisi Mais pour exister en

France il est neacutecessaire de recourir agrave une transcription sur les registres de leacutetat civil franccedilais

de lacte de naissance eacutetranger Lagrave encore la seacuteveacuteriteacute est de mise puisque le parquet de

Nantes qui a en charge la transcription des eacutetats civils venant de leacutetranger refuse

systeacutematiquement cette transcription qui nest pas conforme agrave la leacutegislation franccedilaise (27)

Les magistrats ont eacuteteacute confronteacutes agrave ces situations ougrave la megravere commanditaire deacutesirait eacutetablir un

lien de filiation entre elle et lenfant issu de la convention de materniteacute de substitution

Tel est par exemple le cas qui a eacuteteacute trancheacute par la cour dappel de Rennes le 4 juillet 2002

(28) Dans cet arrecirct la cour dappel a rejeteacute ladoption des enfants par un couple qui a conclu

en Californie une convention portant sur la gestation dun embryon issu de leurs propres

gamegravetes La cour relegraveve que laquo la loi franccedilaise ne donne pas une deacutefinition de la megravere raquo cette

notion est inscrite dans les mentaliteacutes depuis des siegravecles par ladage Mater semper certa est

Cest laccouchement qui deacutetermine la megravere et non la seule reacutealiteacute geacuteneacutetique

Cette jurisprudence installeacutee depuis le ceacutelegravebre arrecirct de lassembleacutee pleacuteniegravere du 31 mai 1991

constitue une atteinte directe agrave linteacuterecirct de lenfant Ce dernier est priveacute de toute filiation

maternelle leacutegalement reconnue et ce sans beacuteneacutefice pour personne (29)

Malheureusement en raison de cette solution les deux enfants sont acircgeacutes de sept ans et vivent

aupregraves de leur pegravere naturel et de sa compagne dont la materniteacute ne peut leacutegalement ecirctre eacutetablie

(30)

Cette jurisprudence preacutesente un point faible Selon larticle 353 du Code civil le tribunal de

grande instance saisi dune requecircte aux fins dadoption pleacuteniegravere veacuterifie si les conditions de

la loi sont remplies et si ladoption est conforme agrave linteacuterecirct de lenfant Or en loccurrence

le preacutetendu droit de lenfant ne coiumlncide pas avec son inteacuterecirct seul mis en avant dans 1article

353 du Code civil Le refus par la cour dappel de prononcer ladoption pleacuteniegravere a priveacute les

deux enfants (au nom de leur droit aussi eacuteminent que symbolique agrave la non-chosification) dun

avantage concret et primordial leur admission au statut denfants leacutegitimes de leurs vrais

parents geacuteneacutetiques (31) Simples enfants naturels ou adulteacuterins de leur pegravere ils demeureront

sans lien de filiation maternelle Un tel problegraveme meacuterite que les juridictions se penchent au

moins sur lui (32) La protection de linstitution de ladoption sopegravere au deacutetriment du droit

reconnu agrave lenfant deacutetablir sa filiation par le biais dune discrimination fondeacutee sur les

circonstances de sa naissance (33) La jurisprudence nous semble aller agrave lencontre des

engagements internationaux contracteacutes par la France (34)

II Leacutevolution des mentaliteacutes vers une leacutegislation plus souple

Jusquagrave preacutesent la jurisprudence a toujours interdit ladoption des enfants par des couples

ayant eu recours agrave la gestation pour autrui consideacuterant quil sagit dun deacutetournement de

linstitution de ladoption (35)

Un grand quotidien Libeacuteration reacutevegravele que la cour dappel de Paris a reconnu comme parents

leacutegitimes de jumelles un couple franccedilais ayant fait appel agrave une megravere porteuse ameacutericaine

31

Une chose est sucircre cet arrecirct a le meacuterite douvrir le deacutebat et de poser la question de linteacuterecirct de

lenfant comme exception agrave lindisponibiliteacute de leacutetat des personnes et agrave linterdiction de la

pratique des megraveres porteuses (A) Lorsque lon accepte une loi eacutetrangegravere qui a eacuteteacute appeleacutee au

secours pour contourner la loi franccedilaise la modification de la loi franccedilaise nest pas loin (B)

A Lassouplissement de la jurisprudence

Dans laffaire porteacutee devant la cour dappel de Paris que nous avons abordeacutee rapidement

preacuteceacutedemment un couple dont la femme ne peut assurer la gestation en raison dune

malformation congeacutenitale se rend en Californie ougrave il conclut une convention portant sur la

gestation dun embryon issu de leurs propres gamegravetes Des jumelles naissent de cette

convention Le droit californien fait abstraction du deacutefaut daccouchement La concubine est

inscrite comme megravere dans les registres de naissance de Californie Quelques semaines plus

tard le couple reconnaicirct les enfants en France Mais agrave leur retour dans lHexagone ils sont

placeacutes en garde agrave vue puis mis en examen pour laquo entremise entre une personne deacutesireuse

dadopter un enfant et un parent deacutesireux dabandonner son enfant neacute ou agrave naicirctre raquo et pour laquo

simulation ayant entraicircneacute une atteinte agrave leacutetat civil de lenfant raquo

En 2004 le juge dinstruction rend un non-lieu sur les poursuites peacutenales les faits seacutetant

deacuterouleacutes dans un pays ougrave cette pratique est leacutegale Le parquet a alors continueacute son offensive

sur le terrain civil et chercheacute agrave faire annuler la filiation et la transcription sur leacutetat civil Le

tribunal de grande instance a deacuteclareacute cette demande irrecevable en deacutecembre 2005 Une

deacutecision rendue par la cour dappel de Paris confirme ce jugement le 25 octobre dernier apregraves

avoir estimeacute que laquo La non-transcription des actes de naissances aurait des conseacutequences

contraires agrave linteacuterecirct supeacuterieur des enfants qui au regard du droit franccedilais se verraient priveacutes

dactes deacutetat civil indiquant leur lien de filiation y compris agrave leacutegard de leur pegravere biologique

raquo

La question sera deacutesormais soumise agrave la Cour de cassation qui a deacutejagrave pris des deacutecisions

progressistes dans des questions relatives au droit de la famille notamment dans linteacuterecirct de

lenfant Elle a ainsi fait le 24 feacutevrier 2006 un pas important vers la reconnaissance de

lhomoparentaliteacute en autorisant quun parent homosexuel deacutelegravegue tout ou partie de son

autoriteacute parentale agrave son partenaire avec lequel il vit en union stable agrave condition que cette

mesure soit prise dans linteacuterecirct supeacuterieur de lenfant (36)

Le plus important reacuteside dans le fait que la cour dappel de Paris a estimeacute que la non-

transcription sur les actes de naissance aurait des conseacutequences contraire agrave llaquo inteacuterecirct de

lenfant raquo Depuis longtemps linteacuterecirct de lenfant est au centre du droit de la famille et depuis

quelques anneacutees celui-ci devient veacuteritablement la pierre angulaire de cette discipline (37)

Dans un arrecirct du 18 mai 2005 la premiegravere chambre civile de la Cour de cassation preacutecise au

visa de larticle 3-1 de la Convention relative aux droits de lenfant que laquo dans toutes les

deacutecisions qui concernent les enfants linteacuterecirct supeacuterieur de lenfant doit ecirctre une

consideacuteration primordiale raquo (38) Mais que faut-il entendre par inteacuterecirct supeacuterieur de lenfant

(39)

Bien que le nouvel article L 112-4 du Code de laction sociale et des familles (40) et larticle

371-1 du Code civil semblent deacutefinir les eacuteleacutements constitutifs de cette notion llaquo inteacuterecirct de

lenfant raquo reste un concept assez flou que le leacutegislateur et les juges se gardent bien de deacutefinir

preacuteciseacutement on ne peut limiter linteacuterecirct supeacuterieur de lenfant agrave la protection de sa santeacute de sa

seacutecuriteacute et de sa moraliteacute Certes ces eacuteleacutements sont les bases de linteacuterecirct de lenfant mais

32

puisque celui-ci peut deacutepasser le strict cadre du droit de lautoriteacute parentale voire du droit de

la famille cette vision serait bien trop reacuteductrice

Le sens de cette notion peut encore sobscurcir si lon considegravere quelle peut se confondre avec

dautres concepts voisins Larticle 371-5 doit ainsi conduire agrave distinguer linteacuterecirct de lenfant de

celui de la fratrie En effet si celle-ci a inteacuterecirct agrave rester unie certaines circonstances permettent

deacutecarter un de ses membres dans son inteacuterecirct exclusif

Un amendement proposait cependant agrave la suite du nouvel article L 112-4 du Code de laction

sociale et des familles une deacutefinition inteacuteressante laquo Linteacuterecirct supeacuterieur de lenfant est deacutefini

comme lassurance de la protection de sa seacutecuriteacute personnelle et affective lassurance dun

contexte familial permettant un bon deacuteveloppement physique intellectuel affectif et social

lassurance dune relation dattachement parental permettant de se construire Linteacuterecirct

supeacuterieur de lenfant tel que deacutefini constitue son projet de vie raquo (41)

On ne peut que se feacuteliciter de la mise en avant de linteacuterecirct de lenfant pour deacuteroger agrave la sacro-

sainte interdiction des megraveres porteuses car il est vrai quil ne faut pas oublier que limportant

reste dabord et avant tout lenfant qui a et doit avoir une place centrale au sein de la famille

On peut envisager que cette reacutecente jurisprudence puisse influencer la reacuteflexion sur le recours

aux laquo megraveres porteuses raquo sur le territoire national qui conduise agrave une eacutevolution de la loi

B Vers une eacutevolution de la loi

Alors que la France interdit la laquo gestation pour autrui raquo cette pratique a eacuteteacute leacutegaliseacutee dans de

nombreux pays La France a donc une leacutegislation moins libeacuterale que dautres leacutegislations

nationales La pratique de la gestation pour autrui est notamment autoriseacutee aux Etats-Unis au

Canada en Australie et dans plusieurs pays de lUnion europeacuteenne (Espagne et Belgique

Gregravece et Royaume-Uni notamment) (42) La question de la leacutegalisation des megraveres porteuses

est tregraves controverseacutee en France et demanderait un strict encadrement (43)

On enseigne habituellement que les questions deacutetat ne peuvent deacutependre de la seule volonteacute

individuelle Leacutetat des personnes - le droit de la filiation en particulier - eacutechapperait aux

conventions Mais ce principe nest plus si absolu Leacutevolution contemporaine reacuteduit laspect

institutionnel Une place nettement importante a eacuteteacute faite dans lorganisation des relations

familiales agrave la volonteacute individuelle laquo Laccroissement du pouvoir des volonteacutes individuelles

dans le droit de la famille est une marque essentielle de ce droit raquo (44) Dougrave la justesse de

lexpression laquo contractualisation du droit de la famille raquo Le rocircle de la volonteacute individuelle

tend agrave ecirctre de plus en plus important (45) Tel est le cas du divorce du PACS et du mariage

La procreacuteation nest plus la finaliteacute avec larriveacutee en force dans des pays voisins du mariage

homosexuel

Une certaine eacutevolution des mentaliteacutes ainsi que la dispariteacute entre la loi franccedilaise et dautres

leacutegislations nationales pourraient bien donner lieu agrave un assouplissement de cette leacutegislation

(46)

La gestation pour autrui permet de pallier certaines formes de steacuteriliteacute feacuteminine en raison

dune absence ou dune deacuteformation duteacuterus de conseacutequences de cancer ou reacutesultant dune

hysteacuterectomie de fausses couches reacutepeacuteteacutees dune contre-indication meacutedicale agrave la grossesse ou

de nombreux eacutechecs de feacutecondations in vitro (47) Dans ce cas on implante les gamegravetes des

parents geacuteneacutetiques dans le ventre de la megravere porteuse

33

Un autre argument favorable agrave cette pratique est la certitude apaisante pour le couple steacuterile

de ce que lenfant porteacute en uteacuterus tiers nen sera pas moins leur veacuteritable enfant geacuteneacutetique

puisque conccedilu agrave partir de leurs propres gamegravetes

De plus il faut deacutenoncer une incoheacuterence Une femme empecirccheacutee par la loi de donner avant

sa grossesse agrave un couple agreacuteeacute par elle lenfant quelle portera moyennant eacutequitable

reacutecompense possegravede en revanche le droit discreacutetionnaire de labandonner une fois neacute au

hasard des eacutetablissements ou du service de lASE ou pis encore de recourir agrave une

interruption volontaire de grossesse pendant les douze premiegraveres semaines (48)

La possession deacutetat repreacutesente une valeur humaine et sociale qui doit ecirctre prise en compte en

tant que telle Comme lont joliment affirmeacute M Hauser et Mme Huet-Weiller laquo elle est la

veacuteriteacute des sentiments la veacuteriteacute du coeur tout aussi respectable sinon plus que celle des

registres deacutetat ou mecircme de nos gegravenes raquo (49) Ainsi on peut ecirctre favorable agrave cette reacuteflexion

sous certains reacuteserves

Tout dabord le couple demandeur devait avoir plus de 18 ans et linfertiliteacute devrait ecirctre

meacutedicalement eacutetablie Ensuite seule lutilisation des gamegravetes (sperme et ovocytes) du couple

serait autoriseacutee afin deacuteviter que la gestatrice soit aussi la megravere biologique de lenfant (pour

eacuteviter des liens trop forts eacutetablis entre elle et le beacutebeacute)

De son cocircteacute la megravere porteuse devait avoir plus de 18 ans et accepter de subir des tests divers

avant la grossesse Elle serait la seule agrave donner un consentement valable concernant la gestion

de sa grossesse et elle abandonnerait ses droits parentaux agrave la naissance de lenfant tout en

assistant le couple demandeur lors de la deacutelivrance du certificat de naissance Le

consentement devrait aussi ecirctre obtenu par un entretien psychologique meacutedical et juridique

Seul le juge pourrait donner laccord au deacutebut du processus Le couple demandeur devait

sengager agrave assumer la garde de lenfant degraves sa naissance afin deacuteviter soit une non-remise

denfant soit un refus de lenfant - par exemple en cas de handicap

Concernant la reacutemuneacuteration de la megravere porteuse la marchandisation est inacceptable Les

intermeacutediaires reacutemuneacutereacutes seraient interdits Le principe du volontariat et de la gratuiteacute sont

essentiels le don de vie (50)

Enfin il ne sagirait pas de reacutemuneacuteration mais de compensation financiegravere destineacutee agrave

deacutedommager les inconveacutenients lieacutes agrave la grossesse sur la base de la loi laquo Huriet raquo (loi sur la

recherche meacutedicale avec volontaires sains) Le couple demandeur devrait prendre agrave sa charge

les deacutepenses meacutedicales leacutegales et psychologiques ainsi quun montant raisonnable alloueacute agrave la

megravere porteuse pour subvenir agrave ses besoins Les juges appreacutecieraient librement ce que peut ecirctre

un montant laquo raisonnable raquo sans que cela puisse jamais ecirctre consideacutereacute comme une laquo vente raquo

denfant

(1) B Debreacute et S Agacinski laquo Faut-il leacutegaliser les megraveres porteuses en France raquo Le Figaro Magazine du samedi 10 novembre 2007 p 50

34

(2) G David laquo Don et utilisation du sperme raquo in Actes du colloque Geacuteneacutetique procreacuteation et

droit Actes sud 1985 p 205 G-M Faure Le deacutesir denfant agrave leacutepreuve du droit Essai sur le droit de la procreacuteation meacutedicalement assisteacutee Thegravese Universiteacute de Lille 1992 p 7

(3) G Lebreton Liberteacutes publiques et droits de lhomme 6e eacuted Armand Colin 2003 p 262

(4) CE 22 janvier 1988 Lebon 1988 p 37

(5) La Cour de cassation a enteacuterineacute la position de la cour dappel de Paris pour laquelle laquo ni laltruisme du comportement de la megravere de substitution ni le caractegravere deacutesinteacuteresseacute des activiteacutes de lassociation ne sont propres agrave faire disparaicirctre lilliceacuteiteacute qui frappe laccord litigieux raquo Cass civ 1re 13 deacutecembre 1989 Bull civ I no 387 Defreacutenois 1990 art 34802 no 55 obs J-L Aubert D 1990 p 273 JCP eacuted G 1990 II 21526 note A Seacuteriaux propos recueillis par C Slobodansky laquo Le droit doit limiter les progregraves de la science raquo LPA du 7 mai 2004 no 92 p 60

(6) laquo La convention par laquelle une femme sengage fucirct-ce agrave titre gratuit agrave concevoir et porter un enfant pour labandonner agrave sa naissance contrevient tant au principe dordre public de lindisponibiliteacute du corps humain quagrave celui de lindisponibiliteacute de leacutetat des personnes raquo Cass ass pleacuten 31 mai 1991 Bull civ ass pleacuten no 4 Defreacutenois 1991 art 35142 no 103 obs J-L Aubert Defreacutenois 1991 art 35088 no 67 note J Massip RTD civ 1991 p 517 obs D Huet-Weiller et p 489 note M Gobert M Gobert laquo Reacuteflexions sur les sources du droit et les

principes dindisponibiliteacute du corps humain et de leacutetat des personnes agrave propos de la materniteacute de substitution raquo RTD civ 1992 p 489 et s speacutec p 501 dans ce sens v deacutejagrave les remarques de P Murat laquo Laction de lordonnance du 4 juillet 2005 sur la possession deacutetat raquo Dr Famille 2006 eacutetude no 6 speacutec no 7 V aussi J Massip laquo Linsertion dans le Code civil de dispositions relatives au corps humain agrave lidentification geacuteneacutetique et agrave la procreacuteation meacutedicalement assisteacutee raquo Defreacutenois 1995 art 35975 et 35992

(7) En ce sens V Depadt-Sebag laquo De la neacutecessiteacute dune reacuteforme de larticle 16-7 du Code civil relatif agrave linterdiction de gestation pour autrui raquo RGD meacuted 2004 no 12 p 135 et s

(8) Art 227-12 et s C peacuten

(9) CA Paris 1re feacutevrier 2001 RTD civ 2001 p 347 obs J Hauser Cass civ 1re 9 deacutecembre 2003 Bull civ I no 252 p 201 CA Rennes 4 juillet 2002 D 2002 p 2904

(10) Cass civ 1re 20 feacutevrier 2007 Defreacutenois 2007 art 38595 no 45 obs J Massip

(11) V Depadt-Sebag laquo De la neacutecessiteacute dune reacuteforme de larticle 16-7 du Code civil relatif agrave linterdiction de gestation pour autrui raquo preacutec no 12 p 135 et s

(12) L no 2004-800 du 6 aoucirct 2004 relative agrave la bioeacutethique JO du 7 aoucirct 2004 p 14040 J Massip art preacutec

(13) Dans ce sens v M Gobert laquo Reacuteflexions sur les sources du droit et les principes dindisponibiliteacute du corps humain et de leacutetat des personnes agrave propos de la materniteacute de substitution raquo preacutec p 489 et s speacutec p 513

(14) V Depadt-Sebag laquo De la neacutecessiteacute dune reacuteforme de larticle 16-7 du Code civil relatif agrave linterdiction de gestation pour autrui raquo preacutec no 12 p 135 et s E Camuzet La convention de gestation pour autrui une illeacutegaliteacute franccedilaise injustifieacutee Meacutemoire Lille 2 Universiteacute du droit et de la santeacute 2005-2006 p 55

(15) A Mayer-Jack laquo Les conventions relatives agrave la personne physique raquo Rev crit leacutegisl et jurispr 1993 p 6

(16) G Meacutemeteau laquo Une distinction est opeacutereacutee sur la reacutefeacuterence des donneacutees acquises de la science agrave la date des soins par opposition agrave la notion erroneacutee de donneacutees actuelles de la science raquo note sous Cass civ 1re 6 juin 2000 JCP eacuted G 2001 II 10447

(17) Cass civ 1re 13 deacutecembre 1989 Bull civ I no 387 Defreacutenois 1990 art 34815 rapp J Massip D 1990 p 273 JCP eacuted G 1990 II 21526 note A Seacuteriaux

35

(18) Communication J Bernard et comm J Massip Defreacutenois 1990 art 35088 no 67 note J

Massip F Terreacute note sous Cass ass pleacuten 31 mai 1991 JCP eacuted G 1991 II 21752 dans ce sens v les remarques de P Murat laquo Laction de lordonnance du 4 juillet 2005 sur la possession deacutetat raquo preacutec eacutetude no 6 speacutec no 7 G Kessler laquo La consolidation de situations illicites dans linteacuterecirct de lenfant raquo Dr Famille no 7 juillet 2005 Etude 16

(19) TGI Lille 22 mars 2007 D 2007 no 18 p 1251 note X Labbeacutee B Edelman et C Labrusse-Riau note sous CA Paris 15 juin 1990 JCP eacuted G 1991 II 21653

(20) V Larribau-Terneyre note sous CA Pau 19 feacutevrier 1991 D 1991 juris p 380

(21) J Massip laquo Megravere porteuse et deacutecheacuteance de lautoriteacute parentale raquo LPA du 29 octobre 2003 no 216 p 10 Cass ass pleacuten 31 mai 1991 Bull civ ass pleacuten no 4 Defreacutenois 1991 art 35088 no 67 p 948 obs J Massip D 1991 p 417 rapport Y Chartier note D Thouvenin JCP eacuted G 1991 II 21752 communication J Bernard concl H Dontenwille note F Terreacute RTD civ 1991 p 517 obs D Huet-Weiller

(22) J Rubellin-Devichi laquo Materniteacute de substitution qui est la megravere raquo note sous CA Rennes 4 juillet 2002 JCP eacuted G 2003 I 101 C Ducomte laquo La vraie querelle des megraveres porteuses raquo httppagesperso-orangefrmax-christianducomtemereindexhtm

(23) Propos de Mme F Dekeuwer-Deacutefossez lors de son audition devant le preacutesident M Bloche pour la mission dinformation sur la famille (procegraves-verbal du 5 octobre 2005)

(24) J Hauser obs in RTD civ 1999 p 372 F Dekeuwer-Deacutefossez note sous Cass ass pleacuten 31 mai 1991 D 1992 somm p 59

(25) F Dekeuwer-Deacutefossez laquo Les droits de lenfant raquo D 1992 somm p 59 E Poisson-Drocourt laquo Recours agrave une megravere de substitution et refus de ladoption raquo D 2004 p 2001

(26) J-J Lemouland laquo Le tourisme procreacuteatif raquo LPA 2001 no 62 p 24 F Dekeuwer-Deacutefossez laquo Le lien parental raquo LPA du 1er juillet 2004 no 131 p 70 F Granet note sous CA Rennes 4 juillet 2002 D 2002 p 2904

(27) CA Aix-en-Provence 12 mars 2002 Juris-Data no 2002-190443 A Seacuteriaux laquo Droit naturel et procreacuteation artificielle quelle jurisprudence raquo D 1985 chron p 53 J Massip laquo Le nouveau droit de la filiation raquo Defreacutenois 2006 art 38303 p 13

(28) CA Rennes 4 juillet 2002 JCP eacuted G 2003 I 101 note J Rubellin-Devichi

(29) laquo Si le principe structurant de lautoriteacute parentale est linteacuterecirct de lenfant deacutetermineacute in concreto le droit de la filiation nappreacutecie en revanche jamais linteacuterecirct concret dun enfant preacutecis mais linteacuterecirct geacuteneacuteral de lenfant in abstracto raquo A Gouttenoire laquo A chacun sa famille agrave chacun son droit raquo Dr Famille no 7 juillet 2006 Alerte 41

(30) E Camuzet La convention de gestation pour autrui une illeacutegaliteacute franccedilaise injustifieacutee art preacutec p 52

(31) P Raynaud laquo Un abus de ladoption simple les couples adoptifs raquo D 1983 chron p 39 H Gaumont-Prat laquo Pas dadoption pour les enfants issus de convention de megravere porteuse raquo RLDC no 5 mai 2004 p 31 laquo Le rejet dans le non-droit des enfants neacutes dans des circonstances qui deacuterangent la socieacuteteacute relegraveve du deacuteni de la reacutealiteacute porteur de nombreux effets pathogegravenes et injustes raquo

(32) J Rubellin-Devichi laquo Materniteacute de substitution qui est la megravere raquo note sous CA Rennes 4 juillet 2002 preacutec I 101 C Ducomte laquo La vraie querelle des megraveres porteuses raquo preacutec P Raynaud laquo Un abus de ladoption simple les couples adoptifs raquo art preacutec chron p 39 G Kessler laquo La consolidation de situations illicites dans linteacuterecirct de lenfant raquo art preacutec Etude 16

(33) F Dekeuwer-Deacutefossez laquo Reacuteflexion sur les mythes fondateurs du droit contemporain de la famille raquo RTD civ 1995 p 269 E Camuzet La convention de gestation pour autrui une illeacutegaliteacute franccedilaise injustifieacutee art preacutec p 66 A Ponsard rapport sous Cass civ 1re 16

36

novembre 1982 JCP eacuted G 1983 II 19954 M-T Meulders-Klein laquo Le droit agrave lenfant face au

droit de lenfant et les procreacuteations meacutedicalement assisteacutees raquo RTD civ 1988 p 645 F Terreacute Lenfant de lesclave Geacuteneacutetique et droit Flammarion 1987 p 128

(34) Convention de New York du 26 janvier 1990 Charte des droits fondamentaux de lUnion europeacuteenne du 7 deacutecembre 2000 Deacuteclaration universelle des droits de lhomme de 1789 Convention internationale des droits de lenfant de 1989

(35) Cass ass plegraven 31 mai 1991 Bull civ ass plegraven no 4 Defreacutenois 1991 art 35142 no 103 obs J-L Aubert et art 35088 no 67 p 948 obs J Massip D 1991 p 417 rapport Y Chartier note D Thouvenin JCP eacuted G 1991 II 21752 communication J Bernard concl H Dontenwille note F Terreacute RTD civ 1991 p 517 obs D Huet-Weiller

(36) Cass civ 1re 24 feacutevrier 2006 Bull civ I no 101 p 95 Defreacutenois 2006 art 38415 no 40 p 1067 obs J Massip D 2006 juris p 897-900 obs D Vigneau T Anatrella laquo Adoption et homoparentaliteacute leacuteclairage des droits de lhomme raquo Dr Famille 2003 no 10 p

8-10 agrave lidentique dans un arrecirct du 22 janvier 1992 D 1993 p 119 note J Vassaux la cour dappel de Poitiers a prononceacute ladoption simple dun enfant neacute dune convention de megravere porteuse au motif que laquo cette adoption nest pas seulement conforme agrave linteacuterecirct de lenfant mais encore constitue une neacutecessiteacute qui deacutecoule des reacutealiteacutes de la vie issues derreurs des adultes dont lenfant ne doit pas subir les conseacutequences raquo

(37) G Kessler laquo La consolidation de situations illicites dans linteacuterecirct de lenfant raquo art preacutec eacutetude no 16 M-T Meulders-Klein laquo Le droit agrave lenfant face au droit de lenfant et les procreacuteations meacutedicalement assisteacutees raquo art preacutec p 645

(38) Cass civ 1re 18 mai 2005 Bull civ I no 211 p 179 V Depadt-Sebag laquo Non-lieu dans une affaire de materniteacute pour autrui raquo D 2005 p 476 J Massip laquo Megravere porteuse et deacutecheacuteance de lautoriteacute parentale raquo art preacutec no 216 p 11 F Terreacute Lenfant de lesclave Geacuteneacutetique et droit op cit adde F Terreacute et D Fenouillet Droit civil Les personnes la famille les incapaciteacutes 6e eacuted Preacutecis Dalloz no 926 M Lamarche laquo Inteacuterecirct supeacuterieur de lenfant de ladmission des effets dune convention de megravere porteuse agrave la destruction du droit franccedilais de la filiation raquo Dr Famille novembre 2007 no 11

(39) M Donnier laquo Linteacuterecirct de lenfant raquo D 1959 chron p 27 F Laroche-Gisserot note sous Cass civ 1re 27 mai 1998 D 1998 p 530 F Millet laquo Ladoption dun inteacuterecirct agrave lautre raquo RRJ 2003-3 p 1777 et s A Gouttenoire laquo A chacun sa famille agrave chacun son droit raquo art preacutec Alerte 41

(40) Par la loi no 2007-293 du 5 mars 2007 reacuteformant la protection de lenfance (JO du 6 mars 2007 Defreacutenois 2007 Leacuteg p 282) le leacutegislateur a inteacutegreacute la notion dinteacuterecirct de lenfant dans le Code de laction sociale et des familles Le nouvel article L 112-4 dudit code dispose que laquo Linteacuterecirct de lenfant la prise en compte de ses besoins fondamentaux physiques intellectuels sociaux et affectifs ainsi que le respect de ses droits doivent guider toutes deacutecisions le concernant raquo

(41) Amendement no 48 rect Protection de lenfance no 3184 Assembleacutee nationale 22 deacutecembre 2006 wwwassemblee-nationalefr v aussi sur lensemble de ces questions les consideacuterations tregraves eacuteclairantes de P Murat note sous CA Rennes 4 juillet 2002 D 2002 p 2902 Dr Famille 2002 comm no 142 note P Murat

(42) F Granet-Lambrechts laquo Materniteacutes de substitution filiation et eacutetat civil Panorama europeacuteen raquo Dr Famille no 12 deacutecembre 2007 eacutetude no 34

(43) D Youf Penser les droits de lenfant PUF 2002 p 2

(44) G Cornu La famille 6e eacuted no 7 J Carbonnier Droit civil t 4 Les obligations PUF coll Theacutemis no 372 p 649

(45) D Fenouillet et P de Vareilles-Sommiegraveres La contractualisation du droit de la famille Economica 2001

37

(46) H Gaumont-Prat laquo Pas dadoption pour les enfants issus de convention de megravere porteuse raquo art preacutec p 31

(47) E Poisson-Droccourt laquo Recours agrave une megravere de substitution et refus de ladoption raquo art preacutec p 2001 note sous Cass civ 1re 9 deacutecembre 2003 G Delaisi de Perseval laquo Gestation pour autrui en quecircte de leacutegitimation raquo httpwwwliberationfr

(48) C Neirinck laquo Les filiations eacutelectives agrave leacutepreuve du droit raquo JCP eacuted G 1997 I 4067 E Camuzet laquo La convention de gestation pour autrui une illeacutegaliteacute franccedilaise injustifieacutee raquo art preacutec p 59

(49) J Hauser et D Huet-Weiller Traiteacute de droit civil La famille Fondation et vie de la famille 2e eacuted LGDJ 1993 p 250

(50) B Debreacute et S Agacinski laquo Faut-il leacutegaliser les megraveres porteuses en France raquo art preacutec p 50 C Atias D 1986 chron p 67

Civ 1egravere

13 deacutecembre 1989

Ndeg de pourvoi 88-15655

Publieacute au bulletin

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Attendu selon les juges du fond que lrsquoassociation ldquo Alma Mater ldquo a pour objet de faciliter la

solution des problegravemes qui se posent aux couples dont la femme est steacuterile deacutesireux

drsquoaccueillir un enfant agrave leur foyer et aux ldquo megraveres porteuses ldquo volontaires qursquoil est proposeacute agrave

la ldquo megravere porteuse ldquo drsquoecirctre inseacutemineacutee artificiellement par la semence du mari ou du concubin

de porter et de mettre au monde lrsquoenfant qui sera deacuteclareacute sur les registres de lrsquoeacutetat civil sans

indication du nom de la megravere reconnu par le pegravere et accueilli au foyer de celui-ci en vue de

son adoption par lrsquoeacutepouse ou la compagne que lrsquoassociation intervient tout au long de ce

processus qualifieacute de ldquo precirct drsquouteacuterus ldquo ou de ldquo don drsquoenfant ldquo qursquoainsi apregraves avoir controcircleacute la

reacutealiteacute de la steacuteriliteacute du couple demandeur et des faculteacutes de feacutecondation de la ldquo megravere porteuse

ldquo geacuteneacuteralement recruteacutee par elle lrsquoassociation fait proceacuteder agrave lrsquoinseacutemination surveille la

grossesse et lrsquoaccouchement srsquooccupe de faire diligenter la proceacutedure drsquoadoption qursquoelle

verse ensuite agrave la megravere une somme forfaitaire - qui en 1987 eacutetait fixeacutee agrave 60 000 francs -

remise par le couple demandeur degraves le deacutebut de la grossesse que lrsquoarrecirct confirmatif attaqueacute

(Aix-en-Provence 29 avril 1988) estimant que cette association avait un objet illicite

contraire aux lois et aux bonnes moeurs en a prononceacute la nulliteacute sur le fondement de lrsquoarticle

3 de la loi du 1er juillet 1901

Sur le moyen unique pris en sa premiegravere branche

Attendu que lrsquoassociation ldquo Alma Mater ldquo fait grief agrave la cour drsquoappel drsquoavoir ainsi statueacute alors

que selon le moyen nrsquoest ni illicite ni contraire aux bonnes moeurs lrsquoassociation qui dans un

but humanitaire non lucratif met en relation un couple demandeur dont la femme est steacuterile et

38

une femme qui accepte drsquoecirctre inseacutemineacutee artificiellement par le mari de porter lrsquoenfant et de le

remettre agrave la naissance agrave ce couple qui lrsquoindemnisera des contraintes et de la gecircne occasionneacutee

par la grossesse de sorte que la juridiction du second degreacute aurait violeacute les articles 3 et 7 de la

loi du 1er juillet 1901

Mais attendu qursquoil reacutesulte des constatations des juges du fond que lrsquoobjet mecircme de

lrsquoassociation est de favoriser la conclusion et lrsquoexeacutecution de conventions qui fussent-elles

verbales portent tout agrave la fois sur la mise agrave la disposition des demandeurs des fonctions

reproductrices de la megravere et sur lrsquoenfant agrave naicirctre et sont donc nulles en application de lrsquoarticle

1128 du Code civil que ces conventions contreviennent au principe drsquoordre public de

lrsquoindisponibiliteacute de lrsquoeacutetat des personnes en ce qursquoelles ont pour but de faire venir au monde un

enfant dont lrsquoeacutetat ne correspondra pas agrave sa filiation reacuteelle au moyen drsquoune renonciation et

drsquoune cession eacutegalement prohibeacutees des droits reconnus par la loi agrave la future megravere que

lrsquoactiviteacute de lrsquoassociation qui tend deacutelibeacutereacutement agrave creacuteer une situation drsquoabandon aboutit agrave

deacutetourner lrsquoinstitution de lrsquoadoption de son veacuteritable objet qui est en principe de donner une

famille agrave un enfant qui en est deacutepourvu que crsquoest degraves lors agrave bon droit que lrsquoarrecirct attaqueacute a

deacutecideacute sur le fondement de lrsquoarticle 3 de la loi du 1er juillet 1901 que cette association eacutetait

nulle en raison de lrsquoilliceacuteiteacute de son objet que la premiegravere branche du moyen est donc sans

fondement

Et sur les deuxiegraveme et troisiegraveme branches du moyen

Attendu qursquoil est fait grief agrave la cour drsquoappel de nrsquoavoir pas reacutepondu aux conclusions faisant

valoir drsquoune part que lrsquointerdiction du ldquo don de gestation ldquo constituait une discrimination

fondeacutee sur la naissance contraire aux dispositions de lrsquoarticle 24 du pacte international relatif

aux droits civils et politiques signeacute agrave New York le 19 deacutecembre 1966 et drsquoautre part que ce ldquo

don de gestation ldquo reposait sur le droit leacutegitime de fonder une famille qui implique le droit

drsquoengendrer reconnu tant par lrsquoarticle 12 de la convention europeacuteenne des droits de lrsquohomme

et des liberteacutes fondamentales du 4 novembre 1950 que par lrsquoarticle 23 du pacte international

preacuteciteacute

Mais attendu que la reconnaissance du caractegravere illicite de la materniteacute pour autrui et des

associations qui srsquoefforcent de la promouvoir qui se deacuteduit des principes geacuteneacuteraux du Code

civil et de regravegles qui sont communes agrave toutes les filiations nrsquoest pas de nature agrave instaurer une

discrimination fondeacutee sur la naissance que le droit de se marier et de fonder une famille

reconnu par lrsquoarticle 12 de la convention du 4 novembre 1950 et par lrsquoarticle 23 du pacte

international du 19 deacutecembre 1966 agrave lrsquohomme et agrave la femme en acircge nubile nrsquoimplique pas le

droit de conclure avec un tiers des conventions portant sur le sort drsquoun enfant agrave naicirctre que

par ces motifs de droit reacutepondant aux conclusions invoqueacutees lrsquoarrecirct se trouve leacutegalement

justifieacute et que les deuxiegraveme et troisiegraveme branches du moyen ne peuvent ecirctre accueillies

PAR CES MOTIFS

REJETTE le pourvoi

Publication Bulletin 1989 I Ndeg 387 p 260

Deacutecision attaqueacutee Cour drsquoappel drsquoAix-en-Provence du 29 avril 1988

39

Cour de cassation Assembleacutee pleacuteniegravere

Audience publique du 31 mai 1991

Ndeg de pourvoi 90-20105 Publieacute au bulletin

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Sur le pourvoi dans lrsquointeacuterecirct de la loi formeacute par M le Procureur geacuteneacuteral pregraves la Cour de

Cassation

Vu les articles 6 et 1128 du Code civil ensemble lrsquoarticle 353 du mecircme Code

Attendu que la convention par laquelle une femme srsquoengage fucirct-ce agrave titre gratuit agrave concevoir

et agrave porter un enfant pour lrsquoabandonner agrave sa naissance contrevient tant au principe drsquoordre

public de lrsquoindisponibiliteacute du corps humain qursquoagrave celui de lrsquoindisponibiliteacute de lrsquoeacutetat des

personnes

Attendu selon lrsquoarrecirct infirmatif attaqueacute que Mme X eacutepouse de M Y eacutetant atteinte drsquoune

steacuteriliteacute irreacuteversible son mari a donneacute son sperme agrave une autre femme qui inseacutemineacutee

artificiellement a porteacute et mis au monde lrsquoenfant ainsi conccedilu qursquoagrave sa naissance cet enfant a

eacuteteacute deacuteclareacute comme eacutetant neacute de Y sans indication de filiation maternelle

Attendu que pour prononcer lrsquoadoption pleacuteniegravere de lrsquoenfant par Mme Y lrsquoarrecirct retient

qursquoen lrsquoeacutetat actuel des pratiques scientifiques et des moeurs la meacutethode de la materniteacute

substitueacutee doit ecirctre consideacutereacutee comme licite et non contraire agrave lrsquoordre public et que cette

adoption est conforme agrave lrsquointeacuterecirct de lrsquoenfant qui a eacuteteacute accueilli et eacuteleveacute au foyer de M et

Mme Y pratiquement depuis sa naissance

Qursquoen statuant ainsi alors que cette adoption nrsquoeacutetait que lrsquoultime phase drsquoun processus

drsquoensemble destineacute agrave permettre agrave un couple lrsquoaccueil agrave son foyer drsquoun enfant conccedilu en

exeacutecution drsquoun contrat tendant agrave lrsquoabandon agrave sa naissance par sa megravere et que portant atteinte

aux principes de lrsquoindisponibiliteacute du corps humain et de lrsquoeacutetat des personnes ce processus

constituait un deacutetournement de lrsquoinstitution de lrsquoadoption la cour drsquoappel a violeacute les textes

susviseacutes

PAR CES MOTIFS

CASSE ET ANNULE mais seulement dans lrsquointeacuterecirct de la loi et sans renvoi lrsquoarrecirct rendu le

15 juin 1990 par la cour drsquoappel de Paris

REQUETE DE M LE PROCUREUR GENERAL PRES LA COUR DE CASSATION

Le Procureur geacuteneacuteral pregraves la Cour de Cassation a lrsquohonneur drsquoexposer

- Que par jugement du 28 juin 1989 le tribunal de grande instance de Paris a rejeteacute la requecircte

preacutesenteacutee par Mme X eacutepouse Y tendant agrave lrsquoadoption pleacuteniegravere de lrsquoenfant Z deacuteclareacutee

comme eacutetant neacutee de M Y mari de la requeacuterante sans indication de filiation maternelle

- Que pour ne pas faire droit agrave cette requecircte les premiers juges ont retenu que les eacutepoux Y

pour remeacutedier agrave la steacuteriliteacute de leur couple avaient eu recours agrave lrsquoassociation Alma Mater

aujourdrsquohui dissoute lrsquoenfant eacutetant neacute drsquoune megravere de substitution qui lrsquoa abandonneacute agrave la

naissance pratique deacuteclareacutee illicite

- Que sur appel de Mme Y la premiegravere chambre civile section C de la cour drsquoappel de

Paris a par arrecirct du 15 juin 1990 infirmeacute la deacutecision entreprise et prononceacute lrsquoadoption

pleacuteniegravere solliciteacutee par la requeacuterante

- Qursquoau soutien de leur deacutecision devenue deacutefinitive les juges du second degreacute ont tireacute de nos

principes geacuteneacuteraux relatifs agrave la filiation des regravegles drsquoordre public concernant les contrats et de

40

certaines conventions ou deacuteclarations internationales des conclusions contraires agrave celles

auxquelles eacutetait parvenue votre premiegravere chambre civile de la Cour de Cassation qui dans un

cas de figure pratiquement identique a par arrecirct du 13 deacutecembre 1989 (association Alma

Mater contre procureur geacuteneacuteral Aix-en-Provence) reconnu le caractegravere illicite de la materniteacute

pour autrui et les associations qui srsquoefforcent de la promouvoir

- Qursquoil importe en cette matiegravere particuliegraverement sensible qui touche agrave un deacutelicat problegraveme de

socieacuteteacute et drsquoeacutethique que soit mis fin agrave des divergences jurisprudentielles majeures et que la

seacutecuriteacute juridique soit assureacutee

PAR CES MOTIFS

Vu lrsquoarticle 17 de la loi du 3 juillet 1967 relative agrave la Cour de Cassation

Requiert qursquoil plaise agrave la Cour de Cassation

CASSE ET ANNULE sans renvoi et dans le seul inteacuterecirct de la loi lrsquoarrecirct rendu le 15 juin 1990

par la cour drsquoappel de Paris ayant fait droit agrave la requecircte en adoption pleacuteniegravere preacutesenteacutee par

Mme X eacutepouse Y

Publication Bulletin 1991 AP Ndeg 4 p 5

Deacutecision attaqueacutee Cour drsquoappel de Paris du 15 juin 1990

Page 22: SEANCE_3 Droit Civil Methodologie

22

preacutejudice reacutesultant de la perte dune chance de devenir parents pour un couple deacutejagrave acircgeacute et qui

rencontre des difficulteacutes pour procreacuteer degraves lors quaurait pu ecirctre eacutetablie la disparition par

leffet de la faute imputeacutee agrave leacutetablissement hospitalier de leacuteveacutenement favorable la

probabiliteacute de la naissance dun enfant (en droit meacutedical G Meacutemeteau Gaz Pal 1997 2

Doctr p 1367) La juridiction administrative a manqueacute une occasion de faire avancer le droit

biomeacutedical dans une affaire inattendue et hautement symbolique

B - Reacuteglementation des eacuteleacutements et les produits du corps

Prenant appui sur les principes geacuteneacuteraux gouvernant le statut du corps humain le reacutegime

juridique des eacuteleacutements et des produits biologiques dorigine humaine peut toutefois preacutesenter

des particulariteacutes

1 - La greffe de visage

9 Le Comiteacute consultatif national deacutethique dans son avis ndeg 82 du 6 feacutevrier 2004 eacutemet un

avis deacutefavorable au preacutelegravevement du visage dune personne deacuteceacutedeacutee ou en langage meacutedical agrave

lallotransplantation de tissus composites En deacutepit des besoins eacutevidents pour la chirurgie

reconstructive des victimes deacutefigureacutees agrave la suite daccidents ou de suicides manqueacutes le

Comiteacute consultatif considegravere que des obstacles dirimants subsistent actuellement pour

ladmission dun tel preacutelegravevement les perspectives de laquo reacuteussite raquo dune telle opeacuteration

demeurent tregraves theacuteoriques les risques de rejet des greffons eacutetant laquo extrecircmement graves raquo il

paraicirct par ailleurs fort deacutelicat de solliciter lautorisation de la famille du deacuteceacutedeacute pour effectuer

les preacutelegravevements la signification eacutethique particuliegravere du visage humain son lien intime agrave la

personnaliteacute et agrave lidentiteacute en font davantage quune piegravece anatomique Cette prudence sinscrit

dans le cadre des principes traditionnels du droit meacutedical la technique envisageacutee relevant

pour lheure davantage de lexpeacuterimentation que de la theacuterapeutique

2 - Les banques de sang de cordon ombilical

10 Les cellules heacutematopoiumleacutetiques preacutesentes dans le sang du cordon ombilical peuvent ecirctre

utiliseacutees pour le traitement de certaines maladies geacuteneacutetiques elles peuvent notamment

repeupler la moelle osseuse du patient et constituer une source de cellules sanguines offrant

ainsi une solution alternative agrave la greffe de moelle osseuse Des banques de ces cellules ont

eacuteteacute creacuteeacutees dans des institutions hospitaliegraveres et plus reacutecemment dans le secteur priveacute Ces

activiteacutes pour certaines agrave but lucratif suscitent eacutevidemment des questions juridiques et

eacutethiques Le Comiteacute national sest en France pencheacute sur ce problegraveme (avis ndeg 74 du 12 deacutec

2002) de mecircme que divers organismes de santeacute europeacuteens Le Groupe europeacuteen deacutethique

institueacute aupregraves du preacutesident de la Commission europeacuteenne a consacreacute agrave ce point son avis ndeg

16 rendu le 16 mars 2004 En substance les sages du Groupe europeacuteen critiquent vivement

louverture de cette activiteacute au secteur commercial degraves lors que les banques priveacutees noffrent

pas un laquo service utile en termes de possibiliteacutes theacuterapeutiques raquo (pt 21) et meacuteritent decirctre

eacutetroitement encadreacutees comme elles le seraient dailleurs en France Dun point de vue plus

geacuteneacuteral ces banques priveacutees de sang ombilical qui demeurent en veacuteriteacute assez marginales

posent la question des activiteacutes commerciales dans les secteurs sensibles de la santeacute qui nest

pas reacutesolue de maniegravere uniforme au sein de lUnion europeacuteenne Ladoption de

reacuteglementations telles que la directive CE ndeg 2004-23 du 31 mars 2004 concernant les aspects

de seacutecuriteacute et de qualiteacute pour les diffeacuterentes opeacuterations relatives aux eacuteleacutements biologiques

dorigine humaine va dans le sens de cette harmonisation

3 - Les normes europeacuteennes de qualiteacute et de seacutecuriteacute concernant les diffeacuterentes opeacuterations

relatives aux tissus et aux cellules humains

11 La directive CE ndeg 2004-23 du 31 mars 2004 constitue un texte important dans un secteur

ougrave lharmonisation communautaire tardait nonobstant le maillage reacuteglementaire existant en

23

matiegravere de meacutedicaments agrave usage humain (Dir CE ndeg 2001-83 du 6 nov 2001) Le texte

sapplique essentiellement aux eacuteleacutements biologiques destineacutes agrave lhomme ou agrave la fabrication de

produits manufactureacutes y compris pour des buts cosmeacutetiques agrave lexception des produits

destineacutes agrave des greffes autologues dans le cadre dune intervention chirurgicale unique du sang

et des produits sanguins (Dir CE ndeg 2002-98 du 27 janv 2002) des organes ou des parties

dorganes utiliseacutes aux mecircmes fins que lorgane entier dans le corps humain Les utilisations agrave

des fins de recherche sont eacutegalement exclues La directive sapplique en revanche aux gamegravetes

et aux cellules souches embryonnaires mais laisse aux Etats membres la faculteacute den autoriser

lutilisation Dune maniegravere geacuteneacuterale le texte communautaire nimpose pas de modegravele eacutethique

mais des obligations techniques dans un but de seacutecuriteacute sanitaire comprenant notamment la

mise en place dun systegraveme qualiteacute et de traccedilabiliteacute la deacutesignation dune personne responsable

mais il insiste cependant sur la gratuiteacute des dons et les exigences en matiegravere de consentement

La transposition qui ne devrait pas affecter de maniegravere sensible le cadre juridique franccedilais

actuel doit intervenir avant le 7 avril 2006

4 - Les cellules souches embryonnaires

12 Moins de deux mois apregraves ladoption de la reacutevision des lois bioeacutethiques et en application

de larticle 37 du nouveau texte qui autorise agrave titre transitoire avant la mise en place de

lAgence de la Biomeacutedecine les ministres concerneacutes agrave permettre limportation agrave des fins de

recherche de cellules souches embryonnaires humaines un deacutecret et un arrecircteacute (JO ndeg 228 du

30 sept 2004 p 16804) du 28 septembre 2004 viennent dy proceacuteder Les recherches sur ces

cellules fort contesteacutees il y a encore peu puisque la preacuteceacutedente autorisation dimportation de

cellules souches dorigine embryonnaire avait fait lobjet dun contentieux (TA Paris 21 janv

2003 D 2004 Somm p 532 obs H Gaumont-Prat LPA 2003 ndeg 196 p 7 note B

Pauvert) entrent donc rapidement dans la reacutealiteacute Ces souches importeacutees seront rapidement

supplanteacutees par pregraves de 50 000 embryons congeleacutes en France dont les geacuteniteurs ont renonceacute agrave

ce quils accegravedent agrave la naissance et qui vont pouvoir prochainement servir de mateacuteriel

dexpeacuterimentation comme la loi nouvelle lautorise deacutesormais

Mots cleacutes

PERSONNE HUMAINE Panorama 2004

Gazette du Palais 29 mai 2004 ndeg 150 P 15 - Tous droits reacuteserveacutes

Famille - Personnes

040412

ADOPTION Adoption pleacuteniegravere - Enfants pouvant faire lobjet dune adoption - Enfant neacute dune megravere

porteuse (non)

La materniteacute pour autrui dont le caractegravere illicite se deacuteduit des principes geacuteneacuteraux du Code

civil et aujourdhui de son article 16-7 reacutealise un deacutetournement de linstitution de ladoption

que les juges du fond ont donc agrave bon droit refuseacute de prononcer sans violer aucun des textes

invoqueacutes

C cass 1re civ 9 deacutecembre 2003 Mme X c Procureur geacuteneacuteral pregraves le Cour dappel de Y-

Pourvoi ndeg 0103927 Q - Rejet (C app Paris 1er feacutevrier 2001) - gr ndeg 1644P

NOTE

Reacuteiteacuteration de linterdiction dune adoption lieacutee agrave une procreacuteation pour le compte

dautrui -

24

Larrecirct rendu le 9 deacutecembre 2003 ne surprendra pas puisquil sinscrit dans la ligne traceacutee par

la Cour de cassation depuis 1989 confirmeacutee par la loi du 29 juillet 1994 relative au respect du

corps humain

En lespegravece Georges D et Denise M seacutetaient marieacutes le 15 deacutecembre 1962 et avaient eu un

enfant Fabrice neacute le 11 novembre 1966 Leacutepouse nayant pu avoir un deuxiegraveme enfant

pourtant vivement souhaiteacute le couple se serait adresseacute agrave une laquoamieraquo qui aurait accepteacute davoir

des relations intimes avec Georges D jusquagrave ce quelle conccediloive un enfant quil eacutetait convenu

de laisser degraves sa naissance au pegravere et agrave son eacutepouse

Cest ainsi que serait neacutee Sarah le 4 juillet 1987 qui fut deacuteclareacutee sur les registres de leacutetat civil

sans indication de filiation maternelle reconnue par Georges D puis recueillie aussitocirct par

celui-ci et son eacutepouse Cette derniegravere avait pris la preacutecaution de seacuteloigner de son domicile

pendant les derniers mois du deacuteveloppement in utero de lenfant afin que la substitution

maternelle soit ignoreacutee de lentourage des deux eacutepoux

Il sagissait donc bien selon les propres dires de Georges et Denise D dune materniteacute pour

autrui sans recours aux techniques modernes de procreacuteation meacutedicalement assisteacutee selon un

processus agrave la fois naturel et vieux comme le monde (1)

En janvier 1999 Denise D a saisi le Tribunal de grande instance dune requecircte en adoption

pleacuteniegravere de la fille de son mari

Le Tribunal par jugement du 8 deacutecembre 1999 puis la Cour dappel de Paris par arrecirct du 1er

feacutevrier 2001 ont rejeteacute sa demande au motif quen application des art 6 et 1128 C civ la

convention par laquelle une femme sengage agrave concevoir et agrave porter un enfant pour

labandonner agrave sa naissance est nulle car elle contrevient tant au principe dordre public de

lindisponibiliteacute du corps humain quagrave celui de lindisponibiliteacute de leacutetat des personnes et que

ladoption envisageacutee neacutetait que lultime phase dun processus illicite constitutif dun

deacutetournement de linstitution de ladoption

On reconnaicirctra lagrave les formules mecircmes employeacutees par la Cour de cassation notamment dans

son arrecirct dassembleacutee pleacuteniegravere du 31 mai 1991 (2) Il nest donc pas eacutetonnant que la Cour

suprecircme ait rendu un arrecirct de rejet dautant plus que sa jurisprudence a eacuteteacute conforteacutee par le

nouvel art 16-7 inseacutereacute dans le Code civil par la loi ndeg 94-653 du 29 juillet 1994 (3) qui

dispose que toute convention portant sur la procreacuteation ou la gestation pour le compte dautrui

est nulle

La Cour de cassation a bien entendu viseacute expresseacutement ce texte nouveau mais elle a tenu agrave

rappeler que le caractegravere illicite se deacuteduisait aussi des principes geacuteneacuteraux du Code civil

faisant ainsi implicitement reacutefeacuterence aux art 6 et 1128 de ce Code sur lesquels elle avait

preacuteceacutedemment fondeacute sa position

Le moyen de cassation tentait deacutechapper agrave la jurisprudence de la Cour suprecircme en se fondant

sur les circonstances de lespegravece et notamment sur le fait que la requecircte en adoption navait

eacuteteacute formeacutee que douze anneacutees apregraves la naissance de lenfant de sorte que lindivisibiliteacute entre la

materniteacute pour autrui et ladoption ne serait pas caracteacuteriseacutee Mais la Cour dappel avait

reacutepondu agrave cette argumentation en eacutenonccedilant que labandon de lenfant agrave naicirctre objet de

lobligation contracteacutee par la megravere biologique eacutetait destineacute agrave permettre que lenfant reconnu

par Georges D puisse ecirctre adopteacute par son eacutepouse et en soulignant que celle-ci avait dans le

mecircme but accepteacute linseacutemination dune autre femme par les gamegravetes de son mari et quelle

avait participeacute activement au processus en prenant toutes preacutecautions pour que la substitution

de materniteacute soit ignoreacutee des tiers

Denise D soutenait en outre que linteacuterecirct de lenfant retenu tant par lart 353 C civ que par

les art 3 et 21 de la Convention internationale des droits de lenfant devait primer sur le souci

de sanctionner lilliceacuteiteacute de la convention qui avait preacutesideacute agrave sa conception et agrave sa naissance

La Cour de cassation ne sest pas arrecircteacutee agrave cette argumentation pas plus quelle ne sy eacutetait

arrecircteacutee en 1991 pour elle lensemble de lopeacuteration est indivisible le deacutetournement de

25

linstitution de ladoption est caracteacuteriseacute et il convient de lutter contre la politique du fait

accompli (4) Laccepter au nom de linteacuterecirct de lenfant ne conduirait-il pas comme on la

souligneacute en doctrine (5) agrave admettre le commerce des enfants sous preacutetexte que bien souvent

ceux-ci y trouveraient beacuteneacutefice

(1) Selon la Bible Sarah eacutepouse dAbraham ne pouvant avoir denfant de lui lenvoya aupregraves

de son esclave eacutegyptienne Agar dont il eut un fils Ismaeumll Agar fut renvoyeacutee avec celui-ci

lorsque Sarah tregraves acircgeacutee mit au monde Isaac le fils de la promesse

Cest sans doute une coiumlncidence si nous trouvons aussi dans notre affaire une laquoSarahraquo qui

tient il est vrai un rocircle tout diffeacuterent de celui deacutevolu agrave son homonyme biblique

Lhistoire reacutevegravele eacutegalement des cas relativement freacutequents ougrave pour pallier agrave la steacuteriliteacute du

mari et pour permettre la continuation de la ligneacutee et la perpeacutetuation dun nom ou dun titre un

laquovaletraquo - souvent ensuite renvoyeacute - eacutetait chargeacute de feacuteconder leacutepouse Le proceacutedeacute eacutetait

juridiquement parfait dans la mesure ougrave par le jeu de la preacutesomption de paterniteacute le mari

devenait leacutegalement le pegravere de lenfant

(2) Cass ass pleacuten 31 mai 1991 Bull civ 1991 ndeg 4 Gaz Pal Rec 1991 panor cass p

162 [912144] D 1991 jur p 417 rapport Y Chartier note G Thouvenin JCP 1991 II

21752 comm J Bernard concl H Dontenwille note F Terreacute Defreacutenois 1991 art 35088

ndeg 67 p 948 obs J Massip RTD civ 1991 517 obs D Huet-Weiller Dans le mecircme sens

v Cass civ 1re 29 juin 1994 Bull civ 1994 I ndeg 226 Gaz Pal Rec 1995 jur p 36 note

J B [943856] D 1994 jur p 581 note Y Chartier JCP 1995 II 223621 note J Rubellin-

Devichi RTD civ 1994 p 842 obs J Hauser Defreacutenois 1995 art 36024 ndeg 4 p 315

obs J Massip

V aussi Cass civ 1re 13 deacutecembre 1989 Bull civ 1989 I ndeg 387 Gaz Pal Rec 1990

panor cass p 66 [901122] D 1990 jur p 273 rapport J Massip Defreacutenois 1990 art

34802 ndeg 55 p 743 obs J-L Aubert et art 34815 p 862 rapport J Massip et JCP 1990 II

21526 note A Seriaux Dans cette affaire la Cour de cassation avait proclameacute par des motifs

analogues agrave ceux adopteacutes par les arrecircts de 1991 et 1994 le caractegravere illicite de la materniteacute

pour autrui et des associations qui sefforcent de la promouvoir

(3) Sur cette loi v notamment notre commentaire in Defreacutenois 1975 art 35975 et 35922

speacutecialement en ce qui concerne lart 16-7 C civ le ndeg 9 de cette eacutetude p 72

(4) Sur ces divers points v notre note preacuteciteacutee sous Cass ass pleacuten 31 mai 1991

(5) Obs J Hauser sous larrecirct rendu le 1er feacutevrier 2001 par la Cour dappel de Paris dans le

preacutesente affaire in RTD civ 2001 347

AD2008DEF0291N1

Reacutepertoire du Notariat Defreacutenois 15 feacutevrier 2008 ndeg 3 P 291 - Tous droits reacuteserveacutes

FILIATION

38717 La convention de megravere porteuse

(Reacuteflexions sur les sources du droit et les principes dindisponibiliteacute du corps humain et de leacutetat des personnes)

Le droit franccedilais prohibe les conventions de megraveres porteuses

26

Malgreacute linterdiction leacutegale de nombreux couples ont chercheacute et cherchent encore agrave

contourner cette interdiction notamment en ayant recours agrave des megraveres de substitution dans

des pays eacutetrangers ougrave cette pratique est autoriseacutee

La Cour de cassation veille agrave ce que linstitution de ladoption ne soit pas deacutetourneacutee au profit

de ces parents

Dans un arrecirct du 25 octobre 2007 la cour dappel de Paris vient de reacuteouvrir le deacutebat non sur

le terrain de la convention mais sur celui de la non-transcription des actes de naissance et de

linteacuterecirct supeacuterieur de lenfant

Une excellente occasion de faire le point sur la question et de sinterroger pour lavenir avant

la reacutevision de la loi bioeacutethique en 2009

par Rabih CHENDEB

Docteur en droit

ATER agrave lUniversiteacute de Picardie Jules Verne

laquo La science va Elle est ineacuteluctable Ce quil faut cest la rendre eacutethique raquo (1)

Le droit positif franccedilais interdit de recourir aux megraveres porteuses si un couple conccediloit un

embryon in vitro qui est implanteacute dans luteacuterus dune tierce femme cest cette tierce femme

qui est la megravere selon la loi franccedilaise et les parents biologiques ne peuvent avoir aucun droit

mecircme en cas dabandon de lenfant agrave la naissance par la megravere porteuse La loi bioeacutethique de

1994 a interdit la gestation pour autrui car cela soulevait des questions

dinstrumentalisation et de commercialisation du corps de la femme

De nombreux couples en mal denfants ont depuis longtemps chercheacute agrave contourner les regravegles

notamment en ayant recours agrave des megraveres de substitution qui vivent dans des pays ougrave cette

pratique est autoriseacutee Jusquagrave preacutesent la Cour de cassation ne sy est jamais laisseacutee prendre et

condamnait ladoption faite par les parents de lenfant de la megravere porteuse consideacuterant quil

sagissait dun deacutetournement de linstitution de ladoption (I)

Le 25 octobre 2007 la cour dappel de Paris vient donner lespoir dune ouverture vers

lacceptation dans linteacuterecirct de lenfant de cette deacutemarche Cette deacutecision de la cour dappel

pourrait changer les choses en attendant la reacutevision de la loi bioeacutethique preacutevue en 2009 Une

chose est sucircre cet arrecirct a le meacuterite douvrir le deacutebat et de poser la question de linteacuterecirct de

lenfant comme exception agrave lindisponibiliteacute de leacutetat des personnes et agrave linterdiction de la

pratique des megraveres porteuses Une certaine eacutevolution des mentaliteacutes ainsi que la dispariteacute

entre la loi franccedilaise et dautres leacutegislations nationales pourraient donner lieu agrave un

assouplissement de cette leacutegislation (II)

I Lhostiliteacute du leacutegislateur et de la jurisprudence agrave leacutegard de la convention de megravere porteuse

Au siegravecle dernier seacutetaient deacuteveloppeacutees des associations ayant pour but de faire se rencontrer

des couples deacutesireux davoir un enfant et des femmes acceptant de le porter pour ensuite le

leur laquo ceacuteder raquo par contrat Pour des raisons plus ou moins louables le proceacutedeacute fut rapidement

condamneacute par le droit franccedilais (A) tout comme ladoption qui sen suivait (B)

27

A Le caractegravere illicite de la convention de megravere porteuse

La megravere porteuse met en effet agrave mal le scheacutema classique de la famille On affirmait en Droit

romain que la megravere eacutetait sucircre et que le pegravere eacutetait le mari Le Code napoleacuteon a enteacuterineacute cette

conception Dire que lenfant possegravede une megravere geacuteneacutetique et une megravere uteacuterine va agrave lencontre

de ses dispositions (2)

Pris au deacutepourvu le leacutegislateur franccedilais a tardeacute agrave reacuteagir face aux progregraves scientifiques Il en

est reacutesulteacute un vide juridique auquel la jurisprudence sest efforceacutee de faire face Devant cette

heacutesitation bien compreacutehensible du droit les ressources de la morale de la deacuteontologie et

surtout de la bioeacutethique ont eacuteteacute solliciteacutees (3) Le Conseil dEtat confronteacute aux associations

voulant intervenir dans ce domaine a ainsi prononceacute la dissolution de ces associations pour

objet illicite (4) Le 13 deacutecembre 1989 la premiegravere chambre civile de la Cour de cassation a

releveacute le principe dindisponibiliteacute du corps humain par une interpreacutetation a contrario de

larticle 1128 du Code civil qui dispose qu laquo il ny a que les choses qui sont dans le

commerce qui puissent ecirctre lobjet des conventions raquo La personne ne dispose pas de son

corps elle nen est pas proprieacutetaire (5) Le 31 mai 1991 lassembleacutee pleacuteniegravere de la Cour de

cassation vise les articles 6 1128 et 353 du Code civil afin daffirmer le caractegravere illicite de la

convention conclue entre une megravere porteuse et un couple steacuterile En effet ce contrat porte sur

deux corps humains la megravere et lenfant (6)

Rapidement le leacutegislateur est venu leacutegifeacuterer dans ce sens avec la loi no 94-653 du 29 juillet

1994 relative agrave la bioeacutethique pour que le Code civil reconnaisse le corps humain en tant que

tel Cette loi prend deacutesormais explicitement en compte le corps humain parce quil a voulu

promouvoir son respect face au deacuteveloppement des sciences biomeacutedicales Cette loi a entraicircneacute

la modification et la creacuteation darticles dans le Code civil et le Code peacutenal

Le principe du respect de la digniteacute de la personne humaine est poseacute par larticle 16 du Code

civil laquo La loi assure la primauteacute de la personne interdit toute atteinte agrave la digniteacute de celle-ci

et garantit le respect de lecirctre humain degraves le commencement de sa vie raquo Le nouvel article 16-1

preacutevoit que laquo Chacun a droit au respect de son corps Le corps humain est inviolable Le

corps humain ses eacuteleacutements et ses produits ne peuvent faire lobjet dun droit patrimonial raquo

Par conseacutequent selon larticle 16-5 laquo Les conventions ayant pour effet de confeacuterer une

valeur patrimoniale au corps humain agrave ses eacuteleacutements ou agrave ses produits sont nulles raquo De mecircme

quand une personne accepte de donner son sang ce ne peut ecirctre quagrave titre beacuteneacutevole Enfin

larticle 16-7 dispose mecircme laquo Toute convention portant sur la procreacuteation ou la gestation

pour le compte dautrui est nulle raquo (7)

En outre cette interdiction est assortie dune sanction peacutenale pouvant aller jusquagrave un an

demprisonnement et 15 000 euro damende pour celui qui sentremet ou tente de sentremettre

entre une personne ou un couple deacutesireux daccueillir un enfant et une femme acceptant de

porter en elle cet enfant en vue de le leur remettre Lorsque ces faits ont eacuteteacute commis agrave titre

habituel ou dans un but lucratif les peines sont porteacutees au double (8)

En deacutepit de la reacutesistance de quelques juges du fond qui ont admis ladoption la Cour de

cassation na pas infleacutechi sa position (9) Elle sest reacutecemment opposeacutee agrave ladoption simple

dun enfant par un couple homosexuel estimant cette adoption contraire agrave laquo linteacuterecirct supeacuterieur

de lenfant raquo (10)

28

Analyseacutes dans le contexte de ces deacutecisions les deux principes de lilliceacuteiteacute des conventions et

de lindisponibiliteacute du corps humain expriment une mecircme ideacutee la condamnation dune

convention qui porte sur le corps humain celui de lenfant agrave naicirctre et celui de la femme qui la

conccedilu et porteacute

Toutefois les motifs adopteacutes par la Cour de cassation savegraverent dune extrecircme faiblesse En

effet ces motifs sont lieacutes agrave lilliceacuteiteacute de lobjet des conventions agrave lindisponibiliteacute du corps

humain ainsi quagrave lindisponibiliteacute de leacutetat des personnes (11) Pourtant les lois dites laquo

bioeacutethiques raquo du 29 juillet 1994 puis la loi du 6 aoucirct 2004 (12) relative agrave la bioeacutethique ont

admis lutilisation des eacuteleacutements et des produits du corps humain agrave des fins theacuterapeutiques ou

scientifiques Effectivement une loi en date du 24 janvier 1953 deacutetermine laquo les tarifs de

cession du sang raquo Les dispositions sont aujourdhui dans le Code de la santeacute publique Degraves

lors on peut donner ses gamegravetes ses organes son sang Il semble que plus quune approche

anthropologique des sciences meacutedicales (qui conduiraient agrave une ineacutevitable instrumentalisation

du corps des hommes) il existerait ce que nous appelons une technoscience laquo de linvisible

raquo que seul le droit accepte de leacutegitimer (13)

Par ailleurs la terminologie employeacutee par le leacutegislateur de 1994 est eacuteloquente Cest

certainement parce que le principe dindisponibiliteacute du corps humain sest aveacutereacute irreacutealiste videacute

de sa substance par le nombre et limportance de ses exceptions que le leacutegislateur lui a preacutefeacutereacute

celui de non-patrimonialiteacute qui figure aujourdhui aux articles 16-1 16-5 et 16-6 du Code

civil Il est donc possible de disposer de son corps agrave titre de dons dans les limites de la loi

(14)

Pour conclure sur ce point il sera emprunteacute les propos de Mme Mayer-Jack laquo

Malheureusement si ce principe dindisponibiliteacute du corps humain possegravede les qualiteacutes trop

rares decirctre nettement formuleacute et universellement admis il apparaicirct agrave la reacuteflexion frappeacute dun

vice radical il se reacutevegravele contraire aux faits raquo (15)

B La nulliteacute de ladoption

En matiegravere de materniteacute de substitution lenfant reste au coeur du deacutebat Il est laquo lobjet raquo de la

convoitise du couple demandeur et lobjet de la convention En vue de permettre

leacutetablissement dune filiation adoptive deux processus eacutetaient suivis par lesdits couples

processus que la Cour de cassation sempressa dinterdire agrave son tour

1 Le contournement aveacutereacute de la loi par les couples restant en France

En effet le processus se deacuteroulait en trois eacutetapes dans un premier temps lembryon issu des

gamegravetes du couple ou du mari et de la femme porteuse eacutetait implanteacute dans luteacuterus de cette

derniegravere La megravere porteuse suivait sa grossesse normalement notamment au regard du suivi

meacutedical (16) Ensuite elle accouchait anonymement La leacutegislation autorise les

accouchements laquo sous X raquo et reconnaicirct ainsi aux parturientes le droit de ne pas ecirctre megraveres si

elles ne le deacutesirent ou ne le peuvent pas Le pegravere fournisseur de sperme quant agrave lui effectuait

une reconnaissance preacutenatale de lenfant A sa naissance il le reconnaissait Lenfant avait

donc un pegravere mais sans indication de la filiation maternelle Enfin leacutepouse de ce dernier

adoptait de maniegravere pleacuteniegravere lenfant Leacutetat de mariage de la megravere porteuse ne changeait rien

puisque laccouchement anonyme empecircchait que le mari soit consideacutereacute comme pegravere preacutesumeacute

29

Depuis larrecirct Alma Mater (17) nous savons que la convention de materniteacute de substitution

est nulle car contrevenant agrave lordre public (18) Mais jusqualors la jurisprudence avait eu le

soin de dissocier convention et adoption Toute convention portant sur la procreacuteation ou la

gestation pour le compte dautrui eacutetant nulle la convention de megravere porteuse ayant permis la

naissance de lenfant en cause est donc incontestablement frauduleuse Degraves lors la possession

deacutetat sur laquelle les demandeurs se fondent pour voir eacutetablir un lien de filiation leacutegitime agrave

leur profit et lacte de notorieacuteteacute quils ont ainsi obtenu sont eux-mecircmes vicieacutes et ne peuvent

donc permettre leacutetablissement dun tel lien Par ailleurs la Convention de New York sur les

droits de lenfant garantit notamment agrave celui-ci laccegraves agrave ses origines Or lapplication de la

convention frauduleuse aurait pour effet de consacrer un mensonge lacte de naissance qui

serait eacutetabli sur le fondement de cette convention aboutirait en effet agrave nier totalement les

conditions dans lesquelles lenfant a eacuteteacute conccedilu En conseacutequence les demandeurs ne pourront

se preacutevaloir de la possession deacutetat vicieacutee pour obtenir la retranscription de lacte de notorieacuteteacute

sur lacte de naissance de lenfant (19) Ainsi la prohibition de la convention a entraicircneacute dans

son sillage une impossibiliteacute dadoption par leacutepouse du pegravere (20) Il y a deacutetournement de

linstitution de ladoption pleacuteniegravere en ce que lenfant a eacuteteacute conccedilu pour ecirctre abandonneacute par sa

megravere et adopteacute par une autre (21)

Il en reacutesulte que cest labandon de lenfant qui rend impossible ladoption par leacutepouse du

mari Or labandon de lenfant constitue deacutejagrave une deacutemarche parfaitement licite et reacuteglementeacutee

par la loi Il suffit pour sen convaincre de lire attentivement les textes adeacutequats agrave savoir les

articles 61 et 62 du Code de la famille et de laide sociale 348-3 et 350 du Code civil et 1158

agrave 1163 du Code de proceacutedure civile Il suffit agrave la megravere et plus geacuteneacuteralement agrave la personne

investie des droits parentaux de confier 1enfant agrave un eacutetablissement ou agrave un service de laide

sociale agrave 1enfance (ASF) ou mecircme agrave un particulier puis de sen deacutesinteacuteresser

manifestement pendant une anneacutee nentretenant avec lui aucune relation neacutecessaire au

maintien de liens affectifs Le tribunal de grande instance peut degraves lors sauf agrave prendre en

consideacuteration le cas exceptionnel de grande deacutetresse du parent deacutefaillant deacuteclarer 1enfant

abandonneacute agrave la requecircte de tout inteacuteresseacute et notamment de leacutetablissement service ou famille

daccueil (22) laquo On cesse dinterdire une pratique non pas lorsquelle se deacuteveloppe mais

lorsquon ne sait plus pourquoi elle est interdite raquo (23)

Dailleurs une contradiction engendre ce refus dadoption En effet laquo consideacuterer ladoption

indissociable de la convention revient agrave ne voir lenfant que comme lobjet de cette convention

raquo (24) Ainsi les parents ont pu eacutetablir anteacuterieurement agrave la naissance le processus dont

ladoption est laquo lultime phase raquo Mais ce processus nest pas fait dans lintention de nuire agrave

lenfant Alors comment comprendre la seacuteveacuteriteacute afficheacutee de la Cour de cassation

Traiter lenfant comme une veacuteritable personne implique de dissocier la convention ougrave il

nintervient pas et ladoption dont il est partie prenante et mecircme partie principale Il faut

sinterroger sur son inteacuterecirct propre quitte agrave le confronter ensuite agrave ceux auxquels il soppose

(25)

2 Lexpansion du tourisme procreacuteatif

La dispariteacute des regravegles nationales agrave propos de la gestation pour autrui a conduit certains

couples agrave se rendre agrave leacutetranger pour pouvoir avoir recours agrave une megravere porteuse on parle

deacutesormais de laquo tourisme procreacuteatif raquo (26)

30

Lagrave encore le processus deacutebute par une inseacutemination artificielle mais les pays ayant leacutegaliseacute la

gestation pour le compte dautrui permettent par ailleurs que lembryon inseacutemineacute dans

luteacuterus de la femme soit issu de la rencontre des gamegravetes des deux parents demandeurs

Lenfant est donc geacuteneacutetiquement lenfant du couple Il a pour parent degraves sa naissance le

couple demandeur il porte leur nom et le preacutenom quils lui ont choisi Mais pour exister en

France il est neacutecessaire de recourir agrave une transcription sur les registres de leacutetat civil franccedilais

de lacte de naissance eacutetranger Lagrave encore la seacuteveacuteriteacute est de mise puisque le parquet de

Nantes qui a en charge la transcription des eacutetats civils venant de leacutetranger refuse

systeacutematiquement cette transcription qui nest pas conforme agrave la leacutegislation franccedilaise (27)

Les magistrats ont eacuteteacute confronteacutes agrave ces situations ougrave la megravere commanditaire deacutesirait eacutetablir un

lien de filiation entre elle et lenfant issu de la convention de materniteacute de substitution

Tel est par exemple le cas qui a eacuteteacute trancheacute par la cour dappel de Rennes le 4 juillet 2002

(28) Dans cet arrecirct la cour dappel a rejeteacute ladoption des enfants par un couple qui a conclu

en Californie une convention portant sur la gestation dun embryon issu de leurs propres

gamegravetes La cour relegraveve que laquo la loi franccedilaise ne donne pas une deacutefinition de la megravere raquo cette

notion est inscrite dans les mentaliteacutes depuis des siegravecles par ladage Mater semper certa est

Cest laccouchement qui deacutetermine la megravere et non la seule reacutealiteacute geacuteneacutetique

Cette jurisprudence installeacutee depuis le ceacutelegravebre arrecirct de lassembleacutee pleacuteniegravere du 31 mai 1991

constitue une atteinte directe agrave linteacuterecirct de lenfant Ce dernier est priveacute de toute filiation

maternelle leacutegalement reconnue et ce sans beacuteneacutefice pour personne (29)

Malheureusement en raison de cette solution les deux enfants sont acircgeacutes de sept ans et vivent

aupregraves de leur pegravere naturel et de sa compagne dont la materniteacute ne peut leacutegalement ecirctre eacutetablie

(30)

Cette jurisprudence preacutesente un point faible Selon larticle 353 du Code civil le tribunal de

grande instance saisi dune requecircte aux fins dadoption pleacuteniegravere veacuterifie si les conditions de

la loi sont remplies et si ladoption est conforme agrave linteacuterecirct de lenfant Or en loccurrence

le preacutetendu droit de lenfant ne coiumlncide pas avec son inteacuterecirct seul mis en avant dans 1article

353 du Code civil Le refus par la cour dappel de prononcer ladoption pleacuteniegravere a priveacute les

deux enfants (au nom de leur droit aussi eacuteminent que symbolique agrave la non-chosification) dun

avantage concret et primordial leur admission au statut denfants leacutegitimes de leurs vrais

parents geacuteneacutetiques (31) Simples enfants naturels ou adulteacuterins de leur pegravere ils demeureront

sans lien de filiation maternelle Un tel problegraveme meacuterite que les juridictions se penchent au

moins sur lui (32) La protection de linstitution de ladoption sopegravere au deacutetriment du droit

reconnu agrave lenfant deacutetablir sa filiation par le biais dune discrimination fondeacutee sur les

circonstances de sa naissance (33) La jurisprudence nous semble aller agrave lencontre des

engagements internationaux contracteacutes par la France (34)

II Leacutevolution des mentaliteacutes vers une leacutegislation plus souple

Jusquagrave preacutesent la jurisprudence a toujours interdit ladoption des enfants par des couples

ayant eu recours agrave la gestation pour autrui consideacuterant quil sagit dun deacutetournement de

linstitution de ladoption (35)

Un grand quotidien Libeacuteration reacutevegravele que la cour dappel de Paris a reconnu comme parents

leacutegitimes de jumelles un couple franccedilais ayant fait appel agrave une megravere porteuse ameacutericaine

31

Une chose est sucircre cet arrecirct a le meacuterite douvrir le deacutebat et de poser la question de linteacuterecirct de

lenfant comme exception agrave lindisponibiliteacute de leacutetat des personnes et agrave linterdiction de la

pratique des megraveres porteuses (A) Lorsque lon accepte une loi eacutetrangegravere qui a eacuteteacute appeleacutee au

secours pour contourner la loi franccedilaise la modification de la loi franccedilaise nest pas loin (B)

A Lassouplissement de la jurisprudence

Dans laffaire porteacutee devant la cour dappel de Paris que nous avons abordeacutee rapidement

preacuteceacutedemment un couple dont la femme ne peut assurer la gestation en raison dune

malformation congeacutenitale se rend en Californie ougrave il conclut une convention portant sur la

gestation dun embryon issu de leurs propres gamegravetes Des jumelles naissent de cette

convention Le droit californien fait abstraction du deacutefaut daccouchement La concubine est

inscrite comme megravere dans les registres de naissance de Californie Quelques semaines plus

tard le couple reconnaicirct les enfants en France Mais agrave leur retour dans lHexagone ils sont

placeacutes en garde agrave vue puis mis en examen pour laquo entremise entre une personne deacutesireuse

dadopter un enfant et un parent deacutesireux dabandonner son enfant neacute ou agrave naicirctre raquo et pour laquo

simulation ayant entraicircneacute une atteinte agrave leacutetat civil de lenfant raquo

En 2004 le juge dinstruction rend un non-lieu sur les poursuites peacutenales les faits seacutetant

deacuterouleacutes dans un pays ougrave cette pratique est leacutegale Le parquet a alors continueacute son offensive

sur le terrain civil et chercheacute agrave faire annuler la filiation et la transcription sur leacutetat civil Le

tribunal de grande instance a deacuteclareacute cette demande irrecevable en deacutecembre 2005 Une

deacutecision rendue par la cour dappel de Paris confirme ce jugement le 25 octobre dernier apregraves

avoir estimeacute que laquo La non-transcription des actes de naissances aurait des conseacutequences

contraires agrave linteacuterecirct supeacuterieur des enfants qui au regard du droit franccedilais se verraient priveacutes

dactes deacutetat civil indiquant leur lien de filiation y compris agrave leacutegard de leur pegravere biologique

raquo

La question sera deacutesormais soumise agrave la Cour de cassation qui a deacutejagrave pris des deacutecisions

progressistes dans des questions relatives au droit de la famille notamment dans linteacuterecirct de

lenfant Elle a ainsi fait le 24 feacutevrier 2006 un pas important vers la reconnaissance de

lhomoparentaliteacute en autorisant quun parent homosexuel deacutelegravegue tout ou partie de son

autoriteacute parentale agrave son partenaire avec lequel il vit en union stable agrave condition que cette

mesure soit prise dans linteacuterecirct supeacuterieur de lenfant (36)

Le plus important reacuteside dans le fait que la cour dappel de Paris a estimeacute que la non-

transcription sur les actes de naissance aurait des conseacutequences contraire agrave llaquo inteacuterecirct de

lenfant raquo Depuis longtemps linteacuterecirct de lenfant est au centre du droit de la famille et depuis

quelques anneacutees celui-ci devient veacuteritablement la pierre angulaire de cette discipline (37)

Dans un arrecirct du 18 mai 2005 la premiegravere chambre civile de la Cour de cassation preacutecise au

visa de larticle 3-1 de la Convention relative aux droits de lenfant que laquo dans toutes les

deacutecisions qui concernent les enfants linteacuterecirct supeacuterieur de lenfant doit ecirctre une

consideacuteration primordiale raquo (38) Mais que faut-il entendre par inteacuterecirct supeacuterieur de lenfant

(39)

Bien que le nouvel article L 112-4 du Code de laction sociale et des familles (40) et larticle

371-1 du Code civil semblent deacutefinir les eacuteleacutements constitutifs de cette notion llaquo inteacuterecirct de

lenfant raquo reste un concept assez flou que le leacutegislateur et les juges se gardent bien de deacutefinir

preacuteciseacutement on ne peut limiter linteacuterecirct supeacuterieur de lenfant agrave la protection de sa santeacute de sa

seacutecuriteacute et de sa moraliteacute Certes ces eacuteleacutements sont les bases de linteacuterecirct de lenfant mais

32

puisque celui-ci peut deacutepasser le strict cadre du droit de lautoriteacute parentale voire du droit de

la famille cette vision serait bien trop reacuteductrice

Le sens de cette notion peut encore sobscurcir si lon considegravere quelle peut se confondre avec

dautres concepts voisins Larticle 371-5 doit ainsi conduire agrave distinguer linteacuterecirct de lenfant de

celui de la fratrie En effet si celle-ci a inteacuterecirct agrave rester unie certaines circonstances permettent

deacutecarter un de ses membres dans son inteacuterecirct exclusif

Un amendement proposait cependant agrave la suite du nouvel article L 112-4 du Code de laction

sociale et des familles une deacutefinition inteacuteressante laquo Linteacuterecirct supeacuterieur de lenfant est deacutefini

comme lassurance de la protection de sa seacutecuriteacute personnelle et affective lassurance dun

contexte familial permettant un bon deacuteveloppement physique intellectuel affectif et social

lassurance dune relation dattachement parental permettant de se construire Linteacuterecirct

supeacuterieur de lenfant tel que deacutefini constitue son projet de vie raquo (41)

On ne peut que se feacuteliciter de la mise en avant de linteacuterecirct de lenfant pour deacuteroger agrave la sacro-

sainte interdiction des megraveres porteuses car il est vrai quil ne faut pas oublier que limportant

reste dabord et avant tout lenfant qui a et doit avoir une place centrale au sein de la famille

On peut envisager que cette reacutecente jurisprudence puisse influencer la reacuteflexion sur le recours

aux laquo megraveres porteuses raquo sur le territoire national qui conduise agrave une eacutevolution de la loi

B Vers une eacutevolution de la loi

Alors que la France interdit la laquo gestation pour autrui raquo cette pratique a eacuteteacute leacutegaliseacutee dans de

nombreux pays La France a donc une leacutegislation moins libeacuterale que dautres leacutegislations

nationales La pratique de la gestation pour autrui est notamment autoriseacutee aux Etats-Unis au

Canada en Australie et dans plusieurs pays de lUnion europeacuteenne (Espagne et Belgique

Gregravece et Royaume-Uni notamment) (42) La question de la leacutegalisation des megraveres porteuses

est tregraves controverseacutee en France et demanderait un strict encadrement (43)

On enseigne habituellement que les questions deacutetat ne peuvent deacutependre de la seule volonteacute

individuelle Leacutetat des personnes - le droit de la filiation en particulier - eacutechapperait aux

conventions Mais ce principe nest plus si absolu Leacutevolution contemporaine reacuteduit laspect

institutionnel Une place nettement importante a eacuteteacute faite dans lorganisation des relations

familiales agrave la volonteacute individuelle laquo Laccroissement du pouvoir des volonteacutes individuelles

dans le droit de la famille est une marque essentielle de ce droit raquo (44) Dougrave la justesse de

lexpression laquo contractualisation du droit de la famille raquo Le rocircle de la volonteacute individuelle

tend agrave ecirctre de plus en plus important (45) Tel est le cas du divorce du PACS et du mariage

La procreacuteation nest plus la finaliteacute avec larriveacutee en force dans des pays voisins du mariage

homosexuel

Une certaine eacutevolution des mentaliteacutes ainsi que la dispariteacute entre la loi franccedilaise et dautres

leacutegislations nationales pourraient bien donner lieu agrave un assouplissement de cette leacutegislation

(46)

La gestation pour autrui permet de pallier certaines formes de steacuteriliteacute feacuteminine en raison

dune absence ou dune deacuteformation duteacuterus de conseacutequences de cancer ou reacutesultant dune

hysteacuterectomie de fausses couches reacutepeacuteteacutees dune contre-indication meacutedicale agrave la grossesse ou

de nombreux eacutechecs de feacutecondations in vitro (47) Dans ce cas on implante les gamegravetes des

parents geacuteneacutetiques dans le ventre de la megravere porteuse

33

Un autre argument favorable agrave cette pratique est la certitude apaisante pour le couple steacuterile

de ce que lenfant porteacute en uteacuterus tiers nen sera pas moins leur veacuteritable enfant geacuteneacutetique

puisque conccedilu agrave partir de leurs propres gamegravetes

De plus il faut deacutenoncer une incoheacuterence Une femme empecirccheacutee par la loi de donner avant

sa grossesse agrave un couple agreacuteeacute par elle lenfant quelle portera moyennant eacutequitable

reacutecompense possegravede en revanche le droit discreacutetionnaire de labandonner une fois neacute au

hasard des eacutetablissements ou du service de lASE ou pis encore de recourir agrave une

interruption volontaire de grossesse pendant les douze premiegraveres semaines (48)

La possession deacutetat repreacutesente une valeur humaine et sociale qui doit ecirctre prise en compte en

tant que telle Comme lont joliment affirmeacute M Hauser et Mme Huet-Weiller laquo elle est la

veacuteriteacute des sentiments la veacuteriteacute du coeur tout aussi respectable sinon plus que celle des

registres deacutetat ou mecircme de nos gegravenes raquo (49) Ainsi on peut ecirctre favorable agrave cette reacuteflexion

sous certains reacuteserves

Tout dabord le couple demandeur devait avoir plus de 18 ans et linfertiliteacute devrait ecirctre

meacutedicalement eacutetablie Ensuite seule lutilisation des gamegravetes (sperme et ovocytes) du couple

serait autoriseacutee afin deacuteviter que la gestatrice soit aussi la megravere biologique de lenfant (pour

eacuteviter des liens trop forts eacutetablis entre elle et le beacutebeacute)

De son cocircteacute la megravere porteuse devait avoir plus de 18 ans et accepter de subir des tests divers

avant la grossesse Elle serait la seule agrave donner un consentement valable concernant la gestion

de sa grossesse et elle abandonnerait ses droits parentaux agrave la naissance de lenfant tout en

assistant le couple demandeur lors de la deacutelivrance du certificat de naissance Le

consentement devrait aussi ecirctre obtenu par un entretien psychologique meacutedical et juridique

Seul le juge pourrait donner laccord au deacutebut du processus Le couple demandeur devait

sengager agrave assumer la garde de lenfant degraves sa naissance afin deacuteviter soit une non-remise

denfant soit un refus de lenfant - par exemple en cas de handicap

Concernant la reacutemuneacuteration de la megravere porteuse la marchandisation est inacceptable Les

intermeacutediaires reacutemuneacutereacutes seraient interdits Le principe du volontariat et de la gratuiteacute sont

essentiels le don de vie (50)

Enfin il ne sagirait pas de reacutemuneacuteration mais de compensation financiegravere destineacutee agrave

deacutedommager les inconveacutenients lieacutes agrave la grossesse sur la base de la loi laquo Huriet raquo (loi sur la

recherche meacutedicale avec volontaires sains) Le couple demandeur devrait prendre agrave sa charge

les deacutepenses meacutedicales leacutegales et psychologiques ainsi quun montant raisonnable alloueacute agrave la

megravere porteuse pour subvenir agrave ses besoins Les juges appreacutecieraient librement ce que peut ecirctre

un montant laquo raisonnable raquo sans que cela puisse jamais ecirctre consideacutereacute comme une laquo vente raquo

denfant

(1) B Debreacute et S Agacinski laquo Faut-il leacutegaliser les megraveres porteuses en France raquo Le Figaro Magazine du samedi 10 novembre 2007 p 50

34

(2) G David laquo Don et utilisation du sperme raquo in Actes du colloque Geacuteneacutetique procreacuteation et

droit Actes sud 1985 p 205 G-M Faure Le deacutesir denfant agrave leacutepreuve du droit Essai sur le droit de la procreacuteation meacutedicalement assisteacutee Thegravese Universiteacute de Lille 1992 p 7

(3) G Lebreton Liberteacutes publiques et droits de lhomme 6e eacuted Armand Colin 2003 p 262

(4) CE 22 janvier 1988 Lebon 1988 p 37

(5) La Cour de cassation a enteacuterineacute la position de la cour dappel de Paris pour laquelle laquo ni laltruisme du comportement de la megravere de substitution ni le caractegravere deacutesinteacuteresseacute des activiteacutes de lassociation ne sont propres agrave faire disparaicirctre lilliceacuteiteacute qui frappe laccord litigieux raquo Cass civ 1re 13 deacutecembre 1989 Bull civ I no 387 Defreacutenois 1990 art 34802 no 55 obs J-L Aubert D 1990 p 273 JCP eacuted G 1990 II 21526 note A Seacuteriaux propos recueillis par C Slobodansky laquo Le droit doit limiter les progregraves de la science raquo LPA du 7 mai 2004 no 92 p 60

(6) laquo La convention par laquelle une femme sengage fucirct-ce agrave titre gratuit agrave concevoir et porter un enfant pour labandonner agrave sa naissance contrevient tant au principe dordre public de lindisponibiliteacute du corps humain quagrave celui de lindisponibiliteacute de leacutetat des personnes raquo Cass ass pleacuten 31 mai 1991 Bull civ ass pleacuten no 4 Defreacutenois 1991 art 35142 no 103 obs J-L Aubert Defreacutenois 1991 art 35088 no 67 note J Massip RTD civ 1991 p 517 obs D Huet-Weiller et p 489 note M Gobert M Gobert laquo Reacuteflexions sur les sources du droit et les

principes dindisponibiliteacute du corps humain et de leacutetat des personnes agrave propos de la materniteacute de substitution raquo RTD civ 1992 p 489 et s speacutec p 501 dans ce sens v deacutejagrave les remarques de P Murat laquo Laction de lordonnance du 4 juillet 2005 sur la possession deacutetat raquo Dr Famille 2006 eacutetude no 6 speacutec no 7 V aussi J Massip laquo Linsertion dans le Code civil de dispositions relatives au corps humain agrave lidentification geacuteneacutetique et agrave la procreacuteation meacutedicalement assisteacutee raquo Defreacutenois 1995 art 35975 et 35992

(7) En ce sens V Depadt-Sebag laquo De la neacutecessiteacute dune reacuteforme de larticle 16-7 du Code civil relatif agrave linterdiction de gestation pour autrui raquo RGD meacuted 2004 no 12 p 135 et s

(8) Art 227-12 et s C peacuten

(9) CA Paris 1re feacutevrier 2001 RTD civ 2001 p 347 obs J Hauser Cass civ 1re 9 deacutecembre 2003 Bull civ I no 252 p 201 CA Rennes 4 juillet 2002 D 2002 p 2904

(10) Cass civ 1re 20 feacutevrier 2007 Defreacutenois 2007 art 38595 no 45 obs J Massip

(11) V Depadt-Sebag laquo De la neacutecessiteacute dune reacuteforme de larticle 16-7 du Code civil relatif agrave linterdiction de gestation pour autrui raquo preacutec no 12 p 135 et s

(12) L no 2004-800 du 6 aoucirct 2004 relative agrave la bioeacutethique JO du 7 aoucirct 2004 p 14040 J Massip art preacutec

(13) Dans ce sens v M Gobert laquo Reacuteflexions sur les sources du droit et les principes dindisponibiliteacute du corps humain et de leacutetat des personnes agrave propos de la materniteacute de substitution raquo preacutec p 489 et s speacutec p 513

(14) V Depadt-Sebag laquo De la neacutecessiteacute dune reacuteforme de larticle 16-7 du Code civil relatif agrave linterdiction de gestation pour autrui raquo preacutec no 12 p 135 et s E Camuzet La convention de gestation pour autrui une illeacutegaliteacute franccedilaise injustifieacutee Meacutemoire Lille 2 Universiteacute du droit et de la santeacute 2005-2006 p 55

(15) A Mayer-Jack laquo Les conventions relatives agrave la personne physique raquo Rev crit leacutegisl et jurispr 1993 p 6

(16) G Meacutemeteau laquo Une distinction est opeacutereacutee sur la reacutefeacuterence des donneacutees acquises de la science agrave la date des soins par opposition agrave la notion erroneacutee de donneacutees actuelles de la science raquo note sous Cass civ 1re 6 juin 2000 JCP eacuted G 2001 II 10447

(17) Cass civ 1re 13 deacutecembre 1989 Bull civ I no 387 Defreacutenois 1990 art 34815 rapp J Massip D 1990 p 273 JCP eacuted G 1990 II 21526 note A Seacuteriaux

35

(18) Communication J Bernard et comm J Massip Defreacutenois 1990 art 35088 no 67 note J

Massip F Terreacute note sous Cass ass pleacuten 31 mai 1991 JCP eacuted G 1991 II 21752 dans ce sens v les remarques de P Murat laquo Laction de lordonnance du 4 juillet 2005 sur la possession deacutetat raquo preacutec eacutetude no 6 speacutec no 7 G Kessler laquo La consolidation de situations illicites dans linteacuterecirct de lenfant raquo Dr Famille no 7 juillet 2005 Etude 16

(19) TGI Lille 22 mars 2007 D 2007 no 18 p 1251 note X Labbeacutee B Edelman et C Labrusse-Riau note sous CA Paris 15 juin 1990 JCP eacuted G 1991 II 21653

(20) V Larribau-Terneyre note sous CA Pau 19 feacutevrier 1991 D 1991 juris p 380

(21) J Massip laquo Megravere porteuse et deacutecheacuteance de lautoriteacute parentale raquo LPA du 29 octobre 2003 no 216 p 10 Cass ass pleacuten 31 mai 1991 Bull civ ass pleacuten no 4 Defreacutenois 1991 art 35088 no 67 p 948 obs J Massip D 1991 p 417 rapport Y Chartier note D Thouvenin JCP eacuted G 1991 II 21752 communication J Bernard concl H Dontenwille note F Terreacute RTD civ 1991 p 517 obs D Huet-Weiller

(22) J Rubellin-Devichi laquo Materniteacute de substitution qui est la megravere raquo note sous CA Rennes 4 juillet 2002 JCP eacuted G 2003 I 101 C Ducomte laquo La vraie querelle des megraveres porteuses raquo httppagesperso-orangefrmax-christianducomtemereindexhtm

(23) Propos de Mme F Dekeuwer-Deacutefossez lors de son audition devant le preacutesident M Bloche pour la mission dinformation sur la famille (procegraves-verbal du 5 octobre 2005)

(24) J Hauser obs in RTD civ 1999 p 372 F Dekeuwer-Deacutefossez note sous Cass ass pleacuten 31 mai 1991 D 1992 somm p 59

(25) F Dekeuwer-Deacutefossez laquo Les droits de lenfant raquo D 1992 somm p 59 E Poisson-Drocourt laquo Recours agrave une megravere de substitution et refus de ladoption raquo D 2004 p 2001

(26) J-J Lemouland laquo Le tourisme procreacuteatif raquo LPA 2001 no 62 p 24 F Dekeuwer-Deacutefossez laquo Le lien parental raquo LPA du 1er juillet 2004 no 131 p 70 F Granet note sous CA Rennes 4 juillet 2002 D 2002 p 2904

(27) CA Aix-en-Provence 12 mars 2002 Juris-Data no 2002-190443 A Seacuteriaux laquo Droit naturel et procreacuteation artificielle quelle jurisprudence raquo D 1985 chron p 53 J Massip laquo Le nouveau droit de la filiation raquo Defreacutenois 2006 art 38303 p 13

(28) CA Rennes 4 juillet 2002 JCP eacuted G 2003 I 101 note J Rubellin-Devichi

(29) laquo Si le principe structurant de lautoriteacute parentale est linteacuterecirct de lenfant deacutetermineacute in concreto le droit de la filiation nappreacutecie en revanche jamais linteacuterecirct concret dun enfant preacutecis mais linteacuterecirct geacuteneacuteral de lenfant in abstracto raquo A Gouttenoire laquo A chacun sa famille agrave chacun son droit raquo Dr Famille no 7 juillet 2006 Alerte 41

(30) E Camuzet La convention de gestation pour autrui une illeacutegaliteacute franccedilaise injustifieacutee art preacutec p 52

(31) P Raynaud laquo Un abus de ladoption simple les couples adoptifs raquo D 1983 chron p 39 H Gaumont-Prat laquo Pas dadoption pour les enfants issus de convention de megravere porteuse raquo RLDC no 5 mai 2004 p 31 laquo Le rejet dans le non-droit des enfants neacutes dans des circonstances qui deacuterangent la socieacuteteacute relegraveve du deacuteni de la reacutealiteacute porteur de nombreux effets pathogegravenes et injustes raquo

(32) J Rubellin-Devichi laquo Materniteacute de substitution qui est la megravere raquo note sous CA Rennes 4 juillet 2002 preacutec I 101 C Ducomte laquo La vraie querelle des megraveres porteuses raquo preacutec P Raynaud laquo Un abus de ladoption simple les couples adoptifs raquo art preacutec chron p 39 G Kessler laquo La consolidation de situations illicites dans linteacuterecirct de lenfant raquo art preacutec Etude 16

(33) F Dekeuwer-Deacutefossez laquo Reacuteflexion sur les mythes fondateurs du droit contemporain de la famille raquo RTD civ 1995 p 269 E Camuzet La convention de gestation pour autrui une illeacutegaliteacute franccedilaise injustifieacutee art preacutec p 66 A Ponsard rapport sous Cass civ 1re 16

36

novembre 1982 JCP eacuted G 1983 II 19954 M-T Meulders-Klein laquo Le droit agrave lenfant face au

droit de lenfant et les procreacuteations meacutedicalement assisteacutees raquo RTD civ 1988 p 645 F Terreacute Lenfant de lesclave Geacuteneacutetique et droit Flammarion 1987 p 128

(34) Convention de New York du 26 janvier 1990 Charte des droits fondamentaux de lUnion europeacuteenne du 7 deacutecembre 2000 Deacuteclaration universelle des droits de lhomme de 1789 Convention internationale des droits de lenfant de 1989

(35) Cass ass plegraven 31 mai 1991 Bull civ ass plegraven no 4 Defreacutenois 1991 art 35142 no 103 obs J-L Aubert et art 35088 no 67 p 948 obs J Massip D 1991 p 417 rapport Y Chartier note D Thouvenin JCP eacuted G 1991 II 21752 communication J Bernard concl H Dontenwille note F Terreacute RTD civ 1991 p 517 obs D Huet-Weiller

(36) Cass civ 1re 24 feacutevrier 2006 Bull civ I no 101 p 95 Defreacutenois 2006 art 38415 no 40 p 1067 obs J Massip D 2006 juris p 897-900 obs D Vigneau T Anatrella laquo Adoption et homoparentaliteacute leacuteclairage des droits de lhomme raquo Dr Famille 2003 no 10 p

8-10 agrave lidentique dans un arrecirct du 22 janvier 1992 D 1993 p 119 note J Vassaux la cour dappel de Poitiers a prononceacute ladoption simple dun enfant neacute dune convention de megravere porteuse au motif que laquo cette adoption nest pas seulement conforme agrave linteacuterecirct de lenfant mais encore constitue une neacutecessiteacute qui deacutecoule des reacutealiteacutes de la vie issues derreurs des adultes dont lenfant ne doit pas subir les conseacutequences raquo

(37) G Kessler laquo La consolidation de situations illicites dans linteacuterecirct de lenfant raquo art preacutec eacutetude no 16 M-T Meulders-Klein laquo Le droit agrave lenfant face au droit de lenfant et les procreacuteations meacutedicalement assisteacutees raquo art preacutec p 645

(38) Cass civ 1re 18 mai 2005 Bull civ I no 211 p 179 V Depadt-Sebag laquo Non-lieu dans une affaire de materniteacute pour autrui raquo D 2005 p 476 J Massip laquo Megravere porteuse et deacutecheacuteance de lautoriteacute parentale raquo art preacutec no 216 p 11 F Terreacute Lenfant de lesclave Geacuteneacutetique et droit op cit adde F Terreacute et D Fenouillet Droit civil Les personnes la famille les incapaciteacutes 6e eacuted Preacutecis Dalloz no 926 M Lamarche laquo Inteacuterecirct supeacuterieur de lenfant de ladmission des effets dune convention de megravere porteuse agrave la destruction du droit franccedilais de la filiation raquo Dr Famille novembre 2007 no 11

(39) M Donnier laquo Linteacuterecirct de lenfant raquo D 1959 chron p 27 F Laroche-Gisserot note sous Cass civ 1re 27 mai 1998 D 1998 p 530 F Millet laquo Ladoption dun inteacuterecirct agrave lautre raquo RRJ 2003-3 p 1777 et s A Gouttenoire laquo A chacun sa famille agrave chacun son droit raquo art preacutec Alerte 41

(40) Par la loi no 2007-293 du 5 mars 2007 reacuteformant la protection de lenfance (JO du 6 mars 2007 Defreacutenois 2007 Leacuteg p 282) le leacutegislateur a inteacutegreacute la notion dinteacuterecirct de lenfant dans le Code de laction sociale et des familles Le nouvel article L 112-4 dudit code dispose que laquo Linteacuterecirct de lenfant la prise en compte de ses besoins fondamentaux physiques intellectuels sociaux et affectifs ainsi que le respect de ses droits doivent guider toutes deacutecisions le concernant raquo

(41) Amendement no 48 rect Protection de lenfance no 3184 Assembleacutee nationale 22 deacutecembre 2006 wwwassemblee-nationalefr v aussi sur lensemble de ces questions les consideacuterations tregraves eacuteclairantes de P Murat note sous CA Rennes 4 juillet 2002 D 2002 p 2902 Dr Famille 2002 comm no 142 note P Murat

(42) F Granet-Lambrechts laquo Materniteacutes de substitution filiation et eacutetat civil Panorama europeacuteen raquo Dr Famille no 12 deacutecembre 2007 eacutetude no 34

(43) D Youf Penser les droits de lenfant PUF 2002 p 2

(44) G Cornu La famille 6e eacuted no 7 J Carbonnier Droit civil t 4 Les obligations PUF coll Theacutemis no 372 p 649

(45) D Fenouillet et P de Vareilles-Sommiegraveres La contractualisation du droit de la famille Economica 2001

37

(46) H Gaumont-Prat laquo Pas dadoption pour les enfants issus de convention de megravere porteuse raquo art preacutec p 31

(47) E Poisson-Droccourt laquo Recours agrave une megravere de substitution et refus de ladoption raquo art preacutec p 2001 note sous Cass civ 1re 9 deacutecembre 2003 G Delaisi de Perseval laquo Gestation pour autrui en quecircte de leacutegitimation raquo httpwwwliberationfr

(48) C Neirinck laquo Les filiations eacutelectives agrave leacutepreuve du droit raquo JCP eacuted G 1997 I 4067 E Camuzet laquo La convention de gestation pour autrui une illeacutegaliteacute franccedilaise injustifieacutee raquo art preacutec p 59

(49) J Hauser et D Huet-Weiller Traiteacute de droit civil La famille Fondation et vie de la famille 2e eacuted LGDJ 1993 p 250

(50) B Debreacute et S Agacinski laquo Faut-il leacutegaliser les megraveres porteuses en France raquo art preacutec p 50 C Atias D 1986 chron p 67

Civ 1egravere

13 deacutecembre 1989

Ndeg de pourvoi 88-15655

Publieacute au bulletin

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Attendu selon les juges du fond que lrsquoassociation ldquo Alma Mater ldquo a pour objet de faciliter la

solution des problegravemes qui se posent aux couples dont la femme est steacuterile deacutesireux

drsquoaccueillir un enfant agrave leur foyer et aux ldquo megraveres porteuses ldquo volontaires qursquoil est proposeacute agrave

la ldquo megravere porteuse ldquo drsquoecirctre inseacutemineacutee artificiellement par la semence du mari ou du concubin

de porter et de mettre au monde lrsquoenfant qui sera deacuteclareacute sur les registres de lrsquoeacutetat civil sans

indication du nom de la megravere reconnu par le pegravere et accueilli au foyer de celui-ci en vue de

son adoption par lrsquoeacutepouse ou la compagne que lrsquoassociation intervient tout au long de ce

processus qualifieacute de ldquo precirct drsquouteacuterus ldquo ou de ldquo don drsquoenfant ldquo qursquoainsi apregraves avoir controcircleacute la

reacutealiteacute de la steacuteriliteacute du couple demandeur et des faculteacutes de feacutecondation de la ldquo megravere porteuse

ldquo geacuteneacuteralement recruteacutee par elle lrsquoassociation fait proceacuteder agrave lrsquoinseacutemination surveille la

grossesse et lrsquoaccouchement srsquooccupe de faire diligenter la proceacutedure drsquoadoption qursquoelle

verse ensuite agrave la megravere une somme forfaitaire - qui en 1987 eacutetait fixeacutee agrave 60 000 francs -

remise par le couple demandeur degraves le deacutebut de la grossesse que lrsquoarrecirct confirmatif attaqueacute

(Aix-en-Provence 29 avril 1988) estimant que cette association avait un objet illicite

contraire aux lois et aux bonnes moeurs en a prononceacute la nulliteacute sur le fondement de lrsquoarticle

3 de la loi du 1er juillet 1901

Sur le moyen unique pris en sa premiegravere branche

Attendu que lrsquoassociation ldquo Alma Mater ldquo fait grief agrave la cour drsquoappel drsquoavoir ainsi statueacute alors

que selon le moyen nrsquoest ni illicite ni contraire aux bonnes moeurs lrsquoassociation qui dans un

but humanitaire non lucratif met en relation un couple demandeur dont la femme est steacuterile et

38

une femme qui accepte drsquoecirctre inseacutemineacutee artificiellement par le mari de porter lrsquoenfant et de le

remettre agrave la naissance agrave ce couple qui lrsquoindemnisera des contraintes et de la gecircne occasionneacutee

par la grossesse de sorte que la juridiction du second degreacute aurait violeacute les articles 3 et 7 de la

loi du 1er juillet 1901

Mais attendu qursquoil reacutesulte des constatations des juges du fond que lrsquoobjet mecircme de

lrsquoassociation est de favoriser la conclusion et lrsquoexeacutecution de conventions qui fussent-elles

verbales portent tout agrave la fois sur la mise agrave la disposition des demandeurs des fonctions

reproductrices de la megravere et sur lrsquoenfant agrave naicirctre et sont donc nulles en application de lrsquoarticle

1128 du Code civil que ces conventions contreviennent au principe drsquoordre public de

lrsquoindisponibiliteacute de lrsquoeacutetat des personnes en ce qursquoelles ont pour but de faire venir au monde un

enfant dont lrsquoeacutetat ne correspondra pas agrave sa filiation reacuteelle au moyen drsquoune renonciation et

drsquoune cession eacutegalement prohibeacutees des droits reconnus par la loi agrave la future megravere que

lrsquoactiviteacute de lrsquoassociation qui tend deacutelibeacutereacutement agrave creacuteer une situation drsquoabandon aboutit agrave

deacutetourner lrsquoinstitution de lrsquoadoption de son veacuteritable objet qui est en principe de donner une

famille agrave un enfant qui en est deacutepourvu que crsquoest degraves lors agrave bon droit que lrsquoarrecirct attaqueacute a

deacutecideacute sur le fondement de lrsquoarticle 3 de la loi du 1er juillet 1901 que cette association eacutetait

nulle en raison de lrsquoilliceacuteiteacute de son objet que la premiegravere branche du moyen est donc sans

fondement

Et sur les deuxiegraveme et troisiegraveme branches du moyen

Attendu qursquoil est fait grief agrave la cour drsquoappel de nrsquoavoir pas reacutepondu aux conclusions faisant

valoir drsquoune part que lrsquointerdiction du ldquo don de gestation ldquo constituait une discrimination

fondeacutee sur la naissance contraire aux dispositions de lrsquoarticle 24 du pacte international relatif

aux droits civils et politiques signeacute agrave New York le 19 deacutecembre 1966 et drsquoautre part que ce ldquo

don de gestation ldquo reposait sur le droit leacutegitime de fonder une famille qui implique le droit

drsquoengendrer reconnu tant par lrsquoarticle 12 de la convention europeacuteenne des droits de lrsquohomme

et des liberteacutes fondamentales du 4 novembre 1950 que par lrsquoarticle 23 du pacte international

preacuteciteacute

Mais attendu que la reconnaissance du caractegravere illicite de la materniteacute pour autrui et des

associations qui srsquoefforcent de la promouvoir qui se deacuteduit des principes geacuteneacuteraux du Code

civil et de regravegles qui sont communes agrave toutes les filiations nrsquoest pas de nature agrave instaurer une

discrimination fondeacutee sur la naissance que le droit de se marier et de fonder une famille

reconnu par lrsquoarticle 12 de la convention du 4 novembre 1950 et par lrsquoarticle 23 du pacte

international du 19 deacutecembre 1966 agrave lrsquohomme et agrave la femme en acircge nubile nrsquoimplique pas le

droit de conclure avec un tiers des conventions portant sur le sort drsquoun enfant agrave naicirctre que

par ces motifs de droit reacutepondant aux conclusions invoqueacutees lrsquoarrecirct se trouve leacutegalement

justifieacute et que les deuxiegraveme et troisiegraveme branches du moyen ne peuvent ecirctre accueillies

PAR CES MOTIFS

REJETTE le pourvoi

Publication Bulletin 1989 I Ndeg 387 p 260

Deacutecision attaqueacutee Cour drsquoappel drsquoAix-en-Provence du 29 avril 1988

39

Cour de cassation Assembleacutee pleacuteniegravere

Audience publique du 31 mai 1991

Ndeg de pourvoi 90-20105 Publieacute au bulletin

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Sur le pourvoi dans lrsquointeacuterecirct de la loi formeacute par M le Procureur geacuteneacuteral pregraves la Cour de

Cassation

Vu les articles 6 et 1128 du Code civil ensemble lrsquoarticle 353 du mecircme Code

Attendu que la convention par laquelle une femme srsquoengage fucirct-ce agrave titre gratuit agrave concevoir

et agrave porter un enfant pour lrsquoabandonner agrave sa naissance contrevient tant au principe drsquoordre

public de lrsquoindisponibiliteacute du corps humain qursquoagrave celui de lrsquoindisponibiliteacute de lrsquoeacutetat des

personnes

Attendu selon lrsquoarrecirct infirmatif attaqueacute que Mme X eacutepouse de M Y eacutetant atteinte drsquoune

steacuteriliteacute irreacuteversible son mari a donneacute son sperme agrave une autre femme qui inseacutemineacutee

artificiellement a porteacute et mis au monde lrsquoenfant ainsi conccedilu qursquoagrave sa naissance cet enfant a

eacuteteacute deacuteclareacute comme eacutetant neacute de Y sans indication de filiation maternelle

Attendu que pour prononcer lrsquoadoption pleacuteniegravere de lrsquoenfant par Mme Y lrsquoarrecirct retient

qursquoen lrsquoeacutetat actuel des pratiques scientifiques et des moeurs la meacutethode de la materniteacute

substitueacutee doit ecirctre consideacutereacutee comme licite et non contraire agrave lrsquoordre public et que cette

adoption est conforme agrave lrsquointeacuterecirct de lrsquoenfant qui a eacuteteacute accueilli et eacuteleveacute au foyer de M et

Mme Y pratiquement depuis sa naissance

Qursquoen statuant ainsi alors que cette adoption nrsquoeacutetait que lrsquoultime phase drsquoun processus

drsquoensemble destineacute agrave permettre agrave un couple lrsquoaccueil agrave son foyer drsquoun enfant conccedilu en

exeacutecution drsquoun contrat tendant agrave lrsquoabandon agrave sa naissance par sa megravere et que portant atteinte

aux principes de lrsquoindisponibiliteacute du corps humain et de lrsquoeacutetat des personnes ce processus

constituait un deacutetournement de lrsquoinstitution de lrsquoadoption la cour drsquoappel a violeacute les textes

susviseacutes

PAR CES MOTIFS

CASSE ET ANNULE mais seulement dans lrsquointeacuterecirct de la loi et sans renvoi lrsquoarrecirct rendu le

15 juin 1990 par la cour drsquoappel de Paris

REQUETE DE M LE PROCUREUR GENERAL PRES LA COUR DE CASSATION

Le Procureur geacuteneacuteral pregraves la Cour de Cassation a lrsquohonneur drsquoexposer

- Que par jugement du 28 juin 1989 le tribunal de grande instance de Paris a rejeteacute la requecircte

preacutesenteacutee par Mme X eacutepouse Y tendant agrave lrsquoadoption pleacuteniegravere de lrsquoenfant Z deacuteclareacutee

comme eacutetant neacutee de M Y mari de la requeacuterante sans indication de filiation maternelle

- Que pour ne pas faire droit agrave cette requecircte les premiers juges ont retenu que les eacutepoux Y

pour remeacutedier agrave la steacuteriliteacute de leur couple avaient eu recours agrave lrsquoassociation Alma Mater

aujourdrsquohui dissoute lrsquoenfant eacutetant neacute drsquoune megravere de substitution qui lrsquoa abandonneacute agrave la

naissance pratique deacuteclareacutee illicite

- Que sur appel de Mme Y la premiegravere chambre civile section C de la cour drsquoappel de

Paris a par arrecirct du 15 juin 1990 infirmeacute la deacutecision entreprise et prononceacute lrsquoadoption

pleacuteniegravere solliciteacutee par la requeacuterante

- Qursquoau soutien de leur deacutecision devenue deacutefinitive les juges du second degreacute ont tireacute de nos

principes geacuteneacuteraux relatifs agrave la filiation des regravegles drsquoordre public concernant les contrats et de

40

certaines conventions ou deacuteclarations internationales des conclusions contraires agrave celles

auxquelles eacutetait parvenue votre premiegravere chambre civile de la Cour de Cassation qui dans un

cas de figure pratiquement identique a par arrecirct du 13 deacutecembre 1989 (association Alma

Mater contre procureur geacuteneacuteral Aix-en-Provence) reconnu le caractegravere illicite de la materniteacute

pour autrui et les associations qui srsquoefforcent de la promouvoir

- Qursquoil importe en cette matiegravere particuliegraverement sensible qui touche agrave un deacutelicat problegraveme de

socieacuteteacute et drsquoeacutethique que soit mis fin agrave des divergences jurisprudentielles majeures et que la

seacutecuriteacute juridique soit assureacutee

PAR CES MOTIFS

Vu lrsquoarticle 17 de la loi du 3 juillet 1967 relative agrave la Cour de Cassation

Requiert qursquoil plaise agrave la Cour de Cassation

CASSE ET ANNULE sans renvoi et dans le seul inteacuterecirct de la loi lrsquoarrecirct rendu le 15 juin 1990

par la cour drsquoappel de Paris ayant fait droit agrave la requecircte en adoption pleacuteniegravere preacutesenteacutee par

Mme X eacutepouse Y

Publication Bulletin 1991 AP Ndeg 4 p 5

Deacutecision attaqueacutee Cour drsquoappel de Paris du 15 juin 1990

Page 23: SEANCE_3 Droit Civil Methodologie

23

matiegravere de meacutedicaments agrave usage humain (Dir CE ndeg 2001-83 du 6 nov 2001) Le texte

sapplique essentiellement aux eacuteleacutements biologiques destineacutes agrave lhomme ou agrave la fabrication de

produits manufactureacutes y compris pour des buts cosmeacutetiques agrave lexception des produits

destineacutes agrave des greffes autologues dans le cadre dune intervention chirurgicale unique du sang

et des produits sanguins (Dir CE ndeg 2002-98 du 27 janv 2002) des organes ou des parties

dorganes utiliseacutes aux mecircmes fins que lorgane entier dans le corps humain Les utilisations agrave

des fins de recherche sont eacutegalement exclues La directive sapplique en revanche aux gamegravetes

et aux cellules souches embryonnaires mais laisse aux Etats membres la faculteacute den autoriser

lutilisation Dune maniegravere geacuteneacuterale le texte communautaire nimpose pas de modegravele eacutethique

mais des obligations techniques dans un but de seacutecuriteacute sanitaire comprenant notamment la

mise en place dun systegraveme qualiteacute et de traccedilabiliteacute la deacutesignation dune personne responsable

mais il insiste cependant sur la gratuiteacute des dons et les exigences en matiegravere de consentement

La transposition qui ne devrait pas affecter de maniegravere sensible le cadre juridique franccedilais

actuel doit intervenir avant le 7 avril 2006

4 - Les cellules souches embryonnaires

12 Moins de deux mois apregraves ladoption de la reacutevision des lois bioeacutethiques et en application

de larticle 37 du nouveau texte qui autorise agrave titre transitoire avant la mise en place de

lAgence de la Biomeacutedecine les ministres concerneacutes agrave permettre limportation agrave des fins de

recherche de cellules souches embryonnaires humaines un deacutecret et un arrecircteacute (JO ndeg 228 du

30 sept 2004 p 16804) du 28 septembre 2004 viennent dy proceacuteder Les recherches sur ces

cellules fort contesteacutees il y a encore peu puisque la preacuteceacutedente autorisation dimportation de

cellules souches dorigine embryonnaire avait fait lobjet dun contentieux (TA Paris 21 janv

2003 D 2004 Somm p 532 obs H Gaumont-Prat LPA 2003 ndeg 196 p 7 note B

Pauvert) entrent donc rapidement dans la reacutealiteacute Ces souches importeacutees seront rapidement

supplanteacutees par pregraves de 50 000 embryons congeleacutes en France dont les geacuteniteurs ont renonceacute agrave

ce quils accegravedent agrave la naissance et qui vont pouvoir prochainement servir de mateacuteriel

dexpeacuterimentation comme la loi nouvelle lautorise deacutesormais

Mots cleacutes

PERSONNE HUMAINE Panorama 2004

Gazette du Palais 29 mai 2004 ndeg 150 P 15 - Tous droits reacuteserveacutes

Famille - Personnes

040412

ADOPTION Adoption pleacuteniegravere - Enfants pouvant faire lobjet dune adoption - Enfant neacute dune megravere

porteuse (non)

La materniteacute pour autrui dont le caractegravere illicite se deacuteduit des principes geacuteneacuteraux du Code

civil et aujourdhui de son article 16-7 reacutealise un deacutetournement de linstitution de ladoption

que les juges du fond ont donc agrave bon droit refuseacute de prononcer sans violer aucun des textes

invoqueacutes

C cass 1re civ 9 deacutecembre 2003 Mme X c Procureur geacuteneacuteral pregraves le Cour dappel de Y-

Pourvoi ndeg 0103927 Q - Rejet (C app Paris 1er feacutevrier 2001) - gr ndeg 1644P

NOTE

Reacuteiteacuteration de linterdiction dune adoption lieacutee agrave une procreacuteation pour le compte

dautrui -

24

Larrecirct rendu le 9 deacutecembre 2003 ne surprendra pas puisquil sinscrit dans la ligne traceacutee par

la Cour de cassation depuis 1989 confirmeacutee par la loi du 29 juillet 1994 relative au respect du

corps humain

En lespegravece Georges D et Denise M seacutetaient marieacutes le 15 deacutecembre 1962 et avaient eu un

enfant Fabrice neacute le 11 novembre 1966 Leacutepouse nayant pu avoir un deuxiegraveme enfant

pourtant vivement souhaiteacute le couple se serait adresseacute agrave une laquoamieraquo qui aurait accepteacute davoir

des relations intimes avec Georges D jusquagrave ce quelle conccediloive un enfant quil eacutetait convenu

de laisser degraves sa naissance au pegravere et agrave son eacutepouse

Cest ainsi que serait neacutee Sarah le 4 juillet 1987 qui fut deacuteclareacutee sur les registres de leacutetat civil

sans indication de filiation maternelle reconnue par Georges D puis recueillie aussitocirct par

celui-ci et son eacutepouse Cette derniegravere avait pris la preacutecaution de seacuteloigner de son domicile

pendant les derniers mois du deacuteveloppement in utero de lenfant afin que la substitution

maternelle soit ignoreacutee de lentourage des deux eacutepoux

Il sagissait donc bien selon les propres dires de Georges et Denise D dune materniteacute pour

autrui sans recours aux techniques modernes de procreacuteation meacutedicalement assisteacutee selon un

processus agrave la fois naturel et vieux comme le monde (1)

En janvier 1999 Denise D a saisi le Tribunal de grande instance dune requecircte en adoption

pleacuteniegravere de la fille de son mari

Le Tribunal par jugement du 8 deacutecembre 1999 puis la Cour dappel de Paris par arrecirct du 1er

feacutevrier 2001 ont rejeteacute sa demande au motif quen application des art 6 et 1128 C civ la

convention par laquelle une femme sengage agrave concevoir et agrave porter un enfant pour

labandonner agrave sa naissance est nulle car elle contrevient tant au principe dordre public de

lindisponibiliteacute du corps humain quagrave celui de lindisponibiliteacute de leacutetat des personnes et que

ladoption envisageacutee neacutetait que lultime phase dun processus illicite constitutif dun

deacutetournement de linstitution de ladoption

On reconnaicirctra lagrave les formules mecircmes employeacutees par la Cour de cassation notamment dans

son arrecirct dassembleacutee pleacuteniegravere du 31 mai 1991 (2) Il nest donc pas eacutetonnant que la Cour

suprecircme ait rendu un arrecirct de rejet dautant plus que sa jurisprudence a eacuteteacute conforteacutee par le

nouvel art 16-7 inseacutereacute dans le Code civil par la loi ndeg 94-653 du 29 juillet 1994 (3) qui

dispose que toute convention portant sur la procreacuteation ou la gestation pour le compte dautrui

est nulle

La Cour de cassation a bien entendu viseacute expresseacutement ce texte nouveau mais elle a tenu agrave

rappeler que le caractegravere illicite se deacuteduisait aussi des principes geacuteneacuteraux du Code civil

faisant ainsi implicitement reacutefeacuterence aux art 6 et 1128 de ce Code sur lesquels elle avait

preacuteceacutedemment fondeacute sa position

Le moyen de cassation tentait deacutechapper agrave la jurisprudence de la Cour suprecircme en se fondant

sur les circonstances de lespegravece et notamment sur le fait que la requecircte en adoption navait

eacuteteacute formeacutee que douze anneacutees apregraves la naissance de lenfant de sorte que lindivisibiliteacute entre la

materniteacute pour autrui et ladoption ne serait pas caracteacuteriseacutee Mais la Cour dappel avait

reacutepondu agrave cette argumentation en eacutenonccedilant que labandon de lenfant agrave naicirctre objet de

lobligation contracteacutee par la megravere biologique eacutetait destineacute agrave permettre que lenfant reconnu

par Georges D puisse ecirctre adopteacute par son eacutepouse et en soulignant que celle-ci avait dans le

mecircme but accepteacute linseacutemination dune autre femme par les gamegravetes de son mari et quelle

avait participeacute activement au processus en prenant toutes preacutecautions pour que la substitution

de materniteacute soit ignoreacutee des tiers

Denise D soutenait en outre que linteacuterecirct de lenfant retenu tant par lart 353 C civ que par

les art 3 et 21 de la Convention internationale des droits de lenfant devait primer sur le souci

de sanctionner lilliceacuteiteacute de la convention qui avait preacutesideacute agrave sa conception et agrave sa naissance

La Cour de cassation ne sest pas arrecircteacutee agrave cette argumentation pas plus quelle ne sy eacutetait

arrecircteacutee en 1991 pour elle lensemble de lopeacuteration est indivisible le deacutetournement de

25

linstitution de ladoption est caracteacuteriseacute et il convient de lutter contre la politique du fait

accompli (4) Laccepter au nom de linteacuterecirct de lenfant ne conduirait-il pas comme on la

souligneacute en doctrine (5) agrave admettre le commerce des enfants sous preacutetexte que bien souvent

ceux-ci y trouveraient beacuteneacutefice

(1) Selon la Bible Sarah eacutepouse dAbraham ne pouvant avoir denfant de lui lenvoya aupregraves

de son esclave eacutegyptienne Agar dont il eut un fils Ismaeumll Agar fut renvoyeacutee avec celui-ci

lorsque Sarah tregraves acircgeacutee mit au monde Isaac le fils de la promesse

Cest sans doute une coiumlncidence si nous trouvons aussi dans notre affaire une laquoSarahraquo qui

tient il est vrai un rocircle tout diffeacuterent de celui deacutevolu agrave son homonyme biblique

Lhistoire reacutevegravele eacutegalement des cas relativement freacutequents ougrave pour pallier agrave la steacuteriliteacute du

mari et pour permettre la continuation de la ligneacutee et la perpeacutetuation dun nom ou dun titre un

laquovaletraquo - souvent ensuite renvoyeacute - eacutetait chargeacute de feacuteconder leacutepouse Le proceacutedeacute eacutetait

juridiquement parfait dans la mesure ougrave par le jeu de la preacutesomption de paterniteacute le mari

devenait leacutegalement le pegravere de lenfant

(2) Cass ass pleacuten 31 mai 1991 Bull civ 1991 ndeg 4 Gaz Pal Rec 1991 panor cass p

162 [912144] D 1991 jur p 417 rapport Y Chartier note G Thouvenin JCP 1991 II

21752 comm J Bernard concl H Dontenwille note F Terreacute Defreacutenois 1991 art 35088

ndeg 67 p 948 obs J Massip RTD civ 1991 517 obs D Huet-Weiller Dans le mecircme sens

v Cass civ 1re 29 juin 1994 Bull civ 1994 I ndeg 226 Gaz Pal Rec 1995 jur p 36 note

J B [943856] D 1994 jur p 581 note Y Chartier JCP 1995 II 223621 note J Rubellin-

Devichi RTD civ 1994 p 842 obs J Hauser Defreacutenois 1995 art 36024 ndeg 4 p 315

obs J Massip

V aussi Cass civ 1re 13 deacutecembre 1989 Bull civ 1989 I ndeg 387 Gaz Pal Rec 1990

panor cass p 66 [901122] D 1990 jur p 273 rapport J Massip Defreacutenois 1990 art

34802 ndeg 55 p 743 obs J-L Aubert et art 34815 p 862 rapport J Massip et JCP 1990 II

21526 note A Seriaux Dans cette affaire la Cour de cassation avait proclameacute par des motifs

analogues agrave ceux adopteacutes par les arrecircts de 1991 et 1994 le caractegravere illicite de la materniteacute

pour autrui et des associations qui sefforcent de la promouvoir

(3) Sur cette loi v notamment notre commentaire in Defreacutenois 1975 art 35975 et 35922

speacutecialement en ce qui concerne lart 16-7 C civ le ndeg 9 de cette eacutetude p 72

(4) Sur ces divers points v notre note preacuteciteacutee sous Cass ass pleacuten 31 mai 1991

(5) Obs J Hauser sous larrecirct rendu le 1er feacutevrier 2001 par la Cour dappel de Paris dans le

preacutesente affaire in RTD civ 2001 347

AD2008DEF0291N1

Reacutepertoire du Notariat Defreacutenois 15 feacutevrier 2008 ndeg 3 P 291 - Tous droits reacuteserveacutes

FILIATION

38717 La convention de megravere porteuse

(Reacuteflexions sur les sources du droit et les principes dindisponibiliteacute du corps humain et de leacutetat des personnes)

Le droit franccedilais prohibe les conventions de megraveres porteuses

26

Malgreacute linterdiction leacutegale de nombreux couples ont chercheacute et cherchent encore agrave

contourner cette interdiction notamment en ayant recours agrave des megraveres de substitution dans

des pays eacutetrangers ougrave cette pratique est autoriseacutee

La Cour de cassation veille agrave ce que linstitution de ladoption ne soit pas deacutetourneacutee au profit

de ces parents

Dans un arrecirct du 25 octobre 2007 la cour dappel de Paris vient de reacuteouvrir le deacutebat non sur

le terrain de la convention mais sur celui de la non-transcription des actes de naissance et de

linteacuterecirct supeacuterieur de lenfant

Une excellente occasion de faire le point sur la question et de sinterroger pour lavenir avant

la reacutevision de la loi bioeacutethique en 2009

par Rabih CHENDEB

Docteur en droit

ATER agrave lUniversiteacute de Picardie Jules Verne

laquo La science va Elle est ineacuteluctable Ce quil faut cest la rendre eacutethique raquo (1)

Le droit positif franccedilais interdit de recourir aux megraveres porteuses si un couple conccediloit un

embryon in vitro qui est implanteacute dans luteacuterus dune tierce femme cest cette tierce femme

qui est la megravere selon la loi franccedilaise et les parents biologiques ne peuvent avoir aucun droit

mecircme en cas dabandon de lenfant agrave la naissance par la megravere porteuse La loi bioeacutethique de

1994 a interdit la gestation pour autrui car cela soulevait des questions

dinstrumentalisation et de commercialisation du corps de la femme

De nombreux couples en mal denfants ont depuis longtemps chercheacute agrave contourner les regravegles

notamment en ayant recours agrave des megraveres de substitution qui vivent dans des pays ougrave cette

pratique est autoriseacutee Jusquagrave preacutesent la Cour de cassation ne sy est jamais laisseacutee prendre et

condamnait ladoption faite par les parents de lenfant de la megravere porteuse consideacuterant quil

sagissait dun deacutetournement de linstitution de ladoption (I)

Le 25 octobre 2007 la cour dappel de Paris vient donner lespoir dune ouverture vers

lacceptation dans linteacuterecirct de lenfant de cette deacutemarche Cette deacutecision de la cour dappel

pourrait changer les choses en attendant la reacutevision de la loi bioeacutethique preacutevue en 2009 Une

chose est sucircre cet arrecirct a le meacuterite douvrir le deacutebat et de poser la question de linteacuterecirct de

lenfant comme exception agrave lindisponibiliteacute de leacutetat des personnes et agrave linterdiction de la

pratique des megraveres porteuses Une certaine eacutevolution des mentaliteacutes ainsi que la dispariteacute

entre la loi franccedilaise et dautres leacutegislations nationales pourraient donner lieu agrave un

assouplissement de cette leacutegislation (II)

I Lhostiliteacute du leacutegislateur et de la jurisprudence agrave leacutegard de la convention de megravere porteuse

Au siegravecle dernier seacutetaient deacuteveloppeacutees des associations ayant pour but de faire se rencontrer

des couples deacutesireux davoir un enfant et des femmes acceptant de le porter pour ensuite le

leur laquo ceacuteder raquo par contrat Pour des raisons plus ou moins louables le proceacutedeacute fut rapidement

condamneacute par le droit franccedilais (A) tout comme ladoption qui sen suivait (B)

27

A Le caractegravere illicite de la convention de megravere porteuse

La megravere porteuse met en effet agrave mal le scheacutema classique de la famille On affirmait en Droit

romain que la megravere eacutetait sucircre et que le pegravere eacutetait le mari Le Code napoleacuteon a enteacuterineacute cette

conception Dire que lenfant possegravede une megravere geacuteneacutetique et une megravere uteacuterine va agrave lencontre

de ses dispositions (2)

Pris au deacutepourvu le leacutegislateur franccedilais a tardeacute agrave reacuteagir face aux progregraves scientifiques Il en

est reacutesulteacute un vide juridique auquel la jurisprudence sest efforceacutee de faire face Devant cette

heacutesitation bien compreacutehensible du droit les ressources de la morale de la deacuteontologie et

surtout de la bioeacutethique ont eacuteteacute solliciteacutees (3) Le Conseil dEtat confronteacute aux associations

voulant intervenir dans ce domaine a ainsi prononceacute la dissolution de ces associations pour

objet illicite (4) Le 13 deacutecembre 1989 la premiegravere chambre civile de la Cour de cassation a

releveacute le principe dindisponibiliteacute du corps humain par une interpreacutetation a contrario de

larticle 1128 du Code civil qui dispose qu laquo il ny a que les choses qui sont dans le

commerce qui puissent ecirctre lobjet des conventions raquo La personne ne dispose pas de son

corps elle nen est pas proprieacutetaire (5) Le 31 mai 1991 lassembleacutee pleacuteniegravere de la Cour de

cassation vise les articles 6 1128 et 353 du Code civil afin daffirmer le caractegravere illicite de la

convention conclue entre une megravere porteuse et un couple steacuterile En effet ce contrat porte sur

deux corps humains la megravere et lenfant (6)

Rapidement le leacutegislateur est venu leacutegifeacuterer dans ce sens avec la loi no 94-653 du 29 juillet

1994 relative agrave la bioeacutethique pour que le Code civil reconnaisse le corps humain en tant que

tel Cette loi prend deacutesormais explicitement en compte le corps humain parce quil a voulu

promouvoir son respect face au deacuteveloppement des sciences biomeacutedicales Cette loi a entraicircneacute

la modification et la creacuteation darticles dans le Code civil et le Code peacutenal

Le principe du respect de la digniteacute de la personne humaine est poseacute par larticle 16 du Code

civil laquo La loi assure la primauteacute de la personne interdit toute atteinte agrave la digniteacute de celle-ci

et garantit le respect de lecirctre humain degraves le commencement de sa vie raquo Le nouvel article 16-1

preacutevoit que laquo Chacun a droit au respect de son corps Le corps humain est inviolable Le

corps humain ses eacuteleacutements et ses produits ne peuvent faire lobjet dun droit patrimonial raquo

Par conseacutequent selon larticle 16-5 laquo Les conventions ayant pour effet de confeacuterer une

valeur patrimoniale au corps humain agrave ses eacuteleacutements ou agrave ses produits sont nulles raquo De mecircme

quand une personne accepte de donner son sang ce ne peut ecirctre quagrave titre beacuteneacutevole Enfin

larticle 16-7 dispose mecircme laquo Toute convention portant sur la procreacuteation ou la gestation

pour le compte dautrui est nulle raquo (7)

En outre cette interdiction est assortie dune sanction peacutenale pouvant aller jusquagrave un an

demprisonnement et 15 000 euro damende pour celui qui sentremet ou tente de sentremettre

entre une personne ou un couple deacutesireux daccueillir un enfant et une femme acceptant de

porter en elle cet enfant en vue de le leur remettre Lorsque ces faits ont eacuteteacute commis agrave titre

habituel ou dans un but lucratif les peines sont porteacutees au double (8)

En deacutepit de la reacutesistance de quelques juges du fond qui ont admis ladoption la Cour de

cassation na pas infleacutechi sa position (9) Elle sest reacutecemment opposeacutee agrave ladoption simple

dun enfant par un couple homosexuel estimant cette adoption contraire agrave laquo linteacuterecirct supeacuterieur

de lenfant raquo (10)

28

Analyseacutes dans le contexte de ces deacutecisions les deux principes de lilliceacuteiteacute des conventions et

de lindisponibiliteacute du corps humain expriment une mecircme ideacutee la condamnation dune

convention qui porte sur le corps humain celui de lenfant agrave naicirctre et celui de la femme qui la

conccedilu et porteacute

Toutefois les motifs adopteacutes par la Cour de cassation savegraverent dune extrecircme faiblesse En

effet ces motifs sont lieacutes agrave lilliceacuteiteacute de lobjet des conventions agrave lindisponibiliteacute du corps

humain ainsi quagrave lindisponibiliteacute de leacutetat des personnes (11) Pourtant les lois dites laquo

bioeacutethiques raquo du 29 juillet 1994 puis la loi du 6 aoucirct 2004 (12) relative agrave la bioeacutethique ont

admis lutilisation des eacuteleacutements et des produits du corps humain agrave des fins theacuterapeutiques ou

scientifiques Effectivement une loi en date du 24 janvier 1953 deacutetermine laquo les tarifs de

cession du sang raquo Les dispositions sont aujourdhui dans le Code de la santeacute publique Degraves

lors on peut donner ses gamegravetes ses organes son sang Il semble que plus quune approche

anthropologique des sciences meacutedicales (qui conduiraient agrave une ineacutevitable instrumentalisation

du corps des hommes) il existerait ce que nous appelons une technoscience laquo de linvisible

raquo que seul le droit accepte de leacutegitimer (13)

Par ailleurs la terminologie employeacutee par le leacutegislateur de 1994 est eacuteloquente Cest

certainement parce que le principe dindisponibiliteacute du corps humain sest aveacutereacute irreacutealiste videacute

de sa substance par le nombre et limportance de ses exceptions que le leacutegislateur lui a preacutefeacutereacute

celui de non-patrimonialiteacute qui figure aujourdhui aux articles 16-1 16-5 et 16-6 du Code

civil Il est donc possible de disposer de son corps agrave titre de dons dans les limites de la loi

(14)

Pour conclure sur ce point il sera emprunteacute les propos de Mme Mayer-Jack laquo

Malheureusement si ce principe dindisponibiliteacute du corps humain possegravede les qualiteacutes trop

rares decirctre nettement formuleacute et universellement admis il apparaicirct agrave la reacuteflexion frappeacute dun

vice radical il se reacutevegravele contraire aux faits raquo (15)

B La nulliteacute de ladoption

En matiegravere de materniteacute de substitution lenfant reste au coeur du deacutebat Il est laquo lobjet raquo de la

convoitise du couple demandeur et lobjet de la convention En vue de permettre

leacutetablissement dune filiation adoptive deux processus eacutetaient suivis par lesdits couples

processus que la Cour de cassation sempressa dinterdire agrave son tour

1 Le contournement aveacutereacute de la loi par les couples restant en France

En effet le processus se deacuteroulait en trois eacutetapes dans un premier temps lembryon issu des

gamegravetes du couple ou du mari et de la femme porteuse eacutetait implanteacute dans luteacuterus de cette

derniegravere La megravere porteuse suivait sa grossesse normalement notamment au regard du suivi

meacutedical (16) Ensuite elle accouchait anonymement La leacutegislation autorise les

accouchements laquo sous X raquo et reconnaicirct ainsi aux parturientes le droit de ne pas ecirctre megraveres si

elles ne le deacutesirent ou ne le peuvent pas Le pegravere fournisseur de sperme quant agrave lui effectuait

une reconnaissance preacutenatale de lenfant A sa naissance il le reconnaissait Lenfant avait

donc un pegravere mais sans indication de la filiation maternelle Enfin leacutepouse de ce dernier

adoptait de maniegravere pleacuteniegravere lenfant Leacutetat de mariage de la megravere porteuse ne changeait rien

puisque laccouchement anonyme empecircchait que le mari soit consideacutereacute comme pegravere preacutesumeacute

29

Depuis larrecirct Alma Mater (17) nous savons que la convention de materniteacute de substitution

est nulle car contrevenant agrave lordre public (18) Mais jusqualors la jurisprudence avait eu le

soin de dissocier convention et adoption Toute convention portant sur la procreacuteation ou la

gestation pour le compte dautrui eacutetant nulle la convention de megravere porteuse ayant permis la

naissance de lenfant en cause est donc incontestablement frauduleuse Degraves lors la possession

deacutetat sur laquelle les demandeurs se fondent pour voir eacutetablir un lien de filiation leacutegitime agrave

leur profit et lacte de notorieacuteteacute quils ont ainsi obtenu sont eux-mecircmes vicieacutes et ne peuvent

donc permettre leacutetablissement dun tel lien Par ailleurs la Convention de New York sur les

droits de lenfant garantit notamment agrave celui-ci laccegraves agrave ses origines Or lapplication de la

convention frauduleuse aurait pour effet de consacrer un mensonge lacte de naissance qui

serait eacutetabli sur le fondement de cette convention aboutirait en effet agrave nier totalement les

conditions dans lesquelles lenfant a eacuteteacute conccedilu En conseacutequence les demandeurs ne pourront

se preacutevaloir de la possession deacutetat vicieacutee pour obtenir la retranscription de lacte de notorieacuteteacute

sur lacte de naissance de lenfant (19) Ainsi la prohibition de la convention a entraicircneacute dans

son sillage une impossibiliteacute dadoption par leacutepouse du pegravere (20) Il y a deacutetournement de

linstitution de ladoption pleacuteniegravere en ce que lenfant a eacuteteacute conccedilu pour ecirctre abandonneacute par sa

megravere et adopteacute par une autre (21)

Il en reacutesulte que cest labandon de lenfant qui rend impossible ladoption par leacutepouse du

mari Or labandon de lenfant constitue deacutejagrave une deacutemarche parfaitement licite et reacuteglementeacutee

par la loi Il suffit pour sen convaincre de lire attentivement les textes adeacutequats agrave savoir les

articles 61 et 62 du Code de la famille et de laide sociale 348-3 et 350 du Code civil et 1158

agrave 1163 du Code de proceacutedure civile Il suffit agrave la megravere et plus geacuteneacuteralement agrave la personne

investie des droits parentaux de confier 1enfant agrave un eacutetablissement ou agrave un service de laide

sociale agrave 1enfance (ASF) ou mecircme agrave un particulier puis de sen deacutesinteacuteresser

manifestement pendant une anneacutee nentretenant avec lui aucune relation neacutecessaire au

maintien de liens affectifs Le tribunal de grande instance peut degraves lors sauf agrave prendre en

consideacuteration le cas exceptionnel de grande deacutetresse du parent deacutefaillant deacuteclarer 1enfant

abandonneacute agrave la requecircte de tout inteacuteresseacute et notamment de leacutetablissement service ou famille

daccueil (22) laquo On cesse dinterdire une pratique non pas lorsquelle se deacuteveloppe mais

lorsquon ne sait plus pourquoi elle est interdite raquo (23)

Dailleurs une contradiction engendre ce refus dadoption En effet laquo consideacuterer ladoption

indissociable de la convention revient agrave ne voir lenfant que comme lobjet de cette convention

raquo (24) Ainsi les parents ont pu eacutetablir anteacuterieurement agrave la naissance le processus dont

ladoption est laquo lultime phase raquo Mais ce processus nest pas fait dans lintention de nuire agrave

lenfant Alors comment comprendre la seacuteveacuteriteacute afficheacutee de la Cour de cassation

Traiter lenfant comme une veacuteritable personne implique de dissocier la convention ougrave il

nintervient pas et ladoption dont il est partie prenante et mecircme partie principale Il faut

sinterroger sur son inteacuterecirct propre quitte agrave le confronter ensuite agrave ceux auxquels il soppose

(25)

2 Lexpansion du tourisme procreacuteatif

La dispariteacute des regravegles nationales agrave propos de la gestation pour autrui a conduit certains

couples agrave se rendre agrave leacutetranger pour pouvoir avoir recours agrave une megravere porteuse on parle

deacutesormais de laquo tourisme procreacuteatif raquo (26)

30

Lagrave encore le processus deacutebute par une inseacutemination artificielle mais les pays ayant leacutegaliseacute la

gestation pour le compte dautrui permettent par ailleurs que lembryon inseacutemineacute dans

luteacuterus de la femme soit issu de la rencontre des gamegravetes des deux parents demandeurs

Lenfant est donc geacuteneacutetiquement lenfant du couple Il a pour parent degraves sa naissance le

couple demandeur il porte leur nom et le preacutenom quils lui ont choisi Mais pour exister en

France il est neacutecessaire de recourir agrave une transcription sur les registres de leacutetat civil franccedilais

de lacte de naissance eacutetranger Lagrave encore la seacuteveacuteriteacute est de mise puisque le parquet de

Nantes qui a en charge la transcription des eacutetats civils venant de leacutetranger refuse

systeacutematiquement cette transcription qui nest pas conforme agrave la leacutegislation franccedilaise (27)

Les magistrats ont eacuteteacute confronteacutes agrave ces situations ougrave la megravere commanditaire deacutesirait eacutetablir un

lien de filiation entre elle et lenfant issu de la convention de materniteacute de substitution

Tel est par exemple le cas qui a eacuteteacute trancheacute par la cour dappel de Rennes le 4 juillet 2002

(28) Dans cet arrecirct la cour dappel a rejeteacute ladoption des enfants par un couple qui a conclu

en Californie une convention portant sur la gestation dun embryon issu de leurs propres

gamegravetes La cour relegraveve que laquo la loi franccedilaise ne donne pas une deacutefinition de la megravere raquo cette

notion est inscrite dans les mentaliteacutes depuis des siegravecles par ladage Mater semper certa est

Cest laccouchement qui deacutetermine la megravere et non la seule reacutealiteacute geacuteneacutetique

Cette jurisprudence installeacutee depuis le ceacutelegravebre arrecirct de lassembleacutee pleacuteniegravere du 31 mai 1991

constitue une atteinte directe agrave linteacuterecirct de lenfant Ce dernier est priveacute de toute filiation

maternelle leacutegalement reconnue et ce sans beacuteneacutefice pour personne (29)

Malheureusement en raison de cette solution les deux enfants sont acircgeacutes de sept ans et vivent

aupregraves de leur pegravere naturel et de sa compagne dont la materniteacute ne peut leacutegalement ecirctre eacutetablie

(30)

Cette jurisprudence preacutesente un point faible Selon larticle 353 du Code civil le tribunal de

grande instance saisi dune requecircte aux fins dadoption pleacuteniegravere veacuterifie si les conditions de

la loi sont remplies et si ladoption est conforme agrave linteacuterecirct de lenfant Or en loccurrence

le preacutetendu droit de lenfant ne coiumlncide pas avec son inteacuterecirct seul mis en avant dans 1article

353 du Code civil Le refus par la cour dappel de prononcer ladoption pleacuteniegravere a priveacute les

deux enfants (au nom de leur droit aussi eacuteminent que symbolique agrave la non-chosification) dun

avantage concret et primordial leur admission au statut denfants leacutegitimes de leurs vrais

parents geacuteneacutetiques (31) Simples enfants naturels ou adulteacuterins de leur pegravere ils demeureront

sans lien de filiation maternelle Un tel problegraveme meacuterite que les juridictions se penchent au

moins sur lui (32) La protection de linstitution de ladoption sopegravere au deacutetriment du droit

reconnu agrave lenfant deacutetablir sa filiation par le biais dune discrimination fondeacutee sur les

circonstances de sa naissance (33) La jurisprudence nous semble aller agrave lencontre des

engagements internationaux contracteacutes par la France (34)

II Leacutevolution des mentaliteacutes vers une leacutegislation plus souple

Jusquagrave preacutesent la jurisprudence a toujours interdit ladoption des enfants par des couples

ayant eu recours agrave la gestation pour autrui consideacuterant quil sagit dun deacutetournement de

linstitution de ladoption (35)

Un grand quotidien Libeacuteration reacutevegravele que la cour dappel de Paris a reconnu comme parents

leacutegitimes de jumelles un couple franccedilais ayant fait appel agrave une megravere porteuse ameacutericaine

31

Une chose est sucircre cet arrecirct a le meacuterite douvrir le deacutebat et de poser la question de linteacuterecirct de

lenfant comme exception agrave lindisponibiliteacute de leacutetat des personnes et agrave linterdiction de la

pratique des megraveres porteuses (A) Lorsque lon accepte une loi eacutetrangegravere qui a eacuteteacute appeleacutee au

secours pour contourner la loi franccedilaise la modification de la loi franccedilaise nest pas loin (B)

A Lassouplissement de la jurisprudence

Dans laffaire porteacutee devant la cour dappel de Paris que nous avons abordeacutee rapidement

preacuteceacutedemment un couple dont la femme ne peut assurer la gestation en raison dune

malformation congeacutenitale se rend en Californie ougrave il conclut une convention portant sur la

gestation dun embryon issu de leurs propres gamegravetes Des jumelles naissent de cette

convention Le droit californien fait abstraction du deacutefaut daccouchement La concubine est

inscrite comme megravere dans les registres de naissance de Californie Quelques semaines plus

tard le couple reconnaicirct les enfants en France Mais agrave leur retour dans lHexagone ils sont

placeacutes en garde agrave vue puis mis en examen pour laquo entremise entre une personne deacutesireuse

dadopter un enfant et un parent deacutesireux dabandonner son enfant neacute ou agrave naicirctre raquo et pour laquo

simulation ayant entraicircneacute une atteinte agrave leacutetat civil de lenfant raquo

En 2004 le juge dinstruction rend un non-lieu sur les poursuites peacutenales les faits seacutetant

deacuterouleacutes dans un pays ougrave cette pratique est leacutegale Le parquet a alors continueacute son offensive

sur le terrain civil et chercheacute agrave faire annuler la filiation et la transcription sur leacutetat civil Le

tribunal de grande instance a deacuteclareacute cette demande irrecevable en deacutecembre 2005 Une

deacutecision rendue par la cour dappel de Paris confirme ce jugement le 25 octobre dernier apregraves

avoir estimeacute que laquo La non-transcription des actes de naissances aurait des conseacutequences

contraires agrave linteacuterecirct supeacuterieur des enfants qui au regard du droit franccedilais se verraient priveacutes

dactes deacutetat civil indiquant leur lien de filiation y compris agrave leacutegard de leur pegravere biologique

raquo

La question sera deacutesormais soumise agrave la Cour de cassation qui a deacutejagrave pris des deacutecisions

progressistes dans des questions relatives au droit de la famille notamment dans linteacuterecirct de

lenfant Elle a ainsi fait le 24 feacutevrier 2006 un pas important vers la reconnaissance de

lhomoparentaliteacute en autorisant quun parent homosexuel deacutelegravegue tout ou partie de son

autoriteacute parentale agrave son partenaire avec lequel il vit en union stable agrave condition que cette

mesure soit prise dans linteacuterecirct supeacuterieur de lenfant (36)

Le plus important reacuteside dans le fait que la cour dappel de Paris a estimeacute que la non-

transcription sur les actes de naissance aurait des conseacutequences contraire agrave llaquo inteacuterecirct de

lenfant raquo Depuis longtemps linteacuterecirct de lenfant est au centre du droit de la famille et depuis

quelques anneacutees celui-ci devient veacuteritablement la pierre angulaire de cette discipline (37)

Dans un arrecirct du 18 mai 2005 la premiegravere chambre civile de la Cour de cassation preacutecise au

visa de larticle 3-1 de la Convention relative aux droits de lenfant que laquo dans toutes les

deacutecisions qui concernent les enfants linteacuterecirct supeacuterieur de lenfant doit ecirctre une

consideacuteration primordiale raquo (38) Mais que faut-il entendre par inteacuterecirct supeacuterieur de lenfant

(39)

Bien que le nouvel article L 112-4 du Code de laction sociale et des familles (40) et larticle

371-1 du Code civil semblent deacutefinir les eacuteleacutements constitutifs de cette notion llaquo inteacuterecirct de

lenfant raquo reste un concept assez flou que le leacutegislateur et les juges se gardent bien de deacutefinir

preacuteciseacutement on ne peut limiter linteacuterecirct supeacuterieur de lenfant agrave la protection de sa santeacute de sa

seacutecuriteacute et de sa moraliteacute Certes ces eacuteleacutements sont les bases de linteacuterecirct de lenfant mais

32

puisque celui-ci peut deacutepasser le strict cadre du droit de lautoriteacute parentale voire du droit de

la famille cette vision serait bien trop reacuteductrice

Le sens de cette notion peut encore sobscurcir si lon considegravere quelle peut se confondre avec

dautres concepts voisins Larticle 371-5 doit ainsi conduire agrave distinguer linteacuterecirct de lenfant de

celui de la fratrie En effet si celle-ci a inteacuterecirct agrave rester unie certaines circonstances permettent

deacutecarter un de ses membres dans son inteacuterecirct exclusif

Un amendement proposait cependant agrave la suite du nouvel article L 112-4 du Code de laction

sociale et des familles une deacutefinition inteacuteressante laquo Linteacuterecirct supeacuterieur de lenfant est deacutefini

comme lassurance de la protection de sa seacutecuriteacute personnelle et affective lassurance dun

contexte familial permettant un bon deacuteveloppement physique intellectuel affectif et social

lassurance dune relation dattachement parental permettant de se construire Linteacuterecirct

supeacuterieur de lenfant tel que deacutefini constitue son projet de vie raquo (41)

On ne peut que se feacuteliciter de la mise en avant de linteacuterecirct de lenfant pour deacuteroger agrave la sacro-

sainte interdiction des megraveres porteuses car il est vrai quil ne faut pas oublier que limportant

reste dabord et avant tout lenfant qui a et doit avoir une place centrale au sein de la famille

On peut envisager que cette reacutecente jurisprudence puisse influencer la reacuteflexion sur le recours

aux laquo megraveres porteuses raquo sur le territoire national qui conduise agrave une eacutevolution de la loi

B Vers une eacutevolution de la loi

Alors que la France interdit la laquo gestation pour autrui raquo cette pratique a eacuteteacute leacutegaliseacutee dans de

nombreux pays La France a donc une leacutegislation moins libeacuterale que dautres leacutegislations

nationales La pratique de la gestation pour autrui est notamment autoriseacutee aux Etats-Unis au

Canada en Australie et dans plusieurs pays de lUnion europeacuteenne (Espagne et Belgique

Gregravece et Royaume-Uni notamment) (42) La question de la leacutegalisation des megraveres porteuses

est tregraves controverseacutee en France et demanderait un strict encadrement (43)

On enseigne habituellement que les questions deacutetat ne peuvent deacutependre de la seule volonteacute

individuelle Leacutetat des personnes - le droit de la filiation en particulier - eacutechapperait aux

conventions Mais ce principe nest plus si absolu Leacutevolution contemporaine reacuteduit laspect

institutionnel Une place nettement importante a eacuteteacute faite dans lorganisation des relations

familiales agrave la volonteacute individuelle laquo Laccroissement du pouvoir des volonteacutes individuelles

dans le droit de la famille est une marque essentielle de ce droit raquo (44) Dougrave la justesse de

lexpression laquo contractualisation du droit de la famille raquo Le rocircle de la volonteacute individuelle

tend agrave ecirctre de plus en plus important (45) Tel est le cas du divorce du PACS et du mariage

La procreacuteation nest plus la finaliteacute avec larriveacutee en force dans des pays voisins du mariage

homosexuel

Une certaine eacutevolution des mentaliteacutes ainsi que la dispariteacute entre la loi franccedilaise et dautres

leacutegislations nationales pourraient bien donner lieu agrave un assouplissement de cette leacutegislation

(46)

La gestation pour autrui permet de pallier certaines formes de steacuteriliteacute feacuteminine en raison

dune absence ou dune deacuteformation duteacuterus de conseacutequences de cancer ou reacutesultant dune

hysteacuterectomie de fausses couches reacutepeacuteteacutees dune contre-indication meacutedicale agrave la grossesse ou

de nombreux eacutechecs de feacutecondations in vitro (47) Dans ce cas on implante les gamegravetes des

parents geacuteneacutetiques dans le ventre de la megravere porteuse

33

Un autre argument favorable agrave cette pratique est la certitude apaisante pour le couple steacuterile

de ce que lenfant porteacute en uteacuterus tiers nen sera pas moins leur veacuteritable enfant geacuteneacutetique

puisque conccedilu agrave partir de leurs propres gamegravetes

De plus il faut deacutenoncer une incoheacuterence Une femme empecirccheacutee par la loi de donner avant

sa grossesse agrave un couple agreacuteeacute par elle lenfant quelle portera moyennant eacutequitable

reacutecompense possegravede en revanche le droit discreacutetionnaire de labandonner une fois neacute au

hasard des eacutetablissements ou du service de lASE ou pis encore de recourir agrave une

interruption volontaire de grossesse pendant les douze premiegraveres semaines (48)

La possession deacutetat repreacutesente une valeur humaine et sociale qui doit ecirctre prise en compte en

tant que telle Comme lont joliment affirmeacute M Hauser et Mme Huet-Weiller laquo elle est la

veacuteriteacute des sentiments la veacuteriteacute du coeur tout aussi respectable sinon plus que celle des

registres deacutetat ou mecircme de nos gegravenes raquo (49) Ainsi on peut ecirctre favorable agrave cette reacuteflexion

sous certains reacuteserves

Tout dabord le couple demandeur devait avoir plus de 18 ans et linfertiliteacute devrait ecirctre

meacutedicalement eacutetablie Ensuite seule lutilisation des gamegravetes (sperme et ovocytes) du couple

serait autoriseacutee afin deacuteviter que la gestatrice soit aussi la megravere biologique de lenfant (pour

eacuteviter des liens trop forts eacutetablis entre elle et le beacutebeacute)

De son cocircteacute la megravere porteuse devait avoir plus de 18 ans et accepter de subir des tests divers

avant la grossesse Elle serait la seule agrave donner un consentement valable concernant la gestion

de sa grossesse et elle abandonnerait ses droits parentaux agrave la naissance de lenfant tout en

assistant le couple demandeur lors de la deacutelivrance du certificat de naissance Le

consentement devrait aussi ecirctre obtenu par un entretien psychologique meacutedical et juridique

Seul le juge pourrait donner laccord au deacutebut du processus Le couple demandeur devait

sengager agrave assumer la garde de lenfant degraves sa naissance afin deacuteviter soit une non-remise

denfant soit un refus de lenfant - par exemple en cas de handicap

Concernant la reacutemuneacuteration de la megravere porteuse la marchandisation est inacceptable Les

intermeacutediaires reacutemuneacutereacutes seraient interdits Le principe du volontariat et de la gratuiteacute sont

essentiels le don de vie (50)

Enfin il ne sagirait pas de reacutemuneacuteration mais de compensation financiegravere destineacutee agrave

deacutedommager les inconveacutenients lieacutes agrave la grossesse sur la base de la loi laquo Huriet raquo (loi sur la

recherche meacutedicale avec volontaires sains) Le couple demandeur devrait prendre agrave sa charge

les deacutepenses meacutedicales leacutegales et psychologiques ainsi quun montant raisonnable alloueacute agrave la

megravere porteuse pour subvenir agrave ses besoins Les juges appreacutecieraient librement ce que peut ecirctre

un montant laquo raisonnable raquo sans que cela puisse jamais ecirctre consideacutereacute comme une laquo vente raquo

denfant

(1) B Debreacute et S Agacinski laquo Faut-il leacutegaliser les megraveres porteuses en France raquo Le Figaro Magazine du samedi 10 novembre 2007 p 50

34

(2) G David laquo Don et utilisation du sperme raquo in Actes du colloque Geacuteneacutetique procreacuteation et

droit Actes sud 1985 p 205 G-M Faure Le deacutesir denfant agrave leacutepreuve du droit Essai sur le droit de la procreacuteation meacutedicalement assisteacutee Thegravese Universiteacute de Lille 1992 p 7

(3) G Lebreton Liberteacutes publiques et droits de lhomme 6e eacuted Armand Colin 2003 p 262

(4) CE 22 janvier 1988 Lebon 1988 p 37

(5) La Cour de cassation a enteacuterineacute la position de la cour dappel de Paris pour laquelle laquo ni laltruisme du comportement de la megravere de substitution ni le caractegravere deacutesinteacuteresseacute des activiteacutes de lassociation ne sont propres agrave faire disparaicirctre lilliceacuteiteacute qui frappe laccord litigieux raquo Cass civ 1re 13 deacutecembre 1989 Bull civ I no 387 Defreacutenois 1990 art 34802 no 55 obs J-L Aubert D 1990 p 273 JCP eacuted G 1990 II 21526 note A Seacuteriaux propos recueillis par C Slobodansky laquo Le droit doit limiter les progregraves de la science raquo LPA du 7 mai 2004 no 92 p 60

(6) laquo La convention par laquelle une femme sengage fucirct-ce agrave titre gratuit agrave concevoir et porter un enfant pour labandonner agrave sa naissance contrevient tant au principe dordre public de lindisponibiliteacute du corps humain quagrave celui de lindisponibiliteacute de leacutetat des personnes raquo Cass ass pleacuten 31 mai 1991 Bull civ ass pleacuten no 4 Defreacutenois 1991 art 35142 no 103 obs J-L Aubert Defreacutenois 1991 art 35088 no 67 note J Massip RTD civ 1991 p 517 obs D Huet-Weiller et p 489 note M Gobert M Gobert laquo Reacuteflexions sur les sources du droit et les

principes dindisponibiliteacute du corps humain et de leacutetat des personnes agrave propos de la materniteacute de substitution raquo RTD civ 1992 p 489 et s speacutec p 501 dans ce sens v deacutejagrave les remarques de P Murat laquo Laction de lordonnance du 4 juillet 2005 sur la possession deacutetat raquo Dr Famille 2006 eacutetude no 6 speacutec no 7 V aussi J Massip laquo Linsertion dans le Code civil de dispositions relatives au corps humain agrave lidentification geacuteneacutetique et agrave la procreacuteation meacutedicalement assisteacutee raquo Defreacutenois 1995 art 35975 et 35992

(7) En ce sens V Depadt-Sebag laquo De la neacutecessiteacute dune reacuteforme de larticle 16-7 du Code civil relatif agrave linterdiction de gestation pour autrui raquo RGD meacuted 2004 no 12 p 135 et s

(8) Art 227-12 et s C peacuten

(9) CA Paris 1re feacutevrier 2001 RTD civ 2001 p 347 obs J Hauser Cass civ 1re 9 deacutecembre 2003 Bull civ I no 252 p 201 CA Rennes 4 juillet 2002 D 2002 p 2904

(10) Cass civ 1re 20 feacutevrier 2007 Defreacutenois 2007 art 38595 no 45 obs J Massip

(11) V Depadt-Sebag laquo De la neacutecessiteacute dune reacuteforme de larticle 16-7 du Code civil relatif agrave linterdiction de gestation pour autrui raquo preacutec no 12 p 135 et s

(12) L no 2004-800 du 6 aoucirct 2004 relative agrave la bioeacutethique JO du 7 aoucirct 2004 p 14040 J Massip art preacutec

(13) Dans ce sens v M Gobert laquo Reacuteflexions sur les sources du droit et les principes dindisponibiliteacute du corps humain et de leacutetat des personnes agrave propos de la materniteacute de substitution raquo preacutec p 489 et s speacutec p 513

(14) V Depadt-Sebag laquo De la neacutecessiteacute dune reacuteforme de larticle 16-7 du Code civil relatif agrave linterdiction de gestation pour autrui raquo preacutec no 12 p 135 et s E Camuzet La convention de gestation pour autrui une illeacutegaliteacute franccedilaise injustifieacutee Meacutemoire Lille 2 Universiteacute du droit et de la santeacute 2005-2006 p 55

(15) A Mayer-Jack laquo Les conventions relatives agrave la personne physique raquo Rev crit leacutegisl et jurispr 1993 p 6

(16) G Meacutemeteau laquo Une distinction est opeacutereacutee sur la reacutefeacuterence des donneacutees acquises de la science agrave la date des soins par opposition agrave la notion erroneacutee de donneacutees actuelles de la science raquo note sous Cass civ 1re 6 juin 2000 JCP eacuted G 2001 II 10447

(17) Cass civ 1re 13 deacutecembre 1989 Bull civ I no 387 Defreacutenois 1990 art 34815 rapp J Massip D 1990 p 273 JCP eacuted G 1990 II 21526 note A Seacuteriaux

35

(18) Communication J Bernard et comm J Massip Defreacutenois 1990 art 35088 no 67 note J

Massip F Terreacute note sous Cass ass pleacuten 31 mai 1991 JCP eacuted G 1991 II 21752 dans ce sens v les remarques de P Murat laquo Laction de lordonnance du 4 juillet 2005 sur la possession deacutetat raquo preacutec eacutetude no 6 speacutec no 7 G Kessler laquo La consolidation de situations illicites dans linteacuterecirct de lenfant raquo Dr Famille no 7 juillet 2005 Etude 16

(19) TGI Lille 22 mars 2007 D 2007 no 18 p 1251 note X Labbeacutee B Edelman et C Labrusse-Riau note sous CA Paris 15 juin 1990 JCP eacuted G 1991 II 21653

(20) V Larribau-Terneyre note sous CA Pau 19 feacutevrier 1991 D 1991 juris p 380

(21) J Massip laquo Megravere porteuse et deacutecheacuteance de lautoriteacute parentale raquo LPA du 29 octobre 2003 no 216 p 10 Cass ass pleacuten 31 mai 1991 Bull civ ass pleacuten no 4 Defreacutenois 1991 art 35088 no 67 p 948 obs J Massip D 1991 p 417 rapport Y Chartier note D Thouvenin JCP eacuted G 1991 II 21752 communication J Bernard concl H Dontenwille note F Terreacute RTD civ 1991 p 517 obs D Huet-Weiller

(22) J Rubellin-Devichi laquo Materniteacute de substitution qui est la megravere raquo note sous CA Rennes 4 juillet 2002 JCP eacuted G 2003 I 101 C Ducomte laquo La vraie querelle des megraveres porteuses raquo httppagesperso-orangefrmax-christianducomtemereindexhtm

(23) Propos de Mme F Dekeuwer-Deacutefossez lors de son audition devant le preacutesident M Bloche pour la mission dinformation sur la famille (procegraves-verbal du 5 octobre 2005)

(24) J Hauser obs in RTD civ 1999 p 372 F Dekeuwer-Deacutefossez note sous Cass ass pleacuten 31 mai 1991 D 1992 somm p 59

(25) F Dekeuwer-Deacutefossez laquo Les droits de lenfant raquo D 1992 somm p 59 E Poisson-Drocourt laquo Recours agrave une megravere de substitution et refus de ladoption raquo D 2004 p 2001

(26) J-J Lemouland laquo Le tourisme procreacuteatif raquo LPA 2001 no 62 p 24 F Dekeuwer-Deacutefossez laquo Le lien parental raquo LPA du 1er juillet 2004 no 131 p 70 F Granet note sous CA Rennes 4 juillet 2002 D 2002 p 2904

(27) CA Aix-en-Provence 12 mars 2002 Juris-Data no 2002-190443 A Seacuteriaux laquo Droit naturel et procreacuteation artificielle quelle jurisprudence raquo D 1985 chron p 53 J Massip laquo Le nouveau droit de la filiation raquo Defreacutenois 2006 art 38303 p 13

(28) CA Rennes 4 juillet 2002 JCP eacuted G 2003 I 101 note J Rubellin-Devichi

(29) laquo Si le principe structurant de lautoriteacute parentale est linteacuterecirct de lenfant deacutetermineacute in concreto le droit de la filiation nappreacutecie en revanche jamais linteacuterecirct concret dun enfant preacutecis mais linteacuterecirct geacuteneacuteral de lenfant in abstracto raquo A Gouttenoire laquo A chacun sa famille agrave chacun son droit raquo Dr Famille no 7 juillet 2006 Alerte 41

(30) E Camuzet La convention de gestation pour autrui une illeacutegaliteacute franccedilaise injustifieacutee art preacutec p 52

(31) P Raynaud laquo Un abus de ladoption simple les couples adoptifs raquo D 1983 chron p 39 H Gaumont-Prat laquo Pas dadoption pour les enfants issus de convention de megravere porteuse raquo RLDC no 5 mai 2004 p 31 laquo Le rejet dans le non-droit des enfants neacutes dans des circonstances qui deacuterangent la socieacuteteacute relegraveve du deacuteni de la reacutealiteacute porteur de nombreux effets pathogegravenes et injustes raquo

(32) J Rubellin-Devichi laquo Materniteacute de substitution qui est la megravere raquo note sous CA Rennes 4 juillet 2002 preacutec I 101 C Ducomte laquo La vraie querelle des megraveres porteuses raquo preacutec P Raynaud laquo Un abus de ladoption simple les couples adoptifs raquo art preacutec chron p 39 G Kessler laquo La consolidation de situations illicites dans linteacuterecirct de lenfant raquo art preacutec Etude 16

(33) F Dekeuwer-Deacutefossez laquo Reacuteflexion sur les mythes fondateurs du droit contemporain de la famille raquo RTD civ 1995 p 269 E Camuzet La convention de gestation pour autrui une illeacutegaliteacute franccedilaise injustifieacutee art preacutec p 66 A Ponsard rapport sous Cass civ 1re 16

36

novembre 1982 JCP eacuted G 1983 II 19954 M-T Meulders-Klein laquo Le droit agrave lenfant face au

droit de lenfant et les procreacuteations meacutedicalement assisteacutees raquo RTD civ 1988 p 645 F Terreacute Lenfant de lesclave Geacuteneacutetique et droit Flammarion 1987 p 128

(34) Convention de New York du 26 janvier 1990 Charte des droits fondamentaux de lUnion europeacuteenne du 7 deacutecembre 2000 Deacuteclaration universelle des droits de lhomme de 1789 Convention internationale des droits de lenfant de 1989

(35) Cass ass plegraven 31 mai 1991 Bull civ ass plegraven no 4 Defreacutenois 1991 art 35142 no 103 obs J-L Aubert et art 35088 no 67 p 948 obs J Massip D 1991 p 417 rapport Y Chartier note D Thouvenin JCP eacuted G 1991 II 21752 communication J Bernard concl H Dontenwille note F Terreacute RTD civ 1991 p 517 obs D Huet-Weiller

(36) Cass civ 1re 24 feacutevrier 2006 Bull civ I no 101 p 95 Defreacutenois 2006 art 38415 no 40 p 1067 obs J Massip D 2006 juris p 897-900 obs D Vigneau T Anatrella laquo Adoption et homoparentaliteacute leacuteclairage des droits de lhomme raquo Dr Famille 2003 no 10 p

8-10 agrave lidentique dans un arrecirct du 22 janvier 1992 D 1993 p 119 note J Vassaux la cour dappel de Poitiers a prononceacute ladoption simple dun enfant neacute dune convention de megravere porteuse au motif que laquo cette adoption nest pas seulement conforme agrave linteacuterecirct de lenfant mais encore constitue une neacutecessiteacute qui deacutecoule des reacutealiteacutes de la vie issues derreurs des adultes dont lenfant ne doit pas subir les conseacutequences raquo

(37) G Kessler laquo La consolidation de situations illicites dans linteacuterecirct de lenfant raquo art preacutec eacutetude no 16 M-T Meulders-Klein laquo Le droit agrave lenfant face au droit de lenfant et les procreacuteations meacutedicalement assisteacutees raquo art preacutec p 645

(38) Cass civ 1re 18 mai 2005 Bull civ I no 211 p 179 V Depadt-Sebag laquo Non-lieu dans une affaire de materniteacute pour autrui raquo D 2005 p 476 J Massip laquo Megravere porteuse et deacutecheacuteance de lautoriteacute parentale raquo art preacutec no 216 p 11 F Terreacute Lenfant de lesclave Geacuteneacutetique et droit op cit adde F Terreacute et D Fenouillet Droit civil Les personnes la famille les incapaciteacutes 6e eacuted Preacutecis Dalloz no 926 M Lamarche laquo Inteacuterecirct supeacuterieur de lenfant de ladmission des effets dune convention de megravere porteuse agrave la destruction du droit franccedilais de la filiation raquo Dr Famille novembre 2007 no 11

(39) M Donnier laquo Linteacuterecirct de lenfant raquo D 1959 chron p 27 F Laroche-Gisserot note sous Cass civ 1re 27 mai 1998 D 1998 p 530 F Millet laquo Ladoption dun inteacuterecirct agrave lautre raquo RRJ 2003-3 p 1777 et s A Gouttenoire laquo A chacun sa famille agrave chacun son droit raquo art preacutec Alerte 41

(40) Par la loi no 2007-293 du 5 mars 2007 reacuteformant la protection de lenfance (JO du 6 mars 2007 Defreacutenois 2007 Leacuteg p 282) le leacutegislateur a inteacutegreacute la notion dinteacuterecirct de lenfant dans le Code de laction sociale et des familles Le nouvel article L 112-4 dudit code dispose que laquo Linteacuterecirct de lenfant la prise en compte de ses besoins fondamentaux physiques intellectuels sociaux et affectifs ainsi que le respect de ses droits doivent guider toutes deacutecisions le concernant raquo

(41) Amendement no 48 rect Protection de lenfance no 3184 Assembleacutee nationale 22 deacutecembre 2006 wwwassemblee-nationalefr v aussi sur lensemble de ces questions les consideacuterations tregraves eacuteclairantes de P Murat note sous CA Rennes 4 juillet 2002 D 2002 p 2902 Dr Famille 2002 comm no 142 note P Murat

(42) F Granet-Lambrechts laquo Materniteacutes de substitution filiation et eacutetat civil Panorama europeacuteen raquo Dr Famille no 12 deacutecembre 2007 eacutetude no 34

(43) D Youf Penser les droits de lenfant PUF 2002 p 2

(44) G Cornu La famille 6e eacuted no 7 J Carbonnier Droit civil t 4 Les obligations PUF coll Theacutemis no 372 p 649

(45) D Fenouillet et P de Vareilles-Sommiegraveres La contractualisation du droit de la famille Economica 2001

37

(46) H Gaumont-Prat laquo Pas dadoption pour les enfants issus de convention de megravere porteuse raquo art preacutec p 31

(47) E Poisson-Droccourt laquo Recours agrave une megravere de substitution et refus de ladoption raquo art preacutec p 2001 note sous Cass civ 1re 9 deacutecembre 2003 G Delaisi de Perseval laquo Gestation pour autrui en quecircte de leacutegitimation raquo httpwwwliberationfr

(48) C Neirinck laquo Les filiations eacutelectives agrave leacutepreuve du droit raquo JCP eacuted G 1997 I 4067 E Camuzet laquo La convention de gestation pour autrui une illeacutegaliteacute franccedilaise injustifieacutee raquo art preacutec p 59

(49) J Hauser et D Huet-Weiller Traiteacute de droit civil La famille Fondation et vie de la famille 2e eacuted LGDJ 1993 p 250

(50) B Debreacute et S Agacinski laquo Faut-il leacutegaliser les megraveres porteuses en France raquo art preacutec p 50 C Atias D 1986 chron p 67

Civ 1egravere

13 deacutecembre 1989

Ndeg de pourvoi 88-15655

Publieacute au bulletin

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Attendu selon les juges du fond que lrsquoassociation ldquo Alma Mater ldquo a pour objet de faciliter la

solution des problegravemes qui se posent aux couples dont la femme est steacuterile deacutesireux

drsquoaccueillir un enfant agrave leur foyer et aux ldquo megraveres porteuses ldquo volontaires qursquoil est proposeacute agrave

la ldquo megravere porteuse ldquo drsquoecirctre inseacutemineacutee artificiellement par la semence du mari ou du concubin

de porter et de mettre au monde lrsquoenfant qui sera deacuteclareacute sur les registres de lrsquoeacutetat civil sans

indication du nom de la megravere reconnu par le pegravere et accueilli au foyer de celui-ci en vue de

son adoption par lrsquoeacutepouse ou la compagne que lrsquoassociation intervient tout au long de ce

processus qualifieacute de ldquo precirct drsquouteacuterus ldquo ou de ldquo don drsquoenfant ldquo qursquoainsi apregraves avoir controcircleacute la

reacutealiteacute de la steacuteriliteacute du couple demandeur et des faculteacutes de feacutecondation de la ldquo megravere porteuse

ldquo geacuteneacuteralement recruteacutee par elle lrsquoassociation fait proceacuteder agrave lrsquoinseacutemination surveille la

grossesse et lrsquoaccouchement srsquooccupe de faire diligenter la proceacutedure drsquoadoption qursquoelle

verse ensuite agrave la megravere une somme forfaitaire - qui en 1987 eacutetait fixeacutee agrave 60 000 francs -

remise par le couple demandeur degraves le deacutebut de la grossesse que lrsquoarrecirct confirmatif attaqueacute

(Aix-en-Provence 29 avril 1988) estimant que cette association avait un objet illicite

contraire aux lois et aux bonnes moeurs en a prononceacute la nulliteacute sur le fondement de lrsquoarticle

3 de la loi du 1er juillet 1901

Sur le moyen unique pris en sa premiegravere branche

Attendu que lrsquoassociation ldquo Alma Mater ldquo fait grief agrave la cour drsquoappel drsquoavoir ainsi statueacute alors

que selon le moyen nrsquoest ni illicite ni contraire aux bonnes moeurs lrsquoassociation qui dans un

but humanitaire non lucratif met en relation un couple demandeur dont la femme est steacuterile et

38

une femme qui accepte drsquoecirctre inseacutemineacutee artificiellement par le mari de porter lrsquoenfant et de le

remettre agrave la naissance agrave ce couple qui lrsquoindemnisera des contraintes et de la gecircne occasionneacutee

par la grossesse de sorte que la juridiction du second degreacute aurait violeacute les articles 3 et 7 de la

loi du 1er juillet 1901

Mais attendu qursquoil reacutesulte des constatations des juges du fond que lrsquoobjet mecircme de

lrsquoassociation est de favoriser la conclusion et lrsquoexeacutecution de conventions qui fussent-elles

verbales portent tout agrave la fois sur la mise agrave la disposition des demandeurs des fonctions

reproductrices de la megravere et sur lrsquoenfant agrave naicirctre et sont donc nulles en application de lrsquoarticle

1128 du Code civil que ces conventions contreviennent au principe drsquoordre public de

lrsquoindisponibiliteacute de lrsquoeacutetat des personnes en ce qursquoelles ont pour but de faire venir au monde un

enfant dont lrsquoeacutetat ne correspondra pas agrave sa filiation reacuteelle au moyen drsquoune renonciation et

drsquoune cession eacutegalement prohibeacutees des droits reconnus par la loi agrave la future megravere que

lrsquoactiviteacute de lrsquoassociation qui tend deacutelibeacutereacutement agrave creacuteer une situation drsquoabandon aboutit agrave

deacutetourner lrsquoinstitution de lrsquoadoption de son veacuteritable objet qui est en principe de donner une

famille agrave un enfant qui en est deacutepourvu que crsquoest degraves lors agrave bon droit que lrsquoarrecirct attaqueacute a

deacutecideacute sur le fondement de lrsquoarticle 3 de la loi du 1er juillet 1901 que cette association eacutetait

nulle en raison de lrsquoilliceacuteiteacute de son objet que la premiegravere branche du moyen est donc sans

fondement

Et sur les deuxiegraveme et troisiegraveme branches du moyen

Attendu qursquoil est fait grief agrave la cour drsquoappel de nrsquoavoir pas reacutepondu aux conclusions faisant

valoir drsquoune part que lrsquointerdiction du ldquo don de gestation ldquo constituait une discrimination

fondeacutee sur la naissance contraire aux dispositions de lrsquoarticle 24 du pacte international relatif

aux droits civils et politiques signeacute agrave New York le 19 deacutecembre 1966 et drsquoautre part que ce ldquo

don de gestation ldquo reposait sur le droit leacutegitime de fonder une famille qui implique le droit

drsquoengendrer reconnu tant par lrsquoarticle 12 de la convention europeacuteenne des droits de lrsquohomme

et des liberteacutes fondamentales du 4 novembre 1950 que par lrsquoarticle 23 du pacte international

preacuteciteacute

Mais attendu que la reconnaissance du caractegravere illicite de la materniteacute pour autrui et des

associations qui srsquoefforcent de la promouvoir qui se deacuteduit des principes geacuteneacuteraux du Code

civil et de regravegles qui sont communes agrave toutes les filiations nrsquoest pas de nature agrave instaurer une

discrimination fondeacutee sur la naissance que le droit de se marier et de fonder une famille

reconnu par lrsquoarticle 12 de la convention du 4 novembre 1950 et par lrsquoarticle 23 du pacte

international du 19 deacutecembre 1966 agrave lrsquohomme et agrave la femme en acircge nubile nrsquoimplique pas le

droit de conclure avec un tiers des conventions portant sur le sort drsquoun enfant agrave naicirctre que

par ces motifs de droit reacutepondant aux conclusions invoqueacutees lrsquoarrecirct se trouve leacutegalement

justifieacute et que les deuxiegraveme et troisiegraveme branches du moyen ne peuvent ecirctre accueillies

PAR CES MOTIFS

REJETTE le pourvoi

Publication Bulletin 1989 I Ndeg 387 p 260

Deacutecision attaqueacutee Cour drsquoappel drsquoAix-en-Provence du 29 avril 1988

39

Cour de cassation Assembleacutee pleacuteniegravere

Audience publique du 31 mai 1991

Ndeg de pourvoi 90-20105 Publieacute au bulletin

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Sur le pourvoi dans lrsquointeacuterecirct de la loi formeacute par M le Procureur geacuteneacuteral pregraves la Cour de

Cassation

Vu les articles 6 et 1128 du Code civil ensemble lrsquoarticle 353 du mecircme Code

Attendu que la convention par laquelle une femme srsquoengage fucirct-ce agrave titre gratuit agrave concevoir

et agrave porter un enfant pour lrsquoabandonner agrave sa naissance contrevient tant au principe drsquoordre

public de lrsquoindisponibiliteacute du corps humain qursquoagrave celui de lrsquoindisponibiliteacute de lrsquoeacutetat des

personnes

Attendu selon lrsquoarrecirct infirmatif attaqueacute que Mme X eacutepouse de M Y eacutetant atteinte drsquoune

steacuteriliteacute irreacuteversible son mari a donneacute son sperme agrave une autre femme qui inseacutemineacutee

artificiellement a porteacute et mis au monde lrsquoenfant ainsi conccedilu qursquoagrave sa naissance cet enfant a

eacuteteacute deacuteclareacute comme eacutetant neacute de Y sans indication de filiation maternelle

Attendu que pour prononcer lrsquoadoption pleacuteniegravere de lrsquoenfant par Mme Y lrsquoarrecirct retient

qursquoen lrsquoeacutetat actuel des pratiques scientifiques et des moeurs la meacutethode de la materniteacute

substitueacutee doit ecirctre consideacutereacutee comme licite et non contraire agrave lrsquoordre public et que cette

adoption est conforme agrave lrsquointeacuterecirct de lrsquoenfant qui a eacuteteacute accueilli et eacuteleveacute au foyer de M et

Mme Y pratiquement depuis sa naissance

Qursquoen statuant ainsi alors que cette adoption nrsquoeacutetait que lrsquoultime phase drsquoun processus

drsquoensemble destineacute agrave permettre agrave un couple lrsquoaccueil agrave son foyer drsquoun enfant conccedilu en

exeacutecution drsquoun contrat tendant agrave lrsquoabandon agrave sa naissance par sa megravere et que portant atteinte

aux principes de lrsquoindisponibiliteacute du corps humain et de lrsquoeacutetat des personnes ce processus

constituait un deacutetournement de lrsquoinstitution de lrsquoadoption la cour drsquoappel a violeacute les textes

susviseacutes

PAR CES MOTIFS

CASSE ET ANNULE mais seulement dans lrsquointeacuterecirct de la loi et sans renvoi lrsquoarrecirct rendu le

15 juin 1990 par la cour drsquoappel de Paris

REQUETE DE M LE PROCUREUR GENERAL PRES LA COUR DE CASSATION

Le Procureur geacuteneacuteral pregraves la Cour de Cassation a lrsquohonneur drsquoexposer

- Que par jugement du 28 juin 1989 le tribunal de grande instance de Paris a rejeteacute la requecircte

preacutesenteacutee par Mme X eacutepouse Y tendant agrave lrsquoadoption pleacuteniegravere de lrsquoenfant Z deacuteclareacutee

comme eacutetant neacutee de M Y mari de la requeacuterante sans indication de filiation maternelle

- Que pour ne pas faire droit agrave cette requecircte les premiers juges ont retenu que les eacutepoux Y

pour remeacutedier agrave la steacuteriliteacute de leur couple avaient eu recours agrave lrsquoassociation Alma Mater

aujourdrsquohui dissoute lrsquoenfant eacutetant neacute drsquoune megravere de substitution qui lrsquoa abandonneacute agrave la

naissance pratique deacuteclareacutee illicite

- Que sur appel de Mme Y la premiegravere chambre civile section C de la cour drsquoappel de

Paris a par arrecirct du 15 juin 1990 infirmeacute la deacutecision entreprise et prononceacute lrsquoadoption

pleacuteniegravere solliciteacutee par la requeacuterante

- Qursquoau soutien de leur deacutecision devenue deacutefinitive les juges du second degreacute ont tireacute de nos

principes geacuteneacuteraux relatifs agrave la filiation des regravegles drsquoordre public concernant les contrats et de

40

certaines conventions ou deacuteclarations internationales des conclusions contraires agrave celles

auxquelles eacutetait parvenue votre premiegravere chambre civile de la Cour de Cassation qui dans un

cas de figure pratiquement identique a par arrecirct du 13 deacutecembre 1989 (association Alma

Mater contre procureur geacuteneacuteral Aix-en-Provence) reconnu le caractegravere illicite de la materniteacute

pour autrui et les associations qui srsquoefforcent de la promouvoir

- Qursquoil importe en cette matiegravere particuliegraverement sensible qui touche agrave un deacutelicat problegraveme de

socieacuteteacute et drsquoeacutethique que soit mis fin agrave des divergences jurisprudentielles majeures et que la

seacutecuriteacute juridique soit assureacutee

PAR CES MOTIFS

Vu lrsquoarticle 17 de la loi du 3 juillet 1967 relative agrave la Cour de Cassation

Requiert qursquoil plaise agrave la Cour de Cassation

CASSE ET ANNULE sans renvoi et dans le seul inteacuterecirct de la loi lrsquoarrecirct rendu le 15 juin 1990

par la cour drsquoappel de Paris ayant fait droit agrave la requecircte en adoption pleacuteniegravere preacutesenteacutee par

Mme X eacutepouse Y

Publication Bulletin 1991 AP Ndeg 4 p 5

Deacutecision attaqueacutee Cour drsquoappel de Paris du 15 juin 1990

Page 24: SEANCE_3 Droit Civil Methodologie

24

Larrecirct rendu le 9 deacutecembre 2003 ne surprendra pas puisquil sinscrit dans la ligne traceacutee par

la Cour de cassation depuis 1989 confirmeacutee par la loi du 29 juillet 1994 relative au respect du

corps humain

En lespegravece Georges D et Denise M seacutetaient marieacutes le 15 deacutecembre 1962 et avaient eu un

enfant Fabrice neacute le 11 novembre 1966 Leacutepouse nayant pu avoir un deuxiegraveme enfant

pourtant vivement souhaiteacute le couple se serait adresseacute agrave une laquoamieraquo qui aurait accepteacute davoir

des relations intimes avec Georges D jusquagrave ce quelle conccediloive un enfant quil eacutetait convenu

de laisser degraves sa naissance au pegravere et agrave son eacutepouse

Cest ainsi que serait neacutee Sarah le 4 juillet 1987 qui fut deacuteclareacutee sur les registres de leacutetat civil

sans indication de filiation maternelle reconnue par Georges D puis recueillie aussitocirct par

celui-ci et son eacutepouse Cette derniegravere avait pris la preacutecaution de seacuteloigner de son domicile

pendant les derniers mois du deacuteveloppement in utero de lenfant afin que la substitution

maternelle soit ignoreacutee de lentourage des deux eacutepoux

Il sagissait donc bien selon les propres dires de Georges et Denise D dune materniteacute pour

autrui sans recours aux techniques modernes de procreacuteation meacutedicalement assisteacutee selon un

processus agrave la fois naturel et vieux comme le monde (1)

En janvier 1999 Denise D a saisi le Tribunal de grande instance dune requecircte en adoption

pleacuteniegravere de la fille de son mari

Le Tribunal par jugement du 8 deacutecembre 1999 puis la Cour dappel de Paris par arrecirct du 1er

feacutevrier 2001 ont rejeteacute sa demande au motif quen application des art 6 et 1128 C civ la

convention par laquelle une femme sengage agrave concevoir et agrave porter un enfant pour

labandonner agrave sa naissance est nulle car elle contrevient tant au principe dordre public de

lindisponibiliteacute du corps humain quagrave celui de lindisponibiliteacute de leacutetat des personnes et que

ladoption envisageacutee neacutetait que lultime phase dun processus illicite constitutif dun

deacutetournement de linstitution de ladoption

On reconnaicirctra lagrave les formules mecircmes employeacutees par la Cour de cassation notamment dans

son arrecirct dassembleacutee pleacuteniegravere du 31 mai 1991 (2) Il nest donc pas eacutetonnant que la Cour

suprecircme ait rendu un arrecirct de rejet dautant plus que sa jurisprudence a eacuteteacute conforteacutee par le

nouvel art 16-7 inseacutereacute dans le Code civil par la loi ndeg 94-653 du 29 juillet 1994 (3) qui

dispose que toute convention portant sur la procreacuteation ou la gestation pour le compte dautrui

est nulle

La Cour de cassation a bien entendu viseacute expresseacutement ce texte nouveau mais elle a tenu agrave

rappeler que le caractegravere illicite se deacuteduisait aussi des principes geacuteneacuteraux du Code civil

faisant ainsi implicitement reacutefeacuterence aux art 6 et 1128 de ce Code sur lesquels elle avait

preacuteceacutedemment fondeacute sa position

Le moyen de cassation tentait deacutechapper agrave la jurisprudence de la Cour suprecircme en se fondant

sur les circonstances de lespegravece et notamment sur le fait que la requecircte en adoption navait

eacuteteacute formeacutee que douze anneacutees apregraves la naissance de lenfant de sorte que lindivisibiliteacute entre la

materniteacute pour autrui et ladoption ne serait pas caracteacuteriseacutee Mais la Cour dappel avait

reacutepondu agrave cette argumentation en eacutenonccedilant que labandon de lenfant agrave naicirctre objet de

lobligation contracteacutee par la megravere biologique eacutetait destineacute agrave permettre que lenfant reconnu

par Georges D puisse ecirctre adopteacute par son eacutepouse et en soulignant que celle-ci avait dans le

mecircme but accepteacute linseacutemination dune autre femme par les gamegravetes de son mari et quelle

avait participeacute activement au processus en prenant toutes preacutecautions pour que la substitution

de materniteacute soit ignoreacutee des tiers

Denise D soutenait en outre que linteacuterecirct de lenfant retenu tant par lart 353 C civ que par

les art 3 et 21 de la Convention internationale des droits de lenfant devait primer sur le souci

de sanctionner lilliceacuteiteacute de la convention qui avait preacutesideacute agrave sa conception et agrave sa naissance

La Cour de cassation ne sest pas arrecircteacutee agrave cette argumentation pas plus quelle ne sy eacutetait

arrecircteacutee en 1991 pour elle lensemble de lopeacuteration est indivisible le deacutetournement de

25

linstitution de ladoption est caracteacuteriseacute et il convient de lutter contre la politique du fait

accompli (4) Laccepter au nom de linteacuterecirct de lenfant ne conduirait-il pas comme on la

souligneacute en doctrine (5) agrave admettre le commerce des enfants sous preacutetexte que bien souvent

ceux-ci y trouveraient beacuteneacutefice

(1) Selon la Bible Sarah eacutepouse dAbraham ne pouvant avoir denfant de lui lenvoya aupregraves

de son esclave eacutegyptienne Agar dont il eut un fils Ismaeumll Agar fut renvoyeacutee avec celui-ci

lorsque Sarah tregraves acircgeacutee mit au monde Isaac le fils de la promesse

Cest sans doute une coiumlncidence si nous trouvons aussi dans notre affaire une laquoSarahraquo qui

tient il est vrai un rocircle tout diffeacuterent de celui deacutevolu agrave son homonyme biblique

Lhistoire reacutevegravele eacutegalement des cas relativement freacutequents ougrave pour pallier agrave la steacuteriliteacute du

mari et pour permettre la continuation de la ligneacutee et la perpeacutetuation dun nom ou dun titre un

laquovaletraquo - souvent ensuite renvoyeacute - eacutetait chargeacute de feacuteconder leacutepouse Le proceacutedeacute eacutetait

juridiquement parfait dans la mesure ougrave par le jeu de la preacutesomption de paterniteacute le mari

devenait leacutegalement le pegravere de lenfant

(2) Cass ass pleacuten 31 mai 1991 Bull civ 1991 ndeg 4 Gaz Pal Rec 1991 panor cass p

162 [912144] D 1991 jur p 417 rapport Y Chartier note G Thouvenin JCP 1991 II

21752 comm J Bernard concl H Dontenwille note F Terreacute Defreacutenois 1991 art 35088

ndeg 67 p 948 obs J Massip RTD civ 1991 517 obs D Huet-Weiller Dans le mecircme sens

v Cass civ 1re 29 juin 1994 Bull civ 1994 I ndeg 226 Gaz Pal Rec 1995 jur p 36 note

J B [943856] D 1994 jur p 581 note Y Chartier JCP 1995 II 223621 note J Rubellin-

Devichi RTD civ 1994 p 842 obs J Hauser Defreacutenois 1995 art 36024 ndeg 4 p 315

obs J Massip

V aussi Cass civ 1re 13 deacutecembre 1989 Bull civ 1989 I ndeg 387 Gaz Pal Rec 1990

panor cass p 66 [901122] D 1990 jur p 273 rapport J Massip Defreacutenois 1990 art

34802 ndeg 55 p 743 obs J-L Aubert et art 34815 p 862 rapport J Massip et JCP 1990 II

21526 note A Seriaux Dans cette affaire la Cour de cassation avait proclameacute par des motifs

analogues agrave ceux adopteacutes par les arrecircts de 1991 et 1994 le caractegravere illicite de la materniteacute

pour autrui et des associations qui sefforcent de la promouvoir

(3) Sur cette loi v notamment notre commentaire in Defreacutenois 1975 art 35975 et 35922

speacutecialement en ce qui concerne lart 16-7 C civ le ndeg 9 de cette eacutetude p 72

(4) Sur ces divers points v notre note preacuteciteacutee sous Cass ass pleacuten 31 mai 1991

(5) Obs J Hauser sous larrecirct rendu le 1er feacutevrier 2001 par la Cour dappel de Paris dans le

preacutesente affaire in RTD civ 2001 347

AD2008DEF0291N1

Reacutepertoire du Notariat Defreacutenois 15 feacutevrier 2008 ndeg 3 P 291 - Tous droits reacuteserveacutes

FILIATION

38717 La convention de megravere porteuse

(Reacuteflexions sur les sources du droit et les principes dindisponibiliteacute du corps humain et de leacutetat des personnes)

Le droit franccedilais prohibe les conventions de megraveres porteuses

26

Malgreacute linterdiction leacutegale de nombreux couples ont chercheacute et cherchent encore agrave

contourner cette interdiction notamment en ayant recours agrave des megraveres de substitution dans

des pays eacutetrangers ougrave cette pratique est autoriseacutee

La Cour de cassation veille agrave ce que linstitution de ladoption ne soit pas deacutetourneacutee au profit

de ces parents

Dans un arrecirct du 25 octobre 2007 la cour dappel de Paris vient de reacuteouvrir le deacutebat non sur

le terrain de la convention mais sur celui de la non-transcription des actes de naissance et de

linteacuterecirct supeacuterieur de lenfant

Une excellente occasion de faire le point sur la question et de sinterroger pour lavenir avant

la reacutevision de la loi bioeacutethique en 2009

par Rabih CHENDEB

Docteur en droit

ATER agrave lUniversiteacute de Picardie Jules Verne

laquo La science va Elle est ineacuteluctable Ce quil faut cest la rendre eacutethique raquo (1)

Le droit positif franccedilais interdit de recourir aux megraveres porteuses si un couple conccediloit un

embryon in vitro qui est implanteacute dans luteacuterus dune tierce femme cest cette tierce femme

qui est la megravere selon la loi franccedilaise et les parents biologiques ne peuvent avoir aucun droit

mecircme en cas dabandon de lenfant agrave la naissance par la megravere porteuse La loi bioeacutethique de

1994 a interdit la gestation pour autrui car cela soulevait des questions

dinstrumentalisation et de commercialisation du corps de la femme

De nombreux couples en mal denfants ont depuis longtemps chercheacute agrave contourner les regravegles

notamment en ayant recours agrave des megraveres de substitution qui vivent dans des pays ougrave cette

pratique est autoriseacutee Jusquagrave preacutesent la Cour de cassation ne sy est jamais laisseacutee prendre et

condamnait ladoption faite par les parents de lenfant de la megravere porteuse consideacuterant quil

sagissait dun deacutetournement de linstitution de ladoption (I)

Le 25 octobre 2007 la cour dappel de Paris vient donner lespoir dune ouverture vers

lacceptation dans linteacuterecirct de lenfant de cette deacutemarche Cette deacutecision de la cour dappel

pourrait changer les choses en attendant la reacutevision de la loi bioeacutethique preacutevue en 2009 Une

chose est sucircre cet arrecirct a le meacuterite douvrir le deacutebat et de poser la question de linteacuterecirct de

lenfant comme exception agrave lindisponibiliteacute de leacutetat des personnes et agrave linterdiction de la

pratique des megraveres porteuses Une certaine eacutevolution des mentaliteacutes ainsi que la dispariteacute

entre la loi franccedilaise et dautres leacutegislations nationales pourraient donner lieu agrave un

assouplissement de cette leacutegislation (II)

I Lhostiliteacute du leacutegislateur et de la jurisprudence agrave leacutegard de la convention de megravere porteuse

Au siegravecle dernier seacutetaient deacuteveloppeacutees des associations ayant pour but de faire se rencontrer

des couples deacutesireux davoir un enfant et des femmes acceptant de le porter pour ensuite le

leur laquo ceacuteder raquo par contrat Pour des raisons plus ou moins louables le proceacutedeacute fut rapidement

condamneacute par le droit franccedilais (A) tout comme ladoption qui sen suivait (B)

27

A Le caractegravere illicite de la convention de megravere porteuse

La megravere porteuse met en effet agrave mal le scheacutema classique de la famille On affirmait en Droit

romain que la megravere eacutetait sucircre et que le pegravere eacutetait le mari Le Code napoleacuteon a enteacuterineacute cette

conception Dire que lenfant possegravede une megravere geacuteneacutetique et une megravere uteacuterine va agrave lencontre

de ses dispositions (2)

Pris au deacutepourvu le leacutegislateur franccedilais a tardeacute agrave reacuteagir face aux progregraves scientifiques Il en

est reacutesulteacute un vide juridique auquel la jurisprudence sest efforceacutee de faire face Devant cette

heacutesitation bien compreacutehensible du droit les ressources de la morale de la deacuteontologie et

surtout de la bioeacutethique ont eacuteteacute solliciteacutees (3) Le Conseil dEtat confronteacute aux associations

voulant intervenir dans ce domaine a ainsi prononceacute la dissolution de ces associations pour

objet illicite (4) Le 13 deacutecembre 1989 la premiegravere chambre civile de la Cour de cassation a

releveacute le principe dindisponibiliteacute du corps humain par une interpreacutetation a contrario de

larticle 1128 du Code civil qui dispose qu laquo il ny a que les choses qui sont dans le

commerce qui puissent ecirctre lobjet des conventions raquo La personne ne dispose pas de son

corps elle nen est pas proprieacutetaire (5) Le 31 mai 1991 lassembleacutee pleacuteniegravere de la Cour de

cassation vise les articles 6 1128 et 353 du Code civil afin daffirmer le caractegravere illicite de la

convention conclue entre une megravere porteuse et un couple steacuterile En effet ce contrat porte sur

deux corps humains la megravere et lenfant (6)

Rapidement le leacutegislateur est venu leacutegifeacuterer dans ce sens avec la loi no 94-653 du 29 juillet

1994 relative agrave la bioeacutethique pour que le Code civil reconnaisse le corps humain en tant que

tel Cette loi prend deacutesormais explicitement en compte le corps humain parce quil a voulu

promouvoir son respect face au deacuteveloppement des sciences biomeacutedicales Cette loi a entraicircneacute

la modification et la creacuteation darticles dans le Code civil et le Code peacutenal

Le principe du respect de la digniteacute de la personne humaine est poseacute par larticle 16 du Code

civil laquo La loi assure la primauteacute de la personne interdit toute atteinte agrave la digniteacute de celle-ci

et garantit le respect de lecirctre humain degraves le commencement de sa vie raquo Le nouvel article 16-1

preacutevoit que laquo Chacun a droit au respect de son corps Le corps humain est inviolable Le

corps humain ses eacuteleacutements et ses produits ne peuvent faire lobjet dun droit patrimonial raquo

Par conseacutequent selon larticle 16-5 laquo Les conventions ayant pour effet de confeacuterer une

valeur patrimoniale au corps humain agrave ses eacuteleacutements ou agrave ses produits sont nulles raquo De mecircme

quand une personne accepte de donner son sang ce ne peut ecirctre quagrave titre beacuteneacutevole Enfin

larticle 16-7 dispose mecircme laquo Toute convention portant sur la procreacuteation ou la gestation

pour le compte dautrui est nulle raquo (7)

En outre cette interdiction est assortie dune sanction peacutenale pouvant aller jusquagrave un an

demprisonnement et 15 000 euro damende pour celui qui sentremet ou tente de sentremettre

entre une personne ou un couple deacutesireux daccueillir un enfant et une femme acceptant de

porter en elle cet enfant en vue de le leur remettre Lorsque ces faits ont eacuteteacute commis agrave titre

habituel ou dans un but lucratif les peines sont porteacutees au double (8)

En deacutepit de la reacutesistance de quelques juges du fond qui ont admis ladoption la Cour de

cassation na pas infleacutechi sa position (9) Elle sest reacutecemment opposeacutee agrave ladoption simple

dun enfant par un couple homosexuel estimant cette adoption contraire agrave laquo linteacuterecirct supeacuterieur

de lenfant raquo (10)

28

Analyseacutes dans le contexte de ces deacutecisions les deux principes de lilliceacuteiteacute des conventions et

de lindisponibiliteacute du corps humain expriment une mecircme ideacutee la condamnation dune

convention qui porte sur le corps humain celui de lenfant agrave naicirctre et celui de la femme qui la

conccedilu et porteacute

Toutefois les motifs adopteacutes par la Cour de cassation savegraverent dune extrecircme faiblesse En

effet ces motifs sont lieacutes agrave lilliceacuteiteacute de lobjet des conventions agrave lindisponibiliteacute du corps

humain ainsi quagrave lindisponibiliteacute de leacutetat des personnes (11) Pourtant les lois dites laquo

bioeacutethiques raquo du 29 juillet 1994 puis la loi du 6 aoucirct 2004 (12) relative agrave la bioeacutethique ont

admis lutilisation des eacuteleacutements et des produits du corps humain agrave des fins theacuterapeutiques ou

scientifiques Effectivement une loi en date du 24 janvier 1953 deacutetermine laquo les tarifs de

cession du sang raquo Les dispositions sont aujourdhui dans le Code de la santeacute publique Degraves

lors on peut donner ses gamegravetes ses organes son sang Il semble que plus quune approche

anthropologique des sciences meacutedicales (qui conduiraient agrave une ineacutevitable instrumentalisation

du corps des hommes) il existerait ce que nous appelons une technoscience laquo de linvisible

raquo que seul le droit accepte de leacutegitimer (13)

Par ailleurs la terminologie employeacutee par le leacutegislateur de 1994 est eacuteloquente Cest

certainement parce que le principe dindisponibiliteacute du corps humain sest aveacutereacute irreacutealiste videacute

de sa substance par le nombre et limportance de ses exceptions que le leacutegislateur lui a preacutefeacutereacute

celui de non-patrimonialiteacute qui figure aujourdhui aux articles 16-1 16-5 et 16-6 du Code

civil Il est donc possible de disposer de son corps agrave titre de dons dans les limites de la loi

(14)

Pour conclure sur ce point il sera emprunteacute les propos de Mme Mayer-Jack laquo

Malheureusement si ce principe dindisponibiliteacute du corps humain possegravede les qualiteacutes trop

rares decirctre nettement formuleacute et universellement admis il apparaicirct agrave la reacuteflexion frappeacute dun

vice radical il se reacutevegravele contraire aux faits raquo (15)

B La nulliteacute de ladoption

En matiegravere de materniteacute de substitution lenfant reste au coeur du deacutebat Il est laquo lobjet raquo de la

convoitise du couple demandeur et lobjet de la convention En vue de permettre

leacutetablissement dune filiation adoptive deux processus eacutetaient suivis par lesdits couples

processus que la Cour de cassation sempressa dinterdire agrave son tour

1 Le contournement aveacutereacute de la loi par les couples restant en France

En effet le processus se deacuteroulait en trois eacutetapes dans un premier temps lembryon issu des

gamegravetes du couple ou du mari et de la femme porteuse eacutetait implanteacute dans luteacuterus de cette

derniegravere La megravere porteuse suivait sa grossesse normalement notamment au regard du suivi

meacutedical (16) Ensuite elle accouchait anonymement La leacutegislation autorise les

accouchements laquo sous X raquo et reconnaicirct ainsi aux parturientes le droit de ne pas ecirctre megraveres si

elles ne le deacutesirent ou ne le peuvent pas Le pegravere fournisseur de sperme quant agrave lui effectuait

une reconnaissance preacutenatale de lenfant A sa naissance il le reconnaissait Lenfant avait

donc un pegravere mais sans indication de la filiation maternelle Enfin leacutepouse de ce dernier

adoptait de maniegravere pleacuteniegravere lenfant Leacutetat de mariage de la megravere porteuse ne changeait rien

puisque laccouchement anonyme empecircchait que le mari soit consideacutereacute comme pegravere preacutesumeacute

29

Depuis larrecirct Alma Mater (17) nous savons que la convention de materniteacute de substitution

est nulle car contrevenant agrave lordre public (18) Mais jusqualors la jurisprudence avait eu le

soin de dissocier convention et adoption Toute convention portant sur la procreacuteation ou la

gestation pour le compte dautrui eacutetant nulle la convention de megravere porteuse ayant permis la

naissance de lenfant en cause est donc incontestablement frauduleuse Degraves lors la possession

deacutetat sur laquelle les demandeurs se fondent pour voir eacutetablir un lien de filiation leacutegitime agrave

leur profit et lacte de notorieacuteteacute quils ont ainsi obtenu sont eux-mecircmes vicieacutes et ne peuvent

donc permettre leacutetablissement dun tel lien Par ailleurs la Convention de New York sur les

droits de lenfant garantit notamment agrave celui-ci laccegraves agrave ses origines Or lapplication de la

convention frauduleuse aurait pour effet de consacrer un mensonge lacte de naissance qui

serait eacutetabli sur le fondement de cette convention aboutirait en effet agrave nier totalement les

conditions dans lesquelles lenfant a eacuteteacute conccedilu En conseacutequence les demandeurs ne pourront

se preacutevaloir de la possession deacutetat vicieacutee pour obtenir la retranscription de lacte de notorieacuteteacute

sur lacte de naissance de lenfant (19) Ainsi la prohibition de la convention a entraicircneacute dans

son sillage une impossibiliteacute dadoption par leacutepouse du pegravere (20) Il y a deacutetournement de

linstitution de ladoption pleacuteniegravere en ce que lenfant a eacuteteacute conccedilu pour ecirctre abandonneacute par sa

megravere et adopteacute par une autre (21)

Il en reacutesulte que cest labandon de lenfant qui rend impossible ladoption par leacutepouse du

mari Or labandon de lenfant constitue deacutejagrave une deacutemarche parfaitement licite et reacuteglementeacutee

par la loi Il suffit pour sen convaincre de lire attentivement les textes adeacutequats agrave savoir les

articles 61 et 62 du Code de la famille et de laide sociale 348-3 et 350 du Code civil et 1158

agrave 1163 du Code de proceacutedure civile Il suffit agrave la megravere et plus geacuteneacuteralement agrave la personne

investie des droits parentaux de confier 1enfant agrave un eacutetablissement ou agrave un service de laide

sociale agrave 1enfance (ASF) ou mecircme agrave un particulier puis de sen deacutesinteacuteresser

manifestement pendant une anneacutee nentretenant avec lui aucune relation neacutecessaire au

maintien de liens affectifs Le tribunal de grande instance peut degraves lors sauf agrave prendre en

consideacuteration le cas exceptionnel de grande deacutetresse du parent deacutefaillant deacuteclarer 1enfant

abandonneacute agrave la requecircte de tout inteacuteresseacute et notamment de leacutetablissement service ou famille

daccueil (22) laquo On cesse dinterdire une pratique non pas lorsquelle se deacuteveloppe mais

lorsquon ne sait plus pourquoi elle est interdite raquo (23)

Dailleurs une contradiction engendre ce refus dadoption En effet laquo consideacuterer ladoption

indissociable de la convention revient agrave ne voir lenfant que comme lobjet de cette convention

raquo (24) Ainsi les parents ont pu eacutetablir anteacuterieurement agrave la naissance le processus dont

ladoption est laquo lultime phase raquo Mais ce processus nest pas fait dans lintention de nuire agrave

lenfant Alors comment comprendre la seacuteveacuteriteacute afficheacutee de la Cour de cassation

Traiter lenfant comme une veacuteritable personne implique de dissocier la convention ougrave il

nintervient pas et ladoption dont il est partie prenante et mecircme partie principale Il faut

sinterroger sur son inteacuterecirct propre quitte agrave le confronter ensuite agrave ceux auxquels il soppose

(25)

2 Lexpansion du tourisme procreacuteatif

La dispariteacute des regravegles nationales agrave propos de la gestation pour autrui a conduit certains

couples agrave se rendre agrave leacutetranger pour pouvoir avoir recours agrave une megravere porteuse on parle

deacutesormais de laquo tourisme procreacuteatif raquo (26)

30

Lagrave encore le processus deacutebute par une inseacutemination artificielle mais les pays ayant leacutegaliseacute la

gestation pour le compte dautrui permettent par ailleurs que lembryon inseacutemineacute dans

luteacuterus de la femme soit issu de la rencontre des gamegravetes des deux parents demandeurs

Lenfant est donc geacuteneacutetiquement lenfant du couple Il a pour parent degraves sa naissance le

couple demandeur il porte leur nom et le preacutenom quils lui ont choisi Mais pour exister en

France il est neacutecessaire de recourir agrave une transcription sur les registres de leacutetat civil franccedilais

de lacte de naissance eacutetranger Lagrave encore la seacuteveacuteriteacute est de mise puisque le parquet de

Nantes qui a en charge la transcription des eacutetats civils venant de leacutetranger refuse

systeacutematiquement cette transcription qui nest pas conforme agrave la leacutegislation franccedilaise (27)

Les magistrats ont eacuteteacute confronteacutes agrave ces situations ougrave la megravere commanditaire deacutesirait eacutetablir un

lien de filiation entre elle et lenfant issu de la convention de materniteacute de substitution

Tel est par exemple le cas qui a eacuteteacute trancheacute par la cour dappel de Rennes le 4 juillet 2002

(28) Dans cet arrecirct la cour dappel a rejeteacute ladoption des enfants par un couple qui a conclu

en Californie une convention portant sur la gestation dun embryon issu de leurs propres

gamegravetes La cour relegraveve que laquo la loi franccedilaise ne donne pas une deacutefinition de la megravere raquo cette

notion est inscrite dans les mentaliteacutes depuis des siegravecles par ladage Mater semper certa est

Cest laccouchement qui deacutetermine la megravere et non la seule reacutealiteacute geacuteneacutetique

Cette jurisprudence installeacutee depuis le ceacutelegravebre arrecirct de lassembleacutee pleacuteniegravere du 31 mai 1991

constitue une atteinte directe agrave linteacuterecirct de lenfant Ce dernier est priveacute de toute filiation

maternelle leacutegalement reconnue et ce sans beacuteneacutefice pour personne (29)

Malheureusement en raison de cette solution les deux enfants sont acircgeacutes de sept ans et vivent

aupregraves de leur pegravere naturel et de sa compagne dont la materniteacute ne peut leacutegalement ecirctre eacutetablie

(30)

Cette jurisprudence preacutesente un point faible Selon larticle 353 du Code civil le tribunal de

grande instance saisi dune requecircte aux fins dadoption pleacuteniegravere veacuterifie si les conditions de

la loi sont remplies et si ladoption est conforme agrave linteacuterecirct de lenfant Or en loccurrence

le preacutetendu droit de lenfant ne coiumlncide pas avec son inteacuterecirct seul mis en avant dans 1article

353 du Code civil Le refus par la cour dappel de prononcer ladoption pleacuteniegravere a priveacute les

deux enfants (au nom de leur droit aussi eacuteminent que symbolique agrave la non-chosification) dun

avantage concret et primordial leur admission au statut denfants leacutegitimes de leurs vrais

parents geacuteneacutetiques (31) Simples enfants naturels ou adulteacuterins de leur pegravere ils demeureront

sans lien de filiation maternelle Un tel problegraveme meacuterite que les juridictions se penchent au

moins sur lui (32) La protection de linstitution de ladoption sopegravere au deacutetriment du droit

reconnu agrave lenfant deacutetablir sa filiation par le biais dune discrimination fondeacutee sur les

circonstances de sa naissance (33) La jurisprudence nous semble aller agrave lencontre des

engagements internationaux contracteacutes par la France (34)

II Leacutevolution des mentaliteacutes vers une leacutegislation plus souple

Jusquagrave preacutesent la jurisprudence a toujours interdit ladoption des enfants par des couples

ayant eu recours agrave la gestation pour autrui consideacuterant quil sagit dun deacutetournement de

linstitution de ladoption (35)

Un grand quotidien Libeacuteration reacutevegravele que la cour dappel de Paris a reconnu comme parents

leacutegitimes de jumelles un couple franccedilais ayant fait appel agrave une megravere porteuse ameacutericaine

31

Une chose est sucircre cet arrecirct a le meacuterite douvrir le deacutebat et de poser la question de linteacuterecirct de

lenfant comme exception agrave lindisponibiliteacute de leacutetat des personnes et agrave linterdiction de la

pratique des megraveres porteuses (A) Lorsque lon accepte une loi eacutetrangegravere qui a eacuteteacute appeleacutee au

secours pour contourner la loi franccedilaise la modification de la loi franccedilaise nest pas loin (B)

A Lassouplissement de la jurisprudence

Dans laffaire porteacutee devant la cour dappel de Paris que nous avons abordeacutee rapidement

preacuteceacutedemment un couple dont la femme ne peut assurer la gestation en raison dune

malformation congeacutenitale se rend en Californie ougrave il conclut une convention portant sur la

gestation dun embryon issu de leurs propres gamegravetes Des jumelles naissent de cette

convention Le droit californien fait abstraction du deacutefaut daccouchement La concubine est

inscrite comme megravere dans les registres de naissance de Californie Quelques semaines plus

tard le couple reconnaicirct les enfants en France Mais agrave leur retour dans lHexagone ils sont

placeacutes en garde agrave vue puis mis en examen pour laquo entremise entre une personne deacutesireuse

dadopter un enfant et un parent deacutesireux dabandonner son enfant neacute ou agrave naicirctre raquo et pour laquo

simulation ayant entraicircneacute une atteinte agrave leacutetat civil de lenfant raquo

En 2004 le juge dinstruction rend un non-lieu sur les poursuites peacutenales les faits seacutetant

deacuterouleacutes dans un pays ougrave cette pratique est leacutegale Le parquet a alors continueacute son offensive

sur le terrain civil et chercheacute agrave faire annuler la filiation et la transcription sur leacutetat civil Le

tribunal de grande instance a deacuteclareacute cette demande irrecevable en deacutecembre 2005 Une

deacutecision rendue par la cour dappel de Paris confirme ce jugement le 25 octobre dernier apregraves

avoir estimeacute que laquo La non-transcription des actes de naissances aurait des conseacutequences

contraires agrave linteacuterecirct supeacuterieur des enfants qui au regard du droit franccedilais se verraient priveacutes

dactes deacutetat civil indiquant leur lien de filiation y compris agrave leacutegard de leur pegravere biologique

raquo

La question sera deacutesormais soumise agrave la Cour de cassation qui a deacutejagrave pris des deacutecisions

progressistes dans des questions relatives au droit de la famille notamment dans linteacuterecirct de

lenfant Elle a ainsi fait le 24 feacutevrier 2006 un pas important vers la reconnaissance de

lhomoparentaliteacute en autorisant quun parent homosexuel deacutelegravegue tout ou partie de son

autoriteacute parentale agrave son partenaire avec lequel il vit en union stable agrave condition que cette

mesure soit prise dans linteacuterecirct supeacuterieur de lenfant (36)

Le plus important reacuteside dans le fait que la cour dappel de Paris a estimeacute que la non-

transcription sur les actes de naissance aurait des conseacutequences contraire agrave llaquo inteacuterecirct de

lenfant raquo Depuis longtemps linteacuterecirct de lenfant est au centre du droit de la famille et depuis

quelques anneacutees celui-ci devient veacuteritablement la pierre angulaire de cette discipline (37)

Dans un arrecirct du 18 mai 2005 la premiegravere chambre civile de la Cour de cassation preacutecise au

visa de larticle 3-1 de la Convention relative aux droits de lenfant que laquo dans toutes les

deacutecisions qui concernent les enfants linteacuterecirct supeacuterieur de lenfant doit ecirctre une

consideacuteration primordiale raquo (38) Mais que faut-il entendre par inteacuterecirct supeacuterieur de lenfant

(39)

Bien que le nouvel article L 112-4 du Code de laction sociale et des familles (40) et larticle

371-1 du Code civil semblent deacutefinir les eacuteleacutements constitutifs de cette notion llaquo inteacuterecirct de

lenfant raquo reste un concept assez flou que le leacutegislateur et les juges se gardent bien de deacutefinir

preacuteciseacutement on ne peut limiter linteacuterecirct supeacuterieur de lenfant agrave la protection de sa santeacute de sa

seacutecuriteacute et de sa moraliteacute Certes ces eacuteleacutements sont les bases de linteacuterecirct de lenfant mais

32

puisque celui-ci peut deacutepasser le strict cadre du droit de lautoriteacute parentale voire du droit de

la famille cette vision serait bien trop reacuteductrice

Le sens de cette notion peut encore sobscurcir si lon considegravere quelle peut se confondre avec

dautres concepts voisins Larticle 371-5 doit ainsi conduire agrave distinguer linteacuterecirct de lenfant de

celui de la fratrie En effet si celle-ci a inteacuterecirct agrave rester unie certaines circonstances permettent

deacutecarter un de ses membres dans son inteacuterecirct exclusif

Un amendement proposait cependant agrave la suite du nouvel article L 112-4 du Code de laction

sociale et des familles une deacutefinition inteacuteressante laquo Linteacuterecirct supeacuterieur de lenfant est deacutefini

comme lassurance de la protection de sa seacutecuriteacute personnelle et affective lassurance dun

contexte familial permettant un bon deacuteveloppement physique intellectuel affectif et social

lassurance dune relation dattachement parental permettant de se construire Linteacuterecirct

supeacuterieur de lenfant tel que deacutefini constitue son projet de vie raquo (41)

On ne peut que se feacuteliciter de la mise en avant de linteacuterecirct de lenfant pour deacuteroger agrave la sacro-

sainte interdiction des megraveres porteuses car il est vrai quil ne faut pas oublier que limportant

reste dabord et avant tout lenfant qui a et doit avoir une place centrale au sein de la famille

On peut envisager que cette reacutecente jurisprudence puisse influencer la reacuteflexion sur le recours

aux laquo megraveres porteuses raquo sur le territoire national qui conduise agrave une eacutevolution de la loi

B Vers une eacutevolution de la loi

Alors que la France interdit la laquo gestation pour autrui raquo cette pratique a eacuteteacute leacutegaliseacutee dans de

nombreux pays La France a donc une leacutegislation moins libeacuterale que dautres leacutegislations

nationales La pratique de la gestation pour autrui est notamment autoriseacutee aux Etats-Unis au

Canada en Australie et dans plusieurs pays de lUnion europeacuteenne (Espagne et Belgique

Gregravece et Royaume-Uni notamment) (42) La question de la leacutegalisation des megraveres porteuses

est tregraves controverseacutee en France et demanderait un strict encadrement (43)

On enseigne habituellement que les questions deacutetat ne peuvent deacutependre de la seule volonteacute

individuelle Leacutetat des personnes - le droit de la filiation en particulier - eacutechapperait aux

conventions Mais ce principe nest plus si absolu Leacutevolution contemporaine reacuteduit laspect

institutionnel Une place nettement importante a eacuteteacute faite dans lorganisation des relations

familiales agrave la volonteacute individuelle laquo Laccroissement du pouvoir des volonteacutes individuelles

dans le droit de la famille est une marque essentielle de ce droit raquo (44) Dougrave la justesse de

lexpression laquo contractualisation du droit de la famille raquo Le rocircle de la volonteacute individuelle

tend agrave ecirctre de plus en plus important (45) Tel est le cas du divorce du PACS et du mariage

La procreacuteation nest plus la finaliteacute avec larriveacutee en force dans des pays voisins du mariage

homosexuel

Une certaine eacutevolution des mentaliteacutes ainsi que la dispariteacute entre la loi franccedilaise et dautres

leacutegislations nationales pourraient bien donner lieu agrave un assouplissement de cette leacutegislation

(46)

La gestation pour autrui permet de pallier certaines formes de steacuteriliteacute feacuteminine en raison

dune absence ou dune deacuteformation duteacuterus de conseacutequences de cancer ou reacutesultant dune

hysteacuterectomie de fausses couches reacutepeacuteteacutees dune contre-indication meacutedicale agrave la grossesse ou

de nombreux eacutechecs de feacutecondations in vitro (47) Dans ce cas on implante les gamegravetes des

parents geacuteneacutetiques dans le ventre de la megravere porteuse

33

Un autre argument favorable agrave cette pratique est la certitude apaisante pour le couple steacuterile

de ce que lenfant porteacute en uteacuterus tiers nen sera pas moins leur veacuteritable enfant geacuteneacutetique

puisque conccedilu agrave partir de leurs propres gamegravetes

De plus il faut deacutenoncer une incoheacuterence Une femme empecirccheacutee par la loi de donner avant

sa grossesse agrave un couple agreacuteeacute par elle lenfant quelle portera moyennant eacutequitable

reacutecompense possegravede en revanche le droit discreacutetionnaire de labandonner une fois neacute au

hasard des eacutetablissements ou du service de lASE ou pis encore de recourir agrave une

interruption volontaire de grossesse pendant les douze premiegraveres semaines (48)

La possession deacutetat repreacutesente une valeur humaine et sociale qui doit ecirctre prise en compte en

tant que telle Comme lont joliment affirmeacute M Hauser et Mme Huet-Weiller laquo elle est la

veacuteriteacute des sentiments la veacuteriteacute du coeur tout aussi respectable sinon plus que celle des

registres deacutetat ou mecircme de nos gegravenes raquo (49) Ainsi on peut ecirctre favorable agrave cette reacuteflexion

sous certains reacuteserves

Tout dabord le couple demandeur devait avoir plus de 18 ans et linfertiliteacute devrait ecirctre

meacutedicalement eacutetablie Ensuite seule lutilisation des gamegravetes (sperme et ovocytes) du couple

serait autoriseacutee afin deacuteviter que la gestatrice soit aussi la megravere biologique de lenfant (pour

eacuteviter des liens trop forts eacutetablis entre elle et le beacutebeacute)

De son cocircteacute la megravere porteuse devait avoir plus de 18 ans et accepter de subir des tests divers

avant la grossesse Elle serait la seule agrave donner un consentement valable concernant la gestion

de sa grossesse et elle abandonnerait ses droits parentaux agrave la naissance de lenfant tout en

assistant le couple demandeur lors de la deacutelivrance du certificat de naissance Le

consentement devrait aussi ecirctre obtenu par un entretien psychologique meacutedical et juridique

Seul le juge pourrait donner laccord au deacutebut du processus Le couple demandeur devait

sengager agrave assumer la garde de lenfant degraves sa naissance afin deacuteviter soit une non-remise

denfant soit un refus de lenfant - par exemple en cas de handicap

Concernant la reacutemuneacuteration de la megravere porteuse la marchandisation est inacceptable Les

intermeacutediaires reacutemuneacutereacutes seraient interdits Le principe du volontariat et de la gratuiteacute sont

essentiels le don de vie (50)

Enfin il ne sagirait pas de reacutemuneacuteration mais de compensation financiegravere destineacutee agrave

deacutedommager les inconveacutenients lieacutes agrave la grossesse sur la base de la loi laquo Huriet raquo (loi sur la

recherche meacutedicale avec volontaires sains) Le couple demandeur devrait prendre agrave sa charge

les deacutepenses meacutedicales leacutegales et psychologiques ainsi quun montant raisonnable alloueacute agrave la

megravere porteuse pour subvenir agrave ses besoins Les juges appreacutecieraient librement ce que peut ecirctre

un montant laquo raisonnable raquo sans que cela puisse jamais ecirctre consideacutereacute comme une laquo vente raquo

denfant

(1) B Debreacute et S Agacinski laquo Faut-il leacutegaliser les megraveres porteuses en France raquo Le Figaro Magazine du samedi 10 novembre 2007 p 50

34

(2) G David laquo Don et utilisation du sperme raquo in Actes du colloque Geacuteneacutetique procreacuteation et

droit Actes sud 1985 p 205 G-M Faure Le deacutesir denfant agrave leacutepreuve du droit Essai sur le droit de la procreacuteation meacutedicalement assisteacutee Thegravese Universiteacute de Lille 1992 p 7

(3) G Lebreton Liberteacutes publiques et droits de lhomme 6e eacuted Armand Colin 2003 p 262

(4) CE 22 janvier 1988 Lebon 1988 p 37

(5) La Cour de cassation a enteacuterineacute la position de la cour dappel de Paris pour laquelle laquo ni laltruisme du comportement de la megravere de substitution ni le caractegravere deacutesinteacuteresseacute des activiteacutes de lassociation ne sont propres agrave faire disparaicirctre lilliceacuteiteacute qui frappe laccord litigieux raquo Cass civ 1re 13 deacutecembre 1989 Bull civ I no 387 Defreacutenois 1990 art 34802 no 55 obs J-L Aubert D 1990 p 273 JCP eacuted G 1990 II 21526 note A Seacuteriaux propos recueillis par C Slobodansky laquo Le droit doit limiter les progregraves de la science raquo LPA du 7 mai 2004 no 92 p 60

(6) laquo La convention par laquelle une femme sengage fucirct-ce agrave titre gratuit agrave concevoir et porter un enfant pour labandonner agrave sa naissance contrevient tant au principe dordre public de lindisponibiliteacute du corps humain quagrave celui de lindisponibiliteacute de leacutetat des personnes raquo Cass ass pleacuten 31 mai 1991 Bull civ ass pleacuten no 4 Defreacutenois 1991 art 35142 no 103 obs J-L Aubert Defreacutenois 1991 art 35088 no 67 note J Massip RTD civ 1991 p 517 obs D Huet-Weiller et p 489 note M Gobert M Gobert laquo Reacuteflexions sur les sources du droit et les

principes dindisponibiliteacute du corps humain et de leacutetat des personnes agrave propos de la materniteacute de substitution raquo RTD civ 1992 p 489 et s speacutec p 501 dans ce sens v deacutejagrave les remarques de P Murat laquo Laction de lordonnance du 4 juillet 2005 sur la possession deacutetat raquo Dr Famille 2006 eacutetude no 6 speacutec no 7 V aussi J Massip laquo Linsertion dans le Code civil de dispositions relatives au corps humain agrave lidentification geacuteneacutetique et agrave la procreacuteation meacutedicalement assisteacutee raquo Defreacutenois 1995 art 35975 et 35992

(7) En ce sens V Depadt-Sebag laquo De la neacutecessiteacute dune reacuteforme de larticle 16-7 du Code civil relatif agrave linterdiction de gestation pour autrui raquo RGD meacuted 2004 no 12 p 135 et s

(8) Art 227-12 et s C peacuten

(9) CA Paris 1re feacutevrier 2001 RTD civ 2001 p 347 obs J Hauser Cass civ 1re 9 deacutecembre 2003 Bull civ I no 252 p 201 CA Rennes 4 juillet 2002 D 2002 p 2904

(10) Cass civ 1re 20 feacutevrier 2007 Defreacutenois 2007 art 38595 no 45 obs J Massip

(11) V Depadt-Sebag laquo De la neacutecessiteacute dune reacuteforme de larticle 16-7 du Code civil relatif agrave linterdiction de gestation pour autrui raquo preacutec no 12 p 135 et s

(12) L no 2004-800 du 6 aoucirct 2004 relative agrave la bioeacutethique JO du 7 aoucirct 2004 p 14040 J Massip art preacutec

(13) Dans ce sens v M Gobert laquo Reacuteflexions sur les sources du droit et les principes dindisponibiliteacute du corps humain et de leacutetat des personnes agrave propos de la materniteacute de substitution raquo preacutec p 489 et s speacutec p 513

(14) V Depadt-Sebag laquo De la neacutecessiteacute dune reacuteforme de larticle 16-7 du Code civil relatif agrave linterdiction de gestation pour autrui raquo preacutec no 12 p 135 et s E Camuzet La convention de gestation pour autrui une illeacutegaliteacute franccedilaise injustifieacutee Meacutemoire Lille 2 Universiteacute du droit et de la santeacute 2005-2006 p 55

(15) A Mayer-Jack laquo Les conventions relatives agrave la personne physique raquo Rev crit leacutegisl et jurispr 1993 p 6

(16) G Meacutemeteau laquo Une distinction est opeacutereacutee sur la reacutefeacuterence des donneacutees acquises de la science agrave la date des soins par opposition agrave la notion erroneacutee de donneacutees actuelles de la science raquo note sous Cass civ 1re 6 juin 2000 JCP eacuted G 2001 II 10447

(17) Cass civ 1re 13 deacutecembre 1989 Bull civ I no 387 Defreacutenois 1990 art 34815 rapp J Massip D 1990 p 273 JCP eacuted G 1990 II 21526 note A Seacuteriaux

35

(18) Communication J Bernard et comm J Massip Defreacutenois 1990 art 35088 no 67 note J

Massip F Terreacute note sous Cass ass pleacuten 31 mai 1991 JCP eacuted G 1991 II 21752 dans ce sens v les remarques de P Murat laquo Laction de lordonnance du 4 juillet 2005 sur la possession deacutetat raquo preacutec eacutetude no 6 speacutec no 7 G Kessler laquo La consolidation de situations illicites dans linteacuterecirct de lenfant raquo Dr Famille no 7 juillet 2005 Etude 16

(19) TGI Lille 22 mars 2007 D 2007 no 18 p 1251 note X Labbeacutee B Edelman et C Labrusse-Riau note sous CA Paris 15 juin 1990 JCP eacuted G 1991 II 21653

(20) V Larribau-Terneyre note sous CA Pau 19 feacutevrier 1991 D 1991 juris p 380

(21) J Massip laquo Megravere porteuse et deacutecheacuteance de lautoriteacute parentale raquo LPA du 29 octobre 2003 no 216 p 10 Cass ass pleacuten 31 mai 1991 Bull civ ass pleacuten no 4 Defreacutenois 1991 art 35088 no 67 p 948 obs J Massip D 1991 p 417 rapport Y Chartier note D Thouvenin JCP eacuted G 1991 II 21752 communication J Bernard concl H Dontenwille note F Terreacute RTD civ 1991 p 517 obs D Huet-Weiller

(22) J Rubellin-Devichi laquo Materniteacute de substitution qui est la megravere raquo note sous CA Rennes 4 juillet 2002 JCP eacuted G 2003 I 101 C Ducomte laquo La vraie querelle des megraveres porteuses raquo httppagesperso-orangefrmax-christianducomtemereindexhtm

(23) Propos de Mme F Dekeuwer-Deacutefossez lors de son audition devant le preacutesident M Bloche pour la mission dinformation sur la famille (procegraves-verbal du 5 octobre 2005)

(24) J Hauser obs in RTD civ 1999 p 372 F Dekeuwer-Deacutefossez note sous Cass ass pleacuten 31 mai 1991 D 1992 somm p 59

(25) F Dekeuwer-Deacutefossez laquo Les droits de lenfant raquo D 1992 somm p 59 E Poisson-Drocourt laquo Recours agrave une megravere de substitution et refus de ladoption raquo D 2004 p 2001

(26) J-J Lemouland laquo Le tourisme procreacuteatif raquo LPA 2001 no 62 p 24 F Dekeuwer-Deacutefossez laquo Le lien parental raquo LPA du 1er juillet 2004 no 131 p 70 F Granet note sous CA Rennes 4 juillet 2002 D 2002 p 2904

(27) CA Aix-en-Provence 12 mars 2002 Juris-Data no 2002-190443 A Seacuteriaux laquo Droit naturel et procreacuteation artificielle quelle jurisprudence raquo D 1985 chron p 53 J Massip laquo Le nouveau droit de la filiation raquo Defreacutenois 2006 art 38303 p 13

(28) CA Rennes 4 juillet 2002 JCP eacuted G 2003 I 101 note J Rubellin-Devichi

(29) laquo Si le principe structurant de lautoriteacute parentale est linteacuterecirct de lenfant deacutetermineacute in concreto le droit de la filiation nappreacutecie en revanche jamais linteacuterecirct concret dun enfant preacutecis mais linteacuterecirct geacuteneacuteral de lenfant in abstracto raquo A Gouttenoire laquo A chacun sa famille agrave chacun son droit raquo Dr Famille no 7 juillet 2006 Alerte 41

(30) E Camuzet La convention de gestation pour autrui une illeacutegaliteacute franccedilaise injustifieacutee art preacutec p 52

(31) P Raynaud laquo Un abus de ladoption simple les couples adoptifs raquo D 1983 chron p 39 H Gaumont-Prat laquo Pas dadoption pour les enfants issus de convention de megravere porteuse raquo RLDC no 5 mai 2004 p 31 laquo Le rejet dans le non-droit des enfants neacutes dans des circonstances qui deacuterangent la socieacuteteacute relegraveve du deacuteni de la reacutealiteacute porteur de nombreux effets pathogegravenes et injustes raquo

(32) J Rubellin-Devichi laquo Materniteacute de substitution qui est la megravere raquo note sous CA Rennes 4 juillet 2002 preacutec I 101 C Ducomte laquo La vraie querelle des megraveres porteuses raquo preacutec P Raynaud laquo Un abus de ladoption simple les couples adoptifs raquo art preacutec chron p 39 G Kessler laquo La consolidation de situations illicites dans linteacuterecirct de lenfant raquo art preacutec Etude 16

(33) F Dekeuwer-Deacutefossez laquo Reacuteflexion sur les mythes fondateurs du droit contemporain de la famille raquo RTD civ 1995 p 269 E Camuzet La convention de gestation pour autrui une illeacutegaliteacute franccedilaise injustifieacutee art preacutec p 66 A Ponsard rapport sous Cass civ 1re 16

36

novembre 1982 JCP eacuted G 1983 II 19954 M-T Meulders-Klein laquo Le droit agrave lenfant face au

droit de lenfant et les procreacuteations meacutedicalement assisteacutees raquo RTD civ 1988 p 645 F Terreacute Lenfant de lesclave Geacuteneacutetique et droit Flammarion 1987 p 128

(34) Convention de New York du 26 janvier 1990 Charte des droits fondamentaux de lUnion europeacuteenne du 7 deacutecembre 2000 Deacuteclaration universelle des droits de lhomme de 1789 Convention internationale des droits de lenfant de 1989

(35) Cass ass plegraven 31 mai 1991 Bull civ ass plegraven no 4 Defreacutenois 1991 art 35142 no 103 obs J-L Aubert et art 35088 no 67 p 948 obs J Massip D 1991 p 417 rapport Y Chartier note D Thouvenin JCP eacuted G 1991 II 21752 communication J Bernard concl H Dontenwille note F Terreacute RTD civ 1991 p 517 obs D Huet-Weiller

(36) Cass civ 1re 24 feacutevrier 2006 Bull civ I no 101 p 95 Defreacutenois 2006 art 38415 no 40 p 1067 obs J Massip D 2006 juris p 897-900 obs D Vigneau T Anatrella laquo Adoption et homoparentaliteacute leacuteclairage des droits de lhomme raquo Dr Famille 2003 no 10 p

8-10 agrave lidentique dans un arrecirct du 22 janvier 1992 D 1993 p 119 note J Vassaux la cour dappel de Poitiers a prononceacute ladoption simple dun enfant neacute dune convention de megravere porteuse au motif que laquo cette adoption nest pas seulement conforme agrave linteacuterecirct de lenfant mais encore constitue une neacutecessiteacute qui deacutecoule des reacutealiteacutes de la vie issues derreurs des adultes dont lenfant ne doit pas subir les conseacutequences raquo

(37) G Kessler laquo La consolidation de situations illicites dans linteacuterecirct de lenfant raquo art preacutec eacutetude no 16 M-T Meulders-Klein laquo Le droit agrave lenfant face au droit de lenfant et les procreacuteations meacutedicalement assisteacutees raquo art preacutec p 645

(38) Cass civ 1re 18 mai 2005 Bull civ I no 211 p 179 V Depadt-Sebag laquo Non-lieu dans une affaire de materniteacute pour autrui raquo D 2005 p 476 J Massip laquo Megravere porteuse et deacutecheacuteance de lautoriteacute parentale raquo art preacutec no 216 p 11 F Terreacute Lenfant de lesclave Geacuteneacutetique et droit op cit adde F Terreacute et D Fenouillet Droit civil Les personnes la famille les incapaciteacutes 6e eacuted Preacutecis Dalloz no 926 M Lamarche laquo Inteacuterecirct supeacuterieur de lenfant de ladmission des effets dune convention de megravere porteuse agrave la destruction du droit franccedilais de la filiation raquo Dr Famille novembre 2007 no 11

(39) M Donnier laquo Linteacuterecirct de lenfant raquo D 1959 chron p 27 F Laroche-Gisserot note sous Cass civ 1re 27 mai 1998 D 1998 p 530 F Millet laquo Ladoption dun inteacuterecirct agrave lautre raquo RRJ 2003-3 p 1777 et s A Gouttenoire laquo A chacun sa famille agrave chacun son droit raquo art preacutec Alerte 41

(40) Par la loi no 2007-293 du 5 mars 2007 reacuteformant la protection de lenfance (JO du 6 mars 2007 Defreacutenois 2007 Leacuteg p 282) le leacutegislateur a inteacutegreacute la notion dinteacuterecirct de lenfant dans le Code de laction sociale et des familles Le nouvel article L 112-4 dudit code dispose que laquo Linteacuterecirct de lenfant la prise en compte de ses besoins fondamentaux physiques intellectuels sociaux et affectifs ainsi que le respect de ses droits doivent guider toutes deacutecisions le concernant raquo

(41) Amendement no 48 rect Protection de lenfance no 3184 Assembleacutee nationale 22 deacutecembre 2006 wwwassemblee-nationalefr v aussi sur lensemble de ces questions les consideacuterations tregraves eacuteclairantes de P Murat note sous CA Rennes 4 juillet 2002 D 2002 p 2902 Dr Famille 2002 comm no 142 note P Murat

(42) F Granet-Lambrechts laquo Materniteacutes de substitution filiation et eacutetat civil Panorama europeacuteen raquo Dr Famille no 12 deacutecembre 2007 eacutetude no 34

(43) D Youf Penser les droits de lenfant PUF 2002 p 2

(44) G Cornu La famille 6e eacuted no 7 J Carbonnier Droit civil t 4 Les obligations PUF coll Theacutemis no 372 p 649

(45) D Fenouillet et P de Vareilles-Sommiegraveres La contractualisation du droit de la famille Economica 2001

37

(46) H Gaumont-Prat laquo Pas dadoption pour les enfants issus de convention de megravere porteuse raquo art preacutec p 31

(47) E Poisson-Droccourt laquo Recours agrave une megravere de substitution et refus de ladoption raquo art preacutec p 2001 note sous Cass civ 1re 9 deacutecembre 2003 G Delaisi de Perseval laquo Gestation pour autrui en quecircte de leacutegitimation raquo httpwwwliberationfr

(48) C Neirinck laquo Les filiations eacutelectives agrave leacutepreuve du droit raquo JCP eacuted G 1997 I 4067 E Camuzet laquo La convention de gestation pour autrui une illeacutegaliteacute franccedilaise injustifieacutee raquo art preacutec p 59

(49) J Hauser et D Huet-Weiller Traiteacute de droit civil La famille Fondation et vie de la famille 2e eacuted LGDJ 1993 p 250

(50) B Debreacute et S Agacinski laquo Faut-il leacutegaliser les megraveres porteuses en France raquo art preacutec p 50 C Atias D 1986 chron p 67

Civ 1egravere

13 deacutecembre 1989

Ndeg de pourvoi 88-15655

Publieacute au bulletin

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Attendu selon les juges du fond que lrsquoassociation ldquo Alma Mater ldquo a pour objet de faciliter la

solution des problegravemes qui se posent aux couples dont la femme est steacuterile deacutesireux

drsquoaccueillir un enfant agrave leur foyer et aux ldquo megraveres porteuses ldquo volontaires qursquoil est proposeacute agrave

la ldquo megravere porteuse ldquo drsquoecirctre inseacutemineacutee artificiellement par la semence du mari ou du concubin

de porter et de mettre au monde lrsquoenfant qui sera deacuteclareacute sur les registres de lrsquoeacutetat civil sans

indication du nom de la megravere reconnu par le pegravere et accueilli au foyer de celui-ci en vue de

son adoption par lrsquoeacutepouse ou la compagne que lrsquoassociation intervient tout au long de ce

processus qualifieacute de ldquo precirct drsquouteacuterus ldquo ou de ldquo don drsquoenfant ldquo qursquoainsi apregraves avoir controcircleacute la

reacutealiteacute de la steacuteriliteacute du couple demandeur et des faculteacutes de feacutecondation de la ldquo megravere porteuse

ldquo geacuteneacuteralement recruteacutee par elle lrsquoassociation fait proceacuteder agrave lrsquoinseacutemination surveille la

grossesse et lrsquoaccouchement srsquooccupe de faire diligenter la proceacutedure drsquoadoption qursquoelle

verse ensuite agrave la megravere une somme forfaitaire - qui en 1987 eacutetait fixeacutee agrave 60 000 francs -

remise par le couple demandeur degraves le deacutebut de la grossesse que lrsquoarrecirct confirmatif attaqueacute

(Aix-en-Provence 29 avril 1988) estimant que cette association avait un objet illicite

contraire aux lois et aux bonnes moeurs en a prononceacute la nulliteacute sur le fondement de lrsquoarticle

3 de la loi du 1er juillet 1901

Sur le moyen unique pris en sa premiegravere branche

Attendu que lrsquoassociation ldquo Alma Mater ldquo fait grief agrave la cour drsquoappel drsquoavoir ainsi statueacute alors

que selon le moyen nrsquoest ni illicite ni contraire aux bonnes moeurs lrsquoassociation qui dans un

but humanitaire non lucratif met en relation un couple demandeur dont la femme est steacuterile et

38

une femme qui accepte drsquoecirctre inseacutemineacutee artificiellement par le mari de porter lrsquoenfant et de le

remettre agrave la naissance agrave ce couple qui lrsquoindemnisera des contraintes et de la gecircne occasionneacutee

par la grossesse de sorte que la juridiction du second degreacute aurait violeacute les articles 3 et 7 de la

loi du 1er juillet 1901

Mais attendu qursquoil reacutesulte des constatations des juges du fond que lrsquoobjet mecircme de

lrsquoassociation est de favoriser la conclusion et lrsquoexeacutecution de conventions qui fussent-elles

verbales portent tout agrave la fois sur la mise agrave la disposition des demandeurs des fonctions

reproductrices de la megravere et sur lrsquoenfant agrave naicirctre et sont donc nulles en application de lrsquoarticle

1128 du Code civil que ces conventions contreviennent au principe drsquoordre public de

lrsquoindisponibiliteacute de lrsquoeacutetat des personnes en ce qursquoelles ont pour but de faire venir au monde un

enfant dont lrsquoeacutetat ne correspondra pas agrave sa filiation reacuteelle au moyen drsquoune renonciation et

drsquoune cession eacutegalement prohibeacutees des droits reconnus par la loi agrave la future megravere que

lrsquoactiviteacute de lrsquoassociation qui tend deacutelibeacutereacutement agrave creacuteer une situation drsquoabandon aboutit agrave

deacutetourner lrsquoinstitution de lrsquoadoption de son veacuteritable objet qui est en principe de donner une

famille agrave un enfant qui en est deacutepourvu que crsquoest degraves lors agrave bon droit que lrsquoarrecirct attaqueacute a

deacutecideacute sur le fondement de lrsquoarticle 3 de la loi du 1er juillet 1901 que cette association eacutetait

nulle en raison de lrsquoilliceacuteiteacute de son objet que la premiegravere branche du moyen est donc sans

fondement

Et sur les deuxiegraveme et troisiegraveme branches du moyen

Attendu qursquoil est fait grief agrave la cour drsquoappel de nrsquoavoir pas reacutepondu aux conclusions faisant

valoir drsquoune part que lrsquointerdiction du ldquo don de gestation ldquo constituait une discrimination

fondeacutee sur la naissance contraire aux dispositions de lrsquoarticle 24 du pacte international relatif

aux droits civils et politiques signeacute agrave New York le 19 deacutecembre 1966 et drsquoautre part que ce ldquo

don de gestation ldquo reposait sur le droit leacutegitime de fonder une famille qui implique le droit

drsquoengendrer reconnu tant par lrsquoarticle 12 de la convention europeacuteenne des droits de lrsquohomme

et des liberteacutes fondamentales du 4 novembre 1950 que par lrsquoarticle 23 du pacte international

preacuteciteacute

Mais attendu que la reconnaissance du caractegravere illicite de la materniteacute pour autrui et des

associations qui srsquoefforcent de la promouvoir qui se deacuteduit des principes geacuteneacuteraux du Code

civil et de regravegles qui sont communes agrave toutes les filiations nrsquoest pas de nature agrave instaurer une

discrimination fondeacutee sur la naissance que le droit de se marier et de fonder une famille

reconnu par lrsquoarticle 12 de la convention du 4 novembre 1950 et par lrsquoarticle 23 du pacte

international du 19 deacutecembre 1966 agrave lrsquohomme et agrave la femme en acircge nubile nrsquoimplique pas le

droit de conclure avec un tiers des conventions portant sur le sort drsquoun enfant agrave naicirctre que

par ces motifs de droit reacutepondant aux conclusions invoqueacutees lrsquoarrecirct se trouve leacutegalement

justifieacute et que les deuxiegraveme et troisiegraveme branches du moyen ne peuvent ecirctre accueillies

PAR CES MOTIFS

REJETTE le pourvoi

Publication Bulletin 1989 I Ndeg 387 p 260

Deacutecision attaqueacutee Cour drsquoappel drsquoAix-en-Provence du 29 avril 1988

39

Cour de cassation Assembleacutee pleacuteniegravere

Audience publique du 31 mai 1991

Ndeg de pourvoi 90-20105 Publieacute au bulletin

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Sur le pourvoi dans lrsquointeacuterecirct de la loi formeacute par M le Procureur geacuteneacuteral pregraves la Cour de

Cassation

Vu les articles 6 et 1128 du Code civil ensemble lrsquoarticle 353 du mecircme Code

Attendu que la convention par laquelle une femme srsquoengage fucirct-ce agrave titre gratuit agrave concevoir

et agrave porter un enfant pour lrsquoabandonner agrave sa naissance contrevient tant au principe drsquoordre

public de lrsquoindisponibiliteacute du corps humain qursquoagrave celui de lrsquoindisponibiliteacute de lrsquoeacutetat des

personnes

Attendu selon lrsquoarrecirct infirmatif attaqueacute que Mme X eacutepouse de M Y eacutetant atteinte drsquoune

steacuteriliteacute irreacuteversible son mari a donneacute son sperme agrave une autre femme qui inseacutemineacutee

artificiellement a porteacute et mis au monde lrsquoenfant ainsi conccedilu qursquoagrave sa naissance cet enfant a

eacuteteacute deacuteclareacute comme eacutetant neacute de Y sans indication de filiation maternelle

Attendu que pour prononcer lrsquoadoption pleacuteniegravere de lrsquoenfant par Mme Y lrsquoarrecirct retient

qursquoen lrsquoeacutetat actuel des pratiques scientifiques et des moeurs la meacutethode de la materniteacute

substitueacutee doit ecirctre consideacutereacutee comme licite et non contraire agrave lrsquoordre public et que cette

adoption est conforme agrave lrsquointeacuterecirct de lrsquoenfant qui a eacuteteacute accueilli et eacuteleveacute au foyer de M et

Mme Y pratiquement depuis sa naissance

Qursquoen statuant ainsi alors que cette adoption nrsquoeacutetait que lrsquoultime phase drsquoun processus

drsquoensemble destineacute agrave permettre agrave un couple lrsquoaccueil agrave son foyer drsquoun enfant conccedilu en

exeacutecution drsquoun contrat tendant agrave lrsquoabandon agrave sa naissance par sa megravere et que portant atteinte

aux principes de lrsquoindisponibiliteacute du corps humain et de lrsquoeacutetat des personnes ce processus

constituait un deacutetournement de lrsquoinstitution de lrsquoadoption la cour drsquoappel a violeacute les textes

susviseacutes

PAR CES MOTIFS

CASSE ET ANNULE mais seulement dans lrsquointeacuterecirct de la loi et sans renvoi lrsquoarrecirct rendu le

15 juin 1990 par la cour drsquoappel de Paris

REQUETE DE M LE PROCUREUR GENERAL PRES LA COUR DE CASSATION

Le Procureur geacuteneacuteral pregraves la Cour de Cassation a lrsquohonneur drsquoexposer

- Que par jugement du 28 juin 1989 le tribunal de grande instance de Paris a rejeteacute la requecircte

preacutesenteacutee par Mme X eacutepouse Y tendant agrave lrsquoadoption pleacuteniegravere de lrsquoenfant Z deacuteclareacutee

comme eacutetant neacutee de M Y mari de la requeacuterante sans indication de filiation maternelle

- Que pour ne pas faire droit agrave cette requecircte les premiers juges ont retenu que les eacutepoux Y

pour remeacutedier agrave la steacuteriliteacute de leur couple avaient eu recours agrave lrsquoassociation Alma Mater

aujourdrsquohui dissoute lrsquoenfant eacutetant neacute drsquoune megravere de substitution qui lrsquoa abandonneacute agrave la

naissance pratique deacuteclareacutee illicite

- Que sur appel de Mme Y la premiegravere chambre civile section C de la cour drsquoappel de

Paris a par arrecirct du 15 juin 1990 infirmeacute la deacutecision entreprise et prononceacute lrsquoadoption

pleacuteniegravere solliciteacutee par la requeacuterante

- Qursquoau soutien de leur deacutecision devenue deacutefinitive les juges du second degreacute ont tireacute de nos

principes geacuteneacuteraux relatifs agrave la filiation des regravegles drsquoordre public concernant les contrats et de

40

certaines conventions ou deacuteclarations internationales des conclusions contraires agrave celles

auxquelles eacutetait parvenue votre premiegravere chambre civile de la Cour de Cassation qui dans un

cas de figure pratiquement identique a par arrecirct du 13 deacutecembre 1989 (association Alma

Mater contre procureur geacuteneacuteral Aix-en-Provence) reconnu le caractegravere illicite de la materniteacute

pour autrui et les associations qui srsquoefforcent de la promouvoir

- Qursquoil importe en cette matiegravere particuliegraverement sensible qui touche agrave un deacutelicat problegraveme de

socieacuteteacute et drsquoeacutethique que soit mis fin agrave des divergences jurisprudentielles majeures et que la

seacutecuriteacute juridique soit assureacutee

PAR CES MOTIFS

Vu lrsquoarticle 17 de la loi du 3 juillet 1967 relative agrave la Cour de Cassation

Requiert qursquoil plaise agrave la Cour de Cassation

CASSE ET ANNULE sans renvoi et dans le seul inteacuterecirct de la loi lrsquoarrecirct rendu le 15 juin 1990

par la cour drsquoappel de Paris ayant fait droit agrave la requecircte en adoption pleacuteniegravere preacutesenteacutee par

Mme X eacutepouse Y

Publication Bulletin 1991 AP Ndeg 4 p 5

Deacutecision attaqueacutee Cour drsquoappel de Paris du 15 juin 1990

Page 25: SEANCE_3 Droit Civil Methodologie

25

linstitution de ladoption est caracteacuteriseacute et il convient de lutter contre la politique du fait

accompli (4) Laccepter au nom de linteacuterecirct de lenfant ne conduirait-il pas comme on la

souligneacute en doctrine (5) agrave admettre le commerce des enfants sous preacutetexte que bien souvent

ceux-ci y trouveraient beacuteneacutefice

(1) Selon la Bible Sarah eacutepouse dAbraham ne pouvant avoir denfant de lui lenvoya aupregraves

de son esclave eacutegyptienne Agar dont il eut un fils Ismaeumll Agar fut renvoyeacutee avec celui-ci

lorsque Sarah tregraves acircgeacutee mit au monde Isaac le fils de la promesse

Cest sans doute une coiumlncidence si nous trouvons aussi dans notre affaire une laquoSarahraquo qui

tient il est vrai un rocircle tout diffeacuterent de celui deacutevolu agrave son homonyme biblique

Lhistoire reacutevegravele eacutegalement des cas relativement freacutequents ougrave pour pallier agrave la steacuteriliteacute du

mari et pour permettre la continuation de la ligneacutee et la perpeacutetuation dun nom ou dun titre un

laquovaletraquo - souvent ensuite renvoyeacute - eacutetait chargeacute de feacuteconder leacutepouse Le proceacutedeacute eacutetait

juridiquement parfait dans la mesure ougrave par le jeu de la preacutesomption de paterniteacute le mari

devenait leacutegalement le pegravere de lenfant

(2) Cass ass pleacuten 31 mai 1991 Bull civ 1991 ndeg 4 Gaz Pal Rec 1991 panor cass p

162 [912144] D 1991 jur p 417 rapport Y Chartier note G Thouvenin JCP 1991 II

21752 comm J Bernard concl H Dontenwille note F Terreacute Defreacutenois 1991 art 35088

ndeg 67 p 948 obs J Massip RTD civ 1991 517 obs D Huet-Weiller Dans le mecircme sens

v Cass civ 1re 29 juin 1994 Bull civ 1994 I ndeg 226 Gaz Pal Rec 1995 jur p 36 note

J B [943856] D 1994 jur p 581 note Y Chartier JCP 1995 II 223621 note J Rubellin-

Devichi RTD civ 1994 p 842 obs J Hauser Defreacutenois 1995 art 36024 ndeg 4 p 315

obs J Massip

V aussi Cass civ 1re 13 deacutecembre 1989 Bull civ 1989 I ndeg 387 Gaz Pal Rec 1990

panor cass p 66 [901122] D 1990 jur p 273 rapport J Massip Defreacutenois 1990 art

34802 ndeg 55 p 743 obs J-L Aubert et art 34815 p 862 rapport J Massip et JCP 1990 II

21526 note A Seriaux Dans cette affaire la Cour de cassation avait proclameacute par des motifs

analogues agrave ceux adopteacutes par les arrecircts de 1991 et 1994 le caractegravere illicite de la materniteacute

pour autrui et des associations qui sefforcent de la promouvoir

(3) Sur cette loi v notamment notre commentaire in Defreacutenois 1975 art 35975 et 35922

speacutecialement en ce qui concerne lart 16-7 C civ le ndeg 9 de cette eacutetude p 72

(4) Sur ces divers points v notre note preacuteciteacutee sous Cass ass pleacuten 31 mai 1991

(5) Obs J Hauser sous larrecirct rendu le 1er feacutevrier 2001 par la Cour dappel de Paris dans le

preacutesente affaire in RTD civ 2001 347

AD2008DEF0291N1

Reacutepertoire du Notariat Defreacutenois 15 feacutevrier 2008 ndeg 3 P 291 - Tous droits reacuteserveacutes

FILIATION

38717 La convention de megravere porteuse

(Reacuteflexions sur les sources du droit et les principes dindisponibiliteacute du corps humain et de leacutetat des personnes)

Le droit franccedilais prohibe les conventions de megraveres porteuses

26

Malgreacute linterdiction leacutegale de nombreux couples ont chercheacute et cherchent encore agrave

contourner cette interdiction notamment en ayant recours agrave des megraveres de substitution dans

des pays eacutetrangers ougrave cette pratique est autoriseacutee

La Cour de cassation veille agrave ce que linstitution de ladoption ne soit pas deacutetourneacutee au profit

de ces parents

Dans un arrecirct du 25 octobre 2007 la cour dappel de Paris vient de reacuteouvrir le deacutebat non sur

le terrain de la convention mais sur celui de la non-transcription des actes de naissance et de

linteacuterecirct supeacuterieur de lenfant

Une excellente occasion de faire le point sur la question et de sinterroger pour lavenir avant

la reacutevision de la loi bioeacutethique en 2009

par Rabih CHENDEB

Docteur en droit

ATER agrave lUniversiteacute de Picardie Jules Verne

laquo La science va Elle est ineacuteluctable Ce quil faut cest la rendre eacutethique raquo (1)

Le droit positif franccedilais interdit de recourir aux megraveres porteuses si un couple conccediloit un

embryon in vitro qui est implanteacute dans luteacuterus dune tierce femme cest cette tierce femme

qui est la megravere selon la loi franccedilaise et les parents biologiques ne peuvent avoir aucun droit

mecircme en cas dabandon de lenfant agrave la naissance par la megravere porteuse La loi bioeacutethique de

1994 a interdit la gestation pour autrui car cela soulevait des questions

dinstrumentalisation et de commercialisation du corps de la femme

De nombreux couples en mal denfants ont depuis longtemps chercheacute agrave contourner les regravegles

notamment en ayant recours agrave des megraveres de substitution qui vivent dans des pays ougrave cette

pratique est autoriseacutee Jusquagrave preacutesent la Cour de cassation ne sy est jamais laisseacutee prendre et

condamnait ladoption faite par les parents de lenfant de la megravere porteuse consideacuterant quil

sagissait dun deacutetournement de linstitution de ladoption (I)

Le 25 octobre 2007 la cour dappel de Paris vient donner lespoir dune ouverture vers

lacceptation dans linteacuterecirct de lenfant de cette deacutemarche Cette deacutecision de la cour dappel

pourrait changer les choses en attendant la reacutevision de la loi bioeacutethique preacutevue en 2009 Une

chose est sucircre cet arrecirct a le meacuterite douvrir le deacutebat et de poser la question de linteacuterecirct de

lenfant comme exception agrave lindisponibiliteacute de leacutetat des personnes et agrave linterdiction de la

pratique des megraveres porteuses Une certaine eacutevolution des mentaliteacutes ainsi que la dispariteacute

entre la loi franccedilaise et dautres leacutegislations nationales pourraient donner lieu agrave un

assouplissement de cette leacutegislation (II)

I Lhostiliteacute du leacutegislateur et de la jurisprudence agrave leacutegard de la convention de megravere porteuse

Au siegravecle dernier seacutetaient deacuteveloppeacutees des associations ayant pour but de faire se rencontrer

des couples deacutesireux davoir un enfant et des femmes acceptant de le porter pour ensuite le

leur laquo ceacuteder raquo par contrat Pour des raisons plus ou moins louables le proceacutedeacute fut rapidement

condamneacute par le droit franccedilais (A) tout comme ladoption qui sen suivait (B)

27

A Le caractegravere illicite de la convention de megravere porteuse

La megravere porteuse met en effet agrave mal le scheacutema classique de la famille On affirmait en Droit

romain que la megravere eacutetait sucircre et que le pegravere eacutetait le mari Le Code napoleacuteon a enteacuterineacute cette

conception Dire que lenfant possegravede une megravere geacuteneacutetique et une megravere uteacuterine va agrave lencontre

de ses dispositions (2)

Pris au deacutepourvu le leacutegislateur franccedilais a tardeacute agrave reacuteagir face aux progregraves scientifiques Il en

est reacutesulteacute un vide juridique auquel la jurisprudence sest efforceacutee de faire face Devant cette

heacutesitation bien compreacutehensible du droit les ressources de la morale de la deacuteontologie et

surtout de la bioeacutethique ont eacuteteacute solliciteacutees (3) Le Conseil dEtat confronteacute aux associations

voulant intervenir dans ce domaine a ainsi prononceacute la dissolution de ces associations pour

objet illicite (4) Le 13 deacutecembre 1989 la premiegravere chambre civile de la Cour de cassation a

releveacute le principe dindisponibiliteacute du corps humain par une interpreacutetation a contrario de

larticle 1128 du Code civil qui dispose qu laquo il ny a que les choses qui sont dans le

commerce qui puissent ecirctre lobjet des conventions raquo La personne ne dispose pas de son

corps elle nen est pas proprieacutetaire (5) Le 31 mai 1991 lassembleacutee pleacuteniegravere de la Cour de

cassation vise les articles 6 1128 et 353 du Code civil afin daffirmer le caractegravere illicite de la

convention conclue entre une megravere porteuse et un couple steacuterile En effet ce contrat porte sur

deux corps humains la megravere et lenfant (6)

Rapidement le leacutegislateur est venu leacutegifeacuterer dans ce sens avec la loi no 94-653 du 29 juillet

1994 relative agrave la bioeacutethique pour que le Code civil reconnaisse le corps humain en tant que

tel Cette loi prend deacutesormais explicitement en compte le corps humain parce quil a voulu

promouvoir son respect face au deacuteveloppement des sciences biomeacutedicales Cette loi a entraicircneacute

la modification et la creacuteation darticles dans le Code civil et le Code peacutenal

Le principe du respect de la digniteacute de la personne humaine est poseacute par larticle 16 du Code

civil laquo La loi assure la primauteacute de la personne interdit toute atteinte agrave la digniteacute de celle-ci

et garantit le respect de lecirctre humain degraves le commencement de sa vie raquo Le nouvel article 16-1

preacutevoit que laquo Chacun a droit au respect de son corps Le corps humain est inviolable Le

corps humain ses eacuteleacutements et ses produits ne peuvent faire lobjet dun droit patrimonial raquo

Par conseacutequent selon larticle 16-5 laquo Les conventions ayant pour effet de confeacuterer une

valeur patrimoniale au corps humain agrave ses eacuteleacutements ou agrave ses produits sont nulles raquo De mecircme

quand une personne accepte de donner son sang ce ne peut ecirctre quagrave titre beacuteneacutevole Enfin

larticle 16-7 dispose mecircme laquo Toute convention portant sur la procreacuteation ou la gestation

pour le compte dautrui est nulle raquo (7)

En outre cette interdiction est assortie dune sanction peacutenale pouvant aller jusquagrave un an

demprisonnement et 15 000 euro damende pour celui qui sentremet ou tente de sentremettre

entre une personne ou un couple deacutesireux daccueillir un enfant et une femme acceptant de

porter en elle cet enfant en vue de le leur remettre Lorsque ces faits ont eacuteteacute commis agrave titre

habituel ou dans un but lucratif les peines sont porteacutees au double (8)

En deacutepit de la reacutesistance de quelques juges du fond qui ont admis ladoption la Cour de

cassation na pas infleacutechi sa position (9) Elle sest reacutecemment opposeacutee agrave ladoption simple

dun enfant par un couple homosexuel estimant cette adoption contraire agrave laquo linteacuterecirct supeacuterieur

de lenfant raquo (10)

28

Analyseacutes dans le contexte de ces deacutecisions les deux principes de lilliceacuteiteacute des conventions et

de lindisponibiliteacute du corps humain expriment une mecircme ideacutee la condamnation dune

convention qui porte sur le corps humain celui de lenfant agrave naicirctre et celui de la femme qui la

conccedilu et porteacute

Toutefois les motifs adopteacutes par la Cour de cassation savegraverent dune extrecircme faiblesse En

effet ces motifs sont lieacutes agrave lilliceacuteiteacute de lobjet des conventions agrave lindisponibiliteacute du corps

humain ainsi quagrave lindisponibiliteacute de leacutetat des personnes (11) Pourtant les lois dites laquo

bioeacutethiques raquo du 29 juillet 1994 puis la loi du 6 aoucirct 2004 (12) relative agrave la bioeacutethique ont

admis lutilisation des eacuteleacutements et des produits du corps humain agrave des fins theacuterapeutiques ou

scientifiques Effectivement une loi en date du 24 janvier 1953 deacutetermine laquo les tarifs de

cession du sang raquo Les dispositions sont aujourdhui dans le Code de la santeacute publique Degraves

lors on peut donner ses gamegravetes ses organes son sang Il semble que plus quune approche

anthropologique des sciences meacutedicales (qui conduiraient agrave une ineacutevitable instrumentalisation

du corps des hommes) il existerait ce que nous appelons une technoscience laquo de linvisible

raquo que seul le droit accepte de leacutegitimer (13)

Par ailleurs la terminologie employeacutee par le leacutegislateur de 1994 est eacuteloquente Cest

certainement parce que le principe dindisponibiliteacute du corps humain sest aveacutereacute irreacutealiste videacute

de sa substance par le nombre et limportance de ses exceptions que le leacutegislateur lui a preacutefeacutereacute

celui de non-patrimonialiteacute qui figure aujourdhui aux articles 16-1 16-5 et 16-6 du Code

civil Il est donc possible de disposer de son corps agrave titre de dons dans les limites de la loi

(14)

Pour conclure sur ce point il sera emprunteacute les propos de Mme Mayer-Jack laquo

Malheureusement si ce principe dindisponibiliteacute du corps humain possegravede les qualiteacutes trop

rares decirctre nettement formuleacute et universellement admis il apparaicirct agrave la reacuteflexion frappeacute dun

vice radical il se reacutevegravele contraire aux faits raquo (15)

B La nulliteacute de ladoption

En matiegravere de materniteacute de substitution lenfant reste au coeur du deacutebat Il est laquo lobjet raquo de la

convoitise du couple demandeur et lobjet de la convention En vue de permettre

leacutetablissement dune filiation adoptive deux processus eacutetaient suivis par lesdits couples

processus que la Cour de cassation sempressa dinterdire agrave son tour

1 Le contournement aveacutereacute de la loi par les couples restant en France

En effet le processus se deacuteroulait en trois eacutetapes dans un premier temps lembryon issu des

gamegravetes du couple ou du mari et de la femme porteuse eacutetait implanteacute dans luteacuterus de cette

derniegravere La megravere porteuse suivait sa grossesse normalement notamment au regard du suivi

meacutedical (16) Ensuite elle accouchait anonymement La leacutegislation autorise les

accouchements laquo sous X raquo et reconnaicirct ainsi aux parturientes le droit de ne pas ecirctre megraveres si

elles ne le deacutesirent ou ne le peuvent pas Le pegravere fournisseur de sperme quant agrave lui effectuait

une reconnaissance preacutenatale de lenfant A sa naissance il le reconnaissait Lenfant avait

donc un pegravere mais sans indication de la filiation maternelle Enfin leacutepouse de ce dernier

adoptait de maniegravere pleacuteniegravere lenfant Leacutetat de mariage de la megravere porteuse ne changeait rien

puisque laccouchement anonyme empecircchait que le mari soit consideacutereacute comme pegravere preacutesumeacute

29

Depuis larrecirct Alma Mater (17) nous savons que la convention de materniteacute de substitution

est nulle car contrevenant agrave lordre public (18) Mais jusqualors la jurisprudence avait eu le

soin de dissocier convention et adoption Toute convention portant sur la procreacuteation ou la

gestation pour le compte dautrui eacutetant nulle la convention de megravere porteuse ayant permis la

naissance de lenfant en cause est donc incontestablement frauduleuse Degraves lors la possession

deacutetat sur laquelle les demandeurs se fondent pour voir eacutetablir un lien de filiation leacutegitime agrave

leur profit et lacte de notorieacuteteacute quils ont ainsi obtenu sont eux-mecircmes vicieacutes et ne peuvent

donc permettre leacutetablissement dun tel lien Par ailleurs la Convention de New York sur les

droits de lenfant garantit notamment agrave celui-ci laccegraves agrave ses origines Or lapplication de la

convention frauduleuse aurait pour effet de consacrer un mensonge lacte de naissance qui

serait eacutetabli sur le fondement de cette convention aboutirait en effet agrave nier totalement les

conditions dans lesquelles lenfant a eacuteteacute conccedilu En conseacutequence les demandeurs ne pourront

se preacutevaloir de la possession deacutetat vicieacutee pour obtenir la retranscription de lacte de notorieacuteteacute

sur lacte de naissance de lenfant (19) Ainsi la prohibition de la convention a entraicircneacute dans

son sillage une impossibiliteacute dadoption par leacutepouse du pegravere (20) Il y a deacutetournement de

linstitution de ladoption pleacuteniegravere en ce que lenfant a eacuteteacute conccedilu pour ecirctre abandonneacute par sa

megravere et adopteacute par une autre (21)

Il en reacutesulte que cest labandon de lenfant qui rend impossible ladoption par leacutepouse du

mari Or labandon de lenfant constitue deacutejagrave une deacutemarche parfaitement licite et reacuteglementeacutee

par la loi Il suffit pour sen convaincre de lire attentivement les textes adeacutequats agrave savoir les

articles 61 et 62 du Code de la famille et de laide sociale 348-3 et 350 du Code civil et 1158

agrave 1163 du Code de proceacutedure civile Il suffit agrave la megravere et plus geacuteneacuteralement agrave la personne

investie des droits parentaux de confier 1enfant agrave un eacutetablissement ou agrave un service de laide

sociale agrave 1enfance (ASF) ou mecircme agrave un particulier puis de sen deacutesinteacuteresser

manifestement pendant une anneacutee nentretenant avec lui aucune relation neacutecessaire au

maintien de liens affectifs Le tribunal de grande instance peut degraves lors sauf agrave prendre en

consideacuteration le cas exceptionnel de grande deacutetresse du parent deacutefaillant deacuteclarer 1enfant

abandonneacute agrave la requecircte de tout inteacuteresseacute et notamment de leacutetablissement service ou famille

daccueil (22) laquo On cesse dinterdire une pratique non pas lorsquelle se deacuteveloppe mais

lorsquon ne sait plus pourquoi elle est interdite raquo (23)

Dailleurs une contradiction engendre ce refus dadoption En effet laquo consideacuterer ladoption

indissociable de la convention revient agrave ne voir lenfant que comme lobjet de cette convention

raquo (24) Ainsi les parents ont pu eacutetablir anteacuterieurement agrave la naissance le processus dont

ladoption est laquo lultime phase raquo Mais ce processus nest pas fait dans lintention de nuire agrave

lenfant Alors comment comprendre la seacuteveacuteriteacute afficheacutee de la Cour de cassation

Traiter lenfant comme une veacuteritable personne implique de dissocier la convention ougrave il

nintervient pas et ladoption dont il est partie prenante et mecircme partie principale Il faut

sinterroger sur son inteacuterecirct propre quitte agrave le confronter ensuite agrave ceux auxquels il soppose

(25)

2 Lexpansion du tourisme procreacuteatif

La dispariteacute des regravegles nationales agrave propos de la gestation pour autrui a conduit certains

couples agrave se rendre agrave leacutetranger pour pouvoir avoir recours agrave une megravere porteuse on parle

deacutesormais de laquo tourisme procreacuteatif raquo (26)

30

Lagrave encore le processus deacutebute par une inseacutemination artificielle mais les pays ayant leacutegaliseacute la

gestation pour le compte dautrui permettent par ailleurs que lembryon inseacutemineacute dans

luteacuterus de la femme soit issu de la rencontre des gamegravetes des deux parents demandeurs

Lenfant est donc geacuteneacutetiquement lenfant du couple Il a pour parent degraves sa naissance le

couple demandeur il porte leur nom et le preacutenom quils lui ont choisi Mais pour exister en

France il est neacutecessaire de recourir agrave une transcription sur les registres de leacutetat civil franccedilais

de lacte de naissance eacutetranger Lagrave encore la seacuteveacuteriteacute est de mise puisque le parquet de

Nantes qui a en charge la transcription des eacutetats civils venant de leacutetranger refuse

systeacutematiquement cette transcription qui nest pas conforme agrave la leacutegislation franccedilaise (27)

Les magistrats ont eacuteteacute confronteacutes agrave ces situations ougrave la megravere commanditaire deacutesirait eacutetablir un

lien de filiation entre elle et lenfant issu de la convention de materniteacute de substitution

Tel est par exemple le cas qui a eacuteteacute trancheacute par la cour dappel de Rennes le 4 juillet 2002

(28) Dans cet arrecirct la cour dappel a rejeteacute ladoption des enfants par un couple qui a conclu

en Californie une convention portant sur la gestation dun embryon issu de leurs propres

gamegravetes La cour relegraveve que laquo la loi franccedilaise ne donne pas une deacutefinition de la megravere raquo cette

notion est inscrite dans les mentaliteacutes depuis des siegravecles par ladage Mater semper certa est

Cest laccouchement qui deacutetermine la megravere et non la seule reacutealiteacute geacuteneacutetique

Cette jurisprudence installeacutee depuis le ceacutelegravebre arrecirct de lassembleacutee pleacuteniegravere du 31 mai 1991

constitue une atteinte directe agrave linteacuterecirct de lenfant Ce dernier est priveacute de toute filiation

maternelle leacutegalement reconnue et ce sans beacuteneacutefice pour personne (29)

Malheureusement en raison de cette solution les deux enfants sont acircgeacutes de sept ans et vivent

aupregraves de leur pegravere naturel et de sa compagne dont la materniteacute ne peut leacutegalement ecirctre eacutetablie

(30)

Cette jurisprudence preacutesente un point faible Selon larticle 353 du Code civil le tribunal de

grande instance saisi dune requecircte aux fins dadoption pleacuteniegravere veacuterifie si les conditions de

la loi sont remplies et si ladoption est conforme agrave linteacuterecirct de lenfant Or en loccurrence

le preacutetendu droit de lenfant ne coiumlncide pas avec son inteacuterecirct seul mis en avant dans 1article

353 du Code civil Le refus par la cour dappel de prononcer ladoption pleacuteniegravere a priveacute les

deux enfants (au nom de leur droit aussi eacuteminent que symbolique agrave la non-chosification) dun

avantage concret et primordial leur admission au statut denfants leacutegitimes de leurs vrais

parents geacuteneacutetiques (31) Simples enfants naturels ou adulteacuterins de leur pegravere ils demeureront

sans lien de filiation maternelle Un tel problegraveme meacuterite que les juridictions se penchent au

moins sur lui (32) La protection de linstitution de ladoption sopegravere au deacutetriment du droit

reconnu agrave lenfant deacutetablir sa filiation par le biais dune discrimination fondeacutee sur les

circonstances de sa naissance (33) La jurisprudence nous semble aller agrave lencontre des

engagements internationaux contracteacutes par la France (34)

II Leacutevolution des mentaliteacutes vers une leacutegislation plus souple

Jusquagrave preacutesent la jurisprudence a toujours interdit ladoption des enfants par des couples

ayant eu recours agrave la gestation pour autrui consideacuterant quil sagit dun deacutetournement de

linstitution de ladoption (35)

Un grand quotidien Libeacuteration reacutevegravele que la cour dappel de Paris a reconnu comme parents

leacutegitimes de jumelles un couple franccedilais ayant fait appel agrave une megravere porteuse ameacutericaine

31

Une chose est sucircre cet arrecirct a le meacuterite douvrir le deacutebat et de poser la question de linteacuterecirct de

lenfant comme exception agrave lindisponibiliteacute de leacutetat des personnes et agrave linterdiction de la

pratique des megraveres porteuses (A) Lorsque lon accepte une loi eacutetrangegravere qui a eacuteteacute appeleacutee au

secours pour contourner la loi franccedilaise la modification de la loi franccedilaise nest pas loin (B)

A Lassouplissement de la jurisprudence

Dans laffaire porteacutee devant la cour dappel de Paris que nous avons abordeacutee rapidement

preacuteceacutedemment un couple dont la femme ne peut assurer la gestation en raison dune

malformation congeacutenitale se rend en Californie ougrave il conclut une convention portant sur la

gestation dun embryon issu de leurs propres gamegravetes Des jumelles naissent de cette

convention Le droit californien fait abstraction du deacutefaut daccouchement La concubine est

inscrite comme megravere dans les registres de naissance de Californie Quelques semaines plus

tard le couple reconnaicirct les enfants en France Mais agrave leur retour dans lHexagone ils sont

placeacutes en garde agrave vue puis mis en examen pour laquo entremise entre une personne deacutesireuse

dadopter un enfant et un parent deacutesireux dabandonner son enfant neacute ou agrave naicirctre raquo et pour laquo

simulation ayant entraicircneacute une atteinte agrave leacutetat civil de lenfant raquo

En 2004 le juge dinstruction rend un non-lieu sur les poursuites peacutenales les faits seacutetant

deacuterouleacutes dans un pays ougrave cette pratique est leacutegale Le parquet a alors continueacute son offensive

sur le terrain civil et chercheacute agrave faire annuler la filiation et la transcription sur leacutetat civil Le

tribunal de grande instance a deacuteclareacute cette demande irrecevable en deacutecembre 2005 Une

deacutecision rendue par la cour dappel de Paris confirme ce jugement le 25 octobre dernier apregraves

avoir estimeacute que laquo La non-transcription des actes de naissances aurait des conseacutequences

contraires agrave linteacuterecirct supeacuterieur des enfants qui au regard du droit franccedilais se verraient priveacutes

dactes deacutetat civil indiquant leur lien de filiation y compris agrave leacutegard de leur pegravere biologique

raquo

La question sera deacutesormais soumise agrave la Cour de cassation qui a deacutejagrave pris des deacutecisions

progressistes dans des questions relatives au droit de la famille notamment dans linteacuterecirct de

lenfant Elle a ainsi fait le 24 feacutevrier 2006 un pas important vers la reconnaissance de

lhomoparentaliteacute en autorisant quun parent homosexuel deacutelegravegue tout ou partie de son

autoriteacute parentale agrave son partenaire avec lequel il vit en union stable agrave condition que cette

mesure soit prise dans linteacuterecirct supeacuterieur de lenfant (36)

Le plus important reacuteside dans le fait que la cour dappel de Paris a estimeacute que la non-

transcription sur les actes de naissance aurait des conseacutequences contraire agrave llaquo inteacuterecirct de

lenfant raquo Depuis longtemps linteacuterecirct de lenfant est au centre du droit de la famille et depuis

quelques anneacutees celui-ci devient veacuteritablement la pierre angulaire de cette discipline (37)

Dans un arrecirct du 18 mai 2005 la premiegravere chambre civile de la Cour de cassation preacutecise au

visa de larticle 3-1 de la Convention relative aux droits de lenfant que laquo dans toutes les

deacutecisions qui concernent les enfants linteacuterecirct supeacuterieur de lenfant doit ecirctre une

consideacuteration primordiale raquo (38) Mais que faut-il entendre par inteacuterecirct supeacuterieur de lenfant

(39)

Bien que le nouvel article L 112-4 du Code de laction sociale et des familles (40) et larticle

371-1 du Code civil semblent deacutefinir les eacuteleacutements constitutifs de cette notion llaquo inteacuterecirct de

lenfant raquo reste un concept assez flou que le leacutegislateur et les juges se gardent bien de deacutefinir

preacuteciseacutement on ne peut limiter linteacuterecirct supeacuterieur de lenfant agrave la protection de sa santeacute de sa

seacutecuriteacute et de sa moraliteacute Certes ces eacuteleacutements sont les bases de linteacuterecirct de lenfant mais

32

puisque celui-ci peut deacutepasser le strict cadre du droit de lautoriteacute parentale voire du droit de

la famille cette vision serait bien trop reacuteductrice

Le sens de cette notion peut encore sobscurcir si lon considegravere quelle peut se confondre avec

dautres concepts voisins Larticle 371-5 doit ainsi conduire agrave distinguer linteacuterecirct de lenfant de

celui de la fratrie En effet si celle-ci a inteacuterecirct agrave rester unie certaines circonstances permettent

deacutecarter un de ses membres dans son inteacuterecirct exclusif

Un amendement proposait cependant agrave la suite du nouvel article L 112-4 du Code de laction

sociale et des familles une deacutefinition inteacuteressante laquo Linteacuterecirct supeacuterieur de lenfant est deacutefini

comme lassurance de la protection de sa seacutecuriteacute personnelle et affective lassurance dun

contexte familial permettant un bon deacuteveloppement physique intellectuel affectif et social

lassurance dune relation dattachement parental permettant de se construire Linteacuterecirct

supeacuterieur de lenfant tel que deacutefini constitue son projet de vie raquo (41)

On ne peut que se feacuteliciter de la mise en avant de linteacuterecirct de lenfant pour deacuteroger agrave la sacro-

sainte interdiction des megraveres porteuses car il est vrai quil ne faut pas oublier que limportant

reste dabord et avant tout lenfant qui a et doit avoir une place centrale au sein de la famille

On peut envisager que cette reacutecente jurisprudence puisse influencer la reacuteflexion sur le recours

aux laquo megraveres porteuses raquo sur le territoire national qui conduise agrave une eacutevolution de la loi

B Vers une eacutevolution de la loi

Alors que la France interdit la laquo gestation pour autrui raquo cette pratique a eacuteteacute leacutegaliseacutee dans de

nombreux pays La France a donc une leacutegislation moins libeacuterale que dautres leacutegislations

nationales La pratique de la gestation pour autrui est notamment autoriseacutee aux Etats-Unis au

Canada en Australie et dans plusieurs pays de lUnion europeacuteenne (Espagne et Belgique

Gregravece et Royaume-Uni notamment) (42) La question de la leacutegalisation des megraveres porteuses

est tregraves controverseacutee en France et demanderait un strict encadrement (43)

On enseigne habituellement que les questions deacutetat ne peuvent deacutependre de la seule volonteacute

individuelle Leacutetat des personnes - le droit de la filiation en particulier - eacutechapperait aux

conventions Mais ce principe nest plus si absolu Leacutevolution contemporaine reacuteduit laspect

institutionnel Une place nettement importante a eacuteteacute faite dans lorganisation des relations

familiales agrave la volonteacute individuelle laquo Laccroissement du pouvoir des volonteacutes individuelles

dans le droit de la famille est une marque essentielle de ce droit raquo (44) Dougrave la justesse de

lexpression laquo contractualisation du droit de la famille raquo Le rocircle de la volonteacute individuelle

tend agrave ecirctre de plus en plus important (45) Tel est le cas du divorce du PACS et du mariage

La procreacuteation nest plus la finaliteacute avec larriveacutee en force dans des pays voisins du mariage

homosexuel

Une certaine eacutevolution des mentaliteacutes ainsi que la dispariteacute entre la loi franccedilaise et dautres

leacutegislations nationales pourraient bien donner lieu agrave un assouplissement de cette leacutegislation

(46)

La gestation pour autrui permet de pallier certaines formes de steacuteriliteacute feacuteminine en raison

dune absence ou dune deacuteformation duteacuterus de conseacutequences de cancer ou reacutesultant dune

hysteacuterectomie de fausses couches reacutepeacuteteacutees dune contre-indication meacutedicale agrave la grossesse ou

de nombreux eacutechecs de feacutecondations in vitro (47) Dans ce cas on implante les gamegravetes des

parents geacuteneacutetiques dans le ventre de la megravere porteuse

33

Un autre argument favorable agrave cette pratique est la certitude apaisante pour le couple steacuterile

de ce que lenfant porteacute en uteacuterus tiers nen sera pas moins leur veacuteritable enfant geacuteneacutetique

puisque conccedilu agrave partir de leurs propres gamegravetes

De plus il faut deacutenoncer une incoheacuterence Une femme empecirccheacutee par la loi de donner avant

sa grossesse agrave un couple agreacuteeacute par elle lenfant quelle portera moyennant eacutequitable

reacutecompense possegravede en revanche le droit discreacutetionnaire de labandonner une fois neacute au

hasard des eacutetablissements ou du service de lASE ou pis encore de recourir agrave une

interruption volontaire de grossesse pendant les douze premiegraveres semaines (48)

La possession deacutetat repreacutesente une valeur humaine et sociale qui doit ecirctre prise en compte en

tant que telle Comme lont joliment affirmeacute M Hauser et Mme Huet-Weiller laquo elle est la

veacuteriteacute des sentiments la veacuteriteacute du coeur tout aussi respectable sinon plus que celle des

registres deacutetat ou mecircme de nos gegravenes raquo (49) Ainsi on peut ecirctre favorable agrave cette reacuteflexion

sous certains reacuteserves

Tout dabord le couple demandeur devait avoir plus de 18 ans et linfertiliteacute devrait ecirctre

meacutedicalement eacutetablie Ensuite seule lutilisation des gamegravetes (sperme et ovocytes) du couple

serait autoriseacutee afin deacuteviter que la gestatrice soit aussi la megravere biologique de lenfant (pour

eacuteviter des liens trop forts eacutetablis entre elle et le beacutebeacute)

De son cocircteacute la megravere porteuse devait avoir plus de 18 ans et accepter de subir des tests divers

avant la grossesse Elle serait la seule agrave donner un consentement valable concernant la gestion

de sa grossesse et elle abandonnerait ses droits parentaux agrave la naissance de lenfant tout en

assistant le couple demandeur lors de la deacutelivrance du certificat de naissance Le

consentement devrait aussi ecirctre obtenu par un entretien psychologique meacutedical et juridique

Seul le juge pourrait donner laccord au deacutebut du processus Le couple demandeur devait

sengager agrave assumer la garde de lenfant degraves sa naissance afin deacuteviter soit une non-remise

denfant soit un refus de lenfant - par exemple en cas de handicap

Concernant la reacutemuneacuteration de la megravere porteuse la marchandisation est inacceptable Les

intermeacutediaires reacutemuneacutereacutes seraient interdits Le principe du volontariat et de la gratuiteacute sont

essentiels le don de vie (50)

Enfin il ne sagirait pas de reacutemuneacuteration mais de compensation financiegravere destineacutee agrave

deacutedommager les inconveacutenients lieacutes agrave la grossesse sur la base de la loi laquo Huriet raquo (loi sur la

recherche meacutedicale avec volontaires sains) Le couple demandeur devrait prendre agrave sa charge

les deacutepenses meacutedicales leacutegales et psychologiques ainsi quun montant raisonnable alloueacute agrave la

megravere porteuse pour subvenir agrave ses besoins Les juges appreacutecieraient librement ce que peut ecirctre

un montant laquo raisonnable raquo sans que cela puisse jamais ecirctre consideacutereacute comme une laquo vente raquo

denfant

(1) B Debreacute et S Agacinski laquo Faut-il leacutegaliser les megraveres porteuses en France raquo Le Figaro Magazine du samedi 10 novembre 2007 p 50

34

(2) G David laquo Don et utilisation du sperme raquo in Actes du colloque Geacuteneacutetique procreacuteation et

droit Actes sud 1985 p 205 G-M Faure Le deacutesir denfant agrave leacutepreuve du droit Essai sur le droit de la procreacuteation meacutedicalement assisteacutee Thegravese Universiteacute de Lille 1992 p 7

(3) G Lebreton Liberteacutes publiques et droits de lhomme 6e eacuted Armand Colin 2003 p 262

(4) CE 22 janvier 1988 Lebon 1988 p 37

(5) La Cour de cassation a enteacuterineacute la position de la cour dappel de Paris pour laquelle laquo ni laltruisme du comportement de la megravere de substitution ni le caractegravere deacutesinteacuteresseacute des activiteacutes de lassociation ne sont propres agrave faire disparaicirctre lilliceacuteiteacute qui frappe laccord litigieux raquo Cass civ 1re 13 deacutecembre 1989 Bull civ I no 387 Defreacutenois 1990 art 34802 no 55 obs J-L Aubert D 1990 p 273 JCP eacuted G 1990 II 21526 note A Seacuteriaux propos recueillis par C Slobodansky laquo Le droit doit limiter les progregraves de la science raquo LPA du 7 mai 2004 no 92 p 60

(6) laquo La convention par laquelle une femme sengage fucirct-ce agrave titre gratuit agrave concevoir et porter un enfant pour labandonner agrave sa naissance contrevient tant au principe dordre public de lindisponibiliteacute du corps humain quagrave celui de lindisponibiliteacute de leacutetat des personnes raquo Cass ass pleacuten 31 mai 1991 Bull civ ass pleacuten no 4 Defreacutenois 1991 art 35142 no 103 obs J-L Aubert Defreacutenois 1991 art 35088 no 67 note J Massip RTD civ 1991 p 517 obs D Huet-Weiller et p 489 note M Gobert M Gobert laquo Reacuteflexions sur les sources du droit et les

principes dindisponibiliteacute du corps humain et de leacutetat des personnes agrave propos de la materniteacute de substitution raquo RTD civ 1992 p 489 et s speacutec p 501 dans ce sens v deacutejagrave les remarques de P Murat laquo Laction de lordonnance du 4 juillet 2005 sur la possession deacutetat raquo Dr Famille 2006 eacutetude no 6 speacutec no 7 V aussi J Massip laquo Linsertion dans le Code civil de dispositions relatives au corps humain agrave lidentification geacuteneacutetique et agrave la procreacuteation meacutedicalement assisteacutee raquo Defreacutenois 1995 art 35975 et 35992

(7) En ce sens V Depadt-Sebag laquo De la neacutecessiteacute dune reacuteforme de larticle 16-7 du Code civil relatif agrave linterdiction de gestation pour autrui raquo RGD meacuted 2004 no 12 p 135 et s

(8) Art 227-12 et s C peacuten

(9) CA Paris 1re feacutevrier 2001 RTD civ 2001 p 347 obs J Hauser Cass civ 1re 9 deacutecembre 2003 Bull civ I no 252 p 201 CA Rennes 4 juillet 2002 D 2002 p 2904

(10) Cass civ 1re 20 feacutevrier 2007 Defreacutenois 2007 art 38595 no 45 obs J Massip

(11) V Depadt-Sebag laquo De la neacutecessiteacute dune reacuteforme de larticle 16-7 du Code civil relatif agrave linterdiction de gestation pour autrui raquo preacutec no 12 p 135 et s

(12) L no 2004-800 du 6 aoucirct 2004 relative agrave la bioeacutethique JO du 7 aoucirct 2004 p 14040 J Massip art preacutec

(13) Dans ce sens v M Gobert laquo Reacuteflexions sur les sources du droit et les principes dindisponibiliteacute du corps humain et de leacutetat des personnes agrave propos de la materniteacute de substitution raquo preacutec p 489 et s speacutec p 513

(14) V Depadt-Sebag laquo De la neacutecessiteacute dune reacuteforme de larticle 16-7 du Code civil relatif agrave linterdiction de gestation pour autrui raquo preacutec no 12 p 135 et s E Camuzet La convention de gestation pour autrui une illeacutegaliteacute franccedilaise injustifieacutee Meacutemoire Lille 2 Universiteacute du droit et de la santeacute 2005-2006 p 55

(15) A Mayer-Jack laquo Les conventions relatives agrave la personne physique raquo Rev crit leacutegisl et jurispr 1993 p 6

(16) G Meacutemeteau laquo Une distinction est opeacutereacutee sur la reacutefeacuterence des donneacutees acquises de la science agrave la date des soins par opposition agrave la notion erroneacutee de donneacutees actuelles de la science raquo note sous Cass civ 1re 6 juin 2000 JCP eacuted G 2001 II 10447

(17) Cass civ 1re 13 deacutecembre 1989 Bull civ I no 387 Defreacutenois 1990 art 34815 rapp J Massip D 1990 p 273 JCP eacuted G 1990 II 21526 note A Seacuteriaux

35

(18) Communication J Bernard et comm J Massip Defreacutenois 1990 art 35088 no 67 note J

Massip F Terreacute note sous Cass ass pleacuten 31 mai 1991 JCP eacuted G 1991 II 21752 dans ce sens v les remarques de P Murat laquo Laction de lordonnance du 4 juillet 2005 sur la possession deacutetat raquo preacutec eacutetude no 6 speacutec no 7 G Kessler laquo La consolidation de situations illicites dans linteacuterecirct de lenfant raquo Dr Famille no 7 juillet 2005 Etude 16

(19) TGI Lille 22 mars 2007 D 2007 no 18 p 1251 note X Labbeacutee B Edelman et C Labrusse-Riau note sous CA Paris 15 juin 1990 JCP eacuted G 1991 II 21653

(20) V Larribau-Terneyre note sous CA Pau 19 feacutevrier 1991 D 1991 juris p 380

(21) J Massip laquo Megravere porteuse et deacutecheacuteance de lautoriteacute parentale raquo LPA du 29 octobre 2003 no 216 p 10 Cass ass pleacuten 31 mai 1991 Bull civ ass pleacuten no 4 Defreacutenois 1991 art 35088 no 67 p 948 obs J Massip D 1991 p 417 rapport Y Chartier note D Thouvenin JCP eacuted G 1991 II 21752 communication J Bernard concl H Dontenwille note F Terreacute RTD civ 1991 p 517 obs D Huet-Weiller

(22) J Rubellin-Devichi laquo Materniteacute de substitution qui est la megravere raquo note sous CA Rennes 4 juillet 2002 JCP eacuted G 2003 I 101 C Ducomte laquo La vraie querelle des megraveres porteuses raquo httppagesperso-orangefrmax-christianducomtemereindexhtm

(23) Propos de Mme F Dekeuwer-Deacutefossez lors de son audition devant le preacutesident M Bloche pour la mission dinformation sur la famille (procegraves-verbal du 5 octobre 2005)

(24) J Hauser obs in RTD civ 1999 p 372 F Dekeuwer-Deacutefossez note sous Cass ass pleacuten 31 mai 1991 D 1992 somm p 59

(25) F Dekeuwer-Deacutefossez laquo Les droits de lenfant raquo D 1992 somm p 59 E Poisson-Drocourt laquo Recours agrave une megravere de substitution et refus de ladoption raquo D 2004 p 2001

(26) J-J Lemouland laquo Le tourisme procreacuteatif raquo LPA 2001 no 62 p 24 F Dekeuwer-Deacutefossez laquo Le lien parental raquo LPA du 1er juillet 2004 no 131 p 70 F Granet note sous CA Rennes 4 juillet 2002 D 2002 p 2904

(27) CA Aix-en-Provence 12 mars 2002 Juris-Data no 2002-190443 A Seacuteriaux laquo Droit naturel et procreacuteation artificielle quelle jurisprudence raquo D 1985 chron p 53 J Massip laquo Le nouveau droit de la filiation raquo Defreacutenois 2006 art 38303 p 13

(28) CA Rennes 4 juillet 2002 JCP eacuted G 2003 I 101 note J Rubellin-Devichi

(29) laquo Si le principe structurant de lautoriteacute parentale est linteacuterecirct de lenfant deacutetermineacute in concreto le droit de la filiation nappreacutecie en revanche jamais linteacuterecirct concret dun enfant preacutecis mais linteacuterecirct geacuteneacuteral de lenfant in abstracto raquo A Gouttenoire laquo A chacun sa famille agrave chacun son droit raquo Dr Famille no 7 juillet 2006 Alerte 41

(30) E Camuzet La convention de gestation pour autrui une illeacutegaliteacute franccedilaise injustifieacutee art preacutec p 52

(31) P Raynaud laquo Un abus de ladoption simple les couples adoptifs raquo D 1983 chron p 39 H Gaumont-Prat laquo Pas dadoption pour les enfants issus de convention de megravere porteuse raquo RLDC no 5 mai 2004 p 31 laquo Le rejet dans le non-droit des enfants neacutes dans des circonstances qui deacuterangent la socieacuteteacute relegraveve du deacuteni de la reacutealiteacute porteur de nombreux effets pathogegravenes et injustes raquo

(32) J Rubellin-Devichi laquo Materniteacute de substitution qui est la megravere raquo note sous CA Rennes 4 juillet 2002 preacutec I 101 C Ducomte laquo La vraie querelle des megraveres porteuses raquo preacutec P Raynaud laquo Un abus de ladoption simple les couples adoptifs raquo art preacutec chron p 39 G Kessler laquo La consolidation de situations illicites dans linteacuterecirct de lenfant raquo art preacutec Etude 16

(33) F Dekeuwer-Deacutefossez laquo Reacuteflexion sur les mythes fondateurs du droit contemporain de la famille raquo RTD civ 1995 p 269 E Camuzet La convention de gestation pour autrui une illeacutegaliteacute franccedilaise injustifieacutee art preacutec p 66 A Ponsard rapport sous Cass civ 1re 16

36

novembre 1982 JCP eacuted G 1983 II 19954 M-T Meulders-Klein laquo Le droit agrave lenfant face au

droit de lenfant et les procreacuteations meacutedicalement assisteacutees raquo RTD civ 1988 p 645 F Terreacute Lenfant de lesclave Geacuteneacutetique et droit Flammarion 1987 p 128

(34) Convention de New York du 26 janvier 1990 Charte des droits fondamentaux de lUnion europeacuteenne du 7 deacutecembre 2000 Deacuteclaration universelle des droits de lhomme de 1789 Convention internationale des droits de lenfant de 1989

(35) Cass ass plegraven 31 mai 1991 Bull civ ass plegraven no 4 Defreacutenois 1991 art 35142 no 103 obs J-L Aubert et art 35088 no 67 p 948 obs J Massip D 1991 p 417 rapport Y Chartier note D Thouvenin JCP eacuted G 1991 II 21752 communication J Bernard concl H Dontenwille note F Terreacute RTD civ 1991 p 517 obs D Huet-Weiller

(36) Cass civ 1re 24 feacutevrier 2006 Bull civ I no 101 p 95 Defreacutenois 2006 art 38415 no 40 p 1067 obs J Massip D 2006 juris p 897-900 obs D Vigneau T Anatrella laquo Adoption et homoparentaliteacute leacuteclairage des droits de lhomme raquo Dr Famille 2003 no 10 p

8-10 agrave lidentique dans un arrecirct du 22 janvier 1992 D 1993 p 119 note J Vassaux la cour dappel de Poitiers a prononceacute ladoption simple dun enfant neacute dune convention de megravere porteuse au motif que laquo cette adoption nest pas seulement conforme agrave linteacuterecirct de lenfant mais encore constitue une neacutecessiteacute qui deacutecoule des reacutealiteacutes de la vie issues derreurs des adultes dont lenfant ne doit pas subir les conseacutequences raquo

(37) G Kessler laquo La consolidation de situations illicites dans linteacuterecirct de lenfant raquo art preacutec eacutetude no 16 M-T Meulders-Klein laquo Le droit agrave lenfant face au droit de lenfant et les procreacuteations meacutedicalement assisteacutees raquo art preacutec p 645

(38) Cass civ 1re 18 mai 2005 Bull civ I no 211 p 179 V Depadt-Sebag laquo Non-lieu dans une affaire de materniteacute pour autrui raquo D 2005 p 476 J Massip laquo Megravere porteuse et deacutecheacuteance de lautoriteacute parentale raquo art preacutec no 216 p 11 F Terreacute Lenfant de lesclave Geacuteneacutetique et droit op cit adde F Terreacute et D Fenouillet Droit civil Les personnes la famille les incapaciteacutes 6e eacuted Preacutecis Dalloz no 926 M Lamarche laquo Inteacuterecirct supeacuterieur de lenfant de ladmission des effets dune convention de megravere porteuse agrave la destruction du droit franccedilais de la filiation raquo Dr Famille novembre 2007 no 11

(39) M Donnier laquo Linteacuterecirct de lenfant raquo D 1959 chron p 27 F Laroche-Gisserot note sous Cass civ 1re 27 mai 1998 D 1998 p 530 F Millet laquo Ladoption dun inteacuterecirct agrave lautre raquo RRJ 2003-3 p 1777 et s A Gouttenoire laquo A chacun sa famille agrave chacun son droit raquo art preacutec Alerte 41

(40) Par la loi no 2007-293 du 5 mars 2007 reacuteformant la protection de lenfance (JO du 6 mars 2007 Defreacutenois 2007 Leacuteg p 282) le leacutegislateur a inteacutegreacute la notion dinteacuterecirct de lenfant dans le Code de laction sociale et des familles Le nouvel article L 112-4 dudit code dispose que laquo Linteacuterecirct de lenfant la prise en compte de ses besoins fondamentaux physiques intellectuels sociaux et affectifs ainsi que le respect de ses droits doivent guider toutes deacutecisions le concernant raquo

(41) Amendement no 48 rect Protection de lenfance no 3184 Assembleacutee nationale 22 deacutecembre 2006 wwwassemblee-nationalefr v aussi sur lensemble de ces questions les consideacuterations tregraves eacuteclairantes de P Murat note sous CA Rennes 4 juillet 2002 D 2002 p 2902 Dr Famille 2002 comm no 142 note P Murat

(42) F Granet-Lambrechts laquo Materniteacutes de substitution filiation et eacutetat civil Panorama europeacuteen raquo Dr Famille no 12 deacutecembre 2007 eacutetude no 34

(43) D Youf Penser les droits de lenfant PUF 2002 p 2

(44) G Cornu La famille 6e eacuted no 7 J Carbonnier Droit civil t 4 Les obligations PUF coll Theacutemis no 372 p 649

(45) D Fenouillet et P de Vareilles-Sommiegraveres La contractualisation du droit de la famille Economica 2001

37

(46) H Gaumont-Prat laquo Pas dadoption pour les enfants issus de convention de megravere porteuse raquo art preacutec p 31

(47) E Poisson-Droccourt laquo Recours agrave une megravere de substitution et refus de ladoption raquo art preacutec p 2001 note sous Cass civ 1re 9 deacutecembre 2003 G Delaisi de Perseval laquo Gestation pour autrui en quecircte de leacutegitimation raquo httpwwwliberationfr

(48) C Neirinck laquo Les filiations eacutelectives agrave leacutepreuve du droit raquo JCP eacuted G 1997 I 4067 E Camuzet laquo La convention de gestation pour autrui une illeacutegaliteacute franccedilaise injustifieacutee raquo art preacutec p 59

(49) J Hauser et D Huet-Weiller Traiteacute de droit civil La famille Fondation et vie de la famille 2e eacuted LGDJ 1993 p 250

(50) B Debreacute et S Agacinski laquo Faut-il leacutegaliser les megraveres porteuses en France raquo art preacutec p 50 C Atias D 1986 chron p 67

Civ 1egravere

13 deacutecembre 1989

Ndeg de pourvoi 88-15655

Publieacute au bulletin

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Attendu selon les juges du fond que lrsquoassociation ldquo Alma Mater ldquo a pour objet de faciliter la

solution des problegravemes qui se posent aux couples dont la femme est steacuterile deacutesireux

drsquoaccueillir un enfant agrave leur foyer et aux ldquo megraveres porteuses ldquo volontaires qursquoil est proposeacute agrave

la ldquo megravere porteuse ldquo drsquoecirctre inseacutemineacutee artificiellement par la semence du mari ou du concubin

de porter et de mettre au monde lrsquoenfant qui sera deacuteclareacute sur les registres de lrsquoeacutetat civil sans

indication du nom de la megravere reconnu par le pegravere et accueilli au foyer de celui-ci en vue de

son adoption par lrsquoeacutepouse ou la compagne que lrsquoassociation intervient tout au long de ce

processus qualifieacute de ldquo precirct drsquouteacuterus ldquo ou de ldquo don drsquoenfant ldquo qursquoainsi apregraves avoir controcircleacute la

reacutealiteacute de la steacuteriliteacute du couple demandeur et des faculteacutes de feacutecondation de la ldquo megravere porteuse

ldquo geacuteneacuteralement recruteacutee par elle lrsquoassociation fait proceacuteder agrave lrsquoinseacutemination surveille la

grossesse et lrsquoaccouchement srsquooccupe de faire diligenter la proceacutedure drsquoadoption qursquoelle

verse ensuite agrave la megravere une somme forfaitaire - qui en 1987 eacutetait fixeacutee agrave 60 000 francs -

remise par le couple demandeur degraves le deacutebut de la grossesse que lrsquoarrecirct confirmatif attaqueacute

(Aix-en-Provence 29 avril 1988) estimant que cette association avait un objet illicite

contraire aux lois et aux bonnes moeurs en a prononceacute la nulliteacute sur le fondement de lrsquoarticle

3 de la loi du 1er juillet 1901

Sur le moyen unique pris en sa premiegravere branche

Attendu que lrsquoassociation ldquo Alma Mater ldquo fait grief agrave la cour drsquoappel drsquoavoir ainsi statueacute alors

que selon le moyen nrsquoest ni illicite ni contraire aux bonnes moeurs lrsquoassociation qui dans un

but humanitaire non lucratif met en relation un couple demandeur dont la femme est steacuterile et

38

une femme qui accepte drsquoecirctre inseacutemineacutee artificiellement par le mari de porter lrsquoenfant et de le

remettre agrave la naissance agrave ce couple qui lrsquoindemnisera des contraintes et de la gecircne occasionneacutee

par la grossesse de sorte que la juridiction du second degreacute aurait violeacute les articles 3 et 7 de la

loi du 1er juillet 1901

Mais attendu qursquoil reacutesulte des constatations des juges du fond que lrsquoobjet mecircme de

lrsquoassociation est de favoriser la conclusion et lrsquoexeacutecution de conventions qui fussent-elles

verbales portent tout agrave la fois sur la mise agrave la disposition des demandeurs des fonctions

reproductrices de la megravere et sur lrsquoenfant agrave naicirctre et sont donc nulles en application de lrsquoarticle

1128 du Code civil que ces conventions contreviennent au principe drsquoordre public de

lrsquoindisponibiliteacute de lrsquoeacutetat des personnes en ce qursquoelles ont pour but de faire venir au monde un

enfant dont lrsquoeacutetat ne correspondra pas agrave sa filiation reacuteelle au moyen drsquoune renonciation et

drsquoune cession eacutegalement prohibeacutees des droits reconnus par la loi agrave la future megravere que

lrsquoactiviteacute de lrsquoassociation qui tend deacutelibeacutereacutement agrave creacuteer une situation drsquoabandon aboutit agrave

deacutetourner lrsquoinstitution de lrsquoadoption de son veacuteritable objet qui est en principe de donner une

famille agrave un enfant qui en est deacutepourvu que crsquoest degraves lors agrave bon droit que lrsquoarrecirct attaqueacute a

deacutecideacute sur le fondement de lrsquoarticle 3 de la loi du 1er juillet 1901 que cette association eacutetait

nulle en raison de lrsquoilliceacuteiteacute de son objet que la premiegravere branche du moyen est donc sans

fondement

Et sur les deuxiegraveme et troisiegraveme branches du moyen

Attendu qursquoil est fait grief agrave la cour drsquoappel de nrsquoavoir pas reacutepondu aux conclusions faisant

valoir drsquoune part que lrsquointerdiction du ldquo don de gestation ldquo constituait une discrimination

fondeacutee sur la naissance contraire aux dispositions de lrsquoarticle 24 du pacte international relatif

aux droits civils et politiques signeacute agrave New York le 19 deacutecembre 1966 et drsquoautre part que ce ldquo

don de gestation ldquo reposait sur le droit leacutegitime de fonder une famille qui implique le droit

drsquoengendrer reconnu tant par lrsquoarticle 12 de la convention europeacuteenne des droits de lrsquohomme

et des liberteacutes fondamentales du 4 novembre 1950 que par lrsquoarticle 23 du pacte international

preacuteciteacute

Mais attendu que la reconnaissance du caractegravere illicite de la materniteacute pour autrui et des

associations qui srsquoefforcent de la promouvoir qui se deacuteduit des principes geacuteneacuteraux du Code

civil et de regravegles qui sont communes agrave toutes les filiations nrsquoest pas de nature agrave instaurer une

discrimination fondeacutee sur la naissance que le droit de se marier et de fonder une famille

reconnu par lrsquoarticle 12 de la convention du 4 novembre 1950 et par lrsquoarticle 23 du pacte

international du 19 deacutecembre 1966 agrave lrsquohomme et agrave la femme en acircge nubile nrsquoimplique pas le

droit de conclure avec un tiers des conventions portant sur le sort drsquoun enfant agrave naicirctre que

par ces motifs de droit reacutepondant aux conclusions invoqueacutees lrsquoarrecirct se trouve leacutegalement

justifieacute et que les deuxiegraveme et troisiegraveme branches du moyen ne peuvent ecirctre accueillies

PAR CES MOTIFS

REJETTE le pourvoi

Publication Bulletin 1989 I Ndeg 387 p 260

Deacutecision attaqueacutee Cour drsquoappel drsquoAix-en-Provence du 29 avril 1988

39

Cour de cassation Assembleacutee pleacuteniegravere

Audience publique du 31 mai 1991

Ndeg de pourvoi 90-20105 Publieacute au bulletin

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Sur le pourvoi dans lrsquointeacuterecirct de la loi formeacute par M le Procureur geacuteneacuteral pregraves la Cour de

Cassation

Vu les articles 6 et 1128 du Code civil ensemble lrsquoarticle 353 du mecircme Code

Attendu que la convention par laquelle une femme srsquoengage fucirct-ce agrave titre gratuit agrave concevoir

et agrave porter un enfant pour lrsquoabandonner agrave sa naissance contrevient tant au principe drsquoordre

public de lrsquoindisponibiliteacute du corps humain qursquoagrave celui de lrsquoindisponibiliteacute de lrsquoeacutetat des

personnes

Attendu selon lrsquoarrecirct infirmatif attaqueacute que Mme X eacutepouse de M Y eacutetant atteinte drsquoune

steacuteriliteacute irreacuteversible son mari a donneacute son sperme agrave une autre femme qui inseacutemineacutee

artificiellement a porteacute et mis au monde lrsquoenfant ainsi conccedilu qursquoagrave sa naissance cet enfant a

eacuteteacute deacuteclareacute comme eacutetant neacute de Y sans indication de filiation maternelle

Attendu que pour prononcer lrsquoadoption pleacuteniegravere de lrsquoenfant par Mme Y lrsquoarrecirct retient

qursquoen lrsquoeacutetat actuel des pratiques scientifiques et des moeurs la meacutethode de la materniteacute

substitueacutee doit ecirctre consideacutereacutee comme licite et non contraire agrave lrsquoordre public et que cette

adoption est conforme agrave lrsquointeacuterecirct de lrsquoenfant qui a eacuteteacute accueilli et eacuteleveacute au foyer de M et

Mme Y pratiquement depuis sa naissance

Qursquoen statuant ainsi alors que cette adoption nrsquoeacutetait que lrsquoultime phase drsquoun processus

drsquoensemble destineacute agrave permettre agrave un couple lrsquoaccueil agrave son foyer drsquoun enfant conccedilu en

exeacutecution drsquoun contrat tendant agrave lrsquoabandon agrave sa naissance par sa megravere et que portant atteinte

aux principes de lrsquoindisponibiliteacute du corps humain et de lrsquoeacutetat des personnes ce processus

constituait un deacutetournement de lrsquoinstitution de lrsquoadoption la cour drsquoappel a violeacute les textes

susviseacutes

PAR CES MOTIFS

CASSE ET ANNULE mais seulement dans lrsquointeacuterecirct de la loi et sans renvoi lrsquoarrecirct rendu le

15 juin 1990 par la cour drsquoappel de Paris

REQUETE DE M LE PROCUREUR GENERAL PRES LA COUR DE CASSATION

Le Procureur geacuteneacuteral pregraves la Cour de Cassation a lrsquohonneur drsquoexposer

- Que par jugement du 28 juin 1989 le tribunal de grande instance de Paris a rejeteacute la requecircte

preacutesenteacutee par Mme X eacutepouse Y tendant agrave lrsquoadoption pleacuteniegravere de lrsquoenfant Z deacuteclareacutee

comme eacutetant neacutee de M Y mari de la requeacuterante sans indication de filiation maternelle

- Que pour ne pas faire droit agrave cette requecircte les premiers juges ont retenu que les eacutepoux Y

pour remeacutedier agrave la steacuteriliteacute de leur couple avaient eu recours agrave lrsquoassociation Alma Mater

aujourdrsquohui dissoute lrsquoenfant eacutetant neacute drsquoune megravere de substitution qui lrsquoa abandonneacute agrave la

naissance pratique deacuteclareacutee illicite

- Que sur appel de Mme Y la premiegravere chambre civile section C de la cour drsquoappel de

Paris a par arrecirct du 15 juin 1990 infirmeacute la deacutecision entreprise et prononceacute lrsquoadoption

pleacuteniegravere solliciteacutee par la requeacuterante

- Qursquoau soutien de leur deacutecision devenue deacutefinitive les juges du second degreacute ont tireacute de nos

principes geacuteneacuteraux relatifs agrave la filiation des regravegles drsquoordre public concernant les contrats et de

40

certaines conventions ou deacuteclarations internationales des conclusions contraires agrave celles

auxquelles eacutetait parvenue votre premiegravere chambre civile de la Cour de Cassation qui dans un

cas de figure pratiquement identique a par arrecirct du 13 deacutecembre 1989 (association Alma

Mater contre procureur geacuteneacuteral Aix-en-Provence) reconnu le caractegravere illicite de la materniteacute

pour autrui et les associations qui srsquoefforcent de la promouvoir

- Qursquoil importe en cette matiegravere particuliegraverement sensible qui touche agrave un deacutelicat problegraveme de

socieacuteteacute et drsquoeacutethique que soit mis fin agrave des divergences jurisprudentielles majeures et que la

seacutecuriteacute juridique soit assureacutee

PAR CES MOTIFS

Vu lrsquoarticle 17 de la loi du 3 juillet 1967 relative agrave la Cour de Cassation

Requiert qursquoil plaise agrave la Cour de Cassation

CASSE ET ANNULE sans renvoi et dans le seul inteacuterecirct de la loi lrsquoarrecirct rendu le 15 juin 1990

par la cour drsquoappel de Paris ayant fait droit agrave la requecircte en adoption pleacuteniegravere preacutesenteacutee par

Mme X eacutepouse Y

Publication Bulletin 1991 AP Ndeg 4 p 5

Deacutecision attaqueacutee Cour drsquoappel de Paris du 15 juin 1990

Page 26: SEANCE_3 Droit Civil Methodologie

26

Malgreacute linterdiction leacutegale de nombreux couples ont chercheacute et cherchent encore agrave

contourner cette interdiction notamment en ayant recours agrave des megraveres de substitution dans

des pays eacutetrangers ougrave cette pratique est autoriseacutee

La Cour de cassation veille agrave ce que linstitution de ladoption ne soit pas deacutetourneacutee au profit

de ces parents

Dans un arrecirct du 25 octobre 2007 la cour dappel de Paris vient de reacuteouvrir le deacutebat non sur

le terrain de la convention mais sur celui de la non-transcription des actes de naissance et de

linteacuterecirct supeacuterieur de lenfant

Une excellente occasion de faire le point sur la question et de sinterroger pour lavenir avant

la reacutevision de la loi bioeacutethique en 2009

par Rabih CHENDEB

Docteur en droit

ATER agrave lUniversiteacute de Picardie Jules Verne

laquo La science va Elle est ineacuteluctable Ce quil faut cest la rendre eacutethique raquo (1)

Le droit positif franccedilais interdit de recourir aux megraveres porteuses si un couple conccediloit un

embryon in vitro qui est implanteacute dans luteacuterus dune tierce femme cest cette tierce femme

qui est la megravere selon la loi franccedilaise et les parents biologiques ne peuvent avoir aucun droit

mecircme en cas dabandon de lenfant agrave la naissance par la megravere porteuse La loi bioeacutethique de

1994 a interdit la gestation pour autrui car cela soulevait des questions

dinstrumentalisation et de commercialisation du corps de la femme

De nombreux couples en mal denfants ont depuis longtemps chercheacute agrave contourner les regravegles

notamment en ayant recours agrave des megraveres de substitution qui vivent dans des pays ougrave cette

pratique est autoriseacutee Jusquagrave preacutesent la Cour de cassation ne sy est jamais laisseacutee prendre et

condamnait ladoption faite par les parents de lenfant de la megravere porteuse consideacuterant quil

sagissait dun deacutetournement de linstitution de ladoption (I)

Le 25 octobre 2007 la cour dappel de Paris vient donner lespoir dune ouverture vers

lacceptation dans linteacuterecirct de lenfant de cette deacutemarche Cette deacutecision de la cour dappel

pourrait changer les choses en attendant la reacutevision de la loi bioeacutethique preacutevue en 2009 Une

chose est sucircre cet arrecirct a le meacuterite douvrir le deacutebat et de poser la question de linteacuterecirct de

lenfant comme exception agrave lindisponibiliteacute de leacutetat des personnes et agrave linterdiction de la

pratique des megraveres porteuses Une certaine eacutevolution des mentaliteacutes ainsi que la dispariteacute

entre la loi franccedilaise et dautres leacutegislations nationales pourraient donner lieu agrave un

assouplissement de cette leacutegislation (II)

I Lhostiliteacute du leacutegislateur et de la jurisprudence agrave leacutegard de la convention de megravere porteuse

Au siegravecle dernier seacutetaient deacuteveloppeacutees des associations ayant pour but de faire se rencontrer

des couples deacutesireux davoir un enfant et des femmes acceptant de le porter pour ensuite le

leur laquo ceacuteder raquo par contrat Pour des raisons plus ou moins louables le proceacutedeacute fut rapidement

condamneacute par le droit franccedilais (A) tout comme ladoption qui sen suivait (B)

27

A Le caractegravere illicite de la convention de megravere porteuse

La megravere porteuse met en effet agrave mal le scheacutema classique de la famille On affirmait en Droit

romain que la megravere eacutetait sucircre et que le pegravere eacutetait le mari Le Code napoleacuteon a enteacuterineacute cette

conception Dire que lenfant possegravede une megravere geacuteneacutetique et une megravere uteacuterine va agrave lencontre

de ses dispositions (2)

Pris au deacutepourvu le leacutegislateur franccedilais a tardeacute agrave reacuteagir face aux progregraves scientifiques Il en

est reacutesulteacute un vide juridique auquel la jurisprudence sest efforceacutee de faire face Devant cette

heacutesitation bien compreacutehensible du droit les ressources de la morale de la deacuteontologie et

surtout de la bioeacutethique ont eacuteteacute solliciteacutees (3) Le Conseil dEtat confronteacute aux associations

voulant intervenir dans ce domaine a ainsi prononceacute la dissolution de ces associations pour

objet illicite (4) Le 13 deacutecembre 1989 la premiegravere chambre civile de la Cour de cassation a

releveacute le principe dindisponibiliteacute du corps humain par une interpreacutetation a contrario de

larticle 1128 du Code civil qui dispose qu laquo il ny a que les choses qui sont dans le

commerce qui puissent ecirctre lobjet des conventions raquo La personne ne dispose pas de son

corps elle nen est pas proprieacutetaire (5) Le 31 mai 1991 lassembleacutee pleacuteniegravere de la Cour de

cassation vise les articles 6 1128 et 353 du Code civil afin daffirmer le caractegravere illicite de la

convention conclue entre une megravere porteuse et un couple steacuterile En effet ce contrat porte sur

deux corps humains la megravere et lenfant (6)

Rapidement le leacutegislateur est venu leacutegifeacuterer dans ce sens avec la loi no 94-653 du 29 juillet

1994 relative agrave la bioeacutethique pour que le Code civil reconnaisse le corps humain en tant que

tel Cette loi prend deacutesormais explicitement en compte le corps humain parce quil a voulu

promouvoir son respect face au deacuteveloppement des sciences biomeacutedicales Cette loi a entraicircneacute

la modification et la creacuteation darticles dans le Code civil et le Code peacutenal

Le principe du respect de la digniteacute de la personne humaine est poseacute par larticle 16 du Code

civil laquo La loi assure la primauteacute de la personne interdit toute atteinte agrave la digniteacute de celle-ci

et garantit le respect de lecirctre humain degraves le commencement de sa vie raquo Le nouvel article 16-1

preacutevoit que laquo Chacun a droit au respect de son corps Le corps humain est inviolable Le

corps humain ses eacuteleacutements et ses produits ne peuvent faire lobjet dun droit patrimonial raquo

Par conseacutequent selon larticle 16-5 laquo Les conventions ayant pour effet de confeacuterer une

valeur patrimoniale au corps humain agrave ses eacuteleacutements ou agrave ses produits sont nulles raquo De mecircme

quand une personne accepte de donner son sang ce ne peut ecirctre quagrave titre beacuteneacutevole Enfin

larticle 16-7 dispose mecircme laquo Toute convention portant sur la procreacuteation ou la gestation

pour le compte dautrui est nulle raquo (7)

En outre cette interdiction est assortie dune sanction peacutenale pouvant aller jusquagrave un an

demprisonnement et 15 000 euro damende pour celui qui sentremet ou tente de sentremettre

entre une personne ou un couple deacutesireux daccueillir un enfant et une femme acceptant de

porter en elle cet enfant en vue de le leur remettre Lorsque ces faits ont eacuteteacute commis agrave titre

habituel ou dans un but lucratif les peines sont porteacutees au double (8)

En deacutepit de la reacutesistance de quelques juges du fond qui ont admis ladoption la Cour de

cassation na pas infleacutechi sa position (9) Elle sest reacutecemment opposeacutee agrave ladoption simple

dun enfant par un couple homosexuel estimant cette adoption contraire agrave laquo linteacuterecirct supeacuterieur

de lenfant raquo (10)

28

Analyseacutes dans le contexte de ces deacutecisions les deux principes de lilliceacuteiteacute des conventions et

de lindisponibiliteacute du corps humain expriment une mecircme ideacutee la condamnation dune

convention qui porte sur le corps humain celui de lenfant agrave naicirctre et celui de la femme qui la

conccedilu et porteacute

Toutefois les motifs adopteacutes par la Cour de cassation savegraverent dune extrecircme faiblesse En

effet ces motifs sont lieacutes agrave lilliceacuteiteacute de lobjet des conventions agrave lindisponibiliteacute du corps

humain ainsi quagrave lindisponibiliteacute de leacutetat des personnes (11) Pourtant les lois dites laquo

bioeacutethiques raquo du 29 juillet 1994 puis la loi du 6 aoucirct 2004 (12) relative agrave la bioeacutethique ont

admis lutilisation des eacuteleacutements et des produits du corps humain agrave des fins theacuterapeutiques ou

scientifiques Effectivement une loi en date du 24 janvier 1953 deacutetermine laquo les tarifs de

cession du sang raquo Les dispositions sont aujourdhui dans le Code de la santeacute publique Degraves

lors on peut donner ses gamegravetes ses organes son sang Il semble que plus quune approche

anthropologique des sciences meacutedicales (qui conduiraient agrave une ineacutevitable instrumentalisation

du corps des hommes) il existerait ce que nous appelons une technoscience laquo de linvisible

raquo que seul le droit accepte de leacutegitimer (13)

Par ailleurs la terminologie employeacutee par le leacutegislateur de 1994 est eacuteloquente Cest

certainement parce que le principe dindisponibiliteacute du corps humain sest aveacutereacute irreacutealiste videacute

de sa substance par le nombre et limportance de ses exceptions que le leacutegislateur lui a preacutefeacutereacute

celui de non-patrimonialiteacute qui figure aujourdhui aux articles 16-1 16-5 et 16-6 du Code

civil Il est donc possible de disposer de son corps agrave titre de dons dans les limites de la loi

(14)

Pour conclure sur ce point il sera emprunteacute les propos de Mme Mayer-Jack laquo

Malheureusement si ce principe dindisponibiliteacute du corps humain possegravede les qualiteacutes trop

rares decirctre nettement formuleacute et universellement admis il apparaicirct agrave la reacuteflexion frappeacute dun

vice radical il se reacutevegravele contraire aux faits raquo (15)

B La nulliteacute de ladoption

En matiegravere de materniteacute de substitution lenfant reste au coeur du deacutebat Il est laquo lobjet raquo de la

convoitise du couple demandeur et lobjet de la convention En vue de permettre

leacutetablissement dune filiation adoptive deux processus eacutetaient suivis par lesdits couples

processus que la Cour de cassation sempressa dinterdire agrave son tour

1 Le contournement aveacutereacute de la loi par les couples restant en France

En effet le processus se deacuteroulait en trois eacutetapes dans un premier temps lembryon issu des

gamegravetes du couple ou du mari et de la femme porteuse eacutetait implanteacute dans luteacuterus de cette

derniegravere La megravere porteuse suivait sa grossesse normalement notamment au regard du suivi

meacutedical (16) Ensuite elle accouchait anonymement La leacutegislation autorise les

accouchements laquo sous X raquo et reconnaicirct ainsi aux parturientes le droit de ne pas ecirctre megraveres si

elles ne le deacutesirent ou ne le peuvent pas Le pegravere fournisseur de sperme quant agrave lui effectuait

une reconnaissance preacutenatale de lenfant A sa naissance il le reconnaissait Lenfant avait

donc un pegravere mais sans indication de la filiation maternelle Enfin leacutepouse de ce dernier

adoptait de maniegravere pleacuteniegravere lenfant Leacutetat de mariage de la megravere porteuse ne changeait rien

puisque laccouchement anonyme empecircchait que le mari soit consideacutereacute comme pegravere preacutesumeacute

29

Depuis larrecirct Alma Mater (17) nous savons que la convention de materniteacute de substitution

est nulle car contrevenant agrave lordre public (18) Mais jusqualors la jurisprudence avait eu le

soin de dissocier convention et adoption Toute convention portant sur la procreacuteation ou la

gestation pour le compte dautrui eacutetant nulle la convention de megravere porteuse ayant permis la

naissance de lenfant en cause est donc incontestablement frauduleuse Degraves lors la possession

deacutetat sur laquelle les demandeurs se fondent pour voir eacutetablir un lien de filiation leacutegitime agrave

leur profit et lacte de notorieacuteteacute quils ont ainsi obtenu sont eux-mecircmes vicieacutes et ne peuvent

donc permettre leacutetablissement dun tel lien Par ailleurs la Convention de New York sur les

droits de lenfant garantit notamment agrave celui-ci laccegraves agrave ses origines Or lapplication de la

convention frauduleuse aurait pour effet de consacrer un mensonge lacte de naissance qui

serait eacutetabli sur le fondement de cette convention aboutirait en effet agrave nier totalement les

conditions dans lesquelles lenfant a eacuteteacute conccedilu En conseacutequence les demandeurs ne pourront

se preacutevaloir de la possession deacutetat vicieacutee pour obtenir la retranscription de lacte de notorieacuteteacute

sur lacte de naissance de lenfant (19) Ainsi la prohibition de la convention a entraicircneacute dans

son sillage une impossibiliteacute dadoption par leacutepouse du pegravere (20) Il y a deacutetournement de

linstitution de ladoption pleacuteniegravere en ce que lenfant a eacuteteacute conccedilu pour ecirctre abandonneacute par sa

megravere et adopteacute par une autre (21)

Il en reacutesulte que cest labandon de lenfant qui rend impossible ladoption par leacutepouse du

mari Or labandon de lenfant constitue deacutejagrave une deacutemarche parfaitement licite et reacuteglementeacutee

par la loi Il suffit pour sen convaincre de lire attentivement les textes adeacutequats agrave savoir les

articles 61 et 62 du Code de la famille et de laide sociale 348-3 et 350 du Code civil et 1158

agrave 1163 du Code de proceacutedure civile Il suffit agrave la megravere et plus geacuteneacuteralement agrave la personne

investie des droits parentaux de confier 1enfant agrave un eacutetablissement ou agrave un service de laide

sociale agrave 1enfance (ASF) ou mecircme agrave un particulier puis de sen deacutesinteacuteresser

manifestement pendant une anneacutee nentretenant avec lui aucune relation neacutecessaire au

maintien de liens affectifs Le tribunal de grande instance peut degraves lors sauf agrave prendre en

consideacuteration le cas exceptionnel de grande deacutetresse du parent deacutefaillant deacuteclarer 1enfant

abandonneacute agrave la requecircte de tout inteacuteresseacute et notamment de leacutetablissement service ou famille

daccueil (22) laquo On cesse dinterdire une pratique non pas lorsquelle se deacuteveloppe mais

lorsquon ne sait plus pourquoi elle est interdite raquo (23)

Dailleurs une contradiction engendre ce refus dadoption En effet laquo consideacuterer ladoption

indissociable de la convention revient agrave ne voir lenfant que comme lobjet de cette convention

raquo (24) Ainsi les parents ont pu eacutetablir anteacuterieurement agrave la naissance le processus dont

ladoption est laquo lultime phase raquo Mais ce processus nest pas fait dans lintention de nuire agrave

lenfant Alors comment comprendre la seacuteveacuteriteacute afficheacutee de la Cour de cassation

Traiter lenfant comme une veacuteritable personne implique de dissocier la convention ougrave il

nintervient pas et ladoption dont il est partie prenante et mecircme partie principale Il faut

sinterroger sur son inteacuterecirct propre quitte agrave le confronter ensuite agrave ceux auxquels il soppose

(25)

2 Lexpansion du tourisme procreacuteatif

La dispariteacute des regravegles nationales agrave propos de la gestation pour autrui a conduit certains

couples agrave se rendre agrave leacutetranger pour pouvoir avoir recours agrave une megravere porteuse on parle

deacutesormais de laquo tourisme procreacuteatif raquo (26)

30

Lagrave encore le processus deacutebute par une inseacutemination artificielle mais les pays ayant leacutegaliseacute la

gestation pour le compte dautrui permettent par ailleurs que lembryon inseacutemineacute dans

luteacuterus de la femme soit issu de la rencontre des gamegravetes des deux parents demandeurs

Lenfant est donc geacuteneacutetiquement lenfant du couple Il a pour parent degraves sa naissance le

couple demandeur il porte leur nom et le preacutenom quils lui ont choisi Mais pour exister en

France il est neacutecessaire de recourir agrave une transcription sur les registres de leacutetat civil franccedilais

de lacte de naissance eacutetranger Lagrave encore la seacuteveacuteriteacute est de mise puisque le parquet de

Nantes qui a en charge la transcription des eacutetats civils venant de leacutetranger refuse

systeacutematiquement cette transcription qui nest pas conforme agrave la leacutegislation franccedilaise (27)

Les magistrats ont eacuteteacute confronteacutes agrave ces situations ougrave la megravere commanditaire deacutesirait eacutetablir un

lien de filiation entre elle et lenfant issu de la convention de materniteacute de substitution

Tel est par exemple le cas qui a eacuteteacute trancheacute par la cour dappel de Rennes le 4 juillet 2002

(28) Dans cet arrecirct la cour dappel a rejeteacute ladoption des enfants par un couple qui a conclu

en Californie une convention portant sur la gestation dun embryon issu de leurs propres

gamegravetes La cour relegraveve que laquo la loi franccedilaise ne donne pas une deacutefinition de la megravere raquo cette

notion est inscrite dans les mentaliteacutes depuis des siegravecles par ladage Mater semper certa est

Cest laccouchement qui deacutetermine la megravere et non la seule reacutealiteacute geacuteneacutetique

Cette jurisprudence installeacutee depuis le ceacutelegravebre arrecirct de lassembleacutee pleacuteniegravere du 31 mai 1991

constitue une atteinte directe agrave linteacuterecirct de lenfant Ce dernier est priveacute de toute filiation

maternelle leacutegalement reconnue et ce sans beacuteneacutefice pour personne (29)

Malheureusement en raison de cette solution les deux enfants sont acircgeacutes de sept ans et vivent

aupregraves de leur pegravere naturel et de sa compagne dont la materniteacute ne peut leacutegalement ecirctre eacutetablie

(30)

Cette jurisprudence preacutesente un point faible Selon larticle 353 du Code civil le tribunal de

grande instance saisi dune requecircte aux fins dadoption pleacuteniegravere veacuterifie si les conditions de

la loi sont remplies et si ladoption est conforme agrave linteacuterecirct de lenfant Or en loccurrence

le preacutetendu droit de lenfant ne coiumlncide pas avec son inteacuterecirct seul mis en avant dans 1article

353 du Code civil Le refus par la cour dappel de prononcer ladoption pleacuteniegravere a priveacute les

deux enfants (au nom de leur droit aussi eacuteminent que symbolique agrave la non-chosification) dun

avantage concret et primordial leur admission au statut denfants leacutegitimes de leurs vrais

parents geacuteneacutetiques (31) Simples enfants naturels ou adulteacuterins de leur pegravere ils demeureront

sans lien de filiation maternelle Un tel problegraveme meacuterite que les juridictions se penchent au

moins sur lui (32) La protection de linstitution de ladoption sopegravere au deacutetriment du droit

reconnu agrave lenfant deacutetablir sa filiation par le biais dune discrimination fondeacutee sur les

circonstances de sa naissance (33) La jurisprudence nous semble aller agrave lencontre des

engagements internationaux contracteacutes par la France (34)

II Leacutevolution des mentaliteacutes vers une leacutegislation plus souple

Jusquagrave preacutesent la jurisprudence a toujours interdit ladoption des enfants par des couples

ayant eu recours agrave la gestation pour autrui consideacuterant quil sagit dun deacutetournement de

linstitution de ladoption (35)

Un grand quotidien Libeacuteration reacutevegravele que la cour dappel de Paris a reconnu comme parents

leacutegitimes de jumelles un couple franccedilais ayant fait appel agrave une megravere porteuse ameacutericaine

31

Une chose est sucircre cet arrecirct a le meacuterite douvrir le deacutebat et de poser la question de linteacuterecirct de

lenfant comme exception agrave lindisponibiliteacute de leacutetat des personnes et agrave linterdiction de la

pratique des megraveres porteuses (A) Lorsque lon accepte une loi eacutetrangegravere qui a eacuteteacute appeleacutee au

secours pour contourner la loi franccedilaise la modification de la loi franccedilaise nest pas loin (B)

A Lassouplissement de la jurisprudence

Dans laffaire porteacutee devant la cour dappel de Paris que nous avons abordeacutee rapidement

preacuteceacutedemment un couple dont la femme ne peut assurer la gestation en raison dune

malformation congeacutenitale se rend en Californie ougrave il conclut une convention portant sur la

gestation dun embryon issu de leurs propres gamegravetes Des jumelles naissent de cette

convention Le droit californien fait abstraction du deacutefaut daccouchement La concubine est

inscrite comme megravere dans les registres de naissance de Californie Quelques semaines plus

tard le couple reconnaicirct les enfants en France Mais agrave leur retour dans lHexagone ils sont

placeacutes en garde agrave vue puis mis en examen pour laquo entremise entre une personne deacutesireuse

dadopter un enfant et un parent deacutesireux dabandonner son enfant neacute ou agrave naicirctre raquo et pour laquo

simulation ayant entraicircneacute une atteinte agrave leacutetat civil de lenfant raquo

En 2004 le juge dinstruction rend un non-lieu sur les poursuites peacutenales les faits seacutetant

deacuterouleacutes dans un pays ougrave cette pratique est leacutegale Le parquet a alors continueacute son offensive

sur le terrain civil et chercheacute agrave faire annuler la filiation et la transcription sur leacutetat civil Le

tribunal de grande instance a deacuteclareacute cette demande irrecevable en deacutecembre 2005 Une

deacutecision rendue par la cour dappel de Paris confirme ce jugement le 25 octobre dernier apregraves

avoir estimeacute que laquo La non-transcription des actes de naissances aurait des conseacutequences

contraires agrave linteacuterecirct supeacuterieur des enfants qui au regard du droit franccedilais se verraient priveacutes

dactes deacutetat civil indiquant leur lien de filiation y compris agrave leacutegard de leur pegravere biologique

raquo

La question sera deacutesormais soumise agrave la Cour de cassation qui a deacutejagrave pris des deacutecisions

progressistes dans des questions relatives au droit de la famille notamment dans linteacuterecirct de

lenfant Elle a ainsi fait le 24 feacutevrier 2006 un pas important vers la reconnaissance de

lhomoparentaliteacute en autorisant quun parent homosexuel deacutelegravegue tout ou partie de son

autoriteacute parentale agrave son partenaire avec lequel il vit en union stable agrave condition que cette

mesure soit prise dans linteacuterecirct supeacuterieur de lenfant (36)

Le plus important reacuteside dans le fait que la cour dappel de Paris a estimeacute que la non-

transcription sur les actes de naissance aurait des conseacutequences contraire agrave llaquo inteacuterecirct de

lenfant raquo Depuis longtemps linteacuterecirct de lenfant est au centre du droit de la famille et depuis

quelques anneacutees celui-ci devient veacuteritablement la pierre angulaire de cette discipline (37)

Dans un arrecirct du 18 mai 2005 la premiegravere chambre civile de la Cour de cassation preacutecise au

visa de larticle 3-1 de la Convention relative aux droits de lenfant que laquo dans toutes les

deacutecisions qui concernent les enfants linteacuterecirct supeacuterieur de lenfant doit ecirctre une

consideacuteration primordiale raquo (38) Mais que faut-il entendre par inteacuterecirct supeacuterieur de lenfant

(39)

Bien que le nouvel article L 112-4 du Code de laction sociale et des familles (40) et larticle

371-1 du Code civil semblent deacutefinir les eacuteleacutements constitutifs de cette notion llaquo inteacuterecirct de

lenfant raquo reste un concept assez flou que le leacutegislateur et les juges se gardent bien de deacutefinir

preacuteciseacutement on ne peut limiter linteacuterecirct supeacuterieur de lenfant agrave la protection de sa santeacute de sa

seacutecuriteacute et de sa moraliteacute Certes ces eacuteleacutements sont les bases de linteacuterecirct de lenfant mais

32

puisque celui-ci peut deacutepasser le strict cadre du droit de lautoriteacute parentale voire du droit de

la famille cette vision serait bien trop reacuteductrice

Le sens de cette notion peut encore sobscurcir si lon considegravere quelle peut se confondre avec

dautres concepts voisins Larticle 371-5 doit ainsi conduire agrave distinguer linteacuterecirct de lenfant de

celui de la fratrie En effet si celle-ci a inteacuterecirct agrave rester unie certaines circonstances permettent

deacutecarter un de ses membres dans son inteacuterecirct exclusif

Un amendement proposait cependant agrave la suite du nouvel article L 112-4 du Code de laction

sociale et des familles une deacutefinition inteacuteressante laquo Linteacuterecirct supeacuterieur de lenfant est deacutefini

comme lassurance de la protection de sa seacutecuriteacute personnelle et affective lassurance dun

contexte familial permettant un bon deacuteveloppement physique intellectuel affectif et social

lassurance dune relation dattachement parental permettant de se construire Linteacuterecirct

supeacuterieur de lenfant tel que deacutefini constitue son projet de vie raquo (41)

On ne peut que se feacuteliciter de la mise en avant de linteacuterecirct de lenfant pour deacuteroger agrave la sacro-

sainte interdiction des megraveres porteuses car il est vrai quil ne faut pas oublier que limportant

reste dabord et avant tout lenfant qui a et doit avoir une place centrale au sein de la famille

On peut envisager que cette reacutecente jurisprudence puisse influencer la reacuteflexion sur le recours

aux laquo megraveres porteuses raquo sur le territoire national qui conduise agrave une eacutevolution de la loi

B Vers une eacutevolution de la loi

Alors que la France interdit la laquo gestation pour autrui raquo cette pratique a eacuteteacute leacutegaliseacutee dans de

nombreux pays La France a donc une leacutegislation moins libeacuterale que dautres leacutegislations

nationales La pratique de la gestation pour autrui est notamment autoriseacutee aux Etats-Unis au

Canada en Australie et dans plusieurs pays de lUnion europeacuteenne (Espagne et Belgique

Gregravece et Royaume-Uni notamment) (42) La question de la leacutegalisation des megraveres porteuses

est tregraves controverseacutee en France et demanderait un strict encadrement (43)

On enseigne habituellement que les questions deacutetat ne peuvent deacutependre de la seule volonteacute

individuelle Leacutetat des personnes - le droit de la filiation en particulier - eacutechapperait aux

conventions Mais ce principe nest plus si absolu Leacutevolution contemporaine reacuteduit laspect

institutionnel Une place nettement importante a eacuteteacute faite dans lorganisation des relations

familiales agrave la volonteacute individuelle laquo Laccroissement du pouvoir des volonteacutes individuelles

dans le droit de la famille est une marque essentielle de ce droit raquo (44) Dougrave la justesse de

lexpression laquo contractualisation du droit de la famille raquo Le rocircle de la volonteacute individuelle

tend agrave ecirctre de plus en plus important (45) Tel est le cas du divorce du PACS et du mariage

La procreacuteation nest plus la finaliteacute avec larriveacutee en force dans des pays voisins du mariage

homosexuel

Une certaine eacutevolution des mentaliteacutes ainsi que la dispariteacute entre la loi franccedilaise et dautres

leacutegislations nationales pourraient bien donner lieu agrave un assouplissement de cette leacutegislation

(46)

La gestation pour autrui permet de pallier certaines formes de steacuteriliteacute feacuteminine en raison

dune absence ou dune deacuteformation duteacuterus de conseacutequences de cancer ou reacutesultant dune

hysteacuterectomie de fausses couches reacutepeacuteteacutees dune contre-indication meacutedicale agrave la grossesse ou

de nombreux eacutechecs de feacutecondations in vitro (47) Dans ce cas on implante les gamegravetes des

parents geacuteneacutetiques dans le ventre de la megravere porteuse

33

Un autre argument favorable agrave cette pratique est la certitude apaisante pour le couple steacuterile

de ce que lenfant porteacute en uteacuterus tiers nen sera pas moins leur veacuteritable enfant geacuteneacutetique

puisque conccedilu agrave partir de leurs propres gamegravetes

De plus il faut deacutenoncer une incoheacuterence Une femme empecirccheacutee par la loi de donner avant

sa grossesse agrave un couple agreacuteeacute par elle lenfant quelle portera moyennant eacutequitable

reacutecompense possegravede en revanche le droit discreacutetionnaire de labandonner une fois neacute au

hasard des eacutetablissements ou du service de lASE ou pis encore de recourir agrave une

interruption volontaire de grossesse pendant les douze premiegraveres semaines (48)

La possession deacutetat repreacutesente une valeur humaine et sociale qui doit ecirctre prise en compte en

tant que telle Comme lont joliment affirmeacute M Hauser et Mme Huet-Weiller laquo elle est la

veacuteriteacute des sentiments la veacuteriteacute du coeur tout aussi respectable sinon plus que celle des

registres deacutetat ou mecircme de nos gegravenes raquo (49) Ainsi on peut ecirctre favorable agrave cette reacuteflexion

sous certains reacuteserves

Tout dabord le couple demandeur devait avoir plus de 18 ans et linfertiliteacute devrait ecirctre

meacutedicalement eacutetablie Ensuite seule lutilisation des gamegravetes (sperme et ovocytes) du couple

serait autoriseacutee afin deacuteviter que la gestatrice soit aussi la megravere biologique de lenfant (pour

eacuteviter des liens trop forts eacutetablis entre elle et le beacutebeacute)

De son cocircteacute la megravere porteuse devait avoir plus de 18 ans et accepter de subir des tests divers

avant la grossesse Elle serait la seule agrave donner un consentement valable concernant la gestion

de sa grossesse et elle abandonnerait ses droits parentaux agrave la naissance de lenfant tout en

assistant le couple demandeur lors de la deacutelivrance du certificat de naissance Le

consentement devrait aussi ecirctre obtenu par un entretien psychologique meacutedical et juridique

Seul le juge pourrait donner laccord au deacutebut du processus Le couple demandeur devait

sengager agrave assumer la garde de lenfant degraves sa naissance afin deacuteviter soit une non-remise

denfant soit un refus de lenfant - par exemple en cas de handicap

Concernant la reacutemuneacuteration de la megravere porteuse la marchandisation est inacceptable Les

intermeacutediaires reacutemuneacutereacutes seraient interdits Le principe du volontariat et de la gratuiteacute sont

essentiels le don de vie (50)

Enfin il ne sagirait pas de reacutemuneacuteration mais de compensation financiegravere destineacutee agrave

deacutedommager les inconveacutenients lieacutes agrave la grossesse sur la base de la loi laquo Huriet raquo (loi sur la

recherche meacutedicale avec volontaires sains) Le couple demandeur devrait prendre agrave sa charge

les deacutepenses meacutedicales leacutegales et psychologiques ainsi quun montant raisonnable alloueacute agrave la

megravere porteuse pour subvenir agrave ses besoins Les juges appreacutecieraient librement ce que peut ecirctre

un montant laquo raisonnable raquo sans que cela puisse jamais ecirctre consideacutereacute comme une laquo vente raquo

denfant

(1) B Debreacute et S Agacinski laquo Faut-il leacutegaliser les megraveres porteuses en France raquo Le Figaro Magazine du samedi 10 novembre 2007 p 50

34

(2) G David laquo Don et utilisation du sperme raquo in Actes du colloque Geacuteneacutetique procreacuteation et

droit Actes sud 1985 p 205 G-M Faure Le deacutesir denfant agrave leacutepreuve du droit Essai sur le droit de la procreacuteation meacutedicalement assisteacutee Thegravese Universiteacute de Lille 1992 p 7

(3) G Lebreton Liberteacutes publiques et droits de lhomme 6e eacuted Armand Colin 2003 p 262

(4) CE 22 janvier 1988 Lebon 1988 p 37

(5) La Cour de cassation a enteacuterineacute la position de la cour dappel de Paris pour laquelle laquo ni laltruisme du comportement de la megravere de substitution ni le caractegravere deacutesinteacuteresseacute des activiteacutes de lassociation ne sont propres agrave faire disparaicirctre lilliceacuteiteacute qui frappe laccord litigieux raquo Cass civ 1re 13 deacutecembre 1989 Bull civ I no 387 Defreacutenois 1990 art 34802 no 55 obs J-L Aubert D 1990 p 273 JCP eacuted G 1990 II 21526 note A Seacuteriaux propos recueillis par C Slobodansky laquo Le droit doit limiter les progregraves de la science raquo LPA du 7 mai 2004 no 92 p 60

(6) laquo La convention par laquelle une femme sengage fucirct-ce agrave titre gratuit agrave concevoir et porter un enfant pour labandonner agrave sa naissance contrevient tant au principe dordre public de lindisponibiliteacute du corps humain quagrave celui de lindisponibiliteacute de leacutetat des personnes raquo Cass ass pleacuten 31 mai 1991 Bull civ ass pleacuten no 4 Defreacutenois 1991 art 35142 no 103 obs J-L Aubert Defreacutenois 1991 art 35088 no 67 note J Massip RTD civ 1991 p 517 obs D Huet-Weiller et p 489 note M Gobert M Gobert laquo Reacuteflexions sur les sources du droit et les

principes dindisponibiliteacute du corps humain et de leacutetat des personnes agrave propos de la materniteacute de substitution raquo RTD civ 1992 p 489 et s speacutec p 501 dans ce sens v deacutejagrave les remarques de P Murat laquo Laction de lordonnance du 4 juillet 2005 sur la possession deacutetat raquo Dr Famille 2006 eacutetude no 6 speacutec no 7 V aussi J Massip laquo Linsertion dans le Code civil de dispositions relatives au corps humain agrave lidentification geacuteneacutetique et agrave la procreacuteation meacutedicalement assisteacutee raquo Defreacutenois 1995 art 35975 et 35992

(7) En ce sens V Depadt-Sebag laquo De la neacutecessiteacute dune reacuteforme de larticle 16-7 du Code civil relatif agrave linterdiction de gestation pour autrui raquo RGD meacuted 2004 no 12 p 135 et s

(8) Art 227-12 et s C peacuten

(9) CA Paris 1re feacutevrier 2001 RTD civ 2001 p 347 obs J Hauser Cass civ 1re 9 deacutecembre 2003 Bull civ I no 252 p 201 CA Rennes 4 juillet 2002 D 2002 p 2904

(10) Cass civ 1re 20 feacutevrier 2007 Defreacutenois 2007 art 38595 no 45 obs J Massip

(11) V Depadt-Sebag laquo De la neacutecessiteacute dune reacuteforme de larticle 16-7 du Code civil relatif agrave linterdiction de gestation pour autrui raquo preacutec no 12 p 135 et s

(12) L no 2004-800 du 6 aoucirct 2004 relative agrave la bioeacutethique JO du 7 aoucirct 2004 p 14040 J Massip art preacutec

(13) Dans ce sens v M Gobert laquo Reacuteflexions sur les sources du droit et les principes dindisponibiliteacute du corps humain et de leacutetat des personnes agrave propos de la materniteacute de substitution raquo preacutec p 489 et s speacutec p 513

(14) V Depadt-Sebag laquo De la neacutecessiteacute dune reacuteforme de larticle 16-7 du Code civil relatif agrave linterdiction de gestation pour autrui raquo preacutec no 12 p 135 et s E Camuzet La convention de gestation pour autrui une illeacutegaliteacute franccedilaise injustifieacutee Meacutemoire Lille 2 Universiteacute du droit et de la santeacute 2005-2006 p 55

(15) A Mayer-Jack laquo Les conventions relatives agrave la personne physique raquo Rev crit leacutegisl et jurispr 1993 p 6

(16) G Meacutemeteau laquo Une distinction est opeacutereacutee sur la reacutefeacuterence des donneacutees acquises de la science agrave la date des soins par opposition agrave la notion erroneacutee de donneacutees actuelles de la science raquo note sous Cass civ 1re 6 juin 2000 JCP eacuted G 2001 II 10447

(17) Cass civ 1re 13 deacutecembre 1989 Bull civ I no 387 Defreacutenois 1990 art 34815 rapp J Massip D 1990 p 273 JCP eacuted G 1990 II 21526 note A Seacuteriaux

35

(18) Communication J Bernard et comm J Massip Defreacutenois 1990 art 35088 no 67 note J

Massip F Terreacute note sous Cass ass pleacuten 31 mai 1991 JCP eacuted G 1991 II 21752 dans ce sens v les remarques de P Murat laquo Laction de lordonnance du 4 juillet 2005 sur la possession deacutetat raquo preacutec eacutetude no 6 speacutec no 7 G Kessler laquo La consolidation de situations illicites dans linteacuterecirct de lenfant raquo Dr Famille no 7 juillet 2005 Etude 16

(19) TGI Lille 22 mars 2007 D 2007 no 18 p 1251 note X Labbeacutee B Edelman et C Labrusse-Riau note sous CA Paris 15 juin 1990 JCP eacuted G 1991 II 21653

(20) V Larribau-Terneyre note sous CA Pau 19 feacutevrier 1991 D 1991 juris p 380

(21) J Massip laquo Megravere porteuse et deacutecheacuteance de lautoriteacute parentale raquo LPA du 29 octobre 2003 no 216 p 10 Cass ass pleacuten 31 mai 1991 Bull civ ass pleacuten no 4 Defreacutenois 1991 art 35088 no 67 p 948 obs J Massip D 1991 p 417 rapport Y Chartier note D Thouvenin JCP eacuted G 1991 II 21752 communication J Bernard concl H Dontenwille note F Terreacute RTD civ 1991 p 517 obs D Huet-Weiller

(22) J Rubellin-Devichi laquo Materniteacute de substitution qui est la megravere raquo note sous CA Rennes 4 juillet 2002 JCP eacuted G 2003 I 101 C Ducomte laquo La vraie querelle des megraveres porteuses raquo httppagesperso-orangefrmax-christianducomtemereindexhtm

(23) Propos de Mme F Dekeuwer-Deacutefossez lors de son audition devant le preacutesident M Bloche pour la mission dinformation sur la famille (procegraves-verbal du 5 octobre 2005)

(24) J Hauser obs in RTD civ 1999 p 372 F Dekeuwer-Deacutefossez note sous Cass ass pleacuten 31 mai 1991 D 1992 somm p 59

(25) F Dekeuwer-Deacutefossez laquo Les droits de lenfant raquo D 1992 somm p 59 E Poisson-Drocourt laquo Recours agrave une megravere de substitution et refus de ladoption raquo D 2004 p 2001

(26) J-J Lemouland laquo Le tourisme procreacuteatif raquo LPA 2001 no 62 p 24 F Dekeuwer-Deacutefossez laquo Le lien parental raquo LPA du 1er juillet 2004 no 131 p 70 F Granet note sous CA Rennes 4 juillet 2002 D 2002 p 2904

(27) CA Aix-en-Provence 12 mars 2002 Juris-Data no 2002-190443 A Seacuteriaux laquo Droit naturel et procreacuteation artificielle quelle jurisprudence raquo D 1985 chron p 53 J Massip laquo Le nouveau droit de la filiation raquo Defreacutenois 2006 art 38303 p 13

(28) CA Rennes 4 juillet 2002 JCP eacuted G 2003 I 101 note J Rubellin-Devichi

(29) laquo Si le principe structurant de lautoriteacute parentale est linteacuterecirct de lenfant deacutetermineacute in concreto le droit de la filiation nappreacutecie en revanche jamais linteacuterecirct concret dun enfant preacutecis mais linteacuterecirct geacuteneacuteral de lenfant in abstracto raquo A Gouttenoire laquo A chacun sa famille agrave chacun son droit raquo Dr Famille no 7 juillet 2006 Alerte 41

(30) E Camuzet La convention de gestation pour autrui une illeacutegaliteacute franccedilaise injustifieacutee art preacutec p 52

(31) P Raynaud laquo Un abus de ladoption simple les couples adoptifs raquo D 1983 chron p 39 H Gaumont-Prat laquo Pas dadoption pour les enfants issus de convention de megravere porteuse raquo RLDC no 5 mai 2004 p 31 laquo Le rejet dans le non-droit des enfants neacutes dans des circonstances qui deacuterangent la socieacuteteacute relegraveve du deacuteni de la reacutealiteacute porteur de nombreux effets pathogegravenes et injustes raquo

(32) J Rubellin-Devichi laquo Materniteacute de substitution qui est la megravere raquo note sous CA Rennes 4 juillet 2002 preacutec I 101 C Ducomte laquo La vraie querelle des megraveres porteuses raquo preacutec P Raynaud laquo Un abus de ladoption simple les couples adoptifs raquo art preacutec chron p 39 G Kessler laquo La consolidation de situations illicites dans linteacuterecirct de lenfant raquo art preacutec Etude 16

(33) F Dekeuwer-Deacutefossez laquo Reacuteflexion sur les mythes fondateurs du droit contemporain de la famille raquo RTD civ 1995 p 269 E Camuzet La convention de gestation pour autrui une illeacutegaliteacute franccedilaise injustifieacutee art preacutec p 66 A Ponsard rapport sous Cass civ 1re 16

36

novembre 1982 JCP eacuted G 1983 II 19954 M-T Meulders-Klein laquo Le droit agrave lenfant face au

droit de lenfant et les procreacuteations meacutedicalement assisteacutees raquo RTD civ 1988 p 645 F Terreacute Lenfant de lesclave Geacuteneacutetique et droit Flammarion 1987 p 128

(34) Convention de New York du 26 janvier 1990 Charte des droits fondamentaux de lUnion europeacuteenne du 7 deacutecembre 2000 Deacuteclaration universelle des droits de lhomme de 1789 Convention internationale des droits de lenfant de 1989

(35) Cass ass plegraven 31 mai 1991 Bull civ ass plegraven no 4 Defreacutenois 1991 art 35142 no 103 obs J-L Aubert et art 35088 no 67 p 948 obs J Massip D 1991 p 417 rapport Y Chartier note D Thouvenin JCP eacuted G 1991 II 21752 communication J Bernard concl H Dontenwille note F Terreacute RTD civ 1991 p 517 obs D Huet-Weiller

(36) Cass civ 1re 24 feacutevrier 2006 Bull civ I no 101 p 95 Defreacutenois 2006 art 38415 no 40 p 1067 obs J Massip D 2006 juris p 897-900 obs D Vigneau T Anatrella laquo Adoption et homoparentaliteacute leacuteclairage des droits de lhomme raquo Dr Famille 2003 no 10 p

8-10 agrave lidentique dans un arrecirct du 22 janvier 1992 D 1993 p 119 note J Vassaux la cour dappel de Poitiers a prononceacute ladoption simple dun enfant neacute dune convention de megravere porteuse au motif que laquo cette adoption nest pas seulement conforme agrave linteacuterecirct de lenfant mais encore constitue une neacutecessiteacute qui deacutecoule des reacutealiteacutes de la vie issues derreurs des adultes dont lenfant ne doit pas subir les conseacutequences raquo

(37) G Kessler laquo La consolidation de situations illicites dans linteacuterecirct de lenfant raquo art preacutec eacutetude no 16 M-T Meulders-Klein laquo Le droit agrave lenfant face au droit de lenfant et les procreacuteations meacutedicalement assisteacutees raquo art preacutec p 645

(38) Cass civ 1re 18 mai 2005 Bull civ I no 211 p 179 V Depadt-Sebag laquo Non-lieu dans une affaire de materniteacute pour autrui raquo D 2005 p 476 J Massip laquo Megravere porteuse et deacutecheacuteance de lautoriteacute parentale raquo art preacutec no 216 p 11 F Terreacute Lenfant de lesclave Geacuteneacutetique et droit op cit adde F Terreacute et D Fenouillet Droit civil Les personnes la famille les incapaciteacutes 6e eacuted Preacutecis Dalloz no 926 M Lamarche laquo Inteacuterecirct supeacuterieur de lenfant de ladmission des effets dune convention de megravere porteuse agrave la destruction du droit franccedilais de la filiation raquo Dr Famille novembre 2007 no 11

(39) M Donnier laquo Linteacuterecirct de lenfant raquo D 1959 chron p 27 F Laroche-Gisserot note sous Cass civ 1re 27 mai 1998 D 1998 p 530 F Millet laquo Ladoption dun inteacuterecirct agrave lautre raquo RRJ 2003-3 p 1777 et s A Gouttenoire laquo A chacun sa famille agrave chacun son droit raquo art preacutec Alerte 41

(40) Par la loi no 2007-293 du 5 mars 2007 reacuteformant la protection de lenfance (JO du 6 mars 2007 Defreacutenois 2007 Leacuteg p 282) le leacutegislateur a inteacutegreacute la notion dinteacuterecirct de lenfant dans le Code de laction sociale et des familles Le nouvel article L 112-4 dudit code dispose que laquo Linteacuterecirct de lenfant la prise en compte de ses besoins fondamentaux physiques intellectuels sociaux et affectifs ainsi que le respect de ses droits doivent guider toutes deacutecisions le concernant raquo

(41) Amendement no 48 rect Protection de lenfance no 3184 Assembleacutee nationale 22 deacutecembre 2006 wwwassemblee-nationalefr v aussi sur lensemble de ces questions les consideacuterations tregraves eacuteclairantes de P Murat note sous CA Rennes 4 juillet 2002 D 2002 p 2902 Dr Famille 2002 comm no 142 note P Murat

(42) F Granet-Lambrechts laquo Materniteacutes de substitution filiation et eacutetat civil Panorama europeacuteen raquo Dr Famille no 12 deacutecembre 2007 eacutetude no 34

(43) D Youf Penser les droits de lenfant PUF 2002 p 2

(44) G Cornu La famille 6e eacuted no 7 J Carbonnier Droit civil t 4 Les obligations PUF coll Theacutemis no 372 p 649

(45) D Fenouillet et P de Vareilles-Sommiegraveres La contractualisation du droit de la famille Economica 2001

37

(46) H Gaumont-Prat laquo Pas dadoption pour les enfants issus de convention de megravere porteuse raquo art preacutec p 31

(47) E Poisson-Droccourt laquo Recours agrave une megravere de substitution et refus de ladoption raquo art preacutec p 2001 note sous Cass civ 1re 9 deacutecembre 2003 G Delaisi de Perseval laquo Gestation pour autrui en quecircte de leacutegitimation raquo httpwwwliberationfr

(48) C Neirinck laquo Les filiations eacutelectives agrave leacutepreuve du droit raquo JCP eacuted G 1997 I 4067 E Camuzet laquo La convention de gestation pour autrui une illeacutegaliteacute franccedilaise injustifieacutee raquo art preacutec p 59

(49) J Hauser et D Huet-Weiller Traiteacute de droit civil La famille Fondation et vie de la famille 2e eacuted LGDJ 1993 p 250

(50) B Debreacute et S Agacinski laquo Faut-il leacutegaliser les megraveres porteuses en France raquo art preacutec p 50 C Atias D 1986 chron p 67

Civ 1egravere

13 deacutecembre 1989

Ndeg de pourvoi 88-15655

Publieacute au bulletin

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Attendu selon les juges du fond que lrsquoassociation ldquo Alma Mater ldquo a pour objet de faciliter la

solution des problegravemes qui se posent aux couples dont la femme est steacuterile deacutesireux

drsquoaccueillir un enfant agrave leur foyer et aux ldquo megraveres porteuses ldquo volontaires qursquoil est proposeacute agrave

la ldquo megravere porteuse ldquo drsquoecirctre inseacutemineacutee artificiellement par la semence du mari ou du concubin

de porter et de mettre au monde lrsquoenfant qui sera deacuteclareacute sur les registres de lrsquoeacutetat civil sans

indication du nom de la megravere reconnu par le pegravere et accueilli au foyer de celui-ci en vue de

son adoption par lrsquoeacutepouse ou la compagne que lrsquoassociation intervient tout au long de ce

processus qualifieacute de ldquo precirct drsquouteacuterus ldquo ou de ldquo don drsquoenfant ldquo qursquoainsi apregraves avoir controcircleacute la

reacutealiteacute de la steacuteriliteacute du couple demandeur et des faculteacutes de feacutecondation de la ldquo megravere porteuse

ldquo geacuteneacuteralement recruteacutee par elle lrsquoassociation fait proceacuteder agrave lrsquoinseacutemination surveille la

grossesse et lrsquoaccouchement srsquooccupe de faire diligenter la proceacutedure drsquoadoption qursquoelle

verse ensuite agrave la megravere une somme forfaitaire - qui en 1987 eacutetait fixeacutee agrave 60 000 francs -

remise par le couple demandeur degraves le deacutebut de la grossesse que lrsquoarrecirct confirmatif attaqueacute

(Aix-en-Provence 29 avril 1988) estimant que cette association avait un objet illicite

contraire aux lois et aux bonnes moeurs en a prononceacute la nulliteacute sur le fondement de lrsquoarticle

3 de la loi du 1er juillet 1901

Sur le moyen unique pris en sa premiegravere branche

Attendu que lrsquoassociation ldquo Alma Mater ldquo fait grief agrave la cour drsquoappel drsquoavoir ainsi statueacute alors

que selon le moyen nrsquoest ni illicite ni contraire aux bonnes moeurs lrsquoassociation qui dans un

but humanitaire non lucratif met en relation un couple demandeur dont la femme est steacuterile et

38

une femme qui accepte drsquoecirctre inseacutemineacutee artificiellement par le mari de porter lrsquoenfant et de le

remettre agrave la naissance agrave ce couple qui lrsquoindemnisera des contraintes et de la gecircne occasionneacutee

par la grossesse de sorte que la juridiction du second degreacute aurait violeacute les articles 3 et 7 de la

loi du 1er juillet 1901

Mais attendu qursquoil reacutesulte des constatations des juges du fond que lrsquoobjet mecircme de

lrsquoassociation est de favoriser la conclusion et lrsquoexeacutecution de conventions qui fussent-elles

verbales portent tout agrave la fois sur la mise agrave la disposition des demandeurs des fonctions

reproductrices de la megravere et sur lrsquoenfant agrave naicirctre et sont donc nulles en application de lrsquoarticle

1128 du Code civil que ces conventions contreviennent au principe drsquoordre public de

lrsquoindisponibiliteacute de lrsquoeacutetat des personnes en ce qursquoelles ont pour but de faire venir au monde un

enfant dont lrsquoeacutetat ne correspondra pas agrave sa filiation reacuteelle au moyen drsquoune renonciation et

drsquoune cession eacutegalement prohibeacutees des droits reconnus par la loi agrave la future megravere que

lrsquoactiviteacute de lrsquoassociation qui tend deacutelibeacutereacutement agrave creacuteer une situation drsquoabandon aboutit agrave

deacutetourner lrsquoinstitution de lrsquoadoption de son veacuteritable objet qui est en principe de donner une

famille agrave un enfant qui en est deacutepourvu que crsquoest degraves lors agrave bon droit que lrsquoarrecirct attaqueacute a

deacutecideacute sur le fondement de lrsquoarticle 3 de la loi du 1er juillet 1901 que cette association eacutetait

nulle en raison de lrsquoilliceacuteiteacute de son objet que la premiegravere branche du moyen est donc sans

fondement

Et sur les deuxiegraveme et troisiegraveme branches du moyen

Attendu qursquoil est fait grief agrave la cour drsquoappel de nrsquoavoir pas reacutepondu aux conclusions faisant

valoir drsquoune part que lrsquointerdiction du ldquo don de gestation ldquo constituait une discrimination

fondeacutee sur la naissance contraire aux dispositions de lrsquoarticle 24 du pacte international relatif

aux droits civils et politiques signeacute agrave New York le 19 deacutecembre 1966 et drsquoautre part que ce ldquo

don de gestation ldquo reposait sur le droit leacutegitime de fonder une famille qui implique le droit

drsquoengendrer reconnu tant par lrsquoarticle 12 de la convention europeacuteenne des droits de lrsquohomme

et des liberteacutes fondamentales du 4 novembre 1950 que par lrsquoarticle 23 du pacte international

preacuteciteacute

Mais attendu que la reconnaissance du caractegravere illicite de la materniteacute pour autrui et des

associations qui srsquoefforcent de la promouvoir qui se deacuteduit des principes geacuteneacuteraux du Code

civil et de regravegles qui sont communes agrave toutes les filiations nrsquoest pas de nature agrave instaurer une

discrimination fondeacutee sur la naissance que le droit de se marier et de fonder une famille

reconnu par lrsquoarticle 12 de la convention du 4 novembre 1950 et par lrsquoarticle 23 du pacte

international du 19 deacutecembre 1966 agrave lrsquohomme et agrave la femme en acircge nubile nrsquoimplique pas le

droit de conclure avec un tiers des conventions portant sur le sort drsquoun enfant agrave naicirctre que

par ces motifs de droit reacutepondant aux conclusions invoqueacutees lrsquoarrecirct se trouve leacutegalement

justifieacute et que les deuxiegraveme et troisiegraveme branches du moyen ne peuvent ecirctre accueillies

PAR CES MOTIFS

REJETTE le pourvoi

Publication Bulletin 1989 I Ndeg 387 p 260

Deacutecision attaqueacutee Cour drsquoappel drsquoAix-en-Provence du 29 avril 1988

39

Cour de cassation Assembleacutee pleacuteniegravere

Audience publique du 31 mai 1991

Ndeg de pourvoi 90-20105 Publieacute au bulletin

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Sur le pourvoi dans lrsquointeacuterecirct de la loi formeacute par M le Procureur geacuteneacuteral pregraves la Cour de

Cassation

Vu les articles 6 et 1128 du Code civil ensemble lrsquoarticle 353 du mecircme Code

Attendu que la convention par laquelle une femme srsquoengage fucirct-ce agrave titre gratuit agrave concevoir

et agrave porter un enfant pour lrsquoabandonner agrave sa naissance contrevient tant au principe drsquoordre

public de lrsquoindisponibiliteacute du corps humain qursquoagrave celui de lrsquoindisponibiliteacute de lrsquoeacutetat des

personnes

Attendu selon lrsquoarrecirct infirmatif attaqueacute que Mme X eacutepouse de M Y eacutetant atteinte drsquoune

steacuteriliteacute irreacuteversible son mari a donneacute son sperme agrave une autre femme qui inseacutemineacutee

artificiellement a porteacute et mis au monde lrsquoenfant ainsi conccedilu qursquoagrave sa naissance cet enfant a

eacuteteacute deacuteclareacute comme eacutetant neacute de Y sans indication de filiation maternelle

Attendu que pour prononcer lrsquoadoption pleacuteniegravere de lrsquoenfant par Mme Y lrsquoarrecirct retient

qursquoen lrsquoeacutetat actuel des pratiques scientifiques et des moeurs la meacutethode de la materniteacute

substitueacutee doit ecirctre consideacutereacutee comme licite et non contraire agrave lrsquoordre public et que cette

adoption est conforme agrave lrsquointeacuterecirct de lrsquoenfant qui a eacuteteacute accueilli et eacuteleveacute au foyer de M et

Mme Y pratiquement depuis sa naissance

Qursquoen statuant ainsi alors que cette adoption nrsquoeacutetait que lrsquoultime phase drsquoun processus

drsquoensemble destineacute agrave permettre agrave un couple lrsquoaccueil agrave son foyer drsquoun enfant conccedilu en

exeacutecution drsquoun contrat tendant agrave lrsquoabandon agrave sa naissance par sa megravere et que portant atteinte

aux principes de lrsquoindisponibiliteacute du corps humain et de lrsquoeacutetat des personnes ce processus

constituait un deacutetournement de lrsquoinstitution de lrsquoadoption la cour drsquoappel a violeacute les textes

susviseacutes

PAR CES MOTIFS

CASSE ET ANNULE mais seulement dans lrsquointeacuterecirct de la loi et sans renvoi lrsquoarrecirct rendu le

15 juin 1990 par la cour drsquoappel de Paris

REQUETE DE M LE PROCUREUR GENERAL PRES LA COUR DE CASSATION

Le Procureur geacuteneacuteral pregraves la Cour de Cassation a lrsquohonneur drsquoexposer

- Que par jugement du 28 juin 1989 le tribunal de grande instance de Paris a rejeteacute la requecircte

preacutesenteacutee par Mme X eacutepouse Y tendant agrave lrsquoadoption pleacuteniegravere de lrsquoenfant Z deacuteclareacutee

comme eacutetant neacutee de M Y mari de la requeacuterante sans indication de filiation maternelle

- Que pour ne pas faire droit agrave cette requecircte les premiers juges ont retenu que les eacutepoux Y

pour remeacutedier agrave la steacuteriliteacute de leur couple avaient eu recours agrave lrsquoassociation Alma Mater

aujourdrsquohui dissoute lrsquoenfant eacutetant neacute drsquoune megravere de substitution qui lrsquoa abandonneacute agrave la

naissance pratique deacuteclareacutee illicite

- Que sur appel de Mme Y la premiegravere chambre civile section C de la cour drsquoappel de

Paris a par arrecirct du 15 juin 1990 infirmeacute la deacutecision entreprise et prononceacute lrsquoadoption

pleacuteniegravere solliciteacutee par la requeacuterante

- Qursquoau soutien de leur deacutecision devenue deacutefinitive les juges du second degreacute ont tireacute de nos

principes geacuteneacuteraux relatifs agrave la filiation des regravegles drsquoordre public concernant les contrats et de

40

certaines conventions ou deacuteclarations internationales des conclusions contraires agrave celles

auxquelles eacutetait parvenue votre premiegravere chambre civile de la Cour de Cassation qui dans un

cas de figure pratiquement identique a par arrecirct du 13 deacutecembre 1989 (association Alma

Mater contre procureur geacuteneacuteral Aix-en-Provence) reconnu le caractegravere illicite de la materniteacute

pour autrui et les associations qui srsquoefforcent de la promouvoir

- Qursquoil importe en cette matiegravere particuliegraverement sensible qui touche agrave un deacutelicat problegraveme de

socieacuteteacute et drsquoeacutethique que soit mis fin agrave des divergences jurisprudentielles majeures et que la

seacutecuriteacute juridique soit assureacutee

PAR CES MOTIFS

Vu lrsquoarticle 17 de la loi du 3 juillet 1967 relative agrave la Cour de Cassation

Requiert qursquoil plaise agrave la Cour de Cassation

CASSE ET ANNULE sans renvoi et dans le seul inteacuterecirct de la loi lrsquoarrecirct rendu le 15 juin 1990

par la cour drsquoappel de Paris ayant fait droit agrave la requecircte en adoption pleacuteniegravere preacutesenteacutee par

Mme X eacutepouse Y

Publication Bulletin 1991 AP Ndeg 4 p 5

Deacutecision attaqueacutee Cour drsquoappel de Paris du 15 juin 1990

Page 27: SEANCE_3 Droit Civil Methodologie

27

A Le caractegravere illicite de la convention de megravere porteuse

La megravere porteuse met en effet agrave mal le scheacutema classique de la famille On affirmait en Droit

romain que la megravere eacutetait sucircre et que le pegravere eacutetait le mari Le Code napoleacuteon a enteacuterineacute cette

conception Dire que lenfant possegravede une megravere geacuteneacutetique et une megravere uteacuterine va agrave lencontre

de ses dispositions (2)

Pris au deacutepourvu le leacutegislateur franccedilais a tardeacute agrave reacuteagir face aux progregraves scientifiques Il en

est reacutesulteacute un vide juridique auquel la jurisprudence sest efforceacutee de faire face Devant cette

heacutesitation bien compreacutehensible du droit les ressources de la morale de la deacuteontologie et

surtout de la bioeacutethique ont eacuteteacute solliciteacutees (3) Le Conseil dEtat confronteacute aux associations

voulant intervenir dans ce domaine a ainsi prononceacute la dissolution de ces associations pour

objet illicite (4) Le 13 deacutecembre 1989 la premiegravere chambre civile de la Cour de cassation a

releveacute le principe dindisponibiliteacute du corps humain par une interpreacutetation a contrario de

larticle 1128 du Code civil qui dispose qu laquo il ny a que les choses qui sont dans le

commerce qui puissent ecirctre lobjet des conventions raquo La personne ne dispose pas de son

corps elle nen est pas proprieacutetaire (5) Le 31 mai 1991 lassembleacutee pleacuteniegravere de la Cour de

cassation vise les articles 6 1128 et 353 du Code civil afin daffirmer le caractegravere illicite de la

convention conclue entre une megravere porteuse et un couple steacuterile En effet ce contrat porte sur

deux corps humains la megravere et lenfant (6)

Rapidement le leacutegislateur est venu leacutegifeacuterer dans ce sens avec la loi no 94-653 du 29 juillet

1994 relative agrave la bioeacutethique pour que le Code civil reconnaisse le corps humain en tant que

tel Cette loi prend deacutesormais explicitement en compte le corps humain parce quil a voulu

promouvoir son respect face au deacuteveloppement des sciences biomeacutedicales Cette loi a entraicircneacute

la modification et la creacuteation darticles dans le Code civil et le Code peacutenal

Le principe du respect de la digniteacute de la personne humaine est poseacute par larticle 16 du Code

civil laquo La loi assure la primauteacute de la personne interdit toute atteinte agrave la digniteacute de celle-ci

et garantit le respect de lecirctre humain degraves le commencement de sa vie raquo Le nouvel article 16-1

preacutevoit que laquo Chacun a droit au respect de son corps Le corps humain est inviolable Le

corps humain ses eacuteleacutements et ses produits ne peuvent faire lobjet dun droit patrimonial raquo

Par conseacutequent selon larticle 16-5 laquo Les conventions ayant pour effet de confeacuterer une

valeur patrimoniale au corps humain agrave ses eacuteleacutements ou agrave ses produits sont nulles raquo De mecircme

quand une personne accepte de donner son sang ce ne peut ecirctre quagrave titre beacuteneacutevole Enfin

larticle 16-7 dispose mecircme laquo Toute convention portant sur la procreacuteation ou la gestation

pour le compte dautrui est nulle raquo (7)

En outre cette interdiction est assortie dune sanction peacutenale pouvant aller jusquagrave un an

demprisonnement et 15 000 euro damende pour celui qui sentremet ou tente de sentremettre

entre une personne ou un couple deacutesireux daccueillir un enfant et une femme acceptant de

porter en elle cet enfant en vue de le leur remettre Lorsque ces faits ont eacuteteacute commis agrave titre

habituel ou dans un but lucratif les peines sont porteacutees au double (8)

En deacutepit de la reacutesistance de quelques juges du fond qui ont admis ladoption la Cour de

cassation na pas infleacutechi sa position (9) Elle sest reacutecemment opposeacutee agrave ladoption simple

dun enfant par un couple homosexuel estimant cette adoption contraire agrave laquo linteacuterecirct supeacuterieur

de lenfant raquo (10)

28

Analyseacutes dans le contexte de ces deacutecisions les deux principes de lilliceacuteiteacute des conventions et

de lindisponibiliteacute du corps humain expriment une mecircme ideacutee la condamnation dune

convention qui porte sur le corps humain celui de lenfant agrave naicirctre et celui de la femme qui la

conccedilu et porteacute

Toutefois les motifs adopteacutes par la Cour de cassation savegraverent dune extrecircme faiblesse En

effet ces motifs sont lieacutes agrave lilliceacuteiteacute de lobjet des conventions agrave lindisponibiliteacute du corps

humain ainsi quagrave lindisponibiliteacute de leacutetat des personnes (11) Pourtant les lois dites laquo

bioeacutethiques raquo du 29 juillet 1994 puis la loi du 6 aoucirct 2004 (12) relative agrave la bioeacutethique ont

admis lutilisation des eacuteleacutements et des produits du corps humain agrave des fins theacuterapeutiques ou

scientifiques Effectivement une loi en date du 24 janvier 1953 deacutetermine laquo les tarifs de

cession du sang raquo Les dispositions sont aujourdhui dans le Code de la santeacute publique Degraves

lors on peut donner ses gamegravetes ses organes son sang Il semble que plus quune approche

anthropologique des sciences meacutedicales (qui conduiraient agrave une ineacutevitable instrumentalisation

du corps des hommes) il existerait ce que nous appelons une technoscience laquo de linvisible

raquo que seul le droit accepte de leacutegitimer (13)

Par ailleurs la terminologie employeacutee par le leacutegislateur de 1994 est eacuteloquente Cest

certainement parce que le principe dindisponibiliteacute du corps humain sest aveacutereacute irreacutealiste videacute

de sa substance par le nombre et limportance de ses exceptions que le leacutegislateur lui a preacutefeacutereacute

celui de non-patrimonialiteacute qui figure aujourdhui aux articles 16-1 16-5 et 16-6 du Code

civil Il est donc possible de disposer de son corps agrave titre de dons dans les limites de la loi

(14)

Pour conclure sur ce point il sera emprunteacute les propos de Mme Mayer-Jack laquo

Malheureusement si ce principe dindisponibiliteacute du corps humain possegravede les qualiteacutes trop

rares decirctre nettement formuleacute et universellement admis il apparaicirct agrave la reacuteflexion frappeacute dun

vice radical il se reacutevegravele contraire aux faits raquo (15)

B La nulliteacute de ladoption

En matiegravere de materniteacute de substitution lenfant reste au coeur du deacutebat Il est laquo lobjet raquo de la

convoitise du couple demandeur et lobjet de la convention En vue de permettre

leacutetablissement dune filiation adoptive deux processus eacutetaient suivis par lesdits couples

processus que la Cour de cassation sempressa dinterdire agrave son tour

1 Le contournement aveacutereacute de la loi par les couples restant en France

En effet le processus se deacuteroulait en trois eacutetapes dans un premier temps lembryon issu des

gamegravetes du couple ou du mari et de la femme porteuse eacutetait implanteacute dans luteacuterus de cette

derniegravere La megravere porteuse suivait sa grossesse normalement notamment au regard du suivi

meacutedical (16) Ensuite elle accouchait anonymement La leacutegislation autorise les

accouchements laquo sous X raquo et reconnaicirct ainsi aux parturientes le droit de ne pas ecirctre megraveres si

elles ne le deacutesirent ou ne le peuvent pas Le pegravere fournisseur de sperme quant agrave lui effectuait

une reconnaissance preacutenatale de lenfant A sa naissance il le reconnaissait Lenfant avait

donc un pegravere mais sans indication de la filiation maternelle Enfin leacutepouse de ce dernier

adoptait de maniegravere pleacuteniegravere lenfant Leacutetat de mariage de la megravere porteuse ne changeait rien

puisque laccouchement anonyme empecircchait que le mari soit consideacutereacute comme pegravere preacutesumeacute

29

Depuis larrecirct Alma Mater (17) nous savons que la convention de materniteacute de substitution

est nulle car contrevenant agrave lordre public (18) Mais jusqualors la jurisprudence avait eu le

soin de dissocier convention et adoption Toute convention portant sur la procreacuteation ou la

gestation pour le compte dautrui eacutetant nulle la convention de megravere porteuse ayant permis la

naissance de lenfant en cause est donc incontestablement frauduleuse Degraves lors la possession

deacutetat sur laquelle les demandeurs se fondent pour voir eacutetablir un lien de filiation leacutegitime agrave

leur profit et lacte de notorieacuteteacute quils ont ainsi obtenu sont eux-mecircmes vicieacutes et ne peuvent

donc permettre leacutetablissement dun tel lien Par ailleurs la Convention de New York sur les

droits de lenfant garantit notamment agrave celui-ci laccegraves agrave ses origines Or lapplication de la

convention frauduleuse aurait pour effet de consacrer un mensonge lacte de naissance qui

serait eacutetabli sur le fondement de cette convention aboutirait en effet agrave nier totalement les

conditions dans lesquelles lenfant a eacuteteacute conccedilu En conseacutequence les demandeurs ne pourront

se preacutevaloir de la possession deacutetat vicieacutee pour obtenir la retranscription de lacte de notorieacuteteacute

sur lacte de naissance de lenfant (19) Ainsi la prohibition de la convention a entraicircneacute dans

son sillage une impossibiliteacute dadoption par leacutepouse du pegravere (20) Il y a deacutetournement de

linstitution de ladoption pleacuteniegravere en ce que lenfant a eacuteteacute conccedilu pour ecirctre abandonneacute par sa

megravere et adopteacute par une autre (21)

Il en reacutesulte que cest labandon de lenfant qui rend impossible ladoption par leacutepouse du

mari Or labandon de lenfant constitue deacutejagrave une deacutemarche parfaitement licite et reacuteglementeacutee

par la loi Il suffit pour sen convaincre de lire attentivement les textes adeacutequats agrave savoir les

articles 61 et 62 du Code de la famille et de laide sociale 348-3 et 350 du Code civil et 1158

agrave 1163 du Code de proceacutedure civile Il suffit agrave la megravere et plus geacuteneacuteralement agrave la personne

investie des droits parentaux de confier 1enfant agrave un eacutetablissement ou agrave un service de laide

sociale agrave 1enfance (ASF) ou mecircme agrave un particulier puis de sen deacutesinteacuteresser

manifestement pendant une anneacutee nentretenant avec lui aucune relation neacutecessaire au

maintien de liens affectifs Le tribunal de grande instance peut degraves lors sauf agrave prendre en

consideacuteration le cas exceptionnel de grande deacutetresse du parent deacutefaillant deacuteclarer 1enfant

abandonneacute agrave la requecircte de tout inteacuteresseacute et notamment de leacutetablissement service ou famille

daccueil (22) laquo On cesse dinterdire une pratique non pas lorsquelle se deacuteveloppe mais

lorsquon ne sait plus pourquoi elle est interdite raquo (23)

Dailleurs une contradiction engendre ce refus dadoption En effet laquo consideacuterer ladoption

indissociable de la convention revient agrave ne voir lenfant que comme lobjet de cette convention

raquo (24) Ainsi les parents ont pu eacutetablir anteacuterieurement agrave la naissance le processus dont

ladoption est laquo lultime phase raquo Mais ce processus nest pas fait dans lintention de nuire agrave

lenfant Alors comment comprendre la seacuteveacuteriteacute afficheacutee de la Cour de cassation

Traiter lenfant comme une veacuteritable personne implique de dissocier la convention ougrave il

nintervient pas et ladoption dont il est partie prenante et mecircme partie principale Il faut

sinterroger sur son inteacuterecirct propre quitte agrave le confronter ensuite agrave ceux auxquels il soppose

(25)

2 Lexpansion du tourisme procreacuteatif

La dispariteacute des regravegles nationales agrave propos de la gestation pour autrui a conduit certains

couples agrave se rendre agrave leacutetranger pour pouvoir avoir recours agrave une megravere porteuse on parle

deacutesormais de laquo tourisme procreacuteatif raquo (26)

30

Lagrave encore le processus deacutebute par une inseacutemination artificielle mais les pays ayant leacutegaliseacute la

gestation pour le compte dautrui permettent par ailleurs que lembryon inseacutemineacute dans

luteacuterus de la femme soit issu de la rencontre des gamegravetes des deux parents demandeurs

Lenfant est donc geacuteneacutetiquement lenfant du couple Il a pour parent degraves sa naissance le

couple demandeur il porte leur nom et le preacutenom quils lui ont choisi Mais pour exister en

France il est neacutecessaire de recourir agrave une transcription sur les registres de leacutetat civil franccedilais

de lacte de naissance eacutetranger Lagrave encore la seacuteveacuteriteacute est de mise puisque le parquet de

Nantes qui a en charge la transcription des eacutetats civils venant de leacutetranger refuse

systeacutematiquement cette transcription qui nest pas conforme agrave la leacutegislation franccedilaise (27)

Les magistrats ont eacuteteacute confronteacutes agrave ces situations ougrave la megravere commanditaire deacutesirait eacutetablir un

lien de filiation entre elle et lenfant issu de la convention de materniteacute de substitution

Tel est par exemple le cas qui a eacuteteacute trancheacute par la cour dappel de Rennes le 4 juillet 2002

(28) Dans cet arrecirct la cour dappel a rejeteacute ladoption des enfants par un couple qui a conclu

en Californie une convention portant sur la gestation dun embryon issu de leurs propres

gamegravetes La cour relegraveve que laquo la loi franccedilaise ne donne pas une deacutefinition de la megravere raquo cette

notion est inscrite dans les mentaliteacutes depuis des siegravecles par ladage Mater semper certa est

Cest laccouchement qui deacutetermine la megravere et non la seule reacutealiteacute geacuteneacutetique

Cette jurisprudence installeacutee depuis le ceacutelegravebre arrecirct de lassembleacutee pleacuteniegravere du 31 mai 1991

constitue une atteinte directe agrave linteacuterecirct de lenfant Ce dernier est priveacute de toute filiation

maternelle leacutegalement reconnue et ce sans beacuteneacutefice pour personne (29)

Malheureusement en raison de cette solution les deux enfants sont acircgeacutes de sept ans et vivent

aupregraves de leur pegravere naturel et de sa compagne dont la materniteacute ne peut leacutegalement ecirctre eacutetablie

(30)

Cette jurisprudence preacutesente un point faible Selon larticle 353 du Code civil le tribunal de

grande instance saisi dune requecircte aux fins dadoption pleacuteniegravere veacuterifie si les conditions de

la loi sont remplies et si ladoption est conforme agrave linteacuterecirct de lenfant Or en loccurrence

le preacutetendu droit de lenfant ne coiumlncide pas avec son inteacuterecirct seul mis en avant dans 1article

353 du Code civil Le refus par la cour dappel de prononcer ladoption pleacuteniegravere a priveacute les

deux enfants (au nom de leur droit aussi eacuteminent que symbolique agrave la non-chosification) dun

avantage concret et primordial leur admission au statut denfants leacutegitimes de leurs vrais

parents geacuteneacutetiques (31) Simples enfants naturels ou adulteacuterins de leur pegravere ils demeureront

sans lien de filiation maternelle Un tel problegraveme meacuterite que les juridictions se penchent au

moins sur lui (32) La protection de linstitution de ladoption sopegravere au deacutetriment du droit

reconnu agrave lenfant deacutetablir sa filiation par le biais dune discrimination fondeacutee sur les

circonstances de sa naissance (33) La jurisprudence nous semble aller agrave lencontre des

engagements internationaux contracteacutes par la France (34)

II Leacutevolution des mentaliteacutes vers une leacutegislation plus souple

Jusquagrave preacutesent la jurisprudence a toujours interdit ladoption des enfants par des couples

ayant eu recours agrave la gestation pour autrui consideacuterant quil sagit dun deacutetournement de

linstitution de ladoption (35)

Un grand quotidien Libeacuteration reacutevegravele que la cour dappel de Paris a reconnu comme parents

leacutegitimes de jumelles un couple franccedilais ayant fait appel agrave une megravere porteuse ameacutericaine

31

Une chose est sucircre cet arrecirct a le meacuterite douvrir le deacutebat et de poser la question de linteacuterecirct de

lenfant comme exception agrave lindisponibiliteacute de leacutetat des personnes et agrave linterdiction de la

pratique des megraveres porteuses (A) Lorsque lon accepte une loi eacutetrangegravere qui a eacuteteacute appeleacutee au

secours pour contourner la loi franccedilaise la modification de la loi franccedilaise nest pas loin (B)

A Lassouplissement de la jurisprudence

Dans laffaire porteacutee devant la cour dappel de Paris que nous avons abordeacutee rapidement

preacuteceacutedemment un couple dont la femme ne peut assurer la gestation en raison dune

malformation congeacutenitale se rend en Californie ougrave il conclut une convention portant sur la

gestation dun embryon issu de leurs propres gamegravetes Des jumelles naissent de cette

convention Le droit californien fait abstraction du deacutefaut daccouchement La concubine est

inscrite comme megravere dans les registres de naissance de Californie Quelques semaines plus

tard le couple reconnaicirct les enfants en France Mais agrave leur retour dans lHexagone ils sont

placeacutes en garde agrave vue puis mis en examen pour laquo entremise entre une personne deacutesireuse

dadopter un enfant et un parent deacutesireux dabandonner son enfant neacute ou agrave naicirctre raquo et pour laquo

simulation ayant entraicircneacute une atteinte agrave leacutetat civil de lenfant raquo

En 2004 le juge dinstruction rend un non-lieu sur les poursuites peacutenales les faits seacutetant

deacuterouleacutes dans un pays ougrave cette pratique est leacutegale Le parquet a alors continueacute son offensive

sur le terrain civil et chercheacute agrave faire annuler la filiation et la transcription sur leacutetat civil Le

tribunal de grande instance a deacuteclareacute cette demande irrecevable en deacutecembre 2005 Une

deacutecision rendue par la cour dappel de Paris confirme ce jugement le 25 octobre dernier apregraves

avoir estimeacute que laquo La non-transcription des actes de naissances aurait des conseacutequences

contraires agrave linteacuterecirct supeacuterieur des enfants qui au regard du droit franccedilais se verraient priveacutes

dactes deacutetat civil indiquant leur lien de filiation y compris agrave leacutegard de leur pegravere biologique

raquo

La question sera deacutesormais soumise agrave la Cour de cassation qui a deacutejagrave pris des deacutecisions

progressistes dans des questions relatives au droit de la famille notamment dans linteacuterecirct de

lenfant Elle a ainsi fait le 24 feacutevrier 2006 un pas important vers la reconnaissance de

lhomoparentaliteacute en autorisant quun parent homosexuel deacutelegravegue tout ou partie de son

autoriteacute parentale agrave son partenaire avec lequel il vit en union stable agrave condition que cette

mesure soit prise dans linteacuterecirct supeacuterieur de lenfant (36)

Le plus important reacuteside dans le fait que la cour dappel de Paris a estimeacute que la non-

transcription sur les actes de naissance aurait des conseacutequences contraire agrave llaquo inteacuterecirct de

lenfant raquo Depuis longtemps linteacuterecirct de lenfant est au centre du droit de la famille et depuis

quelques anneacutees celui-ci devient veacuteritablement la pierre angulaire de cette discipline (37)

Dans un arrecirct du 18 mai 2005 la premiegravere chambre civile de la Cour de cassation preacutecise au

visa de larticle 3-1 de la Convention relative aux droits de lenfant que laquo dans toutes les

deacutecisions qui concernent les enfants linteacuterecirct supeacuterieur de lenfant doit ecirctre une

consideacuteration primordiale raquo (38) Mais que faut-il entendre par inteacuterecirct supeacuterieur de lenfant

(39)

Bien que le nouvel article L 112-4 du Code de laction sociale et des familles (40) et larticle

371-1 du Code civil semblent deacutefinir les eacuteleacutements constitutifs de cette notion llaquo inteacuterecirct de

lenfant raquo reste un concept assez flou que le leacutegislateur et les juges se gardent bien de deacutefinir

preacuteciseacutement on ne peut limiter linteacuterecirct supeacuterieur de lenfant agrave la protection de sa santeacute de sa

seacutecuriteacute et de sa moraliteacute Certes ces eacuteleacutements sont les bases de linteacuterecirct de lenfant mais

32

puisque celui-ci peut deacutepasser le strict cadre du droit de lautoriteacute parentale voire du droit de

la famille cette vision serait bien trop reacuteductrice

Le sens de cette notion peut encore sobscurcir si lon considegravere quelle peut se confondre avec

dautres concepts voisins Larticle 371-5 doit ainsi conduire agrave distinguer linteacuterecirct de lenfant de

celui de la fratrie En effet si celle-ci a inteacuterecirct agrave rester unie certaines circonstances permettent

deacutecarter un de ses membres dans son inteacuterecirct exclusif

Un amendement proposait cependant agrave la suite du nouvel article L 112-4 du Code de laction

sociale et des familles une deacutefinition inteacuteressante laquo Linteacuterecirct supeacuterieur de lenfant est deacutefini

comme lassurance de la protection de sa seacutecuriteacute personnelle et affective lassurance dun

contexte familial permettant un bon deacuteveloppement physique intellectuel affectif et social

lassurance dune relation dattachement parental permettant de se construire Linteacuterecirct

supeacuterieur de lenfant tel que deacutefini constitue son projet de vie raquo (41)

On ne peut que se feacuteliciter de la mise en avant de linteacuterecirct de lenfant pour deacuteroger agrave la sacro-

sainte interdiction des megraveres porteuses car il est vrai quil ne faut pas oublier que limportant

reste dabord et avant tout lenfant qui a et doit avoir une place centrale au sein de la famille

On peut envisager que cette reacutecente jurisprudence puisse influencer la reacuteflexion sur le recours

aux laquo megraveres porteuses raquo sur le territoire national qui conduise agrave une eacutevolution de la loi

B Vers une eacutevolution de la loi

Alors que la France interdit la laquo gestation pour autrui raquo cette pratique a eacuteteacute leacutegaliseacutee dans de

nombreux pays La France a donc une leacutegislation moins libeacuterale que dautres leacutegislations

nationales La pratique de la gestation pour autrui est notamment autoriseacutee aux Etats-Unis au

Canada en Australie et dans plusieurs pays de lUnion europeacuteenne (Espagne et Belgique

Gregravece et Royaume-Uni notamment) (42) La question de la leacutegalisation des megraveres porteuses

est tregraves controverseacutee en France et demanderait un strict encadrement (43)

On enseigne habituellement que les questions deacutetat ne peuvent deacutependre de la seule volonteacute

individuelle Leacutetat des personnes - le droit de la filiation en particulier - eacutechapperait aux

conventions Mais ce principe nest plus si absolu Leacutevolution contemporaine reacuteduit laspect

institutionnel Une place nettement importante a eacuteteacute faite dans lorganisation des relations

familiales agrave la volonteacute individuelle laquo Laccroissement du pouvoir des volonteacutes individuelles

dans le droit de la famille est une marque essentielle de ce droit raquo (44) Dougrave la justesse de

lexpression laquo contractualisation du droit de la famille raquo Le rocircle de la volonteacute individuelle

tend agrave ecirctre de plus en plus important (45) Tel est le cas du divorce du PACS et du mariage

La procreacuteation nest plus la finaliteacute avec larriveacutee en force dans des pays voisins du mariage

homosexuel

Une certaine eacutevolution des mentaliteacutes ainsi que la dispariteacute entre la loi franccedilaise et dautres

leacutegislations nationales pourraient bien donner lieu agrave un assouplissement de cette leacutegislation

(46)

La gestation pour autrui permet de pallier certaines formes de steacuteriliteacute feacuteminine en raison

dune absence ou dune deacuteformation duteacuterus de conseacutequences de cancer ou reacutesultant dune

hysteacuterectomie de fausses couches reacutepeacuteteacutees dune contre-indication meacutedicale agrave la grossesse ou

de nombreux eacutechecs de feacutecondations in vitro (47) Dans ce cas on implante les gamegravetes des

parents geacuteneacutetiques dans le ventre de la megravere porteuse

33

Un autre argument favorable agrave cette pratique est la certitude apaisante pour le couple steacuterile

de ce que lenfant porteacute en uteacuterus tiers nen sera pas moins leur veacuteritable enfant geacuteneacutetique

puisque conccedilu agrave partir de leurs propres gamegravetes

De plus il faut deacutenoncer une incoheacuterence Une femme empecirccheacutee par la loi de donner avant

sa grossesse agrave un couple agreacuteeacute par elle lenfant quelle portera moyennant eacutequitable

reacutecompense possegravede en revanche le droit discreacutetionnaire de labandonner une fois neacute au

hasard des eacutetablissements ou du service de lASE ou pis encore de recourir agrave une

interruption volontaire de grossesse pendant les douze premiegraveres semaines (48)

La possession deacutetat repreacutesente une valeur humaine et sociale qui doit ecirctre prise en compte en

tant que telle Comme lont joliment affirmeacute M Hauser et Mme Huet-Weiller laquo elle est la

veacuteriteacute des sentiments la veacuteriteacute du coeur tout aussi respectable sinon plus que celle des

registres deacutetat ou mecircme de nos gegravenes raquo (49) Ainsi on peut ecirctre favorable agrave cette reacuteflexion

sous certains reacuteserves

Tout dabord le couple demandeur devait avoir plus de 18 ans et linfertiliteacute devrait ecirctre

meacutedicalement eacutetablie Ensuite seule lutilisation des gamegravetes (sperme et ovocytes) du couple

serait autoriseacutee afin deacuteviter que la gestatrice soit aussi la megravere biologique de lenfant (pour

eacuteviter des liens trop forts eacutetablis entre elle et le beacutebeacute)

De son cocircteacute la megravere porteuse devait avoir plus de 18 ans et accepter de subir des tests divers

avant la grossesse Elle serait la seule agrave donner un consentement valable concernant la gestion

de sa grossesse et elle abandonnerait ses droits parentaux agrave la naissance de lenfant tout en

assistant le couple demandeur lors de la deacutelivrance du certificat de naissance Le

consentement devrait aussi ecirctre obtenu par un entretien psychologique meacutedical et juridique

Seul le juge pourrait donner laccord au deacutebut du processus Le couple demandeur devait

sengager agrave assumer la garde de lenfant degraves sa naissance afin deacuteviter soit une non-remise

denfant soit un refus de lenfant - par exemple en cas de handicap

Concernant la reacutemuneacuteration de la megravere porteuse la marchandisation est inacceptable Les

intermeacutediaires reacutemuneacutereacutes seraient interdits Le principe du volontariat et de la gratuiteacute sont

essentiels le don de vie (50)

Enfin il ne sagirait pas de reacutemuneacuteration mais de compensation financiegravere destineacutee agrave

deacutedommager les inconveacutenients lieacutes agrave la grossesse sur la base de la loi laquo Huriet raquo (loi sur la

recherche meacutedicale avec volontaires sains) Le couple demandeur devrait prendre agrave sa charge

les deacutepenses meacutedicales leacutegales et psychologiques ainsi quun montant raisonnable alloueacute agrave la

megravere porteuse pour subvenir agrave ses besoins Les juges appreacutecieraient librement ce que peut ecirctre

un montant laquo raisonnable raquo sans que cela puisse jamais ecirctre consideacutereacute comme une laquo vente raquo

denfant

(1) B Debreacute et S Agacinski laquo Faut-il leacutegaliser les megraveres porteuses en France raquo Le Figaro Magazine du samedi 10 novembre 2007 p 50

34

(2) G David laquo Don et utilisation du sperme raquo in Actes du colloque Geacuteneacutetique procreacuteation et

droit Actes sud 1985 p 205 G-M Faure Le deacutesir denfant agrave leacutepreuve du droit Essai sur le droit de la procreacuteation meacutedicalement assisteacutee Thegravese Universiteacute de Lille 1992 p 7

(3) G Lebreton Liberteacutes publiques et droits de lhomme 6e eacuted Armand Colin 2003 p 262

(4) CE 22 janvier 1988 Lebon 1988 p 37

(5) La Cour de cassation a enteacuterineacute la position de la cour dappel de Paris pour laquelle laquo ni laltruisme du comportement de la megravere de substitution ni le caractegravere deacutesinteacuteresseacute des activiteacutes de lassociation ne sont propres agrave faire disparaicirctre lilliceacuteiteacute qui frappe laccord litigieux raquo Cass civ 1re 13 deacutecembre 1989 Bull civ I no 387 Defreacutenois 1990 art 34802 no 55 obs J-L Aubert D 1990 p 273 JCP eacuted G 1990 II 21526 note A Seacuteriaux propos recueillis par C Slobodansky laquo Le droit doit limiter les progregraves de la science raquo LPA du 7 mai 2004 no 92 p 60

(6) laquo La convention par laquelle une femme sengage fucirct-ce agrave titre gratuit agrave concevoir et porter un enfant pour labandonner agrave sa naissance contrevient tant au principe dordre public de lindisponibiliteacute du corps humain quagrave celui de lindisponibiliteacute de leacutetat des personnes raquo Cass ass pleacuten 31 mai 1991 Bull civ ass pleacuten no 4 Defreacutenois 1991 art 35142 no 103 obs J-L Aubert Defreacutenois 1991 art 35088 no 67 note J Massip RTD civ 1991 p 517 obs D Huet-Weiller et p 489 note M Gobert M Gobert laquo Reacuteflexions sur les sources du droit et les

principes dindisponibiliteacute du corps humain et de leacutetat des personnes agrave propos de la materniteacute de substitution raquo RTD civ 1992 p 489 et s speacutec p 501 dans ce sens v deacutejagrave les remarques de P Murat laquo Laction de lordonnance du 4 juillet 2005 sur la possession deacutetat raquo Dr Famille 2006 eacutetude no 6 speacutec no 7 V aussi J Massip laquo Linsertion dans le Code civil de dispositions relatives au corps humain agrave lidentification geacuteneacutetique et agrave la procreacuteation meacutedicalement assisteacutee raquo Defreacutenois 1995 art 35975 et 35992

(7) En ce sens V Depadt-Sebag laquo De la neacutecessiteacute dune reacuteforme de larticle 16-7 du Code civil relatif agrave linterdiction de gestation pour autrui raquo RGD meacuted 2004 no 12 p 135 et s

(8) Art 227-12 et s C peacuten

(9) CA Paris 1re feacutevrier 2001 RTD civ 2001 p 347 obs J Hauser Cass civ 1re 9 deacutecembre 2003 Bull civ I no 252 p 201 CA Rennes 4 juillet 2002 D 2002 p 2904

(10) Cass civ 1re 20 feacutevrier 2007 Defreacutenois 2007 art 38595 no 45 obs J Massip

(11) V Depadt-Sebag laquo De la neacutecessiteacute dune reacuteforme de larticle 16-7 du Code civil relatif agrave linterdiction de gestation pour autrui raquo preacutec no 12 p 135 et s

(12) L no 2004-800 du 6 aoucirct 2004 relative agrave la bioeacutethique JO du 7 aoucirct 2004 p 14040 J Massip art preacutec

(13) Dans ce sens v M Gobert laquo Reacuteflexions sur les sources du droit et les principes dindisponibiliteacute du corps humain et de leacutetat des personnes agrave propos de la materniteacute de substitution raquo preacutec p 489 et s speacutec p 513

(14) V Depadt-Sebag laquo De la neacutecessiteacute dune reacuteforme de larticle 16-7 du Code civil relatif agrave linterdiction de gestation pour autrui raquo preacutec no 12 p 135 et s E Camuzet La convention de gestation pour autrui une illeacutegaliteacute franccedilaise injustifieacutee Meacutemoire Lille 2 Universiteacute du droit et de la santeacute 2005-2006 p 55

(15) A Mayer-Jack laquo Les conventions relatives agrave la personne physique raquo Rev crit leacutegisl et jurispr 1993 p 6

(16) G Meacutemeteau laquo Une distinction est opeacutereacutee sur la reacutefeacuterence des donneacutees acquises de la science agrave la date des soins par opposition agrave la notion erroneacutee de donneacutees actuelles de la science raquo note sous Cass civ 1re 6 juin 2000 JCP eacuted G 2001 II 10447

(17) Cass civ 1re 13 deacutecembre 1989 Bull civ I no 387 Defreacutenois 1990 art 34815 rapp J Massip D 1990 p 273 JCP eacuted G 1990 II 21526 note A Seacuteriaux

35

(18) Communication J Bernard et comm J Massip Defreacutenois 1990 art 35088 no 67 note J

Massip F Terreacute note sous Cass ass pleacuten 31 mai 1991 JCP eacuted G 1991 II 21752 dans ce sens v les remarques de P Murat laquo Laction de lordonnance du 4 juillet 2005 sur la possession deacutetat raquo preacutec eacutetude no 6 speacutec no 7 G Kessler laquo La consolidation de situations illicites dans linteacuterecirct de lenfant raquo Dr Famille no 7 juillet 2005 Etude 16

(19) TGI Lille 22 mars 2007 D 2007 no 18 p 1251 note X Labbeacutee B Edelman et C Labrusse-Riau note sous CA Paris 15 juin 1990 JCP eacuted G 1991 II 21653

(20) V Larribau-Terneyre note sous CA Pau 19 feacutevrier 1991 D 1991 juris p 380

(21) J Massip laquo Megravere porteuse et deacutecheacuteance de lautoriteacute parentale raquo LPA du 29 octobre 2003 no 216 p 10 Cass ass pleacuten 31 mai 1991 Bull civ ass pleacuten no 4 Defreacutenois 1991 art 35088 no 67 p 948 obs J Massip D 1991 p 417 rapport Y Chartier note D Thouvenin JCP eacuted G 1991 II 21752 communication J Bernard concl H Dontenwille note F Terreacute RTD civ 1991 p 517 obs D Huet-Weiller

(22) J Rubellin-Devichi laquo Materniteacute de substitution qui est la megravere raquo note sous CA Rennes 4 juillet 2002 JCP eacuted G 2003 I 101 C Ducomte laquo La vraie querelle des megraveres porteuses raquo httppagesperso-orangefrmax-christianducomtemereindexhtm

(23) Propos de Mme F Dekeuwer-Deacutefossez lors de son audition devant le preacutesident M Bloche pour la mission dinformation sur la famille (procegraves-verbal du 5 octobre 2005)

(24) J Hauser obs in RTD civ 1999 p 372 F Dekeuwer-Deacutefossez note sous Cass ass pleacuten 31 mai 1991 D 1992 somm p 59

(25) F Dekeuwer-Deacutefossez laquo Les droits de lenfant raquo D 1992 somm p 59 E Poisson-Drocourt laquo Recours agrave une megravere de substitution et refus de ladoption raquo D 2004 p 2001

(26) J-J Lemouland laquo Le tourisme procreacuteatif raquo LPA 2001 no 62 p 24 F Dekeuwer-Deacutefossez laquo Le lien parental raquo LPA du 1er juillet 2004 no 131 p 70 F Granet note sous CA Rennes 4 juillet 2002 D 2002 p 2904

(27) CA Aix-en-Provence 12 mars 2002 Juris-Data no 2002-190443 A Seacuteriaux laquo Droit naturel et procreacuteation artificielle quelle jurisprudence raquo D 1985 chron p 53 J Massip laquo Le nouveau droit de la filiation raquo Defreacutenois 2006 art 38303 p 13

(28) CA Rennes 4 juillet 2002 JCP eacuted G 2003 I 101 note J Rubellin-Devichi

(29) laquo Si le principe structurant de lautoriteacute parentale est linteacuterecirct de lenfant deacutetermineacute in concreto le droit de la filiation nappreacutecie en revanche jamais linteacuterecirct concret dun enfant preacutecis mais linteacuterecirct geacuteneacuteral de lenfant in abstracto raquo A Gouttenoire laquo A chacun sa famille agrave chacun son droit raquo Dr Famille no 7 juillet 2006 Alerte 41

(30) E Camuzet La convention de gestation pour autrui une illeacutegaliteacute franccedilaise injustifieacutee art preacutec p 52

(31) P Raynaud laquo Un abus de ladoption simple les couples adoptifs raquo D 1983 chron p 39 H Gaumont-Prat laquo Pas dadoption pour les enfants issus de convention de megravere porteuse raquo RLDC no 5 mai 2004 p 31 laquo Le rejet dans le non-droit des enfants neacutes dans des circonstances qui deacuterangent la socieacuteteacute relegraveve du deacuteni de la reacutealiteacute porteur de nombreux effets pathogegravenes et injustes raquo

(32) J Rubellin-Devichi laquo Materniteacute de substitution qui est la megravere raquo note sous CA Rennes 4 juillet 2002 preacutec I 101 C Ducomte laquo La vraie querelle des megraveres porteuses raquo preacutec P Raynaud laquo Un abus de ladoption simple les couples adoptifs raquo art preacutec chron p 39 G Kessler laquo La consolidation de situations illicites dans linteacuterecirct de lenfant raquo art preacutec Etude 16

(33) F Dekeuwer-Deacutefossez laquo Reacuteflexion sur les mythes fondateurs du droit contemporain de la famille raquo RTD civ 1995 p 269 E Camuzet La convention de gestation pour autrui une illeacutegaliteacute franccedilaise injustifieacutee art preacutec p 66 A Ponsard rapport sous Cass civ 1re 16

36

novembre 1982 JCP eacuted G 1983 II 19954 M-T Meulders-Klein laquo Le droit agrave lenfant face au

droit de lenfant et les procreacuteations meacutedicalement assisteacutees raquo RTD civ 1988 p 645 F Terreacute Lenfant de lesclave Geacuteneacutetique et droit Flammarion 1987 p 128

(34) Convention de New York du 26 janvier 1990 Charte des droits fondamentaux de lUnion europeacuteenne du 7 deacutecembre 2000 Deacuteclaration universelle des droits de lhomme de 1789 Convention internationale des droits de lenfant de 1989

(35) Cass ass plegraven 31 mai 1991 Bull civ ass plegraven no 4 Defreacutenois 1991 art 35142 no 103 obs J-L Aubert et art 35088 no 67 p 948 obs J Massip D 1991 p 417 rapport Y Chartier note D Thouvenin JCP eacuted G 1991 II 21752 communication J Bernard concl H Dontenwille note F Terreacute RTD civ 1991 p 517 obs D Huet-Weiller

(36) Cass civ 1re 24 feacutevrier 2006 Bull civ I no 101 p 95 Defreacutenois 2006 art 38415 no 40 p 1067 obs J Massip D 2006 juris p 897-900 obs D Vigneau T Anatrella laquo Adoption et homoparentaliteacute leacuteclairage des droits de lhomme raquo Dr Famille 2003 no 10 p

8-10 agrave lidentique dans un arrecirct du 22 janvier 1992 D 1993 p 119 note J Vassaux la cour dappel de Poitiers a prononceacute ladoption simple dun enfant neacute dune convention de megravere porteuse au motif que laquo cette adoption nest pas seulement conforme agrave linteacuterecirct de lenfant mais encore constitue une neacutecessiteacute qui deacutecoule des reacutealiteacutes de la vie issues derreurs des adultes dont lenfant ne doit pas subir les conseacutequences raquo

(37) G Kessler laquo La consolidation de situations illicites dans linteacuterecirct de lenfant raquo art preacutec eacutetude no 16 M-T Meulders-Klein laquo Le droit agrave lenfant face au droit de lenfant et les procreacuteations meacutedicalement assisteacutees raquo art preacutec p 645

(38) Cass civ 1re 18 mai 2005 Bull civ I no 211 p 179 V Depadt-Sebag laquo Non-lieu dans une affaire de materniteacute pour autrui raquo D 2005 p 476 J Massip laquo Megravere porteuse et deacutecheacuteance de lautoriteacute parentale raquo art preacutec no 216 p 11 F Terreacute Lenfant de lesclave Geacuteneacutetique et droit op cit adde F Terreacute et D Fenouillet Droit civil Les personnes la famille les incapaciteacutes 6e eacuted Preacutecis Dalloz no 926 M Lamarche laquo Inteacuterecirct supeacuterieur de lenfant de ladmission des effets dune convention de megravere porteuse agrave la destruction du droit franccedilais de la filiation raquo Dr Famille novembre 2007 no 11

(39) M Donnier laquo Linteacuterecirct de lenfant raquo D 1959 chron p 27 F Laroche-Gisserot note sous Cass civ 1re 27 mai 1998 D 1998 p 530 F Millet laquo Ladoption dun inteacuterecirct agrave lautre raquo RRJ 2003-3 p 1777 et s A Gouttenoire laquo A chacun sa famille agrave chacun son droit raquo art preacutec Alerte 41

(40) Par la loi no 2007-293 du 5 mars 2007 reacuteformant la protection de lenfance (JO du 6 mars 2007 Defreacutenois 2007 Leacuteg p 282) le leacutegislateur a inteacutegreacute la notion dinteacuterecirct de lenfant dans le Code de laction sociale et des familles Le nouvel article L 112-4 dudit code dispose que laquo Linteacuterecirct de lenfant la prise en compte de ses besoins fondamentaux physiques intellectuels sociaux et affectifs ainsi que le respect de ses droits doivent guider toutes deacutecisions le concernant raquo

(41) Amendement no 48 rect Protection de lenfance no 3184 Assembleacutee nationale 22 deacutecembre 2006 wwwassemblee-nationalefr v aussi sur lensemble de ces questions les consideacuterations tregraves eacuteclairantes de P Murat note sous CA Rennes 4 juillet 2002 D 2002 p 2902 Dr Famille 2002 comm no 142 note P Murat

(42) F Granet-Lambrechts laquo Materniteacutes de substitution filiation et eacutetat civil Panorama europeacuteen raquo Dr Famille no 12 deacutecembre 2007 eacutetude no 34

(43) D Youf Penser les droits de lenfant PUF 2002 p 2

(44) G Cornu La famille 6e eacuted no 7 J Carbonnier Droit civil t 4 Les obligations PUF coll Theacutemis no 372 p 649

(45) D Fenouillet et P de Vareilles-Sommiegraveres La contractualisation du droit de la famille Economica 2001

37

(46) H Gaumont-Prat laquo Pas dadoption pour les enfants issus de convention de megravere porteuse raquo art preacutec p 31

(47) E Poisson-Droccourt laquo Recours agrave une megravere de substitution et refus de ladoption raquo art preacutec p 2001 note sous Cass civ 1re 9 deacutecembre 2003 G Delaisi de Perseval laquo Gestation pour autrui en quecircte de leacutegitimation raquo httpwwwliberationfr

(48) C Neirinck laquo Les filiations eacutelectives agrave leacutepreuve du droit raquo JCP eacuted G 1997 I 4067 E Camuzet laquo La convention de gestation pour autrui une illeacutegaliteacute franccedilaise injustifieacutee raquo art preacutec p 59

(49) J Hauser et D Huet-Weiller Traiteacute de droit civil La famille Fondation et vie de la famille 2e eacuted LGDJ 1993 p 250

(50) B Debreacute et S Agacinski laquo Faut-il leacutegaliser les megraveres porteuses en France raquo art preacutec p 50 C Atias D 1986 chron p 67

Civ 1egravere

13 deacutecembre 1989

Ndeg de pourvoi 88-15655

Publieacute au bulletin

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Attendu selon les juges du fond que lrsquoassociation ldquo Alma Mater ldquo a pour objet de faciliter la

solution des problegravemes qui se posent aux couples dont la femme est steacuterile deacutesireux

drsquoaccueillir un enfant agrave leur foyer et aux ldquo megraveres porteuses ldquo volontaires qursquoil est proposeacute agrave

la ldquo megravere porteuse ldquo drsquoecirctre inseacutemineacutee artificiellement par la semence du mari ou du concubin

de porter et de mettre au monde lrsquoenfant qui sera deacuteclareacute sur les registres de lrsquoeacutetat civil sans

indication du nom de la megravere reconnu par le pegravere et accueilli au foyer de celui-ci en vue de

son adoption par lrsquoeacutepouse ou la compagne que lrsquoassociation intervient tout au long de ce

processus qualifieacute de ldquo precirct drsquouteacuterus ldquo ou de ldquo don drsquoenfant ldquo qursquoainsi apregraves avoir controcircleacute la

reacutealiteacute de la steacuteriliteacute du couple demandeur et des faculteacutes de feacutecondation de la ldquo megravere porteuse

ldquo geacuteneacuteralement recruteacutee par elle lrsquoassociation fait proceacuteder agrave lrsquoinseacutemination surveille la

grossesse et lrsquoaccouchement srsquooccupe de faire diligenter la proceacutedure drsquoadoption qursquoelle

verse ensuite agrave la megravere une somme forfaitaire - qui en 1987 eacutetait fixeacutee agrave 60 000 francs -

remise par le couple demandeur degraves le deacutebut de la grossesse que lrsquoarrecirct confirmatif attaqueacute

(Aix-en-Provence 29 avril 1988) estimant que cette association avait un objet illicite

contraire aux lois et aux bonnes moeurs en a prononceacute la nulliteacute sur le fondement de lrsquoarticle

3 de la loi du 1er juillet 1901

Sur le moyen unique pris en sa premiegravere branche

Attendu que lrsquoassociation ldquo Alma Mater ldquo fait grief agrave la cour drsquoappel drsquoavoir ainsi statueacute alors

que selon le moyen nrsquoest ni illicite ni contraire aux bonnes moeurs lrsquoassociation qui dans un

but humanitaire non lucratif met en relation un couple demandeur dont la femme est steacuterile et

38

une femme qui accepte drsquoecirctre inseacutemineacutee artificiellement par le mari de porter lrsquoenfant et de le

remettre agrave la naissance agrave ce couple qui lrsquoindemnisera des contraintes et de la gecircne occasionneacutee

par la grossesse de sorte que la juridiction du second degreacute aurait violeacute les articles 3 et 7 de la

loi du 1er juillet 1901

Mais attendu qursquoil reacutesulte des constatations des juges du fond que lrsquoobjet mecircme de

lrsquoassociation est de favoriser la conclusion et lrsquoexeacutecution de conventions qui fussent-elles

verbales portent tout agrave la fois sur la mise agrave la disposition des demandeurs des fonctions

reproductrices de la megravere et sur lrsquoenfant agrave naicirctre et sont donc nulles en application de lrsquoarticle

1128 du Code civil que ces conventions contreviennent au principe drsquoordre public de

lrsquoindisponibiliteacute de lrsquoeacutetat des personnes en ce qursquoelles ont pour but de faire venir au monde un

enfant dont lrsquoeacutetat ne correspondra pas agrave sa filiation reacuteelle au moyen drsquoune renonciation et

drsquoune cession eacutegalement prohibeacutees des droits reconnus par la loi agrave la future megravere que

lrsquoactiviteacute de lrsquoassociation qui tend deacutelibeacutereacutement agrave creacuteer une situation drsquoabandon aboutit agrave

deacutetourner lrsquoinstitution de lrsquoadoption de son veacuteritable objet qui est en principe de donner une

famille agrave un enfant qui en est deacutepourvu que crsquoest degraves lors agrave bon droit que lrsquoarrecirct attaqueacute a

deacutecideacute sur le fondement de lrsquoarticle 3 de la loi du 1er juillet 1901 que cette association eacutetait

nulle en raison de lrsquoilliceacuteiteacute de son objet que la premiegravere branche du moyen est donc sans

fondement

Et sur les deuxiegraveme et troisiegraveme branches du moyen

Attendu qursquoil est fait grief agrave la cour drsquoappel de nrsquoavoir pas reacutepondu aux conclusions faisant

valoir drsquoune part que lrsquointerdiction du ldquo don de gestation ldquo constituait une discrimination

fondeacutee sur la naissance contraire aux dispositions de lrsquoarticle 24 du pacte international relatif

aux droits civils et politiques signeacute agrave New York le 19 deacutecembre 1966 et drsquoautre part que ce ldquo

don de gestation ldquo reposait sur le droit leacutegitime de fonder une famille qui implique le droit

drsquoengendrer reconnu tant par lrsquoarticle 12 de la convention europeacuteenne des droits de lrsquohomme

et des liberteacutes fondamentales du 4 novembre 1950 que par lrsquoarticle 23 du pacte international

preacuteciteacute

Mais attendu que la reconnaissance du caractegravere illicite de la materniteacute pour autrui et des

associations qui srsquoefforcent de la promouvoir qui se deacuteduit des principes geacuteneacuteraux du Code

civil et de regravegles qui sont communes agrave toutes les filiations nrsquoest pas de nature agrave instaurer une

discrimination fondeacutee sur la naissance que le droit de se marier et de fonder une famille

reconnu par lrsquoarticle 12 de la convention du 4 novembre 1950 et par lrsquoarticle 23 du pacte

international du 19 deacutecembre 1966 agrave lrsquohomme et agrave la femme en acircge nubile nrsquoimplique pas le

droit de conclure avec un tiers des conventions portant sur le sort drsquoun enfant agrave naicirctre que

par ces motifs de droit reacutepondant aux conclusions invoqueacutees lrsquoarrecirct se trouve leacutegalement

justifieacute et que les deuxiegraveme et troisiegraveme branches du moyen ne peuvent ecirctre accueillies

PAR CES MOTIFS

REJETTE le pourvoi

Publication Bulletin 1989 I Ndeg 387 p 260

Deacutecision attaqueacutee Cour drsquoappel drsquoAix-en-Provence du 29 avril 1988

39

Cour de cassation Assembleacutee pleacuteniegravere

Audience publique du 31 mai 1991

Ndeg de pourvoi 90-20105 Publieacute au bulletin

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Sur le pourvoi dans lrsquointeacuterecirct de la loi formeacute par M le Procureur geacuteneacuteral pregraves la Cour de

Cassation

Vu les articles 6 et 1128 du Code civil ensemble lrsquoarticle 353 du mecircme Code

Attendu que la convention par laquelle une femme srsquoengage fucirct-ce agrave titre gratuit agrave concevoir

et agrave porter un enfant pour lrsquoabandonner agrave sa naissance contrevient tant au principe drsquoordre

public de lrsquoindisponibiliteacute du corps humain qursquoagrave celui de lrsquoindisponibiliteacute de lrsquoeacutetat des

personnes

Attendu selon lrsquoarrecirct infirmatif attaqueacute que Mme X eacutepouse de M Y eacutetant atteinte drsquoune

steacuteriliteacute irreacuteversible son mari a donneacute son sperme agrave une autre femme qui inseacutemineacutee

artificiellement a porteacute et mis au monde lrsquoenfant ainsi conccedilu qursquoagrave sa naissance cet enfant a

eacuteteacute deacuteclareacute comme eacutetant neacute de Y sans indication de filiation maternelle

Attendu que pour prononcer lrsquoadoption pleacuteniegravere de lrsquoenfant par Mme Y lrsquoarrecirct retient

qursquoen lrsquoeacutetat actuel des pratiques scientifiques et des moeurs la meacutethode de la materniteacute

substitueacutee doit ecirctre consideacutereacutee comme licite et non contraire agrave lrsquoordre public et que cette

adoption est conforme agrave lrsquointeacuterecirct de lrsquoenfant qui a eacuteteacute accueilli et eacuteleveacute au foyer de M et

Mme Y pratiquement depuis sa naissance

Qursquoen statuant ainsi alors que cette adoption nrsquoeacutetait que lrsquoultime phase drsquoun processus

drsquoensemble destineacute agrave permettre agrave un couple lrsquoaccueil agrave son foyer drsquoun enfant conccedilu en

exeacutecution drsquoun contrat tendant agrave lrsquoabandon agrave sa naissance par sa megravere et que portant atteinte

aux principes de lrsquoindisponibiliteacute du corps humain et de lrsquoeacutetat des personnes ce processus

constituait un deacutetournement de lrsquoinstitution de lrsquoadoption la cour drsquoappel a violeacute les textes

susviseacutes

PAR CES MOTIFS

CASSE ET ANNULE mais seulement dans lrsquointeacuterecirct de la loi et sans renvoi lrsquoarrecirct rendu le

15 juin 1990 par la cour drsquoappel de Paris

REQUETE DE M LE PROCUREUR GENERAL PRES LA COUR DE CASSATION

Le Procureur geacuteneacuteral pregraves la Cour de Cassation a lrsquohonneur drsquoexposer

- Que par jugement du 28 juin 1989 le tribunal de grande instance de Paris a rejeteacute la requecircte

preacutesenteacutee par Mme X eacutepouse Y tendant agrave lrsquoadoption pleacuteniegravere de lrsquoenfant Z deacuteclareacutee

comme eacutetant neacutee de M Y mari de la requeacuterante sans indication de filiation maternelle

- Que pour ne pas faire droit agrave cette requecircte les premiers juges ont retenu que les eacutepoux Y

pour remeacutedier agrave la steacuteriliteacute de leur couple avaient eu recours agrave lrsquoassociation Alma Mater

aujourdrsquohui dissoute lrsquoenfant eacutetant neacute drsquoune megravere de substitution qui lrsquoa abandonneacute agrave la

naissance pratique deacuteclareacutee illicite

- Que sur appel de Mme Y la premiegravere chambre civile section C de la cour drsquoappel de

Paris a par arrecirct du 15 juin 1990 infirmeacute la deacutecision entreprise et prononceacute lrsquoadoption

pleacuteniegravere solliciteacutee par la requeacuterante

- Qursquoau soutien de leur deacutecision devenue deacutefinitive les juges du second degreacute ont tireacute de nos

principes geacuteneacuteraux relatifs agrave la filiation des regravegles drsquoordre public concernant les contrats et de

40

certaines conventions ou deacuteclarations internationales des conclusions contraires agrave celles

auxquelles eacutetait parvenue votre premiegravere chambre civile de la Cour de Cassation qui dans un

cas de figure pratiquement identique a par arrecirct du 13 deacutecembre 1989 (association Alma

Mater contre procureur geacuteneacuteral Aix-en-Provence) reconnu le caractegravere illicite de la materniteacute

pour autrui et les associations qui srsquoefforcent de la promouvoir

- Qursquoil importe en cette matiegravere particuliegraverement sensible qui touche agrave un deacutelicat problegraveme de

socieacuteteacute et drsquoeacutethique que soit mis fin agrave des divergences jurisprudentielles majeures et que la

seacutecuriteacute juridique soit assureacutee

PAR CES MOTIFS

Vu lrsquoarticle 17 de la loi du 3 juillet 1967 relative agrave la Cour de Cassation

Requiert qursquoil plaise agrave la Cour de Cassation

CASSE ET ANNULE sans renvoi et dans le seul inteacuterecirct de la loi lrsquoarrecirct rendu le 15 juin 1990

par la cour drsquoappel de Paris ayant fait droit agrave la requecircte en adoption pleacuteniegravere preacutesenteacutee par

Mme X eacutepouse Y

Publication Bulletin 1991 AP Ndeg 4 p 5

Deacutecision attaqueacutee Cour drsquoappel de Paris du 15 juin 1990

Page 28: SEANCE_3 Droit Civil Methodologie

28

Analyseacutes dans le contexte de ces deacutecisions les deux principes de lilliceacuteiteacute des conventions et

de lindisponibiliteacute du corps humain expriment une mecircme ideacutee la condamnation dune

convention qui porte sur le corps humain celui de lenfant agrave naicirctre et celui de la femme qui la

conccedilu et porteacute

Toutefois les motifs adopteacutes par la Cour de cassation savegraverent dune extrecircme faiblesse En

effet ces motifs sont lieacutes agrave lilliceacuteiteacute de lobjet des conventions agrave lindisponibiliteacute du corps

humain ainsi quagrave lindisponibiliteacute de leacutetat des personnes (11) Pourtant les lois dites laquo

bioeacutethiques raquo du 29 juillet 1994 puis la loi du 6 aoucirct 2004 (12) relative agrave la bioeacutethique ont

admis lutilisation des eacuteleacutements et des produits du corps humain agrave des fins theacuterapeutiques ou

scientifiques Effectivement une loi en date du 24 janvier 1953 deacutetermine laquo les tarifs de

cession du sang raquo Les dispositions sont aujourdhui dans le Code de la santeacute publique Degraves

lors on peut donner ses gamegravetes ses organes son sang Il semble que plus quune approche

anthropologique des sciences meacutedicales (qui conduiraient agrave une ineacutevitable instrumentalisation

du corps des hommes) il existerait ce que nous appelons une technoscience laquo de linvisible

raquo que seul le droit accepte de leacutegitimer (13)

Par ailleurs la terminologie employeacutee par le leacutegislateur de 1994 est eacuteloquente Cest

certainement parce que le principe dindisponibiliteacute du corps humain sest aveacutereacute irreacutealiste videacute

de sa substance par le nombre et limportance de ses exceptions que le leacutegislateur lui a preacutefeacutereacute

celui de non-patrimonialiteacute qui figure aujourdhui aux articles 16-1 16-5 et 16-6 du Code

civil Il est donc possible de disposer de son corps agrave titre de dons dans les limites de la loi

(14)

Pour conclure sur ce point il sera emprunteacute les propos de Mme Mayer-Jack laquo

Malheureusement si ce principe dindisponibiliteacute du corps humain possegravede les qualiteacutes trop

rares decirctre nettement formuleacute et universellement admis il apparaicirct agrave la reacuteflexion frappeacute dun

vice radical il se reacutevegravele contraire aux faits raquo (15)

B La nulliteacute de ladoption

En matiegravere de materniteacute de substitution lenfant reste au coeur du deacutebat Il est laquo lobjet raquo de la

convoitise du couple demandeur et lobjet de la convention En vue de permettre

leacutetablissement dune filiation adoptive deux processus eacutetaient suivis par lesdits couples

processus que la Cour de cassation sempressa dinterdire agrave son tour

1 Le contournement aveacutereacute de la loi par les couples restant en France

En effet le processus se deacuteroulait en trois eacutetapes dans un premier temps lembryon issu des

gamegravetes du couple ou du mari et de la femme porteuse eacutetait implanteacute dans luteacuterus de cette

derniegravere La megravere porteuse suivait sa grossesse normalement notamment au regard du suivi

meacutedical (16) Ensuite elle accouchait anonymement La leacutegislation autorise les

accouchements laquo sous X raquo et reconnaicirct ainsi aux parturientes le droit de ne pas ecirctre megraveres si

elles ne le deacutesirent ou ne le peuvent pas Le pegravere fournisseur de sperme quant agrave lui effectuait

une reconnaissance preacutenatale de lenfant A sa naissance il le reconnaissait Lenfant avait

donc un pegravere mais sans indication de la filiation maternelle Enfin leacutepouse de ce dernier

adoptait de maniegravere pleacuteniegravere lenfant Leacutetat de mariage de la megravere porteuse ne changeait rien

puisque laccouchement anonyme empecircchait que le mari soit consideacutereacute comme pegravere preacutesumeacute

29

Depuis larrecirct Alma Mater (17) nous savons que la convention de materniteacute de substitution

est nulle car contrevenant agrave lordre public (18) Mais jusqualors la jurisprudence avait eu le

soin de dissocier convention et adoption Toute convention portant sur la procreacuteation ou la

gestation pour le compte dautrui eacutetant nulle la convention de megravere porteuse ayant permis la

naissance de lenfant en cause est donc incontestablement frauduleuse Degraves lors la possession

deacutetat sur laquelle les demandeurs se fondent pour voir eacutetablir un lien de filiation leacutegitime agrave

leur profit et lacte de notorieacuteteacute quils ont ainsi obtenu sont eux-mecircmes vicieacutes et ne peuvent

donc permettre leacutetablissement dun tel lien Par ailleurs la Convention de New York sur les

droits de lenfant garantit notamment agrave celui-ci laccegraves agrave ses origines Or lapplication de la

convention frauduleuse aurait pour effet de consacrer un mensonge lacte de naissance qui

serait eacutetabli sur le fondement de cette convention aboutirait en effet agrave nier totalement les

conditions dans lesquelles lenfant a eacuteteacute conccedilu En conseacutequence les demandeurs ne pourront

se preacutevaloir de la possession deacutetat vicieacutee pour obtenir la retranscription de lacte de notorieacuteteacute

sur lacte de naissance de lenfant (19) Ainsi la prohibition de la convention a entraicircneacute dans

son sillage une impossibiliteacute dadoption par leacutepouse du pegravere (20) Il y a deacutetournement de

linstitution de ladoption pleacuteniegravere en ce que lenfant a eacuteteacute conccedilu pour ecirctre abandonneacute par sa

megravere et adopteacute par une autre (21)

Il en reacutesulte que cest labandon de lenfant qui rend impossible ladoption par leacutepouse du

mari Or labandon de lenfant constitue deacutejagrave une deacutemarche parfaitement licite et reacuteglementeacutee

par la loi Il suffit pour sen convaincre de lire attentivement les textes adeacutequats agrave savoir les

articles 61 et 62 du Code de la famille et de laide sociale 348-3 et 350 du Code civil et 1158

agrave 1163 du Code de proceacutedure civile Il suffit agrave la megravere et plus geacuteneacuteralement agrave la personne

investie des droits parentaux de confier 1enfant agrave un eacutetablissement ou agrave un service de laide

sociale agrave 1enfance (ASF) ou mecircme agrave un particulier puis de sen deacutesinteacuteresser

manifestement pendant une anneacutee nentretenant avec lui aucune relation neacutecessaire au

maintien de liens affectifs Le tribunal de grande instance peut degraves lors sauf agrave prendre en

consideacuteration le cas exceptionnel de grande deacutetresse du parent deacutefaillant deacuteclarer 1enfant

abandonneacute agrave la requecircte de tout inteacuteresseacute et notamment de leacutetablissement service ou famille

daccueil (22) laquo On cesse dinterdire une pratique non pas lorsquelle se deacuteveloppe mais

lorsquon ne sait plus pourquoi elle est interdite raquo (23)

Dailleurs une contradiction engendre ce refus dadoption En effet laquo consideacuterer ladoption

indissociable de la convention revient agrave ne voir lenfant que comme lobjet de cette convention

raquo (24) Ainsi les parents ont pu eacutetablir anteacuterieurement agrave la naissance le processus dont

ladoption est laquo lultime phase raquo Mais ce processus nest pas fait dans lintention de nuire agrave

lenfant Alors comment comprendre la seacuteveacuteriteacute afficheacutee de la Cour de cassation

Traiter lenfant comme une veacuteritable personne implique de dissocier la convention ougrave il

nintervient pas et ladoption dont il est partie prenante et mecircme partie principale Il faut

sinterroger sur son inteacuterecirct propre quitte agrave le confronter ensuite agrave ceux auxquels il soppose

(25)

2 Lexpansion du tourisme procreacuteatif

La dispariteacute des regravegles nationales agrave propos de la gestation pour autrui a conduit certains

couples agrave se rendre agrave leacutetranger pour pouvoir avoir recours agrave une megravere porteuse on parle

deacutesormais de laquo tourisme procreacuteatif raquo (26)

30

Lagrave encore le processus deacutebute par une inseacutemination artificielle mais les pays ayant leacutegaliseacute la

gestation pour le compte dautrui permettent par ailleurs que lembryon inseacutemineacute dans

luteacuterus de la femme soit issu de la rencontre des gamegravetes des deux parents demandeurs

Lenfant est donc geacuteneacutetiquement lenfant du couple Il a pour parent degraves sa naissance le

couple demandeur il porte leur nom et le preacutenom quils lui ont choisi Mais pour exister en

France il est neacutecessaire de recourir agrave une transcription sur les registres de leacutetat civil franccedilais

de lacte de naissance eacutetranger Lagrave encore la seacuteveacuteriteacute est de mise puisque le parquet de

Nantes qui a en charge la transcription des eacutetats civils venant de leacutetranger refuse

systeacutematiquement cette transcription qui nest pas conforme agrave la leacutegislation franccedilaise (27)

Les magistrats ont eacuteteacute confronteacutes agrave ces situations ougrave la megravere commanditaire deacutesirait eacutetablir un

lien de filiation entre elle et lenfant issu de la convention de materniteacute de substitution

Tel est par exemple le cas qui a eacuteteacute trancheacute par la cour dappel de Rennes le 4 juillet 2002

(28) Dans cet arrecirct la cour dappel a rejeteacute ladoption des enfants par un couple qui a conclu

en Californie une convention portant sur la gestation dun embryon issu de leurs propres

gamegravetes La cour relegraveve que laquo la loi franccedilaise ne donne pas une deacutefinition de la megravere raquo cette

notion est inscrite dans les mentaliteacutes depuis des siegravecles par ladage Mater semper certa est

Cest laccouchement qui deacutetermine la megravere et non la seule reacutealiteacute geacuteneacutetique

Cette jurisprudence installeacutee depuis le ceacutelegravebre arrecirct de lassembleacutee pleacuteniegravere du 31 mai 1991

constitue une atteinte directe agrave linteacuterecirct de lenfant Ce dernier est priveacute de toute filiation

maternelle leacutegalement reconnue et ce sans beacuteneacutefice pour personne (29)

Malheureusement en raison de cette solution les deux enfants sont acircgeacutes de sept ans et vivent

aupregraves de leur pegravere naturel et de sa compagne dont la materniteacute ne peut leacutegalement ecirctre eacutetablie

(30)

Cette jurisprudence preacutesente un point faible Selon larticle 353 du Code civil le tribunal de

grande instance saisi dune requecircte aux fins dadoption pleacuteniegravere veacuterifie si les conditions de

la loi sont remplies et si ladoption est conforme agrave linteacuterecirct de lenfant Or en loccurrence

le preacutetendu droit de lenfant ne coiumlncide pas avec son inteacuterecirct seul mis en avant dans 1article

353 du Code civil Le refus par la cour dappel de prononcer ladoption pleacuteniegravere a priveacute les

deux enfants (au nom de leur droit aussi eacuteminent que symbolique agrave la non-chosification) dun

avantage concret et primordial leur admission au statut denfants leacutegitimes de leurs vrais

parents geacuteneacutetiques (31) Simples enfants naturels ou adulteacuterins de leur pegravere ils demeureront

sans lien de filiation maternelle Un tel problegraveme meacuterite que les juridictions se penchent au

moins sur lui (32) La protection de linstitution de ladoption sopegravere au deacutetriment du droit

reconnu agrave lenfant deacutetablir sa filiation par le biais dune discrimination fondeacutee sur les

circonstances de sa naissance (33) La jurisprudence nous semble aller agrave lencontre des

engagements internationaux contracteacutes par la France (34)

II Leacutevolution des mentaliteacutes vers une leacutegislation plus souple

Jusquagrave preacutesent la jurisprudence a toujours interdit ladoption des enfants par des couples

ayant eu recours agrave la gestation pour autrui consideacuterant quil sagit dun deacutetournement de

linstitution de ladoption (35)

Un grand quotidien Libeacuteration reacutevegravele que la cour dappel de Paris a reconnu comme parents

leacutegitimes de jumelles un couple franccedilais ayant fait appel agrave une megravere porteuse ameacutericaine

31

Une chose est sucircre cet arrecirct a le meacuterite douvrir le deacutebat et de poser la question de linteacuterecirct de

lenfant comme exception agrave lindisponibiliteacute de leacutetat des personnes et agrave linterdiction de la

pratique des megraveres porteuses (A) Lorsque lon accepte une loi eacutetrangegravere qui a eacuteteacute appeleacutee au

secours pour contourner la loi franccedilaise la modification de la loi franccedilaise nest pas loin (B)

A Lassouplissement de la jurisprudence

Dans laffaire porteacutee devant la cour dappel de Paris que nous avons abordeacutee rapidement

preacuteceacutedemment un couple dont la femme ne peut assurer la gestation en raison dune

malformation congeacutenitale se rend en Californie ougrave il conclut une convention portant sur la

gestation dun embryon issu de leurs propres gamegravetes Des jumelles naissent de cette

convention Le droit californien fait abstraction du deacutefaut daccouchement La concubine est

inscrite comme megravere dans les registres de naissance de Californie Quelques semaines plus

tard le couple reconnaicirct les enfants en France Mais agrave leur retour dans lHexagone ils sont

placeacutes en garde agrave vue puis mis en examen pour laquo entremise entre une personne deacutesireuse

dadopter un enfant et un parent deacutesireux dabandonner son enfant neacute ou agrave naicirctre raquo et pour laquo

simulation ayant entraicircneacute une atteinte agrave leacutetat civil de lenfant raquo

En 2004 le juge dinstruction rend un non-lieu sur les poursuites peacutenales les faits seacutetant

deacuterouleacutes dans un pays ougrave cette pratique est leacutegale Le parquet a alors continueacute son offensive

sur le terrain civil et chercheacute agrave faire annuler la filiation et la transcription sur leacutetat civil Le

tribunal de grande instance a deacuteclareacute cette demande irrecevable en deacutecembre 2005 Une

deacutecision rendue par la cour dappel de Paris confirme ce jugement le 25 octobre dernier apregraves

avoir estimeacute que laquo La non-transcription des actes de naissances aurait des conseacutequences

contraires agrave linteacuterecirct supeacuterieur des enfants qui au regard du droit franccedilais se verraient priveacutes

dactes deacutetat civil indiquant leur lien de filiation y compris agrave leacutegard de leur pegravere biologique

raquo

La question sera deacutesormais soumise agrave la Cour de cassation qui a deacutejagrave pris des deacutecisions

progressistes dans des questions relatives au droit de la famille notamment dans linteacuterecirct de

lenfant Elle a ainsi fait le 24 feacutevrier 2006 un pas important vers la reconnaissance de

lhomoparentaliteacute en autorisant quun parent homosexuel deacutelegravegue tout ou partie de son

autoriteacute parentale agrave son partenaire avec lequel il vit en union stable agrave condition que cette

mesure soit prise dans linteacuterecirct supeacuterieur de lenfant (36)

Le plus important reacuteside dans le fait que la cour dappel de Paris a estimeacute que la non-

transcription sur les actes de naissance aurait des conseacutequences contraire agrave llaquo inteacuterecirct de

lenfant raquo Depuis longtemps linteacuterecirct de lenfant est au centre du droit de la famille et depuis

quelques anneacutees celui-ci devient veacuteritablement la pierre angulaire de cette discipline (37)

Dans un arrecirct du 18 mai 2005 la premiegravere chambre civile de la Cour de cassation preacutecise au

visa de larticle 3-1 de la Convention relative aux droits de lenfant que laquo dans toutes les

deacutecisions qui concernent les enfants linteacuterecirct supeacuterieur de lenfant doit ecirctre une

consideacuteration primordiale raquo (38) Mais que faut-il entendre par inteacuterecirct supeacuterieur de lenfant

(39)

Bien que le nouvel article L 112-4 du Code de laction sociale et des familles (40) et larticle

371-1 du Code civil semblent deacutefinir les eacuteleacutements constitutifs de cette notion llaquo inteacuterecirct de

lenfant raquo reste un concept assez flou que le leacutegislateur et les juges se gardent bien de deacutefinir

preacuteciseacutement on ne peut limiter linteacuterecirct supeacuterieur de lenfant agrave la protection de sa santeacute de sa

seacutecuriteacute et de sa moraliteacute Certes ces eacuteleacutements sont les bases de linteacuterecirct de lenfant mais

32

puisque celui-ci peut deacutepasser le strict cadre du droit de lautoriteacute parentale voire du droit de

la famille cette vision serait bien trop reacuteductrice

Le sens de cette notion peut encore sobscurcir si lon considegravere quelle peut se confondre avec

dautres concepts voisins Larticle 371-5 doit ainsi conduire agrave distinguer linteacuterecirct de lenfant de

celui de la fratrie En effet si celle-ci a inteacuterecirct agrave rester unie certaines circonstances permettent

deacutecarter un de ses membres dans son inteacuterecirct exclusif

Un amendement proposait cependant agrave la suite du nouvel article L 112-4 du Code de laction

sociale et des familles une deacutefinition inteacuteressante laquo Linteacuterecirct supeacuterieur de lenfant est deacutefini

comme lassurance de la protection de sa seacutecuriteacute personnelle et affective lassurance dun

contexte familial permettant un bon deacuteveloppement physique intellectuel affectif et social

lassurance dune relation dattachement parental permettant de se construire Linteacuterecirct

supeacuterieur de lenfant tel que deacutefini constitue son projet de vie raquo (41)

On ne peut que se feacuteliciter de la mise en avant de linteacuterecirct de lenfant pour deacuteroger agrave la sacro-

sainte interdiction des megraveres porteuses car il est vrai quil ne faut pas oublier que limportant

reste dabord et avant tout lenfant qui a et doit avoir une place centrale au sein de la famille

On peut envisager que cette reacutecente jurisprudence puisse influencer la reacuteflexion sur le recours

aux laquo megraveres porteuses raquo sur le territoire national qui conduise agrave une eacutevolution de la loi

B Vers une eacutevolution de la loi

Alors que la France interdit la laquo gestation pour autrui raquo cette pratique a eacuteteacute leacutegaliseacutee dans de

nombreux pays La France a donc une leacutegislation moins libeacuterale que dautres leacutegislations

nationales La pratique de la gestation pour autrui est notamment autoriseacutee aux Etats-Unis au

Canada en Australie et dans plusieurs pays de lUnion europeacuteenne (Espagne et Belgique

Gregravece et Royaume-Uni notamment) (42) La question de la leacutegalisation des megraveres porteuses

est tregraves controverseacutee en France et demanderait un strict encadrement (43)

On enseigne habituellement que les questions deacutetat ne peuvent deacutependre de la seule volonteacute

individuelle Leacutetat des personnes - le droit de la filiation en particulier - eacutechapperait aux

conventions Mais ce principe nest plus si absolu Leacutevolution contemporaine reacuteduit laspect

institutionnel Une place nettement importante a eacuteteacute faite dans lorganisation des relations

familiales agrave la volonteacute individuelle laquo Laccroissement du pouvoir des volonteacutes individuelles

dans le droit de la famille est une marque essentielle de ce droit raquo (44) Dougrave la justesse de

lexpression laquo contractualisation du droit de la famille raquo Le rocircle de la volonteacute individuelle

tend agrave ecirctre de plus en plus important (45) Tel est le cas du divorce du PACS et du mariage

La procreacuteation nest plus la finaliteacute avec larriveacutee en force dans des pays voisins du mariage

homosexuel

Une certaine eacutevolution des mentaliteacutes ainsi que la dispariteacute entre la loi franccedilaise et dautres

leacutegislations nationales pourraient bien donner lieu agrave un assouplissement de cette leacutegislation

(46)

La gestation pour autrui permet de pallier certaines formes de steacuteriliteacute feacuteminine en raison

dune absence ou dune deacuteformation duteacuterus de conseacutequences de cancer ou reacutesultant dune

hysteacuterectomie de fausses couches reacutepeacuteteacutees dune contre-indication meacutedicale agrave la grossesse ou

de nombreux eacutechecs de feacutecondations in vitro (47) Dans ce cas on implante les gamegravetes des

parents geacuteneacutetiques dans le ventre de la megravere porteuse

33

Un autre argument favorable agrave cette pratique est la certitude apaisante pour le couple steacuterile

de ce que lenfant porteacute en uteacuterus tiers nen sera pas moins leur veacuteritable enfant geacuteneacutetique

puisque conccedilu agrave partir de leurs propres gamegravetes

De plus il faut deacutenoncer une incoheacuterence Une femme empecirccheacutee par la loi de donner avant

sa grossesse agrave un couple agreacuteeacute par elle lenfant quelle portera moyennant eacutequitable

reacutecompense possegravede en revanche le droit discreacutetionnaire de labandonner une fois neacute au

hasard des eacutetablissements ou du service de lASE ou pis encore de recourir agrave une

interruption volontaire de grossesse pendant les douze premiegraveres semaines (48)

La possession deacutetat repreacutesente une valeur humaine et sociale qui doit ecirctre prise en compte en

tant que telle Comme lont joliment affirmeacute M Hauser et Mme Huet-Weiller laquo elle est la

veacuteriteacute des sentiments la veacuteriteacute du coeur tout aussi respectable sinon plus que celle des

registres deacutetat ou mecircme de nos gegravenes raquo (49) Ainsi on peut ecirctre favorable agrave cette reacuteflexion

sous certains reacuteserves

Tout dabord le couple demandeur devait avoir plus de 18 ans et linfertiliteacute devrait ecirctre

meacutedicalement eacutetablie Ensuite seule lutilisation des gamegravetes (sperme et ovocytes) du couple

serait autoriseacutee afin deacuteviter que la gestatrice soit aussi la megravere biologique de lenfant (pour

eacuteviter des liens trop forts eacutetablis entre elle et le beacutebeacute)

De son cocircteacute la megravere porteuse devait avoir plus de 18 ans et accepter de subir des tests divers

avant la grossesse Elle serait la seule agrave donner un consentement valable concernant la gestion

de sa grossesse et elle abandonnerait ses droits parentaux agrave la naissance de lenfant tout en

assistant le couple demandeur lors de la deacutelivrance du certificat de naissance Le

consentement devrait aussi ecirctre obtenu par un entretien psychologique meacutedical et juridique

Seul le juge pourrait donner laccord au deacutebut du processus Le couple demandeur devait

sengager agrave assumer la garde de lenfant degraves sa naissance afin deacuteviter soit une non-remise

denfant soit un refus de lenfant - par exemple en cas de handicap

Concernant la reacutemuneacuteration de la megravere porteuse la marchandisation est inacceptable Les

intermeacutediaires reacutemuneacutereacutes seraient interdits Le principe du volontariat et de la gratuiteacute sont

essentiels le don de vie (50)

Enfin il ne sagirait pas de reacutemuneacuteration mais de compensation financiegravere destineacutee agrave

deacutedommager les inconveacutenients lieacutes agrave la grossesse sur la base de la loi laquo Huriet raquo (loi sur la

recherche meacutedicale avec volontaires sains) Le couple demandeur devrait prendre agrave sa charge

les deacutepenses meacutedicales leacutegales et psychologiques ainsi quun montant raisonnable alloueacute agrave la

megravere porteuse pour subvenir agrave ses besoins Les juges appreacutecieraient librement ce que peut ecirctre

un montant laquo raisonnable raquo sans que cela puisse jamais ecirctre consideacutereacute comme une laquo vente raquo

denfant

(1) B Debreacute et S Agacinski laquo Faut-il leacutegaliser les megraveres porteuses en France raquo Le Figaro Magazine du samedi 10 novembre 2007 p 50

34

(2) G David laquo Don et utilisation du sperme raquo in Actes du colloque Geacuteneacutetique procreacuteation et

droit Actes sud 1985 p 205 G-M Faure Le deacutesir denfant agrave leacutepreuve du droit Essai sur le droit de la procreacuteation meacutedicalement assisteacutee Thegravese Universiteacute de Lille 1992 p 7

(3) G Lebreton Liberteacutes publiques et droits de lhomme 6e eacuted Armand Colin 2003 p 262

(4) CE 22 janvier 1988 Lebon 1988 p 37

(5) La Cour de cassation a enteacuterineacute la position de la cour dappel de Paris pour laquelle laquo ni laltruisme du comportement de la megravere de substitution ni le caractegravere deacutesinteacuteresseacute des activiteacutes de lassociation ne sont propres agrave faire disparaicirctre lilliceacuteiteacute qui frappe laccord litigieux raquo Cass civ 1re 13 deacutecembre 1989 Bull civ I no 387 Defreacutenois 1990 art 34802 no 55 obs J-L Aubert D 1990 p 273 JCP eacuted G 1990 II 21526 note A Seacuteriaux propos recueillis par C Slobodansky laquo Le droit doit limiter les progregraves de la science raquo LPA du 7 mai 2004 no 92 p 60

(6) laquo La convention par laquelle une femme sengage fucirct-ce agrave titre gratuit agrave concevoir et porter un enfant pour labandonner agrave sa naissance contrevient tant au principe dordre public de lindisponibiliteacute du corps humain quagrave celui de lindisponibiliteacute de leacutetat des personnes raquo Cass ass pleacuten 31 mai 1991 Bull civ ass pleacuten no 4 Defreacutenois 1991 art 35142 no 103 obs J-L Aubert Defreacutenois 1991 art 35088 no 67 note J Massip RTD civ 1991 p 517 obs D Huet-Weiller et p 489 note M Gobert M Gobert laquo Reacuteflexions sur les sources du droit et les

principes dindisponibiliteacute du corps humain et de leacutetat des personnes agrave propos de la materniteacute de substitution raquo RTD civ 1992 p 489 et s speacutec p 501 dans ce sens v deacutejagrave les remarques de P Murat laquo Laction de lordonnance du 4 juillet 2005 sur la possession deacutetat raquo Dr Famille 2006 eacutetude no 6 speacutec no 7 V aussi J Massip laquo Linsertion dans le Code civil de dispositions relatives au corps humain agrave lidentification geacuteneacutetique et agrave la procreacuteation meacutedicalement assisteacutee raquo Defreacutenois 1995 art 35975 et 35992

(7) En ce sens V Depadt-Sebag laquo De la neacutecessiteacute dune reacuteforme de larticle 16-7 du Code civil relatif agrave linterdiction de gestation pour autrui raquo RGD meacuted 2004 no 12 p 135 et s

(8) Art 227-12 et s C peacuten

(9) CA Paris 1re feacutevrier 2001 RTD civ 2001 p 347 obs J Hauser Cass civ 1re 9 deacutecembre 2003 Bull civ I no 252 p 201 CA Rennes 4 juillet 2002 D 2002 p 2904

(10) Cass civ 1re 20 feacutevrier 2007 Defreacutenois 2007 art 38595 no 45 obs J Massip

(11) V Depadt-Sebag laquo De la neacutecessiteacute dune reacuteforme de larticle 16-7 du Code civil relatif agrave linterdiction de gestation pour autrui raquo preacutec no 12 p 135 et s

(12) L no 2004-800 du 6 aoucirct 2004 relative agrave la bioeacutethique JO du 7 aoucirct 2004 p 14040 J Massip art preacutec

(13) Dans ce sens v M Gobert laquo Reacuteflexions sur les sources du droit et les principes dindisponibiliteacute du corps humain et de leacutetat des personnes agrave propos de la materniteacute de substitution raquo preacutec p 489 et s speacutec p 513

(14) V Depadt-Sebag laquo De la neacutecessiteacute dune reacuteforme de larticle 16-7 du Code civil relatif agrave linterdiction de gestation pour autrui raquo preacutec no 12 p 135 et s E Camuzet La convention de gestation pour autrui une illeacutegaliteacute franccedilaise injustifieacutee Meacutemoire Lille 2 Universiteacute du droit et de la santeacute 2005-2006 p 55

(15) A Mayer-Jack laquo Les conventions relatives agrave la personne physique raquo Rev crit leacutegisl et jurispr 1993 p 6

(16) G Meacutemeteau laquo Une distinction est opeacutereacutee sur la reacutefeacuterence des donneacutees acquises de la science agrave la date des soins par opposition agrave la notion erroneacutee de donneacutees actuelles de la science raquo note sous Cass civ 1re 6 juin 2000 JCP eacuted G 2001 II 10447

(17) Cass civ 1re 13 deacutecembre 1989 Bull civ I no 387 Defreacutenois 1990 art 34815 rapp J Massip D 1990 p 273 JCP eacuted G 1990 II 21526 note A Seacuteriaux

35

(18) Communication J Bernard et comm J Massip Defreacutenois 1990 art 35088 no 67 note J

Massip F Terreacute note sous Cass ass pleacuten 31 mai 1991 JCP eacuted G 1991 II 21752 dans ce sens v les remarques de P Murat laquo Laction de lordonnance du 4 juillet 2005 sur la possession deacutetat raquo preacutec eacutetude no 6 speacutec no 7 G Kessler laquo La consolidation de situations illicites dans linteacuterecirct de lenfant raquo Dr Famille no 7 juillet 2005 Etude 16

(19) TGI Lille 22 mars 2007 D 2007 no 18 p 1251 note X Labbeacutee B Edelman et C Labrusse-Riau note sous CA Paris 15 juin 1990 JCP eacuted G 1991 II 21653

(20) V Larribau-Terneyre note sous CA Pau 19 feacutevrier 1991 D 1991 juris p 380

(21) J Massip laquo Megravere porteuse et deacutecheacuteance de lautoriteacute parentale raquo LPA du 29 octobre 2003 no 216 p 10 Cass ass pleacuten 31 mai 1991 Bull civ ass pleacuten no 4 Defreacutenois 1991 art 35088 no 67 p 948 obs J Massip D 1991 p 417 rapport Y Chartier note D Thouvenin JCP eacuted G 1991 II 21752 communication J Bernard concl H Dontenwille note F Terreacute RTD civ 1991 p 517 obs D Huet-Weiller

(22) J Rubellin-Devichi laquo Materniteacute de substitution qui est la megravere raquo note sous CA Rennes 4 juillet 2002 JCP eacuted G 2003 I 101 C Ducomte laquo La vraie querelle des megraveres porteuses raquo httppagesperso-orangefrmax-christianducomtemereindexhtm

(23) Propos de Mme F Dekeuwer-Deacutefossez lors de son audition devant le preacutesident M Bloche pour la mission dinformation sur la famille (procegraves-verbal du 5 octobre 2005)

(24) J Hauser obs in RTD civ 1999 p 372 F Dekeuwer-Deacutefossez note sous Cass ass pleacuten 31 mai 1991 D 1992 somm p 59

(25) F Dekeuwer-Deacutefossez laquo Les droits de lenfant raquo D 1992 somm p 59 E Poisson-Drocourt laquo Recours agrave une megravere de substitution et refus de ladoption raquo D 2004 p 2001

(26) J-J Lemouland laquo Le tourisme procreacuteatif raquo LPA 2001 no 62 p 24 F Dekeuwer-Deacutefossez laquo Le lien parental raquo LPA du 1er juillet 2004 no 131 p 70 F Granet note sous CA Rennes 4 juillet 2002 D 2002 p 2904

(27) CA Aix-en-Provence 12 mars 2002 Juris-Data no 2002-190443 A Seacuteriaux laquo Droit naturel et procreacuteation artificielle quelle jurisprudence raquo D 1985 chron p 53 J Massip laquo Le nouveau droit de la filiation raquo Defreacutenois 2006 art 38303 p 13

(28) CA Rennes 4 juillet 2002 JCP eacuted G 2003 I 101 note J Rubellin-Devichi

(29) laquo Si le principe structurant de lautoriteacute parentale est linteacuterecirct de lenfant deacutetermineacute in concreto le droit de la filiation nappreacutecie en revanche jamais linteacuterecirct concret dun enfant preacutecis mais linteacuterecirct geacuteneacuteral de lenfant in abstracto raquo A Gouttenoire laquo A chacun sa famille agrave chacun son droit raquo Dr Famille no 7 juillet 2006 Alerte 41

(30) E Camuzet La convention de gestation pour autrui une illeacutegaliteacute franccedilaise injustifieacutee art preacutec p 52

(31) P Raynaud laquo Un abus de ladoption simple les couples adoptifs raquo D 1983 chron p 39 H Gaumont-Prat laquo Pas dadoption pour les enfants issus de convention de megravere porteuse raquo RLDC no 5 mai 2004 p 31 laquo Le rejet dans le non-droit des enfants neacutes dans des circonstances qui deacuterangent la socieacuteteacute relegraveve du deacuteni de la reacutealiteacute porteur de nombreux effets pathogegravenes et injustes raquo

(32) J Rubellin-Devichi laquo Materniteacute de substitution qui est la megravere raquo note sous CA Rennes 4 juillet 2002 preacutec I 101 C Ducomte laquo La vraie querelle des megraveres porteuses raquo preacutec P Raynaud laquo Un abus de ladoption simple les couples adoptifs raquo art preacutec chron p 39 G Kessler laquo La consolidation de situations illicites dans linteacuterecirct de lenfant raquo art preacutec Etude 16

(33) F Dekeuwer-Deacutefossez laquo Reacuteflexion sur les mythes fondateurs du droit contemporain de la famille raquo RTD civ 1995 p 269 E Camuzet La convention de gestation pour autrui une illeacutegaliteacute franccedilaise injustifieacutee art preacutec p 66 A Ponsard rapport sous Cass civ 1re 16

36

novembre 1982 JCP eacuted G 1983 II 19954 M-T Meulders-Klein laquo Le droit agrave lenfant face au

droit de lenfant et les procreacuteations meacutedicalement assisteacutees raquo RTD civ 1988 p 645 F Terreacute Lenfant de lesclave Geacuteneacutetique et droit Flammarion 1987 p 128

(34) Convention de New York du 26 janvier 1990 Charte des droits fondamentaux de lUnion europeacuteenne du 7 deacutecembre 2000 Deacuteclaration universelle des droits de lhomme de 1789 Convention internationale des droits de lenfant de 1989

(35) Cass ass plegraven 31 mai 1991 Bull civ ass plegraven no 4 Defreacutenois 1991 art 35142 no 103 obs J-L Aubert et art 35088 no 67 p 948 obs J Massip D 1991 p 417 rapport Y Chartier note D Thouvenin JCP eacuted G 1991 II 21752 communication J Bernard concl H Dontenwille note F Terreacute RTD civ 1991 p 517 obs D Huet-Weiller

(36) Cass civ 1re 24 feacutevrier 2006 Bull civ I no 101 p 95 Defreacutenois 2006 art 38415 no 40 p 1067 obs J Massip D 2006 juris p 897-900 obs D Vigneau T Anatrella laquo Adoption et homoparentaliteacute leacuteclairage des droits de lhomme raquo Dr Famille 2003 no 10 p

8-10 agrave lidentique dans un arrecirct du 22 janvier 1992 D 1993 p 119 note J Vassaux la cour dappel de Poitiers a prononceacute ladoption simple dun enfant neacute dune convention de megravere porteuse au motif que laquo cette adoption nest pas seulement conforme agrave linteacuterecirct de lenfant mais encore constitue une neacutecessiteacute qui deacutecoule des reacutealiteacutes de la vie issues derreurs des adultes dont lenfant ne doit pas subir les conseacutequences raquo

(37) G Kessler laquo La consolidation de situations illicites dans linteacuterecirct de lenfant raquo art preacutec eacutetude no 16 M-T Meulders-Klein laquo Le droit agrave lenfant face au droit de lenfant et les procreacuteations meacutedicalement assisteacutees raquo art preacutec p 645

(38) Cass civ 1re 18 mai 2005 Bull civ I no 211 p 179 V Depadt-Sebag laquo Non-lieu dans une affaire de materniteacute pour autrui raquo D 2005 p 476 J Massip laquo Megravere porteuse et deacutecheacuteance de lautoriteacute parentale raquo art preacutec no 216 p 11 F Terreacute Lenfant de lesclave Geacuteneacutetique et droit op cit adde F Terreacute et D Fenouillet Droit civil Les personnes la famille les incapaciteacutes 6e eacuted Preacutecis Dalloz no 926 M Lamarche laquo Inteacuterecirct supeacuterieur de lenfant de ladmission des effets dune convention de megravere porteuse agrave la destruction du droit franccedilais de la filiation raquo Dr Famille novembre 2007 no 11

(39) M Donnier laquo Linteacuterecirct de lenfant raquo D 1959 chron p 27 F Laroche-Gisserot note sous Cass civ 1re 27 mai 1998 D 1998 p 530 F Millet laquo Ladoption dun inteacuterecirct agrave lautre raquo RRJ 2003-3 p 1777 et s A Gouttenoire laquo A chacun sa famille agrave chacun son droit raquo art preacutec Alerte 41

(40) Par la loi no 2007-293 du 5 mars 2007 reacuteformant la protection de lenfance (JO du 6 mars 2007 Defreacutenois 2007 Leacuteg p 282) le leacutegislateur a inteacutegreacute la notion dinteacuterecirct de lenfant dans le Code de laction sociale et des familles Le nouvel article L 112-4 dudit code dispose que laquo Linteacuterecirct de lenfant la prise en compte de ses besoins fondamentaux physiques intellectuels sociaux et affectifs ainsi que le respect de ses droits doivent guider toutes deacutecisions le concernant raquo

(41) Amendement no 48 rect Protection de lenfance no 3184 Assembleacutee nationale 22 deacutecembre 2006 wwwassemblee-nationalefr v aussi sur lensemble de ces questions les consideacuterations tregraves eacuteclairantes de P Murat note sous CA Rennes 4 juillet 2002 D 2002 p 2902 Dr Famille 2002 comm no 142 note P Murat

(42) F Granet-Lambrechts laquo Materniteacutes de substitution filiation et eacutetat civil Panorama europeacuteen raquo Dr Famille no 12 deacutecembre 2007 eacutetude no 34

(43) D Youf Penser les droits de lenfant PUF 2002 p 2

(44) G Cornu La famille 6e eacuted no 7 J Carbonnier Droit civil t 4 Les obligations PUF coll Theacutemis no 372 p 649

(45) D Fenouillet et P de Vareilles-Sommiegraveres La contractualisation du droit de la famille Economica 2001

37

(46) H Gaumont-Prat laquo Pas dadoption pour les enfants issus de convention de megravere porteuse raquo art preacutec p 31

(47) E Poisson-Droccourt laquo Recours agrave une megravere de substitution et refus de ladoption raquo art preacutec p 2001 note sous Cass civ 1re 9 deacutecembre 2003 G Delaisi de Perseval laquo Gestation pour autrui en quecircte de leacutegitimation raquo httpwwwliberationfr

(48) C Neirinck laquo Les filiations eacutelectives agrave leacutepreuve du droit raquo JCP eacuted G 1997 I 4067 E Camuzet laquo La convention de gestation pour autrui une illeacutegaliteacute franccedilaise injustifieacutee raquo art preacutec p 59

(49) J Hauser et D Huet-Weiller Traiteacute de droit civil La famille Fondation et vie de la famille 2e eacuted LGDJ 1993 p 250

(50) B Debreacute et S Agacinski laquo Faut-il leacutegaliser les megraveres porteuses en France raquo art preacutec p 50 C Atias D 1986 chron p 67

Civ 1egravere

13 deacutecembre 1989

Ndeg de pourvoi 88-15655

Publieacute au bulletin

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Attendu selon les juges du fond que lrsquoassociation ldquo Alma Mater ldquo a pour objet de faciliter la

solution des problegravemes qui se posent aux couples dont la femme est steacuterile deacutesireux

drsquoaccueillir un enfant agrave leur foyer et aux ldquo megraveres porteuses ldquo volontaires qursquoil est proposeacute agrave

la ldquo megravere porteuse ldquo drsquoecirctre inseacutemineacutee artificiellement par la semence du mari ou du concubin

de porter et de mettre au monde lrsquoenfant qui sera deacuteclareacute sur les registres de lrsquoeacutetat civil sans

indication du nom de la megravere reconnu par le pegravere et accueilli au foyer de celui-ci en vue de

son adoption par lrsquoeacutepouse ou la compagne que lrsquoassociation intervient tout au long de ce

processus qualifieacute de ldquo precirct drsquouteacuterus ldquo ou de ldquo don drsquoenfant ldquo qursquoainsi apregraves avoir controcircleacute la

reacutealiteacute de la steacuteriliteacute du couple demandeur et des faculteacutes de feacutecondation de la ldquo megravere porteuse

ldquo geacuteneacuteralement recruteacutee par elle lrsquoassociation fait proceacuteder agrave lrsquoinseacutemination surveille la

grossesse et lrsquoaccouchement srsquooccupe de faire diligenter la proceacutedure drsquoadoption qursquoelle

verse ensuite agrave la megravere une somme forfaitaire - qui en 1987 eacutetait fixeacutee agrave 60 000 francs -

remise par le couple demandeur degraves le deacutebut de la grossesse que lrsquoarrecirct confirmatif attaqueacute

(Aix-en-Provence 29 avril 1988) estimant que cette association avait un objet illicite

contraire aux lois et aux bonnes moeurs en a prononceacute la nulliteacute sur le fondement de lrsquoarticle

3 de la loi du 1er juillet 1901

Sur le moyen unique pris en sa premiegravere branche

Attendu que lrsquoassociation ldquo Alma Mater ldquo fait grief agrave la cour drsquoappel drsquoavoir ainsi statueacute alors

que selon le moyen nrsquoest ni illicite ni contraire aux bonnes moeurs lrsquoassociation qui dans un

but humanitaire non lucratif met en relation un couple demandeur dont la femme est steacuterile et

38

une femme qui accepte drsquoecirctre inseacutemineacutee artificiellement par le mari de porter lrsquoenfant et de le

remettre agrave la naissance agrave ce couple qui lrsquoindemnisera des contraintes et de la gecircne occasionneacutee

par la grossesse de sorte que la juridiction du second degreacute aurait violeacute les articles 3 et 7 de la

loi du 1er juillet 1901

Mais attendu qursquoil reacutesulte des constatations des juges du fond que lrsquoobjet mecircme de

lrsquoassociation est de favoriser la conclusion et lrsquoexeacutecution de conventions qui fussent-elles

verbales portent tout agrave la fois sur la mise agrave la disposition des demandeurs des fonctions

reproductrices de la megravere et sur lrsquoenfant agrave naicirctre et sont donc nulles en application de lrsquoarticle

1128 du Code civil que ces conventions contreviennent au principe drsquoordre public de

lrsquoindisponibiliteacute de lrsquoeacutetat des personnes en ce qursquoelles ont pour but de faire venir au monde un

enfant dont lrsquoeacutetat ne correspondra pas agrave sa filiation reacuteelle au moyen drsquoune renonciation et

drsquoune cession eacutegalement prohibeacutees des droits reconnus par la loi agrave la future megravere que

lrsquoactiviteacute de lrsquoassociation qui tend deacutelibeacutereacutement agrave creacuteer une situation drsquoabandon aboutit agrave

deacutetourner lrsquoinstitution de lrsquoadoption de son veacuteritable objet qui est en principe de donner une

famille agrave un enfant qui en est deacutepourvu que crsquoest degraves lors agrave bon droit que lrsquoarrecirct attaqueacute a

deacutecideacute sur le fondement de lrsquoarticle 3 de la loi du 1er juillet 1901 que cette association eacutetait

nulle en raison de lrsquoilliceacuteiteacute de son objet que la premiegravere branche du moyen est donc sans

fondement

Et sur les deuxiegraveme et troisiegraveme branches du moyen

Attendu qursquoil est fait grief agrave la cour drsquoappel de nrsquoavoir pas reacutepondu aux conclusions faisant

valoir drsquoune part que lrsquointerdiction du ldquo don de gestation ldquo constituait une discrimination

fondeacutee sur la naissance contraire aux dispositions de lrsquoarticle 24 du pacte international relatif

aux droits civils et politiques signeacute agrave New York le 19 deacutecembre 1966 et drsquoautre part que ce ldquo

don de gestation ldquo reposait sur le droit leacutegitime de fonder une famille qui implique le droit

drsquoengendrer reconnu tant par lrsquoarticle 12 de la convention europeacuteenne des droits de lrsquohomme

et des liberteacutes fondamentales du 4 novembre 1950 que par lrsquoarticle 23 du pacte international

preacuteciteacute

Mais attendu que la reconnaissance du caractegravere illicite de la materniteacute pour autrui et des

associations qui srsquoefforcent de la promouvoir qui se deacuteduit des principes geacuteneacuteraux du Code

civil et de regravegles qui sont communes agrave toutes les filiations nrsquoest pas de nature agrave instaurer une

discrimination fondeacutee sur la naissance que le droit de se marier et de fonder une famille

reconnu par lrsquoarticle 12 de la convention du 4 novembre 1950 et par lrsquoarticle 23 du pacte

international du 19 deacutecembre 1966 agrave lrsquohomme et agrave la femme en acircge nubile nrsquoimplique pas le

droit de conclure avec un tiers des conventions portant sur le sort drsquoun enfant agrave naicirctre que

par ces motifs de droit reacutepondant aux conclusions invoqueacutees lrsquoarrecirct se trouve leacutegalement

justifieacute et que les deuxiegraveme et troisiegraveme branches du moyen ne peuvent ecirctre accueillies

PAR CES MOTIFS

REJETTE le pourvoi

Publication Bulletin 1989 I Ndeg 387 p 260

Deacutecision attaqueacutee Cour drsquoappel drsquoAix-en-Provence du 29 avril 1988

39

Cour de cassation Assembleacutee pleacuteniegravere

Audience publique du 31 mai 1991

Ndeg de pourvoi 90-20105 Publieacute au bulletin

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Sur le pourvoi dans lrsquointeacuterecirct de la loi formeacute par M le Procureur geacuteneacuteral pregraves la Cour de

Cassation

Vu les articles 6 et 1128 du Code civil ensemble lrsquoarticle 353 du mecircme Code

Attendu que la convention par laquelle une femme srsquoengage fucirct-ce agrave titre gratuit agrave concevoir

et agrave porter un enfant pour lrsquoabandonner agrave sa naissance contrevient tant au principe drsquoordre

public de lrsquoindisponibiliteacute du corps humain qursquoagrave celui de lrsquoindisponibiliteacute de lrsquoeacutetat des

personnes

Attendu selon lrsquoarrecirct infirmatif attaqueacute que Mme X eacutepouse de M Y eacutetant atteinte drsquoune

steacuteriliteacute irreacuteversible son mari a donneacute son sperme agrave une autre femme qui inseacutemineacutee

artificiellement a porteacute et mis au monde lrsquoenfant ainsi conccedilu qursquoagrave sa naissance cet enfant a

eacuteteacute deacuteclareacute comme eacutetant neacute de Y sans indication de filiation maternelle

Attendu que pour prononcer lrsquoadoption pleacuteniegravere de lrsquoenfant par Mme Y lrsquoarrecirct retient

qursquoen lrsquoeacutetat actuel des pratiques scientifiques et des moeurs la meacutethode de la materniteacute

substitueacutee doit ecirctre consideacutereacutee comme licite et non contraire agrave lrsquoordre public et que cette

adoption est conforme agrave lrsquointeacuterecirct de lrsquoenfant qui a eacuteteacute accueilli et eacuteleveacute au foyer de M et

Mme Y pratiquement depuis sa naissance

Qursquoen statuant ainsi alors que cette adoption nrsquoeacutetait que lrsquoultime phase drsquoun processus

drsquoensemble destineacute agrave permettre agrave un couple lrsquoaccueil agrave son foyer drsquoun enfant conccedilu en

exeacutecution drsquoun contrat tendant agrave lrsquoabandon agrave sa naissance par sa megravere et que portant atteinte

aux principes de lrsquoindisponibiliteacute du corps humain et de lrsquoeacutetat des personnes ce processus

constituait un deacutetournement de lrsquoinstitution de lrsquoadoption la cour drsquoappel a violeacute les textes

susviseacutes

PAR CES MOTIFS

CASSE ET ANNULE mais seulement dans lrsquointeacuterecirct de la loi et sans renvoi lrsquoarrecirct rendu le

15 juin 1990 par la cour drsquoappel de Paris

REQUETE DE M LE PROCUREUR GENERAL PRES LA COUR DE CASSATION

Le Procureur geacuteneacuteral pregraves la Cour de Cassation a lrsquohonneur drsquoexposer

- Que par jugement du 28 juin 1989 le tribunal de grande instance de Paris a rejeteacute la requecircte

preacutesenteacutee par Mme X eacutepouse Y tendant agrave lrsquoadoption pleacuteniegravere de lrsquoenfant Z deacuteclareacutee

comme eacutetant neacutee de M Y mari de la requeacuterante sans indication de filiation maternelle

- Que pour ne pas faire droit agrave cette requecircte les premiers juges ont retenu que les eacutepoux Y

pour remeacutedier agrave la steacuteriliteacute de leur couple avaient eu recours agrave lrsquoassociation Alma Mater

aujourdrsquohui dissoute lrsquoenfant eacutetant neacute drsquoune megravere de substitution qui lrsquoa abandonneacute agrave la

naissance pratique deacuteclareacutee illicite

- Que sur appel de Mme Y la premiegravere chambre civile section C de la cour drsquoappel de

Paris a par arrecirct du 15 juin 1990 infirmeacute la deacutecision entreprise et prononceacute lrsquoadoption

pleacuteniegravere solliciteacutee par la requeacuterante

- Qursquoau soutien de leur deacutecision devenue deacutefinitive les juges du second degreacute ont tireacute de nos

principes geacuteneacuteraux relatifs agrave la filiation des regravegles drsquoordre public concernant les contrats et de

40

certaines conventions ou deacuteclarations internationales des conclusions contraires agrave celles

auxquelles eacutetait parvenue votre premiegravere chambre civile de la Cour de Cassation qui dans un

cas de figure pratiquement identique a par arrecirct du 13 deacutecembre 1989 (association Alma

Mater contre procureur geacuteneacuteral Aix-en-Provence) reconnu le caractegravere illicite de la materniteacute

pour autrui et les associations qui srsquoefforcent de la promouvoir

- Qursquoil importe en cette matiegravere particuliegraverement sensible qui touche agrave un deacutelicat problegraveme de

socieacuteteacute et drsquoeacutethique que soit mis fin agrave des divergences jurisprudentielles majeures et que la

seacutecuriteacute juridique soit assureacutee

PAR CES MOTIFS

Vu lrsquoarticle 17 de la loi du 3 juillet 1967 relative agrave la Cour de Cassation

Requiert qursquoil plaise agrave la Cour de Cassation

CASSE ET ANNULE sans renvoi et dans le seul inteacuterecirct de la loi lrsquoarrecirct rendu le 15 juin 1990

par la cour drsquoappel de Paris ayant fait droit agrave la requecircte en adoption pleacuteniegravere preacutesenteacutee par

Mme X eacutepouse Y

Publication Bulletin 1991 AP Ndeg 4 p 5

Deacutecision attaqueacutee Cour drsquoappel de Paris du 15 juin 1990

Page 29: SEANCE_3 Droit Civil Methodologie

29

Depuis larrecirct Alma Mater (17) nous savons que la convention de materniteacute de substitution

est nulle car contrevenant agrave lordre public (18) Mais jusqualors la jurisprudence avait eu le

soin de dissocier convention et adoption Toute convention portant sur la procreacuteation ou la

gestation pour le compte dautrui eacutetant nulle la convention de megravere porteuse ayant permis la

naissance de lenfant en cause est donc incontestablement frauduleuse Degraves lors la possession

deacutetat sur laquelle les demandeurs se fondent pour voir eacutetablir un lien de filiation leacutegitime agrave

leur profit et lacte de notorieacuteteacute quils ont ainsi obtenu sont eux-mecircmes vicieacutes et ne peuvent

donc permettre leacutetablissement dun tel lien Par ailleurs la Convention de New York sur les

droits de lenfant garantit notamment agrave celui-ci laccegraves agrave ses origines Or lapplication de la

convention frauduleuse aurait pour effet de consacrer un mensonge lacte de naissance qui

serait eacutetabli sur le fondement de cette convention aboutirait en effet agrave nier totalement les

conditions dans lesquelles lenfant a eacuteteacute conccedilu En conseacutequence les demandeurs ne pourront

se preacutevaloir de la possession deacutetat vicieacutee pour obtenir la retranscription de lacte de notorieacuteteacute

sur lacte de naissance de lenfant (19) Ainsi la prohibition de la convention a entraicircneacute dans

son sillage une impossibiliteacute dadoption par leacutepouse du pegravere (20) Il y a deacutetournement de

linstitution de ladoption pleacuteniegravere en ce que lenfant a eacuteteacute conccedilu pour ecirctre abandonneacute par sa

megravere et adopteacute par une autre (21)

Il en reacutesulte que cest labandon de lenfant qui rend impossible ladoption par leacutepouse du

mari Or labandon de lenfant constitue deacutejagrave une deacutemarche parfaitement licite et reacuteglementeacutee

par la loi Il suffit pour sen convaincre de lire attentivement les textes adeacutequats agrave savoir les

articles 61 et 62 du Code de la famille et de laide sociale 348-3 et 350 du Code civil et 1158

agrave 1163 du Code de proceacutedure civile Il suffit agrave la megravere et plus geacuteneacuteralement agrave la personne

investie des droits parentaux de confier 1enfant agrave un eacutetablissement ou agrave un service de laide

sociale agrave 1enfance (ASF) ou mecircme agrave un particulier puis de sen deacutesinteacuteresser

manifestement pendant une anneacutee nentretenant avec lui aucune relation neacutecessaire au

maintien de liens affectifs Le tribunal de grande instance peut degraves lors sauf agrave prendre en

consideacuteration le cas exceptionnel de grande deacutetresse du parent deacutefaillant deacuteclarer 1enfant

abandonneacute agrave la requecircte de tout inteacuteresseacute et notamment de leacutetablissement service ou famille

daccueil (22) laquo On cesse dinterdire une pratique non pas lorsquelle se deacuteveloppe mais

lorsquon ne sait plus pourquoi elle est interdite raquo (23)

Dailleurs une contradiction engendre ce refus dadoption En effet laquo consideacuterer ladoption

indissociable de la convention revient agrave ne voir lenfant que comme lobjet de cette convention

raquo (24) Ainsi les parents ont pu eacutetablir anteacuterieurement agrave la naissance le processus dont

ladoption est laquo lultime phase raquo Mais ce processus nest pas fait dans lintention de nuire agrave

lenfant Alors comment comprendre la seacuteveacuteriteacute afficheacutee de la Cour de cassation

Traiter lenfant comme une veacuteritable personne implique de dissocier la convention ougrave il

nintervient pas et ladoption dont il est partie prenante et mecircme partie principale Il faut

sinterroger sur son inteacuterecirct propre quitte agrave le confronter ensuite agrave ceux auxquels il soppose

(25)

2 Lexpansion du tourisme procreacuteatif

La dispariteacute des regravegles nationales agrave propos de la gestation pour autrui a conduit certains

couples agrave se rendre agrave leacutetranger pour pouvoir avoir recours agrave une megravere porteuse on parle

deacutesormais de laquo tourisme procreacuteatif raquo (26)

30

Lagrave encore le processus deacutebute par une inseacutemination artificielle mais les pays ayant leacutegaliseacute la

gestation pour le compte dautrui permettent par ailleurs que lembryon inseacutemineacute dans

luteacuterus de la femme soit issu de la rencontre des gamegravetes des deux parents demandeurs

Lenfant est donc geacuteneacutetiquement lenfant du couple Il a pour parent degraves sa naissance le

couple demandeur il porte leur nom et le preacutenom quils lui ont choisi Mais pour exister en

France il est neacutecessaire de recourir agrave une transcription sur les registres de leacutetat civil franccedilais

de lacte de naissance eacutetranger Lagrave encore la seacuteveacuteriteacute est de mise puisque le parquet de

Nantes qui a en charge la transcription des eacutetats civils venant de leacutetranger refuse

systeacutematiquement cette transcription qui nest pas conforme agrave la leacutegislation franccedilaise (27)

Les magistrats ont eacuteteacute confronteacutes agrave ces situations ougrave la megravere commanditaire deacutesirait eacutetablir un

lien de filiation entre elle et lenfant issu de la convention de materniteacute de substitution

Tel est par exemple le cas qui a eacuteteacute trancheacute par la cour dappel de Rennes le 4 juillet 2002

(28) Dans cet arrecirct la cour dappel a rejeteacute ladoption des enfants par un couple qui a conclu

en Californie une convention portant sur la gestation dun embryon issu de leurs propres

gamegravetes La cour relegraveve que laquo la loi franccedilaise ne donne pas une deacutefinition de la megravere raquo cette

notion est inscrite dans les mentaliteacutes depuis des siegravecles par ladage Mater semper certa est

Cest laccouchement qui deacutetermine la megravere et non la seule reacutealiteacute geacuteneacutetique

Cette jurisprudence installeacutee depuis le ceacutelegravebre arrecirct de lassembleacutee pleacuteniegravere du 31 mai 1991

constitue une atteinte directe agrave linteacuterecirct de lenfant Ce dernier est priveacute de toute filiation

maternelle leacutegalement reconnue et ce sans beacuteneacutefice pour personne (29)

Malheureusement en raison de cette solution les deux enfants sont acircgeacutes de sept ans et vivent

aupregraves de leur pegravere naturel et de sa compagne dont la materniteacute ne peut leacutegalement ecirctre eacutetablie

(30)

Cette jurisprudence preacutesente un point faible Selon larticle 353 du Code civil le tribunal de

grande instance saisi dune requecircte aux fins dadoption pleacuteniegravere veacuterifie si les conditions de

la loi sont remplies et si ladoption est conforme agrave linteacuterecirct de lenfant Or en loccurrence

le preacutetendu droit de lenfant ne coiumlncide pas avec son inteacuterecirct seul mis en avant dans 1article

353 du Code civil Le refus par la cour dappel de prononcer ladoption pleacuteniegravere a priveacute les

deux enfants (au nom de leur droit aussi eacuteminent que symbolique agrave la non-chosification) dun

avantage concret et primordial leur admission au statut denfants leacutegitimes de leurs vrais

parents geacuteneacutetiques (31) Simples enfants naturels ou adulteacuterins de leur pegravere ils demeureront

sans lien de filiation maternelle Un tel problegraveme meacuterite que les juridictions se penchent au

moins sur lui (32) La protection de linstitution de ladoption sopegravere au deacutetriment du droit

reconnu agrave lenfant deacutetablir sa filiation par le biais dune discrimination fondeacutee sur les

circonstances de sa naissance (33) La jurisprudence nous semble aller agrave lencontre des

engagements internationaux contracteacutes par la France (34)

II Leacutevolution des mentaliteacutes vers une leacutegislation plus souple

Jusquagrave preacutesent la jurisprudence a toujours interdit ladoption des enfants par des couples

ayant eu recours agrave la gestation pour autrui consideacuterant quil sagit dun deacutetournement de

linstitution de ladoption (35)

Un grand quotidien Libeacuteration reacutevegravele que la cour dappel de Paris a reconnu comme parents

leacutegitimes de jumelles un couple franccedilais ayant fait appel agrave une megravere porteuse ameacutericaine

31

Une chose est sucircre cet arrecirct a le meacuterite douvrir le deacutebat et de poser la question de linteacuterecirct de

lenfant comme exception agrave lindisponibiliteacute de leacutetat des personnes et agrave linterdiction de la

pratique des megraveres porteuses (A) Lorsque lon accepte une loi eacutetrangegravere qui a eacuteteacute appeleacutee au

secours pour contourner la loi franccedilaise la modification de la loi franccedilaise nest pas loin (B)

A Lassouplissement de la jurisprudence

Dans laffaire porteacutee devant la cour dappel de Paris que nous avons abordeacutee rapidement

preacuteceacutedemment un couple dont la femme ne peut assurer la gestation en raison dune

malformation congeacutenitale se rend en Californie ougrave il conclut une convention portant sur la

gestation dun embryon issu de leurs propres gamegravetes Des jumelles naissent de cette

convention Le droit californien fait abstraction du deacutefaut daccouchement La concubine est

inscrite comme megravere dans les registres de naissance de Californie Quelques semaines plus

tard le couple reconnaicirct les enfants en France Mais agrave leur retour dans lHexagone ils sont

placeacutes en garde agrave vue puis mis en examen pour laquo entremise entre une personne deacutesireuse

dadopter un enfant et un parent deacutesireux dabandonner son enfant neacute ou agrave naicirctre raquo et pour laquo

simulation ayant entraicircneacute une atteinte agrave leacutetat civil de lenfant raquo

En 2004 le juge dinstruction rend un non-lieu sur les poursuites peacutenales les faits seacutetant

deacuterouleacutes dans un pays ougrave cette pratique est leacutegale Le parquet a alors continueacute son offensive

sur le terrain civil et chercheacute agrave faire annuler la filiation et la transcription sur leacutetat civil Le

tribunal de grande instance a deacuteclareacute cette demande irrecevable en deacutecembre 2005 Une

deacutecision rendue par la cour dappel de Paris confirme ce jugement le 25 octobre dernier apregraves

avoir estimeacute que laquo La non-transcription des actes de naissances aurait des conseacutequences

contraires agrave linteacuterecirct supeacuterieur des enfants qui au regard du droit franccedilais se verraient priveacutes

dactes deacutetat civil indiquant leur lien de filiation y compris agrave leacutegard de leur pegravere biologique

raquo

La question sera deacutesormais soumise agrave la Cour de cassation qui a deacutejagrave pris des deacutecisions

progressistes dans des questions relatives au droit de la famille notamment dans linteacuterecirct de

lenfant Elle a ainsi fait le 24 feacutevrier 2006 un pas important vers la reconnaissance de

lhomoparentaliteacute en autorisant quun parent homosexuel deacutelegravegue tout ou partie de son

autoriteacute parentale agrave son partenaire avec lequel il vit en union stable agrave condition que cette

mesure soit prise dans linteacuterecirct supeacuterieur de lenfant (36)

Le plus important reacuteside dans le fait que la cour dappel de Paris a estimeacute que la non-

transcription sur les actes de naissance aurait des conseacutequences contraire agrave llaquo inteacuterecirct de

lenfant raquo Depuis longtemps linteacuterecirct de lenfant est au centre du droit de la famille et depuis

quelques anneacutees celui-ci devient veacuteritablement la pierre angulaire de cette discipline (37)

Dans un arrecirct du 18 mai 2005 la premiegravere chambre civile de la Cour de cassation preacutecise au

visa de larticle 3-1 de la Convention relative aux droits de lenfant que laquo dans toutes les

deacutecisions qui concernent les enfants linteacuterecirct supeacuterieur de lenfant doit ecirctre une

consideacuteration primordiale raquo (38) Mais que faut-il entendre par inteacuterecirct supeacuterieur de lenfant

(39)

Bien que le nouvel article L 112-4 du Code de laction sociale et des familles (40) et larticle

371-1 du Code civil semblent deacutefinir les eacuteleacutements constitutifs de cette notion llaquo inteacuterecirct de

lenfant raquo reste un concept assez flou que le leacutegislateur et les juges se gardent bien de deacutefinir

preacuteciseacutement on ne peut limiter linteacuterecirct supeacuterieur de lenfant agrave la protection de sa santeacute de sa

seacutecuriteacute et de sa moraliteacute Certes ces eacuteleacutements sont les bases de linteacuterecirct de lenfant mais

32

puisque celui-ci peut deacutepasser le strict cadre du droit de lautoriteacute parentale voire du droit de

la famille cette vision serait bien trop reacuteductrice

Le sens de cette notion peut encore sobscurcir si lon considegravere quelle peut se confondre avec

dautres concepts voisins Larticle 371-5 doit ainsi conduire agrave distinguer linteacuterecirct de lenfant de

celui de la fratrie En effet si celle-ci a inteacuterecirct agrave rester unie certaines circonstances permettent

deacutecarter un de ses membres dans son inteacuterecirct exclusif

Un amendement proposait cependant agrave la suite du nouvel article L 112-4 du Code de laction

sociale et des familles une deacutefinition inteacuteressante laquo Linteacuterecirct supeacuterieur de lenfant est deacutefini

comme lassurance de la protection de sa seacutecuriteacute personnelle et affective lassurance dun

contexte familial permettant un bon deacuteveloppement physique intellectuel affectif et social

lassurance dune relation dattachement parental permettant de se construire Linteacuterecirct

supeacuterieur de lenfant tel que deacutefini constitue son projet de vie raquo (41)

On ne peut que se feacuteliciter de la mise en avant de linteacuterecirct de lenfant pour deacuteroger agrave la sacro-

sainte interdiction des megraveres porteuses car il est vrai quil ne faut pas oublier que limportant

reste dabord et avant tout lenfant qui a et doit avoir une place centrale au sein de la famille

On peut envisager que cette reacutecente jurisprudence puisse influencer la reacuteflexion sur le recours

aux laquo megraveres porteuses raquo sur le territoire national qui conduise agrave une eacutevolution de la loi

B Vers une eacutevolution de la loi

Alors que la France interdit la laquo gestation pour autrui raquo cette pratique a eacuteteacute leacutegaliseacutee dans de

nombreux pays La France a donc une leacutegislation moins libeacuterale que dautres leacutegislations

nationales La pratique de la gestation pour autrui est notamment autoriseacutee aux Etats-Unis au

Canada en Australie et dans plusieurs pays de lUnion europeacuteenne (Espagne et Belgique

Gregravece et Royaume-Uni notamment) (42) La question de la leacutegalisation des megraveres porteuses

est tregraves controverseacutee en France et demanderait un strict encadrement (43)

On enseigne habituellement que les questions deacutetat ne peuvent deacutependre de la seule volonteacute

individuelle Leacutetat des personnes - le droit de la filiation en particulier - eacutechapperait aux

conventions Mais ce principe nest plus si absolu Leacutevolution contemporaine reacuteduit laspect

institutionnel Une place nettement importante a eacuteteacute faite dans lorganisation des relations

familiales agrave la volonteacute individuelle laquo Laccroissement du pouvoir des volonteacutes individuelles

dans le droit de la famille est une marque essentielle de ce droit raquo (44) Dougrave la justesse de

lexpression laquo contractualisation du droit de la famille raquo Le rocircle de la volonteacute individuelle

tend agrave ecirctre de plus en plus important (45) Tel est le cas du divorce du PACS et du mariage

La procreacuteation nest plus la finaliteacute avec larriveacutee en force dans des pays voisins du mariage

homosexuel

Une certaine eacutevolution des mentaliteacutes ainsi que la dispariteacute entre la loi franccedilaise et dautres

leacutegislations nationales pourraient bien donner lieu agrave un assouplissement de cette leacutegislation

(46)

La gestation pour autrui permet de pallier certaines formes de steacuteriliteacute feacuteminine en raison

dune absence ou dune deacuteformation duteacuterus de conseacutequences de cancer ou reacutesultant dune

hysteacuterectomie de fausses couches reacutepeacuteteacutees dune contre-indication meacutedicale agrave la grossesse ou

de nombreux eacutechecs de feacutecondations in vitro (47) Dans ce cas on implante les gamegravetes des

parents geacuteneacutetiques dans le ventre de la megravere porteuse

33

Un autre argument favorable agrave cette pratique est la certitude apaisante pour le couple steacuterile

de ce que lenfant porteacute en uteacuterus tiers nen sera pas moins leur veacuteritable enfant geacuteneacutetique

puisque conccedilu agrave partir de leurs propres gamegravetes

De plus il faut deacutenoncer une incoheacuterence Une femme empecirccheacutee par la loi de donner avant

sa grossesse agrave un couple agreacuteeacute par elle lenfant quelle portera moyennant eacutequitable

reacutecompense possegravede en revanche le droit discreacutetionnaire de labandonner une fois neacute au

hasard des eacutetablissements ou du service de lASE ou pis encore de recourir agrave une

interruption volontaire de grossesse pendant les douze premiegraveres semaines (48)

La possession deacutetat repreacutesente une valeur humaine et sociale qui doit ecirctre prise en compte en

tant que telle Comme lont joliment affirmeacute M Hauser et Mme Huet-Weiller laquo elle est la

veacuteriteacute des sentiments la veacuteriteacute du coeur tout aussi respectable sinon plus que celle des

registres deacutetat ou mecircme de nos gegravenes raquo (49) Ainsi on peut ecirctre favorable agrave cette reacuteflexion

sous certains reacuteserves

Tout dabord le couple demandeur devait avoir plus de 18 ans et linfertiliteacute devrait ecirctre

meacutedicalement eacutetablie Ensuite seule lutilisation des gamegravetes (sperme et ovocytes) du couple

serait autoriseacutee afin deacuteviter que la gestatrice soit aussi la megravere biologique de lenfant (pour

eacuteviter des liens trop forts eacutetablis entre elle et le beacutebeacute)

De son cocircteacute la megravere porteuse devait avoir plus de 18 ans et accepter de subir des tests divers

avant la grossesse Elle serait la seule agrave donner un consentement valable concernant la gestion

de sa grossesse et elle abandonnerait ses droits parentaux agrave la naissance de lenfant tout en

assistant le couple demandeur lors de la deacutelivrance du certificat de naissance Le

consentement devrait aussi ecirctre obtenu par un entretien psychologique meacutedical et juridique

Seul le juge pourrait donner laccord au deacutebut du processus Le couple demandeur devait

sengager agrave assumer la garde de lenfant degraves sa naissance afin deacuteviter soit une non-remise

denfant soit un refus de lenfant - par exemple en cas de handicap

Concernant la reacutemuneacuteration de la megravere porteuse la marchandisation est inacceptable Les

intermeacutediaires reacutemuneacutereacutes seraient interdits Le principe du volontariat et de la gratuiteacute sont

essentiels le don de vie (50)

Enfin il ne sagirait pas de reacutemuneacuteration mais de compensation financiegravere destineacutee agrave

deacutedommager les inconveacutenients lieacutes agrave la grossesse sur la base de la loi laquo Huriet raquo (loi sur la

recherche meacutedicale avec volontaires sains) Le couple demandeur devrait prendre agrave sa charge

les deacutepenses meacutedicales leacutegales et psychologiques ainsi quun montant raisonnable alloueacute agrave la

megravere porteuse pour subvenir agrave ses besoins Les juges appreacutecieraient librement ce que peut ecirctre

un montant laquo raisonnable raquo sans que cela puisse jamais ecirctre consideacutereacute comme une laquo vente raquo

denfant

(1) B Debreacute et S Agacinski laquo Faut-il leacutegaliser les megraveres porteuses en France raquo Le Figaro Magazine du samedi 10 novembre 2007 p 50

34

(2) G David laquo Don et utilisation du sperme raquo in Actes du colloque Geacuteneacutetique procreacuteation et

droit Actes sud 1985 p 205 G-M Faure Le deacutesir denfant agrave leacutepreuve du droit Essai sur le droit de la procreacuteation meacutedicalement assisteacutee Thegravese Universiteacute de Lille 1992 p 7

(3) G Lebreton Liberteacutes publiques et droits de lhomme 6e eacuted Armand Colin 2003 p 262

(4) CE 22 janvier 1988 Lebon 1988 p 37

(5) La Cour de cassation a enteacuterineacute la position de la cour dappel de Paris pour laquelle laquo ni laltruisme du comportement de la megravere de substitution ni le caractegravere deacutesinteacuteresseacute des activiteacutes de lassociation ne sont propres agrave faire disparaicirctre lilliceacuteiteacute qui frappe laccord litigieux raquo Cass civ 1re 13 deacutecembre 1989 Bull civ I no 387 Defreacutenois 1990 art 34802 no 55 obs J-L Aubert D 1990 p 273 JCP eacuted G 1990 II 21526 note A Seacuteriaux propos recueillis par C Slobodansky laquo Le droit doit limiter les progregraves de la science raquo LPA du 7 mai 2004 no 92 p 60

(6) laquo La convention par laquelle une femme sengage fucirct-ce agrave titre gratuit agrave concevoir et porter un enfant pour labandonner agrave sa naissance contrevient tant au principe dordre public de lindisponibiliteacute du corps humain quagrave celui de lindisponibiliteacute de leacutetat des personnes raquo Cass ass pleacuten 31 mai 1991 Bull civ ass pleacuten no 4 Defreacutenois 1991 art 35142 no 103 obs J-L Aubert Defreacutenois 1991 art 35088 no 67 note J Massip RTD civ 1991 p 517 obs D Huet-Weiller et p 489 note M Gobert M Gobert laquo Reacuteflexions sur les sources du droit et les

principes dindisponibiliteacute du corps humain et de leacutetat des personnes agrave propos de la materniteacute de substitution raquo RTD civ 1992 p 489 et s speacutec p 501 dans ce sens v deacutejagrave les remarques de P Murat laquo Laction de lordonnance du 4 juillet 2005 sur la possession deacutetat raquo Dr Famille 2006 eacutetude no 6 speacutec no 7 V aussi J Massip laquo Linsertion dans le Code civil de dispositions relatives au corps humain agrave lidentification geacuteneacutetique et agrave la procreacuteation meacutedicalement assisteacutee raquo Defreacutenois 1995 art 35975 et 35992

(7) En ce sens V Depadt-Sebag laquo De la neacutecessiteacute dune reacuteforme de larticle 16-7 du Code civil relatif agrave linterdiction de gestation pour autrui raquo RGD meacuted 2004 no 12 p 135 et s

(8) Art 227-12 et s C peacuten

(9) CA Paris 1re feacutevrier 2001 RTD civ 2001 p 347 obs J Hauser Cass civ 1re 9 deacutecembre 2003 Bull civ I no 252 p 201 CA Rennes 4 juillet 2002 D 2002 p 2904

(10) Cass civ 1re 20 feacutevrier 2007 Defreacutenois 2007 art 38595 no 45 obs J Massip

(11) V Depadt-Sebag laquo De la neacutecessiteacute dune reacuteforme de larticle 16-7 du Code civil relatif agrave linterdiction de gestation pour autrui raquo preacutec no 12 p 135 et s

(12) L no 2004-800 du 6 aoucirct 2004 relative agrave la bioeacutethique JO du 7 aoucirct 2004 p 14040 J Massip art preacutec

(13) Dans ce sens v M Gobert laquo Reacuteflexions sur les sources du droit et les principes dindisponibiliteacute du corps humain et de leacutetat des personnes agrave propos de la materniteacute de substitution raquo preacutec p 489 et s speacutec p 513

(14) V Depadt-Sebag laquo De la neacutecessiteacute dune reacuteforme de larticle 16-7 du Code civil relatif agrave linterdiction de gestation pour autrui raquo preacutec no 12 p 135 et s E Camuzet La convention de gestation pour autrui une illeacutegaliteacute franccedilaise injustifieacutee Meacutemoire Lille 2 Universiteacute du droit et de la santeacute 2005-2006 p 55

(15) A Mayer-Jack laquo Les conventions relatives agrave la personne physique raquo Rev crit leacutegisl et jurispr 1993 p 6

(16) G Meacutemeteau laquo Une distinction est opeacutereacutee sur la reacutefeacuterence des donneacutees acquises de la science agrave la date des soins par opposition agrave la notion erroneacutee de donneacutees actuelles de la science raquo note sous Cass civ 1re 6 juin 2000 JCP eacuted G 2001 II 10447

(17) Cass civ 1re 13 deacutecembre 1989 Bull civ I no 387 Defreacutenois 1990 art 34815 rapp J Massip D 1990 p 273 JCP eacuted G 1990 II 21526 note A Seacuteriaux

35

(18) Communication J Bernard et comm J Massip Defreacutenois 1990 art 35088 no 67 note J

Massip F Terreacute note sous Cass ass pleacuten 31 mai 1991 JCP eacuted G 1991 II 21752 dans ce sens v les remarques de P Murat laquo Laction de lordonnance du 4 juillet 2005 sur la possession deacutetat raquo preacutec eacutetude no 6 speacutec no 7 G Kessler laquo La consolidation de situations illicites dans linteacuterecirct de lenfant raquo Dr Famille no 7 juillet 2005 Etude 16

(19) TGI Lille 22 mars 2007 D 2007 no 18 p 1251 note X Labbeacutee B Edelman et C Labrusse-Riau note sous CA Paris 15 juin 1990 JCP eacuted G 1991 II 21653

(20) V Larribau-Terneyre note sous CA Pau 19 feacutevrier 1991 D 1991 juris p 380

(21) J Massip laquo Megravere porteuse et deacutecheacuteance de lautoriteacute parentale raquo LPA du 29 octobre 2003 no 216 p 10 Cass ass pleacuten 31 mai 1991 Bull civ ass pleacuten no 4 Defreacutenois 1991 art 35088 no 67 p 948 obs J Massip D 1991 p 417 rapport Y Chartier note D Thouvenin JCP eacuted G 1991 II 21752 communication J Bernard concl H Dontenwille note F Terreacute RTD civ 1991 p 517 obs D Huet-Weiller

(22) J Rubellin-Devichi laquo Materniteacute de substitution qui est la megravere raquo note sous CA Rennes 4 juillet 2002 JCP eacuted G 2003 I 101 C Ducomte laquo La vraie querelle des megraveres porteuses raquo httppagesperso-orangefrmax-christianducomtemereindexhtm

(23) Propos de Mme F Dekeuwer-Deacutefossez lors de son audition devant le preacutesident M Bloche pour la mission dinformation sur la famille (procegraves-verbal du 5 octobre 2005)

(24) J Hauser obs in RTD civ 1999 p 372 F Dekeuwer-Deacutefossez note sous Cass ass pleacuten 31 mai 1991 D 1992 somm p 59

(25) F Dekeuwer-Deacutefossez laquo Les droits de lenfant raquo D 1992 somm p 59 E Poisson-Drocourt laquo Recours agrave une megravere de substitution et refus de ladoption raquo D 2004 p 2001

(26) J-J Lemouland laquo Le tourisme procreacuteatif raquo LPA 2001 no 62 p 24 F Dekeuwer-Deacutefossez laquo Le lien parental raquo LPA du 1er juillet 2004 no 131 p 70 F Granet note sous CA Rennes 4 juillet 2002 D 2002 p 2904

(27) CA Aix-en-Provence 12 mars 2002 Juris-Data no 2002-190443 A Seacuteriaux laquo Droit naturel et procreacuteation artificielle quelle jurisprudence raquo D 1985 chron p 53 J Massip laquo Le nouveau droit de la filiation raquo Defreacutenois 2006 art 38303 p 13

(28) CA Rennes 4 juillet 2002 JCP eacuted G 2003 I 101 note J Rubellin-Devichi

(29) laquo Si le principe structurant de lautoriteacute parentale est linteacuterecirct de lenfant deacutetermineacute in concreto le droit de la filiation nappreacutecie en revanche jamais linteacuterecirct concret dun enfant preacutecis mais linteacuterecirct geacuteneacuteral de lenfant in abstracto raquo A Gouttenoire laquo A chacun sa famille agrave chacun son droit raquo Dr Famille no 7 juillet 2006 Alerte 41

(30) E Camuzet La convention de gestation pour autrui une illeacutegaliteacute franccedilaise injustifieacutee art preacutec p 52

(31) P Raynaud laquo Un abus de ladoption simple les couples adoptifs raquo D 1983 chron p 39 H Gaumont-Prat laquo Pas dadoption pour les enfants issus de convention de megravere porteuse raquo RLDC no 5 mai 2004 p 31 laquo Le rejet dans le non-droit des enfants neacutes dans des circonstances qui deacuterangent la socieacuteteacute relegraveve du deacuteni de la reacutealiteacute porteur de nombreux effets pathogegravenes et injustes raquo

(32) J Rubellin-Devichi laquo Materniteacute de substitution qui est la megravere raquo note sous CA Rennes 4 juillet 2002 preacutec I 101 C Ducomte laquo La vraie querelle des megraveres porteuses raquo preacutec P Raynaud laquo Un abus de ladoption simple les couples adoptifs raquo art preacutec chron p 39 G Kessler laquo La consolidation de situations illicites dans linteacuterecirct de lenfant raquo art preacutec Etude 16

(33) F Dekeuwer-Deacutefossez laquo Reacuteflexion sur les mythes fondateurs du droit contemporain de la famille raquo RTD civ 1995 p 269 E Camuzet La convention de gestation pour autrui une illeacutegaliteacute franccedilaise injustifieacutee art preacutec p 66 A Ponsard rapport sous Cass civ 1re 16

36

novembre 1982 JCP eacuted G 1983 II 19954 M-T Meulders-Klein laquo Le droit agrave lenfant face au

droit de lenfant et les procreacuteations meacutedicalement assisteacutees raquo RTD civ 1988 p 645 F Terreacute Lenfant de lesclave Geacuteneacutetique et droit Flammarion 1987 p 128

(34) Convention de New York du 26 janvier 1990 Charte des droits fondamentaux de lUnion europeacuteenne du 7 deacutecembre 2000 Deacuteclaration universelle des droits de lhomme de 1789 Convention internationale des droits de lenfant de 1989

(35) Cass ass plegraven 31 mai 1991 Bull civ ass plegraven no 4 Defreacutenois 1991 art 35142 no 103 obs J-L Aubert et art 35088 no 67 p 948 obs J Massip D 1991 p 417 rapport Y Chartier note D Thouvenin JCP eacuted G 1991 II 21752 communication J Bernard concl H Dontenwille note F Terreacute RTD civ 1991 p 517 obs D Huet-Weiller

(36) Cass civ 1re 24 feacutevrier 2006 Bull civ I no 101 p 95 Defreacutenois 2006 art 38415 no 40 p 1067 obs J Massip D 2006 juris p 897-900 obs D Vigneau T Anatrella laquo Adoption et homoparentaliteacute leacuteclairage des droits de lhomme raquo Dr Famille 2003 no 10 p

8-10 agrave lidentique dans un arrecirct du 22 janvier 1992 D 1993 p 119 note J Vassaux la cour dappel de Poitiers a prononceacute ladoption simple dun enfant neacute dune convention de megravere porteuse au motif que laquo cette adoption nest pas seulement conforme agrave linteacuterecirct de lenfant mais encore constitue une neacutecessiteacute qui deacutecoule des reacutealiteacutes de la vie issues derreurs des adultes dont lenfant ne doit pas subir les conseacutequences raquo

(37) G Kessler laquo La consolidation de situations illicites dans linteacuterecirct de lenfant raquo art preacutec eacutetude no 16 M-T Meulders-Klein laquo Le droit agrave lenfant face au droit de lenfant et les procreacuteations meacutedicalement assisteacutees raquo art preacutec p 645

(38) Cass civ 1re 18 mai 2005 Bull civ I no 211 p 179 V Depadt-Sebag laquo Non-lieu dans une affaire de materniteacute pour autrui raquo D 2005 p 476 J Massip laquo Megravere porteuse et deacutecheacuteance de lautoriteacute parentale raquo art preacutec no 216 p 11 F Terreacute Lenfant de lesclave Geacuteneacutetique et droit op cit adde F Terreacute et D Fenouillet Droit civil Les personnes la famille les incapaciteacutes 6e eacuted Preacutecis Dalloz no 926 M Lamarche laquo Inteacuterecirct supeacuterieur de lenfant de ladmission des effets dune convention de megravere porteuse agrave la destruction du droit franccedilais de la filiation raquo Dr Famille novembre 2007 no 11

(39) M Donnier laquo Linteacuterecirct de lenfant raquo D 1959 chron p 27 F Laroche-Gisserot note sous Cass civ 1re 27 mai 1998 D 1998 p 530 F Millet laquo Ladoption dun inteacuterecirct agrave lautre raquo RRJ 2003-3 p 1777 et s A Gouttenoire laquo A chacun sa famille agrave chacun son droit raquo art preacutec Alerte 41

(40) Par la loi no 2007-293 du 5 mars 2007 reacuteformant la protection de lenfance (JO du 6 mars 2007 Defreacutenois 2007 Leacuteg p 282) le leacutegislateur a inteacutegreacute la notion dinteacuterecirct de lenfant dans le Code de laction sociale et des familles Le nouvel article L 112-4 dudit code dispose que laquo Linteacuterecirct de lenfant la prise en compte de ses besoins fondamentaux physiques intellectuels sociaux et affectifs ainsi que le respect de ses droits doivent guider toutes deacutecisions le concernant raquo

(41) Amendement no 48 rect Protection de lenfance no 3184 Assembleacutee nationale 22 deacutecembre 2006 wwwassemblee-nationalefr v aussi sur lensemble de ces questions les consideacuterations tregraves eacuteclairantes de P Murat note sous CA Rennes 4 juillet 2002 D 2002 p 2902 Dr Famille 2002 comm no 142 note P Murat

(42) F Granet-Lambrechts laquo Materniteacutes de substitution filiation et eacutetat civil Panorama europeacuteen raquo Dr Famille no 12 deacutecembre 2007 eacutetude no 34

(43) D Youf Penser les droits de lenfant PUF 2002 p 2

(44) G Cornu La famille 6e eacuted no 7 J Carbonnier Droit civil t 4 Les obligations PUF coll Theacutemis no 372 p 649

(45) D Fenouillet et P de Vareilles-Sommiegraveres La contractualisation du droit de la famille Economica 2001

37

(46) H Gaumont-Prat laquo Pas dadoption pour les enfants issus de convention de megravere porteuse raquo art preacutec p 31

(47) E Poisson-Droccourt laquo Recours agrave une megravere de substitution et refus de ladoption raquo art preacutec p 2001 note sous Cass civ 1re 9 deacutecembre 2003 G Delaisi de Perseval laquo Gestation pour autrui en quecircte de leacutegitimation raquo httpwwwliberationfr

(48) C Neirinck laquo Les filiations eacutelectives agrave leacutepreuve du droit raquo JCP eacuted G 1997 I 4067 E Camuzet laquo La convention de gestation pour autrui une illeacutegaliteacute franccedilaise injustifieacutee raquo art preacutec p 59

(49) J Hauser et D Huet-Weiller Traiteacute de droit civil La famille Fondation et vie de la famille 2e eacuted LGDJ 1993 p 250

(50) B Debreacute et S Agacinski laquo Faut-il leacutegaliser les megraveres porteuses en France raquo art preacutec p 50 C Atias D 1986 chron p 67

Civ 1egravere

13 deacutecembre 1989

Ndeg de pourvoi 88-15655

Publieacute au bulletin

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Attendu selon les juges du fond que lrsquoassociation ldquo Alma Mater ldquo a pour objet de faciliter la

solution des problegravemes qui se posent aux couples dont la femme est steacuterile deacutesireux

drsquoaccueillir un enfant agrave leur foyer et aux ldquo megraveres porteuses ldquo volontaires qursquoil est proposeacute agrave

la ldquo megravere porteuse ldquo drsquoecirctre inseacutemineacutee artificiellement par la semence du mari ou du concubin

de porter et de mettre au monde lrsquoenfant qui sera deacuteclareacute sur les registres de lrsquoeacutetat civil sans

indication du nom de la megravere reconnu par le pegravere et accueilli au foyer de celui-ci en vue de

son adoption par lrsquoeacutepouse ou la compagne que lrsquoassociation intervient tout au long de ce

processus qualifieacute de ldquo precirct drsquouteacuterus ldquo ou de ldquo don drsquoenfant ldquo qursquoainsi apregraves avoir controcircleacute la

reacutealiteacute de la steacuteriliteacute du couple demandeur et des faculteacutes de feacutecondation de la ldquo megravere porteuse

ldquo geacuteneacuteralement recruteacutee par elle lrsquoassociation fait proceacuteder agrave lrsquoinseacutemination surveille la

grossesse et lrsquoaccouchement srsquooccupe de faire diligenter la proceacutedure drsquoadoption qursquoelle

verse ensuite agrave la megravere une somme forfaitaire - qui en 1987 eacutetait fixeacutee agrave 60 000 francs -

remise par le couple demandeur degraves le deacutebut de la grossesse que lrsquoarrecirct confirmatif attaqueacute

(Aix-en-Provence 29 avril 1988) estimant que cette association avait un objet illicite

contraire aux lois et aux bonnes moeurs en a prononceacute la nulliteacute sur le fondement de lrsquoarticle

3 de la loi du 1er juillet 1901

Sur le moyen unique pris en sa premiegravere branche

Attendu que lrsquoassociation ldquo Alma Mater ldquo fait grief agrave la cour drsquoappel drsquoavoir ainsi statueacute alors

que selon le moyen nrsquoest ni illicite ni contraire aux bonnes moeurs lrsquoassociation qui dans un

but humanitaire non lucratif met en relation un couple demandeur dont la femme est steacuterile et

38

une femme qui accepte drsquoecirctre inseacutemineacutee artificiellement par le mari de porter lrsquoenfant et de le

remettre agrave la naissance agrave ce couple qui lrsquoindemnisera des contraintes et de la gecircne occasionneacutee

par la grossesse de sorte que la juridiction du second degreacute aurait violeacute les articles 3 et 7 de la

loi du 1er juillet 1901

Mais attendu qursquoil reacutesulte des constatations des juges du fond que lrsquoobjet mecircme de

lrsquoassociation est de favoriser la conclusion et lrsquoexeacutecution de conventions qui fussent-elles

verbales portent tout agrave la fois sur la mise agrave la disposition des demandeurs des fonctions

reproductrices de la megravere et sur lrsquoenfant agrave naicirctre et sont donc nulles en application de lrsquoarticle

1128 du Code civil que ces conventions contreviennent au principe drsquoordre public de

lrsquoindisponibiliteacute de lrsquoeacutetat des personnes en ce qursquoelles ont pour but de faire venir au monde un

enfant dont lrsquoeacutetat ne correspondra pas agrave sa filiation reacuteelle au moyen drsquoune renonciation et

drsquoune cession eacutegalement prohibeacutees des droits reconnus par la loi agrave la future megravere que

lrsquoactiviteacute de lrsquoassociation qui tend deacutelibeacutereacutement agrave creacuteer une situation drsquoabandon aboutit agrave

deacutetourner lrsquoinstitution de lrsquoadoption de son veacuteritable objet qui est en principe de donner une

famille agrave un enfant qui en est deacutepourvu que crsquoest degraves lors agrave bon droit que lrsquoarrecirct attaqueacute a

deacutecideacute sur le fondement de lrsquoarticle 3 de la loi du 1er juillet 1901 que cette association eacutetait

nulle en raison de lrsquoilliceacuteiteacute de son objet que la premiegravere branche du moyen est donc sans

fondement

Et sur les deuxiegraveme et troisiegraveme branches du moyen

Attendu qursquoil est fait grief agrave la cour drsquoappel de nrsquoavoir pas reacutepondu aux conclusions faisant

valoir drsquoune part que lrsquointerdiction du ldquo don de gestation ldquo constituait une discrimination

fondeacutee sur la naissance contraire aux dispositions de lrsquoarticle 24 du pacte international relatif

aux droits civils et politiques signeacute agrave New York le 19 deacutecembre 1966 et drsquoautre part que ce ldquo

don de gestation ldquo reposait sur le droit leacutegitime de fonder une famille qui implique le droit

drsquoengendrer reconnu tant par lrsquoarticle 12 de la convention europeacuteenne des droits de lrsquohomme

et des liberteacutes fondamentales du 4 novembre 1950 que par lrsquoarticle 23 du pacte international

preacuteciteacute

Mais attendu que la reconnaissance du caractegravere illicite de la materniteacute pour autrui et des

associations qui srsquoefforcent de la promouvoir qui se deacuteduit des principes geacuteneacuteraux du Code

civil et de regravegles qui sont communes agrave toutes les filiations nrsquoest pas de nature agrave instaurer une

discrimination fondeacutee sur la naissance que le droit de se marier et de fonder une famille

reconnu par lrsquoarticle 12 de la convention du 4 novembre 1950 et par lrsquoarticle 23 du pacte

international du 19 deacutecembre 1966 agrave lrsquohomme et agrave la femme en acircge nubile nrsquoimplique pas le

droit de conclure avec un tiers des conventions portant sur le sort drsquoun enfant agrave naicirctre que

par ces motifs de droit reacutepondant aux conclusions invoqueacutees lrsquoarrecirct se trouve leacutegalement

justifieacute et que les deuxiegraveme et troisiegraveme branches du moyen ne peuvent ecirctre accueillies

PAR CES MOTIFS

REJETTE le pourvoi

Publication Bulletin 1989 I Ndeg 387 p 260

Deacutecision attaqueacutee Cour drsquoappel drsquoAix-en-Provence du 29 avril 1988

39

Cour de cassation Assembleacutee pleacuteniegravere

Audience publique du 31 mai 1991

Ndeg de pourvoi 90-20105 Publieacute au bulletin

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Sur le pourvoi dans lrsquointeacuterecirct de la loi formeacute par M le Procureur geacuteneacuteral pregraves la Cour de

Cassation

Vu les articles 6 et 1128 du Code civil ensemble lrsquoarticle 353 du mecircme Code

Attendu que la convention par laquelle une femme srsquoengage fucirct-ce agrave titre gratuit agrave concevoir

et agrave porter un enfant pour lrsquoabandonner agrave sa naissance contrevient tant au principe drsquoordre

public de lrsquoindisponibiliteacute du corps humain qursquoagrave celui de lrsquoindisponibiliteacute de lrsquoeacutetat des

personnes

Attendu selon lrsquoarrecirct infirmatif attaqueacute que Mme X eacutepouse de M Y eacutetant atteinte drsquoune

steacuteriliteacute irreacuteversible son mari a donneacute son sperme agrave une autre femme qui inseacutemineacutee

artificiellement a porteacute et mis au monde lrsquoenfant ainsi conccedilu qursquoagrave sa naissance cet enfant a

eacuteteacute deacuteclareacute comme eacutetant neacute de Y sans indication de filiation maternelle

Attendu que pour prononcer lrsquoadoption pleacuteniegravere de lrsquoenfant par Mme Y lrsquoarrecirct retient

qursquoen lrsquoeacutetat actuel des pratiques scientifiques et des moeurs la meacutethode de la materniteacute

substitueacutee doit ecirctre consideacutereacutee comme licite et non contraire agrave lrsquoordre public et que cette

adoption est conforme agrave lrsquointeacuterecirct de lrsquoenfant qui a eacuteteacute accueilli et eacuteleveacute au foyer de M et

Mme Y pratiquement depuis sa naissance

Qursquoen statuant ainsi alors que cette adoption nrsquoeacutetait que lrsquoultime phase drsquoun processus

drsquoensemble destineacute agrave permettre agrave un couple lrsquoaccueil agrave son foyer drsquoun enfant conccedilu en

exeacutecution drsquoun contrat tendant agrave lrsquoabandon agrave sa naissance par sa megravere et que portant atteinte

aux principes de lrsquoindisponibiliteacute du corps humain et de lrsquoeacutetat des personnes ce processus

constituait un deacutetournement de lrsquoinstitution de lrsquoadoption la cour drsquoappel a violeacute les textes

susviseacutes

PAR CES MOTIFS

CASSE ET ANNULE mais seulement dans lrsquointeacuterecirct de la loi et sans renvoi lrsquoarrecirct rendu le

15 juin 1990 par la cour drsquoappel de Paris

REQUETE DE M LE PROCUREUR GENERAL PRES LA COUR DE CASSATION

Le Procureur geacuteneacuteral pregraves la Cour de Cassation a lrsquohonneur drsquoexposer

- Que par jugement du 28 juin 1989 le tribunal de grande instance de Paris a rejeteacute la requecircte

preacutesenteacutee par Mme X eacutepouse Y tendant agrave lrsquoadoption pleacuteniegravere de lrsquoenfant Z deacuteclareacutee

comme eacutetant neacutee de M Y mari de la requeacuterante sans indication de filiation maternelle

- Que pour ne pas faire droit agrave cette requecircte les premiers juges ont retenu que les eacutepoux Y

pour remeacutedier agrave la steacuteriliteacute de leur couple avaient eu recours agrave lrsquoassociation Alma Mater

aujourdrsquohui dissoute lrsquoenfant eacutetant neacute drsquoune megravere de substitution qui lrsquoa abandonneacute agrave la

naissance pratique deacuteclareacutee illicite

- Que sur appel de Mme Y la premiegravere chambre civile section C de la cour drsquoappel de

Paris a par arrecirct du 15 juin 1990 infirmeacute la deacutecision entreprise et prononceacute lrsquoadoption

pleacuteniegravere solliciteacutee par la requeacuterante

- Qursquoau soutien de leur deacutecision devenue deacutefinitive les juges du second degreacute ont tireacute de nos

principes geacuteneacuteraux relatifs agrave la filiation des regravegles drsquoordre public concernant les contrats et de

40

certaines conventions ou deacuteclarations internationales des conclusions contraires agrave celles

auxquelles eacutetait parvenue votre premiegravere chambre civile de la Cour de Cassation qui dans un

cas de figure pratiquement identique a par arrecirct du 13 deacutecembre 1989 (association Alma

Mater contre procureur geacuteneacuteral Aix-en-Provence) reconnu le caractegravere illicite de la materniteacute

pour autrui et les associations qui srsquoefforcent de la promouvoir

- Qursquoil importe en cette matiegravere particuliegraverement sensible qui touche agrave un deacutelicat problegraveme de

socieacuteteacute et drsquoeacutethique que soit mis fin agrave des divergences jurisprudentielles majeures et que la

seacutecuriteacute juridique soit assureacutee

PAR CES MOTIFS

Vu lrsquoarticle 17 de la loi du 3 juillet 1967 relative agrave la Cour de Cassation

Requiert qursquoil plaise agrave la Cour de Cassation

CASSE ET ANNULE sans renvoi et dans le seul inteacuterecirct de la loi lrsquoarrecirct rendu le 15 juin 1990

par la cour drsquoappel de Paris ayant fait droit agrave la requecircte en adoption pleacuteniegravere preacutesenteacutee par

Mme X eacutepouse Y

Publication Bulletin 1991 AP Ndeg 4 p 5

Deacutecision attaqueacutee Cour drsquoappel de Paris du 15 juin 1990

Page 30: SEANCE_3 Droit Civil Methodologie

30

Lagrave encore le processus deacutebute par une inseacutemination artificielle mais les pays ayant leacutegaliseacute la

gestation pour le compte dautrui permettent par ailleurs que lembryon inseacutemineacute dans

luteacuterus de la femme soit issu de la rencontre des gamegravetes des deux parents demandeurs

Lenfant est donc geacuteneacutetiquement lenfant du couple Il a pour parent degraves sa naissance le

couple demandeur il porte leur nom et le preacutenom quils lui ont choisi Mais pour exister en

France il est neacutecessaire de recourir agrave une transcription sur les registres de leacutetat civil franccedilais

de lacte de naissance eacutetranger Lagrave encore la seacuteveacuteriteacute est de mise puisque le parquet de

Nantes qui a en charge la transcription des eacutetats civils venant de leacutetranger refuse

systeacutematiquement cette transcription qui nest pas conforme agrave la leacutegislation franccedilaise (27)

Les magistrats ont eacuteteacute confronteacutes agrave ces situations ougrave la megravere commanditaire deacutesirait eacutetablir un

lien de filiation entre elle et lenfant issu de la convention de materniteacute de substitution

Tel est par exemple le cas qui a eacuteteacute trancheacute par la cour dappel de Rennes le 4 juillet 2002

(28) Dans cet arrecirct la cour dappel a rejeteacute ladoption des enfants par un couple qui a conclu

en Californie une convention portant sur la gestation dun embryon issu de leurs propres

gamegravetes La cour relegraveve que laquo la loi franccedilaise ne donne pas une deacutefinition de la megravere raquo cette

notion est inscrite dans les mentaliteacutes depuis des siegravecles par ladage Mater semper certa est

Cest laccouchement qui deacutetermine la megravere et non la seule reacutealiteacute geacuteneacutetique

Cette jurisprudence installeacutee depuis le ceacutelegravebre arrecirct de lassembleacutee pleacuteniegravere du 31 mai 1991

constitue une atteinte directe agrave linteacuterecirct de lenfant Ce dernier est priveacute de toute filiation

maternelle leacutegalement reconnue et ce sans beacuteneacutefice pour personne (29)

Malheureusement en raison de cette solution les deux enfants sont acircgeacutes de sept ans et vivent

aupregraves de leur pegravere naturel et de sa compagne dont la materniteacute ne peut leacutegalement ecirctre eacutetablie

(30)

Cette jurisprudence preacutesente un point faible Selon larticle 353 du Code civil le tribunal de

grande instance saisi dune requecircte aux fins dadoption pleacuteniegravere veacuterifie si les conditions de

la loi sont remplies et si ladoption est conforme agrave linteacuterecirct de lenfant Or en loccurrence

le preacutetendu droit de lenfant ne coiumlncide pas avec son inteacuterecirct seul mis en avant dans 1article

353 du Code civil Le refus par la cour dappel de prononcer ladoption pleacuteniegravere a priveacute les

deux enfants (au nom de leur droit aussi eacuteminent que symbolique agrave la non-chosification) dun

avantage concret et primordial leur admission au statut denfants leacutegitimes de leurs vrais

parents geacuteneacutetiques (31) Simples enfants naturels ou adulteacuterins de leur pegravere ils demeureront

sans lien de filiation maternelle Un tel problegraveme meacuterite que les juridictions se penchent au

moins sur lui (32) La protection de linstitution de ladoption sopegravere au deacutetriment du droit

reconnu agrave lenfant deacutetablir sa filiation par le biais dune discrimination fondeacutee sur les

circonstances de sa naissance (33) La jurisprudence nous semble aller agrave lencontre des

engagements internationaux contracteacutes par la France (34)

II Leacutevolution des mentaliteacutes vers une leacutegislation plus souple

Jusquagrave preacutesent la jurisprudence a toujours interdit ladoption des enfants par des couples

ayant eu recours agrave la gestation pour autrui consideacuterant quil sagit dun deacutetournement de

linstitution de ladoption (35)

Un grand quotidien Libeacuteration reacutevegravele que la cour dappel de Paris a reconnu comme parents

leacutegitimes de jumelles un couple franccedilais ayant fait appel agrave une megravere porteuse ameacutericaine

31

Une chose est sucircre cet arrecirct a le meacuterite douvrir le deacutebat et de poser la question de linteacuterecirct de

lenfant comme exception agrave lindisponibiliteacute de leacutetat des personnes et agrave linterdiction de la

pratique des megraveres porteuses (A) Lorsque lon accepte une loi eacutetrangegravere qui a eacuteteacute appeleacutee au

secours pour contourner la loi franccedilaise la modification de la loi franccedilaise nest pas loin (B)

A Lassouplissement de la jurisprudence

Dans laffaire porteacutee devant la cour dappel de Paris que nous avons abordeacutee rapidement

preacuteceacutedemment un couple dont la femme ne peut assurer la gestation en raison dune

malformation congeacutenitale se rend en Californie ougrave il conclut une convention portant sur la

gestation dun embryon issu de leurs propres gamegravetes Des jumelles naissent de cette

convention Le droit californien fait abstraction du deacutefaut daccouchement La concubine est

inscrite comme megravere dans les registres de naissance de Californie Quelques semaines plus

tard le couple reconnaicirct les enfants en France Mais agrave leur retour dans lHexagone ils sont

placeacutes en garde agrave vue puis mis en examen pour laquo entremise entre une personne deacutesireuse

dadopter un enfant et un parent deacutesireux dabandonner son enfant neacute ou agrave naicirctre raquo et pour laquo

simulation ayant entraicircneacute une atteinte agrave leacutetat civil de lenfant raquo

En 2004 le juge dinstruction rend un non-lieu sur les poursuites peacutenales les faits seacutetant

deacuterouleacutes dans un pays ougrave cette pratique est leacutegale Le parquet a alors continueacute son offensive

sur le terrain civil et chercheacute agrave faire annuler la filiation et la transcription sur leacutetat civil Le

tribunal de grande instance a deacuteclareacute cette demande irrecevable en deacutecembre 2005 Une

deacutecision rendue par la cour dappel de Paris confirme ce jugement le 25 octobre dernier apregraves

avoir estimeacute que laquo La non-transcription des actes de naissances aurait des conseacutequences

contraires agrave linteacuterecirct supeacuterieur des enfants qui au regard du droit franccedilais se verraient priveacutes

dactes deacutetat civil indiquant leur lien de filiation y compris agrave leacutegard de leur pegravere biologique

raquo

La question sera deacutesormais soumise agrave la Cour de cassation qui a deacutejagrave pris des deacutecisions

progressistes dans des questions relatives au droit de la famille notamment dans linteacuterecirct de

lenfant Elle a ainsi fait le 24 feacutevrier 2006 un pas important vers la reconnaissance de

lhomoparentaliteacute en autorisant quun parent homosexuel deacutelegravegue tout ou partie de son

autoriteacute parentale agrave son partenaire avec lequel il vit en union stable agrave condition que cette

mesure soit prise dans linteacuterecirct supeacuterieur de lenfant (36)

Le plus important reacuteside dans le fait que la cour dappel de Paris a estimeacute que la non-

transcription sur les actes de naissance aurait des conseacutequences contraire agrave llaquo inteacuterecirct de

lenfant raquo Depuis longtemps linteacuterecirct de lenfant est au centre du droit de la famille et depuis

quelques anneacutees celui-ci devient veacuteritablement la pierre angulaire de cette discipline (37)

Dans un arrecirct du 18 mai 2005 la premiegravere chambre civile de la Cour de cassation preacutecise au

visa de larticle 3-1 de la Convention relative aux droits de lenfant que laquo dans toutes les

deacutecisions qui concernent les enfants linteacuterecirct supeacuterieur de lenfant doit ecirctre une

consideacuteration primordiale raquo (38) Mais que faut-il entendre par inteacuterecirct supeacuterieur de lenfant

(39)

Bien que le nouvel article L 112-4 du Code de laction sociale et des familles (40) et larticle

371-1 du Code civil semblent deacutefinir les eacuteleacutements constitutifs de cette notion llaquo inteacuterecirct de

lenfant raquo reste un concept assez flou que le leacutegislateur et les juges se gardent bien de deacutefinir

preacuteciseacutement on ne peut limiter linteacuterecirct supeacuterieur de lenfant agrave la protection de sa santeacute de sa

seacutecuriteacute et de sa moraliteacute Certes ces eacuteleacutements sont les bases de linteacuterecirct de lenfant mais

32

puisque celui-ci peut deacutepasser le strict cadre du droit de lautoriteacute parentale voire du droit de

la famille cette vision serait bien trop reacuteductrice

Le sens de cette notion peut encore sobscurcir si lon considegravere quelle peut se confondre avec

dautres concepts voisins Larticle 371-5 doit ainsi conduire agrave distinguer linteacuterecirct de lenfant de

celui de la fratrie En effet si celle-ci a inteacuterecirct agrave rester unie certaines circonstances permettent

deacutecarter un de ses membres dans son inteacuterecirct exclusif

Un amendement proposait cependant agrave la suite du nouvel article L 112-4 du Code de laction

sociale et des familles une deacutefinition inteacuteressante laquo Linteacuterecirct supeacuterieur de lenfant est deacutefini

comme lassurance de la protection de sa seacutecuriteacute personnelle et affective lassurance dun

contexte familial permettant un bon deacuteveloppement physique intellectuel affectif et social

lassurance dune relation dattachement parental permettant de se construire Linteacuterecirct

supeacuterieur de lenfant tel que deacutefini constitue son projet de vie raquo (41)

On ne peut que se feacuteliciter de la mise en avant de linteacuterecirct de lenfant pour deacuteroger agrave la sacro-

sainte interdiction des megraveres porteuses car il est vrai quil ne faut pas oublier que limportant

reste dabord et avant tout lenfant qui a et doit avoir une place centrale au sein de la famille

On peut envisager que cette reacutecente jurisprudence puisse influencer la reacuteflexion sur le recours

aux laquo megraveres porteuses raquo sur le territoire national qui conduise agrave une eacutevolution de la loi

B Vers une eacutevolution de la loi

Alors que la France interdit la laquo gestation pour autrui raquo cette pratique a eacuteteacute leacutegaliseacutee dans de

nombreux pays La France a donc une leacutegislation moins libeacuterale que dautres leacutegislations

nationales La pratique de la gestation pour autrui est notamment autoriseacutee aux Etats-Unis au

Canada en Australie et dans plusieurs pays de lUnion europeacuteenne (Espagne et Belgique

Gregravece et Royaume-Uni notamment) (42) La question de la leacutegalisation des megraveres porteuses

est tregraves controverseacutee en France et demanderait un strict encadrement (43)

On enseigne habituellement que les questions deacutetat ne peuvent deacutependre de la seule volonteacute

individuelle Leacutetat des personnes - le droit de la filiation en particulier - eacutechapperait aux

conventions Mais ce principe nest plus si absolu Leacutevolution contemporaine reacuteduit laspect

institutionnel Une place nettement importante a eacuteteacute faite dans lorganisation des relations

familiales agrave la volonteacute individuelle laquo Laccroissement du pouvoir des volonteacutes individuelles

dans le droit de la famille est une marque essentielle de ce droit raquo (44) Dougrave la justesse de

lexpression laquo contractualisation du droit de la famille raquo Le rocircle de la volonteacute individuelle

tend agrave ecirctre de plus en plus important (45) Tel est le cas du divorce du PACS et du mariage

La procreacuteation nest plus la finaliteacute avec larriveacutee en force dans des pays voisins du mariage

homosexuel

Une certaine eacutevolution des mentaliteacutes ainsi que la dispariteacute entre la loi franccedilaise et dautres

leacutegislations nationales pourraient bien donner lieu agrave un assouplissement de cette leacutegislation

(46)

La gestation pour autrui permet de pallier certaines formes de steacuteriliteacute feacuteminine en raison

dune absence ou dune deacuteformation duteacuterus de conseacutequences de cancer ou reacutesultant dune

hysteacuterectomie de fausses couches reacutepeacuteteacutees dune contre-indication meacutedicale agrave la grossesse ou

de nombreux eacutechecs de feacutecondations in vitro (47) Dans ce cas on implante les gamegravetes des

parents geacuteneacutetiques dans le ventre de la megravere porteuse

33

Un autre argument favorable agrave cette pratique est la certitude apaisante pour le couple steacuterile

de ce que lenfant porteacute en uteacuterus tiers nen sera pas moins leur veacuteritable enfant geacuteneacutetique

puisque conccedilu agrave partir de leurs propres gamegravetes

De plus il faut deacutenoncer une incoheacuterence Une femme empecirccheacutee par la loi de donner avant

sa grossesse agrave un couple agreacuteeacute par elle lenfant quelle portera moyennant eacutequitable

reacutecompense possegravede en revanche le droit discreacutetionnaire de labandonner une fois neacute au

hasard des eacutetablissements ou du service de lASE ou pis encore de recourir agrave une

interruption volontaire de grossesse pendant les douze premiegraveres semaines (48)

La possession deacutetat repreacutesente une valeur humaine et sociale qui doit ecirctre prise en compte en

tant que telle Comme lont joliment affirmeacute M Hauser et Mme Huet-Weiller laquo elle est la

veacuteriteacute des sentiments la veacuteriteacute du coeur tout aussi respectable sinon plus que celle des

registres deacutetat ou mecircme de nos gegravenes raquo (49) Ainsi on peut ecirctre favorable agrave cette reacuteflexion

sous certains reacuteserves

Tout dabord le couple demandeur devait avoir plus de 18 ans et linfertiliteacute devrait ecirctre

meacutedicalement eacutetablie Ensuite seule lutilisation des gamegravetes (sperme et ovocytes) du couple

serait autoriseacutee afin deacuteviter que la gestatrice soit aussi la megravere biologique de lenfant (pour

eacuteviter des liens trop forts eacutetablis entre elle et le beacutebeacute)

De son cocircteacute la megravere porteuse devait avoir plus de 18 ans et accepter de subir des tests divers

avant la grossesse Elle serait la seule agrave donner un consentement valable concernant la gestion

de sa grossesse et elle abandonnerait ses droits parentaux agrave la naissance de lenfant tout en

assistant le couple demandeur lors de la deacutelivrance du certificat de naissance Le

consentement devrait aussi ecirctre obtenu par un entretien psychologique meacutedical et juridique

Seul le juge pourrait donner laccord au deacutebut du processus Le couple demandeur devait

sengager agrave assumer la garde de lenfant degraves sa naissance afin deacuteviter soit une non-remise

denfant soit un refus de lenfant - par exemple en cas de handicap

Concernant la reacutemuneacuteration de la megravere porteuse la marchandisation est inacceptable Les

intermeacutediaires reacutemuneacutereacutes seraient interdits Le principe du volontariat et de la gratuiteacute sont

essentiels le don de vie (50)

Enfin il ne sagirait pas de reacutemuneacuteration mais de compensation financiegravere destineacutee agrave

deacutedommager les inconveacutenients lieacutes agrave la grossesse sur la base de la loi laquo Huriet raquo (loi sur la

recherche meacutedicale avec volontaires sains) Le couple demandeur devrait prendre agrave sa charge

les deacutepenses meacutedicales leacutegales et psychologiques ainsi quun montant raisonnable alloueacute agrave la

megravere porteuse pour subvenir agrave ses besoins Les juges appreacutecieraient librement ce que peut ecirctre

un montant laquo raisonnable raquo sans que cela puisse jamais ecirctre consideacutereacute comme une laquo vente raquo

denfant

(1) B Debreacute et S Agacinski laquo Faut-il leacutegaliser les megraveres porteuses en France raquo Le Figaro Magazine du samedi 10 novembre 2007 p 50

34

(2) G David laquo Don et utilisation du sperme raquo in Actes du colloque Geacuteneacutetique procreacuteation et

droit Actes sud 1985 p 205 G-M Faure Le deacutesir denfant agrave leacutepreuve du droit Essai sur le droit de la procreacuteation meacutedicalement assisteacutee Thegravese Universiteacute de Lille 1992 p 7

(3) G Lebreton Liberteacutes publiques et droits de lhomme 6e eacuted Armand Colin 2003 p 262

(4) CE 22 janvier 1988 Lebon 1988 p 37

(5) La Cour de cassation a enteacuterineacute la position de la cour dappel de Paris pour laquelle laquo ni laltruisme du comportement de la megravere de substitution ni le caractegravere deacutesinteacuteresseacute des activiteacutes de lassociation ne sont propres agrave faire disparaicirctre lilliceacuteiteacute qui frappe laccord litigieux raquo Cass civ 1re 13 deacutecembre 1989 Bull civ I no 387 Defreacutenois 1990 art 34802 no 55 obs J-L Aubert D 1990 p 273 JCP eacuted G 1990 II 21526 note A Seacuteriaux propos recueillis par C Slobodansky laquo Le droit doit limiter les progregraves de la science raquo LPA du 7 mai 2004 no 92 p 60

(6) laquo La convention par laquelle une femme sengage fucirct-ce agrave titre gratuit agrave concevoir et porter un enfant pour labandonner agrave sa naissance contrevient tant au principe dordre public de lindisponibiliteacute du corps humain quagrave celui de lindisponibiliteacute de leacutetat des personnes raquo Cass ass pleacuten 31 mai 1991 Bull civ ass pleacuten no 4 Defreacutenois 1991 art 35142 no 103 obs J-L Aubert Defreacutenois 1991 art 35088 no 67 note J Massip RTD civ 1991 p 517 obs D Huet-Weiller et p 489 note M Gobert M Gobert laquo Reacuteflexions sur les sources du droit et les

principes dindisponibiliteacute du corps humain et de leacutetat des personnes agrave propos de la materniteacute de substitution raquo RTD civ 1992 p 489 et s speacutec p 501 dans ce sens v deacutejagrave les remarques de P Murat laquo Laction de lordonnance du 4 juillet 2005 sur la possession deacutetat raquo Dr Famille 2006 eacutetude no 6 speacutec no 7 V aussi J Massip laquo Linsertion dans le Code civil de dispositions relatives au corps humain agrave lidentification geacuteneacutetique et agrave la procreacuteation meacutedicalement assisteacutee raquo Defreacutenois 1995 art 35975 et 35992

(7) En ce sens V Depadt-Sebag laquo De la neacutecessiteacute dune reacuteforme de larticle 16-7 du Code civil relatif agrave linterdiction de gestation pour autrui raquo RGD meacuted 2004 no 12 p 135 et s

(8) Art 227-12 et s C peacuten

(9) CA Paris 1re feacutevrier 2001 RTD civ 2001 p 347 obs J Hauser Cass civ 1re 9 deacutecembre 2003 Bull civ I no 252 p 201 CA Rennes 4 juillet 2002 D 2002 p 2904

(10) Cass civ 1re 20 feacutevrier 2007 Defreacutenois 2007 art 38595 no 45 obs J Massip

(11) V Depadt-Sebag laquo De la neacutecessiteacute dune reacuteforme de larticle 16-7 du Code civil relatif agrave linterdiction de gestation pour autrui raquo preacutec no 12 p 135 et s

(12) L no 2004-800 du 6 aoucirct 2004 relative agrave la bioeacutethique JO du 7 aoucirct 2004 p 14040 J Massip art preacutec

(13) Dans ce sens v M Gobert laquo Reacuteflexions sur les sources du droit et les principes dindisponibiliteacute du corps humain et de leacutetat des personnes agrave propos de la materniteacute de substitution raquo preacutec p 489 et s speacutec p 513

(14) V Depadt-Sebag laquo De la neacutecessiteacute dune reacuteforme de larticle 16-7 du Code civil relatif agrave linterdiction de gestation pour autrui raquo preacutec no 12 p 135 et s E Camuzet La convention de gestation pour autrui une illeacutegaliteacute franccedilaise injustifieacutee Meacutemoire Lille 2 Universiteacute du droit et de la santeacute 2005-2006 p 55

(15) A Mayer-Jack laquo Les conventions relatives agrave la personne physique raquo Rev crit leacutegisl et jurispr 1993 p 6

(16) G Meacutemeteau laquo Une distinction est opeacutereacutee sur la reacutefeacuterence des donneacutees acquises de la science agrave la date des soins par opposition agrave la notion erroneacutee de donneacutees actuelles de la science raquo note sous Cass civ 1re 6 juin 2000 JCP eacuted G 2001 II 10447

(17) Cass civ 1re 13 deacutecembre 1989 Bull civ I no 387 Defreacutenois 1990 art 34815 rapp J Massip D 1990 p 273 JCP eacuted G 1990 II 21526 note A Seacuteriaux

35

(18) Communication J Bernard et comm J Massip Defreacutenois 1990 art 35088 no 67 note J

Massip F Terreacute note sous Cass ass pleacuten 31 mai 1991 JCP eacuted G 1991 II 21752 dans ce sens v les remarques de P Murat laquo Laction de lordonnance du 4 juillet 2005 sur la possession deacutetat raquo preacutec eacutetude no 6 speacutec no 7 G Kessler laquo La consolidation de situations illicites dans linteacuterecirct de lenfant raquo Dr Famille no 7 juillet 2005 Etude 16

(19) TGI Lille 22 mars 2007 D 2007 no 18 p 1251 note X Labbeacutee B Edelman et C Labrusse-Riau note sous CA Paris 15 juin 1990 JCP eacuted G 1991 II 21653

(20) V Larribau-Terneyre note sous CA Pau 19 feacutevrier 1991 D 1991 juris p 380

(21) J Massip laquo Megravere porteuse et deacutecheacuteance de lautoriteacute parentale raquo LPA du 29 octobre 2003 no 216 p 10 Cass ass pleacuten 31 mai 1991 Bull civ ass pleacuten no 4 Defreacutenois 1991 art 35088 no 67 p 948 obs J Massip D 1991 p 417 rapport Y Chartier note D Thouvenin JCP eacuted G 1991 II 21752 communication J Bernard concl H Dontenwille note F Terreacute RTD civ 1991 p 517 obs D Huet-Weiller

(22) J Rubellin-Devichi laquo Materniteacute de substitution qui est la megravere raquo note sous CA Rennes 4 juillet 2002 JCP eacuted G 2003 I 101 C Ducomte laquo La vraie querelle des megraveres porteuses raquo httppagesperso-orangefrmax-christianducomtemereindexhtm

(23) Propos de Mme F Dekeuwer-Deacutefossez lors de son audition devant le preacutesident M Bloche pour la mission dinformation sur la famille (procegraves-verbal du 5 octobre 2005)

(24) J Hauser obs in RTD civ 1999 p 372 F Dekeuwer-Deacutefossez note sous Cass ass pleacuten 31 mai 1991 D 1992 somm p 59

(25) F Dekeuwer-Deacutefossez laquo Les droits de lenfant raquo D 1992 somm p 59 E Poisson-Drocourt laquo Recours agrave une megravere de substitution et refus de ladoption raquo D 2004 p 2001

(26) J-J Lemouland laquo Le tourisme procreacuteatif raquo LPA 2001 no 62 p 24 F Dekeuwer-Deacutefossez laquo Le lien parental raquo LPA du 1er juillet 2004 no 131 p 70 F Granet note sous CA Rennes 4 juillet 2002 D 2002 p 2904

(27) CA Aix-en-Provence 12 mars 2002 Juris-Data no 2002-190443 A Seacuteriaux laquo Droit naturel et procreacuteation artificielle quelle jurisprudence raquo D 1985 chron p 53 J Massip laquo Le nouveau droit de la filiation raquo Defreacutenois 2006 art 38303 p 13

(28) CA Rennes 4 juillet 2002 JCP eacuted G 2003 I 101 note J Rubellin-Devichi

(29) laquo Si le principe structurant de lautoriteacute parentale est linteacuterecirct de lenfant deacutetermineacute in concreto le droit de la filiation nappreacutecie en revanche jamais linteacuterecirct concret dun enfant preacutecis mais linteacuterecirct geacuteneacuteral de lenfant in abstracto raquo A Gouttenoire laquo A chacun sa famille agrave chacun son droit raquo Dr Famille no 7 juillet 2006 Alerte 41

(30) E Camuzet La convention de gestation pour autrui une illeacutegaliteacute franccedilaise injustifieacutee art preacutec p 52

(31) P Raynaud laquo Un abus de ladoption simple les couples adoptifs raquo D 1983 chron p 39 H Gaumont-Prat laquo Pas dadoption pour les enfants issus de convention de megravere porteuse raquo RLDC no 5 mai 2004 p 31 laquo Le rejet dans le non-droit des enfants neacutes dans des circonstances qui deacuterangent la socieacuteteacute relegraveve du deacuteni de la reacutealiteacute porteur de nombreux effets pathogegravenes et injustes raquo

(32) J Rubellin-Devichi laquo Materniteacute de substitution qui est la megravere raquo note sous CA Rennes 4 juillet 2002 preacutec I 101 C Ducomte laquo La vraie querelle des megraveres porteuses raquo preacutec P Raynaud laquo Un abus de ladoption simple les couples adoptifs raquo art preacutec chron p 39 G Kessler laquo La consolidation de situations illicites dans linteacuterecirct de lenfant raquo art preacutec Etude 16

(33) F Dekeuwer-Deacutefossez laquo Reacuteflexion sur les mythes fondateurs du droit contemporain de la famille raquo RTD civ 1995 p 269 E Camuzet La convention de gestation pour autrui une illeacutegaliteacute franccedilaise injustifieacutee art preacutec p 66 A Ponsard rapport sous Cass civ 1re 16

36

novembre 1982 JCP eacuted G 1983 II 19954 M-T Meulders-Klein laquo Le droit agrave lenfant face au

droit de lenfant et les procreacuteations meacutedicalement assisteacutees raquo RTD civ 1988 p 645 F Terreacute Lenfant de lesclave Geacuteneacutetique et droit Flammarion 1987 p 128

(34) Convention de New York du 26 janvier 1990 Charte des droits fondamentaux de lUnion europeacuteenne du 7 deacutecembre 2000 Deacuteclaration universelle des droits de lhomme de 1789 Convention internationale des droits de lenfant de 1989

(35) Cass ass plegraven 31 mai 1991 Bull civ ass plegraven no 4 Defreacutenois 1991 art 35142 no 103 obs J-L Aubert et art 35088 no 67 p 948 obs J Massip D 1991 p 417 rapport Y Chartier note D Thouvenin JCP eacuted G 1991 II 21752 communication J Bernard concl H Dontenwille note F Terreacute RTD civ 1991 p 517 obs D Huet-Weiller

(36) Cass civ 1re 24 feacutevrier 2006 Bull civ I no 101 p 95 Defreacutenois 2006 art 38415 no 40 p 1067 obs J Massip D 2006 juris p 897-900 obs D Vigneau T Anatrella laquo Adoption et homoparentaliteacute leacuteclairage des droits de lhomme raquo Dr Famille 2003 no 10 p

8-10 agrave lidentique dans un arrecirct du 22 janvier 1992 D 1993 p 119 note J Vassaux la cour dappel de Poitiers a prononceacute ladoption simple dun enfant neacute dune convention de megravere porteuse au motif que laquo cette adoption nest pas seulement conforme agrave linteacuterecirct de lenfant mais encore constitue une neacutecessiteacute qui deacutecoule des reacutealiteacutes de la vie issues derreurs des adultes dont lenfant ne doit pas subir les conseacutequences raquo

(37) G Kessler laquo La consolidation de situations illicites dans linteacuterecirct de lenfant raquo art preacutec eacutetude no 16 M-T Meulders-Klein laquo Le droit agrave lenfant face au droit de lenfant et les procreacuteations meacutedicalement assisteacutees raquo art preacutec p 645

(38) Cass civ 1re 18 mai 2005 Bull civ I no 211 p 179 V Depadt-Sebag laquo Non-lieu dans une affaire de materniteacute pour autrui raquo D 2005 p 476 J Massip laquo Megravere porteuse et deacutecheacuteance de lautoriteacute parentale raquo art preacutec no 216 p 11 F Terreacute Lenfant de lesclave Geacuteneacutetique et droit op cit adde F Terreacute et D Fenouillet Droit civil Les personnes la famille les incapaciteacutes 6e eacuted Preacutecis Dalloz no 926 M Lamarche laquo Inteacuterecirct supeacuterieur de lenfant de ladmission des effets dune convention de megravere porteuse agrave la destruction du droit franccedilais de la filiation raquo Dr Famille novembre 2007 no 11

(39) M Donnier laquo Linteacuterecirct de lenfant raquo D 1959 chron p 27 F Laroche-Gisserot note sous Cass civ 1re 27 mai 1998 D 1998 p 530 F Millet laquo Ladoption dun inteacuterecirct agrave lautre raquo RRJ 2003-3 p 1777 et s A Gouttenoire laquo A chacun sa famille agrave chacun son droit raquo art preacutec Alerte 41

(40) Par la loi no 2007-293 du 5 mars 2007 reacuteformant la protection de lenfance (JO du 6 mars 2007 Defreacutenois 2007 Leacuteg p 282) le leacutegislateur a inteacutegreacute la notion dinteacuterecirct de lenfant dans le Code de laction sociale et des familles Le nouvel article L 112-4 dudit code dispose que laquo Linteacuterecirct de lenfant la prise en compte de ses besoins fondamentaux physiques intellectuels sociaux et affectifs ainsi que le respect de ses droits doivent guider toutes deacutecisions le concernant raquo

(41) Amendement no 48 rect Protection de lenfance no 3184 Assembleacutee nationale 22 deacutecembre 2006 wwwassemblee-nationalefr v aussi sur lensemble de ces questions les consideacuterations tregraves eacuteclairantes de P Murat note sous CA Rennes 4 juillet 2002 D 2002 p 2902 Dr Famille 2002 comm no 142 note P Murat

(42) F Granet-Lambrechts laquo Materniteacutes de substitution filiation et eacutetat civil Panorama europeacuteen raquo Dr Famille no 12 deacutecembre 2007 eacutetude no 34

(43) D Youf Penser les droits de lenfant PUF 2002 p 2

(44) G Cornu La famille 6e eacuted no 7 J Carbonnier Droit civil t 4 Les obligations PUF coll Theacutemis no 372 p 649

(45) D Fenouillet et P de Vareilles-Sommiegraveres La contractualisation du droit de la famille Economica 2001

37

(46) H Gaumont-Prat laquo Pas dadoption pour les enfants issus de convention de megravere porteuse raquo art preacutec p 31

(47) E Poisson-Droccourt laquo Recours agrave une megravere de substitution et refus de ladoption raquo art preacutec p 2001 note sous Cass civ 1re 9 deacutecembre 2003 G Delaisi de Perseval laquo Gestation pour autrui en quecircte de leacutegitimation raquo httpwwwliberationfr

(48) C Neirinck laquo Les filiations eacutelectives agrave leacutepreuve du droit raquo JCP eacuted G 1997 I 4067 E Camuzet laquo La convention de gestation pour autrui une illeacutegaliteacute franccedilaise injustifieacutee raquo art preacutec p 59

(49) J Hauser et D Huet-Weiller Traiteacute de droit civil La famille Fondation et vie de la famille 2e eacuted LGDJ 1993 p 250

(50) B Debreacute et S Agacinski laquo Faut-il leacutegaliser les megraveres porteuses en France raquo art preacutec p 50 C Atias D 1986 chron p 67

Civ 1egravere

13 deacutecembre 1989

Ndeg de pourvoi 88-15655

Publieacute au bulletin

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Attendu selon les juges du fond que lrsquoassociation ldquo Alma Mater ldquo a pour objet de faciliter la

solution des problegravemes qui se posent aux couples dont la femme est steacuterile deacutesireux

drsquoaccueillir un enfant agrave leur foyer et aux ldquo megraveres porteuses ldquo volontaires qursquoil est proposeacute agrave

la ldquo megravere porteuse ldquo drsquoecirctre inseacutemineacutee artificiellement par la semence du mari ou du concubin

de porter et de mettre au monde lrsquoenfant qui sera deacuteclareacute sur les registres de lrsquoeacutetat civil sans

indication du nom de la megravere reconnu par le pegravere et accueilli au foyer de celui-ci en vue de

son adoption par lrsquoeacutepouse ou la compagne que lrsquoassociation intervient tout au long de ce

processus qualifieacute de ldquo precirct drsquouteacuterus ldquo ou de ldquo don drsquoenfant ldquo qursquoainsi apregraves avoir controcircleacute la

reacutealiteacute de la steacuteriliteacute du couple demandeur et des faculteacutes de feacutecondation de la ldquo megravere porteuse

ldquo geacuteneacuteralement recruteacutee par elle lrsquoassociation fait proceacuteder agrave lrsquoinseacutemination surveille la

grossesse et lrsquoaccouchement srsquooccupe de faire diligenter la proceacutedure drsquoadoption qursquoelle

verse ensuite agrave la megravere une somme forfaitaire - qui en 1987 eacutetait fixeacutee agrave 60 000 francs -

remise par le couple demandeur degraves le deacutebut de la grossesse que lrsquoarrecirct confirmatif attaqueacute

(Aix-en-Provence 29 avril 1988) estimant que cette association avait un objet illicite

contraire aux lois et aux bonnes moeurs en a prononceacute la nulliteacute sur le fondement de lrsquoarticle

3 de la loi du 1er juillet 1901

Sur le moyen unique pris en sa premiegravere branche

Attendu que lrsquoassociation ldquo Alma Mater ldquo fait grief agrave la cour drsquoappel drsquoavoir ainsi statueacute alors

que selon le moyen nrsquoest ni illicite ni contraire aux bonnes moeurs lrsquoassociation qui dans un

but humanitaire non lucratif met en relation un couple demandeur dont la femme est steacuterile et

38

une femme qui accepte drsquoecirctre inseacutemineacutee artificiellement par le mari de porter lrsquoenfant et de le

remettre agrave la naissance agrave ce couple qui lrsquoindemnisera des contraintes et de la gecircne occasionneacutee

par la grossesse de sorte que la juridiction du second degreacute aurait violeacute les articles 3 et 7 de la

loi du 1er juillet 1901

Mais attendu qursquoil reacutesulte des constatations des juges du fond que lrsquoobjet mecircme de

lrsquoassociation est de favoriser la conclusion et lrsquoexeacutecution de conventions qui fussent-elles

verbales portent tout agrave la fois sur la mise agrave la disposition des demandeurs des fonctions

reproductrices de la megravere et sur lrsquoenfant agrave naicirctre et sont donc nulles en application de lrsquoarticle

1128 du Code civil que ces conventions contreviennent au principe drsquoordre public de

lrsquoindisponibiliteacute de lrsquoeacutetat des personnes en ce qursquoelles ont pour but de faire venir au monde un

enfant dont lrsquoeacutetat ne correspondra pas agrave sa filiation reacuteelle au moyen drsquoune renonciation et

drsquoune cession eacutegalement prohibeacutees des droits reconnus par la loi agrave la future megravere que

lrsquoactiviteacute de lrsquoassociation qui tend deacutelibeacutereacutement agrave creacuteer une situation drsquoabandon aboutit agrave

deacutetourner lrsquoinstitution de lrsquoadoption de son veacuteritable objet qui est en principe de donner une

famille agrave un enfant qui en est deacutepourvu que crsquoest degraves lors agrave bon droit que lrsquoarrecirct attaqueacute a

deacutecideacute sur le fondement de lrsquoarticle 3 de la loi du 1er juillet 1901 que cette association eacutetait

nulle en raison de lrsquoilliceacuteiteacute de son objet que la premiegravere branche du moyen est donc sans

fondement

Et sur les deuxiegraveme et troisiegraveme branches du moyen

Attendu qursquoil est fait grief agrave la cour drsquoappel de nrsquoavoir pas reacutepondu aux conclusions faisant

valoir drsquoune part que lrsquointerdiction du ldquo don de gestation ldquo constituait une discrimination

fondeacutee sur la naissance contraire aux dispositions de lrsquoarticle 24 du pacte international relatif

aux droits civils et politiques signeacute agrave New York le 19 deacutecembre 1966 et drsquoautre part que ce ldquo

don de gestation ldquo reposait sur le droit leacutegitime de fonder une famille qui implique le droit

drsquoengendrer reconnu tant par lrsquoarticle 12 de la convention europeacuteenne des droits de lrsquohomme

et des liberteacutes fondamentales du 4 novembre 1950 que par lrsquoarticle 23 du pacte international

preacuteciteacute

Mais attendu que la reconnaissance du caractegravere illicite de la materniteacute pour autrui et des

associations qui srsquoefforcent de la promouvoir qui se deacuteduit des principes geacuteneacuteraux du Code

civil et de regravegles qui sont communes agrave toutes les filiations nrsquoest pas de nature agrave instaurer une

discrimination fondeacutee sur la naissance que le droit de se marier et de fonder une famille

reconnu par lrsquoarticle 12 de la convention du 4 novembre 1950 et par lrsquoarticle 23 du pacte

international du 19 deacutecembre 1966 agrave lrsquohomme et agrave la femme en acircge nubile nrsquoimplique pas le

droit de conclure avec un tiers des conventions portant sur le sort drsquoun enfant agrave naicirctre que

par ces motifs de droit reacutepondant aux conclusions invoqueacutees lrsquoarrecirct se trouve leacutegalement

justifieacute et que les deuxiegraveme et troisiegraveme branches du moyen ne peuvent ecirctre accueillies

PAR CES MOTIFS

REJETTE le pourvoi

Publication Bulletin 1989 I Ndeg 387 p 260

Deacutecision attaqueacutee Cour drsquoappel drsquoAix-en-Provence du 29 avril 1988

39

Cour de cassation Assembleacutee pleacuteniegravere

Audience publique du 31 mai 1991

Ndeg de pourvoi 90-20105 Publieacute au bulletin

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Sur le pourvoi dans lrsquointeacuterecirct de la loi formeacute par M le Procureur geacuteneacuteral pregraves la Cour de

Cassation

Vu les articles 6 et 1128 du Code civil ensemble lrsquoarticle 353 du mecircme Code

Attendu que la convention par laquelle une femme srsquoengage fucirct-ce agrave titre gratuit agrave concevoir

et agrave porter un enfant pour lrsquoabandonner agrave sa naissance contrevient tant au principe drsquoordre

public de lrsquoindisponibiliteacute du corps humain qursquoagrave celui de lrsquoindisponibiliteacute de lrsquoeacutetat des

personnes

Attendu selon lrsquoarrecirct infirmatif attaqueacute que Mme X eacutepouse de M Y eacutetant atteinte drsquoune

steacuteriliteacute irreacuteversible son mari a donneacute son sperme agrave une autre femme qui inseacutemineacutee

artificiellement a porteacute et mis au monde lrsquoenfant ainsi conccedilu qursquoagrave sa naissance cet enfant a

eacuteteacute deacuteclareacute comme eacutetant neacute de Y sans indication de filiation maternelle

Attendu que pour prononcer lrsquoadoption pleacuteniegravere de lrsquoenfant par Mme Y lrsquoarrecirct retient

qursquoen lrsquoeacutetat actuel des pratiques scientifiques et des moeurs la meacutethode de la materniteacute

substitueacutee doit ecirctre consideacutereacutee comme licite et non contraire agrave lrsquoordre public et que cette

adoption est conforme agrave lrsquointeacuterecirct de lrsquoenfant qui a eacuteteacute accueilli et eacuteleveacute au foyer de M et

Mme Y pratiquement depuis sa naissance

Qursquoen statuant ainsi alors que cette adoption nrsquoeacutetait que lrsquoultime phase drsquoun processus

drsquoensemble destineacute agrave permettre agrave un couple lrsquoaccueil agrave son foyer drsquoun enfant conccedilu en

exeacutecution drsquoun contrat tendant agrave lrsquoabandon agrave sa naissance par sa megravere et que portant atteinte

aux principes de lrsquoindisponibiliteacute du corps humain et de lrsquoeacutetat des personnes ce processus

constituait un deacutetournement de lrsquoinstitution de lrsquoadoption la cour drsquoappel a violeacute les textes

susviseacutes

PAR CES MOTIFS

CASSE ET ANNULE mais seulement dans lrsquointeacuterecirct de la loi et sans renvoi lrsquoarrecirct rendu le

15 juin 1990 par la cour drsquoappel de Paris

REQUETE DE M LE PROCUREUR GENERAL PRES LA COUR DE CASSATION

Le Procureur geacuteneacuteral pregraves la Cour de Cassation a lrsquohonneur drsquoexposer

- Que par jugement du 28 juin 1989 le tribunal de grande instance de Paris a rejeteacute la requecircte

preacutesenteacutee par Mme X eacutepouse Y tendant agrave lrsquoadoption pleacuteniegravere de lrsquoenfant Z deacuteclareacutee

comme eacutetant neacutee de M Y mari de la requeacuterante sans indication de filiation maternelle

- Que pour ne pas faire droit agrave cette requecircte les premiers juges ont retenu que les eacutepoux Y

pour remeacutedier agrave la steacuteriliteacute de leur couple avaient eu recours agrave lrsquoassociation Alma Mater

aujourdrsquohui dissoute lrsquoenfant eacutetant neacute drsquoune megravere de substitution qui lrsquoa abandonneacute agrave la

naissance pratique deacuteclareacutee illicite

- Que sur appel de Mme Y la premiegravere chambre civile section C de la cour drsquoappel de

Paris a par arrecirct du 15 juin 1990 infirmeacute la deacutecision entreprise et prononceacute lrsquoadoption

pleacuteniegravere solliciteacutee par la requeacuterante

- Qursquoau soutien de leur deacutecision devenue deacutefinitive les juges du second degreacute ont tireacute de nos

principes geacuteneacuteraux relatifs agrave la filiation des regravegles drsquoordre public concernant les contrats et de

40

certaines conventions ou deacuteclarations internationales des conclusions contraires agrave celles

auxquelles eacutetait parvenue votre premiegravere chambre civile de la Cour de Cassation qui dans un

cas de figure pratiquement identique a par arrecirct du 13 deacutecembre 1989 (association Alma

Mater contre procureur geacuteneacuteral Aix-en-Provence) reconnu le caractegravere illicite de la materniteacute

pour autrui et les associations qui srsquoefforcent de la promouvoir

- Qursquoil importe en cette matiegravere particuliegraverement sensible qui touche agrave un deacutelicat problegraveme de

socieacuteteacute et drsquoeacutethique que soit mis fin agrave des divergences jurisprudentielles majeures et que la

seacutecuriteacute juridique soit assureacutee

PAR CES MOTIFS

Vu lrsquoarticle 17 de la loi du 3 juillet 1967 relative agrave la Cour de Cassation

Requiert qursquoil plaise agrave la Cour de Cassation

CASSE ET ANNULE sans renvoi et dans le seul inteacuterecirct de la loi lrsquoarrecirct rendu le 15 juin 1990

par la cour drsquoappel de Paris ayant fait droit agrave la requecircte en adoption pleacuteniegravere preacutesenteacutee par

Mme X eacutepouse Y

Publication Bulletin 1991 AP Ndeg 4 p 5

Deacutecision attaqueacutee Cour drsquoappel de Paris du 15 juin 1990

Page 31: SEANCE_3 Droit Civil Methodologie

31

Une chose est sucircre cet arrecirct a le meacuterite douvrir le deacutebat et de poser la question de linteacuterecirct de

lenfant comme exception agrave lindisponibiliteacute de leacutetat des personnes et agrave linterdiction de la

pratique des megraveres porteuses (A) Lorsque lon accepte une loi eacutetrangegravere qui a eacuteteacute appeleacutee au

secours pour contourner la loi franccedilaise la modification de la loi franccedilaise nest pas loin (B)

A Lassouplissement de la jurisprudence

Dans laffaire porteacutee devant la cour dappel de Paris que nous avons abordeacutee rapidement

preacuteceacutedemment un couple dont la femme ne peut assurer la gestation en raison dune

malformation congeacutenitale se rend en Californie ougrave il conclut une convention portant sur la

gestation dun embryon issu de leurs propres gamegravetes Des jumelles naissent de cette

convention Le droit californien fait abstraction du deacutefaut daccouchement La concubine est

inscrite comme megravere dans les registres de naissance de Californie Quelques semaines plus

tard le couple reconnaicirct les enfants en France Mais agrave leur retour dans lHexagone ils sont

placeacutes en garde agrave vue puis mis en examen pour laquo entremise entre une personne deacutesireuse

dadopter un enfant et un parent deacutesireux dabandonner son enfant neacute ou agrave naicirctre raquo et pour laquo

simulation ayant entraicircneacute une atteinte agrave leacutetat civil de lenfant raquo

En 2004 le juge dinstruction rend un non-lieu sur les poursuites peacutenales les faits seacutetant

deacuterouleacutes dans un pays ougrave cette pratique est leacutegale Le parquet a alors continueacute son offensive

sur le terrain civil et chercheacute agrave faire annuler la filiation et la transcription sur leacutetat civil Le

tribunal de grande instance a deacuteclareacute cette demande irrecevable en deacutecembre 2005 Une

deacutecision rendue par la cour dappel de Paris confirme ce jugement le 25 octobre dernier apregraves

avoir estimeacute que laquo La non-transcription des actes de naissances aurait des conseacutequences

contraires agrave linteacuterecirct supeacuterieur des enfants qui au regard du droit franccedilais se verraient priveacutes

dactes deacutetat civil indiquant leur lien de filiation y compris agrave leacutegard de leur pegravere biologique

raquo

La question sera deacutesormais soumise agrave la Cour de cassation qui a deacutejagrave pris des deacutecisions

progressistes dans des questions relatives au droit de la famille notamment dans linteacuterecirct de

lenfant Elle a ainsi fait le 24 feacutevrier 2006 un pas important vers la reconnaissance de

lhomoparentaliteacute en autorisant quun parent homosexuel deacutelegravegue tout ou partie de son

autoriteacute parentale agrave son partenaire avec lequel il vit en union stable agrave condition que cette

mesure soit prise dans linteacuterecirct supeacuterieur de lenfant (36)

Le plus important reacuteside dans le fait que la cour dappel de Paris a estimeacute que la non-

transcription sur les actes de naissance aurait des conseacutequences contraire agrave llaquo inteacuterecirct de

lenfant raquo Depuis longtemps linteacuterecirct de lenfant est au centre du droit de la famille et depuis

quelques anneacutees celui-ci devient veacuteritablement la pierre angulaire de cette discipline (37)

Dans un arrecirct du 18 mai 2005 la premiegravere chambre civile de la Cour de cassation preacutecise au

visa de larticle 3-1 de la Convention relative aux droits de lenfant que laquo dans toutes les

deacutecisions qui concernent les enfants linteacuterecirct supeacuterieur de lenfant doit ecirctre une

consideacuteration primordiale raquo (38) Mais que faut-il entendre par inteacuterecirct supeacuterieur de lenfant

(39)

Bien que le nouvel article L 112-4 du Code de laction sociale et des familles (40) et larticle

371-1 du Code civil semblent deacutefinir les eacuteleacutements constitutifs de cette notion llaquo inteacuterecirct de

lenfant raquo reste un concept assez flou que le leacutegislateur et les juges se gardent bien de deacutefinir

preacuteciseacutement on ne peut limiter linteacuterecirct supeacuterieur de lenfant agrave la protection de sa santeacute de sa

seacutecuriteacute et de sa moraliteacute Certes ces eacuteleacutements sont les bases de linteacuterecirct de lenfant mais

32

puisque celui-ci peut deacutepasser le strict cadre du droit de lautoriteacute parentale voire du droit de

la famille cette vision serait bien trop reacuteductrice

Le sens de cette notion peut encore sobscurcir si lon considegravere quelle peut se confondre avec

dautres concepts voisins Larticle 371-5 doit ainsi conduire agrave distinguer linteacuterecirct de lenfant de

celui de la fratrie En effet si celle-ci a inteacuterecirct agrave rester unie certaines circonstances permettent

deacutecarter un de ses membres dans son inteacuterecirct exclusif

Un amendement proposait cependant agrave la suite du nouvel article L 112-4 du Code de laction

sociale et des familles une deacutefinition inteacuteressante laquo Linteacuterecirct supeacuterieur de lenfant est deacutefini

comme lassurance de la protection de sa seacutecuriteacute personnelle et affective lassurance dun

contexte familial permettant un bon deacuteveloppement physique intellectuel affectif et social

lassurance dune relation dattachement parental permettant de se construire Linteacuterecirct

supeacuterieur de lenfant tel que deacutefini constitue son projet de vie raquo (41)

On ne peut que se feacuteliciter de la mise en avant de linteacuterecirct de lenfant pour deacuteroger agrave la sacro-

sainte interdiction des megraveres porteuses car il est vrai quil ne faut pas oublier que limportant

reste dabord et avant tout lenfant qui a et doit avoir une place centrale au sein de la famille

On peut envisager que cette reacutecente jurisprudence puisse influencer la reacuteflexion sur le recours

aux laquo megraveres porteuses raquo sur le territoire national qui conduise agrave une eacutevolution de la loi

B Vers une eacutevolution de la loi

Alors que la France interdit la laquo gestation pour autrui raquo cette pratique a eacuteteacute leacutegaliseacutee dans de

nombreux pays La France a donc une leacutegislation moins libeacuterale que dautres leacutegislations

nationales La pratique de la gestation pour autrui est notamment autoriseacutee aux Etats-Unis au

Canada en Australie et dans plusieurs pays de lUnion europeacuteenne (Espagne et Belgique

Gregravece et Royaume-Uni notamment) (42) La question de la leacutegalisation des megraveres porteuses

est tregraves controverseacutee en France et demanderait un strict encadrement (43)

On enseigne habituellement que les questions deacutetat ne peuvent deacutependre de la seule volonteacute

individuelle Leacutetat des personnes - le droit de la filiation en particulier - eacutechapperait aux

conventions Mais ce principe nest plus si absolu Leacutevolution contemporaine reacuteduit laspect

institutionnel Une place nettement importante a eacuteteacute faite dans lorganisation des relations

familiales agrave la volonteacute individuelle laquo Laccroissement du pouvoir des volonteacutes individuelles

dans le droit de la famille est une marque essentielle de ce droit raquo (44) Dougrave la justesse de

lexpression laquo contractualisation du droit de la famille raquo Le rocircle de la volonteacute individuelle

tend agrave ecirctre de plus en plus important (45) Tel est le cas du divorce du PACS et du mariage

La procreacuteation nest plus la finaliteacute avec larriveacutee en force dans des pays voisins du mariage

homosexuel

Une certaine eacutevolution des mentaliteacutes ainsi que la dispariteacute entre la loi franccedilaise et dautres

leacutegislations nationales pourraient bien donner lieu agrave un assouplissement de cette leacutegislation

(46)

La gestation pour autrui permet de pallier certaines formes de steacuteriliteacute feacuteminine en raison

dune absence ou dune deacuteformation duteacuterus de conseacutequences de cancer ou reacutesultant dune

hysteacuterectomie de fausses couches reacutepeacuteteacutees dune contre-indication meacutedicale agrave la grossesse ou

de nombreux eacutechecs de feacutecondations in vitro (47) Dans ce cas on implante les gamegravetes des

parents geacuteneacutetiques dans le ventre de la megravere porteuse

33

Un autre argument favorable agrave cette pratique est la certitude apaisante pour le couple steacuterile

de ce que lenfant porteacute en uteacuterus tiers nen sera pas moins leur veacuteritable enfant geacuteneacutetique

puisque conccedilu agrave partir de leurs propres gamegravetes

De plus il faut deacutenoncer une incoheacuterence Une femme empecirccheacutee par la loi de donner avant

sa grossesse agrave un couple agreacuteeacute par elle lenfant quelle portera moyennant eacutequitable

reacutecompense possegravede en revanche le droit discreacutetionnaire de labandonner une fois neacute au

hasard des eacutetablissements ou du service de lASE ou pis encore de recourir agrave une

interruption volontaire de grossesse pendant les douze premiegraveres semaines (48)

La possession deacutetat repreacutesente une valeur humaine et sociale qui doit ecirctre prise en compte en

tant que telle Comme lont joliment affirmeacute M Hauser et Mme Huet-Weiller laquo elle est la

veacuteriteacute des sentiments la veacuteriteacute du coeur tout aussi respectable sinon plus que celle des

registres deacutetat ou mecircme de nos gegravenes raquo (49) Ainsi on peut ecirctre favorable agrave cette reacuteflexion

sous certains reacuteserves

Tout dabord le couple demandeur devait avoir plus de 18 ans et linfertiliteacute devrait ecirctre

meacutedicalement eacutetablie Ensuite seule lutilisation des gamegravetes (sperme et ovocytes) du couple

serait autoriseacutee afin deacuteviter que la gestatrice soit aussi la megravere biologique de lenfant (pour

eacuteviter des liens trop forts eacutetablis entre elle et le beacutebeacute)

De son cocircteacute la megravere porteuse devait avoir plus de 18 ans et accepter de subir des tests divers

avant la grossesse Elle serait la seule agrave donner un consentement valable concernant la gestion

de sa grossesse et elle abandonnerait ses droits parentaux agrave la naissance de lenfant tout en

assistant le couple demandeur lors de la deacutelivrance du certificat de naissance Le

consentement devrait aussi ecirctre obtenu par un entretien psychologique meacutedical et juridique

Seul le juge pourrait donner laccord au deacutebut du processus Le couple demandeur devait

sengager agrave assumer la garde de lenfant degraves sa naissance afin deacuteviter soit une non-remise

denfant soit un refus de lenfant - par exemple en cas de handicap

Concernant la reacutemuneacuteration de la megravere porteuse la marchandisation est inacceptable Les

intermeacutediaires reacutemuneacutereacutes seraient interdits Le principe du volontariat et de la gratuiteacute sont

essentiels le don de vie (50)

Enfin il ne sagirait pas de reacutemuneacuteration mais de compensation financiegravere destineacutee agrave

deacutedommager les inconveacutenients lieacutes agrave la grossesse sur la base de la loi laquo Huriet raquo (loi sur la

recherche meacutedicale avec volontaires sains) Le couple demandeur devrait prendre agrave sa charge

les deacutepenses meacutedicales leacutegales et psychologiques ainsi quun montant raisonnable alloueacute agrave la

megravere porteuse pour subvenir agrave ses besoins Les juges appreacutecieraient librement ce que peut ecirctre

un montant laquo raisonnable raquo sans que cela puisse jamais ecirctre consideacutereacute comme une laquo vente raquo

denfant

(1) B Debreacute et S Agacinski laquo Faut-il leacutegaliser les megraveres porteuses en France raquo Le Figaro Magazine du samedi 10 novembre 2007 p 50

34

(2) G David laquo Don et utilisation du sperme raquo in Actes du colloque Geacuteneacutetique procreacuteation et

droit Actes sud 1985 p 205 G-M Faure Le deacutesir denfant agrave leacutepreuve du droit Essai sur le droit de la procreacuteation meacutedicalement assisteacutee Thegravese Universiteacute de Lille 1992 p 7

(3) G Lebreton Liberteacutes publiques et droits de lhomme 6e eacuted Armand Colin 2003 p 262

(4) CE 22 janvier 1988 Lebon 1988 p 37

(5) La Cour de cassation a enteacuterineacute la position de la cour dappel de Paris pour laquelle laquo ni laltruisme du comportement de la megravere de substitution ni le caractegravere deacutesinteacuteresseacute des activiteacutes de lassociation ne sont propres agrave faire disparaicirctre lilliceacuteiteacute qui frappe laccord litigieux raquo Cass civ 1re 13 deacutecembre 1989 Bull civ I no 387 Defreacutenois 1990 art 34802 no 55 obs J-L Aubert D 1990 p 273 JCP eacuted G 1990 II 21526 note A Seacuteriaux propos recueillis par C Slobodansky laquo Le droit doit limiter les progregraves de la science raquo LPA du 7 mai 2004 no 92 p 60

(6) laquo La convention par laquelle une femme sengage fucirct-ce agrave titre gratuit agrave concevoir et porter un enfant pour labandonner agrave sa naissance contrevient tant au principe dordre public de lindisponibiliteacute du corps humain quagrave celui de lindisponibiliteacute de leacutetat des personnes raquo Cass ass pleacuten 31 mai 1991 Bull civ ass pleacuten no 4 Defreacutenois 1991 art 35142 no 103 obs J-L Aubert Defreacutenois 1991 art 35088 no 67 note J Massip RTD civ 1991 p 517 obs D Huet-Weiller et p 489 note M Gobert M Gobert laquo Reacuteflexions sur les sources du droit et les

principes dindisponibiliteacute du corps humain et de leacutetat des personnes agrave propos de la materniteacute de substitution raquo RTD civ 1992 p 489 et s speacutec p 501 dans ce sens v deacutejagrave les remarques de P Murat laquo Laction de lordonnance du 4 juillet 2005 sur la possession deacutetat raquo Dr Famille 2006 eacutetude no 6 speacutec no 7 V aussi J Massip laquo Linsertion dans le Code civil de dispositions relatives au corps humain agrave lidentification geacuteneacutetique et agrave la procreacuteation meacutedicalement assisteacutee raquo Defreacutenois 1995 art 35975 et 35992

(7) En ce sens V Depadt-Sebag laquo De la neacutecessiteacute dune reacuteforme de larticle 16-7 du Code civil relatif agrave linterdiction de gestation pour autrui raquo RGD meacuted 2004 no 12 p 135 et s

(8) Art 227-12 et s C peacuten

(9) CA Paris 1re feacutevrier 2001 RTD civ 2001 p 347 obs J Hauser Cass civ 1re 9 deacutecembre 2003 Bull civ I no 252 p 201 CA Rennes 4 juillet 2002 D 2002 p 2904

(10) Cass civ 1re 20 feacutevrier 2007 Defreacutenois 2007 art 38595 no 45 obs J Massip

(11) V Depadt-Sebag laquo De la neacutecessiteacute dune reacuteforme de larticle 16-7 du Code civil relatif agrave linterdiction de gestation pour autrui raquo preacutec no 12 p 135 et s

(12) L no 2004-800 du 6 aoucirct 2004 relative agrave la bioeacutethique JO du 7 aoucirct 2004 p 14040 J Massip art preacutec

(13) Dans ce sens v M Gobert laquo Reacuteflexions sur les sources du droit et les principes dindisponibiliteacute du corps humain et de leacutetat des personnes agrave propos de la materniteacute de substitution raquo preacutec p 489 et s speacutec p 513

(14) V Depadt-Sebag laquo De la neacutecessiteacute dune reacuteforme de larticle 16-7 du Code civil relatif agrave linterdiction de gestation pour autrui raquo preacutec no 12 p 135 et s E Camuzet La convention de gestation pour autrui une illeacutegaliteacute franccedilaise injustifieacutee Meacutemoire Lille 2 Universiteacute du droit et de la santeacute 2005-2006 p 55

(15) A Mayer-Jack laquo Les conventions relatives agrave la personne physique raquo Rev crit leacutegisl et jurispr 1993 p 6

(16) G Meacutemeteau laquo Une distinction est opeacutereacutee sur la reacutefeacuterence des donneacutees acquises de la science agrave la date des soins par opposition agrave la notion erroneacutee de donneacutees actuelles de la science raquo note sous Cass civ 1re 6 juin 2000 JCP eacuted G 2001 II 10447

(17) Cass civ 1re 13 deacutecembre 1989 Bull civ I no 387 Defreacutenois 1990 art 34815 rapp J Massip D 1990 p 273 JCP eacuted G 1990 II 21526 note A Seacuteriaux

35

(18) Communication J Bernard et comm J Massip Defreacutenois 1990 art 35088 no 67 note J

Massip F Terreacute note sous Cass ass pleacuten 31 mai 1991 JCP eacuted G 1991 II 21752 dans ce sens v les remarques de P Murat laquo Laction de lordonnance du 4 juillet 2005 sur la possession deacutetat raquo preacutec eacutetude no 6 speacutec no 7 G Kessler laquo La consolidation de situations illicites dans linteacuterecirct de lenfant raquo Dr Famille no 7 juillet 2005 Etude 16

(19) TGI Lille 22 mars 2007 D 2007 no 18 p 1251 note X Labbeacutee B Edelman et C Labrusse-Riau note sous CA Paris 15 juin 1990 JCP eacuted G 1991 II 21653

(20) V Larribau-Terneyre note sous CA Pau 19 feacutevrier 1991 D 1991 juris p 380

(21) J Massip laquo Megravere porteuse et deacutecheacuteance de lautoriteacute parentale raquo LPA du 29 octobre 2003 no 216 p 10 Cass ass pleacuten 31 mai 1991 Bull civ ass pleacuten no 4 Defreacutenois 1991 art 35088 no 67 p 948 obs J Massip D 1991 p 417 rapport Y Chartier note D Thouvenin JCP eacuted G 1991 II 21752 communication J Bernard concl H Dontenwille note F Terreacute RTD civ 1991 p 517 obs D Huet-Weiller

(22) J Rubellin-Devichi laquo Materniteacute de substitution qui est la megravere raquo note sous CA Rennes 4 juillet 2002 JCP eacuted G 2003 I 101 C Ducomte laquo La vraie querelle des megraveres porteuses raquo httppagesperso-orangefrmax-christianducomtemereindexhtm

(23) Propos de Mme F Dekeuwer-Deacutefossez lors de son audition devant le preacutesident M Bloche pour la mission dinformation sur la famille (procegraves-verbal du 5 octobre 2005)

(24) J Hauser obs in RTD civ 1999 p 372 F Dekeuwer-Deacutefossez note sous Cass ass pleacuten 31 mai 1991 D 1992 somm p 59

(25) F Dekeuwer-Deacutefossez laquo Les droits de lenfant raquo D 1992 somm p 59 E Poisson-Drocourt laquo Recours agrave une megravere de substitution et refus de ladoption raquo D 2004 p 2001

(26) J-J Lemouland laquo Le tourisme procreacuteatif raquo LPA 2001 no 62 p 24 F Dekeuwer-Deacutefossez laquo Le lien parental raquo LPA du 1er juillet 2004 no 131 p 70 F Granet note sous CA Rennes 4 juillet 2002 D 2002 p 2904

(27) CA Aix-en-Provence 12 mars 2002 Juris-Data no 2002-190443 A Seacuteriaux laquo Droit naturel et procreacuteation artificielle quelle jurisprudence raquo D 1985 chron p 53 J Massip laquo Le nouveau droit de la filiation raquo Defreacutenois 2006 art 38303 p 13

(28) CA Rennes 4 juillet 2002 JCP eacuted G 2003 I 101 note J Rubellin-Devichi

(29) laquo Si le principe structurant de lautoriteacute parentale est linteacuterecirct de lenfant deacutetermineacute in concreto le droit de la filiation nappreacutecie en revanche jamais linteacuterecirct concret dun enfant preacutecis mais linteacuterecirct geacuteneacuteral de lenfant in abstracto raquo A Gouttenoire laquo A chacun sa famille agrave chacun son droit raquo Dr Famille no 7 juillet 2006 Alerte 41

(30) E Camuzet La convention de gestation pour autrui une illeacutegaliteacute franccedilaise injustifieacutee art preacutec p 52

(31) P Raynaud laquo Un abus de ladoption simple les couples adoptifs raquo D 1983 chron p 39 H Gaumont-Prat laquo Pas dadoption pour les enfants issus de convention de megravere porteuse raquo RLDC no 5 mai 2004 p 31 laquo Le rejet dans le non-droit des enfants neacutes dans des circonstances qui deacuterangent la socieacuteteacute relegraveve du deacuteni de la reacutealiteacute porteur de nombreux effets pathogegravenes et injustes raquo

(32) J Rubellin-Devichi laquo Materniteacute de substitution qui est la megravere raquo note sous CA Rennes 4 juillet 2002 preacutec I 101 C Ducomte laquo La vraie querelle des megraveres porteuses raquo preacutec P Raynaud laquo Un abus de ladoption simple les couples adoptifs raquo art preacutec chron p 39 G Kessler laquo La consolidation de situations illicites dans linteacuterecirct de lenfant raquo art preacutec Etude 16

(33) F Dekeuwer-Deacutefossez laquo Reacuteflexion sur les mythes fondateurs du droit contemporain de la famille raquo RTD civ 1995 p 269 E Camuzet La convention de gestation pour autrui une illeacutegaliteacute franccedilaise injustifieacutee art preacutec p 66 A Ponsard rapport sous Cass civ 1re 16

36

novembre 1982 JCP eacuted G 1983 II 19954 M-T Meulders-Klein laquo Le droit agrave lenfant face au

droit de lenfant et les procreacuteations meacutedicalement assisteacutees raquo RTD civ 1988 p 645 F Terreacute Lenfant de lesclave Geacuteneacutetique et droit Flammarion 1987 p 128

(34) Convention de New York du 26 janvier 1990 Charte des droits fondamentaux de lUnion europeacuteenne du 7 deacutecembre 2000 Deacuteclaration universelle des droits de lhomme de 1789 Convention internationale des droits de lenfant de 1989

(35) Cass ass plegraven 31 mai 1991 Bull civ ass plegraven no 4 Defreacutenois 1991 art 35142 no 103 obs J-L Aubert et art 35088 no 67 p 948 obs J Massip D 1991 p 417 rapport Y Chartier note D Thouvenin JCP eacuted G 1991 II 21752 communication J Bernard concl H Dontenwille note F Terreacute RTD civ 1991 p 517 obs D Huet-Weiller

(36) Cass civ 1re 24 feacutevrier 2006 Bull civ I no 101 p 95 Defreacutenois 2006 art 38415 no 40 p 1067 obs J Massip D 2006 juris p 897-900 obs D Vigneau T Anatrella laquo Adoption et homoparentaliteacute leacuteclairage des droits de lhomme raquo Dr Famille 2003 no 10 p

8-10 agrave lidentique dans un arrecirct du 22 janvier 1992 D 1993 p 119 note J Vassaux la cour dappel de Poitiers a prononceacute ladoption simple dun enfant neacute dune convention de megravere porteuse au motif que laquo cette adoption nest pas seulement conforme agrave linteacuterecirct de lenfant mais encore constitue une neacutecessiteacute qui deacutecoule des reacutealiteacutes de la vie issues derreurs des adultes dont lenfant ne doit pas subir les conseacutequences raquo

(37) G Kessler laquo La consolidation de situations illicites dans linteacuterecirct de lenfant raquo art preacutec eacutetude no 16 M-T Meulders-Klein laquo Le droit agrave lenfant face au droit de lenfant et les procreacuteations meacutedicalement assisteacutees raquo art preacutec p 645

(38) Cass civ 1re 18 mai 2005 Bull civ I no 211 p 179 V Depadt-Sebag laquo Non-lieu dans une affaire de materniteacute pour autrui raquo D 2005 p 476 J Massip laquo Megravere porteuse et deacutecheacuteance de lautoriteacute parentale raquo art preacutec no 216 p 11 F Terreacute Lenfant de lesclave Geacuteneacutetique et droit op cit adde F Terreacute et D Fenouillet Droit civil Les personnes la famille les incapaciteacutes 6e eacuted Preacutecis Dalloz no 926 M Lamarche laquo Inteacuterecirct supeacuterieur de lenfant de ladmission des effets dune convention de megravere porteuse agrave la destruction du droit franccedilais de la filiation raquo Dr Famille novembre 2007 no 11

(39) M Donnier laquo Linteacuterecirct de lenfant raquo D 1959 chron p 27 F Laroche-Gisserot note sous Cass civ 1re 27 mai 1998 D 1998 p 530 F Millet laquo Ladoption dun inteacuterecirct agrave lautre raquo RRJ 2003-3 p 1777 et s A Gouttenoire laquo A chacun sa famille agrave chacun son droit raquo art preacutec Alerte 41

(40) Par la loi no 2007-293 du 5 mars 2007 reacuteformant la protection de lenfance (JO du 6 mars 2007 Defreacutenois 2007 Leacuteg p 282) le leacutegislateur a inteacutegreacute la notion dinteacuterecirct de lenfant dans le Code de laction sociale et des familles Le nouvel article L 112-4 dudit code dispose que laquo Linteacuterecirct de lenfant la prise en compte de ses besoins fondamentaux physiques intellectuels sociaux et affectifs ainsi que le respect de ses droits doivent guider toutes deacutecisions le concernant raquo

(41) Amendement no 48 rect Protection de lenfance no 3184 Assembleacutee nationale 22 deacutecembre 2006 wwwassemblee-nationalefr v aussi sur lensemble de ces questions les consideacuterations tregraves eacuteclairantes de P Murat note sous CA Rennes 4 juillet 2002 D 2002 p 2902 Dr Famille 2002 comm no 142 note P Murat

(42) F Granet-Lambrechts laquo Materniteacutes de substitution filiation et eacutetat civil Panorama europeacuteen raquo Dr Famille no 12 deacutecembre 2007 eacutetude no 34

(43) D Youf Penser les droits de lenfant PUF 2002 p 2

(44) G Cornu La famille 6e eacuted no 7 J Carbonnier Droit civil t 4 Les obligations PUF coll Theacutemis no 372 p 649

(45) D Fenouillet et P de Vareilles-Sommiegraveres La contractualisation du droit de la famille Economica 2001

37

(46) H Gaumont-Prat laquo Pas dadoption pour les enfants issus de convention de megravere porteuse raquo art preacutec p 31

(47) E Poisson-Droccourt laquo Recours agrave une megravere de substitution et refus de ladoption raquo art preacutec p 2001 note sous Cass civ 1re 9 deacutecembre 2003 G Delaisi de Perseval laquo Gestation pour autrui en quecircte de leacutegitimation raquo httpwwwliberationfr

(48) C Neirinck laquo Les filiations eacutelectives agrave leacutepreuve du droit raquo JCP eacuted G 1997 I 4067 E Camuzet laquo La convention de gestation pour autrui une illeacutegaliteacute franccedilaise injustifieacutee raquo art preacutec p 59

(49) J Hauser et D Huet-Weiller Traiteacute de droit civil La famille Fondation et vie de la famille 2e eacuted LGDJ 1993 p 250

(50) B Debreacute et S Agacinski laquo Faut-il leacutegaliser les megraveres porteuses en France raquo art preacutec p 50 C Atias D 1986 chron p 67

Civ 1egravere

13 deacutecembre 1989

Ndeg de pourvoi 88-15655

Publieacute au bulletin

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Attendu selon les juges du fond que lrsquoassociation ldquo Alma Mater ldquo a pour objet de faciliter la

solution des problegravemes qui se posent aux couples dont la femme est steacuterile deacutesireux

drsquoaccueillir un enfant agrave leur foyer et aux ldquo megraveres porteuses ldquo volontaires qursquoil est proposeacute agrave

la ldquo megravere porteuse ldquo drsquoecirctre inseacutemineacutee artificiellement par la semence du mari ou du concubin

de porter et de mettre au monde lrsquoenfant qui sera deacuteclareacute sur les registres de lrsquoeacutetat civil sans

indication du nom de la megravere reconnu par le pegravere et accueilli au foyer de celui-ci en vue de

son adoption par lrsquoeacutepouse ou la compagne que lrsquoassociation intervient tout au long de ce

processus qualifieacute de ldquo precirct drsquouteacuterus ldquo ou de ldquo don drsquoenfant ldquo qursquoainsi apregraves avoir controcircleacute la

reacutealiteacute de la steacuteriliteacute du couple demandeur et des faculteacutes de feacutecondation de la ldquo megravere porteuse

ldquo geacuteneacuteralement recruteacutee par elle lrsquoassociation fait proceacuteder agrave lrsquoinseacutemination surveille la

grossesse et lrsquoaccouchement srsquooccupe de faire diligenter la proceacutedure drsquoadoption qursquoelle

verse ensuite agrave la megravere une somme forfaitaire - qui en 1987 eacutetait fixeacutee agrave 60 000 francs -

remise par le couple demandeur degraves le deacutebut de la grossesse que lrsquoarrecirct confirmatif attaqueacute

(Aix-en-Provence 29 avril 1988) estimant que cette association avait un objet illicite

contraire aux lois et aux bonnes moeurs en a prononceacute la nulliteacute sur le fondement de lrsquoarticle

3 de la loi du 1er juillet 1901

Sur le moyen unique pris en sa premiegravere branche

Attendu que lrsquoassociation ldquo Alma Mater ldquo fait grief agrave la cour drsquoappel drsquoavoir ainsi statueacute alors

que selon le moyen nrsquoest ni illicite ni contraire aux bonnes moeurs lrsquoassociation qui dans un

but humanitaire non lucratif met en relation un couple demandeur dont la femme est steacuterile et

38

une femme qui accepte drsquoecirctre inseacutemineacutee artificiellement par le mari de porter lrsquoenfant et de le

remettre agrave la naissance agrave ce couple qui lrsquoindemnisera des contraintes et de la gecircne occasionneacutee

par la grossesse de sorte que la juridiction du second degreacute aurait violeacute les articles 3 et 7 de la

loi du 1er juillet 1901

Mais attendu qursquoil reacutesulte des constatations des juges du fond que lrsquoobjet mecircme de

lrsquoassociation est de favoriser la conclusion et lrsquoexeacutecution de conventions qui fussent-elles

verbales portent tout agrave la fois sur la mise agrave la disposition des demandeurs des fonctions

reproductrices de la megravere et sur lrsquoenfant agrave naicirctre et sont donc nulles en application de lrsquoarticle

1128 du Code civil que ces conventions contreviennent au principe drsquoordre public de

lrsquoindisponibiliteacute de lrsquoeacutetat des personnes en ce qursquoelles ont pour but de faire venir au monde un

enfant dont lrsquoeacutetat ne correspondra pas agrave sa filiation reacuteelle au moyen drsquoune renonciation et

drsquoune cession eacutegalement prohibeacutees des droits reconnus par la loi agrave la future megravere que

lrsquoactiviteacute de lrsquoassociation qui tend deacutelibeacutereacutement agrave creacuteer une situation drsquoabandon aboutit agrave

deacutetourner lrsquoinstitution de lrsquoadoption de son veacuteritable objet qui est en principe de donner une

famille agrave un enfant qui en est deacutepourvu que crsquoest degraves lors agrave bon droit que lrsquoarrecirct attaqueacute a

deacutecideacute sur le fondement de lrsquoarticle 3 de la loi du 1er juillet 1901 que cette association eacutetait

nulle en raison de lrsquoilliceacuteiteacute de son objet que la premiegravere branche du moyen est donc sans

fondement

Et sur les deuxiegraveme et troisiegraveme branches du moyen

Attendu qursquoil est fait grief agrave la cour drsquoappel de nrsquoavoir pas reacutepondu aux conclusions faisant

valoir drsquoune part que lrsquointerdiction du ldquo don de gestation ldquo constituait une discrimination

fondeacutee sur la naissance contraire aux dispositions de lrsquoarticle 24 du pacte international relatif

aux droits civils et politiques signeacute agrave New York le 19 deacutecembre 1966 et drsquoautre part que ce ldquo

don de gestation ldquo reposait sur le droit leacutegitime de fonder une famille qui implique le droit

drsquoengendrer reconnu tant par lrsquoarticle 12 de la convention europeacuteenne des droits de lrsquohomme

et des liberteacutes fondamentales du 4 novembre 1950 que par lrsquoarticle 23 du pacte international

preacuteciteacute

Mais attendu que la reconnaissance du caractegravere illicite de la materniteacute pour autrui et des

associations qui srsquoefforcent de la promouvoir qui se deacuteduit des principes geacuteneacuteraux du Code

civil et de regravegles qui sont communes agrave toutes les filiations nrsquoest pas de nature agrave instaurer une

discrimination fondeacutee sur la naissance que le droit de se marier et de fonder une famille

reconnu par lrsquoarticle 12 de la convention du 4 novembre 1950 et par lrsquoarticle 23 du pacte

international du 19 deacutecembre 1966 agrave lrsquohomme et agrave la femme en acircge nubile nrsquoimplique pas le

droit de conclure avec un tiers des conventions portant sur le sort drsquoun enfant agrave naicirctre que

par ces motifs de droit reacutepondant aux conclusions invoqueacutees lrsquoarrecirct se trouve leacutegalement

justifieacute et que les deuxiegraveme et troisiegraveme branches du moyen ne peuvent ecirctre accueillies

PAR CES MOTIFS

REJETTE le pourvoi

Publication Bulletin 1989 I Ndeg 387 p 260

Deacutecision attaqueacutee Cour drsquoappel drsquoAix-en-Provence du 29 avril 1988

39

Cour de cassation Assembleacutee pleacuteniegravere

Audience publique du 31 mai 1991

Ndeg de pourvoi 90-20105 Publieacute au bulletin

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Sur le pourvoi dans lrsquointeacuterecirct de la loi formeacute par M le Procureur geacuteneacuteral pregraves la Cour de

Cassation

Vu les articles 6 et 1128 du Code civil ensemble lrsquoarticle 353 du mecircme Code

Attendu que la convention par laquelle une femme srsquoengage fucirct-ce agrave titre gratuit agrave concevoir

et agrave porter un enfant pour lrsquoabandonner agrave sa naissance contrevient tant au principe drsquoordre

public de lrsquoindisponibiliteacute du corps humain qursquoagrave celui de lrsquoindisponibiliteacute de lrsquoeacutetat des

personnes

Attendu selon lrsquoarrecirct infirmatif attaqueacute que Mme X eacutepouse de M Y eacutetant atteinte drsquoune

steacuteriliteacute irreacuteversible son mari a donneacute son sperme agrave une autre femme qui inseacutemineacutee

artificiellement a porteacute et mis au monde lrsquoenfant ainsi conccedilu qursquoagrave sa naissance cet enfant a

eacuteteacute deacuteclareacute comme eacutetant neacute de Y sans indication de filiation maternelle

Attendu que pour prononcer lrsquoadoption pleacuteniegravere de lrsquoenfant par Mme Y lrsquoarrecirct retient

qursquoen lrsquoeacutetat actuel des pratiques scientifiques et des moeurs la meacutethode de la materniteacute

substitueacutee doit ecirctre consideacutereacutee comme licite et non contraire agrave lrsquoordre public et que cette

adoption est conforme agrave lrsquointeacuterecirct de lrsquoenfant qui a eacuteteacute accueilli et eacuteleveacute au foyer de M et

Mme Y pratiquement depuis sa naissance

Qursquoen statuant ainsi alors que cette adoption nrsquoeacutetait que lrsquoultime phase drsquoun processus

drsquoensemble destineacute agrave permettre agrave un couple lrsquoaccueil agrave son foyer drsquoun enfant conccedilu en

exeacutecution drsquoun contrat tendant agrave lrsquoabandon agrave sa naissance par sa megravere et que portant atteinte

aux principes de lrsquoindisponibiliteacute du corps humain et de lrsquoeacutetat des personnes ce processus

constituait un deacutetournement de lrsquoinstitution de lrsquoadoption la cour drsquoappel a violeacute les textes

susviseacutes

PAR CES MOTIFS

CASSE ET ANNULE mais seulement dans lrsquointeacuterecirct de la loi et sans renvoi lrsquoarrecirct rendu le

15 juin 1990 par la cour drsquoappel de Paris

REQUETE DE M LE PROCUREUR GENERAL PRES LA COUR DE CASSATION

Le Procureur geacuteneacuteral pregraves la Cour de Cassation a lrsquohonneur drsquoexposer

- Que par jugement du 28 juin 1989 le tribunal de grande instance de Paris a rejeteacute la requecircte

preacutesenteacutee par Mme X eacutepouse Y tendant agrave lrsquoadoption pleacuteniegravere de lrsquoenfant Z deacuteclareacutee

comme eacutetant neacutee de M Y mari de la requeacuterante sans indication de filiation maternelle

- Que pour ne pas faire droit agrave cette requecircte les premiers juges ont retenu que les eacutepoux Y

pour remeacutedier agrave la steacuteriliteacute de leur couple avaient eu recours agrave lrsquoassociation Alma Mater

aujourdrsquohui dissoute lrsquoenfant eacutetant neacute drsquoune megravere de substitution qui lrsquoa abandonneacute agrave la

naissance pratique deacuteclareacutee illicite

- Que sur appel de Mme Y la premiegravere chambre civile section C de la cour drsquoappel de

Paris a par arrecirct du 15 juin 1990 infirmeacute la deacutecision entreprise et prononceacute lrsquoadoption

pleacuteniegravere solliciteacutee par la requeacuterante

- Qursquoau soutien de leur deacutecision devenue deacutefinitive les juges du second degreacute ont tireacute de nos

principes geacuteneacuteraux relatifs agrave la filiation des regravegles drsquoordre public concernant les contrats et de

40

certaines conventions ou deacuteclarations internationales des conclusions contraires agrave celles

auxquelles eacutetait parvenue votre premiegravere chambre civile de la Cour de Cassation qui dans un

cas de figure pratiquement identique a par arrecirct du 13 deacutecembre 1989 (association Alma

Mater contre procureur geacuteneacuteral Aix-en-Provence) reconnu le caractegravere illicite de la materniteacute

pour autrui et les associations qui srsquoefforcent de la promouvoir

- Qursquoil importe en cette matiegravere particuliegraverement sensible qui touche agrave un deacutelicat problegraveme de

socieacuteteacute et drsquoeacutethique que soit mis fin agrave des divergences jurisprudentielles majeures et que la

seacutecuriteacute juridique soit assureacutee

PAR CES MOTIFS

Vu lrsquoarticle 17 de la loi du 3 juillet 1967 relative agrave la Cour de Cassation

Requiert qursquoil plaise agrave la Cour de Cassation

CASSE ET ANNULE sans renvoi et dans le seul inteacuterecirct de la loi lrsquoarrecirct rendu le 15 juin 1990

par la cour drsquoappel de Paris ayant fait droit agrave la requecircte en adoption pleacuteniegravere preacutesenteacutee par

Mme X eacutepouse Y

Publication Bulletin 1991 AP Ndeg 4 p 5

Deacutecision attaqueacutee Cour drsquoappel de Paris du 15 juin 1990

Page 32: SEANCE_3 Droit Civil Methodologie

32

puisque celui-ci peut deacutepasser le strict cadre du droit de lautoriteacute parentale voire du droit de

la famille cette vision serait bien trop reacuteductrice

Le sens de cette notion peut encore sobscurcir si lon considegravere quelle peut se confondre avec

dautres concepts voisins Larticle 371-5 doit ainsi conduire agrave distinguer linteacuterecirct de lenfant de

celui de la fratrie En effet si celle-ci a inteacuterecirct agrave rester unie certaines circonstances permettent

deacutecarter un de ses membres dans son inteacuterecirct exclusif

Un amendement proposait cependant agrave la suite du nouvel article L 112-4 du Code de laction

sociale et des familles une deacutefinition inteacuteressante laquo Linteacuterecirct supeacuterieur de lenfant est deacutefini

comme lassurance de la protection de sa seacutecuriteacute personnelle et affective lassurance dun

contexte familial permettant un bon deacuteveloppement physique intellectuel affectif et social

lassurance dune relation dattachement parental permettant de se construire Linteacuterecirct

supeacuterieur de lenfant tel que deacutefini constitue son projet de vie raquo (41)

On ne peut que se feacuteliciter de la mise en avant de linteacuterecirct de lenfant pour deacuteroger agrave la sacro-

sainte interdiction des megraveres porteuses car il est vrai quil ne faut pas oublier que limportant

reste dabord et avant tout lenfant qui a et doit avoir une place centrale au sein de la famille

On peut envisager que cette reacutecente jurisprudence puisse influencer la reacuteflexion sur le recours

aux laquo megraveres porteuses raquo sur le territoire national qui conduise agrave une eacutevolution de la loi

B Vers une eacutevolution de la loi

Alors que la France interdit la laquo gestation pour autrui raquo cette pratique a eacuteteacute leacutegaliseacutee dans de

nombreux pays La France a donc une leacutegislation moins libeacuterale que dautres leacutegislations

nationales La pratique de la gestation pour autrui est notamment autoriseacutee aux Etats-Unis au

Canada en Australie et dans plusieurs pays de lUnion europeacuteenne (Espagne et Belgique

Gregravece et Royaume-Uni notamment) (42) La question de la leacutegalisation des megraveres porteuses

est tregraves controverseacutee en France et demanderait un strict encadrement (43)

On enseigne habituellement que les questions deacutetat ne peuvent deacutependre de la seule volonteacute

individuelle Leacutetat des personnes - le droit de la filiation en particulier - eacutechapperait aux

conventions Mais ce principe nest plus si absolu Leacutevolution contemporaine reacuteduit laspect

institutionnel Une place nettement importante a eacuteteacute faite dans lorganisation des relations

familiales agrave la volonteacute individuelle laquo Laccroissement du pouvoir des volonteacutes individuelles

dans le droit de la famille est une marque essentielle de ce droit raquo (44) Dougrave la justesse de

lexpression laquo contractualisation du droit de la famille raquo Le rocircle de la volonteacute individuelle

tend agrave ecirctre de plus en plus important (45) Tel est le cas du divorce du PACS et du mariage

La procreacuteation nest plus la finaliteacute avec larriveacutee en force dans des pays voisins du mariage

homosexuel

Une certaine eacutevolution des mentaliteacutes ainsi que la dispariteacute entre la loi franccedilaise et dautres

leacutegislations nationales pourraient bien donner lieu agrave un assouplissement de cette leacutegislation

(46)

La gestation pour autrui permet de pallier certaines formes de steacuteriliteacute feacuteminine en raison

dune absence ou dune deacuteformation duteacuterus de conseacutequences de cancer ou reacutesultant dune

hysteacuterectomie de fausses couches reacutepeacuteteacutees dune contre-indication meacutedicale agrave la grossesse ou

de nombreux eacutechecs de feacutecondations in vitro (47) Dans ce cas on implante les gamegravetes des

parents geacuteneacutetiques dans le ventre de la megravere porteuse

33

Un autre argument favorable agrave cette pratique est la certitude apaisante pour le couple steacuterile

de ce que lenfant porteacute en uteacuterus tiers nen sera pas moins leur veacuteritable enfant geacuteneacutetique

puisque conccedilu agrave partir de leurs propres gamegravetes

De plus il faut deacutenoncer une incoheacuterence Une femme empecirccheacutee par la loi de donner avant

sa grossesse agrave un couple agreacuteeacute par elle lenfant quelle portera moyennant eacutequitable

reacutecompense possegravede en revanche le droit discreacutetionnaire de labandonner une fois neacute au

hasard des eacutetablissements ou du service de lASE ou pis encore de recourir agrave une

interruption volontaire de grossesse pendant les douze premiegraveres semaines (48)

La possession deacutetat repreacutesente une valeur humaine et sociale qui doit ecirctre prise en compte en

tant que telle Comme lont joliment affirmeacute M Hauser et Mme Huet-Weiller laquo elle est la

veacuteriteacute des sentiments la veacuteriteacute du coeur tout aussi respectable sinon plus que celle des

registres deacutetat ou mecircme de nos gegravenes raquo (49) Ainsi on peut ecirctre favorable agrave cette reacuteflexion

sous certains reacuteserves

Tout dabord le couple demandeur devait avoir plus de 18 ans et linfertiliteacute devrait ecirctre

meacutedicalement eacutetablie Ensuite seule lutilisation des gamegravetes (sperme et ovocytes) du couple

serait autoriseacutee afin deacuteviter que la gestatrice soit aussi la megravere biologique de lenfant (pour

eacuteviter des liens trop forts eacutetablis entre elle et le beacutebeacute)

De son cocircteacute la megravere porteuse devait avoir plus de 18 ans et accepter de subir des tests divers

avant la grossesse Elle serait la seule agrave donner un consentement valable concernant la gestion

de sa grossesse et elle abandonnerait ses droits parentaux agrave la naissance de lenfant tout en

assistant le couple demandeur lors de la deacutelivrance du certificat de naissance Le

consentement devrait aussi ecirctre obtenu par un entretien psychologique meacutedical et juridique

Seul le juge pourrait donner laccord au deacutebut du processus Le couple demandeur devait

sengager agrave assumer la garde de lenfant degraves sa naissance afin deacuteviter soit une non-remise

denfant soit un refus de lenfant - par exemple en cas de handicap

Concernant la reacutemuneacuteration de la megravere porteuse la marchandisation est inacceptable Les

intermeacutediaires reacutemuneacutereacutes seraient interdits Le principe du volontariat et de la gratuiteacute sont

essentiels le don de vie (50)

Enfin il ne sagirait pas de reacutemuneacuteration mais de compensation financiegravere destineacutee agrave

deacutedommager les inconveacutenients lieacutes agrave la grossesse sur la base de la loi laquo Huriet raquo (loi sur la

recherche meacutedicale avec volontaires sains) Le couple demandeur devrait prendre agrave sa charge

les deacutepenses meacutedicales leacutegales et psychologiques ainsi quun montant raisonnable alloueacute agrave la

megravere porteuse pour subvenir agrave ses besoins Les juges appreacutecieraient librement ce que peut ecirctre

un montant laquo raisonnable raquo sans que cela puisse jamais ecirctre consideacutereacute comme une laquo vente raquo

denfant

(1) B Debreacute et S Agacinski laquo Faut-il leacutegaliser les megraveres porteuses en France raquo Le Figaro Magazine du samedi 10 novembre 2007 p 50

34

(2) G David laquo Don et utilisation du sperme raquo in Actes du colloque Geacuteneacutetique procreacuteation et

droit Actes sud 1985 p 205 G-M Faure Le deacutesir denfant agrave leacutepreuve du droit Essai sur le droit de la procreacuteation meacutedicalement assisteacutee Thegravese Universiteacute de Lille 1992 p 7

(3) G Lebreton Liberteacutes publiques et droits de lhomme 6e eacuted Armand Colin 2003 p 262

(4) CE 22 janvier 1988 Lebon 1988 p 37

(5) La Cour de cassation a enteacuterineacute la position de la cour dappel de Paris pour laquelle laquo ni laltruisme du comportement de la megravere de substitution ni le caractegravere deacutesinteacuteresseacute des activiteacutes de lassociation ne sont propres agrave faire disparaicirctre lilliceacuteiteacute qui frappe laccord litigieux raquo Cass civ 1re 13 deacutecembre 1989 Bull civ I no 387 Defreacutenois 1990 art 34802 no 55 obs J-L Aubert D 1990 p 273 JCP eacuted G 1990 II 21526 note A Seacuteriaux propos recueillis par C Slobodansky laquo Le droit doit limiter les progregraves de la science raquo LPA du 7 mai 2004 no 92 p 60

(6) laquo La convention par laquelle une femme sengage fucirct-ce agrave titre gratuit agrave concevoir et porter un enfant pour labandonner agrave sa naissance contrevient tant au principe dordre public de lindisponibiliteacute du corps humain quagrave celui de lindisponibiliteacute de leacutetat des personnes raquo Cass ass pleacuten 31 mai 1991 Bull civ ass pleacuten no 4 Defreacutenois 1991 art 35142 no 103 obs J-L Aubert Defreacutenois 1991 art 35088 no 67 note J Massip RTD civ 1991 p 517 obs D Huet-Weiller et p 489 note M Gobert M Gobert laquo Reacuteflexions sur les sources du droit et les

principes dindisponibiliteacute du corps humain et de leacutetat des personnes agrave propos de la materniteacute de substitution raquo RTD civ 1992 p 489 et s speacutec p 501 dans ce sens v deacutejagrave les remarques de P Murat laquo Laction de lordonnance du 4 juillet 2005 sur la possession deacutetat raquo Dr Famille 2006 eacutetude no 6 speacutec no 7 V aussi J Massip laquo Linsertion dans le Code civil de dispositions relatives au corps humain agrave lidentification geacuteneacutetique et agrave la procreacuteation meacutedicalement assisteacutee raquo Defreacutenois 1995 art 35975 et 35992

(7) En ce sens V Depadt-Sebag laquo De la neacutecessiteacute dune reacuteforme de larticle 16-7 du Code civil relatif agrave linterdiction de gestation pour autrui raquo RGD meacuted 2004 no 12 p 135 et s

(8) Art 227-12 et s C peacuten

(9) CA Paris 1re feacutevrier 2001 RTD civ 2001 p 347 obs J Hauser Cass civ 1re 9 deacutecembre 2003 Bull civ I no 252 p 201 CA Rennes 4 juillet 2002 D 2002 p 2904

(10) Cass civ 1re 20 feacutevrier 2007 Defreacutenois 2007 art 38595 no 45 obs J Massip

(11) V Depadt-Sebag laquo De la neacutecessiteacute dune reacuteforme de larticle 16-7 du Code civil relatif agrave linterdiction de gestation pour autrui raquo preacutec no 12 p 135 et s

(12) L no 2004-800 du 6 aoucirct 2004 relative agrave la bioeacutethique JO du 7 aoucirct 2004 p 14040 J Massip art preacutec

(13) Dans ce sens v M Gobert laquo Reacuteflexions sur les sources du droit et les principes dindisponibiliteacute du corps humain et de leacutetat des personnes agrave propos de la materniteacute de substitution raquo preacutec p 489 et s speacutec p 513

(14) V Depadt-Sebag laquo De la neacutecessiteacute dune reacuteforme de larticle 16-7 du Code civil relatif agrave linterdiction de gestation pour autrui raquo preacutec no 12 p 135 et s E Camuzet La convention de gestation pour autrui une illeacutegaliteacute franccedilaise injustifieacutee Meacutemoire Lille 2 Universiteacute du droit et de la santeacute 2005-2006 p 55

(15) A Mayer-Jack laquo Les conventions relatives agrave la personne physique raquo Rev crit leacutegisl et jurispr 1993 p 6

(16) G Meacutemeteau laquo Une distinction est opeacutereacutee sur la reacutefeacuterence des donneacutees acquises de la science agrave la date des soins par opposition agrave la notion erroneacutee de donneacutees actuelles de la science raquo note sous Cass civ 1re 6 juin 2000 JCP eacuted G 2001 II 10447

(17) Cass civ 1re 13 deacutecembre 1989 Bull civ I no 387 Defreacutenois 1990 art 34815 rapp J Massip D 1990 p 273 JCP eacuted G 1990 II 21526 note A Seacuteriaux

35

(18) Communication J Bernard et comm J Massip Defreacutenois 1990 art 35088 no 67 note J

Massip F Terreacute note sous Cass ass pleacuten 31 mai 1991 JCP eacuted G 1991 II 21752 dans ce sens v les remarques de P Murat laquo Laction de lordonnance du 4 juillet 2005 sur la possession deacutetat raquo preacutec eacutetude no 6 speacutec no 7 G Kessler laquo La consolidation de situations illicites dans linteacuterecirct de lenfant raquo Dr Famille no 7 juillet 2005 Etude 16

(19) TGI Lille 22 mars 2007 D 2007 no 18 p 1251 note X Labbeacutee B Edelman et C Labrusse-Riau note sous CA Paris 15 juin 1990 JCP eacuted G 1991 II 21653

(20) V Larribau-Terneyre note sous CA Pau 19 feacutevrier 1991 D 1991 juris p 380

(21) J Massip laquo Megravere porteuse et deacutecheacuteance de lautoriteacute parentale raquo LPA du 29 octobre 2003 no 216 p 10 Cass ass pleacuten 31 mai 1991 Bull civ ass pleacuten no 4 Defreacutenois 1991 art 35088 no 67 p 948 obs J Massip D 1991 p 417 rapport Y Chartier note D Thouvenin JCP eacuted G 1991 II 21752 communication J Bernard concl H Dontenwille note F Terreacute RTD civ 1991 p 517 obs D Huet-Weiller

(22) J Rubellin-Devichi laquo Materniteacute de substitution qui est la megravere raquo note sous CA Rennes 4 juillet 2002 JCP eacuted G 2003 I 101 C Ducomte laquo La vraie querelle des megraveres porteuses raquo httppagesperso-orangefrmax-christianducomtemereindexhtm

(23) Propos de Mme F Dekeuwer-Deacutefossez lors de son audition devant le preacutesident M Bloche pour la mission dinformation sur la famille (procegraves-verbal du 5 octobre 2005)

(24) J Hauser obs in RTD civ 1999 p 372 F Dekeuwer-Deacutefossez note sous Cass ass pleacuten 31 mai 1991 D 1992 somm p 59

(25) F Dekeuwer-Deacutefossez laquo Les droits de lenfant raquo D 1992 somm p 59 E Poisson-Drocourt laquo Recours agrave une megravere de substitution et refus de ladoption raquo D 2004 p 2001

(26) J-J Lemouland laquo Le tourisme procreacuteatif raquo LPA 2001 no 62 p 24 F Dekeuwer-Deacutefossez laquo Le lien parental raquo LPA du 1er juillet 2004 no 131 p 70 F Granet note sous CA Rennes 4 juillet 2002 D 2002 p 2904

(27) CA Aix-en-Provence 12 mars 2002 Juris-Data no 2002-190443 A Seacuteriaux laquo Droit naturel et procreacuteation artificielle quelle jurisprudence raquo D 1985 chron p 53 J Massip laquo Le nouveau droit de la filiation raquo Defreacutenois 2006 art 38303 p 13

(28) CA Rennes 4 juillet 2002 JCP eacuted G 2003 I 101 note J Rubellin-Devichi

(29) laquo Si le principe structurant de lautoriteacute parentale est linteacuterecirct de lenfant deacutetermineacute in concreto le droit de la filiation nappreacutecie en revanche jamais linteacuterecirct concret dun enfant preacutecis mais linteacuterecirct geacuteneacuteral de lenfant in abstracto raquo A Gouttenoire laquo A chacun sa famille agrave chacun son droit raquo Dr Famille no 7 juillet 2006 Alerte 41

(30) E Camuzet La convention de gestation pour autrui une illeacutegaliteacute franccedilaise injustifieacutee art preacutec p 52

(31) P Raynaud laquo Un abus de ladoption simple les couples adoptifs raquo D 1983 chron p 39 H Gaumont-Prat laquo Pas dadoption pour les enfants issus de convention de megravere porteuse raquo RLDC no 5 mai 2004 p 31 laquo Le rejet dans le non-droit des enfants neacutes dans des circonstances qui deacuterangent la socieacuteteacute relegraveve du deacuteni de la reacutealiteacute porteur de nombreux effets pathogegravenes et injustes raquo

(32) J Rubellin-Devichi laquo Materniteacute de substitution qui est la megravere raquo note sous CA Rennes 4 juillet 2002 preacutec I 101 C Ducomte laquo La vraie querelle des megraveres porteuses raquo preacutec P Raynaud laquo Un abus de ladoption simple les couples adoptifs raquo art preacutec chron p 39 G Kessler laquo La consolidation de situations illicites dans linteacuterecirct de lenfant raquo art preacutec Etude 16

(33) F Dekeuwer-Deacutefossez laquo Reacuteflexion sur les mythes fondateurs du droit contemporain de la famille raquo RTD civ 1995 p 269 E Camuzet La convention de gestation pour autrui une illeacutegaliteacute franccedilaise injustifieacutee art preacutec p 66 A Ponsard rapport sous Cass civ 1re 16

36

novembre 1982 JCP eacuted G 1983 II 19954 M-T Meulders-Klein laquo Le droit agrave lenfant face au

droit de lenfant et les procreacuteations meacutedicalement assisteacutees raquo RTD civ 1988 p 645 F Terreacute Lenfant de lesclave Geacuteneacutetique et droit Flammarion 1987 p 128

(34) Convention de New York du 26 janvier 1990 Charte des droits fondamentaux de lUnion europeacuteenne du 7 deacutecembre 2000 Deacuteclaration universelle des droits de lhomme de 1789 Convention internationale des droits de lenfant de 1989

(35) Cass ass plegraven 31 mai 1991 Bull civ ass plegraven no 4 Defreacutenois 1991 art 35142 no 103 obs J-L Aubert et art 35088 no 67 p 948 obs J Massip D 1991 p 417 rapport Y Chartier note D Thouvenin JCP eacuted G 1991 II 21752 communication J Bernard concl H Dontenwille note F Terreacute RTD civ 1991 p 517 obs D Huet-Weiller

(36) Cass civ 1re 24 feacutevrier 2006 Bull civ I no 101 p 95 Defreacutenois 2006 art 38415 no 40 p 1067 obs J Massip D 2006 juris p 897-900 obs D Vigneau T Anatrella laquo Adoption et homoparentaliteacute leacuteclairage des droits de lhomme raquo Dr Famille 2003 no 10 p

8-10 agrave lidentique dans un arrecirct du 22 janvier 1992 D 1993 p 119 note J Vassaux la cour dappel de Poitiers a prononceacute ladoption simple dun enfant neacute dune convention de megravere porteuse au motif que laquo cette adoption nest pas seulement conforme agrave linteacuterecirct de lenfant mais encore constitue une neacutecessiteacute qui deacutecoule des reacutealiteacutes de la vie issues derreurs des adultes dont lenfant ne doit pas subir les conseacutequences raquo

(37) G Kessler laquo La consolidation de situations illicites dans linteacuterecirct de lenfant raquo art preacutec eacutetude no 16 M-T Meulders-Klein laquo Le droit agrave lenfant face au droit de lenfant et les procreacuteations meacutedicalement assisteacutees raquo art preacutec p 645

(38) Cass civ 1re 18 mai 2005 Bull civ I no 211 p 179 V Depadt-Sebag laquo Non-lieu dans une affaire de materniteacute pour autrui raquo D 2005 p 476 J Massip laquo Megravere porteuse et deacutecheacuteance de lautoriteacute parentale raquo art preacutec no 216 p 11 F Terreacute Lenfant de lesclave Geacuteneacutetique et droit op cit adde F Terreacute et D Fenouillet Droit civil Les personnes la famille les incapaciteacutes 6e eacuted Preacutecis Dalloz no 926 M Lamarche laquo Inteacuterecirct supeacuterieur de lenfant de ladmission des effets dune convention de megravere porteuse agrave la destruction du droit franccedilais de la filiation raquo Dr Famille novembre 2007 no 11

(39) M Donnier laquo Linteacuterecirct de lenfant raquo D 1959 chron p 27 F Laroche-Gisserot note sous Cass civ 1re 27 mai 1998 D 1998 p 530 F Millet laquo Ladoption dun inteacuterecirct agrave lautre raquo RRJ 2003-3 p 1777 et s A Gouttenoire laquo A chacun sa famille agrave chacun son droit raquo art preacutec Alerte 41

(40) Par la loi no 2007-293 du 5 mars 2007 reacuteformant la protection de lenfance (JO du 6 mars 2007 Defreacutenois 2007 Leacuteg p 282) le leacutegislateur a inteacutegreacute la notion dinteacuterecirct de lenfant dans le Code de laction sociale et des familles Le nouvel article L 112-4 dudit code dispose que laquo Linteacuterecirct de lenfant la prise en compte de ses besoins fondamentaux physiques intellectuels sociaux et affectifs ainsi que le respect de ses droits doivent guider toutes deacutecisions le concernant raquo

(41) Amendement no 48 rect Protection de lenfance no 3184 Assembleacutee nationale 22 deacutecembre 2006 wwwassemblee-nationalefr v aussi sur lensemble de ces questions les consideacuterations tregraves eacuteclairantes de P Murat note sous CA Rennes 4 juillet 2002 D 2002 p 2902 Dr Famille 2002 comm no 142 note P Murat

(42) F Granet-Lambrechts laquo Materniteacutes de substitution filiation et eacutetat civil Panorama europeacuteen raquo Dr Famille no 12 deacutecembre 2007 eacutetude no 34

(43) D Youf Penser les droits de lenfant PUF 2002 p 2

(44) G Cornu La famille 6e eacuted no 7 J Carbonnier Droit civil t 4 Les obligations PUF coll Theacutemis no 372 p 649

(45) D Fenouillet et P de Vareilles-Sommiegraveres La contractualisation du droit de la famille Economica 2001

37

(46) H Gaumont-Prat laquo Pas dadoption pour les enfants issus de convention de megravere porteuse raquo art preacutec p 31

(47) E Poisson-Droccourt laquo Recours agrave une megravere de substitution et refus de ladoption raquo art preacutec p 2001 note sous Cass civ 1re 9 deacutecembre 2003 G Delaisi de Perseval laquo Gestation pour autrui en quecircte de leacutegitimation raquo httpwwwliberationfr

(48) C Neirinck laquo Les filiations eacutelectives agrave leacutepreuve du droit raquo JCP eacuted G 1997 I 4067 E Camuzet laquo La convention de gestation pour autrui une illeacutegaliteacute franccedilaise injustifieacutee raquo art preacutec p 59

(49) J Hauser et D Huet-Weiller Traiteacute de droit civil La famille Fondation et vie de la famille 2e eacuted LGDJ 1993 p 250

(50) B Debreacute et S Agacinski laquo Faut-il leacutegaliser les megraveres porteuses en France raquo art preacutec p 50 C Atias D 1986 chron p 67

Civ 1egravere

13 deacutecembre 1989

Ndeg de pourvoi 88-15655

Publieacute au bulletin

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Attendu selon les juges du fond que lrsquoassociation ldquo Alma Mater ldquo a pour objet de faciliter la

solution des problegravemes qui se posent aux couples dont la femme est steacuterile deacutesireux

drsquoaccueillir un enfant agrave leur foyer et aux ldquo megraveres porteuses ldquo volontaires qursquoil est proposeacute agrave

la ldquo megravere porteuse ldquo drsquoecirctre inseacutemineacutee artificiellement par la semence du mari ou du concubin

de porter et de mettre au monde lrsquoenfant qui sera deacuteclareacute sur les registres de lrsquoeacutetat civil sans

indication du nom de la megravere reconnu par le pegravere et accueilli au foyer de celui-ci en vue de

son adoption par lrsquoeacutepouse ou la compagne que lrsquoassociation intervient tout au long de ce

processus qualifieacute de ldquo precirct drsquouteacuterus ldquo ou de ldquo don drsquoenfant ldquo qursquoainsi apregraves avoir controcircleacute la

reacutealiteacute de la steacuteriliteacute du couple demandeur et des faculteacutes de feacutecondation de la ldquo megravere porteuse

ldquo geacuteneacuteralement recruteacutee par elle lrsquoassociation fait proceacuteder agrave lrsquoinseacutemination surveille la

grossesse et lrsquoaccouchement srsquooccupe de faire diligenter la proceacutedure drsquoadoption qursquoelle

verse ensuite agrave la megravere une somme forfaitaire - qui en 1987 eacutetait fixeacutee agrave 60 000 francs -

remise par le couple demandeur degraves le deacutebut de la grossesse que lrsquoarrecirct confirmatif attaqueacute

(Aix-en-Provence 29 avril 1988) estimant que cette association avait un objet illicite

contraire aux lois et aux bonnes moeurs en a prononceacute la nulliteacute sur le fondement de lrsquoarticle

3 de la loi du 1er juillet 1901

Sur le moyen unique pris en sa premiegravere branche

Attendu que lrsquoassociation ldquo Alma Mater ldquo fait grief agrave la cour drsquoappel drsquoavoir ainsi statueacute alors

que selon le moyen nrsquoest ni illicite ni contraire aux bonnes moeurs lrsquoassociation qui dans un

but humanitaire non lucratif met en relation un couple demandeur dont la femme est steacuterile et

38

une femme qui accepte drsquoecirctre inseacutemineacutee artificiellement par le mari de porter lrsquoenfant et de le

remettre agrave la naissance agrave ce couple qui lrsquoindemnisera des contraintes et de la gecircne occasionneacutee

par la grossesse de sorte que la juridiction du second degreacute aurait violeacute les articles 3 et 7 de la

loi du 1er juillet 1901

Mais attendu qursquoil reacutesulte des constatations des juges du fond que lrsquoobjet mecircme de

lrsquoassociation est de favoriser la conclusion et lrsquoexeacutecution de conventions qui fussent-elles

verbales portent tout agrave la fois sur la mise agrave la disposition des demandeurs des fonctions

reproductrices de la megravere et sur lrsquoenfant agrave naicirctre et sont donc nulles en application de lrsquoarticle

1128 du Code civil que ces conventions contreviennent au principe drsquoordre public de

lrsquoindisponibiliteacute de lrsquoeacutetat des personnes en ce qursquoelles ont pour but de faire venir au monde un

enfant dont lrsquoeacutetat ne correspondra pas agrave sa filiation reacuteelle au moyen drsquoune renonciation et

drsquoune cession eacutegalement prohibeacutees des droits reconnus par la loi agrave la future megravere que

lrsquoactiviteacute de lrsquoassociation qui tend deacutelibeacutereacutement agrave creacuteer une situation drsquoabandon aboutit agrave

deacutetourner lrsquoinstitution de lrsquoadoption de son veacuteritable objet qui est en principe de donner une

famille agrave un enfant qui en est deacutepourvu que crsquoest degraves lors agrave bon droit que lrsquoarrecirct attaqueacute a

deacutecideacute sur le fondement de lrsquoarticle 3 de la loi du 1er juillet 1901 que cette association eacutetait

nulle en raison de lrsquoilliceacuteiteacute de son objet que la premiegravere branche du moyen est donc sans

fondement

Et sur les deuxiegraveme et troisiegraveme branches du moyen

Attendu qursquoil est fait grief agrave la cour drsquoappel de nrsquoavoir pas reacutepondu aux conclusions faisant

valoir drsquoune part que lrsquointerdiction du ldquo don de gestation ldquo constituait une discrimination

fondeacutee sur la naissance contraire aux dispositions de lrsquoarticle 24 du pacte international relatif

aux droits civils et politiques signeacute agrave New York le 19 deacutecembre 1966 et drsquoautre part que ce ldquo

don de gestation ldquo reposait sur le droit leacutegitime de fonder une famille qui implique le droit

drsquoengendrer reconnu tant par lrsquoarticle 12 de la convention europeacuteenne des droits de lrsquohomme

et des liberteacutes fondamentales du 4 novembre 1950 que par lrsquoarticle 23 du pacte international

preacuteciteacute

Mais attendu que la reconnaissance du caractegravere illicite de la materniteacute pour autrui et des

associations qui srsquoefforcent de la promouvoir qui se deacuteduit des principes geacuteneacuteraux du Code

civil et de regravegles qui sont communes agrave toutes les filiations nrsquoest pas de nature agrave instaurer une

discrimination fondeacutee sur la naissance que le droit de se marier et de fonder une famille

reconnu par lrsquoarticle 12 de la convention du 4 novembre 1950 et par lrsquoarticle 23 du pacte

international du 19 deacutecembre 1966 agrave lrsquohomme et agrave la femme en acircge nubile nrsquoimplique pas le

droit de conclure avec un tiers des conventions portant sur le sort drsquoun enfant agrave naicirctre que

par ces motifs de droit reacutepondant aux conclusions invoqueacutees lrsquoarrecirct se trouve leacutegalement

justifieacute et que les deuxiegraveme et troisiegraveme branches du moyen ne peuvent ecirctre accueillies

PAR CES MOTIFS

REJETTE le pourvoi

Publication Bulletin 1989 I Ndeg 387 p 260

Deacutecision attaqueacutee Cour drsquoappel drsquoAix-en-Provence du 29 avril 1988

39

Cour de cassation Assembleacutee pleacuteniegravere

Audience publique du 31 mai 1991

Ndeg de pourvoi 90-20105 Publieacute au bulletin

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Sur le pourvoi dans lrsquointeacuterecirct de la loi formeacute par M le Procureur geacuteneacuteral pregraves la Cour de

Cassation

Vu les articles 6 et 1128 du Code civil ensemble lrsquoarticle 353 du mecircme Code

Attendu que la convention par laquelle une femme srsquoengage fucirct-ce agrave titre gratuit agrave concevoir

et agrave porter un enfant pour lrsquoabandonner agrave sa naissance contrevient tant au principe drsquoordre

public de lrsquoindisponibiliteacute du corps humain qursquoagrave celui de lrsquoindisponibiliteacute de lrsquoeacutetat des

personnes

Attendu selon lrsquoarrecirct infirmatif attaqueacute que Mme X eacutepouse de M Y eacutetant atteinte drsquoune

steacuteriliteacute irreacuteversible son mari a donneacute son sperme agrave une autre femme qui inseacutemineacutee

artificiellement a porteacute et mis au monde lrsquoenfant ainsi conccedilu qursquoagrave sa naissance cet enfant a

eacuteteacute deacuteclareacute comme eacutetant neacute de Y sans indication de filiation maternelle

Attendu que pour prononcer lrsquoadoption pleacuteniegravere de lrsquoenfant par Mme Y lrsquoarrecirct retient

qursquoen lrsquoeacutetat actuel des pratiques scientifiques et des moeurs la meacutethode de la materniteacute

substitueacutee doit ecirctre consideacutereacutee comme licite et non contraire agrave lrsquoordre public et que cette

adoption est conforme agrave lrsquointeacuterecirct de lrsquoenfant qui a eacuteteacute accueilli et eacuteleveacute au foyer de M et

Mme Y pratiquement depuis sa naissance

Qursquoen statuant ainsi alors que cette adoption nrsquoeacutetait que lrsquoultime phase drsquoun processus

drsquoensemble destineacute agrave permettre agrave un couple lrsquoaccueil agrave son foyer drsquoun enfant conccedilu en

exeacutecution drsquoun contrat tendant agrave lrsquoabandon agrave sa naissance par sa megravere et que portant atteinte

aux principes de lrsquoindisponibiliteacute du corps humain et de lrsquoeacutetat des personnes ce processus

constituait un deacutetournement de lrsquoinstitution de lrsquoadoption la cour drsquoappel a violeacute les textes

susviseacutes

PAR CES MOTIFS

CASSE ET ANNULE mais seulement dans lrsquointeacuterecirct de la loi et sans renvoi lrsquoarrecirct rendu le

15 juin 1990 par la cour drsquoappel de Paris

REQUETE DE M LE PROCUREUR GENERAL PRES LA COUR DE CASSATION

Le Procureur geacuteneacuteral pregraves la Cour de Cassation a lrsquohonneur drsquoexposer

- Que par jugement du 28 juin 1989 le tribunal de grande instance de Paris a rejeteacute la requecircte

preacutesenteacutee par Mme X eacutepouse Y tendant agrave lrsquoadoption pleacuteniegravere de lrsquoenfant Z deacuteclareacutee

comme eacutetant neacutee de M Y mari de la requeacuterante sans indication de filiation maternelle

- Que pour ne pas faire droit agrave cette requecircte les premiers juges ont retenu que les eacutepoux Y

pour remeacutedier agrave la steacuteriliteacute de leur couple avaient eu recours agrave lrsquoassociation Alma Mater

aujourdrsquohui dissoute lrsquoenfant eacutetant neacute drsquoune megravere de substitution qui lrsquoa abandonneacute agrave la

naissance pratique deacuteclareacutee illicite

- Que sur appel de Mme Y la premiegravere chambre civile section C de la cour drsquoappel de

Paris a par arrecirct du 15 juin 1990 infirmeacute la deacutecision entreprise et prononceacute lrsquoadoption

pleacuteniegravere solliciteacutee par la requeacuterante

- Qursquoau soutien de leur deacutecision devenue deacutefinitive les juges du second degreacute ont tireacute de nos

principes geacuteneacuteraux relatifs agrave la filiation des regravegles drsquoordre public concernant les contrats et de

40

certaines conventions ou deacuteclarations internationales des conclusions contraires agrave celles

auxquelles eacutetait parvenue votre premiegravere chambre civile de la Cour de Cassation qui dans un

cas de figure pratiquement identique a par arrecirct du 13 deacutecembre 1989 (association Alma

Mater contre procureur geacuteneacuteral Aix-en-Provence) reconnu le caractegravere illicite de la materniteacute

pour autrui et les associations qui srsquoefforcent de la promouvoir

- Qursquoil importe en cette matiegravere particuliegraverement sensible qui touche agrave un deacutelicat problegraveme de

socieacuteteacute et drsquoeacutethique que soit mis fin agrave des divergences jurisprudentielles majeures et que la

seacutecuriteacute juridique soit assureacutee

PAR CES MOTIFS

Vu lrsquoarticle 17 de la loi du 3 juillet 1967 relative agrave la Cour de Cassation

Requiert qursquoil plaise agrave la Cour de Cassation

CASSE ET ANNULE sans renvoi et dans le seul inteacuterecirct de la loi lrsquoarrecirct rendu le 15 juin 1990

par la cour drsquoappel de Paris ayant fait droit agrave la requecircte en adoption pleacuteniegravere preacutesenteacutee par

Mme X eacutepouse Y

Publication Bulletin 1991 AP Ndeg 4 p 5

Deacutecision attaqueacutee Cour drsquoappel de Paris du 15 juin 1990

Page 33: SEANCE_3 Droit Civil Methodologie

33

Un autre argument favorable agrave cette pratique est la certitude apaisante pour le couple steacuterile

de ce que lenfant porteacute en uteacuterus tiers nen sera pas moins leur veacuteritable enfant geacuteneacutetique

puisque conccedilu agrave partir de leurs propres gamegravetes

De plus il faut deacutenoncer une incoheacuterence Une femme empecirccheacutee par la loi de donner avant

sa grossesse agrave un couple agreacuteeacute par elle lenfant quelle portera moyennant eacutequitable

reacutecompense possegravede en revanche le droit discreacutetionnaire de labandonner une fois neacute au

hasard des eacutetablissements ou du service de lASE ou pis encore de recourir agrave une

interruption volontaire de grossesse pendant les douze premiegraveres semaines (48)

La possession deacutetat repreacutesente une valeur humaine et sociale qui doit ecirctre prise en compte en

tant que telle Comme lont joliment affirmeacute M Hauser et Mme Huet-Weiller laquo elle est la

veacuteriteacute des sentiments la veacuteriteacute du coeur tout aussi respectable sinon plus que celle des

registres deacutetat ou mecircme de nos gegravenes raquo (49) Ainsi on peut ecirctre favorable agrave cette reacuteflexion

sous certains reacuteserves

Tout dabord le couple demandeur devait avoir plus de 18 ans et linfertiliteacute devrait ecirctre

meacutedicalement eacutetablie Ensuite seule lutilisation des gamegravetes (sperme et ovocytes) du couple

serait autoriseacutee afin deacuteviter que la gestatrice soit aussi la megravere biologique de lenfant (pour

eacuteviter des liens trop forts eacutetablis entre elle et le beacutebeacute)

De son cocircteacute la megravere porteuse devait avoir plus de 18 ans et accepter de subir des tests divers

avant la grossesse Elle serait la seule agrave donner un consentement valable concernant la gestion

de sa grossesse et elle abandonnerait ses droits parentaux agrave la naissance de lenfant tout en

assistant le couple demandeur lors de la deacutelivrance du certificat de naissance Le

consentement devrait aussi ecirctre obtenu par un entretien psychologique meacutedical et juridique

Seul le juge pourrait donner laccord au deacutebut du processus Le couple demandeur devait

sengager agrave assumer la garde de lenfant degraves sa naissance afin deacuteviter soit une non-remise

denfant soit un refus de lenfant - par exemple en cas de handicap

Concernant la reacutemuneacuteration de la megravere porteuse la marchandisation est inacceptable Les

intermeacutediaires reacutemuneacutereacutes seraient interdits Le principe du volontariat et de la gratuiteacute sont

essentiels le don de vie (50)

Enfin il ne sagirait pas de reacutemuneacuteration mais de compensation financiegravere destineacutee agrave

deacutedommager les inconveacutenients lieacutes agrave la grossesse sur la base de la loi laquo Huriet raquo (loi sur la

recherche meacutedicale avec volontaires sains) Le couple demandeur devrait prendre agrave sa charge

les deacutepenses meacutedicales leacutegales et psychologiques ainsi quun montant raisonnable alloueacute agrave la

megravere porteuse pour subvenir agrave ses besoins Les juges appreacutecieraient librement ce que peut ecirctre

un montant laquo raisonnable raquo sans que cela puisse jamais ecirctre consideacutereacute comme une laquo vente raquo

denfant

(1) B Debreacute et S Agacinski laquo Faut-il leacutegaliser les megraveres porteuses en France raquo Le Figaro Magazine du samedi 10 novembre 2007 p 50

34

(2) G David laquo Don et utilisation du sperme raquo in Actes du colloque Geacuteneacutetique procreacuteation et

droit Actes sud 1985 p 205 G-M Faure Le deacutesir denfant agrave leacutepreuve du droit Essai sur le droit de la procreacuteation meacutedicalement assisteacutee Thegravese Universiteacute de Lille 1992 p 7

(3) G Lebreton Liberteacutes publiques et droits de lhomme 6e eacuted Armand Colin 2003 p 262

(4) CE 22 janvier 1988 Lebon 1988 p 37

(5) La Cour de cassation a enteacuterineacute la position de la cour dappel de Paris pour laquelle laquo ni laltruisme du comportement de la megravere de substitution ni le caractegravere deacutesinteacuteresseacute des activiteacutes de lassociation ne sont propres agrave faire disparaicirctre lilliceacuteiteacute qui frappe laccord litigieux raquo Cass civ 1re 13 deacutecembre 1989 Bull civ I no 387 Defreacutenois 1990 art 34802 no 55 obs J-L Aubert D 1990 p 273 JCP eacuted G 1990 II 21526 note A Seacuteriaux propos recueillis par C Slobodansky laquo Le droit doit limiter les progregraves de la science raquo LPA du 7 mai 2004 no 92 p 60

(6) laquo La convention par laquelle une femme sengage fucirct-ce agrave titre gratuit agrave concevoir et porter un enfant pour labandonner agrave sa naissance contrevient tant au principe dordre public de lindisponibiliteacute du corps humain quagrave celui de lindisponibiliteacute de leacutetat des personnes raquo Cass ass pleacuten 31 mai 1991 Bull civ ass pleacuten no 4 Defreacutenois 1991 art 35142 no 103 obs J-L Aubert Defreacutenois 1991 art 35088 no 67 note J Massip RTD civ 1991 p 517 obs D Huet-Weiller et p 489 note M Gobert M Gobert laquo Reacuteflexions sur les sources du droit et les

principes dindisponibiliteacute du corps humain et de leacutetat des personnes agrave propos de la materniteacute de substitution raquo RTD civ 1992 p 489 et s speacutec p 501 dans ce sens v deacutejagrave les remarques de P Murat laquo Laction de lordonnance du 4 juillet 2005 sur la possession deacutetat raquo Dr Famille 2006 eacutetude no 6 speacutec no 7 V aussi J Massip laquo Linsertion dans le Code civil de dispositions relatives au corps humain agrave lidentification geacuteneacutetique et agrave la procreacuteation meacutedicalement assisteacutee raquo Defreacutenois 1995 art 35975 et 35992

(7) En ce sens V Depadt-Sebag laquo De la neacutecessiteacute dune reacuteforme de larticle 16-7 du Code civil relatif agrave linterdiction de gestation pour autrui raquo RGD meacuted 2004 no 12 p 135 et s

(8) Art 227-12 et s C peacuten

(9) CA Paris 1re feacutevrier 2001 RTD civ 2001 p 347 obs J Hauser Cass civ 1re 9 deacutecembre 2003 Bull civ I no 252 p 201 CA Rennes 4 juillet 2002 D 2002 p 2904

(10) Cass civ 1re 20 feacutevrier 2007 Defreacutenois 2007 art 38595 no 45 obs J Massip

(11) V Depadt-Sebag laquo De la neacutecessiteacute dune reacuteforme de larticle 16-7 du Code civil relatif agrave linterdiction de gestation pour autrui raquo preacutec no 12 p 135 et s

(12) L no 2004-800 du 6 aoucirct 2004 relative agrave la bioeacutethique JO du 7 aoucirct 2004 p 14040 J Massip art preacutec

(13) Dans ce sens v M Gobert laquo Reacuteflexions sur les sources du droit et les principes dindisponibiliteacute du corps humain et de leacutetat des personnes agrave propos de la materniteacute de substitution raquo preacutec p 489 et s speacutec p 513

(14) V Depadt-Sebag laquo De la neacutecessiteacute dune reacuteforme de larticle 16-7 du Code civil relatif agrave linterdiction de gestation pour autrui raquo preacutec no 12 p 135 et s E Camuzet La convention de gestation pour autrui une illeacutegaliteacute franccedilaise injustifieacutee Meacutemoire Lille 2 Universiteacute du droit et de la santeacute 2005-2006 p 55

(15) A Mayer-Jack laquo Les conventions relatives agrave la personne physique raquo Rev crit leacutegisl et jurispr 1993 p 6

(16) G Meacutemeteau laquo Une distinction est opeacutereacutee sur la reacutefeacuterence des donneacutees acquises de la science agrave la date des soins par opposition agrave la notion erroneacutee de donneacutees actuelles de la science raquo note sous Cass civ 1re 6 juin 2000 JCP eacuted G 2001 II 10447

(17) Cass civ 1re 13 deacutecembre 1989 Bull civ I no 387 Defreacutenois 1990 art 34815 rapp J Massip D 1990 p 273 JCP eacuted G 1990 II 21526 note A Seacuteriaux

35

(18) Communication J Bernard et comm J Massip Defreacutenois 1990 art 35088 no 67 note J

Massip F Terreacute note sous Cass ass pleacuten 31 mai 1991 JCP eacuted G 1991 II 21752 dans ce sens v les remarques de P Murat laquo Laction de lordonnance du 4 juillet 2005 sur la possession deacutetat raquo preacutec eacutetude no 6 speacutec no 7 G Kessler laquo La consolidation de situations illicites dans linteacuterecirct de lenfant raquo Dr Famille no 7 juillet 2005 Etude 16

(19) TGI Lille 22 mars 2007 D 2007 no 18 p 1251 note X Labbeacutee B Edelman et C Labrusse-Riau note sous CA Paris 15 juin 1990 JCP eacuted G 1991 II 21653

(20) V Larribau-Terneyre note sous CA Pau 19 feacutevrier 1991 D 1991 juris p 380

(21) J Massip laquo Megravere porteuse et deacutecheacuteance de lautoriteacute parentale raquo LPA du 29 octobre 2003 no 216 p 10 Cass ass pleacuten 31 mai 1991 Bull civ ass pleacuten no 4 Defreacutenois 1991 art 35088 no 67 p 948 obs J Massip D 1991 p 417 rapport Y Chartier note D Thouvenin JCP eacuted G 1991 II 21752 communication J Bernard concl H Dontenwille note F Terreacute RTD civ 1991 p 517 obs D Huet-Weiller

(22) J Rubellin-Devichi laquo Materniteacute de substitution qui est la megravere raquo note sous CA Rennes 4 juillet 2002 JCP eacuted G 2003 I 101 C Ducomte laquo La vraie querelle des megraveres porteuses raquo httppagesperso-orangefrmax-christianducomtemereindexhtm

(23) Propos de Mme F Dekeuwer-Deacutefossez lors de son audition devant le preacutesident M Bloche pour la mission dinformation sur la famille (procegraves-verbal du 5 octobre 2005)

(24) J Hauser obs in RTD civ 1999 p 372 F Dekeuwer-Deacutefossez note sous Cass ass pleacuten 31 mai 1991 D 1992 somm p 59

(25) F Dekeuwer-Deacutefossez laquo Les droits de lenfant raquo D 1992 somm p 59 E Poisson-Drocourt laquo Recours agrave une megravere de substitution et refus de ladoption raquo D 2004 p 2001

(26) J-J Lemouland laquo Le tourisme procreacuteatif raquo LPA 2001 no 62 p 24 F Dekeuwer-Deacutefossez laquo Le lien parental raquo LPA du 1er juillet 2004 no 131 p 70 F Granet note sous CA Rennes 4 juillet 2002 D 2002 p 2904

(27) CA Aix-en-Provence 12 mars 2002 Juris-Data no 2002-190443 A Seacuteriaux laquo Droit naturel et procreacuteation artificielle quelle jurisprudence raquo D 1985 chron p 53 J Massip laquo Le nouveau droit de la filiation raquo Defreacutenois 2006 art 38303 p 13

(28) CA Rennes 4 juillet 2002 JCP eacuted G 2003 I 101 note J Rubellin-Devichi

(29) laquo Si le principe structurant de lautoriteacute parentale est linteacuterecirct de lenfant deacutetermineacute in concreto le droit de la filiation nappreacutecie en revanche jamais linteacuterecirct concret dun enfant preacutecis mais linteacuterecirct geacuteneacuteral de lenfant in abstracto raquo A Gouttenoire laquo A chacun sa famille agrave chacun son droit raquo Dr Famille no 7 juillet 2006 Alerte 41

(30) E Camuzet La convention de gestation pour autrui une illeacutegaliteacute franccedilaise injustifieacutee art preacutec p 52

(31) P Raynaud laquo Un abus de ladoption simple les couples adoptifs raquo D 1983 chron p 39 H Gaumont-Prat laquo Pas dadoption pour les enfants issus de convention de megravere porteuse raquo RLDC no 5 mai 2004 p 31 laquo Le rejet dans le non-droit des enfants neacutes dans des circonstances qui deacuterangent la socieacuteteacute relegraveve du deacuteni de la reacutealiteacute porteur de nombreux effets pathogegravenes et injustes raquo

(32) J Rubellin-Devichi laquo Materniteacute de substitution qui est la megravere raquo note sous CA Rennes 4 juillet 2002 preacutec I 101 C Ducomte laquo La vraie querelle des megraveres porteuses raquo preacutec P Raynaud laquo Un abus de ladoption simple les couples adoptifs raquo art preacutec chron p 39 G Kessler laquo La consolidation de situations illicites dans linteacuterecirct de lenfant raquo art preacutec Etude 16

(33) F Dekeuwer-Deacutefossez laquo Reacuteflexion sur les mythes fondateurs du droit contemporain de la famille raquo RTD civ 1995 p 269 E Camuzet La convention de gestation pour autrui une illeacutegaliteacute franccedilaise injustifieacutee art preacutec p 66 A Ponsard rapport sous Cass civ 1re 16

36

novembre 1982 JCP eacuted G 1983 II 19954 M-T Meulders-Klein laquo Le droit agrave lenfant face au

droit de lenfant et les procreacuteations meacutedicalement assisteacutees raquo RTD civ 1988 p 645 F Terreacute Lenfant de lesclave Geacuteneacutetique et droit Flammarion 1987 p 128

(34) Convention de New York du 26 janvier 1990 Charte des droits fondamentaux de lUnion europeacuteenne du 7 deacutecembre 2000 Deacuteclaration universelle des droits de lhomme de 1789 Convention internationale des droits de lenfant de 1989

(35) Cass ass plegraven 31 mai 1991 Bull civ ass plegraven no 4 Defreacutenois 1991 art 35142 no 103 obs J-L Aubert et art 35088 no 67 p 948 obs J Massip D 1991 p 417 rapport Y Chartier note D Thouvenin JCP eacuted G 1991 II 21752 communication J Bernard concl H Dontenwille note F Terreacute RTD civ 1991 p 517 obs D Huet-Weiller

(36) Cass civ 1re 24 feacutevrier 2006 Bull civ I no 101 p 95 Defreacutenois 2006 art 38415 no 40 p 1067 obs J Massip D 2006 juris p 897-900 obs D Vigneau T Anatrella laquo Adoption et homoparentaliteacute leacuteclairage des droits de lhomme raquo Dr Famille 2003 no 10 p

8-10 agrave lidentique dans un arrecirct du 22 janvier 1992 D 1993 p 119 note J Vassaux la cour dappel de Poitiers a prononceacute ladoption simple dun enfant neacute dune convention de megravere porteuse au motif que laquo cette adoption nest pas seulement conforme agrave linteacuterecirct de lenfant mais encore constitue une neacutecessiteacute qui deacutecoule des reacutealiteacutes de la vie issues derreurs des adultes dont lenfant ne doit pas subir les conseacutequences raquo

(37) G Kessler laquo La consolidation de situations illicites dans linteacuterecirct de lenfant raquo art preacutec eacutetude no 16 M-T Meulders-Klein laquo Le droit agrave lenfant face au droit de lenfant et les procreacuteations meacutedicalement assisteacutees raquo art preacutec p 645

(38) Cass civ 1re 18 mai 2005 Bull civ I no 211 p 179 V Depadt-Sebag laquo Non-lieu dans une affaire de materniteacute pour autrui raquo D 2005 p 476 J Massip laquo Megravere porteuse et deacutecheacuteance de lautoriteacute parentale raquo art preacutec no 216 p 11 F Terreacute Lenfant de lesclave Geacuteneacutetique et droit op cit adde F Terreacute et D Fenouillet Droit civil Les personnes la famille les incapaciteacutes 6e eacuted Preacutecis Dalloz no 926 M Lamarche laquo Inteacuterecirct supeacuterieur de lenfant de ladmission des effets dune convention de megravere porteuse agrave la destruction du droit franccedilais de la filiation raquo Dr Famille novembre 2007 no 11

(39) M Donnier laquo Linteacuterecirct de lenfant raquo D 1959 chron p 27 F Laroche-Gisserot note sous Cass civ 1re 27 mai 1998 D 1998 p 530 F Millet laquo Ladoption dun inteacuterecirct agrave lautre raquo RRJ 2003-3 p 1777 et s A Gouttenoire laquo A chacun sa famille agrave chacun son droit raquo art preacutec Alerte 41

(40) Par la loi no 2007-293 du 5 mars 2007 reacuteformant la protection de lenfance (JO du 6 mars 2007 Defreacutenois 2007 Leacuteg p 282) le leacutegislateur a inteacutegreacute la notion dinteacuterecirct de lenfant dans le Code de laction sociale et des familles Le nouvel article L 112-4 dudit code dispose que laquo Linteacuterecirct de lenfant la prise en compte de ses besoins fondamentaux physiques intellectuels sociaux et affectifs ainsi que le respect de ses droits doivent guider toutes deacutecisions le concernant raquo

(41) Amendement no 48 rect Protection de lenfance no 3184 Assembleacutee nationale 22 deacutecembre 2006 wwwassemblee-nationalefr v aussi sur lensemble de ces questions les consideacuterations tregraves eacuteclairantes de P Murat note sous CA Rennes 4 juillet 2002 D 2002 p 2902 Dr Famille 2002 comm no 142 note P Murat

(42) F Granet-Lambrechts laquo Materniteacutes de substitution filiation et eacutetat civil Panorama europeacuteen raquo Dr Famille no 12 deacutecembre 2007 eacutetude no 34

(43) D Youf Penser les droits de lenfant PUF 2002 p 2

(44) G Cornu La famille 6e eacuted no 7 J Carbonnier Droit civil t 4 Les obligations PUF coll Theacutemis no 372 p 649

(45) D Fenouillet et P de Vareilles-Sommiegraveres La contractualisation du droit de la famille Economica 2001

37

(46) H Gaumont-Prat laquo Pas dadoption pour les enfants issus de convention de megravere porteuse raquo art preacutec p 31

(47) E Poisson-Droccourt laquo Recours agrave une megravere de substitution et refus de ladoption raquo art preacutec p 2001 note sous Cass civ 1re 9 deacutecembre 2003 G Delaisi de Perseval laquo Gestation pour autrui en quecircte de leacutegitimation raquo httpwwwliberationfr

(48) C Neirinck laquo Les filiations eacutelectives agrave leacutepreuve du droit raquo JCP eacuted G 1997 I 4067 E Camuzet laquo La convention de gestation pour autrui une illeacutegaliteacute franccedilaise injustifieacutee raquo art preacutec p 59

(49) J Hauser et D Huet-Weiller Traiteacute de droit civil La famille Fondation et vie de la famille 2e eacuted LGDJ 1993 p 250

(50) B Debreacute et S Agacinski laquo Faut-il leacutegaliser les megraveres porteuses en France raquo art preacutec p 50 C Atias D 1986 chron p 67

Civ 1egravere

13 deacutecembre 1989

Ndeg de pourvoi 88-15655

Publieacute au bulletin

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Attendu selon les juges du fond que lrsquoassociation ldquo Alma Mater ldquo a pour objet de faciliter la

solution des problegravemes qui se posent aux couples dont la femme est steacuterile deacutesireux

drsquoaccueillir un enfant agrave leur foyer et aux ldquo megraveres porteuses ldquo volontaires qursquoil est proposeacute agrave

la ldquo megravere porteuse ldquo drsquoecirctre inseacutemineacutee artificiellement par la semence du mari ou du concubin

de porter et de mettre au monde lrsquoenfant qui sera deacuteclareacute sur les registres de lrsquoeacutetat civil sans

indication du nom de la megravere reconnu par le pegravere et accueilli au foyer de celui-ci en vue de

son adoption par lrsquoeacutepouse ou la compagne que lrsquoassociation intervient tout au long de ce

processus qualifieacute de ldquo precirct drsquouteacuterus ldquo ou de ldquo don drsquoenfant ldquo qursquoainsi apregraves avoir controcircleacute la

reacutealiteacute de la steacuteriliteacute du couple demandeur et des faculteacutes de feacutecondation de la ldquo megravere porteuse

ldquo geacuteneacuteralement recruteacutee par elle lrsquoassociation fait proceacuteder agrave lrsquoinseacutemination surveille la

grossesse et lrsquoaccouchement srsquooccupe de faire diligenter la proceacutedure drsquoadoption qursquoelle

verse ensuite agrave la megravere une somme forfaitaire - qui en 1987 eacutetait fixeacutee agrave 60 000 francs -

remise par le couple demandeur degraves le deacutebut de la grossesse que lrsquoarrecirct confirmatif attaqueacute

(Aix-en-Provence 29 avril 1988) estimant que cette association avait un objet illicite

contraire aux lois et aux bonnes moeurs en a prononceacute la nulliteacute sur le fondement de lrsquoarticle

3 de la loi du 1er juillet 1901

Sur le moyen unique pris en sa premiegravere branche

Attendu que lrsquoassociation ldquo Alma Mater ldquo fait grief agrave la cour drsquoappel drsquoavoir ainsi statueacute alors

que selon le moyen nrsquoest ni illicite ni contraire aux bonnes moeurs lrsquoassociation qui dans un

but humanitaire non lucratif met en relation un couple demandeur dont la femme est steacuterile et

38

une femme qui accepte drsquoecirctre inseacutemineacutee artificiellement par le mari de porter lrsquoenfant et de le

remettre agrave la naissance agrave ce couple qui lrsquoindemnisera des contraintes et de la gecircne occasionneacutee

par la grossesse de sorte que la juridiction du second degreacute aurait violeacute les articles 3 et 7 de la

loi du 1er juillet 1901

Mais attendu qursquoil reacutesulte des constatations des juges du fond que lrsquoobjet mecircme de

lrsquoassociation est de favoriser la conclusion et lrsquoexeacutecution de conventions qui fussent-elles

verbales portent tout agrave la fois sur la mise agrave la disposition des demandeurs des fonctions

reproductrices de la megravere et sur lrsquoenfant agrave naicirctre et sont donc nulles en application de lrsquoarticle

1128 du Code civil que ces conventions contreviennent au principe drsquoordre public de

lrsquoindisponibiliteacute de lrsquoeacutetat des personnes en ce qursquoelles ont pour but de faire venir au monde un

enfant dont lrsquoeacutetat ne correspondra pas agrave sa filiation reacuteelle au moyen drsquoune renonciation et

drsquoune cession eacutegalement prohibeacutees des droits reconnus par la loi agrave la future megravere que

lrsquoactiviteacute de lrsquoassociation qui tend deacutelibeacutereacutement agrave creacuteer une situation drsquoabandon aboutit agrave

deacutetourner lrsquoinstitution de lrsquoadoption de son veacuteritable objet qui est en principe de donner une

famille agrave un enfant qui en est deacutepourvu que crsquoest degraves lors agrave bon droit que lrsquoarrecirct attaqueacute a

deacutecideacute sur le fondement de lrsquoarticle 3 de la loi du 1er juillet 1901 que cette association eacutetait

nulle en raison de lrsquoilliceacuteiteacute de son objet que la premiegravere branche du moyen est donc sans

fondement

Et sur les deuxiegraveme et troisiegraveme branches du moyen

Attendu qursquoil est fait grief agrave la cour drsquoappel de nrsquoavoir pas reacutepondu aux conclusions faisant

valoir drsquoune part que lrsquointerdiction du ldquo don de gestation ldquo constituait une discrimination

fondeacutee sur la naissance contraire aux dispositions de lrsquoarticle 24 du pacte international relatif

aux droits civils et politiques signeacute agrave New York le 19 deacutecembre 1966 et drsquoautre part que ce ldquo

don de gestation ldquo reposait sur le droit leacutegitime de fonder une famille qui implique le droit

drsquoengendrer reconnu tant par lrsquoarticle 12 de la convention europeacuteenne des droits de lrsquohomme

et des liberteacutes fondamentales du 4 novembre 1950 que par lrsquoarticle 23 du pacte international

preacuteciteacute

Mais attendu que la reconnaissance du caractegravere illicite de la materniteacute pour autrui et des

associations qui srsquoefforcent de la promouvoir qui se deacuteduit des principes geacuteneacuteraux du Code

civil et de regravegles qui sont communes agrave toutes les filiations nrsquoest pas de nature agrave instaurer une

discrimination fondeacutee sur la naissance que le droit de se marier et de fonder une famille

reconnu par lrsquoarticle 12 de la convention du 4 novembre 1950 et par lrsquoarticle 23 du pacte

international du 19 deacutecembre 1966 agrave lrsquohomme et agrave la femme en acircge nubile nrsquoimplique pas le

droit de conclure avec un tiers des conventions portant sur le sort drsquoun enfant agrave naicirctre que

par ces motifs de droit reacutepondant aux conclusions invoqueacutees lrsquoarrecirct se trouve leacutegalement

justifieacute et que les deuxiegraveme et troisiegraveme branches du moyen ne peuvent ecirctre accueillies

PAR CES MOTIFS

REJETTE le pourvoi

Publication Bulletin 1989 I Ndeg 387 p 260

Deacutecision attaqueacutee Cour drsquoappel drsquoAix-en-Provence du 29 avril 1988

39

Cour de cassation Assembleacutee pleacuteniegravere

Audience publique du 31 mai 1991

Ndeg de pourvoi 90-20105 Publieacute au bulletin

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Sur le pourvoi dans lrsquointeacuterecirct de la loi formeacute par M le Procureur geacuteneacuteral pregraves la Cour de

Cassation

Vu les articles 6 et 1128 du Code civil ensemble lrsquoarticle 353 du mecircme Code

Attendu que la convention par laquelle une femme srsquoengage fucirct-ce agrave titre gratuit agrave concevoir

et agrave porter un enfant pour lrsquoabandonner agrave sa naissance contrevient tant au principe drsquoordre

public de lrsquoindisponibiliteacute du corps humain qursquoagrave celui de lrsquoindisponibiliteacute de lrsquoeacutetat des

personnes

Attendu selon lrsquoarrecirct infirmatif attaqueacute que Mme X eacutepouse de M Y eacutetant atteinte drsquoune

steacuteriliteacute irreacuteversible son mari a donneacute son sperme agrave une autre femme qui inseacutemineacutee

artificiellement a porteacute et mis au monde lrsquoenfant ainsi conccedilu qursquoagrave sa naissance cet enfant a

eacuteteacute deacuteclareacute comme eacutetant neacute de Y sans indication de filiation maternelle

Attendu que pour prononcer lrsquoadoption pleacuteniegravere de lrsquoenfant par Mme Y lrsquoarrecirct retient

qursquoen lrsquoeacutetat actuel des pratiques scientifiques et des moeurs la meacutethode de la materniteacute

substitueacutee doit ecirctre consideacutereacutee comme licite et non contraire agrave lrsquoordre public et que cette

adoption est conforme agrave lrsquointeacuterecirct de lrsquoenfant qui a eacuteteacute accueilli et eacuteleveacute au foyer de M et

Mme Y pratiquement depuis sa naissance

Qursquoen statuant ainsi alors que cette adoption nrsquoeacutetait que lrsquoultime phase drsquoun processus

drsquoensemble destineacute agrave permettre agrave un couple lrsquoaccueil agrave son foyer drsquoun enfant conccedilu en

exeacutecution drsquoun contrat tendant agrave lrsquoabandon agrave sa naissance par sa megravere et que portant atteinte

aux principes de lrsquoindisponibiliteacute du corps humain et de lrsquoeacutetat des personnes ce processus

constituait un deacutetournement de lrsquoinstitution de lrsquoadoption la cour drsquoappel a violeacute les textes

susviseacutes

PAR CES MOTIFS

CASSE ET ANNULE mais seulement dans lrsquointeacuterecirct de la loi et sans renvoi lrsquoarrecirct rendu le

15 juin 1990 par la cour drsquoappel de Paris

REQUETE DE M LE PROCUREUR GENERAL PRES LA COUR DE CASSATION

Le Procureur geacuteneacuteral pregraves la Cour de Cassation a lrsquohonneur drsquoexposer

- Que par jugement du 28 juin 1989 le tribunal de grande instance de Paris a rejeteacute la requecircte

preacutesenteacutee par Mme X eacutepouse Y tendant agrave lrsquoadoption pleacuteniegravere de lrsquoenfant Z deacuteclareacutee

comme eacutetant neacutee de M Y mari de la requeacuterante sans indication de filiation maternelle

- Que pour ne pas faire droit agrave cette requecircte les premiers juges ont retenu que les eacutepoux Y

pour remeacutedier agrave la steacuteriliteacute de leur couple avaient eu recours agrave lrsquoassociation Alma Mater

aujourdrsquohui dissoute lrsquoenfant eacutetant neacute drsquoune megravere de substitution qui lrsquoa abandonneacute agrave la

naissance pratique deacuteclareacutee illicite

- Que sur appel de Mme Y la premiegravere chambre civile section C de la cour drsquoappel de

Paris a par arrecirct du 15 juin 1990 infirmeacute la deacutecision entreprise et prononceacute lrsquoadoption

pleacuteniegravere solliciteacutee par la requeacuterante

- Qursquoau soutien de leur deacutecision devenue deacutefinitive les juges du second degreacute ont tireacute de nos

principes geacuteneacuteraux relatifs agrave la filiation des regravegles drsquoordre public concernant les contrats et de

40

certaines conventions ou deacuteclarations internationales des conclusions contraires agrave celles

auxquelles eacutetait parvenue votre premiegravere chambre civile de la Cour de Cassation qui dans un

cas de figure pratiquement identique a par arrecirct du 13 deacutecembre 1989 (association Alma

Mater contre procureur geacuteneacuteral Aix-en-Provence) reconnu le caractegravere illicite de la materniteacute

pour autrui et les associations qui srsquoefforcent de la promouvoir

- Qursquoil importe en cette matiegravere particuliegraverement sensible qui touche agrave un deacutelicat problegraveme de

socieacuteteacute et drsquoeacutethique que soit mis fin agrave des divergences jurisprudentielles majeures et que la

seacutecuriteacute juridique soit assureacutee

PAR CES MOTIFS

Vu lrsquoarticle 17 de la loi du 3 juillet 1967 relative agrave la Cour de Cassation

Requiert qursquoil plaise agrave la Cour de Cassation

CASSE ET ANNULE sans renvoi et dans le seul inteacuterecirct de la loi lrsquoarrecirct rendu le 15 juin 1990

par la cour drsquoappel de Paris ayant fait droit agrave la requecircte en adoption pleacuteniegravere preacutesenteacutee par

Mme X eacutepouse Y

Publication Bulletin 1991 AP Ndeg 4 p 5

Deacutecision attaqueacutee Cour drsquoappel de Paris du 15 juin 1990

Page 34: SEANCE_3 Droit Civil Methodologie

34

(2) G David laquo Don et utilisation du sperme raquo in Actes du colloque Geacuteneacutetique procreacuteation et

droit Actes sud 1985 p 205 G-M Faure Le deacutesir denfant agrave leacutepreuve du droit Essai sur le droit de la procreacuteation meacutedicalement assisteacutee Thegravese Universiteacute de Lille 1992 p 7

(3) G Lebreton Liberteacutes publiques et droits de lhomme 6e eacuted Armand Colin 2003 p 262

(4) CE 22 janvier 1988 Lebon 1988 p 37

(5) La Cour de cassation a enteacuterineacute la position de la cour dappel de Paris pour laquelle laquo ni laltruisme du comportement de la megravere de substitution ni le caractegravere deacutesinteacuteresseacute des activiteacutes de lassociation ne sont propres agrave faire disparaicirctre lilliceacuteiteacute qui frappe laccord litigieux raquo Cass civ 1re 13 deacutecembre 1989 Bull civ I no 387 Defreacutenois 1990 art 34802 no 55 obs J-L Aubert D 1990 p 273 JCP eacuted G 1990 II 21526 note A Seacuteriaux propos recueillis par C Slobodansky laquo Le droit doit limiter les progregraves de la science raquo LPA du 7 mai 2004 no 92 p 60

(6) laquo La convention par laquelle une femme sengage fucirct-ce agrave titre gratuit agrave concevoir et porter un enfant pour labandonner agrave sa naissance contrevient tant au principe dordre public de lindisponibiliteacute du corps humain quagrave celui de lindisponibiliteacute de leacutetat des personnes raquo Cass ass pleacuten 31 mai 1991 Bull civ ass pleacuten no 4 Defreacutenois 1991 art 35142 no 103 obs J-L Aubert Defreacutenois 1991 art 35088 no 67 note J Massip RTD civ 1991 p 517 obs D Huet-Weiller et p 489 note M Gobert M Gobert laquo Reacuteflexions sur les sources du droit et les

principes dindisponibiliteacute du corps humain et de leacutetat des personnes agrave propos de la materniteacute de substitution raquo RTD civ 1992 p 489 et s speacutec p 501 dans ce sens v deacutejagrave les remarques de P Murat laquo Laction de lordonnance du 4 juillet 2005 sur la possession deacutetat raquo Dr Famille 2006 eacutetude no 6 speacutec no 7 V aussi J Massip laquo Linsertion dans le Code civil de dispositions relatives au corps humain agrave lidentification geacuteneacutetique et agrave la procreacuteation meacutedicalement assisteacutee raquo Defreacutenois 1995 art 35975 et 35992

(7) En ce sens V Depadt-Sebag laquo De la neacutecessiteacute dune reacuteforme de larticle 16-7 du Code civil relatif agrave linterdiction de gestation pour autrui raquo RGD meacuted 2004 no 12 p 135 et s

(8) Art 227-12 et s C peacuten

(9) CA Paris 1re feacutevrier 2001 RTD civ 2001 p 347 obs J Hauser Cass civ 1re 9 deacutecembre 2003 Bull civ I no 252 p 201 CA Rennes 4 juillet 2002 D 2002 p 2904

(10) Cass civ 1re 20 feacutevrier 2007 Defreacutenois 2007 art 38595 no 45 obs J Massip

(11) V Depadt-Sebag laquo De la neacutecessiteacute dune reacuteforme de larticle 16-7 du Code civil relatif agrave linterdiction de gestation pour autrui raquo preacutec no 12 p 135 et s

(12) L no 2004-800 du 6 aoucirct 2004 relative agrave la bioeacutethique JO du 7 aoucirct 2004 p 14040 J Massip art preacutec

(13) Dans ce sens v M Gobert laquo Reacuteflexions sur les sources du droit et les principes dindisponibiliteacute du corps humain et de leacutetat des personnes agrave propos de la materniteacute de substitution raquo preacutec p 489 et s speacutec p 513

(14) V Depadt-Sebag laquo De la neacutecessiteacute dune reacuteforme de larticle 16-7 du Code civil relatif agrave linterdiction de gestation pour autrui raquo preacutec no 12 p 135 et s E Camuzet La convention de gestation pour autrui une illeacutegaliteacute franccedilaise injustifieacutee Meacutemoire Lille 2 Universiteacute du droit et de la santeacute 2005-2006 p 55

(15) A Mayer-Jack laquo Les conventions relatives agrave la personne physique raquo Rev crit leacutegisl et jurispr 1993 p 6

(16) G Meacutemeteau laquo Une distinction est opeacutereacutee sur la reacutefeacuterence des donneacutees acquises de la science agrave la date des soins par opposition agrave la notion erroneacutee de donneacutees actuelles de la science raquo note sous Cass civ 1re 6 juin 2000 JCP eacuted G 2001 II 10447

(17) Cass civ 1re 13 deacutecembre 1989 Bull civ I no 387 Defreacutenois 1990 art 34815 rapp J Massip D 1990 p 273 JCP eacuted G 1990 II 21526 note A Seacuteriaux

35

(18) Communication J Bernard et comm J Massip Defreacutenois 1990 art 35088 no 67 note J

Massip F Terreacute note sous Cass ass pleacuten 31 mai 1991 JCP eacuted G 1991 II 21752 dans ce sens v les remarques de P Murat laquo Laction de lordonnance du 4 juillet 2005 sur la possession deacutetat raquo preacutec eacutetude no 6 speacutec no 7 G Kessler laquo La consolidation de situations illicites dans linteacuterecirct de lenfant raquo Dr Famille no 7 juillet 2005 Etude 16

(19) TGI Lille 22 mars 2007 D 2007 no 18 p 1251 note X Labbeacutee B Edelman et C Labrusse-Riau note sous CA Paris 15 juin 1990 JCP eacuted G 1991 II 21653

(20) V Larribau-Terneyre note sous CA Pau 19 feacutevrier 1991 D 1991 juris p 380

(21) J Massip laquo Megravere porteuse et deacutecheacuteance de lautoriteacute parentale raquo LPA du 29 octobre 2003 no 216 p 10 Cass ass pleacuten 31 mai 1991 Bull civ ass pleacuten no 4 Defreacutenois 1991 art 35088 no 67 p 948 obs J Massip D 1991 p 417 rapport Y Chartier note D Thouvenin JCP eacuted G 1991 II 21752 communication J Bernard concl H Dontenwille note F Terreacute RTD civ 1991 p 517 obs D Huet-Weiller

(22) J Rubellin-Devichi laquo Materniteacute de substitution qui est la megravere raquo note sous CA Rennes 4 juillet 2002 JCP eacuted G 2003 I 101 C Ducomte laquo La vraie querelle des megraveres porteuses raquo httppagesperso-orangefrmax-christianducomtemereindexhtm

(23) Propos de Mme F Dekeuwer-Deacutefossez lors de son audition devant le preacutesident M Bloche pour la mission dinformation sur la famille (procegraves-verbal du 5 octobre 2005)

(24) J Hauser obs in RTD civ 1999 p 372 F Dekeuwer-Deacutefossez note sous Cass ass pleacuten 31 mai 1991 D 1992 somm p 59

(25) F Dekeuwer-Deacutefossez laquo Les droits de lenfant raquo D 1992 somm p 59 E Poisson-Drocourt laquo Recours agrave une megravere de substitution et refus de ladoption raquo D 2004 p 2001

(26) J-J Lemouland laquo Le tourisme procreacuteatif raquo LPA 2001 no 62 p 24 F Dekeuwer-Deacutefossez laquo Le lien parental raquo LPA du 1er juillet 2004 no 131 p 70 F Granet note sous CA Rennes 4 juillet 2002 D 2002 p 2904

(27) CA Aix-en-Provence 12 mars 2002 Juris-Data no 2002-190443 A Seacuteriaux laquo Droit naturel et procreacuteation artificielle quelle jurisprudence raquo D 1985 chron p 53 J Massip laquo Le nouveau droit de la filiation raquo Defreacutenois 2006 art 38303 p 13

(28) CA Rennes 4 juillet 2002 JCP eacuted G 2003 I 101 note J Rubellin-Devichi

(29) laquo Si le principe structurant de lautoriteacute parentale est linteacuterecirct de lenfant deacutetermineacute in concreto le droit de la filiation nappreacutecie en revanche jamais linteacuterecirct concret dun enfant preacutecis mais linteacuterecirct geacuteneacuteral de lenfant in abstracto raquo A Gouttenoire laquo A chacun sa famille agrave chacun son droit raquo Dr Famille no 7 juillet 2006 Alerte 41

(30) E Camuzet La convention de gestation pour autrui une illeacutegaliteacute franccedilaise injustifieacutee art preacutec p 52

(31) P Raynaud laquo Un abus de ladoption simple les couples adoptifs raquo D 1983 chron p 39 H Gaumont-Prat laquo Pas dadoption pour les enfants issus de convention de megravere porteuse raquo RLDC no 5 mai 2004 p 31 laquo Le rejet dans le non-droit des enfants neacutes dans des circonstances qui deacuterangent la socieacuteteacute relegraveve du deacuteni de la reacutealiteacute porteur de nombreux effets pathogegravenes et injustes raquo

(32) J Rubellin-Devichi laquo Materniteacute de substitution qui est la megravere raquo note sous CA Rennes 4 juillet 2002 preacutec I 101 C Ducomte laquo La vraie querelle des megraveres porteuses raquo preacutec P Raynaud laquo Un abus de ladoption simple les couples adoptifs raquo art preacutec chron p 39 G Kessler laquo La consolidation de situations illicites dans linteacuterecirct de lenfant raquo art preacutec Etude 16

(33) F Dekeuwer-Deacutefossez laquo Reacuteflexion sur les mythes fondateurs du droit contemporain de la famille raquo RTD civ 1995 p 269 E Camuzet La convention de gestation pour autrui une illeacutegaliteacute franccedilaise injustifieacutee art preacutec p 66 A Ponsard rapport sous Cass civ 1re 16

36

novembre 1982 JCP eacuted G 1983 II 19954 M-T Meulders-Klein laquo Le droit agrave lenfant face au

droit de lenfant et les procreacuteations meacutedicalement assisteacutees raquo RTD civ 1988 p 645 F Terreacute Lenfant de lesclave Geacuteneacutetique et droit Flammarion 1987 p 128

(34) Convention de New York du 26 janvier 1990 Charte des droits fondamentaux de lUnion europeacuteenne du 7 deacutecembre 2000 Deacuteclaration universelle des droits de lhomme de 1789 Convention internationale des droits de lenfant de 1989

(35) Cass ass plegraven 31 mai 1991 Bull civ ass plegraven no 4 Defreacutenois 1991 art 35142 no 103 obs J-L Aubert et art 35088 no 67 p 948 obs J Massip D 1991 p 417 rapport Y Chartier note D Thouvenin JCP eacuted G 1991 II 21752 communication J Bernard concl H Dontenwille note F Terreacute RTD civ 1991 p 517 obs D Huet-Weiller

(36) Cass civ 1re 24 feacutevrier 2006 Bull civ I no 101 p 95 Defreacutenois 2006 art 38415 no 40 p 1067 obs J Massip D 2006 juris p 897-900 obs D Vigneau T Anatrella laquo Adoption et homoparentaliteacute leacuteclairage des droits de lhomme raquo Dr Famille 2003 no 10 p

8-10 agrave lidentique dans un arrecirct du 22 janvier 1992 D 1993 p 119 note J Vassaux la cour dappel de Poitiers a prononceacute ladoption simple dun enfant neacute dune convention de megravere porteuse au motif que laquo cette adoption nest pas seulement conforme agrave linteacuterecirct de lenfant mais encore constitue une neacutecessiteacute qui deacutecoule des reacutealiteacutes de la vie issues derreurs des adultes dont lenfant ne doit pas subir les conseacutequences raquo

(37) G Kessler laquo La consolidation de situations illicites dans linteacuterecirct de lenfant raquo art preacutec eacutetude no 16 M-T Meulders-Klein laquo Le droit agrave lenfant face au droit de lenfant et les procreacuteations meacutedicalement assisteacutees raquo art preacutec p 645

(38) Cass civ 1re 18 mai 2005 Bull civ I no 211 p 179 V Depadt-Sebag laquo Non-lieu dans une affaire de materniteacute pour autrui raquo D 2005 p 476 J Massip laquo Megravere porteuse et deacutecheacuteance de lautoriteacute parentale raquo art preacutec no 216 p 11 F Terreacute Lenfant de lesclave Geacuteneacutetique et droit op cit adde F Terreacute et D Fenouillet Droit civil Les personnes la famille les incapaciteacutes 6e eacuted Preacutecis Dalloz no 926 M Lamarche laquo Inteacuterecirct supeacuterieur de lenfant de ladmission des effets dune convention de megravere porteuse agrave la destruction du droit franccedilais de la filiation raquo Dr Famille novembre 2007 no 11

(39) M Donnier laquo Linteacuterecirct de lenfant raquo D 1959 chron p 27 F Laroche-Gisserot note sous Cass civ 1re 27 mai 1998 D 1998 p 530 F Millet laquo Ladoption dun inteacuterecirct agrave lautre raquo RRJ 2003-3 p 1777 et s A Gouttenoire laquo A chacun sa famille agrave chacun son droit raquo art preacutec Alerte 41

(40) Par la loi no 2007-293 du 5 mars 2007 reacuteformant la protection de lenfance (JO du 6 mars 2007 Defreacutenois 2007 Leacuteg p 282) le leacutegislateur a inteacutegreacute la notion dinteacuterecirct de lenfant dans le Code de laction sociale et des familles Le nouvel article L 112-4 dudit code dispose que laquo Linteacuterecirct de lenfant la prise en compte de ses besoins fondamentaux physiques intellectuels sociaux et affectifs ainsi que le respect de ses droits doivent guider toutes deacutecisions le concernant raquo

(41) Amendement no 48 rect Protection de lenfance no 3184 Assembleacutee nationale 22 deacutecembre 2006 wwwassemblee-nationalefr v aussi sur lensemble de ces questions les consideacuterations tregraves eacuteclairantes de P Murat note sous CA Rennes 4 juillet 2002 D 2002 p 2902 Dr Famille 2002 comm no 142 note P Murat

(42) F Granet-Lambrechts laquo Materniteacutes de substitution filiation et eacutetat civil Panorama europeacuteen raquo Dr Famille no 12 deacutecembre 2007 eacutetude no 34

(43) D Youf Penser les droits de lenfant PUF 2002 p 2

(44) G Cornu La famille 6e eacuted no 7 J Carbonnier Droit civil t 4 Les obligations PUF coll Theacutemis no 372 p 649

(45) D Fenouillet et P de Vareilles-Sommiegraveres La contractualisation du droit de la famille Economica 2001

37

(46) H Gaumont-Prat laquo Pas dadoption pour les enfants issus de convention de megravere porteuse raquo art preacutec p 31

(47) E Poisson-Droccourt laquo Recours agrave une megravere de substitution et refus de ladoption raquo art preacutec p 2001 note sous Cass civ 1re 9 deacutecembre 2003 G Delaisi de Perseval laquo Gestation pour autrui en quecircte de leacutegitimation raquo httpwwwliberationfr

(48) C Neirinck laquo Les filiations eacutelectives agrave leacutepreuve du droit raquo JCP eacuted G 1997 I 4067 E Camuzet laquo La convention de gestation pour autrui une illeacutegaliteacute franccedilaise injustifieacutee raquo art preacutec p 59

(49) J Hauser et D Huet-Weiller Traiteacute de droit civil La famille Fondation et vie de la famille 2e eacuted LGDJ 1993 p 250

(50) B Debreacute et S Agacinski laquo Faut-il leacutegaliser les megraveres porteuses en France raquo art preacutec p 50 C Atias D 1986 chron p 67

Civ 1egravere

13 deacutecembre 1989

Ndeg de pourvoi 88-15655

Publieacute au bulletin

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Attendu selon les juges du fond que lrsquoassociation ldquo Alma Mater ldquo a pour objet de faciliter la

solution des problegravemes qui se posent aux couples dont la femme est steacuterile deacutesireux

drsquoaccueillir un enfant agrave leur foyer et aux ldquo megraveres porteuses ldquo volontaires qursquoil est proposeacute agrave

la ldquo megravere porteuse ldquo drsquoecirctre inseacutemineacutee artificiellement par la semence du mari ou du concubin

de porter et de mettre au monde lrsquoenfant qui sera deacuteclareacute sur les registres de lrsquoeacutetat civil sans

indication du nom de la megravere reconnu par le pegravere et accueilli au foyer de celui-ci en vue de

son adoption par lrsquoeacutepouse ou la compagne que lrsquoassociation intervient tout au long de ce

processus qualifieacute de ldquo precirct drsquouteacuterus ldquo ou de ldquo don drsquoenfant ldquo qursquoainsi apregraves avoir controcircleacute la

reacutealiteacute de la steacuteriliteacute du couple demandeur et des faculteacutes de feacutecondation de la ldquo megravere porteuse

ldquo geacuteneacuteralement recruteacutee par elle lrsquoassociation fait proceacuteder agrave lrsquoinseacutemination surveille la

grossesse et lrsquoaccouchement srsquooccupe de faire diligenter la proceacutedure drsquoadoption qursquoelle

verse ensuite agrave la megravere une somme forfaitaire - qui en 1987 eacutetait fixeacutee agrave 60 000 francs -

remise par le couple demandeur degraves le deacutebut de la grossesse que lrsquoarrecirct confirmatif attaqueacute

(Aix-en-Provence 29 avril 1988) estimant que cette association avait un objet illicite

contraire aux lois et aux bonnes moeurs en a prononceacute la nulliteacute sur le fondement de lrsquoarticle

3 de la loi du 1er juillet 1901

Sur le moyen unique pris en sa premiegravere branche

Attendu que lrsquoassociation ldquo Alma Mater ldquo fait grief agrave la cour drsquoappel drsquoavoir ainsi statueacute alors

que selon le moyen nrsquoest ni illicite ni contraire aux bonnes moeurs lrsquoassociation qui dans un

but humanitaire non lucratif met en relation un couple demandeur dont la femme est steacuterile et

38

une femme qui accepte drsquoecirctre inseacutemineacutee artificiellement par le mari de porter lrsquoenfant et de le

remettre agrave la naissance agrave ce couple qui lrsquoindemnisera des contraintes et de la gecircne occasionneacutee

par la grossesse de sorte que la juridiction du second degreacute aurait violeacute les articles 3 et 7 de la

loi du 1er juillet 1901

Mais attendu qursquoil reacutesulte des constatations des juges du fond que lrsquoobjet mecircme de

lrsquoassociation est de favoriser la conclusion et lrsquoexeacutecution de conventions qui fussent-elles

verbales portent tout agrave la fois sur la mise agrave la disposition des demandeurs des fonctions

reproductrices de la megravere et sur lrsquoenfant agrave naicirctre et sont donc nulles en application de lrsquoarticle

1128 du Code civil que ces conventions contreviennent au principe drsquoordre public de

lrsquoindisponibiliteacute de lrsquoeacutetat des personnes en ce qursquoelles ont pour but de faire venir au monde un

enfant dont lrsquoeacutetat ne correspondra pas agrave sa filiation reacuteelle au moyen drsquoune renonciation et

drsquoune cession eacutegalement prohibeacutees des droits reconnus par la loi agrave la future megravere que

lrsquoactiviteacute de lrsquoassociation qui tend deacutelibeacutereacutement agrave creacuteer une situation drsquoabandon aboutit agrave

deacutetourner lrsquoinstitution de lrsquoadoption de son veacuteritable objet qui est en principe de donner une

famille agrave un enfant qui en est deacutepourvu que crsquoest degraves lors agrave bon droit que lrsquoarrecirct attaqueacute a

deacutecideacute sur le fondement de lrsquoarticle 3 de la loi du 1er juillet 1901 que cette association eacutetait

nulle en raison de lrsquoilliceacuteiteacute de son objet que la premiegravere branche du moyen est donc sans

fondement

Et sur les deuxiegraveme et troisiegraveme branches du moyen

Attendu qursquoil est fait grief agrave la cour drsquoappel de nrsquoavoir pas reacutepondu aux conclusions faisant

valoir drsquoune part que lrsquointerdiction du ldquo don de gestation ldquo constituait une discrimination

fondeacutee sur la naissance contraire aux dispositions de lrsquoarticle 24 du pacte international relatif

aux droits civils et politiques signeacute agrave New York le 19 deacutecembre 1966 et drsquoautre part que ce ldquo

don de gestation ldquo reposait sur le droit leacutegitime de fonder une famille qui implique le droit

drsquoengendrer reconnu tant par lrsquoarticle 12 de la convention europeacuteenne des droits de lrsquohomme

et des liberteacutes fondamentales du 4 novembre 1950 que par lrsquoarticle 23 du pacte international

preacuteciteacute

Mais attendu que la reconnaissance du caractegravere illicite de la materniteacute pour autrui et des

associations qui srsquoefforcent de la promouvoir qui se deacuteduit des principes geacuteneacuteraux du Code

civil et de regravegles qui sont communes agrave toutes les filiations nrsquoest pas de nature agrave instaurer une

discrimination fondeacutee sur la naissance que le droit de se marier et de fonder une famille

reconnu par lrsquoarticle 12 de la convention du 4 novembre 1950 et par lrsquoarticle 23 du pacte

international du 19 deacutecembre 1966 agrave lrsquohomme et agrave la femme en acircge nubile nrsquoimplique pas le

droit de conclure avec un tiers des conventions portant sur le sort drsquoun enfant agrave naicirctre que

par ces motifs de droit reacutepondant aux conclusions invoqueacutees lrsquoarrecirct se trouve leacutegalement

justifieacute et que les deuxiegraveme et troisiegraveme branches du moyen ne peuvent ecirctre accueillies

PAR CES MOTIFS

REJETTE le pourvoi

Publication Bulletin 1989 I Ndeg 387 p 260

Deacutecision attaqueacutee Cour drsquoappel drsquoAix-en-Provence du 29 avril 1988

39

Cour de cassation Assembleacutee pleacuteniegravere

Audience publique du 31 mai 1991

Ndeg de pourvoi 90-20105 Publieacute au bulletin

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Sur le pourvoi dans lrsquointeacuterecirct de la loi formeacute par M le Procureur geacuteneacuteral pregraves la Cour de

Cassation

Vu les articles 6 et 1128 du Code civil ensemble lrsquoarticle 353 du mecircme Code

Attendu que la convention par laquelle une femme srsquoengage fucirct-ce agrave titre gratuit agrave concevoir

et agrave porter un enfant pour lrsquoabandonner agrave sa naissance contrevient tant au principe drsquoordre

public de lrsquoindisponibiliteacute du corps humain qursquoagrave celui de lrsquoindisponibiliteacute de lrsquoeacutetat des

personnes

Attendu selon lrsquoarrecirct infirmatif attaqueacute que Mme X eacutepouse de M Y eacutetant atteinte drsquoune

steacuteriliteacute irreacuteversible son mari a donneacute son sperme agrave une autre femme qui inseacutemineacutee

artificiellement a porteacute et mis au monde lrsquoenfant ainsi conccedilu qursquoagrave sa naissance cet enfant a

eacuteteacute deacuteclareacute comme eacutetant neacute de Y sans indication de filiation maternelle

Attendu que pour prononcer lrsquoadoption pleacuteniegravere de lrsquoenfant par Mme Y lrsquoarrecirct retient

qursquoen lrsquoeacutetat actuel des pratiques scientifiques et des moeurs la meacutethode de la materniteacute

substitueacutee doit ecirctre consideacutereacutee comme licite et non contraire agrave lrsquoordre public et que cette

adoption est conforme agrave lrsquointeacuterecirct de lrsquoenfant qui a eacuteteacute accueilli et eacuteleveacute au foyer de M et

Mme Y pratiquement depuis sa naissance

Qursquoen statuant ainsi alors que cette adoption nrsquoeacutetait que lrsquoultime phase drsquoun processus

drsquoensemble destineacute agrave permettre agrave un couple lrsquoaccueil agrave son foyer drsquoun enfant conccedilu en

exeacutecution drsquoun contrat tendant agrave lrsquoabandon agrave sa naissance par sa megravere et que portant atteinte

aux principes de lrsquoindisponibiliteacute du corps humain et de lrsquoeacutetat des personnes ce processus

constituait un deacutetournement de lrsquoinstitution de lrsquoadoption la cour drsquoappel a violeacute les textes

susviseacutes

PAR CES MOTIFS

CASSE ET ANNULE mais seulement dans lrsquointeacuterecirct de la loi et sans renvoi lrsquoarrecirct rendu le

15 juin 1990 par la cour drsquoappel de Paris

REQUETE DE M LE PROCUREUR GENERAL PRES LA COUR DE CASSATION

Le Procureur geacuteneacuteral pregraves la Cour de Cassation a lrsquohonneur drsquoexposer

- Que par jugement du 28 juin 1989 le tribunal de grande instance de Paris a rejeteacute la requecircte

preacutesenteacutee par Mme X eacutepouse Y tendant agrave lrsquoadoption pleacuteniegravere de lrsquoenfant Z deacuteclareacutee

comme eacutetant neacutee de M Y mari de la requeacuterante sans indication de filiation maternelle

- Que pour ne pas faire droit agrave cette requecircte les premiers juges ont retenu que les eacutepoux Y

pour remeacutedier agrave la steacuteriliteacute de leur couple avaient eu recours agrave lrsquoassociation Alma Mater

aujourdrsquohui dissoute lrsquoenfant eacutetant neacute drsquoune megravere de substitution qui lrsquoa abandonneacute agrave la

naissance pratique deacuteclareacutee illicite

- Que sur appel de Mme Y la premiegravere chambre civile section C de la cour drsquoappel de

Paris a par arrecirct du 15 juin 1990 infirmeacute la deacutecision entreprise et prononceacute lrsquoadoption

pleacuteniegravere solliciteacutee par la requeacuterante

- Qursquoau soutien de leur deacutecision devenue deacutefinitive les juges du second degreacute ont tireacute de nos

principes geacuteneacuteraux relatifs agrave la filiation des regravegles drsquoordre public concernant les contrats et de

40

certaines conventions ou deacuteclarations internationales des conclusions contraires agrave celles

auxquelles eacutetait parvenue votre premiegravere chambre civile de la Cour de Cassation qui dans un

cas de figure pratiquement identique a par arrecirct du 13 deacutecembre 1989 (association Alma

Mater contre procureur geacuteneacuteral Aix-en-Provence) reconnu le caractegravere illicite de la materniteacute

pour autrui et les associations qui srsquoefforcent de la promouvoir

- Qursquoil importe en cette matiegravere particuliegraverement sensible qui touche agrave un deacutelicat problegraveme de

socieacuteteacute et drsquoeacutethique que soit mis fin agrave des divergences jurisprudentielles majeures et que la

seacutecuriteacute juridique soit assureacutee

PAR CES MOTIFS

Vu lrsquoarticle 17 de la loi du 3 juillet 1967 relative agrave la Cour de Cassation

Requiert qursquoil plaise agrave la Cour de Cassation

CASSE ET ANNULE sans renvoi et dans le seul inteacuterecirct de la loi lrsquoarrecirct rendu le 15 juin 1990

par la cour drsquoappel de Paris ayant fait droit agrave la requecircte en adoption pleacuteniegravere preacutesenteacutee par

Mme X eacutepouse Y

Publication Bulletin 1991 AP Ndeg 4 p 5

Deacutecision attaqueacutee Cour drsquoappel de Paris du 15 juin 1990

Page 35: SEANCE_3 Droit Civil Methodologie

35

(18) Communication J Bernard et comm J Massip Defreacutenois 1990 art 35088 no 67 note J

Massip F Terreacute note sous Cass ass pleacuten 31 mai 1991 JCP eacuted G 1991 II 21752 dans ce sens v les remarques de P Murat laquo Laction de lordonnance du 4 juillet 2005 sur la possession deacutetat raquo preacutec eacutetude no 6 speacutec no 7 G Kessler laquo La consolidation de situations illicites dans linteacuterecirct de lenfant raquo Dr Famille no 7 juillet 2005 Etude 16

(19) TGI Lille 22 mars 2007 D 2007 no 18 p 1251 note X Labbeacutee B Edelman et C Labrusse-Riau note sous CA Paris 15 juin 1990 JCP eacuted G 1991 II 21653

(20) V Larribau-Terneyre note sous CA Pau 19 feacutevrier 1991 D 1991 juris p 380

(21) J Massip laquo Megravere porteuse et deacutecheacuteance de lautoriteacute parentale raquo LPA du 29 octobre 2003 no 216 p 10 Cass ass pleacuten 31 mai 1991 Bull civ ass pleacuten no 4 Defreacutenois 1991 art 35088 no 67 p 948 obs J Massip D 1991 p 417 rapport Y Chartier note D Thouvenin JCP eacuted G 1991 II 21752 communication J Bernard concl H Dontenwille note F Terreacute RTD civ 1991 p 517 obs D Huet-Weiller

(22) J Rubellin-Devichi laquo Materniteacute de substitution qui est la megravere raquo note sous CA Rennes 4 juillet 2002 JCP eacuted G 2003 I 101 C Ducomte laquo La vraie querelle des megraveres porteuses raquo httppagesperso-orangefrmax-christianducomtemereindexhtm

(23) Propos de Mme F Dekeuwer-Deacutefossez lors de son audition devant le preacutesident M Bloche pour la mission dinformation sur la famille (procegraves-verbal du 5 octobre 2005)

(24) J Hauser obs in RTD civ 1999 p 372 F Dekeuwer-Deacutefossez note sous Cass ass pleacuten 31 mai 1991 D 1992 somm p 59

(25) F Dekeuwer-Deacutefossez laquo Les droits de lenfant raquo D 1992 somm p 59 E Poisson-Drocourt laquo Recours agrave une megravere de substitution et refus de ladoption raquo D 2004 p 2001

(26) J-J Lemouland laquo Le tourisme procreacuteatif raquo LPA 2001 no 62 p 24 F Dekeuwer-Deacutefossez laquo Le lien parental raquo LPA du 1er juillet 2004 no 131 p 70 F Granet note sous CA Rennes 4 juillet 2002 D 2002 p 2904

(27) CA Aix-en-Provence 12 mars 2002 Juris-Data no 2002-190443 A Seacuteriaux laquo Droit naturel et procreacuteation artificielle quelle jurisprudence raquo D 1985 chron p 53 J Massip laquo Le nouveau droit de la filiation raquo Defreacutenois 2006 art 38303 p 13

(28) CA Rennes 4 juillet 2002 JCP eacuted G 2003 I 101 note J Rubellin-Devichi

(29) laquo Si le principe structurant de lautoriteacute parentale est linteacuterecirct de lenfant deacutetermineacute in concreto le droit de la filiation nappreacutecie en revanche jamais linteacuterecirct concret dun enfant preacutecis mais linteacuterecirct geacuteneacuteral de lenfant in abstracto raquo A Gouttenoire laquo A chacun sa famille agrave chacun son droit raquo Dr Famille no 7 juillet 2006 Alerte 41

(30) E Camuzet La convention de gestation pour autrui une illeacutegaliteacute franccedilaise injustifieacutee art preacutec p 52

(31) P Raynaud laquo Un abus de ladoption simple les couples adoptifs raquo D 1983 chron p 39 H Gaumont-Prat laquo Pas dadoption pour les enfants issus de convention de megravere porteuse raquo RLDC no 5 mai 2004 p 31 laquo Le rejet dans le non-droit des enfants neacutes dans des circonstances qui deacuterangent la socieacuteteacute relegraveve du deacuteni de la reacutealiteacute porteur de nombreux effets pathogegravenes et injustes raquo

(32) J Rubellin-Devichi laquo Materniteacute de substitution qui est la megravere raquo note sous CA Rennes 4 juillet 2002 preacutec I 101 C Ducomte laquo La vraie querelle des megraveres porteuses raquo preacutec P Raynaud laquo Un abus de ladoption simple les couples adoptifs raquo art preacutec chron p 39 G Kessler laquo La consolidation de situations illicites dans linteacuterecirct de lenfant raquo art preacutec Etude 16

(33) F Dekeuwer-Deacutefossez laquo Reacuteflexion sur les mythes fondateurs du droit contemporain de la famille raquo RTD civ 1995 p 269 E Camuzet La convention de gestation pour autrui une illeacutegaliteacute franccedilaise injustifieacutee art preacutec p 66 A Ponsard rapport sous Cass civ 1re 16

36

novembre 1982 JCP eacuted G 1983 II 19954 M-T Meulders-Klein laquo Le droit agrave lenfant face au

droit de lenfant et les procreacuteations meacutedicalement assisteacutees raquo RTD civ 1988 p 645 F Terreacute Lenfant de lesclave Geacuteneacutetique et droit Flammarion 1987 p 128

(34) Convention de New York du 26 janvier 1990 Charte des droits fondamentaux de lUnion europeacuteenne du 7 deacutecembre 2000 Deacuteclaration universelle des droits de lhomme de 1789 Convention internationale des droits de lenfant de 1989

(35) Cass ass plegraven 31 mai 1991 Bull civ ass plegraven no 4 Defreacutenois 1991 art 35142 no 103 obs J-L Aubert et art 35088 no 67 p 948 obs J Massip D 1991 p 417 rapport Y Chartier note D Thouvenin JCP eacuted G 1991 II 21752 communication J Bernard concl H Dontenwille note F Terreacute RTD civ 1991 p 517 obs D Huet-Weiller

(36) Cass civ 1re 24 feacutevrier 2006 Bull civ I no 101 p 95 Defreacutenois 2006 art 38415 no 40 p 1067 obs J Massip D 2006 juris p 897-900 obs D Vigneau T Anatrella laquo Adoption et homoparentaliteacute leacuteclairage des droits de lhomme raquo Dr Famille 2003 no 10 p

8-10 agrave lidentique dans un arrecirct du 22 janvier 1992 D 1993 p 119 note J Vassaux la cour dappel de Poitiers a prononceacute ladoption simple dun enfant neacute dune convention de megravere porteuse au motif que laquo cette adoption nest pas seulement conforme agrave linteacuterecirct de lenfant mais encore constitue une neacutecessiteacute qui deacutecoule des reacutealiteacutes de la vie issues derreurs des adultes dont lenfant ne doit pas subir les conseacutequences raquo

(37) G Kessler laquo La consolidation de situations illicites dans linteacuterecirct de lenfant raquo art preacutec eacutetude no 16 M-T Meulders-Klein laquo Le droit agrave lenfant face au droit de lenfant et les procreacuteations meacutedicalement assisteacutees raquo art preacutec p 645

(38) Cass civ 1re 18 mai 2005 Bull civ I no 211 p 179 V Depadt-Sebag laquo Non-lieu dans une affaire de materniteacute pour autrui raquo D 2005 p 476 J Massip laquo Megravere porteuse et deacutecheacuteance de lautoriteacute parentale raquo art preacutec no 216 p 11 F Terreacute Lenfant de lesclave Geacuteneacutetique et droit op cit adde F Terreacute et D Fenouillet Droit civil Les personnes la famille les incapaciteacutes 6e eacuted Preacutecis Dalloz no 926 M Lamarche laquo Inteacuterecirct supeacuterieur de lenfant de ladmission des effets dune convention de megravere porteuse agrave la destruction du droit franccedilais de la filiation raquo Dr Famille novembre 2007 no 11

(39) M Donnier laquo Linteacuterecirct de lenfant raquo D 1959 chron p 27 F Laroche-Gisserot note sous Cass civ 1re 27 mai 1998 D 1998 p 530 F Millet laquo Ladoption dun inteacuterecirct agrave lautre raquo RRJ 2003-3 p 1777 et s A Gouttenoire laquo A chacun sa famille agrave chacun son droit raquo art preacutec Alerte 41

(40) Par la loi no 2007-293 du 5 mars 2007 reacuteformant la protection de lenfance (JO du 6 mars 2007 Defreacutenois 2007 Leacuteg p 282) le leacutegislateur a inteacutegreacute la notion dinteacuterecirct de lenfant dans le Code de laction sociale et des familles Le nouvel article L 112-4 dudit code dispose que laquo Linteacuterecirct de lenfant la prise en compte de ses besoins fondamentaux physiques intellectuels sociaux et affectifs ainsi que le respect de ses droits doivent guider toutes deacutecisions le concernant raquo

(41) Amendement no 48 rect Protection de lenfance no 3184 Assembleacutee nationale 22 deacutecembre 2006 wwwassemblee-nationalefr v aussi sur lensemble de ces questions les consideacuterations tregraves eacuteclairantes de P Murat note sous CA Rennes 4 juillet 2002 D 2002 p 2902 Dr Famille 2002 comm no 142 note P Murat

(42) F Granet-Lambrechts laquo Materniteacutes de substitution filiation et eacutetat civil Panorama europeacuteen raquo Dr Famille no 12 deacutecembre 2007 eacutetude no 34

(43) D Youf Penser les droits de lenfant PUF 2002 p 2

(44) G Cornu La famille 6e eacuted no 7 J Carbonnier Droit civil t 4 Les obligations PUF coll Theacutemis no 372 p 649

(45) D Fenouillet et P de Vareilles-Sommiegraveres La contractualisation du droit de la famille Economica 2001

37

(46) H Gaumont-Prat laquo Pas dadoption pour les enfants issus de convention de megravere porteuse raquo art preacutec p 31

(47) E Poisson-Droccourt laquo Recours agrave une megravere de substitution et refus de ladoption raquo art preacutec p 2001 note sous Cass civ 1re 9 deacutecembre 2003 G Delaisi de Perseval laquo Gestation pour autrui en quecircte de leacutegitimation raquo httpwwwliberationfr

(48) C Neirinck laquo Les filiations eacutelectives agrave leacutepreuve du droit raquo JCP eacuted G 1997 I 4067 E Camuzet laquo La convention de gestation pour autrui une illeacutegaliteacute franccedilaise injustifieacutee raquo art preacutec p 59

(49) J Hauser et D Huet-Weiller Traiteacute de droit civil La famille Fondation et vie de la famille 2e eacuted LGDJ 1993 p 250

(50) B Debreacute et S Agacinski laquo Faut-il leacutegaliser les megraveres porteuses en France raquo art preacutec p 50 C Atias D 1986 chron p 67

Civ 1egravere

13 deacutecembre 1989

Ndeg de pourvoi 88-15655

Publieacute au bulletin

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Attendu selon les juges du fond que lrsquoassociation ldquo Alma Mater ldquo a pour objet de faciliter la

solution des problegravemes qui se posent aux couples dont la femme est steacuterile deacutesireux

drsquoaccueillir un enfant agrave leur foyer et aux ldquo megraveres porteuses ldquo volontaires qursquoil est proposeacute agrave

la ldquo megravere porteuse ldquo drsquoecirctre inseacutemineacutee artificiellement par la semence du mari ou du concubin

de porter et de mettre au monde lrsquoenfant qui sera deacuteclareacute sur les registres de lrsquoeacutetat civil sans

indication du nom de la megravere reconnu par le pegravere et accueilli au foyer de celui-ci en vue de

son adoption par lrsquoeacutepouse ou la compagne que lrsquoassociation intervient tout au long de ce

processus qualifieacute de ldquo precirct drsquouteacuterus ldquo ou de ldquo don drsquoenfant ldquo qursquoainsi apregraves avoir controcircleacute la

reacutealiteacute de la steacuteriliteacute du couple demandeur et des faculteacutes de feacutecondation de la ldquo megravere porteuse

ldquo geacuteneacuteralement recruteacutee par elle lrsquoassociation fait proceacuteder agrave lrsquoinseacutemination surveille la

grossesse et lrsquoaccouchement srsquooccupe de faire diligenter la proceacutedure drsquoadoption qursquoelle

verse ensuite agrave la megravere une somme forfaitaire - qui en 1987 eacutetait fixeacutee agrave 60 000 francs -

remise par le couple demandeur degraves le deacutebut de la grossesse que lrsquoarrecirct confirmatif attaqueacute

(Aix-en-Provence 29 avril 1988) estimant que cette association avait un objet illicite

contraire aux lois et aux bonnes moeurs en a prononceacute la nulliteacute sur le fondement de lrsquoarticle

3 de la loi du 1er juillet 1901

Sur le moyen unique pris en sa premiegravere branche

Attendu que lrsquoassociation ldquo Alma Mater ldquo fait grief agrave la cour drsquoappel drsquoavoir ainsi statueacute alors

que selon le moyen nrsquoest ni illicite ni contraire aux bonnes moeurs lrsquoassociation qui dans un

but humanitaire non lucratif met en relation un couple demandeur dont la femme est steacuterile et

38

une femme qui accepte drsquoecirctre inseacutemineacutee artificiellement par le mari de porter lrsquoenfant et de le

remettre agrave la naissance agrave ce couple qui lrsquoindemnisera des contraintes et de la gecircne occasionneacutee

par la grossesse de sorte que la juridiction du second degreacute aurait violeacute les articles 3 et 7 de la

loi du 1er juillet 1901

Mais attendu qursquoil reacutesulte des constatations des juges du fond que lrsquoobjet mecircme de

lrsquoassociation est de favoriser la conclusion et lrsquoexeacutecution de conventions qui fussent-elles

verbales portent tout agrave la fois sur la mise agrave la disposition des demandeurs des fonctions

reproductrices de la megravere et sur lrsquoenfant agrave naicirctre et sont donc nulles en application de lrsquoarticle

1128 du Code civil que ces conventions contreviennent au principe drsquoordre public de

lrsquoindisponibiliteacute de lrsquoeacutetat des personnes en ce qursquoelles ont pour but de faire venir au monde un

enfant dont lrsquoeacutetat ne correspondra pas agrave sa filiation reacuteelle au moyen drsquoune renonciation et

drsquoune cession eacutegalement prohibeacutees des droits reconnus par la loi agrave la future megravere que

lrsquoactiviteacute de lrsquoassociation qui tend deacutelibeacutereacutement agrave creacuteer une situation drsquoabandon aboutit agrave

deacutetourner lrsquoinstitution de lrsquoadoption de son veacuteritable objet qui est en principe de donner une

famille agrave un enfant qui en est deacutepourvu que crsquoest degraves lors agrave bon droit que lrsquoarrecirct attaqueacute a

deacutecideacute sur le fondement de lrsquoarticle 3 de la loi du 1er juillet 1901 que cette association eacutetait

nulle en raison de lrsquoilliceacuteiteacute de son objet que la premiegravere branche du moyen est donc sans

fondement

Et sur les deuxiegraveme et troisiegraveme branches du moyen

Attendu qursquoil est fait grief agrave la cour drsquoappel de nrsquoavoir pas reacutepondu aux conclusions faisant

valoir drsquoune part que lrsquointerdiction du ldquo don de gestation ldquo constituait une discrimination

fondeacutee sur la naissance contraire aux dispositions de lrsquoarticle 24 du pacte international relatif

aux droits civils et politiques signeacute agrave New York le 19 deacutecembre 1966 et drsquoautre part que ce ldquo

don de gestation ldquo reposait sur le droit leacutegitime de fonder une famille qui implique le droit

drsquoengendrer reconnu tant par lrsquoarticle 12 de la convention europeacuteenne des droits de lrsquohomme

et des liberteacutes fondamentales du 4 novembre 1950 que par lrsquoarticle 23 du pacte international

preacuteciteacute

Mais attendu que la reconnaissance du caractegravere illicite de la materniteacute pour autrui et des

associations qui srsquoefforcent de la promouvoir qui se deacuteduit des principes geacuteneacuteraux du Code

civil et de regravegles qui sont communes agrave toutes les filiations nrsquoest pas de nature agrave instaurer une

discrimination fondeacutee sur la naissance que le droit de se marier et de fonder une famille

reconnu par lrsquoarticle 12 de la convention du 4 novembre 1950 et par lrsquoarticle 23 du pacte

international du 19 deacutecembre 1966 agrave lrsquohomme et agrave la femme en acircge nubile nrsquoimplique pas le

droit de conclure avec un tiers des conventions portant sur le sort drsquoun enfant agrave naicirctre que

par ces motifs de droit reacutepondant aux conclusions invoqueacutees lrsquoarrecirct se trouve leacutegalement

justifieacute et que les deuxiegraveme et troisiegraveme branches du moyen ne peuvent ecirctre accueillies

PAR CES MOTIFS

REJETTE le pourvoi

Publication Bulletin 1989 I Ndeg 387 p 260

Deacutecision attaqueacutee Cour drsquoappel drsquoAix-en-Provence du 29 avril 1988

39

Cour de cassation Assembleacutee pleacuteniegravere

Audience publique du 31 mai 1991

Ndeg de pourvoi 90-20105 Publieacute au bulletin

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Sur le pourvoi dans lrsquointeacuterecirct de la loi formeacute par M le Procureur geacuteneacuteral pregraves la Cour de

Cassation

Vu les articles 6 et 1128 du Code civil ensemble lrsquoarticle 353 du mecircme Code

Attendu que la convention par laquelle une femme srsquoengage fucirct-ce agrave titre gratuit agrave concevoir

et agrave porter un enfant pour lrsquoabandonner agrave sa naissance contrevient tant au principe drsquoordre

public de lrsquoindisponibiliteacute du corps humain qursquoagrave celui de lrsquoindisponibiliteacute de lrsquoeacutetat des

personnes

Attendu selon lrsquoarrecirct infirmatif attaqueacute que Mme X eacutepouse de M Y eacutetant atteinte drsquoune

steacuteriliteacute irreacuteversible son mari a donneacute son sperme agrave une autre femme qui inseacutemineacutee

artificiellement a porteacute et mis au monde lrsquoenfant ainsi conccedilu qursquoagrave sa naissance cet enfant a

eacuteteacute deacuteclareacute comme eacutetant neacute de Y sans indication de filiation maternelle

Attendu que pour prononcer lrsquoadoption pleacuteniegravere de lrsquoenfant par Mme Y lrsquoarrecirct retient

qursquoen lrsquoeacutetat actuel des pratiques scientifiques et des moeurs la meacutethode de la materniteacute

substitueacutee doit ecirctre consideacutereacutee comme licite et non contraire agrave lrsquoordre public et que cette

adoption est conforme agrave lrsquointeacuterecirct de lrsquoenfant qui a eacuteteacute accueilli et eacuteleveacute au foyer de M et

Mme Y pratiquement depuis sa naissance

Qursquoen statuant ainsi alors que cette adoption nrsquoeacutetait que lrsquoultime phase drsquoun processus

drsquoensemble destineacute agrave permettre agrave un couple lrsquoaccueil agrave son foyer drsquoun enfant conccedilu en

exeacutecution drsquoun contrat tendant agrave lrsquoabandon agrave sa naissance par sa megravere et que portant atteinte

aux principes de lrsquoindisponibiliteacute du corps humain et de lrsquoeacutetat des personnes ce processus

constituait un deacutetournement de lrsquoinstitution de lrsquoadoption la cour drsquoappel a violeacute les textes

susviseacutes

PAR CES MOTIFS

CASSE ET ANNULE mais seulement dans lrsquointeacuterecirct de la loi et sans renvoi lrsquoarrecirct rendu le

15 juin 1990 par la cour drsquoappel de Paris

REQUETE DE M LE PROCUREUR GENERAL PRES LA COUR DE CASSATION

Le Procureur geacuteneacuteral pregraves la Cour de Cassation a lrsquohonneur drsquoexposer

- Que par jugement du 28 juin 1989 le tribunal de grande instance de Paris a rejeteacute la requecircte

preacutesenteacutee par Mme X eacutepouse Y tendant agrave lrsquoadoption pleacuteniegravere de lrsquoenfant Z deacuteclareacutee

comme eacutetant neacutee de M Y mari de la requeacuterante sans indication de filiation maternelle

- Que pour ne pas faire droit agrave cette requecircte les premiers juges ont retenu que les eacutepoux Y

pour remeacutedier agrave la steacuteriliteacute de leur couple avaient eu recours agrave lrsquoassociation Alma Mater

aujourdrsquohui dissoute lrsquoenfant eacutetant neacute drsquoune megravere de substitution qui lrsquoa abandonneacute agrave la

naissance pratique deacuteclareacutee illicite

- Que sur appel de Mme Y la premiegravere chambre civile section C de la cour drsquoappel de

Paris a par arrecirct du 15 juin 1990 infirmeacute la deacutecision entreprise et prononceacute lrsquoadoption

pleacuteniegravere solliciteacutee par la requeacuterante

- Qursquoau soutien de leur deacutecision devenue deacutefinitive les juges du second degreacute ont tireacute de nos

principes geacuteneacuteraux relatifs agrave la filiation des regravegles drsquoordre public concernant les contrats et de

40

certaines conventions ou deacuteclarations internationales des conclusions contraires agrave celles

auxquelles eacutetait parvenue votre premiegravere chambre civile de la Cour de Cassation qui dans un

cas de figure pratiquement identique a par arrecirct du 13 deacutecembre 1989 (association Alma

Mater contre procureur geacuteneacuteral Aix-en-Provence) reconnu le caractegravere illicite de la materniteacute

pour autrui et les associations qui srsquoefforcent de la promouvoir

- Qursquoil importe en cette matiegravere particuliegraverement sensible qui touche agrave un deacutelicat problegraveme de

socieacuteteacute et drsquoeacutethique que soit mis fin agrave des divergences jurisprudentielles majeures et que la

seacutecuriteacute juridique soit assureacutee

PAR CES MOTIFS

Vu lrsquoarticle 17 de la loi du 3 juillet 1967 relative agrave la Cour de Cassation

Requiert qursquoil plaise agrave la Cour de Cassation

CASSE ET ANNULE sans renvoi et dans le seul inteacuterecirct de la loi lrsquoarrecirct rendu le 15 juin 1990

par la cour drsquoappel de Paris ayant fait droit agrave la requecircte en adoption pleacuteniegravere preacutesenteacutee par

Mme X eacutepouse Y

Publication Bulletin 1991 AP Ndeg 4 p 5

Deacutecision attaqueacutee Cour drsquoappel de Paris du 15 juin 1990

Page 36: SEANCE_3 Droit Civil Methodologie

36

novembre 1982 JCP eacuted G 1983 II 19954 M-T Meulders-Klein laquo Le droit agrave lenfant face au

droit de lenfant et les procreacuteations meacutedicalement assisteacutees raquo RTD civ 1988 p 645 F Terreacute Lenfant de lesclave Geacuteneacutetique et droit Flammarion 1987 p 128

(34) Convention de New York du 26 janvier 1990 Charte des droits fondamentaux de lUnion europeacuteenne du 7 deacutecembre 2000 Deacuteclaration universelle des droits de lhomme de 1789 Convention internationale des droits de lenfant de 1989

(35) Cass ass plegraven 31 mai 1991 Bull civ ass plegraven no 4 Defreacutenois 1991 art 35142 no 103 obs J-L Aubert et art 35088 no 67 p 948 obs J Massip D 1991 p 417 rapport Y Chartier note D Thouvenin JCP eacuted G 1991 II 21752 communication J Bernard concl H Dontenwille note F Terreacute RTD civ 1991 p 517 obs D Huet-Weiller

(36) Cass civ 1re 24 feacutevrier 2006 Bull civ I no 101 p 95 Defreacutenois 2006 art 38415 no 40 p 1067 obs J Massip D 2006 juris p 897-900 obs D Vigneau T Anatrella laquo Adoption et homoparentaliteacute leacuteclairage des droits de lhomme raquo Dr Famille 2003 no 10 p

8-10 agrave lidentique dans un arrecirct du 22 janvier 1992 D 1993 p 119 note J Vassaux la cour dappel de Poitiers a prononceacute ladoption simple dun enfant neacute dune convention de megravere porteuse au motif que laquo cette adoption nest pas seulement conforme agrave linteacuterecirct de lenfant mais encore constitue une neacutecessiteacute qui deacutecoule des reacutealiteacutes de la vie issues derreurs des adultes dont lenfant ne doit pas subir les conseacutequences raquo

(37) G Kessler laquo La consolidation de situations illicites dans linteacuterecirct de lenfant raquo art preacutec eacutetude no 16 M-T Meulders-Klein laquo Le droit agrave lenfant face au droit de lenfant et les procreacuteations meacutedicalement assisteacutees raquo art preacutec p 645

(38) Cass civ 1re 18 mai 2005 Bull civ I no 211 p 179 V Depadt-Sebag laquo Non-lieu dans une affaire de materniteacute pour autrui raquo D 2005 p 476 J Massip laquo Megravere porteuse et deacutecheacuteance de lautoriteacute parentale raquo art preacutec no 216 p 11 F Terreacute Lenfant de lesclave Geacuteneacutetique et droit op cit adde F Terreacute et D Fenouillet Droit civil Les personnes la famille les incapaciteacutes 6e eacuted Preacutecis Dalloz no 926 M Lamarche laquo Inteacuterecirct supeacuterieur de lenfant de ladmission des effets dune convention de megravere porteuse agrave la destruction du droit franccedilais de la filiation raquo Dr Famille novembre 2007 no 11

(39) M Donnier laquo Linteacuterecirct de lenfant raquo D 1959 chron p 27 F Laroche-Gisserot note sous Cass civ 1re 27 mai 1998 D 1998 p 530 F Millet laquo Ladoption dun inteacuterecirct agrave lautre raquo RRJ 2003-3 p 1777 et s A Gouttenoire laquo A chacun sa famille agrave chacun son droit raquo art preacutec Alerte 41

(40) Par la loi no 2007-293 du 5 mars 2007 reacuteformant la protection de lenfance (JO du 6 mars 2007 Defreacutenois 2007 Leacuteg p 282) le leacutegislateur a inteacutegreacute la notion dinteacuterecirct de lenfant dans le Code de laction sociale et des familles Le nouvel article L 112-4 dudit code dispose que laquo Linteacuterecirct de lenfant la prise en compte de ses besoins fondamentaux physiques intellectuels sociaux et affectifs ainsi que le respect de ses droits doivent guider toutes deacutecisions le concernant raquo

(41) Amendement no 48 rect Protection de lenfance no 3184 Assembleacutee nationale 22 deacutecembre 2006 wwwassemblee-nationalefr v aussi sur lensemble de ces questions les consideacuterations tregraves eacuteclairantes de P Murat note sous CA Rennes 4 juillet 2002 D 2002 p 2902 Dr Famille 2002 comm no 142 note P Murat

(42) F Granet-Lambrechts laquo Materniteacutes de substitution filiation et eacutetat civil Panorama europeacuteen raquo Dr Famille no 12 deacutecembre 2007 eacutetude no 34

(43) D Youf Penser les droits de lenfant PUF 2002 p 2

(44) G Cornu La famille 6e eacuted no 7 J Carbonnier Droit civil t 4 Les obligations PUF coll Theacutemis no 372 p 649

(45) D Fenouillet et P de Vareilles-Sommiegraveres La contractualisation du droit de la famille Economica 2001

37

(46) H Gaumont-Prat laquo Pas dadoption pour les enfants issus de convention de megravere porteuse raquo art preacutec p 31

(47) E Poisson-Droccourt laquo Recours agrave une megravere de substitution et refus de ladoption raquo art preacutec p 2001 note sous Cass civ 1re 9 deacutecembre 2003 G Delaisi de Perseval laquo Gestation pour autrui en quecircte de leacutegitimation raquo httpwwwliberationfr

(48) C Neirinck laquo Les filiations eacutelectives agrave leacutepreuve du droit raquo JCP eacuted G 1997 I 4067 E Camuzet laquo La convention de gestation pour autrui une illeacutegaliteacute franccedilaise injustifieacutee raquo art preacutec p 59

(49) J Hauser et D Huet-Weiller Traiteacute de droit civil La famille Fondation et vie de la famille 2e eacuted LGDJ 1993 p 250

(50) B Debreacute et S Agacinski laquo Faut-il leacutegaliser les megraveres porteuses en France raquo art preacutec p 50 C Atias D 1986 chron p 67

Civ 1egravere

13 deacutecembre 1989

Ndeg de pourvoi 88-15655

Publieacute au bulletin

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Attendu selon les juges du fond que lrsquoassociation ldquo Alma Mater ldquo a pour objet de faciliter la

solution des problegravemes qui se posent aux couples dont la femme est steacuterile deacutesireux

drsquoaccueillir un enfant agrave leur foyer et aux ldquo megraveres porteuses ldquo volontaires qursquoil est proposeacute agrave

la ldquo megravere porteuse ldquo drsquoecirctre inseacutemineacutee artificiellement par la semence du mari ou du concubin

de porter et de mettre au monde lrsquoenfant qui sera deacuteclareacute sur les registres de lrsquoeacutetat civil sans

indication du nom de la megravere reconnu par le pegravere et accueilli au foyer de celui-ci en vue de

son adoption par lrsquoeacutepouse ou la compagne que lrsquoassociation intervient tout au long de ce

processus qualifieacute de ldquo precirct drsquouteacuterus ldquo ou de ldquo don drsquoenfant ldquo qursquoainsi apregraves avoir controcircleacute la

reacutealiteacute de la steacuteriliteacute du couple demandeur et des faculteacutes de feacutecondation de la ldquo megravere porteuse

ldquo geacuteneacuteralement recruteacutee par elle lrsquoassociation fait proceacuteder agrave lrsquoinseacutemination surveille la

grossesse et lrsquoaccouchement srsquooccupe de faire diligenter la proceacutedure drsquoadoption qursquoelle

verse ensuite agrave la megravere une somme forfaitaire - qui en 1987 eacutetait fixeacutee agrave 60 000 francs -

remise par le couple demandeur degraves le deacutebut de la grossesse que lrsquoarrecirct confirmatif attaqueacute

(Aix-en-Provence 29 avril 1988) estimant que cette association avait un objet illicite

contraire aux lois et aux bonnes moeurs en a prononceacute la nulliteacute sur le fondement de lrsquoarticle

3 de la loi du 1er juillet 1901

Sur le moyen unique pris en sa premiegravere branche

Attendu que lrsquoassociation ldquo Alma Mater ldquo fait grief agrave la cour drsquoappel drsquoavoir ainsi statueacute alors

que selon le moyen nrsquoest ni illicite ni contraire aux bonnes moeurs lrsquoassociation qui dans un

but humanitaire non lucratif met en relation un couple demandeur dont la femme est steacuterile et

38

une femme qui accepte drsquoecirctre inseacutemineacutee artificiellement par le mari de porter lrsquoenfant et de le

remettre agrave la naissance agrave ce couple qui lrsquoindemnisera des contraintes et de la gecircne occasionneacutee

par la grossesse de sorte que la juridiction du second degreacute aurait violeacute les articles 3 et 7 de la

loi du 1er juillet 1901

Mais attendu qursquoil reacutesulte des constatations des juges du fond que lrsquoobjet mecircme de

lrsquoassociation est de favoriser la conclusion et lrsquoexeacutecution de conventions qui fussent-elles

verbales portent tout agrave la fois sur la mise agrave la disposition des demandeurs des fonctions

reproductrices de la megravere et sur lrsquoenfant agrave naicirctre et sont donc nulles en application de lrsquoarticle

1128 du Code civil que ces conventions contreviennent au principe drsquoordre public de

lrsquoindisponibiliteacute de lrsquoeacutetat des personnes en ce qursquoelles ont pour but de faire venir au monde un

enfant dont lrsquoeacutetat ne correspondra pas agrave sa filiation reacuteelle au moyen drsquoune renonciation et

drsquoune cession eacutegalement prohibeacutees des droits reconnus par la loi agrave la future megravere que

lrsquoactiviteacute de lrsquoassociation qui tend deacutelibeacutereacutement agrave creacuteer une situation drsquoabandon aboutit agrave

deacutetourner lrsquoinstitution de lrsquoadoption de son veacuteritable objet qui est en principe de donner une

famille agrave un enfant qui en est deacutepourvu que crsquoest degraves lors agrave bon droit que lrsquoarrecirct attaqueacute a

deacutecideacute sur le fondement de lrsquoarticle 3 de la loi du 1er juillet 1901 que cette association eacutetait

nulle en raison de lrsquoilliceacuteiteacute de son objet que la premiegravere branche du moyen est donc sans

fondement

Et sur les deuxiegraveme et troisiegraveme branches du moyen

Attendu qursquoil est fait grief agrave la cour drsquoappel de nrsquoavoir pas reacutepondu aux conclusions faisant

valoir drsquoune part que lrsquointerdiction du ldquo don de gestation ldquo constituait une discrimination

fondeacutee sur la naissance contraire aux dispositions de lrsquoarticle 24 du pacte international relatif

aux droits civils et politiques signeacute agrave New York le 19 deacutecembre 1966 et drsquoautre part que ce ldquo

don de gestation ldquo reposait sur le droit leacutegitime de fonder une famille qui implique le droit

drsquoengendrer reconnu tant par lrsquoarticle 12 de la convention europeacuteenne des droits de lrsquohomme

et des liberteacutes fondamentales du 4 novembre 1950 que par lrsquoarticle 23 du pacte international

preacuteciteacute

Mais attendu que la reconnaissance du caractegravere illicite de la materniteacute pour autrui et des

associations qui srsquoefforcent de la promouvoir qui se deacuteduit des principes geacuteneacuteraux du Code

civil et de regravegles qui sont communes agrave toutes les filiations nrsquoest pas de nature agrave instaurer une

discrimination fondeacutee sur la naissance que le droit de se marier et de fonder une famille

reconnu par lrsquoarticle 12 de la convention du 4 novembre 1950 et par lrsquoarticle 23 du pacte

international du 19 deacutecembre 1966 agrave lrsquohomme et agrave la femme en acircge nubile nrsquoimplique pas le

droit de conclure avec un tiers des conventions portant sur le sort drsquoun enfant agrave naicirctre que

par ces motifs de droit reacutepondant aux conclusions invoqueacutees lrsquoarrecirct se trouve leacutegalement

justifieacute et que les deuxiegraveme et troisiegraveme branches du moyen ne peuvent ecirctre accueillies

PAR CES MOTIFS

REJETTE le pourvoi

Publication Bulletin 1989 I Ndeg 387 p 260

Deacutecision attaqueacutee Cour drsquoappel drsquoAix-en-Provence du 29 avril 1988

39

Cour de cassation Assembleacutee pleacuteniegravere

Audience publique du 31 mai 1991

Ndeg de pourvoi 90-20105 Publieacute au bulletin

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Sur le pourvoi dans lrsquointeacuterecirct de la loi formeacute par M le Procureur geacuteneacuteral pregraves la Cour de

Cassation

Vu les articles 6 et 1128 du Code civil ensemble lrsquoarticle 353 du mecircme Code

Attendu que la convention par laquelle une femme srsquoengage fucirct-ce agrave titre gratuit agrave concevoir

et agrave porter un enfant pour lrsquoabandonner agrave sa naissance contrevient tant au principe drsquoordre

public de lrsquoindisponibiliteacute du corps humain qursquoagrave celui de lrsquoindisponibiliteacute de lrsquoeacutetat des

personnes

Attendu selon lrsquoarrecirct infirmatif attaqueacute que Mme X eacutepouse de M Y eacutetant atteinte drsquoune

steacuteriliteacute irreacuteversible son mari a donneacute son sperme agrave une autre femme qui inseacutemineacutee

artificiellement a porteacute et mis au monde lrsquoenfant ainsi conccedilu qursquoagrave sa naissance cet enfant a

eacuteteacute deacuteclareacute comme eacutetant neacute de Y sans indication de filiation maternelle

Attendu que pour prononcer lrsquoadoption pleacuteniegravere de lrsquoenfant par Mme Y lrsquoarrecirct retient

qursquoen lrsquoeacutetat actuel des pratiques scientifiques et des moeurs la meacutethode de la materniteacute

substitueacutee doit ecirctre consideacutereacutee comme licite et non contraire agrave lrsquoordre public et que cette

adoption est conforme agrave lrsquointeacuterecirct de lrsquoenfant qui a eacuteteacute accueilli et eacuteleveacute au foyer de M et

Mme Y pratiquement depuis sa naissance

Qursquoen statuant ainsi alors que cette adoption nrsquoeacutetait que lrsquoultime phase drsquoun processus

drsquoensemble destineacute agrave permettre agrave un couple lrsquoaccueil agrave son foyer drsquoun enfant conccedilu en

exeacutecution drsquoun contrat tendant agrave lrsquoabandon agrave sa naissance par sa megravere et que portant atteinte

aux principes de lrsquoindisponibiliteacute du corps humain et de lrsquoeacutetat des personnes ce processus

constituait un deacutetournement de lrsquoinstitution de lrsquoadoption la cour drsquoappel a violeacute les textes

susviseacutes

PAR CES MOTIFS

CASSE ET ANNULE mais seulement dans lrsquointeacuterecirct de la loi et sans renvoi lrsquoarrecirct rendu le

15 juin 1990 par la cour drsquoappel de Paris

REQUETE DE M LE PROCUREUR GENERAL PRES LA COUR DE CASSATION

Le Procureur geacuteneacuteral pregraves la Cour de Cassation a lrsquohonneur drsquoexposer

- Que par jugement du 28 juin 1989 le tribunal de grande instance de Paris a rejeteacute la requecircte

preacutesenteacutee par Mme X eacutepouse Y tendant agrave lrsquoadoption pleacuteniegravere de lrsquoenfant Z deacuteclareacutee

comme eacutetant neacutee de M Y mari de la requeacuterante sans indication de filiation maternelle

- Que pour ne pas faire droit agrave cette requecircte les premiers juges ont retenu que les eacutepoux Y

pour remeacutedier agrave la steacuteriliteacute de leur couple avaient eu recours agrave lrsquoassociation Alma Mater

aujourdrsquohui dissoute lrsquoenfant eacutetant neacute drsquoune megravere de substitution qui lrsquoa abandonneacute agrave la

naissance pratique deacuteclareacutee illicite

- Que sur appel de Mme Y la premiegravere chambre civile section C de la cour drsquoappel de

Paris a par arrecirct du 15 juin 1990 infirmeacute la deacutecision entreprise et prononceacute lrsquoadoption

pleacuteniegravere solliciteacutee par la requeacuterante

- Qursquoau soutien de leur deacutecision devenue deacutefinitive les juges du second degreacute ont tireacute de nos

principes geacuteneacuteraux relatifs agrave la filiation des regravegles drsquoordre public concernant les contrats et de

40

certaines conventions ou deacuteclarations internationales des conclusions contraires agrave celles

auxquelles eacutetait parvenue votre premiegravere chambre civile de la Cour de Cassation qui dans un

cas de figure pratiquement identique a par arrecirct du 13 deacutecembre 1989 (association Alma

Mater contre procureur geacuteneacuteral Aix-en-Provence) reconnu le caractegravere illicite de la materniteacute

pour autrui et les associations qui srsquoefforcent de la promouvoir

- Qursquoil importe en cette matiegravere particuliegraverement sensible qui touche agrave un deacutelicat problegraveme de

socieacuteteacute et drsquoeacutethique que soit mis fin agrave des divergences jurisprudentielles majeures et que la

seacutecuriteacute juridique soit assureacutee

PAR CES MOTIFS

Vu lrsquoarticle 17 de la loi du 3 juillet 1967 relative agrave la Cour de Cassation

Requiert qursquoil plaise agrave la Cour de Cassation

CASSE ET ANNULE sans renvoi et dans le seul inteacuterecirct de la loi lrsquoarrecirct rendu le 15 juin 1990

par la cour drsquoappel de Paris ayant fait droit agrave la requecircte en adoption pleacuteniegravere preacutesenteacutee par

Mme X eacutepouse Y

Publication Bulletin 1991 AP Ndeg 4 p 5

Deacutecision attaqueacutee Cour drsquoappel de Paris du 15 juin 1990

Page 37: SEANCE_3 Droit Civil Methodologie

37

(46) H Gaumont-Prat laquo Pas dadoption pour les enfants issus de convention de megravere porteuse raquo art preacutec p 31

(47) E Poisson-Droccourt laquo Recours agrave une megravere de substitution et refus de ladoption raquo art preacutec p 2001 note sous Cass civ 1re 9 deacutecembre 2003 G Delaisi de Perseval laquo Gestation pour autrui en quecircte de leacutegitimation raquo httpwwwliberationfr

(48) C Neirinck laquo Les filiations eacutelectives agrave leacutepreuve du droit raquo JCP eacuted G 1997 I 4067 E Camuzet laquo La convention de gestation pour autrui une illeacutegaliteacute franccedilaise injustifieacutee raquo art preacutec p 59

(49) J Hauser et D Huet-Weiller Traiteacute de droit civil La famille Fondation et vie de la famille 2e eacuted LGDJ 1993 p 250

(50) B Debreacute et S Agacinski laquo Faut-il leacutegaliser les megraveres porteuses en France raquo art preacutec p 50 C Atias D 1986 chron p 67

Civ 1egravere

13 deacutecembre 1989

Ndeg de pourvoi 88-15655

Publieacute au bulletin

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Attendu selon les juges du fond que lrsquoassociation ldquo Alma Mater ldquo a pour objet de faciliter la

solution des problegravemes qui se posent aux couples dont la femme est steacuterile deacutesireux

drsquoaccueillir un enfant agrave leur foyer et aux ldquo megraveres porteuses ldquo volontaires qursquoil est proposeacute agrave

la ldquo megravere porteuse ldquo drsquoecirctre inseacutemineacutee artificiellement par la semence du mari ou du concubin

de porter et de mettre au monde lrsquoenfant qui sera deacuteclareacute sur les registres de lrsquoeacutetat civil sans

indication du nom de la megravere reconnu par le pegravere et accueilli au foyer de celui-ci en vue de

son adoption par lrsquoeacutepouse ou la compagne que lrsquoassociation intervient tout au long de ce

processus qualifieacute de ldquo precirct drsquouteacuterus ldquo ou de ldquo don drsquoenfant ldquo qursquoainsi apregraves avoir controcircleacute la

reacutealiteacute de la steacuteriliteacute du couple demandeur et des faculteacutes de feacutecondation de la ldquo megravere porteuse

ldquo geacuteneacuteralement recruteacutee par elle lrsquoassociation fait proceacuteder agrave lrsquoinseacutemination surveille la

grossesse et lrsquoaccouchement srsquooccupe de faire diligenter la proceacutedure drsquoadoption qursquoelle

verse ensuite agrave la megravere une somme forfaitaire - qui en 1987 eacutetait fixeacutee agrave 60 000 francs -

remise par le couple demandeur degraves le deacutebut de la grossesse que lrsquoarrecirct confirmatif attaqueacute

(Aix-en-Provence 29 avril 1988) estimant que cette association avait un objet illicite

contraire aux lois et aux bonnes moeurs en a prononceacute la nulliteacute sur le fondement de lrsquoarticle

3 de la loi du 1er juillet 1901

Sur le moyen unique pris en sa premiegravere branche

Attendu que lrsquoassociation ldquo Alma Mater ldquo fait grief agrave la cour drsquoappel drsquoavoir ainsi statueacute alors

que selon le moyen nrsquoest ni illicite ni contraire aux bonnes moeurs lrsquoassociation qui dans un

but humanitaire non lucratif met en relation un couple demandeur dont la femme est steacuterile et

38

une femme qui accepte drsquoecirctre inseacutemineacutee artificiellement par le mari de porter lrsquoenfant et de le

remettre agrave la naissance agrave ce couple qui lrsquoindemnisera des contraintes et de la gecircne occasionneacutee

par la grossesse de sorte que la juridiction du second degreacute aurait violeacute les articles 3 et 7 de la

loi du 1er juillet 1901

Mais attendu qursquoil reacutesulte des constatations des juges du fond que lrsquoobjet mecircme de

lrsquoassociation est de favoriser la conclusion et lrsquoexeacutecution de conventions qui fussent-elles

verbales portent tout agrave la fois sur la mise agrave la disposition des demandeurs des fonctions

reproductrices de la megravere et sur lrsquoenfant agrave naicirctre et sont donc nulles en application de lrsquoarticle

1128 du Code civil que ces conventions contreviennent au principe drsquoordre public de

lrsquoindisponibiliteacute de lrsquoeacutetat des personnes en ce qursquoelles ont pour but de faire venir au monde un

enfant dont lrsquoeacutetat ne correspondra pas agrave sa filiation reacuteelle au moyen drsquoune renonciation et

drsquoune cession eacutegalement prohibeacutees des droits reconnus par la loi agrave la future megravere que

lrsquoactiviteacute de lrsquoassociation qui tend deacutelibeacutereacutement agrave creacuteer une situation drsquoabandon aboutit agrave

deacutetourner lrsquoinstitution de lrsquoadoption de son veacuteritable objet qui est en principe de donner une

famille agrave un enfant qui en est deacutepourvu que crsquoest degraves lors agrave bon droit que lrsquoarrecirct attaqueacute a

deacutecideacute sur le fondement de lrsquoarticle 3 de la loi du 1er juillet 1901 que cette association eacutetait

nulle en raison de lrsquoilliceacuteiteacute de son objet que la premiegravere branche du moyen est donc sans

fondement

Et sur les deuxiegraveme et troisiegraveme branches du moyen

Attendu qursquoil est fait grief agrave la cour drsquoappel de nrsquoavoir pas reacutepondu aux conclusions faisant

valoir drsquoune part que lrsquointerdiction du ldquo don de gestation ldquo constituait une discrimination

fondeacutee sur la naissance contraire aux dispositions de lrsquoarticle 24 du pacte international relatif

aux droits civils et politiques signeacute agrave New York le 19 deacutecembre 1966 et drsquoautre part que ce ldquo

don de gestation ldquo reposait sur le droit leacutegitime de fonder une famille qui implique le droit

drsquoengendrer reconnu tant par lrsquoarticle 12 de la convention europeacuteenne des droits de lrsquohomme

et des liberteacutes fondamentales du 4 novembre 1950 que par lrsquoarticle 23 du pacte international

preacuteciteacute

Mais attendu que la reconnaissance du caractegravere illicite de la materniteacute pour autrui et des

associations qui srsquoefforcent de la promouvoir qui se deacuteduit des principes geacuteneacuteraux du Code

civil et de regravegles qui sont communes agrave toutes les filiations nrsquoest pas de nature agrave instaurer une

discrimination fondeacutee sur la naissance que le droit de se marier et de fonder une famille

reconnu par lrsquoarticle 12 de la convention du 4 novembre 1950 et par lrsquoarticle 23 du pacte

international du 19 deacutecembre 1966 agrave lrsquohomme et agrave la femme en acircge nubile nrsquoimplique pas le

droit de conclure avec un tiers des conventions portant sur le sort drsquoun enfant agrave naicirctre que

par ces motifs de droit reacutepondant aux conclusions invoqueacutees lrsquoarrecirct se trouve leacutegalement

justifieacute et que les deuxiegraveme et troisiegraveme branches du moyen ne peuvent ecirctre accueillies

PAR CES MOTIFS

REJETTE le pourvoi

Publication Bulletin 1989 I Ndeg 387 p 260

Deacutecision attaqueacutee Cour drsquoappel drsquoAix-en-Provence du 29 avril 1988

39

Cour de cassation Assembleacutee pleacuteniegravere

Audience publique du 31 mai 1991

Ndeg de pourvoi 90-20105 Publieacute au bulletin

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Sur le pourvoi dans lrsquointeacuterecirct de la loi formeacute par M le Procureur geacuteneacuteral pregraves la Cour de

Cassation

Vu les articles 6 et 1128 du Code civil ensemble lrsquoarticle 353 du mecircme Code

Attendu que la convention par laquelle une femme srsquoengage fucirct-ce agrave titre gratuit agrave concevoir

et agrave porter un enfant pour lrsquoabandonner agrave sa naissance contrevient tant au principe drsquoordre

public de lrsquoindisponibiliteacute du corps humain qursquoagrave celui de lrsquoindisponibiliteacute de lrsquoeacutetat des

personnes

Attendu selon lrsquoarrecirct infirmatif attaqueacute que Mme X eacutepouse de M Y eacutetant atteinte drsquoune

steacuteriliteacute irreacuteversible son mari a donneacute son sperme agrave une autre femme qui inseacutemineacutee

artificiellement a porteacute et mis au monde lrsquoenfant ainsi conccedilu qursquoagrave sa naissance cet enfant a

eacuteteacute deacuteclareacute comme eacutetant neacute de Y sans indication de filiation maternelle

Attendu que pour prononcer lrsquoadoption pleacuteniegravere de lrsquoenfant par Mme Y lrsquoarrecirct retient

qursquoen lrsquoeacutetat actuel des pratiques scientifiques et des moeurs la meacutethode de la materniteacute

substitueacutee doit ecirctre consideacutereacutee comme licite et non contraire agrave lrsquoordre public et que cette

adoption est conforme agrave lrsquointeacuterecirct de lrsquoenfant qui a eacuteteacute accueilli et eacuteleveacute au foyer de M et

Mme Y pratiquement depuis sa naissance

Qursquoen statuant ainsi alors que cette adoption nrsquoeacutetait que lrsquoultime phase drsquoun processus

drsquoensemble destineacute agrave permettre agrave un couple lrsquoaccueil agrave son foyer drsquoun enfant conccedilu en

exeacutecution drsquoun contrat tendant agrave lrsquoabandon agrave sa naissance par sa megravere et que portant atteinte

aux principes de lrsquoindisponibiliteacute du corps humain et de lrsquoeacutetat des personnes ce processus

constituait un deacutetournement de lrsquoinstitution de lrsquoadoption la cour drsquoappel a violeacute les textes

susviseacutes

PAR CES MOTIFS

CASSE ET ANNULE mais seulement dans lrsquointeacuterecirct de la loi et sans renvoi lrsquoarrecirct rendu le

15 juin 1990 par la cour drsquoappel de Paris

REQUETE DE M LE PROCUREUR GENERAL PRES LA COUR DE CASSATION

Le Procureur geacuteneacuteral pregraves la Cour de Cassation a lrsquohonneur drsquoexposer

- Que par jugement du 28 juin 1989 le tribunal de grande instance de Paris a rejeteacute la requecircte

preacutesenteacutee par Mme X eacutepouse Y tendant agrave lrsquoadoption pleacuteniegravere de lrsquoenfant Z deacuteclareacutee

comme eacutetant neacutee de M Y mari de la requeacuterante sans indication de filiation maternelle

- Que pour ne pas faire droit agrave cette requecircte les premiers juges ont retenu que les eacutepoux Y

pour remeacutedier agrave la steacuteriliteacute de leur couple avaient eu recours agrave lrsquoassociation Alma Mater

aujourdrsquohui dissoute lrsquoenfant eacutetant neacute drsquoune megravere de substitution qui lrsquoa abandonneacute agrave la

naissance pratique deacuteclareacutee illicite

- Que sur appel de Mme Y la premiegravere chambre civile section C de la cour drsquoappel de

Paris a par arrecirct du 15 juin 1990 infirmeacute la deacutecision entreprise et prononceacute lrsquoadoption

pleacuteniegravere solliciteacutee par la requeacuterante

- Qursquoau soutien de leur deacutecision devenue deacutefinitive les juges du second degreacute ont tireacute de nos

principes geacuteneacuteraux relatifs agrave la filiation des regravegles drsquoordre public concernant les contrats et de

40

certaines conventions ou deacuteclarations internationales des conclusions contraires agrave celles

auxquelles eacutetait parvenue votre premiegravere chambre civile de la Cour de Cassation qui dans un

cas de figure pratiquement identique a par arrecirct du 13 deacutecembre 1989 (association Alma

Mater contre procureur geacuteneacuteral Aix-en-Provence) reconnu le caractegravere illicite de la materniteacute

pour autrui et les associations qui srsquoefforcent de la promouvoir

- Qursquoil importe en cette matiegravere particuliegraverement sensible qui touche agrave un deacutelicat problegraveme de

socieacuteteacute et drsquoeacutethique que soit mis fin agrave des divergences jurisprudentielles majeures et que la

seacutecuriteacute juridique soit assureacutee

PAR CES MOTIFS

Vu lrsquoarticle 17 de la loi du 3 juillet 1967 relative agrave la Cour de Cassation

Requiert qursquoil plaise agrave la Cour de Cassation

CASSE ET ANNULE sans renvoi et dans le seul inteacuterecirct de la loi lrsquoarrecirct rendu le 15 juin 1990

par la cour drsquoappel de Paris ayant fait droit agrave la requecircte en adoption pleacuteniegravere preacutesenteacutee par

Mme X eacutepouse Y

Publication Bulletin 1991 AP Ndeg 4 p 5

Deacutecision attaqueacutee Cour drsquoappel de Paris du 15 juin 1990

Page 38: SEANCE_3 Droit Civil Methodologie

38

une femme qui accepte drsquoecirctre inseacutemineacutee artificiellement par le mari de porter lrsquoenfant et de le

remettre agrave la naissance agrave ce couple qui lrsquoindemnisera des contraintes et de la gecircne occasionneacutee

par la grossesse de sorte que la juridiction du second degreacute aurait violeacute les articles 3 et 7 de la

loi du 1er juillet 1901

Mais attendu qursquoil reacutesulte des constatations des juges du fond que lrsquoobjet mecircme de

lrsquoassociation est de favoriser la conclusion et lrsquoexeacutecution de conventions qui fussent-elles

verbales portent tout agrave la fois sur la mise agrave la disposition des demandeurs des fonctions

reproductrices de la megravere et sur lrsquoenfant agrave naicirctre et sont donc nulles en application de lrsquoarticle

1128 du Code civil que ces conventions contreviennent au principe drsquoordre public de

lrsquoindisponibiliteacute de lrsquoeacutetat des personnes en ce qursquoelles ont pour but de faire venir au monde un

enfant dont lrsquoeacutetat ne correspondra pas agrave sa filiation reacuteelle au moyen drsquoune renonciation et

drsquoune cession eacutegalement prohibeacutees des droits reconnus par la loi agrave la future megravere que

lrsquoactiviteacute de lrsquoassociation qui tend deacutelibeacutereacutement agrave creacuteer une situation drsquoabandon aboutit agrave

deacutetourner lrsquoinstitution de lrsquoadoption de son veacuteritable objet qui est en principe de donner une

famille agrave un enfant qui en est deacutepourvu que crsquoest degraves lors agrave bon droit que lrsquoarrecirct attaqueacute a

deacutecideacute sur le fondement de lrsquoarticle 3 de la loi du 1er juillet 1901 que cette association eacutetait

nulle en raison de lrsquoilliceacuteiteacute de son objet que la premiegravere branche du moyen est donc sans

fondement

Et sur les deuxiegraveme et troisiegraveme branches du moyen

Attendu qursquoil est fait grief agrave la cour drsquoappel de nrsquoavoir pas reacutepondu aux conclusions faisant

valoir drsquoune part que lrsquointerdiction du ldquo don de gestation ldquo constituait une discrimination

fondeacutee sur la naissance contraire aux dispositions de lrsquoarticle 24 du pacte international relatif

aux droits civils et politiques signeacute agrave New York le 19 deacutecembre 1966 et drsquoautre part que ce ldquo

don de gestation ldquo reposait sur le droit leacutegitime de fonder une famille qui implique le droit

drsquoengendrer reconnu tant par lrsquoarticle 12 de la convention europeacuteenne des droits de lrsquohomme

et des liberteacutes fondamentales du 4 novembre 1950 que par lrsquoarticle 23 du pacte international

preacuteciteacute

Mais attendu que la reconnaissance du caractegravere illicite de la materniteacute pour autrui et des

associations qui srsquoefforcent de la promouvoir qui se deacuteduit des principes geacuteneacuteraux du Code

civil et de regravegles qui sont communes agrave toutes les filiations nrsquoest pas de nature agrave instaurer une

discrimination fondeacutee sur la naissance que le droit de se marier et de fonder une famille

reconnu par lrsquoarticle 12 de la convention du 4 novembre 1950 et par lrsquoarticle 23 du pacte

international du 19 deacutecembre 1966 agrave lrsquohomme et agrave la femme en acircge nubile nrsquoimplique pas le

droit de conclure avec un tiers des conventions portant sur le sort drsquoun enfant agrave naicirctre que

par ces motifs de droit reacutepondant aux conclusions invoqueacutees lrsquoarrecirct se trouve leacutegalement

justifieacute et que les deuxiegraveme et troisiegraveme branches du moyen ne peuvent ecirctre accueillies

PAR CES MOTIFS

REJETTE le pourvoi

Publication Bulletin 1989 I Ndeg 387 p 260

Deacutecision attaqueacutee Cour drsquoappel drsquoAix-en-Provence du 29 avril 1988

39

Cour de cassation Assembleacutee pleacuteniegravere

Audience publique du 31 mai 1991

Ndeg de pourvoi 90-20105 Publieacute au bulletin

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Sur le pourvoi dans lrsquointeacuterecirct de la loi formeacute par M le Procureur geacuteneacuteral pregraves la Cour de

Cassation

Vu les articles 6 et 1128 du Code civil ensemble lrsquoarticle 353 du mecircme Code

Attendu que la convention par laquelle une femme srsquoengage fucirct-ce agrave titre gratuit agrave concevoir

et agrave porter un enfant pour lrsquoabandonner agrave sa naissance contrevient tant au principe drsquoordre

public de lrsquoindisponibiliteacute du corps humain qursquoagrave celui de lrsquoindisponibiliteacute de lrsquoeacutetat des

personnes

Attendu selon lrsquoarrecirct infirmatif attaqueacute que Mme X eacutepouse de M Y eacutetant atteinte drsquoune

steacuteriliteacute irreacuteversible son mari a donneacute son sperme agrave une autre femme qui inseacutemineacutee

artificiellement a porteacute et mis au monde lrsquoenfant ainsi conccedilu qursquoagrave sa naissance cet enfant a

eacuteteacute deacuteclareacute comme eacutetant neacute de Y sans indication de filiation maternelle

Attendu que pour prononcer lrsquoadoption pleacuteniegravere de lrsquoenfant par Mme Y lrsquoarrecirct retient

qursquoen lrsquoeacutetat actuel des pratiques scientifiques et des moeurs la meacutethode de la materniteacute

substitueacutee doit ecirctre consideacutereacutee comme licite et non contraire agrave lrsquoordre public et que cette

adoption est conforme agrave lrsquointeacuterecirct de lrsquoenfant qui a eacuteteacute accueilli et eacuteleveacute au foyer de M et

Mme Y pratiquement depuis sa naissance

Qursquoen statuant ainsi alors que cette adoption nrsquoeacutetait que lrsquoultime phase drsquoun processus

drsquoensemble destineacute agrave permettre agrave un couple lrsquoaccueil agrave son foyer drsquoun enfant conccedilu en

exeacutecution drsquoun contrat tendant agrave lrsquoabandon agrave sa naissance par sa megravere et que portant atteinte

aux principes de lrsquoindisponibiliteacute du corps humain et de lrsquoeacutetat des personnes ce processus

constituait un deacutetournement de lrsquoinstitution de lrsquoadoption la cour drsquoappel a violeacute les textes

susviseacutes

PAR CES MOTIFS

CASSE ET ANNULE mais seulement dans lrsquointeacuterecirct de la loi et sans renvoi lrsquoarrecirct rendu le

15 juin 1990 par la cour drsquoappel de Paris

REQUETE DE M LE PROCUREUR GENERAL PRES LA COUR DE CASSATION

Le Procureur geacuteneacuteral pregraves la Cour de Cassation a lrsquohonneur drsquoexposer

- Que par jugement du 28 juin 1989 le tribunal de grande instance de Paris a rejeteacute la requecircte

preacutesenteacutee par Mme X eacutepouse Y tendant agrave lrsquoadoption pleacuteniegravere de lrsquoenfant Z deacuteclareacutee

comme eacutetant neacutee de M Y mari de la requeacuterante sans indication de filiation maternelle

- Que pour ne pas faire droit agrave cette requecircte les premiers juges ont retenu que les eacutepoux Y

pour remeacutedier agrave la steacuteriliteacute de leur couple avaient eu recours agrave lrsquoassociation Alma Mater

aujourdrsquohui dissoute lrsquoenfant eacutetant neacute drsquoune megravere de substitution qui lrsquoa abandonneacute agrave la

naissance pratique deacuteclareacutee illicite

- Que sur appel de Mme Y la premiegravere chambre civile section C de la cour drsquoappel de

Paris a par arrecirct du 15 juin 1990 infirmeacute la deacutecision entreprise et prononceacute lrsquoadoption

pleacuteniegravere solliciteacutee par la requeacuterante

- Qursquoau soutien de leur deacutecision devenue deacutefinitive les juges du second degreacute ont tireacute de nos

principes geacuteneacuteraux relatifs agrave la filiation des regravegles drsquoordre public concernant les contrats et de

40

certaines conventions ou deacuteclarations internationales des conclusions contraires agrave celles

auxquelles eacutetait parvenue votre premiegravere chambre civile de la Cour de Cassation qui dans un

cas de figure pratiquement identique a par arrecirct du 13 deacutecembre 1989 (association Alma

Mater contre procureur geacuteneacuteral Aix-en-Provence) reconnu le caractegravere illicite de la materniteacute

pour autrui et les associations qui srsquoefforcent de la promouvoir

- Qursquoil importe en cette matiegravere particuliegraverement sensible qui touche agrave un deacutelicat problegraveme de

socieacuteteacute et drsquoeacutethique que soit mis fin agrave des divergences jurisprudentielles majeures et que la

seacutecuriteacute juridique soit assureacutee

PAR CES MOTIFS

Vu lrsquoarticle 17 de la loi du 3 juillet 1967 relative agrave la Cour de Cassation

Requiert qursquoil plaise agrave la Cour de Cassation

CASSE ET ANNULE sans renvoi et dans le seul inteacuterecirct de la loi lrsquoarrecirct rendu le 15 juin 1990

par la cour drsquoappel de Paris ayant fait droit agrave la requecircte en adoption pleacuteniegravere preacutesenteacutee par

Mme X eacutepouse Y

Publication Bulletin 1991 AP Ndeg 4 p 5

Deacutecision attaqueacutee Cour drsquoappel de Paris du 15 juin 1990

Page 39: SEANCE_3 Droit Civil Methodologie

39

Cour de cassation Assembleacutee pleacuteniegravere

Audience publique du 31 mai 1991

Ndeg de pourvoi 90-20105 Publieacute au bulletin

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Sur le pourvoi dans lrsquointeacuterecirct de la loi formeacute par M le Procureur geacuteneacuteral pregraves la Cour de

Cassation

Vu les articles 6 et 1128 du Code civil ensemble lrsquoarticle 353 du mecircme Code

Attendu que la convention par laquelle une femme srsquoengage fucirct-ce agrave titre gratuit agrave concevoir

et agrave porter un enfant pour lrsquoabandonner agrave sa naissance contrevient tant au principe drsquoordre

public de lrsquoindisponibiliteacute du corps humain qursquoagrave celui de lrsquoindisponibiliteacute de lrsquoeacutetat des

personnes

Attendu selon lrsquoarrecirct infirmatif attaqueacute que Mme X eacutepouse de M Y eacutetant atteinte drsquoune

steacuteriliteacute irreacuteversible son mari a donneacute son sperme agrave une autre femme qui inseacutemineacutee

artificiellement a porteacute et mis au monde lrsquoenfant ainsi conccedilu qursquoagrave sa naissance cet enfant a

eacuteteacute deacuteclareacute comme eacutetant neacute de Y sans indication de filiation maternelle

Attendu que pour prononcer lrsquoadoption pleacuteniegravere de lrsquoenfant par Mme Y lrsquoarrecirct retient

qursquoen lrsquoeacutetat actuel des pratiques scientifiques et des moeurs la meacutethode de la materniteacute

substitueacutee doit ecirctre consideacutereacutee comme licite et non contraire agrave lrsquoordre public et que cette

adoption est conforme agrave lrsquointeacuterecirct de lrsquoenfant qui a eacuteteacute accueilli et eacuteleveacute au foyer de M et

Mme Y pratiquement depuis sa naissance

Qursquoen statuant ainsi alors que cette adoption nrsquoeacutetait que lrsquoultime phase drsquoun processus

drsquoensemble destineacute agrave permettre agrave un couple lrsquoaccueil agrave son foyer drsquoun enfant conccedilu en

exeacutecution drsquoun contrat tendant agrave lrsquoabandon agrave sa naissance par sa megravere et que portant atteinte

aux principes de lrsquoindisponibiliteacute du corps humain et de lrsquoeacutetat des personnes ce processus

constituait un deacutetournement de lrsquoinstitution de lrsquoadoption la cour drsquoappel a violeacute les textes

susviseacutes

PAR CES MOTIFS

CASSE ET ANNULE mais seulement dans lrsquointeacuterecirct de la loi et sans renvoi lrsquoarrecirct rendu le

15 juin 1990 par la cour drsquoappel de Paris

REQUETE DE M LE PROCUREUR GENERAL PRES LA COUR DE CASSATION

Le Procureur geacuteneacuteral pregraves la Cour de Cassation a lrsquohonneur drsquoexposer

- Que par jugement du 28 juin 1989 le tribunal de grande instance de Paris a rejeteacute la requecircte

preacutesenteacutee par Mme X eacutepouse Y tendant agrave lrsquoadoption pleacuteniegravere de lrsquoenfant Z deacuteclareacutee

comme eacutetant neacutee de M Y mari de la requeacuterante sans indication de filiation maternelle

- Que pour ne pas faire droit agrave cette requecircte les premiers juges ont retenu que les eacutepoux Y

pour remeacutedier agrave la steacuteriliteacute de leur couple avaient eu recours agrave lrsquoassociation Alma Mater

aujourdrsquohui dissoute lrsquoenfant eacutetant neacute drsquoune megravere de substitution qui lrsquoa abandonneacute agrave la

naissance pratique deacuteclareacutee illicite

- Que sur appel de Mme Y la premiegravere chambre civile section C de la cour drsquoappel de

Paris a par arrecirct du 15 juin 1990 infirmeacute la deacutecision entreprise et prononceacute lrsquoadoption

pleacuteniegravere solliciteacutee par la requeacuterante

- Qursquoau soutien de leur deacutecision devenue deacutefinitive les juges du second degreacute ont tireacute de nos

principes geacuteneacuteraux relatifs agrave la filiation des regravegles drsquoordre public concernant les contrats et de

40

certaines conventions ou deacuteclarations internationales des conclusions contraires agrave celles

auxquelles eacutetait parvenue votre premiegravere chambre civile de la Cour de Cassation qui dans un

cas de figure pratiquement identique a par arrecirct du 13 deacutecembre 1989 (association Alma

Mater contre procureur geacuteneacuteral Aix-en-Provence) reconnu le caractegravere illicite de la materniteacute

pour autrui et les associations qui srsquoefforcent de la promouvoir

- Qursquoil importe en cette matiegravere particuliegraverement sensible qui touche agrave un deacutelicat problegraveme de

socieacuteteacute et drsquoeacutethique que soit mis fin agrave des divergences jurisprudentielles majeures et que la

seacutecuriteacute juridique soit assureacutee

PAR CES MOTIFS

Vu lrsquoarticle 17 de la loi du 3 juillet 1967 relative agrave la Cour de Cassation

Requiert qursquoil plaise agrave la Cour de Cassation

CASSE ET ANNULE sans renvoi et dans le seul inteacuterecirct de la loi lrsquoarrecirct rendu le 15 juin 1990

par la cour drsquoappel de Paris ayant fait droit agrave la requecircte en adoption pleacuteniegravere preacutesenteacutee par

Mme X eacutepouse Y

Publication Bulletin 1991 AP Ndeg 4 p 5

Deacutecision attaqueacutee Cour drsquoappel de Paris du 15 juin 1990

Page 40: SEANCE_3 Droit Civil Methodologie

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certaines conventions ou deacuteclarations internationales des conclusions contraires agrave celles

auxquelles eacutetait parvenue votre premiegravere chambre civile de la Cour de Cassation qui dans un

cas de figure pratiquement identique a par arrecirct du 13 deacutecembre 1989 (association Alma

Mater contre procureur geacuteneacuteral Aix-en-Provence) reconnu le caractegravere illicite de la materniteacute

pour autrui et les associations qui srsquoefforcent de la promouvoir

- Qursquoil importe en cette matiegravere particuliegraverement sensible qui touche agrave un deacutelicat problegraveme de

socieacuteteacute et drsquoeacutethique que soit mis fin agrave des divergences jurisprudentielles majeures et que la

seacutecuriteacute juridique soit assureacutee

PAR CES MOTIFS

Vu lrsquoarticle 17 de la loi du 3 juillet 1967 relative agrave la Cour de Cassation

Requiert qursquoil plaise agrave la Cour de Cassation

CASSE ET ANNULE sans renvoi et dans le seul inteacuterecirct de la loi lrsquoarrecirct rendu le 15 juin 1990

par la cour drsquoappel de Paris ayant fait droit agrave la requecircte en adoption pleacuteniegravere preacutesenteacutee par

Mme X eacutepouse Y

Publication Bulletin 1991 AP Ndeg 4 p 5

Deacutecision attaqueacutee Cour drsquoappel de Paris du 15 juin 1990