Séance n° 2 : écriture et alphabet - comediedebethune.org · principales Œuvres de brecht...

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La mère au Palace du 13 au 17 mars mardi et jeudi à 19h30 mercredi, vendredi et samedi à 20h30 de Bertolt Brech traduction et mise en scène : Françoise Delrue avec : Jennifer Barrois, Valérie Szmigielski, Martial Bourlart, François Daujon, Florence Decourcelle, Frédéric Foulon, Stéphane Hainaut, Vincent Lefebvre, Hervé Lemeunier, Thierry Raulin, Valérie Vincent, Ludovic Waroquier musiciens : Casilda Rodriguez, Christian Vasseur scénographie : José Froment, Gustavo Valencia costumes : Dominique Louis lumière : Alexis Duflos directrice des chants : Mirella Giardelli assistantes à la mise en scène : Catherine Baugué, Séverine Ragaine production : La Compagnie de l’Oiseau – Mouche coproduction : La Comédie de Béthune – CDN du Nord – Pas de Calais, Théâtre La Bardane 1

Transcript of Séance n° 2 : écriture et alphabet - comediedebethune.org · principales Œuvres de brecht...

La mère

au Palacedu 13 au 17 marsmardi et jeudi à 19h30mercredi, vendredi et samedi à 20h30

de Bertolt Brechtraduction et mise en scène : Françoise Delrue

avec : Jennifer Barrois, Valérie Szmigielski, Martial Bourlart, François Daujon, Florence Decourcelle, Frédéric Foulon, Stéphane Hainaut, Vincent Lefebvre, Hervé Lemeunier, Thierry Raulin, Valérie Vincent, Ludovic Waroquier

musiciens : Casilda Rodriguez, Christian Vasseur

scénographie : José Froment, Gustavo Valencia

costumes : Dominique Louis

lumière : Alexis Duflos

directrice des chants : Mirella Giardelli

assistantes à la mise en scène : Catherine Baugué, Séverine Ragaine

production : La Compagnie de l’Oiseau – Mouche

coproduction : La Comédie de Béthune – CDN du Nord – Pas de Calais, Théâtre La Bardane

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BRECHT ET LA MERE

1°) Eléments biographiques

a/ Jeunesse - 1898• Né en 1898 à Augsbourg en Bavière.• Elève en rébellion, antimilitariste, il s’inscrit en

médecine pour échapper à la mobilisation.• S’installe à Munich où il rencontre Frank Wedekind,

écrivain et chansonnier.• En 1918, il écrit la première version de Baal (1918), en

réaction contre le théâtre expressionniste1. Il est influencé dans son écriture par le comique bavarois, Karl Valentin. Son goût pour le grotesque et la satire se développe. Il écrit des farces à la manière des soties françaises comme la Noce chez les petits bourgeois.

• Sa deuxième pièce, Tambours dans la nuit (1919), dont le premier titre était Spartakus2, a pour sujet la révolution avortée en Allemagne en 1918.

b/ Berlin - 1921• Brecht vit l’époque dadaïste à Berlin qui va justifier son

penchant pour l’hérésie et la gaieté de l’art. ce n’est pas un adepte de l’art pur.

• Il se lie avec Arnold Bronnen.• Deux théâtres différents coexistent alors à Berlin. Le

Volksbühne (sur le modèle du théâtre Antoine avec des entrées pas chères et l’idée d’un théâtre pour tous) et le Deutsches theater (théâtre luxueux dirigé par Max Reinhardt). Brecht attaque le second.

• Période de vache maigre.• Admiration pour Charlie Chaplin• Ecrit Dans la jungle des villes (1921) et rencontre l’actrice Helene Weigel avec

qui il s’installe.• En 1922, il adapte l’œuvre de Marlowe La Vie d’Edouard II d’Angleterre. C’est

pendant les répétitions que Brecht travaille l’expression corporelle. Il prône l’idée que le geste vaut autant que le texte et ce sera la naissance du théâtre épique. La même année, avec Homme pour homme, il explore une nouvelle forme dramatique avec l’utilisation de chants et de commentaires adressés au public.

• Il a un goût prononcé pour la boxe qui excite le public en développant sa combativité et son esprit d’analyse. Il récompense même un journaliste sportif lors d’une participation à un jury de poésie.

1 Brecht écrit un article dans le journal De Volkswille dans lequel il récuse l’expressionnisme qui a une vision idéaliste de l’homme et dont le faux pathétisme des personnages est contraire à sa conception matérialiste du monde.2 spartakisme ou ligue Spartakus (en allemand Spartakusbund, « ligue Spartakus »), groupe de socialistes révolutionnaires, ancêtre du Parti communiste allemand, formé en 1916 par Karl Liebknecht, Rosa Luxemburg, Franz Mehring et Clara Zetkin.

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• Il a un goût immodéré pour les livres policiers anglais. En effet, ce qui l’intéresse n’est pas la psychologie mais le déroulement logique de l’action.

• Son goût pour le marxisme et son intérêt pour les nouvelles formes le rapproche d’Erwin Piscator (1893 – 1966) qui a travaillé à Volksbühne comme metteur en scène. Il considère la scène comme une tribune politique. Piscator a étudié de nouvelles techniques de mises en scène :

Scènes tournantes Ecrans pour projections de films ou de diapos Plates formes pour des actions simultanées Coulisses mobiles Tapis roulants

Malgré tout Brecht reste sceptique car, selon lui, le décor doit se définir et se montrer comme tel. La machinerie doit être visible. Le décor ne doit pas présenter de perspective. Il montrera les palans et les cintres.

• 1923 : putsch d’Hitler.• En 1928, sa première collaboration avec

Kurt Weil a lieu. Il adapte l’opéra des gueux de John Gay (1728). C’est le fameux Opéra de quat’ sous. C’est un succès phénoménal avec plus de 1000 représentations et une tournée internationale.

La personnalité du criminel Mackie le Surineur est inspirée à la fois par le Macheath de John Gay, l'histoire de Jack l'éventreur et les poèmes de François Villon. Le style défie directement le public de l'époque en ouvrant une

brèche le quatrième mur avec ce que Brecht a appelé la distanciation. Par exemple, des slogans sont projetés sur le mur du fond et les personnages portent parfois des pancartes, ou tournent parfois le dos au public. L'interprétation défie les notions conventionnelles de propriété aussi bien que celles du théâtre. Il pose la question rhétorique centrale, « Qui est le plus grand criminel : celui qui vole une banque ou celui qui en fonde une ? »Le song d'ouverture, La Complainte de Mackie est devenue un standard de jazz grâce à sa reprise par Louis Armstrong et par Ella Fitzgerald sous le titre Mack the Knife.Alabama Song qui acquerra une surprenante popularité dans le monde du rock lorsqu'elle sera reprise par le groupe The Doors, n'est pas tiré de l'Opéra de quat'sous comme beaucoup le croient, mais de l'opéra Grandeur et décadence de la ville de Mahagony des mêmes Bertolt Brecht et Kurt Weill.

• En 1927, il monte Mahagony et met en place la théorie du théâtre épique.• Il condamne la catharsis aristotélicienne de l’identification. Il recherche une

conscience collective et son théâtre didactique est au service d’une révolution.• 1° mai 1929 : la police du gouvernement social démocrate réprime dans le

sang les manifestations ouvrières. Brecht y assite ; il est effrayé.• Il fait des études marxistes. Il comprend que l’idée de masse doit se retrouver

dans le théâtre, d’où la réécriture de certains textes classiques.

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• Il est fasciné par le théâtre Nô3 japonais.• Il sera influencé par Meyerhold4 qui donnera naissance au

Gestus Social.• En 1932, il écrit la Mère.

c/ Exil -1933• En février 1933, Bertolt et sa famille quitte l’Allemagne pour un exil de 15 ans.

Il ira à Prague, Vienne, Zurich, au Danemark puis à Paris et aux Etats-Unis. En France, il retrouvera Thomas Mann et Stefan Zweig. Aux Etats-Unis, il collaborera avec Fritz lang.

• En 1936, 1° emploi du V effekt pour Têtes rondes et têtes pointues.• Interrogé par la commission d’enquête anti-américaine mise en place par le

président Truman, il quittera les Etats-Unis et reviendra en Allemagne

d/ Le retour en Allemagne – 1949• Il est horrifié par ce qu’il voit à Berlin Est.• Il s’installe en RDA.• Il fonde un espoir dans la Chine de Mao.• Il fonde le Berliner Ensemble. Il est réprimandé

officiellement. Ion l’oppose à la théorie de Stanislavski5

qui devient la théorie officielle.• Il meurt en 1956.

3 Le Nô est un art théâtral dramatique hautement stylisé, chanté et dansé, joué le plus souvent masqué, dans lequel la beauté du mouvement et de la voix est à son point culminant. Voilà pour la définition officielle. Traditionnellement, cinq pièces de Nô étaient présentées dans la même journée. Pour contraster avec les pièces dramatiques, des pièces comiques, appelées Kyôgen, étaient jouées entre les pièces de Nô. Ces deux formes évoluèrent côte à côte. On se réfère collectivement aux deux sous le nom de Nôgaku. Les thèmes apportés incluent la piété filiale, l'amour, la jalousie, la vengeance et l'esprit des samouraïs. Tout cela est présenté sous la forme d'une simple émotion, grâce au chant, à la danse et à la musique. Les pièces de Nô n'ont ainsi souvent pas d'intrigue.

4 Vsevolod Emilevitch Meyerhold est né le 28 janvier 1874 à Penza en Russie. De famille allemande, il commence sa carrière avant la Révolution de 1915, d'abord à Moscou, puis à Saint-Pétersbourg. Il met en scène des spectacles de propagande dans des décors constructivistes.Il met au point une méthode révolutionnaire d'entraînement de l'acteur : la biomécanique. Il rejette ainsi la méthode psychologique de Stanislavski (dont il avait été l'élève au Théâtre d'Art de Moscou), en se focalisant sur une approche purement physique. En s'inspirant du théâtre japonais, de la danse, de la commedia dell'arte, et de la rythmique de Jacques-Dalcroze, il invente un jeu d'acteur totalement nouveau qui se veut une rupture totale avec le théâtre bourgeois.Il fera une tournée à Paris en 1930 et, à partir de 1935, au lieu de suivre les directives du régime et de revenir à un théatre classique mêlant mélo et socialisme, il monte des pièces d'avant-garde entre constructivisme et futurisme. Cela lui vaudra les foudres de Staline et lui coûtera la vie.En 1939, il est arrêté, torturé, contraint d'« avouer » sa culpabilité ( on l'accuse de trotskysme et d'espionnage ) et exécuté en secret le 2 février 1940. Sa femme entre-temps est assassinée par des policiers. Il ne sera réhabilité qu'en 1955 et sa famille n'en aura une confirmation officielle qu'en 1988.

5 Celle-ci part d’une expérience profondément vécue par l’acteur qui se retrouve dans une sorte de transe pour s’identifier avec son personnage.

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PRINCIPALES ŒUVRES DE BRECHT

TITRES ANNEESBAAL 1918TAMBOURS DANS LA NUIT 1918DANS LA JUNGLE DES VILLES 1921-1923VIE D’EDOUARD II D’ANGLETERRE 1922HOMME POUR HOMME 1922GRANDEUR ET DECADENCE DE LA VILLE DE MAHAGONNY

1928

L’OPERA DE QUAT’ SOUS 1928SAINTE JEANNE DES ABATTOIRS 1930LA MERE 1932TETES RONDES ET TETES POINTUES 1936MAITRE PUNTILA ET SON VALET MATI 1940LA RESISITIBLE ASCENSION D’ARTURO UI 1941LES VISIONS DE SIMONE MACHARD 1941MERE COURAGE 1941SCHWEIK DANS LA SECONDE GUERRE MONDIALE

1943

LA BONNE AME DE SE-TCHOUAN 1943GALILEO GALILEI 1943LE CERCLE DE CRAIE CAUCASIEN 1945LA VIE DE GALILEE 1947

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2°) Théories brechtiennes

a/ La " distanciation " brechtienne (Verfremdung effekt) d'après B. DortConcept introduit par Brecht pour définir un des fondements de son projet

théâtral, la distanciation est une notion à la frontière de l'esthétique et du politiqueLe principe consiste à faire percevoir un objet, un personnage, un processus, et en même temps à le rendre insolite, étrange.

L'objectif est d'inciter le spectateur à prendre ses distances par rapport à la réalité qui lui est montrée, de solliciter son esprit critique. Le but est d'aviver la conscience. Lorsqu'elle est efficace, la distanciation a un effet " politique " de désaliénation. En ce qui concerne la mise en oeuvre, la distanciation doit défaire l'illusion en soulignant le caractère construit de la réalité représentée.

Les procédés utilisés sont nombreux :• Texte soulignant les contradictions d'un personnage.• Acteur montrant son personnage en même temps qu'il le joue, diction

artificielle, acteur incarnant plusieurs rôles etc...• Utilisation du chant : l'intervention des " songs " différencie nettement l'histoire

et le commentaire de l'histoire.• Récit de l'action : l'action est racontée, il peut y avoir un narrateur, mais

chaque personnage est susceptible de devenir narrateur et donc de s'adresser au public.

• Utilisation de panneaux, volonté de souligner le caractère artificiel du décor, etc.

Dans l'Opéra de quat'sous, Brecht utilise de nombreux procédés de distanciation : les songs, les panneaux, les discours stéréotypés, Peachum " narrateur ", le double dénouement.

b/ Petit lexique brechtien

EPIQUEChez Brecht ne signifie pas un genre littéraire (il parle de drame et de romans épiques), mais l’attitude critique du narrateur vis-à-vis de la fable. Celui-ci raconte et commente l’action sans se confondre avec elle. Il permet ainsi au lecteur ou au spectateur d’observer en adoptant une distance critique et de se faire une opinion. Parlant du théâtre épique, à partir de 1926, Brecht l’oppose surtout aux courants naturalistes et expressionnistes. Il l’appellera un théâtre de l’ère scientifique qui transmet des connaissances pratiques et enseigne une pensée matérialiste capable d’exercer une influence sur la réalité. La distanciation en est la pièce maîtresse.

DIDACTIQUE (pièce -)Parallèlement à ses études marxistes, Brecht écrit des exercices didactiques qui se passent de l’institution du théâtre aussi bien que de son public. Prévus pour des troupes d’amateurs de la jeunesse communiste, leur but est d’expérimenter des comportements collectifs afin de joindre l’action politique à la réflexion morale. L’acteur-spectateur y apprend en enseignant pour cesser d’être consommateur et devenir productif. Les pièces didactiques sont au nombre de six.

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DISTANCIATION (all. Verfremdung)Terme d’inspiration hégélienne que Brecht utilise abondamment à partir de 1936 pour désigner certains procédés épiques. Ceux-ci doivent supprimer ce qu’il y a de généralement connu et patent dans les caractères et les processus sur scène. Rendus ainsi insolites et remarquables, ils ne permettent plus au spectateur de s’y identifier instinctivement et de confondre théâtre et réalité. A mesure que celui-ci reconnaît une situation comme historique, le monde lui apparaîtra transformable : « Désormais le théâtre lui présente le monde pour qu’il s’en saisisse. » Peuvent servir d’effet de distanciation : des intermèdes et des chants interrompant l’action, des pancartes anticipant le récit, des prologues et épilogues ou des apostrophes au public, des gestes et des métaphores, la musique, le décor etc. on trouve déjà bon nombre de ces effets dans le théâtre asiatique ou les farces du Moyen Age.

GESTUS SOCIALL’ensemble des gestes et des comportements, les jeux de physionomie, le langage et l’intonation d’un individu vis-à-vis des autres, qui font transparaître à la fois sa personnalité et sa situation sociale. « Des paroles, des gestes peuvent être remplacés par d’autres paroles, d’autres gestes, sans que le gestus s’en trouve modifié. »

c/ Écrits sur le théâtre de Bertolt Brecht

Deux schémas montrent en quoi la fonction du théâtre épique diffère de celle du théâtre dramatique.

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La forme dramatique du théâtre

est action implique le spectateur dans une action scénique, épuise son activité intellectuelle, lui est occasion de sentiments. Expérience affective. Le spectateur est plongé dans quelque chose. Suggestion. Les sentiments sont conservés tels quels. Le spectateur est à l’intérieur, il participe. L’homme est supposé connu. L’homme immuable. Intérêt passionné pour le dénouement. Une scène pour la suivante. Croissance organique. Déroulement linéaire. Évolution continue. L’homme comme donnée fixe. La pensée détermine l’être. Sentiment.

La forme épique du théâtre

est narration fait du spectateur un observateur mais éveille son activité intellectuelle l’oblige à des décisions Vision du monde. Le spectateur est placé devant quelque chose. Argumentation. Les sentiments sont poussés jusqu’à devenir des connaissances. Le spectateur est placé devant, il étudie. L’homme est l’objet de l’enquête. L’homme qui se transforme et transforme. Intérêt passionné pour le déroulement. Chaque scène pour soi. Montage. Déroulement sinueux. Bonds. L’homme comme procès. L’être social détermine la pensée. Raison.

Le spectateur du théâtre dramatique dit : Oui, cela, je l’ai éprouvé, moi aussi.

C’est ainsi que je suis.C’est chose bien naturelle.

Il en sera toujours ainsi.La douleur de cet être me bouleverse parce qu’il n’y a pas d’issue pour lui.

C’est là du grand art : tout se comprend tout seul.Je pleure avec celui qui pleure, je ris avec celui qui rit.

Le spectateur du théâtre épique dit :

Je n’aurais jamais imaginé une chose pareille.On n’a pas le droit d’agir ainsi.Voilà qui est insolite, c’est à n’en pas croire ses yeux.Il faut que cela cesse.La douleur de cet être me bouleverse parce qu’il y aurait tout de même une issue pour lui.C’est là du grand art : rien ne se comprend tout seul.Je ris de celui qui pleure, je pleure sur celui qui rit.

Source : Brecht (Bertolt), Écrits sur le théâtre 1, trad. par Jean Tailleur et Guy Delfel, Paris, L’Arche, 1953.

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3°) L’après Brecht• Dario Fo : Quant au style, l'improvisation et la

logorhée verbale, les gags, des performances physiques, une logique populaire et des accents régionaux sont la marque de fabrique de son théatre. À noter aussi un remarquable sens de l'économie et d'invention dans l'utilisation de rares accessoires.

Quant au fond, le comique et la satire, la charge sociale sont toujours présents, entrainant fréquemment la censure, qui se révéla particulierement féroce pour une émission télévisée Canzonissima, où le couple Fo-Rame fut médiatiquement lynché, car on tolérait encore qu'ils fassent rire de petites salles de théâtre, mais on s'effrayait du message corrosif qu'ils pourraient faire passer avec les médias.Par conviction "anti-bourgeoise", refusant de poursuivre son rôle de bouffon de la bourgeoisie, ils amenaient le théatre dans les usines et les maisons du peuple, s'inspirant de l'idée du TNP Théatre National Populaire et des pièces de Brecht. Les spectateurs viennent souvent pour la première fois voir une pièce.Après 1968, la compagnie est organisée en coopérative pour éviter les contrôles aussi bien économiques que de la censure. Les spectateurs deviennent des adhérents et chaque pièce est suivie d'un débat.

• Roger Planchon : article intéressant retraçant sa carrière sur le web de l’humanité http://www.humanite.presse.fr/journal/2003-07-12/2003-07-12-375647

• Giorgio Strehler : http://www.ute-net.org/ute/cv_giorg.htm

• Heiner Müller : cf dossier saison dernière à propos de Médée matériau.

• Benno Besson : Disciple de Brecht, ce metteur en scène a réinventé un théâtre allégorique dénonçant le mensonge social.

4°) La Mère – 1932• Pièce écrite à la mémoire de Rosa Luxembourg d’après le

roman de Gorki écrit en exil en 1907.• La première a lieu le jour anniversaire de la mort de Rosa

Luxembourg. Les représentations sont très surveillées et l’actrice principale sera arrêtée lors d’une représentation.

• Ce n’est pas une pièce didactique mais une pièce traditionnelle. Dans ses Remarques sur les pièces, Brecht indique qu’elle est « écrite dans le style des

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pièces didactiques, mais exigeant des comédiens ». Il s’agit d’une « pièce d’un art dramatique non aristotélicien, antimétaphysique, matérialiste. »

• La pièce met en œuvre ce qu’il appelle la petite pédagogie i.e. celle qui est transitoire avant la grande pédagogie qui fait disparaître la notion de spectateur.

• La scène 5 est une scène typiquement épique proche de la technique cinématographique d’Eisenstein.

• Sujet : La Mère est une pièce sur l’éducation, l’initiation, la filiation. C’est le spectacle de l’accouchement d’une conscience, de l’éveil d’un savoir en prise avec le mouvement de l’Histoire. C’est aussi un chemin de vie peu ordinaire, celui d’un apprentissage à l’envers, où le savoir est transmis de la génération montante à l'ancienne, du fils à la mère. La pièce retrace en effet le parcours initiatique de Pélagie Vlassova, une femme russe issue du peuple qui, d’abord hostile au militantisme communiste de son fils, se range petit à petit à ses côtés. Après la mort violente de ce dernier, son action révolutionnaire ira croissant.

• Le processus de transformation du personnage n’est pas psychologique. Le spectateur assiste à un certain nombre de faits qui sont autant de pallier dans sa conversion puis dans son militantisme exacerbé. Exemple : distribution des tracts pour sauver son fils, répression policière violente lors de la manifestation, arrestation puis déportation du fils / phase active d’instruction / phase de militantisme face à l’instituteur, aux voisins, à la propriétaire.

• Dernière phrase « Et jamais devient aujourd’hui. », sorte de pasionaria.

A PROPOS DU SPECTACLE

1°) FRANÇOISE DELRUEFormation Universitaire Maîtrise d'allemand Licence de Lettres modernes + CAPESEtude de l’anglais jusqu’à la licence + séjour 6 mois aux U.S.ADernières mises en scène1999 Rose, la nuit australienne Reprise BETHUNE (CDN Nord-Pas-de-Calais - Studio Théâtre), HENIN-BEAUMONT - PRINTEMPS CULTUREL DU VALENCIENNOIS2000 Bêtes de travail création collective sur le thème du travail avec 4 comédiens, un chorégraphe et un compositeur – ROUBAIX (Gymnase)– reprise à DUNKERQUE, ARMENTIERES, SAINT QUENTIN ET LILLE2001 Le sourire de la Joconde spectacle de Cabaret- coproduction Théâtre du Nord CDN LILLE – en tournée depuis la saison 2001 – 20022002 Batailles de Rainald Goetz – coproduction CDN BETHUNE – coréalisation Le Rose des Vents, Scène Nationale VILLENEUVE D’ASCQ – commande de musique originale – compositeur : Gérard Hourbette –2002 Réouverture Performance au Musée Matisse du CATEAU-CAMBRESIS

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2003 Mademoiselle Braun de Ulrich Hub – coproduction CDN BETHUNE – LE BATEAU- FEU, SCENE NATIONALE DUNKERQUE coréalisation L’oiseau-Mouche RoubaixCréation à DUNKERQUE, au Garage à ROUBAIX, à la Verrière à LILLE, au Studio-Théâtre à BETHUNE

2°) La Compagnie de l’Oiseau moucheLa Compagnie de l’Oiseau-Mouche a été créée en 1978. Les comédiens qui la

composent sont des personnes en situation d’handicap mental. Depuis juin 2001, la compagnie est installée au Garage - Théâtre de l’Oiseau-Mouche à Roubaix.Le théâtre de la compagnie de l’Oiseau-Mouche est d’abord un théâtre d’images, un théâtre gestuel ; ensuite, peu à peu, le texte est introduit. Cette mutation se fait naturellement et accompagne la volonté des comédiens de prendre la parole.Depuis plus de vingt ans, la compagnie de l’Oiseau-Mouche explore le théâtre, son travail se construit autour de rencontres, d’univers particuliers. De ce fait, son théâtre reste inclassable et suscite souvent de l’étonnement, toujours de l’émotion et parfois même de l’agacement.La compagnie de l’Oiseau-Mouche fabrique un théâtre singulier, mais avant tout un théâtre sensible, un théâtre qui va droit à l’humain.http://www.oiseau-mouche.org/Les derniers spectacles

3°) Christian Vasseurhttp://www.christianvasseur.com/

4°) Présentation du spectacle par Françoise DelrueMONTER LA MERE DE BERTOLT BRECHT AVEC LES COMEDIENS DE L’OISEAU-MOUCHE Durant les répétitions de "Mademoiselle Braun", au printemps 2003, nous avons en quelque sorte « résidé » au Garage, chez les comédiens de l’Oiseau-Mouche, nous avons beaucoup échangé à toutes les étapes de notre création, et avec l’équipe de

La Mère Mise en scène et traduction Françoise DelrueLe Roi Lear D’après William Shakespeare, adaptation de Jean Michel Rabeux et Sylvie ReteunaMise en scène Sylvie ReteunaProducteur délégué : Compagnie La SybilleL'Enfant de la jungle Spectacle tout public à partir de 7 ansAdaptation et mise en scène Christophe BihelEt six Gisele(s) ? Chorégraphie et mise en scène Cyril ViallonCoproduction : Compagnie Les CaryatidesNO EXIT Mise en scène Julie Stanzak et Antonio Vigano

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"Mademoiselle Braun", nous avons été bouleversés par la pertinence, la richesse et la charge émotionnelle de ces échanges. Je me sentais prête à tenter l’aventure de travailler ensemble. Je ne me suis pas posé la question du type de travail, de quelle pièce, pouvait convenir aux comédiens de l’Oiseau-Mouche, mais j’avais l’intuition que ce travail devait comporter un geste politique. J’ai imaginé la possibilité d’aborder des textes de cabaret... Je me suis repassé le film des projets qui me tentaient, sur lesquels j’avais des réserves pour passer à l’étape de la concrétisation. "La Mère" de Bertolt Brecht –d’après Gorki devenait un projet pertinent. Par rapport à la dramaturgie brechtienne Lorsqu’on aborde ce dramaturge allemand, on se réfère en premier chef au dogme de la distanciation. Monter Brecht, c’est trouver un traitement scénique dans le respect d’une tradition, rehaussé d’une légère touche contemporaine. La contrainte de l’orthodoxie m’avait jusqu’alors effarouchée. Or avec les comédiens de l’Oiseau-Mouche, cette dimension n’est plus à traiter, elle est posée d’emblée comme essentielle. Leur différence, dans laquelle nous pouvons souvent nous reconnaître, renvoie à la notion de distance et traite de l’exclusion. Sous l’angle de la différence, spécificité des comédiens de l’Oiseau-Mouche Les bases du développement de l’individu sont inscrites dans la pièce, le savoir apparaît comme moyen de s’approprier la connaissance, la pensée, le monde. Le savoir est un mode de pouvoir sur soi, sur sa destinée. L’homme sort de sa passivité, il devient acteur de son destin. Brecht exprime sa foi en l’humanité, la confiance dans le savoir et la science. Les hommes évoluent, progressent, si on a le désir de leur permettre de se développer, de s’épanouir. Nous vivons une époque éclairée dans laquelle on a trouvé les moyens d’exclure des individus en les tenant à distance par un système d’assistance. On leur refuse d’être associés à la vie sociale, en les maintenant dans une forme d’ignorance. Notre société a traité le problème de la différence par la réponse de la mise à distance. Sous l’angle de la politique et de notre actualité sociopolitique La Mère raconte la société russe au début du siècle et elle fait des exclus les héros du drame. La dimension purement didactique et marxiste de la pièce m’intéresse beaucoup moins que la portée philosophique et sociologique. En effet, nous en sommes à une étape de notre évolution sociologique où la pensée du marxisme fondateur, sous le contrecoup d’un d’échec dans son application sociale, est renvoyée à l’Histoire par une société qui attend un renouvellement de la pensée, un refondement sur la base d’une utopie politique réinventée. L’échec historique du communisme ne signifie pas la validité du capitalisme.

Françoise Delrue

5°) Article paru dans L’humanitéBrecht à bonne distance

Spectacle . À Roubaix, la compagnie de l’Oiseau-Mouche présente la Mère dans une mise en scène de Florence Delrue.Roubaix (Nord), envoyée spéciale.Françoise Delrue met en scène la Mère de Bertolt Brecht (1898-1956) avec quatorze comédiens de la compagnie de l’Oiseau-Mouche. C’est bouleversant. Cette troupe permanente se compose de 23 acteurs trop vite rangés dans le tiroir du handicap mental. En pariant sur ces jeunes gens étranges, Françoise Delrue donne une couleur insolite au texte fameux de Brecht tiré du célèbre roman de Maxime Gorki (1868-1936). « Cette pièce parle d’exclusion sociale et eux la subissent aussi, nous dit Florence Delrue. » « Je m’étais demandé quel type de pièce pouvait convenir aux

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comédiens de l’Oiseau-Mouche. J’avais l’intuition que ce travail devait comporter un geste politique », ajoute-t-elle.La Mère fait le récit de la conversion d’une vieille femme, naguère analphabète, à l’idéal révolutionnaire dans la Russie de 1905. Les paysans et les ouvriers subissent exploitation et répression. Des travailleurs s’organisent, distribuent des tracts à la sortie des usines et manifestent. Pélagie Wlassowa, l’héroïne, souffre en silence, convaincue que rien ne peut changer son sort. Son principal souci, c’est de nourrir et protéger son fils Pavel, lequel, est membre du Parti communiste clandestin. La jeune Jennifer Barrois tient le rôle de la vieille dame. Nous l’avions déjà vue et appréciée dans Phèdre, il y a deux ans. Sa voix pudique bien timbrée, la vigueur de ses gestes, les yeux souvent clos, elle passe soudain, à bon escient, de la résignation à la révolte pour l’amour de son fils. C’est que Pélagie Wlassowa, d’instinct, en vient à épouser la cause révolutionnaire. Elle finira par marcher aux côtés des travailleurs en grève en 1917.Face à elle, il y a son fils, Pavel, joué par Stéphane Hainaut, robuste jeune homme au beau visage empreint de tendresse. Il campe un ouvrier féru de lecture, conscient, plein de déférence envers sa mère. Autour d’eux gravitent les camarades joués avec la force du collectif : les épatants Florence Decourcelle et Frédéric Foulon ; l’angélique Vincent Lefebvre ; le très juste Hervé Lemeunier ; Valérie Szmigielski, Valérie Vincent et Ludovic Waroquier qui a, paraît-il, commencé à apprendre à lire durant la pièce. Un grand bravo aussi à Thierry Raulin qui joue l’instituteur. Et quelle belle scène que celle où les ouvriers apprennent à lire et à écrire justement, une craie et une ardoise à la main. Comme le dit encore Florence Delrue : « Les bases du développement de l’individu sont inscrites dans la pièce, le savoir apparaît comme le moyen de s’approprier la connaissance. Le savoir est un mode de pouvoir sur soi, sur sa destinée. L’homme sort de sa passivité, il devient acteur de son destin ». Les rôles du flic, du garde-chiourme, du patron sont tenus par un seul comédien, François Daujon qui a joué le Roi Lear l’an passé et que nous avions vu dans le rôle d’Hyppolite en 2004. Sa frêle ossature est tout entière livrée aux mots qu’il prononce. Il goûte au jeu avec une joie sérieuse, engagé qu’il est de tout son être dans l’action de dire. La mise en scène est rigoureuse qui permet une juste proximité avec tous et chacun. Deux musiciens (Casilda Rodriguez à l’accordéon, Christian Vasseur à la guitare) surplombent la scène, ainsi que Martial Boulart, en bâtonnier et contremaître au fouet. Des chants alternent avec l’action proprement dite. Quant à la distanciation brechtienne, elle n’est plus à privilégier, puisqu’elle est naturelle, consubstantielle même aux interprètes.

Muriel SteinmetzPage imprimée sur http://www.humanite.fr

Dossier réalisé par Philippe Cuomo, professeur missionné à La Comédie de Béthune

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