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Cours de droit de la famille Maïté Saulier Université de Cergy-Pontoise Année universitaire 2016-2017 SÉANCE 10 LA FILIATION PAR PROCRÉATION MÉDICALEMENT ASSISTÉE LA FILIATION ADOPTIVE Objectifs : Comprendre l’établissement de la filiation en cas de PMA avec donneur et sans donneur ; cerner les enjeux des décisions relatives à la gestation pour autrui ; comprendre les différences entre adoption simple et plénière dans leurs conditions comme dans leurs effets ; comprendre comment PMA, GPA et adoption peuvent s’articuler. I. La filiation par assistance médicale à la procréation - Doc. 1. Art. Code de la santé publique - Doc. 2. Art. 311-19 et 311-20 du Code civil - Doc. 3. Civ. 1 ère , 16 mars 2016, n°15-13.427. - Doc. 4. Civ. 1 ère , 19 janvier 2012, Bull. Civ. I, n° 12 – relatif à la règle selon laquelle un embryon doit être conçu avec les gamètes d’au moins un des membres du couple. - Doc. 5. Conseil d’État, 12 nov. 2015, Mme B. – sur l’anonymat du donneur de sperme. - Doc. 6. Avis de la Cour de cassation, 22 sept. 2014 – adoption après une PMA à l’étranger par un couple de femmes. - Doc. 7 : Conseil d’Etat, Ordonnance du 31 mai 2016, relative à l’insémination post-mortem. II. La filiation en cas de convention de maternité pour autrui - Doc. 8. AP, 31 mai 1991 (À la suite de cette décision, les étudiants devront rechercher à quoi correspond un pourvoi « formé dans l’intérêt de la loi). - Doc. 9. Civ. 1 ère , 6 avril 2011, n° 10-19.053. - Doc. 10. AP, 3 juillet 2015 (2 arrêts). - Doc. 11. Conseil d’Etat, ord. du 3 août 2016, n° 401924. III. La filiation par adoption - Doc. 12. Civ. 1 ère , 12 janvier 2011, n0°09-16.527. - Doc. 13. Civ. 1 ère , 20 février 2007, n°06-15. 647.647 - Doc. 14. Cons. Const., QPC 2010-39, 6 octobre 2010. - Doc. 15. Cons. Const., 17 mai 2013 (Extraits)

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Cours de droit de la famille – Maïté Saulier – Université de Cergy-Pontoise – Année universitaire 2016-2017

SÉANCE 10 – LA FILIATION PAR PROCRÉATION MÉDICALEMENT ASSISTÉE – LA FILIATION

ADOPTIVE

Objectifs : Comprendre l’établissement de la filiation en cas de PMA avec donneur et sans donneur ; cerner

les enjeux des décisions relatives à la gestation pour autrui ; comprendre les différences entre adoption simple

et plénière dans leurs conditions comme dans leurs effets ; comprendre comment PMA, GPA et adoption

peuvent s’articuler.

I. La filiation par assistance médicale à la procréation

- Doc. 1. Art. Code de la santé publique

- Doc. 2. Art. 311-19 et 311-20 du Code civil

- Doc. 3. Civ. 1ère, 16 mars 2016, n°15-13.427.

- Doc. 4. Civ. 1ère, 19 janvier 2012, Bull. Civ. I, n° 12 – relatif à la règle selon laquelle un embryon doit

être conçu avec les gamètes d’au moins un des membres du couple.

- Doc. 5. Conseil d’État, 12 nov. 2015, Mme B. – sur l’anonymat du donneur de sperme.

- Doc. 6. Avis de la Cour de cassation, 22 sept. 2014 – adoption après une PMA à l’étranger par un

couple de femmes.

- Doc. 7 : Conseil d’Etat, Ordonnance du 31 mai 2016, relative à l’insémination post-mortem.

II. La filiation en cas de convention de maternité pour autrui

- Doc. 8. AP, 31 mai 1991

(À la suite de cette décision, les étudiants devront rechercher à quoi correspond un pourvoi « formé dans l’intérêt de la loi).

- Doc. 9. Civ. 1ère, 6 avril 2011, n° 10-19.053.

- Doc. 10. AP, 3 juillet 2015 (2 arrêts).

- Doc. 11. Conseil d’Etat, ord. du 3 août 2016, n° 401924.

III. La filiation par adoption

- Doc. 12. Civ. 1ère, 12 janvier 2011, n0°09-16.527.

- Doc. 13. Civ. 1ère, 20 février 2007, n°06-15. 647.647

- Doc. 14. Cons. Const., QPC 2010-39, 6 octobre 2010.

- Doc. 15. Cons. Const., 17 mai 2013 (Extraits)

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Travail à réaliser :

Cas pratiques

Morgane et Clothilde sont en couple depuis trois ans maintenant et ont très rapidement souhaité avoir un

enfant. Récemment, Morgane s’est rendue en Espagne où elle a bénéficié d’un don de sperme. Clothilde

s’inquiète de la filiation de l’enfant à naître, la naissance étant prévue pour le mois de juin 2017. Qu’en pensez-

vous ?

Martine a vécu une belle histoire d’amour avec son mari José, laquelle s’est concrétisée par la naissance d’un

petit garçon, Fabien, en 2003. En 2010, cependant, le couple a connu une crise conjugale et s’est séparé. Le

juge aux affaires familiales a ainsi homologué une convention affirmant que Fabien aurait la résidence

habituelle de Fabien mais qu’un droit de visite et d’hébergement serait confié à José. Quelques mois plus tard,

Martine a rencontré Antoine qui a très vite noué un lien fort avec Fabien. Le jour de Noël 2016, Antoine a

fait un beau cadeau à Fabien : il lui a promis de l’adopter. Antoine vous demande de lui expliquer l’ensemble

des démarches à suivre et l’ensemble des effets que cette procédure aura.

Dissertation

À la suite de la lecture des arrêts intégrés au II de votre fascicule, vous rédigerez l’introduction et le plan

détaillé portant sur la dissertation suivante : La maternité pour autrui en droit français.

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I. LA PROCRÉATION MÉDICALEMENT ASSISTÉE

Doc. 1. Art. Code de la santé publique

Art. L. 2141-1 CSP

L'assistance médicale à la procréation s'entend des pratiques cliniques et biologiques permettant la conception in vitro, la conservation

des gamètes, des tissus germinaux et des embryons, le transfert d'embryons et l'insémination artificielle. La liste des procédés biologiques

utilisés en assistance médicale à la procréation est fixée par arrêté du ministre chargé de la santé après avis de l'Agence de la biomédecine.

Un décret en Conseil d'Etat précise les modalités et les critères d'inscription des procédés sur cette liste. Les critères portent notamment

sur le respect des principes fondamentaux de la bioéthique prévus en particulier aux articles 16 à 16-8 du code civil, l'efficacité, la

reproductibilité du procédé ainsi que la sécurité de son utilisation pour la femme et l'enfant à naître. L'Agence de la biomédecine remet

au ministre chargé de la santé, dans les trois mois après la promulgation de la loi n° 2011-814 du 7 juillet 2011 relative à la

bioéthique, un rapport précisant la liste des procédés biologiques utilisés en assistance médicale à la procréation ainsi que les modalités

et les critères d'inscription des procédés sur cette liste.

Toute technique visant à améliorer l'efficacité, la reproductibilité et la sécurité des procédés figurant sur la liste mentionnée au premier

alinéa du présent article fait l'objet, avant sa mise en œuvre, d'une autorisation délivrée par le directeur général de l'Agence de la

biomédecine après avis motivé de son conseil d'orientation.

Lorsque le conseil d'orientation considère que la modification proposée est susceptible de constituer un nouveau procédé, sa mise en œuvre

est subordonnée à son inscription sur la liste mentionnée au même premier alinéa.

La technique de congélation ultra-rapide des ovocytes est autorisée.

La mise en œuvre de l'assistance médicale à la procréation privilégie les pratiques et procédés qui permettent de limiter le nombre des

embryons conservés. L'Agence de la biomédecine rend compte, dans son rapport annuel, des méthodes utilisées et des résultats obtenus.

La stimulation ovarienne, y compris lorsqu'elle est mise en oeuvre indépendamment d'une technique d'assistance médicale à la

procréation, est soumise à des règles de bonnes pratiques fixées par arrêté du ministre chargé de la santé.

Un arrêté du ministre chargé de la santé, pris sur proposition de l'Agence de la biomédecine, définit les règles de bonnes pratiques

applicables à l'assistance médicale à la procréation avec tiers donneur.

Art. L. 2141-2 CSP

L'assistance médicale à la procréation a pour objet de remédier à l'infertilité d'un couple ou d'éviter la transmission à l'enfant ou à un

membre du couple d'une maladie d'une particulière gravité. Le caractère pathologique de l'infertilité doit être médicalement diagnostiqué.

L'homme et la femme formant le couple doivent être vivants, en âge de procréer et consentir préalablement au transfert des embryons ou

à l'insémination. Font obstacle à l'insémination ou au transfert des embryons le décès d'un des membres du couple, le dépôt d'une requête

en divorce ou en séparation de corps ou la cessation de la communauté de vie, ainsi que la révocation par écrit du consentement par

l'homme ou la femme auprès du médecin chargé de mettre en oeuvre l'assistance médicale à la procréation.

Article L2141-3

Un embryon ne peut être conçu in vitro que dans le cadre et selon les objectifs d'une assistance médicale à la procréation telle que définie à l'article L. 2141-2. Il ne peut être conçu avec des gamètes ne provenant pas d'un au moins des membres du couple.

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Compte tenu de l'état des techniques médicales, les membres du couple peuvent consentir par écrit à ce que soit tentée la fécondation d'un nombre d'ovocytes pouvant rendre nécessaire la conservation d'embryons, dans l'intention de réaliser ultérieurement leur projet parental. Une information détaillée est remise aux membres du couple sur les possibilités de devenir de leurs embryons conservés qui ne feraient plus l'objet d'un projet parental.

Les membres du couple peuvent consentir par écrit à ce que les embryons, non susceptibles d'être transférés ou conservés, fassent l'objet d'une recherche dans les conditions prévues à l'article L. 2151-5.

Un couple dont des embryons ont été conservés ne peut bénéficier d'une nouvelle tentative de fécondation in vitro avant le transfert de ceux-ci sauf si un problème de qualité affecte ces embryons.

Article L2141-4

Les deux membres du couple dont des embryons sont conservés sont consultés chaque année par écrit sur le point de savoir s'ils maintiennent leur projet parental.

S'ils n'ont plus de projet parental ou en cas de décès de l'un d'entre eux, les deux membres d'un couple, ou le membre survivant, peuvent consentir à ce que leurs embryons soient accueillis par un autre couple dans les conditions fixées aux articles L. 2141-5 et L. 2141-6, ou à ce qu'ils fassent l'objet d'une recherche dans les conditions prévues à l'article L. 2151-5, ou à ce qu'il soit mis fin à leur conservation. Dans tous les cas, le consentement ou la demande est exprimé par écrit et fait l'objet d'une confirmation par écrit après un délai de réflexion de trois mois.

Dans le cas où l'un des deux membres du couple consultés à plusieurs reprises ne répond pas sur le point de savoir s'il maintient ou non son projet parental, il est mis fin à la conservation des embryons si la durée de celle-ci est au moins égale à cinq ans. Il en est de même en cas de désaccord des membres du couple sur le maintien du projet parental ou sur le devenir des embryons.

Lorsque les deux membres d'un couple, ou le membre survivant, ont consenti, dans les conditions prévues aux articles L. 2141-5 et L. 2141-6, à l'accueil de leurs embryons et que ceux-ci n'ont pas été accueillis dans un délai de cinq ans à compter du jour où ce consentement a été exprimé par écrit, il est mis fin à la conservation de ces embryons.

Article L2141-5

A titre exceptionnel, les deux membres du couple peuvent consentir par écrit à ce que les embryons conservés soient accueillis par un autre couple dans les conditions prévues à l'article L. 2141-6.

En cas de décès d'un membre du couple, le membre survivant est consulté par écrit sur le point de savoir s'il consent à ce que les embryons conservés soient accueillis par un autre couple dans les conditions prévues à l'article L. 2141-6.

Article L2141-6

A titre exceptionnel, un couple répondant aux conditions prévues à l'article L. 2141-2 et pour lequel une assistance médicale à la procréation sans recours à un tiers donneur ne peut aboutir peut accueillir un embryon. Le couple accueillant l'embryon est préalablement informé des risques entraînés par la mise en oeuvre de l'assistance médicale à la procréation pour l'enfant à naître.

L'accueil de l'embryon est subordonné à une décision de l'autorité judiciaire, qui reçoit préalablement le consentement écrit du couple à l'origine de sa conception. Le juge s'assure que le couple demandeur remplit les conditions prévues à l'article L. 2141-2 et fait procéder à toutes investigations permettant d'apprécier les conditions d'accueil que ce couple est susceptible d'offrir à l'enfant à naître sur les plans familial, éducatif et psychologique. L'autorisation d'accueil est délivrée pour une durée de trois ans renouvelable.

Le couple accueillant l'embryon et celui y ayant renoncé ne peuvent connaître leurs identités respectives.

Toutefois, en cas de nécessité thérapeutique, un médecin pourra accéder aux informations médicales non identifiantes concernant le couple ayant renoncé à l'embryon.

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Aucun paiement, quelle qu'en soit la forme, ne peut être alloué au couple ayant renoncé à l'embryon.

L'accueil de l'embryon est subordonné à des règles de sécurité sanitaire. Ces règles comprennent notamment des tests de dépistage des maladies infectieuses.

Seuls les établissements publics ou privés à but non lucratif autorisés à cet effet peuvent conserver les embryons destinés à être accueillis et mettre en oeuvre la procédure d'accueil.

Article L2141-7

L'assistance médicale à la procréation avec tiers donneur peut être mise en oeuvre lorsqu'il existe un risque de transmission d'une maladie d'une particulière gravité à l'enfant ou à un membre du couple, lorsque les techniques d'assistance médicale à la procréation au sein du couple ne peuvent aboutir ou lorsque le couple, dûment informé dans les conditions prévues à l'article L. 2141-10, y renonce.

Article L2141-8

Un embryon humain ne peut être conçu ni utilisé à des fins commerciales ou industrielles.

Doc. 2 : Art. 311-19 et 311-20 Code civil

Art. 311-19 C. civ.

En cas de procréation médicalement assistée avec tiers donneur, aucun lien de filiation ne peut être établi entre l'auteur du don et l'enfant

issu de la procréation.

Aucune action en responsabilité ne peut être exercée à l'encontre du donneur.

Art. 311-20 C. civ.

Les époux ou les concubins qui, pour procréer, recourent à une assistance médicale nécessitant l'intervention d'un tiers donneur, doivent

préalablement donner, dans des conditions garantissant le secret, leur consentement au juge ou au notaire, qui les informe des conséquences

de leur acte au regard de la filiation.

Le consentement donné à une procréation médicalement assistée interdit toute action aux fins d'établissement ou de contestation de la

filiation à moins qu'il ne soit soutenu que l'enfant n'est pas issu de la procréation médicalement assistée ou que le consentement a été

privé d'effet.

Le consentement est privé d'effet en cas de décès, de dépôt d'une requête en divorce ou en séparation de corps ou de cessation de la

communauté de vie, survenant avant la réalisation de la procréation médicalement assistée. Il est également privé d'effet lorsque l'homme

ou la femme le révoque, par écrit et avant la réalisation de la procréation médicalement assistée, auprès du médecin chargé de mettre en

oeuvre cette assistance.

Celui qui, après avoir consenti à l'assistance médicale à la procréation, ne reconnaît pas l'enfant qui en est issu engage sa responsabilité

envers la mère et envers l'enfant.

En outre, sa paternité est judiciairement déclarée. L'action obéit aux dispositions des articles 329 et 331.

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Doc. 3. Civ. 1ère, 16 mars 2016, n°15-13.427.

Attendu, selon l’arrêt attaqué (Paris, 20 janvier 2015), que P. Y... a été inscrit sur les registres de l’état civil comme né [...] de Mme Y... ; que, par acte du 9 janvier 2013, cette dernière a assigné M. X... devant un tribunal afin de voir établir sa paternité vis-à-vis de l’enfant ;

Sur le premier moyen :

Attendu que M. X... fait grief à l’arrêt de dire qu’il est le père de P. Y... alors, selon le moyen :

1°/ qu’une présomption de filiation n’est attachée par la loi à une procréation médicalement assistée que dans la mesure où elle a été pratiquée dans le cadre et en respectant les conditions fixées par la loi ; que la loi réserve l’assistance médicale à la procréation aux cas d’infertilité du couple ou pour éviter la transmission à l’enfant d’une maladie d’une particulière gravité ; qu’en ne recherchant pas si Mme Y..., qui indiquait avoir interrompu volontairement, à la demande de M. X..., une précédente grossesse, était éligible à la pro-création médicalement assistée et pouvait se prévaloir de la présomption de filiation prévue par la loi, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 2141-1 et suivants du code de la santé publique et 327 et suivants du code civil ;

2°/ que l’homme et la femme qui ont recours à une procréation médicalement assistée doivent former un couple, être animés d’un projet parental et vivre ensemble ; qu’en retenant que même à supposer que M. X... et Mme Y... n’aient pas eu de projet parental et se soient ainsi placés hors du cadre fixé par la loi, la présomption de filiation résultant du recours à une procréation médicalement assistée n’en trouvait pas moins à s’appliquer, la cour d’appel a violé les articles L. 2141-1 et suivants du code de la santé publique et 327 et suivants du code civil ;

3°/ qu’à défaut d’être établie par la présomption résultant du recours régulier à une procréation médicalement assistée, la filiation, hors mariage, s’établit et se conteste par tous moyens ; que la cour d’appel a refusé d’envisager la possibilité d’une conception naturelle évoquée par le docteur Emmanuelli, la considérant comme « inopérante » compte tenu de la stérilité de Mme Y... ; qu’en s’abstenant de recher-cher si Mme Y..., qui indiquait avoir déjà été enceinte, ne pouvait pas avoir conçu P. de façon naturelle, de sorte que cette éventualité était opérante et devait être examinée, au besoin en ordonnant une expertise pour trancher la filiation de l’enfant, la cour d’appel a violé les articles 327 et suivants du code civil ;

Mais attendu que, contrairement aux énonciations du moyen, les juges du fond ne se sont pas fondés sur une présomption de filiation, mais ont retenu, à bon droit, que l’établissement judiciaire de la filiation à la suite d’une procréation médicalement assistée sans tiers donneur obéissait aux règles générales édictées par les articles 327 et suivants du code civil et qu’en application des dispositions du second alinéa de l’article 310-3 du même code, la preuve de la paternité pouvait être apportée par tous moyens ;

Et attendu qu’ayant relevé, par motifs propres et adoptés, que M. X... et Mme Y... avaient entretenu une relation sentimentale à compter de l’année 1997, qu’ils avaient signé un « consentement en vue d’insémination artificielle du couple », que, le 20 avril 2006, M. X... avait donné son accord pour la congélation de son sperme pour permettre à Mme Y... de recourir à la procréation médicalement assistée et que les éléments du dossier établissaient le lien existant entre les gamètes données par M. X..., l’insémination artificielle de Mme Y..., sa grossesse, l’accouchement et la naissance de l’enfant, la cour d’appel, qui a constaté que M. X... ne versait pas le moindre commencement de preuve des prétendues relations intimes de Mme Y... avec d’autres hommes et que celle-ci était suivie pour inferti-lité, en a déduit, procédant à la recherche prétendument omise, que M. X... était le père de l’enfant ;

D’où il suit que le moyen, inopérant en ses deux premières branches, n’est pas fondé pour le surplus ;

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Sur le second moyen :

Attendu que M. X... fait le même grief à l’arrêt alors, selon le moyen :

1°/ que le consentement donné à une procréation médicalement assistée interdit toute action aux fins d’établissement ou de contestation de la filiation à moins qu’il ne soit soutenu que l’enfant n’en est pas issu ; que M. X... contestait que l’enfant soit issu de l’insémination litigieuse ; qu’en retenant qu’il était le père de l’enfant sans rechercher, s’il était issu de la procréation médicalement assistée, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article 311-20 du code civil ;

2°/ que le consentement donné à une procréation médicalement assistée interdit toute action aux fins d’établissement ou de contestation de la filiation à moins que la communauté de vie ait cessé entre le couple quand il y a eu recours ; qu’en ne recherchant pas si Mme Y... et M. X... vivaient ensemble lorsque l’insémination a été pratiquée, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article 311-20 du code civil ;

Mais attendu que la cour d’appel a exactement rappelé, par motifs adoptés, que les dispositions des articles 311-19 et 311-20 du code civil n’étaient pas applicables à l’action en établissement judiciaire de la filiation à la suite d’une procréation médicalement assistée sans tiers donneur, ces textes ne régissant que les procréations médicalement assistées avec tiers donneur ; que le moyen est inopérant ;

PAR CES MOTIFS : REJETTE le pourvoi ;

Doc. 4. Civ. 1ère, 19 janvier 2012

Attendu que Mme X... ayant bénéficié en Espagne d'une fécondation in vitro avec les gamètes d'un donneur et

d'une donneuse, le tribunal des affaires de sécurité sociale de Paris, auquel elle s'était adressée, à la suite d'un refus

de prise en charge par la caisse primaire d'assurance maladie, a transmis, le 28 octobre 2011, à la Cour de cassation

la question suivante :

L'article L. 2141-3 du code de la santé publique, aux termes duquel un embryon ne peut être conçu in vitro avec

des gamètes ne provenant pas d'un au moins des membres du couple, crée-t-il une discrimination à l'égard des

couples dont les deux membres sont stériles en leur interdisant le recours au double don de gamètes et serait -il

dès lors contraire au principe d'égalité devant la loi posé par l'article 6 de la Déclaration des droits de l'homme et

du citoyen, ainsi qu'au principe selon lequel la nation doit garantir à la famille les conditions nécessaires à son

développement résultant du préambule de 1946 ?

Attendu que la disposition contestée qui est susceptible d'entraîner un refus de prise en charge, est applicable au

litige ;

Mais attendu que, dans sa décision n° 94-343/344 DC du 27 juillet 1994, le Conseil constitutionnel a, dans les

motifs et le dispositif, déclaré cette disposition, dans sa rédaction issue de l'article 8 de la loi n° 94-654 du 29 juillet

1994 relative au don et à l'utilisation des éléments et produits du corps humain, à l'assistance médicale à la

procréation et au diagnostic prénatal, alors codifiée à l'article L. 152-3 du code de la santé publique, conforme à la

Constitution ; que n'est survenu aucun changement de circonstances de nature à justifier que la conformité de cette

disposition à la Constitution soit à nouveau examinée par le Conseil constitutionnel ; d'où il suit qu'il n'y a pas lieu

de procéder au renvoi ;

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PAR CES MOTIFS : DIT N'Y AVOIR LIEU A RENVOYER au Conseil constitutionnel la question prioritaire

de constitutionnalité ;

Doc. 5. CE, 12 novembre 2015, Mme B.

Le Conseil d'État statuant au contentieux (Section du contentieux, 10ème et 9ème sous-sections réunies)

Séance du 21 octobre 2015 - Lecture du 12 novembre 2015

Vu la procédure suivante :

Mme A...B..., épouse C..., a demandé au tribunal administratif de Montreuil d’annuler les décisions du 25 juillet

2010 par lesquelles le centre d'études et de conservation des œufs et du sperme (CECOS) Jean Verdier de Bondy

(Seine-Saint-Denis), le centre hospitalier universitaire (CHU) Jean Verdier, le groupe hospitalier universitaire

(GHU) Nord-Jean Verdier et, par leur intermédiaire, l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP) ont

implicitement rejeté ses demandes tendant à la communication de documents et d'informations concernant le

donneur de gamètes à l'origine de sa conception, de leur enjoindre de lui communiquer dans un délai d'un mois,

sous astreinte de 150 euros par jour de retard, les documents et informations litigieux et de condamner l'AP-HP à

lui verser 100 000 euros en réparation des préjudices qu’elle estime avoir subis. Par un jugement n° 1009924 du 14

juin 2012, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.

Par un arrêt n° 12VE02857 du 2 juillet 2013, la cour administrative d’appel de Versailles a rejeté l’appel formé

contre ce jugement par Mme B....

Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire, un mémoire en réplique et un nouveau mémoire

enregistrés les 12 septembre et 11 décembre 2013, le 29 juillet 2014 et le 29 septembre 2015 au secrétariat du

contentieux du Conseil d'Etat, Mme B...demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt ;

2°) de mettre à la charge du CECOS Jean Verdier de Bondy, du CHU Jean Verdier, du GHU Nord-Jean Verdier

et de l'AP-HP la somme de 3 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice

administrative.(…)

Sur la régularité de l’arrêt attaqué :

1. Considérant qu’aux termes de l’article R. 732-2 du code de justice administrative : « La décision est délibérée

hors la présence des parties et du rapporteur public » ; qu’aux termes de l’article R. 741-1 du même code : « (…) la

décision est prononcée en audience publique » ; que, si Mme B...fait état d’un courriel du greffe de la cour

administrative d’appel de Versailles qui l’informait, après la lecture de l’arrêt qu’elle attaque, que la mise en forme

de sa motivation n’était pas achevée, cette circonstance ne permet pas d’établir que les motifs de cet arrêt n’auraient

pas été délibérés avant la lecture de la décision ;

Sur le bien-fondé de l’arrêt attaqué :

2. Considérant, d’une part, qu’aux termes de l’article 2 de la loi du 17 juillet 1978 : « Sous réserve des dispositions

de l'article 6, les autorités mentionnées à l'article 1er sont tenues de communiquer les documents administratifs

qu'elles détiennent aux personnes qui en font la demande (…) » ; qu’en vertu du h) du 2° du I de l’article 6 de la

même loi, les documents administratifs dont la consultation ou la communication porterait atteinte aux secrets

protégés par la loi ne sont pas communicables, le II du même article spécifiant que les documents administratifs

dont la communication porterait atteinte à la protection de la vie privée ou au secret médical ne sont

communicables qu’à l'intéressé ;

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3. Considérant, d’autre part, qu’aux termes de l’article 16-8 du code civil : « Aucune information permettant

d'identifier à la fois celui qui a fait don d'un élément ou d'un produit de son corps et celui qui l'a reçu ne peut être

divulguée. Le donneur ne peut connaître l'identité du receveur ni le receveur celle du donneur. / En cas de nécessité

thérapeutique, seuls les médecins du donneur et du receveur peuvent avoir accès aux informations permettant

l'identification de ceux-ci » ; que l’article 511-10 du code pénal, dont les dispositions sont reproduites à l’article L.

1273-3 du code de la santé publique, réprime « le fait de divulguer une information permettant à la fois d'identifier

une personne ou un couple qui a fait don de gamètes et le couple qui les a reçus » ; qu’aux termes de l’article L.

1211-5 du code de la santé publique : « Le donneur ne peut connaître l’identité du receveur, ni le receveur celle du

donneur. Aucune information permettant d’identifier à la fois celui qui a fait don d’un élément ou d’un produit de

son corps et celui qui l’a reçu ne peut être divulguée. / Il ne peut être dérogé à ce principe d’anonymat qu’en cas

de nécessité thérapeutique » ; que, selon le premier alinéa de l’article L. 1244 6 du même code : « Les organismes

et établissements autorisés dans les conditions prévues à l’article L. 2142-1 fournissent aux autorités sanitaires les

informations utiles relatives aux donneurs. Un médecin peut accéder aux informations médicales non identifiantes

en cas de nécessité thérapeutique concernant un enfant conçu à partir de gamètes issus de don » ; que le dernier

alinéa de l’article L. 1131-1-2, inséré dans ce code par la loi du 7 juillet 2011, dispose que : « Lorsqu’est diagnostiquée

une anomalie génétique grave dont les conséquences sont susceptibles de mesures de prévention, y compris de

conseil génétique, ou de soins chez une personne qui a fait un don de gamètes ayant abouti à la conception d'un

ou plusieurs enfants ou chez l'un des membres d'un couple ayant effectué un don d'embryon, cette personne peut

autoriser le médecin prescripteur à saisir le responsable du centre d'assistance médicale à la procréation afin qu'il

procède à l'information des enfants issus du don dans les conditions prévues au quatrième alinéa », c'est-à-dire par

l’intermédiaire d’un médecin qui porte alors à leur connaissance l'existence d'une information médicale susceptible

de les concerner et les invite à se rendre à une consultation de génétique ; qu’il résulte enfin des trois derniers

alinéas de l’article R. 1244-5 de ce même code, dans leur rédaction alors en vigueur, que le dossier du donneur «

est conservé pour une durée minimale de quarante ans et quel que soit son support sous forme anonyme.

L'archivage est effectué dans des conditions garantissant la confidentialité. / Le donneur doit, avant le recueil ou

le prélèvement des gamètes, donner expressément son consentement à la conservation de ce dossier. / Les

informations touchant à l'identité des donneurs, à l'identification des enfants nés et aux liens biologiques existant

entre eux sont conservées, quel que soit le support, de manière à garantir strictement leur confidentialité. Seuls les

praticiens agréés pour les activités mentionnées au premier alinéa ont accès à ces informations » ;

En ce qui concerne les moyens tirés de ce que le droit interne méconnaît la convention européenne de sauvegarde

des droits de l’homme et des libertés fondamentales :

4. Considérant qu’aux termes de l’article 8 de cette convention : « 1. Toute personne a droit au respect de sa vie

privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d’une autorité publique

dans l’exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu’elle constitue une mesure

qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être

économique du pays, à la défense de l’ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé

ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d’autrui » ; que, selon son article 14 : « La jouissance des

droits et libertés reconnus dans la présente convention doit être assurée, sans distinction aucune, fondée

notamment sur le sexe, la race, la couleur, la langue, la religion, les opinions politiques ou toutes autres opinions,

l’origine nationale ou sociale, l’appartenance à une minorité nationale, la fortune, la naissance ou toute autre

situation. » ;

5. Considérant, en premier lieu, qu’en définissant, aux articles L. 1244-6 et L. 1131-1-2 du code de la santé publique,

l’accès aux données non identifiantes, le législateur a entendu assurer la protection de la santé des personnes issues

d’un don de gamètes, tout en garantissant le respect des droits et libertés d’autrui ; qu’à cet égard, les dispositions

de l’article L. 1244-6 selon lesquelles un médecin peut accéder aux informations médicales non identifiantes en cas

de nécessité thérapeutique doivent s’entendre comme ne faisant pas obstacle à ce que de telles informations soient

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obtenues à des fins de prévention, en particulier dans le cas d’un couple de personnes issues l’une et l’autre de dons

de gamètes ; que si ces données ne sont accessibles qu’au médecin et non à la personne elle-même, la conciliation

des intérêts en cause ainsi opérée et la différence de traitement entre le médecin et toute autre personne relèvent

de la marge d'appréciation que les stipulations précitées de l’article 8 de la convention européenne de sauvegarde

des droits de l’homme et des libertés fondamentales réservent au législateur national, eu égard notamment aux

inconvénients que présenterait la transmission de ces données aux intéressés eux-mêmes par rapport aux objectifs

de protection de la santé, de préservation de la vie privée et de secret médical ;

6. Considérant que, s’agissant des données identifiantes, la règle de l’anonymat répond à l’objectif de préservation

de la vie privée du donneur et de sa famille ; que si cette règle, applicable à tous les dons d’un élément ou d’un

produit du corps, s’oppose à la satisfaction de certaines demandes d’information, elle n’implique par elle-même

aucune atteinte à la vie privée et familiale de la personne ainsi conçue, d’autant qu’il appartient aux seuls parents

de décider de lever ou non le secret sur sa conception ; qu’en écartant, lors de l’adoption de la loi du 7 juillet 2011,

toute modification de la règle de l’anonymat, le législateur s’est fondé sur plusieurs considérations d’intérêt général,

notamment la sauvegarde de l’équilibre des familles et le risque majeur de remettre en cause le caractère social et

affectif de la filiation, le risque d’une baisse substantielle des dons de gamètes, ainsi que celui d’une remise en cause

de l’éthique qui s’attache à toute démarche de don d’éléments ou de produits du corps ;

7. Considérant qu’en interdisant ainsi, sous réserve de ce qui est dit au point 5, la divulgation d’informations sur

les données personnelles d’un donneur de gamètes, le législateur a établi un juste équilibre entre les intérêts en

présence ; que, dès lors, cette interdiction n’est pas incompatible avec les stipulations de l’article 8 de la convention

européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ;

8. Considérant, en second lieu, que si l’article 14 interdit, dans la jouissance des droits et libertés reconnus par la

convention, de traiter de manière différente, sauf justification objective et raisonnable, des personnes placées dans

des situations comparables, l’enfant issu d’un don de gamètes ne se trouve dans une situation analogue, et par suite

comparable, ni à celle des enfants du donneur de gamètes, ni à celle des enfants du couple receveur ; que par suite,

aucune discrimination, au sens de ces stipulations, ne frappe l’enfant issu d’un don de gamètes en matière d’accès

à de telles données ;

9. Considérant qu’il résulte de ce qui précède que la cour n’a pas commis d’erreur de droit en écartant les moyens

de Mme B...tirés de la méconnaissance, par les règles nationales qui lui ont été appliquées, des stipulations des

articles 8 et 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ;

En ce qui concerne le moyen tiré du non respect de l’article L. 213-2 du code du patrimoine :

10. Considérant qu’aux termes du dernier alinéa de l’article 6 de la loi du 17 juillet 1978 : « Les documents

administratifs non communicables au sens du présent chapitre deviennent consultables au terme des délais et dans

les conditions fixés par les articles L. 213-1 et L. 213-2 du code du patrimoine » ; qu’il résulte du I de ce dernier

article que, par dérogation aux dispositions de l’article L. 213-1 posant le principe selon lequel les archives publiques

sont communicables de plein droit, ce droit est ouvert « à l'expiration d'un délai de (…) / 2° Vingt-cinq ans à

compter de la date du décès de l'intéressé, pour les documents dont la communication porte atteinte au secret

médical. Si la date du décès n'est pas connue, le délai est de cent vingt ans à compter de la date de naissance de la

personne en cause ; / 3° Cinquante ans à compter de la date du document ou du document le plus récent inclus

dans le dossier, pour les documents dont la communication porte atteinte (…) à la protection de la vie privée (…)

» ;

11. Considérant que la requérante soutenait devant la cour que le refus de lui communiquer la date de naissance

du donneur de gamètes à l’origine de sa conception faisait obstacle à l’exercice de son droit d’accès aux archives,

faute de pouvoir déterminer le régime de délais d’accès applicable aux documents dont elle demandait

communication ; qu’il est toutefois constant que, compte tenu de son âge, les documents relatifs au donneur de

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gamètes à l’origine de sa conception dont elle demandait communication ont été élaborés il y a moins de cinquante

ans et que cette communication porterait atteinte à la vie privée des personnes qu’ils concernent ; qu’ainsi, le délai

prévu au 3° de l’article L. 213-2 du code du patrimoine au terme duquel, si aucun autre texte n’y fait obstacle, leur

communication devient possible n’était, en tout état de cause, pas expiré lors de la demande ; que ce motif doit

être substitué à celui par lequel la cour a écarté le moyen tiré de ce que le refus de communication opposé à Mme

B...faisait obstacle à l’exercice de son droit d’accès aux archives ;

En ce qui concerne le moyen tiré de l’interdiction du mariage entre frère et sœur :

12. Considérant qu’il résulte de ce qui a été dit ci-dessus que les dispositions législatives citées plus haut faisaient

obstacle à ce que Mme B...ait accès aux documents dont elle demandait la communication ; qu’elle ne saurait, dès

lors, se prévaloir utilement des dispositions du code civil interdisant le mariage entre frère et sœur, impliquant

également la prohibition du mariage entre demi-frère et demi-sœur, pour soutenir que le refus qui lui a été opposé

- dont il est constant qu’il faisait suite à une demande présentée directement et non par l’intermédiaire d’un médecin

- serait entaché d’illégalité ; que ce motif doit être substitué à celui par lequel la cour a écarté le moyen de la

requérante ;

13. Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède que le pourvoi de Mme B... dirigé contre l’arrêt de la cour

administrative d’appel de Versailles du 2 juillet 2013 doit être rejeté, y compris ses conclusions présentées au titre

des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;D E C I D E :

Article 1er : Le pourvoi de Mme B...est rejeté.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à Mme A...B..., épouse C..., au centre d'études et de conservation des

œufs et du sperme (CECOS) Jean Verdier de Bondy (Seine-Saint-Denis), au centre hospitalier universitaire (CHU)

Jean Verdier, au groupe hospitalier universitaire (GHU) Nord-Jean Verdier et à l'Assistance publique-Hôpitaux de

paris (AP-HP) .

Doc. 6. Avis de la Cour de cassation, 22 septembre 2014, n° 15 010 et 15 011

Avis n°15010

Vu les articles L.441-1 et suivants du code de l’organisation judiciaire et 1031-1 et suivants du code de procédure civile,

Vu la demande d’avis formulée le 19 juin 2014 par le tribunal de grande instance d’Avignon, reçue le 30 juin 2014, dans une instance introduite par Mme X... aux fins d’adoption plénière de l’enfant de sa conjointe, et ainsi libellée :

“L’accès à la procréation médicalement assistée, sous forme d’un recours à une insémination artificielle avec don-neur inconnu à l’étranger par un couple de femmes est-il de nature, dans la mesure où cette assistance ne lui est pas ouverte en France, en application de l’article L.2141-2 du code de la santé publique, à constituer une fraude à la loi sur l’adoption, et notamment aux articles 343 et 345-1 du code civil, et au code de la santé publique, empê-chant que soit prononcée une adoption de l’enfant né de cette procréation par l’épouse de la mère biologique ?”

Vu les observations écrites déposées par la SCP Thouin-Palat et Boucard pour Mme X... et Mme Y... ;

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Vu les observations écrites déposées par Me Corlay pour les associations Juristes pour l’enfance et l’Agence euro-péenne des adoptés ;

Sur le rapport de Mme Le Cotty, conseiller référendaire, et les conclusions de M. Sarcelet, avocat général, entendu en ses conclusions orales ;

EST D’AVIS QUE :

Le recours à l’assistance médicale à la procréation, sous la forme d’une insémination artificielle avec donneur ano-nyme à l’étranger, ne fait pas obstacle au prononcé de l’adoption, par l’épouse de la mère, de l’enfant né de cette procréation, dès lors que les conditions légales de l’adoption sont réunies et qu’elle est conforme à l’intérêt de l’enfant.

Avis n°15011

Vu les articles L.441-1 et suivants du code de l’organisation judiciaire et 1031-1 et suivants du code de procédure civile,

Vu la demande d’avis formulée le 23 juin 2014 par le tribunal de grande instance de Poitiers, reçue le 27 juin 2014, dans une instance introduite par Mme X... épouse Y... aux fins d’adoption plénière de l’enfant de sa conjointe, et ainsi libellée :

“Le recours à la procréation médicalement assistée, sous forme d’un recours à une insémination artificielle avec donneur inconnu à l’étranger par un couple de femmes, dans la mesure où cette assistance ne leur est pas ouverte en France, conformément à l’article L.2141-2 du code de la santé publique, est-il de nature à constituer une fraude à la loi empêchant que soit prononcée une adoption de l’enfant né de cette procréation par l’épouse de la mère ?

L’intérêt supérieur de l’enfant et le droit à la vie privée et familiale exigent-ils au contraire de faire droit à la demande d’adoption formulée par l’épouse de la mère de l’enfant ?”

Vu les observations écrites déposées par Me Corlay pour les associations Juristes pour l’enfance et l’Agence euro-péenne des adoptés ;

Sur le rapport de Mme Le Cotty, conseiller référendaire, et les conclusions de M. Sarcelet, avocat général, entendu en ses conclusions orales ;

EST D’AVIS QUE :

Le recours à l’assistance médicale à la procréation, sous la forme d’une insémination artificielle avec donneur ano-nyme à l’étranger, ne fait pas obstacle au prononcé de l’adoption, par l’épouse de la mère, de l’enfant né de cette procréation, dès lors que les conditions légales de l’adoption sont réunies et qu’elle est conforme à l’intérêt de l’enfant.

Doc. 7. Conseil d’Etat, 31 mai 2016, ord. n°393881. (étudié lors de votre semestre d’introduction au droit, relatif à l’insémination post-mortem).

Le Conseil d'Etat statuant au contentieux sur le rapport de la 10ème chambre de la section du contentieux Séance du 27 mai 2016 - Lecture du 31 mai 2016

Vu la procédure suivante :

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Mme D...C...A...a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Paris, sur le fondement de l’article L. 521-2 du code de justice administrative, d’enjoindre à l’Assistance publique - Hôpitaux de Paris et à l’Agence de la biomédecine de prendre toutes mesures afin de permettre l’exportation des gamètes de son mari, décédé, vers un établissement de santé espagnol autorisé à pratiquer les procréations médicalement assistées.

Par une ordonnance n° 1601133/9 du 25 janvier 2016, statuant sur le fondement de l’article L. 522-3 du code de justice administrative, le juge des référés du tribunal administratif de Paris a rejeté cette demande.

Par un pourvoi, enregistré le 8 février 2016 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, Mme C...A...demande au Conseil d’Etat : 1°) d’annuler cette ordonnance ; 2°) statuant comme juge des référés, de faire droit à sa demande.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu : - la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ; - le code de la santé publique ; - le code de justice administrative.

Après avoir entendu en séance publique : - le rapport de M. Vincent Villette, auditeur, - les conclusions de Mme Aurélie Bretonneau, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Gadiou, Chevallier, avocat de Mme C...A..., à la SCP Piwnica, Molinié, avocat de l'Agence de la biomédecine et à la SCP Didier, Pinet, avocat de l'Assistance publique - Hôpitaux de Paris ;

Considérant ce qui suit :

Sur l’office du juge des référés : (non reproduit).

Sur les circonstances de l’affaire et sur l’ordonnance attaquée : 3. Il ressort des pièces du dossier soumis au juge des référés que M. B... a procédé à un dépôt de gamètes dans le centre d’étude et de conservation des œufs et du sperme de l’hôpital Tenon, établissement qui relève de l’Assistance publique - Hôpitaux de Paris. M. B... est décédé le 9 juillet 2015. Sa veuve, Mme C...A..., a demandé que les gamètes de son époux, conservés dans cet hôpital, soient transférés en Espagne. Par une décision du 26 août 2015, le chef du service de biologie de la reproduction et centre d’études et de conservation des œufs et du sperme à l’hôpital Tenon l’a informée du refus opposé par l’Agence de la biomédecine à cette demande. Mme C...A...a saisi de ce refus le juge des référés du tribunal administratif de Paris. Ce juge, statuant sur le fondement de l’article L. 522-3 du code de justice administrative, a rejeté comme manifestement mal fondée sa demande tendant à ce qu’il enjoigne à l’Agence de la biomédecine et à l’Assistance publique – Hôpitaux de Paris de prendre toutes mesures permettant un tel transfert. Mme C...A...se pourvoit en cassation contre l’ordonnance de ce juge.

4. Il résulte de ce qui a été dit au point 2 que le juge des référés du tribunal administratif de Paris a commis une erreur de droit en rejetant, sur le fondement de l’article L. 522-3 du code de justice administrative, la demande qui lui était présentée, au seul motif qu’il ne lui appartenait pas de se prononcer, eu égard à son office, sur l’exis-tence d’une atteinte grave et manifestement illégale au droit au respect de la vie privée de la requérante, garanti par l’article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, dès lors qu’une telle atteinte aurait été la conséquence nécessaire de la mise en oeuvre de dispositions législatives du code de la santé publique. Par conséquent, Mme C...A...est fondée, sans qu’il soit besoin d’examiner l’autre moyen de son pourvoi, à demander l’annulation de l’ordonnance qu’elle attaque.

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5. Il y a lieu, dans les circonstances de la présente affaire, de régler en application des dispositions de l’article L. 821-2 du code de justice administrative le litige au titre de la procédure de référé engagée par Mme C...A....

Sur la demande présentée au juge des référés : 6. Aux termes de l’article L. 2141-2 du code de la santé publique : « L'assistance médicale à la procréation a pour objet de remédier à l'infertilité d'un couple ou d'éviter la transmission à l'enfant ou à un membre du couple d'une maladie d'une particulière gravité. Le caractère pathologique de l'infertilité doit être médicalement diagnostiqué. / L'homme et la femme formant le couple doivent être vivants, en âge de procréer et consentir préalablement au transfert des embryons ou à l'insémination. Font obstacle à l'insémination ou au transfert des embryons le décès d'un des membres du couple, le dépôt d'une requête en divorce ou en séparation de corps ou la cessation de la communauté de vie, ainsi que la révocation par écrit du consentement par l'homme ou la femme auprès du médecin chargé de mettre en œuvre l'assistance médicale à la procréation. ». L’article L. 2141-11 de ce même code dispose : « Toute personne dont la prise en charge médicale est susceptible d'altérer la fertilité, ou dont la fertilité risque d'être prématurément altérée, peut bénéficier du recueil et de la conservation de ses gamètes ou de ses tissus germinaux, en vue de la réalisation ultérieure, à son bénéfice, d'une assistance médicale à la procréation, ou en vue de la préservation et de la restauration de sa fertilité. Ce recueil et cette conservation sont subordonnés au consentement de l'intéressé et, le cas échéant, de celui de l'un des titulaires de l'autorité parentale, ou du tuteur, lorsque l'intéressé, mineur ou majeur, fait l'objet d'une mesure de tutelle. / Les procédés biologiques utilisés pour la conservation des gamètes et des tissus germinaux sont inclus dans la liste prévue à l'article L. 2141-1, selon les conditions déterminées par cet article. ». Il résulte de ces dispositions qu’en principe, le dépôt et la conservation des gamètes ne peuvent être autorisés, en France, qu’en vue de la réalisation d’une assistance médicale à la procréation entrant dans les prévisions légales du code de la santé publique.

7. En outre, en vertu des dispositions de l’article L. 2141-11-1 de ce même code : « L'importation et l'exportation de gamètes ou de tissus germinaux issus du corps humain sont soumises à une autorisation délivrée par l'Agence de la biomédecine. / Seul un établissement, un organisme ou un laboratoire titulaire de l'autorisation prévue à l'article L. 2142-1 pour exercer une acti-vité biologique d'assistance médicale à la procréation peut obtenir l'autorisation prévue au présent article. / Seuls les gamètes et les tissus germinaux recueillis et destinés à être utilisés conformément aux normes de qualité et de sécurité en vigueur, ainsi qu'aux prin-cipes mentionnés aux articles L. 1244-3, L. 1244-4, L. 2141-2, L. 2141-3, L. 2141-7 et L. 2141-11 du présent code et aux articles 16 à 16-8 du code civil, peuvent faire l'objet d'une autorisation d'importation ou d'exportation. / Toute violation des pres-criptions fixées par l'autorisation d'importation ou d'exportation de gamètes ou de tissus germinaux entraîne la suspension ou le re-trait de cette autorisation par l'Agence de la biomédecine. ».

8. Les dispositions mentionnées aux points 6 et 7 ne sont pas incompatibles avec les stipulations de la conven-tion européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales et, en particulier, de son ar-ticle 8.

D’une part en effet, à la différence de la loi espagnole qui autorise l’utilisation des gamètes du mari, qui y a préala-blement consenti, dans les douze mois suivant son décès pour réaliser une insémination au profit de sa veuve, l’article L. 24141-2 du code de la santé publique prohibe expressément une telle pratique. Cette interdiction relève de la marge d’appréciation dont chaque Etat dispose, dans sa juridiction, pour l’application de la convention euro-péenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales et elle ne porte pas, par elle-même, une atteinte disproportionnée au droit au respect de la vie privée et familiale, tel qu’il est garanti par les stipulations de l’article 8 de cette convention.

D’autre part, l’article L. 2141-11-1 de ce même code interdit également que les gamètes déposés en France puissent faire l’objet d’une exportation, s’ils sont destinés à être utilisés, à l’étranger, à des fins qui sont prohibées sur le territoire national. Ces dernières dispositions, qui visent à faire obstacle à tout contournement des dispositions de l’article L. 2141-2, ne méconnaissent pas davantage par elles-mêmes les exigences nées de l’article 8 de cette con-vention.

9. Toutefois, la compatibilité de la loi avec les stipulations de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ne fait pas obstacle à ce que, dans certaines circonstances particulières, l’application de dispositions législatives puisse constituer une ingérence disproportionnée dans les droits garantis

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par cette convention. Il appartient par conséquent au juge d’apprécier concrètement si, au regard des finalités des dispositions législatives en cause, l’atteinte aux droits et libertés protégés par la convention qui résulte de la mise en œuvre de dispositions, par elles-mêmes compatibles avec celle-ci, n’est pas excessive.

10. Dans la présente affaire, il y a lieu pour le Conseil d’Etat statuant comme juge des référés, d’apprécier si la mise en œuvre de l’article L. 2141-11-1 du code de la santé publique n’a pas porté une atteinte manifestement excessive au droit au respect de la vie privée et familiale de Mme C...A..., garanti par l’article 8 de la convention européenne de sauvergarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales.

11. Il résulte de l’instruction que Mme C... A...et M. B...avaient formé, ensemble, le projet de donner naissance à un enfant. En raison de la grave maladie qui l’a touché, et dont le traitement risquait de le rendre stérile, M. B...a procédé, à titre préventif, à un dépôt de gamètes dans le centre d’étude et de conservation des œufs et du sperme de l’hôpital Tenon, afin que Mme C...A...et lui-même puissent, ultérieurement, bénéficier d’une assistance médicale à la procréation. Mais ce projet, tel qu’il avait été initialement conçu, n’a pu aboutir en raison de la détérioration brutale de l’état de santé de M. B..., qui a entraîné son décès le 9 juillet 2015. Il est, par ailleurs, établi que M. B... avait explicitement consenti à ce que son épouse puisse bénéficier d’une insémination artificielle avec ses gamètes, y compris à titre posthume en Espagne, pays d’origine de Mme C...A..., si les tentatives réalisées en France de son vivant s’avéraient infructueuses. Dans les mois qui ont précédé son décès, il n’était, toutefois, plus en mesure, en raison de l’évolution de sa pathologie, de procéder, à cette fin, à un autre dépôt de gamètes en Espagne. Ainsi, seuls les gamètes stockés en France dans le centre d’étude et de conservation des œufs et du sperme de l’hôpital Tenon sont susceptibles de permettre à Mme C...A..., qui réside désormais en Espagne, d’exercer la faculté, que lui ouvre la loi espagnole de poursuivre le projet parental commun qu’elle avait formé, dans la durée et de manière réfléchie, avec son mari. Dans ces conditions et en l’absence de toute intention frauduleuse de la part de la requé-rante, dont l’installation en Espagne ne résulte pas de la recherche, par elle, de dispositions plus favorables à la réalisation de son projet que la loi française, mais de l’accomplissement de ce projet dans le pays où demeure sa famille qu’elle a rejointe, le refus qui lui a été opposé sur le fondement des dispositions précitées du code de la santé publique - lesquelles interdisent toute exportation de gamètes en vue d’une utilisation contraire aux règles du droit français - porte, eu égard à l’ensemble des circonstances de la présente affaire, une atteinte manifestement excessive à son droit au respect de la vie privée et familiale protégé par les stipulations de l’article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales. Il porte, ce faisant, une atteinte grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale.

12. La loi espagnole n’autorise le recours à une insémination en vue d’une conception posthume que dans les douze mois suivant la mort du mari. Dès lors, la condition d’urgence particulière prévue par les dispositions de l’article L. 521-2 du code de justice administrative est remplie.

13. Il résulte de ce qui précède qu’il y a lieu d’enjoindre à l’Assistance publique - Hôpitaux de Paris et à l’Agence de la biomédecine de prendre toutes les mesures nécessaires afin de permettre l’exportation des gamètes de M. B...vers un établissement de santé espagnol autorisé à pratiquer les procréations médicalement assistées, dans un délai de sept jours à compter de la notification de la présente décision.

D E C I D E : Article 1er : L’ordonnance du juge des référés du tribunal administratif de Paris du 25 janvier 2016 est annulée. Article 2 : Il est enjoint à l’Assistance publique - Hôpitaux de Paris et à l’Agence de la biomédecine de prendre toutes mesures afin de permettre l’exportation des gamètes litigieux vers un établissement de santé espagnol autorisé à pratiquer les procréations médicalement assistées, dans un délai de sept jours à compter de la notifica-tion de la présente décision. Article 3 : Les conclusions présentées au titre des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administra-tive sont rejetées. Article 4 : La présente décision sera notifiée à Mme D...C...A..., à l’Assistance publique – Hôpitaux de Paris et à l’Agence de la biomédecine. Copie en sera adressée à la ministre des affaires sociales

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NB : Deux tribunaux administratifs ont rendu des décisions en ce domaine depuis l’ordonnance du Conseil d’Etat :

Tribunal administratif de Rennes, 11 octobre 2016 : dans ce jugement, le tribunal affirme que le refus opposé à une épouse de se voir restituer les gamètes de son mari décédé « porte en l’espèce une atteinte manifestement excessive au droit de la requérante au respect de sa vie privée et familiale, en particulier à son droit et à celui de son époux défunt au respect de leur décision de devenir parents, protégé par les stipulations de l’article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales ».

Tribunal administratif de Toulouse, 13 octobre 2016 : dans ce jugement, les juges ne relèvent pas de circons-tances particulières de nature à faire droit à la demande : « compte tenu des intérêts légitimes qui fondent la législation française en matière d’insémination post mortem, il ne ressort pas des pièces du dossier que l’atteinte portée à la décision attaquée au droit de Mme D. au respect de sa vie privée et familiale soit excessive ».

Sans appréciation sur le fond, on remarquera combien l’introduction du contrôle de proportionnalité ou contrôle concret de conventionnalité modifie l’application des règles de droit en matière familiale.

II. LA GESTATION POUR AUTRUI

Doc. 8. A.P., 31 mai 1991

Sur le pourvoi dans l'intérêt de la loi formé par M. le Procureur général près la Cour de Cassation :

Vu les articles 6 et 1128 du Code civil, ensemble l'article 353 du même Code ;

Attendu que, la convention par laquelle une femme s'engage, fût-ce à titre gratuit, à concevoir et à porter un enfant

pour l'abandonner à sa naissance contrevient tant au principe d'ordre public de l'indisponibilité du corps humain

qu'à celui de l'indisponibilité de l'état des personnes ;

Attendu selon l'arrêt infirmatif attaqué que Mme X..., épouse de M. Y..., étant atteinte d'une stérilité irréversible,

son mari a donné son sperme à une autre femme qui, inséminée artificiellement, a porté et mis au monde l'enfant

ainsi conçu ; qu'à sa naissance, cet enfant a été déclaré comme étant né de Y..., sans indication de filiation maternelle

;

Attendu que, pour prononcer l'adoption plénière de l'enfant par Mme Y..., l'arrêt retient qu'en l'état actuel des

pratiques scientifiques et des moeurs, la méthode de la maternité substituée doit être considérée comme licite et

non contraire à l'ordre public, et que cette adoption est conforme à l'intérêt de l'enfant, qui a été accueilli et élevé

au foyer de M. et Mme Y... pratiquement depuis sa naissance ;

Qu'en statuant ainsi, alors que cette adoption n'était que l'ultime phase d'un processus d'ensemble destiné à per-

mettre à un couple l'accueil à son foyer d'un enfant, conçu en exécution d'un contrat tendant à l'abandon à sa

naissance par sa mère, et que, portant atteinte aux principes de l'indisponibilité du corps humain et de l'état des

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personnes, ce processus constituait un détournement de l'institution de l'adoption, la cour d'appel a violé les textes

susvisés ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement dans l'intérêt de la loi et sans renvoi, l'arrêt rendu le 15 juin 1990 par la

cour d'appel de Paris.

Doc. 9. Civ. 1ère, 6 avril 2011.

Attendu que par un jugement du 14 juillet 2000, la Cour suprême de Californie a conféré à M. X...la qualité de

“père génétique” et à Mme Y..., son épouse, celle de mère légale des enfants à naître, portés par Mme B..., confor-

mément à la loi de l’Etat de Californie qui autorise, sous contrôle judiciaire, le procédé de gestation pour autrui ;

qu’en 2000, sont nées Z... et A... à La Mesa (Californie) ; que leurs actes de naissance ont été établis selon le droit

californien indiquant comme père, M. X... et comme mère, Mme Y... ; que M. X... a demandé en 2000 la transcrip-

tion des actes au consulat de France à Los Angeles, ce qui lui a été refusé ; qu’à la demande du ministère public,

les actes de naissance des enfants ont été transcrits, aux fins d’annulation de leur transcription, sur les registres de

l’état civil de Nantes, le 25 novembre 2002 ; que le 4 avril 2003, le procureur de la République près le tribunal de

grande instance de Créteil a fait assigner les époux X... pour demander cette annulation ; que l’arrêt de la cour

d’appel de Paris déclarant l’action irrecevable a été cassé par un arrêt de la Cour de cassation du 17 décembre 2008

(Bull. Civ. I n° 289) ;

Attendu que les époux X... font grief à l’arrêt attaqué (Paris, 18 mars 2010) d’avoir prononcé l’annulation de la

transcription des actes de naissance litigieux, alors, selon le moyen :

1°/ que la décision étrangère qui reconnaît la filiation d’un enfant à l’égard d’un couple ayant régulièrement conclu une convention avec

une mère porteuse n’est pas contraire à l’ordre public international, qui ne se confond pas avec l’ordre public interne ; qu’en jugeant que

l’arrêt de la Cour supérieure de l’Etat de Californie ayant déclaré M. X... “père génétique” et Mme Y... “mère légale” de tout enfant

devant naître de Mme B... entre le 15 août et le 15 décembre 2000 était contraire à l’ordre public international prétexte pris que

l’article 16-7 du code civil frappe de nullité les conventions portant sur la gestation pour le compte d’autrui, la cour d’appel a violé

l’article 3 du code civil ;

2°/ qu’en tout état de cause, il résulte de l’article 55 de la Constitution que les traités et accords internationaux régulièrement ratifiés

ou approuvés et publiés ont, sous réserve de leur application réciproque par l’autre partie, une autorité supérieure à celle des lois et

règlements ; qu’en se fondant, pour dire que c’était vainement que les consorts X... se prévalaient de conventions internationales, notam-

ment de la Convention de New York du 26 janvier 1990 sur les droits de l’enfant, sur la circonstance que la loi prohibe, “pour

l’heure”, la gestation pour autrui, la cour d’appel, qui a ainsi considéré qu’une convention internationale ne pouvait primer sur le droit

interne, a violé l’article 55 de la Constitution ;

3°/ que, dans toutes les décisions qui concernent les enfants, l’intérêt supérieur de l’enfant doit être une considération primordiale ;

qu’en retenant que l’annulation de la transcription des actes de naissance des enfants des époux X... ne méconnaissait pas l’intérêt

supérieur de ces enfants en dépit des difficultés concrètes qu’elle engendrerait, la cour d’appel, dont la décision a pourtant pour effet de

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priver ces enfants de la possibilité d’établir leur filiation en France, où ils résident avec les époux X..., a violé l’article 3 § 1 de la

Convention de New York du 26 janvier 1990 sur les droits de l’enfant ;

4°/ qu’il résulte des dispositions de l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme que là où l’existence d’un lien familial

avec un enfant se trouve établie, l’Etat doit agir de manière à permettre à ce lien de se développer ; qu’en annulant la transcription des

actes de naissance des enfants X..., la cour d’appel, qui a ainsi privé ces enfants de la possibilité d’établir en France leur filiation à

l’égard des époux X... avec lesquels ils forment une véritable famille, a violé l’article 8 de la Convention européenne des droits de

l’homme ;

5°/ que dans la jouissance des droits et libertés reconnus par la Convention européenne des droits de l’homme, l’article 14 interdit de

traiter de manière différente, sauf justification objective et raisonnable, des personnes placées dans des situations comparables ; qu’en

annulant la transcription des actes de naissance des enfants X... par cela seul qu’ils étaient nés en exécution d’une convention portant

sur la gestation pour le compte d’autrui, la cour d’appel, qui a ainsi pénalisé ces enfants, en les privant de la nationalité de leurs parents,

en raison de faits qui ne leur étaient pourtant pas imputables, a violé l’article 14 de la Convention européenne des droits de l’homme

combiné avec l’article 8 de ladite convention ;

Mais attendu qu’est justifié le refus de transcription d’un acte de naissance établi en exécution d’une décision étran-

gère, fondé sur la contrariété à l’ordre public international français de cette décision, lorsque celle-ci comporte des

dispositions qui heurtent des principes essentiels du droit français ; qu’en l’état du droit positif, il est contraire au

principe de l’indisponibilité de l’état des personnes, principe essentiel du droit français, de faire produire effet, au

regard de la filiation, à une convention portant sur la gestation pour le compte d’autrui, qui, fût-elle licite à l’étran-

ger, est nulle d’une nullité d’ordre public aux termes des articles 16-7 et 16-9 du code civil ;

Que dès lors, la cour d’appel a retenu à bon droit que dans la mesure où il donnait effet à une convention de cette

nature, le jugement “américain” du 14 juillet 2000 était contraire à la conception française de l’ordre public inter-

national, en sorte que les actes de naissance litigieux ayant été établis en application de cette décision, leur trans-

cription sur les registres d’état civil français devait être annulée ; qu’une telle annulation, qui ne prive pas les enfants

de la filiation maternelle et paternelle que le droit californien leur reconnaît ni ne les empêche de vivre avec les

époux X... en France, ne porte pas atteinte au droit au respect de la vie privée et familiale de ces enfants au sens de

l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme, non plus qu’à leur intérêt supérieur garanti par

l’article 3 § 1 de la Convention internationale des droits de l’enfant ; que le moyen n’est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS : REJETTE le pourvoi ;

Doc. 10. Ass. Plénière, 3 juillet 2015 (2 arrêts), intervenu à la suite de l’affaire Menesson et Labassée,

CEDH, 26 juin 2014

1er arrêt :

(…)

Vu l'article 47 du code civil et l'article 7 du décret du 3 août 1962 modifiant certaines règles relatives à l'état civil,

ensemble l'article 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

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Attendu qu'il résulte des deux premiers de ces textes que l'acte de naissance concernant un Français, dressé en pays

étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays, est transcrit sur les registres de l'état civil sauf si d'autres

actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant

après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne

correspondent pas à la réalité ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que Y... X..., reconnu par M. X... le 10 mars 2011, est né le 27 août 2011 à Moscou ;

que son acte de naissance, établi en Russie, désigne M. Dominique X..., de nationalité française, en qualité de père,

et Mme Kristina Z..., ressortissante russe qui a accouché de l'enfant, en qualité de mère ; que le procureur de la

République s'est opposé à la demande de M. X... tendant à la transcription de cet acte de naissance sur un registre

consulaire, en invoquant l'existence d'une convention de gestation pour autrui conclue entre M. X... et Mme Z... ;

Attendu que, pour refuser la transcription, l'arrêt retient qu'il existe un faisceau de preuves de nature à caractériser

l'existence d'un processus frauduleux, comportant une convention de gestation pour le compte d'autrui conclue

entre M. X... et Mme Z... ;

Qu'en statuant ainsi, alors qu'elle n'avait pas constaté que l'acte était irrégulier, falsifié ou que les faits qui y étaient

déclarés ne correspondaient pas à la réalité, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE et ANNULE, mais seulement en ce qu'il rejette la demande de transcription de l'acte de naissance de Y...

X..., l'arrêt rendu le 15 avril 2014, entre les parties, par la cour d'appel de Rennes ; remet, en conséquence, sur ce

point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie

devant la cour d'appel de Paris ;

2e arrêt :

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Rennes, du 16 décembre 2014 ), que Y... X..., reconnue par M. X...le 1er février 2011,

est née le 30 mai 2011, à Moscou ; que son acte de naissance, établi en Russie, désigne M. Patrice X..., de nationalité

française, en qualité de père, et Mme Lilia Z..., ressortissante russe, qui a accouché de l'enfant, en qualité de mère ;

que le procureur de la République s'est opposé à la demande de M. X...tendant à la transcription de cet acte de

naissance sur un registre consulaire, en invoquant l'existence d'une convention de gestation pour autrui conclue

entre M. X...et Mme Z... ;

Attendu que le procureur général fait grief à l'arrêt d'ordonner la transcription, alors, selon le moyen :

1°/ qu'en I'état du droit positif, il est contraire au principe de l'indisponibilité de I'état des personnes, principe

essentiel du droit français, de faire produire effet, au regard de la filiation, à une convention portant sur la gestation

pour le compte d'autrui, qui, fût-elle licite à l'étranger, est nulle d'une nullité d'ordre public aux termes des articles

16-7 et 16-9 du code civil, tel qu'affirmé par la jurisprudence de la Cour de cassation ;

2°/ qu'est justifié le refus de transcription d'un acte de naissance établi en exécution d'une décision étrangère, fondé

sur la contrariété à l'ordre public international français de cette décision. Cette solution, qui ne prive pas l’enfant

de sa filiation paternelle, ni de la filiation maternelle que le droit de l'État étranger lui reconnaît, ni ne l'empêche de

vivre au foyer de M. Patrice X..., ne porte pas atteinte au droit au respect de la vie privée et familiale de cet enfant

au sens de l’article 8 de la Convention européenne des droits de l'homme, non plus qu'à son intérêt supérieur

garanti par l’article 3 § 1 de la Convention internationale des droits de l’enfant ;

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Mais attendu qu'ayant constaté que l'acte de naissance n'était ni irrégulier ni falsifié et que les faits qui y étaient

déclarés correspondaient à la réalité, la cour d'appel en a déduit à bon droit que la convention de gestation pour

autrui conclue entre M. X...et Mme Z... ne faisait pas obstacle à la transcription de l'acte de naissance ; que le moyen

n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS : REJETTE le pourvoi ;

Document 11. Conseil d’Etat, ord. du 3 août 2016, n° 401924.

Vu la procédure suivante :

Mme A a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Paris, statuant sur le fondement de l’article L. 521-2 du code de justice administrative, d’enjoindre à l’autorité administrative de procéder à la délivrance d’un document de voyage au profit de son fils J. dès la notification de l’ordonnance, sous astreinte de 200 euros par jour de retard. Par une ordonnance n° 1611459 du 26 juillet 2016, le juge des référés du tribunal administratif de Paris a, d’une part, enjoint au ministre des affaires étrangères et du développement international de délivrer à Mme A un laissez-passer consulaire pour le jeune J. A, dans le délai de sept jours à compter de la notification de l’ordonnance et, d’autre part, rejeté le surplus de ses conclusions.

Par un recours enregistré le 28 juillet 2016 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, le ministre des affaires étrangères et du développement international demande au juge des référés du Conseil d’Etat, statuant sur le fon-dement de l’article L. 521-2 du code de justice administrative d’annuler cette ordonnance.

Il soutient que : - la condition d’urgence n’est pas remplie dès lors que, Mme A n’ayant pas accouché de J. A et ne pouvant par conséquent pas être considérée comme sa mère, il n’y a aucune urgence à délivrer un laissez-passer consulaire à ce dernier qui ne possède pas la nationalité française ; - aucune atteinte grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale n’est caractérisée dès lors, d’une part, que l’article 47 du code civil fait obstacle à la reconnaissance d’un lien de filiation entre Mme A et J. A, ainsi que, par voie de conséquence, à la reconnaissance de la nationalité française de ce dernier et, d’autre part, que Mme A, qui n’exerce pas l’autorité parentale sur J. A, ne peut se prévaloir de l’atteinte portée à certains de ses droits.

Par un mémoire en défense, enregistré le 1er août 2016, Mme A conclut au rejet du recours et à ce que l’Etat lui verse une somme de 5 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que les moyens soulevés par le ministre des affaires étrangères et du développement international ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu : - la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ; - la convention relative aux droits de l’enfant ; - le code civil ; - le décret n° 2004-1543 du 30 décembre 2004 ; - le code de justice administrative ;

Après avoir convoqué à une audience publique, d’une part, le ministre des affaires étrangères et du développe-ment international, d’autre part, Mme A ;

Vu le procès-verbal de l’audience publique du 2 août 2016 à 15 heures au cours de laquelle ont été entendus : - les représentantes du ministre des affaires étrangères et du développement international ; - Me Thouin-Palat, avocat au Conseil d’Etat et à la Cour de cassation, avocat de Mme A ; - la représentante de Mme A ;

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et à l’issue de laquelle le juge des référés a clos l’instruction ;

Considérant ce qui suit :

1. Aux termes de l’article L. 521-2 du code de justice administrative : « Saisi d'une demande en ce sens justifiée par l'ur-gence, le juge des référés peut ordonner toutes mesures nécessaires à la sauvegarde d'une liberté fondamentale à laquelle une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public aurait porté, dans l'exercice d'un de ses pouvoirs, une atteinte grave et manifestement illégale. Le juge des référés se prononce dans un délai de quarante-huit heures ».

2. Il résulte de l’instruction que J. A est né le 24 juin 2016 à Erevan en Arménie. Mme A, ressortissante française née en 1973, munie d’un acte de naissance établi, le 28 juin 2016, par le service d’état- civil arménien, apostillé et traduit en français, sur lequel elle est seule inscrite en qualité de mère de l’enfant a sollicité des services de l’am-bassade de France en Arménie l’enregistrement de cet acte de naissance ainsi que la délivrance d’un laissez-passer consulaire au nom de l’enfant. Le 15 juillet 2016, le procureur de la République de Nantes, a refusé l’enregistre-ment de l’acte de naissance, motif pris de sa contrariété à l’article 47 du code civil. Par une décision du 19 juil-let 2016, le chef de chancellerie de l’ambassade de France en Arménie a refusé, pour le même motif, de délivrer un laissez-passer consulaire à l’enfant J. A, après avoir relevé que la naissance résultait d’une convention de gesta-tion pour autrui et que, dès lors, aucun lien de filiation ne pouvait être établi entre Mme A et l’enfant J.. Par une requête enregistrée le 22 juillet 2016, Mme A a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Paris, statuant sur le fondement de l’article L. 521-2 du code de justice administrative, d’enjoindre à l’autorité adminis-trative de procéder à la délivrance d’un document de voyage au profit de l’enfant J., dès la notification de l’ordon-nance, sous astreinte de 200 euros par jour de retard. Par une ordonnance du 26 juillet 2016, le juge des référés du tribunal administratif de Paris a, d’une part, enjoint au ministre des affaires étrangères et du développement international de délivrer à Mme A un laissez-passer consulaire pour J. A, dans le délai de sept jours à compter de la notification de l’ordonnance, d’autre part, rejeté le surplus des conclusions de Mme A. Par un recours enregis-tré le 28 juillet 2016 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, le ministre des affaires étrangères et du déve-loppement international relève appel de cette ordonnance.

En ce qui concerne l’urgence : 3. Il résulte de l’instruction que les obligations professionnelles de Mme A, qui exerce une profession libérale, impliquent qu’elle regagne la France, pays dont elle a la nationalité et où elle réside et travaille, dans les plus brefs délais. Il apparaît en outre que si elle devait quitter Erevan sans le jeune J. A, celui-ci, qui est âgé d’à peine six se-maines, resterait seul sans aucun proche pour en assumer la charge.

4. Il résulte de ce qui précède que le ministre des affaires étrangères et du développement international n’est pas fondé à soutenir que c’est à tort que, par l’ordonnance attaquée, le juge des référés du tribunal administratif de Paris a constaté, dans les circonstances particulières de l’espèce, l’existence d’une situation d’urgence particulière justifiant que le juge des référés fasse usage des pouvoirs qu’il tient de l’article L. 521-2 du code de justice admi-nistrative.

En ce qui concerne l’atteinte grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale : 5. Si Mme A soutient que l’acte de naissance arménien qu’elle produit établit le lien de filiation juridique qui existe entre elle et le jeune J., le ministre des affaires étrangères conteste, eu égard aux conditions dans lesquelles il affirme que la naissance s’est déroulée, tant l’existence d’une telle filiation juridique que, par voie de consé-quence, la nationalité française de J. A. Le litige soulève donc une question sérieuse de nationalité qu’il n’appar-tient pas, en l’absence de jurisprudence bien établie, au juge administratif de trancher. Dans ces conditions, le mi-nistre des affaires étrangères et du développement international est fondé à soutenir que c’est à tort que, par l’or-donnance attaquée, le juge des référés du tribunal administratif de Paris a considéré que le refus de délivrer à J. A un laissez-passer, dont l’article 7 du décret du 30 décembre 2004 prévoit qu’il peut être délivré à un Français après vérification de sa nationalité française, portait une atteinte manifestement illégale à l’article 8 de la conven-tion européenne de sauvegarde des droits de l’homme, à la liberté d’aller et venir ainsi qu’à l’intérêt supérieur de

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l’enfant protégé par l’article 3-1 de la convention relative au droit de l’enfant et a ordonné la délivrance d’un tel laissez-passer.

6. Il ressort toutefois des mentions de l’acte de naissance arménien dont le ministre ne remet pas en cause l’au-thenticité, que Mme A est la mère du jeune J. sur lequel elle exerce l’autorité parentale. Il appartient au juge admi-nistratif des référés de régler le litige qui lui est soumis au vu de cet élément de fait, conformément à son office et sans empiéter sur les compétences réservées par la loi à l’autorité judiciaire. La circonstance que la conception de cet enfant aurait pour origine un contrat entaché de nullité au regard de l’ordre public français serait, à la suppo-ser établie, sans incidence sur l’obligation, faite à l’administration par les stipulations de l’article 3-1 de la conven-tion relative aux droits de l’enfant, d’accorder une attention primordiale à l’intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant.

7. Il suit de là que, dans les circonstances de l’espèce, la prise en compte de l’intérêt supérieur de l’enfant J. A implique que, quelle que soit la position qu’elle retiendra sur sa nationalité, l’autorité administrative lui délivre, à titre provisoire, tout document de voyage lui permettant d’entrer sur le territoire national afin de ne pas être séparé de Mme A qui en assume seule la charge, dans un délai de sept jours à compter de la notification de la présente ordonnance.

8. Il résulte de ce qui précède que le ministre des affaires étrangères et du développement international est seule-ment fondé à demander la réformation de l’ordonnance du 26 juillet 2016 du juge des référés du tribunal admi-nistratif de Paris en ce qu’elle a de contraire à la présente ordonnance. L’Etat versera une somme de 3 000 euros à Mme A au titre des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

O R D O N N E : Article 1er : Il est enjoint au ministre des affaires étrangères et du développement international de délivrer, à titre provisoire, à J. A tout document de voyage lui permettant d’entrer sur le territoire national en compagnie de Mme A, dans un délai de sept jours à compter de la notification de la présente ordonnance. Article 2 : L’ordonnance du 26 juillet 2016 du juge des référés du tribunal administratif de Paris est réformée en ce qu’elle a de contraire à la présente ordonnance. Article 3 : Le surplus des conclusions du recours du ministre des affaires étrangères et du développement interna-tional est rejeté. Article 4 : L’Etat versera une somme de 3 000 euros à Mme A au titre de l’article L. 761-1 du code de justice ad-ministrative. Article 5 : La présente ordonnance sera notifiée au ministre des affaires étrangères et du développement interna-tional et à Mme A.

Attention : les étudiants consulteront également la décision rendue par la Cour européenne des droits de

l’Homme le 24 janvier 2017, PARADISO ET CAMPANELLI c. Italie, (Requête no 25358/12) : la décision

est disponible sur l’intranet. Une comparaison avec l’ordonnance précédente du Conseil d’Etat sera

intéressante.

III. L’ADOPTION

NB : Les étudiants pourront consulter le rapport rédigé par Irène Théry et Anne-Marie Leroyer, « Filiation, origines, parentalité, Ed. Odile Jacob, 2014 sur les origines de l’adoption et sur son évolution éventuelle. Ce rapport est disponible en ligne au lien suivant : http://www.justice.gouv.fr/include_htm/etat_des_savoirs/eds_thery-rapport-filiation-origines-parentalite-

2014.pdf Nous vous conseillons la lecture des pages 91 et s.

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Doc. 12. Civ. 1ère, 12 janvier 2011

Sur le premier moyen, pris en sa première branche, qui est recevable :

Vu l'article 346 du code civil ;

Attendu que nul ne peut être adopté par plusieurs personnes si ce n'est par deux époux ;

Attendu que M. Laurent X...- Y... est né le 2 septembre 1968, du mariage de Jean-Yves X... et de Mme Marie-

France Z..., dissous par divorce quelques années après sa naissance ; que sa mère, Mme Z..., a épousé en secondes

noces M. Y... ; qu'un jugement du 27 mai 2002 du tribunal de grande instance de Béziers a prononcé l’adoption

simple de M. Laurent X... par M. Y... et dit que l'adopté se nommerait à l'avenir X...- Y... ; que, par requête du 1er

février 2007, Mme B..., épouse en secondes noces depuis 1972 de Jean-Yves X..., décédé en cours d'instance, a

sollicité l’adoption simple de M. Laurent X...- Y... ;

Attendu que, pour accueillir cette demande, la cour d'appel a décidé qu'il convenait d'écarter l'application de l'article

346 du code civil non conforme en l'espèce aux articles 8 et 14 de la Convention européenne des droits de l'homme

dès lors qu'il s'agissait d'officialiser et de conforter juridiquement une situation familiale et des liens affectifs anciens

et bien établis et que le refus de cette deuxième adoption aboutirait à une discrimination entre les deux "beaux-

parents" ;

Qu'en statuant ainsi, alors que le droit au respect de la vie privée et familiale n'interdit pas de limiter le nombre

d'adoptions successives dont une même personne peut faire l'objet, ni ne commande de consacrer par une adop-

tion, tous les liens d'affection, fussent-ils anciens et bien établis, la cour d'appel a violé par refus d'application le

texte susvisé ;

(…)

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du premier moyen et le second moyen:

CASSE ET ANNULE (…)

Doc. 13. Civ. 1ère, 20 fév. 2007

Sur les deux moyens du pourvoi auquel s'associent Mme X... et Y... :

Vu l'article 365 du code civil ;

Attendu que l'adoptant est seul investi à l'égard de l'adopté de tous les droits d'autorité parentale à moins qu'il ne soit le conjoint du père ou de la mère de l'adopté ;

Attendu que pour prononcer l'adoption simple, par Mme X..., du fils de Mme Y..., né le 13 juillet 2004, en estimant que l'adoption était conforme à l'intérêt de l'enfant, l'arrêt attaqué relève que Mmes Y... et X... ont conclu un pacte civil de solidarité en 2001, et qu'elles apportent toutes deux à l'enfant des conditions matérielles et morales adaptées et la chaleur affective souhaitable et qu'il est loisible à Mme Y... de solliciter un partage ou une délégation d'autorité parentale ;

Qu'en statuant ainsi, alors que cette adoption réalisait un transfert des droits d'autorité parentale sur l'enfant en privant la mère biologique, qui entendait continuer à élever l'enfant, de ses propres droits, de sorte que, même si Mme Y... avait alors consenti à cette adoption, en faisant droit à la requête la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

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PAR CES MOTIFS : CASSE ET ANNULE

Doc. 14. Cons. Const 6 octobre 2010

Vu la Constitution ;

Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ;

Vu le code civil ;

Vu l'arrêt n° 06-15647 de la Cour de cassation (première chambre civile) du 20 février 2007 ;

Vu le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité ;

Vu les observations produites par le Premier ministre, enregistrées le 10 août 2010 ;

Vu les observations produites par les requérantes par la SCP Boré et Salvé de Bruneton, avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation ;

SUR LA DISPOSITION SOUMISE À L'EXAMEN DU CONSEIL CONSTITUTIONNEL : 1. Considérant qu'aux termes de l'article 365 du code civil : « L'adoptant est seul investi à l'égard de l'adopté de tous les droits d'autorité parentale, inclus celui de consentir au mariage de l'adopté, à moins qu'il ne soit le conjoint du père ou de la mère de l'adopté ; dans ce cas, l'adoptant a l'autorité parentale concurremment avec son conjoint, lequel en conserve seul l'exercice, sous réserve d'une déclaration conjointe avec l'adoptant devant le greffier en chef du tribunal de grande instance aux fins d'un exercice en commun de cette autorité. « Les droits d'autorité parentale sont exercés par le ou les adoptants dans les conditions prévues par le chapitre Ier du titre IX du présent livre. « Les règles de l'administration légale et de la tutelle des mineurs s'appliquent à l'adopté » ;

2. Considérant que l'article 61-1 de la Constitution reconnaît à tout justiciable le droit de voir examiner, à sa de-mande, le moyen tiré de ce qu'une disposition législative méconnaît les droits et libertés que la Constitution garantit ; que les articles 23-2 et 23-5 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée fixent les conditions dans lesquelles la question prioritaire de constitutionnalité doit être transmise par la juridiction au Conseil d'État ou à la Cour de cassation et renvoyée au Conseil constitutionnel ; que ces dispositions prévoient notamment que la disposition législative contestée doit être « applicable au litige ou à la procédure » ; qu'en posant une question prioritaire de constitutionnalité, tout justiciable a le droit de contester la constitutionnalité de la portée effective qu'une interpré-tation jurisprudentielle constante confère à cette disposition ;

3. Considérant que l'article 365 du code civil fixe les règles de dévolution de l'autorité parentale à l'égard d'un enfant mineur faisant l'objet d'une adoption simple ; que, depuis l'arrêt du 20 février 2007 susvisé, la Cour de cassation juge de manière constante que, lorsque le père ou la mère biologique entend continuer à élever l'enfant, le transfert à l'adoptant des droits d'autorité parentale qui résulterait de l'adoption par le concubin ou le partenaire du parent biologique est contraire à l'intérêt de l'enfant et, par suite, fait obstacle au prononcé de cette adoption ; que, dès lors, la constitutionnalité de l'article 365 du code civil doit être examinée non pas en ce que cet article institue une distinction entre les enfants au regard de l'autorité parentale, selon qu'ils sont adoptés par le conjoint ou le concubin de leur parent biologique, mais en ce qu'il a pour effet d'interdire en principe l'adoption de l'enfant mineur du partenaire ou du concubin ;

- SUR LA CONSTITUTIONNALITÉ DE LA DISPOSITION CONTESTÉE : 4. Considérant que, selon les requérantes, en prévoyant que l'adoption simple n'entraîne un partage de l'autorité parentale entre l'adoptant et le parent de l'adopté que lorsqu'ils sont mariés, l'article 365 du code civil prive l'enfant

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mineur de la possibilité d'être adopté par le partenaire ou le concubin de son père ou de sa mère ; qu'en interdisant ainsi « la reconnaissance juridique d'un lien social de filiation qui préexiste », l'article 365 du code civil méconnaîtrait le droit à une vie familiale normale et le principe d'égalité devant la loi ;

5. Considérant qu'aux termes de l'article 34 de la Constitution, la loi fixe les règles concernant « l'état et la capacité des personnes, les régimes matrimoniaux, les successions et libéralités » ; qu'il est à tout moment loisible au législa-teur, statuant dans le domaine de sa compétence, d'adopter des dispositions nouvelles dont il lui appartient d'ap-précier l'opportunité et de modifier des textes antérieurs ou d'abroger ceux-ci en leur substituant, le cas échéant, d'autres dispositions, dès lors que, dans l'exercice de ce pouvoir, il ne prive pas de garanties légales des exigences de caractère constitutionnel ; que l'article 61-1 de la Constitution, à l'instar de l'article 61, ne confère pas au Conseil constitutionnel un pouvoir général d'appréciation et de décision de même nature que celui du Parlement ; que cet article lui donne seulement compétence pour se prononcer sur la conformité d'une disposition législative aux droits et libertés que la Constitution garantit ;

6. Considérant, d'une part, que l'article 6 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 dispose que la loi « doit être la même pour tous, soit qu'elle protège, soit qu'elle punisse » ; que le principe d'égalité ne s'oppose ni à ce que le législateur règle de façon différente des situations différentes ni à ce qu'il déroge à l'égalité pour des raisons d'intérêt général pourvu que, dans l'un et l'autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport direct avec l'objet de la loi qui l'établit ; 7. Considérant, d'autre part, que le droit de mener une vie familiale normale résulte du dixième alinéa du Préambule de la Constitution de 1946 qui dispose : « La Nation assure à l'individu et à la famille les conditions nécessaires à leur développement » ;

8. Considérant, en premier lieu, que la disposition contestée, dans la portée que lui donne la jurisprudence constante de la Cour de cassation, empêche que, par la voie de l'adoption simple, un enfant mineur puisse voir établir un deuxième lien de filiation à l'égard du concubin ou du partenaire de son père ou sa mère ; que, toutefois, cette disposition ne fait aucunement obstacle à la liberté du parent d'un enfant mineur de vivre en concubinage ou de conclure un pacte civil de solidarité avec la personne de son choix ; qu'elle ne fait pas davantage obstacle à ce que ce parent associe son concubin ou son partenaire à l'éducation et la vie de l'enfant ; que le droit de mener une vie familiale normale n'implique pas que la relation entre un enfant et la personne qui vit en couple avec son père ou sa mère ouvre droit à l'établissement d'un lien de filiation adoptive ; que, par suite, le grief tiré de ce que l'article 365 du code civil porterait atteinte au droit de mener une vie familiale normale doit être écarté ;

9. Considérant, en second lieu, qu'en maintenant le principe selon lequel la faculté d'une adoption au sein du couple est réservée aux conjoints, le législateur a, dans l'exercice de la compétence que lui attribue l'article 34 de la Cons-titution, estimé que la différence de situation entre les couples mariés et ceux qui ne le sont pas pouvait justifier, dans l'intérêt de l'enfant, une différence de traitement quant à l'établissement de la filiation adoptive à l'égard des enfants mineurs ; qu'il n'appartient pas au Conseil constitutionnel de substituer son appréciation à celle du législa-teur sur les conséquences qu'il convient de tirer, en l'espèce, de la situation particulière des enfants élevés par deux personnes de même sexe ; que, par suite, le grief tiré de la violation de l'article 6 de la Déclaration de 1789 doit être écarté ;

10. Considérant que l'article 365 du code civil n'est contraire à aucun autre droit ou liberté que la Constitution garantit,

DÉCIDE : Article 1er. - L'article 365 du code civil est conforme à la Constitution. Article 2.- La présente décision sera publiée au Journal officiel de la République française et notifiée dans les con-ditions prévues à l'article 23 11 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée.

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Doc. 15. Cons. Const., DC 2013-669 du 17 mai 2013 (Extraits)

- SUR L'ADOPTION :

32. Considérant que les articles 343 et 346 du code civil, applicables tant à l'adoption plénière qu'à l'adoption simple, disposent, d'une part, que l'adoption « peut être demandée par deux époux. . . » et, d'autre part, que « nul ne peut être adopté par plusieurs personnes si ce n'est par deux époux » ; qu'en outre, il résulte tant de l'article 356 du code civil, applicable à l'adoption plénière, que de l'article 365 du même code applicable à l'adoption simple, compte tenu de la portée que la jurisprudence constante de la Cour de cassation confère à ces dispositions, que la faculté d'une adoption au sein d'un couple est réservée aux conjoints ; que, par suite, l'ouverture du mariage aux couples de personnes de même sexe a pour conséquence de permettre l'adoption par des couples de personnes de même sexe ainsi que l'adoption au sein de tels couples ;

33. Considérant que les articles 7 et 8 de la loi modifient les articles 345-1 et 360 du code civil afin de fixer les conditions dans lesquelles un enfant ayant déjà fait l'objet d'une adoption par une personne peut ultérieurement être adopté par le conjoint de cette personne ;

34. Considérant que l'article 13 de la loi insère dans le code civil un article 6-1 aux termes duquel : « Le mariage et la filiation adoptive emportent les mêmes effets, droits et obligations reconnus par les lois, à l'exclusion de ceux prévus au titre VII du livre Ier du présent code, que les époux ou les parents soient de sexe différent ou de même sexe » ;

35. Considérant que les requérants mettent en cause l'intelligibilité de ces dispositions, la conformité à la Constitu-tion de l'ouverture de l'adoption aux couples de personnes de même sexe et les modifications apportées par les articles 7 et 8 aux dispositions du code civil relatives à l'adoption ;

. En ce qui concerne l'intelligibilité des dispositions relatives à l'adoption :

36. Considérant que les requérants font valoir que les dispositions du code civil qui font référence à la filiation désignent distinctement « le père » et « la mère » ; qu'en prévoyant que le mariage et la filiation emportent les mêmes effets, droits et obligations, que les époux soient de même sexe ou de sexe différent, les dispositions de l'article 13 conduisent, d'une part, à ce que les mots « père » et « mère » puissent désigner deux hommes ou deux femmes et, d'autre part, à ce que la portée de ces mots varie selon qu'ils sont ou non placés dans le titre VII du livre Ier du code civil ; qu'il en résulterait une méconnaissance des exigences de clarté et de précision de la loi ; qu'en permettant l'établissement d'un lien de filiation à l'égard de deux personnes de même sexe sans modifier les dispositions du titre VII du livre Ier du code civil, ces dispositions rendraient en outre inintelligibles certains articles du code civil, notamment ses articles 320, 330, 333, 336 et 336-1 ; que seraient également incompréhensibles les dispositions de l'article 310 du code civil relatives à l'égalité entre les enfants ;

37. Considérant que les députés requérants font en outre valoir qu'en s'abstenant d'apporter les modifications nécessaires aux règles relatives à la présomption de paternité, à la procréation médicalement assistée et à la gestation pour le compte d'autrui, les dispositions contestées auraient en outre rendu l'ensemble de ces règles incohérentes et inintelligibles ;

38. Considérant qu'il incombe au législateur d'exercer pleinement la compétence que lui confie la Constitution et, en particulier, son article 34 ; que l'objectif de valeur constitutionnelle d'intelligibilité et d'accessibilité de la loi, qui découle des articles 4, 5, 6 et 16 de la Déclaration de 1789, impose au législateur d'adopter des dispositions suffi-samment précises et des formules non équivoques ;

- Quant au titre VII du livre Ier du code civil :

39. Considérant que, s'agissant des règles relatives à l'établissement et à la contestation de la filiation, le livre Ier du code civil comprend un titre VII, consacré à « la filiation », et un titre VIII, consacré à « la filiation adoptive » ;

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40. Considérant que le titre VII distingue entre la filiation maternelle et la filiation paternelle ; que l'article 320 du code civil, qui figure au sein de ce titre VII, dispose : « Tant qu'elle n'a pas été contestée en justice, la filiation légalement établie fait obstacle à l'établissement d'une autre filiation qui la contredirait » ; que, par suite, les dispo-sitions de cet article font obstacle à ce que deux filiations maternelles ou deux filiations paternelles soient établies à l'égard d'un même enfant ; qu'ainsi, en particulier, au sein d'un couple de personnes de même sexe, la filiation ne peut être établie par la présomption de l'article 312 du code civil ; que le mariage est sans incidence sur les autres modes d'établissement de la filiation prévus par le titre VII du livre Ier du code civil ;

41. Considérant qu'au sein du titre VIII, l'article 358, applicable aux enfants ayant été adoptés en la forme plénière, dispose : « L'adopté a, dans la famille de l'adoptant, les mêmes droits et les mêmes obligations qu'un enfant dont la filiation est établie en application du titre VII » du livre Ier ; qu'en prévoyant, à titre de mesure générale de coordination, que la filiation adoptive emporte les mêmes effets, droits et obligations reconnus par les lois, à l'ex-clusion de ceux prévus au titre VII du livre Ier, que les époux ou les parents soient de sexe différent ou de même sexe, les dispositions de l'article 6-1 du code civil n'ont pas entendu faire obstacle à l'application de la règle selon laquelle, les enfants adoptés, que leurs parents soient de même sexe ou de sexe différent, bénéficieront des mêmes droits que ceux dont la filiation est légalement établie en application de ce titre VII ;

42. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que doit être écarté le grief tiré de ce que l'article 6-1 du code civil entacherait le titre VII du livre Ier du code civil d'inintelligibilité ;

- Quant à l'article 13 de la loi :

43. Considérant qu'à l'exception des dispositions du titre VII du livre Ier du code civil, les règles de droit civil, notamment celles relatives à l'autorité parentale, au mariage, aux régimes matrimoniaux et aux successions, ne prévoient pas de différence entre l'homme et la femme s'agissant des relations du mariage, des conséquences qui en résultent et des conséquences relatives à l'établissement d'un lien de filiation ; que, par suite, en prévoyant que le mariage et la filiation emportent les mêmes effets, droits et obligations reconnus par les lois, que les époux ou les parents soient de sexe différent ou de même sexe, sans supprimer les références qui, dans ces textes, désignent les « père » et « mère » ou « le mari et la femme », l'article 6-1 du code civil ne rend pas ces règles inintelligibles ;

44. Considérant que, d'une part, les dispositions contestées n'ont ni pour objet ni pour effet de modifier la portée des dispositions de l'article 16-7 du code civil aux termes desquelles : « toute convention portant sur la procréation ou la gestation pour le compte d'autrui est nulle » ; que, d'autre part, il résulte de l'article L. 2141-2 du code de la santé publique que l'assistance médicale à la procréation a pour objet de remédier à l'infertilité pathologique, mé-dicalement diagnostiquée d'un couple formé d'un homme et d'une femme en âge de procréer, qu'ils soient ou non mariés ; que les couples formés d'un homme et d'une femme sont, au regard de la procréation, dans une situation différente de celle des couples de personnes de même sexe ; que le principe d'égalité ne s'oppose pas à ce que le législateur règle de façon différente des situations différentes dès lors que la différence de traitement qui en résulte est en lien direct avec l'objet de la loi qui l'établit ; que, par suite, ni le principe d'égalité ni l'objectif de valeur constitutionnelle d'accessibilité et d'intelligibilité de la loi n'imposaient qu'en ouvrant le mariage et l'adoption aux couples de personnes de même sexe, le législateur modifie la législation régissant ces différentes matières ;

45. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que les griefs tirés de ce que l'article 13 de la loi serait entaché d'inintelligibilité doivent être écartés ;

. En ce qui concerne l'adoption par des personnes de même sexe ou au sein d'un couple de personnes de même sexe :

46. Considérant que, selon les requérants, la possibilité conférée à deux personnes de même sexe d'adopter un enfant porte atteinte au « principe de valeur constitutionnelle de la filiation bilinéaire fondée sur l'altérité sexuelle », proclamé par les lois de la République, ainsi qu'au droit constitutionnel de tout enfant à voir sa filiation établie à l'égard de son père et de sa mère ; que l'adoption par deux personnes de même sexe porterait en outre atteinte au droit de l'enfant de mener une vie familiale normale ainsi qu'à la protection de l'intérêt supérieur de l'enfant ; qu'il

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en résulterait également une méconnaissance des stipulations de l'article 3-1 de la Convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

47. Considérant qu'ils soutiennent encore que, lorsque l'enfant est adopté en la forme plénière par deux personnes de sexe différent, l'effacement de la filiation antérieure garantirait la préservation du secret de l'adoption et ferait entrer l'enfant dans la famille de l'adoptant « comme un enfant biologique » ; que la possibilité d'une adoption par deux personnes de même sexe conduirait au contraire nécessairement à révéler l'orientation sexuelle des adoptants et la nature adoptive de la filiation ; qu'il en résulterait une atteinte au droit à la protection de la vie privée et à l'égalité devant la loi ;

48. Considérant qu'ils font enfin valoir que, compte tenu notamment des difficultés que rencontreront les couples de personnes de même sexe pour adopter, la possibilité d'un établissement de la filiation à l'égard de deux personnes de même sexe incitera ces couples à recourir à l'étranger à la procréation médicalement assistée et à la gestation pour le compte d'autrui en fraude à la loi française ;

- Quant aux griefs tirés de l'atteinte au principe d'égalité et au droit de mener une vie familiale normale:

49. Considérant, en premier lieu que, d'une part, en permettant l'adoption par deux personnes de même sexe ou au sein d'un couple de personnes de même sexe, le législateur, compétent pour fixer les règles relatives à l'état et à la capacité des personnes en application de l'article 34 de la Constitution, a estimé que l'identité de sexe des adop-tants ne constituait pas, en elle-même, un obstacle à l'établissement d'un lien de filiation adoptive ; qu'il n'appartient pas au Conseil constitutionnel de substituer son appréciation à celle du législateur sur la prise en compte, pour l'établissement d'un lien de filiation adoptive, de la différence entre les couples de personnes de même sexe et les couples formés d'un homme et d'une femme ;

50. Considérant que, d'autre part, en vertu de l'article 356 du code civil, l'adoption plénière confère à l'enfant une filiation qui se substitue à sa filiation d'origine ; que le principe d'égalité impose que les enfants adoptés en la forme plénière bénéficient, dans leur famille adoptive, des mêmes droits que ceux dont bénéficient les enfants dont la filiation est établie en application du titre VII du livre Ier du code civil ; qu'une telle exigence est satisfaite par les dispositions de l'article 358 du code civil précité ;

51. Considérant, en outre, que la liberté proclamée par l'article 2 de la Déclaration de 1789 implique le respect de la vie privée ; que, toutefois, aucune exigence constitutionnelle n'impose ni que le caractère adoptif de la filiation soit dissimulé ni que les liens de parenté établis par la filiation adoptive imitent ceux de la filiation biologique ; que, par suite, le grief tiré de ce que la possibilité d'une adoption par deux personnes de même sexe porterait atteinte au principe d'égalité et au droit à la protection de la vie privée doit être écarté ;

52. Considérant, en deuxième lieu, que les dispositions contestées n'ont ni pour objet ni pour effet de reconnaître aux couples de personnes de même sexe un « droit à l'enfant » ; qu'elles ne soustraient pas les couples de personnes de même sexe aux règles, conditions et contrôles institués en matière de filiation adoptive ; qu'en effet, ces dispo-sitions ne modifient pas la règle, fixée par le premier alinéa de l'article 353-1 du code civil, aux termes duquel : « Dans le cas d'adoption d'un pupille de l'État, d'un enfant remis à un organisme autorisé pour l'adoption ou d'un enfant étranger qui n'est pas l'enfant du conjoint de l'adoptant, le tribunal vérifie avant de prononcer l'adoption que le ou les requérants ont obtenu l'agrément pour adopter ou en étaient dispensés » ; qu'il n'est pas davantage dérogé à la règle, fixée par le premier alinéa de l'article L. 225-2 du code de l'action sociale et des familles, aux termes duquel : « Les pupilles de l'État peuvent être adoptés soit par les personnes à qui le service de l'aide sociale à l'enfance les a confiés pour en assurer la garde lorsque les liens affectifs qui se sont établis entre eux justifient cette mesure, soit par des personnes agréées à cet effet, soit, si tel est l'intérêt desdits pupilles, par des personnes dont l'aptitude à les accueillir a été régulièrement constatée dans un État autre que la France, en cas d'accord international engageant à cette fin ledit État » ; que s'appliquent également les dispositions de son article L. 225-17 qui prévoit : « Les personnes qui accueillent, en vue de son adoption, un enfant étranger doivent avoir obtenu l'agrément prévu aux articles L. 225-2 à L. 225-7 » ; qu'ainsi, les couples de personnes de même sexe qui désirent

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Cours de droit de la famille – Maïté Saulier – Université de Cergy-Pontoise – Année universitaire 2016-2017

adopter un enfant seront soumis, comme ceux qui sont formés d'un homme et d'une femme, à une procédure destinée à constater leur capacité à accueillir un enfant en vue de son adoption ;

53. Considérant, d'une part, que la conformité à la Constitution d'une loi déjà promulguée peut être appréciée à l'occasion de l'examen des dispositions législatives qui la modifient, la complètent ou affectent son domaine ; qu'en l'espèce les dispositions contestées affectent le domaine des articles L. 225-2 et L. 225-17 du code de l'action sociale et des familles ; que les dispositions relatives à l'agrément du ou des adoptants, qu'ils soient de sexe différent ou de même sexe, ne sauraient conduire à ce que cet agrément soit délivré sans que l'autorité administrative ait vérifié, dans chaque cas, le respect de l'exigence de conformité de l'adoption à l'intérêt de l'enfant qu'implique le dixième alinéa du Préambule de la Constitution de 1946 ; que, sous cette réserve, les dispositions des articles L. 225-2 et L. 225-17 du code de l'action sociale et des familles ne méconnaissent pas les exigences du dixième alinéa du Préam-bule de 1946 ;

54. Considérant, d'autre part, que les dispositions contestées ne dérogent pas aux dispositions de l'article 353 du code civil, selon lesquelles l'adoption est prononcée par le tribunal de grande instance à la requête de l'adoptant si les conditions de la loi sont remplies « et si l'adoption est conforme à l'intérêt de l'enfant » ; que ces dispositions, applicables que les adoptants soient de même sexe ou de sexe différent, mettent en oeuvre l'exigence résultant du dixième alinéa du Préambule de la Constitution de 1946 selon laquelle l'adoption ne peut être prononcée que si elle est conforme à l'intérêt de l'enfant ;

55. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le grief tiré de ce que les dispositions contestées méconnaîtraient le dixième alinéa du Préambule de 1946 doit être écarté ; qu'il en va de même du grief tiré de ce que les droits de l'enfant seraient inégalement protégés selon qu'ils sont adoptés par des parents de même sexe ou par des parents de sexe différent ;