Sculpter (faire à l'atelier)

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Musée des beaux-arts de Rennes mba.rennes.fr 1 Sculpter (faire à l'atelier) Exposition présentée du 14 mars au 27 mai 2018 Ouverture en continu : du mardi au vendredi de 10h à 17h le week-end de 10h à 18h (sauf lundis et jours fériés)

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Sculpter (faire à l'atelier) Exposition présentée du 14 mars au 27 mai 2018

Ouverture en continu :

du mardi au vendredi de 10h à 17h le week-end de 10h à 18h (sauf lundis et jours fériés)

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Informations pratiques

Musée des beaux-arts 02 23 62 17 45 20 quai Émile Zola mba.rennes.fr 35000 Rennes

Ouverture en continu : du mardi au vendredi de 10h à 17h et le WE de 10h à 18h (fermeture les lundis et jours fériés) Permanence des conseillers-relais, mercredi : 14h - 16h 02 23 62 17 54 Fabrice Anzemberg (arts plastiques) et Yannick Louis (histoire-géographie) Réservation obligatoire au 02 23 62 17 41 (du lundi au vendredi : 8h45 - 12h15)

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"C'est une belle idée de donner la parole à la main" Hugues Reip Le musée des beaux-arts, le Frac Bretagne et La Criée centre d'art contemporain s'associent pour proposer une exposition collective sur la sculpture depuis les années 80 en France. Le faire et l’atelier sont au cœur de la problématique de cette manifestation, qui dessine les filiations, remises en jeux et extensions opérant d'une génération ou d'un contexte à l'autre, à travers les œuvres d’une soixantaine d’artistes français ou vivant en France. SCULPTER (faire à l'atelier) présente l'atelier du sculpteur comme le lieu du faire, mais également comme celui de la pensée, de l'expérimentation et de la recherche. Les artistes font feu de tout bois : utilisant aussi bien la pâte à modeler que le granit, le plastique que le végétal, des matériaux bruts autant que manufacturés, le geste aussi bien que le produit du geste, le corps. Une place importante est ainsi accordée au matériau, à la matière première, qu'elle soit assemblée, transformée, déformée, composée ou recyclée. À l'atelier, on fabrique : parmi les artistes invités certains maîtrisent seuls la réalisation de leur œuvre, en s'appuyant parfois exclusivement sur la maîtrise d'une technique traditionnelle ou artisanale - le faire se revendique savoir-faire -, d'autres préfèrent s'entourer d'experts issus parfois du hors-champs de l'art, des scientifiques, en particulier ceux qui consacrent leur recherche aux matériaux, pour réaliser leurs œuvres. SCULPTER (faire à l'atelier) se veut une exposition sans barrière ni de génération ni de matériaux ni de techniques, non plus que de 'style'. Pour rendre compte de cette volonté, elle est conçue sans discontinuité entre les trois lieux et sans séparation ni cimaise à l'intérieur des salles ; elle privilégie donc la circulation d'œuvre en œuvre par capillarité plutôt que par thématiques ou générations. De ces proximités, naîtront, nous l'espérons, le même type d'accidents et autres miracles que ceux qui surviennent dans l'espace de l'atelier.

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Gustave CAILLEBOTTE (1848-1894) Périssoires

1878 huile sur toile

155,5 x 108,5 cm Rennes, musée des beaux-arts

------------------------------------------------ Richard MONNIER Né en 1951, vit et travaille à Grenoble Richard MONNIER s'intéresse plus au processus d'apparition des formes qu'aux matériaux eux-mêmes. Les gestes sont multiples et en lien avec la matière : le tressage, l'expansion, la découpe, l'enroulement, la superposition… Le point commun de ces diverses pratiques est toujours un intérêt marqué pour la recherche. La production matérielle s'accompagne systématiquement de ce temps. Peut-on dire qu'il précède le travail ? Il est sans doute plus encore inclus dans la démarche de création de l'artiste. Richard MONNIER utilise le matériau pour ses qualités physiques et le potentiel plastique qui peuvent être tirés de leurs caractéristiques physiques. L'atelier est le lieu de toutes les expérimentations ; la forme produite combine un ensemble d'opérations d'origines très diverses. Encore faut-il s'entendre sur ce qu'on appelle chez Richard MONNIER l'atelier : les lieux de son travail d'enseignant, la bibliothèque, son espace de travail personnel… ? Forme extraite 2 1986 PVC gris 2 x (421 x 50 cm) Collection Frac Bretagne Les formes extraites sont un exemple de ces recherches permanentes, de ces allers-retours incessants. Comment un tube de PVC, un simple tuyau d'évacuation des eaux usées, peut être considéré plastiquement et vu comme un potentiel objet d'expression de formes « invisibles » si on n'y prête pas attention et cependant contenues par la nature même du cylindre ? Forme extraite 2, comme Forme extraite 1 (Frac Limousin), est obtenue par une découpe de ce tube et par un choix d'angles particuliers qui projette dans l'espace des formes logiquement présentes dans le matériau et cependant difficilement perceptibles. La sculpture de Richard MONNIER est une possible lecture de la figure du cylindre et permet d'en faire surgir une forme cachée, incluse ; l'artiste la rend présente. Ces découpes du cylindre interrogent le rapport à l'espace et aux trois dimensions. Au musée / (Faire à l'atelier) D'une forme à l'autre, d'une époque à l'autre, d'un lieu à l'autre, d'une fonction à …

Kayak (Nord-Est du Canada, début XVIIIe siècle) bois et peau de phoques

L .675 cm Rennes, musée des beaux-arts

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------------------------------------------------ Sylvie RÉNO Née en 1959, vit et travaille à Marseille Sylvie RÉNO aborde à la fois les questions de l'objet, de l'espace et du matériau. À partir du carton, elle réalise des objets de notre quotidien qu'elle reproduit avec minutie. Elle fabrique avec un incroyable degré de précision une chaise, une table avec un cendrier et une cigarette, le paquet de cigarettes, un mug et sa cuillère et l'indispensable téléphone portable ; une autre table sur laquelle est posée un vieux tourne-disque ; une collection d'armes ; des ustensiles de cuisine accrochés au mur sur un support « aimanté »... Elle peut aussi créer de faux pistolet-jouets (?) du futur. Dans d'autres cas, elle intervient dans l'espace en « équipant » le lieu d'un escalier roulant, elle peut étayer une pièce, comme le ferait un maçon, constituer des éléments de charpente, fabriquer une chambre forte… Les objets que décrit Sylvie RÉNO sont issus du quotidien ou font écho à notre imaginaire collectif. L'artiste nous donne à voir le banal, une certaine vision de l'ordinaire (les pistolets lasers sont présents dans nos films de science-fiction, les comics au même titre que les objets de consommation courante). Elle témoigne de cette inflation dans le monde occidental, hors de l'entendement, des objets dans nos vies et la dépendance qui nous lie à eux. L'utilitaire devient parfois une fin en soi allant jusqu'à créer un lien affectif hors norme avec tous les objets de plus en plus complexes, de plus en plus sophistiqués comme peuvent l'être les smartphones ou autres objets connectés. Tout est en carton cependant, même si les objets ou les environnements sont reproduits avec une exactitude telle que le spectateur peut s'interroger sur leur potentielle fonctionnalité. La relation que le spectateur entretient à l'œuvre de Sylvie RÉNO est rendue complexe par le choix des objets. Ils sont reconnaissables, on peut les associer à notre quotidien et comme les véritables objets dont l'artiste s'inspire, on peut éprouver des sentiments assez proches : fascination, rejet, nostalgie. L'artiste confronte le spectateur à notre rapport à l'art et à ce qu'il en attend. Le Bagage (Ich habe noch einen Koffer in Berlin) 2003 Carton ondulé, éponge et miroir 310 x 350 cm Collection Frac Bretagne Cependant, dans le bagage (Ich habe noch einen Koffer in Berlin), l'œuvre est montrée au sol, entourée de pièces de carton ondulé, le matériau brut qui a peut-être servi à fabriquer cet ensemble. Le spectateur peut dans un premier temps créer un rapport au voyage et à l'errance. Cette valise est peut-être celle des vacances, du ou de la professionnel-le en déplacement dans le cadre de son travail. Mais la présence du carton brut intrigue : ce voyage construit ou au contraire participe à une forme de déstructuration ? Que signifie (Ich Habe noch einen Koffer in Berlin) – j'ai encore une valise à Berlin ? L'artiste semble jouer sur des réalités différentes : celle du travail plastique en interrogeant le matériau et en le soumettant à la pratique ; celle de l'artistique en gardant une précision presque obsessionnelle en reproduisant les objets dans leurs moindres détails, allant jusqu'à changer de carton pour varier les

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qualités de matières, de couleurs. L'apport d'une éponge véritable et d'un miroir nous interrogent aussi sur notre rapport au réel, le vrai, le décor, l'imitation ou la transformation. Au musée / (Faire à l'atelier) Dans la collection du musée, des œuvres interrogent à leur manière ces questions de matérialité et de rapport au réel.

Jean-Baptiste Siméon CHARDIN (1699-1779)

Panier de prunes avec verre d'eau vers 1759 huile sur toile

38 x 46cm Rennes, musée des beaux-arts

Jean-Baptiste Siméon CHARDIN (1699-1779)

Pêches et raisin avec rafraîchissoir vers 1759 huile sur toile

38 x 46cm Rennes, musée des beaux-arts

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------------------------------------------------ Pascal RIVET Né en 1966, vit et travaille à Brest Pour un urbain, la moissonneuse-batteuse est un symbole de ruralité, une machine moderne certes, mais bien ancrée dans la terre, attachée aux travaux des champs. Engin monstrueux, elle semble engloutir aux temps des moissons, des hectares de blé ou de céréales, tournant des heures durant pendant les périodes d'été. Elle ne s'arrête que lorsque l'ensemble des prés d'un secteur se retrouve mis à nu après son passage. À la manière d'une invasion de sauterelles, elle « dévaste » les cultures et participe ainsi à cette transformation permanente des paysages qu'entraîne l'exploitation de la terre à des fins agricoles. C'est aussi pour le vacancier, l'engin agricole qui vient encombrer la route des congés, celui qu'on ne pourra dépasser et qu'il faudra suivre on ne sait combien de temps. En bref, de cet engin agricole émanent bien des aspects négatifs. Paradoxalement, de toutes les machines agricoles, la « moiss'-bat' » est sans doute celle qui concentre le plus de technologies embarquées. Elle est un engin à fonctions multiples. En effet, au début du XXe siècle apparaissent les premières machines qui progressivement modifient le travail des paysans et font entrer l'agriculture dans l'ère de la mécanisation. C'est un des marqueurs de la transition d'une tradition agricole vers un monde industriel puis post-industriel. L'homme et le cheval, le couple emblématique du travail de la terre, va laisser place à la mécanique, à la puissance de la machine. On voit apparaître les premiers tracteurs, les moissonneuses, les batteuses, les botteleuses-lieuses, les « locomotives », en fait les machines à vapeur encore tractées par des chevaux qui servent de moteur à une partie de ces machines. La moissonneuse-batteuse, elle, concentre toutes ces fonctions : elle fauche, trie les grains et les sépare de la paille, certaines font même les bottes. Les engins actuels mesurent la quantité d'humidité contenue dans les grains et permettent de conditionner la moisson pour éviter que le blé ne s'abime pendant le stockage. Moteurs performants, ordinateurs de bord, mais aussi radio et climatisation, cabine insonorisée pour le confort du conducteur, la moissonneuse-batteuse est pour le monde agricole, l'image du progrès, de l'ultra-modernité et même pour celui qui la possède une forme de réussite, voire de domination. Dominator, 2008-2009 Volige de sapin, bois peint 820 x 350 x 380 cm Collection Pascal RIVET Ce sont sans doute tous ces codes et toute cette ambiguïté que montre Pascal RIVET dans Dominator, reproduction à l'échelle 1 d'une machine de ce type. Cette œuvre, comme l'ensemble de son travail, est un aller-retour constant pour le spectateur entre l'expression artistique et le savoir-faire artisanal. Les productions de Pascal RIVET donnent un sentiment de travail bien fait. La fabrication occupe une place primordiale dans Dominator, plus encore que dans Valtra ou Massey Fergusson, œuvres récemment présentées au Frac Bretagne. Dominator est fait en bois. La matière est ici affirmée, mais l'imitation, au premier regard, est d'une réalité surprenante, la couleur vient parfaire cette illusion. La machine a servi, elle est par endroit usée ou salie. Cependant la matière brute du bois vient vite perturber cette lecture. L'œuvre concentre un savoir-faire presqu'artisanal, elle reprend les processus de l'industrie et interroge en même temps le monde artistique.

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Dominator, comme Ici les paysans avancent… (trente petits tableaux réalisés au point de croix, collection du Frac Bretagne) montrent l'importance du geste et du passage à une grande technicité. Le geste et la pratique sont nécessaires pour réaliser ces œuvres. Le temps passé à l'atelier donne un sens au travail de l'artiste. Dominator est la réplique d'une moissonneuse-batteuse de la marque Claas, type Dominator à l'échelle 1. Montrée au Frac Bretagne dans le cadre de l'exposition Rase campagne 1, elle apparaissait dans sa version « atelier ». Les deux tracteurs Valtra et Massey Fergusson y étaient présentés, l'un d'eux était posé sur cale. Étions-nous dans un garage agricole ? S'agissait-il d'une gigantesque maquette, un jouet à assembler nous-même ? Dans Sculpter (faire à l'atelier), au musée des beaux-arts de Rennes, Dominator est montré assemblé. Dans ce lieu, le titre de l'œuvre prend un sens particulier, mais le décalage avec le contexte joue à plein et redonne au travail de l'artiste la valeur de l'entre-deux. 1 Rase Campagne, exposition au Frac Bretagne présentée du 15 décembre 2017 au 18 février 2018 Au musée / (Faire à l'atelier) Que perçoit-on aujourd'hui du paysage et particulièrement de nos campagnes qu'à tort nous appelons souvent « nature » ? Si les racines culturelles de la France sont profondément ancrées dans la ruralité, nombre de familles ont à une ou deux générations de distance des ancêtres agriculteurs, les jeunes générations, particulièrement en ville, savent-elles encore lire un paysage rural, en comprendre son organisation et le rapport que l'humain entretient à la terre ? Que raconte la scène de l'œuvre de Jean-Baptiste Camille COROT ?

Jean-Baptiste Camille COROT (1796-1875) Le passage du gué, le soir vers 1865-1870 huile sur toile 99 x 135cm Rennes, musée des beaux-arts

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------------------------------------------------ Jacques VIEILLE Né en 1948, vit et travaille à Paris et dans le Lot-et-Garonne Sculpter (faire à l'atelier) entraîne le spectateur dans la relation à l'espace. L'interaction qui régit le rapport de l'œuvre et du spectateur passe par le déplacement, le positionnement que l'artiste impose par la mise en scène de sa production dans le lieu de la monstration. Plus que la peinture, l'objet sculpté, dans le sens large que propose cette exposition, oblige le spectateur à trouver sa place face à l'œuvre et, éventuellement, à en changer. La perception d'un objet en volume est complexe, elle fait intervenir le regard et la mémoire, le souvenir de l'autre face de la sculpture, celle que l'on a vu, que l'on ne voit plus. Parfois, cette combinaison de point de vue entraîne des ruptures entre les différents points de vue. L'objet sculpté change, par exemple, la relation de celui-ci avec l'environnement entre en jeu. Jacques VIEILLE nous entraîne dans cette relation particulière de l'œuvre à l'espace et au spectateur. L'artiste est à la fois architecte, paysagiste, horticulteur… Il explore l'espace de manières très différentes, en changeant de vocabulaire, de moyens d'expression mais toujours en gardant ce souci de ce rapport particulier qu'il entretient avec son environnement. La Forêt, 2015 105 lames impression jet d'encre sur bâche M1 3 rails à lamelles verticales orientables 280 x 280 x 30 cm Collection de l'artiste La Forêt est une autre interprétation de la notion de la peinture ou plus généralement de l'œuvre d'art comme fenêtre ouverte sur le monde. Le monde ici, n'est plus vu d'un point de vue unique. Le point de vue peut changer, et de deux manières ! Le spectateur par ses déplacements voit l'œuvre sous des aspects différents selon les différentes places que l'artiste l'invite à explorer. Le jeu de lamelles, leurs orientations donnent à voir des images variables. Comme l'artiste utilise ici un système analogue à celui de store, il est aussi possible de les actionner à la manière d'un rideau, de les ouvrir plus ou moins et donc de modifier l'espace représenté sur les lamelles. Deux mondes végétaux s'opposent, un est en couleur, l'autre est fait de variations de gris. Rien n'est fixe, tout peut changer à chaque instant ; des combinaisons sans fin font naître de nouveaux espaces à chaque instant. Au musée / (Faire à l'atelier) Laurent PARIENTE, comme Jacques VIEILLE, mêle dans sa pratique l'architecture, la peinture, la sculpture. Si cette œuvre s'inscrit plus dans un rapport aux deux dimensions, une certaine spatialité

s'en dégage. Mais l'observation de cette œuvre est fortement influencée par le positionnement du spectateur dans l'espace de monstration. Le déplacement, le jeu des lumières entraînent une

perte de repères étonnante. L'œuvre met en scène son environnement ; le spectateur devient acteur, il est impliqué physiquement dans l'espace de cette production sans cesse mouvante, toujours changeante.

Fabrice Anzemberg, conseiller-relais

Laurent Pariente (né en 1962) Sans titre 2007 Plaque d'aluminium gravée à la pointe sèche 200 x 200 cm Rennes, musée des beaux-arts

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SCULPTER – FAIRE À L'ATELIER

ET LA COLLECTION DU MUSÉE DES BEAUX ARTS DE RENNES Définir aujourd'hui la sculpture n'est chose facile ; si on se réfère à Souriau - Vocabulaire d'esthétique - on distinguera le sens étroit (du latin sculptura, de sculpo, tailler, graver. Art de réaliser des œuvres tridimensonnelles en taillant dans un bloc de matière solide. L'artiste intervient par retrait de matière...) du sens large (variété des procédés utilisés. Donc, à la taille on ajoute le modelage, le moulage – du bronze au plastique aujourd'hui -, le martelage de métaux, le travail au chalumeau...). On comprend que les innovations techniques ont été intégrées à la pratique de la sculpture et qu'il est aujourd'hui difficile d'en fixer les limites. La collection du musée des beaux arts de Rennes possède encore quelques œuvres sculptées mais c'est sans doute une des parties de la collection qui a le plus souffert pendant la Seconde Guerre mondiale (on n'avait pu déménager les sculptures). Installées dans les salles, ces pièces permettent une approche de la sculpture à travers la variété des matériaux, des techniques, des courants artistiques des XIXe, XXe et XIXe siècles ici privilégiés. Où la sculpture devient rafistolage de savetier

Giambologna (ou Jean Bologne ou encore Jehan Boulongne) est né à Douai en 1529 ; il apprend la sculpture en Flandre avant de se rendre à Rome en 1555 puis à Florence où on admire encore Bandellini et Cellini. Sous la protection de François Ier de Médicis, entre 1565 et 1570, il parvient à s'imposer après son maître Michel-Ange (Caprese, 1475 – Rome, 1564) qui savait faire se rencontrer force et harmonie (David). Ce succès s'explique par son adresse : L'Enlèvement d'une Sabine extrait d'un bloc de marbre de 4,1 m fut sans doute son chef d'œuvre ; le spectateur est entraîné dans le mouvement même de la sculpture et cherche en vain la prima

veduta (point de vue idéal pour admirer la sculpture) alors que, d'où qu'on la regarde, cet ensemble nous invite toujours au déplacement autour de l'œuvre. Le sculpteur maniériste a fait du spectateur statique devant la prima veduta un observateur cinétique (Wittkover) qui fait vivre la sculpture par son mouvement. Désormais il n'y a plus la vue majeure que recherchaient les sculpteurs mais un tourbillon animé par le déplacement du regard. Mais la plus grande hardiesse de l'artiste rapportée par Vasari fut sans doute aussi de s'autoriser ce que son maître Michel-Ange refusait (et que Vasari lui-même condamnait) : l'assemblage de plusieurs blocs de marbre pour réaliser un ensemble, un rafistolage de savetier selon Vasari (1511-1574). Ceux qui sont pressés et se mettent tout de suite à creuser le bloc et à enlever hardiment de la pierre n'ont plus la possibilité de revenir éventuellement en arrière ; de là naissent dans les statues, de multiples erreurs : impatient de voir la figure en ronde bosse tirée du bloc d'un seul coup, l'artiste commet souvent une faute irréparable ; il ne peut y remédier qu'en rapportant des morceaux, comme

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nous l'avons vu faire à plusieurs artistes modernes ; ce rafistolage de savetier n'est pas digne d'excellents artistes ou de grands maîtres. Giorgio Vasari, La vie des meilleurs peintres, sculpteurs et architectes, trad. sous la direction d'André Chastel, Paris Berger-Levrault, 1981, t 1, p. 124 Pour Giambologna, le bloc de marbre n'impose aucun tabou sérieux, comme on le voit dans L'Enlèvement d'une Sabine et dans d'autres œuvres encore. La sinuosité des contours et la saillie des extrémités attestent qu'il avait la volonté et la capacité de se libérer des limites imposées par la pierre. La voie était ainsi ouverte à l'utilisation de plusieurs blocs de marbre pour une même figure..." (...) Gian Lorenzo Bernini, le plus grand sculpteur du siècle suivant, se prévalut des libertés prises par Giambologna et ne vit aucun inconvénient à utiliser plusieurs blocs de pierre pour façonner une figure "à la manière d'un savetier". Wittkover, Qu'est-ce que la sculpture, p. 167 Saint Longin du Bernin présent dans la cathédrale Saint Pierre a une hauteur de 4,40 m, il est composé de quatre blocs de marbre, matériau auquel le Bernin associe ensuite le bronze. Une étape est franchie. Où du premier coup, Degas a culbuté les traditions de la sculpture (Huysmans) Avec audace, le peintre expose sa première sculpture en 1881, lors de l'exposition impressionniste. La ballerine de 95 cm de haut est debout, au repos. Elle n'a rien d'aguicheur ou de vulgaire, pourtant l'œuvre surprend, provoque un malaise : on voit une jeune danseuse de l'opéra (antichambre de la prostitution pour certains), un "petit rat" que l'on associe au vice. Mais ce sont aussi (surtout ?) les matériaux qui sont inattendus : la cire teintée (brun pour les chairs, rose pour les lèvres) est habillée d'un vrai tutu, de chaussons, d'un ruban de satin dans les cheveux (de vrais cheveux !). On abandonne le marbre (matériau noble au coût élevé) pour s'approcher au plus près du modèle ; l'hyperréalisme est tout aussi insoutenable. C'est là ce qui provoque le rejet par la critique (on lui trouva un visage où tous les vices impriment leurs détestables promesses, marque d'un caractère particulièrement vicieux ; on qualifia l'œuvre de travail de taxidermiste) quand Huysmans mais peut-être surtout Renoir et Charles Ephrussi défendent la

modernité de la sculpture. Pour certains, cet assemblage d'éléments divers ferait penser à Picasso ; collage avant la lettre, la petite danseuse annonce les hardiesses du XXe siècle. L'édition en bronze ne fut réalisée qu'en 1917 après la mort de l'artiste, lorsqu'on découvre des dizaines de sculptures en cire ou en terre dans son atelier. L’édition en bronze n’a gardé que la jupe et le ruban en accessoires naturels, le reste étant en bronze à patines adaptées aux modèles.

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Parcours dans la collection du musée des beaux-arts de Rennes Sélection d'œuvres des XIXe, XXe et XXIe siècles utilisant différents matériaux : marbre, kersantite, bronze, bois... Lorenzo Bartolini (Vernio, 1777- Florence, 1850) Napoleone-Élisa Baciocchi et son chien 1812 Marbre 113 x 33 x 39 cm

L'artiste Lorenzo Bartolini arrive à Paris en 1799 où il travaille dans l'atelier de David, se lie avec Ingres. Au service de l'empereur, il réalise plusieurs bustes de la famille impériale. En 1807, l'empereur Napoléon Ier et sa sœur Élisa Baciocchi, princesse de Piombino et de Lucques, grande-duchesse de Toscane le nomment directeur de l’Académie de sculpture de Carrara. En 1815, il doit s'installer à Florence où on accepte mal ses compromissions avec le régime impérial. Son talent lui permet d'y poursuivre une carrière qui se termine en 1844 avec son dernier travail important : le monument funéraire de la princesse polonaise Sophie Zamojska, dans la basilique de Santa Croce à Florence. Inspiré par la sculpture de Canova, il s'en détache cependant pour faire évoluer le néoclassicisme vers une inspiration plus naturelle en se tournant vers les sculpteurs toscans du XVe siècle. La sculpture : Élisa Napoléone Baciocchi Née de la sœur de Napoléon Ier, la petite Napoléone est alors âgée de six ans ; née à Lucques en 1806, elle est nommée princesse de Piombino par son oncle le 27 juin 1808. Elle meurt à Colpo (Morbihan) en 1869, seule, âgée de 63 ans. Ici la petite fille porte une coupe ; associée à Hébé, éternellement jeune, elle sert l'ambroisie aux dieux de l'Olympe. On remarque l'abeille qui rappelle son appartenance à la famille impériale (et peut-être les ambitions de la famille alors que Napoléon n'a toujours pas de fils). La nudité, une certaine raideur propre au néoclassicisme sont contrebalancés par la présence de l'animal et sa proximité signifiée avec l'enfant. ------------------------------------------------ Rembrandt Bugatti (Milan, 1884 - Paris, 1916) Éléphant (ou "Éléphant blanc – il court") 1909 Bronze 45 x 70 x 23 cm

Fils du décorateur et architecte Carlo Bugatti, frère d'Ettore Bugatti (le constructeur automobile), Rembrandt Bugatti commence à sculpter des animaux dès sa jeunesse ; il s'installe à Paris en 1903, s'associe au fondeur et galeriste Hébrard qui présente ses œuvres dans la capitale mais également à travers l'Europe (et New York).

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Le parc zoologique du Jardin des Plantes de Paris lui permet de s'approcher et de se rapprocher des animaux mais c'est surtout à Anvers où il s'installe en 1906 (le zoo met un atelier à sa disposition) que l'artiste trouve un lieu d'inspiration à la mesure de son talent. La disparition du zoo d'Anvers avec la Première Guerre mondiale, la fermeture de la galerie Hébrard, les difficultés financières et la santé déficiente conduisent Rembrandt Bugatti au désespoir et au suicide. Sa carrière impressionne encore par sa fulgurance. L'Éléphant présent à Rennes exprime bien le talent du sculpteur animalier : l'impressionnant animal par sa masse n'en semble pas moins animé et la "course" dirigée vers un point précis que la trompe semble déjà en passe d'atteindre. Dans un style nerveux et vivant, tout est mouvement et l'animal semble encore barrir ------------------------------------------------ Alfred Boucher (Bouy-sur-Orvin, 1850 – Aix-les-Bains, 1934) Le Terrassier 1890 Bronze 60 x 45 x 28 cm

Les origines modestes d'Alfred Boucher doivent être notées prioritairement : son père est d'abord journalier agricole. Joseph Marius Ramus (1805-1888), sculpteur (deuxième prix de Rome en 1830), emploie la famille (et précisément son père dans la fonction de jardinier) et remarque les aptitudes d'Alfred dont il fait son assistant. En 1869, Boucher entre à l'école des beaux-arts de Paris ; il reçoit par deux fois le second Prix de Rome (1876 et 1878) et séjourne à deux reprises en Italie (1877-1878 et 1883-1884). Artiste officiel, il est l'auteur de bustes d'hommes célèbres comme Laennec, Maupassant, Georges Ier

ou encore Jean Casimir-Périer, mais produit aussi des nus féminins, des scènes mythologiques... Après la Première Guerre mondiale, il s'essaie à de nouveaux matériaux (béton armé) et signe plusieurs monuments aux morts. C'est également Alfred Boucher qui souhaite aider les jeunes artistes en créant La Ruche dans le quartier de Montparnasse en 1902 en récupérant un pavillon de l'exposition universelle, événement durant lequel il reçoit le Grand Prix de sculpture. Cependant, il demeure proche de ses origines sociales en sculptant Le Terrassier, mais aussi La Faneuse, La Bourrasque, Le Bûcheron... Le Terrassier (également appelé À la terre), exposé au Salon de 1891, valut une médaille d'honneur à l'artiste. Alfred Boucher s'exprime ici dans une veine réaliste en s'appuyant sur une esthétique antiquisante alors que l'olympisme est dans tous les esprits. Un paysan, vêtu seulement d'une ceinture nouée autour de la taille, est en train de travailler. Avec sa bêche (ou sa pelle ?), il creuse la terre, sollicitant une musculature puissante et tendue. (la sculpture fut qualifiée par la critique "d'apothéose michelangelesque du muscle et de l'effort").

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------------------------------------------------ Francis Renaud (Saint-Brieuc, 1887 – Saint-Brieuc, 1973) La Douleur Vers 1921 Kersantite 67,5 x 57 x 66 cm

C'est dans une mante de veuve à large capuche pour protéger la coiffe – la toukenn - que pose Mme Gauthier pour ce monument aux morts de Tréguier (cette femme veuve de guerre aurait également perdu trois fils). Le sculpteur en fait une représentation de la douleur qui exprime avec force la souffrance humaine et donne à son œuvre une portée universelle même si le matériau et le costume se rapportent à la Bretagne. Sans représenter poilus en uniforme, armes, soldats agonisants ou héroïques, l'artiste révèle pourtant la réalité d'une guerre. On remarquera les différences de traitement des surfaces (polies, bouchardées ou simplement travaillées à la pointe ou avec la gradine). ------------------------------------------------ Émile-Jean Armel-Beaufils (Rennes, 1882 – Saint-Briac, 1952) Après le pardon Avant 1942 Bois exotique 65 x 23 x 21 cm La tradition académique est fortement défendue à l'École régionale des beaux-arts de Rennes au début du XXe siècle quand Armel-Beaufils y suit les cours avant de se rendre à Paris. De retour dans sa région natale, les sujets bretons l'inspirent, notamment la femme dans son costume, parfois aussi à demi-dénudée pour y exprimer la rencontre de la modernité et de l'académisme dans une veine régionaliste. Ici, la jeune femme dénudée quitte sa coiffe (de Plougastel) après le pardon. La vie sociale, religieuse et l'intime se retrouvent dans une représentation du corps que l'artiste a par ailleurs traité en s'inspirant sans doute des scènes balnéaires de Saint-Briac. Cette même pose est souvent reprise par l'artiste : les bras relevés, les mains occupées à la coiffe (La dernière épingle) ou à la coiffure (La Fée des grèves).

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------------------------------------------------ César Baldaccini, César (dit) (Marseille, 1921 - Paris, 1998) L'Échassier 1969 Bronze, dorure 27 x 26 x 17 cm numéro de tirage : 6/8

De nouvelles techniques, de nouveaux matériaux pour traduire une expression : en 1952, César fait ses premiers essais de soudure ; lors de sa première exposition en 1954, tubes, boulons, vis, morceaux de tôle deviennent un chat, un scorpion... ou un coq. Les poules seront ensuite régulièrement présentes (La pacholette). Proche de Pablo Picasso, César utilise ici des matériaux de récupération qu'il soude pour créer des formes animales (ou humaines). Regardez attentivement la sculpture pour en faire l'inventaire ; remarquez les éléments qui "donnent vie et identité" à l'échassier ; comment interpréter la dorure ? Un débat ancien : supériorité de la sculpture sur la peinture ? En 1547, Benedetto Varchi (Florence, 1502 – 1565), humaniste et historien, sollicite les plus grands artistes à s'exprimer sur peinture et sculpture. Selon Michel Ange (Caprese, 1475 – Rome, 1564) la sculpture correspond à ce que l'on obtient en enlevant quelque chose, à la différence du modelage (on ajoute - donc proche de la peinture). Dans son paragone*, Léonard de Vinci (Vinci, 1452 – Amboise, 1519) place la peinture au-dessus de la sculpture, peut-être à cause de la mise aux points qui réduit le travail du sculpteur à une dimension manuelle. Pour Benvenuto Cellini (Florence, 1500 – 1571), c'est la multifacialité de la sculpture qui en fait la supériorité : une sculpture vaut sept fois mieux qu'une peinture car elle doit présenter huit points de vue différents (avec cependant la primauté de la prima veduta). Laurent Pariente (né à Oran en 1962) développe une œuvre qui convoque à la fois la peinture, la sculpture et l'architecture. Les plaques d'aluminium sont poncées, recouvertes d'un vernis rouge ou bleu et entaillées par l'artiste au moyen d'une pointe sèche ; l'exécution menée dans le vernis humide interdit tout repentir et témoigne de la vivacité et de l'intensité du moment de la création. Le réseau serré des traits fait advenir la lumière et crée une matière lumineuse et mobile qui varie selon la source lumineuse et la place du spectateur. (Extraits du texte de Justine Mercier, publié à l'occasion de l'exposition Les Inconnus dans la maison au musée des beaux-arts de Rennes, 1er février – 14 avril 201). * "Parallèle entre les Arts"

Yannick Louis, conseiller-relais

Laurent Pariente Sans titre

2007 Plaque d'aluminium gravée à la pointe sèche

200 x 200 cm

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Bibliographie / sitographie Rudolf Wittkower, Qu'est-ce que la sculpture ? Principes et procédures de l'Antiquité au XXe siècle, Histoire de l'art, Macula, 1995 Claire Barbillon, Comment regarder la sculpture Mille ans de sculpture occidentale, Guide Hazan, avril 2017 La Petite Danseuse de Degas : http://www.wukali.com/Edgar-Degas-la-petite-danseuse-de-14-ans-2823#.WpQKvGfJiHs Texte de Huysmans http://agora.qc.ca/documents/edgar_degas-la_petite_danseuse_de_cire_de_degas_par_joris-karl_huysmans

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Montage de l'exposition Sculpter [faire à l'atelier] _ Stéphane Thidet : 8 février_ Christelle Familiari : 28 février _ Rika Tanaka : 1er mars_ Pascal Rivet : 2 mars

Dossier : Fabrice Anzemberg, [email protected] Yannick Louis, [email protected], mars 2018 Maquette : Carole Marsac, MBAR - Mise en ligne : Nadège Mingot, MBAR