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Scouts catholiques à Brest dans rentre-deux-guerres Christophe CARICHON En 1899, paraît en Grande- Bretagne un manuel de techniques à l'usage des militaires : « Aide aux édaireurs. Son auteur, le colonel Robert Stephenson Smith Baden-Powell, est loin de penser que ce petit ouvrage va largement dépasser le cadre de l'armée et devenir le livre fondateur de l'un des plus originaux mouvements de jeu- nesse qui fleurissent à cette époque : le scoutisme <o. Devant ce succès, Baden- Powell organise un premier camp scout en 1907, reprend les épreuves d'« Eclaireurs » en 1908 afin d'adapter sa méthode pour les adolescents et enfin quitte l'armée afin de se consa- crer uniquement à ceux qu'il nomme ses « éclaireurs pacifiques ». En France, le scoutisme apparaît dès 1910 et se développe principale- ment au sein des milieux protestants et de l'instruction publique. Après la visite du « Chief » en France, deux fédérations voient le jour : les Eclai- reurs de France (neutres) et les Eclai- reurs Unionistes de France (protes- tants). Les catholiques sont, bien sûr, aussi séduits par le nouveau mouve- ment et quelques unités se réclamant de Baden-Powell sont fondées ici et là avec un relatif succès. Hélas, ne dispo- sant pas d'une structure nationale et se trouvant en butte aux critiques de leur hiérarchie relayée par une « Bonne Presse » accusant le scoutisme d'avoir partie liée avec le protestantisme et la Franc-Maçonnerie, les premiers scouts catholiques ne parviennent pas à s'im- poser ( 2 ). En 1920, enfin, après de lon- gues discussions, l'épiscopat conscient de l'utilité d'une grande fédération de Une patrouille de la / rc Brest (Collection particulière) Les Cahiers de l'Iroise, 156 45

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Scouts catholiques à Brest dans rentre-deux-guerresChristophe CARICHON

En 1899, paraî t en Grande-Bretagne un manuel de techniques àl'usage des militaires : « Aide auxédaireurs. Son auteur, le colonel RobertStephenson Smith Baden-Powell, estloin de penser que ce petit ouvrage valargement dépasser le cadre de l'arméeet devenir le livre fondateur de l'un desplus originaux mouvements de jeu-nesse qui fleurissent à cette époque : lescoutisme <o. Devant ce succès, Baden-Powell organise un premier campscout en 1907, reprend les épreuvesd'« Eclaireurs » en 1908 afin d'adaptersa méthode pour les adolescents etenfin quitte l'armée afin de se consa-crer uniquement à ceux qu'il nommeses « éclaireurs pacifiques ».

En France, le scoutisme apparaîtdès 1910 et se développe principale-

ment au sein des milieux protestants etde l'instruction publique. Après lavisite du « Chief » en France, deuxfédérations voient le jour : les Eclai-reurs de France (neutres) et les Eclai-reurs Unionistes de France (protes-tants). Les catholiques sont, bien sûr,aussi séduits par le nouveau mouve-ment et quelques unités se réclamantde Baden-Powell sont fondées ici et làavec un relatif succès. Hélas, ne dispo-sant pas d'une structure nationale et setrouvant en butte aux critiques de leurhiérarchie relayée par une « BonnePresse » accusant le scoutisme d'avoirpartie liée avec le protestantisme et laFranc-Maçonnerie, les premiers scoutscatholiques ne parviennent pas à s'im-poser (2). En 1920, enfin, après de lon-gues discussions, l'épiscopat conscientde l'utilité d'une grande fédération de

Une patrouille de la /rc Brest (Collection particulière)

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scoutisme catholique et des avantagesqu'il pourrait en retirer autorise lacréation des « Scouts de France ».Quatre ans plus tard, les S.d.F. ali-gnent 5 000 à 6 000 adhérents*3) etprennent pied en Bretagne et particu-lièrement dans le Finistère.

PRÉCURSEURS ET PIONNIERS.

C'est en Cornouaille que le « virusscout » est d'abord innoculé : en effet,avec la bénédiction de MonseigneurDuparc et la protection de l'abbé LeGoasguen, directeur des Œuvres, unjeune élève de l'école Saint-Yves, ArmelP i c q u e n a r d , f onde la p remière« troupe »<4> scoute catholique du dio-cèse en 1924. Le jeune chef, qui a déjàpratiqué quelque peu le scoutisme encompagnie du groupe des Eclaireursde France local, parvient à réunir unedizaine d'amis autour de lui et réussit,surtout, à intéresser toute sa famille àson entreprise ; ainsi, ses sœurs fondent-elles une « meute » de « louveteaux »(5>et son père, le docteur Charles Pic-quenard, respectable représentant dela bonne bourgeoisie quimpéroise,n'hésite pas à porter culottes courtes etchapeau à larges bords en assurant lesfonctions de commissaire de provinceet de district6), voire de chef de troupede terra in (à près de cinquante-cinq ans...) quand le manque déjeunescadres se fait sentir. Grâce à sondynamisme et son enthousiasme, ledocteur Picquenard parvient, en deuxans, à mettre en place une provinceS.d.F. de Bretagne forte de trois dis-tricts couvrant quatre diocèses etcomptant quatorze troupes, sept meutes,un clan*7) et deux petites unités marinesà Quimper et Saint-Malo.

En ce qui concerne le diocèse deQuimper et Léon, c'est à Brest que lesScouts de France inaugurent leurdeuxième centre dans le courant del'année 1926-27. Jean Thiebault, unscout de la première heure, se souvient

de ces temps héroiques où tout était àinventer :

« Avec quelques amis, tous élèvesde Notre-Dame du Bon Secours, nousnous sommes regroupés en une « pa-trouille des hermines » sous la conduitede deux grands. Au début, nos activi-tés étaient très approximatives : nousjouions aux indiens le dimanche, nousavions de superbes uniformes de parade(gants blancs, cape noire, et, bien sûr,grand chapeau). Nous étions pleinsd'enthousiasme et de bonne volontémais il nous fallait tout apprendre etsurtout il nous manquait un véritablechef sachant nous commander et cau-tionnant notre entreprise face auxoppositions toujours vivaces ».

En 1927-28, deux adultes vien-nent au secours des jeunes scouts :l'ingénieur du génie maritime PierreBousquet et le chanoine Louis Salu-den. Pierre Bousquet (1905-1963) estconsidéré comme le véritable fonda-teur du scoutisme brestois. Il est plutôtl'organisateur de ce qui existe déjà. Cejeune polytechnicien, originaire deNeuilly-sur-Seine arrive à Brest en1927 ; ancien chef à la troupe 5e Paris,il prend le contrôle de l'embryon detroupe existant et la réorganise sur desbases plus solides. Au début rattachéeà Quimper, la « lre Brest » va bien vitenaviguer en solitaire et connaît sonpremier camp dans les Côtes-du-Nordavec la lre Saint-Brieuc en avril 1928.Constituée désormais de deux bonnespatrouilles (chevreuils et chamois)groupant une quinzaine de garçons, ilne manque plus à la troupe qu'un sou-tien spirituel et une reconnaissanceofficielle de l'Eglise locale ; c'est chosefaite quand le chanoine Louis Saludenaccepte d'exercer les fonctions d'au-mônier de l'unité. Un personnage quece Louis Saluden (1876-1933), ordonnéen 1902, licencié es sciences naturelles,professeur à Bon-Secours, c'est aussiun historien de la Révolution dans lediocèse et c'est à ce titre qu'il apporteune contribution importante à la cause

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de béatification des Martyrs de Sep-tembre en complétant, en particulier,le dossier du Brestois Claude Laporte^,un martyr, qui, sur les conseils duchanoine Saluden est choisi commeprotecteur par la troupe. Malgré sonâge et sa notoriété, le bon chanoine estloin d'être un aumônier de complai-sance et prend son rôle très à cœur :sur le terrain avec les garçons, il lancede plus un petit journal à usageinterne, UEcorce, fonde une meute delouveteaux avec les cheftaines CécilePouliquen et Marie de Réals<9> en 1929et assure conjointement raumônerie de

« équipes ». Quant à la branche cadette,ce sont les « jeannettes » (en souvenirde Jeanne d'Arc, patronne des G.d.F.).A l'époque, la compagnie de Brestporte le nom de « Notre-Dame duFolgoat » et est dirigée par la cheftaineDélies de Réals.

Ainsi, en quelques années, scou-tisme et guidisme catholiques se sontimplantés à Brest. Vers 1930-31, l'onpeut avancer le chiffre d 'environ45 scouts, louveteaux, guides et jean-nettes dans l'agglomération. C'est évi-demment très peu par rapport à d'au-

La troupe " Foc h "vers 1935

la nouvelle « compagnie » des Guidesde France. En effet, depuis 1930, ilexiste des Guides de France dans lacité du Ponant. Ce mouvement descoutisme catholique féminin est nétout naturellement dans notre paysdevant l'insistance des jeunes fillesvoulant faire comme leurs frères. Orga-nisées comme leurs homologues mas-culins, en province et districts, latroupe prend ici le nom de « compa-gnie » et les patroui l les sont des

Collection des anciens S.d.F.

très associations. Il faut attendre lesannées trente pour constater une véri-table explosion du scoutisme brestois,allant, somme toute, de pair avec laformidable évolution du mouvementau niveau national.

DÉVELOPPEMENT DU SCOUTISMEBRESTOIS DANS LES ANNÉES TRENTE.

Les années vingt furent le tempsdes artisans et des pionniers du scou-

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tisme. A eux les joies et les peines afinde construire et de s'imposer. L'œuvreune fois établie, il n'est plus de placepour l'empirisme et le folklore ; il fautdésormais des organisateurs et destechniciens pour structurer, protéger etcontrôler les différentes unités se ré-clamant du scoutisme et du guidismecatholiques. Les deux mouvementsmettent alors en place tout un cadrehiérarchique vertical dans lequel cha-que unité doit pouvoir s'encastrer àson niveau. Brest n'échappe pas à cetteévolution nécessaire d'autant plus quela ville connaît une augmentation ful-gurante de ses effectifs et de ses unitésdevenant, à la fin de la décennie, lepremier centre scout du diocèse.

A Paris est le Quartier Généraldes Scouts de France*10). A sa tête estle « Chef scout », sorte de cautionmorale apporté au mouvement*11) aidédans sa tâche par le « Commissairegénéral » et trois commissaires debranche, un pour chaque âge du scou-tisme. Puis, selon cette même hiérar-chie verticale, les unités font partied'une province, d'un district, d'un sec-teur, et enfin, à la base, d'un groupe.

En ce qui concerne Brest, commetoutes les villes des quatre diocèsesbretons*12), elle est partie intégrante dela province de Bretagne dont le com-mandement est assuré de Rennes parle général Tabouis ; mais elle appar-tient également au district de Quimperqui regroupe, à l'époque, l'ensembledes groupes S.d.F. du diocèse. En1933, pourtant, devant l'importanteaugmentation des effectifs du nord, ledistrict de Quimper est divisé en « dis-trict de Cornouaille » et « district deLéon », Brest étant capitale de celui-ci.

A cette époque, la direction, ouplutôt la protection, du district est lefait d'un officier supérieur en retraitecomme il s'en trouve tant chez lesS.d.F. d'alors*13) ; le colonel HenryBoscals de Réals, cavalier de tradition,adepte du christianisme social est déjà

très actif aux Associations des Parentsde l'Enseignement libre, à l'Associa-tion Catholique des chefs de famille età la section locale de la Croix rouge*14),quand il accepte, sur insistance dugénéral Tabouis, de s'occuper du Léonscout. Le commissaire de district deRéals est aidé dans son gouvernementpar des chefs et cheftaines plus jeunesqu'il délègue aux différentes branches :louveteaux, éclaireurs et routiers ; etpar un aumônier de district nommépar l'Ordinaire ; après la mort du cha-noine Saluden en 1933, le poste estoccupé par l'abbé Mazurié, aumônierde marine, puis surtout par l'abbéBothorel, dit « Botho », qui laisse unsouvenir impérissable chez tous ceuxqui l'ont connu*15) : ce prêtre, lui aussiprofesseur à Bon-Secours, au débuthostile au scoutisme, y est « converti »par ses élèves qui le poussent à accep-ter l'aumônerie de la lre Brest ; dès lespremières sorties sur le terrain, c'est ledéclic et l'enthousiasme ; enthousiasmedurable, puisque l'abbé Bothorel estencore aumônier à la fin des annéescinquante auprès de la compagnie desGuides de France de Saint-Pol-de-Léon.

Après les responsables, étudionsmaintenant les différents « groupes »brestois de S.d.F. (Pour chacun desgroupes, nous donnons le numéro,l'année de fondation, le nom du hérosou du saint protecteur, la couleur dufoulard et quelques renseignements surl'implantation géographique et l'ori-gine du recrutement).

7re Brest, groupe « Claude La-porte » puis « Foch », fondé en 1927,foulard marron clair. C'est donc l'unitécatholique la plus ancienne mais aussila plus importante puisqu'en 1938, ellecompte jusqu'à cinq patrouilles plussept cadres (quarante six membres,chiffre peu commun à l'époque), etdeux meutes de vingt-quatre louve-teaux chacune. Il faut noter que cegroupe a un recrutement très ciblé carla majorité des garçons sont issus du

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milieu « officiers de marine » non parvolonté délibérée mais du fait de sonimplantation et de sa réputation. Il estvrai que pour certains qui ne com-prennent pas toujours le véritable espritdu scoutisme, celui-ci n'est envisagéque comme élément d'un certain stan-ding et le complément à une « bonneéducation ».

L'abbé Bothorel, aumônier de district(Collection particulière)

2e Brest, groupe « Chevalier duCouëdic », fondé en 1931, foulard bleubordé de deux liserés blancs. Très dif-férent du 1er groupe, celui-ci est unpeu l'enfant pauvre du scoutisme bres-tois : une simple casemate à Kerangoffcomme local, des chefs difficiles àtrouver et surtout à garder, un recru-tement populaire disséminé aux quatrecoins de la cité, de l'Harteloire àRecouvrance, du Landais à Saint-Martin. L'un de ses chefs, Yves Nico-las, se souvient d'une vie scoute joyeusemais parfois un peu dangereuse : « En1936, au moment du Front Populaire,on se faisait insulter en passant parRecouvrance. Chez nous, les chefs neportaient pas le traditionnel bâtonscout mais un bon gourdin pour êtreprêt à recevoir les « Trois Flèches »(les jeunesses socialistes), c'était unscoutisme sportif ! ».

3e Brest, groupe « Jean du Plessisde Grenédan », fondé en 1932, foulardbleu bordé de blanc. C'est sur la

demande expresse du colonel de Réalset de Pierre Bousquet que le jeuneMichel Robelet fonde cette unité sur laparoisse Saint-Marc, quartier assezpopulaire de la ville. Ce solide groupecompte une troupe et une meute.

4e Brest, groupe « Dupleix », fondéen 1933, foulard bleu foncé. Ce groupeest un dédoublement du 1er de Brest.

5e Brest, groupe « Primauguet »,fondé en 1933, foulard vert bordéblanc. A l'image du 3e, le groupe« Primauget » est implanté sur uneparoisse, ici Saint-Martin. C'est cer-tainement une des unités les plussolides de l'époque forte d'une bonnemeute, d'une grosse troupe et mêmed'un clan à la fin des années trente. Deplus, il est à signaler que le 5e groupede Brest peut se prévaloir d'être l'unitéla plus ancienne de l'avant-guerre exis-tant encore dans la ville.

6e Brest, groupe « Albert 1er »,fondé en 1934, foulard rouge bordévert. Cette troupe, qui recrute sur larive droite, n'a qu'une existence éphé-mère de deux ans, faute de chefs etd'effectifs suffisants, et finit par sefondre dans le 2e groupe.

Cette énumération serait incom-plète si nous ne signalions pas les deuxclans de routiers du district : d'unepart, le clan « Notre-Dame de Navale »qui comme son nom l'indique, estformé d'élèves-officiers de Marine ;d'autre part, le clan de district « Théo-dore Botrel », fondé en 1934 par MichelRobelet, et regroupant trois patrouillesde routiers. Cette dernière unité estintéressante à plus d'un titre : c'est leseul clan digne de ce nom existantdans l'ensemble du diocèse(16) jusqu'àla guerre, et c'est surtout une unité trèsdynamique : vivier de chefs pour lestroupes qui en sont dépourvues, gérantdu « Foyer scout » du 8 place de laLiberté (sorte de local général de dis-trict), s'occupant de la rédaction et del'administration du journal L'Ecorce,

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donnant de nombreuses représentationsartistiques à l'image du mouvementthéâtral lancé par Léon Chancerel et lePère Doncœur('7) et permettant de ren-flouer quelque peu les caisses souventvides des scouts brestois.

En 1939, Ton peut évaluer lenombre de Scouts et Guides de Franceà Brest à environ 350 à 400 membres,encadrement compris. Un beau bilansi on le compare à la petite cinquan-taine du début de la décennie. Hélas,ce tableau va être détruit dès le débutdes hostilités : familles dispersées, chefsau front, et scoutisme interdit par lesautorités d'occupation en octobre 1940.Ces difficultés n'empêchent pas, aucontraire, le scoutisme de survivredurant les années noires : meutes delouveteaux et rondes de jeannettes,troupes d'éclaireurs et compagnies deguides, clans de routiers et feux deguides-aînées n'en continuent pas moinsleurs activités de manière clandestine.« Pour mes petits-loups, le seul fait deporter son foulard un jeudi par semaine,en civil, ou d'envoyer, ne serait-cequ'une heure, les couleurs nationalesau fond d'un bois, était déjà des petitsactes de résistance », se souvient une

cheftaine. D'autres prennent une partplus active, et souvent dramatique,aux événements tels le chanoine Mar-cel Kerbrat, aumônier du district deCornouaillle puis s'occupant de laformation religieuse des cheftaines duLéon, qui est arrêté le 7 août 1944 àLesneven (où le séminaire s'est replié)en tant que membre actif de l'Organi-sation de Résistance de l'Armée (ilétait chef de bataillon de réserve) etqui fut fusillé ; ou encore GustaveLespagnol, ancien de la 5e Brest, sous-lieutenant de la 2e D.B. tombé devantStrasbourg.

A la Libération, à Brest commedans toute la France, le scoutismerenaît au grand jour ; des unités fleu-rissent un peu partout et Brest comptemême pendant un moment jusqu'à dixgroupes Scouts de France. Notonségalement que c'est seulement dans lecourant des années quarante que quel-ques troupes brestoises se spécialisentdans le scoutisme marin. Aujourd'hui,les Brestois peuvent encore remarquerde jeunes garçons et filles aux foulardsmulticolores partant camper vers Plou-gastel ou Le Conquet, preuve du suc-cès et de la vitalité d'un mouvement dejeunesse avouant tout de même sesquatre-vingt-cinq printemps^8).

Le district de Brest réuni dans les douves du Bouguen pour une cérémonie. (Collection particulière)

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( 1 ) « Scoutisme est la traduction de l'anglais « scouting », ce dernier terme dérivant lui-même du vieux français« en escoute » signifiant « en éclaireur ».

(2) En 1913, le cardinal-archevêque de Paris condamne même les Eclaireurs de France et interdit aux catholiquesd'y adhérer. Cette mise à l'index du scoutisme par la hiérarchie subsistera dans certains diocèses jusqu'à la fin desannées quarante.

(3) D'après les chiffres fournis par Philippe Laneyrie in Les Scouts de France, Paris, Editions du Cerf, 1985, p. 86.(4) Une troupe scoute est composée de trois à six « patrouilles » comprenant six à huit garçons (de douze à

seize ans) chacune. Elle est commandée par un scoutmestre et un ou deux assistants du scoutmestre. Elle se distinguepar un numéro d'ordre, porte le nom d'un héros ou d'un saint et arbore comme signe visible un foulard de couleurnoué sur l'uniforme.

(5) La « meute » est l'équivalent de la troupe scoute chez les louveteaux. Le louvetisme, fondée par Miss Barclay,est la branche cadette s'adressant aux huit douze ans.

(6) Le « district » couvre un diocèse ou une fraction de diocèse. Plusieurs districts forment une « province ».(7) Le « clan » est l'unité de base des « routiers », branche ainée masculine du scoutisme.(8) Claude Laporte (1753-1792), aumônier des gardes de la marine, prêtre réfractaire, il fut massacré aux Carmes

de Paris le 2 septembre 1792.(9) Après le mariage de Délies de Réals, la Brestoise Cécile Pouliquen (1912-1988) prend le commandement de la

compagnie et du district Guides de France de Brest. Commissaire de la province jusqu'en 1940, elle organise denombreux camps de formation clandestins durant la guerre. Membre de l'équipe nationale de G.d.F. après la guerre,cette infatigable animatrice du guidisme breton, à l'inverse des commissaires de l'époque, reste célèbre pour avoirdéfendu la cause d'un scoutisme-populaire et de masse. C.f. Yvon Tranvouez, Cécile Pouliquen in Lagrée (Micheldir.), Dictionnaire du monde religieux de la France contemporaine, la Bretagne, Paris, Beauchesne, 1990, p. 347 s.q.

(10) Nous donnons ici la hiérarchie du mouvement masculin. Les Guides de France, mouvement autonome, ont lemême type d'organisation.

( 1 1 ) Ce poste est occupé par les généraux de Maud'hui, Guyot de Salins puis Lafont.(12) Le diocèse de Nantes, en butte à de nombreuses oppositions de la part des autorités catholiques, ne rejoint la

Bretagne scoute qu'en 1938.(13) En effet, nombreuses sont les « vieilles culottes de peau » qui, désertant les œuvres traditionnelles, se retrou-

vent à des postes de responsabilités chez les S.d.F. : à Quimper, c'est le général de Penfentenyo qui est commissairede district.

(14) C'est à ce dernier titre qu'il y a à Brest un « jardin colonel-Henry-Boscals-de-Réals.(15) A quatre-vingt-quatorze ans, le chanoine Bothorel est un des doyens des prêtres du diocèse.(16) II existe bien à Quimper un clan de séminaristes, mais au recrutement très ciblé !(17) Léon Chancerel n'est pas un scout mais un professionnel de l'expression théâtrale. Le Père Doncœur est

l'aumônier national de la Route des S.d.F.(18) En 1992, trois mouvements de scoutisme catholique sont représentés à Brest : tout d'abord, les deux « grands

anciens » dont les Scouts de France (6 groupes, 550 membres), les Guides de France (4 groupes, 230 membres) etenfin les Guides et Scouts d'Europe, (5 groupes, 220 membres), soit un total de 1 000 adhérents, environ, pour lestrois associations.

CONFÉRENCES

L'EUROPE DES RELIGIONSComment dans une Europe pluraliste les religions peuvent-elles revendiquer

leur visée universaliste, dialoguer et contribuer à une société à identités multiples ?Chaque conférence présente un point de vue, une conférence finale expose uneproblématique générale.

— le 7 octobre : les thèses catholiques, pour et contre l'idée de nouvelleévangélisation de l'Europe par J.-P. JOSSUA, O.P.

— le 24 novembre : point de vue protestant par Jean-Paul WILLAIME, direc-teur à l'Ecole pratique des Hautes Etudes.

— le 19 janvier : point de vue des orthodoxes par Mgr STEPHANOS.Les deux premières conférences ont lieu salle Saint-Louis, 51, rue J. Macé à

20 h 30, la troisième à l'auditorium de musique, rue E. Zola, à la même heure. Lecycle se poursuivra au deuxième semestre.

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