Science@venir

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TEST ORDIS PREMIERS PRIX CONTRE SECONDE MAIN p. 27 JEUX VIDéOS L’attractivité du pôle lyonnais p. 12 INTERNET Les accrocs et les antis p. 8 Spécial numérique Ses avancées, ses fractures, ses limites l Les espoirs qu’il suscite l Les dangers qui l’entourent SANTÉ Ces ondes qui nous rendent malades p. 29

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Magazine d'investigation réalisé par les étudiants de l'ISCPA Lyon sur le numérique (2008)

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TEST ordis premiers prix contre seconde main p. 27

JEUX VIDéos L’attractivité du pôle lyonnais p. 12

IntErnEtLes accrocs et

les antis p. 8

Spécial

numériqueses avancées, ses fractures, ses limites

l Les espoirs qu’il suscite

l Les dangers qui l’entourent

SANTé Ces ondes qui nous rendent malades p. 29

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édito

V ous venez de vous réveiller. Dix ans que vous étiez endormi. Nous sommes en 2009 et les enfants ne jurent plus que par la Wii ou les jeux de société tactiles. Leurs parents, armés d’un I-phone, débattent des derniers formats de télévision Haute Définition et des GPS « new-generation ». Pendant ce temps, les publicités encombrent vos boîtes de messagerie,

ou autres rustres boîtes à lettres, de nouveautés technologiques révolutionnaires, de vocabulaire technique dont on ignore souvent la réelle signification.Bienvenue dans l’ère du tout numérique. De la surenchère technologique et sémantique. Exit l’époque où les fournisseurs d’Internet vendaient à prix d’or des connexions 56kb, et où les ados s’extasiaient devant les premiers jeux vidéos en trois dimensions. La révolution a bel et bien eu lieu.Dans cette jungle du digital, combien sont ceux qui peuvent affirmer naviguer sans soucis entre les « pixels », « processeurs quadri-cœurs », « forfaits 3G+ » ou autre « Tuner TNT » sans se tromper de direction ? Probablement très peu…Pourtant, à l’heure où je vous parle, des milliers d’hommes s’affairent à tirer des kilomètres de câbles aux quatre coins de la planète pour raccorder les endroits les plus reculés au réseau mon-dial. Des millions d’internautes échangent grâce aux réseaux sociaux. Des milliers d’autres en profitent pour se faire soigner à distance. Des centaines de milliers en font leur leur business. Des milliards n’y ont pas encore accès.Que cela nous touche de près ou de loin, que l’on se sente concerné ou pas, le numérique a un impact indéniable sur notre société. Ce numéro est là pour essayer de le déchiffrer. Qui des retrai-tés occidentaux -étrangers au monde digital- ou des jeunes Africains –mis à l’écart des nouvelles technologies- arriveront le mieux à s’adapter ? Quelles sont les solutions développées dans les pays riches pour permettre l’accès de tous au numérique ? Et comment résorber les disparités de déve-loppement entre un Nord connecté et un Sud en transit qui a pris le train à mi-chemin.Autant de questions posées par l’arrivée du numérique, notion d’une complexité et d’une étendue rare. Chaque jour, quelque part dans la Silicon Valley, une nouvelle start-up, un concept déton-nant est créé. Sans prétendre être exhaustif, ce magazine essaiera de vous donner des clefs pour comprendre où les nouvelles technologies nous emmènent. Alors, qui que vous soyez, anti ou accroc, jeune ou vieux, il est temps de se réveiller et de ne pas laisser passer le wagon du numérique, passeport pour l’avenir. sebastien tranchand, rédacteur en chef

Plus dur est le réveil dans la jungle du numérique

SEBASTIEN TRANCHAND

47, rue Sergent Michel Berthet CP 606 69258 Lyon cedex 09 Tél. : 04.72.85.71.73Fax : 04.72.85.71.99 http://[email protected]

Directeur de la rédactionAlexandre BUISINE

Rédacteur en chef Sébastien TRANCHAND

Rédactrice en chef adjoint Anne-Sophie FONTANET

Secrétaires de rédaction Florent CORDAAdrien PAREDES- VANHEULE

Journalistes Jessica BISSAY Florent CORDA Florian FAYOLLEAnne-Sophie FONTANETBastien GOULYGaétan MATHIEUAdrien PAREDES-VANHEULEAntoine PERRETBenoît SOILLYSébastien TRANCHANDPaul TURENNE

Distribution magazine Patrick GIRARD 04.72.85.71.73

Publicité Master 2 Communication ISCPA

Dépôt légal : ISCPA Lyon

© Photos de couverture Sebastien TRANCHAND pour Science @ Venir

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SEBASTIEN TRANCHAND

Sommaire Innovations5 L’e-book fait déjà polémique

En bref6 Lyon vue du crayon

Société8 Portrait d’un «no life » : sa vie est un jeu virtuel

10 Ceux qui rejettent la technologie

11 Google se paie la bibliothèque municipale de Lyon

économie12 Lyon, pôle mondial du jeu vidéo

14 Très haut débit : avoir la fibre... ou pas

15 La radio numérique fait son entrée

Dossier18 Les visages de la fracture

19 Les promesses de la conférence pour la solidarité numérique

20 Ordis seconde main pour l’Afrique 21 Gabriel Cohn-Bendit s’engage pour l’éducation en Afrique

22 L’informatique enseignée aux seniors

Politique24 Lyon ne joue plus la carte à « fonds »

25 Pierre-Alain Muet fait le bilan de sa politique

27 TEST Premier prix contre seconde main

écologie/Santé28 Recycler pour mieux aider

29 Les ondes, pires ennemies de Cécile

30 poinTS dE vuE Avec Marlène Nowacki et Arno Barbe

Les visages de la fracture numérique P. 18

Google a la main sur la bibliothèque municipale P. 11

Il n’y a pas d’âge pour se connecter P. 22

radio numérique : pas reçue 5 sur 5 P. 15

Des ordinateurs reconditionnés P. 28

téléviseurs ultra-plats P. 5

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Chiff

res

A lA mAISoN ou Au TrAvAIl, le numérique nous accompagne dans notre vie de tous les jours. Quelques chiffres témoignent de notre relation privilégiée avec ce nouvel outil.

68% des Français ont prévu de faire leurs

achats de Noël sur Internet, contre 53% l’an dernier (Médiamétrie/ NetRatings).

230 écrans numériques équipent les cinémas en France, sur un total de 5398, soit 4% du parc. Ces salles ont en parallèle toutes conservé leur matériel de projection 35 mm (Fédération Nationale des Cinemas Français).

18% des Français déclarent avoir déjà téléchargé illégalement des films ou de la musique sur Internet (Ifop).

27,3 % des foyers étaient équipés d’un écran plat en France en 2007, soit près de 10 points de plus en un an (Médiamétrie).

500 grammes c’est le poids du nouveau vidéo-projecteur acer k10, destiné avant tout aux professionnels. il tient même dans une sacoche ! (Le Monde Numérique)

1 milliard,c’est le nombre de souris fabriquées par Logitech. sa toute première souris informatique a été créée en 1985.

6e : c’est la place de la ville de Lyon sur le marché international du jeu vidéo (Région Rhône-Alpes).

89 % de la France métropolitaine bénéficie de la couverture Haute-définition avec un minimum de couverture de 75% par département fin 2008 (source csa).

3.0 c’est le nouveau format uSB officialisé par Jeff ravencraft, président de l’organisation uSB-IF. la principale fonction du 3.0 est une plus grande rapidité d’échange d’information, 10 fois plus que l’actuel format uSB 2.0.

50% de la population mondiale risque

de devenir électro-hypersensible d’ici à 2017. C’est ce que révèle l’étude du chercheur suédois Orjan Hallberg, publiée sur le site du CRIIREM (centre de recherche

et d’informations indépendantes sur les

rayonnements electromagnétiques).

63,8% des Français âgés de 6 ans et plus sont allés au cinéma lors du premier semestre 2008. une telle proportion de spectateurs n’a jamais été atteinte au cours des 10 dernières années, même lors du raz-de-marée Titanic de 1998 (Médiamétrie).

26: c’est le nombre d’heures que passent, chaque semaine, les Français sur

internet. c’est davantage de temps que pour la télévision.

55% des foyers français sont équipés d’ordinateurs, et 48% sont connectés à Internet.

25% des Français sont prêts à davantage

faire leurs courses sur internet pour gagner du temps et de l’essence (Ifop).

50% des PME de Rhône-Alpes ont un site web (région rhône-alpes).

2,8 millions d’unités vendues de l’extension de World of Warcraft : « Wrath of the Lich King » le 13 novembre. c’est 400 000 de plus que la précédente édition en janvier 2007 (20 minutes).

51 millions d’Africains sont connectés à Internet pour une population de 955 millions de personnes.

20% de la population française est membre d’un réseau social sur Internet (Ifop).

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Le fin du fin… c’est sony

Un écran de 3 mm d’épais-seur dans votre salon, c’est bientôt possible ! Dans la course au gain de place des appareils numériques, Sony commercialisera début 2009 en Europe un téléviseur aux dimensions et aux perfor-mances incroyables. Grâce à la technologie OLED, l’écran de 11 pouces (27 cm) n’est large que de 3 mm et offre un contraste d’image impressionnant (1 000 000:1). Seul défaut, sa résolution qui ne dépasse pas les 960 x 540 pixels. Un bijou précurseur d’une nou-velle génération de télé-viseurs. Qui ne devrait en revanche pas plaire au portefeuille puisque son prix est annoncé à 3 000€.

Les mobiles bientôt en haute définition !

A vos téléphones ! La révo-lution haute définition (HD) arrive également sur les mobiles. La société Renesas Technology a conçu une puce capable d’assurer le décodage de flux vidéo haute définition sur téléphones portables. En clair, elle per-mettra de visionner sur son mobile des vidéos en HD, jusqu’à 1080p à 30 images par seconde. Pas encore commercialisée, elle devrait être présentée en février prochain à San Fran-cisco. Une innovation prometteuse et audacieuse sur un sup-port –le té-léphone- qui est en passe de devenir une vraie machine à tout faire.

TENDANCES HIvErNAlES

CoIN lECTurE

Le téléphone qui vous va comme un gant

A peine arrivé, l’e-book fait déjà polémique

I n s p i r é e p a r l e s dernières technologies, la société Swany G-cell a créé cet hiver une paire de gants plu-tôt « branchés ». Connectée par Bluetooth au mobile, elle permet de téléphoner ou de répondre aux appels grâce au microphone et au haut-parleur intégrés.

Mais ce n’est pas tout ! Il sera également possible d’écouter de la musique, le tout sans sortir les mains de ses poches. En réalité, plus encore que pour frimer, ces gants ont surtout été créés pour l’utili-sation lors des sports d’hiver. Finies les frayeurs sur les télé-sièges, où les portables sont à deux doigts de tomber au milieu des pistes. Le système de numérotation vocale per-met même de ne plus avoir besoin de le sortir du tout. Le risque étant de ne plus quitter son gant. Question tarif, le prix de vente est lui aussi gi-gant-

esque, puisqu’il est annoncé à 495 euros. Cette année, il fau-

dra donc choisir entre la paire de gants et le matériel de glisse.

Le livre électronique ou e-book débarquera dans nos rayons au printemps 2009. Un marché innovant dont les trois grands opérateurs de télépho-nie mobile Orange, SFR et Bou-ygues Telecom se sont déjà emparés. Moyennant un forfait souscrit auprès de l’opérateur choisi, l’e-book permettra de télécharger plusieurs ouvrages dont l’affichage sera optimisé sur un petit écran portable. Si le concept plaît, l’outil ne sus-cite toutefois pas l’unanimité. « L’outil semble assez réduc-teur. Il faudrait l’enrichir de

services. Pouvoir construire son propre e-book, ce serait intéressant et utile », explique le directeur du SUEL*, Yann Bergheaud. L’arrivée du e-book pose aussi un problème juri-dique quant à l’acqui-sition des droits d’au-teur pour les ouvrages concernés. A ce jour, la position des maisons d’édition sur l’e-book demeure floue voire inexistante. Selon Yann Bergheaud, « les mai-sons d’édition ne sont pas prêtes à brader les

droits de leurs livres ». Le livre possède encore de beaux jours devant lui.

* Directeur du Service Univer-

sitaire d’Enseignement en Ligne à

Lyon 3.

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Innovations

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Un amour en papierIl l’aime et il veut se marier avec elle. Tout parait normal pour ce Japonais qui souhaite s’unir avec… un personnage de manga. Cet homme vou-drait mettre en place une loi autorisant le mariage entre un humain et un personnage de bande dessinée japonaise. Mille personnes ont déjà signé sa pé-tition au pays des jeux virtuels les plus poussés. « Je ne suis plus intéressé par la vie en trois dimensions. J’aimerai moi-même devenir un résident du monde en 2D. Cependant, cela semble aujourd’hui impossible avec la technologie dont nous disposons. Il serait donc bénéfique de pouvoir au moins se marier légalement avec des personnages en deux dimensions », a déclaré le prétendant au mariage.

Les mots les plus recherchés sur YahooComme chaque année en dé-cembre, le moteur de recherche Yahoo vient de révéler son « Topsearch 2008 » : palmarès des mots les plus recherchés sur le site. Le classement fran-çais se révèle très surprenant : en tête « Secret story », devant « Olympique de Marseille » et « Plus Belle la Vie ». De l’autre côté de l’Atlantique, « Britney Spears » arrive en tête du Topsearch américain, devant la WWE (la ligue de catch) et Barack Obama. Souvent controversés, ces résultats éta-blis par Yahoo se basent sur les progressions enregistrées entre 2007 et 2008.

ESCAPADE vIrTuEllE

regarder Lyon vue du crayonVous avez toujours rêvé

de contempler Lyon vue du sommet du Crayon ? Le Grand Lyon l’a fait. Pour cela, il suffit de se rendre sur le site internet du grand Lyon. Vous pourrez alors, en temps réel, contrôler pendant une minute une webcam située sur la mine du crayon, à 165 mètres d’altitude. Zoom sur la basilique de Fourvière, travelling le long du quartier Saint-Jean, la vue est imprenable et à coup sûr inédite.

Site internet : www.grandlyon.org

EN ImAGE

La fessée pour You tube

Youtube vient d’être condamné par le le tribunal de Grande Instance de Paris à verser 60 000 euros à Jean-Yves Lafesse pour droit de diffusion et 25 000 euros pour rembour-sement de frais de justice. La plateforme vidéo avait en effet hébergé et refusé de retirer

des vidéos de l’humoriste. Cette fois, Lafesse n’a pas commis d’erreurs dans la procédure. En 2007, il avait en effet perdu son procès contre Dailymotion et Myspace, oubliant de prouver que les vidéos contrefaites étaient bien les siennes. Depuis, Lafesse multiplie les plaintes contre ces deux hébergeurs de vidéos et a réussi à faire condamner MySpace à 61 000 euros de dommages et intérêts. MySpace hébergeait une page d’un fan qui compilait des vidéos de l’humoriste. Ces plateformes ne sont finalement pas punies pour l’hébergement des vidéos mais parce qu’elles ont tardé à retirer des vidéos, soumises à des droits d’auteur après signalement. Un avertissement qui devrait freiner les ardeurs de ces plateformes, car Lafesse n’est pas tendre…

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En bref

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La mort de la zappette pour 2013Des chercheurs ont mis au point une télécommande qui pourrait annoncer la fin de la zappette. Le système inventé: un écran de contrôle projeté sur la paume de la main.Le zappeur n’aura plus qu’à tapoter sur les boutons virtuels avec les doigts de l’autre main. Au stade de simple prototype, il pourrait être commercialisé dès 2013.

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Web: un numéro pour aider les parentsL’association E-enfance a lancé un nouveau numéro d’accueil téléphonique pour la protection des mineurs sur Internet. Son but : répondre concrètement aux interroga-tions des parents et des jeunes grâce à des conseils et des explications. Par exemple, ce qu’on peut faire en cas de contact avec un pédophile, ce que l’on ne doit pas mettre sur un blog ou encore trouver des solutions pour les problèmes d’addiction aux jeux. Deux psychologues apportent une réponse dans les 24h. 0 820 200 000 ou www.e-enfance.org

nintendo se donne un coup de vieuxLa Wii fait des ravages chez la population du troisième âge. Une percée que Nintendo tente bien de concrétiser avec un accord passé avec le groupe Médica France pour équiper 89 maisons de retraite en consoles Wii. Particulière-ment aimées par les « aînés», la gymnastique douce et les petites activités physiques pro-posées par la firme nippone. 7313 résidents pourront ainsi s’affronter virtuellement lors de des compétitions de bow-ling ou de tennis sans risque majeur de tendinite au poignet ou au genou.

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INSolITE

Elle divorce à cause d’infidélités virtuelles

Un mari infidèle, une épouse qui demande le divorce, l’histoire ordinaire d’un couple comme il en existe des miliers dans le monde. Pourtant, tout ne tourne pas forcément très rond chez Amy Taylor, 28 ans et David Pollard, 40 ans. Rencontrés sur le net en mai 2003, en ménage six mois plus tard, ces deux fans de jeux de rôle virtuels, se sont chacun créés

un personnage imaginaire sur le site Second Life, sorte de monde virtuel ou chacun peut créer son avatar et ainsi devenir rock star, mannequin ou homme d’affaires. Amy Taylor devient Laura Skype et David Pollard devient Dave Barmy. Problème, Dave est surpris une première fois par sa compagne avec une prostituée virtuelle. L’épouse bafouée passe l’éponge. Le

couple se marie dans la vraie vie et sur Second Life en 2005. Seulement Laura a des doutes et engage une détec-tive privé qui ne tarde pas à coincer Dave le tombeur, dans les bras d’une autre demoiselle. « Cela avait l’air vraiment tendre », a observé Amy qui a entamé une procédure de divorce… dans la vraie vie. Mais quelle vraie vie ?

de gauche à droite les

avatars Second life du couple et de la maîtresse

virtuelle.

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V éritable passionné, Nico-las alias Zoko01 se donne un pseudo unique pour tous les jeux auxquels il participe :

association d’un héros de manga et du numéro de son département, l’Ain. Vous pouvez croiser Zoko01 actuellement sur trois jeux FPS (First Personal Shooter) : Wolfens-tein, Counter-strike et Swat. Der-nièrement, Nicolas s’est mis à un jeu par navigateur, Tribal Wars. Pas besoin de CD d’installation, l’inscription est gratuite et se fait sur Internet. Le but étant de déve-lopper son village afin de conqué-rir ceux de ses voisins. Nicolas a aujourd’hui 24 ans, il s’est mis aux jeux video en ligne à 18 ans, lorsqu’il était apprenti. En effet, c’est avec son argent de poche qu’il s’est enfin acheté son ordinateur. « Je me suis mis au jeu en ligne

parce que c’est un moyen de dis-cussion avec mes collègues ou mes amis. On parle de nos « perfs » et de nos résultats de la veille. On veut être les meilleurs. C’est une gloire de faire évoluer mon village sur Tribal Wars et d’en conquérir d’autres. »

Copinage sur Internet et clashs sentimentaux

Quand Nicolas avait 18 ans, il jouait presque neuf heures par jour. Aujourd’hui, il n’en passe que sept mais uniquement parce qu’il a trouvé un emploi, à temps plein, comme ouvrier. « Parfois, il m’ar-rive de revenir chez moi pendant la pause déjeuner, uniquement pour jouer. Même accepter des heures supplémentaires me fait parfois « ch.. », même si c’est dans le but de gagner un meilleur salaire,

parce que c’est du temps que je ne peux pas consacrer à mes par-ties. » Les relations sociales ? Pour lui rien ne vaut le jeu sur Internet. « J’ai un micro où lorsque je joue à des FPS, je communique avec mon clan. Il n’y a pas de répit. Alors que lorsque je suis en face à face avec un collègue au travail, parfois il y a des silences et des blancs, parce qu’hormis le jeu vidéo, on ne sait pas quoi se dire. » Grâce aux jeux vidéos, Nicolas a participé à deux réunions chez un copain de jeu réunissant tous les membres de son clan, de 12 à 40 ans. Il a même réussi à conquérir une fille qui vou-lait entrer dans le clan. Mais qu’à cela ne tienne ! Nicolas a aussi eu des problèmes à cause de sa dépen-dance, qu’il avoue au détour d’une phrase. « J’avais une copine, ça créait des clashs car elle voulait

Sa vie est un jeu virtuelAccro aux jeux vidéo, Nicolas tente tant bien que mal d’agencer sa vie entre le virtuel et le réel. Un joueur noyé sur la Toile parmi les 800 000 cyber-dépendants. Portrait.

Société

« Tout faire sur l’ordi serait le rêve entre travailler et acheter les courses sur le net.»

nicolas, accro de jeux en réseau sur internet

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BAS

TIEN

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Le conseil de la rédaction

que je reste chez elle mais moi, je pré-férais rentrer pour mettre à jour mes parties. J’ai su, depuis, que je préférais être avec mon ordi qu’avec ma copine. Si, un jour, une fille me demande de lâcher l’ordinateur... ce ne sera pas pos-sible. » Nicolas a depuis acheté un autre ordinateur, l’un étant consacré unique-ment à Internet, l’autre aux jeux vidéos.

Pas no life, simplement accro

Avec ses deux PC, sa passion, mainte-nant, il la vit chaque semaine, avec un « pote » qu’il a réussi à « brancher » sur le jeu Tribal Wars. Nicolas l’invite chez lui pour de longues soirées et Yoann est devenu tout aussi accro, si ce n’est plus que son ami. « Je me réveille une heure plus tôt, à 6 heures, simplement pour jouer. Parfois, je zappe la pause déjeuner pour jouer. Au travail, je pro-fite de l’ordinateur pour voir ma par-tie, et quand je rentre je finis souvent à minuit devant mon écran. » Yoann compare le jeu vidéo au fait de fumer : « au début c’est à petite dose et puis on se prend au jeu jusqu’à en devenir dépendant. En plus, comme la cigarette, j’ai perdu du poids car je saute parfois le dîner. » Pour autant, les deux compères refusent catégorique-ment le terme de no life. Il leur arrive de sortir en discothèque, même s’ils pré-fèrent les soirées jeux vidéos. En sou-riant, les deux fanas du jeu avoueront tout de même : « Tout faire sur l’ordi serait le rêve entre travailler et acheter les courses sur le net. Mais on n’a pas encore les moyens de quitter notre tra-vail. » bastien gouly

Internet permet d’enrichir son réseau, ce n’est pas une nouvelle. Ce qui est

plutôt amusant, c’est que vous pouvez rencontrer des personnes facilement grâce aux Apéros Facebook de Lyon organisés depuis janvier. Il suffit simplement de créer son profil sur Facebook, d’appartenir au groupe « Apéro Facebook Lyon » et le tour est joué... Vous recevrez chaque mois des invitations gratuites pour participer à des événements, dans des bars ou des pubs,

dans le but de rencontrer d’autres Facebookers, pour la plupart originaires de Lyon. L’initiative créée par Philippe Dorier et poursuivie par Benjamin sert avant tout « à passer un moment convivial et festif et pourquoi pas faire de nouvelles rencontres. » Le nombre de participants aux soirées ne cesse d’augmenter pour atteindre dernièrement près de 350 « facebookers ». Il reste encore de la marge puisqu’on estime à près de 30 000 le nombre de Lyonnais inscrits sur

Facebook. Autre initiative apparue en février 2008 grâce à des étudiants d’EM Lyon, « Voisineo » vous permet de rencontrer facilement vos voisins pour partager des hobbies (parties de poker entre autres) ou rendre des services malins (comme nourrir le poisson). Quelques exemples ? Dans le 2e arrondissement, Linoa offre des cours de cuisine, Sandrine prête sa machine à laver, Sergio propose des travaux de bricolage, etc. b.g.

Etendez votre réseau social sur Lyon !

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NO LIFE : signifie littéralement « sans vie » ou « pas de vie » et définit une personne qui joue la plupart, voire l’exclusivité, du temps à des jeux vidéos. Ce type de notion est souvent lié à la cyberdépendance car elle pousse l’individu à délaisser sa vie sociale, sentimentale et/ou professionnelle.

MMO (massively multiplayer online game) : genre de jeu vidéo. Il se caractérise par une communauté de joueurs se rassemblant sur une plateforme de jeu grâce à un accès Internet. Les jeux les plus populaires sont World Of Warcraft, Guild Wars, ou encore Dofus.

PSEUDO : Dans tous les jeux en ligne, le « pseudo » est utilisé par le joueur pour identifier son personnage. Il permet d’impliquer totalement le joueur dans un univers virtuel.

FPS (jeu de tir subjectif en français): désigne un type de jeu dans lequel le joueur incarne un personnage avec souvent, dans les mains, un Magnum ou une Kalachnikov. L’angle de vue du jeu simule le champ visuel du personnage.

CLAN : alliance de joueurs rassemblés à l’image d’une communauté. Pour certains jeux, on parle plutôt de «guilde» ou de «tribu».

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EN SAvoIr PluSSelon le rapport sur la cyberdépendance, présenté à la presse le mercredi 19 novembre par Arlette Grosskost et Paul Jeanneteau (députés UMP), 20 millions de français jouent en ligne (MMO) via Internet. 800 000 d’entre eux seraient victimes de cyberdépendance. Deux ouvrages traitent du sujet.

Mes enfants sont accros aux jeux vidéo, Jean-Michel Oullion, Carnets De L’info, janvier 2008

Qui a peur des jeux vidéo ?, Serge Tisseron, Albin Michel, octobre 2008

Comment définir le terme de dépendance ?Il y a dépendance lorsque le sujet n’est plus capable de décider lui-même d’avoir une activité. Il ne peut faire autre-ment, il est sous l’emprise de celle-ci. La dépendance tra-duit également un manque à être, un manque de confiance en soi, synonyme de frustration. Et cette frustration est d’autant plus forte lorsque le sujet ne peut se réfugier dans l’activité en question.

Quels sont les facteurs qui entraî-nent des comportements « no

life » ?A mon sens, le sujet est d’abord en proie à une difficulté psy-chique et c’est ceci qui le pousse vers ce type de compor-tement. Cette dépendance est une manière indirecte de s’éva-der d’une réalité angoissante. Ce comportement est un refuge.

Quelles sont les conséquences de ce type de comportement ?Je pense qu’il faut distinguer deux cas. Cela dépend avant tout de l’insertion sociale des sujets, les jeunes adultes étant les premières cibles de ce genre de comportement. Les consé-

quences sont légères lorsque le sujet a, dans son entourage, une personne capable de le ramener vers une relation authentique. Les sujets, qui eux ne disposent pas de ce cadre affectif, notam-ment chez les adolescents, sont en proie à une véritable addic-tion qui les pousse à se refer-mer sur eux-mêmes. Des consé-quences positives subsistent tout de même dans le sens où Internet peut mener certains sujets à se socialiser. Et cela peut constituer une porte de sortie sociale si les échanges se concrétisent.

propos recueillis par f.c.

« Ce comportement est un refuge »I N T E R V I E W Bernard Chouvier, professeur de psychopathologie à l’université Lyon 2

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Pas de portable, pas d’ordina-teur, une télé « juste pour les DVD » et pas…d’inter-phone. Une fois récupérée la clé dans le gant qu’Alain

jette par la fenêtre, on pénètre dans un intérieur sympathique, plongé dans une obscurité bien-veillante, où trône un splendide piano. Assis à un petit bureau, pan-talon blanc, polo bleu et veste en mouton, Alain parle avec emphase, d’une verve passionnante, se levant soudain quand une métaphore ou une réflexion l’emporte. « Je suis contre la forme d’aliénation qui accompagne la technologie, pas

contre la technologie elle-même », lance-t-il. « Je peine à comprendre comment on peut se dire cela: ça faisait défaut à ma vie ! Comment faisaient nos grands parents ? »Souvent ses yeux se perdent dans le néant, la fumée de sa cigarette roulée comblant le vide médita-tif. Racontant un repas avec trois amis pendus à leur téléphone, il analyse : « La technologie crée une capacité à élever des murs, à s’en-fermer directement, dès qu’un por-table sonne. Tu deviens prisonnier. Combien de temps tu perds à trier tes mails par exemple ? Elle est là, l’aliénation. L’humain, avec le pro-grès, n’accepte plus de se perdre. Mais les grandes découvertes se sont faites comme ça, par erreur. Avec le GPS, tu prends directement la bonne route et tu ne découvres pas ces petits endroits que tu ne soupçonnais pas ! » Une attitude qui se retrouve dans

cette crainte viscérale « de ceux qui veulent me simplifier la vie ! Je ne sais pas ce que c’est la vie et vous voulez me la faciliter ? », lâche-t-il dans un rire. Et de poursuivre en montrant son installation musi-cale : « J’ai de la technologie, mais elle fait ce que je lui dis, et rien de plus. L’objet a tendance à prendre le pas sur l’Homme, mais il doit rester à sa place. Combien disent « Moi, sans mon portable je suis mort » ? » Si d’aventure il doit télé-phoner ou envoyer un mail, il veut que ses filles, « qui utilisent tout ça », fassent le numéro, ou qu’elles préparent l’ordinateur pour qu’il

n’ait plus qu’à taper. Resservant du café, il raconte une histoire entendue sur France Culture. « Une grand-mère améri-caine au début d’Internet : « Avant, j’allais chez ma fille trois fois par semaine. Maintenant, je l’ai tous les jours et je n’ai plus besoin d’y aller. Désolé, mais cela m’inter-roge. J’estime manquer de recul, c’est pour ça que je n’y entre pas ». Mais de reconnaitre, dans un mou-vement de bras : « je sens que si je me laisse convaincre par un ordi ou un portable, je m’y plongerais corps et âme ». Pas d’extrémisme donc, mais une simple envie de comprendre com-ment « l’Humain, qui est si impar-fait, peut espérer du parfait dans le progrès qu’il a lui-même engagé ? Je pense que c’est juste une ques-tion d’illusion. Il est plus facile de se rassurer que de comprendre ».

antoine perret

« Refuser l’aliénation de la technologie »

Utile notamment pour concilier vie familiale et activité professionnelle, il existe aujourd’hui le télétravail -travail via le net à partir de chez soi-. Par exemple, des mai-sons d’édition freelance proposent un travail de lecture, de réécriture (le « rewriting »), de correc-tion ou de traductions de romans depuis chez vous. Il existe également des cours en vidéocon-férence ou par chat, souvent destinés à apprendre une langue étrangère. Internet vous

permet aussi de se nour-rir sans avoir besoin de sortir la voiture de son garage, et même de se nourrir bio ! C’est ce qu’offre actuellement le site « Bioségur » ou encore des produits de la ferme sur « paysan.org », qui veulent pro-fiter de l’Internet pour développer « une nour-riture saine, fraîche et savoureuse à l’inverse de la malbouffe.» Si vous commandez depuis Lyon, ces deux sites vous proposent la livraison le jeudi après-midi et le samedi matin.

Pouvons-nous tout fairegrâce à Internet ?

C O N T R E P I E D

Société

« Pas de portable, pas d’ordinateur, une télé «juste pour les DVD» et pas d’interphone. »

10 l SCIENCE @ VENIR l décembre 2008

Alain Pierre a 47 ans. Pianiste émérite, ce

« saltimbanque » est plus à la peine lorsqu’il s’agit d’un

autre type de clavier. En ces temps de tout

technologique, rencontre avec un anti, pas extrémiste.

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Page 11: Science@venir

La mission de numériser ce fonds est indispensable, même si cela se fait avec Google. Il faut assurer la présence et le rayonnement de la culture française. Plus les ouvrages seront diffusés, plus ils seront valorisés. Si on attend trop, on disparaît. Aujourd’hui, l’Etat n’a pas l’argent pour subvenir au coût faramineux que

représente la numérisation. Il se désinvestit complétement des activités culturelles. Sur la durée des droits d’exploitation, 25 ans, cela me paraît beaucoup car dans cinq ans, Internet ne ressemblera pas à ce qu’il est aujourd’hui. Les fonds numériques ne se consulteront déjà plus de la même façon. Cela va poser problème si la ville tente de casser son contrat avec Google. La ville de Lyon est en quelque sorte mariée à Google. D’autant plus que le coût de la numérisation va forcement être ressenti quelque part par la Ville de Lyon car il ne s’agit pas là d’une oeuvre caritative ou philanthropique de Google. Il s’agit d’un marché innovant. Il n’y a pas de modèle de base. Il va donc falloir être vigilant. Le risque majeur serait une situation monopolistique de Google sur le domaine de la culture. Il lui faut des concurrents.

« La Ville de Lyon s’est mariée à Google »Point de vue Yann Bergheaud, directeur du Service Universitaire d’Enseignement en Ligne à l’université Lyon 3 et

enseignant en droit et nouvelles technologies “

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IEN

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EDES

29 ème bibliothèque à s’allier avec Google pour la numéri-sation de son fonds ancien, la Bibliothèque Municipale de la Part-Dieu ouvre, en

France, la voie à un marché encore fragilisé par l’échec du projet Gal-lica*. Lyon fait figure de ville pion-nière dans ce domaine. Depuis 1995, une infime partie des documents de la BM a déjà été scannée et mise en ligne. En manque de fonds, elle s’est alliée à Google, seul prestataire à avoir répondu à l’appel d’offres de la Ville, pour numériser 20% de son fonds ancien soit 500 000 ouvrages tombés dans le domaine public. Le contrat porte sur une durée de dix ans. « Notre but est de valoriser et de faire connaître la bibliothèque municipale de Lyon. En nous associant au programme Google Recherche de Livres, nous nous faisons une place parmi les biblio-thèques les plus prestigieuses au monde », explique le directeur de la BM, Patrick Bazin. Les fichiers numériques du fonds ancien, dont Google possèdera les droits pen-dant 25 ans, seront consultables dans leur intégralité.

L’imbroglio Google

Mais ce qui pose problème, c’est

En obtenant en juillet dernier la numérisation d’une partie du fonds ancien de la bibliothèque municipale de Lyon, qui débutera à la mi-2009, le moteur de recherche Google suscite la polémique.

justement le prestataire de cette numérisation. L’omnipré-sent Google et plus particu-lièrement, son service Google Recherche de Livres qui compte à ce jour près de sept millions d’ouvrages en ligne. Dans son Monopoly des bibliothèques, Google s’est offert la BM de Lyon pour 60 millions d’euros, le coût évalué de la numérisa-tion. Les enjeux de l’opération pour le moteur de recherche sont purement commerciaux : un accroissement de ses gains

Google/ Bibliothèque de lyonFonds privés pour fonds public

Contre 60 millions d’euros, Google a acquis une partie du fonds ancien de la Bibliothèque Municipale de Lyon.

décembre 2008 l SCIENCE @ VENIR l 11

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publicitaires et un afflux massif d’internautes passionnés d’his-toire. En faisant ainsi commerce du domaine public, cela lui per-mettra de distancer son récent concurrent européen : Euro-peana, que Google « accueille comme une initiative complé-mentaire » et qui « n’était pas une réponse à la demande de la BM », d’après Patrick Bazin. Noyau dur de la Bibliothèque de la Part-Dieu, Patrick Bazin réfute pourtant l’idée d’un pillage de son fonds ancien et

rappelle qu’il s’agit d’oeuvres du domaine public. Le pro-cédé de la numérisation sus-cite également la polémique. Habituellement, les livres sont envoyés à Google qui les scanne dans un centre près d’Oxford. Une règle à laquelle déroge Lyon. « Un centre de numérisation sera implanté dans la région. Nous pour-rons la contrôler », affirme le directeur de la BM. Aucun lieu n’a été retenu pour l’instant et le financement de sa construc-tion reste flou.Quant au subventionnement de l’opération, il a été lui aussi vivement critiqué. En juillet dernier, les élus du MoDem s’interrogeaient sur la gratuité du marché. Une clause dans le contrat indiquait que Google ne fournissait que 25 000 méta-données ** gratuites, laissant penser que le reste des méta-données était à la charge de la Ville. Patrick Bazin regrette un amalgame. « La produc-tion de métadonnées est indé-pendante de la numérisation. C’est à la bibliothèque de les produire. Pour une raison de timing, Google nous en four-nit 25 000 gratuitement.»Au delà de la polémique, la BM de Lyon s’approche avec cette numérisation de son objectif : créer sa propre bibliothèque virtuelle. Reste à savoir si Google s’offrira une autre bibliothèque en France.

adrien paredes-Vanheule* La Bibliothèque Nationale de

France avait lancé en 1994 ce vaste

projet de numérisation, se soldant

par un échec, faute de moyens.

** Le terme métadonnées désigne

les fichiers qui permettent d’identi-

fier et d’indexer les ouvrages numé-

risés.

Page 12: Science@venir

B2B

GAM

E

lyon, plate-forme mondiale du jeu vidéo

Seconde en France et sixième au niveau mondial, la région Rhône-Alpes peut se targuer d’une importance considérable dans le domaine des jeux vidéos.

Plus de 300 millions d’euros, c’est le chiffre d’affaires colossal réalisé par les entreprises du secteur du jeu vidéo en Rhône-Alpes depuis trois ans*. Pour comprendre les

nombreuses créations de sociétés lyon-naises spécialisées dans le domaine du jeu vidéo et l’implantation des géants Electro-nics Arts, Atari et Ubi Soft à Lyon, il faut remonter en 1983 et la fondation d’Info-grames.À l’origine de cette entreprise de dévelop-pement de jeu vidéo, deux Lyonnais, Bruno Bonnell et Christophe Sapet. Le siège est alors à Villeurbanne. C’est en 1992, avec la sortie du jeu d’aventures Alone in the dark, que la marque deviendra mondialement célèbre. S’ensuit alors une vague d’acqui-sitions du groupe Infogrames, qui rachète de nombreux studios de développement, dont Eden studios, toujours présent à Lyon aujourd’hui.

Des licenciements profitables au développement du secteur

En 2003, la société, en proie à des difficul-tés financières depuis quelques années, rachète le groupe Atari, qui devient par la même occasion, le nouveau nom du groupe. Voilà pourquoi le siège mondial d’Atari se situe encore aujourd’hui à Vaise. Autre conséquence des difficultés finan-cières du groupe Infogrames, de nom-breux postes sont supprimés. « Tous ces développeurs lyonnais, plein d’expérience mais sans travail, voulaient rester sur Lyon pour les nombreuses aides allouées au secteur du jeu vidéo, et pour la com-pétence du personnel » , explique Hélène Vega, chef de projet de Lyon Games. Une multitude de sociétés indépendantes, telle Widescreen va alors émerger. Cette der-nière est un exemple de réussite lyonnaise dans le secteur du jeu vidéo. Fondé en 1999 par trois anciens employés d’Infogrames, ce studio, qui emploie aujourd’hui plus de 90 collaborateurs, Le jeu velo’v permet de se balader virtuellement dans les rues de Lyon. ici, la place Bellecour.

12 l SCIENCE @ VENIR l décembre 2008

Economie

Page 13: Science@venir

Zoom

a travaillé avec plusieurs grands éditeurs internationaux comme le géant japonais Namco. Autre exemple avec Eden, l’un des plus importants studios de développement interne du groupe Infogrames il y a dix ans. En 1998, Eden décide de voler de ses propres ailes et devient indépendant. Dès l’année sui-vante, les studios signent un contrat avec Elecronics Arts, le plus grand producteur de jeux vidéo au monde. Aujourd’hui à nou-veau rallié à Atari, Eden Games est un studio majeur dans l’industrie du jeu vidéo.

La sous-traitance : la force de LyonCe nombre important d’éditeurs et de déve-loppeurs de renom dans la région lyonnaise a également permis l’éclosion de petites entreprises car aujourd’hui, la plupart des grands groupes préfèrent sous-traiter cer-taines tâches très particulières. C’est donc tout naturellement que des entreprises très spécialisées ont fleuri à Lyon. Les studios Anatole, qui s’occupent par exemple de réa-liser le doublage français de nombreux jeux vidéo. Pirana, qui se consacre uniquement de la communication des jeux vidéo, ou encore Gamr7, qui se concentre uniquement sur la construction de ville virtuelle ! Dans une région historiquement marquée par Info-grames, ce sont ces multiples sociétés qui font de Lyon une ville majeure dans le sec-teur des jeux vidéo.

Une filière en pleine expansionSi certaines entreprises présentes en Rhône-Alpes sont en concurrence, elles constituent néanmoins un réseau, symbolisé par la créa-tion il y a dix ans de Lyon Infocité. Dès 1999, Lyon Infocité crée un club des entreprises de

jeu vidéo : Lyon Game. Selon Hélène Vega, chef de projet de Lyon Game, l’association a pour but « de permettre aux sociétés de créer une synergie, de les aider à appréhen-der de nouveaux marchés, de les promou-voir et de les représenter, notamment lors des salons.» Financé notamment par la ville de Lyon, le Grand Lyon, la Drire**, le conseil général du Rhône, et le conseil régional, Lyon Game regroupe aujourd’hui 176 entreprises. Depuis 2002, Lyon Game organise la Game Connection : une convention d’affaires pour les acteurs mondiaux de l’industrie du jeu vidéo dont l’objectif est de mettre en rela-tion éditeurs, développeurs, et sous-traitants. Autre signe d’un bel avenir pour le secteur du jeu vidéo en Rhône-Alpes, la création en 2007 de Gamagora, l’école du jeu vidéo. Cette for-mation aux métiers du jeu vidéo, rattachée à l’université Lumière Lyon 2, est unique en France. Son implantation est notamment due à la volonté des collectivités territoriales de contribuer au développement de l’industrie des jeux vidéo en Rhône-Alpes. S’ajoute à cette formation, la présence dans la région de 15 grandes écoles, qui conduisent aux métiers du multimédia. Le quartier de Vaise est aujourd’hui emblématique du rayonne-ment du jeu vidéo à Lyon. Un secteur qui, pour le moment, ne connaît pas la crise.

gaétan mathieu

* Chiffre tiré de : États de lieux et perspectives du

secteur du jeu vidéo en région Rhône-Alpes, réalisé

par Lyon Game.

* * Direction Régionale de l’Industrie, de la

Recherche et de l’Environnement.

Créée en 1999 par trois anciens d’Infogrames, et un diplômé de l’ENS

Lyon, la société Widescreen, basée dans le troisième arrondissement, emploie aujourd’hui plus de 90 salariés à plein temps. Spécialisée dans le développement de jeu d’aventures pour les consoles nouvelles générations (PS3 et X-Box 360), cette entreprise a déjà travaillé pour les plus grands éditeurs

mondiaux, dont Electronics Arts et Namco. Ils sont notamment à l’origine des jeux Dead To Rights II et Dune. Preuve de cette réussite, le chiffre d’affaires de la société atteignait les 3,61 millions d’euros en 2005. Mais Widescreen voit aujourd’hui beaucoup plus grand. « On veut maintenant créer nos propres jeux vidéos, ne plus avoir toutes les contraintes que nous imposent les éditeurs. On va

lancer début 2009, un concept jamais fait en France: une série interactive on-line, à mi-chemin entre Lost et un jeu vidéo. » Le principe est simple et devrait rendre accroc de nombreux gamers. Toutes les semaines, l’internaute pourra interagir sur une série, qui évoluera selon les choix des joueurs. L’histoire : des naufragés qui s’écrasent sur une planète qui n’est pas la Terre.

g. m.

La start-up Widescreen veut révolutionner l’univers du jeu en ligne

décembre 2008 l SCIENCE @ VENIR l 13

Depuis une dizaine d’années, le numérique s’impose dans les salles de projection, et chasse peu à peu les copies analogiques en 35 mm. Mais cette avancée technique a un coût, et sur le marché lyonnais, toutes les salles ne sont pas logées à la même enseigne.Avec 8 salles équipées en numérique sur 14, le Pathé Vaise fait figure de précurseur. Pour Joël Luraine, son directeur, il s’agit d’un pari sur l’avenir: « On espère avoir 12 salles en numérique dès 2009. A terme, ce sera tout le complexe. » Une perspective financièrement alléchante : « le gain de temps sera énorme. Il faudra deux fois moins de personnel. » Pour financer ces équipements, le Pathé a sa petite idée : « comme les distributeurs font de gros bénéfices grâce au numérique, explique M.Luraine, on est en train de négocier pour qu’ils participent à nos frais. On peut se permettre de faire pression puisque nous sommes l’un des géants du secteur.»Dans les petites structures comme au Ciné Duchère, l’heure n’est pas à l’optimisme : « si on doit s’équiper, on aura besoin de l’aide des collectivités locales. Je ne pense pas que les distributeurs participent, ils se fichent de nous voir disparaître », regrette Emmanuelle Bureau, la gérante.Le numérique, un virage également difficile à négocier pour les CNP -Cinémas Nationaux Populaires-. Financés par des fonds de soutien privés, la plupart ne pourront pas se payer ces projecteurs numériques et craignent de subir les dommages collatéraux : « Les distributeurs risquent de prendre cet alibi pour ne plus nous fournir. Mais la vérité c’est qu’ils préfèrent travailler avec les grands complexes, et ça, ce n’est pas nouveau », explique Marc Artigau, directeur des CNP de Lyon. Les grands gagnants sont les distributeurs : une copie analogique coûte environ 1300 euros, sa version numérique seulement 300. Jackpot également pour les fournisseurs « Il y a un marché énorme autour du numérique. Imaginez les bénéfices s’il faut ré-équiper les 5000 salles de France », constate Emmanuelle Bureau.

Jessica bissay

Cinéma numérique : un système à double vitesse

Page 14: Science@venir

Economie

Très haut débit : avoir la fibre... ou pas

Ca y’est, la fibre c’est parti ! » Le secrétaire d’Etat chargé du Déve-loppement de l’Economie numé-rique, Eric Besson, a confirmé que le mouvement pour un déploie-

ment rapide de la fibre optique dans l’hexa-gone était bien lancé. L’objectif du gouver-nement est ambitieux : desservir quatre millions d’abonnés en très haut débit d’ici 2012. Pour l’heure, l’offre fibre reste encore réservée à une poignée de privilégiés. Selon les derniers chiffres, Orange compte seu-lement 14 200 abonnés sur Paris, l’Ile de France et dix villes françaises. Bien loin du million de clients raccordables sur lesquels tablait le groupe pour la fin de cette année! Free en revendique seulement « un petit nombre », quant à SFR, il ne fournit plus de chiffres… Seul Numéricable dont 40 % du réseau est déjà en fibre optique tire un peu son épingle du jeu avec 100 000 abonnés « puissance fibre » (de la fibre jusqu’au bas de l’immeuble relayé par un câble coaxial). Mais le débit sortant est bridé à 5 mégas, contre au moins 10 pour ses concurrents...Principale raison de ce retard, un cadre juri-dique flou et de nombreuses incertitudes techniques concernant les fibrages dans les copropriétés, concernées en premier

lieu. En effet, fibrer un logement représente un investissement important qui ne peut être généralement rentabilisé que dans un immeuble et non dans une simple maison

voire une zone pavillonnaire. Jusqu’à pré-sent, les conseils syndicaux de coproprié-tés sollicités par des opérateurs qui souhai-taient installer un réseau de fibre optique

14 l SCIENCE @ VENIR l décembre 2008

Simple fil de verre ou de plastique souple de l’épaisseur d’un cheveu, entouré d’une gaine de protection, la fibre a pour propriété de pouvoir conduire une onde sur des distances équivalant à plusieurs milliers de kilomètres. Elle bat ainsi à plates coutures l’actuel fil de cuivre, en terme de débit (5 fois plus rapide), avec une quasi-absence de déperdition du signal.Une révolution technologique pour les particuliers, comparable au passage du bas débit à l’ADSL et qui ouvre la voie à de nouvelles utilisations : télévision haut débit par Internet, envois et téléchargements de fichiers ultrarapides, visio-conférence…

Télévision HD : pour quelques pixels de plus

Disponible depuis novembre 2008 sur l’agglomération lyonnaise, la HD (Haute définition) semble devenue un argu-

ment incontournable dans les magasins d’électroménager. Si elle apporte des amé-liorations sensibles par rapport à une image standard, l’achat d’une télévision HD com-porte quelques pièges.« La prochaine étape, ce sera la télé en relief. Pour l’instant, c’est la HD. C’est le moment d’acheter », dégaine-t-on à la FNAC. Même son de colt chez Darty. « La HD, c’est la télé d’aujourd’hui et de demain. » Les vendeurs d’électroménager sortent leurs meilleures armes pour convaincre. A les entendre, la Haute Définition ne serait qu’une banale histoire de résolution. Sur l’écran, l’image semble bien plus fluide qu’une image stan-dard et procure une sensation de réel lors des

émissions télévisées ou des pages publi-citaires. Les contrastes sont en revanche beaucoup plus marqués que sur une télé-vision standard, rendant la vision de films assez pénible. Pour les événements sportifs, il faudra repasser. Difficile d’y voir clair avec les nombreux labels proposés: HD Ready, Full HD, HDTV, Compatible HD. Depuis le 1er décembre 2008, les revendeurs ont obligation de ne retenir qu’un seul label: le HDTV afin de cla-rifier l’offre pour le consommateur. Mais ils n’hésitent pas à recycler leurs télévi-seurs issus d’autres labels HD et devenus invendables en les estampillant HDTV. Une méthode crapuleuse qui piège l’acheteur. Par exemple, le Compatible HD est à évi-ter car il ne fait que retranscrire le signal HD en signal standard comme un téléviseur

Le développement de la fibre optique annonce une révolution technologique pour les particuliers.

Mais son déploiement a pris du retard et peu de Français peuvent pour le moment en bénéficier.

SOURCE : TACTIS

La fibre : quels intérêts

pour les particuliers ?

Page 15: Science@venir

Très haut débit : avoir la fibre... ou pas

décembre 2008 l SCIENCE @ VENIR l 15

étaient donc bien souvent tentés de freiner des quatre fers, en l’absence de garanties.

Plus de monopoles locaux dans les copro-priétés

Depuis cet été, la situation a bien changé avec le vote de la Loi de Modernisation de l’Economie qui impose la mutualisation des réseaux de fibre à tous les opérateurs. Rien n’obligeait jusqu’alors un opérateur qui avait fibré une copropriété à partager ses four-reaux. Les copropriétaires pouvaient ainsi être liés à un opérateur sans pouvoir bénéfi-cier d’une offre concurrente. Des situations potentielles de monopoles locaux particu-lièrement gênantes pour Edouard Barreiro, chargé de mission nouvelles technologies à l’UFC-Que choisir : « Avant chaque fois qu’un opérateur demandait à fibrer, nous avions systématiquement des appels de personnes inquiètes. Maintenant, le cadre législatif rassure. » En revanche, rien n’oblige un opérateur à fibrer un immeuble, même si plusieurs propriétaires en font la demande. On peut donc légitimement craindre que les zones les moins rentables restent les grandes oubliées du très haut débit, à l’image des actuels exclus de l’ADSL... paul turenne

Il s’était maintenu jusque là à l’écart, mais l’heure est venue pour le média le plus populaire en France de ren-

trer dans l’ère numérique. Après la TNT, le gouvernement s’attaque à la radio numérique. Une volonté qui répond à une directive européenne obligeant les pays de l’UE à passer au numérique d’ici 2012. Cette évolution, signifie, à terme, la fin de la bande FM. Les stations de radio seront rassemblées par groupe de neuf sur une même fréquence numérique et non plus analogique. Mais avant tout, la radio numérique, c’est un nouveau poste, avec un petit écran similaire à celui d’un I-pod. Sur cet écran, les nouveaux télé-auditeurs pourront voir défiler deux choses : le nom de la chanson ou du programme écouté, mais aussi des informations complémen-taires. L’arrivée de l’écran est donc syno-nyme de nouvel espace publici-taire pour les radios et inévitable-ment de nouvelles rentrées d’argent. A moyen terme, le « time shifting », nou-veau mode d’écoute, permettra aux audi-teurs de mettre en pause leur émission favorite, le temps de répondre à un coup de fil, pour ensuite reprendre l’émission là où ils l’avaient laissé. Vers la fin de la bande FM?

Au premier abord, aucune raison de ne pas sauter dans le train du numérique. Pour preuve, 358 radios ont répondu au premier appel d’offre du gouverne-ment concernant les grandes agglo-mérations comme Lyon pour décerner les nouvelles fréquences numériques. Radio Canut n’en faisait pas par-tie. Loin d’être opposée à un changement de mode de diffusion, la radio associative aux plus de 30 ans d’existence rejette le passage au numérique et contesteson progrès. Le premier refus est financier : « On ne pourra pas à la fois conti-nuer d’émettre en FM tout en

passant au numérique », explique Oli-vier Minot, animateur et membre du bureau de Radio Canut. Mais le refus du passage au numérique porte également sur la qualité. « Le son numérique ne passe pas partout. Soit il passe, soit il ne passe pas. Il y a des zones d’ombre comme dans les endroits un peu pen-tus. Il n’y aura pas une meilleure cou-verture qu’avec la FM, ni une meilleure qualité d’écoute. » Radio associative à l’idéologie anti-capitaliste, Radio Canut n’accepte pas de pousser ses auditeurs à ache-ter un nouveau poste à écran couteux -autour de 100 euros pour le moment- pour pouvoir continuer à les écouter. Curieusement, la France est le seul pays d’Europe à avoir choisi la norme de diffusion DMB. Une norme cor-respondant à des postes numé-riques essentiellement coréens. 2012 ne marquera donc pas la fin de la bande FM. La radio analogique a encore une dizaine d’années devant elle, selon le CSA lui-même. En attendant la fin de la FM, les petites radios comme Canut misent sur l’apparition d’un nouveau mode de diffusion d’ici là, par Internet par exemple. En France, les premières diffusions en numérique ne devraient pas être effectives avant fin 2009.

benoît soilly

radio numérique :pas reçue 5 sur 5

Télévision HD : pour quelques pixels de plusclassique. Pourtant, ce label se retrouve dans certains magasins sous l’appellation officielle HDTV. Quant au label TNT HD, il permet d’at-tester la présence d’un tuner TNT dans les télé-viseurs HD en vente. La loi stipule que tous les téléviseurs HD doivent être équipés d’un tuner TNT HD. Selon l’institut GfK, en octobre 2008, seul un téléviseur HD sur quatre intégrait un tuner TNT HD. Il est encore trop tôt pour faire l’acquisition d’une télévision HD car seulement cinq chaînes ont été sélectionnées jusqu’à pré-sent pour émettre en haute-définition: TF1, M6, France 2, Canal + et Arte. Côté prix, l’en-trée de gamme pour un téléviseur HD s’élève à 500 euros. Un coût onéreux pour une poignée de chaînes HD. D’ici novembre 2011, date du basculement complet de l’analogique au numé-rique, la HD devra proposer une autre image... moins pixelisée. adrien paredes-Vanheule

D.R.

Le gouvernement va bientôt décerner les nouvelles fréquencespour le passage à la radio numérique, certaines voix s’élèvent.

Page 16: Science@venir

DoSSIEr

Numérique

Qui paie la f(r)acture ?

16 l SCIENCE @ VENIR l décembre 2008

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Page 17: Science@venir

DoSSIEr

Numérique

Qui paie la f(r)acture ?

Gabriel Cohn-Bendit s’engage pour l’éducation numérique en Afrique. p.21

Les seniors en session de rattrapage. p.22

Le numérique au chevet des atteints de dialyse à Lyon. p.23

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décembre 2008 l SCIENCE @ VENIR l 17

Au sens médical du terme, une fracture évoque une lésion, une cassure entraînant un mal, une douleur. Numériquement parlant, c’est presque la même chose. Il existe une fracture nette entre les pays du Nord et du Sud. Celle-ci engendre aussi un mal : le retard en terme de développement, de santé et d’éducation. Coup de projecteur sur ces disparités numériques et sur les différentes solutions apportées pour la réduire, du Sénégal jusqu’en Rhône-Alpes.dossier réalisé par Antoine perret, Benoît Soilly et Florian Fayolle.

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Page 18: Science@venir

les visages de la fracture numérique

Aujourd’hui, seul 5% des Africains sont connectés à Internet. Une situation de mise à l’écart que l’on retrouve dans quelques campagnes françaises, et dans certaines catégories de notre société. Tour d’horizon et explication de ce nouveau syndrome que l’on appelle la fracture numérique.

ue ce soit sur les côtes d’Afrique occidentale ou dans les hameaux les plus reculés des monts du Lyonnais, ordi-nateurs et Internet se sont immiscés dans nos vies quo-

tidiennes. De l’accès à l’informa-tion via la toile, aux services divers et variés en ligne, l’utilisation de la technologie est une donnée intrin-sèquement liée au développement des sociétés modernes. Pourtant, une frange de la population mon-diale y est encore tenue à distance. Ce nouveau mal possède désormais un nom : la fracture numérique. Une fracture qui revêt différents masques en fonction des régions où elle se trouve.

Une disparité entre les régions dU monde

Depuis plus de deux décennies, les écarts de développement ne ces-sent de croître entre un Nord, riche industrialisé, berceau des avan-cées technologiques, et un Sud aux prises avec une pauvreté extrême,

des épidémies ravageuses, et des régimes politiques instables, cor-rompus et voués à l’enrichissement d’une minorité. Dans ce contexte, résoudre les abyssales disparités de développement entre le Nord et le Sud via le numérique peut paraître un brin utopique, voire carrément frivole. Pourtant, là où les Nations-Unies ne font que piétiner depuis 30 ans, le numérique représente peut-être une brèche pour rompre à ce cercle infernal. Télémédecine, édu-cation, essor de l’économie locale, sont les grands enjeux du dévelop-pement du numérique en Afrique. Reste à trouver des financements…De l’autre côté de la méditerranée, les rebus du numérique se comp-tent également par milliers. Dans le plan Besson présenté mi octobre, le gouvernement français entend étendre la couverture d’Internet haut débit à l’ensemble du territoire d’ici à 2012. Une promesse qui ras-surera peut-être les milliers de fran-çais privés de la toile pour tisser une communication vers le monde extérieur. Entreprises ou particu-

liers, oubliés des villes ou délaissés des zones rurales, ils sont encore nombreux à attendre d’être connec-tés au réseau mondial. Si des solu-tions existent bel et bien (fibre optique, WiMax…), le coût élevé du financement fait souvent recu-ler fournisseurs d’accès et collecti-vités locales, qui ont déjà beaucoup investi dans ce que l’on dénomme désormais la « facture numérique ».

Un fossé également économiqUe et générationnel

Economiquement, la course au numérique opère également des lésions chez le citoyen français. Dans un contexte économique difficile où le moindre denier se compte précieusement, tous ne pourront pas acheter les dernières nouveautés numériques. Mensuel-lement, un abonnement Internet haut-débit, malgré des tarifs revus à la baisse, représente une dépense non négligeable.Côté entreprises, même constat. Alors que n’importe quel numéro de PME est trouvable

18 l SCIENCE @ VENIR l décembre 2008

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Page 19: Science@venir

Dossier

Les organismes internationaux comme l’ONU, le FSN (Fonds de solidarité numérique) veulent

lutter concrètement contre la fracture numérique. Ils espèrent que le nombre d’internautes atteindra 1,5 milliard d’ici à 2011. Les pays du Sud entendent profiter de la propagation du numérique pour résoudre leurs problèmes socio-économiques. De son côté le Nord espère trouver de nouveaux marchés. le numérique, nouveau moteur de la croissance économiqueDes études montrent un lien évident entre le développement des TIC (technologies de l’information et de la communication) et la croissance économique. L’exemple de la Mauritanie le prouve : d’une croissance de 1,85% en 2000, ce pays subsaharien est passé à 11,70% en 2007. Sur cette même période, la télédensité, nombre d’habitants possédant un téléphone portable, est passée de 1% à 49%. Plus au nord, et toujours grâce aux TIC, la Tunisie enregistrait en 2005 le plus fort taux de croissance jamais connu par un pays africain, soit 24%. « Le numérique est capital pour nos pays. Si on résorbe notre déficit numérique, on résoudra d’autant mieux l’ensemble

de nos fractures » expliquait Abdoulaye Wade, président de la République du Sénégal, à la conférence sur le numérique organisée à Lyon, le 24 novembre dernier. corrélation entre tic et développement humainDans le domaine de la santé (avec la télémédecine), de l’éducation (avec les échanges entre écoles européennes et africaines) ou encore de l’agriculture, les technologies numériques semblent impulser une nouvelle dynamique aux pays africains, tant sur le plan de l’acquisition de savoir et de formation que le développement des infrastructures.Sur le plan politique, l’émancipation des individus par les TIC favoriserait l’émergence de processus démocratiques plus lisibles, plus limpides. Et si les occidentaux hésitent encore, d’autres pays ont compris l’intérêt de réduire la fracture, comme le rappelle le président sénégalais « L’Inde vient de mettre à notre disposition un satellite de télécommunication. La Chine est très présente, et les pays islamiques ne demandent qu’à investir en Afrique. Dans quinze ans, l’Europe ne vendra même plus une bicyclette sur notre continent... » A méditer en somme… ff

Des ordinateurs pour le développement

Flou, vague, incertaine, ce sont les adjectifs qui reviennent le plus pour

qualifier la conférence pour la solidarité numérique organisée à Lyon le 24 novembre dernier. Après des années de tractations entre pays du Nord et pays du Sud pour réduire la fracture numérique, les projets sont pour la plupart inapplicables ou inappliqués. Et l’Afrique attend toujours.Plus de 300 experts étaient réunis à l’Hôtel de Ville de Lyon le 24 novembre dernier. Pas pour rechercher le coupable comme dans la série à succès mais plutôt pour trouver des solutions, prendre des décisions concrètes contre la fracture numérique, attendues depuis trop longtemps par les pays au Sud de l’Espagne. Invité d’honneur, le président Sénégalais, Abdoulaye Wade, à l’initiative depuis 2003 de la solidarité numérique, a résumé la situation par une seule phrase qui

en dit long : « Il faut brancher l’Afrique ». Amer après une journée remplie de belles paroles, le chef d’Etat sénégalais s’est lâché au lendemain de la conférence dans les colonnes de Libération, exprimant tout haut ce que le monde africain pense tout bas :« Nous avons perdu 5 ans. Ce Fonds s’est égaré dans la recherche de financements hypothétiques alors qu’il fallait chercher des ordinateurs (…) Tout reste encore à faire ». Pour mémoire, le Fonds de solidarité numérique a récolté jusqu’ici six millions d’euros. Seuls 900 000 euros ont été utilisés pour financer des projets.

INAPPlICABlE ET INAPPlIQué Mais alors pourquoi un tel gâchis ? Le Fonds de solidarité Numérique basé à Genève et l’Agence de Solidarité Numérique basée à Lyon se marchent dessus. Chargé

du financement, le FSN a appuyé sa recherche de fonds sur le 1% numérique. Appelé mécanisme du 1 % numérique ou principe de Genève, ce système s’appuie sur les entreprises. Lorsqu’elles répondent à un appel d’offre et passent un marché avec l’Etat ou une collectivité locale, elles peuvent ainsi s’acquitter d’une taxe volontaire de 1 % sur ce marché relatif aux technologies numériques.Le premier souci est que ce système est basé sur le volontariat. Le second est que le droit français et européen n’autorisent pas cette opération sans modifier le code des marchés publics. Seuls la Suisse et le Sénégal ont adopté le

principe de Genève.Sans compter que dans le contexte de crise actuelle, aucune entreprise n’a comme priorité la solidarité numérique. Concrètement, le système de 1 % numérique n’est pas appliqué car inapplicable aujourd’hui en Europe. En 2006 et 2007, la taxe numérique n’a rapporté que 160.000 euros au FSN. Aujourd’hui, les transactions numériques représentent trois mille milliards de dollars…Bernard Kouchner est resté réaliste lors de son apparition éclaire à la conférence : « Il ne faut pas s’attendre à des changements conséquents dès 2009 ». Merci d’être venu.

benoit soilly

Conférence pour la solidarité numérique

La stratégie de la promesse

sur le web, l’outil de demain, indispensable pour promouvoir une entreprise est le site inter-net. Là encore, la différence entre gros et petits est notable. Quand des entreprises à la pointe de la technologie numérique profitent de l’aubaine pour développer divers services en ligne, d’autres rament pour construire un site, peinent financièrement à enga-ger des informaticiens ou à payer des structures qui font le bou-lot à leur place. Un autre aspect de la fracture numérique est le fossé qui se creuse entre les géné-rations. Il n’est pas rare de voir dans des familles françaises, les petits enfants apprendre à leurs aïeux à se servir de leurs nou-velles sources de cauchemars : un ordinateur et ses applications. Admis au rattrapage, les quinqua-génaires, sexagénaires et même plus, se voient proposés des cours du soir pour combler leurs lacunes. florian fayolle

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Le président sénégalais, Abdoulaye Wade, veut faire du numérique son cheval de bataille .

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Seconde main pour l’Afrique

Depuis six ans, le Club de Solidarité numérique de Villeurbanne déploie son réseau pour aider numériquement l’Afrique. Ordinateurs d’occasion, logiciels libres… le tout bénévolement.

Non loin de la station de métro Laurent Bonne-vay, dans un fatras d’im-meubles et de bureaux, se lovent les locaux du CSN.

Cette association loi 1901 se situe dans les locaux d’un expert en for-mation JAVA, l’OBJIS, qui finan-çait le Club, au début. D’où par-fois, une certaine confusion entre deux entités, aux visées bien diffé-rentes. « Au commencement, nous nous présentions sous l’étiquette de l’OBJIS (Une SAS, Ndr), mais les partenaires étaient réticents. Du coup, nous avons créé cette asso-ciation, pour bien différencier les choses. Nous souhaitons réaliser des actions solidaires en Afrique, et pas faire du commerce », précise Morad Hanafi, trésorier de l’asso-ciation et employé de l’entreprise. « Souvent on nous disait : soit vous êtes des fous, soit vous nous prenez pour des cons ! ». Fort d’un réseau international, « regroupant entre-prises, collectivités territoriales, ONG, experts divers et particu-liers », le Club dirige divers projets « concrets et de terrain » en direc-tion de l’Afrique.

vénissieux au chevet du Congo

Parmi ses réalisations récentes, le Club a mené, en collaboration étroite avec la mairie de Vénis-sieux, une opération ordinateurs de seconde main. « Lors du renouvel-lement de son parc informatique, qui datait de trois ans, Vénissieux a souhaité en faire profiter les autres, explique Morad Hanafi, mais elle n’avait aucune expérience du ter-rain ». Ayant pris connaissance des travaux du Club, la ville décide

Depuis 2005, et la visite du chantre de la fracture numérique, le président sénégalais

Abdoulaye Wade, la ville de Besançon est à la pointe du recyclage informatique. Sous l’impulsion de son maire, Jean-Louis Fousseret, la ville a engagé une politique d’étroite collaboration avec ce pays d’Afrique de l’Ouest. La poursuite logique d’une volonté déjà exprimée dans les écoles de la ville. « L’initiative, nommée Sénéclic, est le fruit d’un partenariat entre la ville de Besançon, la société AXA assurance et l’Etat du Sénégal », résume Ababacar Diop, conseiller du président et chargé du projet. Cette collaboration consiste en la livraison de « 30 000 ordinateurs à raison de 10 000 par an » à destination, pour le moment, de trois écoles différentes, avec l’installation de salles multimédia fonctionnelles et d’un futur centre de reconditionnement du matériel informatique, implanté en terre sénégalaise. Celui-ci

fonctionnera de la même manière que celui de Besançon, c’est-à-dire que le reconditionnement des ordinateurs sera confié à des handicapés. Une manière de poursuivre, dans l’emploi, cette démarche solidaire. Pour Jean-Louis Fousseret, cette opération est l’occasion de faire du transfert de technologies « une réalité ». Un avis partagé par le Président Wade, pour qui « ce partenariat est à la fois utile, réel et efficace », en plus d’être « une belle illustration du partenariat Nord/Sud ». Actuellement, selon Ababacar Diop, « 560 ordinateurs ont été réceptionnés dont 60 ont été installés, soit 20 par salle multimédia dans les trois écoles ». Mais comme le rappelle le responsable du projet, il ne faut pas oublier que cette opération est de « dimension nationale ». L’aventure ne fait que commencer, comme on dit dans les mauvais films américains. antoine perret

Besançon, le précurseur

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Dossier

Morad Hanafi, le trésorier de l’association, prépare des ordinateurs usagés à destination du Congo.

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d’y adhérer et de profiter de son « expérience du terrain ». Les ordina-teurs usagés iront donc à l’univer-sité de Brazzaville, et notamment à sa bibliothèque. Dans une grande pièce jouxtant le bureau où Morad nous reçoit, une unité centrale, des pièces d’ordinateurs, des câbles, des routeurs ou des barrettes de mémoires jonchent une table. « Nous vérifions que chaque machine peut répondre à la demande de l’université. Une sorte de diagnostic. Au besoin nous ajou-tons, ici de la mémoire, là un logi-ciel. Cela assure une fiabilité égale des ordinateurs de seconde main ». Au menu de la première phase de livraison, 30 machines, gracieuse-ment offertes par la mairie, aux-quelles s’ajoutent 6 000 euros de subventions pour l’achat des com-posants. Le transport est égale-ment aux frais de la mairie. Charge est donnée au Club de remanier les ordinateurs, d’y installer des logi-ciels libres, tels Linux ou Open office, « pour limiter les coups » mais aussi d’envoyer sur place des

formateurs. « Il s’agit de rendre les bénéficiaires autonomes. Si nous livrons les ordinateurs tels quel, dans trois mois ils seront hors ser-vice. Il ne faut pas créer une dépen-dance, bien que l’université puisse nous joindre à tout moment en cas de problème ». Si cette action n’est qu’une parmi toutes celles menées par le club,

elle illustre sa façon de travailler. « Nous sommes tous bénévoles, et prenons de notre temps pour réali-ser ces projets qui nous tiennent à cœur depuis que nous sommes étu-diants. Nous restons solidaires dans la démarche en rendant concrètes de bonnes idées » conclue Morad.

antoine perret

Le coin du spécialiste

Marre de la course à la puissance des constructeurs informatiques qui rend votre ordinateur dernier cri périmé au bout de deux à trois ans ? Il existe pourtant une alternative économique et écologique : le reconditionnement. En clair, la réutilisation d’un ordinateur d’occasion, formaté, vérifié et prêt à repartir pour de nouvelles aventures. Une solution particulièrement appréciée par les petits budgets et pour ceux dont les utilisations informatiques ne nécessitent pas les performances d’une bête de course. Un ordinateur équipé d’une mémoire vive de 512 Mo et d’un processeur cadencé à 800 Mhz ou 1 Ghz suffit en

effet largement aux applications bureautiques et multimédia : traitement de texte, tableur, lecture de films en format DVD ou Divx, ou bien encore téléchargement.

Sur Lyon, certains revendeurs ont acqui un savoir-faire en reconditionnement et proposent des produits garantis, un plus appréciable. Leader sur ce créneau, Coach Ordi propose à la Croix Rousse des PC évolutifs et compatibles avec l’ADSL haut débit. Ils sont disponibles avec Windows 98 préinstallé, à partir de 75 euros et avec Windows XP à partir de 200 euros, mais rien ne vous empêche de préférer un autre

système d’application libre et donc gratuit, comme Linux Ubuntu, facile d’accès. Et pour faire encore baisser les prix, à partir de 30 euros, vous pourrez repartir avec un écran CRT 17 pouces, certes plus encombrant qu’un écran plat, mais à la qualité d’image parfois meilleure que des écrans plats premiers prix.

Autre moyen de faire des économies, les enchères ! Lyon sud enchères organise régulièrement des ventes de PC et Mac déstockés. Remplacement d’anciens parcs d’entreprise, saisie judiciaire... autant d’ordinateurs disponibles à des prix inférieurs d’au moins 20% à ceux du marché. paul turenne

PC reconditionnés... et lyonnais !

Fondateur du Réseau Education Pour Tous en Afrique (REPTA), Gabriel Cohn-Bendit a passé 37 ans à enseigner. Frère ainé de Daniel Cohn-Bendit, ce Vannetais de 70 ans milite pour l’éducation alternative et la mise en place de tableaux blancs interactifs dans les classes en Afrique.

Que peut apporter le numérique dans une classe en Afrique ?Le numérique n’est pas quelque chose de forcément individuel. Il faut promouvoir le numérique collectif. Il n’y a pas besoin d’un ordinateur pour chaque élève. Un seul ordinateur permettrait à toute une classe de se documenter même sans connexion à internet. Aujourd’hui avec une clef USB, on peut lire des tas de documents. Lorsqu’une personne du village va dans une grande ville où il existe une connexion Internet, elle peut récupérer un grand nombre de fichiers et d’informations sur sa clef et le faire partager aux siens. Même le village le plus reculé pourra être connecté au monde. Pourquoi est-ce si important ?Parce qu’avant, seulement 4% de la population africaine était scolarisée. Aujourd’hui, il y en a environ 30%. Tous ne partent plus dans des pays industrialisés, certains restent au village et il faut les accompagner pour qu’ils restent connectés au monde par le numérique.

Le tableau interactif présenté à la conférence n’arrive-t-il pas trop vite lorsqu’on sait que certains petits Africains manquent tout simplement de crayons de couleurs ?Il ne faut pas voir le problème comme cela. Comment les Africains ont-ils faits avec le portable ? Regardez aujourd’hui, ils s’en servent pour tout. En Angleterre, il y a 450 000 tableaux interactifs. La formation des enseignants est rapide. C’est un outil fantastique. Il permet au professeur de diffuser le savoir sans pour autant être obligé de sortir ce savoir lui-même. C’est un outil qui libère le professeur. On me dit parfois que je vais trop vite. Mais je suis un passionné et je crois en cet outil. Il faut y aller, se jeter à l’eau. Aujourd’hui, ce projecteur ne marche pas à l’énergie solaire mais bientôt cela va évoluer. Il pourra remplacer la télévision mais il ne fera pas que projeter, il permet aussi d’écrire. C’est vraiment un outil fantastique.

propos recueillis par benoit soilly et antoine perret

Interview Gabriel Cohn-Bendit“

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« Promouvoir le numérique collectif »

Les ordinateurs usagésde la ville iront à l’université de Brazzaville

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Depuis deux ans, le Centre de Ressource Multimédia propose à Vaise, dans le 9e arrondissement de Lyon,

des « sessions d’initiation » au numérique pour les seniors. Une nouvelle manière de combler le fossé.

C’est l’avenir, il faut le prendre à bras le corps » lance joyeu-sement Marcel, l’un des quatre séniors qui prend part à la deu-xième des quatre sessions

d’initiation, consacrée à la recherche sur le web et proposées par le CRMS. Coût : 20 euros. Devant lui, un ordina-teur dernier cri, avec webcam et écran tactile. « On évite de l’utiliser, explique Delphine, la formatrice, car il faut les familiariser avec l’utilisation de la sou-ris. C’est l’une de leur principale diffi-culté avec le vocabulaire employé et la mémorisation ! ». Pointant son stylo comme un chef d’orchestre, elle dirige ces apprentis surfeurs, assé-nant conseils et rectifications. Les doigts s’attaquent, aussi fébrilement que verticalement, au clavier pour rentrer une adresse internet. La sou-ris n’est pas forcément au bon endroit, mais la motivation est là. « Il faut être assidu si l’on veut progresser, estime Marcel. À notre âge, c’est plus long d’apprendre ». Cet ancien chauffeur à la retraite a cessé son activité pro-fessionnelle juste avant l’explosion du tout Internet, et n’a pu découvrir le monde du numérique durant sa vie active. Il se dit « attiré par tout ce que l’on peut trouver sur le net ». « À la

Marcel:« il faut être assidu pour progresser. A notre âge, c’est plus long d’apprendre.»

Il n’y a pas d’âge pour se connecter

fin de leur carrière, les gens se sentent exclus de la société, analyse Delphine, et ils cherchent ici une manière de s’y réinvestir ». Selon cette étudiante en psychologie, ce « nouveau défi » pour les séniors vise essentiellement à « maintenir le lien avec les proches, réduire l’éloignement avec la famille, pour ne pas se sentir esseulé ». Pas de souci, la quatrième session traite du mail ! Un « Ouhlala c’est dur » retentit. « Les seniors ne sont pas réfractaires à la technologie. S’ils sont ici ce n’est pas pour rien, ils sont ouverts d’esprit, explique Delphine. Mais souvent la dif-ficulté prend le pas sur tout ce qu’on peut faire ». Pas facile, quand on n’est pas né souris en pogne, d’aborder cet univers particulier. « Ils ne relient pas toujours ce qu’ils apprennent avec ce qu’ils peuvent faire » poursuit la for-matrice. D’où cette impression de « voyage » qu’évoque un « copain » de Marcel. Pourtant, beaucoup des élèves ont un ordinateur, que ce soit un cadeau pour leur retraite ou un achat spontané. « Les seniors ont envie d’y arriver tout seul sans les petits enfants. Ils sont même fiers d’y arriver. Parfois certains reviennent pour se perfectionner ou revoir cer-tains points » raconte Delphine. C’est

le cas d’Emile, qui de l’autre bout de la pièce explique avoir « déjà fait de l’informatique. Que ce soit pour les photos ou pour des recherches sur l’Histoire et le bricolage ». Il vient ici « découvrir certaines choses. Internet est merveilleux à condition de savoir s’en servir intelligemment ! ». Et de conclure dans un sourire vers son copain Faustin : « Mais c’est pas de la tarte ! »

antoine perret

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lES SENIorS ET lE NumérIQuE EN CHIFFrES 1. Selon l’IpSoS, 22 % des plus de 50 ans surfent sur le net.

2. Selon une étude de delphIne lIverSet, Sur leS courS du crMS, 72 % des élèves possèdent un ordinateur et 60 % de ceux n’en possédant pas n’ont aucun accès à un ordinateur mais projettent d’en acheter un.

3. Selon la MêMe étude, 66,7 % des élèves cherchent à ne plus se sentir exclus d’une société tournée vers l’informatique. Seuls 16,7 % ne se sentent pas du tout contraints par la société.

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le numérique, nouveau cheval de bataille des entreprises

L’entreprise « Aquarelle» est installée à Roman, à mi-chemin entre Vienne et Valence, et pourtant elle exporte aux quatre coins de la France et de l’Europe. Les commandes par Inter-

net, une activité particulièrement rentable pour cette PME. « Depuis que l’on a déve-loppé notre site Internet, en 2005, nos bénéfices augmentent de 30% par an » se félicite Françoise Jacob, la directrice.Comme cette petite entreprise, des dizaines de sociétés réalisent une par-tie de leur bénéfice grâce au numérique. Michel Lalande, conseiller en nouvelles technologies pour les entreprises rhônal-pines analyse l’évolution des pratiques : « Aujourd’hui, les entreprises sont obligées de s’équiper, quelle que soit leur taille. Le

numérique est un outil indispensable en terme de communication et de gestion. Un site web apporte une plus grande visibilité. La recherche de fournisseurs ou de presta-taires se fait aujourd’hui à plus de 70% sur le net. Imaginez le manque à gagner pour une entreprise qui n’est pas référencée dans les pages de Google.»

Le numérique s’est donc installé rapide-ment, non sans créer des inégalités entre petits et grands : « Une entreprise comme GL Event, qui officie dans l’événementiel, emploie une vingtaine de personnes pour

gérer son site Internet. Elle a les moyens de dégager des budgets et des équipes, ce qui est plus difficile pour les PME. Cer-taines sont obligées de faire appel à des structures spécialisées. »En matière de sécurisation des sites internet, toutes les entreprises ne sont pas égales. « Les PME sont plus vulné-rables car elles n’ont pas nécessairement de spécialistes ou de personnes initiées pour protéger au mieux leurs intérêts sur le web. Elles ont également peu de temps pour s’occuper des dangers liés aux nou-velles technologies » commente Yan-nick Bouchet, président du Clusir Rhône-Alpes, lieu de réflexion sur la sécurité des systèmes informatiques.

florian fayolle

Le numérique s’est imposé depuis une petite décennie dans le monde de l’entreprise. Mais les inégalités de développement entre petites et grosses structures sont de plus en plus visibles.

La France est en retard en matière de télémédecine. Pourtant, les nouvelles technologies permettent une réelle avancée dans le traitement des patients. A Lyon, un centre de dialyse en a fait l’expérience.

A l’aube de l’année 2009, la France commence enfin à s’intéresser à la télémédecine. Très en retard dans le domaine comparé aux autres pays européens notamment scandinaves, l’hexagone espère rattraper son retard d’ici à 2012. Mais qu’est-ce-que la télémédecine ? Elle se compose de plusieurs aspects : le télésuivi, la téléconsultation et la téléexpertise. La téléconsultation permet à un patient de consulter son médecin à distance. La téléexpertise consiste à ce qu’un médecin demande à distance l’examen de données médicales d’un patient par un autre médecin, plus à même de livrer un diagnostic par exemple. Enfin, le télésuivi ou la télésurveillance permet une remontée d’informations du domicile du patient jusqu’à l’établissement qui traite sa maladie. On est loin des opérations robotisées par visioconférence. Pourtant, la télémédecine est un véritable progrès notamment lorsqu’on s’attaque aux maladies chroniques tels que le

diabète ou les insuffisances rénales.

Le cahier magiqueA Lyon, un établissement pratique la télémédecine, Calydial. Ce centre de dialyse traite les insuffisances rénales de centaines de patients. Ici, la télémédecine se pratique par le télésuivi. Depuis deux ans, les patients bénéficiant de dialyse péritonéale disposent d’un cahier, d’un stylo, et d’un téléphone portable. Rien de bien technologique au premier abord mais lorsqu’on regarde de plus près c’est une vraie avancée. Chaque page du cahier est imprimée avec une encre sans carbone et tramée et le stylo numérique est muni d’une caméra. Après avoir rempli les cases sur son poids ou sa tension, le patient coche la case envoi. Le stylo est alors synchronisé par Bluetooth avec le téléphone portable et lui transmet les données écrites du patient. Le téléphone GSM renvoie les données à l’opérateur Orange. Ce dernier les traite et transmet ces informations à Calydial. Ainsi, le centre possède des données quotidiennes sur ses patients. Ainsi, Calydial peut mieux traiter la maladie et anticiper de futurs problèmes.« Au début, on avait envisagé de fonctionner avec des PDA ou des ordinateurs. Mais ce

système est plus simple car il fonctionne par l’écrit ce qui est important pour des patients âgés en moyenne de 75 ans. En plus, il préserve la vie privée comparé à une webcam et si un patient va chez un autre médecin, l’écrit permettra au professionnel de traiter notre patient sans passer par notre système » explique Jean Pierre Grangier, cadre infirmier chez Calydial. Le télésuivi coûte 35 euros par patient au centre de soins. Environ 45 personnes bénéficiant de dialyse péritonéale ont accès à cette surveillance. Chacun y trouve son intérêt même Orange qui, passé l’aspect financier, se place dans le secteur de la santé.

benoît soilly

TéléméDECINE – Allo DoCTEur, BoBo…

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T E N D A N C E s

Le stylo envoie par Bluetooth les données du patient au téléphone portable.

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un outil de performance indispensable en terme de communication et de gestion

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Numérique : lyon ne joue plus la carte à « fonds »

Précurseur en matière de politique numérique, Lyon est un bon élève mais semble se reposer sur ses acquis. La ville risque de perdre beaucoup plus qu’elle ne croit.

A l’origine de l’impulsion, un homme : Pierre-Alain Muet. Aujourd’hui député de la deu-xième circonscription du Rhône, il était, lors du premier

mandat de Gérard Collomb, adjoint au maire en charge du développe-ment économique. Il n’est doréna-vant plus que conseiller délégué aux technologies de l’information auprès du Grand Lyon et de la Ville de Lyon. Convaincu par l’intérêt d’un tel pro-jet, il a lancé le Programme Lyonnais pour la Société de l’Information (PLSI). Basé sur plusieurs axes, ce plan visait avant tout à réduire la fracture numé-rique et permettre le développement économique de la ville. Pour cela,

des choses concrètes ont été mises en place comme l’installation de 2069 ordinateurs dans les écoles de la com-mune ou encore le projet Comecole qui permet aux enfants hospitalisés de se connecter à Internet dans les hôpi-taux où ils sont soignés. Outre ces exemples, les projets menés pendant le premier mandat de Gérard Collomb se comptent par centaines.

4@ au label Villes InternetVille peu reconnue avant le PLSI, Lyon a été largement récompensée pour ses nombreuses initiatives en matière de développement du numérique. Dès 2003, elle reçoit son premier label Villes Internet avec le privilège de

recevoir 4@ dès sa première candida-ture. Un exploit pour une grande ville. Elle réitérera l’exploit en 2004 et 2005. Ce label, créé en 1998, a pour objet de valoriser les politiques locales pour le déploiement des usages de l’Internet par les citoyens. « Lyon est la seule ville française à avoir mis sur pied un programme détaillé, un site dédié et des initiatives significatives, parmi les plus riches en France », expliquait à l’époque Florence Durand-Tornare, fondatrice du label.En octobre 2006, la ville est une nou-velle fois plébiscitée aux trophés du web public avec une note moyenne de 17,7/ 20 devenant ainsi première du pal-marès des agglomérations fran-

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Politique

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DMalgré ses 4@ au label villes internet, Lyon doit passer la vitesse supérieure si elle veut tenir à distance de grandes agglomérations européennes comme Amsterdam ou Bologne.

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Quel bilan pouvez-vousdresser de votre travailconcernant la politique numérique de Lyon ?J’ai lancé en 2001 le Programme Lyonnais pour la Société de l’Information (PLSI). A l’époque, Lyon était une ville inconnue dans ce domaine. Puis en 2003 est arrivée une première réelle reconnaissance puisque la ville a décroché son premier label Villes Internet (NDLR : Lyon a obtenu 4@ au label Villes Internet en 2003, 2004 et 2005). Ce qui a fait la réussite du projet, c’est avant tout la réelle concertation qui a existé entre les différentes équipes qui travaillaient sur ce plan. Mais aussi les moyens financiers que le maire, Gérard Collomb, a mis à notre disposition.Lyon s’est impliqué tant au niveau local qu’au niveau international en impulsant une solidarité numérique. En effet, un sommet destiné à réduire la fracture numérique se tient chaque année à Lyon en présence de chefs d’États du monde entier depuis 2003. Concrètement quel étaitvotre rôle ?J’avais pour mission d’encourager des actions en faveur du développement du numérique sur Lyon. Le PLSI a une composante éducative. De ce fait, nous avons équipé l’ensemble des écoles primaires de la ville d’une classe informatique liée à l’internet. Un autre but du projet consistait en le développement des services publics en ligne. Et nous avons aussi contribué à développer des espaces multimédia dans plus de 40 lieux associatifs ou institutionnels.pourquoi avez-vous décidé de lancer un tel projet à Lyon ?Avant d’être adjoint au maire de

Lyon, j’étais l’un des conseillers de l’ancien Premier ministre Lionel Jospin. Avec lui, nous avions lancé un programme comparable au PLSI au niveau national. Je pensais qu’il serait plus concret de voir ce que cela pourrait donner à l’échelle d’une ville. De plus, j’ai des attaches familiales à Lyon c’est pour cela que le choix s’est fait naturellement en plus de l’opportunité que me proposait le maire de Lyon. Pour moi, c’était très important car j’étais convaincu que le numérique constituait une révolution extrêmement importante pour une ville. Encore une fois, une ville est encore mieux placée qu’un État. L’échelle étant plus petite, on peut se rendre compte de toutes les composantes. On touche à du concret.dans ce second mandat de Gérard Collomb, vousn’êtes plus adjoint aux questions numériques. Conservez-voustout de même un rôle

dans le programme que vous avez porté ?En effet, j’ai été élu en juin 2007 député de la deuxième circonscription du Rhône. Mais Gérard Collomb, au début de son second mandat dès mars 2008, m’a demandé de continuer à impulser l’innovation en matière numérique. Je suis conseiller délégué au technique de l’information auprès du Grand Lyon et de la Ville de Lyon.En cette période de restriction des budgets, quels sont les projets sur lesquels vous pourrez travailler ?Il est clair que je ne ferais les choses que si on me donne des moyens car les heures que je passe sur ce sujet sont des heures perdues sur mon temps de mandat de député. Je le fais car c’est un sujet auquel je tiens. Nous sommes dorénavant dans un projet à l’échelle du Grand Lyon qui constitue une continuité par rapport à ce qui a été fait sur la

ville de Lyon comme par exemple le wifi que je voudrais développer. Actuellement, après une période d’expérimentation sur la ville de Lyon, nous travaillons sur un audit à propos des conséquences du wifi sur la santé et quel modèle économique adopté pour ce sujet. En attendant de savoir quel sera notre budget (NDLR : le conseil municipal qui vote le budget se déroule à la mi-décembre), nous pouvons mettre au point des méthodes mais pas des projets à proprement parler. Il faut surtout être très réactif en mettant au point des dispositifs qui permettent de jouer notre rôle.une des missions du pLSiest axée sur la solidarité numérique. Quel est l’intérêtde la mettre en place ?La fracture numérique est un phénomène flagrant de notre époque. L’accès à l’internet se révèle profondément injuste à travers le monde. C’est pour cela que l’on doit contribuer au développement du numérique, notamment en Afrique. J’ai ainsi incité à l’instauration d’un fonds mondial à Genève et d’une agence mondiale à Lyon consacrés uniquement au numérique. On peut voir, par exemple, l’apport que peut engendrer le système de télémédecine. C’est une avancée énorme de pouvoir émettre un diagnostic à distance. Ce que je regrette simplement, c’est que cette idée de fonds n’ait pas pris corps plutôt.

propos recueillis par anne-sophie fontanet

* Ancien adjoint de Gérard Collomb chargé du développement économique et des relations internationales. Il s’occupe plus particulièrement de développer le secteur du numérique sur Lyon.

Pierre-Alain Muet fait le bilan de sa politique en matière de numérique. L’avenir de son programme reste incertain en raison du manque de financement mais ses convictions demeurent intactes.

« la ville s’est impliquée tant au niveau local qu’au niveau international »

« Le numérique constitue une révolution importante pour une ville »

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Interview Pierre-Alain Muet “

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domaine de l’administration et de la démocratie électronique. « A l’issue du premier mandat, 30 000 emplois ont été créés dans ce secteur sur l’ag-glomération lyonnaise », rappelle éga-lement Stéphane Sacquépée, directeur de la mission PLSI.

Des moyens insuffisants

En août 2006, Gérard Collomb déclarait vouloir passer à la vitesse supérieure en matière de numérique. Il avait alors depuis le départ donné les moyens financiers à Pierre-Alain Muet pour mettre en forme les projets. Neuf mil-lions d’euros ont ainsi été investis. Mais les effectifs semblaient dérisoires pour arriver à quelque chose. « Nous allons augmenter les moyens humains, je suis en train de définir des pro-jets dans ce sens », affirmait dans les colonnes du Progrès Gérard Collomb le

Jean-Philippe Vigouroux, journaliste au Progrès. En effet, on a l’impression qu’après avoir bien lancé la machine, elle n’a désormais plus d’essence. Les moyens humains et financiers ne tien-nent plus la route. L’argent, le nerf de la guerre. En la matière c’est une évi-dence. Voté à la mi-décembre, le budget pour la mission PLSI, risque d’être serré et ne pas laisser beaucoup de marge de manœuvre pour les acteurs de la poli-tique numérique. En tout cas, Pierre-Alain Muet, désor-mais simple conseiller, l’a bien dit « Si on ne me donne pas les moyens néces-saires, je ne perdrais pas du temps sur mon mandat de député pour rien ». C’est dit, reste qu’il constitue le noyau central et l’impulsion même de cette politique. Les prochaines semaines devraient donc se révéler décisives pour le classement de Lyon. anne-sophie fontanet

19 novembre 2006. Deux ans plus tard, le calcul est vite fait. Le PLSI n’est toujours composé que d’une seule personne, son directeur Stéphane Sacquépée, depuis février 2004. A titre de comparaison, des villes comme Amsterdam ou Bologne ont des équipes de 10 à 25 personnes. En France, Pau ou Toulouse fonctionnent avec 5 ou 6 personnes.

Un problème de volonté politique ?

« Le souci avec le numérique c’est que tout va très vite, Lyon a un bon niveau mais risque de se retrouver en milieu de tableau si elle ne conti-nue pas sur cette voie », explique

« Le souci avec le numérique c’est que tout va très vite »

Conseils régional et général sur le même créneau : réduire la fracture

Bien qu’ayant des méthodes différentes en matière de numérique, la région

Rhône-Alpes et le département du Rhône se rejoignent sur un point. Mettre tout en œuvre pour modérer la fracture numérique. Sur ce point, les deux collectivités se sont révélées plutôt précurseurs puisqu’elles ont compris avant d’autres qu’il était de leur responsabilité de permettre l’accès au haut débit des zones un peu plus à l’écart. Une démarche que n’auraient certainement pas entrepris spontanément les opérateurs pour des questions de rentabilité.

lE PlAN CâBlEDu DéPArTEmENT« Dès le début des années 90, le conseil général a réalisé que le département avait besoin d’un réseau haut débit » explique Patrick Mostefaoui, directeur de l’Epari, le syndicat mixte mandaté

par le département pour s’occuper du haut débit. Un appel d’offre a alors été lancé pour mettre en place les infrastructures nécessaires à ce chantier. C’est la société Numéricâble qui s’est vue confier le projet. Dès 1995 la convention est signée, les travaux de fibrage débutent en 1996. Le projet s’avère alors ambitieux et novateur puisqu’à cette époque, le département du Rhône est le seul en France à aménager un tel procédé. Il faudra sept ans et 220 millions d’euros pour installer la fibre optique. Dont 75 apportés par le conseil général et plus de 145 par la société Numéricâble. Le succès du département réside surtout dans le taux d’investissement de 70% des frais qu’ils ont réussi à faire prendre en charge à Numéricâble. « Ce qui serait difficile à faire maintenant » souligne Patrick Mostefaoui. On estime que, pour

le moment, 80% de la population rhodanienne profite d’un accès au haut débit qui atteint 30 mégabits. Mais 4000 foyers n’ont toujours accès à rien. C’est pour cela que les travaux ont repris pour trouver des solutions au cas par cas.

lA réGIoN DévEloPPE lES INFrASTruCTurES Un plan qui a peut-être inspiré la région et plus particulièrement l’action qu’elle soutient actuellement en Ardèche et dans la Drôme. Nommé projet ADN (Ardèche Drôme Numérique) il vise à équiper ces deux départements d’un réseau efficace de haut débit dès 2011. « Nous avons la mission d’impulser sur le territoire une démarche sur les nouvelles technologies, aujourd’hui on a besoin d’être connecté avec le monde » analyse Barnabé Louche, chargé de mission

délégué à l’Energie et aux TIC (Technologies de l’Information et de la Communication). Et contrairement au département du Rhône, le ratio d’investissement n’est plus le même. Il se chiffre à hauteur de 60% pour l’opérateur. Créative et perfectionnée, la région est en avance sur plusieurs points. Rhône-Alpes reste, en effet, la seule région qui bénéficie en France d’un baromètre qui mesure le développement et la place qu’occupent les TIC dans notre quotidien. Enfin, elle encourage l’innovation et la compétitivité à travers la création de deux clusters. Ils ont pour but d’associer des entreprises, des universités et des laboratoires de recherche travaillant dans des filières complémentaires afin de conquérir de nouveaux marchés.

a-s. f.

Politique

26 l SCIENCE @ VENIR l décembre 2008

Page 27: Science@venir

Test

Expert en informatique, Florent Deligia a testé pour nous deux prototypes d’ordinateurs à bas prix. Propos recueillis par Gaétan Mathieu.

Premier prix contre seconde main : la guerre des tours

Système d’exploitation Windows XPMémoire vive (RAM) 1024 MoProcesseur 2 GHz Disque dur 80 GoPrix 199 e

l’AvIS : Ce genre d’ordinateur est clairement limité à l’usage familial, c’est-à-dire Internet et le traitement de texte type Word. Il a une mémoire vive deux fois supérieur à l’autre donc l’utilisation d’internet sera plus fluide, sans être exceptionnelle. En revanche, il n’est pas suffisant pour les jeux ou même le traitement de photos. L’autre avantage est la garantie d’un an. Il ne faut pas non plus se faire d’illusions. Au bout de deux ou trois ans, l’ordinateur commencera à s’user. Plus généralement, il est important de regar-der si l’ordinateur est à monter. Si on a un minimum de connaissances, ce n’est pas très compliqué, et ça peut permettre de le payer moins cher. Enfin, toujours s’as-surer qu’il y a un bien un système d’exploitation type Windows ou Linux et ne pas s’imaginer qu’on peut ins-taller les systèmes récents comme Vista sur ce genre de machine.

l’AvIS : Je ne crois pas que le seconde main soit un bon investissement. On ne sait pas comment l’ordina-teur a été traité et il n’y a quasiment jamais de garantie, comme c’est le cas ici. Ce sont souvent des ordinateurs qui ont été utilisés par des entreprises, qui les laissent allumés 24h/24. La plupart du temps, le disque dur et la carte graphique, qui sont des pièces essentielles qui vieillissent mal, ont été poussés à bout. Ce que je vais dire est horrible voire un peu cynique, mais ce n’est pas pour rien si on les donne aux pays du tiers-monde. Même si la personne a besoin d’un ordi-nateur juste pour Internet, le seconde main n’est pas la solution. La mémoire vive est tellement faible et les sites tellement sophistiqués qu’elle n’aura pas accès à de nombreux sites. Pour ce qui est de MSN ou Face-book, aucun problème, mais pour un site de vidéo comme Youtube, la page ne se chargera jamais.

Système d’exploitation Windows 2000Mémoire vive (RAM) 512 MoProcesseur 1 GHzDisque dur 18,2 GoPrix 89 e

CoNCluSIoN : Il ne faut pas chercher à tout prix à économiser sur un ordinateur, et plus généralement sur le matériel informatique. Je conseillerai quand même le premier prix plus que le seconde main si on veut être sûr de ne pas avoir de mauvaise surprise. Si on a un budget limité, le mieux, aujourd’hui, est de négocier l’ordinateur avec un forfait internet. On s’engage sur deux ans, et en contrepartie, on obtient d’importantes réductions sur l’ordinateur. Mais cela se fait surtout avec les portables pour l’instant.

décembre 2008 l SCIENCE @ VENIR l 27

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ordinateur premier prix

duST A3200BM4

ordinateurseconde main

CoMpAQWorkstation

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Page 28: Science@venir

Issue de l’association Envie Rhône, l’entreprise sociale Envie Sud Est, créée en 2006, emploie quinze per-sonnes qui traitent notamment des écrans usagés d’ordinateur. Ces

salariés réparent, reconditionnent et vendent également de l’électroménager de seconde main. Une véritable alterna-tive au « tout jetable ».Si vous ramenez votre vieil écran d’or-dinateur chez un revendeur ou une déchèterie dans le Rhône, il y a de fortes chances qu’il soit recyclé grâce au réseau Envie. Récupération des DEEE (déchets électriques et électroniques), vente d’électroménager d’occasion à bas prix et insertion de travailleurs en difficulté. Envie peut en effet se targuer d’avoir réussi à concilier trois activités à première vue bien différentes.« Nous traitons actuellement environ 500 tonnes de déchets par mois, sur les quatre flux, à savoir, le froid, les gros appareils hors froid, les écrans et le petit électroménager », explique Eric Pelle-tier, responsable d’exploitation d’Envie

Sud Est. L’entreprise collecte ainsi une importante partie des DEEE provenant des déchèteries du Grand Lyon et de la grande distribution sur l’ensemble du département du Rhône, via deux éco-organismes. « Nous nous sommes spé-

cialisés dans le traitement des écrans, déchets qui demandent des compétences bien particulières en terme de récupé-ration des polluants. A l’issue du recy-clage, nous sommes en mesure de four-nir un certificat de recyclage et de destruction dans les normes. »Détenue par l’association Envie Rhône en tant que personne morale, Emmaüs et Notre Dame des Sans-Abris sur Lyon, Envie Sud Est reste avant tout une entre-prise d’insertion. « Les bénéfices sont intégralement réinvestis dans la for-mation et l’amélioration des outils de travail », précise Eric Pelletier. Outre cette activité de démantèlement et de recyclage, Envie possède un maga-sin dans le 7e arrondissement de Lyon où sont vendus à bas prix des produits réparés, reconditionnés, avec une garan-tie de un an pièces et main d’œuvre. Lave linges, réfrigérateurs, cuisinières à gaz, fours micro-ondes… Autant de produits recyclés et donc peu chers qui font le bonheur des étudiants ou d’une clientèle souhaitant renouveler ou acheter du matériel d’appoint.

paul turenne

L’association Envie Sud-Est s’est lancée depuis deux ans dans la réhabilitation du matériel informatique. Explications.

Envie Sud-Est : recycler pour mieux aider

Ecologie/Santé

Les déchets électriques ou électroniques (DEEE) sont des équipements hors d’usage ou obsolètes qui fonctionnent grâce à des courants électriques ou à des champs électromagnétiques, c’est-à-dire tous les équipements fonctionnant avec une prise électrique, une pile ou un accumulateur (rechargeable). En clair, une grande partie des objets numériques que nous renouvelons régulièrement! Or, ces déchets demandent

des traitements spécifiques du fait de leur toxicité (présence de mercure, de retardateurs de flamme halogénés ou autres produits cancérigènes...).Si la quantité de DEEE issue des ménages et assimilée varie entre 16 et 20 kg/an/hab, soit environ 5% des ordures ménagères, ils sont en forte croissance.D’où l’intérêt de ne pas céder systématiquement aux sirènes de la consommation, en réutilisant, et, le cas

échéant, en ne jetant pas ces déchets n’importe où. Le plus simple reste de ramener vos DEEE dans une des déchèteries habilitées du Grand Lyon, ou bien encore chez le distributeur chez qui vous renouvelez votre équipement comme la Fnac, Darty ou bien d’autres encore, obligés de les reprendre gratuitement.

Plus d’infos et liste des points de collecte dans le Rhône : www.ademe.frwww.collectons.fr

L’association Envie Rhône traite 500 tonnes de déchets électroménagers par mois.

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ENVI

E R

NE

lES DEEE, DES DéCHETS BIEN PArTICulIErS

Page 29: Science@venir

les ondes, pires ennemies de Cécile

Trois questions à Dr Alexandre Rafalovitch *“

Les ondes électromagnétiques peuvent-elles être dangereuses pour l’homme ?J’en suis convaincu. Des tests en laboratoire ont montré que les champs électromagnétiques ont des conséquences directes sur les cellules : ils cassent les molécules, déforment l’ADN et révèlent les protéines de stress. Pour l’instant, il n’y a aucun test sur l’homme, mais ces ondes traversent nos corps, nos cerveaux en permanence. Le danger est évident!

Quelles sont les conséquences sur la santé ?Ca commence par des maux de têtes, des vertiges, des difficultés à se concentrer... Ce sont les premiers symptômes de l’électro-hypersensibilité, une maladie qui touche de plus en plus de personnes. J’aimerais que tous mes collègues s’y intéressent réellement. C’est une vraie maladie, une vraie souffrance pour les patients. Et avec la propagation du wifi, il y a encore plus de raisons d’être inquiet.

pourquoi n’existe-il aucune preuve scientifique du danger des ondes wifi?Tout simplement parce qu’il n’y a aucune étude. L’étude « Interphone » a prouvé les dangers du portable, mais pour le wifi et les antennes relais, il n’y a aucune étude en cours, donc forcément on ne risque pas d’avoir des preuves. Les pouvoirs publics ferment les yeux parce que ça les arrange: c’est notre santé contre la santé de l’économie. Qu’on le veuille ou non, la santé publique est liée à la politique.

Jessica bissay * Médecin généraliste à Bron, membre

du bureau de la CNMSE (Coordination

Nationale Médicale de la Santé et de

l’Environnement)

« notre santé contre la santé de l’économie »

A première vue, Cécile est une femme en pleine santé, souriante et dynamique. Pour-tant, depuis quatre ans,

elle souffre d’un mal invisible de plus en plus répandu : l’électro-hypersensibilité (EHS). Ses bourreaux ? Toutes les ondes électromagnétiques présentes autour de nous, qui déclenchent chez elle diverses douleurs. De l’extérieur, aucun moyen de deviner la souffrance de cette Lyonnaise, même si certains détails, comme ces rideaux blin-dés dans son bureau, ou encore cet écriteau à la porte « Pour des raisons de santé, merci d’éteindre votre portable », ne trompent pas. Electro-hypersen-sible, un grand mot peu connu, un mot qui fait peur et qui cache bien des maux. Vertiges, rou-geurs sur la peau, difficulté de concentration, angoisses... les symptômes sont multiples. Visibles ou non, ils hantent son quotidien depuis maintenant quatre ans. Pourtant pendant des années, Cécile a vécu sans se soucier de ces ondes, jusqu’à ce que les premières gênes appa-

raissent : « J’avais mal à la tête en permanence, je n’arrivais plus à me concentrer et j’enchaî-nais les arrêts maladies.»

« C’est une maladie qui vous coupe du monde»

Secrétaire médicale, elle décide alors de se renseigner. Elle met tout d’abord en cause l’antenne relais, installée à quelques rues de son bureau, et demande l’avis d’un expert. « Il est venu mesu-rer le niveau de radiation. Il était très élevé, mais cela ne venait pas de l’antenne. En fait, l’entreprise voisine venait de s’équiper de téléphones sans fil, c’est ce qui me rendait malade. »Une source électromagnétique de plus, une source de trop pour Cécile, qui doit alors s’isoler pour se soigner. « C’était une torture, je ne pouvais plus sor-tir dans la rue, la douleur était insoutenable.»Aujourd’hui, Cécile a apprivoisé sa maladie et tente de prévenir son entourage « On peut tous devenir électro-hypersensible. Notre corps supporte les rayon-

nements jusqu’à un certain seuil. Plus on est exposé, plus on risque de dépasser ce seuil. Certaines personnes sont plus résistantes que d’autres, mais personne n’est à l’abri. »A 35 ans, Cécile vit seule et ne s’imagine pas construire une vie de famille. « Avoir des enfants? Pour qu’ils connaissent les mêmes souffrances que moi, non merci! »Sa maladie, non-reconnue par la sécurité sociale, l’handicape au quotidien. Chez elle, pas de portable, pas de téléphone sans fil ou de wifi. Elle n’a également plus aucun loisir. «Je ne peux plus partir en vacances, car je dois être sûre qu’il n’y a aucun rayonnement autour de la zone ou je dors.»On ne guérit pas de l’électro-hypersensibilité, Cécile s’est habituée à cette idée. En guise de traitement, elle souhaite-rait déjà être mieux comprise. «Les gens me prennent pour une folle, ils pensent que j’exa-gère, c’est une maladie qui vous coupe du monde. » Jessica bissay

lES CoNSEIlS Du Dr rAFAlovICH- Débrancher sa « box » de

connexion wifi dès que l’on ne

s’en sert pas (attention, même

en veille l’appareil continue

d’emmetre des ondes).

- Eteindre son portable la nuit.

Ne pas laisser l’appareil en

charge à moins de 50 cm de la

tête.

- Privilégier les téléphones et

les connexions filaires.

- Pour les enfants et femmes

enceintes : éviter au

maximum de côtoyer des

sources électromagnétiques.

- Consulter un médecin au

moindre doute.

« on peut tous devenir électro-hypersensible. notre corps supporte les rayonnements jusqu’à un certain seuil. »

décembre 2008 l SCIENCE @ VENIR l 29

Cécile, secrétaire médicale, souffre de l’électro-hypersensibilité. Une maladie qui se propage via les ondes à la vitesse d’un virus.

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Page 30: Science@venir

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vuePASSIoNNéS Du réTro mais pas hors du temps, ils sont des conservateurs de talent. Regards croisés sur deux gardiens de l’authenticité.

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Dans une société où la technologie n’en finit plus de pro-duire ; des objets numériques de plus en plus perfor-mants aux objets « jetables », car si rapidement dépas-sés, je me sens étouffée, impuissante et cela me fait peur. Je rêve de pouvoir arrêter le temps, reprendre mon souffle, trouver un moyen d’expression qui me correspond.Je suis donc allée frapper à la porte d’un atelier de pho-tographie qui utilise des procédés anciens, capables de révéler des images noires et blanches, préalable-ment capturées sur pellicule, par d’étranges boites à lumière. Les professeurs m’ont transmis leur savoir-faire, leur passion de la photo-graphie argentique. Entre mathématique et chimie, j’ai appris à peindre avec la lumière. J’ai tout d’abord fabriqué un sténopé. Je suis alors partie dans les rues avec cet étrange appareil. Et lorsque je proposais à un jeune homme de poser devant la boite, il me demanda alors si je n’allais pas lui voler son âme… Par la suite, je suis allée dans une boutique parisienne m’offrir un troisième œil. Un appareil qui fonctionne mécanique-ment avec son objectif de 50 mm : le Nikormat. A tra-vers lui j’ai trouvé un nouveau regard, un œil attentif à la composition et à la poésie des images qui m’en-

mArlèNE NowACkI, étudiante en photographie

A la lueur d’une lampe rouge, je peins les images d’ombres et de lumières

pages réalisées par

antoine perret et sébastien tranchand

tourent. Un œil sensible à la luminosité extérieure, vif et prêt à figer chaque instant décisif.Je forme avec ce troisième oeil un duo assez décalé dans notre société, et j’avoue que cela me plait. J’ob-serve le monde sous différents angles, je prends du temps pour réfléchir sur chacune des 36 poses de la pellicule.Je n’utilise pas de flash, j’essaie de comprendre la lumière ambiante, ses ombres et ses contrastes. Je me sers d’un objectif 50 mm, qui correspond à la vision

de l’œil humain et, puisque que je ne peux pas zoomer, je me déplace afin

de trouver le bon cadrage, et la composition qui me plait. Il y a autre chose qui me fait craquer avec mon appareil, ce sont ses petits rires mécaniques qu’il fait lorsque j’avance d’une pose la pellicule pour déclen-cher. Et puis, lorsque je rentre chez moi, je suis impa-tiente et curieuse de découvrir mes clichés. Avec mon vieil agrandisseur, à la lueur d’une lampe rouge, je peins les images d’ombres et de lumières. Elles se révèlent les unes après les autres. Ressurgissent alors des regards troublants, des personnages atypiques et des paysages lointains… J’ai enfin le sentiment de sus-pendre le temps.

« Il y a autre chose qui me fait craquer avec mon appareil,

ce sont ses petits rires mécaniques »

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PASSIoNNéS Du réTro mais pas hors du temps, ils sont des conservateurs de talent. Regards croisés sur deux gardiens de l’authenticité.

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ArNo BArBE, journaliste musical

Le vinyle,chéri des esthètesPourquoi le vinyle ? Parce que l’objet. Majestueux. Inoxydable. Il est le dominant au royaume des sup-ports musicaux. Le roi de la jungle. L’indomptable qui traverse les époques sans jamais fléchir devant les assauts répétés des éléments extérieurs. Tour à tour cassettes, CD, Mp3 se sont évertués à détrôner le vinyle. En vain. Il demeure imperturbable. Chéri des

esthètes. Demander à n’importe quel dj ou amateur d’électro, de reggae ou de dub si le vinyle ne rend pas à merveille toute l’amplitude du son, rendant accessible des tonalités effacées sur les supports virtuels. Le Mp3 est un rouleau compresseur, emportant sur son pas-sage les infrabasses et tout ce qui fait la profondeur d’une musique, son grain. Crépitement délicieux du diamant sur la face A. Au-delà du vinyle en lui-même, j’aime la quête qui précède son achat. Les heures passées dans les bacs poussiéreux de petites boutiques approximatives. Regard aiguisé. Main leste faisant défiler preste-ment, sous des yeux avides, les précieux acétates. Ses pochettes somptueuses, érigées en œuvre d’art par les Jeff Jank et consorts. Ou encore ces pochettes vierges, anonymes, « white label ou blank » aiguisant la curio-sité maladive du Vinyl addict, toujours en quête de la pépite ultime. Le vinyle, c’est un rapport quasi sensuel, érotique, avec la musique. Il représente ce qui fait la différence entre l’amour charnel et l’amour virtuel…Question de sens !

« C’est un rapport quasi sensuel, érotique, avec

la musique »

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