sciences et mathématiques à l´école - hepl.ch · géométrique Elisabeth Stierli et Chantal...
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prismes / revue pédagogique hep / no 2 / avril 2005prismes / revue pédagogique hep / no6 / mai 2007
sciences et mathématiques à l´écoleconnaître
comprendre
ordonner
le monde
• edito
Valoriserlesdisciplinesscientifiquesle comité de rédaction, avec la collaboration de Jean-Christophe decker 3
• � | pourquoi les sCienCes a l’eCole ?
Enseignerlessciences.Oùestleproblème?paul avanzi 4
Faut-ilsupprimerlessciencesàl’école?André Giordan 8
Descléspourl’intelligencedumondephilippe Barraud ��
«Apprivoise-moi!»ditlerenard:uneapprochedelaconnaissancedel’environnementen �2enseignementspécialiséDenisBaeriswyl
L’enfantchercheuraujourd’hui,citoyenresponsabledemainCharles-Etienne Vullioud �6
De la physique ? Faut-il aujourd’hui encore, enseigner la physique au gymnase en dehors des �9
options ? eric lindemann
Laformationd’ingénieuretl’enseignementdessciencesPierre-André Besse 23
La dimension épistémologique en didactique des sciences Jean-Claude noverraz 27
StandardsdeformationpourlessciencesnaturellesenSuisse:unprogrès?François Gingins 32
• 2 | maThemaTiques eT sCienCes
Lesmathématiquesfont-ellespartiedessciences?Pierre-Marie Pouget 36
Faut-ilenseignerlesdisciplinesscientifiquesàl'école?Armin Kressmann 4�
• 3 | les maThs du CYCle iniTial au gYmnase
Activitémathématiqueaucycleinitialoucommentintroduirelanotionderégularité 42géométriqueElisabeth Stierli et Chantal Tièche Christinat
Pourquoi les maths à l’école ? Pour simplifier la vie ? stéphane Clivaz 46
Lesmathsetmoi valérie uhlmann, lucile Franz, lilly Khamsy 49
TransitionsecondaireI–secondaireIIenmaths:undialogueStéphane Clivaz et Michel Deruaz 51
Et chez vous les maths, ça va comment ? Chantal Tièche Christinat 54
ComparaisonVaud–Fribourgpourlesheuresdemaths Michel Deruaz 59
• 4 | approChe de l’environnemenT
Cen’estpasauxenfantsd’éduquerleursparentsMarguerite Schlechten Rauber 61
Enseignerlessciencespourrespecterl’environnementJean-Michel Favez 64
• enCore…
DeuxétudiantsErasmusenéconomieàlaHEPVaudClaude Othenin-Girard 65
• des ressourCes…
L’Espace des InventionsValentine Lugrin 67
LecentrePro NaturadeChamp-Pittet(VD)Régine Clottu 68
• Coup de Cœur : présenTaTion de livres 69
• aBonnemenT
Prochainnuméro,contactsetsiteweb,cafépédagogique 71
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Pourcesixièmenuméroéclosauprintemps,
davantagecentrésurdesquestionsdidactiques,
Prismesabordel’enseignement des mathémati-
ques et des sciences.Commeàproposdel’art à
l’école,onpeuts’interrogersurl’utilitédeces
disciplines.C’estlaraisondelaquestionposée
parlapremièrepartiedecenuméro:Pourquoi
les sciences à l’école ?
Plusieursauteurssontplutôtnégatifsconcer-
nantl’apportdel’enseignementdessciences.
Onalesentimentd’avoirfaitfausserouteen
considérantcesbranchescommesemblablesaux
autres.Onsetrouvefaceàdesparadoxes:favo-
riserletâtonnementexpérimentaletauboutdu
compte,évalueretsanctionnerquandmême;
mettreenvaleurlerôledel’erreur,maismalgré
toutsesentirentantqu’enseignantinvestide
lamissiondefaireréussirlesélèves.Contraire-
mentàlacourseeffrénéeàl’efficacité,typique
denotresociété,nefaudrait-ilpasaborderl’en-
seignementdessciencesenlaissants’exprimerla
curiositéetl’espritdedécouverte,ladémarche
derechercheetl’éveilàl’environnement?
Maiscommentseproduitcetteévolutionqui
découragelesélèves?
Si,chezlesjeunesélèves,onrencontreune
fraîcheur,unenthousiasmeetunecuriositépour
participerauxactivitésscientifiquesetpourdé-
couvrirl’environnementquilesentoure,plu-
sieursauteursmentionnentquecetteattitude
positiveatendanceàs’éroderaufildutemps.
Est-ceparcequelecontenudevientplusardu
etmoinsludique?Cesdisciplinesdeviennent-
elletropaustèresoutropabstraites?Est-ceen
lienavecledéveloppementdel’enfantquise
transformeenadolescent?Eneffet,lesbesoins
desélèvesdiffèrentenfonctiondeleurâge.Les
pluspetitsseposentsouventdesquestionssur
lescausesdesphénomènesqu’ilsobservent.A
l’âgedelafindelascolaritéoudugymnase,
lesjeunesonttendanceàavoirdesinterroga-
tionsphilosophiques,etsouventlessciencesne
leurdonnentpasderéponse.Certainsélèves
seclassentalorsdanslacatégoriedesnulsen
mathsouensciences,enayantunemauvaise
imagedeleurscapacités,surtoutencoredes
jeunesfilles!
Danslesdeuxpremiersarticlesintroductifs,
lesauteursessaientd’identifierlescausesde
cesdifficultésetdedonnerdespistesdetravail.
Puisdeséclairagesintéressantssontapportés
surlafaçonderendrelaphysiqueaccessibleà
desélèvesdel’enseignementspécialisé.Dans
unelignesimilaire,uneréflexionestproposée
surdesdémarchesd’enseignementdelaphysi-
queàdesélèveslittérairesaugymnase.L’auteur
nes’arrêtepasalorsàl’idée(ouaupréjugé!)
qu’ilpuisseexisterdesprofilsdescientifiques,
demathématiciens,oudelittéraires!
Pleinfeusurladidactique,auprèsdesjeunes
élèvestoutd’abord,quiontbesoind’expéri-
menterpourcomprendredesnotionsdecapa-
cité,oupourréaliserunerecettedepetitspains,
etsurl’épistémologiedessciencesdansunarti-
clequinousproposeuneapprocheméthodique
appuyéeparlarecherche.Surunplanpluslarge,
HarmoS sciences naturelles, projetd’harmonisa-
tiondel’écoleobligatoire,mèneactuellement
unerecherchedegrandeenvergureauniveau
suissepourélaborerdesstandardsnationauxde
formation.
Pourinterrogerlelienentresciencesetma-
thématique,unphilosophedonnesonpointde
vueetintroduitunepartieconsacréeauxma-
thématiques.
Aucycle initial,unedémarcheoriginale
présenteuneséquencedidactiqueengéomé-
trieavecdesaspectsliésàl’espaceetàlanu-
mération.Deplusapparaîtunecollaboration
fructueuseentredeuxétudiantesetdeuxpro-
fesseuresformatrices.Danslescyclesprimaires,
l’enseignementdesnouveauxmoyensdema-
thématiquessemblenepasavoiratteintencore
lesniveauxattendus:c’estcequeprésentela
rechercheMathéval,quis’interrogeaussisur
lasignificationdesrésultatsetsurdesmesures
possiblesderemédiations.AusecondaireI,une
réflexionintéressantesuggèrequelesmathé-
matiquespourraientsimplifierlavie.Puis,lors
dupassagedusecondaireIaugymnase(phase
délicatecommetoutetransitionenmilieusco-
laire!),lesauteursproposentdeprivilégierl’or-
ganisationderencontresentreenseignantsde
mathspourfavoriserledialogue.
Uneapprocherespectueusedel’environne-
mentcomplètecenuméroparlaprésentation
duRéseau-écoles de sensibilisation à la gestion
des déchets,quiannoncepourPrismes 7unap-
portpluscompletsurl’Educationaudévelop-
pementdurable.
AvecencoredesidéesderessourcesPrismes 6,
commesesaînés,présenteunegrandevariétéde
contributionsetderéflexionscritiquesqui,nous
l’espérons,permettrontundébatconstructif.
le comité de rédaction
Avec la collaboration
de Jean-Christophe Decker
valoriser les disCiplines sCienTiFiques
dans la première parTie, nous aBordons la quesTion iConoClasTe: FauT-il enseigner les sCienCes à l’éCole ? prismes essaie ainsi de sus-CiTer la réFlexion sur la désaFFeCTion des BranChes sCienTiFiques, sur l’imporTanCe d’un raisonnemenT auTonome, de la CréaTiviTé eT des CompéTenCes CiToYennes pour lire le monde. Tous les seCTeurs de la FormaTion sonT ConCernés, du CYCle iniTial à l’epFl.
enseigner les sCienCes : où esT le proBlème ?
1
Isabellen’aimepaslessciences,commemoi
jen’aimaispaslesfraisesavantd’yavoirgoûté.
Ladifférence,c’estquepourgoûterunefraise,
ilsuffitdelamettredanssabouche,tandisque
pourgoûterauxsciences,c’estpluscompliqué.
Plustard,pourcuisinerunbondessertaux
fraises,Isabelledevras’entraîner,recommencer,
apprendrebeaucoupdetechniquessouvent
trèsétrangèresauxfraises,maisl’anticipation
dugoûtdecedessertqu’elleadéjàgoûtéest
unemotivationimportante.Ilserabienmoins
évidentdemotiverIsabellepoursurmonterles
nombreusesdifficultésliéesàlapratiquedes
sciencesexpérimentales.
Poureffleurerenquelqueslignescettevaste
question,jeproposeunessai1enquatreparties:
La curiosité - Les sujets qui motivent les élè-
ves - Les sujets nécessaires pour « lire le monde » -
Alors quoi faire ?
la curiosité
Sijedevaisneretenirqu’unargumentpour
cetarticle,ceseraitcertainementcelui-là.La
questionlaplusimportantequ’unmaîtredoit
seposeràl’issued’uncoursdesciencesest:«La
curiositédesélèvesa-t-elleétéstimulée?A-t-elle
augmenté?»Sioui,l’essentielestfait,sinonla
leçonestratée…etj’enairatébeaucoup!
Selonl’âgedesélèves,ondevraitplutôtpar-
lerdelibérer leur spontanéitéquedestimuler
leur curiositécarcettedernièreexistedavan-
tagequ’iln’yparaît.
Audébutdesannéesnonante,àlarecherche
d’unerédactiondeprogrammeintelligible,Jean-
ChristopheDeckeretmoi-même,encetemps-là
conseillerspédagogiques,avionsproposéune
sériede30à40questionsquelesélèvespour-
raienteux-mêmesseposerafinderendreplus
intéressantes(plusattractives)desnotionsscien-
tifiquessouventardues,parexemple:«D’où
vientlevent?Commentattrape-t-onunema-
ladie?Aquoiserventlesfleurs?Commentfonc-
tionneunphotocopieur?Pourquoiunœufde
truitedonnenaissanceàunetruite?…»
J’ai,depuislors,systématiquementutilisé
untelcataloguedequestionspourprésenter
lesobjectifsdel’enseignementdessciences
expérimentalesàmesnouvellesclasses.Cela
permetd’évaluerlacuriositédesélèvesparfois
impatients–etparfoisaussiindifférents–de
connaîtrelaréponseàtelleoutellequestionet
surtoutd’enrajouterd’autresquilesintéressent.
Ilestimportantdemesurercettecuriositécar
elleestsouventmuseléepardespréjugés,parla
peurde«direfaux»oude«poserunequestion
bête».Celapermetaussidesituerd’entréeet
clairementleslimitesqu’ilfaudramettreàson
enseignementpouréviterdes’embarquerdans
desnotionshorsdeportéedesélèves.
les sujets qui motivent les élèves
Ilnes’agitpasicidetomberdansladéma-
gogie.
Ondoitbienadmettrequelessujetsintéres-
santsquipourraientutilementservirdesup-
portspouraborderlesgrandsthèmesdespro-
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grammessontsinombreuxqu’aucunedotation
horairenepermetd’espérerlestravaillertous.
Ilestdoncpertinentdechoisird’abordceuxqui
stimulentnaturellementl’attentiondesélèves.
J’aid’ailleursconstatéquelorsquelesiphonde
l’intérêtestamorcé,ilpermetdetraiterdes
questionsquisontressentiescommetotalement
rébarbativessionlesaborded’emblée.
Lessujetsquimotiventlesélèvessontceux
quiconcernentleurviequotidienne,parexem-
plecequiestliéauxmaladiesquilestouchent
eux-mêmesouleursproches–aufonctionne-
mentet/ouauxdangersdesappareilsquilesen-
tourent–aucomportementdesanimauxqu’ils
apprécient–auxdébatsqui,selonleurâge,les
intéressent(économiesd’énergie,pollution,li-
béralisationducannabis…).
L’objectiondelacontrainteduprogramme
estlancinante,maisc’estunfauxproblème.
Lorsquelesleçonssontconditionnéesparles
intérêtsdesélèvesetqueleurattentionestàun
bonniveau,lanécessitédesedonnerdesoutils
pourabordercesquestions(ouundeleursas-
pects)estnaturelleetlelienavecleprogramme
(sicedernierestraisonnable!)l’esttoutautant.
Ceuxquiontdel’expériencesaventdequoije
parle,maisvoicitoutdemêmeunexemple:
On souhaite savoir comment utiliser en Suisse
des guirlandes de Noël achetées aux USA où el-
les sont prévues pour fonctionner avec un cou-
rant alternatif de 110 volts ; on peut aisément
construire, d’abord expérimentalement, puis par
un modèle plus quantitatif, une séquence d’en-
seignement qui aboutit à la loi d’Ohm, un pilier
classique des cours sur l’électricité. L’application
effective aux guirlandes est possible, mais on
veillera à mettre les élèves en garde et à les in-
former sur le respect des règles de sécurité qu’il
est de toute manière très utile d’aborder !
les sujets nécessaires pour « lire le monde » 2
Comprendreetcommuniquercorrectement
dansnotreenvironnementestcertainement
l’objectifleplusimportantdelaformationsco-
laire.Pourledomainedessciencesexpérimenta-
les,cettemissionestd’uneimportancemajeure,
carelledevraitdonnerlescompétencespour
réagirintelligemmentfaceauxdéfisdel’envi-
ronnementnaturelettechnique.
LasciencedudébutduXXIesiècleestbasée
surunnombrelimitédeconceptsfondamentaux
(moinsdedixàmonavis)quisontparfoistrès
récents;lecodegénétique,parexemple,estun
conceptquiarévolutionnélabiologieetqui
n’estguèreplusâgéquel’auteurdeceslignes…
J’encitequelquesuns:
• lestypesd’interactiondelamatière(pesan-
teur–électromagnétisme–forcesnucléai-
res…);
• lastructureparticulairedelamatière;
• lecodegénétiqueetlathéoriedel’évolution;
• lesprincipesdeconservation,notammentde
lamatièreetdel’énergie;
• la«méthodescientifique».Mêmesicette
notionestparfoisàgéométrievariable,elle
recèlenéanmoinsunsoclederigueuretde
référenceàl’expériencequilarendincon-
tournabledansuncoursdesciences.
Onnedevraitjamaisoublierdeciteraussi
desquestionsquin’ontpasencorederéponse
ouquisonthorsdudomained’applicationdes
sciencesexpérimentales:
• Dieuexiste-t-il?
• Quelleestl’originedel’Universetquedevien-
dra-t-il?
• Qu’est-cequelavieetexiste-t-elleseulement
surlaTerre?
• Presquetouteslesquestionsquicommencent
par«Pourquoi…?»
alors quoi faire ?
Uneséquenceédifiantetiréedujeutélévisé
intitulé«Quiveutgagnerdesmillions?»mon-
treuncandidathésiterpoursavoirsic’estla
LuneouleSoleilquitourneautourdelaTerre.
Lecandidatdemandel’aidedupublicquivote
enmajoritépourleSoleil.Cetteanecdoteest
éclairantepourplusieursraisons:
1 Cepublicestformédepersonnesquiont
certainementétéàl’école,pourlaplupart
enFrance,unpayssansdouteparmilesplus
instruits.AndréGiordandécritbiencephé-
nomènequiconsisteàapprendrecommeune
poésieuneconnaissancequin’estpasancrée
dansunsystèmederepèressolidesetquisera
doncrapidementoubliéeetremplacéeparla
représentationnaturelleconfirméeparl’ob-
servation:c’estbienleSoleilquinoustourne
autour.
2 Latélévision,mêmesiellenousoffredespro-
grammesaffligeants,ajugéquec’étaitune
questionpassiévidente.Danscejeu,onne
demandepascombiendepattesontlespou-
lesparexemple.
3 Lecandidatseseraitprobablementplusfaci-
lementrappeléqueGaliléeaétéjugépour
avoirprétenduquec’étaitlaTerrequitour-
naitautourduSoleiletiln’apasétécapable
demettresesconnaissancesencohérence;
lacultureestcompartimentée.Nikeestune
marquedechaussures,maisquifaitlelien
avecladéessegrecqueAthénaNiké3,repré-
sentéecommeunedivinitéailée,capablede
sedéplaceràgrandevitesse,symboledela
victoire?
Ilyaunequinzained’années(déjà!)M.Rafel
Carreras,scientifiqueconnuenSuisseromande
surtoutpoursesqualitésdevulgarisateurdans
lesmédias,donnaitrégulièrementdesconfé-
rencessurl’actualitédessciences.Cesexposés,
donnésauCERNetàl’originedestinésauxjour-
nalistes,ontrapidementconnuungrandsuccès
etunpublicdetoutâgevenaitchaquemois
remplirunauditoiredeplusieurscentainesde
placespournonanteminutesdevoyageàtra-
versl’actualitédelarecherchescientifiquede
l’infinimentgrandàl’infinimentpetit.Laqua-
litédecesconférencesétaitextraordinaire!
Alaquestion«quelestvotresecretpour
préparerdesconférencessiintéressantes?»il
avait,avecmodestieetunecertaineréticence
auxrecettes,répondupartroisprincipesqueje
vousredonneicitelsquejelesaiadaptésàla
pratiquedemonenseignement,toutenespé-
rantnepasenavoirtrahil’esprit.
Le premier principeconsisteàdéfinirlesmots
qu’onemploie.Ilnes’agitpasdedonnerune
définitionrigoureuse,maisd’endonnerautant
quepossibleetdedireensuitelaquelleserauti-
liséedanslaleçonquisuit.Cettemanièrede
fairepermet,silesdéfinitionssontrédigéesà
partird’undialogueaveclesélèves,dedéceler
touteunesériedereprésentations4etd’élimi-
nerd’embléebonnombredemalentendus.Il
arrivequecetteopérationprenneplusieursle-
çonsàcausedunombreetdel’importancedes
questionsqu’ellesoulève;celamontrequeles
élèvesn’étaientpasprêtspourl’explicationtelle
qu’onvoulaitladonner…
Le deuxième principeconsisteàréduireses
ambitionsàl’essentiel.Ils’agit,plutôtqued’ap-
porterlascienceauxélèves,d’essayerdeleur
enleverlapeurqu’ilsontdenejamaisparvenir
àycomprendrequelquechose.Eneffetl’idée
quelessciences,commelesmathématiques
d’ailleurs,sontréservéesàunnombrerestreint
d’élusquiont«labossedesmaths»(oul’équi-
valentensciences)estencorebienrépandue.
Onconstatequelorsquelesélèvesontpris
confiance,çavapresquetoutseul.
Le troisième principeestleplussimpleetle
plusdifficileàappliquer.Ils’agitdesavoirre-
nonceràaborderdessujetsquinesontpasàla
portéedesélèves.
Onpourraitajouterbiendesélémentsavant
deprétendreavoirépuisélesaspectsdidacti-
quesdel’enseignementdessciences.Sansles
développer,j’enciteraiquelques-unsparmiles
plusimportants:
• Situerledéveloppementdesmodèlesdansle
cadredel’histoiredessciences.
• Mettreenévidenceles limitesduchamp
d’applicationdessciencesexpérimentalesqui
nesontpas–etn’ontjamaisprétenduêtre
–capablesderépondreàtouteslesattentes
del’humanité.
• Développerlesoutilsmathématiquesenfonc-
tion,plutôtqu’enprévision,desbesoins;
• Répondre,autantquepossible,àuneques-
tionenrenvoyantàuneexpérienceplutôt
qu’àuneformule.
• Accorderuneattentionconstanteetsoute-
nueàlarigueurdanslesméthodesdetravail
intégrantlesnotionsd’incertitudedemesure,
d’ordredegrandeuretdeprécisiondansl’ob-
servation.
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• Commencerparlamodélisationauniveau
qualitatifdesphénomènesobservésavant
d’aborder lamodélisationquantitative
mathématique.
Pourenveniràlaquestionposéeparletitre
decettedernièrepartie,lapremièrechoseà
faire,c’estcertainementde revoir nos ambitions
à la baisse en quantité et à la hausse en qualité.
Jeveuxdireparlàqu’ilnesertàriend’aborder
desnotionscomplexessilesbasesnesontpas
solidesetqu’ilnesertàriend’accumulerdes
connaissancessiellesnesontpasrattachéesà
d’autresconnaissances,oumieux,àuneouplu-
sieursexpériencespersonnelles.
Ondevraitaussise méfier de l’implicite.Pour-
quoiserait-ilévidentquelorsqu’ondessineune
flècheautableaunoirl’élèvesauradécoderseul
s’ils’agitd’uneflèche,d’unvecteur,d’uneforce,
d’unevitesse,d’uneaccélération,d’unepression,
d’unetrajectoireousimplementd’unlienentre
deuxchosesquelemaîtreanotéessurcemême
tableauetqu’ilveutmettreenrelation?Sion
yréfléchit,l’élèvequidécodespontanémentet
correctementdevraitdavantagenousétonner
queceluiquis’égareparcequ’illuimanquede
l’information.Demander systématiquement aux
élèves de reformulercequiaétéexpliquéper-
metdedécelerbiendeslacunesetyremédier
prendbeaucoupdetemps,maisc’estdutemps
bieninvesti.
L’ambitiond’unmaîtreestcertainementune
bonnechose,maiselleestnéfastelorsqu’elle
semanifestefaceauxcollèguesplutôtqueface
auxélèves.Ilm’esteneffetarrivéàplusieurs
reprisesdeconstaterquelarédactiondesques-
tionsd’examen,parexemple,estdavantage
conditionnéeparlavolontéd’êtrereconnupar
sescollèguesqueparlesoucide vérifier si les
bases sont solidement acquises par les élèves.Il
estvraiquec’estmoinsspectaculairedevérifier
lesbases,maistellementplusimportant!
Partager ses expériences, ses craintes, ses
échecs et ses succès avec ses collèguesestune
pratiquequisembleaugmenter,maisquiest
encoretroprare.Onpeutcertainementcom-
prendrequelagestiond’untempspleinavec
lescontrainteshoraireset l’augmentation
destâchesadministrativesrendlesmoments
d’échangesdifficilesàplanifier,maiscelaen
vautvraimentlapeine.Deséchangesouverts
permettentdedésamorcerlescraintescertaine-
mentcompréhensibles–maistoutaussicertai-
nementinfondées–denepasêtreàlahauteur
desattentesdescollègues,duchefdefileou
deladirection,demontrerqu’onadeslacu-
nesdanssespropresconnaissances–cequiest
forcémentlecasdansundomainecommeles
sciences–etd’êtreprisenflagrantdélitd’avoir
enseignéquelquechosedefaux(cequiarrive
forcément,maispeutdurersionnecommuni-
quepasassez!).
Mettre les élèves en contact avec l’expérience
de la réalité.
Celapeutseréaliserdeplusieursmanières:
• lestravauxpratiques;
• lessortiessurleterrainpourl’observationde
lanature;
• lessortiespourvisiterdesexpositionsoudes
musées;
• levisionnementd’émissionsdetélévision,des
documentairesdidactiquesoudesexpérien-
cesfilméesparcequ’impossiblesàréaliser
dansuneécole;
• lalectured’articlesdepressesurl’actualité
pourendécoderl’aspectscientifique;
• faireintervenirenclasseunepersonnequi
travailledansundomaineenrelationavecle
sujetétudié(parexempleuningénieurd’une
usined’aluminiumpourexpliquerlesproblè-
mesàrésoudrepourobtenircemétalàpartir
deminerai,etc’estencoremieuxsionpeut
allersurplace…).
L’enseignementdessciencesauneresponsa-
bilitéimportantedanslaformationdesjeunes,
carlasociétéabesoind’uneproportionaussi
importantequepossibledecitoyennesetdeci-
toyenscapablesderaisonnerdemanièreauto-
nome,etsurtoutderésisteràlapensée magique
quiprendbientropd’ampleurdanslediscours
desresponsableséconomiquesetpolitiques.Par
pensée magique,j’entendsl’argumentationqui
consisteàremplacerunfaitvérifiéexpérimen-
talementparl’affirmationd’uneconvictionsin-
cèreetprofondecapable,parsaseulesincérité
etprofondeur,demodifierlaréalité.
Cen’estcependantpaslafoiquidéplaceles
montagnes,c’estlatectoniquedesplaques!
paul avanzi
biologiste de formation, d’abord enseignant
au secondaire I, puis conseiller pédagogique
pour l’enseignement de la physique, il a
enseigné au secondaire II avant de prendre la
direction du Gymnase de Chamblandes, à Pully
(VD). Il est co-auteur de plusieurs ouvrages sur
la physique et la chimie.
1 DéfinitionduPetitRobert:«Ouvragelittéraireenprose,de
facturetrèslibre,traitantd’unsujetqu’iln’épuisepas.»2 Lemondenaturelettechniquequinousentourenousoffre
quotidiennementdessourcesd’étonnementetdequestion-
nement.L’hommeforgespontanémentdesréponsesàces
questions;cesréponsessonttrèssouventerronéesmaiscohé-
rentesetdifficilesàremettreenquestion.L’aptitudeàlirele
mondenaturelettechniquequinousentoureavecdesbases
scientifiquessolidesestunecompétenceprécieusequenous
devonsessayerdedéveloppercheznosélèves.3 LaVictoiredeSamothrace,célèbrestatueexposéeauLouvre,
estunereprésentationd’AthénaNiké;onpeutaussirappeler
qu’unerépliqueenréductiondecettestatueornelesbou-
chonsdelacalandredesRollsRoyce.4 Ilfauticicomprendreletermede«représentations»ausens
définidanslespublicationsd’AndréGiordan,professeurau
Laboratoirededidactiqueetd’épistémologiedessciences–
LDES<www.ldes.unige.ch>–del’UniversitédeGenève.
� | pourquoi les sCienCes à l‘éCole ? FauT-il supprimer les sCienCes à l’éCole ?
FauT-il supprimer les sCienCes à l’éCole ?
Puisquevotrerevuemedemandes’ilfaut
supprimerlessciencesàl’école,jerépondrais:
oui!Oui,sanshésiter.Oui,sinousnechangeons
pasrapidementl’approchedessciences,notam-
mentausecondaire…Etjerépondraisainsien
tantquescientifiquepur et dur(jefusdansune
premièreviespécialisted’endocrinologieetde
neurophysiologie)etentantqu’épistémologue
dessciences.Biensûr,unetelleréponsevacho-
quermescollèguesenseignants,surtoutceux
quiréalisentnombred’innovationsmotivantes
ouceuxquiauquotidientententdefairelepro-
grammeaumieuxavecleplusdesérieuxpossi-
ble.Jem’enexcuseparavanceauprèsd’eux.Si
jeproposeunetelleréponse,cen’estpaspour
lesprovoqueroulesoffenser,cen’estpasnon
pluspour«casserduprof»commelefontpar-
foislespolitiquesoulesjournaux;c’estaunom
delajeunegénération.Nonseulementnousne
leurapprenonspasgrand-choseensciences,en
toutcaspasl’essentiel,maissurtoutnouslesen
dégoûtons…
Monjugementtrèsdirect,peut-êtretrop,
estlefruitd’unensembled’évaluationsdecet
enseignement.Eneffet,quereste-t-ilchezles
jeunes,ycomprischezceuxquiontréussiune
scolaritédébouchantsurunematurité?Qu’ont-
ilsréellementappris?Entermesdeconnaissan-
cesbiensûr,maiségalemententermesdedé-
marchesoud’espritscientifique?Qu’enfont-ils
ensuitesurunplanpersonnel,professionnelou
surunplancitoyen,faceauxenjeuxdenotre
société?
Chaqueannée,nousorganisonsàl’université
destestssurleniveaudesétudiantsensciences,
deuxansaprèslamaturité.Lesrésultatsnelais-
sentaucuneplaceaudoute;entoutcas,ilsnous
interrogentfortement.Prenonsl’ADNenbiolo-
gie,unsujetlargementenseignéetfortement
médiatisé.Deuxàtroisansaprèslamaturité,on
constatequelesétudiantsn’ontretenuqu’une
vagueimagededoublehélice.Cepeudesavoir
n’estpasopératoire,lesconfusionssontmul-
tiplesentregènes,chromosomesetADN;de
mêmelesliensaveclafabricationdesprotéines
sontpeuévidents(voirschémaci-joint).
Evaluationportantsur:qu’est ce qu’un gène ? (étudiantsuniversitédeGenève)
Enphysique,ilssesouviennentdequelques
formules,demêmequ’enchimie.Toutefois
leursignification,leurdomained’application
leursontlargementinconnus.Ainsiilleurest
difficilededistinguerforce,énergie,travailet
puissance.Etlesobstaclessontpartout,àcom-
mencerdanslesniveauxd’organisationdela
matière.Iln’estpasraredetrouverdescellules
danslesatomesoucesderniersdanslesparti-
culesélémentaires!
Alalimite,cesquestionsdeconnaissances
nesontpaslesplusgraves.Cequichagrineen
premierestsurtoutlesentimentd’ennuietde
désintérêtquiressortdeleursentretiens.L’en-
seignementdessciencestelqu’illeuraétépra-
tiquédécourage,voiredégoûtelaplupartdes
jeunes.Nombred’heuresdecourssontjugées
«rébarbatives»,voire«imbuvables»…L’acqui-
sitiond’unedémarcheproprementscientifique
estévacuéeauprofitdel’apprentissagededé-
finitionsetdeprocédésstandards1.Ilsdisenty
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apprendre«desformulestoutesfaites»audé-
trimentd’uneréflexionpersonnelle.Ilsyaccu-
mulentdes«sommesdedétails,mais…onne
comprendrien»2.
Bref,l’enseignementestjugé«tropobscur»:
c’estune«sciencecoupéeduréel»etquin’in-
troduitpasaux«modesdepenséepouraffron-
terlemondededemain».«Onn’yapprendpas
lesrepèrespournotreépoque».Dèslors,ladé-
motivations’installeet…lesmêmeserreursse
perpétuentdelamaternelleàl’université.
Plusgraveencore,l’éducationscientifique
estjugéecommeunefabriqued’exclusions:
denombreuxadolescentsetjeunesadultesne
voientenellequ’unfacteurdesélectionsco-
laire,parl’échec,aumêmetitrequelesmathé-
matiques.
des étudiants en chute libre
Riend’étonnantalorsquelenombred’étu-
diantsdanslesbranchesscientifiquessoitpar-
toutendiminution.EtpasseulementenSuisse…
Laphysiquedevientlabranchelaplussinistrée:
enAllemagne,onconstateunediminutionde
moitiédesinscriptionsenphysiqueen10ans,
enFrance,moins12%chaqueannée.EnGran-
de-Bretagne,lasituationdevientfranchement
alarmanteetlerenouvellementdeschercheurs
n’estplusassuré.
Pourtant,lestrèsjeunesenfantsaimentles
sciencesetsontenthousiastes.Observonslesuc-
cèsdesactivitésdedécouverteextra-scolaires
etautresfêtescommelesminiU,lesminiLabs,
lesNuits de la scienceàGenève,l’Espace des in-
ventionsàLausanne…Quesepasse-t-ilensuite?
Lesenquêtes,réaliséesenEurope,montrentque
lessciencesfontaujourd’huipartiedesmatières
scolaireslesmoinsappréciées.L’écolenepeut
certespastoutexpliqueràelleseule.Ellevitles
conséquencesd’unmouvementplusgénéral.La
sciencenefaitplusrêver;lesicônespopulaires
nesontplusEinsteinouPasteur3.Lacroyance
dansunlienindéfectibleentreprogrèsscien-
tifiqueetprogrèshumains’esteffondrée.Les
découvertes,notammentdansledomainedes
biotechnologiesetdelamédecine,continuent
aumêmerythmequedanslasecondemoitié
duXXesiècle,toutefoislesentimentqu’elles
améliorentlaviedesgensetlesprotègentde
lanatureetdescatastrophesrecule.
Aujourd’hui,lessciencessemblentd’abord
servirunecertaineformed’économiedeprofits;
lesargumentsenleurfaveursontfortement
entachésdecompétitivitéindustrielleaveugle
dansuneéconomiedemarchémondialisée.Ces
opinionsdéfavorablessontparticulièrement
présentesdansledomainedelaphysiqueetde
lachimie,ettrèssouventassociéesauxgrandes
catastrophesrécentes:Tchernobyl,Bophal,le
sangcontaminé,lavachefolle,l’amiante,etc.
EnSuisse,l’imagedelasciencepourlamajeu-
repartiedelapopulationdevienttotalement
paradoxale.Lessciencessontautantconsidérées
commesourcesdeprogrèsquedechômageou
deterreurs,etlesscientifiques,saufraresexcep-
tions,animéstantparlavolontédepartagerle
savoirquepardesvelléitésdedomination.De
fait,laneutralitéetl’indépendancedescher-
cheurssontfortementremisesencause.Ilest
vraiqu’aucoursdecestrentedernièresannées,
lesscientifiques–saufexceptionsnotables–se
sonteux-mêmesisolés;marginalisésparlesmé-
dias4,ilssesontcoupésdelasociétéetdela
culture.Leretourdessuperstitions,larecherche
d’explicationssimplesetrassurantesfaceàla
complexitédumondesontlependantdurecul
delaforceexplicativedelascienceetdel’ad-
hésioncollectiveàsestravaux.Cetteabsencede
réflexionetdedébatauseindelacommunauté
scientifiqueafavoriséledéveloppementdel’ir-
rationalité5.
des solutions sont possibles
Apartirdececonstat,peut-êtretropsévère
maisbienréel,quepourrait-onfairepourque
l’enseignementscientifiquerépondemieuxàses
objectifs:transmettreàlafoisdessavoirsetde
lacultureetpermettredeformerdescitoyens
éclairés?Certes,ilnepeutyavoirderemède
miracle,celasesaurait…Toutefoisrienn’est
perdu,notammentsil’ontravailledeconcert
etdefaçoncroiséedansplusieursdirections.
D’abord,ils’agitdetenterdechangerlama-
nièredetransmettre.Certainsenseignantsplai-
dentpouruneplaceplusgrandefaiteàl’expé-
rimentation,d’autrespourleprojet,ledéfi,le
jeu,l’histoire,lesliensentrescienceetsociété,
lerecoursauxtechniquesdel’informationetde
lacommunication(lesfameusesTIC)ouencore
l’interventiondirectedechercheursdansles
classes…Presquetouss’accordentsurl’impor-
tancedeladémarcheexpérimentale,notam-
mentautraverslapratiquedelaMain à la pâte
oudesonprolongementromandPenser avec
les mains,uneapprochequelesanglo-saxons
privilégientdepuisunetrentained’annéesavec
lapédagogiedeshands on.
Nousnevoudrionspasfreinerlesenthou-
siasmes!Lerecoursàl’expériencesemblein-
dispensable,maisnosrecherchesendidactique
montrentleslimitesdel’expérimentationseule.
Deplus,unedériveimportantepeutexister:on
confondsouventactivitéetapprentissage.Ap-
prendredessciencesimpliquequel’élèvenesoit
passeulementactif(avecsesmains)maisaussi
auteur (avecsatête)6!Deplus,seull’élèvepeut
apprendre;lorsqu’onneprendpasencompte
lesconceptionsdesapprenants,celles-cipersis-
tentetmêmepeuventserenforcer.Illuifaut
élaborerunnouveausavoirmaisaussi,enmême
temps,déconstruireceluiqu’ilmaîtrisaitdéjà.
Ilapparaîtdonc importantdepartirdes
élèves(cequ’ilssont,cequ’ilssavent,cequ’ils
croientsavoir,cequ’ilsignorent).L’analysede
cesconceptionspermetsurtoutdeprendre
consciencedesobstaclesquiempêchentl’élabo-
rationdessavoirs.Seulement,partirdesélèves
neveutpasdireyrester!Bienaucontraire,le
rôledel’enseignantrestecapital,quoiquein-
direct.Unenvironnement didactiquecomplexe
misàsadispositionparl’enseignantoul’équipe
d’enseignantsestleseulàmêmedepouvoirle
motiver,l’interpelleretl’accompagner.
C’estpourcetteraisonquel’ontenddeplus
enplusàfaireentrerlesélèvesdansdesdé-
marchesd’investigations,enlesplaçantfaceà
dessituationsquitoutàlafoisnourrissentet
contredisentleursconceptions.Celan’empêche
enaucunemanièredesmomentsdestructura-
tionoudeprésentationparl’enseignantlui-
même.Lesélèvesnepeuventtout(re)construire
pareux-mêmes;découvrirenpermanenceserait
égalementunnon-sensparpertedetempset
pardistanceavecl’approchescientifique.Letra-
vailsurlalittératureprendaumoins80%du
tempschezunchercheur.Deplus,l’enseignant
peutfairepartagerdirectementunintérêtou
unepassion,ilpeutêtreunrepèrepermanent.
Beaucoupresteàfaireàceniveau…Appren-
dredessciencesestunprocessuscomplexeet
paradoxalsurtouslesplans;uneseuleméthode
restetropréductrice,l’enseignantdoitpouvoir
jongleravecplusieurs.Laformationdesensei-
gnantsestainsià(re)penser.Apprendre,cen’est
jamaisajouterdesfaitssupplémentairescomme
lepensaitl’écoleduXIXesiècle;apprendredes
sciences,c’estchangerderegardsurlemonde.
quels contenus ?
Aupréalable,cequiapparaîtprioritaireest
deréfléchirrapidementsurlescontenuset
donclesprogrammesdel’enseignement.Quel-
quespropositionspeuventêtreavancéesqui
mériteraientd’êtrediscutéeslepluslargement
possible.Actuellementlescurriculumsenusage
danslescantonsrestentautocentrés;ilsontété
définisdefaçoncorporatisteàl’intérieurdu
petitmondedesscientifiques.Ilssedéclinent
enchimie,biologie,physique,décomposéeelle-
mêmeenoptique,thermodynamique,mécani-
que,etc.Celuidesjeunesesttoutautre,ilest:
environnement,pollution,nouvellestechnolo-
gies,clonage,manipulationgénétique,santé,
histoiredel’univers,développementdurable,
éthique…
Aussifaudrait-ilseposersérieusementet
autrement(àl’intérieurdelafamilledesscien-
tifiques,maispasseulement)laquestiondes
contenus.Dequelssavoirslejeunedoit-ilpou-
voirdisposerpouraborderunmondecomplexe,
aléatoire,incertain?Etcommentlesscienceset
lestechnologies–quel’onoublietotalement
enSuisse–peuvent-ellesycontribuer?Des
pansentiersdesavoirsdevenusindispensables
commel’analysesystémique,lapragmatique7
oucommelesconceptsd’organisation,derégu-
lations’avèrentalorsabsentsdel’école…C’est
lesensmêmedel’enseignementdessciencesqui
estenjeu.
Ensuite,nefaudrait-ilpasenvisagerlepro-
grammenonpascommeunesommed’énoncés,
deloisoudedétailsàmémoriser,maiscomme
unmoyendequêter,decomprendreetdemo-
biliser?Celaétant,onnepeutnierqu’ilreste
desconnaissancesàapprendre.Lecontenudes
programmesnedevrait-ilpasêtredéfinitoute-
foisenprivilégiantunsavoirorganiséenlieu
etplaced’unsavoirdiscret,uneorganisation
problématiséeplutôtqu’unecollectiondedé-
tailstraitéssuperficiellement?Quelquesgrands
conceptspourraientservird’organisateursde
lapensée;cesbases(énergie,matière,infor-
mation,temps,espace,organisation,mémoire,
régulation,identité…)fédéreraientlesmultiples
informations.Ellespermettraientauxjeunesde
serepéreretderenouvelerleurimaginaire.
Enallantauboutdeceraisonnement,la
prioritén’estplusd’enseignerlessciencespour
elles-mêmes,maisautraversdessciencesetdes
techniquesd’introduirechezl’apprenantune
disponibilité,uneouverturesurlessavoirs,une
curiositéd’allerverscequin’estpasévidentou
familier8.S’approprierdesdémarchesdepensée
prendalorsuneplaceprépondérante.L’individu
doitpouvoirmettreenœuvreàcôtédesdé-
marchesexpérimentales(observationetclassi-
ficationcomprises),desdémarchessystémiques
oupratiquerlamodélisation,l’argumentation
etlasimulation.
Enfinilapparaîtimportantd’introduireles
sciencesetlestechnologiesdansleursdimen-
sionssociales9.Ils’agitde«fairepasser»l’idée
quecesapprochessontunemerveilleuseaven-
turehumaineaveclesrisquesqu’ellesprésen-
tentencore,leursréussites,leurséchecs,leurs
perspectives.Etcelaautraversdeleurshistoires,
cellesdesgrandesrévolutionsscientifiques,de
l’évolutionauxmutationsgénétiques,latec-
toniquedesplaques…etdeshommesquien
ontétélesacteurs(Copernic,Newton,Lavoisier,
Mendel…).Danslemêmetemps,unregardcri-
tiquesurlessavoirsmaniésdevientégalement
unenécessité.Uneréflexionsurlascience,sur
lesliensentresavoirsscientifiques,cultureet
société,ouencoreentresavoirsetvaleursest
toutaussiimportantequelessavoirseux-mê-
mes.Onpourraitparexemples’interrogeravec
desubstantielsbénéficessurlesréponsesqu’ap-
portentlestechniquesousurleurslimites(té-
léphoneportable,OGMouthérapiesgéniques,
parexemple).
Làencore,l’énigme,lacuriositédesélèves
peuventêtrecultivéesetmisesàprofit.L’im-
portantestdefairecomprendrequesilepro-
grèsdesconnaissancesestinéluctable,ilpeut
êtrelong,douloureux,toujoursconflictuel…
quesondéveloppementn’estpastotalement
indépendantdel’idéologiedumomentoudes
valeursdominantes.
andré giordan
ancien instituteur et enseignant au secondaire,
Il est actuellement professeur à l’université de
Genève, directeur du Laboratoire de didacti-
que et d'épistémologie des sciences. Il préside
par ailleurs la Commission internationale de
Biologie et éducation ; il est expert Sciences et
société pour le 7ème plan de la
Commission européenne.
quelques repères bibliographiques
Surlesprogrammes:A.Giordan(2002).Une autre école pour
nos enfants ?Delagrave.
Surl’apprendre:A.Giordan(2004).Apprendre ?Belin.
GiordanetG.DeVecchi(1987).Les origines du savoir. Delachaux
Pourlaformationdesenseignants.
G.DeVecchietA.Giordan(nouvelleéditionaugmentée,2002).
L’enseignement scientifique, comment faire pour que « ça mar-
che » ?Delagrave.A.Giordan,JetFGuichard(nouvelleédition,
2002).Des idées pour apprendre.Delagrave.
Surl’éducationdesplusjeunes:M.CantoretA.Giordan(nou-
velleédition,2002).Les sciences à l’école maternelle.Delagrave.
� | pourquoi les sCienCes à l‘éCole ? FauT-il supprimer les sCienCes à l’éCole ?
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A.Giordan(1999).Une didactique pour les sciences expérimen-
tales.Belin.
Surl’éducationàl’environnement:A.GiordanetS.Souchon
(2007).Une éducation pour l’environnement en direction du
développement durable.Delagrave.
1 Ilsontl’impressionquel’enseignementsous-estimeles
connaissances,l’expérienceetleurscapacitésdejeunesen
leurprésentantlesphénomèneshorsdesconditionsréelles
danslesquellesilsseproduisent.Poureux,«ils’intéresseplus
àlanotequ’ausavoir»…2 Ilsontlesentimentqu’onleurfaitfairedessciencespour
elles-mêmes.L’enseignementleurparaîtrépondreàdes
questionsquinesontpaslesleurs…maissurtoutavancedes
savoirssurdesquestionsquinesontmêmepasposées!3 Lapertedeconfiancedanslasciencemaisaussiledévelop-
pementdecomportementsanti-scientifiquesetderejetpar
l’opinionpubliquesonttoutefoismoinsmarquésenSuisse
quedansd’autrespayseuropéens.4 Lesscientifiquesetlasciencesesontpeuàpeucoupésde
leurscontemporains,fauted’avoirconduituneréflexionsuf-
fisammentapprofondiesurlesimplicationsphilosophiques,
éthiques,voiremétaphysiques,dessavoirsetdesdémarches
scientifiques.Lacrisedesvocationsscientifiqueschezlesjeu-
nesn’estcertainementpassanslienaveclescritiquesparfois
radicalesdontlascienceestl’objetetcontrelesquelleselle
sedéfendpeuoumal.5 Noscontemporainsontainsidumalàaccepterl’idéequela
«véritéexiste»maisqu’ellen’estpasintangibleetqu’elle
évolue.6 Souvent,cetypedepratiques’avèreêtreunenseignement
frontalindirect…7 Leprojetn’estplusseulementd’apprendreàrésoudredes
problèmes,maisd’aborddesavoirclarifierunesituationpour
parveniràlesposercorrectement.Enlamatière,l’élèvedoit
s’apercevoirqu’ilpeutyavoirplusieurssolutionsetpasseu-
lementune,quechacuneestcontextualisée,qu’ilpeutnepas
yavoirdesolutiondutoutouquelessolutionssontpiresque
lesproblèmes.Leplusimportantestalorslaquestionplus
quelaréponse…8 L’attitudedel’apprenantestplusimportantequelesconnais-
sancesfactuellesqu’ilpourraitengranger.Celles-cidevien-
nentviteobsolètesfaceàl’évolutionpermanentedeces
domaines.Ilimportedonc,avanttout,deformerdescitoyens
aptesàdébattredesenjeuxsociaux,desespritsouvertscapa-
blesdes’interrogersurlemondeousureux-mêmes.9 Ladimensionpersonnelledelasciencenedoitpasêtreélu-
déevulaplacequ’elletientauquotidiendanslesobjetsà
disposition,danslasantéouledéveloppementdurable.Mais
égalementfairesentirquelasciencepeutêtreégalement
undomained’épanouissement,desatisfaction,deplaisir
voiredebonheurpersonneldechercheràconnaîtreparsoi-
même…
Enseignerlesdisciplinesscientifiquesàl’école?
Voilàquirésonnecommeuneévidence!Car
nousvivonsunesituationparadoxale:alorsque
lascienceetlatechniqueoccupentuneplace
toujoursplusgrandedansnotreviequotidienne,
noussommesdemoinsenmoinsarméspour
comprendrecetenvironnementtechnologique
–etdonctoujoursplusdépendantdeceuxqui
saventetdétiennentainsiunpouvoir.
C’estvrai,l’écoleestl’objetdepressionsinouïes
pourqu’onyenseignetoutetn’importequoi,
enfonctiondesbesoinsdelasociété,voiredes
carenceséducativesdesparents—enplusdes
formationsdebase,biensûr!Maisforceestde
constaterquedansledomainedelascience
etdelarecherche,l’ignoranceestimmenseet
donneparfoislevertige:or,commentpeut-on
évoluerdansunmondeauquelonnecomprend
rien?Etcommentpourrait-ons’enémerveiller,
sionenignorelacomplexité?
Cela nous fait penser à cette question —
authentique!—d’unefemmerentrantdenuit
dusupermarché,etquidemandeàsonmari,
enposantlessacsàlacuisine:«Aufait,c’est
quoicespetitsmachinslumineuxdansleciel?»
Interrogezlesgensautourdevous,etvousver-
rezquequelquesoitledomaineconsidéré,le
niveaudesconnaissancesestextrêmementbas.
Enseignerlesdisciplinesscientifiquesàl’école,à
touslesélèvesindépendammentdeleurorien-
tationfuture,c’estleurdonnerlesoutilsindis-
pensablesàl’intelligencedumonde,etmieux
encore,lesmoyensdes’enémerveiller!
philippe Barraud
journaliste (et astronome amateur), Cully
Comme dans les numéros préCédenTs, nous rYThmons la leCTure par de Brèves réFlexions qu’onT Bien voulu nous proposer diver-ses personnes en répondanT à la quesTion des sCienCes eT des maThémaTiques à l’éCole. Ces Fils rouges sonT signalés par un peTiT BaTeau qui évoque un parCours dans l’univers des maThéma-Tiques eT des sCienCes naTurelles.
des Clés pour l’inTelligenCe du monde
nous avons pensé inTéressanT de plaCer iCi la réFlexion de denis BaeriswYl sur les sCienCes en ensei-gnemenT spéCialisé, eT non JusTemenT dans une ruBrique spécialisée, parCe que l’auTeur donne un relieF TouT parTiCulier aux Thèmes évoqués dans CeTTe parTie, Comme si Ces élèves en grandes diFFi-CulTés aidaienT à dévoiler mieux enCore l’imporTanCe de l’enseignemenT des sCienCes !
« apprivoise-moi ! » diT le renard : une approChe de la ConnaissanCe de l’envi-ronnemenT en enseignemenT spéCialisé
Contexte de la réflexion
Dansuncontextedepédagogiespécialisée,la
variétédessituationsdesélèvesdéfielescompé-
tencesprofessionnelles:troublesducomporte-
mentoudelapersonnalité,déficienceintellec-
tuelle,infirmitémotrice,etsouventl’association
decesdifficultés.Cequiunitcesélèvesrelève
in fined’unedifficultéàprendreencomptele
mondequilesentoure.Au-delàdeleursbesoins
immédiats,cesenfantspeinentàrechercherce
quin’estpasdirectementperceptible,derrière
lesphénomènesetlesévénements.Leurmoti-
vationestaccaparéepardesnécessitésbasiques
quotidiennes,affectives,sécuritaires,directe-
mentvécues.
Quellesraisonsdèslorspourunedidactique
delaconnaissancedel’environnement?avec
quellesintentions?Làsejouentdesimpératifs
quidébordentlargementles«sciences».Ils’agit
plutôtd’apprendreuneculturequifavoriseune
formedesécuritéàêtreaumonde,enpropo-
santàl’élèvedesoutilsintellectuelsquiluiper-
mettentd’observeretdesortiruntantsoitpeu
deladevinettequeluiposesonenvironnement.
Ilseraamenéàconstruireunecompréhension
decequil’entoure,àstructurersesconnaissan-
cespourenfaireunmoyendebien-être:enbref
àaugmentersaconsciencedeschosesafinde
pouvoirapprivoiserlemonde.
apprivoiser la science…
Pasvraimentsimpledesynthétiserundiscours
portantsurl’enseignementdessciencesenpé-
dagogiespécialisée.Cetenseignementprésente
uneprofondeurqu’ilestillusoiredevouloirré-
sumer.Cependant,pouvons-nouséchapperà
uneréflexionquinesebornepasàladidacti-
que,maisvachercherlesraisonsdel’acted’en-
seignement?Quelquesélémentspermettront
peut-êtredecomprendrecequisejouederrière
laleçondesciencedansuncontextespécialisé.
Làoùjustementnousrelevonsdeslacunesdu
bagagedeconnaissances,desdéficitsdestraté-
giesd’apprentissage,desdifficultéspours’inté-
resserausavoir,unepertedesensgénéralisée,
croit-on.
… pour apprivoiser le monde
Sil’onadmetquelesphénomènesetlesévé-
nementsnaturelssontrégispardesloisetque
nouspouvonslesconnaître,lascienceestalors
lasommedeceslois.Maislascienceestautant
laconnaissancedesphénomènesetévénements
naturelsquelaméthodeelle-mêmequitend
ànouslesrendreconnus.Uneméthodede
connaissancequi,sielleétaitobjective,précise,
vérifiableetpourquoipasuniverselle,permet-
traitladéfinitionvraiedesloismentionnées
ci-dessus.
Onsaitàquelpointilestdifficileausavant
(cetailleursoùs’élaborelaconnaissance)d’ac-
céderàcetteobjectivitéetàcettevérité.Ainsi,
ladidactiquedessciences,entreloisnaturelles
etméthodesdedécouvertedeceslois,laisseun
largechampdidactiqueàdisposition.
Cequicaractériselasciencepourraits’expri-
« ainsi se crée une seconde nature où il n’est
plus demandé à l’homme d’être lui-même, mais
d’être ce qu’on attend de lui qu’il soit. »
henri hartung�
� | pourquoi les sCienCes à l‘éCole ? « apprivoise-moi ! » diT le renard : une approChe de la ConnaissanCe de l’environnemenT en enseignemenT spéCialisé
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merparunetentatived’objectivitéetderatio-
nalité.L’accèsàlaculturescientifiqueforgedu
mêmecoupl’accèsàunerationalitéquifait
souventdéfautauxélèvesdel’enseignement
spécialisé,rationalitéquis’apparenteàunedis-
ciplinerigoureusederegardportésurlemonde.
Maislasciencen’estpas,encesens,unemétho-
deuniversellebiendéfinie.Deplus,l’acquisition
delaconnaissancenesefaitjamaisentoute
neutralité;émotions,étataffectif,l’accompa-
gnenttoujours.L’individuporteuneméthode
quiluiressemble.
deux et deux quatre. répétez ! dit le maître.
mais voilà l’oiseau lyre…
Donnerplaceàl’enseignementdessciences
danslecontextedel’enseignementspécialisé
estunegageurepourquisouhaitequelesélè-
vesapprofondissentlesloisdelanature.Leurs
aspirationsetleurdisponibilités’oriententdans
laplupartdessituationsversd’autresintérêts.
Souventemportésparleursdifficultés,lesélè-
vesprêtentdavantageattentionàleurrelation
avecl’entouragequ’àlaconnaissancedeceder-
nieretmoinsencoreàl’environnementnaturel
danslequelilsbaignent.Lesdémarchescom-
munesd’enseignementdessciencesperdent
deleurimpact,lesélèvesneretiennentpas
lesconnaissancesabordées,s’endétournent
etcréentainsiunclimatd’enseignementdiffi-
cile.Pourdirebref:ilsnesontpasattirésetle
laissentvoir.J’entendsalorsfréquemmentdire
qu’ilsnesontpasmotivés.Cequiestévidem-
mentréducteur.Ilsnesontpasmotivés,certes,
maispourcetobjetprécissurlequelnoussou-
haiterionsqu’ilssefocalisent.Ilssontmotivés
pourautrechose,quiéchappeàlamatièreen-
seignéeetsouventàl’enseignant.
Quidalorsdessciences?devons-nousfaire
l’impassecommec’estsouventlecas?Pasné-
cessairement:ils’agitpeut-êtred’agirpourleur
donneruneplaceàpeinedécalée,aumoins
parl’approche,afindecentrerlamotivation
desélèves.Lamotivationessentielle,ditFreud,
consisteàfuirledéplaisir.Prenons-leaumot.Si
lesélèvess’échappentdessciences,c’estpeut-
êtrequ’ilsn’ytrouventaucunplaisir.Cequiles
inciteàallervoirailleurs,parlafenêtredansle
meilleurdescas,ducôtédel’oiseaulyre.
mais pourquoi des « leçons de choses » ?
Connaîtrepermetdetordrelecoupàl’incom-
préhensiondumonde,àposerdesjalonscomme
autantdebéquillessurlesquelless’appuyerpour
fairefaceàlacomplexitédenotreenvironne-
ment.Chacunpeutimaginerdansqueldéséqui-
libresesituentcesélèves,dansquellesangoisses
ilssedébattent,euxquin’ontquesipeud’em-
prise,demaîtrisesurlemonde,surleshommes,
euxquidisposentdesipeudeconnaissancesque
leurenvironnements’apparenteàunegigantes-
quedevinetteàlaquelleilsrépondentauhasard
tantôtparouiettantôtparnon.
L’objetdelascience(danslesensdesomme
deloisnaturelles)esteneffetdécritparKant
commeunprolongementdirectdel’objetperçu,
uneextensiondelaperceptiondel’objetau-
delàduréeldirectementsensible.Uneconscien-
cedel’objetélargiepardesconnaissancessub-
tiles,uneconsciencequepeutavoirl’élèvedu
mondequil’entoure.
Maispouruneconscience,laconnaissance
desfaitsnepeutsuffire.Elledoitêtredoublée
d’unecompétenced’observerlemondeetdese
questionner,d’unepart,ainsiqued’unecom-
pétencestratégiquederecherchederéponses
d’autrepart.Lasommedeconnaissancesfac-
tuellesrestantensecondplan,nondénuéede
sens,certes,maisinsuffisantepourundévelop-
pementdurabledesélèves.
Làsesitueexactementl’enjeudel’enseigne-
mentdessciencesenpédagogiespécialisée.Ce
quiestnécessaireàl’élève,c’estlapossibilité
d’unereprésentation,lareconnaissanced’une
réalitéquipeutêtreobservéeplusloin,plusen
profondeurqueledirectementperçu.Ils’agit
del’opportunitéquenousluioffronsdese
construiredesoutilsluipermettantdesesituer
danscetensemble.L’éradicationpartiellede
l’insécuritéoffreunepossibilitédes’installer,un
tantsoitpeu,dansunprocessusquidépassela
survie,parceque«l’ignorancepeutengendrer
lapeur–etlapeurestfuneste2»,parceque
connaître,c’estenleveràl’inconnuunepartde
sadimensionmystérieusedoncpotentiellement
dangereuse,ouaumoins,c’estcroirequel’on
peutsavoird’oùvavenirledanger.
« L’enseignement des sciences n’est habituel-
lement pas conçu comme devant permettre l’ac-
quisition d’une culture, mais comme un moyen
de connaître des faits. Dans ces conditions, il
ne s’agit pas tant de former à une méthode, de
montrer la réalité objective du monde physique
et l’intelligibilité de ses lois, d’expliquer le dé-
terminisme de celui-ci, que de faire connaître
un ensemble de faits : connaissances factuelles
dont les contenus divers n’ont pas de sens en
eux-mêmes, mais seulement par l’usage qui en
sera fait plus tard, et où la mémorisation et le
respect de la parole du maître jouent un rôle
essentiel. »3
Cesmotsrésonnentencoreplusfortàl’esprit
del’enseignantspécialisé:lesélèvesnesontpas
enmesured’accéderàlamémorisationsouhai-
tée.Est-cepourcelaquenouspouvonsoublier
l’enseignementdessciences?
Oncomprenddoncquecetenseignement
contientautantunedimensioninstructivequ’une
dimensionformative:ils’agitdeformerdesin-
dividuscapablesdedécouvertes,decontribuer
audéveloppementdeleuresprit,limitantainsi
leurdépendanceenversquelquesautresdeleur
entouragequienseraientcapablesàleurplace.
du sens… pour se jeter vers la connaissance
Laquestionseportealorssurlesraisonsqui
permettentdeconstruiredesstratégiesd’ap-
prentissage.Etdanslecontextedelapédagogie
spécialisée,ceserad’abord,maisquin’yadéjà
pensé,lanotiondeplaisir.Sicesélèvesnetrou-
ventpasdeplaisiràcequiestpourbeaucoupévi-
dent–lacuriositéenverslemonde,l’anticipation
ouencorelegoûtdel’effort–ilsletrouveront
danscequiserapprocheauplusprèsdeleursin-
térêtsdirects:ladimensionaffective,lesaspects
relationnelsdoncsociauxdirectementpercepti-
bles.Makarenkorelevaitquel’hommeabesoin
d’unbutréjouissant.Etpourtousleshommes,
l’aventureporteuntelbut.Proposerauxélè-
vesdevivreuneaventure,particulièrementaux
élèvesenproieàdesdifficultés,c’estouvrirune
portesignifiantepoureuxversdesapprentissa-
gespossibles.Quelejeunesoitpartieprenante
d’uneintention,qu’ilfasseleprojetd’apprendre,
voilàleterraindel’enseignant:quel’élèvese
projetteversunobjetdeconnaissance.
L’objetdeconnaissanceestenlui-mêmeune
abstractiondifficilementsignifianteàlapre-
mièreapproche.Sil’actionenestuneclé,en-
corefaut-ilquecefairesoitliéaffectivementau
sujet.Qu’ilpuissel’investird’unrôlequiprend
placedanssesbesoinsévidents,leplaisir,l’affec-
tivité,larelationàl’autrepouraccéderparlui
àlaconnaissance.
Decetteproblématiqueestnéelaproposition
d’unedidactiquedelaconnaissancedel’envi-
ronnementpourl’enseignementspécialisé.
« physique apprivoisée » : on ne voit bien
qu’avec le cœur…
Lechercheurdoits’aventurer,parlapensée,
dansdesdomainesoùnuln’avaitpénétréavant
lui,croit-il.C’estunleurrebiensûr,maischa-
cun,prisparl’aventure,acceptelejeu.L’élève,
commelesavant,abesoind’éprouvercesenti-
mentd’exploration,d’invention,pouraccéder
aumerveilleuxdumonde.L’émerveillementa
cecideparticulier,entresurpriseetadmiration,
qu’ilinciteàpoursuivrelarelationavecl’objet
pourl’apprivoiser,enconnaîtreplusquelare-
présentationdirectementsensible.Nousavons
besoind’aimerl’objetpourledécouvrir.
L’impulsionpourdévelopper«Physiqueappri-
voisée»estvenued’abordd’uneformededé-
sarroi.Unjour,unenseignantestvenuaucentre
deressourcespédagogiquesposerunproblème
formuléainsi:«Jeveuxtravaillerl’érosiondes
montagnesavecmesélèves,maisilsnecompren-
nentrienauxtabellesquejeleurmontredans
lelivrequejeleurpropose…»J’aiperçudans
cetappelun« Je-enseignant»surprésent,ma-
gistral,agissantfaceàdesélèvesdontlatâche
serésumaitàcomprendreundiscoursetdesta-
belles.L’adulteproposaitsonprojetdetravailler
l’érosion,traitéparsesmoyens.Celasignifie-t-il
queleprojetsoitdéraisonnable?Pasforcément!
Questiondeméthode,ouplutôt,dedidactique.
Uneaffaired’artetdemanière…
Fabriquer...
Laphysiqueimprègnelequotidienetilest
possibledel’approcherdemanièreenthousias-
mantepourautantquel’onadmettequece
n’estpasdansleslivressavantsqu’ellesecache.
Ellenécessiteuneapprochequifasseimmé-
diatementsenspourl’enfant,quipasseparune
implicationaffectivedansleréel,dépassantla
manipulationetl’expérimentation.Ladémar-
chede«Physiqueapprivoisée»proposelafabri-
cationd’unobjetdontlesphénomènesseront
parlasuiteétudiés.Toucherlesobjetsnesuffit
pas,l’élèvedoitpouvoirjoueraveceuxpourles
appréhender,danslesensd’entreteniravecle
mondeunerelationactive,concrète,avantde
prendreletempsderéfléchirauxphénomènes
au-delàdel’apparence.Luiproposerderéflé-
chirplutôtquedemémoriser,àluijustement
quiaimeréfléchir,maisdontlapenséen’estpas
lanôtreetsefondesurd’autresprémisses.
Admettantquelesélèvesdecesecteursont
pourlaplupartencoreancrésdansuneappro-
checoncrète,jeremarquequ’ilsontbesoin
d’appuyerleurréflexionsurl’objetnonseule-
mentmanipulé,maisplusencoreinvestiaffecti-
vement.Cettepossessiondel’objetestproposée
souslaformed’untempsdefabrication,d’ap-
propriationdel’objet.
Pourcetteraison,lemomentatelier de fabri-
cationestconsidéréicicommesourced’intérêt,
demobilisationmentalepourl’élèvequiàpartir
decetinvestissementvaaborderlesaspectsplus
formelsdelaphysique.
reformuler : le créé crée le créateur.
Pourpenser,inventeretdécouvrir,l’êtrehu-
mainabesoindetemps,d’inspirationetd’ac-
tion.Lapenséeintelligentenesertpasqu’à
mémoriser,maisàinvestirlesavoir,àthéoriser,
modéliserlesconceptsfavorisantainsil’enten-
dement,c’est-à-direlaconsciencedeschoses.
C’estparlapensée,l’actionmentale,que
l’élèvedéveloppesafacultéd’abstractionet
structuredessavoirssurlabasedesinforma-
tionsrécoltées.
Ilinsèrelesdécouvertesdansunréseaude
connaissanceslogiquementorganisé.Orlesca-
tégorieslogiques,relativesselonsondévelop-
pement,sontlesinstrumentsàl’aidedesquels
ilorganisesavieetsereprésentelemondede
l’expérience.Làestdoncl’essentieldela«leçon
descience»enenseignementspécialisé,puisque
cettedimensionexprimejustementunaspect
particulierdeladifficultéd’apprendre.
Cettemiseenjeudelarationalitédel’élève
s’avèreprimordialepourluipermettreunere-
lativemaîtrisesurl’environnement,pourqu’il
puisseéluciderunbrinladevinettemonumen-
taledumonde.Elleconsistesurtoutenune
tentativedemodélisationapteàreprésenterles
phénomènes.Maisj’ajoute:pourl’élèveetnon
pourl’enseignant.Dansl’idéed’unapprivoise-
mentdelaphysique,lamodélisationrestecelle
del’élèveparcequec’estcellequ’ilpeutadmet-
tre.Ellecorrespondàsondéveloppementetà
sapossibilitédeconceptualisationàunmoment
donné.Perfectible,oui,maisconstruitedansla
perspectived’unsavoirmoinsrelatif,enphase
avecsondéveloppementfutur.L’hommesecrée
parlacréationdesobjetsetdesidées.
Concrètement,lareformulationdel’expé-
rienceprocèdeendeuxtempsdistincts:
• D’aborddire,décrire,expliquer.Laconfronta-
tionàlapenséedel’autrepermetderepenser
laconstructionetlesdécouvertes,d’élaborerdes
connaissances,deconceptualiseretd’abstraire
� | pourquoi les sCienCes à l‘éCole ? « apprivoise-moi ! » diT le renard : une approChe de la ConnaissanCe de l’environnemenT en enseignemenT spéCialisé
Danslamarmiteàvapeur,ilyadel’eaudanslefonddelamarmite.Celle-cichauffe.L’eaubout.Elles’évapore.Lavapeurdonnedelapression,c’est-à-direellepoussedetouslescôtés.Lavapeurmontejusqu’aucouvercle.Elles’échappeparlestrousdubouchon.
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desloisduréel.L’élèveestconfrontéàsesques-
tions,àlaposed’hypothèses,àlarecherchede
solutions,àl’explicitationdesesactions.Ilsort
desroutinesetquestionnesespositions,ses
actions,sesreprésentations.Ildevientréflexif.
• Ensuiteuneformalisationdelaréflexion.
Lareformulationprendtoutsonsensau
momentoùlesujetélaboredestracesdépas-
santlesparolesetmédiatisablesdansun
processussocialdeproductiond’informa-
tions.Ceretourauconcretpermetderelire
l’expérience,cetteoccasionderelecturequi
consolidantladémarched’apprentissage;
• Endéfinitive,c’estbiendudéveloppementde
l’élèvequ’ilestquestionàl’école.Sesituer
danslemonde,sequestionneretchercher
desréponses,incarnerlessavoirs.Aunensei-
gnantquiremarqueque«Physiqueapprivoi-
sée»prenddutempsetque«çadonneun
peul’impressionquetunefaispasceque
tudois4»,jerépondsqu’ilréduitsafonction–
justementcequ’ildevrait–àuneidéed’ac-
cumulationdeconnaissancespréconstruites
mémorisables.Qu’ilplacedecôtélanoblesse
desonrôlesocialquiestl’acquisitionparles
élèvesd’uneculturepermettantàchacun
d’exploreretdes’expliquerlemondedans
uneperspectived’autonomisation.
«Physiqueapprivoisée»seprésentecommeune
approchepragmatiqueenphasessuccessives:
• implication:fabricationl’objet,enprendre
possession;
• interrogation:observationdel’objet,ques-
tionnementautourdesphénomènesquilui
sontliés;
• réflexion:reformulationdesloismisesainsi
enévidence;
• médiatisation:structurationdessavoirs.
Ilestévidentquecettesuiteprend du temps.
Maisselonquelleréférence?cequiimporte,
c’estledéveloppementdesélèves,leurforma-
tion.Etpourcela,nousavonsdetoutemanière
besoindetemps.
denis Baeriswyl
professeur formateur à la HEP, responsable
notamment du projet « Physique apprivoisée »
Pourensavoirplussur«Physiqueapprivoisée»:
voirlesitehttp://hep-vd.educanet2.ch/physapp
oulaprésentationrapideenformatpdf:
http://hep-vd.educanet2.ch/physapp/docs/resume.pdf
Pourunexempledereformulationmédiatisée:
http://hep-vd.educanet2.ch/physapp/classes/schenk/diabato/
index.htm
1 In Ces princes du management,Fayard1970,p.45.2 FedericoMAYOR,directeurgénéraldel’UNESCO,«Quelbilan
pourlascience»,in EncyclopædiaUniversalis2005.3 EvrySCHATZMAN,membredel’AcadémiedesSciences,direc-
teurderecherchesémérite.«Lestatutdelascience»,inEncy-
clopædiaUniversalis2005.C’estnousquisoulignons.4 http://hep-vd.educanet2.ch/physapp/kesako/19effet/effet-
mem.htm#vecu2
Bateauvudeprofiletvud’enhautdessinéparNasratAvecuntuyauenplastiqueilfautaspirerdel’eaudansletubeenroulé.Lesdeuxboutsdutubeenroulésontplongésdansl’eau.Onenlèveletuyauenplastique,l’eaurestedansletubeenroulé.Onallumelabougie,laflammefaitchaufferletubeetl’eauàl’intérieurcommenceàbouillir.Ilfautattendreunmoment.Quandl’eauesttrèschaudeellesetransformeenvapeur.L’eauchaufféepressepartout,ellesortparlesdeuxboutsdutuyau.Ensortantellepoussel’eauquiestdehors,c’estcequifaitavancerlebateau.
mettre un enfant dans la peau d’un chercheur
Unepetitephrasepeutparfoisdéclencher
cetteposture.Eneffetétudierletemps,dema-
nièretraditionnelle,n’estpasintéressantpour
desélèvesde4eet5eannées.Maiscommencer
par«unchrono-virusainfectétoutesnosmon-
tresquivontbientôts’arrêter,àtoiavecton
équipedelabodefabriquerunnouvelappareil
àmesurerletemps»donnedusensetimplique
l’enfantdanssarecherche.
Lesétudiantsfonctionnentcommelesélè-
ves.Leurdire«amenez-moidusucrepourmon
café»n’éveillepasleurcuriosité.Maisleurap-
porterunebetteraveetleurdire«fabriquez-
moidusucrepourmoncafé»prenduneautre
tournure.
Uneapprocheintéressanteestlasituation-
problème,quimetlesélèvesfaceàundéfi.
Parexemple,aborderl’étudedel’eauparune
formulecomme«l’eauestconstituéedemo-
léculesforméesdedeuxatomesd’hydrogène
etd’unatomed’oxygène(H2O)»rebuteles
élèves.Leurdemander«peux-tufaireflotter
uneagrafetrombone?»apporteraàl’enfant
lesmêmesconnaissances,maisparunedémar-
chepleinedesensoùildeviendraunvéritable
acteur.Toujoursàproposd’eauchezlespetits,
veillonsàcequeledéfiaitdusensetdébouche
surunevéritableapprochescientifique.Plutôt
qued’aborderlecycledel’eaudemanièrefron-
taledemandonsleur:«Vaut-ilmieuxsedoucher
ousebaigner,etpourquoi?»Lespluspetits
n’ayantaucunenotiondecapacité,leursrépon-
sess’étendentde5à500litres,ilfautleurfaire
acquérirdesprérequis.Lespréliminairesconsis-
tentenunéchangepourleurfairedécouvrir
commentmesurerlacapacitéd’unrécipient.
Onvoitunélèveboireàlabouteilleetl’on
profitedeluidemanderquellequantitéaété
bue.«Unlitre,plusd’unlitre,moinsd’unlitre?
Est-cequeleberlingotdelaitcontientplusou
moinsquecettebouteille?»:desquestionsqui
lesencouragentàentreprendredesmanipu-
lations,letransvasementdel’undansl’autre.
Lorsquelanotiondelitreestàpeuprèsacquise
partouslesélèves,onpeutreveniràlaquestion
deladouche.
Onpeutenchaîneravecunenouvelleactivité,
menéeavecdesélèvesdupremiercycleprimai-
re:viderlafontainedelacouretcompterle
nombredeseauxnécessaires.Lesélèvesdécou-
vrentdemanièreannexequ’ilsnepeuventpas
porterlebidontoutseuletquel’eauaunpoids.
Pourlefonddubassin,onreprendleberlingot
etlegobelet.Celanesemblepastrèsmathéma-
tique,maisàforcedemanipulations,onpeut
établircombiendebidons,deberlingotsetde
gobeletssontcontenusdanslafontaineetse
rapprocherainsidelanotiondecapacité.Ils
reprendrontl’exercicechezeuxpourmesurer
l’eauutiliséepourleurdouche.
«Quandvousvousdouchez,pouvez-vousme-
surerl’eauquis’écoule?non.Alorsprenezune
douchedanslabaignoire,caronpeutlafer-
meravecunbouchonsansrisquequel’eaune
s’écoule.»Encouragerlesélèvesàécoperl’eau,
aprèsleurdoucheavecunberlingot,puisun
gobeletetennoterlerésultat.
Aprèscettedécouverte,ilnes’agitpasde
traiterlaquestiondemanièreréductrice,mais
d’élargirensuiteleshorizonsdesenfants,par
exempleparlaprojectiond’unfilmsurl’eau
dansleSahel.Laconsommationdel’eauconcer-
nedonctoutlemonde,etmontreàl’enfant
qu’ilappartientàunmondetrèsdiversifiéoù
ilnevitpasseul.Voilàlespremierspasd’une
approchecitoyennedessciences.Etudierlesdif-
férentsétatsdel’eaulesintéresseraplustard.
exploiter le potentiel des élèves
Ils’agitdedécouvrircequel’enfantsaitdéjà,
etpartirdelàpourexploitercepotentielsou-
ventbeaucoupplusimportantquecequel’on
croitcommunément.
Lorsd’unedemesanimationsdanslespetites
classes,j’aiétéfairedupainavecdesélèvesde
premièreannéeprimaire.J’aialorsapportéaux
élèvesunballonbiencroustillant.C’étaitleur
l’enseignemenT de disCiplines Telles que la géographie, les sCienCes naTurelles ou l’hisToire appa-raîT dès le CYCle de TransiTion. les élèves des années préCédenTes aBordenT Ces maTières de Façon gloBale sous la Forme d’aCTiviTés d’éveil eT de connaissance de l’environnement 1. le Témoignage qui suiT propose quelques exemples de démarChes ConduiTes lors d’animaTions dans des Classes de Jeunes élèves, ainsi qu’une réFlexion gloBale sur l’éduCaTion à l’environnemenT.
l’enFanT CherCheur auJourd’hui, CiToYen responsaBle demain
� | pourquoi les sCienCes à l‘éCole ? l'enFanT CherCheur auJourd'hui, CiToYen responsaBle demain
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référencepourlamatinée,aveclarecomman-
dationd’engarderaumoinsunpetitmorceau
jusqu’àmidi.
Jeleuraidemandé:«Qu’allons-nousfaire,
destartines,delacuisine,dupain?OK,par
groupesdetrois,faitesvotrerecettepuispassez
àmonmagasinpourrecevoirlesingrédients».A
cetâge,ilsontdelapeineàécrire:ilspouvaient
doncaussidessinerleurrecetteoum’expliquer
leurintention.
Lesrecettesontétéparfoisrenégociées–par
exemple,iln’yavaitpasd’œuf–etlesquantités
demandéesontétéunpeuredimensionnées.Ils
memontraientavecleursmainslesquantités
nécessaires.Unélèveademandédelalevure,
parcequesonpapaenmetdanslapâteàpizza.
Unélèveademandéunebalance.Ilaplacéle
ballonsurlabalance,puisilm’ademandéde
lafarinejusqu’auniveauatteintparl’aiguille,
lorsqueleballonsetrouvaitsurleplateau.Un
deuxièmeélèvem’aditqu’ilfallaitquel’aiguille
n’atteignepaslemêmeniveaucarildevaitmet-
treautrechose.
Voilàdespotentielsd’élèvesdepremièrean-
née.C’estsuper,maislesaurait-ondécouvertssi
lamaîtresseleuravaitsimplementdonnéunere-
cetteàsuivrecommedanslaplupartdescas?
J’aicuitlesballons,carj’aiestiméquec’était
uneétapetropdélicatepoureux.Ilsontensuite
dûcomparerlesaspects,goûtsettexturesdu
ballonduboulangeravecleursréalisations.Je
leuraid’aborddonnélesballonspas terribles,
pâteuxetfades,puisunballonsaléqu’ilsont
beaucoupaiméetilsontréaliséqu’ilfallait
mettredusel,maispastrop.Ensavourantle
dernierballon,ilsontdécouvertl’importancede
lalevure.Avecuneéprouvettecontenantdela
farine,del’eauetdelalevureetcouverted’une
baudruche,nousavonsobservélegonflement
decelle-cisousleseffetsdugazproduitparla
fermentation.Apartirdecesexpériencesetde
cescomparaisons,legroupeaélaborélarecette
dupainidéal.Finalement,unerecettedepâte
pourtresseaététestéepourréaliserunlapin
dePâques.
Tisser des liens avec son environnement et
découvrir les subtilités de sa complexité
Dehors,jelaissed’abordlesélèveslibresde
jouer,dedécouvrirspontanémentl’environne-
mentàleurgrépourqu’ilscréentunlienaffectif
aveclemilieu,puisjelesmetsaudéfiderésou-
dreunequestion.Lesrecherchesensciencesde
l’éducationontdémontrél’importancedesliens
affectifsquisetissentàtraverslaconstruction
d’unecabane,d’unerencontreavecunanimal
ouunvégétal.Eneffet,pourleschercheurs,ces
relationsaffectivesinfluencentpluslesattitu-
desetlescomportementsdesenfantsvis-à-vis
deleurenvironnementquedesimplessavoirs.
Ceslienssegraventtrèstôtdansleurmémoire,
souventàpartirdepremièresémotionsvécues.
Donc,ilsdoiventd’abordjouer,tissercesliens.
Lanatureetl’environnementsontdeslieux
trèscomplexes.L’hommelesdétruit,lesprotège
etfinalementlesgère.Pourquoi?Chaqueélève
doitidentifierdeseffetsproduitsparl’êtrehu-
mainsursonmilieu.Ilfautcréerdesattitudes
derechercheousimplementinterpellerl’enfant
surcertainscomportements.Laréflexionquien
découledoitaboutiràlacompréhensiondesac-
tionsdel’hommesursonmilieu.Unemanchette
peutenfournirlesujet:«Unloupabattuen
Valais»:parqui?pourquoi?Ouencore«LaVe-
nogepolluéepardupurin!»
Cesmomentsderéflexionsontàdévelopper
danslesclasses.Fairepasserunmessageprend
dutemps.Vouloirtraiterlaquestiondel’eau
ensixpériodesestunleurre.Laconnaissance
del’environnementn’estpasunedisciplinesco-
lairecommeuneautre.Ilfautsavoirprendrele
tempsnécessairepourréaliserdesprojetsqui
motiventlesélèvestoutenrépondantàleurs
questions.
Uneenseignanteaconduitunprojetsurla
coccinelle,dansuneclasseducycleinitial.Au
coursd’unejournéeportes ouvertes,lesélèves
ontprésentéauxparentsdiversatelierssurlecy-
cledelacoccinelle,sanourritureetsurtoutont
faitdécouvrirquecespetitsinsectesmigraient…
Quilesavait?Certainementpaslesparents.Ils
leurontfournidesexplicationsetontréalisé
desdémonstrations.Voilàlameilleureévalua-
tiondecetravailpourlesinconditionnelsde
cetaspect…
quelles compétences pour enseigner la connais-
sance de l’environnement ?
Fairedécouvrirquenousappartenonsàun
toutestundesobjectifsessentielsdelaconnais-
sancedel’environnement.L’approchesystémi-
quequidoitnousfairecomprendretoutesles
relationsentrelesujetétudiéetsoncontexte
estdoncunoutilimportantpouryparvenir.
DansnotreinstitutionàlaHEPVaud,lemo-
duleConnaissance de l’environnementestà
chevalsurl’Unitéd’enseignementetderecher-
che2Mathématiques et Sciencesetl’Unitéd’en-
seignementetderechercheSciences humaines,
cequiréponddéjàenpartieàlaquestion.En
effet,ilfautanalysercetenvironnementavec
unregarddespécialisteoùl’espritcritiquedo-
mine.Maisdeplus,lescientifiquedoitsesoucier
d’uneapprocheglobale,unedespréoccupa-
tionspartagéed’ailleursparHarmoS3,maisqui
jusqu’àmaintenantestsouventignoréedans
l’enseignementdessciencesetdelaconnais-
sancedel’environnement.Parexemple,onvoit
souventdesenseignantstravailleravecleurs
élèvesunfruitdemanièredétaillée,plutôtque
d’étudierlesfruitsavecl’idéedeleurproduction,
deleurtransport,deleurprixetfinalementde
leurimpactsurlasanté.Lenerfdelaguerreest
l’économie.Lesélèvesdoiventcomprendreque
chaquechoixaunprix,àplusoumoinslong
terme,pasuniquementenprofitsfinanciers,
maisunprixpourl’environnement,pourlapaix
danslemonde,pourledéveloppementdurable
denotreplanète.Desétudiantesontsensibilisé
desélèvesde5eetde6eannéesaucommerce
équitable,surlabased’achatetdeventede
bananes.Ellesontpréparéunjeudepiste,avec
despostes«transport,prixdeproduction,prix
deventeenSuisse,revenusdesproducteurs,des
intermédiaires,descommerçants…».
Pourrésumer,travaillonsaveclesétudiants
cetteapprocheglobaleainsiquelesspécifici-
tésdessciencesetdelaCE,afinqu’ilssoient
plusefficacespourdonnerladimensiondu
développementdurableàleurenseignement.
Parexemple,concernantlagénétique,l’ensei-
gnantfaitdécouvrirettransmetdesprincipes
fondamentaux(structuredel’ADN,etc.),mais
quelquespériodesplustard,lesélèvesnesavent
riendelatransgenèse4,pourtantlabasedes
manipulationsgénétiquesetdesorganismes
génétiquementmodifiés(OGM).Ilsnesauront
pasquellepositionprendrelorsd’unevotation.
L’écoledoitdoncjouerunrôleimportantet
aborderlesaspectsd’utilité.C’estàceniveau-
làquelessciencesduchercheurrejoignentles
préoccupationsducitoyen.
Passerunmessagescientifiqueetglobalde-
mandedutemps.Sijereviensàmonexemple
delabetterave,jepeuxdirequ’aprèstroisdemi-
journées,nousétionsencoreloindusucre.Il
fautdescompétencesscientifiques,ilfautdu
couragepourlefairepasser,etilnes’agitque
del’approchescientifique.Ilfautaussiêtre
cohérent.Eneffet,l’écoledoitfairepasserun
messageenvironnementalenalliantlegesteà
laparole.Luttercontreletabagismeenallu-
mantuneclopeaprèsl’autre,cen’estpascré-
dible.Fairedesdiscoursmuscléssurl’économie
d’énergieetlaisserlesnéonsalluméstoutela
journée,laisserdesrobinetsouvertsinutilement,
nel’estpasnonplus.
Charles-etienne vullioud
professeur formateur à la HEP Vaud,
biologiste naturaliste, spécialiste de la
didactique des sciences naturelles et de la
connaissance de l’environnement.
1 Laconnaissancedel’environnement(CE)estunebranche
quiétudiel’environnementpendantlespremièresannées
delascolarité.Elleconsisteenuneapprocheglobaledu
milieuetsestructureentroisdomaines:ledomainespatial,
ledomainetemporeletledomainescientifique.(Cf.:plan
d’étudesvaudois:2006)2 Depuisaoût2006,laHEPVauds’estorganiséeautourd’Uni-
tés d’Enseignement et de Recherche(UER).Leurrôleestde
réunirdescompétencesdeformateursautourdedisciplines
didactiquesoutransversalespourconsoliderlesrecherches
etlesenseignementsciblés.3 LeprojetHarmoS(Harmonisationdelascolaritéobligatoire
enSuisse)faitpartiedepuis2001desprioritésdelaConfé-
rencesuissedesdirecteurs.Cf.articledeFrançoisGinginset
all.,danscenuméro.4 Transformationvolontairedupatrimoinegénétiquenaturel.
� | pourquoi les sCienCes à l‘éCole ? l'enFanT CherCheur auJourd'hui, CiToYen responsaBle demain
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Triste constat
Pasbesoindesondagespointusoud’audits
dispendieuxpours’enrendrecompte…ilest
assezévidentquelesanciensGymnasiensqui
n’ontpassuiviunevoiescientifiqueont,pres-
quetous,unsouvenirlamentabledeleurscours
dephysique.Questionnez-lesdonc!Queleur
reste-t-il?Lesouvenird’unfatrasdeformules
mathématiquesindigestes,d’exercicesinabor-
dables,defastidieux«pompages»derapports
delaboratoire,riendecompréhensible,rien
d’abordablequipuissesusciterl’intérêtdecreu-
serunpeu;quantàl’espoird’entendreévoquer
unaspect«fun»ou«cool»…n’ypensonspas!
Etdeplus,celamentosedéclinedesdeux
côtésdupupitre:silesélèvessetrouventvite
dépassés,dépités,découragés,lesenseignants
decesclassessontpeuàpeuécœurés,perplexes
etdésarmésenfaced’élèvesdontlamajorité,
mêmeaniméea prioridelameilleurevolonté
dumonde,aétéirrémédiablementacculéeàdé-
crocher,àabandonner.Parailleurs,jesuspecte
ceslamentationsd’êtred’autantplusaiguësque
l’enseignementaétéplustraditionnel…
Plustristeconstatencore,cesquinzederniè-
resannées,commepourleréchauffementcli-
matique,onapusentirunenetteaccélération
deladégradationdelasituation;jenevaispas
merisqueràprétendreque«leniveaubaisse»,
laréponsefacileesttropconnue:lesensei-
gnantss’enplaignentdepuisAristote!Pourle
réchauffementplanétaireaussi,onentenddire
qu’ilyatoujourseudesgazàeffetdeserre
dansl’atmosphère…
S’ilnerestevraimentquedetelssouvenirs
etaucunsavoir-faireutile(oublionslessavoir-
être!),osonsalorsavouerunindéniableéchec
ettentonsd’entirerquelquesconséquences…
Ya-t-ilunremède?Nevaudrait-ilpasmieux
abandonnertoutsimplementcetenseigne-
ment?Leréserveràceuxquichoisissentune
orientationquiexigeraplustarddesconnaissan-
cesoudessavoir-faireenphysique?End’autres
termes,vaut-illapeined’enseignerencorecette
brancheàtoutlemonde?
Cespériodesneseraient-ellespasbeaucoup
mieuxutiliséessiellesétaientdestinéesàensei-
gnerquelquechosed’utile?
Vousreprendrezbienunetranched’orthogra-
phe,non?oupeut-êtreundoigtd’informatique?
Avouons-leetregardonslaréalitéenface,
l’abandondelaphysique,pourunemajoritéde
cesélèves,estdéjàdanslesfaits.Ilestd’ailleurs
tacitementadmis,parlecorpsenseignantlui-
même,qu’ilyasuffisammentdedisciplinesplus
généreusespourcompensercetteingrateetin-
compréhensiblebêtenoiredesnonscientifiques.
Lapestesoitdelaphysiqueetdesphysiciens!
mais pourquoi donc ?
Maisqu’adoncfaitcettemalheureusephy-
siqueauxdieuxdespotachespourmériterune
imageaussidéplorable?Aucuneautrebranche
neluifaitconcurrenceaupalmarèsdelamé-
fianceetdel’antipathie;peut-êtrel’allemand,
enplusatténuéetaveclequeljemesensun
peucomplice…Silecumuldedeuxsignesné-
gatifsdonnevraimentunplus,nedevrions-nous
pasdonnerlaphysiquedanslabellelanguede
Gœthe?J’imaginel’effroiprovoquéparcette
épouvantableperspective.
Foindecesbadineries,tentonsuneexplication,
de la phYsique? FauT-il enCore enseigner la phYsique au gYmnase en dehors des opTions?
« The most incomprehensible thing about nature
is that nature is comprehensible »
� | pourquoi les sCienCes à l‘éCole ? de la phYsique ? FauT-il enCore enseigner la phYsique au gYmnase en dehors des opTions ?
uneprudenterecherchedesoriginesdecepetit
désastre.(Petitcar,jelerappelle,ceproposne
concerne«que»lesélèvesditsnonscientifiques
etuneseulediscipline).
Forceestdeconstaterqu’ilyadescauses
intrinsèquesàlabranche:pourfairevéritable-
mentdelaphysiqueilfautmaîtriseruncode,
lelangagemathématique,etpratiqueravecri-
gueuruneméthodequinelaisseaucuneplace
auxintuitionsspontanées,auxémotionsouaux
sentiments.Orlespauvrescollégiensdébarquant
enpremièreannéedugymnasenesontpaspré-
parésàça.
Concernant lamaîtrisede l’outilmathé-
matique,j’oseaffirmerque,leplussouvent
aujourd’hui,cesélèvesnemaîtrisentpaslessim-
plesproportions,voientlespourcentagescom-
meunenotionbiennébuleuse,sontdépassés
parlesmanipulationsalgébriquesélémentaires,
peinentàl’utilisationcorrectedeleurcalcula-
trice…pourneciterquelespathologieslesplus
handicapantes.
Pourcequiestdesaptitudesàlaméthode
etàsarigueurlogique,lafortetendancede
lapédagogieofficiellededélaisserlaméthode
déductivepourmettrelesdeuxpiedsdansle
mêmesoulierdeladémarcheinductiveafi-
nalementdesconséquencesgraves:capacités
deraisonnementappauvries,confusionentre
causeseteffets,voiremêmeentrehypothèses
etconclusions.Parailleurs,lessentiments,émo-
tionsetintuitionssontabondammentvalorisés,
cequipermetunmeilleurépanouissementdes
élèves,succèsindéniablequ’ilfautsaluer,mais
quineprédisposepasàl’attitudenécessaire-
menthumble,systématiqueetpatientedela
démarchescientifique.
N’oublionspasnonpluslesdéficiencesno-
toiresenfrançais,surtoutdanslaconnaissance
etlarigueurduvocabulaire(laissonspudique-
mentl’orthographedecôté!),quiempêchent
souventlabonnecompréhensiond’unedonnée,
d’unénoncéoud’unprincipe…
Depluslesévaluationsnepeuventappor-
teraucunestimulationtantl’importancedela
brancheestfaibleàl’aunedesnotes;elletend
mêmeverszéro.Ayonsladécencedenepas
comparerlepoidsdelaphysiqueavecceluide
certainesdisciplinesréputéespayantes.
Bien,asseztirésurl’écoleactuelle!Ellen’est
pastouteseulesurlebancdesaccusés;notre
sociétécontemporaineestaussilourdementen
cause.
Laphysiqueestrébarbativeetingrateparce
quepourpasserlecapducode,dulangage,
commed’ailleurspourentraînerlaméthode,il
fautaccepterundrill,unapprentissagerépétitif
etfastidieuxquiprendleplussouventlaforme
delonguessériesd’exercices.Or,aujourd’huice
genred’effortestdévalorisé,unetelledémar-
chen’estplusàlamode,ledrilletlarépétition
sontregardésavecméfianceetsuspicioncomme
appartenantàunepédagogiesuspecteetcadu-
que.Partoutdansnotresociétédesrésultats
positifsetsatisfaisantssedoiventd’êtreacquis
rapidementetdemanièredirecte.Nilarigueur
dansladémarche,nilafinessedel’analysen’ont
unegrandecote,onpréfèrelesraccourcisetles
jugementssommaires.Ensomme,avecnotre
physique,nousramonscomplètementàcontre-
courantdelamodedutemps.
Sil’onpeuttrouverdesoriginesdumalaise
dansl’écoleelle-mêmeainsiquedanslasociété
d’aujourd’hui,onnepeutpassersoussilence
descausespurementpédagogiques;jepense
iciàdesfaçonsdefairetotalementinadaptées
quimalheureusementsontdespratiquestrop
courantes.
Certes,toutprofesseuresttentéderepro-
duireunenseignementsemblableàceluiqu’ila
lui-mêmevécuousubi.Lemaîtrequicommence
sacarrière,lui-mêmerécentétudiantscientifi-
que,mettratoutnaturellementsurpiedun
courstrèsclassiquequ’ilallégerauntantsoit
peupourépargnerlemanquede«dispositions
scientifiques»decepublic.Etnousvoicisurles
railsd’unenseignementformalisteetdupro-
grammestandard!Celuiqu’onavécuendébut
d’Universitéetquicommenceparcetteaffreuse
cinématique…àelletouteseuleunépouvantail
fortefficace!Ledébutantquej’étaiss’estaussi
fourvoyésurcemauvaischeminquiconsisteà
faireaveclesnonscientifiquesunesortedephy-
siqueunpeu«soft»…nonsansquelquesdégâts,
j’ensuisconscient.
Evoquercescoursinappropriésmefaittou-
jourspenseràJulesVallèsqui,dansL’enfant,dé-
critcommentleslycéensdesonépoqueétaient
condamnésàlatortureinutiledelaversifica-
tionlatine…Iln’estpastendrenonplusavec
l’inadaptationdesaformation,Vallès,quidé-
dicacera,quelquesannéesplustard,Le bache-
lier : A ceux qui, nourris de grec et de latin, sont
morts de faim.Dommagequecertainsprofsde
physiquepersistentàfaireencoredelaversifi-
cationlatine…
Jesuisprofondémenttouchéparlasouf-
francedecespauvresélèvesqu’oncondamne
àpeinersurunsolfègerébarbatifalorsqu’ils
pourraientvibreretprendremêmeduplaisirsi
onleurfaisaitécouterlamusique.
des remèdes ?
Aprèscettesombreesquissedescausesdu
malaise,ilfautessayerdetrouverdesremèdes.
Latentationpremière,commeunesortede
réflexeconditionnéd’enseignant,estdereven-
diquerunedotationhoraireplusimportantequi
compenseraitlapénibilitédel’apprentissagede
laphysique.Ilestpeuprobablequeceremède
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soitefficace,c’estsurtoutunrêveabsurdevoué
às’évanouirdevantdesprétentionsidentiques
venantd’autresdisciplines.Letemps,s’ilestdi-
latéchezEinstein,estplutôtcomprimédansles
grilleshoraires.
Alorsaulieudesemorfondreenregrettant
lesneigesd’antan,trouvonsdenouvellesstra-
tégies,repensonsprofondémentlesobjectifsde
cescours-là.Ilestàmonavisnécessaired’aban-
donnerl’espoirillusoired’amenercesélèvesà
fairevraimentdelaphysiquepureetdure,il
seraitplusjudicieuxetplusréalistedes’appli-
queràleurmontrercequ’estcettebranche,ce
quesontsesméthodes,toutenapportantdes
élémentsindispensablesdeculturegénérale
scientifique.
End’autrestermesils’agitdefaireunmini-
mumdesolfègeetd’écouterunmaximumde
musique…onpourraitdireaussiunminimum
degrammairepourunmaximumdelittéra-
ture!Laissonstomberl’encyclopédiquepro-
grammepropédeutiqueetrestreignons-nous
àunoudeuxdomainesexemplaires.Eneffet,
aucunchapitren’estvraimentindispensable;
quelavantagepourunjuristedemaîtriserla
loid’OhmoucellesdeKirchhoffquirégissent
lescircuitsélectriques?pourquoiunéconomiste
devrait-ilsavoirutiliserlaloid’Ampèreetcal-
culerlechampmagnétiqued’unsolénoïde?un
futurlicenciéensciencespolitiquesdoit-ilvrai-
mentêtrecapabledecalculerunetrajectoire
balistique?Allonsdonc!
Parcontre,montrercommentondécouvre
uneloiphysique(peuimportelaquelle),com-
mentons’ensert,quellessontseslimites,puis
commentsedéveloppeetprogresselaconnais-
sanceenscience,ça,jeletrouveindispensable
etfaisantpartied’uneculturegénéraledebase.
End’autrestermes,ilfautparlerbeaucoupplus
deladémarche,desidéesfondamentalesqui
sontessentiellementsimplesetnécessitenttrès
peudemathématiques(Einsteindixit);cessons
detropbidouillernoschèresformules…
Jen’enprêchepaspourautantuneconver-
sionàlavulgarisation,iln’estpasquestionde
transformerlecoursdephysiqueenspecta-
clesludiquesouenséancesdevidéo.Avecles
moyensmultimédiaàdispositionaujourd’hui,
lestentationsdedérapagesonttrèsfortes;je
croiscependantqu’ilexiste,entreunephysique-
vulgarisation-spectacleetunephysique-ennui-
formules,unespaceassezlargepourexplorer
plusieursvoiesintéressantes,souventardues,
certes,maispraticablesetquipermettentde
faireentendreunpeulamusique.
deux pistes
Aucoursdemacarrièrej’aidéfrichédansce
créneauquelquespistesvariées;avecdessuc-
cèsdivers,maisquim’ontconvaincuchaque
foisqu’ilvautlapeined’innovermêmepour
s’aventurerdansdesenseignementspastrès
orthodoxes.Jemeborneraiàdécrireicideux
expériencesquej’aitrouvéesparticulièrement
fructueusesetquiontétéapprofondies.
Pourmefaireentendreparunpublicplutôt
littéraire,j’aichoisideparcourirl’histoirede
l’astronomieetdesafille,lamécanique.En
abandonnantlepluspossibleleformalismema-
thématiqueetenplongeantvolontairementle
proposdansunbaintrèsculturel,j’aimissur
pieduncoursquiaprisd’abordlaformed’un
polycopiéetquis’estensuitemuéenlivre1.
Lapremièrepartieestconsacréeàlades-
criptiondesaspectsetdesmouvementsqu’une
simpleobservationvisuellepermetdedécouvrir
dansleciel.Cesdonnéespermettentalorsdese
formerunereprésentationdumondequinous
entoure,unmodèle,disentlesphysiciens.Modè-
lequidoitexpliquer,justifiercequ’onobserve
etêtrecapabledeprévisions.Onestlàaucœur
duprocessusd’acquisitiondelaconnaissanceen
physique.Lesélèvespeuventicifairel’exercice
deseforgereux-mêmesleurproprereprésen-
tationdumonde…quispontanémentvaêtre
géocentrique:uneTerreimmobileavecunSoleil
etuneLunequiluitournentautour.Sil’onaf-
finelesobservationsenintroduisantlesmouve-
mentsplanétaires,lemodèlevademanderdes
raffinementsquivontluifaireressembleraux
modèlescosmologiquesdel’Antiquitéquisont
exposésensuite.Cequiillustrelafaçonsaccadée
dontévoluelaconnaissancescientifique.
Dansladeuxièmepartieonvoittoutd’abord
commentlaphysiqueintuitiveetspontanée
d’Aristoteconfirmeledogmedel’immobilité
delaTerreparlasimpleobservationdelaverti-
calitédelachutedescorps.Onpeutsuivreaussi
l’évolutiondesmodèlesantiquesetcomprendre
pourquoil’hypothèsehéliocentriqued’Aristar-
quedeSamosetdeCopernicétaitsidifficile
àaccepteràuneépoqueoùaucunargument
scientifiquen’étaitlàpoursoutenirlemouve-
mentdelaTerre.AveclesennuisdeGaliléeet
lessilencesdeDescartesquin’osepublierLe
Monde,onmontrecommentlesprogrèsdela
sciencesontdépendantsducontextephiloso-
phiqueethistoriqued’uneépoque.
Leprinciped’inertiepeutensuiteêtreamené
endouceur,grâceauxavatarsetauxcritiques
médiévalesdelamécaniquearistotélicienne.Ce
quiconstitueunénormeprogrèsparrapportà
l’actedeviolencepédagogiqueperpétréchaque
foisque,commeleveutlatradition,onpara-
chutesanspréalablelesloisdeladynamiquede
Newtonquisontsicontrairesausenscommun.
Latroisièmepartieducoursprésentedema-
nièresimplel’émergencedelamécaniquerela-
tivisteetlacosmologied’aujourd’hui.
Cepanoramadesconceptionsdel’Univers
depuisAristotejusqu’aubigbangprésente
defortscaractèresd’interdisciplinaritéavecla
philosophieetl’histoire,ilsusciteainsid’inté-
ressantsthèmespourlesTravauxdeMaturité.
Debonnesrésonanceslittérairespeuventêtre
crééesaussiparlalecturedetexteshistoriques
commeleDialogodeGalilée,qu’onpeutex-
ploiterpourdesjeuxderôle,ouLa Lettre phi-
losophique sur Descartes et NewtondeVoltaire,
dontlaverved’unsuperbefrançaisdisparune
peutmanquerdetoucher.
Auxtravauxpratiquesilestnécessairede
repensercomplètementlesobjectifsdesex-
périencesfondamentalescommelachutedes
corpsetlemouvementbalistiquepourlessituer
dansunedimensioncosmologique:laTerreen
mouvementdevientlebateauquiavancealors
qu’onlâcheunobjetduhautdesonmât…et
tantpispourlatroisièmedécimaledelavaleur
del’accélérationdelapesanteur!
L’astronomieetsonhistoiresontutiliséesici
commeappasetsontd’unegrandeefficacité
pourproduirel’étincelledecuriositéquiconsti-
tuelepremierpasdanslaluttecontrel’illet-
trismescientifiqueendémique.
Dansunregistretrèsdifférentetbeaucoup
plusorthodoxe,j’aimissurpieduncoursde
physiquenucléaireentroisparties:constitution
dunoyau,radioactivitéeténergienucléaire2.
Cesujetexemplairepermetnonseulementune
intéressanteapprochehistorique,maisaussi
d’aborderdesconnaissancesmodernes,acqui-
sesauXXesiècle.
Iloffredeplusunequantitéimpressionnante
d’applicationsrencontréesdanslasociétéac-
tuelleetquiconstituentdespointsd’accrocha-
geoudescentresd’intérêt.Citonsenvrac:les
problèmesd’irradiation(naturelleparleradon
deshabitationsouartificiellecommedansl’in-
dustriealimentaire),lestechniquesd’imagerie
oudethérapiedelamédecinenucléaire,les
méthodesdedatations,lescentralesélectronu-
cléaires,etc.Toutescesapplicationsintéressent
ettouchent,carellesconcernentaujourd’hui
chaqueindividudanssonquotidien.
C’estaussiuneoccasiond’aborderlesgrands
problèmesénergétiquesd’aujourd’huiavecles
espoirsimmensessuscitésparlesfuturescentra-
lesàfusionoudefairecomprendrepourquoila
maîtrisetechnologiquedel’enrichissementde
l’uraniumconstitueunenjeumajeurdel’actua-
litégéopolitiquecontemporaine.
Ladémarcherévèlel’importancedesimpli-
cationsdelasciencesurlemondecontempo-
rain,etl’enseignantquitraitedecesujetpeut,
chaquesemaine,menerenclasseunediscussion
baséesuruneactualitéliéeaunucléaire,fraî-
chementextraitedesmedia.Lecôtétechnique
delamatièrepermetl’acquisitiondesavoir
fairedecalculsnumériques,l’entraînementà
l’utilisationd’unitésetdeleurspréfixes,ladé-
couverte(oupeut-êtreunapprofondissement
pragmatique)desloisexponentielles.Sil’onala
possibilitédefairedestravauxpratiquesdansle
domaine,onpourrarévélerl’aspectaléatoiredu
phénomènederadioactivitéetentraînerl’utili-
sationd’outilsstatistiquesélémentaires.
Onlevoit,uncoursdephysiquenucléaire
peutêtreaussirichederelationsétroitesavec
lemondecontemporainquedetechnicités.Ila
uncaractèreplusquantitatifqueladémarche
décriteprécédemmentmaisilconstituetoutde
mêmeunapportessentielàuneculturegéné-
ralescientifique.
quelques remarques encore…
C’estmacompassionprofondepourlema-
laisedecesélèvesnonscientifiques,leplussou-
ventouvertsetcurieux,quim’adonnél’énergie
deremettreprofondémentenquestionl’appro-
chetraditionnelleetd’entreprendrel’immense
travailpersonnelexigéparlesdémarchesdé-
critesci-dessus.
Alaquestionplacéeenexerguej’aidoncune
réponse:oui,onpeutenseignerlaphysiqueà
desélèvesnonscientifiques,maisledéfipéda-
gogiqueesttelqu’ilfautd’unepartadapterses
objectifsdanslesensquej’aiindiquéetd’autre
partréservercescoursauxenseignantslesplus
expérimentés,lespluscapablesd’adaptation.
Or,traditionnellement,c’esttoutlecontraire
quisepratiquepuisquecesontplutôtlesdé-
butantsqu’onenvoiesefairelesdentsdevant
cesclasses!
Voilà…
Encoreuneconfidencepourcellesetceux
quim’ontsuivijusqu’auboutdecesréflexions:
quandjepenseàcesélèvessirebutésparlaphy-
sique,«j’ailarage»,commedisentaujourd’hui
lesadolescents,etj’auraisvouluexprimertout
çaplusvigoureusement;laformed’unlongmo-
nologueincantatoire,unesortedecriàlaLéo
Ferrésurfonddemusiquedéjantéem’aurait
convenu…maisledomainedemescompéten-
cesnes’étendmalheureusementpasjusque
danscescontrées-là.
eric lindemann
ancien maître de physique au
Gymnase et membre de la Commission
Romande de Physique
Pourtouscommentaires,questionsouapostro-
phes:[email protected]
1 Mécanique, une introduction par l’histoire de l’astronomie,
EditionsDeBœck,1999.2 Physique nucléaire, Cours et exercices,Fasciculeéditéparla
CommissionRomandedePhysique.
� | pourquoi les sCienCes à l‘éCole ? de la phYsique ? FauT-il enCore enseigner la phYsique au gYmnase en dehors des opTions ?
Dansl'Univers,toutcorpsattiren'importe
quelautrecorpsavecuneforceproportion-
nelleauproduitdeleursmassesetinverse-
mentproportionnelleaucarrédeladistance
quilessépare.
cequis'exprimeplussimplementparlarelation
mathématique:
G estuneconstantedelaproportionnalitéappe-
léelaconstante universelle de gravitation.
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L’EPFLavocationdeformerdesingénieurset
desscientifiquesdehautniveau,répondantau
mieuxauxbesoinsdenotresociété.Tantl’indus-
triequelescentresderecherchesediversifient,
secomplexifientets’internationalisent.Pour
répondreàleursattentes,laformationd’ingé-
nieurdoitsanscesses’adapter.Laréformedes
étudesàl’échelleeuropéenne,introduisantune
découpedelaformationendeuxétapes,leba-
cheloretlemaster,apourobjectifsuneplus
grandesouplesseetunemobilitéaccrue.Dans
lebutdemieuxcomprendrelesenjeuxdufutur
etlepositionnementdesétudesàl’EPFL,ilest
importantdeconnaîtrecertainescaractéristi-
quesdelaréformeencours.Lesgymnasiensve-
nantàl’EPFLsontdésormaisconfrontésàcette
nouvellestructure.
les nouveaux cursus epFl
Lebachelorapportelesbasesscientifiques
ettechniquesquipermettrontànosétudiants
d’aborderleurmasteravectouslesatoutsné-
cessaires.Al’EPFL,lesétudesbachelorsont
conçuesdefaçongénéraliste;onparleausside
formationpolytechnique.Ellesnesontpaspen-
séespourouvrirdirectementlaportesurune
profession,maisbienpluspourpermettreune
mobilitédanslechoixdumaster.Cettemobi-
litéadeuxcomposantes.D’abord,lebachelor
s’ouvresurunemobilitégéographique.Dans
lefutur,unétudiantpourrafairesonbachelor
dansuneuniversitéetpoursuivresesétudesde
masterdansuneautreinstitution.Ensuite,la
découpebachelor/masterpermetunemobilité
thématiqueettransdisciplinaire.Moyennant
quelquescoursderattrapage,l’étudiantpeut
fairesonmasterdansunedisciplinevoisinede
celledesonbachelor.Al’EPFL,seulel’obten-
tiondumaster(correspondantànotreancien
diplôme)conduitautitred’ingénieuretouvre
lechemindumondedutravail.
Aubachelor,lerecrutementdenosétudiants
estprincipalementaxésurlaSuisse.Cependant,
unepromotionrenforcéedanstoutelafranco-
phonieestencours.Auniveaumaster,l’EPFL
attireunnombrecroissantd’étudiantsinter-
nationaux,laplupartchoisispourl’excellence
deleursprestationsauniveaubachelor.L’an-
glaisestdéjàfortementutilisécommelangue
d’étudeaumaster.Cetteévolutionrépondaux
besoinsd’internationalisationetdemobilité
tantestudiantinequeprofessorale.Defaçon
générale,lavenued’étudiantsétrangersren-
forcelamulticulturalitéducampus.
Dansl’optiquedel’enseignementaugymna-
se,lespointssuivantsdoiventparticulièrement
êtrerelevés:
• Laplupartdenosétudiantsentrantaubache-
lorsontenpossessiond’unematuritécanto-
nale.Laqualitédel’enseignementdesscien-
cesetdesmathématiquesdanslesgymnases
estdoncunepréoccupationimportantede
l’EPFL.
• LapremièreannéeEPFLapportelesbases
scientifiquesprofondes.Elleposepassable-
mentdedifficultésàdenombreuxétudiants
etagitsouventcommeunfiltre.Unebonne
formationscientifiqueaugymnasefacilitela
réussiteendébutd’EPFL.
• L’ingénieuroulechercheurdoits’intégrer
dansnotresociété.Saculturegénérale,ses
connaissancesenlangues(français,allemand,
anglaisenparticulier),sescapacitésàstructu-
rersapenséeetsesécritssontégalementde
premièreimportance.
la FormaTion d’ingénieur eT l’enseignemenT des sCienCes
� | pourquoi les sCienCes à l‘éCole ? la FormaTion d'ingénieur eT l'enseignemenT des sCienCes
• LesjeunesSuissesrencontrentdesétudiants
sélectionnésprovenantd’institutionsétran-
gères,principalementfrancophoneseteuro-
péennesauniveaubachelor,etinternationa-
lesaumaster.
Derécentesstatistiques,effectuéessurles
gymnasiensenpossessiondesnouvellesmatu-
rités,ontmisenévidenceuntauxd’échecélevé
àlapremièretentativedel’examenpropédeu-
tiquedepremièreannée.Cetauxestparticuliè-
rementinquiétantpourtousceuxquin’ontpas
suivilesmathématiquesrenforcées.Plusieurs
indicesconvergentverslanécessitédemieux
étayerl’enseignementdessciencesetdesma-
thématiquesdanslesgymnasesetdelerendre
plusattractif.L’enjeuestdetaille:ils’agitd’in-
téressernosjeunesàdesmétierstechniqueset
scientifiques,deleurdonnerunbonniveaude
connaissancedansdesdisciplinesjugéesardues,
toutenmaintenantuneexcellenteformation
générale.Nousn’avonsmalheureusementpas
desolutiontoutefaiteàceproblème,maisnous
aimerionspartagerquelquesréflexions,deloin
nonexhaustives,surcesujet.
Nousallonsdansunpremiertempsnouspen-
chersurlesqualitésrequisesd’unboningénieur
etsurlaplaceetlareconnaissancequenotre
sociétéluiréserve.Nousanalyseronsensuiteles
activitésderecherchescientifiquepourmieux
cernerleprocessusdedécouverteetd’appren-
tissageetvoircommentnouseninspirerpour
l’enseignement.Finalement,nousévoquerons
certainsliensentrelessciencestechniqueset
mathématiquesetlesautresdomainesd’ensei-
gnementgymnasial.
les qualités d’ingénieur
Paressence,unchercheurscientifiqueavo-
cationd’interrogeretdecomprendrelanature.
L’ingénieur,lui,tireprofitdesesconnaissances
pourtransformersonenvironnementselon
certainsobjectifs.Danstouslescas,lacurio-
sitéconstitueunequalitéprimordiale.Cette
forcedel’espritpousselechercheurànepasse
contenterderéponsestoutesfaites,àcompren-
drelesdétailsd’unévénement,àrattacherun
résultatétonnantàl’ensembledesonsavoir.La
curiositéincitel’ingénieurànepasconsidérer
lanaturecommeunétatdefait,àchercherà
latransformeretàfabriquerdesproduitsuti-
lesàl’ensembledelasociété.Lacuriositéva
depairavecl’ouverture d’espritquipermet
d’accepteretdediscutersurdesbaseslogiques
touteproposition,aussiétonnantesoit-elle.Un
fondementdelasciencemodernefutdedouter,
commeDescartes.
Uneautrequalitéessentiellerésidedansla
passion.Ellemotivelechercheurdanssesacti-
vitéssouventarduesetlaborieuses.Saint-Exu-
pérydisait:«Situveuxconstruireunbateau,ne
rassemblepasdeshommespourallerchercher
dubois,préparerdesoutils,répartirlestâches,
allégerletravail,maisenseigneauxgenslanos-
talgiedel’infinidelamer.»Unregarddansnos
laboratoiressuffitpournousconvaincrequela
scienceetlatechniquepeuventpassionner.
Pourconcevoirdenouveauxproduitsl’in-
génieurdoitêtrecréatifetimaginatif.Celane
veutpasdirequ’ilapprendtoutdelui-même,
maisqu’unecompréhensionprofondedetout
undomaineluipermetparfoisdefairelepas
décisifaubonmoment.
Pourpouvoircréer,uningénieurdoitpossé-
derdelargesconnaissancesetunbonsavoir-
faire.Ildoitsurtoutdigérercesconnaissances
etlesintégrerlesunesauxautres.Unetêtebien
faiteestpréférableàunetêtebienpleine.Le
raisonnement structuréluipermetderassem-
blersesconnaissances,delesrelierentreelles
pourobteniruntissudensesurlequelilpourra
construireetcréer.
Lemondeetlascienceévoluentrapidement.
Ilestillusoiredecroirequel’onpeutdominer
dessujetspointuspourlerestedesacarrière.Il
convientdeseformersanscesse.Enrevanche,les
basesacquisesaucoursdesétudesvoussuiventou
vousfontdéfauttoutaulongdevotrecarrière.
Letravailsolitaireadisparu,l’ingénieurap-
partientàungroupe.Sesqualitéshumaines et
socialesluipermettentdetravaillerenéquipe,
degérerdesprojetsetdecomprendrelesbe-
soinsdesclients.Parsesactivités,l’ingénieur
peutengendrerdesimpactsfavorablesounui-
sibles.Illuiappartientdoncdesuivreunedé-
marcheéthiqueforte.
Toutescesqualitéss’acquièrentprogressive-
mentaucoursdelaformation.D’oùl’intérêt
delespartagerleplustôtpossible.Maispour
qu’ellestrouventunterrainfertile,ilconvient
des’arrêteruninstantsurlapassiondesjeunes
pourlatechniqueetlessciences.
le prestige perdu
AuXXesiècle,latechniqueaenvahiettrans-
forménotresociété.Lesappareilsménagers,
l’automobile,latélévision,letéléphonepor-
table,l’ordinateurontchangénotrefaçonde
vivre.Nosactivitéslesplusdiversesregorgent
deproduitsindustrielsetdetechnique.Para-
doxalementonnoteundésintérêtdesjeunes
pourlesmétiersscientifiques.Laprofession
d’ingénieurasemble-t-ilperdudesonprestige.
Pourquoi?
Lapassiondesjeunespourlatechniques’ex-
primesousuneautreforme,commeentémoi-
gnel’engouementpourlesconsolesdejeu,les
gadgetsélectroniques,oulescooterleplusper-
formant.L’attraitpourlessciencesetlatechni-
queestdoncheureusementtoujoursvivace.Par
contre,nosadolescentssemblentsecomporter
plusenutilisateursqu’enconstructeurs.Ilsre-
flètentainsil’évolutiondenotresociété:qui
peutencoreréparerlui-mêmesavoiture?Nos
produitssontdevenusdesboîtesnoiresquel’on
apprendàutiliserde l’extérieur.Ilyatrenteou
cinquanteans,ilétaitprestigieuxpourunjeune
dedésosserunvélomoteuretdeletransformer.
Est-cetoujourslecasaujourd’hui?
Legrandpubliccroitàunecomplexitétech-
niquegrandissantedenosproduitsdetousles
jours.Ilsecontentedoncd’apprendreàles
utiliser,sansavoirlacuriositédelescompren-
dre.Enfait,untravailimportantdel’ingénieur
consisteàsimplifieraumaximumunproduit,ce
quiaugmentesafiabilitéetdiminuesoncoût.
Al’heureactuelle,destechniquestrèsdiversi-
fiéessontutilisées,maislaplupartdesproduits
prisséparémentsontsimplesàcomprendre.Il
convientderemettreenlumièrelacréativité
delatechniqueettoutel’ingéniositéqu’elle
rassemble.
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Toutproduitpeutêtreutilisépourlemeilleur
oupourlepire.Toutemauvaiseutilisationfait
tachesurleprestigedel’ingénieuretfinale-
mentsurlamotivationdenosjeunesàselancer
danscesmétiers.Undiscoursouvertetcritique
surlesdérivespotentielles,ouparfoisréelles,
estprimordial.
interroger, découvrir et modéliser
Quelssontdonclesprocessusdedécouverte
quiforgentcettecréativitéetstimulentlacapa-
citéd’innovation?Ilsprésententdenombreuses
similitudesaveclesprocessusd’apprentissageet
doncavecl’enseignementdessciences.
Unjeunechercheurquidébuteunprojet
dansleslaboratoiresdel’EPFLdoitd’abord
sefamiliariseraveclamatière.Illefaitsousla
conduited’unprofesseuretdecollaborateurs
expérimentés,quileguidentetl’instruisent.La
matièrescientifiquefaitpartied’untoutqui
s’acquiertetseconstruitd’unemanièrelogique,
cohérenteetstructurée.
L’expérimentationfaitpartiedujeu.Elle
sertàconfrontersonsavoiraveclaréalitéet
àinterrogerlanature.Cesontsouventlesré-
sultatssurprenantsquiaiguisentlacuriositéet
lacréativitéduchercheuretquidébouchent
surdesnouveautés.Encorefaut-ilquel’ex-
périmentateuraitunebasedeconnaissances
suffisantepourlesremarqueretentirerprofit.
Lechercheurdevraensuitefairepreuvedeté-
nacitépourvérifier,analyseretmodéliserdans
ledétailsesrésultats.Samaîtrisedulangage
etdestechniquesmathématiquesainsiqueson
savoir-faireexpérimentaljouentunrôlecentral
danssonsuccès.
Ceprocessusemployéenrecherchedevrait
nousinspirerpourl’enseignementdessciences
etdesmathématiques.Dequoisuggérerquel-
quespistes:
• Lesétudesscientifiquesnécessitentderatta-
cherlesconnaissancesentreellespourformer
untoutlogiqueetcohérent.Leraisonnement
logiquedoitsetravaillerdèsledébutdel’en-
seignementdessciences,etpeut-êtreausside
laphilosophie.Latendancedeplusenplus
généraliséeàl’utilisationdefichesdisparates
nevapasdanscesens.Deslivresdebasepour-
raientêtreuneaideutile.Pourlesmêmesrai-
sonsdecohérence,ilestimportantdesavoir
résoudredesexercicescomplexes,mélangeant
lenouveausujetavecdelamatièretraitée
précédemment.Sansoublierdecultiverl’in-
tuitionpardetelsexercices.
• Lesélèvesdoiventdominerunsujetavantde
pouvoirs’attaqueravecsuccèsaudomaine
suivant.Lessujetsbienacquispourrontalors
êtreportésàleurlimitesansrisquedeconfu-
sion.Danscettephased’apprentissage,des
exercicesdedrill semblentincontournables.
• L’introductiond’unnouveausujetnécessite
unemotivation.Pourquoichangerdemodèle
tantquel’ancienn’estpasprisendéfaut?
Confronterunélèveàuneexpériencesur-
prenanteaideàaiguisersonattentionetsa
curiosité.Ils’agitlàd’uneapprocheinductive.
Parexemple,laviedetouslesjoursapprend
àl’élèvequelachuted’unebilledeplombest
nettementplusrapidequecelled’uneplume.
Lamêmeexpérience,faitedanslevide,per-
metuneremiseencausedumodèleintuitif.
L’expérimentationen directdevantlaclasse
requiertunegrandemaîtrisedelapartde
l’enseignant.Maiscetteprisederisqueest
enrichissanteetefficace.
• Lamodélisationposeproblèmedanslespre-
mièresannéesd’apprentissagedessciences,
carlelangagemathématiquesouffreencore
delacunes.Desmodèlestrèssimplifiéspeu-
ventnéanmoinsapparaîtreprogressive-
ment.Ilnoussembleimportantquel’élève
apprenneàreconnaîtrelestermesmathé-
matiquesetàlesinterpréterphysiquement.
Ildevraitégalementréussiràreconnaîtreles
similitudesentredeuxmodèles.Parexemple,
ladescriptiondumouvementrectiligneet
celledelarotationd’uncorpssurlui-même
sontsemblables,lemomentd’inertierempla-
çantlamasse.
• Lamodélisationestardue,maiselleaun
but:elleviseàl’universalitéetpermetde
prédirelerésultatdenouvellesexpériences.
Ladescriptiondecasisolésestunepremière
étapedansl’apprentissagedessciences.Elle
doitabsolumentsecompléterparunegéné-
ralisation.
• Lesétudiantsontdegrandesdifficultésàse
concentrerlongtempssurunsujet.Leraison-
nementlogiqueetlacohérenceintrinsèque
auxsciencesposedesexigencesidéalespour
exercercettecapacitéessentielledansbien
desdomaines.
• Demêmequ’unjeunedoctorantestsuivipar
undirecteurdethèse,l’élèveabesoind’être
guidédanssonapprentissage.Néanmoins,
l’apportpersonneldel’élèvedoitêtremis
enévidence.Leplagiatconstitueundanger
permanent.Ilvioleunerègled’éthiquefon-
damentale!Ornousvoyonstropdetextes
banalisésdanslesquelsapportspersonnelset
copiessontmélangéssansréférencesclaires.
penseurs multidisciplinaires
L’enseignementdessciencesmisesurlacohé-
renceetleraisonnementlogique.Lamodélisa-
tionetlelangagemathématiquepermettentde
construireunegénéralisation.Encontactavec
l’expérimentationetlatechnique,l’étudedes
sciencesfaciliteledéveloppementdelacuriosi-
téetdel’ingéniosité.Toutescescaractéristiques
sontprofitablesdansd’autresdomainesd’étu-
des.Lesexposésorauxetlarédactiondetextes
nécessitentnonseulementunebonnemaîtrise
delalangue,maiségalementunestructuration
logiqueetunbonraisonnement.Lesmotsde
Boileaurestentd’actualité:«Cequiseconçoit
biens’énonceclairementetlesmotspourle
direarriventaisément.»Souvenons-nousque
lesgrandspenseursdel’histoireétaientdes
savantsmultidisciplinaires,devéritablespoly-
techniciens.LéonarddeVinciétaitartisteetin-
génieur.Nombredephilosophes,commePascal
ouDescartes,ontmarquélessciencesnaturelles
deleursempreintes.Commeensciences,l’œu-
vredesgrandspenseursreposesurdesprincipes
fondamentaux(des«idéesclaires»chezDescar-
tes)etsurdesdéductionslogiques.
Conclusions : initiatives prises par l’epFl
Faceauxexigencesd’unecarrièred’ingénieur
quis’exprimeforcémentdansuncontexteinter-
nationaltrèscompétitif,lesétudiantsdel’EPFL
doiventacquérirdetrèsnombreusescompéten-
ces.Leurréussitedépenddoncétroitementde
l’enseignementmathématique,scientifiqueet
techniquedonnélorsdesétudessecondaires.
L’EPFLvamettreenplaceunecellulegymnase
pourrenforcersacollaborationaveclesétablis-
sementssecondairesetcontribueràunestra-
tégieinnovantefaceauxnombreuxdéfisévo-
quésici.Afind’apporterrapidementquelques
réponses,l’EPFLadéjàmisenœuvreplusieurs
actions.Ainsi,touslesnouveauxétudiantsde
l’EPFLreçoiventlabrochureintitulée«Savoir-
faireenmathématiquespourbiencommencer
àl’EPFL».Quantaumodule«PolyMaths»,il
complèteraleCoursdeMathématiquesSpé-
ciales(CMS).D’uneduréed’unsemestre(au
printemps),ilpermettraauxétudiantsquien
ressententlebesoindesepréparerdemanière
optimaleàl’entréeenpremièreannée.Parson
engagement,l’EPFLtientàdémontrerqu’elle
attachelaplushauteimportanceàsamission
deformerlesscientifiquesetlesingénieursqui
relèverontlesgrandsdéfisliésàl’avenirdeno-
tresociété,denotreenvironnementetdeno-
treéconomie.Elleentendàcetégardtravailler
étroitementaveclesétablissementssecondaires
pourfavoriserleparcoursdesélèvesversdes
étudespassionnantesetstimulantes,etversun
succèsprofessionnellégitime.
pierre-andré Besse
décanat bachelor/master, chargé de
cours en Microtechnique, EPFL
� | pourquoi les sCienCes à l‘éCole ? la FormaTion d'ingénieur eT l'enseignemenT des sCienCes
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Lesdidacticiensdessciencesoriententpeut-
êtreplusquejamaisl’enseignementversdes
objectifsdenatureépistémologique.Ilsde-
mandentauxenseignantsdesepréoccuper
del’imagedelasciencequ’ilsdonnentàleurs
élèvesetd’initiercesderniersauxdémarches
scientifiques.Pourquoinepassecontenterde
leurfaireapprendredescontenus,dessavoirs,
dusavoirfaire?
C’estunequestionquinousestparfoisposée
etcelamêmedelapartdeformateursd’ensei-
gnants.Nousallonstenterdedonnerdesélé-
mentsderéponsesdupointdevuedeladidac-
tiquedessciences.
Pourrésumernotrepropos,nousdironsd’em-
bléececi:lesconnaissancesàenseignersontin-
séparablesdesprocessusparlesquelsellessont
élaboréestantauseind’unecommunautéque
danslatêted’unapprenant.Apprendre,c’est
construiredusavoir.C’estdonc,nousleverrons,
entrerdansdesdémarchespropresauxscien-
ces.Répondreàcettequestionestl’occasion
deprécisercequ’estpournousunmodèleso-
cioconstructivisted’apprentissage.Voyonscela
d’unpeuplusprès.
point de vue psychologique : contextualisation
des apprentissages
Lecaractèrecontextualisédesconnaissances
estlargementadmisaujourd’hui.Enpsychologie
cognitive,onparledecognition située.Selon
cettethéorie1,lecomportement,l’actionetla
penséenepeuventsecomprendrequedansleur
contexted’élaboration.Lecontexteestconsti-
tutifdesconnaissances,dontildétermineàla
foislesconditionsd’activationetleslimitesde
validité.Cettethéoriecognitiveestenaccord
aveclestravauxrelatifsàlanotionde«situation
didactique»qui,selonGuyBrousseau2,inclut
«l’ensembledescirconstancesdanslesquellesse
trouvel’élève,lesrelationsquil’unissentàson
milieu,l’ensembledesdonnéesquicaractérisent
uneactionouuneévolution».
Conséquence
Dansl’enseignementdessciences,lecontexte
impliquelesobjetsetphénomènesquelesa-
voirvisédécritousurlesquelscesavoiropère.
L’approchecognitivistequenousévoquonsici
fournitunfondementauxactivitéspratiques
(les travaux pratiques de sciences)dontl’utilité
estlargementreconnueparlesenseignants.
Dansce«milieudidactique»,l’élèvepeuttes-
terlamanièredontcesobjetsetphénomènes
répondentàsessollicitations.Cesinteractions
induisentunedémarchederecherche :l’élève,
plusoumoinsexplicitement,posedeshypothè-
sesetlessoumetàvalidation.Placerl’élèvedans
dessituationsd’apprentissage,c’estdoncd’une
certainemanièrelerendrechercheur.Cepoint
devuepsychologiquedonnedéjàunpremier
élémentderéponseànotrequestion.
premier point de vue épistémologique : une
nature de la science mal connue
Lesconceptionsépistémologiquescontem-
porainesprésententledéveloppementdela
connaissancescientifiquecommeunphénomè-
nedynamique.Aulieud’imagineruncorpusde
connaissancesstableauquels’ajouteprogres-
sivementdelaconnaissancenouvelle,lesépis-
témologuescontemporains3nousconduisent
àimagineruncorpusentransformationeten
complexification.Laconstructiondusavoirest
vuecommeunprocessussocialetlacertitude
scientifiqueconçuecommelerésultatd’un
consensushistoriquementsituéetévolutif.Un
certainrelativismeestacceptébienquedes
la dimension épisTémologique en didaCTique des sCienCes
epistémologie
Nousemployonsépistémologiedanslesenssui-
vant:ensembledeconnaissancesquiserappor-
tentàlanaturedelascienceetdusavoirscien-
tifique,àlamanièredontlesavoirscientifique
seconstruit,auxdémarchesetauxoutilsmisen
œuvreparlesscientifiques.
� | pourquoi les sCienCes à l‘éCole ? la dimension épisTémologique en didaCTique des sCienCes
balisesexistent,quipermettentd’opposerscien-
ceetnon-science.Onadmetqu’aucuneexpé-
riencenepeutprétendreaustatutd’expérience
cruciale,cequin’empêchepasquelestestsex-
périmentauxdestinésàconfirmerouàréfuter
deshypothèsesdemeurentessentielsdansles
démarchesconduitesparlesscientifiques.
Or,cespointsdevuecontemporainsnesont
quepartiellementintégrésparlesélèvesetles
enseignantsactuels.Denombreusesrecherches
montrentquedesvisionsnaïvescœxistentavec
desconsidérationsplusréalistes.EnzioRo-
letto4,parexemple,résumeainsiunerecherche
conduiteauprèsdefutursenseignants:
« Les aspects concernés sont la nature et le
statut des connaissances scientifiques, les dé-
marches pour les atteindre, les critères de dé-
marcation entre science et non-science, les re-
lations entre science et vérité, etc. Une certaine
hétérogénéité des points de vue est retrouvée
selon les aspects traités. La majorité des sujets
partage un point de vue empiriste, quant à la
nature des connaissances scientifiques; réaliste
quant à leurs objets; inductiviste quant à leurs
démarches ; relativiste et contextualiste quant
à leur statut. En outre, les sujets accordent très
peu d’importance à la dimension sociale des
sciences et aux aspects créatifs de l’activité des
scientifiques. » (P.11)
D’autrepart,ilestétabliquelamanièredont
onconduitl’élèvedansdesactivitésd’appren-
tissagesous-tenduneconceptiondelascience
quidétermine,aumoinsenpartie,lareprésen-
tationqu’enal’élève.
Dansleurouvrage5consacréauxconceptions
épistémologiquesdelycéensde17ans,Marie
Larochelle&JacquesDésautelsnousdisent:
« En somme, l’image de la science serait tribu-
taire, dans cette optique, de sa facture scolaire
et d’une certaine philosophie de l’enseignement.
En effet, et les études qui le démontrent foison-
nent (…), non seulement y néglige-t-on la plu-
part du temps les exigences bien particulières de
la production du savoir scientifique, mais égale-
ment celles de son appropriation cognitive. (…)
Le savoir scientifique, en contexte scolaire (…)
a donc un caractère impersonnel et ne suscite
chez les étudiants qu’un engagement cognitif
passif : ceux-ci ne formulent ni leurs questions
et problèmes de recherche, ni les termes de l’in-
vestigation que la résolution de ces problèmes
requiert, ni les critères de sa fiabilité et de sa
validité. » (P.17)
Cettecitationillustrebienàquelpointles
préoccupationsépistémologiquesetdidactiques
sontliées.
Danscemêmeouvrage,MarieLarochelle&
JacquesDésautelsrelatentuneexpériencequi
montrequesil’ondonneàceslycéensl’occa-
siondeconduirepareux-mêmesunerecherche
scientifiqueauthentique,ilsarriventàunhaut
degrédeconceptualisationdel’objetétudiéet,
simultanément,leurconceptiondelascience
devientplusfineetpertinente.
Avecdeuxcollègues,nousavonsconduit
unerecherche6quipermetdeconclurequeles
conceptionsd’élèvesâgésde14-15ans,àpro-
posdelanaturedelascienceetdeladémar-
chescientifique,sontpartiellementmodelées
parl’enseignementquileurestprodigué.Nous
avonseneffetpumettreenévidencel’effet
d’unenseignementpermettantauxélèvesde
construiredusavoirautraversdedémarches
s’inspirantdecellesdeschercheurs.Aprèsdeux
ansd’untelenseignement,lesconceptions
épistémologiquesdesélèvesdestroisclasses
concernéesontpuêtrecomparéesàcelledesix
classestémoinayantreçuunenseignementdes
sciences«traditionnel».Nousavonségalement
réaliséuneexpériencedanslaquelleuneclasse
aétéassimiléeàunecommunautéscientifique
etplacéedevantunevraiequestion,c’est-à-dire
unequestiondontl’enseignantneconnaissait
paslaréponse.Laclasseétaitdiviséeendeux
équipesquiconduisaientchacunesarecherche
etquidevaientcommuniquerpourtenterde
produireuneréponsecommune.Nousavonspu
mettreenévidenceuneévolutiondesconcep-
tionsdesélèvesàproposdelascienceetdela
démarchescientifique.
Conséquence
Lepointdevueépistémologiquequenous
venonsdeprésenterconfirmelelieninextrica-
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blequiexisteentrelamanière«efficace»d’ap-
prendreetlestatutépistémologiquedusavoir
visé.L’enseignantaainsiunedoubleresponsa-
bilitéépistémique:enconduisantsonenseigne-
mentdemanièreàcequesesélèvesévoluent
versunevision«correcte»delanaturedela
science,illeurpermetdeconstruiredessavoirs
pertinents.
Onaiciundeuxièmeélémentderéponseà
notrequestion.
second point de vue épistémologique : l’impor-
tance de la modélisation
Lesconceptionsépistémologiquescontem-
porainesprésententlaconnaissancescientifi-
quecommeunensembleorganisédeprincipes
métaphysiques,dethéoriesetdemodèles.La
notionmêmedefaitestrelativisée:iln’existe
pasdefaitabsolupuisquecen’estqu’autravers
d’unethéoriequiluidonnesensetsimultané-
mentd’unereconnaissancesociale,qu’unfait
existe.Lesavoiropératoire,celuiquipermet
l’actionetlescomportementsadéquats,estlar-
gementconstituédemodèles.C’estcesavoirqui
doitêtreconstruitavecetparlesélèves.Deux
remarquessontàfaireici:lestatutdemodèle
dessavoirsenseignésestsouventcachéauxélè-
vessibienquecesavoirrevêtàleursyeuxunca-
ractèredogmatiqueetfigé.Lesconceptionsdes
élèves,aumomentoùl’onabordel’étuded’un
nouveaudomaine,constituentenelles-mêmes
desprémodèlesqu’ilfautprendreencompte.
Pourappuyercepropos,nousciteronsJean-
LouisMartinand7:
«Pour ceux que préoccupe l’éducation scienti-
fique des jeunes, la question des rapports entre
concret et abstrait, formel, celle de l’articulation
entre expérimental et théorique, passe par la
prise en compte des modèles, du rôle que nous
voulons leur faire jouer, de la manière dont ils
peuvent être appropriés.
(…) Surtout, l’insatisfaction ressentie devant
un enseignement dogmatique où les modèles
sont présentés comme des évidences non ques-
tionnées, non rattachées à des problèmes, le
rejet par les élèves de ce dogmatisme, la criti-
que destructrice l’année suivante de ce qu’on a
introduit (atome de Bohr), incitent à réfléchir
sur la manière dont on pourrait enseigner et
faire apprendre la modélisation, c’est à dire la
construction, l’adaptation, l’utilisation des mo-
dèles.»(P.1dudocumenttéléchargeable)
Conséquence
Enseignerlessciencesnepeutdoncseréduire
àenseignerdesfaits.Construiredusavoir,c’est
essentiellementmodéliser,c’estrendrelesélè-
vesconscientsdecequ’estunmodèleetc’estles
initieràlamodélisation.Onvoitlàuntroisième
élémentderéponseànotrequestion.
point de vue didactique : le modèle allostérique
d’apprentissage
Onconsidèregénéralementqu’ilyaune
formed’isomorphismeentrelamanièredont
lesavoirseconstruitautraversdesgénérations
etlamanièredontilseconstruitdanslatête
d’unapprenant.Cesconsidérationssurl’appren-
tissagetrouventbiensûrunfondementdans
toutcequ’ontapportéaudébutdusièclepassé
JeanPiagetetGastonBachelardnotamment.
Durestelanotiond’obstacleépistémologique
estbienprésentedanslesdiscoursactuelsdes
didacticiens.
Nousavonsfaitallusionci-dessusauxconcep-
tionsdesélèves.CommeleditAndréGiordan8:
(…) tout savoir maîtrisé se situe tout à la fois
dans le prolongement des acquis antérieurs qui
fournissent le cadre de questionnement, de
référence et de signification, et dans le même
temps en rupture avec eux, du moins par détour
ou transformation du questionnement.
En fait, tout apprentissage réussi est un chan-
gement de conceptions. (…)
Toute acquisition de connaissances procède
d’activités complexes d’élaboration d’un appre-
nant confrontant les informations nouvelles et
ses connaissances mobilisées et produisant de
nouvelles significations plus aptes à répondre
aux interrogations ou aux enjeux qu’il perçoit.»
(Pageinternet)
Avecson«modèleallostérique»d’apprentis-
sage,AndréGiordannousproposeuneméta-
phoreparlaquelleilcomparelesmécanismes
deconstructiondusavoirauxmécanismesde
développementdecertainesprotéines.Celles-
ciseconstruisentenchangeantdeformeetde
fonctionsousl’actiondumilieuetenoffrant
ainsidessitessurlesquelsdenouvellesmolécules
peuvents’associeràunexistanttransformé.
Conséquence
Pourassurerlesapprentissagesdesesélèves,
l’enseignantdoitaccéderàleursconceptionset
savoircontrôlerl’évolutiondecesconceptions.
Ildoitpouvoircréeretgérerdessituationsqui
vontpermettrecetteévolution.Lesconsidéra-
tionsvisantl’efficacitédidactique(faireaccéder
lesélèvesàdesconnaissancesquipuissentêtre
réinvesties)rejoignenticilesconsidérations
épistémologiquesportantsurlesmécanismes
deconstructiondusavoirscientifique.
Nouspouvonsvoiriciundernierélémentde
réponseànotrequestion.
Concrétisation didactique
� définir des compétences attendues des élèves
Fixerdescompétencesetpréciserlessitua-
tionsquiservirontàtestercescompétencesest
unmoyendes’assurerquelesavoirconstruit
estopératoire,quecesavoirpeutêtreréinvesti
dansdessituationsconcrètes(larecontextualisa-
tionproposéeparlespsychologuescognitifs).
Ils’agitaussideprendreencomptelesobjec-
tifsgénérauxlistéssousl’étiquette«compéten-
cesvisées»danslepland’étudesvaudois(PEV),
objectifstelsque«Pratiquerunedémarchede
typescientifiqueàpartird’unesituationfaisant
problème(aller-retourentrequestion,hypothè-
se,expérience,essai,erreur,débatscientifique)»
ou«Fairefonctionnerunmodèlepourélaborer
desprévisionsoufairedescalculsàpartirde
conditionsdéfinies».
Annoncerauxélèvesquellescompétences
sontattenduesd’euxetleurdonnerdèsque
possibleuneidéedessituationsdanslesquelles
cescompétencesdevrontsemanifester,c’est
leurpermettredesemettreenprojet,c’estaus-
siindirectementpermettreauxparentsd’être
associéauprojetscolaire.
2 approcher les contenus de manière intégrée
et interdisciplinaire
Cetteexigencerelèveégalementdelarecher-
chedusens.Nousproposonsdeprofiterdetou-
teslesoccasionspossiblesd’intégrerentreeux
descontenusd’enseignement(listéssansliens
danslePEV).
• Premierexemple:anatomieetfonctionne-
mentdel’œil(biologie,physiologie),loi des
lentilles(physique),naturedelalumièreet
couleurs(physique).
• Secondexemple:bilanénergétique(physi-
que),digestion(chimie),assimilation(biolo-
gie)–toutcelasousl’étiquettecommunede
métabolisme.
Acelailfautajoutertouteslesoccasionsde
travaillerdemanièreinterdisciplinairesurdes
projetsquipermettentd’atteindresimultané-
mentdesobjectifsdéfinispardisciplinesdansle
PEV.Ilyenaentrelessciencesetpratiquement
touteslesdisciplinesscolaires.
3 structurer les séquences d’enseignement
Ilestimportantqu’uneséquenced’enseigne-
mentsoitstructuréedemanièreàfaireapparaî-
trelesétapesdeconstructiond’unsavoir(voir
encadré).Celapermetdeclarifierlesdifférents
contratsdidactiquesquisesuccèdentaucours
delaséquence.
Ilesteneffetimportantquelesélèvessachent,
parexemple,quedanslaphase de conceptua-
lisation,leserreursqu’ilscommettentsontles
bienvenues.Ceserreurspeuventeneffetêtre
l’expressiondeconceptionslégitimes,maisqui
doiventêtreremisesencause.C’estdanslapha-
sedeconceptualisationquel’enseignantproblé-
matiselesavoiretc’estàl’issuedecettephase
qu’uneinstitutionnalisationpeutavoirlieu.
Leplussouvent,lesélèvesnesontpasprêts
àseconfrontersansautreauxtâches,problè-
mesoudéfisquileursontproposésenvuede
lesconduiredansuntravaildeconceptuali-
sation.Illeurmanqueunréférent empirique,
unensembled’expériencesetdesavoir-faire.
C’estpourquoinousconsidéronsqu’unephase
d’immersiondoitgénéralementêtrevécuepar
lesélèvesavantlaphasedeconceptualisation.
Cettephase d’immersionaaussicommefonc-
tiondepermettreàl’enseignantd’accéderà
certainesconceptionsdesélèvesetdesusciter
leurcuriosité.
Laphased’exploitation-recontextualisation,
troisièmeselonnotremodèle,estcelledesréin-
vestissements,del’entraînement,desévalua-
tionsformativesetdel’évaluationsommative.
4 rendre les élèves chercheurs
Ilesttrèssouventpossibledelaisserlesélèves
chercherunestratégie,uneloi,un«truc»qui
leurpermettederésoudrel’énigme,derelever
ledéfiquileurestadressé.Nousinsistonssur
lefaitquel’aboutissementdecetterecherche
n’estpasessentiel.
Trèssouvent,ilesttoutsimplementimpossi-
bleauxélèvesdeconstruirelesavoirvisé.Les
obstaclessonttropimportants.Cequiestessen-
tiel,c’estla«dévolution»(voirencadrép.31)
réussieduproblèmeauprèsdesélèves,cequi
valesrendreattentifsàlasolutiondonnéepar
l’enseignantouparunmédia,cequivafaire
qu’ilsvontrecevoircettesolutioncommeun
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«cadeau»etqu’ilsvontsel’approprierpourla
mettreenœuvre.
5 donner de la place à l’idée de modèle
Lestatutdemodèledusavoirconstruitdoit
êtreexplicitepourlesélèves.Deplus,ilyades
occasionsdanslesquellesonpeutconfronterles
élèvesauxlimitesd’unmodèle,voireàlané-
cessitédel’amélioreroumêmedeleremplacer
parunautre.Au-delà,onpeutproposeraux
élèvesdeconstruireeux-mêmesdesmodèles
quipourrontrendrecompted’unensemblede
phénomènesobservables.
6 Jouer avec les interactions sociales
Ungrandnombrededynamiquessontpos-
siblesauseind’uneclasseouentredifférentes
classes,quipermettentdefavoriserlesappren-
tissagesetdemettrel’accentsurladimension
socialedelaconstructiondusavoir.Onpeut
créerdesgroupesderechercheetlesfairecom-
muniquer,onpeutfaireinteragirdesclassesou
desdemi-classes,créerdesdébats,préparerdes
communications.Lestâchesassignéesauxgrou-
pespeuventtantôtreleverdelacoopérationet
tantôtreleverdelacompétition.
Onpeutaussisortirdel’écoleetmettreles
élèvesaucontactd’experts(l’opticienduquar-
tier,legarde-faune…).
7 inclure des éléments d’histoire des sciences
Ilestpossible,dansunedémarchepédagogi-
que,d’incluredesdocumentsfaisantétatd’épi-
sodesd’histoiredessciencesdanschacunedes
troisphasesd’uneséquenced’enseignementdé-
critesci-dessus.Detelsdocumentspeuventen
effetparticiperdel’immersiondesélèvesdans
unthèmedonné,ilspeuventêtredeséléments
d’uneproblématisation,ilspeuventaussiservir
àconstruireunesituationdemiseenœuvre
d’unecompétence.
Desdocumentshistoriquespeuventcontri-
bueràlamiseenévidenced’obstaclesépisté-
mologiques.Ilspeuventcontribueràdémystifier
lascienceetlesscientifiquesendonnantaux
élèvesunemeilleureconsciencedelamanière
dontlesavoirseconstruit.Ilpeutêtretoutàfait
profitable,parexemple,defairelireauxélèves
quelqueschapitresdelivres,telque:Lentin,J.-P.
(1994).Je pense donc je me trompe - Les erreurs
de la science de Pythagore au Big Bang. Paris :
AlbinMichel.
Jean-Claude noverraz
professeur formateur à la HEP Vaud.
Il est membre du réseau d’Epistémologie
et de Didactique des Sciences de
l’Université de Genève, dirigé par
le professeur André Giordan
1 Voirparexemplelapagetecfa.unige.ch/staf/staf-g/nova/
staf15/theo.htmldusiteInternetTECFAdelaFacultéde
PsychologieetdesSciencesdel’Educationdel’Université
deGenève,pagedurlaquelleontrouveunrésumésurla
«cognitionsituée»etquidonnedesréférences.
Voiraussicequ’enditJonnaertsurhttp://www.ibe.unesco.
org/cops/Competencies/observ_critiq.pdf.2 Brousseau,G.(1998).Théorie des situations didactiques.Gre-
noble:LapenséeSauvage,p.279.3 Unouvrageprésentedemanièresynthétiquelesapportde
KarlPopper(1902-1994),ImreLakatos(1922-1974),Thomas
Kuhn(1922-1996)etPaulFeyerabend(1924-1994).Ils’agit
de:Chalmers,A.(1991).La fabrication de la science. Paris:
LaDécouverte.4 Roletto,E.(1998).La science et les connaissances scientifi-
ques : points de vue des futurs enseignants.Aster,26,11-30.
Paris:INRP.5 Larochelle,M.,Desautels,J.(1992),Autourdel’idéede
science-itinérairescognitifsd’étudiants,Québec:Lespresses
del’UniversitéLaval&Bruxelles:DeBœckUniversité.6 Noverraz,J.-C.,Parisod,J.M.,Chabloz,B.(2006).L’idéede
sciencechezdesécoliersdusecondaireenlienavecl’ensei-
gnementreçu.Formationsetpratiquesd’enseignementen
questions,RevuedesHEPdeSuisseromandeetduTessin,4,
305-334.Neuchâtel:CDHEP.7 Martinand,J.-L.(1998).Introduction à la modélisation. Confé-
rencedonnéeàl’E.N.S.deCachan.Actesdel’Universitéd’été.
Paris:INRP(Conférencetéléchargeableàl’adresse:http://
www.inrp.fr/Tecne/Rencontre/Univete/Tic/Pdf/Modelisa.pdf).8 Giordan,A.(2006)Lesnouveauxmodèlespourapprendre
-Modèleallostériqued’apprentissage,http://www.ldes.unige.
ch/publi/rech/depConstruct/depConstruct.htm
Giordan,A.(1988)Apprendre!DébatsParis:Belin.
dévolution
Processusdidactiquequiconduitunélèveàs’ap-
proprierunproblème.Plusgénéralement,selon
GuyBrousseau,c’estun« processus par lequel
l’enseignant (…) cherche à ce que l’action de
l’élève ne soit produite et justifiée que par les
nécessités du milieu et par ses connaissances,
et non par l’interprétation des procédés didac-
tiques du professeur. La dévolution consiste
pour l’enseignant, non seulement, à proposer
à l’élève une situation qui doit susciter chez lui
une activité non convenue, mais aussi à faire
en sorte qu’il se sente responsable de l’obten-
tion du résultat proposé, et qu’il accepte l’idée
que la solution ne dépend que de l’exercice des
connaissances qu’il possède déjà. L’élève accepte
une responsabilité dans des conditions qu’un
adulte refuserait puisque s’il y a problème puis
création de connaissance, c’est parce qu’il y a
d’abord doute et ignorance. C’est pourquoi la
dévolution crée une responsabilité mais pas une
culpabilité en cas d’échec ».
(Glossaireenligne:http://dipmat.math.unipa.
it/~grim/Gloss_fr_Brousseau.pdf)
� | pourquoi les sCienCes à l‘éCole ? sTandards de FormaTion pour les sCienCes naTurelles en suisse : un progrès ?
sTandards de FormaTion pour les sCienCes naTurelles en suisse : un progrès ?
harmos (harmonisation de l’école obligatoire)
ParmilesobjectifsgénérauxduprojetHar-
moS,laCDIP(conférencesuissedesdirecteurs
cantonauxdel’instructionpublique)aopté
pourl’élaborationdestandardsnationaux
deformation.Elleadonnémandatàquatre
consortiums(langues1et2,mathématiques
etsciencesnaturelles)d’élaborerdesstandards
deformation,reposantsurlaconstructiond’un
cadrederéférencedisciplinaireetsurlades-
criptiondeniveauxprogressifsdecompétences.
Lesstandardsadoptésillustrerontavecprécision
lesniveauxdebasequetouslesélèvesdoivent
aumoinsavoiratteintsàlafindela2e,dela
6eetdela9eannéescolaire.Ilsinfluenceront
durablementlesfutursplansd’étudesdestrois
régionslinguistiques.Lestestsélaborésser-
virontàfixerlesstandardsdebaseet,parla
suite,permettrontunerégulation(monitorage)
dusystèmescolairesuisse.
Conception et fonctions de standards de formation
Lesstandardsdeformationconcrétisentles
objectifsgénérauxdeformation,souslaforme
d’unmodèle de compétencesquireprésente
lesaspects,lesexigencesetlesprogressionsdes
compétences(Klieme,2003).Centréssurune
conceptiondidactiquesystématiquedeladis-
cipline,ilssontcontraignantspourtoussousla
formedestandardsminimaux(debase),régu-
liersoumaximaux.LaCDIPaoptépourdesstan-
dardsdebase,alorsquel’Allemagneachoisides
standardsréguliers(Regelstandards)nedevant
êtreatteintsquepar50%desélèves.
SelonKlieme(2003),lesstandardsdeformation:
• sontconçusenseréférantàdesobjectifsgéné-
rauxdel’éducationetentransposantlesappren-
tissagesscolairesenexigencesconcrètes;
• fixentlescompétencesquelesélèvesdoivent
avoiracquisesoudéveloppéesàlafindecer-
tainesannéesscolaires;
• transposentlesobjectifsdel’éducationenexi-
gencesconcrètes:lescompétencesexigées;
• s’appuientsurdesmodèlesdecompétences
quifournissentauxenseignantsunsystème
deréférencepourleuragirprofessionnel;
• conduisentàunequalitédelaformation
comparabledanslesrégions;
• rendenttransparentslesobjectifsetlesexigen-
cesdel’écolepourlesélèvesetlesparents;
• sontdesfondementspourmesureretévaluer
lesrésultatsdesapprentissagesauniveaudu
systèmeetdesécoles;
• permettentlarégulation(monitorage)dela
formation,l’évaluationdel’enseignementet
sondéveloppement.
«Lescaractéristiquesdestandardsdeforma-
tiondequalitéreposentsurunlienétroitavec
ladiscipline,surunefocalisationsurundomai-
ne-noyaudeladiscipline,surlapossibilitéd’ac-
cumulerdesapprentissages,suruncaractère
obligatoirepourtous,surunedifférenciation
desniveauxdecompétences,surlaclartéde
laformulationetsurl’applicabilitégrâceàdes
ressourcesetàdesinvestissementsréalistes.»
(Klieme,2003).
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le modèle de compétences pour les sciences
naturelles
Lespremièresréflexionsautourdumodèle
de compétencespourlessciencesnaturelles
seréfèrentàla«scientificliteracy»(Bybee,in
Gräberetal.,2002),auxstandardsdéveloppés
auxEtats-Unis(National-Research-Council,1996),
auCanada(CMEC,1997),auRoyaume-Uni,en
Ecosse,enAllemagneetenBelgiqueetàl’ex-
pertisedeKlieme(2003).Elless’appuientéga-
lementsurlesévaluationsinternationalesdes
systèmesscolaires:PISA,TIMSSetIGLU1.Cemo-
dèle de compétencestientcomptedel’analyse
des plans d’études de sciences naturelles pour la
Suisse(Szlovak,2005),duplan d’étude cadre ro-
mand(PECARO)etdediversespublicationsdans
lesdomainestransversauxdel’éducationàla
santé,àl’environnementetaudéveloppement
durable.Deplus,ilpuisesesfondementsdans
lesrecherchesendidactiquedessciences2.
Parsciences naturelles+,nousentendonsune
extensiondelaformationscientifiquedebase
quiprendencomptelesaspectsdelasignifi-
cationdessciencesnaturellesdansuncontexte
social,parexempledesthèmesspécifiquesde
notreépoque,telsquel’environnement,les
conséquencesdelatechniqueetlespréoccupa-
tionsdel’éducationàlasantéetaudéveloppe-
mentdurable3.
Voiciladéfinitiondescompétencesadoptée
parlaCDIPcommeréférencecommuneaupro-
jetHarmoS(d’aprèsWeinert,inKlieme,2003):
« Les capacités et les aptitudes cognitives dont
l’individu dispose ou qu’il peut acquérir pour ré-
soudre des problèmes précis, ainsi que les dispo-
sitions et les capacités motivationnelles, volitives
et sociales qui s’y rattachent pour pouvoir utili-
ser avec succès et responsabilité les résolutions
de problèmes dans des situations variables. »
Lemodèle de compétencesconcrétisel’orienta-
tionfondamentale,lesdimensions,lesdomaines
etaspectsdelaformationetdel’apprentissage
dansunediscipline.Ildécritlesdomainesd’action
(capacitésethabiletés),lesdomainesthématiques
etlesniveauxd’exigencepouruneformationde
basedansladiscipline(Labudde,2006).
Lemodèle de compétences(voirschémaci-
dessous)seprésentesouslaformed’unematrice
tridimensionnellecomportantlesdomainesd’ac-
tions,lesdomainesthématiquesetlesniveaux.
modèle de compétences en sciences naturelles+
(schéma)
Ledomained’actionsDévelopper l’intérêt
et la curiositéestuneattitudefondamentale
desapprenantsensciences.Cetteattitude
devraitêtredéveloppéedanstoutapprentis-
sagescientifique,maiselleneferapasl’objet
d’uneévaluation.Lesdomainesd’actions2à
7représententlescompétencesàdévelopper
particulièrement.Travailler en autonomieest
undomainedemétacognition.Ils’agit,pour
l’élève,deprendreconsciencedesesméthodes
detravailetderéfléchirsurlesprocéduresetles
démarchesqu’ilutilise.
Lemodèle de compétencesdessciencesna-
turellesserapporteauxobjectifsgénérauxde
ladisciplineetserviraàdéfiniretlégitimer
lesniveaux,respectivementlesprocéduresde
tests.Ilreprésentedesprocessusscientifiques
d’étapesetdecheminementsverslesavoiret
lesavoir-faire.C’estaussiunlienentrelesob-
jectifsabstraitsetlescollectionsconcrètesde
situations/exercices.Ilprendsesracinesdans
lesdidactiquesdessciencesnaturellesetles
connaissancespsycho-pédagogiques.Ilassure
unespécificationdesperformancescognitives
àplusieursniveaux.Lesdomaines,dimensions
etdegrésdescompétencesysontprécisés,afin
delesévaluerempiriquementpardessituations/
exercices(Labudde,2006).
Lesdomainesdecompétencessontscindésen
compétencespartielles,développéesci-dessous
àtitred’exemplepourledomained’actions
Classer, structurer et modéliser:
Lesdomainesthématiquessontcaractérisés
pardeslignesdirectricesdécritessousformede
conceptsfondamentauxetdenotionsclédiffé-
renciéespourlesdegrés2,6et9.Cesdomaines
nesontpasconçuscommeunelisteexhaustive
dethèmes,maisilsdoiventdonneruncadre
grossierauxcontenus.Ainsinoussouhaitons
éviteruncataloguedematières,quidevrait
êtredéfiniplustardlorsdel’élaborationdes
plansd’études.
Alapagesuivante,l’exempledudomaine
Planète Terre.
Domaines d’actions
1 Développerl’intérêtetla
curiosité
2 Questionneretexaminer
3 Exploiterlesinformations
4 Classeretstructurer
5 Apprécieretévaluer
6 Développerettransposer
7 Communiqueretéchanger
8 Travaillerenautonomie
Domaines thématiques
1 PlanèteTerre
2 Forceseténergie
3 Communication:
réguleretcoordonner
4 Matières
5 Plantesetanimaux
6 Milieux
7 Hommeetsanté
8 Nature,sociétéet
technique–perspectives
niveaux de compétences
situations/exercices pour un domaine thématique avec des exercices couvrant trois domaines d'actions
Domained’actions
Classer,structurer etmodéliser
Compétences partielles
• Collecter, comparer, structurerdes objets, des caractéristiques de phénomènes, des situations naturelles et des applications technologiques;• Analyser, relier, mettre en réseau (pensée systémique) des objets, des phénomènes et des situations;• Développer, situer et ordon-ner: développer et/ou reconnaî-tre des modèles, des régularités, des concepts et en faire usage pour expliquer.
� | pourquoi les sCienCes à l‘éCole ? sTandards de FormaTion pour les sCienCes naTurelles en suisse : un progrès ?
niveaux
Lesniveauxdumodèle de compétences des
sciencesnaturelles,montrentlesdifférenteséta-
peslorsdel’acquisitiondescompétences.Cha-
queniveaudecompétenceestcaractérisépar
desprocessusetdesdémarchescognitivesd’une
qualitéprécise,quelesélèvessontcapablesde
maîtriseràcedegré,maisnonàdesdegrésin-
férieurs(Klieme,2003).Dansunpremiertemps,
nousavonsrecherchéunegradationdanscha-
cunedescompétencespartiellesformulées
sousformed’uneprogressiond’exigences(voir
l’exempleci-dessous).Ensuitenousavonsdéfini
desniveauxpourchacunedescompétences.
Lesstandardsdeformationsontd’aborddé-
critsennommantlescompétencesquelesélè-
vesdoiventatteindreàlafind’uncertaindegré
scolaire.Lesstandardsdéterminentunniveau
decompétenceprécis,icil’exigenceminimale
àlaquelletouslesélèvesdoiventsatisfaire:ces
standardsdebasesontenquelquesorteune
norme.C’estpardestâches(situations/exercices)
etprocédésdetestsquenousallonsrecueillir
desdonnéesfondamentales.Notremission
consiste,àcetteétape,àcréerunesériede
testsayantpourbutdevalidernotremodèle
de compétences.
Parcesstandardsdeformation,nousentrons
dansunenouvelleculturedessituationsd’ap-
prentissageetd’exercicespourl’enseignement.
Laformulationentermesdecompétencesa
desconséquencessurlaconceptiondel’en-
seignement.Lecontrôleneporteplussurdes
fragmentsdesavoirsinertesetreproductibles
àcourtterme,maissurlesaptitudesdesélèves.
Celasignifiequel’ondoitpromouvoirl’inté-
grationdesconnaissancesetdesaptitudesdans
l’enseignement.
des tests
Différentstypesd’exercicessontàl’étude,
ils’agitdetestspapieretcrayon,testsexpé-
rimentauxoutestsd’opportunitésd’apprentis-
sage.Cesdiversesformesdetestsexigentdes
conditionstrèsdifférentesdemiseenœuvre.
Lespluscomplexesnepourrontpasfairel’ob-
jetd’untestdevalidationàgrandeéchelle,car
cesontdestestsdirigéspardesopérateurs,qui
nepeuventêtrepassésquedansunnombrede
classesrestreint.
Nousdéploieronsuntestdevalidationpa-
pier/crayonauniveaunationalauprèsd’un
échantillonde12’000élèvesauxdegrés6et9
enmai2007.Cetest,identiquepourlesquatre
consortiums,estdirigéparlaCDIP.Nousprépa-
reronsdestestsdirigésde2eannée,quisecom-
poserontde3situationspapier/crayonet2si-
tuationsexpérimentalesquenousferonspasser
dansunevingtainedeclasses.Nousreviendrons
en6eeten9eavecdestestsexpérimentauxet
dedécouverteauprèsd’unéchantillond’une
vingtainedeclasseschacun.Desplans(design)
detestsnouspermettentunevued’ensemble
dessituations/exercicesàproduire4.
Domainethématique
PlanèteTerre
Lignes directrices
• éléments et phénomènes naturels sur Terre, les sphères de la Terre• phénomènes météorologiques, observation du temps, climat, zones paysagères naturelles• roches, sols; les paysages et la Terre se transforment (forces naturelles, genèse des roches)• événements naturels, dangers naturels • Terre - soleil - univers, espace et temps
Concepts fondamentaux,Notions clé
2e• éléments naturels - lumière, air, eau, roches autour de nous, transition nuit-jour, • observations de météo simples
6e• représentation de l’espace, de la Terre• éléments naturels, cycle de l’eau, formation des roches• éléments de météo, événements naturels et leurs dangers chez nous (eau, neige, vents)
9e• représentations de l’espace, du temps • cycles naturels “immuables” • rotation et révolution terrestres à l’origine des climats • biomes et écosystèmes • gravitation (mouvements et action de l’eau)• risques naturels: global – local • modèles explicatifs du monde
Réunir des indices,objets et matériauxpour les comparer etles classer selon descritères individuelsou ordinaires
(critères/catégoriespurement formels)
Réunir et identifierdes indices, objets etmatériaux pour lesclasser selon descritères ordinaires ouselon des critèresscientifiques prescrits
(critères/catégoriesformels etfonctionnels)
Réunir, identifier etchoisir des indices,objets et matériaux;les classer selon descritères/catégoriesscientifiquesdéveloppés enautonomie et lescomparer
(critères/catégoriesformels, fonctionnels etprocéduraux)
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Pardesprocéduresdetestsadéquates(mesu-
respsychométriques),lesniveauxdecompéten-
cesatteintspeuventêtresaisis.L’interprétation
desrésultatsdonneradesinformationssurla
validitédumodèle de compétencesetdesni-
veauxpréconisés.Cesconditionspréalablessont
indispensablespouruneutilisationdetestsdans
larégulationdusystèmeéducatif,àl’imagede
PISA(ŒCD,2004),del’évaluationdel’école(vé-
rifierquel’établissementatteintsesobjectifspé-
dagogiques)oududiagnosticindividueletdu
besoinensoutienpédagogiquenécessaire.
processus transparent pour Harmos sciences
naturelles+
Leconsortiumdesciencesnaturellesatenu
às’assurerlacollaborationd’enseignantsdans
ceprocessusd’élaborationdumodèle de com-
pétences.Trenteenseignantesetenseignants
desdegrés2,6et9participentauprojeten
critiquantlestextespréparésparlesexperts,
souventenseignantseux-mêmes.Ilsélaborent
dessituations/exercicesetpilotentcellesdes
experts.Cetaller et retourentreleconsortium
etlespraticiensviseàgarantiruneadéquation
dumodèle de compétencesàlapratiquedes
enseignantsetauxélèves.
L’organisationdeséancesdeprésentation
duprojetdansquatrerégions(Zurich,Berne,
Lausanne,Bellinzone)apermisd’ouvrirledé-
batsurlesstandardsetlescompétencesetde
recueillirdenombreusesremarquesetsugges-
tionsquiontpuêtreintégréesdanslemodèle
de compétences.Alasuitedecesremarques,
nousavonsretiréundomained’actionsetpas-
séde10à8domainesthématiques.Lesconte-
nusdesdomainesthématiquesserontencore
adaptés.
Deplus,HarmoS sciences naturellesestpré-
sentéàdenombreuxcongrèsetassemblées.Il
faitl’objetdeplusieurspublicationsetarticles.
Cettedémarchedevraitcontribueràune
meilleureacceptationdesstandardsaumo-
mentdeleurintroductiondansl’institution
scolaire.
les standards en sciences naturelles. un progrès ?
L’enseignementdessciencesnaturellesdevrait
profiterdecetterecherchepourdonnerune
meilleurestructureàladiscipline.Cettecolonne
vertébralerenforcéeseretrouveradoncdans
lesplansd’étudesrégionaux.Lessciencesna-
turellessedotentainsid’uneréflexionetd’une
validationdescompétencesenéducationscien-
tifique.L’ouvertureauxdomainestransversaux
deséducationsàlasanté,àl’environnementet
audéveloppementdurableestintégrée.
Ledéveloppementdestandardsdeforma-
tionestunexercicepermanentd’équilibrisme
dupointdevuedeladidactiquedeladiscipline.
Lesremisesenquestionreviennentsanscesse:
jusqu’oùpeut-on,doit-on,ose-t-ons’engager?
Oùetquandlescontradictionsdeviennent-el-
lestropimportantesparrapportànospropres
représentationsdidactiquesetpédagogiques?
Maistous,nousallonsdevoirtravailleravecles
standardsdeformation.
Cesontlespoliticiensetl’autoritéscolaire
quichoisirontcesstandardsdeformationsurla
basedelapropositiondesexperts,paslesensei-
gnants,nilesdidacticiensoulesformateurs.En
qualitéde«participants»,nouspouvonsnous
efforcer,danslecadreduprojetHarmoS,d’éta-
blirdesfondementssolidementétayés.Nous
nousappuieronssurl’expérienceaccumulée
ainsiquesurlaconnaissancequenousavons
desélèves,desdegrés,dudéveloppementde
l’enseignement,desmodesd’apprentissages,de
ladidactiquedeladisciplineetducontextegé-
néraldelaformation.Lesstandardsnesontpas
lapanacée.Cependant,avecdesenseignants
motivés,desmoyensd’enseignementscadréssur
lesdémarchespréconiséesparlesplansd’études
etuneformationinitialeetcontinueenharmo-
nieaveclemodèle de compétences,lesespoirs
sontpermis.
François gingins 5
enseigne actuellement à la HEP Vaud et au
Gymnase de Beaulieu à Lausanne.
Bon connaisseur des milieux de
l’enseignement des sciences, il participe
activement au renforcement de l’éducation au
développement durable.
peter labudde
professeur de didactique des sciences
à la Deutschsprachige Pädagogische
Hochschule, Bern
marco adamina
professeur de didactique des sciences
à l’école primaire à la Deutschsprachige
Pädagogische Hochschule, Bern
Bibliographie 6:
CDIP(2004).Projet HarmoS – Appel d’offres pour le développe-
ment de modèles de compétences.Berne,Conférencesuissedes
directeurscantonauxdel’instructionpublique(CDIP).
Giordan,A.(1999).Une didactique pour les sciences expérimen-
tales.Belin:Paris.
Klieme,E.etal.(Eds.)(2003).Le développement de standards
nationaux de formation : une expertise.Bonn:Bundesministe-
riumfürBildungundForschung.
Rœgiers,X.(2004).L’école et l’évaluation.DeBœck.Bruxelles.
Labudde,P.&Adamina,M.(2004).Offerte HarmoS Naturwis-
senschaften.Bern:PHBern.
1 PISA,ProgrammforInternationalStudentAssessment
TIMSS,TrendsinInternationalMathematicsandScience
Study.
IGLU,InternationaleGrundschul-Lese-Untersuchung2 Cf.Giordan,Rœgiers,Labudde,Hammann,Spörhase-Eich-
mannetautres.3 Cf.STES:Science-Technology-Environment-Society;CMEC,
1997.4 Unexemplepourla9eannéeestdisponiblesurlesitede
Prismes :www.hep.vd.ch/publications.5 NousremercionslesmembresduconsortiumHarmoS sciences
naturelles,sanslesquelscetarticlen’auraitpuvoirlejour.En
plusdesauteurs,ceconsortiumpeutcomptersurlescompé-
tencesdeL.Bazzigher(PHZH),B.Bringold(PHBE),P.Gigon
(HEP-BEJUNE),B.Jaun(PHBE),A.Jetzer(PHZH),B.Knierim
(PHBE),S.Metzger(PHZH),C.Nidegger(SREDGE),P.-Y.Theu-
rillat(HEP-BEJUNE),M.Vetterli(PHZH),U.Wagner(PHBE),C.
Weber(PHNW),A.Zeyer(UniZH).6 UnebibliographiepluscomplètesetrouvesurlesitedePrismes
2
Unesolidetraditionphilosophique,repré-
sentéenotammentparlacritiquekantienneet
certainscourantsqu’elleainspirésjusqu’ànos
jours,affirmequelesmathématiquessontémi-
nemmentunescience.
Egalementphysicien,lephilosopheEmma-
nuelKantcherchaitàsaisirlesconditionsdepos-
sibilitéa priorid’uneconnaissancetellequela
physiquenewtonienne.Acetteépoque,même
enAngleterre,lessavantsécriventenlatin.Isaac
NewtonintitulesathéoriePhilosophiae natura-
lis principia mathematica.Laphysiques’appelle
encore«philosophienaturelle».Sesprincipes
sontmathématiques.Kantprécisequelesdis-
ciplinesdépourvuesdeprincipesdenaturema-
thématiquenesauraientêtredessciences.
Bienquececontextenesoitpluslenôtre,il
présented’étroitsliensaveccequenousconsta-
tons:danstouteslesacadémiesdessciencesdu
monde,ilexisteunesectiondemathématiques.
Loindenepasyapparaîtrecommeunescience,
ellessontmêmesouventconsidérées,envertu
deleurrigueuretdeleurobjectivité,commela
scienceexemplaire.
Ilnesemblepasdouteuxquelesmathémati-
quessoientunescience.Ilsuffitcependantde
poserlaquestionunpeuautrementpourque
naisseledébat,voirelapolémique:les mathé-
matiques sont-elles une science naturelle ?
Lesspécialistesdesneurosciencestiennentles
mathématiquespouruneinventiondel’esprit
humain.Unefoisqu’ilacrééunsystèmeàl’aide
dequelquesprincipes,lemathématicienexplore
etdécouvrelespropriétésdusystème,incon-
nuesaumomentdesacréation.
Maislorsquenoussommesséduitsparl’or-
dredel’univers,noussommesenclinsàcroire
quelesmathématiqueslerégissentetqu’elles
préexistentànotreesprit,qu’onlesdécouvre
commeintelligibilitédelanature(langagede
DieuourefletdumondedesIdées).
Cesdeuxvisionsdesmathématiquesontfait
l’objetd’undébatcélèbreentredeuxprofes-
seursduCollègedeFrance,lemathématicien
AlainConnes,prixCrafoord,médailleField,
etlespécialistedesneurosciencesJean-Pierre
Changeuxquiramènelesmathématiquesàune
constructionneuronale.
Lesmathématiquessont-ellesune découverte
depropriétésdelanature?Lesnombresimagi-
nairesouleséquationsdifférentiellesexistaient-
elles,parexemple,quandlaterreseformait,ily
a4,5milliardsd’années?Sont-ellesl’objetd’une
sciencenaturelleoubienunemagnifiqueinven-
tiondenotreesprit?LedébatentreConneset
Changeuxn’apportaaucunélémentderéponse,
chacuncampantsursaposition.
L’idéequelesmathématiquesnesontpasune
sciencenaturelleapparaîttrèsfortementchezle
physicienaméricainEugèneWigner,prixNobel
dephysique,quiaécritunarticlecélèbresur
lapuissancedéraisonnabledesmathématiques.
Ellessont,commeleditunautrephysicienthéo-
ricienaméricain,MurrayGell-Mann,prixNobel
luiaussi,unediscipline«supranaturelle»:elles
englobentetsurplombentlessciencesdelana-
ture;ellesneleurappartiennentpas.
Nouspouvonscependantrétorquerquela
géométrieestdirectementissuedel’observation
delanature.Endenombreuxaspects,sondé-
veloppements’apparenteàceluidelaphysique.
Laconstructiondesfiguresgéométriquesavec
desinstrumentscommelecrayon,larègle,le
compas,représenteunedémarcheexpérimen-
taletypique.Maisl’onn’auraaucunepeineà
nousrépondreque,depuisFrançoisViète,Pierre
deFermatetRenéDescartes,lescourbes,lessur-
faces,lesvolumessontdevenusdeséquations.
les maThémaTiques FonT-elles parTie des sCienCes ?
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Nousvoyonsainsilagéométriesefondreau
seindesmathématiques.Ilestpossibledefaire
observericiquelaphysiquethéoriquesefond
égalementaumilieudesmathématiques.Son
casn’estpassidifférentdeceluidelagéomé-
trie.Dira-t-onpourautantqu’ellenerelèvepas
dessciencesdelanature?
Lesmathématiquesconstituentpourlesscien-
cesdelanature,enparticulierpourlaphysique,
le moyen et la mise en forme de leurs raison-
nements.L’algèbreetl’analysesontnécessaires
pourpratiquerlessciences.Enretour,n’est-ce
pasaucontactdessciencesdelanatureque
lesmathématiquesontétéamenéesàrésoudre
lesproblèmesquilesontfaitprogresserdema-
nièresignificative?
Nuldoutequelagéométrienaîtdenotre
volontédedécrirelesfigures,leslignes,lessur-
facesetlesvolumesquenousrencontronsdans
lanature,quelecalculdifférentieletintégrala
étécréépourlesbesoinsdelamécanique,que
Fourrierdéveloppasadécompositionensérie
pourrésoudreleproblèmedelapropagation
delachaleur…
Néanmoins,ilnemanquepasaujourd’huide
mathématiciensquirevendiquentl’autonomie
desmathématiques«pures»,quisedéveloppent
horsdessciencesnaturelles.D’autresobjectent
quecesmathématiqueslovéessurleurmouve-
mentinternesontloind’êtreaussifécondesque
cellesquirésolventlesgrandsproblèmesdela
physique.
Quelpartiprendredanscedébatquidivise
lesmathématicienseux-mêmes?Notreinten-
tiondedéfendreunepositionjustifiablenous
obligeraàundiscoursplusdirectementinformé
parladémarchemathématiqueelle-même.
les mathématiques aux côtés de la physique.
Nouspartonsdu fait observablequelesmathé-
matiquesont une genèse,qu’ellesnereposent
passurdesaxiomescompriscommedesvérités
inconditionnelles,maisqu’ellesseconstruisent
àl’aided’uneaxiomatisationquileurpermette
d’évoluerduconcretversl’abstrait.
Lesmathématiquesontunegenèsequis’en-
racinedanslepsychismedenotreespèce.Nous
lesdécouvronsébauchéesdanslesformesles
plusfamilièresdelanotiond’espace,depoint,
dedroite,d’objet,degroupededéplacements,
detemps,denombreentier,avantdes’enex-
traireparlesvoiesdel’axiomatisationjusqu’aux
niveauxlesplusabstraitsoùellesjouissentd’un
statutautonome,quin’équivautpasàunecom-
plèteindépendanceenverslasituationconcrète
dedépart1.
L’observationdudéveloppementdelanotion
denombrechezl’enfantnousconfirmera.Nous
sommestoutd’abordfrappésparsonappari-
tiontardiveetparsadifficultéàsedégagerde
sessupportsintuitifs.Lenombre«trois»,par
exemple,resteassociéàlasensationdupouce,
del’indexetdumajeurtendusdanslaposition
démonstrativequel’onsait;àl’actedepronon-
cerl’unaprèsl’autrelesmots:un,deux,trois;
ausouvenird’ungroupedetroisobjets;etplus
tardausondumottrois,àl’imagevisuelledes
signes3ouIII,etc.Cen’estquepetitàpetit
quel’espritenabstraitl’idéedunombrepur,en
laissantdecôtétoutcequinerelèvepasdesa
fonctionénumérative.Quipourraitd’ailleurs
affirmerquelanotionabstraitecontinueraità
subsister,silesupportconstantduconcretve-
naitàluifairedéfaut?
Ilestencoreplusinstructifderemonterplus
hautdansledéveloppementdesfacultésmen-
talesdel’enfant,jusqu’avantlemomentoùla
notionde«deux»paraîts’êtredistinctement
précisée.Ilsemblebienquelaconceptionde
l’unitéenoppositionaveclapluralitéaccompa-
gneetcouronnel’effortd’abstractionquimène
àlaconceptiondel’unitédel’objetàtravers
lamultiplicitédesesaspectsetdesimpressions
quis’yrapportent.D’autrepart,pourquel’ob-
jetpuisseêtreidentifiéaveclui-mêmedansses
déplacements,oumalgrélesdéplacementsde
l’enfantquil’observe,ilfautqu’ilpuisseêtre
localiséparrapportàcelui-ci.Ilfautdoncque
l’enfantpossèdedéjàlespremiersélémentsde
songroupeexpérimentaldedéplacements.
Ensomme,nouspouvonsdistinguerdansle
développementdel’enfantunstadetrèsprimi-
tifoùnil’oppositionavant-après,nilanotion
del’objet,nilanotiondelapluralité,nilano-
tiondel’espacenesontencoresortiesdeleurs
limbes.Enliaisonintimelesunesaveclesautres,
dansunegenèseassezlente,ellessedégagent
etseconstituent,donnantnaissanceenmême
tempsàlanotiond’objet,d’unitéetdeplura-
lité;auxformesintuitives2dutempsetdel’es-
pace;àl’idéedel’ordredesuccessiontemporel
etdelaconfigurationspatiale.
Nousnousapercevonscombienlagenèse
d’unenumérationestunphénomènecomplexe!
Finalement,lenombreapparaîtaustadeintuitif
commeuncaractèreportéparl’espritdansun
ensembletrèscomplexed’impressionsplusou
moinsnettementperçues,résultantdel’action
del’objetsurlesujetetdel’emprisedusujetsur
l’objet.Cecaractèreestunifiantetschématisant,
etadmirablementappropriéauxfinsdel’action.
Ilestcomparableàtouteautrequalitésensible,
tellequegrand,jaune,oupesant.Ungroupe
d’objetsàlaqualité«trois»,parexemple,com-
mel’und’euxapeut-êtrelaqualité«rouge»ou
lapropriété«d’êtretransparent».
Enunmot,lenombre,danssasignification
primitiveetdanssonrôleintuitif,estunequa-
litéphysiquedegroupesd’objets.Apartirde
cettesignificationconcrète,lanotiondunom-
breévolue,parl’axiomatisation,versunabstrait
endevenir.
Nousnousdémarquonsainsideceuxquijusti-
fientlesconstructionsmathématiquesparlalo-
gique.Eneffet,l’axiomatisationapourobjetde
décrireunprocessusd’abstractionetd’énoncer
systématiquementlesnotionsquel’espritdoit
accueilliroudefaireapercevoircellesqu’ildoit
éliminer.Lalogiqueconsistealorssimplementà
parlerunelangueefficace,àemployerlesmots
etàmettreenmouvementslesassociations
d’idéesquiconviennentaubutàatteindre.Mais
siépuréequesoientnosabstractions,l’exercice
delapenséenesauraitsepasserdesnombres
prisdansleursensordinaire.Parexemple,pour
pouvoirparlerderelationlogique,ilfautqu’ily
aitdeuxélémentsaumoinsàrelier,lanotionde
sommemettroisnombresenrelation,etainsi
desuite.
Lorsquenouslisonsdansunouvragedema-
thématiques:«Axiome1:L’undeceséléments
seradésignéparlesymbole1etappeléun»,il
estclairquelemot«un»neprendpasdeux
foislamêmesignification.Lasecondefois,nous
entendonsun-logique,tandisquelapremière
foissonemploinedépasseguèrelasphèrede
l’intuitif.Riennes’opposeàcequelesdeux
senssubsistentl’unàcôtédel’autre.Pourquoi
lepremierforméneservirait-ilpasàévoquer
lesecond?
Nousobservonsqueleconceptdenombre
n’estpasdonnéunefoispourtoutesavecun
sensimmuable.Laformeabstraiten’élimine
paslaformeintuitive.Evidemment,leschoses
changentdutoutautoutsil’oncomprendles
axiomescommedesvéritésinconditionnelleset
quel’onprétendfournirparl’axiomatisation
l’essencemêmedunombre,sorted’objetéter-
nel.Maislesaxiomesnesuffisentpasàfournir
àeuxseulsunedéfinitioncomplètedesnotions
surlesquellesilslégifèrent.Lesaxiomesquifont
intervenirlesnotionsdestructureetderelation
logiquesnesauraientfaireexception,carces
notionsnenoussontpasplusinnéesqueles
notionsdedroiteoudenombre.Ellesdoivent,
ellesaussi,êtreabstraitesd’uncertainensemble
dedonnéesplusoumoinsconcrètes.Direque
nouspouvonscirconscrireledomainedesma-
thématiquesàl’étudedesrelationsdestructure,
c’estsoutenirl’idéequelaformepureexiste
endehorsetau-delàdesesréalisations;c’est
supposerquelesstructuressontdesobjetséter-
nels;c’estadmettrequeleurconnaissancenous
estdirectementaccessible…Lesmathématiques
n’ontplusdegenèse!
le mythe de la rigueur absolue
Laperspectivequenousadoptonsparsouci
d’ouvertureàl’expérienceabolitlemythede
larigueurabsolueauquelPoincaréestencore
enchaînélorsqu’ilécritdansLa Science et l’Hy-
pothèse :
« La possibilité même de la science mathémati-
que semble une contradiction insoluble. Si cette
science n’est déductive qu’en apparence, d’où
lui vient cette parfaite rigueur que personne
2 | maThémaTiques eT sCienCes les maThémaTiques FonT-elles parTie des sCienCes ?
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ne songe à mettre en doute ? Si, au contraire,
toutes les propriétés qu’elle énonce peuvent se
tirer les unes des autres par les règles de la lo-
gique formelle, comment la mathématique ne
se réduit-elle pas à une immense tautologie ? Le
syllogisme ne peut rien nous apprendre d’essen-
tiellement nouveau et, si tout devait sortir du
principe d’identité tout devrait aussi pouvoir s’y
ramener. Admettra-t-on que les énoncés de tous
ces théorèmes qui remplissent tant de volumes
ne soient que des manières détournées de dire
que A est A ? »
Lepointculminantdecetteinféodationau
mythedelarigueurabsoluesetrouvedansla
dernièrephrasedecepassagedulivrequenous
citons:
« Quelle est la nature du raisonnement mathé-
matique ? Est-il réellement déductif comme on
le croit d’ordinaire ? Une analyse approfondie
nous montre qu’il n’en est rien, qu’il participe
dans une certaine mesure de la nature du rai-
sonnement inductif et que c’est par là qu’il est
fécond. Il n’en conserve pas moins soncaractère
derigueurabsolue.»
Maislesmathématiquesontundoubleversant,
nousdittrèsjustementLéonBrunschvicgdans
L’Expérience humaine et la Causalité physique :
« La mathématique unit rationalité et objec-
tivité comme des fonctions solidaires et récipro-
ques qui ne peuvent se séparer l’une de l’autre,
parce que, contrairement au double rêve du
réalisme dogmatique, la rationalité ne peut se
transcender dans l’absolu d’une raison, dans la
pure évidence, pas plus que l’objectivité dans
l’absolu d’un objet, dans l’appréhension immé-
diate. »
Lacrisedesfondementsdesmathématiques,
lesgrandesmuesdelaphysique,audébutdu
XXesiècle,nouscontraignent,sinousvoulons
bienenprendreacte,ànousdébarrasser«du
fantômed’uneraisonquiseraittranscendante
aucoursdelapenséemathématique».Lafiction
delarigueurabsolueséparelesmathématiques
deleursréalisations,aulieudeselimiteràne
paslesréduireàcelles-ci.Elleenfaitununivers
àpart,quitientenlui-même,reposantsurses
basespurementrationnelles.Maiscetidéal,qui
coupelesmathématiquesdetoutenracinement
danslepsychismehumainetdeleurgenèseà
partirdesformesintuitivesdelaconnaissance,
lesramèneàuneimmensetautologie.S’ilya
unemoraleàtirerdel’entreprisehilbertienne
d’axiomatisationformelledelagéométrie,elle
tiendraitdanscetteformuledumathématicien
RenéThom:« Pour accéder à la pure rigueur
dans le raisonnement mathématique, il faut tra-
vailler sur des symboles vides de sens ».L’onaura
évacuélepsychologismecontrelequelFregeet
sesépigonessesontélevésavectantdevigueur,
maisl’onauraégalementrendulesmathémati-
quesinsignifiantes.
mathématiques et construction du réel
Enplaçantlesmathématiquesauxcôtésde
laphysique,danslessciencesnaturelles,ilnous
fautpréciserquecessciencesseconfrontentà
uneréalitémédiatiséeparnosréférentiels,com-
med’ailleursl’ensembledenosconnaissances.
Cessonsd’imaginerquenosvuesportentsur
desréalitésobjectivesdéjàtoutesconstituéesen
dehorsdenous!IlfutréservéàKantdemettre
àjour,parsonanalysedesnotionsd’espace,de
temps,desubstance,decausalité,quecequi
formelaconnaissanceestfonctiond’unestruc-
tureinhérenteàl’espritquiveutconnaître.
Cettedécouverteéquivautdansl’ordremental
àladécouverted’uneloinaturelledansl’ordre
physique.Elleestloind’avoirépuisésesvertus
critiques!
Surlaquestiondel’a priori,ledéveloppe-
mentdessciencesainfirmélathéoriedeKant.
Laportéedesadécouvertefondamentalen’en
demeurepasmoinsentière.L’évolutionactuelle
dessciences,mathématiquescomprises,lacor-
robore.Ilsetrouvepourtantquel’oncontinue
souventd’imaginerunesphèreabstraite,celle
desmathématiquespures,oùlavéritéestabso-
lue.Onparlefréquemmentencesensdel’appli-
cationducalculauxsciencesnaturelles.Etl’on
setrouveincapabled’expliquerenvertude
quoicetteapplicationestpossibleetsiefficace.
CommentlesmilliersdepagesdecalculdeLe
Verrieront-ellesbienpuameneràladécouverte
2 | maThémaTiques eT sCienCes les maThémaTiques FonT-elles parTie des sCienCes ?
deNeptune?Mais,siaulieud’avoird’uncôté
desmathématiquespures,intangiblesdansleurs
structureslogiquesfondamentales,etdel’autre
uneréalitéphysiquedéjàtouteconstituée,nous
avons,commenouslesoutenons,desmathé-
matiquesd’oresetdéjàimplicitementàl’œuvre
danslaconstitutionfamilièredumondephysi-
que,lemystèredisparaît.Eneffet,dèslorsque
nouscherchonsàpréciserdesformesdenotre
connaissanceintuitive,nousintroduisonsunsys-
tèmederepèresaussiinvariablesetaussiserrés
quepossible,parrapportauxquelslesvariations
desdonnéessensiblespeuventêtre«objective-
ment»appréciées:c’estlecheminquimène
directementàl’abstractionmathématiqueet
àlamesure!Lesabstraitsmathématiques,les
conceptsdenombre,dedroiteoudepointsont
encontinuitéaveclesdonnéesintuitivesdont
ilsontétéextraits.
Lesmathématiquessontàlafoisdécouverte
etinvention.Nousn’inventonspaslesformesde
laconnaissanceintuitivedeladroiteoudunom-
breentier,nousnedécouvronspasnonplusune
réaliténaturellequineporteraitpaslamarque
denosstructuresmentales.Nousnesommespas
enfermésdansl’alternative:oubienlesmathé-
matiquessontunedécouvertedespropriétésde
lanatureoubienellessontuneinventionde
notreesprit.Lesdeuxaspectss’entrelacentet
lesfrontièresentrelesmathématiquesetlaphy-
siquenesontpasnettementtranchéesdepart
enpart.Eneffet,rienn’estexpérimentablequi
nesoitcalculableetrienn’estsignifiantauplan
del’abstractionmathématique,siellesecoupe
desesréalisationsdanslessciencesnaturelles.
Cescomplémentaritésrejaillissentsurlesformes
denosconnaissancesintuitivesetlesrectifient,
lecaséchéant.
Conséquences pédagogiques au niveau des
écoles primaires et secondaires
Lesprêtés-rendusauseindessciencesnatu-
rellesentrelesmathématiquesetlaphysique,
maisaussilachimie,labiologie,laissentressortir
la tendance propre des mathématiquesversla
rigueurdesconstructionsabstraites,sanspour
autantquelefilnesecasseavecleversantde
leursapplications.Ilsmettentégalementenévi-
dencela tendance propre de la physique, de la
chimie, de la biologieverslesphénomènesdits
«naturels»,sansquelelienneserompeavecle
pôledelamodélisationetdel’abstrait.
Apartirdelà,l’enseignementdessciences
danslesécoles,lescollègesetlesgymnases
(lycées)doittenircomptedesdeuxdirectives
suivantespouréviterdesconflitsbienconnus
desmilieuxpédagogiques:
a Ilestexcludevoirdanslesmathématiquesl’ar-
chétypedessciencesnaturellesetderéduire
l’étudedelaphysiqueàdesexercicesde
mathématiques.Ilimportederespecterlaten-
dancepropredechaquescience,saspécificité.
Chacuneouvrel’espritàuneméthodologie
caractéristiqueduva-et-viententre«observa-
tion/théorie/expérimentationetobservation
durésultatdel’expérimentation».
bAl’inverse,ilesthorsdequestionderamener
lesmathématiquesauseulbagagenécessaire
auxcoursdephysiqueetdesautressciences,
commesiellesn’étaientqu’unoutilpour
mesurer,calculer,fabriquerdesformules
rigoureuses.Lesmathématiquess’appuient
sur leconcret,nonavant toutpourdes
motifsdidactiques,maisessentiellementpour
seconstruiredeseuild’abstractionenseuil
d’abstraction.Leva-et-viententre«obser-
vation/théorie/expérimentationetobserva-
tiondurésultatdel’expérimentation»leur
estintrinsèque.Lemathématicienetphilo-
sophesuisseFerdinandGonsethaélaboré3
patiemmentetavecunegranderigueurcri-
tiquecetteméthodologieouvertedesmathé-
matiques,quilesraccordeàl’ensembledes
sciencesnaturelles,oùellesmanifestentleur
tendance propre.
Nousterminonsensachantavoirbousculédes
préjugés,suscitédesréactions,maisavecl’es-
poirdedonnerenviederéfléchirplusàfond
surlethèmedel’éducationscientifiquedes
enfantsetdesadolescents,àl’écoleprimaire,
aucollège,augymnase.Nousdisons«éduca-
tion»,carilnes’agitpastantd’enseignerdes
formulesmathématiquesquedefaireaimerla
science,d’enfairecomprendrelasignification
profonde.Danscecadre,ilestnécessaired’en
évoquerl’histoire,avecsestâtonnements.«Vous
necomprenezpasbienladifférenceentreato-
mesetmolécules?Rassurez-vous,leschimistes
lespluséminents,DaltonetAvogadro,sesont
disputéspendantdesdécenniesautourdeces
deuxconcepts!»
pierre-marie pouget
docteur en philosophie et ancien enseignant
de philosophie au gymnase de Nyon
1 Lesrelationslogiquesàleurniveauleplusabstraitnesont
pasdesstructuresdéfinitivesetultimes,àpartirdesquelles
touteslesmathématiquesseraientdéductibles.Lesmathé-
matiquessontpluscomplexesquecelaetdéjouentlesten-
tativeslogicistes,puisqu’aucunsystèmeformelnepeutse
justifierlui-même,sansentraînerlacréationd’unautre.2 Par«formesintuitives»,nousentendonscellesdenotre
connaissancefamilière,quotidienne,susceptibled’évoluer,
d’êtreréviséesouslapressiond’uneconnaissancepluséla-
borée.Ellesplongentleursracinesdansl’organique.L’ondit
aussi«connaissancenaïve»,cequineveutpasdireinefficace
ettoutesimple.Elleestaucontraireappropriéeauxfinsde
l’actionetcomplexe.3 TitresdesprincipauxouvragesdeF.Gonsethsurcesujet:Les
fondements des mathématiques, Mathématiques et réalités,
Philosophie mathématique, Qu’est-ce que la logique ? La
Géométrie et le problème de l’espace.
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Aupremierabord–scientifiquequejesuis,bio-
logisteetthéologien–laquestionm’alaisséper-
plexe:maisqu’est-cequ’ilsfontàl’école,com-
mentremettreenquestionunetelleévidence?
Jedevaisreprendremesespritsetchercherle
frontpolémique.Cetteinterrogationconcerne-
t-elleledevoir(faut-il?),l’enseignement(des
sciences,enoppositionàl’expérimentationpar
exemple),lascienceenelle-mêmeousonensei-
gnementàl’école?Enfin,l’hypothèseàlaquelle
jesuisarrivéestunecompréhensionrestrictive
duconceptdescience,réduitàsonsensocci-
dentalmoderne:faut-ilenseignerles«scien-
ces»,sous-entendulessciencesdelanature,la
connaissancedelanaturedeschoses?Doncune
remiseenquestiondelamathématique,dela
physique,delachimieoudelabiologie?Quelle
aberration!S’ilfallaitréduirel’enseignementà
deuxoutroisbranches,lamathématiqueou
laphysiquemathématiquedevraitaumoinsy
figurer.
Apprendreàapprendre,àpenseretàjuger,à
savoirmettreenbonnerelationlesoi,lesautres
etlemonde,pourmoi,c’estlatâchedel’école,
pédagogiqueetéducative,qu’onleveuilleou
non.
Pourpouvoirnaître avec,ilfautconnaîtreles
objetsaveclesquelsnoussommescensésnaître,
grandir,vivreetmourir(mieuxquecensésserait
sensés,parcequedusensils’agitfinalement,le
sensquejedonneàmavie).L’artdeconnaître
estlascience,etsonacquisitionsefaitparl’ex-
périenceetl’enseignement,lamiseensignes
etsymboles,c’est-à-direunlangagecommun
quipermetdeprendreconscience,depenser,
decommuniquer,voiredecommunier:avecsoi-
même,autruietlemonde.Les«sciences»font
lascience,avecles«lettres»etles«sciences
humaines».Toutunchacunenabesoinpour
comprendre,voireconstruirelemondequiest
lesien,saLebenswelt,lemondedanslequelil
vitetquilefaitvivre.J’espère–surtoutcomme
théologienetpasteur–quec’estlascienceque
vousvoulez,àl’école.Ajoutez-yl’artetlecorps;
jem’occuperaidureste,enaccordavecvous.
armin Kressmann
biologiste moléculaire, théologien,
pasteur et éthicien
FauT-il enseigner les disCiplines sCienTiFiques à l’éCole ?
3FlorenceMilanietChloéJonzier,deuxétu-
diantesdelaHEPVaudau4esemestredeleur
formation,planifientuneséquenced’enseigne-
mentdemathématiques,relevantdudomaine
del’espace,poursixélèvesdedeuxièmeannée
d’uneclassedecycleinitial(CIN).Troismoments
d’enseignementsontprévusàceteffet.Pourdé-
marrerlaséquence,ellesdécidentderaconter
unehistoireauxenfants:
Jérémy travaille dans un très grand et très
beau magasin de jouets. Il y en a de toutes sortes
et de toutes les couleurs, des peluches, des pou-
pées, des jeux… Jérémy, lui, s’occupe de ranger
les voitures. Il fait très attention, car son patron
aime que tout soit bien rangé, sinon il se fâche.
Il ne peut pas placer les voitures dans n’importe
quel ordre. Comme c’est bientôt Noël, la vitrine
du magasin doit être magnifique. Seulement,
Jérémy s’embrouille: il a besoin d’aide ! Voilà la
règle que son patron lui a demandé de suivre : tu
dois mettre à la suite deux voitures rouges, puis
une voiture jaune et une voiture verte ; tu dois
ranger toutes les voitures de la même manière!
Durantledéroulementdel’activité,Chloéet
Florenceontremarquéqueleséchangesdans
lesgroupesetentrelesgroupesétaienttrès
productifs.Voiciquelquesdémarchesd’élèves
qu’ellesontobservéesaucoursdelapremière
phasedelasituation.
Lesélèves:
1 fabriquentuneseulesuite;
2 placenttouslesvéhiculesauhasard;
3 alignentlesvéhiculesselonlarègleetlesran-
gentsousformedetableau,
RRJV,
RRJV,
RRJV;
4 ordonnentlesvéhiculesselonlarègleenune
ligne,RRJV,RRJV,RRJV,RRJV;
5 posentunepremièresériedansl’ordreprescrit
etunedeuxièmedansl’ordreinverse:RRJV,
VJRR.
Danslamiseencommun,chaquegroupe
exprimelesprocéduresutiliséespourrésoudre
leproblème.Lesstagiaires,enreprenantl’une
d’elles,placentunevoiturejauneetdemandent
a la suiTe de l’arTiCle de pierre-marie pougeT, voiCi une parTie Consa-Crée aux maThémaTiques. la diFFiCulTé de l’aBsTraCTion, la néCes-siTé de se siTuer dans son environnemenT, la ConsTruCTion d’ouTils pour ordonner sa Compréhension du monde, sonT auTanT d’as-peCTs qui ConCernenT l’enseignemenT des maThémaTiques. du CYCle iniTial (Cin) au gYmnase, en passanT par le primaire eT le seCondaire i, les maThémaTiques aCCompagnenT les parCours sColaires des élèves. le rôle de la didaCTique esT primordial pour Favoriser non seulemenT l’apprenTissage lui-même, mais aussi, de Façon plus pro-Fonde, l’aTTiTude FaCe à la disCipline pour dissiper si possiBle le sen-TimenT que les maThs, C’esT Trop Compliqué…
aCTiviTé maThémaTique au Cin ou CommenT inTroduire la noTion de régulariTé géoméTrique
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auxélèvesdepoursuivrelasuite.Puis,pourclore
lamiseencommun,ellesproposentauxélèves
detrouverunmoyeninfailliblepourrangerles
voituresenl’absencedupatronetpourserap-
pelerlarègledescouleurs.Unélèvedessineune
premièrevoitureautableau,maiscelaprenddu
temps.Unautreélèveproposedesymboliser
larègleavecdesrondsdecouleurs.Cemême
jour,unprolongementàl’activitéestproposé
auxenfants:àtourderôle,ilsvontjouerlerôle
dupatronetdonnerunerèglederangement
inéditeàleurscamarades.
une semaine plus tard…
ChloéetFlorenceannoncentauxélèvesqu’ils
vontànouveaujoueraveclesvoituresetrappel-
lentl’histoiredeJérémy.Ellesprécisentquela
règlesymboliséeavecdesrondsdecouleursest
notéeautableau,puisellescommuniquentora-
lementlesconsignesdelanouvellesituation.
1 Chaquegroupededeuxreçoitunebandede
papieroùsontdessinéesdescasessymboli-
santdesplacesdeparc,
2 vousdevezchercherlà-basquatrevoituresrou-
gesetlesplacersurlabandedepapier.Une
foisposéesvousnepouvezpluslesbouger,
3 ensuitevousallezchercherlesvoituresjaunes
etvouslesplacezsurlabande,
4 lorsquevousavezparquélesvoituresjaunes,
vousallezchercherlesvertesetvouslespla-
cezaussisurlabandedepapier.
Nosdeuxstagiairesrelèventquecettesitua-
tioncréeuncertainnombrededifficultéset
qu’ellessontobligéesdeproposerdesrelances
pourquelasituationévolueseloncequ’elles
avaientprévu.Ques’est-ilpassé?
Lesélèvesposenttouteslesvoituresrouges
colléeslesunesauxautres;ainsi,lorsqu’ilsvont
chercherlesvoituresjaunes,ilsnesaventpas
combienenprendre.Dececonstatnaîtlapre-
mièrerelancedesenseignantes:« Vous devez
prendre le bon nombre en fonction de la règle
donnée pour ranger les voitures. »
Lesélèvesprennentalors4voituresjaunes,
lesplacentàcôtésdesrougesetfontdemême
aveclesvertes.Lorsqu’ilscomparentlarègle
avecleurrangement,ilsremarquentquel’or-
dren’estpascorrect.Ilsdécidentalorsd’enle-
vertouteslesvoituresdelabandedepapier
etrecommencent.Commeilsont4voitures
dechaquecouleur,ilsréitèrentleurerreur.Les
enseignantestententunenouvellerelanceen
lescontraignantàposerd’abordlesrougeset
àenvisagercequ’ilfautfairepourplacerles
autresvoituresenrespectantl’ordredelasuite.
Latâcheestdifficileetsembletropéloignéede
leurscompétences.
ChloéetFlorencetententmalgrétoutdefaire
réussirlatâche.Constatantquelesélèvessont
perdus,ellesdécidentd’abandonnerl’activitéet
réunissentlesélèvespourunemiseencommun
oùellesvontmontrerétapeparétapecomment
s’yprendrepourréussirl’exercice.
Peudetempsavantlesvacancesdefind’an-
née,pourterminerlaséquence,lesdeuxen-
seignantesproposentauxélèvesuneactivité
papier-crayon,quireprendlamêmesuitede
couleursavecdesguirlandesdeNoël.Troisguir-
landessontàcompléter:lapremièrecommence
pardeuxboulesrouges,ladeuxièmeparune
boulejauneetlatroisièmeparunebouleverte.
Lesélèvesréussissentbiencettefiche:ilsse
trouventenprésenced’unerègleconnue,sym-
boliséeetinscritesurlaficheetpeuventdonc
s’yréférerrégulièrement.L’observationdes
élèvesindiqueunenouvellefoisquedespro-
céduresoriginalessontutiliséespourcomposer
lesguirlandes.Pourcompléterlaguirlande,les
élèvesontréaliséunedémarchetermeàterme,
etsesontréférésàlasymbolisationdelarègle.
Ilsontainsitousterminélafiche…
Commentaires didactiques de la séquence
L’activitéchoisieetdéveloppéeparlesétu-
diantess’estavéréepluspassionnantequeprévu
lorsdel’analyse a priori.
Danslasituationinitiale,ladévolutiondu
problèmepasseparunmédiateur(ici:l’histoire
deJérémy),qui,selonladéfinitiondeBrousseau,
estl’acteparlequell’enseignantconfieàl’élè-
velaresponsabilitéd’unesituationd’appren-
tissagedanslaquelleunsavoirmathématique
estenjeu.Lasituationproposéeparnosdeux
stagiairesmetlesélèvesenprésenced’unehis-
toirecontenantlasourceduproblèmeetd’un
matériel1constituédediversvéhiculesdeplu-
sieurscouleursdontcertainssontdesvoitures
rouges,jaunesetvertes.
Latâchedévolueestlerangementdesvé-
hiculesselonunesuiterépétitiveoùl’onpeut
isolerunmoduleconstituédequatrevoitures
selonunordredecouleursdéterminé.Chloéet
Florencedécidentdeneriendire,niàpropos
desactionsàconduirepourréussirl’activité,ni
surl’utilisationdesvéhiculesrestants.
Lasuiteordonnéerouge-rouge-jaune-vert
doitêtrerépétéeautantdefoisquelematé-
rielàdispositionlepermet.Unesuiterépétitive
s’apparenteaussidupointdevuedudomaine
del’espaceàunefriseobtenuepartranslation
d’unmotif2.Cetravailsurlessuitesetsurla
reproductionrégulièred’unerègledonneà
l’élèvelapossibilitédeplanifierdifférentes
démarchesafind’obtenirunrésultatquipeut
êtreanticipé,puisvalidé.C’estaussil’occasion
pourlesenseignantesdedemanderauxélèves
d’expliquerleursdémarchesconcrètementdans
desmomentsdemiseencommun.
L’activitéprévuen’estpasnouvelledansle
cadredesactivitésmathématiquesproposées
auxenfants.Elles’inscritdansuneréflexionsur
lesrégularitésetéventuellementsurlesnotions
deproximitéetdefrontières.Enobservantles
régularités,lejeuneélèvepeutétablirdesliens
numériques(chaquesuiteaquatrevoitures,
dontdeuxrouges,unejauneetuneverte)et
organisel’espace.Lesdeuxvoituresrougespré-
cèdentlavoiturejaune,quielle-mêmeprécède
lavoitureverte,àconditionquel’onsesitue
surunelignegauche droite.Or,volontairement
etaucontrairedesenfilagesdeperlesquiim-
posentunordreunique,l’activitéproposée
peutégalements’effectuerselonl’ordredroite
gaucheet,danscecas-là,l’ordreestinversé.En
effet,avantlesdeuxrougesdumodèle,l’élève
peutsedire:«Jevaisdevoirposerunvert,et
ensuiteunjauneetensuitedeuxrouges.»
a propos des démarches des élèves
Danslecasdelapremièredémarche(cf.dé-
butdecetarticle),lesenseignantessontinterve-
nuespourrelancerl’activité,ensoulignantque
touteslesvoituresdevaientêtrerangées.
Pourlesdémarches2,3et4,unproblèmesur-
vientaumomentoùlenombredevoituresest
insuffisantpourfabriquerunesériecomplète.
Certainsélèvesdécidentalorsdelesmettretou-
tesàlasuitesanssesoucierdelarègle,d’autres
denepasentenircompte.Ilsjustifientlanon-
priseenconsidérationduresteendisantqu’il
estimpossibledelesrangeretderespecterla
série;certainsvéhiculesneprendrontdoncpas
placedanslavitrine.
Lenombrechoisidevéhicules,nepermettant
pasd’appliquerentièrementlarègle,provoque
desdiscussionsstimulantesentrelesélèves:ils
verbalisentlescontraintesdelasituation,véri-
fientleurrangement,validentleursolutionet
lajustifient.
Dansladémarche5,lesélèvesposentles
voituresdansl’ordreinverseenprocédantde
manièresimilaireàd’autresactivitésmathéma-
tiquesvécuespeuavantenclasse.
Danslamiseencommun,unephasedefor-
mulationdesdémarchesdemandéeàchaque
groupepermetauxenseignantesuneforme
d’institutionnalisation,puisqu’ellesdemandent
auxélèvesdetrouverunmoyenpourrangerles
voituresetdeserappelerlarègledescouleurs.
Cefaisant,lesstagiairesopérationnalisentle
passagedel’actionàlareprésentationiconi-
que(dessinerlesvoitures),puissymbolique(les
représenterpardesrondsdecouleur),passage
dontonconnaîtl’importancepourl’enseigne-
mentaucycleinitial.
Lorsduderniermomentdecemêmejour,en
donnantàtourderôleunerègleàuncamarade,
lesélèvesonttissédesliensentreproductionet
compréhensiond’unereprésentationécrite.
Unesemaineplustard,ladeuxièmephase
del’activitédidactiqueintroduitdenouvelles
contraintesetmetenjeuplusieursvariables
didactiques.Silasuitetravailléerestequantà
elleinvariable,lasituation problèmeproposée
prendencompteàlafoisdesaspectsliésàla
logiquedesensembles,audomainenumérique
etàl’organisationdel’espace.Eneffet,lesélè-
ves,pourréussir,doiventplacerdansunpremier
tempslesquatrevoituresrougesenrespectant
l’ordredescouleursRRJVdelasérie.Lamiseà
dispositiond’unebandedepapierdehuitcases
metenjeul’organisationdel’espaceetlanéces-
sitédelaisserdeuxcasesvidesaprèsavoirposé
lesdeuxélémentsrouges.
L’exigencecognitivedelatâcheestimportan-
te,lesrelancess’avèrentdifficiles.Lerappelde
larègleostensiblementsymboliséeautableau,
bienqu’importantpourlavalidationdesréso-
lutionsobtenuesparlesélèves,n’amènepasde
nouvellesprocédures.
Dansuneperspectivedidactique,ladifficulté
degérerl’activitéetdelaconduireàsonterme
soulignel’importancedel’analysea priori dela
tâcheetavecelle,lapriseencomptedupoidset
dujeudesvariablesentreelles.Dèslorssaisirla
naturedeserreursdesélèvesdevientprimordial
R R R R
3 | les maThs du CYCle iniTial au gYmnase aCTiviTé maThémaTique au Cin ou CommenT inTroduire la noTion de régulariTé géoméTrique
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danslagestiondelatâcheetdansleréajuste-
mentdesobjectifsprévus.Danslescommentai-
resdidactiquesdesnouveauxmoyensd’ensei-
gnementdemathématiques3,onpeutlire:«Il
fautrappelerquelesconceptsnes’enseignent
pasetque,dansledomainedeladécouvertede
l’espaceenparticulier,ilseraitvaindechercher
àleshiérarchiser.Deplus,iln’estpaspossiblede
savoiroùenestchaqueenfant,individuellement,
danslaformationdecesconcepts».
Anoterencorequedurantlessemainesentou-
rantlesséquencesd’enseignement,lesélèvesont
pus’entraîneràconstruiredessuitesrégulières
avecunjeules perlesoùlematérielestconstitué
decartesmodèlesdedifficultésgraduelles,d’un
supportetdesperlesàenfilerpourreproduire
et/oupoursuivredessuitesrégulières.
Accumulerdesexpériences,devoirprendre
encomptedifférentesvariablesconjointement,
seconfronteràunerègleécritesontautantde
situationsquelesenfantsdelaclassedeChloé
etFlorenceontpuvivre.Or,aucycleinitial,
l’expérienceparl’élèveestlefondementdela
constructionetdelastructurationdel’espace.
Notreoptionestdoncdesoutenirquelesélèves
viventetaccumulentdesexpériencesgéométri-
quesvariées,enfonctionducontexteetcela
toutaulongducycle.Lapropositiondeplan
d’étudesenmathématiquesaucycleinitiallare-
prendavecleconceptd’éducationmathémati-
queetscientifique4etretienttroiscompétences
privilégiéesàdévelopper5.
SelonCerquetti-AberkaneF.&BerdonneauC.6,
«fairedesmathématiques,c’estavanttoutdans
unpremiertempsdonneràl’enfantl’occasion
d’agir,etultérieurementl’ameneràréfléchir
sursesactions».Pourillustrercepropos,Chloé
etFlorence,aprèsunephased’action(mani-
pulationdesvoitures),passentàunephasede
verbalisationenproposantàchaquegroupede
réfléchirsurlesmotsqu’ilpourraitutiliserpour
expliquerauxautrescommentilfaitpourranger
lesvoitures.
en guise de conclusion
NousavonsrencontréChloéetFlorenceàtrois
reprises.Lapremièrefoisavantledémarragede
laséquence,oùnousleuravonsproposédiverses
activitésd’enseignementrelevantdudomaine
mathématiquedel’espaceettransmisdesdocu-
mentsleurpermettantdechoisiretdepréparer
unesituation problème.Aprèslamiseenœuvre
pratiquedelapremièresituation,ellesnousont
racontécequis’étaitpasséenclasse,etnous
avonsdéterminéensemblequelquespistespour
lasuitedelaséquence.Untroisièmeentretien
nousapermisdeprécisercertainsélémentsdela
situation,derevenirsurlesapprentissagesetde
discuteravecnosdeuxinterlocutricesduprojet
d’article.Entrelesdifférentsmomentsd’ensei-
gnementetderencontres,lesdeuxstagiaires
nousontenvoyéparécritlapréparationdeleur
séquence,lerécitdecequis’estréellementpas-
séenclasse,desidéesdevariablesetdevarian-
tespourdifférencierl’enseignementetquelques
pistesd’analyse.Toutescesinformationsnous
ontétéprécieusespourcommenterlaséquence
d’enseignementetnoustenonsàremercierFlo-
renceetChloépourleurinvestissement.
Cetteexpériencedeformationetdecollabo-
rationsoulignel’importanced’uneapproche
didactiqueplurielledanslacompréhensiondes
gestesprofessionnels.Eneffet,lesconnaissan-
cesdesphénomènesdidactiques,entreautres
lathéoriedessituationsetleconceptdecontrat
didactiquedéveloppésparBrousseau7,nousper-
mettentd’analyserlesséquencesd’enseigne-
mentetdeproposerdespistesauxétudiantes
demanièreformatrice.Lecadrederéférence
etd’analysedéterminéparlesprofesseureset
l’engagementdesétudiantesdansletravailde
planificationetdemiseenœuvrerendentl’ar-
ticulationentrethéorieetpratiqueparticulière-
mentformatrice.
elisabeth stierli
professeure formatrice, HEP Vaud
Chantal Tièche Christinat
professeure formatrice, HEP Vaud,
Institut de pédagogie spécialisée (IPS)
en collaboration avec Florence milani,
Chloé Jonzier
étudiantes HEP
1 Matériel:desvéhiculesrouges,vertsetjaunes+quelquesavions
etlocomotivesdemêmescouleurs.2 Boule,F.(2001).Questions sur la géométrie et son enseigne-
ment.Paris:NathanPédagogie.«Unefriseestunpavageà
unedimension.Elleestdonccaractériséeparunmotifetune
translation.»(p.127)3 GagnebinG.&al.(1998).Apprentissage et enseignement des
mathématiques: commentaires didactiques sur les moyens d’en-
seignement pour les degré 1 à 4 de l’école primaire.COROME,
p.145.4 Aeschbacher,F.,Carrard,C.,Stierli,E.,Tièche,C.(2006).Proposi-
tion de plan d’études mathématiques au cycle intial. Neuchâtel:
IRDPetmandatDGEO.5 Lapremièreréfèreàlacompétenceàsereprésenteretàrésou-
dredessituations problèmesenconstruisantetenmobilisantdes
notions,desdémarchesetdesconnaissancesproto-scientifiques
–del’ordredubalbutiementscientifique–etscientifiques.
Lasecondecompétenceconcerneledéveloppementdelapen-
séelogico-mathématiqueenétablissantdesrelationsentre
différentesactionsetconnaissancesetenpermettantl’élabo-
rationd’unraisonnementmathématiqueinductif,déductifet
créatif.
Latroisièmeconcentresonattentionsurlacommunicationet
surl’acquisitiond’unlangagemathématiqueafindefamilia-
riserl’élèveàcommuniquerdansunlangageappropriéses
procéduresderésolutionetsesrésultats.6 Cerquetti-Aberkane,F.&Berdonneau,C.(1994).Enseigner les
mathématiques à la maternelle.Paris:Hachetteéducation.7 Brousseau,G.(1996).«Fondementsetméthodesdeladidac-
tiquedesmathématiques»,in Didactique des mathématiques.
Lausanne:DelachauxetNiestlé.
pourquoi les maThs à l’éCole ? pour simpliFier la vie ?
DanssonouvragePourquoi des mathémati-
ques à l’école 1,RolandCharnayaffirmesansam-
bages:«Quandlesmathématiquesenseignées
àl’écolepermettentdesimplifierainsilaviede
l’élève,plutôtquedelaluicompliquer,ellesse
rapprochentdesvraiesmathématiques.»
Voilàquitranchecurieusementavecune
conceptioncommunedesmathématiques«qui
compliquentlavie».Voilàquiremetenques-
tionbiendescoursdemathsdonnésouenten-
dus.Etpourtantcetteidéedecomplicationde
laviedel’élèvepourraitexpliquerbeaucoupde
frustrationsoudedéceptions.Envoiciquelques
exemples.
1 Noussommesentroisième.Lamaîtressea
expliquéettravaillélasoustractionencolonnes
parempruntsetdonneàfaireàdomicileune
fichecomportantvingtsoustractionsdutype:
ou encore
Bienentendu,lebutestlouableetlesélèves
vontabondammenttravaillerlesdifficultésdes
retenuesenprésencede0.Toutefoislatech-
niqueimposéeiciestbeaucoupmoinsefficace
quecequecertainsappellentla«techniquede
lasommelière».Commelorsquecelle-cirendla
monnaiesuruncaféà3fr20onpeutfaireici,
oralementouparécrit:
374 : 6 pour aller à 380
20 pour aller à 400
600 pour aller à 1000
Donc il faut 626 pour aller de 374 à 1000.
Sionexaminel’effetdecegenred’exercice,il
estassezévidentquelesélèvesvontconsidé-
rerl’algorithmedelasoustractioncommeune
complicationetnoncommeuneaideàrésoudre
desproblèmesoudescalculsdefaçonplussim-
plequ’aveclesmoyensdecalculréfléchidont
ilsdisposaientauparavant.Cecisansparlerdes
blocagesausujetduzéro2!
2 Noussommesenhuitième.L’enseignanta
commencéàtravaillerlecalcullittéralainsique
larésolutiond’équationsdupremierdegré.
Assezrapidement,afindeprésenterl’utilisa-
tiondecenouveloutil,ilproposeunproblème
classique:
Un marchand fait trois foires.
A la première, il double son argent, puis
dépense 30 pistoles.
A la deuxième, il triple son argent, puis
dépense 54 pistoles.
A la troisième, il quadruple son argent puis
dépense 72 pistoles.
Il lui reste alors 48 pistoles.
Combien de pistoles avait-il au départ?
L’enseignant,aprèsavoirlaissésesélèvesréflé-
chir,construitaveceuxlarésolutionalgébrique
classique:
Quantitédepistolespossédéeaudépart:
x
Quantitérestanteaprèslapremièrefoire:
2x-30
Quantitérestanteaprèsladeuxièmefoire:
((2x-30)·3)-54
Quantitérestanteaprèslatroisièmefoire:
((((2x-30)·3)-54)·4)-72
Onsaitparailleursqu’illuireste48pistoles.
Onadoncl’équationàrésoudre:
((((2x-30)·3)-54)·4)-72=42
1000
- 374
1000000
- 539201
3 | les maThs du CYCle iniTial au gYmnase pourquoi les maThs à l'éCole ? pour simpliFier la vie ?
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L’enseignantselanceensuitedanslarésolution
del’équationautableau.Ilindiqueégalement
lessimplificationspossiblesàchaqueétape.Il
arrivefinalementaurésultat.
Unemainselèvealors…
Elève—Maism’sieur,moij’aitrouvé29sans
fairetouscestrucs!
Prof—Ouibiensûr,onpeutessayeraubolet
tâtonner,maisçapeutêtrelongsi…
Elève—Non,j’aisimplementfaitàl’envers!
Alafinilluireste48.Justeavantiladépensé
72,doncilavait48+72,donc120.Avantila
quadruplé,doncilavait30.Etainsidesuiteet
j’arriveà29.
Unmurmureparcourtlaclasse.Presquetous
lesélèvesn’ontpassuivilesexplicationsdeleur
camarade,maisplusieursvoixs’élèventpour
confirmer:c’estbienplussimple!
L’enseignantchoisitdedemanderàl’élève
d’expliquerànouveausaméthodeàlaclasse
etconclut:«C’estunebonneidéeeticic’est
assezsimple.Jevousdemandetoutefoisd’uti-
liserl’algèbrepourrésoudrelesproblèmesque
jevaisvousdonner,carautest…»
Iciencore,lenouveloutilestpourlesélèvesun
moyenimposéqui«compliquelavie».Certes,
unebonnepartied’entreeuxaccepteracette
contrainteetseplieraàcetypederésolution.
Toutefoiscetoutilresterafondamentalement
étrangerpourlaplupartdesélèvesetserarapi-
dementoublié.
Onpourraitmultiplierlesexemplesdeproblè-
mesà résoudre par voie algébriquequiserésol-
ventplussimplement,pourdesélèves,sansutili-
serd’algèbre.Onpourraitàcesujetexaminerles
testsproposésauxélèvesdehuitième.Pourma
part,j’aifaitl’exerciceàpartird’unmanueld’al-
gèbre3.Surlesquarante-huitpremiersproblè-
mesdes«Rudimentsdel’algèbre»,trente-cinq
peuventserésoudrepardesméthodessouvent
plussimplesquelecalculalgébrique;plussim-
plespourl’élèvetoutaumoins,sachantl’in-
vestissementàconsentirpourpasserauniveau
d’abstractionsupérieurqueconstituel’algèbre.
Faut-ildèslorss’étonnerquepourbonnom-
bred’élèves,ycomprisdanslavoieconduisant
auxétudeslongues,l’algèbrenedevienneja-
maisunlangageutilisable?Faut-ils’étonner
quelesprofsdegymnasesseplaignentd’une
incompétencegravedeleursélèvesàeffectuer
desopérationsélémentairesdecalcullittéral4?
Cesdeuxexemplessontpeut-êtreunpeucari-
caturaux.Ilssontpourtantàlafoisauthentiques
etrécurrents.Ilnes’agitpasicid’affirmerque
touteslesnotionsmathématiquespeuventêtre
présentéessouslejourd’outilsquisimplifientla
vie.Ilresteparfoisnécessaired’apprendreune
techniquedontlavéritableutiliténeseravisible
queplustard.Ceseraitparexemplelecasdu
calculfractionnairequi,dansnotreculturedéci-
male,n’apporteguèredesimplification,maisqu’il
fautmaîtriserdansledomainenumériqueavant
del’utiliserdanslechamplittéral.Cependantilest
souhaitableden’utiliserl’argumentce sera utile
plus tardqu’endernièreextrémitéetd’expliquer
lepluspossiblequandetcommentlaconnaissan-
ceenquestionprendratoutesasignification.
Nombreusessontlesinjonctionsquiincitent
lesenseignantsàprésenterlesnotionsetoutils
mathématiquesdansl’optiquepréconiséepar
Charnay.Ellessemblentvenirtantdelarecher-
cheendidactiquedesmathématiques5que
delaformationinitialeetcontinuedesensei-
gnants.Maisellessontaussitrèsprésentesdans
lesplansd’étudesetdanslesméthodologiesac-
compagnantlesmoyensd’enseignement.Quel-
quescitations:
« A l’école, l’élève apprend les mathématiques
lorsque le maître le met en situation de déve-
lopper ses multiples facultés pour vivre toutes
les phases d’une activité de recherche et engen-
drer ainsi les attitudes qu’exige une démarche
scientifique. » 6
«L’action finalisée est source et critère du sa-
voir […]. Les techniques, notions ou outils parti-
culiers se construisent au cours des périodes de
recherche, où leur utilisation se révèle fonction-
nellement nécessaire.» 7
«On se propose maintenant de poser des
questions avant que d’avoir enseigné la manière
d’y répondre […] d’attendre le moment où [les
connaissances] se révèlent nécessaires, où elles
deviennent fonctionnelles, où elles prennent du
sens.» 8
Pourtantforceestdeconstaterquecesinjonc-
tionsconvergentesnesontdeloinpastoujours
suiviesparlesenseignantesetlesenseignants
dansleurspratiquesquotidiennesetquelesno-
tionssontsouventintroduiteshorsdespériodes
derechercheoùleurutilisationserévèlefonc-
tionnellementnécessaire.Cebrefarticlenepeut
évidemmentpasexplorerlesraisonsdecettedif-
ficultéd’implantation.Notonstoutefoisqu’on
entendsouvent,delapartdesenseignants,le
reprocheque«cettemanièred’enseignerest
tropcompliquée»ouencoreque«cejargonde
pédagogueesttropcompliqué».Onsetrouve
ainsidevantleparadoxed’untyped’enseigne-
mentquiveutquelesmathématiquesapparais-
sentàl’élèvecommeunoutilde«simplification
delaviedel’élève»,maisquiseprésenteaux
enseignantscommeunfacteurdecomplication
deleurenseignement.Ceparadoxeinterpelle
didacticiens,formateursetauteursdemoyens
d’enseignement.Sapriseencompteestnécessai-
reàunevéritableimplantationdesréformesen
coursdansl’enseignementdesmathématiques.
L’implantationdecesréformesestd’autant
plusdifficileque,pourbeaucoupd’enseignants,
deparents,maisaussid’élèves,l’applicationmé-
caniquedetechniquesmathématiquesstandar-
diséesestlamanièrelaplusefficacedesimplifier
l’usagedesmathématiques.Cetteopinionest
souventfondéesurl’observationdesrésultats
àcourttermeetleschercheurseux-mêmessont
loind’êtreunanimes.Faceàl’injonctiond’étu-
diantesetd’étudiants:«maisdites-nous,quelle
est,selonlarecherche,laméthoded’enseigne-
mentdesmathématiqueslaplusefficace»,je
suisobligé,entantqueformateur,derappe-
lerlarelativitédescritèresd’efficacitédansles
recherches.J’insisteégalementsurlanécessité
pourunenseignantdeposséderdanssabesace
unegrandevariétéd’outilsafindepouvoir
choisirleplusappropriépourenseignertelle
notionàtelleclasse,celuiquiauralameilleure
efficacitépourunesituationdonnée.Cenesera
pasforcémentl’approchepédagogiqueoudi-
dactiquelaplussimple,ceneserapasforcé-
mentcellequipermettraauxélèvesd’obtenir
àcourttermelesmeilleursrésultatsdansune
épreuvecommune,maiscedevraitêtrecellequi
permettralemieuxauxélèvesd’acquérirdes
connaissancesmobilisablesdanslasuitedeleur
«viemathématique»,cellequileurpermettra
defairedesmathématiques,d’apprendreles
mathématiques.
C’estpeut-êtrelerôledeladidactiquedes
mathématiques,commelesouligneBrousseau:
« Une des fonctions de la didactique pour-
rait être alors […] de contribuer à mettre un
frein, enfin, à un processus qui consiste à trans-
former le savoir en algorithmes utilisables par
des robots ou des humains sous-employés et à
diminuer la part de réflexion noble dans tou-
tes les activités humaines pour en faire dévolu-
tion à quelques-uns. Pour sacrifier au dieu de
la soi-disant efficacité, l’enseignement prête
son concours aujourd’hui à la réduction algo-
rithmique et à la démathématisation. J’espère
profondément que la didactique pourra com-
battre cette dépossession et cette déshumani-
sation. » 9
Ainsilesoucidel’introductiondeconnaissan-
cesmathématiquesenlienimmédiatavecleur
utilisationdanslarésolutiondeproblèmesper-
metdefaireserencontrerdeuxpréoccupations
souventconsidéréescommeantagonistes:celle
d’enseignerlesmathématiquessanssebornerà
larépétitiondefichesoud’exercicestechniques
etcelledefaireacquérirauxélèvesunevérita-
bleculturemathématique,pour«l’honneurde
l’esprithumain10».Rapprochercesdeuxpréoc-
cupations,c’estaussi,pourparaphraserChar-
nay,rapprocherlesmathématiquesscolairesdes
vraiesmathématiques!
stéphane Clivaz
professeur formateur à la HEP
et enseignant au secondaire I
1 Charnay,R.(1996).Pourquoi des mathématiques à l’école ?
Paris:ESFéd.,p.75.2 VoirparexempleGuedj,D.(2005). Zéro ou les cinq vies d’Aé-
mer : Roman.Paris:R.Laffont.3 L’excellentouvrageL’algèbre mode d’emploideGérard
CharrièreétaitutiliséenVSBjusqu’àl’arrivéedesnouveaux
moyensromandsMathématiques7-8-9.Lesproblèmesalgé-
briquessimplessontplacésdansunchapitre22intitulé«Les
rudimentsdel’algèbre».4 Voirdanscenumérol’article«TransitionsecondaireI-secon-
daireIIenmaths:undialogue».5 Voirparexempleleconceptdesituationadidactique,de
contratdidactique,demilieu,etc.danslathéoriedes
situationsdeGuyBrousseau.Unedéfinitionsimpledeces
conceptspeutsetrouverentreautresàl’adresse:
http://perso.orange.fr/daest/guy-brousseau/textes/Glossaire_
Brousseau.pdf6 PEV2006,CYP.7 Fondements2et4desConceptions d’ensemble de la collec-
tion Mathématiques 1P-4P,citésdansBrêchet,M.,Calame,
J.-A.,&Chastellain,M.(2003).«Structureetorganisation.»
In Mathématiques 7-8-9(pp.27-28).Lausanne:CIIP-LEP.8 Gagnebin,A.,Guignard,N.,&Jaquet,F.(1998).Apprentis-
sage et enseignement des mathématiques, commentaires
didactiques sur les moyens d’enseignement pour les degrés
1 à 4 de l’école primaire.Lausanne:Corome.9 Brousseau,G.(1989).«Utilitéetintérêtdeladidactiquepour
unprofesseurdecollège.»Petit X, 21,p.68.10 Dieudonné,J.A.(1987).Pour l’honneur de l’esprit humain :
Les mathématiques aujourd’hui.Paris:Hachette.
3 | les maThs du CYCle iniTial au gYmnase pourquoi les maThs à l'éCole ? pour simpliFier la vie ?
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un grand merCi aux Trois élèves du gYmnase de nYon qui onT Bien voulu éCrire un peTiT moT sur leur véCu aveC les maThs!
les maThs eT moi
Lesmathsetmoi,cen’estpastoujoursune
grandehistoired’amour,çaavanceplutôtpar
déclics.En7e,jenecomprenaisdécidémentpas
pourquoiunx2etunxnepouvaientpass’addi-
tionnerjusqu’àcequeleprofm’expliquelemême
exerciceavecdespommesetdespoiresetquece
soitl’illumination.Ensuitevintlamiseenéviden-
ce(mêmeaveclespommesetlespoires,onpeut
mettrelatigeenévidence),puisdescalculsplus
compliqués,leséquationsparamétriquesetcom-
pagnie.Lesparamètres,c’étaitencoreunautre
problème.Déjàquelesxfaisaientpeur,onsere-
trouvaitmaintenantavecdesa,desboumême
desm.Seulement,auboutdequelqueslignesde
calculsontombaitparfoissurunefractionénorme
oùtouts’annulaitetoùilnerestaitfinalement
qu’unchiffre(quicorrespondaitavecunpeude
chanceàceluiécritàlafindulivredanslesso-
lutionsauxexercices)etça,c’étaitgénial.Mais
puisqu’enmathsquandiln’yenaplus,ilyena
(toujours)encore,onrajoutaitàtoutcelaunpeu
detrigo,desπetj’enpasse.Aufildutempson
serendcomptequetoutcequel’onaapprisse
rejoint,quetoutesceschosesabstraitesforment
bienquelquechosesionaunevued’ensemble.
Là,jepensaisavoirunepetiteidéedecequesont
lesmaths…jusqu’àcequ’arrivel’algèbrelinéaire,
sorted’OVNIdanslepaysage,oùl’onpasse15
minadémontrerque1·u=u.Çafaisaitlong-
tempsquejenem’étaispasretrouvéefaceàun
sujetquineressembleàrien,oùtoutcequipa-
raîtlogiquenel’estplus.Aprèsunebonnedose
destressavantletest,lefameuxdéclicestenfin
arrivéetcettealgèbrequimeparaissaitinsurmon-
tablen’estpeut-êtrepasdevenueévidente,mais
entoutcascompréhensible.Jen’airiendeparti-
culiercontrelesmaths:àpartirdecemoment-là,
c’estbien,maisjusqu’audéclic,c’estduretilfaut
parfoiss’accrocheretpasseruneheureànerien
réussirpourfinalementcomprendre.C’estparfois
décourageant,maisfranchement,quandleprof
donnelerésultatdelaracinede243encomp-
tantsurlesdoigtspendantqueles16autresélè-
vesmettentplusdetempsàtapoterlecalculsur
leurmachineàcalculer,ilfautdirequeçadonne
quandmêmeenvied’aimerlesmaths.
virginie uhlmann
Lesmathématiquesetmoi,çafait10.Enfait,
jesuissilamentablequej’ajouteraisencoreune
fois10.C’est-à-dire1000...
Beaucoupdegensdemonentouragepen-
sentquemeslacunesenmathsvontmenuire
unjour.
Aucontraire!Chaquepersonneabesoin,pour
sonbien-êtreoupoursasérénitédetrouverun
peudetempspourméditer.Maisdansnotre
société,faitedestress,peudegensontencore
cettechance.Ehbienmoi,oui!Grâceauxma-
thématiques!Troisfoisparsemaine,durantmes
coursdemaths,j’ailetempsdepenseràtoutes
sortesdechoses;àmavie,àmonavenir,àmes
enviesmaisaussiaufonctionnementduméta-
bolismedelafourmirougeounoire(carilest
trèsdifférent)ousurlafindel’humanité.Enfin,
touteslesquestionsexistentielles.Etcelapen-
dantquemescamaradesdeclassesecassentla
têtepourmultiplierouadditionnerdeslettres...
Nonmais,c’estn’importequoi!Commentpeut-
onéprouverunintérêtpourdeschosesaussi
subjectives,irréellesetsurtoutinutiles!
Etlorsquel’onal’audacedeposerauxprofes-
seurslafameusequestionqu’ilsdétestenttous:
«çanousserviraàquoi?»,ceux-cinousrépon-
dent,sansrire,quecelanousaiderasil’onveut
construireunpont.
Etbien,moi,assiseaufonddelaclasse,je
ricane,carmonavenirest,grâceàcesirrempla-
çablescoursdemaths,déjàbiendéfini:avecces
lettresquevous,vousmultipliez,moijeferai
despoèmesetdurantmontempslibre,j’étu-
dierailesfourmisrouges!
lucile Franz
25janvier2004.Jesuisfaceàlafeuilled’ins-
criptionaugymnasedeNyon.Onmedemande
dechoisir,denoircirdespetitescases.Jem’ar-
rêtedevantl’uned’elle,ellemedonnel’occasion
demepousseràtravaillerdur.Jeveuxvoirce
quec’est,essayer.Alors,enpensantàsurpasser
manaturefainéanteet,sanspenserauxautres
matièresquiallaientmedonnerdufilàretordre,
j’aicochélacasefatidique.Ilétaittardlesoir,et
naïvement,jel’admets,jevenaisdem’inscrire
enmaths renforcées.
Pourcertains,cettedécisionéquivaudraitàun
suicidescolairemaisdansmoncas,celaressem-
blaitplutôtàundéfi.N’oublionspasquecette
époqueétaitmarquéeparDame Innocence ;je
n’avaisque15ansetpourmoiunradianétait
unrongeur.
Letempsaidant,jemesuislaisséefascinerpar
ununiversderigueuretderationalité.Avecun
soinrelatif(carl’onnepeutsedéfairedupéché
deParessesiaisément),j’aiassimilélesrèglesqui
régissentlemondedel’Abstrait.Aufildescours,
jemesuisaventuréed’unpasparfoischancelant
deplusenplusloindanslalogique,larationa-
litéetmêmequelquefois,dansl’irrationalité.
Souvent,deséclairsdecompréhensionbrefset
vifsmefoudroientet,danscesinstants,jetou-
cheauplaisirsiparticulierdel’apprentissage:le
nirvanadelaBonne Réponse.
Troisansaprès«lacochefatidique»,ladistan-
cequimeséparedel’arrivéetendvers0.Mon
périplemathématiquetouchebientôtàsafinet
monannéescolaireaussi.Lesquestionssubsis-
tentmaisjesaisqu’ilmeresteencorebeaucoup
àapprendre,àdémontreretàcalculer.Malgré
tout,unequestionm’obsèdeplusquelesautres:
àquoiressembleunradianencage?
lilly Khamsy
3e année maturité, Gymnase de Nyon
3 | les maThs du CYCle iniTial au gYmnase les maThs eT moi
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le TexTe qui suiT aBorde la quesTion de la TransiTion enTre le seCondaire i eT le seCondaire ii. prismes a déJà TraiTé CeTTe ThémaTique dans son premier numéro. nous avions alors mis en évidenCe Trois pôles essenTiels TYpiques des siTuaTions de TransiTion en milieux sColaires: les aspeCTs relaTion-nels, le Cadre soCial eT les quesTions liées à la didaCTique. C’esT ClairemenT dans le Champ de Ce Troi-sième poinT que les deux auTeurs de CeT arTiCle s’inTerrogenT sur la TransiTion en maThémaTiques. sTéphane Clivaz eT miChel deruaz sonT enseignanTs eT FormaTeurs à la hep vaud. le premier Forme à l’enseignemenT des maThs au seCondaire i eT enseigne au Collège de l’elYsée. le seCond donne des Cours de didaCTique des maThémaTiques au seCondaire ii eT enseigne au gYmnase de nYon. ils parTa-genT le même Bureau à la hep eT CeTTe proximiTé esT l’oCCasion de nomBreux dialogues au suJeT de la TransiTion en maThémaTiques. le TexTe qui suiT esT une reConsTiTuTion, inéviTaBlemenT réduCTriCe, d’une de Ces ConversaTions. CeT arTiCle, par sa Forme vivanTe, esT un momenT de réFlexion sur CeTTe quesTion, qui, nous l’espérons, sera suivi par d’auTres approFondissemenTs.
TransiTion seCondaire i – seCondaire ii en maThs : un dialogue
Michel Deruaz–Leniveaubaisse,cetteaffir-
mationestvieillecommelemondeoupresque.
Onpeutprobablementlafairecoïncideravecles
débutsdel’enseignementpuisqu’onlaretrouve
déjàchezPlaton.Jesuisdoncbienconscient
quesijeveuxdiscourirdanscettedirection,il
mefaudraunpeuargumenterpourquel’on
m’écoute.Depuisquelquesannées,certains
gymnasesfontpasserauxélèvesquiarrivent
enpremièreannéeuntest1pourévaluerleur
niveau.Alalecturedesrésultatsdecetest,les
impressionsquej’aienclassesontvérifiées;un
certainnombred’élèvesarrivesanspeineàré-
pondreauxquestionposées.Jeregrettemême,
pourunepartied’entreeux,qu’ilssetrouvent
enniveaustandard,ilsprogresseraientcertaine-
mentmieuxenniveaurenforcé,plusstimulant
pourceuxquiontdelafacilité.Malheureuse-
mentd’autres,tropnombreuxpourquel’on
n’enparlepasetpourlesquelsjem’inquiète
beaucoup,ontdegrandesdifficultéslorsqu’ils
doiventrésoudredesexercicesquifontinter-
venirunpetitpeudecalculalgébrique.Lesexi-
gencesminimalesont-ellesbaissésurcespoints
précisausecondaireI?
Stéphane Clivaz–SansremonteràPlaton,je
saisque,lorsdemapremièreséancedecoordi-
nationentrecollègeetgymnaseilyapresque
quinzeans,cetypedeconstatationsétaitdéjà
àl’ordredujour…Deplus,encequiconcerne
lepland’étudesdusecondaireI,lesexigences
n’ontpasbaissé.Certeslasectionscientifique
adisparu,cen’estd’ailleurspasunedécision
dusecondaireI,maispourlecoursde baseles
compétencesàacquérirenfindeneuvièmesont
sensiblementlesmêmesqu’en1991.Ainsi,situ
leveuxbien,parlonsplutôtd’unniveauquise-
raitinsuffisantplutôtqued’unniveauquibaisse.
Prenonsquelquesexemplesafindevoirsimes
impressionsdefindeneuvièmecorrespondentà
tesobservationsdedébutdusecondaireII.Cela
nouspermettrapeut-êtredemieuxcomprendre
certainsécartsetdetravailleràlescombler…
Michel Deruaz–Pourcommencer,cen’est
malheureusementpasparcequeleniveaubais-
saitdéjàilyaunequinzained’annéesqu’ilne
peutplusbaisseraujourd’hui!Silesexigences
n’ontpasbaisséausecondaireI,commentex-
pliques-tulesrésultatsquisuivent.Lorsdutest
quenousavonsfaitpasserdansdesclassesde
premièreannéedel’écoledeMaturité,nousar-
rivonsàuntauxderéussitemoyeninférieurà
50%pourleséquationsquisuivent:
4x+5=x-1
x(3x -6)=0
x2+4x+4=0
x2-2x=3
Jepensequetuconviendrasvolontiersavec
moiqu’ilestdifficiled’atteindrelesobjectifs
duprogrammeavecdesélèvesquiontdetelles
difficultésquiexistentdepuislongtemps,c’est
vrai.Cequiestinquiétant,c’estleurfréquence
quimesembledeplusenplusélevée!
Stéphane Clivaz–Bigre!Jepensequetout
profde9VSBobtenantdetelsrésultatsserait
complètementcatastrophé!Detelleséquations
sontdesélémentsdebasedela8-9VSB.Jecite
lePEV2:Résoudre une équation du premier
degré (8VSG-VSB, 9VSO), du deuxième degré
(9VSG-VSB).
Demême,jepourraisciterbeaucoupd’exer-
cicespermettantdetravaillercescompétences
danslesnouveauxmoyensd’enseignementro-
mandsMathématiques 7-8-9 3.Alors,comment
expliquerdetelsrésultatsqui,effectivementin-
terrogentlesecondaireI?Ilmesembled’abord
qu’ilestaujourd’huiplusfaciled’obtenirson
-x + y = 33x - y = -5
certificatenayantpresquecomplètementlaissé
tomberunediscipline.Unepartiedesélèvesqui
reçoiventleurcertificatontdéjà,àcemoment-
là,desrésultatsinsuffisantsenmaths.Contrai-
rementàcequisepassaitaudébutd’EVM,on
peutobtenirautomatiquementsoncertificat,
mêmeavecun1,75demaths!Onapeut-être
vouluainsidiminuerlenombrederedouble-
ments,maissansinstituerdesmesuresd’aide
immédiatesetmassivespourlesélèvesendif-
ficultédansunediscipline.Cesconstatations
n’expliquentprobablementpastout.
Ilyavisiblementunedéperditionentrelafin
dela9eetledébutdugymnase.L’effet vacances
peutcertainementêtreinvoqué,maissicesno-
tionssemblentacquisesenfinde9e,etqu’elles
nesontplusspontanémentmobilisablestrois
moisplustard,celametencauselasoliditéde
leuracquisitionenfinde9e!Ilyadoncungros
travailàrevoirpourvéritablementatteindreles
objectifsduPEV!Auvudesquelquesobserva-
tionsquej’aipufaire,jenepensepasquele
calculalgébriquenesoitpasassezentraîné.Par
contreiln’estprobablementpasassezutilisé
etlesélèvesmanquentdereculsurcetoutilen
arrivantaugymnase.
Michel Deruaz–Jepeuxbienentendrece
dernierargumentpourlecalculalgébrique,
maislesrésultatssontanaloguesenobservant
d’autreschapitresquisonteuxtravaillésdepuis
la7e.Parexemple,pourlecalculavecdesfrac-
tions,lorsdumêmetestnousavonsobservéun
tauxderéussitemoyend’àpeine50%auxques-
tionsci-dessouspourtantélémentaires:
Stéphane Clivaz–Là,jesuispresquemoins
surpris.Lesfractionssontunsujetdélicatàfaire
passer,ouplusprécisémentunenotiondifficile
àimplanterdurablementchezlesélèves.Dans
notrecultureeuropéennecontinentale, le
calculfractionnaireestpeuutiliséauquotidien.
Lareprésentationdécimaleestsuffisantepour
presquetouslesusages.Ainsi,lorsqu’en7eles
fractionssontvéritablementétudiées,etque
surtoutoneffectuedesopérations,onobserve
desobstacleschezlesélèves.Maisonremarque
surtoutdegrandesdifficultésdanslesmoyens
d’enseignementetpourleursutilisateursàtrou-
verdessituationsdanslesquellescesopérations
aveclesfractionspuissentêtrevraimentutilisées
etentraînées.Defait,laplupartdutemps,onse
borneàdessériesd’exercicesdedrilletàquel-
quespetitsproblèmesdanslesquelsl’utilisation
desfractionsn’apastoujoursbeaucoupdesens.
Decettemanière,lesélèvessontcertescapables
d’effectuerenfindechapitrelescalculsquetu
mentionnes.Néanmoins,ilestindispensable
d’effectuerunbrefrappelàchaqueréappari-
tionducalculfractionnaire.Jediraismêmeque,
pourcequiconcernelesecondaireI,onpourrait
presquesepasserdesfractions!
Michel Deruaz–Jem’enrendsbiencompte.
Jesoupçonnemêmequedanscertainescircons-
tances,parsoucid’efficacitéàcourtterme,on
secontente,pourcetypedechapitre,tantau
secondaireIqu’ausecondaireII,demoinsque
leminimum.Deplus,l’introductiondelacalcu-
latricearendulecalculàl’aidedesdécimaux
plusconvivial.Lesfractionsontainsiperduleur
attractivitépourlecalculnumérique.C’estpeut-
êtreaussilemomentdesignalerque,silesla-
cunesaveclecalculdesfractionsdatentdéjàde
quelquesannées,nousobservonsaujourd’hui
desdifficultésàmanipulerlesnombresnégatifs,
surtoutlorsqu’ilfautlessubstitueràunelettre.
L’ordredesopérationsn’estalorspasmaîtrisé
etpeut-êtrequelesanciensmodèlesdecalcu-
latricesnesontpastotalementétrangersàces
difficultés.Jepense,maisjereconnaisquecela
nedoitpastoujoursêtrefacile,qu’ilestdela
responsabilitédusecondaireIdetravaillerdans
uneperspectiveàlongterme.Decepointde
vue,etpourenrevenirauxfractions,onima-
ginefacilementquellespeuventêtrelesdifficul-
tésd’unélèvequinemaîtrisepaslesfractions
numériqueslorsqu’ildoitpasserauxfractions
littérales.Ilmesemble,parexemple,etsans
vouloirdonnerdeleçons,quel’onpeutmain-
teniréveillélecalculaveclesfractions,enen
introduisantdanslesexercicesquiconcernent
d’autreschapitrescomme,parexemple,lecalcul
algébriquedontnousvenonsdeparler.Après
unepremièrephased’introductiondesconcepts
etdesformulesquileursontassociés,ilmepa-
raîttoutàfaitenvisageabledeglisserquelques
cœfficientsfractionnairesdanslesénoncés.
Stéphane Clivaz–Jesuisdetonavissurlefait
dereprendreplusieursfoisunmêmesujet,même
sic’estparfoisquelquepeuartificiel,quecesoit
pourl’entraîner,commepourlecalculfraction-
naire,oupourledévelopper,commedanslecas
desformulesdecalcullittéral.C’estd’ailleursce
quiestdemandéparlepland’étudesetcequi
estpermisparlesmoyensd’enseignementMa-
thématiques 7-8-9.Cesouvragessuiventl’élève
duranttroisansetpermettentderevenirplu-
sieursfoissurunmêmeproblèmeavecdesoutils
deplusenplusperformants,desoutilsquiper-
mettentderésoudreceproblèmedeplusenplus
simplement.C’estégalementlecasengéométrie
oùl’onpassedelaconstructiondefiguresàla
descriptiondeleurspropriétésetàlaconstruc-
tionderaisonnementsetdedémonstrations,en
particulierdansunesériedeproblèmesintitulée
«del’observationàladéduction».
Michel Deruaz–Cesujetestdélicat.Ilfaut
faireattentionànepasréduireladémonstra-
tionàl’énumérationd’unesuited’arguments
observéssurunefigureouailleurs.Pourdé-
montrer,ilfautêtrecapabled’isolerdeshypo-
thèsesetuneconclusionetdereconstruirele
cheminementdéductifquipermetdepasser
deceshypothèsesàcetteconclusion.Ils’agit
làdel’essencemêmedesmathématiques.Ilne
suffitpasderenverserlaboîtedupuzzlesur
latableetd’alignerlespiècessurcelle-cipour
êtreconsidérécommeunexpertenpuzzle!Des
cheminementsdecetypepeuventalorsêtreuti-
lisésparlesélèvesdansd’autrescontextes.C’est
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possiblebienévidemmentdanslecoursdema-
thématiques,parexemplepourmettreenplace
desstratégiesefficacesetsystématiquespour
résoudredesproblèmes,maisaussietsurtout
horsducontextemathématiquepourtenirun
discoursargumentatifcohérent,quecesoità
l’écoleouàl’extérieurdecelle-ci.
Stéphane Clivaz–Ilyalàunévidentchan-
gementdansl’enseignementdelagéométrie
hypothético-déductive.Cecisemarqueenpar-
ticulierdanslerenouvellementdesmanuelsde
géométrie.Laconstructionaxiomatiquetentée
àl’époquedel’usagedulivredeDelessert4n’est
plusfaiteaujourd’hui.Nousavonsconstaté
quelesélèvesavaientdegrossesdifficultésà
observerlespropriétésd’unefigureavantde
construireunevéritabledémonstration,ou,pour
utilisertacomparaison,àrecueillirlespiècesdu
puzzleavantdelereconstituer.C’estlaraison
pourlaquellenousmettonsbeaucoupd’atten-
tionàconstruirecepassagedel’observationà
ladéduction,enparticulierenfaisantdécouvrir
despropriétésnonévidentesetpouvantdon-
nerl’occasiond’undébat,d’uneargumentation.
Celle-cidoitdevenirdeplusenplusélaborée.
Cecisefaitsoitsurdesdémonstrationsassezsim-
ples(trianglesisométriques,trianglessemblables,
théorèmesmétriques),soitsurdespreuvesplus
complexes(doubledémonstrationdelieuxgéo-
métriquesenoptionspécifiquemaths-physique).
Jetiensd’ailleursàsignalerquedesactivitésde
cetypesontégalementprésentesausecondaireI
dansledomainenumériqueoualgébrique!
Michel Deruaz–Personnellement,jeregret-
tecettemutation.J’entendsvolontiersqueles
méthodesaxiomatiquesduDelessertn’étaient
accessiblesqu’àuntroppetitnombred’élèves
maisjesuisconvaincuque,surlefond,ladé-
marcheétaitlabonnepourdesélèvesàpartir
de13-14ans,enl’allégeantbienévidemment.
D’autrepart,ilnefautpasoublierqu’enma-
thématiques,leproblèmeoulecontexten’est
souventqueleprétextepourtravaillerladé-
marche.C’étaitlecasaveclagéométrieaxioma-
tiquedontbeaucoupn’ontpasvouluadmettre
l’importancepourlaformationdel’espritscien-
tifiqueenraillantcertainsthéorèmesinutilesou
évidentsquel’ons’évertuaitàdémontrer.C’est
aussilecasavecl’étudedeséquationsparamé-
triquesqui,bienqueleurutilitédirectesoit
discutable,ontunrôleformateuressentielau
niveaudeladémarchescientifiquequ’ellesper-
mettentdetravailler.
Stéphane Clivaz–Lechoixaeffectivement
étéfaitdetravaillerleraisonnementdéductif
deplusieursmanières:activitésderecherche,
débatsentreélèves,constructionsdedémons-
trations…Cecidoitsefairedansplusieursdo-
mainesetavectouslesélèves,aumieuxdespos-
sibilitésdechaquegroupe.Celaditnousdevons
donnerauxélèveslesplusavancéslapossibilité
d’allerencoreplusloindansledéveloppement
deleurcapacitéderaisonnement.Celaestfait
d’unepart,commejelementionnais,enoption
spécifiquesurleslieuxgéométriquesousurles
équationsparamétriques.Celadevraitêtrefait
d’autrepartendifférenciantlesactivitéspropo-
séesetenpoussantcertainsélèvesàallerplus
loindanslarigueurdel’argumentation.Ace
proposlesmoyens7-8-9ecomprennentplu-
sieursactivitéstrèsstimulantes.
Cependantcettegestiondifférenciéedel’en-
seignement,enparticulierpourlesélèveslesplus
demandeurs,estd’uneutilisationcomplexe!
Defait,j’aibeaucoupréponduàtesremarques
eninvoquantlescontenusdupland’étudesetdes
moyensd’enseignement,alorsqu’enfait,cequi
importec’estcequisepasseeffectivementdans
lesclasses!Leproblème,c’estquenousavons
fortpeud’informationsàcesujet.Lesuiviscien-
tifiquedel’introductiondesnouveauxmoyens5
s’estarrêtépourl’heureen4e.Ilmesembledonc
indispensablequedesrecherchessoientcondui-
tespoursavoircommentlesmathématiquessont
enseignéesdanslesdegréssuivants.
Michel Deruaz–Jenepeuxquepartagerton
avissurcedernierpoint,ausecondaireIcomme
ausecondaireII.Jepensequelesrésultatsd’une
tellerecherchenouspermettraient,ànous,for-
mateurs,demieuxpréparernosétudiantsàce
quilesattendsurleterrain.Ilfauttoutefoisêtre
attentifàunechose:sil’onveutquecettedémar-
chesoitcompriseetacceptéeparlesenseignants,
doncutileetutilisable,ilnefautenaucuncas
qu’ellepuisseêtreconfondueavecunquelcon-
queprocessusdecontrôle,peut-êtreluiaussiné-
cessairemaisfondamentalementdifférenttant
danssonapprochequedanssesobjectifs.
Stéphane Clivaz–Pourconclure,ilsemblerait
doncquenoussoyonsd’accordssurlesobjectifs
àatteindre,surl’étatinsatisfaisantdelasitua-
tionetsurlescausesstructurelles.
Michel Deruaz–Nouscommençonsparcontre
àdivergersurcellesquisontpropresàl’ensei-
gnementdesmathématiques,etdoncsurles
remèdes.Cen’estqu’enconnaissantmieuxles
pratiquesenclasses,ainsiqu’enencourageantle
dialogueentrelesdiversacteurs,qu’onpourra
améliorerlasituationactuelle.Parexemple,le
gymnasedeNyon,commed’autres,organiseré-
gulièrementdesrencontresdécentraliséesentre
maîtresdemathsdelarégion.Detellesrencon-
trespourraientdébouchersurlaconstitutionde
véritablesgroupesdetravail…
stéphane Clivaz
Professeur formateur à la HEP et
enseignant au secondaire I
michel deruaz
Professeur formateur à la HEP et
enseignant au secondaire II
1 Untestd’entréeesteffectuédanscertainsgymnasespour
évaluerlescompétencestechniquesdesélèvesenmathé-
matiquesendébutdepremièreannée.Ilalieu,enprincipe
danstouteslesclasses,lorsdelapremièresemainedecours,
sansêtreannoncé.Ilestensuitecorrigéetrenduauxélèves.
Cetestpermetdoncauxélèvesdeprendreconsciencede
lanécessitééventuelledecomblerleurslacunes,parexem-
plelorsdecoursd’appuisfacultatifsproposésparcertains
gymnases.Ilpermetaussiauxmaîtresdereprendrecertains
chapitres.Cetestnecomptedoncpasdanslamoyennede
l’élève,iln’estquetrèspartiellementreprésentatifdupro-
grammedusecondaireIetdusecondaireII.Ilneprétendpas
nonplusêtreunemesurescientifiqueduniveaudesélèves,
toutefoisilrévèlecertainssymptômesdontnousdiscutons
icietqu’ilseraitsouhaitabled’étudierplusfinement.2 Pland’édudesvaudois.(2006)DFJ/DGEO.disponiblesur
http://www.vd.ch/fr/themes/formation/scolarite-obligatoire/
plan-detude-vaudois/partie7-9,15.5.3 Brêchet,M.,Calame,J.-A.,&Chastellain,M.(2003).Mathé-
matiques 7-8-9.Lausanne:CIIP-LEP4 Delessert,A.(1960).Géométrie plane.Lausanne:SPES.5 Voirl’articledeChantalTiècheChristinatdanscenumérode
Prismes.
3 | les maThs du CYCle iniTial au gYmnase eT Chez vous les maThs, ça va CommenT ?
eT Chez vous les maThs, ça va CommenT ?apporTs eT quesTions issus des Travaux de reCherChe ConCernanT les moYens romands d’enseignemenT des maThémaTiques de pre-mière à quaTrième année primaire
Commechercheureensciencesdel’éducation,
jesuisfréquemmentconfrontéeàcettequestion
poséeentitrelorsderéunionsnationalesvoire
internationales,touchantàl’enseignement.In-
variablementlesréponsesquej’yapportesont
multiples,diverses,etjechoisisdeporterl’ac-
centsurlesélèves,surlemaîtreousurlemoyen
d’enseignement,affichanttantôtpessimisme,
tantôtoptimisme.Monhumeurpersonnelle
n’estpourriendanslavalsed’hésitationsvoire
danslescontradictionsquicaractérisentmesré-
ponses.Eneffet,cettedisparitéapparenteprend
sasourcedanslesdeuxétudesscientifiques,ri-
chesenenseignements,menéesparl’Institutde
rechercheetdedocumentationpédagogique
(IRDP)àNeuchâteletdontj’aimeraisfairepar-
tagerladiversité.Maisavantdecomposercet
inventaire,jevaispasserrapidementenrevue
quelquesélémentsrelatifsaucontenuetaux
fondementsdel’enseignementactuel.
le contenu de l’enseignement en bref
Danslescantonsromands,lafindu20esiècle
acoïncidéaveclacréationdedeuxgénérations
demanuels,lespremiersdestinésauxdegréspri-
mairesdelapremièreàlaquatrièmeannéeetles
secondsdestinésausecondaireI,delaseptième
àlaneuvièmeannée,ainsiqu’autoilettagedes
manuelsdelacinquièmeetdelasixièmeannée.
Eneffet,danslesannées1990,lesinstancespoli-
tiques,professionnellesetscientifiques,enraison
del’obsolescencedesmanuelsd’enseignement,
ontconviéchercheurs,mathématiciens,didacti-
ciensetenseignantsàœuvrerdansl’interdisci-
plinaritépourcréerunmatérield’enseignement
quiprenneencomptelestravauxrécentspubliés
danscedomaine(C.TiècheChristinat,1999).Les
modificationsetlesnouveautésintroduitesdans
lesmoyensd’enseignementdesdegrésprimai-
ress’effectuentsurtroisplans:lecontenuma-
thématique,lathéoriedel’apprentissageetla
didactiquedesmathématiques.
Misàpartl’abandondel’enseignementdes
mathématiquesfondésurlathéorieensembliste,
àlasuiteduconstatd’unprocessustranspositif
tropimportantetd’unchapitretrèscontroversé
portantsurlanumérationenbasesdifférentes
de10,lecontenumathématiqueduprogramme
estquantàluipresqueinchangé.Lesaspects
numériques,commel’étudedunombreetdu
champconceptuel,del’additionetdelamul-
tiplication,restentcentraux;lesaspectsliésàla
mesure,àl’espaceetauxformesgéométriques
acquièrentunpoidsplusimportantqu’aupara-
vant.
Lesoptionspédagogiquess’inscriventdansla
continuitédesapprentissagesconstructivistes
précédemmentmisenplaceautourdel’action,
del’erreuretdeladifférenciation,ets’enrichis-
sentd’uneorientationsocioconstructivisted’ins-
pirationvygostkienne1,soulignantl’importance
delamédiationverbaleetdelaconstruction
socialedanstoutapprentissagecognitifvisantà
lamaîtrisedeconceptsscientifiques(Vergnaud,
1999).Leurapplicationenclassenécessiteun
travaildegroupesetdonneàlaparoleetaux
interactionslangagièresentrepairsunaspect
primordial.
Leslignesdirectricesdel’approchedel’en-
seignement/apprentissagedesmathématiques
seréfèrentauxtravauxrécentsdesdidacticiens
français(CharnayetMante,1996;Vergnaud,
1991)quiaccordentàlarésolutiondeproblè-
mesunrôleessentieletincontournable.
Lesprincipesinscritsdanslaméthodologie
articulententreeux:
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• lesfinalitésdel’enseignementdesmathéma-
tiques:acquérirdesdémarchesdepensée;
• lesdémarchesd’apprentissage:confronter
l’élèveàdessituationsproblèmesoùilren-
contredevéritablesobstaclesàsamesure;
• lesconceptsdedéveloppement:lapensée
mathématiques’élaborelonguement;
• lestechniquesderésolution.
L’ensembledecespropositionsrecouvreles
recommandationsofficiellesdescantonsen
matièred’enseignementdesmathématiques
(CDIP;1998).
Lathéoriedessituationsdidactiques(Brous-
seau,1996),dontnousretiendronsenparticulier
lesprincipesdedévolution et d’institutionnali-
sation 2,constituelefondementdel’innovation.
Ladévolutionestl’acteparlequell’enseignant
parvientàamenerl’élèveàprendrelarespon-
sabilitéduproblèmeetdesarésolution(situa-
tionadidactique).CommelerappelleKusniak
(2005),ilexigeégalementdel’enseignantqu’il
excluedesesinterventionscellesquionttraità
lasolution.Ceprincipeengendreunesériede
règles,dontlescommentairesméthodologiques
quiaccompagnentlesmoyensd’enseignement
sefontpartiellementl’écho.SelonBrousseau,
l’institutionnalisationquiattribueàcertaines
connaissancesunstatutofficieldesavoir,est
indispensable,carelleassurelepassaged’une
connaissanceliéeaucontexteàuneconnais-
sancedétachéeducontexte.End’autrester-
mes,cedeuxièmeprincipepermetàl’élèvede
reconnaître«cequidoitêtreconsidérécomme
importantetcequiestsecondaire,cequ’ilest
décisifdesavoirfaireetcequiestaccessoire»
(Johsua&Dupin,1993,p.256).
Comment ça va ?
Enguisederéponseàcettequestionposée
dès1997,annéedel’introductionprogressive
danslesclassesdesmoyensd’enseignementac-
tuels,deuxévaluationsromandesportantsurles
quatrepremiersdegrésprimairesontvulejour
etontlivréleursanalysesetleursconclusions
en2003et2005.
1 Unsuivilongitudinalapourfonctiond’ap-
préhenderlesadaptationsentreprisesparles
enseignantsdansleursclasses(TiècheChristi-
natetDelémont,2005).Cetteétudesedécline
endeuxparties:uneobservationbiannuelle
deleçonsdemathématiquesdansdesclasses
desseptcantonsromandsetunerécoltediver-
sifiéedeproposportantsurl’innovationetses
conséquences(entretiensréguliers,question-
nairesremisauxenseignantsvisitésetdiscus-
sionsorientéesentrecollèguesd’unmême
établissement).Lesgestesprofessionnels,les
adaptationsintroduitesdanslapratique(acti-
vitésmathématiques,déroulementdesleçons,
organisationgénéraledutravail),ainsique
lesrenseignementscollectéssurlesattitudes
àpartirdesdiscoursdesenseignants,consti-
tuentlesdonnéesanalyséesparcetteétude.
2 Unbilandescompétencesenmathématiques
desélèvesaprès4annéesd’utilisationdes
moyens(2P:passationmai2002;4P:passa-
tionmai2004)estnomméMathéval(Anto-
nietti,2003et2005).Cetteenquêtecomporte
deuxvolets:desépreuvesmathématiques
établiespourdesélèvesde2Petde4Petun
questionnairedestinéauxmaîtresdesclasses
testées,afindemettreenévidencedesliens
plausiblesentrelescompétencesdesélèveset
lespratiquesdécritesparlesenseignants.
Lesdeuxrecherchesprennentencompteles
changementsdidactiquesintervenusdansl’en-
seignement/apprentissageetlesinterrogent.Il
s’ensuitdesitemsmathématiquesbaséssurla
résolutiondeproblèmes,mettantenœuvredes
champsétudiésetinscritsaupland’étudesainsi
quedescompétencestransversales.
Touteslesdonnéesobtenuessontrecueillies
surl’ensembleduterritoireromand;cellesdu
suivipermettentl’analysede197observations
enclassesdepremièreàquatrièmeannéespri-
mairesetd’entretiensuniquesourépétésde
58enseignants.L’échantillondeMathévalest
constituéde140classes.Chaquetitulairede
classearempliunquestionnairerelativement
similaireàceluiremisauxenseignantsdesclas-
sesobservéeslongitudinalementetquiporte
surlamiseenœuvredesmoyensd’enseigne-
ment.Endeuxièmeannéeprimaire,lesélèves
avaientseptproblèmesindividuelsetquatre
problèmesàrésoudreenduosetenquatrième
année,lesproblèmesétaientaunombrede14
parélève.Autotal,1912et2252épreuvesont
étéanalysées.
quelques résultats
Lescompétencesobtenuesparlesélèvessont
révélatricesdel’étatdeleursconnaissancesin-
dividuellesquisontdépendantesdel’enseigne-
mentdispensédanslaclasse.Ellespermettent
d’évaluerl’intensitédel’influencedumoyen
d’enseignementutilisé.Maisils’agitégalement
d’observerd’autresfacteursdontnousavonsla
traceparlesdonnéesdesquestionnairesoupar
lesuivilongitudinaldanslesclasses.Parmiceux-
cinousretenonsenparticulierlesvariablesétu-
diéesdansMathévalquisemblentdéterminer
partiellementdumoinslesrésultats,ainsique
lesattitudesetlesgestesprofessionnelsadoptés
parlesenseignants.
des résultats intrigants…
Lesrésultatsdesélèvesdedeuxièmeetde
quatrièmeannéesprésententunetendance
opposée.Mathéval 2Ppermetd’affirmerque
lesconnaissancesnécessairesàlarésolution
desproblèmesrelevantdudomainenumérique
sontassimilées.Ainsi,dénombrerunecollection,
comparerdesnombresentiers,reconnaîtrela
valeurpositionnelledeschiffres,résoudredes
problèmessimplesenrecourantàdesécritures
additivesetsoustractivessontdescompétences
quelesenfantsenfindedeuxièmeannéeont
acquisesmajoritairement.Cesrésultatsdémon-
trentlesoinetl’attentionportésparlesmaîtres
etmaîtressesàcedomaineetauxconnaissan-
cesarithmétiques.Enfindequatrièmeannée,
lesélèvesobtiennentdesrésultatsfaiblesdans
ledomainenumériqueetparviennentdiffici-
lementàlarésolutioncorrecteetaboutiedes
problèmesposés.
Dansledomainedel’espace,lesrésultatsob-
tenusendeuxièmeannéesontnettementmoins
satisfaisantsqueceuxdudomainenumérique
alorsqu’enquatrièmeannée,lesconnaissances
nécessairesàlarésolutiondeproblèmesrelevant
dudomainedel’espacesontmobilisablespour
beaucoupd’élèves.Faut-ilyvoiruneffetliéau
typedeproblèmesposésdansl’évaluation,ce
quelaisseraientsupposerlesauteurslorsqu’ils
soulignent:«Ilestpossiblequelestâchesque
nousavonsproposéessoientplusendécalage
aveclesproblèmesdesnouveauxmoyensque
cellesquenousavonsutiliséespoursonderle
domainenumérique.»(Antonietti,2003,p.69)?
Ouserait-ceuneffetliéaumoyenlui-mêmeet
enparticulieràlaplanificationdesactivitéset
desmodules,ainsiqu’aunombred’activitéspré-
vues?Lesquestionnairesetlesentretiensportent
àpenserquelaplanificationdesenseignements
conformémentau«filrouge»conduitàn’abor-
derlescontenusliésàl’espaceetàlagéométrie
qu’aucoursdudeuxièmesemestredeladeuxiè-
meannée.Ainsi,lesélèvestestésendeuxième
annéeprimaireauraientmoinstravaillécetype
deproblèmes,peufamilierspoureux,etsese-
raientmoinsinvestisdanscedomaine.
… presque agaçants
Malgréunmoduleintitulé«desproblèmes
pourapprendreàconduireunraisonnement»,
dontlesenseignantsdetouslesdegrésdisent
apprécierlesactivités,desitemsquifontappel
àdesnotionsélémentairesdelogique,nesont
réussisquetrèsmoyennement,voiredanscer-
tainscasfaiblement.Parailleurs,laprogression
attenduedesrésultatsentre2Pet4Psetrouve
malmenéeparlesrésultatsdeMathéval 4P. Par-
milessixproblèmesquiontétéprésentésdans
lesdeuxépreuves,deuxitemsrelevantdudo-
mainedelalogiquepourlepremieretexigeant
unepartitionnumériquesimplepourledeuxiè-
menepermettentpasdeconstaterunprogrès
significatifnidanslaréussite,nidanslesprocé-
duresderésolution.Deplusunesituationpro-
blèmerelevantdel’additionconnaîtunechute
dutauxderéussiteenquatrièmeannée.Effet
decontratdidactique?manquedematuritéco-
gnitive?absenced’activitésdecetypedansles
classes?Silesdonnéesnepeuventapporterde
réponsesdéfinitivesàcesquestions,lesanalyses
qualitativesindiquenttoutefoisquelesélèves
posentdescalculsetqueleurssolutionssontin-
suffisammentsoutenuespardesreprésentations,
desdessinsoudesschémas.
Dansunautreregistre,Mathévalmontreque
ladifférencederéussiteentregarçonsetfilles
tendàs’installer.Endeuxièmeannée,cette
différencen’existaitpas,alorsquedèslaqua-
trième,lescompétencesdesgarçonss’avèrent
légèrementsupérieuresàcellesdesfilles.Onsait
parailleurs,grâceauxétudesdePISAauprèsdes
élèvesde15ans(CIIP,2003),quececlivages’ap-
profonditaucoursdelascolarité.Or,ilaurait
étésouhaitablequedesnouveauxmoyens,qui
plusestappréciésparlesmaîtresetlesélèves,
puissentveniràboutdececlivagedésormais
classiqueetpréoccupant.
des résultats inquiétants…
Afind’évaluerl’atteintedesobjectifsinscrits
danslepland’études,etàdéfautd’unecompa-
raisonfiableavecd’anciennesdonnées,Mathé-
val aétablilorsdel’épreuvedestinéeauxélèves
de4Pun«seuildecompétence»,correspondant
auniveaudesélèvesayantatteintcequiest
nommédanslePlancadre« horizon de dévelop-
pement »(Antonietti,2005,p.108),conférant
ainsiuncaractèrenormatifàcetteétude.Ilfaut
précisercependantqueceseuilnecorrespond
pasauxattentesminimalesfixéesparlePlan
d’étudescadreromand,quidéterminentcequi
devraitêtreacquisparchaqueélève.
Lesrésultatsmontrentquelesobjectifsmi-
nimauxétablisparlesexpertssontatteintspar
seulementtroisélèvessurdix;letauxderéus-
sitefixéaumoyendesdocumentsofficielspar
lesjugesestainsiplusbasqu’espéré.Lasévérité
desjugesquiontprocédéàdeuxestimations
successivesdutauxderéussiteattendupour
chaqueproblèmedeMathéval 4Pn’affecteni
lavaleur,nilesérieux,nilagravitédesrésultats
obtenus.
Lesrésultatsobtenusparlesélèvesde4P
étonnentetdéconcertentlecorpsenseignant
quiengrandemajoritéaccordesaconfianceà
cesmoyensetcompensedanssapratiqueles
faiblessesqu’ilapurepérer.L’analysequalita-
tiveattestededémarchessouventastucieuses
entreprisesparlesélèves,maisquin’aboutissent
pastoujoursàunesolutionadéquate.Beaucoup
d’élèvespersistentàcroirequetoutproblème
serésoutparuncalcul.Cesrésultatsindiquent
untiraillement,unconflitentreunedémarche
originaleetunevolontéd’appliquerunedé-
marchecanonique,valoriséeparl’entourage.
Toutefois,cesnuancesnegommentguèrela
faiblessedesrésultatsobtenus,nil’inquiétude
qu’ilsnousinspirent.
… et invariablement récurrents
Lapriseencomptedevariablesindividuelles
etcontextuelleséclairecesrésultats.Lesélèves
nonseulementsontdifférentslesunsdesautres,
maisnebénéficientpastousdumêmeenviron-
nementscolaireetextrascolaire,malgrél’uti-
lisationd’unmoyend’enseignementcommun.
L’étudeMathévalmontreque,paradoxalement,
plusl’élèveestâgépourledegréscolairequ’il
accomplit,moinsilestperformant.Laraisonest
àmettreaucompteduredoublement,cequi
montreunefoisdeplusquecettemesuren’a
pasl’effetremédiateurescompté.Eneffet,les
élèvesquiétaientendifficultéavantdedoubler
lesonttoujoursaprès.
L’originedesélèves,lalanguematernelle
et leniveausocio-économiqueconstituent
euxaussidesfacteursdedifférenciation.Ainsi,
l’enseignementdesmathématiquesdèslede-
gréprimairesemontreperméableàcesfacteursne possèdent pas les
compétences minimalespossèdent les compétences minimales
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quiinterviennenttrèstôt,voiretroptôtdans
lecursusdel’élève.Deplus,àconsidérerlesré-
sultatsdesenquêtesinternationalesadressées
auxélèvesde15ans(parexemple,PISA2003),
l’enseignementneparvientpasàdiminuerleur
impact.Aucontrairemême,unfacteurliéau
lieudescolarisationvientsegrefferàceux-ci.
Eneffet,lescompétencesmathématiquesob-
servéesdépendentégalementducantondans
lequellesélèvessontscolarisés.Danstousles
cantons,laproportiond’élèvessesituantau-
dessousduseuilfixéparlesexpertsestmajo-
ritaire.Onconstatecependantdesdisparités
entrelescantons.Cesdifférencesinterrogent
etnécessitentdesexplicationsquelesauteurs
deMathévalontcherchées.
Lesfacteurssocio-démographiquesnepeu-
ventêtreinvoquéspuisque«lemodèlestatis-
tiqueconstruitpermetd’identifierl’apport
spécifiquedechaquecantonindépendamment
desfacteurssocio-économiques».Parcontre,la
tailledelaclasse,l’expériencedel’enseignantet
sondegréd’intérêtpourlesnouveauxmoyens
influencentégalementlescompétencesdes
élèvesdemanièresignificative.Defaitl’effet
maîtreetl’effetclassetendentàseconfondre.
Ainsilasélectiondesactivitésparl’enseignant
estfonctionnonseulementdesonexpérience
etdesongoûtpourlesmathématiques,mais
aussidesprocessusd’apprentissagequ’ilfavo-
risepoursaclasse.Chacun,commelesouligne
Delémont(2005),enseigneàsapropremanière,
cequipeutsetraduireentreautrespardesper-
formancesinégalesdanslesclasses.
Silesclassementscantonauxconfortenteux
aussilesrésultatsobtenusdansd’autresévalua-
tionsromandes,ilsdevraientnouscontraindre
àréfléchirauxremédiationsinstitutionnelles
nécessairespourquel’égalitédeschancesdes
élèvessoitaumoinsindépendantedesonlieu
dedomicileetunpeumoinsdépendantede
l’expérienceprofessionnelledesenseignants.
des résultats passionnants…
L’étudelongitudinale,enparticulierl’analyse
delagestiondidactiqueetdesentretiensmenés
auprèsdesenseignants,fournitquelquespistes
explicativesdescompétencesobtenuesetinter-
pelleformateursetdidacticiens.
Lesobservationsenclassemontrentladif-
ficultédegérerladévolutionetlasituation
adidactique.Lesépisodesderésolutionsde
problèmestousdegrésconfondusn’illustrent
qu’imparfaitementlaphased’actiontelleque
décritedanslathéoriedidactique.Lesélèves
netravaillentseuls,sansrelancedumaître,
quedurantuncourtmomentdel’activitéde
résolution.Lesenseignantssoutiennentetap-
puientlarésolutionencourspardesrelances
etdesvalidations,etlesélèvesattendent,voire
demandentcetappui.Ainsiilsembledifficile
pourl’enseignantdedéléguerlaresponsabilité
duproblèmeàl’élève.Enphasesdetests,tels
queMathévall’aproposé,lesélèvesnereçoi-
ventaucuneindicationdeleurenseignant.Le
problèmeleurestentièrementdévolu.Or,les
résultatsmoyennementsatisfaisantsdansledo-
mainenumériquelaissententrevoiruneabsence
decontrôledelaréponseparl’élève,contrôle
qui,danslaclasse,sembleraitessentiellement
prisenchargeparlemaître.
Lacomplexitéàconduirelaphasedemiseen
communquipermetauxélèvesdemettreen
motslesprocessusdepenséeestsoulignéepar
lesenseignantsaussibiendanslesquestionnai-
resdeMathévalquelorsdesentretiens.L’impor-
tanceaccordéeparlesmoyensd’enseignement
àlaverbalisationconstitueunepierred’achop-
pementpourdiversesraisonsévoquéeslorsdes
entretiensetvisiblesdanslesobservations.L’ac-
cèsimparfaitaulangageoraletécritdecertains
élèvespousselesenseignantsàmettreenplace
despratiquesdifférenciées,parfoisprochesdes
anciensmoyens,quiévitentlerecoursàlalan-
gued’enseignement.D’autresenseignantsvont
consacrerunmomentàlareformulationdupro-
blème,àsacontextualisation,afind’assurerl’ac-
cèsaucontenuverbal.Letempsimpartiàcette
tâcheestparfoisplusimportantqueprévuetle
tempsderésolutions’entrouveraccourci.
Lorsqued’autresdifficultéssurgissent,les
enseignantssemblentdepréférencechanger
lesmodalitésd’apprentissageplutôtquejouer
surlesvariablesdidactiquesenmaintenantle
cadreméthodologique.Uneplusgrandefami-
liarisationaveclecadreépistémologiquepour-
raitprogressivementpermettreauxenseignants
d’entrerdanscetypededémarche.Laforma-
tiondesenseignantsdevraitleurpermettrede
comprendreetdefavorisercetteapproche.Les
attitudesdégagéeslorsdesentretiensmon-
trentquelesfondementsdidactiquesnesont
pastoujourspartagésparlesenseignants.Or
nousavonsdéjàsoulignéci-dessusquel’expé-
riencedumaîtrejoueunrôleimportantdans
lesperformancesdesélèves.Ilenestdemême
encequiconcernelesattitudesetl’adhésionau
moyend’enseignement.
… et très importants
Ladifficultédedonneruneplaceréelleàla
transmissiondessavoirsseconfirmedansla
perceptionparlesenseignantsd’unchange-
mentdeconceptiondumétier.Plusieursmaî-
tresetmaîtressesseconsidèrenttransformés
enanimateursd’activitésetdejeuxetnonen
enseignants.Lesuivilongitudinalconfirmela
gêneressentieetmontrequelaphase d’insti-
tutionnalisation,bienqueplusvisibleenqua-
trièmeannéeprimairequ’endeuxième,semble
peuinvestieenfréquenceetentempsparles
enseignants.Ladifficultédeprévoirletemps
nécessaireàlarésolution,lescontraintesdues
FR
JU
VS
BE
NE
GE
VD
-80 -60 -40 -20 20 40 600
Taux [%]
audécoupagehoraireouauxorganisations
didactiquesmisesenplace,l’amalgameentre
phasedeformulationetd’institutionnalisation,
laréductiondelaphase d’institutionnalisationà
l’évaluationdelaréponseproposéesontautant
defacteursexplicatifsquipourraientdécouler
directementdelanouveautéetdel’absencede
routinesenseignantes.Lesformationssuivieset
l’accompagnementmisenplacen’ontpastou-
joursétéjugéssuffisants;nombreuxsontles
maîtresetmaîtressesquisesontlancésseuls
danscetenseignement.
en guise de réponse
Chez nous, les mathématiques… ça va… un
peu… beaucoup… passionnément… pas du
tout… aurais-jeenviedeconclurepeusérieu-
sement.
Lesdeuxétudessusmentionnéessoulignent
lesdifficultésqu’untelenseignementengen-
dreetlesclivagesqu’ilproduitetreproduit
àsoninsu.Ledilemmedel’enseignantetle
paradoxedeladévolutionpointentdefaçon
presqueimpertinente.L’instinct éducatifselon
lequelréussirestimportant–etquil’estdans
unecertainemesure–entraînel’enseignantà
faireréussirl’élèveet,parconséquent,croit-il,
àéviterl’erreurouàéviterquecelle-cineper-
dure.Lesmoyensd’enseignement/apprentissa-
geenvigueurenSuisseromandereposentsur
uneconceptionquirappellequelesnouvelles
connaissancesetsavoirss’élaborentàpartirdes
erreurs.Dèslors,enseignerparaîtconstituerun
dilemme.Lesenseignantsdesdegrésprimaires
quenousavonsinterrogéssontconfrontésàce
paradoxe,difficileparfoisàrelever:permettre
etencouragerlaréussitesanspourautantdé-
nigrerl’erreur.Leurartestdanscettepuissante
alchimiequiconsisteàtrouverdesactivitésqui,
toutenfaisantobstaclesauxconnaissancesdes
élèves,permettentd’enconstruiredenouvelles
sansinduirededémotivation.
dr. Chantal Tièche Christinat
professeure formatrice à la HEP Vaud
Bibliographie 3
Antonietti,J.-P.(éd.).(2003).Evaluation des compétences en
mathématiques en fin de 2ème année primaire : résultats de la
première phase de l’enquête Mathéval.Neuchâtel:Institutde
rechercheetdedocumentationpédagogique(IRDP)(03.2).
Antonietti,J.-P.(éd.).(2005).Evaluation des compétences en
mathématiques en fin de 4ème année primaire : résultats de la
deuxième phase de l’enquête Mathéval.Neuchâtel:Institutde
rechercheetdedocumentationpédagogique(IRDP)(05.3).
Brousseau,G.(1996).Fondements et méthodes de la didactique
des mathématiques.In:J.Brun(Ed.):Didactiquesdesmathéma-
tiques.Lausanne:DelachauxetNiestlé.
Bru,M.(2002).«Pratiquesenseignantes:desrecherchesà
conforteretàdévelopper.»RevueFrançaisedePédagogie,
138,63-73.
Vergnaud,G.(1999):«Onn’ajamaisfiniderelireVygotskiet
Piaget.»InY.Clot(éd.).AvecVygotski(pp.55-68).Paris:La
Dispute.
1 RéférenceàLevVygotski,pédagogueetpenseurrusse.
L’œuvredeVygotskiaétédisponibleenfrançaisdansles
années1980.Depuis1985,datedeparutiondel’éditionfran-
çaisedePensée et LangageetdeVygotski aujourd’hui,de
nouveauxouvragesetarticlesdeVygotskiontététraduits
ousontencoursdetraduction.
Ilnousproposelanotiondezone proximale de développe-
ment,quitoucheàlamédiationpédagogiqueetàl’origine
socialedudéveloppementmental.Onpeutdirequelazone
proximalededéveloppementsesitueentreledéveloppe-
mentactuelquimarquecequ’unindividumaîtrisedéjà
seuletlaprochaineétapedesondéveloppementpourpeu
qu’uneinteractionsociale(avecunadulteoudespairs)soit
initiée.2 Pourlesnotionsdeladévolution et de l’institutionnalisation,
voirdanscenumérol’articledeJean-ClaudeNoverraz.3 UnebibliographiepluscomplètesetrouvesurlesitedePrismes.
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Dansnotrepays,l’instructionpubliqueest,
pourdesraisonshistoriquessurlesquellesnousne
reviendronspasdanscetarticle,decompétence
cantonale.Depuisquelquesannées,onobserve
unefortepressionsurlemondepolitiquepour
redéfinirlefédéralisme,enparticulierpourtout
cequitoucheàl’école.EnSuisseromandeavec
PECAROousurleplansuisseavecHarmoS,les
cantonssemettentautourd’unetablepourdé-
finirdesobjectifscommunsdanslesprogrammes
del’écoleobligatoire.Pourlepost-obligatoire,les
titresdélivréssontfédéraux;quesesoientpour
lesCFCetlesmaturitésprofessionnellesoules
EcolesdematuritéetlesEcolesdeculturegéné-
rale.Celan’empêchepourtantpasd’importantes
disparitésdansl’organisationdelascolarité.
Pourcequiconcerneplusparticulièrement
lesmathématiques,lesmoyensd’enseignement
sontcommunsauxcantonsromandspourl’école
primaire(1-6).Depuispeu,ilslesontaussipour
l’écolesecondaireobligatoire(7-9).Malgrécela,
desenquêtesrécentescommeMathéval(2005)en
4eannéeouPISA(2003)en8eannéemontrent
desgrandesdifférencesentrelesrésultatsdes
élèvesdescantonsromands.Onobserveenpar-
ticulierquesilesélèvesfribourgeoisobtiennent
lesmeilleursrésultatsdanslesdeuxétudes,les
vaudoissetrouventaumieuxenavant-dernière
position,trèsloinderrièrelesfribourgeois.
Auvudetoutcela,ilnousasembléintéressant
decomparerlafréquencedespériodesdema-
thématiquesdanslesgrilleshorairesdescantons
deFribourgetdeVaud,celadudébutdel’école
primaireàlafindugymnase.Lechoixdeces
deuxcantonsnousaétédictéparlesimportants
écartsmentionnésci-dessusmaisaussiparleur
proximitégéographique,cequilesad’ailleurs
encouragésàconstruireungymnasecommunà
Payerneetquilesinciterapeut-êtreàenvisager
descollaborationsanaloguesauniveaudel’école
obligatoire.
Comparaison vaud-FriBourg pour les heures de maThs
Tableau du nombre de périodes hebdomadaires de mathématiques
Canton de vaud Canton de Fribourgecole primaire et cycle de transition année ecole primaire
4.5+0.51 1 5.5
4.5+0.5 2 5.5
4.5+0.52 3 5.5
4.5+0.5 4 5.5
5 5 5.5
53 6 5.5
30 Total 33
ecole secondaire obligatoire Cycle d’orientation
64 5 4 7 4 5 6
5 6 4 8 5 5 6
5 5 4 9 5 5 6
�6 �6 �2 Total �4 �5 �8
ecole de maturité ecole de maturité
StandardRenforcé StandardRenforcé
4 4 1 4
3 4 2 5 4
4 6 3 4 3
3ansseulement 4 5 4
�� �4 Total �8 �5
Voiesecondaireàoption
Voiesecondairegénérale
Voiesecondairebaccalauréat
Classesprégymna-siales
Classesgénérales
Classesàexigencesdebases
Cetableaumontrequelesélèvesfribourgeois
suiventbeaucoupplusdecoursdemathémati-
quesquelesvaudois.Ilnemetpourtantpasen
évidencel’entierdecettedifférence.Eneffet,il
netientpascomptedufaitque,pendantl’école
obligatoire,lespériodessontde50minutesen
terrefribourgeoisealorsqu’ellesnesontquede
45minutesdanslecantondeVaud.Letableau
quisuitpermetdecomparerlenombred’heu-
res(60minutes)demathématiquessuiviespar
lesélèvespendantlesdifférentesphasesdeleur
scolarité.Pourétablircetableau,noussommes
partisduprincipeque,danslesdeuxcantons,
lesélèvesserendentàl’écolependant37semai-
nesparannéejusqu’àlafindelascolaritéobli-
gatoireet35semainesaugymnase.Cesvaleurs
sonttiréesdesloisscolairespourl’écoleobliga-
toireetdelaréalitévaudoisepourlegymnase.
Sicelle-cidevaitêtredifférentedanslecanton
deFribourg,celaneferaitprobablementqu’ac-
centuerlesdifférencesobservées!
Tableau du nombre total d'heures de mathématiques suivies
Canton de vaud Canton de Fribourgecole primaire et cycle de transition année ecole primaire
833 1–6 1018
ecole secondaire obligatoire Cycle d’orientation
444 444 333 7–9 432 463 555
ecole de maturité ecole de maturité
StandardRenforcé StandardRenforcé
289 368 10–13 473 394
Voiesecondaireàoption
Voiesecondairegénérale
Voiesecondairebaccalauréat
Classesprégymna-siales
Classesgénérales
Classesàexigencesdebases
Cetableaumontre,enparticulier,qu’unélève
fribourgeoisasuiviàlafindesonécoleprimaire
185heuresdemathématiquesdeplusqueson
voisinvaudois.Cedernierdevraitdoncsuivre
unesemaineetdemiesupplémentaired’école,
consacréeuniquementàl’étudedesmathéma-
tiques,àlafindechaqueannéescolairepour
arriveraumêmetotalquel’élèvefribourgeois!
Cesobservationssevérifientaussiàl’écolese-
condaire,saufpourlavoiegénéraleoùl’écart
n’estquede19heures.Danslesautresvoies,
lejeuneVaudoissuitunecentained’heuresde
mathématiquesdemoinsqueleFribourgeois,
cequifaitqu’ildevraitlàaussisuivre,àlafin
dechaqueannéescolaire,plusd’unesemaine
supplémentaired’écoleconsacréeuniquement
auxmathématiquespourcomblerladifférence.
Acestade,nousobservonsquedepuisledébut
desascolarité,unélèvefribourgeoisavecun
profilnonscientifiquequientreauGymnasede
Payerneaurasuivi285heuresdemathémati-
quesdeplusquesoncollèguevaudoismaisqu’il
entreraluien1eannéealorsquelevaudois
entreradirectementen2eannée!Leconstatest
identiquepourl’Ecoledematuritéoùunélève
fribourgeoissuitaussiunecentained’heures
demathématiquesdeplusquesonhomologue
vaudois.Autermedesascolarité,cettediffé-
rencereprésenteprèsde400heuresou16se-
mainesdemathématiquesàpleintempspour
obtenirlamêmeMaturitéfédérale!Poursavoir
sicettedifférenceestuniquementdueaufait
quelesélèvesfribourgeoissuiventglobalement
plusd’heuresd’écolequelesvaudois,ilfaut
aussicomparerlaproportiondesheuresd’école
consacréesauxmathématiques.
1 Lagrillehoraireprévoitpendantlesdeuxpremièresannéesde
scolarité4.5périodesdemathématiquesetnoussommespar-
tisduprincipequ’enmoyenne,1des2périodesd’appuipar
semaineétaitconsacréeauxmathématiquesetqu’elleconcernait
lamoitiédesélèves.2 Lagrillehoraireprévoitpourlesannéestroisetquatre4ou5pério-
desdemathématiquesaulibrearbitredesétablissements.Nous
avonsdoncprisunemoyenneetcomptél’appuicommeci-dessus.3 Lagrillehoraireprévoitdesniveauxdemathématiquessaufsi
l’établissementpossèdeunprojetpédagogiquequinelesper-
mettepas.Danslapratique,lesniveauxsontquasiinexistants!4 Ycompris1périodededessingéométrique.Lesétablissements
ontlapossibilitédesupprimer1périodedemathématiquesau
profitdel’option...
proportion des périodes de mathématiques pendant la scolarité
Canton de vaud Canton de Fribourgecole primaire et cycle de transition année ecole primaire
17.05% 1–6 20.37%
ecole secondaire obligatoire Cycle d’orientation
16.67% 16.67% 12.50% 7–9 14.50% 15.54% 18.65%
ecole de maturité ecole de maturité
StandardRenforcé StandardRenforcé
11.70%14.43% 10–13 13.33%11.36%
Voiesecondaireàoption
Voiesecondairegénérale
Voiesecondairebaccalauréat
Classesprégymna-siales
Classesgénérales
Classesàexigencesdebases
3 | les maThs du CYCle iniTial au gYmnase Comparaison vaud-FriBourg pour les heures de maThs
Cetableaunousmontreque,pourl’Ecole
dematurité,ladifférences’expliqueparune
grillevaudoisebeaucouppluslégère,neserait-
cequeparl’absenced’unequatrièmeannée.
Onnepeutpasfairelamêmeconstatationpour
l’écoleobligatoirepuisquelepoidsrelatifdes
mathématiquesyestluiaussiplusimportant
danslecantondeFribourg.
michel deruaz
professeur formateur à la HEP Vaud et
enseignant au Gymnase de Nyon
pris
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4
Aucoursdestroisdernièresdécennies,les
«ruclons1»ontprogressivementdisparuau
profitdedéchetteries.Cetteévolutionnes’est
pasfaitesanspeine.Elleresteinsuffisantepour
fairefaceàl’augmentationtrèsrapidedesdé-
chetsetdeleurimpactàlongtermesurl’envi-
ronnementnaturelethumain.Depuis1995,le
Réseau-écoles de sensibilisation à la gestion des
déchetss’estpeuàpeuétendudunordVaudois
àpresquetoutelaRomandie.Ilintervientsur
mandatdesespartenairesdanslesécoles.La
revuePrismess’estmiseàl’écoutedeceréseau
etaassistéàuneséanced’animationdansune
classed’Ecublens.
Anne Monnet 2, tu es responsable pédago-
gique du Réseau-écoles 3 depuis 2002. Peux-tu
nous rappeler l’origine de ce Réseau ?
Constituésouslaformed’unRéseauromand
en1998,leRéseau-écolesestàl’origineune
actiondecommunicationentrepriseparlaSo-
ciétépourleTri,leRecyclageetl’Incinération
desDéchets(STRID),l’undeshuitpérimètres
vaudoisdegestiondesdéchets.C’esten1995,
quelaSTRIDdécidedelancerunecampagne
éducativeauprèsdesécolesprimairesdeson
périmètre.L’accueildesenseignantsetleré-
sultatdel’opérationserévèlenttrèspositifs.
Ilestalorsdécidéquecetteactionsoitrecon-
duite,aveclesoutienduServicedesEaux,Sols
etAssainissementducantondeVaud(SESA),et
qu’ellesoitégalementproposéeauxautrespé-
rimètresdegestiondesdéchetsducanton.Dès
1998,d’autrespartenairesromandssesontin-
téressésànosprestationsetc’estainsiques’est
constituéunRéseauintercantonalquin’acessé
des’étendredepuis.Nosactivitésdesensibilisa-
tions’inscriventaujourd’huidansunedémarche
pédagogiqueetlaSTRIDestunpartenairedu
Réseauparmid’autres.
Comment le message du Réseau-écoles a-t-il
évolué au cours de ses 10 ans d’existence ?
Jusqu’àprésent,l’accentprincipalétaitporté
surl’importancedutridesdéchetsenvuede
leurvalorisationparlerecyclage:résoudreun
problèmeparunesolutiontechnique.Uneap-
prochequipourraitserésumerenunephrase:
«Situtries,tuastoutcompris.»Nosréflexions
s’oriententmaintenantversuneapprocheplus
progressivequiconduitd’abordl’enfantàpren-
dreconsciencequ’ilestlui-mêmegénérateur
dedéchetsetqueparconséquent,ceux-ci«ne
tombentpasduciel».Lesquestionsquenous
cherchonsàsouleveraveclesenfantssontdu
type:«pourquoiest-cequejeproduisautantde
déchets?commentpuis-jeréduireetmieuxgé-
rermesdéchets?»plutôtqueladiffusiond’un
simple«catéchisme»desbonnesrèglesdutri.
Nousleurdémontrons,parexemple,que
l’incinérationnerésoutpastouslesproblèmes.
DansunpetitpayscommelaSuisse,ellecontri-
Ce n’esT pas aux enFanTs d’éduquer leurs parenTs
dans CeTTe quaTrième parTie, CourTe il esT vrai, nous aBordons la relaTion à l’environnemenT. respeCTer la naTure pour éviTer de se Trouver sous une monTagne de déCheTs, C’esT le déFi que doivenT relever de nomBreuses disCiplines sCienTiFiques. a CeT égard, l’édu-CaTion au développemenT duraBle prend un relieF TouT parTiCulier. Ce suJeT auraiT dû êTre TraiTé dans Ce numéro, mais pour des rai-sons de plaCe, le leCTeur Trouvera un apporT sur CeTTe quesTion dans prismes 7 prévu pour l’auTomne 2007.
bueàdiminuerlevolumedenosdéchetsmais
ellenefait,pourlemoment,quedéplacerle
problèmeailleurs.Notrepoubelledéposéesur
letrottoirlaveilleauradisparulematincomme
parenchantement.Ils’agitalorspournousde
sortirdeslieuxcommuns,deretracerlechemin
delapoubellejusqu’àl’usined’incinération,de
valorisercetravaildans l’ombreetd’observer
cequirésultedel’incinération:descendreset
desmâchefersquidevrontêtreenfouisdansnos
sous-sols,commedansladéchargepourdéchets
stabilisésd’Oulens.
Danslecadredeprojetsd’établissements,
nousavonsproposéauxélèvesdeposerleursdé-
chetsdelarécréationsurunetable.Ensemble,ils
lesontanalysés,ontprisconsciencedesdéchets
qu’ilsproduisentensipeudetemps.Nousavons
comparécettesituationàd’autresmomentsde
lajournéeetàd’autrespériodesdel’histoire.
Sansnierlesprogrèsdenotrecivilisation,sans
penserqu’ilsoitobligatoirementnécessairede
vivrecomme au temps des hommes de Cro-ma-
gnon,nousavonsréfléchiensembleauxpossibi-
litésdediminueretdemieuxgérernosdéchets
avantd’envisagerleurtrietleurrecyclage.
Lesatteintesàl’environnementdoiventêtre
connues.MaisleRéseauévitelesgrandesthéo-
ries,ainsiquetouteculpabilisation.Ilsouhaite
partirprincipalementduconcret,duconnude
l’enfant.Celui-cidoitpouvoirréfléchiràson
environnementprocheetexpérimenterdes
solutionsdesonenvironnementprocheavant
d’allerversd’autresconsidérations.
Quels sont les aspects les plus importants pour
éveiller la fibre sensible, l’âme de chercheur puis
d’acteur de l’enfant en faveur d’un développe-
ment durable ?
Nousnevoulonsenaucuncas«enfoncerun
clou»ouconvaincre,danslesensd’allercontre
lespersonnesmalgréelles,etpartous les
moyens.Nousavonsoptépouruneapproche
réflexivesurnosmodesdefaire,devieetde
consommationenpariantsurl’avenir.Nosani-
mationsvisentlepartaged’uneinformationqui
puissepermettreplustardàchacundefairedes
choixetd’agirenconnaissancedecause.Notre
travailrestecependantbasésurlasensibilisa-
tion.Danslecadred’unprojetd’établissement,
nousavonsplusdetempspourconstruireun
raisonnementouunedémarchescientifique.
Notresouhaitàmoyentermeestdepouvoir
mettrerapidementenplacesuffisammentde
ressourcespourquel’enseignantpuisseanti-
ciperoupoursuivreladémarcheenclasse.Ac-
tuellement,nouscollaboronsdanscesensavec
lesecteurenvironnementduDépartementde
l’instructionpubliquegenevoissurlaconstruc-
tiondeséquencesd’apprentissage-évaluation
ensciencespermettantd’identifierdesentrées,
desexpérimentationsàmettreàlaportéedes
enfantsducycleinitial.
Peux-tu nous citer un exemple?
Enobservantladégradationd’objetsdéposés
dansunenvironnementprochedel’école,l’en-
fantdistingueralesdéchetsproduitsparlana-
turedeceuxissusdematériauxquenousavons
transformés.Enadoptantuneméthodescienti-
fiqued’observationconsistantàpeser,mesurer,
observer,ilferauntravaildeclassificationetde
catégorisation.Ilregarderaensuitedequellefa-
çonlanatures’yprendpourrecyclersespropres
déchetsenobservantlefonctionnementd’un
compost.Desanalogiespourrontêtrefaites
aveclaforêt.Constatantquecertainsobjetsne
sedégradentquetrèslentement,ilcomprendra
d’autantmieuxlaraisonpourlaquellel’homme
doitmettreenplaceuneindustriepour imiter
lanatureafind’éviterd’êtreengloutisousles
déchetsetpourréduirelesimpactsnéfastessur
l’environnement.Ilexpérimenteralui-mêmele
recyclagedupapier,uneactivitéfacilementréa-
lisableenclasse.Ilcomprendrarapidementque
pourpouvoirrecyclerdupapier,ilfautqu’ilsoit
épurédetouslesautresmatériaux,d’oùl’intérêt
dutridesdéchetsquicommenceàémergeret
fairesenspourl’enfant.Voicicequepeutêtreen
trèsraccourcil’exempled’uneapprochepas à pas
quenousexpérimentonsencemomentauprès
destoutpetits,lesressourcespédagogiquesà
leurintentionfaisantcruellementdéfaut.
Anne Monnet, quelle est ta fonction dans le
Réseau ?
J’aid’abordétéanimatricedurantsixmois
danslesclassesgenevoises.Cetteexpériencede
terrainm’apermisdesentircertainesdemandes
etattentesdesenseignants.J’occupemaintenant
lepostederesponsablepédagogique.Matâche
consisteàformeretencadrerl’équiped’anima-
teursetàdévelopperavecleurcollaboration
denouveauxdispositifsdesensibilisation.Je
continueàintervenirenclasseafindegarderun
piedsurleterrainetpourpouvoirtesterdans
lesécoleslesprogrammesquenousélaborons.
Lefeed-backdesenseignantsestpournouspri-
mordial.J’intervienségalementdanslaforma-
tioninitialeetcontinuedesenseignantsauprès
desHEPetdèsceprintempsauprèsduservicede
laformationcontinuedesenseignantsgenevois
danslecadredenotrecollaborationavecleDé-
partementdel’instructionpublique.
Quelles directives pourrais-tu donner pour
l’élaboration de programmes de gestion des
déchets ?
4 | approChe de l'environnemenT Ce n'esT pas aux enFanTs d'éduquer leurs parenTs
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Ils’agitpournousdeconcevoirdesprogram-
mesavecdescompétencesd’experts,maisen
intégrantlespréoccupationsdesenseignants.
Nousdevonssavoirresteràl’écoutedeleursbe-
soins,ainsiqu’êtreenadéquationaveclespro-
grammesd’études,lesobjectifsd’apprentissage
etlesapprochespédagogiquesenvigueur.
Lagestiondesdéchetsestundomainequi
évoluetrèsrapidement.Nosorduresdevien-
nentdel’or dur,desmatièresbientôtprécieu-
ses:chaquesemaineunnouveauprocédéde
recyclageestinventé;lalégislationévolueelle
aussirapidement.Pensez,ilyapeudetemps
encore,lesorduresnonrécupéréesétaientmi-
sesendécharge,aujourd’hui,onlesincinère
avecdesnormesstrictesréglementantl’épura-
tiondesfumées,lestockagedesscoriesetdes
cendres.Cettesituationnécessiteuneadapta-
tionetunemiseàjourconstantes.
Anne, j’ai assisté à une séance de sensibilisa-
tion dans une classe de deuxième cycle primaire.
Est-ce que vous travaillez avec les élèves de tous
âges ?
Jusqu’àmaintenantnousintervenonsprinci-
palementauprèsdesenfantsde4à12ans,avec
desanimationsspécifiquesetprogressivespour
chaquedegré.Nousavonsdumatérielpourle
secondaire1,quenoustestonsencemoment,
etquiestencoursd’adaptation.Sinosactions
desensibilisationontunimpactgénéralsurla
société,tantmieux.Maislasensibilisationdes
adultesnedoitpasêtrenégligée.Onnepeut
pasdonnerpourmissionàl’écolederésoudre
touslesproblèmesquelasociéténesaitpas
gérer,etfairereposerdesresponsabilitéssur
lesépaulesdesenfants,notammentcelled’édu-
querleursparents.
LestroisR:Réduire, Réutiliser, Revaloriser,
doiventpasserdanslapratiquequotidienne
desconsommateursadultesetenfants.
le pari du développement durable ou de la
décroissance ?
olivia henchoz, animatrice du réseau-éco-
les, m’accueille dans une classe d’élèves de 9
à �0 ans au collège neptune à ecublens, tenue
par anouk meylan. Cette dernière ne s’arrê-
tera pas à cette première séance de sensibi-
lisation. elle entend mener un travail à long
terme avec ses élèves, leur donner quelques
habitudes de vie et quelques repères pour leur
permettre d’apporter plus tard leur contribu-
tion à un développement durable.
OliviaHenchozrassemblelesélèvesdela
classeenuncercleautourd’elle.Pourfaciliter
unecommunicationpersonnalisée,elleleur
demanded’écrireleurnomsurunpetitpa-
pieretdelefixersurleurchandailaumoyen
d’unepinceàlinge.
Toutcommenceàpartirduvécudesenfants,
deleursobservations,deleurvocabulaire:
«Oùmettez-vousvosdéchets?quevont-ils
devenir?…»Lesélèvess’enflammentcomme
lesdéchets:«Ilsvontcramer!»Aucoursde
séquencesinteractives,lesenfantsdécouvrent
progressivementqu’ilnesuffitpasdebrûler
lesordurespourluttercontrelapollution.On
peutaussilesrecycleravantd’envoyerletout
àlastationd’incinération.Ilestpossiblede
sefamiliariseraveclesdéchetsetdelestrier
enfonctiondesrecyclagespossibles.D’autres
déchetsnedoiventpasalleraucentred’in-
cinération,parexemple,lespilespouréviter
qu’ellesn’ylibèrentdesmétauxlourdspol-
luantl’airetproduisantdescendrestoxiques.
Lesenfantsdécouvrentqu’ilfautlesemmurer
dansdubétonpourles«neutraliser»etéviter
deseffetsnégatifssurl’environnement.
Peuàpeu,letrietlesvoiesconduisantau
recyclage,àladestructionparlefeu,ouà
destraitementspluscomplexesdeviennent
unjeupourlesenfants.Larévélationlaplus
marquantepoureuxestladécouvertequele
feunedétruitpastout:ilfautencoretrou-
verunesolutionpourlesdéchetsdenosdé-
chets,soitdesespacesdestockage,telcelui
d’Oulens.Touslesparticipantssepassionnent
pourl’identificationdesdéchetsquinede-
vraientpasêtremisdanslapoubellenoire.
Avecuneaisanceetunintérêtremarquables,
lesgroupesd’élèvess’engagentdansl’analyse
ducyclededifférentsmatériaux.
Lesoutilspédagogiquespréparésparle
Réseau-écolesparlentauxélèvesetsontbien
cibléspourleurâge:lesdéchetsproviennent
desproduitsqu’ilsconsommentrégulièrement.
Lescyclesportentsurdesmatièrestellesque
leverre,lesvégétaux,lepapier,lefer,l’alu-
minium,lestissusetlecuiretlesplastiques
(PET).Plusieursélèvestâtentleurvêtement,
lorsqu’ilsapprennentquelePETrecycléper-
metdeproduiredutissu«polaire».
Lesconsignessonttrèsclairesetparfaite-
mentadaptéesauxcapacitésdesenfants.Les
connaissancesnouvellessontcommuniquées
avecunegrandeaisance.Iln’estjamaisques-
tiond’insisteroud’inculquerunevérité,mais
biendesuivreunedémarche,permettantaux
élèvesdedécouvrirlaréalité:recyclercoûte
deuxfoismoinscherqu’incinérer;lesstocks
denosdéchetsexigentdesemplacementsde
plusenplusdifficilesàtrouver;recyclerper-
mettrad’éviterquelesmatièrespremièresne
s’épuisentunjour.
Spontanément,lesélèvesfontdesproposi-
tionspourproduiremoinsdedéchetsetpour
économiserdesmatièrespremières:alleren
trottinetteouàpiedàl’école,allerdansdes
stationsdeskioùneroulentquedestaxisélec-
triques,prendreletrainpourallerloinaulieu
deprendrechacunsavoiture…Est-ceunpre-
mierpasversunesociétédedécroissancepour
échapperautotalitarismedel’économie4?
marguerite schlechten rauber
(les notes se trouvent à la page suivante)
Toutd’abord,ilconvientd’avouerquela
questionposéem’afortementsurpristantlaré-
ponseestpourmoiévidente:biensûrqu’ilfaut
enseignerlesdisciplinesscientifiquesàl’école!
Passécepremiermomentd’étonnement,j’ai
cherchédansl’actualitévaudoisecequipouvait
justifierunetellequestionetaipeut-êtreune
tentatived’explication…
Ildevienteneffetdeplusenplusfréquent
d’entendre,venusdestravéesdecertainspartis
politiques,desconseilsqueleursauteurscroient
sansdouteavisés:«Al’école,ilfautquenosen-
fantsapprennentàlire,àécrirecorrectement,à
compterjuste…»
Siheureusementcetteperceptionprimairedu
rôledel’écolen’estpasencorecelled’unemajo-
ritédespoliticiensdececanton,ilestimportant
demontreretd’expliquerl’absoluenécessité
d’ouvrirl’espritdesélèvesàtraversd’autresap-
proches,parlebiaisdematièresquiparaissent
peut-êtreinutilesoufutilesàcertains.Lesbran-
chesscientifiquesfontbienévidemmentpartie
decelles-ci,etjemeréjouisquevotrerevuey
consacreunnuméro:ceserasansaucundoute
unebasederéflexionintéressante,etjel’espère
utilepourcertains…
Enfin,etendehorsdecesconsidérations,s’il
fallaitdonneruneseuleraisondemaintenir
l’enseignementdelascienceparexemple,il
suffitdesepenchersurl’évolutioninquiétante
denotreenvironnement.Apprendreparexem-
pleàconnaîtrelaTerre(etàlarespecter)me
paraîtêtreessentielsil’onveuttenterd’inverser
latendancequel’onconnaîtactuellement.C’est
égalementsansdouteunmoyendecréerles
vocationsdecellesetdeceuxqui,demain,dé-
velopperontpeut-êtrelesénergiesdufutur,qui
inventerontdesmoyensdetransportspropres,
ouencorequitrouverontunvaccincontreune
nouvelleépidémiedévastatrice.
Jean-michel Favez
président du groupe socialiste
au Grand Conseil
enseigner les sCienCes pour respeCTer l’environnemenT
4 | approChe de l'environnemenT enseigner les sCienCes pour respeCTer l'environnemenT
1 Placeàcielouvertoùl’onsedébarrassaitdesdéchetssans
sepréoccuperdeseffetssurl’environnement.2 AnneMonnetauneformationensciencessocialesets’est
spécialiséeenhistoireagricole.Elleestimequel’agrono-
mieadespointscommunsaveclapédagogiedesdéchets.
Denosjours,l’agriculteurnefaitpasautrechosequede
travailleraveclanature:ilchercheàrefermerlescycles
naturels.Unegestionmodernedenosdéchetsfonctionne
surlemêmeprincipe:réintégrerlamatièredanssoncycle.
D’ailleurs,l’agricultureaétéetresteencoreunebranche
permettantlavalorisationd’ungrandnombredenos
déchets.Lemilieuetlacultureagricolesdonnentbeau-
coupdesensàlaréutilisationetàlarécupération.Après
avoireffectuéuntravaildevulgarisationsurdesprobléma-
tiquesagricolesauprèsd’adolescents,AnneMonnets’est
intéresséeattentivementaucontenudenospoubelles.Elle
areprisenparallèledesétudesensciencesdel’éducation.3 LesenseignantssouhaitantintégrerdesactivitésduRéseau
etrecourirauxoutilspédagogiquesélaboréspeuvent
consultersonsitewww.reseau-ecoles.ch4 Pourapprofondirlaréflexionsurundéfiposéauxhabitants
denotreplanètepourlevingtetunièmesiècle,onpeut
lireledernierlivredeSergeLatouche(2006).Leparidela
décroissance.Paris,Fayard.
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| 65enCore…
deux éTudianTs erasmus en éConomie à la hep vaud
Comment êtes-vous arrivés à la HEP Vaud?
Eve et GünNousavonsvul’offreErasmussur
desaffichesàl’école,nousavonsparticipéàune
réuniond’informationetreçudesprospectus,
puisnousnoussommesentretenusavecMar-
tineChevalier,enchargedesstagesErasmus
dansnotreécole.
Vuquelespossibilitésétaientépuiséespour
unstageenFrancevoisine,notreinterlocutrice
nousaproposélaSuisseetnousnoussommes
rabattussurcetteoffre.Unecollaborationsem-
bled’ailleurssemettreenplaceentrelaHaute
écoleIselldeLiègeetlaHEPVaud.
Dansnotreclassedeseptétudiantsenécono-
mie,lestagen’estpasintégréaucursushabituel,
autantdirequenoussommesdescobayes,la
voieétaitdoncàouvrir,voireàforcerquelque
peu…
Alors pourquoi avoir choisi un stage Erasmus ?
Eve Pourapprofondirlefrançais,jedemande
doncl’indulgencedulecteurpourmonexpres-
sion!Jevoulaisaussivoirunautresystèmede
formation,m’ouvriràuneautreculture,cela
meparaîtimportantdanscemétier.
GünEts’adapteràunmondeinconnu!
Justement, quelle image aviez-vous de la Suisse
avant de venir ?
GünLesmontagnes,unpaysindépendant.
Surlacarte,unîlotdansl’Europe.
EveUnpaysriche,sansl’Euro!
Et la découverte sur place?
GünLaSuisse,unpayscomparablesurbien
despointsàlaBelgique,entermesdepopula-
tion,desystèmefédéral,devariétésetausside
tensionslinguistiques.MaislaBelgiqueestplus
urbaniséeetindustriellequelaSuissequi,elle,
estplusdéveloppéedansletertiaireavecses
banquesetsesassurances.
EveIci,vousvotezsouventetlesystèmetour-
ne,mêmesilesproblèmesexistentaussi!Les
genssontquandmêmedistants,chacunvaque
àsesaffaires.
Et l’école?
EveDanslesclassesenBelgique,onparle
d’enseignant.Ici,c’estlemaître,alorsquechez
nouscetitreestexclusivementréservéauxavo-
cats.Celaconditionnepeut-êtrelerapportà
l’apprentissage.D’autresdifférencesapparais-
sentcommecelledel’obligationscolairequi
s’étendenBelgiquejusqu’à18ansalorsqu’en
Suisse,elles’arrêteà15ans1.
GünIci,lesystèmespécialiselesélèvesetleur
donnedesqualificationsprofessionnellesplus
tôt2.
EveUneautresurprise,c’estlaprésencede
manuels.EnBelgique,ilsn’existentpasdutout
danslesclasses:l’enseignantconstruitsespro-
pressupports.
Gün Ladifférenceestgrandeaussiquantaux
infrastructures.LepireétablissementenSuisse
seraitbienvuenBelgique.Onn’yverrapassou-
ventdesbibliothèques,detelsmoyensaudio-
visuels,dessallesdesmaîtresoudescafétérias
commenousenavonsdécouvertàLausanne.Il
yacheznouspeud’entretienetdoncdegrands
besoinsderénovationdesbâtimentsscolaires.
EveOui,maisc’estseulementdepuisicique
jem’enrendscompte.EnBelgiqueparcontre,
l’accentestmissurleseffectifscomprissouvent
entre12et18élèvesaumaximum.L’accentest
missurlesmoyenshumainsalorsqu’icicesont
lesmoyensmatérielsquisontfavorisés.
HEP Vaud – Isell Liège: quelle comparaison éta-
blissez-vous ?
Eve et Gün Lacomparaisonn’estpasaisée
cardanslescourssuivisici,notammentenéco-
nomieetdroit,lesautresétudiantssonttous
porteursd’unelicenceuniversitairealorsque
cen’estpaslecaspournous.Ici,lescourssont
centréssurcommentenseignerplutôtquesur
descontenusdisciplinaires.
GünEnBelgique,latendanceestàunensei-
gnementdetypesocioconstructiviste,lesautres
courantsnesontpasexploités.ALausanne,les
autresméthodessontaussiprésentéesetex-
ploitées.
Et dans vos classes ?
EveLesélèvesbelgesposentplusdeques-
tions.LesVaudoissont-ilsplusintrovertis?Est-ce
lefaitdetravailleravecdesmanuelsalorsque
lescourssontpluspersonnalisésenBelgique?
Est-cequelesméthodessontplutôtdetype
transmissif?
Quel bilan tirez-vous de cette expérience ?
EveUnedifficultéàlaHEPVaudestcelledu
choixdesstagesetdescourssansêtresuffisam-
mentguidé.ChaqueétudiantErasmuspourrait
avoirunétudiantcommeparrain.Ettroismois,
c’estbiencourt,unsemestrecompletserait
idéal.
evelYne dahm eT gün gediK viennenT de Belgique. ils amBiTionnenT d’oBTenir le TiTre de régenTe eT de régenT en sCienCes éConomiques eT en sCienCes éConomiques appliquées. gün aimeraiT par ailleurs oBTenir aussi une liCenCe en sCienCes de l’éduCaTion. ils sonT raTTaChés à la hauTe éCole isell à liège. C’esT dans le Cadre d’un éChange erasmus qu’ils sonT venus à lausanne.
deux éTudianTs erasmus en éConomie à la hep vaud
GünOui,c’esttropcourt.Etducôtédel’Isell,
lesstagesErasmusdevraientêtreouvertsplus
facilementàtouslesétudiants.
Eve et GünUngrandmomentaétélesémi-
naired’intégrationaumondeprofessionnel
horscadre,àlaTour-de-Peilz.
Enconclusion,nousrecommandonslestage
Erasmus.
propos recueillis par
Claude othenin-girard le 5 avril 2006
Actuellement, Claude Othenin-Girard
enseigne la didactique de l’économie en
formation initiale et continue à la HEP Vaud. Il
enseigne aussi au Gymnase de Chamblandes.
1 Enréalité,danslaplupartdescasl’apprentissagecomplète
laformationjusqu’à18ans,voireau-delàaveclesmaturités
professionnelles.2 Notedel’auteur:Günpenseàlaformationprofessionnelle,
notamment,parl’apprentissage;ilvoyaitcetélémentcomme
unavantagepourlaSuisse.3 Pas«prédigérée»pourlesélèves,ils’agitdedocumentation
officielle.4 Leconcepts’inspireduMonopoly.5 Günad’ailleursajoutéultérieurementàl’entretienrelatéci-
dessuslaremarquesuivante:«DanslecadreduséjourEras-
musetentantquestagiaire,j’aipuconstruireuneépreuve
encomptabilitédanslesclassesde8eannée.Ils’agitd’une
premièreexploitationdemonsujetdetravaildediplôme
quimepermettrad’affinermesrecherchesetlescritères
d’évaluationdescompétences.
Ladifficultémajeureaétéjustementd’établirlescritères
maiségalementdes’adapterauprogrammesuissecontenu
danslePland’EtudesVaudois(PEV)etsurtoutaveclesys-
tèmed’enseignementdelacomptabilité.»
le travail de diplôme d’eve
Quelles sont vos intentions dans le cadre de
votre travail de Diplôme ?
Fairequelquechosequisorteduquotidien
del’école;untravailquidonneauxélèves
l’enviedetravailleretquileurpermettede
révélerleurpersonnalité.
C’est l’ambition de nombreux maîtres, par-
don d’enseignants ! Comment comptez-vous
vous y prendre ?
Enlaissantcréerparlesélèvesunjeude
simulationdecréationd’entreprise.EnBel-
gique,ilyaunebonnedizained’étapesà
franchir.
Est-ce que cette course d’obstacles s’inscrit
dans le programme en Belgique ?
Leprogrammedudeuxièmedegréen
économieprévoit,àlafinducycle,queles
élèvessoientcapablesd’expliquerlesopé-
rationsindispensablesàlacréationd’une
entreprise.
Comment fonctionne votre concept de jeu?
Pourlejeu,deséquipesde4à6élèvessont
constituées.Lejeusecomposede4étapes.
Découvertedesétapesdecréationd’une
entrepriseàpartird’unedocumentation
«brute»–discussiondesidées–proposition
–productiond’unrapport.Créationdela
planche,descartesetdurèglement4.Test
dujeupard’autresgroupes.Evaluationdu
jeuparlesélèves.
Vous avez déjà expérimenté le jeu, quelles
remarques feriez-vous ?
Lesélèvess’investissentplusquecequeje
pensais,ilsretiennentprèsde80%desétapes,
chaquegroupeasapropreapprocheetpro-
duitdesdocumentsoriginaux.L’expérienceest
concluanteetm’encourageàpersévérerdans
cettevoie.
le travail de diplôme de Gün
Quel est le sujet de votre travail de diplôme?
Montravaildediplômeportesurl’évalua-
tiondescompétencesdesélèvesencomp-
tabilité.
Pourquoi avoir choisi ce sujet?
D’aprèscequej’aipuenlireetendiscu-
ter,cettepréoccupationestunenjeumajeur
pourunemeilleureformationdesélèves
maiségalementdanslecursusacadémique
desmaîtresd’économie–cecid’ailleurs
autantenBelgiquequ’enSuisse.
Quelles compétences comptez-vous dévelop-
per ?
Travaillersurdessituationsd’entreprise,
desdocumentscomptablescommedesfactu-
resd’achats,defrais,devente,trier,vérifier,
classer,analyseretenregistrerlesseulsfaits
utilesàlacomptabilité.
Ils’agiticiderendreleplusobjectifpos-
siblelacorrectionàpartird’indicateursfins
quipermettentàl’élèvedesesituerdans
l’apprentissage5.
enCore… deux éTudianTs erasmus en éConomie à la hep vaud
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| 67des ressourCes…
Destinéauxjeunesdèsseptans,l’Espace des
Inventionsestunlieud’éveilàlascienceetàla
technique,unespacededécouverteetd’expé-
rimentation.Sesactivitésvisentàsensibiliseret
intéresserlesenfantsetlesjeunesauxquestions
scientifiques.Ilaétéouvertendécembre2000
etoccupeunbâtimentuniquedatantdel’Expo-
sitionnationalede1964,sisauparcdelaVallée
delaJeunesseàLausanne.
des expositions
Depuissafondation,l’Espace des Inventionsa
présentéplusieursexpositions,dont4créations
maison.Sapremièreexpositions’intitulaitLa lu-
mière: voir plus loin que le bout de son nez.Des
thèmescommela réfraction, le kaléidoscope
géant, l’ombre et la lumièreétaientabordésde
manièreconcrèteetpratiquegrâceàplusde25
expériencesquelesvisiteurspouvaientmanipu-
lerpourdécouvrirlalumière,soncomportement,
sesapplicationsetses«bizarreries».Actuelle-
mentetjusqu’au6janvier2008,onpeutvoir
l’expositionintituléeFeuille, Caillou, Ciseaux :
à la découverte des matériaux.Lesvisiteursont
lapossibilitédesoupeser,déformer,palperdes
matières(métal,plastique,composite…),deles
testerenlesmanipulantgrâceàdesexpériences
imaginatives,ceciafindemieuxcomprendreles
matériauxetleurspropriétés.
Lesclassespeuventbiensûrvisitercetteex-
position.Deplus,undossierpédagogiqueestà
dispositionsurlesitedel’Espace des Inventions 1
etsurceluid’Ecole-Musée2,afindepréparerles
élèvesavantleurvenue.Desanimateurscompé-
tentsetforméss’efforcerontd’adapterlavisite
àl’âgeetàl’intérêtdesélèves.
le club des petits inventeurs
L’Espace des Inventionsorganiserégulière-
mentdesatelierspourlesenfants:leClub des
petits inventeursproposeauxjeunesdeseptà
douzeansdes’initieràladémarchedel’ingé-
nieurenréalisantdesexpériencesscientifiques
etdesobjetstechniquesqu’ilsramènerontàla
maison.Cesatelierssontorganisésencollabora-
tionavecleCentrevaudoisd’aideàlajeunesse
(CVAJ)etontlieulesmercredisaprès-midi.
pain, science & chocolat
Denombreusesconférencesscientifiquesont
lieuenSuisseromande,maispeusontaccessi-
blesauxenfantsetspécifiquementconçuesen
fonctiondeleursinterrogations.Pain, Science &
Chocolatestuncycledeconférencesdestinéaux
famillesquisedéroulechaqueautomne.Présen-
téparunouplusieursscientifiques,cemoment
interlude – curiositéoffrelapossibilitéàchacun,
petitougrand,deposertoutessesquestions,
puisdeprendreungoûterdansuneambiance
décontractéeetconviviale.L’entréeauxconfé-
rencesPain, Science & Chocolatestlibreetle
goûteroffert.Leprogrammesedéroulegénéra-
lementlesdimanchesenfind’après-midi.
autres activités
Danslebutd’éveillerl’intérêtdesenfantsetdes
jeunespourlascienceetlatechnique,l’Espace
des Inventionscréediversévénementstoutau
longdel’année.LeGrand Concours romand
pour Petits Inventeursinvite,parexemple,les
classesde4et5eannéedeRomandieàinventer
unengintechniquepourrésoudreunproblème.
Lagrandefinaleauralieucetteannéele2juin
2007.
L’Espace des Inventionscollaboreégalement,
chaqueannée,àlaNuitdesmuséesetàd’autres
événementsannuelscommePâKOMUZé.
valentine lugrin
chargée de communication
à l’Espace des Inventions
1 Coordonnéesdel’Espace des Inventions:ValléedelaJeu-
nesse1,1007Lausanne.www.espace-des-inventions.ch
[email protected]él:0213156880Fax:021
31568822 Voiraussilaprésentationd’Ecole-MuséedansPrismes5de
novembre2006,p68:www.ecole-musee.vd.ch
l’espace des inventions
l’éducation à l’environnement, ça s’apprend…
CecentrePro Natura 1estsituéàCheseaux
Noréaz2dansuncadresauvagesurlarivesud
dulacdeNeuchâtel.Lesclassespeuventse
baladeraugrédespasserellesetdeschemins
danslaréserveeteffectuerdesobservationsde
lafauneetdelavégétationtypiquesdecette
zonehumide.Diversesactivitésetexpositions
sontproposées.
Depuisleprintemps2006,lesentierdespa-
pillonsinvitelesdétectivesenherbeàrésoudre
uneénigmepassionnante:«Quiavolélemiel
denosruches?».Cejeudepistecheminede-
puislesruchesdudomaine,traverselesjardins,
suitleslisières,etlongelemarais.
Dèsle24mars2007,castoretombresontà
l’honneur.Uneexpositioninéditeetintrigante,
La rivière dans tous ses états,metenlumièrele
milieudelarivièreetseshabitants,aujourd’hui
enpéril.Jeuxd’adresse,d’observationetactivi-
téssensoriellessontaurendez-vous.Auxcôtés
deFaria la Truiteetd’Hector le Castor,menez
l’enquêteetbaladez-vousaufildel’eaupour
endécouvrirlessecrets.Lepoissonvousinté-
resse:découvrezsamorphologiedanslesmoin-
dresdétails.Lecastorvousattire:entrezdanssa
hutteenempruntantletunnelsouterrainamé-
nagéparcerongeur.Puis,enfilezlecostume
dumartin-pêcheuroudelasalamandrepour
plongerdanslarivière.Desanimationspermet-
tentauxenfantsd’approfondirleursconnais-
sancessurlefonctionnementdececoursd’eau.
UnspectacleaudiovisuelAu fil de l’eau, meten
scènelarivièreetconduitlespectateurtoutau
longducheminqu’elleparcourt.Deplus,le
peintregruérienJérômeGremaud,levendéen
BenoîtPerrotinetsoncollèguesculpteurDomi-
niqueRautureauunissentleurstalentsetoffrent
leursvisionsdelarivièreavecdesregardscom-
plémentairesempreintsd’unegrandesensibilité.
animatura 3
Desanimations,destinéesauxclassesainsi
qu’àtouslesgroupesintéressés,dispensentde
façonludiquedesconnaissancessurlanature
prèsdechezeux.Ellesdurenttroisheureset
sontadaptéesàl’âgeetauxcapacitésdespar-
ticipants.Desanimatricesetdesanimateursont
étéspécialementformésetserendentdansla
régiondesclassesquienfontlademande.Une
mallettepédagogique,pleinedejeuxetdepro-
positionsd’activitéspermetd’éveillerlacuriosité,
l’enthousiasme et l’émotiondesélèvestouten
lesstimulantàjeterunregardcritiquesurla
naturequilesentoure.
Animaturarépondauxattentesdesensei-
gnants.Deplus,lesobjectifsdesanimationss’in-
tègrentdanslesplansd’étudesofficiels.L’année
passée,lesélèvesontétéamenésàdécouvrirles
coursd’eau.Cetteannée,ilsserontconduitssur
lestracesducastor.
et encore…
• Uneplate-formedidactiqued’e-learningpour
partiràladécouvertedescoursd’eauderrière
sonordinateuretmieuxlescomprendredans
lanature.Liendirect:www.liberez-nos-rivie-
res.ch
• Desaidespourl’enseignementetdumatériel
didactiquesurdifférentsthèmesenrapport
aveclaprotectiondelanature,dontunelet-
tred’informationenvoyéetroisfoisparan
auxenseignants.
• UnjournalpourlesjuniorsCroc’nature,pro-
posechaquetrimestreunnumérorichement
illustré,quiabordeunthèmedelanaturepar
exemplel’eau c’est la vie, la nuit, les fourmis
des bois, le renard, le castoretrécemment
l’ombre.Cejournalestuneressourcepour
l’éducationàlanatureetàl’environnement
toutparticulièrementpourlesclassesdejeu-
nesélèves.
régine Clottu
1 Pro Naturafutfondéeen1909souslenomdeLigue suisse
pour la protection de la nature.L’objectifdecettenouvelle
associationconsistaitàouvrirunparcnationalenEngadine.
L’ambitieuxprojetaboutiten1914.EnSuisse,Pro Naturaest
l’associationderéférenceenlamatière.Elleaccueilletoute
personneaimantlanatureetcomprendaujourd’hui100’000
membres.Ellecollaboreàlagestiondeplusde600réserves
naturellesenSuisse.2 LecentrePro NaturadeChamp-Pittet,1400Yverdon-les-
Bains,estouvertdu24marsau4novembre07,dumardiau
dimanchede10hà17h30.www.pronatura.ch/champ-pittet
[email protected]él0244269341.3 Pourplusd’informations,consultezlesitewww.pronatura.
chrubriqueEcole/Jeunesseouécrivezàeducation.environ-
[email protected]él.0244269315.
le CenTre pro natura de Champ-piTTeT (vd)
des ressourCes…
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explorer le Ciel esT un Jeu d’enFanT•mireille hartmann(2001).Explorer le ciel est un jeu d’enfant. editions le pommier.
Partiràladécouvertedesplanètes,descomètesetdesétoiles,c’estcequeproposecelivretruffé
d’illustrationsetdeschémasexplicatifs.Ils’adresseauxjeunesélèvesetleurproposedesactivités
variéescomme,parexemple,l’observationin situ(àl’œilnuouauxjumelles…),dessimulationsà
l’aidedemaquettestrèssimples,laréalisationdereprésentationsartistiquescoloréesouencore
lemimedusystèmesolairedansunegrandesalle.Unequantitédedomainesd’apprentissage
sonttouchésparcesactivités:exercicesgraphiques,créationsartistiques,perceptionsvisuelles
etobservation,apprentissagedelalectureparlanécessitédereconnaîtrelesnomsdesplanètes,
structurationdel’espaceetdutemps,etd’autresencore…Deplus,àlafindel’ouvrage,ontrouve
desfichesàphotocopier,illustrantdestravauxdirigésàpartirdesdifférentsthèmes.Maisparces
activitéstrès«concrètes»,lesenfantss’interrogent,découvrent,s’étonnent,admirentetsont
gagnésparunémerveillementdevantl’immensitédel’univers.
régine Clottu
méCanique, une inTroduCTion par l’hisToire de l’asTronomie•eric lindemann(1999).Mécanique, une introduction par l’histoire de l’astronomie.de Bœck,
Bruxelles.
DanscenumérodePrismes,EricLindemannaprésentélui-mêmesonouvragedanssonarticle
«DelaPhysique?Faut-ilencoreenseignerlaphysiqueauGymnaseendehorsdesoptions?».Qu’on
mepermettededonnericimontémoignagedelecteurlittéraire,quiauraitpudonc,s’ilavaitété
beaucoupplusjeune,bénéficierdesoncoursdephysiquedestinéauxnonscientifiques.Sonvaste
panorama,del’antiquitégrecqueànosjours,suscitetoutd’abordunimmenserespectpourcette
prodigieusehistoiredelaconnaissancerigoureusedumonde,parfoischaotique,toujoursproblé-
matique,toujoursenmarche.Mêmesileprofanenepeutlaregarderquedeloin,ilestfrappé
parlabeautéintellectuelledecetteœuvredueàlacuriositéetàlasouveraineintelligencedes
grands.LalecturepatientedulivredeLindemannprovoqueensuitechezlelittéraireouvertaux
sciencescesentimentaprèstoutdélicieuxd’êtreintelligent !Carl’auteurconduitsonlecteurpas
àpas,enexigeantcertesdeluiuneffort(nulledémagogie,nullefacilité),pourluipermettrede
comprendrecequ’iln’avaitfaitqu’entrevoir.Etl’onnepeutpastaireenfinlestyledel’auteur,
d’uneéléganteclartétouteclassique.C’estdoncàunebelle leçond’intelligenceetd’humilitéque
nousconviel’auteur,leçonquej’aisuivieavecbonheur,regrettantmêmeparfoisd’avoirétéson
collègue,etnonsonélève!
denis girardet
Coup de Cœur : présenTaTion de livres
Je souhaiTe oBTenir un aBonnemenT à prismes
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de plus, Je désire reCevoir ❏ no � ❏ no 2 ❏ no 3 ❏ no 4 ❏ no 5 ❏ no 6
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impressumComité de rédactionNicolasChristin,RégineClottu,DenisGirardet,Jean-LouisPaley,MargueriteSchlechtenRauber.AveclacollaborationdeJean-ChristopheDecker.responsable éditorialConseildedirectiondelaHEPVaudadresse postale RédactiondePrismes,HEP-InstitutdeformationcontinueAv.deCour33,CP,CH-1014Lausanneadresse électronique du comité de ré[email protected] webwww.hep.vd.ch,rubriquePublicationsmaquette et réalisationAtelierK,Lausannephotographies NicolasChristinP.8Dessinsd’étudiantsUnige/P.14&15DessinsdeNasrat/P.16DessindeChiaraCINPully/P.20&22Illustrationsextraitesdel’ouvrageintitulé:Mécanique,uneintroductionparl’histoiredel’astronomie.EricLindemann.Ed.DeBœck.1999/P.26PhotoEPFL.E.Salathé/P.47Composition.J.Treboux.AVI.9b1.Es.Planta/P.49DessindeVirginieUhlmann.GymnasedeNyon/P.50Dessind’YvanSchneider/P.66Erasme.Gravure/P.67Affi-cheEspacedesInventionsLausanne.PhotoAlainHerzog/P.68Logoetextraitd’illustration.RevueProNaturaJanvier2007/P.69ScanCouverturesdelivres:Explorerlecielestunjeud’en-fant.MireilleHartmannEd.LePommier2001Mécanique,uneintroductionparl’histoiredel’astronomie.EricLindemannEd.DeBœck.1999.Bruxelles.
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