Science & Santé N°22

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Le magazine de l’Institut national de la santé et de la recherche médicale Ebola La riposte s’organise Yves Lévy L’heure de la réflexion collective VIH/sida La recherche transformée N°22 l NOVEMBRE - DÉCEMBRE 2014 DOULEUR Bientôt sous contrôle ?

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Novembre Decembre 2014Le magazine de l'InsermDans ce numéro :- Ebola : la riposte s'organise- Yves Lévy : l'heure de la réflexion collective- VIH/Sida : la recherche transformée

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    DouleurBientt sous contrle ?

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    Une douleur qui persiste aprs un traumatisme bnin, des mois, voire des annes, aprs cicatrisation de la lsion ; une douleur qui survient dans un membre fantme ; ou encore une douleur qui

    apparat sans lsion identifiable, autant dobservations perturbantes, non seulement pour la plupart des patients, mais galement la majorit des mdecins. Surtout que, la plupart du temps, ces douleurs ne rpondent pas aux antalgiques usuels. Les douleurs chroniques, qui doivent tre considres non comme des symptmes, mais bien comme dauthentiques maladies, sont lies des remaniements profonds des systmes nociceptifs - ceux qui intgrent les stimuli aversifs - priphriques et centraux, dont les mcanismes molculaires et cellulaires sont aujourdhui beaucoup mieux compris. en ralit, les donnes exprimentales confortent les rsultats de la recherche clinique qui soulignent, eux aussi, la trs grande diversit et la complexit des situations. Le principal dfi aujourdhui est de trouver les relations entre les mcanismes fondamentaux et les diffrentes douleurs que dcrivent les patients, pour dvelopper de nouvelles stratgies thrapeutiques. ces dernires sappuieront non seulement sur de nouvelles molcules qui agissent sur des cibles trs prcises, mais galement sur des approches non mdicamenteuses, comme les diverses techniques de neuromodulation utilisant des stimulations lectriques ou magntiques. dans ce contexte, le diagnostic, lvaluation et la prise en charge des patients requirent des connaissances scientifiques et des comptences cliniques de plus en plus spcifiques, qui confrent la mdecine de la douleur le statut de spcialit mdicale part entire.

    Didier Bouhassiradirecteur de lunit Inserm 987

    Physiopathologie et pharmacologie clinique de la douleur Prsident de la Socit franaise dvaluation et de traitement de la douleur

    la une 4 Ebola Les chercheurs vent debout

    Dcouvertes 8 Maladies auto-immunes

    TGF-b : le garde-fou du systme immunitaire 10 Division cellulaire Grer les centrioles 12 Gntique Rparer quoi quil arrive ! 14 Mdecine rgnrative

    Des microtransporteurs pour rparer les tissus

    ttes chercheuses 16 Pierre Jannin

    Crateur d'outils intelligents pour les neurochirurgiens

    reGarDs sur le MonDe 19 Cancer Cartographier l'ADN en un CLIC

    cliniqueMent vtre 20 Maladies inflammatoires chroniques de lintestin

    Trouver les causes, affiner les traitements

    Grand anGle 24 Douleur

    Bientt sous contrle ?

    MDecine Gnrale 36 Incontinence urinaire

    Ces fuites qu'on ne saurait voir

    entreprenDre 38 Cancer Les peptides l'assaut !

    opinions 40 Prvention du VIH

    Faut-il traiter les homosexuels ?

    stratGies 42 Yves Lvy

    LInserm lheure de la rflexion collective

    50 ans De linserM 44 VIH/sida De la mobilisation des chercheurs

    aux traitements prventifs

    Bloc-notes 46 C3RV34U Testez votre cerveau ! 48 La gntique pour tous

    SOMMAIRE

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  • LTaux de ltalitProportion de cas fatals lis une maladie ou une condition particulire

    Malgr un taux de ltalit(L) de seulement 50%, plus faible que lors des prcdentes pid-mies, la flambe dEbola, dbute en dcembre 2013, est la plus svre jamais enregistre depuis la dcouverte du virus en 1976. D'aprs lOrganisation mondiale de la sant (OMS), faute de moyens de lutte suffisants, ce sont plus de 20 000 malades qui seront

    craindre avant la fin de lanne, soit environ 10 000 morts si le taux de ltalit se maintient. Il ne sagit plus dune simple pidmie, mais dune crise humanitaire qui sinstalle dans la dure, selon Jean-Franois Delfraissy, directeur de linstitut thmatique multi-organisme Microbiologie et maladies infectieuses (IMMI) de lAlliance nationale pour les sciences de la vie et de la sant (Aviesan).Plus de neuf mois aprs lidentification du virus par les chercheurs franais du laboratoire P4 Inserm-Jean- Mrieux de Lyon, le taux de reproduction soit le nombre de cas secondaires gnrs par un malade reste trs lev: entre 1,71 et 2,02 selon les pays. Au Liberia et au Sierra Leone, les personnels de sant continuent dtre infects, ce qui est un trs mauvais signe, selon

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    Avec 4 033 morts pour 8 399 malades selon lOMS (10 octobre 2014), lpidmie dEbola qui svit en Afrique de lOuest frappe par son ampleur et jette un clairage cru sur une maladie trop longtemps nglige. Prises de court, les autorits internationales tentent aujourdhui de ragir. Dans les laboratoires franais aussi, la riposte sest organise.

    Aot 2014, une quipe de Mdecins sans frontires dcouvre un cas dEbola chez un enfant Kailahun (Sierra Leone).

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    la une Dcouvertes ttes chercheuses regarDs sur le monDe cliniquement vtre granD angle mDecine gnrale entreprenDre opinions stratgies Bloc-notes

  • sylvain Baize : unit 1111 inserm/ens/cnrs universit claude-Bernard lyon 1, centre international de recherche en infectiologie, quipe Biologie des infections virales mergentes (ciri/institut pasteur) herv raoul : us3 inserm, laboratoire p4 Jean-mrieux, virologie, tude des agents pathognes de classe 4 Xavier anglaret, Denis Malvy : unit 897 inserm universit de Bordeaux/institut de sant publique dpidmiologie et de dveloppement, quipe vih, cancer et sant globale dans les pays ressources limites

    s. Baize et al. the new england Journal of medicine, 19 septembre 2014 doi: 10.1056/neJmoa1404505

    Who ebola response team. ebola virus Disease in West africa - the First 9 months of the epidemic and Forward projections, the new england Journal of medicine, 23 septembre 2014 doi: 10.1056/neJmoa1411100

    Sylvain Baize* du Centre national de rfrence des fivres hmorragiques virales. Habituellement, les mdecins sont touchs seulement le temps que lon comprenne quil sagit dune pid-mie dEbola. Le fait que des soignants ne soient toujours pas protgs est un indicateur de la relative dsorganisation de la rponse sanitaire.Contrairement aux rgions plus centrales de la Rpublique dmocratique du Congo ou du Soudan, lAfrique de lOuest navait encore jamais subi Ebola. En revanche, cest une zone qui connat rgulirement des cas de fivre de Lassa, une autre fivre hmorragique qui, elle, est transmise par les rongeurs, prcise Sylvain Baize. Comme les symptmes sont similaires, les premiers cas dEbola, propags par les chauves-souris via les grands singes, ont peut-tre t confondus avec des cas de Lassa ou de paludisme. Si on ajoute le fait que les populations africaines de 2014 sont bien plus mobiles que celles de 1976, ou mme celles des annes 1990, on obtient un funeste cocktail qui explique en partie la multiplication des foyers observe. Ceci aggrav par labsence de traitement thrapeutique. La prise en charge des patients se borne, pour le moment, larhydratation de soutien par voie orale ou intraveineuse, accompagne de prise dantipyrtiques qui luttent contre la fivre. Lide est de maintenir le patient en vie au moins huit dix jours, le temps quil fabrique ses propres anticorps et triomphe de la maladie.

    Des traitements identifisConscients de lampleur de lpidmie et du vide thra-peutique, un comit dexperts de lOMS sest runi Genve dbut septembre afin de recenser les traitements exprimentaux ltude travers le monde. Parmi les huit identifis, le favipi ravir, ou T-705, est celui qui est

    le plus rapidement utili sable sur le terrain. Il est dj commercialis au Japon comme antigrippal et prsente le triple avantage dtre disponible, administrable par voie orale et dot dun profil de scurit et de toxicit connu. Autant de raisons qui ont motiv la mise en place rapide, sous limpulsion de lIMMI, de deux essais thra peutiques par des quipes franaises: une tude sur lanimal sera ralise au laboratoire P4 de haute

    scurit de Lyon. Super-vis par son directeur Herv Raoul*, elle dbutera en novembre, une fois les exigences rglementaires satis-faites. Nous allons mener des essai s

    sur quatre sries de 15singes, pendant 20 semaines, explique-t-il. Et chaque srie nous apportera des donnes supplmentaires pour les suivantes en termes de dose, de mode dadministration et dimpact du dlai entre linfection et le traitement. Ce travail sera ralis en troite colla boration avec les quipes du laboratoire P4

    allemand de linstitut Bernard-Nocht des maladies tropicales de Hambourg, et du laboratoire P4 anglais de Salisbury.

    Trouver la bonne doseUn essai de phase II(L), ralis chez lhomme cette fois-ci, va galement dbuter en novembre en Guine, en collaboration avec les autorits sani-taires guinennes et probablement Mdecins sans frontires (MSF). Il sera men par Xavier Anglaret et Denis Malvy *, du centre de recherche pidmio logie et biostatistique de

    Sylvain Baize, spcialiste des fivres hmorragiques virales, ici dans son laboratoire lyonnais

    LEssai de phase IIRalis sur 100 300 volontaires malades avec pour objectif de dterminer la dose minimale efficace de produit et dventuels effets inattendus

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    Virus Ebola, virus ARN responsable de cette fivre hmorragique (microscopie lectronique balayage)

    Les premiers cas dEbola ont peut-tre t confondus avec des cas de Lassa ou de paludisme

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    Un laboratoire ouvert par le CDC amricain en aot, prs de Monrovia (Liberia), proximit de MSF, o lon teste les prlvements sanguins des malades prsentant des symptmes dEbola.

    lInserm Bordeaux, et par France Mentr*, de lhpital Bichat-Claude Bernard Paris. Il tentera de dterminer la dose minimale deffi cacit du favipiravir chez 60 patients recruts dans trois centres de traitement. Il y a eu de nombreuses discussions autour du fait que cet essai ne sera pas randomis en double aveugle(L), mais un tel protocole randomis, qui impliquerait que lon donne un placebo la moiti des malades, serait trs mal accept dans le contexte actuel par les populations locales, explique Jean- Franois Delfraissy. Tous les patients de lessai recevront donc une dose de favipiravir, mais des concen-trations plus importantes que dans la grippe. Les premiers rsultats devraient tre connus au 1er trimestre2015. Une tude de sciences humaines et sociales sur lacceptabilit dun essai thrapeutique par les populations en priode de crise sanitaire y sera associe.

    Des outils de diagnostic rapideAutre projet important: Vincent Lotteau* mne en ce moment un travail de criblage(L) de molcules au sein de la start-up EnyoPharma quil a cofonde avec lappui

    dInserm Transfert Initiative(L). Il sagit didentifier des molcules agissant sur les protines cellu laires impliques dans la rplication du virus Ebola, dtaille-t-il. Les molcules passes en revue sont des mdi caments dj auto riss chez lhomme, et sont testes en premire intention au laboratoire P4 Jean-Mrieux pour pouvoir bnficier, le cas chant, dun transfert rapide chez lhumain. Les protines cellulaires cibles peuvent tre, par exemple, des facteurs de transcription(L) qui

    entranent la rplication de lARN viral. Ce pro-jet, qui sinscrit dans une nouvelle approche de la recherche anti virale linteractome (L) , devrait prendre plu-sieurs mois avant darri-ver slectionner des molcules candidates.

    Mais les traitements ne sont pas le seul cheval de bataille, les acteurs de terrain ont aussi besoin doutils de diagnostic rapide. Jusqu prsent, ils taient assurs par les machines PCR(L) des laboratoires P4, explique Xavier de Lamballerie*, qui dirige lunitmergence des pathologies virales luniversit Aix-Marseille. Problme: il faut parfois attendre prs dune semaine entre le prl vement et la confirmation du diagnostic.

    LEssai randomis en double aveugleEssai dans lequel les patients sont alatoirement rpartis entre deux groupes, lun recevant un traitement et lautre un placebo. Ni les patients ni ceux qui les soignent ne savent qui est affect quel groupe.

    LCriblageConsiste passer en revue une bibliothque de molcules pour identifier celles susceptibles dinteragir avec une cible prcise.

    France Mentr : unit 1137 inserm/universit paris 13-paris-nord universit paris-Diderot, quipe Biostatistique, investigation, pharmacomtrie vincent lotteau : unit 1111inserm/ cnrs umr 5308/ ens universit claude-Bernard lyon 1, centre international de recherche en infectiologie (ciri) Xavier de lamballerie : umr 190 irD/cole des hautes tudes en sant publique/aix-marseille universit

    Le criblage permet didentifier des molcules agissant sur les protines cellulaires impliques dans la rplication du virus

    Le laboratoire P4 Jean-Mrieux de Lyon permet de travailler en scurit maximale.

    Il est totalement hermtique, constitu de plusieurs sas de dcontamination et de

    portes tanches. Les chercheurs portent des scaphandres sous pression positive,

    lair respir, fourni par des narguils, est indpendant du laboratoire.

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  • Lab, en Guine, septembre 2014 : la population assiste une campagne dinformation et les autorits locales procdent aux mesures dhygine indispensables, telles que le lavage des mains.

    Son quipe travaille ainsi au dveloppement dun nouveau protocole de diagnostic standardis et utilisable dans nimporte quel hpital africain dot dun appareil de PCR en temps rel. Pour compliquer encore la tche, leur mthode devra tre mme didentifier dautres maladies tropicales, comme la fivre jaune ou le paludisme, et ainsi aider au diagnostic diffrentiel. La PCR temps rel dtecte et quantifie nimporte quel pathogne, quil sagisse

    de virus, de bactrie ou de champignon, poursuit-il. Les quipes pied duvre en Afrique de lOuest utilisent dj des tests de diagnostic rapide fonds sur la PCR, mais suivant des protocoles et utilisant des ractifs ou ciblant des parties du gnome viral trs htrognes. Certains nont pas, ou peu, t valus correctement. Nous nous fondons sur des rsultats dj connus, notre protocole sera disponible dans moins de trois mois, espre

    Xavier de Lamballerie, qui mne cette recherche avec le Centre national de rfrence des fivres hmorragiques virales.Tous ces travaux sins-crivent dans le court ou moyen terme, mais il faut aussi prparer le terrain des futures recherches. Cest pour cela que lIMMI dAviesan est en train de dvelopper un projet de cohorte de resca ps dEbola. En tudiant les caractr ist iques biologiques, immuno-logiques ou gntiques de ces patients, les scienti-fiques seront mme de dfinir les marqueurs de svrit(L) et de trouver les cls pour les mdicaments de demain, avec lespoir que lpidmie actuelle soit une des dernires, si ce nest la dernire.n Damien Coulomb

    la France, colonne vertbrale de la recherche europenne en situation durgencePour faire face aux futures grandes pidmies, une structure capable de coordonner des projets de recherche transversaux durgence est indispensable. En France, il sagira dune instance au sein de lIMMI dAviesan, qui sappuie sur les laboratoires de lInserm, de lIRD, des Instituts Pasteur. Cette organisation aura pour objectif de prparer lurgence en inter-crise : cration de modles de cohortes, des essais thrapeutiques, anticipation des problmes rglementaires lis aux autorisations de traitements , prcise Bernadette Murgue* de lIMMI. Elle sera dote de personnel immdiatement mobilisable en cas de crise, ainsi que dune rserve budgtaire pour mettre en uvre, instantanment, des programmes de recherche, en attendant de mobiliser des sources institutionnelles comme le programme hospitalier de recherche clinique (PHRC). Lensemble sera pilot par lIMMI (Bernadette Murgue et Yazdan Yazdanpanah*), avec deux centres de mthodologie et de gestion de crise : un pour les pays du Nord et le second pour les pays du Sud, respectivement dirigs par France Mentr et Arnaud Fontanet de lInstitut Pasteur. Une des missions sera aussi dorganiser la coopration entre pays du Nord et du Sud pour rapprocher les essais thrapeutiques du lieu des pidmies. Une structure regroupant les diffrents pays vient dtre cre au niveau europen : GLoPID-R (Global Research Collaboration for Infectious Disease Preparedness). Suite un appel doffres remport par la France, elle sera coordonne par la fondation Mrieux au nom d'Aviesan.

    Bernadette Murgue : directrice adjointe de linstitut de microbiologie et de maladies infectieuses (aviesan) Yazdan Yazdanpanah : unit 1137 inserm/universit paris 13-paris-nord universit paris-Diderot, service des maladies infectieuses et tropicales

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    LInserm Transfert InitiativeSocit rattache lInserm et Inserm Transfert, et ddie au financement damorage de jeunes entreprises innovantes dans le domaine biomdical

    LFacteurs de transcriptionProtine ncessaire linitiation ou la rgulation de la transcription des gnes en ARN

    LInteractomeEnsemble des interactions entre les diffrentes molcules biochimiques de l'organisme

    LPCRPour polymerase chain reaction. La raction en chane par polymrase permet de copier en un grand nombre dexemplaires des squences dADN partir dune faible quantit dacide nuclique prsente.

    LMarqueurSubstance qui, prsente en excs ou en quantit insuffisante, rvle une pathologie particulire.

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  • MAlAdIES AutO-IMMunES

    TGF-b : le garde-fou du systme immunitaireQuand notre propre systme immunitaire attaque nos cellules, on parle de maladie auto-immune. Mais comment notre meilleur alli devient-il un jour notre pire ennemi ? Une protine, la TGF-b, serait la cl de cette nigme.

    Julien Marie : unit 1052 inserm/cnrs 5286/centre lon-Brard universit claude-Bernard lyon 1, quipe helmholtz-inserm

    LCytokine Molcule de signalisation cellulaire agissant sur dautres cellules pour en rguler lactivit et la fonction

    LAnticorpsProtine capable de reconnatre une autre molcule, et seulement celle-ci. Lanticorps vient se lier lantigne, favorisant son limination par les reins ou le systme immunitaire.

    Le systme immunitaire est une dfense redoutable de lorganisme contre les agents pathognes, les molcules trangres ou les cellules cancreuses. Il regroupe une arme de cellules et dorganes - notamment le thymus, les ganglions lymphatiques - qui interagissent de faon complexe et assurent la prcision et la particularit de son action. Cette efficacit requiert un niveau lev de rgulation faisant inter-venir des protines spcifiques et permet-tant, ainsi, au systme immunitaire de distinguer les constituants normaux du corps de ceux supprimer. Cependant, il arrive quun grain de sable se mette dans cette mcanique de contrle bien huile et conduise au dveloppement dune maladie auto-immune (comme le lupus rythmateux, le diabte de type I ou la sclrose en plaques), o les globules blancs attaquent alors nos propres cellules. Mais pourquoi un tel dysfonctionnement?

    Pour rpondre cette question, JulienMarie * et son quipe du Centre de recherche en cancrologie de Lyon (CRCL) ont en ligne de mire lune des protines de rgulation, le TGF-b (Transforming Growth Factor). Depuis une vingtaine dannes, celui-ci est connu pour son importance capitale dans le contrle du dveloppement des maladies auto-immunes, souligne le chercheur. En effet, les animaux dficients pour cette cytokine (L) vont sponta-nment dvelopper des syndromes auto- immuns graves. Les recherches de lquipe avaient dj permis diden-tifier le rle essentiel du TGF-b dans le contrle des lymphocytes T, ces cellules immunitaires qui ne gnrent pas d'anticorps (L) mais des substances chimiques toxiques pour les corps trangers. Ainsi, en labsence de TGF-b, le nombre de lymphocytes T augmente considrablement. Hors de contrle, ces cellules se retournent alors contre l'organisme.Dans leur dernire tude, les chercheurs se sont donc plus particulirement intresss aux lymphocytes T. Leur approche ? Bloquer spcifiquement l'action du TGF-b dans ces cellules grce une mutation gntique qui affecte son rcepteur. notre grande surprise, en

    droite, dpt massif dauto-anticorps (en vert) dans des glomrules rnaux de souris dont les lymphocytes T ne rpondent plus au TGF-b ( gauche, sujet contrle).

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    TGFbR-KOTGFbR-WT

    Sant de la femmeVers des antiprogestatifs plus spcifiquesSur le march de la contraception dur-gence, lulipristal est la molcule la plus rcente. Son mode daction ? Bloquer les rcepteurs de la progestrone, une hor-mone strodienne. Le biologiste Jrme Fagart * et son quipe Paris ont

    dvoil les raisons de son efficacit, lie sa spcificit. En effet, les cher-cheurs ont compar les structures en trois dimensions des sites de liaison

    entre les autres antagonistes (L) dj en vente et les rcepteurs strodiens. Ils ont ainsi pu identifier les contacts respon-sables de la haute spcificit de lulipristal. Des rsultats qui devraient favoriser la synthse de nouvelles molcules inhibant prcisment laction de la progestrone, pour traiter notamment des pathologies hormono-sensibles telles que le cancer du sein. V. R.

    Jrme Fagart : unit 693 inserm - universit paris-sud 11, rcepteurs strodiens : physiopathologie endocrinienne et mtabolique

    i. petit-topin et al. the Journal of steroid Biochemistry and molecular Biology, 6 septembre 2014 (en ligne) doi: 10.1016/j.jsbmb.2014.08.008

    LAntagonisteMolcule se fixant sur un rcepteur la place du messager habituel sans engendrer son activation

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    Structure tridimensionnelle du site de liaison de l'hormone du rcepteur de la progestrone ayant fix l'ulipristal

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    la une Dcouvertes ttes chercheuses regarDs sur le monDe cliniquement vtre granD angle mDecine gnrale entreprenDre opinions stratgies Bloc-notes

  • lymphocytes T et B par injection soit de TGF-b, soit de molcules qui neutraliseraient ses effets. Et pourquoi pas, matriser le dveloppement des maladies auto-immunes et du cancer, imagine le chercheur. n Jean Fauquet

    Dans lorganisme, le TGF-b maintient un faible nombre de cellules TFH, insuffisant pour activer massivement les lymphocytes B et conduire la production dauto-anticorps. En labsence de ce contrle par le TGF-b, les cellules TFH saccumulent et activent les lymphocytes B, qui deviennent des plasmocytes produisant de grandes quantits dauto-anticorps capables de dgrader les organes.

    manipulant les lymphocytes T, nous avons observ une augmentation de la quantit dauto-anticorps qui attaquent nos cellules. Cela suggrait un effet sur les lymphocytes B, producteurs, eux, danticorps. Or, ceux-ci ntaient pas affects par la mutation , constate Julien Marie. Avec son quipe, le chercheur rvle alors le rle dune

    p o p u l a t i o n particulire de lymphocytes T, les T follicular helper (TFH), dont le nombre rgule lactiva-tion des lym-phocytes B et dont la dyna-mique dpend d e T G F-b . Paralllement,

    les scientifiques ont montr que ce der-nier est essentiel au dveloppement des lymphocytes T CD8 rgulateurs, capables d'induire la mort programme (apoptose) des cellules TFH et donc de maintenir leur population constante (voir schma).Au-del de ces rsultats, ltude confirme bien que le TGF-b, en contrlant les lymphocytes T et, dsormais, les lymphocytes B est LA cytokine rgulatrice ubiquitaire (L) la plus puissante de lorga-nisme, insiste Julien Marie. Avec son quipe, il entreprend maintenant dtudier le fonctionnement de cette cytokine dun point de vue molculaire et de comprendre comment le TGF-b, produit en particulier par les cellules canc-reuses, affaiblit la rponse immunitaire. Avec un espoir: celui de russir, un jour, contrler lactivation des

    Le TGF-b, en contrlant les lymphocytes T et les lymphocytes B est LA cytokine rgulatrice ubiquitaire la plus puissante de l'organisme

    LUbiquitaireSe manifeste dans lensemble de lorganisme.

    J. c. marie et al. immunity, septembre 2006 ; 25 (3) : 441-54

    m. mc carron et al. Journal of clinical investigation, 26 aot 2014 (en ligne) doi : 10.1172/Jci76179.

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    Greffe du curMieux dceler les risques de rejetJean-Paul Duong van Huyen *, au Centre de recherche cardiovasculaire Paris, et ses collaborateurs ont dcouvert une mthode pour dtecter les cas suspects de rejets de greffe cardiaque, grce une simple prise de sang. Pour linstant, seule lanalyse dun fragment de tissu cardiaque obtenu par biopsie peut fournir ce diagnostic. Ces chercheurs ont

    identifi, chez 113 transplants cardiaques issus de diffrents centres,

    4 microARN (L) prsents en plus grande quantit dans le srum des patients manifestant un rejet de greffe. Pour sassurer quelle a bien pris, il suffirait donc de vrifier la quantit de ces biomarqueurs dans le srum des transplants. En cas dabondance de ces 4 microARN, le diagnostic serait confirm par biopsie. Ces rsultats sont trs encourageants mais les auteurs restent prudents et esprent obtenir des financements pour valider cette mthode dans une tude prospective. B. S.

    Jean-paul Duong van huyen : unit 970 inserm universit paris-Descartes, parcc J.-p. Duong van huyen et al. european heart Journal, 31 aot 2014 (en ligne) doi:10.1093/eurheartj/ehu346

    LMicroARNCourte squence dARN contrlant lexpression de certains gnes

    Cellules inflammatoires (en mauve) dans la microcirculation cardiaque et dme interstitiel dissociant les cellules musculaires cardiaques (en rouge), signe dun rejet de greffe

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    dIvISIOn cEllulAIRE

    Grer les centriolesAu sein des cellules, le centrosome, compos de deux centrioles - des structures particulires -, joue un rle primordial lors de la division cellulaire. Mais un risque de tumeur apparat lorsquil sen forme plusieurs. Pourtant, certaines cellules en fabriquent une centaine sans aucune perturbation cellulaire ! Comment ? Cest ce qutudie lquipe coordonne par Nathalie Spassky * lInstitut de biologie de lcole normale suprieure de Paris avec, en ligne de mire, la lutte contre les cancers.

    nathalie spassky, alice Meunier : unit 1024 inserm/cnrs umr 8197 - institut de biologie de lcole normale suprieure

    a. al Jord et al. nature, 12 octobre 2014 (en ligne) doi : 10.1038/nature13770

    Pour assurer lorganisation de son squelette, la cellule peut compter sur les centrioles, des assemblages tubulaires constitus de filaments de protines. Associs par paire, les centrioles forment un centrosome. Juste avant que la cellule se divise lors de la mitose, les deux composants se dtachent lun de lautre et un procentriole se forme la base de chacun dentre eux. Cette duplication est qualifie de semi-conservative puisque chaque nouveau centriole est form partir dun pr-existant. Les deux nouveaux centrosomes, composs donc dun centriole-pre et dun centriole-fils, migrent alors de part et dautre de la cellule, constituant ainsi deux ples. Cest ce qui se passe en temps normal. Mais si le nombre de centrosomes prsents avant la mitose est suprieur deux, le cytosquelette est perturb, ce qui peut engendrer une rpartition anormale des chromosomes et/ou une instabilit des adhsions cellulaires favori-sant prolifration anarchique et invasion mtas-tasique, indique Alice Meunier*, charge de recherche dans lquipe de Nathalie Spassky. Toutefois, mme sil est certain que dans 80% des tumeurs humaines les cellules possdent plus de deux centrosomes, Alice Meunier pr-cise quon ne sait pas si la production surnumraire de centrioles est une cause ou une consquence des tumeurs.

    une jeunesse bourgeonnanteEn parallle, il existe dans lorganisme des cellules multi-cilies qui fabriquent bien plus que deux centrioles sans former de tumeurs. Pour structurer leurs cils, elles ont en effet besoin de crer entre 30 et 200 centrioles. Si elles sont capables dune telle prouesse sans provoquer de tumeurs, cest parce quelles sont dj diffrencies. Autrement dit, elles ne se divisent plus, condition ncessaire pour gnrer des tumeurs. Les chercheurs sintressent donc cette exception physiologique dans

    lespoir de comprendre ce qui se passe ailleurs dans lorganisme lors dune surproduction de centrioles. Ainsi, diverses tudes ont montr, quau sein des cellules multicilies du cerveau, deux voies de synthse des centrioles coexistent. Pour 10 % des centrioles, la reproduction ressemble une duplication classique semi-conservative. Mais pour les 90 % restants, ils semblent pousser sur une boule noire, visible sous microscope lec-tronique, appele deuterosome. Lorigine de cette structure tant inconnue, lhypothse tait que ces centrioles appa-raissaient de novo, sans modle prexistant, prcise Alice Meunier. En combinant vido-microscopie, imagerie de super-rsolution et microscopie lectronique, les chercheurs ont montr, de faon inattendue, un effet de bourgeonnement du plus jeune des deux centrioles prexistants - le centriole-fils - donnant lieu lapparition des deuterosomes et de leurs centrioles. Ces observations rendent ainsi caduque lhypothse prcdente et pointent pour la premire fois une asymtrie entre les deux cen-trioles du centrosome, quant leur capacit gnrer de nouveaux centrioles. Alice Meunier suggre que le plus jeune serait moins mature et naurait pas les mmes mcanismes dinhibition, ceux qui limitent le nombre de centrioles synthtiss, que lautre . Cette diffrence de

    maturit pourrait tre lorigine de la formation surnu-mraire de centrioles. Dans le contexte de cellules qui continuent se diviser, cette capacit, jusque-l inconnue, du fils pourrait tre implique dans la multiplica-tion pathologique de ceux observs dans les tumeurs. Aujourdhui, les recherches dAlice Meunier visent dterminer par quels mcanismes le plus jeune centriole parvient supporter la formation massive de centrioles. Et, plus gnralement, trouver une voie thrapeutique contre les tumeurs, fonde sur linhibition des acteurs res-ponsables dune production surnumraire de centrioles. Encore faudra-t-il prouver que cest la surproduction qui engendre les tumeurs et non linverse. n Nadge Joly

    Les taches vertes rvlent le bourgeonnement des centrioles autour du centriole-fils d'une cellule multicilie. Sous la flche rouge, l'angle de vue bascule de 90 : la forme tubulaire des centrioles apparat.

    Pre

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    Dcouvertes

  • Coupe de cerveau monte sur une matrice de microlectrodes. En vert, les neurones localiss dans la zone de malformation

    Certaines malformations du cortex crbral peuvent engendrer une pilepsie, souvent rfractaire aux traitements conventionnels. Selon les travaux de Jean-Bernard Manent * et de

    son quipe de lInmed, ce nest pas la malformation en elle-mme qui en est la source mais les zones crbrales avoisinantes, dapparence normale, qui se retrouvent perturbes dans leur fonctionnement. Les chercheurs ont pu faire ce constat en inhibant lactivit lectrique de ces zones chez des rats prsentant une malformation corticale.

    La survenue des crises dpilepsie a alors t retarde. Un rsultat qui permet denvisager une intervention thrapeutique pour rendre ces rgions gnratrices de crises pileptiques lectriquement silencieuses. V. R.

    Jean-Bernard Manent : unit 901 inserm - aix-marseille universit, institut de neurobiologie de la mditerrane

    l. Franck petit et al. annals of neurology, 11 aot 2014 (en ligne) doi: 10.1002/ana.24237

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    pilepsieteindre les gnrateurs de crises

    Bientt des essais cliniques ? T comme TlomraseQui na jamais rv de vivre en forme jusqu un ge canonique ? La tlomrase pourrait bien tre la cl de cette longvit pour tous. En effet, cette enzyme, constitue dun assemblage dARN et de protines,

    synthtise aux extrmits des chromosomes des squences rptes de nuclotides (L), appeles tlomres. Ces fragments dADN non codants protgent le reste de linformation gntique - formant le chromosome - des raccourcissements invitables dus aux divisions cellulaires successives. Or, la tlomrase sexprime essentiellement dans les cellules souches embryon naires et les cellules cancreuses, justement qualifies dimmortelles. Lenzyme est, linverse, peu prsente dans les cellules adultes diffrencies. Celles-ci

    vieillissent donc en mme temps que la longueur des tlomres diminue, jusqu atteindre un point de non-retour : larrt de leurs rplications et la mort cellulaire.

    Rcemment, lquipe Inserm Plasticit gnomique et vieillissement, dirige par Jean-Marc Lematre *, a russi stopper cette volution en reprogrammant des cellules de donneurs gs de 74 101 ans. Elles ont t ainsi rajeunies et la longueur de leur tlomre correspond nouveau celle des cellules embryon-naires. Les prmisses de la mdecine rgnrative ? J. F.

    Jean-Marc lematre : unit 661 inserm/cnrs/universit montpellier 2 universit montpellier 1, institut de gnomique fonctionnelle et institut de mdecine rgnratrice et de biothrapie (inserm/chru/um1)

    QueSaCo ?

    LNuclotides Molcules de base de lADN et de lARN

    Au cours des crises dpi-lepsie, les neurones du cor-tex crbral sont stimuls anormalement. Mais o et comment ces crises sont-elles gnres ? Pour y rpondre, Nail Burnashev * et son quipe de lInsti-tut de neurobiologie de la Mditerrane Marseille ont tudi leur association avec la sclrose tubreuse de Bourneville (STB), une mala-die gntique qui se manifeste notamment par des pilepsies pharmaco-rsistantes. La STB est due des mutations dans les gnes suppresseurs de tumeurs, TSC1 et TSC2, qui favorisent le dveloppe-ment, au niveau du cerveau, de malformations appeles tubers corticaux, consid-res comme pileptognes. Mais, ces derniers ne seraient pas seuls respon sables de lapparition des crises. Les travaux des chercheurs mar-seillais montrent quune mutation unique sur TSC1 suffit induire les pilep-sies, indpendamment de la

    prsence des tubers. De plus, les chercheurs montrent, dans un modle murin de STB et dans des tranches de tissu humain prlev dans des ablations chirurgicales destines gurir le patient, une prsence exacerbe de la sous-unit GluN2C du rcep-teur NMDA (L). Des observa-tions confirmes par lanalyse molculaire chez lhomme et lanimal, qui suggrent que cette prsence accrue pourrait tre responsable des crises en augmentant de faon excessive lexcita bilit des neurones. Et, en effet, ladministration dun bloqueur spcifique de cette sous-unit - qui nentrave donc pas la totalit de lactivit de ce rcepteur - empche les crises chez lhomme et lani-mal. Ces travaux ouvrent des perspectives intressantes et nouvelles de traitement de cette maladie, pour laquelle la chirurgie est actuellement la seule option. Dans ce but, des brevets ont t pris afin de pouvoir, par la suite, lever des moyens pour effectuer des essais cliniques. J. F.

    nail Burnashev : unit 901 inserm - aix-marseille universit, inmed

    n. lozovaya et al. nature communications, 1er aot 2014 (en ligne) doi : 10.1038/ncomms5563

    LRcepteur NMDARcepteur canal activ par le glutamate conduisant linflux nerveux excitateur

    En orang, les tlomres lextrmit des chromosomes

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    novembre - dcembre 2014 n 22 11 11

    Dcouvertes

  • GEnEtIquE

    Rparer quoi quil arrive!

    LPolypeptidesEnchanement de 10 100 acides amins

    LTrichothio- dystrophie Maladie gntique rare qui affecte le systme de rparation de lADN entranant une photosensibilit accrue.

    LXeroderma pigmentosumAussi connue sous le nom des enfants de la Lune , cette pathologie touche le systme de rparation de lADN. La photosensibilit excessive et les troubles oculaires occasionns exposent les patients un risque lev de cancer de la peau ou des yeux.

    LSyndrome de CokayneD une mutation gntique hrditaire, il se caractrise par une photosensibilit, un retard de croissance, un vieillissement et un dcs prmaturs.

    Frdric coin : unit 964 inserm/ cnrs universit de strasbourg, institut de gntique et de biologie molculaire et cellulaire, quipe expression et rparation du gnome

    s. Ziani et al. the Journal of cell Biology, 25 aot 2014 (en ligne) doi : 10.1038/jcb.201403096

    Bien quil soit toujours labri dans le noyau de nos cellules, notre ADN peut tre endommag par des facteurs environnementaux chimiques ou physiques (comme les rayons ultraviolets du soleil). Lorganisme a donc mis en place des moyens efficaces de protection et de rparation de la double hlice. Le systme NER (pour nucleotide excision repair) est lun dentre eux. Son fonctionnement : dtecter les lsions dans le gnome, ouvrir la molcule dADN lendroit concern, enlever la lsion, puis la remplacer par une squence dADN rpare. Toutes ces tapes font intervenir plus de 20 polypeptides (L) qui sagencent selon un ordre squentiel prcis : XPC, qui reconnat lanomalie, puis TFIIH (contenant XPB, XPD et TTDA) qui ouvre la molcule dADN, puis XPA, XPF... Cest essentiel de comprendre les bases molculaires de la construction de ce mcanisme de rparation , souligne Frdric Coin *, de lIGBMC Strasbourg. Pour cela, son quipe a tent de forcer la formation du complexe de NER en labsence de lsion, afin dobserver si le processus pouvait se drouler sur un ADN non endommag. Et surprise ! Les tapes de NER restent inchanges et se droulent de manire ordonne, comme en cas de lsion. Du moins,

    cest ce que rvle les images ci-contre, o lapparition de spots verts et rouges traduit la prsence respective de XPB (photo 1 a) et XPA (photo 1 b), grce au marquage par immunofluorescence. Quant la prsence de spots jaunes (marquage Merged), elle confirme leur colocalisation et donc le recrutement de XPA par XPB (photo 1 c). Rsultat : lordre dassemblage des polypeptides du systme de rparation NER a bel et bien t respect.Mais comment les chercheurs ont-ils fait ? En dtournant le systme lactose Oprateur lactose Rpresseur (LacO-LacR) utilis par les bactries pour rguler lexpression de leurs gnes. Tandis que la protine LacR est attache au polypeptide XPB de NER, la squence LacO est introduite dans le gnome. La formation

    du complexe LacO-LacR permet alors de fixer artificiellement XPB lADN (spots verts, photo 2 a), en labsence de lsions et donc sans XPC, puisquen amont dans lordre dassemblage : labsence de spot rouge (photo 2 b) confirme que XPC nest pas recrut et labsence de spot jaune que ces deux polypeptides ne sont pas prsents au mme endroit (photo 2 c).Et cette astuce leur a galement permis de mieux comprendre les dfauts molculaires associs une maladie gntique rare, la trichothiodystrophie (L), qui touche prcisment le systme

    NER en raison dune mutation de la sous-unit TTDA, appartenant comme XPB au complexe TFIIH. Les chercheurs ont ainsi utilis le systme LacO-LacR pour fixer la version mute de TTDA dans le gnome (photos 3, colonne de droite), afin dobserver lassemblage des protines suivantes de NER. Et ils ont mis en vidence un dfaut de recrutement de XPA, traduit par labsence de spot rouge (photo 3 e) et de spot jaune (photo 3 f), en tant quindice de colocalisation avec XPB (spots verts, photo 3 d). Consquence : la formation du systme de rparation est incomplte et la rparation de lADN serait nettement moins efficace chez les patients. linverse, lorsque le TTDA nest pas mut, lassemblage se droule sans accro, XPB et XPA tant visibles ensemble (spots jaunes photo 3 c) et sparment (spots rouges et verts, photos 3 a et 3b).Cette mthodologie innovante peut maintenant tre tendue dautres mutations responsables daltrations du mcanisme de rparation de lADN, ce qui offre de belles perspectives pour la comprhension de plusieurs maladies gntiques rares, comme le xeroderma pigmentosum (L) ou le syndrome de Cockayne (L). n Jean Fauquet

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    Dcouvertes

  • AVCQuand le cerveau ne traite plus ses dchets Thomas Gaberel * et ses collgues de lunit dirige par Denis Vivien *, ont montr qu la suite dun accident vasculaire crbral (AVC) hmorragique, le rseau de traitement des dchets propre au cerveau, appel systme glymphatique, cesse de fonctionner. Cest en injectant un agent de contraste visible par IRM dans le cerveau de souris ayant subi un AVC que les chercheurs se sont rendu compte de ce phnomne : la circulation glympathique tait bloque par des caillots sanguins et linjection dune molcule qui dgrade les caillots a permis de la rtablir. Des recherches devront tre menes afin de connatre limpact neurologique de ce phnomne. B. S.

    thomas Gaberel, Denis vivien : unit 919 inserm - universit de caen Basse-normandie, srine protases et physiopathologie de lunit neurovasculaire

    t. gaberel et al. stroke, 4 septembre 2014 (en ligne) doi: 10.1161/stroKeaha.114.006617

    IRM crbrale. Chez les souris ayant subi un AVC, le produit de contraste inject dans le systme glymphatique reste confin au cervelet (gris clair).

    Pubert Un gne dclencheur identifiAfin de mieux comprendre les mcanismes de dclenchement de la pubert et de contrle de la fertilit par le cerveau, Nicolas de Roux * et son quipe de lunit Neuroprotection du cer-veau en dveloppement se sont penchs sur le gnome de trois frres atteints dun nouveau syndrome associant absence de pubert, diabte et neuropathie priphrique (L). Ils ont dcel une dltion de 15 nuclotides (L) dans le gne qui code pour la rabconnectin-3. La fonction de cette protine synaptique est inconnue mais elle sexprime, notamment, dans les neurones responsables de la scrtion de la gonadoli-brine (GnRH), une hormone indispensable au

    dclenchement de la pu-bert. Pour sassurer que la faible expression de ce gne tait bien lorigine de labsence de pubert, les chercheurs ont repro-duit le gnotype chez des souris. La dltion du gne provoque bien une infertilit, associe une

    diminution du nombre de neurones GnRH dans lhypothalamus, prouvant ainsi que le dveloppe-ment, ou la survie, de ces neurones dpend du niveau dexpression de la rabconnectin-3. B. S.

    nicolas de roux : unit 1141 inserm universit paris-Diderot-paris 7 B. tata et al. plos Biology, 23 septembre 2014 (en ligne) doi: 10.1371/journal.pbio.1001952

    LNeuropathie priphriqueAltration du systme nerveux priphrique

    LNuclotideMolcule de base de lADN

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    AVC hmorragique Contrle

    novembre - dcembre 2014 n 22 13 13

    Le GPS de notre cerveau lhonneurNobel De mDeCINe 2014Nobel De mDeCINe 2014

    May-Britt et Edvard I. Moser

    Lundi 6 octobre, le prix Nobel de mdecine a t dcern lAnglo-Amricain John OKeefe (University College de Londres) et aux Norvgiens May-Britt et Edvard I. Moser (Universit de Trondheim), pour leurs travaux sur un systme crbral qui permet de sorienter dans lespace, quel que soit lenvironnement. Laventure commence en 1971 quand John OKeefe dcouvre que certaines cellules

    de lhippocampe sactivent spcifiquement lorsque des rats se trouvent un endroit prcis. Appeles cellules de lieu , elles constituent ainsi une cartographie de lespace dans lequel volue lanimal, confirmant le rle de lhippocampe dans la mmoire, notamment spatiale. Trente-quatre ans plus tard, ce sont les poux Moser qui dcouvrent le rle dautres cellules situes

    dans le cortex entorhinal, une zone du cerveau proche de lhippocampe, dans ce systme de GPS interne . Appeles cellules de grille , elles forment un systme de coordonnes qui permet un positionnement prcis dans lespace, et donc de sorienter lors dun dplacement. Lexistence et le fonctionnement de ces cellules ont depuis t confirms chez lhomme. Elles

    sont particulirement affectes dans certaines maladies neurodgnratives, comme chez les malades dAlzheimer dont les capacits de reprage sont ainsi diminues. N. J.

    John OKeefe

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    www.nobelprize.org8

    Dcouvertes

  • MEdEcInE REGEnERAtIvEDes microtransporteurs pour rparer les tissus

    LCellule soucheCellule indiffrencie qui peut devenir une cellule de nimporte quel type de tissu ou dorgane.

    LInfarctus du myocardeLa crise cardiaque est caractrise par la mort de cellules sur une zone plus ou moins tendue du muscle cardiaque.

    LIschmie cardiaqueInterruption de lapport doxygne vers le cur entranant des dommages au niveau de la vascularisation et, par extension, des lsions du tissu myocardique.

    LCellules myocardiquesCellules qui constituent le muscle cardiaque.

    LGreffes autologuesLes cellules greffes sont prleves sur le patient receveur.

    Pour rparer un tissu, les mdecins tentent dsormais dy transplanter des cellules souches (L). Nanmoins, ces thra-pies innovantes restent encore limites : les cellules greffes ne survivent et ne se diff-rencient pas toujours de faon optimale chez lhte. Lingnierie tissulaire tente donc de dpasser ces obstacles

    avec, en outre, comme objectifs, de mieux comprendre les mcanismes en jeu lorsque des lsions se produisent et de mettre au point des technologies qui amliorent la rparation tissulaire. Des objectifs partags par lunit Micro- et nanomdecines biomimtiques dAngers, o les chercheurs dveloppent des outils capables de transporter les cellules jusquau tissu rparer, tout en favorisant la survie, la diffrenciation et lintgration de ces greffes. Le nom de ces transporteurs tout faire: les MPA, pour microvecteurs pharmacologiquement actifs.

    la rparation cardiaqueClaudia Montero-Menei* et ses collgues angevins se sont en particulier intresss la rparation des lsions survenant au cours dun infarctus du myocarde(L),

    ou encore dischmie cardiaque(L). Pour rparer le cur, ils ont utilis des cellules souches drives du tissu adipeux (ADSC), capables de se diffrencier en cellules myocardiques(L) et damliorer ainsi les fonc-tions cardiaques amoin-dries. Autre avantage: elles permettent des greffes autologues (L), ce qui limite le risque de rejet. Quant aux transporteurs convoyant ces cellules souches jusqu leur cible, les chercheurs ont mis au point des MPA novateurs: des microsphres poly mriques biodgradables et bio-compatibles. Celles-ci librent des molcules, comme des facteurs de croissance, lesquels conduisent les cellules souches sur la voie de la diffrenciation, prcise la chercheuse. Par ailleurs, elles ont une surface biomimtique, cest--dire quelles sont recouvertes de molcules composant la matrice extracellulaire dans laquelle baignent habituellement les cellules dun tissu in vivo. Cette couche est, de plus, en 3D, car il est essentiel de reproduire larchitecture de cette matrice pour favoriser les interactions intercellulaires. Pour concevoir cette surface biomimtique, les scien-tifiques ont compar in vitro les performances des molcules de laminine et de fibronectine, deux glyco-protines impliques dans larchitecture tissulaire. Gagnante: la laminine. Lorsque celle-ci recouvre la

    Grce lingnierie tissulaire, les chercheurs sont aujourdhui capables de mieux comprendre la dgnrescence des tissus, notamment cardiaques et crbraux. Mais aussi de les rparer avec de nouveaux outils biotechnologiques et biomimtiques. Exemple avec des microvecteurs pharmacologiquement actifs, qui transportent des cellules souches vers les rgions lses.

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    Formulation des MPA et de l'hydrogel

    Des cellules souches aux cellules cardiaques

    Hydrogel thermosensible

    Microsphres biodgradables

    + surface biomimtique (laminine oufibronectine)

    Surface biomimtique

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    Les ADSC se lient aux microvecteurs.

    + adSCMicroenvironnement

    tridimensionnel et viscolastique

    MPA : microvecteur pharmacologiquement actifADSC : cellules souches drives du tissu adipeux

    Libration de facteurs de croissance

    Survie des ADSC et expression des biomarqueurs cardiaques

    n 22 novembre - dcembre 201414 14

    Dcouvertes

  • claudia Montero-Menei : unit 1066 inserm - universit dangers (lunam)

    J.-p. Karam et al. Journal of Biomedical materials research, 7 aot 2014 doi: 10.1002/jbm.a.35304

    J.-p. Karam et al. Journal of controlled release, 28 octobre 2014, 192 : 8294

    n. Daviaud et al. experimental neurology, 31 octobre 2013, 248 : 42940

    surface des MPA associs un cocktail de facteurs de croissance induisant la diffrenciation, les chercheurs constatent que lexpression de biomarqueurs (L) cardiaques par les ADSC augmenteaprs seulement une semaine: preuve de leur engagement dans la voie de diffrenciation en cellules myocardiques. Larchitecture 3D induit galement lexpression plus mature(L) de la troponineIcardiaque, une protine qui intervient lors de la contraction du tissu, ajoute Claudia Montero-Menei. En parallle de ces travaux, lquipe dAngers met ga-lement au point une mthodologie permettant dam-liorer la comprhension des mcanismes qui entrent en

    jeu lors de lsions tissulaires, mais aussi de tester diff-rentes options thrapeutiques. Les chercheurs se sont intresss aux dgnrescences crbrales, comme celles qui apparaissent dans la maladie de Parkinson. Pour tudier leur volution au niveau crbral et limpact de telle ou telle thrapie, les solutions existantes prsentent des inconvnients. In vivo, les scientifiques sont en mesure dobserver les interactions avec lenviron nement. Mais ils ne peuvent tester quune seule thrapie par animal, ce qui limitent les comparaisons. In vitro, ils ont la possi bilit de tester leffet de plusieurs thrapies partir dchantillons provenant dun mme animal, mais ils ont du mal reproduire les interactions qui interviennent habituellement dans le cerveau.

    le cerveau en coupe rglePour pallier ces manques, les chercheurs angevins ont opt pour un compromis entre tudes in vitro et in vivo. Son nom: la coupe organotypique du cerveau. Concrtement, il sagit de raliser, chez le rat, des coupes suivant des angles bien prcis qui permettent de conserver intacte larchi tecture du cerveau et, en loccurrence, tous les circuits nigro-stris(L), dont la dgnrescence est implique dans la maladie de Parkinson, prcise Claudia Montero- Menei. Sur ces coupes qui reproduisent fid-lement ce qui se passe in vivo, on provoque des lsions comparables. Grce lIRM ou la spectromtrie de masse(L), lvolution des tissus peut alors tre suivie en continu. Plus que de comprendre comment la dgn-rescence tissulaire progresse, ce suivi nous permet surtout denvisager des stratgies de rparation adaptes, souligne la chercheuse. Car dans ce milieu, copie conforme des

    interactions crbrales, il est galement possible de contrler trs finement lenvironnement et de tester par exemple limpact de diffrentes molcules pharmaco-logiques sur les lsions tissulaires: en raction des stratgies varies, le comportement des cellules peut tre observ, tout comme la raction des organes.Exemple : grce ce modle, lquipe de Claudia Montero-Menei a valu lefficacit de deux types de cellules souches, associes un vecteur capable de les amener vers un site de rgnration tissulaire et de librer des facteurs de croissance. Les rsultats sont encoura-geants: meilleur contrle de lenvironnement de trans-

    plantation, augmentation de la survie des cellules greffes ainsi que leur diffrenciation, etc. Ces travaux seront prochaine-ment publis. Notre but est bien videm-ment daller vers des appli-cations cliniques. Reste que nous travaillons lchelle des cellules, qui sont trs sensibles. Cela implique de se poser des questions essentielles, notamment

    celle qui concerne les patients qui pourraient bnficier de telles thrapies, nuance Claudia Montero-Menei. Dans le cas de la maladie de Parkinson, les traitements classiques base de dopamine fonctionnent bien. Mais long terme, ils entranent des effets secondaires lourds: des travaux ont montr par exemple que la prvalence de psychoses augmentait de 40% durant des traitements dopaminergiques. Selon la spcialiste, cest seulement des stades dj trs avancs que des greffes de cellules souches pourraient tre proposes. Mais, dans la maladie de Huntington, caractrise par latrophie de neurones dans les ganglions de la base(L), la donne est diffrente: il ny a actuellement aucun traitement vraiment efficace, mme aux stades prcoces, contre cette maladie mortelle, qui entrane dimportants troubles moteurs et cognitifs. Dans ce contexte, il est plus facile de proposer assez tt une stratgie qui nest pas encore totalement contrle. Limpor-tant, cest de toujours bien peser les bnfices au regard des risques, rsume la chercheuse, avant dajouter que plu-sieurs annes de recherche seront nanmoins ncessaires avant desprer appliquer ces thrapies au cerveau.Peu dquipes en France et linternational travaillent sur ces vecteurs associs des cellules souches en vue dapplications crbrales et, comme dans le cas des applications cardiaques, beaucoup de donnes manquent encore. Ces thrapies ont cependant dj ralis des avances notables dans un autre domaine: celui des lsions articulaires chez les chevaux. Des vtrinaires utilisent ainsi le systme dvelopp par lquipe de chercheurs dAngers pour rparer les dg-nrescences cartilagineuses chez ces quids. quand pour lhomme?n Alice Bomboy

    La prsence de connexine 43 (vert) signifie que les cellules tablissent des connexions entre elles ; tandis que le marquage rouge est rvlateur de la troponine I cardiaque. ( droite, superposition des marquages, image 3D)

    LBiomarqueurParamtre physiologique ou biologique mesurable qui permet de suivre lvolution in vivo dune maladie

    LMatureUne protine est dite mature si elle possde sa forme chimique dfinitive qui lui permet de remplir sa fonction dans lorganisme.

    LCircuits nigro-strisCircuits neuronaux impliqus dans le contrle moteur et mettant en lien substance noire du cerveau et striatum.

    LSpectromtrie de masseTechnique physique danalyse permettant de dtecter et didentifier des molcules par la mesure de leur masse, et de caractriser leur structure chimique.

    LGanglions de la baseZone du cerveau implique dans les fonctions motrices, oculomotrices, cognitives et limbiques

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    Dcouvertes

  • n 22 novembre - dcembre 201416 16

    PIERRE JAnnInCrateur doutils intelligents pour les neurochirurgiens

    LISCAS (InternationalSociety for Computer Aide Surgery)

    Association but non lucratif, qui a pour mission dencourager les progrs scientifiques et mdicaux dans le domaine de la chirurgie assiste par ordinateur travers le monde.

    www.iscas.net8

    Depuis plus de vingt ans, Pierre Jannin met au point des outils de neurochirurgie assiste par ordinateur. Sa dmarche fonde sur linterdisciplinarit, les changes internationaux et lcoute des besoins des mdecins lui vaut aujourdhui dtre nomm la tte de la Socit internationale de chirurgie assiste par ordinateur.

    En juin dernier, Pierre Jannin *, responsable de lquipe Inserm MediCIS du Laboratoire Traite-ment du signal et de limage (LTSI) de Rennes, sest vu confier par ses membres la prsidence de la Socit internationale de chirurgie assiste par ordi-nateur (ISCAS)(L). Une belle nomination qui vient couronner plus de deux dcennies de travaux dans le domaine de la neurochirurgie assiste par ordinateur et qui va lui permettre de continuer animer cette communaut scientifique internationale. En effet, comme lexplique lingnieur chercheur rennais: Durant deux ans, je vais pouvoir inciter tous ses membres encore plus partager leurs donnes, leurs comptences, leurs outils, car on a tout y gagner. Et jen suis dautant plus convaincu que mon parcours a toujours t guid par les changes, les rencontres et la volont que les recherches aboutissent en un temps raisonnable des aides efficaces pour le chirurgien.Pour preuve, ds sa thse en imagerie tridimension-nelle, le jeune tudiant de 22ans a le choix entre travailler pour larme la reconnaissance radar des avions ou mettre la 3D au service de la neuro chirurgie lhpital de Rennes. Or, si jai choisi le second chemin, cest sans doute grce Jean-Marie Scarabin, neurochirurgien fru de technologie, qui non seulement a t le premier minviter dans une salle dopration, mais qui savait aussi communiquer sa passion, se souvient Pierre Jannin. Une premire rencontre dter minante donc, qui le conduit, en 1996, proposer un procd

    de reproduction en trois dimensions du cerveau dun patient. Jai alors travaill pendant quatre ans pour la socit General Electric, pour laquelle jai parti cip la mise au point dun logiciel de visualisation3D qui permet aux radiologues de diagnostiquer plus prcisment et aux neurochirurgiens de prparer une opration grce aux

    En bREFl Le prix lasker 2014 a tdcern alim-louis Benabid, directeur de lex-unit Inserm 318 Neurobiologie prclinique de 1988 2006 et laurat en 2008 du prix dhonneur de lInserm, pour ses

    travaux sur la stimulation crbrale profonde dans le traitement de la maladie de Parkinson.

    www.laskerfoundation.orghttp://presse-inserm.fr8

    l Simon Scheuring * est lauratdu Grand Prix robert-Debr pour la recherche mdicale, destin honorer et aider les travaux de son quipe sur la recherche fondamentale linterface

    de la biophysique et de la recherche biomdicale.

    simon scheuring : unit 1006 inserm - aix-marseille universit, Bio atomic Force microscopy laboratory

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    la une Dcouvertes ttes chercheuses regarDs sur le monDe cliniquement vtre granD angle mDecine gnrale entreprenDre opinions stratgies Bloc-notes

  • novembre - dcembre 2014 n 22 17 17

    images mdicales du patient. Sen suivront des systmes de neuronavigation(L) pour la chirurgie des tumeurs crbrales et des systmes pour aider limplantation dlectrodes pour la stimulation crbrale profonde dans le traitement de la maladie de Parkinson.Au fil des ans, lingnieur est donc devenu un expert reconnu dans son domaine, mais il a surtout acquis la conviction que, pour mener bien ses travaux, il faut collaborer la fois avec des spcialistes des sciences dures et avec les mdecins, et tisser avec eux des liens de confiance.Or, cest en restant Rennes que jai pu tablir un tel rseau fond sur lchange, lcoute et la multidisciplinarit, comme en tmoigne lquipe Inserm que je dirige depuis 2012, compose parts gales de neurochirurgiens et de chercheurs. Une confiance et une fidlit professionnelles symbolises en particulier par la collaboration, depuis la fin des annes 1990, avec son collgue Bernard Gibaud *. g de dix ans de plus que moi, Bernard est un scien-tifique intgre, prcis, teigneux, qui ne perd jamais de vue le fond du problme et qui me le rappelle rgulirement. Autrement dit, cest une sorte de grand frre sage, pos et rigoureux qui me canalise, et dajouter en souriant, mme si parfois, je le pousse un peu! Nul doute donc que le nouveau prsident de lISCAS est trs attach Rennes et ses collgues. Pour autant, il nest ni casanier, ni sectaire. Bien au contraire. Jai travaill dans des universits au Canada, au Japon et en Allemagne. En outre, grce Internet, la Terre est un village et je collabore avec des chercheurs internationaux de disciplines diverses. Pour moi, limportant est dter les clivages entre les coles, les disciplines, les cultures, en mappuyant sur la pertinence scientifique et les valeurs thiques. Et l encore, cest grce une rencontre que Pierre Jannin a trs vite t confort dans lide que cette dmarche ntait pas utopique. En1999, jai crois le chemin de Heinz U.Lemke, professeur dinfor matique luniversit de Berlin, dont le parcours est peine croyable! Adolescent, orphelin, sans le baccalaurat, il a err en Europe jusqu ce quil dcouvre les mathmatiques dans une bibliothque de Barcelone. Puis, il a rencontr un professeur Cambridge qui lui a permis de passer une thse. Devenu un minent professeur en Allemagne, il a alors financ une ferme pour prendre en charge des adolescents en difficult, raconte le chercheur. Pour moi, cet homme est un modle de valeurs scientifiques et thiques, et cest justement parce que nous

    l La mdaille de bronze du CNrS a t dcerne Sbastien Bouret *, chercheur en neuroendocrinologie, qui sintresse aux origines prcoces des maladies mtaboliques.

    sbastien Bouret : unit 1127 inserm/cnrs - universit pierre-et-marie-curie, institut du cerveau et de la moelle pinire, et umr837 inserm/chru lille - universit lille 2, centre Jean-pierre-aubert

    www.cnrs.fr8

    l Le prix La Recherche catgorie Sant 2014 rcompense la publication Diversit de la flore intestinale chez lhomme : impact dune intervention dittique , dont tous les signataires * sont laurats.

    unit 1166 inserm - universit pierre-et-marie-curie, institut de recherche sur les maladies cardiovasculaires, du mtabolisme et de la nutrition (ican)

    Dietary intervention impact on gut microbial gene richness. a. cotillard et al. nature, 29 aot 2013 ; 500 (7464) : 585-8

    www.leprixlarecherche.com8

    les partagions quil ma introduit dans la communaut internationale de la chirurgie assiste par ordinateur.Ainsi, grce cette ouverture sur les autres pays et cette conviction quen cherchant bien, tout est possible, les systmes dimagerie que Pierre Jannin a contribu -il tient ce terme- mettre au point sont couramment utiliss Rennes et en cours dinstallation sur dautres hpitaux franais et internationaux, en neurochirurgie fonctionnelle et pour la chirurgie des tumeurs. En outre, le chercheur compte actuellement plus de cinquante articles dans des revues scientifiques internationales en tant quauteur ou co-auteur, il est galement rdacteur en chef adjoint et relecteur dans diverses publications scientifiques et membre de plusieurs comits dorganisa-tion et programmes de confrences internationales. Mais, malgr un agenda bien rempli, je rserve aussi du temps pour ma famille, tient-il souligner.

    Question agenda charg, difficile denvisager une amlioration car pour ce scientifique denvergure laventure ne fait que commencer: il sagit maintenant daider le neurochirurgien avoir une comprhension optimale et globale de son environnement. Or, les outils faci-litant le geste technique, lesimages du malade pour amliorer les connaissances du neuro chirurgien et les systmes pour anticiper le droulement de linter-vention ny suffisent pas. Il faut aussi comprendre sa pratique chirurgicale, les drouls des interventions et lui apporter des outils pour optimiser ses comptences cognitives, cest--dire sa capacit comprendre la situation, grer le stress et les relations interpersonnelles qui sont cruciales dans la russite dune

    opration chirurgicale. Cest donc en tudiant tous ces aspects, et en faisant entrer dans les salles dopration des spcialistes de la psychologie comportementale et cognitive, que lquipe Inserm de Pierre Jannin travaille aujourdhui sur les outils de demain qui aideront les neurochirurgiens tout dabord mieux se former, puis prendre la bonne dcision lors des interventions. Reste que modliser cette dimension terriblement humaine est un vritable dfi. Cependant, le chercheur est confiant. Grce la mise en commun des comp-tences, des outils et des donnes, aussi bien Rennes quau niveau international, nous allons y arriver!, assure-t-il. Et on est enclin le croire car, depuis tout ce temps, sa dmarche et ses valeurs ont fait leurs preuves et des adeptes. n Franoise Dupuy Maury

    Limportant est dter les clivages et de sappuyer sur la pertinence scientifique et les valeurs thiques

    LNeuronavigationPermet, pendant la chirurgie, de suivre les instruments chirurgicaux et de visualiser la zone oprer dans les reconstructions en 3D faites partir de lIRM crbrale du patient.

    N 21, la rubrique Ttes chercheuses, dans lexergue p. 15, il fallait lire que les lymphocytes ont un gros apptit pour les cellules cancreuses . Que nos lecteurs veuillent bien nous excuser. La version en ligne sur le site inserm.fr a t corrige.

    REvu corrig&

    pierre Jannin, Bernard Gibaud : unit 1099 inserm - universit rennes 1, ltsi, quipe modlisation des connaissances et procdures chirurgicales et interventionnelles pour laide la dcision (medicis)

    ttes chercheuses

  • n 22 novembre - dcembre 201418 18

    ROyAuME-unI

    Pour lapritif, vitez les cacahutes grilles

    et consommez-les plutt crues ! Cest la conclusion dune tude mene par des chercheurs britanniques et amricains. Amin Moghaddam, de luniversit dOxford, et ses collgues ont com-par les ractions immunitaires de deux groupes de souris auxquelles ils ont administr des protines purifies de cacahutes crues ou au contraire grilles. Rsultat : les rongeurs expo-ss aux arachides grilles ont dvelopp davan-tage de ractions allergiques que les autres. En cause, la torrfaction, qui augmenterait le pouvoir allergisant des molcules qui y sont contenues en altrant leur structure physico-chimique. Cela expliquerait pourquoi la prvalence de lallergie aux cacahutes est plus grande en Occident - o elles sont surtout manges grilles - que dans dautres parties du monde o on les consomme crues, bouillies ou frites.

    a. e. moghaddam et al. Journal of allergy and clinical immunology, 21 septembre 2014 (en ligne) doi : 10.1016/j.jaci.2014.07.032

    EtAtS-unIS

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    Mieux informer sur le diagnostic prnatal

    Une tude conduite auprs de plus de 700 femmes enceintes amricaines montre combien leur connais-sance des

    techniques de diagnostic prnatal conditionne leurs choix en la matire. Ces femmes ont t rparties en deux groupes : les premires ont bnfici dune formation sur les anomalies chromosomiques et les tests prnataux alors que les secondes nen ont reu aucune. Rsultat : les femmes les mieux informes sont moins nombreuses recourir des techniques invasives de diagnostic prnatal. Il est important de prsenter aux femmes les diffrentes options qui soffrent elles , souligne Miriam Kuppermann, de lUniversit de Californie. elles de dcider ensuite si elles veulent passer un test, avec les risques associs et les questions quil peut soulever, comme celle dun ventuel avortement.

    m. Kuppermann et al. Jama, 24 septembre 2014 ; 312(12) : 1210-7

    INTolraNCe au GluCoSe les dulcorants sur la selletteUne tude mene par des chercheurs israliens, emmens par Eran Segal, de lInstitut Weizmann de Rehovot,vient de montrer que la consommation ddulcorants artificiels non caloriques, comme la saccharine ou laspartame,

    favorise le dveloppement de lintolrance au glucose(L). Les tests mens in vivo chez la souris ont dmontr que les rongeurs qui avaient ingr des dulcorants dveloppaient davantage cette into-lrance et de risques de diabte que ceux nourris au glucose. Des perturbations de la composition et du fonctionnement de la flore intestinale seraient lorigine de ce drglement mtabolique. Un rsultat qui invite reconsidrer le rle de ces additifs ali-mentaires, pourtant souvent prsents comme des outils de choix dans la lutte contre les problmes dobsit et de diabte.

    J. suez et al. nature, 17 septembre 2014 (en ligne) doi :10.1038/nature13793

    Ladministration de statines (L) des patients souffrant dachondroplasie,

    une forme de nanisme, pourrait stimuler la prolifration de leurs chondrocytes (L) et la production de cartilage. Chez ces malades, le gne codant pour le facteur de croissance FGFR3 est anormal. Les travaux mens par lquipe de Noriyuki Tsumaki, de lUniversit de Kyoto, sur la souris suggrent que les statines permettent de limiter les effets dltres de la protine mutante associe. Un nouvel espoir dans le traitement de ces troubles de la croissance.

    a. Yamashita et al. nature, 25 septembre 2014 ; 513 : 507-11

    LIntolrance au glucose Aussi appele prdiabte , cest un facteur de risque dans la survenue du diabte de type 2 et le dveloppement de maladies cardiovasculaires.

    LStatinesMolcules hypolipidmiantes utilises dans la prvention des maladies cardiovasculaires

    LChondrocyteCellule qui synthtise les composants du cartilage, comme le collagne.

    Page ralise par Hlne Perrin

    Des statines contre le nanisme

    Mlange de cristaux ddulcorant

    Lamniocentse, une technique invasive

    Linjection de statine (rosuvastatin) une souris (2) atteinte dachondroplasie (1 -2) permet sa croissance osseuse. Chez les souris normales (3-4), linjection (4) ne fait pas de diffrence.

    Vehicle Vehiclerosuvastatin rosuvastatin

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    la une Dcouvertes ttes chercheuses reGarDs sur le MonDe cliniquement vtre granD angle mDecine gnrale entreprenDre opinions stratgies Bloc-notes

  • LSquenceur dADN Outil permettant de dterminer lordre denchanement des nuclotides dun chantillon dADN.

    LModifications pigntiques Modifications de lexpression des gnes qui, bien que transmises au cours du renouvellement cellulaire, mais aussi de gnration en gnration, ne sexpliquent pas par des modifications de la squence dADN.

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    Science&Sant : De quel ordre est cette innovation ?Valrie Taly : Pour moi, elle est surtout technologique. Le principe dtirer de lADN et de le cartographier a dj t dcrit. Il sagit avant tout dun article technique qui propose une mthode simple et lgante pour carto-graphier lADN, qui permet de capturer, daligner et dtirer des molcules dADN intactes afin de les tudier. Autre avantage, elle permet de travailler avec de trs faibles

    quantits dADN. Les auteurs revendiquent mme la possibilit danalyser le gnome de cellules uniques! Mais en termes de rponse pour le clinicien, il existe dj des techno-logies quivalentes. La stratgie dveloppe par lquipe de Sabrina Leslie repose surtout sur lasimplification de ce type dexp-rience et donc un gain de temps potentiel.

    S&S : Et en quoi est-ce plus simple ?V. T. : L, on saffranchit de toutes les contraintes physiques et chimiques propres aux techniques actuelles. Avec les outils danalyse gnomique existants, les chercheurs sont obligs de dvelopper des systmes assez compliqus o ils appliquent de fortes pressions ou des champs lectriques pouvant rduire les molcules dADN en petits fragments. Il devient alors trs difficile de reconstruire le gnome. La procdure est ici plus simple. On dpose lchantillon sur un support form de nanocanaux, au- dessus duquel on ajoute une lamelle de verre pousse

    par un systme de lentilles convexes. La pression exerce par la lentille provoque un changement de conformation de lADN qui va alors stirer et se glisser dans les rainures du support, facilitant ainsi lanalyse de lchan-tillon, notamment en termes dimagerie.

    S&S : Doit-on sattendre voir ce dispositif remplacer les outils actuels de squenage haut dbit ?V. T. : Remplacer non, cest avant tout un outil, nouveau, complmentaire des squenceurs dADN (L). Il est loin dtre aussi prcis. Une fois dveloppe et valide, cette technique pourrait cependant consti-tuer une alternative intressante notamment pour le diagnostic du cancer. Elle devrait permettre dobserver plus facilement et plus rapidement certaines altrations gntiques. Selon les auteurs, il serait galement possible,

    en thorie, dtu-dier des modifi-cations de type pigntique(L) ou des interac-tions ADN/pro-

    tines. Choses que les squenceurs actuels font difficilement. Au final, la cartographie pourrait devenir plus accessible, plus facile raliser pour les chercheurs et, donc, plus efficace. Mais encore une fois, on est trs loin de la commercialisation. Pour moi, les chercheurs font une jolie preuve de principe, mais maintenant, il faut quils passent ltape suivante: valider la technique avec des chantillons dintrt et dmontrer les gains de temps et de cots. n Propos recueillis par Karl Pouillot

    CancerCartographier

    lADN en un CLICUn cancer a toujours comme point de dpart une mutation de gnes. Encore faut-il trouver laquelle. Si aujourdhui les techniques de dpistage ne manquent pas, celle labore par lquipe de Sabrina Leslie de luniversit McGill

    Montral pourrait simposer comme lune des plus rapides et conomiques. En effet, ce nouvel outil reposant sur une mthode simple, appele

    Confinement induit par une lentille convexe (CLIC), permettra aux chercheurs de cartographier (L), en seulement quelques heures, de grands gnomes tout en conservant leur intgrit, une premire ce jour.

    s. r. leslie et al. proceedings of the national academy of sciences, 16 septembre 2014 ; 111 (37) : 13295-300. doi: 10.1073/pnas.1321089111. (en ligne le 4 aot 2014)

    Une nouvelle mthode pour regarder un seul brin d'ADN sans le casser

    Un outil complmentaire des squenceurs d'ADN

    LCartographier (lADN) Technique visant dterminer lenchanement de squences gntiques (codantes ou non codantes) sur lADN. Elle permet ainsi dtudier les ventuelles anomalies gntiques chez un individu.

    lE POInt AvEc Valrie TalyCharge de recherche CNRS au sein de lunit Inserm UMR-S1147 Mdecine personnalise, pharmacognomique, optimisation thrapeutique et responsable du groupe Recherche translationnelle et microfluidique. Membre du Site de recherche intgre sur le cancer-Cancer Research for Personalized medicine (SIRIC-CARPEM).

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  • n 22 novembre - dcembre 201420 20

    LSalicylsMdicaments antalgiques non opiacs base dacide salicylique ou drivs

    LTNF-Molcule implique dans linflammation

    LStnoseModification anatomique qui donne lieu un rtrcissement dune structure.

    LBiothrapieTraitement des produits issus dorganismes vivants ou danimaux, par exemple, thrapie gnique, cellulaire ou tissulaire, immunothrapie, phagothrapie

    laurent peyrin-Biroulet : unit 954 inserm universit de lorraine

    l peyrin-Biroulet et al. gut, fvrier 2012 ; 61 (2) : 241-7

    l peyrin-Biroulet et al. lancet, 5 juillet 2008 ; 372 (9632) : 67-81

    a. Bressenot et al. British Journal of nutrition, 28 fvrier 2013 ; 109 (4) : 667-77

    l peyrin-Biroulet et al. gut, janvier 2014 ; 63 (1) : 88-95

    l peyrin-Biroulet et al. current opinion in gastroenterology, juillet 2013 ; 29 (4) : 397-404

    En France, plus de 200 000 personnes souffrent de maladies inflammatoires chroniques de lintestin (MICI), qui ont pour point commun la persistance dune inflammation de lappareil digestif: sur toute sa longueur (maladie de Crohn) ou seulement au niveau du gros intestin (rectocolite hmorragique). Les MICI se prsentent comme une alternance de rmissions sans symptmes et de pousses au cours desquelles les patients ont des douleurs abdominales et des diarrhes imprieuses invalidantes, prcise Laurent Peyrin- Biroulet*, hpato-gastro-entrologue au CHU de Nancy et chercheur au sein de lunit Nutrition - Gntique et exposition aux risques environnementaux o il dirige le groupe MICI. Elles sont particuli rement handicapantes dans la vie quotidienne, quelle soit sociale ou profession-nelle. Et surtout, elles restent incurables en 2014.Depuis une dizaine dannes, de vritables progrs ont t raliss en matire de prise en charge. Plusieurs molcules anti-TNF, initialement dveloppes pour traiter des maladies inflammatoires chroniques rhuma-tismales (polyarthrite rhumatode, spondylarthrite ankylosante), ont apport de bien meilleurs rsultats que les traitements disponibles jusque-l (corticodes, salicyls(L), immunomodulateurs) : En se fixant sur le TNF(L), ces mdicaments bloquent lun des acteurs cls lorigine de linflammation, explique le spcialiste. Malgr cela, seul un patient sur deux est compltement soulag long terme, comme lont montr les travaux raliss par le chercheur nancen et son quipe. Pour les autres, lvolution de la maladie perdure plus ou moins bas bruit: elle peut engendrer des complica-tions sur certaines parties de lintestin - notamment

    des stnoses(L) ou des perforations - qui doivent tre retires chirurgicalement, sans pour autant que cela signe la fin de la maladie. Il y a donc une vritable attente en termes dinnovations thrapeutiques dans la communaut des patients comme celle des mdecins.Heureusement, la relve arrive. Dans les prochains jours, un nouveau mdicament, le vdolizumab, va tre commercialis, senthousiasme Laurent Peyrin- Biroulet. Une nouvelle dimportance pour les patients atteints de symptmes svres ne rpondant pas ou plus aux anti-TNF. Cette nouvelle molcule bloque le recru-tement des lymphocytes vers le site inflammatoire, ce qui empche le phnomne de se produire. Dans les annes qui viennent, cest lustkinumab, une biothrapie (L) qui cible un vecteur inflammatoire diffrent (lIL12/23) qui pourrait recevoir une autorisation de mise sur le march. Il pourrait tre utilis en cas dinefficacit ou de mauvaise tolrance aux autres molcules, mais aussi pour des combi-naisons dans les cas les plus svres. Est-ce pour autant la panace? Non, videmment. Car la vritable rvolu-tion serait non plus de bloquer linflammation mais la composante qui

    Un nouveau mdicament va tre commercialis

    Inflammation du clon (en blanc) dans

    un cas de rectocolite hmorragique

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    MAlAdIES InFlAMMAtOIRES chROnIquES dE lIntEStInTrouver les causes, affiner les traitementsMme si les avances de la recherche de ces dernires dcennies ont boulevers la prise en charge des maladies inflammatoires chroniques de lintestin, beaucoup de chemin reste encore parcourir pour parfaire la comprhension de ces pathologies trs handicapantes. Un travail essentiel la mise au point de traitements plus spcifiques et plus efficaces que ceux disponibles aujourdhui.

    la une Dcouvertes ttes chercheuses regarDs sur le monDe cliniqueMent vtre granD angle mDecine gnrale entreprenDre opinions stratgies Bloc-notes

  • novembre - dcembre 2014 n 22 21 21

    www.gemproject.ca/fr8

    en est lorigine. En dautres termes, ne plus traiter les symptmes mais les prvenir. Dans cette qute du Graal, la comprhension des mcanismes dclencheurs est indispensable, imposant un lien fort entre recherche fondamentale et recherche clinique. Cest un travail particulirement complexe, car plusieurs facteurs sont certai nement impliqus, souligne Laurent Peyrin- Biroulet, dont lexpertise dans ces domaines lui a valu dtre reconnu comme lun des meilleurs rfrents mondiaux de la maladie de Crohn, selon le classement mondial ExpertScape 2014(L). Dailleurs, les pistes de recherche voluent encore. Pendant quinzeans, les prdis positions gntiques ont t trs tudies. Aujourdhui, on revient en arrire car, finalement, elles ne joueraient quun rle mineur dans la survenue de ces maladies chroniques. Dautres facteurs sont donc ltude : immunitaires, environnementaux, infectieux Les MICI sont proba-blement, le fruit dune dfaillance dun composant de limmunit inne(L), qui constitue la premire dfense de notre organisme. Un facteur de lenvironnement, habituellement bloqu, pourrait ainsi agir et engendrer toute une cascade de ractions anormales et durables lorigine des symptmes. Reste dterminer les deux partenaires de ce couple explosif. Un travail difficile, compliqu certainement par linter vention dautres compo sants. Beaucoup dquipes sintressent la compo sition de la flore intestinale, le microbiote, dont on sait maintenant quelle interagit directement avec limmu-nit. Celle des patients atteints de MICI serait diffrente, sans que lon sache pour linstant si cest une cause ou une consquence de linflammation intestinale. Pour le savoir, une grande tude internationale a t lance Toronto, au Canada: le projet GEM. Elle sattache lvo-lution du microbiote de personnes saines appartenant des familles haut risque de MICI. Le service de Laurent

    Peyrin-Biroulet, fort de la plus large cohorte constitue en France avec prs de 3 000patients,

    y participe. Rsultats attendus dici deux ou trois ans.Dautres pistes sont prometteuses, notamment celle de la nutrition et de son impact pigntique(L). Lquipe de Laurent Peyrin-Biroulet tudie justement le rle de certains nutriments sur le stress cellulaire(L) et linflam-mation dans le systme digestif, plus particulirement celui des vitamines B9 et B12. Nous avons montr que des carences prolonges, frquentes dans la population gnrale, augmentent linflammation intestinale et le risque de maladie de Crohn. Par ailleurs, ces nutriments portent des groupements chimiques de type mthyle qui peuvent se fixer lADN et moduler son expression. Ils influenceraient ainsi la faon dont certains gnes impliqus dans limmunitsexpriment. Il est trop tt pour parler

    dune transposition clinique de ces donnes mais elles montrent, avec dautres, quun changement de paradigme se prpare.

    moyen terme, ce sont les concepts de prise en charge qui volueront: Jusque rcemment, lobjectif du traitement tait de limiter lampleur des symptmes, explique le spcialiste. On sait maintenant que, mme en labsence de manifestations cliniques, des lsions existent bas bruit dans lintestin. Le but est dsormais dobtenir leur cicatri-sation. linstar de ce qui sest pass dans les maladies chroniques inflammatoires rhumatismales, la gastro-entrologie fait donc voluer ses concepts. Et de laveu mme du spcialiste, elle sinspire largement de la rhuma-tologie: la description du phnomne inflammatoire, le dveloppement, la hirarchisation et la combinaison de mdicaments spcifiques, loptimisation des objectifs thrapeutiques Le cheminement est le mme pour les deux disciplines, mais ltude des MICI a quelques annes de retard. Lensemble des quipes Inserm qui travaillent sur le sujet tentent aujourdhui de rduire ce foss et de faire avancer conjointement les connaissances communes ces deux domaines. n Caroline Guignot

    La flore intestinale interagit avec limmunit

    LExpertScapeSite amricain qui classe chaque anne les 10 meilleurs mdecins mondiaux, par spcialit

    LImmunit innePremire ligne de dfense immdiate de lorganisme contre les agents infectieux, en comparaison de limmunit adaptative

    Lpigntiquetude des modifications de lexpression des gnes qui, bien que transmises au cours du renouvellement cellulaire, mais aussi de gnration en gnration, ne sexpliquent pas par des modifications de la squence dADN.

    LStress cellulaire ou stress oxydantDsquilibre entre la production par lorganisme dagents oxydants nocifs (radicaux libres, notamment) et celle dagents antioxydants (comme les vitamines E et C). Il entrane une inflammation et la survenue de mutations de lADN.

    La maladie de Crohn provoque des inflammations ulcreuses, donnant aux parois de lintestin un aspect dchiquet et irrgulier (en orange sur lIRM gauche, droite : endoscopie).

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  • n 22 novembre - dcembre 201422 22

    Cancer du col de lutrusDpister plus grce lauto-prlvement

    LOncogne Qui favorise lapparition de cancer

    LHR-HPVHigh Risk-Human PapillomaVirus

    Dans 99 % des cas, le cancer du col de lutrus est li une infection persistante au papillomavirus humain haut risque oncogne (L), ou HR-HPV (L), qui se transmet par voie sexuelle. En France, le taux de dpistage du virus est faible (62,7 %). Ken Haguenoer * et ses colla borateurs du Centre de coordination des dpistages des cancers du CHRU de Tours ont ralis une tude montrant que lenvoi domicile dun kit dauto-prl-vement vaginal est un moyen efficace pour augmenter le taux de participation. Lessai portait sur 6 000 femmes ligibles au programme de dpistage (ges de 30 65ans et nayant pas subi de frottis cervico-vaginal depuis 3 ans). Elles ne devaient pas non plus avoir ralis de frottis un an aprs y avoir t invites

    par courrier. Les participantes taient rparties alatoi rement dans 3groupes : pas dintervention, lettre de rappel ou en-voi au domicile dun kit retourner un laboratoire pour recherche dHR-HPV. Rsultats ? 22,5% des femmes ayant reu le kit se sont fait dpister contre 11,7 % pour celles ayant reu la lettre et 9,9 % pour celles du groupe sans intervention. Avant dtendre cette mthode au niveau national, il faut tout dabord gnraliser le dpistage organis du cancer du col de lutrus. Cette action sera mise en place par lInstitut national du cancer dans le Plan Cancer3 (2014-2019). J. P.

    Ken haguenoer : unit 1153 inserm/inra/universit paris 7 Denis-Diderot/universit paris 13paris nord universit paris-Descartes, pidmiologie et biostatistique

    K. haguenoer et al. British Journal of cancer, 23 septembre 2014 (en ligne) doi : 10.1038/bjc.2014.510

    Malgr une chimio et une radiothrapie, 20 30 % des cancers du col de lutrus rapparaissent. Avant de pratiquer une pelvectomie une ablation des organes reproducteurs, de la vessie et/ou du rectum , comment

    slectionner au mieux les patientes

    en propratoire, pour augmenter leur survie aprs lintervention ? En vrifiant que la taille de la tumeur ne dpasse pas 5 cm, quelle ne prsente pas dembole vasculaire (L) et que les ganglions lymphatiques situs autour du rectum ne sont pas envahis par des mtastases , rpondent Jean Levque* et son quipe. Ces facteurs pronostiques ont

    t valids par les chercheurs aprs une pelvectomie sur 16 femmes confrontes une rcidive dun cancer du col de lutrus ou du vagin. Cest la premire fois que lembole vasculaire est ainsi suggre comme facteur pronostique pour cette situation. V. R.

    Jean levque : unit 1085 inserm/universit antilles-guyane/cole des hautes tudes en sant publique universit de rennes 1, institut de recherche, sant, environnement et travail

    h. sardain et al. international Journal of gynecological cancer, 24