Science et religions

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SERGE PICARD, LÉA CRESPI, CELIA PETERSON, SIPA, SPL/COSMOS. ©MICHAEL FALTER WWW.FACSIMILIE-EDITIONS.COM DIEU SCIENCE ET LA BIBLE, CORAN LES ORIGINES DES TEXTES SACRÉS avec Étienne Klein • Luc Ferry • Yves Coppens • Jean-Claude Ameisen Nicole Le Douarin • Nidhal Guessoum • Pascal Picq...

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    BIBLE, CORANLES ORIGINES DES TEXTES SACRS

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    BIBLE, CORANLES ORIGINES DES TEXTES SACRS

  • Visuel pour page magazine (format 200 x 270).pdf 1 20/10/15 10:11

  • 5 dito 6 RENCONTRE Luc Ferry : Ne mlangeons jamais science et thologie !

    10 vOluTiON ET REligiONs12 uNivERs14 tienne Klein : Lorigine de lUnivers, un authentique mystre 20 Nidhal Guessoum : Il y a un sens tout a, une cohrence

    27 CAHiER REPREs AUX origines des teXtes sAcrs

    32 sACR34 Yves Coppens : Le sacr nat avec la premire pierre taille 38 Axel Kahn : Cest grce lautre que je prends conscience de moi

    42 APOCAlyPsE44 Michal Foessel : Il ny a pas plus attach au pass quun catastrophiste 48 Dominique Lecourt : La fin du monde nest pas pour demain ! 52 ric Morin : Le combat des tnbres contre la lumire 54 Nabil Mouline : Pour Daech, lapocalypse est proche

    56 vOluTiON58 Jean-Claude Ameisen : Nous sommes les hritiers dun pass devenu immense 62 Pascal Picq : Et les grands singes dboulrent en Europe 66 Soufiane Zitouni : Face moi, des lves ricanaient

    70 immORTAliT72 Nicole Le Douarin : Le rve de vivre vieux sans ltre 76 Frdric Saldmann : Certains animaux ont atteint lternit

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    Ce hors-srie reprend en partie les interventions des scientifiques et spcialistes invits au colloque Dieu et la science, organis par Sciences et Avenir au Collge des Bernardins, Paris, les 10 et 11 avril derniers. Vous pouvez les retrouver en vido ladresse www.sciencesetavenir.fr/grandsdebatssciences/

    janvier/fvrier 2016 i HORS-SRie ScienceS et aveniR i 3

    UNIVERS P. 12

    SACR P. 32

    APOCALYPSE P. 42

    VOLUTION P. 56

    IMMORTALIT P. 70

  • La presse crite sengage pour le recyclagedes papiers avec Ecofolio.

    Tous les papiers se recyclent, alors trions-les tous.

    Cest aussi simple faire

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    41 bis, avenue Bosquet 75007 ParisTl. : 01.55.35.56.00. Fax : 01.55.35.56.04. [email protected]

    Directrice de la rdactionDominique LegLU 56.02Rdactrice en chef aline KiNeR 56.42avec Vincent Rea 56.35 Secrtaire de rdaction Florence LeROy 56.36Directrice artistique thalia staNLey 56.21Photo-iconographie andreina De Bei (rdactrice en chef adjointe) 56.31isabelle tiRaNt 56.32,Documentation astrid saiNt aUgUste 56.48Collaborateurs Bernadette aRNaUD, azar KHaLatBaRi, Rachel mULOt, Herv RateLOnt collabor ce numro mehdi BeNyeZZaR, sylvie BRiet, Franck DaNiNOs, Jean-Franois HatRenseignements aux lecteurs, vente au numro isabelle RUDi-HOUet 01.55.35.56.50/56.30. [email protected] Daniel de la ReBeRDiRe 56.06Comptabilit mlanie BeNKHeDimi 56.14, Nathalie tReHiN 56.12, Assistante de direction Valrie PeLLetieR 56.01

    Photogravure Nouvel Observateur 01.44.88.36.83Publicit mdiaobs44 rue Notre-Dame-des Victoires 75002 Paristl. : 01.44.88.97.70 / Fax : 01.44.88.97.79Pour joindre votre correspondant par tlphone, composez le 01.44.88 suivi des 4 chiffres qui figurent la suite de son nom; pour adresser un email votre correspondant, linitiale de son prnom puis son nom suivi de @mediaobs.com.Directrice gnrale Corinne ROUg 93.70assiste de marie-Nolle maggies 93.70Directeur de publicit sylvain mORtReUiL 97.75Responsable WEB Romain COUPRie 89.25Assistante commerciale sverine LeCLeRC 39.75Excution Nicolas NiRO 89.26Administration des ventes Caroline HaHN 97.58 Ventes Directeur commercialJean-Claude ROssigNOL 01.44.88.35.40Directrice commerciale adjointePaule COUDeRat 01.44.88.34.55Directeur des ventes Valry sOURieaUDirecteur des abonnements Philippe meNat 01.44.88.35.02 assist de Lina QUaCH 34.54Relations extrieuresFrance ROQUe 01.44.88.35.79Sciences et Avenir SARLGrance : Claude PeRDRieLDirecteur de la publication : Claude PeRDRieLVente au numro, 41 bis avenue Bosquet, 75007 Paris. tl. : 01.55.35.56.00. Fax 01.55.35.56.04. Les abonnements et rabonnements doivent tre adresss sciences et avenir, service abonne-ments, 142, rue montmartre, 75002 Paris. tl. : 01.40.26.86.11. tarif des abonnements : France, 1 an simple (12 numros) : 35 e. 1 an complet (12 numros + 4 hors-srie) : 48 e. tarifs pour les pays trangers sur demande.Multimdia : iD OBs, 10-12, place de la Bourse,75002 Paris. tl : 01.44.88.34.34.Les noms et adresses de nos abonns seront communiqus aux organismes lis contractuelle-ment avec Sciences et Avenir, sauf opposition. Dans ce cas, la communication sera limite au service de labonnement.Copyright sciences et avenir.Commission paritaire n 0620K79712.Distribu par NmPP.Photogravure :PCH, 10 -12, place de la Bourse 75002.Dpt lgal : 562. im pri merie : sego, taverny. Printed in France.

    Abonnements: 01.40.26.86.116-8, rue Jean-Antoine-de- Baf 75013 Paris

    Dialoguesien sr, chacun a en mmoire le procs de Galile. Et la vision dune glise arc-boute contre cette science dont les progrs permettaient daffirmer que la Terre, loin dtre le centre du monde, tourne autour du Soleil. Mais tout cela remonte au xviie sicle ! Depuis, le pape Jean Paul II lui-mme a rhabilit le savant autrefois hrtique. Reste

    quen ce dbut de xxie sicle, nos contemporains, touchs par lcho du Big Bang, baigns dans lhistoire nouvelle de lUnivers que racontent les scientifiques loin dtre statique et ternel comme limaginait encore Albert Einstein il y a une centaine dannes, le cosmos a effecti-vement une histoire ! , continuent de se poser les ternelles questions : do venons-nous ? Pourquoi existons-nous ? Sommes-nous vraiment le fruit du hasard ? La science, qui interroge lhomme et la nature sur le registre du comment ? , peut-elle mme rpondre cette recherche de sens qui semble ne cesser de tarauder les humains ?Cest dans le but de modestement rpondre ces interrogations fondamentales quil y a quelques mois, en avril 2015, Sciences et Avenir avait dcid dorganiser un colloque. Il fut accueilli avec bienveillance au Collge des Bernardins, que nous tenons remercier ici. Nous lavions intitul Dieu et la science et avions dcid, lors de confrences et tables rondes, de faire dialoguer scientifiques et reprsentants de diverses religions (juifs, chrtiens, musul-mans), en abordant des thmes bien ancrs dans nos esprits : Cration du monde versus Big Bang ; Apocalypse et fins du monde ; Imaginer limmortalit ; Penser le sacr Ils furent nombreux sexprimer, devant un large public, et aujourdhui, par ce hors-srie, nous leur rendons hommage en restituant au mieux leur discours et en le publiant pour nos lecteurs qui nont pas eu la chance de lentendre en direct. Que ce soit Luc Ferry, philosophe et ancien ministre, qui conjure de ne jamais mlanger les thses de la thologie avec la science, et de ne surtout pas subordonner lune lautre ces deux sphres de lesprit (lire pp. 6-10) ; lacadmicien Yves Coppens, clbre anthropologue, qui affirme que le sacr nat avec la premire pierre taille , tant lhomme, selon lui, ne peut sempcher de mettre des symboles dans ses propres crations (lire pp. 34-37) ; ou encore Jean-Claude Ameisen, pr-sident du Comit consultatif national dthique, fin connaisseur de la thorie de Darwin sur lvolution, pour qui la validit des sciences est fonde sur notre entire libert dexplorer et dinterprter collectivement ce que nous comprenons de la ralit (lire pp. 58-61). Nous ne pouvons pas tous les citer ici, mais nous les remercions de leur contribution.Un seul souci nous a anims, que nous voulons partager nouveau : favoriser le dialogue, lheure o des discours extrmes le dtruisent, enflammant des conflits sanglants dans nombre de pays, et pas seulement le ntre. Et promouvoir des rflexions qui contribuent construire des repres. Dominique leglu

  • Luc Ferry, philosophe, ancien ministre de lducation nationale et de la Recherche

    Nemlangeonsjamaisscienceetthologie!Alors que le Vatican a fini par accepter Darwin et Galile, certains crationnistes cherchent toujours prouver lexistence de Dieu. Une qute absurde, affirme le philosophe, qui analyse ici les rapports ambigus de la religion avec la raison.

    Lhistoire de la science en Europe est aussi celle de son mancipation du religieux, qui sest acclre depuis les Lumires. Quen est-il aujourdhui, alors que le monde semble tre le thtre dun retour en force des religions ?Contrairement ce que lon peut lire un peu partout, par exemple chez lcrivain Michel Houellebecq, nous vivons tout sauf le retour du religieux en Europe. Le phnomne majeur dans lhistoire du xxe sicle euro-pen, cest au contraire la scularisation, la lacisa-tion et, surtout, la d-dogmatisation de la religion. Toutes les enqutes en tmoignent. Et si le religieux revient , cest de lextrieur, par lislam, de manire exogne, accepte tant bien que mal par les vieux Europens .La d-dogmatisation de la religion sest traduite par une double rconciliation de lglise catholique avec la dmocratie et la science. Dabord avec la dmocra-tie, alors que la tradition ecclsiastique tait plutt ractionnaire au sens propre du terme, nostalgique de lAncien Rgime ; ensuite avec la science. Les deux vont de pair car, ds le xviiie sicle, avec la rvolution scientifique des Lumires, la science met en place le premier discours dans lhistoire de lhumanit qui soit trans-classes sociales et trans-frontires . Le principe dinertie et la gravit de Newton valent pour les riches comme pour les pauvres, les puissants comme les faibles, les roturiers comme les aristocrates, mais aussi les Italiens, les Franais ou les Allemands. Cest en somme le premier discours de la mondialisation. Il y a donc un lien indissoluble entre science et dmocratie, car les vrits nonces par la premire sont par essence

    valables pour tous. Cette rconciliation va entraner une attitude tout fait diffrente de lglise lgard de la recherche scientifique. Une attitude qui transparat notamment dans Fides et ratio. Cette encyclique pro-mulgue en 1998 par le pape Jean Paul II reconnat de manire forte le darwinisme et la thorie du Big Bang. Les positions du Vatican sur la question du cration-nisme et de lvolutionnisme, sur la question de lge de la Terre sont aujourdhui parfaitement claires ce qui nempche videmment pas lglise, mais cest autre chose, de rester ultra-conservatrice sur les questions de biothique.

    Quelle est lattitude des religions vis--vis de la science ?On peut en distinguer trois, fondamentales. La pre-mire est dogmatique et ne date pas dhier. Au xie sicle, elle a t fort bien expose par le cardinal saint Pierre Damien, thologien qui sera fait docteur de lglise, au mme titre que Thomas dAquin. Cest lui lauteur de la fameuse formule selon laquelle la philosophie le mot englobe alors les sciences, on ne sparera vrita-

    Dans certaines coles, on prsente encore la thorie de lvolution comme une imposture malfique

    6 i HORS-SRie ScienceS et aveniR i janvier / fvrier 2016

  • blement les deux quau xviiie sicle est servantedelareligion. La philosophie ne doit servir qu confirmer les vrits rvles. Cest ce type dattitude dogmatique qui conduira au procs de Giordano Bruno, brl vif en lan 1600 pour avoir dfendu lhliocentrisme, ou celui de Galile, condamn pour la mme raison trente-trois ans plus tard. Elle se traduit encore aujourdhui par la prolifration, dans le monde entier, des absurdits cra-tionnistes selon lesquelles toutes les espces vivantes, et notamment les animaux, auraient t cres dun seul coup par Dieu. Contre les positions officielles de lglise, certaines coles chrtiennes (mais aussi coraniques) prsentent encore la thorie de lvolution comme une imposture, parfois malfique ou diabolique. Et lon sait quoi cela peut mener

    La raison est-elle alors exclue de la sphre religieuse ?Dans la thologie catholique, non. Dj saint Paul, dans les ptres aux Corinthiens, affirme quun pre-mier usage de la raison est ncessaire et lgitime pour parvenir la comprhension des textes sacrs. Jsus sexprime par des paraboles il y en aurait plus de soixante-dix dans les vangiles qui ont cette carac-tristique de parler aussi bien au peuple quaux rudits. Mais une fois quon a entendu la parabole, il faut faire usage de la raison pour en percevoir le vritable sens. La parabole des talents, par exemple, est dune grande profondeur. Elle marque une rupture avec le monde aristocratique : ce ne sont pas les talents naturels qui font la dignit morale dun tre, mais ce quil en fait. Il sagit dj dune valorisation anti-aristocra-

    Luc FerryProfesseur de philosophie, agrg de science politique, il a enseign lInstitut dtudes politiques de Lyon, luniversit de Caen puis celle de Paris VIII Diderot. Il a occup le poste de ministre de lducation nationale et de la Recherche de 2002 2004 et a t membre du Comit consultatif national dthique de 2009 2013. Ses recherches philosophiques visent proposer une spiritualit laque capable de donner un sens la vie.

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  • Luc Ferry

    tique du travail, on est dans un monde mrito-cratique. Et puis, il y a un deuxime usage de la rai-son, proprement scientifique : les sciences naturelles permettent de mieux apprhender la splendeur de la Cration pour en infrer la grandeur du Crateur. En arrire-plan, on trouve lide que les vrits rvles et les vrits de la raison ne peuvent, in fine, jamais se contredire. Cela dit, comme la rappel Lon XIII, premier pape du XXe sicle, en cas de contradiction non rsolue sur lge de la Terre, sa position dans lUni-vers, entre volution et cration , la vrit rvle devait videmment primer. Do le nombre infini de procs et de perscutions de malheureux scientifiques qui avaient laudace de contredire la Rvlation telle que linterprtait du moins le Vatican

    Vous voquiez trois attitudes de la religion Les deux autres tmoignent-elles dune plus grande ouverture lgard de la science ?Oui, sans ambigut, notamment en ce qui concerne la deuxime position de lglise, qui est maintenant de laisser la recherche scientifique totalement libre et dac-cepter aussi bien Galile et lhliocentrisme que le Big Bang ou lvolutionnisme de Darwin Cest cette atti-tude qui a conduit non seulement lencyclique Fides et ratio de Jean Paul II, mais aussi, deux ans plus tt, une communication du pape lAcadmie pontificale

    des sciences, le 22 octobre 1996. Pour mmoire, cette assemble est compose de 80 membres, dont de nom-breux prix Nobel et un certain nombre dathes. Jean Paul II dclare ce jour-l que la thorie darwinienne de lvolution est bien plus quune hypothse . II fait abondamment rfrence Galile et aux erreurs commises par lglise. Le Vatican dclare clairement accepter lensemble des recherches scientifiques, tout en restant rserv sur les sujets de biothique Cette nouvelle orientation repose sur quelques prin-cipes noncs par Jean Paul II, qui nous renvoient la grande rvolution alberto-thomiste . Cologne, au XIIIe sicle, Albert le Grand dclare quil ne peut pas y avoir de contradiction entre les vrits rvles et les vrits de la science. On retrouve chez son disciple, saint Thomas dAquin, ce discours que dfendait dj au XIIe sicle Averros, porteur dun islam des Lumires, dans ce beau livre quest le Trait dcisif (lire pp. 22-23). Au fond, ce sera aussi le thme de Pasteur : Un peu de science loigne de Dieu, mais beaucoup de science y ramne. Il ne peut y avoir, contrairement ce que dira encore Lon XIII, de contradiction entre les deux ; donc laissons travailler les scientifiques, parce que ce travail les rapprochera inexorablement de la Rvla-

    tion. Saint Anselme de Cantorbry, au XIe sicle, disait : Credo ut intelligam : Je crois, afin de mieux com-prendre. En dautres termes : Je trouve dabord, je cherche aprs , Jai dabord la foi et ensuite je deviens scientifique . Mais on pourrait inverser la proposition : Intellego ut credam : Je cherche comprendre parce que cela renforce ma foi. Regardez une petite fourmi, elle est mille fois plus impressionnante quun ordinateur.

    Sappuyer sur la science pour se rapprocher de Dieu Cette dmarche ne ramne-t-elle pas, tout de mme, une certaine forme de crationnisme ?Pas vraiment, dans la mesure o lglise voque dsormais lindpendance des magistres. Laissons la recherche dun ct et la religion de lautre, sans les mlanger, voil aujourdhui sa thse. La seconde gui-dera peut-tre la premire, mais pas au sens o elle la biaiserait. En revanche, utiliser la raison pour prou-ver Dieu est dangereux : si lon pouvait prouver Dieu, que deviendrait en effet la foi ? On nen aurait plus besoin ! Et jen arrive la troisime attitude, celle du crationnisme finaliste qui est encore trs rpandue aujourdhui. Ses tenants tentent daccorder la thorie de lvolution lhypothse du principe anthropique, dans la perspective dun dessein intelligent . Leur ide, cest que les paramtres initiaux, ceux qui sont prsents ds le Big Bang, sont tellement bien rgls pour conduire au monde tel quil fonctionne aujourdhui quon ne peut pas ne pas supposer une intelligence en amont. Cette thse nest pas confondre avec le crationnisme dbile des fanatiques amricains, mais elle est nanmoins reje-te par limmense majorit des scientifiques.

    Le mouvement crationniste, particulirement vigoureux aux tats-Unis, semble en fait multiformeEffectivement. Hormis celle dont je viens de parler, il en existe plusieurs autres formes. Il y a des crationnistes que lon appelle les Young Earth plusieurs millions aux tats-Unis mais aussi dans le monde musulman , qui interprtent les textes sacrs de manire littrale et affirment, par exemple, que la Terre a 6 000 ans. Il y a aussi les vieille Terre , qui essaient de concilier, malgr tout, ce que lon sait de lge de la plante avec ce que dit la Bible. En 2007, la France et lEurope ont t inondes de dizaines de milliers dexemplaires dun livre dlirant : LAtlas de la Cration. crit par un certain Harun Yahya, thologien musulman turc, louvrage a t diffus gra-tuitement dans nos lyces. Il dfend lide que Dieu a cr toutes les espces en mme temps, sappuyant sur des photos danimaux dun ct, de fossiles de lautre, tout cela pour montrer quelles existaient dj il y a trs longtemps, et donc prouver labsence dvolution. Le biologiste Richard Dawkins a publi une critique du livre. Il a notamment mis le doigt sur un artifice ahurissant : certaines photos taient des faux ! Comme lauteur navait pas toujours trouv les fossiles corres-pondant aux espces actuelles, il avait achet des appts artificiels chez un marchand darticles de pche des leurres et les avait dcors. Escroquerie totale, dun comique achev mais qui a fait pas mal de dgts !

    des recherches scientifiques,

    Avec Jean Paul II, le Vatican accepte clairement lensemble des recherches scientifiques, tout en restant rserv sur les sujets de biothique

    Retrouvez en vido les propos de Luc Ferry lors du colloque Dieu et la science :http://sciav.fr/HSferry

    8 I HORS-SRIE SCIENCES ET AVENIR I JANVIER / FVRIER 2016

  • Comment tre crationniste au XXIe sicle ?Les crationnistes cherchent tout prix des preuves de lexistence de Dieu. Dans la thologie classique, on en trouvait trois fondamentales. Dabord la preuve a contingentia mundi, par la contingence du monde. Autrement dit, par le principe de raison suffisante. Nihil est sine ratione (Leibniz) : tout effet a une cause, rien narrive sans raison. Par consquent, le monde pris globalement ne peut exister sans cause premire, sans un tre suprme, un Dieu crateur. La deuxime preuve est tlologique. Cest la preuve par la beaut du monde, par la splendeur des cratures. La petite fourmi ou le scarabe sont magnifiquement faits. Il faut bien un crateur intelligent pour que ces mer-veilles que sont les organismes vivants aient pu exis-ter. Et enfin, troisime preuve : le fameux argument ontologique attribu saint Anselme, que lon retrouve chez Descartes, Leibniz ou Spinoza sous des formes dif-frentes : jai lide dun Dieu possdant toutes les qua-lits, tous les attributs. Or lexistence est une qualit minente, donc Dieu existe. ct de ces arguments classiques, des versions modernes ont t proposes, par exemple par Teilhard de Chardin, qui postulent la nces-sit dune intelligence cratrice lorigine de lvolution.

    Certains cherchent toujours des preuves scientifiques de lexistence de Dieu. Peut-on aller jusqu imaginer une preuve scientifique de sa non-existence ?videmment non. Comme la dit le philosophe des sciences Karl Popper, la proposition Dieu existe est par nature non falsifiable. Personne ne pourra jamais prouver quil nexiste pas. En revanche, les preuves de son existence ne tiennent pas non plus la route trois secondes. Cest ce qua montr Kant de manire lumineuse dans la Critique de la raison pure, en insistant notamment sur le

    fait quon ne peut jamais dduire lexistence de la pense. Aussi bien que je dfinisse une table, je ne la ferai jamais exister pour autant ! En quoi largument ontologique est absurde : ce nest pas parce que jai lide dun tre par-fait, qui doit exister, que cette ide le fait exister vraiment ! Nous avons tous lide de Dieu, cest vrai, mais lide dun tre ncessaire nest pas une ralit. Popper reprendra la thse kantienne sous une autre forme : pour quun nonc soit scientifique, il faut, non pas quon puisse le vrifier, mais au contraire le falsi-fier , cest--dire imaginer un test qui puisse linvalider. Soit la proposition : Tous les cygnes sont blancs . On peut accumuler 10 000 observations de cygnes blancs, cela ne prouvera jamais que la proposition est vraie. En revanche, si vous tombez sur un cygne noir bec rouge et il y en a ! , alors vous saurez en toute certitude que la proposition est fausse. Une hypothse nest scientifique que si elle peut tre critique, infirme par une exp-rience. Popper pense la fameuse expdition dEdding-ton. En 1919, Einstein annonce que lors dune clipse de Soleil visible depuis lAfrique quatoriale, les rayons observs seront courbs, ce qui confirmera la thorie de la relativit. Lexpdition part, on prend les photos et, en effet, la thorie est confirme, sanctionne comme dit le philosophe Gaston Bachelard. Mais Einstein a pris un risque, celui dtre contredit par une vrit empirique, factuelle, observable. La proposition Dieu existe , elle, ne prend aucun risque : elle nest ni dmontrable ni falsi-fiable. Cela ne signifie pas que Dieu nexiste pas, mais que les thses de la thologie se meuvent dans un domaine qui nest pas celui de la science. Conclusion : laissons ces deux sphres de la vie de lesprit elles-mmes, ne les confondons surtout pas, ne les mlangeons jamais et surtout, ne les subordonnons jamais lune lautre ! EN EXCLUSIVIT POUR SCIENCES ET AVENIR

    Sept faons d'tre heureux, avec Jacques Attali, XO, 2015

    La Plus Belle Histoire de la philosophie, avec Claude Capelier, Robert Laffont, 2014

    La Rvolution de l'amour. Pour une spiritualit laque, Plon, 2010

    La Tentation du christianisme, avec Lucien Jerphagnon, Grasset, 2009

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    Les preuves de lexistence de Dieu ne tiennent pas, mais personne ne pourra jamais prouver quil nexiste pas

    JANVIER / FVRIER 2016 I HORS-SRIE SCIENCES ET AVENIR I 9

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    Cration continue La Cration sest dploye dans le

    temps, les espces se sont succd (sans se transformer).

    Abstention de principe lgard des thories scientifi ques qui peuvent

    elles-mmes voluer.

    En sommeil

    Crationnisme Jeune Terre

    LUnivers et lensemble des espces ont t crs en six jours.

    Discours pseudo-scientifi que, refus de toute forme dvolution.

    Mouvements fondamentalistes vangliques amricains et certains

    courants islamistes radicaux. En France : le Centre dtudes scientifi ques et historiques,

    Guy Berthault

    Crationnisme Vieille Terre

    Les jours de la Gense sont assimils de longues priodes gologiques.

    Les acquis scientifi ques ne sont accepts que sils corroborent la trame biblique.

    Protestants vangliques, certains courants juifs et musulmans (Harun Yahya)

    Mouvement indpendant de toute religion. Les interprtes de faon symbolique.

    scientifi que. Lvolution du vivant,

    supranaturelle. Pas de hasard

    La vie, la Terre et, par extension, lUnivers ont t crs par Dieu, selon des modalits conformes une

    lecture littrale des textes sacrs.

    Les textes sacrs et

    les dcouvertes scientifi ques sont compatibles.

    volution et religions, des liens complexesDes crationnistes les plus radicaux, pour qui seule la Bible dit la vrit, aux matrialistes athes, qui pensent que la science peut combattre la religion, doctrines et courants de pense composent une galaxie mouvante. Par Rachel Mulot, avec lhistorien des sciences Cdric Grimoult. Infographie : Mehdi Benyezzar

    Littralisme

    10 I HORS-SRIE SCIENCES ET AVENIR I JANVIER / FVRIER 2016

    Doctrines et courants

    Position vis--vis des textes sacrs

    Position vis--vis de la science

    Communauts et fi gures du mouvement

  • NOMA

    MA

    TRIAL

    ISME

    Thisme Disme

    Intelligent design

    Mouvement indpendant de toute religion. Les critures peuvent tre interprtes de faon symbolique.

    Dmarche prtention scientifi que. Lvolution du vivant,

    accepte, illustre une volont supranaturelle. Pas de hasard

    ni de contingence.

    William Dembski, Michael Behe, Universit

    interdisciplinaire de Paris

    Soft overlap (Sofa) Aucun refus de principe

    des religions.

    Acceptation de la science. Ide selon laquelle science et religion sont complmentaires

    et doivent dialoguer.

    Nidhal Guessoum

    volutionnisme

    volutionnisme naturaliste agnostique

    Neutralit lgard de toute croyance.

    Aucune restriction.

    Position dominante parmi les scientifi ques. Stephen Jay Gould,

    Guillaume Lecointre

    volutionnisme matrialiste athe Refus de toute religion.

    Aucune restriction. La science peut tre une arme pour combattre les religions et prouver la non-existence

    de Dieu.

    Richard Dawkins

    Dieu est reconnu comme crateur de lUnivers et intervient, directement ou

    non, sur son fonctionnement.

    Unit physique du monde.Tout ce qui existe na de

    cause, dexplication et de fi nalit que naturelles.

    Dieu a conu lUnivers, puis laiss sa Cration se dvelopper de faon autonome. Il nintervient ni dans les affaires humaines, ni dans les lois qui rgissent le cosmos. Le disme ne sappuie pas sur des textes

    sacrs, ne dpend pas dune religion rvle.

    La Terre a t progressivement colonise par des organismes simples qui, de mutation en mutation, ont

    volu vers des tres plus complexes dont ltre humain.

    Principe anthropique

    Les paramtres qui ont rgi lvolution de lUnivers semblent minutieusement

    rgls afi n de permettre lapparition de lhomme.

    Acceptation de lapproche scientifi que et

    notamment des constantes cosmologiques. Refus du

    hasard et de la contingence dans lvolution.

    Trinh Xuan Thuan, les frres Bogdanov

    notamment des constantes cosmologiques. Refus du

    hasard et de la contingence

    anthropique Les paramtres qui ont

    rgi lvolution de lUnivers semblent minutieusement

    rgls afi n de permettre rgls afi n de permettre lapparition de lhomme.

    Principe

    lapproche scientifi que et

    Disme

    Soft overlap (Sofa)Soft overlap (Sofa)Soft overlapAucun refus de principe

    des religions.

    Acceptation de la science. Ide selon laquelle science et religion sont complmentaires

    et doivent dialoguer.

    NidhNidhNid al Guessoum

    Dieu a conu lUnivers, puis laiss sa Cration se dvelopper de faon autonome. Il nintervient ni dans les affaires humaines, ni dans les lois qui rgissent le cosmos. Le disme ne sappuie pas sur des textes

    sacrs, ne dpend pas dune religion rvle.

    Principe anthropique

    Les paramtres qui ont rgi lvolution de lUnivers semblent minutieusement

    rgls afi n de permettre lapparition de lhomme.

    Acceptation de Acceptation de lapproche scientifi que et

    notamment des constantes cosmologiques. Refus du

    hasard et de la contingence dans lvolution.

    Trinh Xuan Thuan, les frres Bogdanov

    Evolutionnisme volutionnisme Evolutionnisme volutionnisme naturaliste agnostiquenaturaliste agnostiquenaturaliste agnostiquenaturaliste agnostiquenaturaliste agnostiquenaturaliste agnostiquenaturaliste agnostiquenaturaliste agnostique

    volutionnisme Evolutionnisme volutionnisme volutionnisme Evolutionnisme volutionnisme matrialiste athematrialiste athematrialiste atheDterminisme

    Les critures sont interprtesde manire symbolique. Lesprit humain est issu dune pense

    divine particulire.

    Le hasard joue un rle mineur dans lvolution.

    Simon Conway Morris, Anne Dambricourt-Malass

    Indpendance et sparation

    des magistres de la science et

    de la religion (Non-Overlapping

    Magisteria).

    JANVIER / FVRIER 2016 I HORS-SRIE SCIENCES ET AVENIR I 11

  • Laile du Petit Nuage de Magellan, une galaxie naine distante de la Voie lacte de seulement 200 000 annes-lumire. Cette image a t obtenue partir des observations de trois tlescopes, Chandra, Hubble et Spitzer.

    NAS

    A/CX

    C/JP

    L/CA

    LTEC

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    12 I HORS-SRIE SCIENCES ET AVENIR I JANVIER / FVRIER 2016

  • Comment est n lUnivers ? A-t-il connu un temps zro ? Et quy avait-il avant ? Face ces questions auxquelles la science peine rpondre, certains ont la tentation de chercher un principe crateur.

    JANVIER / FVRIER 2016 I HORS-SRIE SCIENCES ET AVENIR I 13

  • LoriginedelUnivers,unauthentique

    mystreNon, le Big Bang nest pas cette explosion originelle qui aurait accouch du cosmos ! Le physicien nous le rappelle : la question de la naissance de lUnivers est loin dtre

    scientifiquement rsolue. Car elle soulve des paradoxes insurmontables.

    Univers divise. La ques-tion de son origine est en effet celle qui tend le plus le conflit opposant les tenants dune spa-ration radicale entre la science et la religion et ceux qui voudraient

    les faire dialoguer soit pour quelles se rejoi-gnent, soit pour quelles se compltent, soit pour quelles sopposent.On rpte souvent qu il a fallu attendre le xxe sicle pour comprendre que lUnivers a une histoire . En ralit, les cosmogonies les plus ancestrales racontaient dj une histoire de lUnivers. Il sagit donc dun thme trs ancien, bien antrieur lavnement de la thorie de la relativit gnrale dEinstein, y compris dans lesprit des physiciens : au xixe sicle, par exemple, les principes de la ther-modynamique taient invoqus par certains dentre eux pour prdire la mort thermique de lUnivers. Mais dans leur bouche, la phrase lUnivers a une histoire avait un sens diffrent de celui quelle a dsormais : elle signifiait que les objets que lUni-vers contient toiles et plantes avaient une histoire, alors quaujourdhui, elle signifie que cest lUnivers lui-mme qui volue. Ds lors que nous

    savons de faon certaine que lUnivers nest pas une entit stationnaire, quil a eu et quil continue avoir une histoire, nous avons tendance consi-drer que cette histoire a ncessairement connu un commencement, ce quon appelle le Big Bang, et cest autour de lui que plusieurs types de discours viennent sentrechoquer.Mais une premire question se pose : les discours que nous tenons sur lorigine de lUnivers, quelle que soit leur nature, sont-ils vraiment complets ? Examinons dabord celui des trois monothismes. Ils prsentent Dieu comme un tre hors du monde qui aurait dcid, un certain moment, dappuyer sur un interrupteur. Et dun seul coup dun seul, les cieux, la Terre et la lumire seraient apparus. Mais ce rcit ne nous dit pas tout. Il ne dit pas, par exemple, ce qui a pu se passer avant ce temps zro. Ni ne prcise do lide de crer lUnivers serait venue Dieu. Ni sil savait ce quil faisait en pressant son doigt sur le bouton.Suivons maintenant dautres pistes, non reli-gieuses celles-l, qui prtendent, elles aussi, nous clairer sur lorigine du monde. Selon certains rcits, il na pas t cr comme le boulanger fait son pain : il ne provient pas dune ralit pralable

    tienne Klein

    Docteur en philosophie des sciences, tienne Klein est professeur lcole centrale de Paris et directeur du Laboratoire de recherche sur les sciences de la matire au CEA. Les Secrets de la matire, Librio, 2015 En cherchant Majorana, le physicien absolu, ditions des quateurs, 2013 Discours sur lorigine de lUnivers, Flammarion, 2010

    Les trois monothismes prsentent Dieu comme un tre hors du monde qui aurait dcid, un certain moment, dappuyer sur un interrupteur. Mais ce rcit ne nous dit pas ce qui a pu se passer avant.

    Univers

    14 i HORS-SRie ScienceS et aveniR i janvier / fvrier 2016

  • quun agent crateur serait venu informer ou modifier. Il aurait t fabriqu tout simplement partir de rien, par une cration ex nihilo. Mais comment le nant, o absolument rien nexiste et qui lui-mme nest rien, aurait-il pu crer quoi que ce soit ? On ne se bouscule pas pour le dire ! Sans doute parce quon saisit moins facilement lide de nant, dabsence de toute chose, que le concept de table ou de brique ! Cette ide a dailleurs un statut trs singulier, puisquelle est destructrice delle-mme. Ds quelle nous vient lesprit, le mouvement de notre pense la trans-forme en autre chose quelle-mme : on en fait une sorte de vide auquel on attribue, lair de rien (cest le cas de le dire), un corps, une matrialit, que le nant ne saurait possder par dfinition. Tel est le paradoxe du nant : penser le rien nest jamais penser rien.

    Regardons maintenant du ct de la science. En toute rigueur, le Big Bang est lpoque trs dense et trs chaude que lUnivers a connue il y a 13,8 milliards dannes. Mais on utilise en gnral cette expression dans un sens diffrent : pour dsi-gner lexplosion originelle qui aurait cr tout ce qui existe, autrement dit linstant zro marquant le surgissement simultan de lespace, du temps, de la matire et de lnergie. Dans le langage cou-rant, elle en est donc venue reprsenter la cra-tion mme du monde, un quivalent physique du Fiat lux religieux.A priori, il ne sagit pas dun contresens : si lon regarde ce que fut lUnivers dans un pass de plus en plus lointain, on observe que les galaxies se rap-prochent les unes des autres, que la taille de lUni-vers ne cesse de diminuer et quil finit en effet par se rduire si lon en croit les quations de

    SER

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    Retrouvez en vido les propos dtienne Klein lors du colloque Dieu et la science : http://sciav.fr/HSklein

    Et son dbat avec Nidhal Guessoum : http://sciav.fr/HSkleinguessoum

    JANVIER / FVRIER 2016 I HORS-SRIE SCIENCES ET AVENIR I 15

  • Univers

    la relativit gnrale un Univers ponc-tuel, cest--dire de volume nul. Autrement dit, si lon droule le temps lenvers, les calculs font bien surgir un instant zro qui serait apparu il y a 13,8 milliards dannes, et qui se trouve directe-ment associ ce que les physiciens appellent une singularit initiale : une situation dans laquelle la temprature et la densit deviennent infinies. Or, quest-ce qui empche dassimiler cette sin-gularit initiale lorigine effective de lUnivers ? vue de nez, rien, mais si lon y regarde de plus prs, on constate quil faut tre trs prudent, car les physiciens ont compris de nouvelles choses qui pourraient changer la donne.Dans les annes 1950, la description de lUni-vers sappuyait exclusivement sur les quations de la relativit gnrale, qui dcrivent les effets de la gravitation. Or, quand on remonte le cours du temps, la taille de lUnivers se rduisant pro-gressivement, la matire finit par rencontrer des conditions physiques trs spciales que la relati-vit gnrale est incapable de dcrire seule, car dautres interactions que la gravitation entrent en jeu : il sagit des forces lectromagntiques et nuclaires, dcrites dans le cadre du modle stan-dard. Elles dterminent le comportement des par-ticules de matire, notamment quand la tempra-ture et la densit deviennent trs grandes. La relativit gnrale ne prenant en compte aucune de ces trois forces, les physiciens ont compris quelle ne peut dcrire elle seule les premiers instants de lUnivers. Ses quations per-dent toute validit quand les particules prsentes dans lUnivers, dotes dnergies gigantesques, subissent dautres interactions que la gravitation.

    our affronter les conditions de lUnivers primordial et pouvoir en parler, il fau-drait que les physiciens puissent fran-chir le mur de Planck , ce moment

    particulier de lhistoire de lUnivers : une phase par laquelle il est pass il y a 13,8 milliards dan-nes et dont la physique actuelle est impuissante dcrire ce qui sest pass en son amont. Le mur de Planck reprsente ce qui nous barre laccs lorigine de lUnivers, si origine il y a eu. Il est la limite de validit ou daction des concepts de notre physique.Comment mieux dcrire, et surtout plus com-pltement, lUnivers primordial, cette phase ultrachaude et ultradense ? En laborant une conception de la gravit quantique qui englobe physique quantique et relativit gnrale. Les scientifiques osent toutes les hypothses : la tho-rie des cordes suppose que lespace-temps possde plus de quatre dimensions ; quant la gravit quantique boucles, elle nonce qu toute petite chelle, il serait discontinu plutt que lisse, cest--dire constitu de petits grains Le point impor-tant est que toutes ces thories ont la proprit de faire passer un sale quart dheure linstant zro. Quand on les applique aux phases

    GalilePhysicien et astronome n Pise (1564-1642). Auteur dune loi sur la chute des corps, Galileo Galilei posa les principes de la mcanique et est, ce titre, considr comme le fondateur de la physique moderne. Par ailleurs, il ne cessa dobserver les corps clestes et leur mouvement, nchappant au bcher de lInquisition quen abjurant lhliocentrisme, en 1633.

    RUE

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    BIG BANG Ce terme dsigne dabord lpoque extrmement dense et chaude qua connue lUnivers il y a 13,8 milliards dannes ; mais aussi lensemble des modles cosmologiques fonds sur son expansion, le premier ayant t propos en 1927 par le chanoine belge Georges Lematre partir de la relativit gnrale dAlbert Einstein. Le Big Bang est souvent considr, tort, comme une gigantesque explosion. Sans doute en raison du terme mme ( grand boum ), introduit en 1950 par lAnglais Fred Hoyle pour railler ce quon appelait alors le modle dvolution dynamique ... lequel sera accept par la majorit des cosmologistes une quinzaine dannes plus tard ! Il sagit en fait dune dilatation de lespace lui-mme, conduisant les objets clestes sloigner les uns des autres. Tout aussi abusive et rpandue, lide selon laquelle le Big Bang correspondrait la naissance de lUnivers. Car notre comprhension actuelle de la physique ne permet pas de remonter le temps au-del de 10-43 seconde aprs le Big Bang, limite que les physiciens nomment l re de Planck o lUnivers ne mesurerait que 10-35 mtre ! Sauf trouver une thorie unifiant la relativit gnrale et la mcanique quantique, laquelle dcrit la matire lchelle subatomique, la physique actuelle ne peut dire ce quil sest pass avant.

    16 I HORS-SRIE SCIENCES ET AVENIR I JANVIER / FVRIER 2016

    Les rsultats du satellite Planck ( droite) permettent de reprsenter lespace sous la forme dun cne vas, ce qui correspond son expansion acclre. La premire lumire, datant de lpoque o lUnivers avait 380 000 ans, est fi gure par un disque color lextrmit gauche.

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  • CLAIRAGESMATIRE NOIREPlantes, toiles, galaxies Tout ce que lon observe dans lUnivers ne reprsente que 4,9 % de son contenu total, estiment les astrophysiciens ! Le reste, de nature encore inconnue, nest trahi que par son effet sur les objets clestes. En 1970, l'Amricaine Vera Rubin, reprenant les travaux du Suisse Fritz Zwicky dans les annes 1930, remarque ainsi qu la vitesse o tournent les galaxies, leurs toiles priphriques devraient tre jectes. Leur masse apparente nest pas suffisante pour maintenir leur cohsion. Il faut donc supposer lexistence dune matire invisible, agissant uniquement par son attraction gravitationnelle, pour expliquer cette cohsion. Aujourdhui encore, les astrophysiciens sont contraints de tenir compte de cette matire noire, qui constituerait 25,9 % de lUnivers.

    NERGIE SOMBREEn 1998, lobservation de supernovae des toiles en cours dexplosion dont on pensait connatre la distance prcise a surpris les cosmologistes : elles semblaient plus loignes de la Terre que prvu ! Pour expliquer cet cart entre la thorie et les mesures, il fallait envisager non seulement que lUnivers tait en expansion, mais que cette expansion s'acclrait. Alors quon sattendait ce quelle ralentisse sous leffet de la gravitation... Tout se passe comme si une mystrieuse nergie sombre , dont la nature est dbattue, dilatait lespace de plus en plus rapidement. Cette nergie sombre pourrait constituer 69,2 % du contenu de lUnivers.

    RELATIVIT GNRALEElle a t formule en 1915 par Albert Einstein pour rsoudre certains problmes poss par la thorie newtonienne de la gravitation. Selon Newton, en effet, tous les objets sattirent proportionnellement leur masse et de manire inversement proportionnelle au carr de leur distance. Aussi, plus ils sont massifs et proches, plus ils sattirent. Cette force dattraction explique aussi bien la chute des corps que lorbite des plantes. Mais quelques observations semblent lui chapper, comme les irrgularits de lorbite de Mercure. La relativit gnrale dEinstein claire ce phnomne en considrant que lespace est dform par les masses : la gravitation, ds lors, nest pas une force mais la courbure mme de lespace-temps sous leffet de la matire (ou de lnergie) en son sein. Cette courbure modifie la trajectoire des objets qui se dplacent au voisinage dun corps massif. Voil pourquoi, proximit dun tel astre, lorbite dune plante se trouve dforme. lchelle du Systme solaire, ces effets sont infimes. Mais lchelle des galaxies, ils affectent la lumire qui nous parvient des astres lointains.

    RELATIVIT GNRALERELATIVIT GNRALERELATIVIT GNRALERELATIVIT GNRALERELATIVIT GNRALERELATIVIT GNRALERELATIVIT GNRALERELATIVIT GNRALERELATIVIT GNRALERELATIVIT GNRALERELATIVIT GNRALERELATIVIT GNRALERELATIVIT GNRALERELATIVIT GNRALERELATIVIT GNRALERELATIVIT GNRALERELATIVIT GNRALERELATIVIT GNRALERELATIVIT GNRALERELATIVIT GNRALE

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    JANVIER / FVRIER 2016 I HORS-SRIE SCIENCES ET AVENIR I 17

    Pour expliquer la cohsion des galaxies (ici, M51), il faut postuler lexistence dune masse invisible, la matire noire.

    Selon la relativit gnrale dEinstein, la masse dforme lespace, ce qui change la trajectoire des corps clestes.

    ESO

    /L. C

    ALA

    DA

    Page ralise par Franck Daninos avec A

    zar Khalatbari

  • Univers

    Albert EinsteinLe clbre physicien suisse naturalis amricain (1879-1955) rvolutionna la physique par ltablissement de quatre thories fondamentales : le mouvement brownien, leffet photolectrique, la relativit restreinte et la relativit gnrale.

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    les plus recules de lhistoire de lUnivers, on constate que les calculs ne font plus apparatre de singularit initiale ! Donc plus dinstant zro ! Tout se passe comme si elles aboutissaient sinon labolition de lorigine de lUnivers, du moins sa mise lcartAucune, en tout cas, ne donne corps lide dune cration ex nihilo, ce qui oblige revoir notre faon de penser le Big Bang. Par exemple, cer-tains modles thoriques linterprtent non plus comme une singularit, mais comme une phase extrmement dense qui aurait servi de pont entre notre Univers en expansion et un autre qui laurait prcd (le mme, mais en contrac-tion). On comprend que, dans un tel cadre, le Big Bang ne puisse plus tre confondu avec lorigine de lUnivers.

    a question de lorigine est donc ouverte : personne nest en mesure de dmontrer scientifiquement que lUnivers a eu une origine proprement dite, et personne

    nest capable non plus de dmontrer scientifique-ment quil nen a pas eue Lorigine opre ainsi comme un trou dans nos reprsentations, un trou si grand que lintelligence et limagination font ce quelles peuvent pour le combler, mais sans jamais y parvenir. On peut se demander pourquoi nous tenons tant avoir le fin mot de lhistoire, quitte le fabriquer ou considrer quil nous a t livr

    cl en main. Sans doute serait-il plus intressant de considrer que la question de lorigine consti-tue un authentique mystre, sans rponse por-te de main.Quand on parle de science et de religion, apparat aussi la question des valeurs. Je suis bien conscient que les sciences ne traitent vraiment bien que des questions scientifiques ! Or celles-ci ne recou-vrent pas lensemble des questions qui se posent nous. Du coup, lUniversel que les sciences met-tent au jour est, par essence, incomplet : il naide gure trancher les questions qui restent en dehors de leur champ. En particulier, il ne permet pas de mieux penser lamour, la libert, la justice, les valeurs en gnral. De telles questions sont toutefois claires par la science, et mme modi-fies par elle : par exemple, un homme qui sait que son espce na pas cess dvoluer et que lUnivers est vieux dau moins 13,8 milliards dannes ne se pense pas de la mme faon quun autre qui croit dur comme fer quil a t cr tel quel en six jours dans un Univers qui naurait que six mille ans.

    Reste quil faut bien veiller ne pas confondre les croyances et les connaissances. Jentends par-fois dire que les connaissances permettraient de comprendre ou dtayer le sens vritable des textes sacrs, dont le prestige se trouverait ainsi renforc. Cette voie est la fois une erreur et une impasse. Car mme en abusant du sparadrap syncrtique, on ne peut pas faire coller toutes nos nouvelles connaissances avec toutes nos anciennes croyances : o trouver trace dans les textes anciens, mme de faon fantomatique, de ce que nous venons dapprendre sur lorigine de la masse grce la dcouverte du boson de Higgs ? La science dvoile des choses qui navaient jamais t dites, et cest ce qui fait sa valeur.Vous mopposerez : mais il y a la question du sens. Certes. Emports par leur lan, certains se lais-sent dailleurs aller nous survendre des prolon-gements mtaphysiques qui vont bien au-del de ce quoffrent les thories elles-mmes. Sauf sombrer dans une espce de mysticisme idoltre, il est certainement illusoire desprer extraire le sens du monde ou de la vie dun jeu dquations mathmatiques. Mais cest plus fort que nous : nous ne tolrons pas la contingence, nous rcla-mons du sens, du projet, du dessein. Ds lors, ceux qui croient connatre le sens du monde lavance ne peuvent sempcher de le faire noncer par telle ou telle thorie scientifique leur got, quelle soit dj constitue ou simplement annon-

    ce. En ralit, ils ly projettent comme on verse du sel sur les aliments. Puis, tout merveills, ils sextasient aprs coup de ly reconnatre.

    on point de vue est simple rsu-mer : nous avons tous des croyances, religieuses ou autres, qui irriguent le rapport que nous entretenons

    avec notre propre existence. Ces croyances sont galement respectables, sauf quand elles sex-priment de faon trop radicale ou exigent le monopole. ct delles, il y a des connais-sances scientifiques, laborieusement acquises, et mme des vrits de science . Chacun dentre nous a certes la libert de les ignorer, mais cest toujours dommage, car elles peu-vent conduire remettre en cause notre faon de penser certaines questions. Ce qui est sr, cest quelles ne peuvent pas tre dites dans les mmes termes que ceux que nous utilisons pour dire nos croyances. Cest affaire de vocabulaire, mais pas seulement.

    Il est illusoire desprer extraire le sens du monde et de la vie dun jeu dquations mathmatiques. Mais cest plus fort que nous : nous ne tolrons pas les contingences, nous rclamons du sens, du projet, du dessein.

    18 i HORS-SRie ScienceS et aveniR i janvier / fvrier 2016

  • CLAIRAGES

    PHYSIQUE QUANTIQUENe au dbut du XXe sicle, pratiquement en mme temps que la relativit gnrale, elle dcrit le comportement de la matire lchelle subatomique. Jusqu aujourdhui, elle na jamais t prise en dfaut et a produit dinnombrables applications, des lasers aux panneaux photovoltaques. Elle dfie toutefois le sens commun, car elle indique que les particules peuvent se trouver dans deux tats quantiques la fois : excit et au repos ; noir et blanc ; 1 et 0 ; onde et particule. Cette trange proprit est baptise tat de superposition quantique . Par ailleurs, deux particules peuvent former jamais un seul sytme pour peu quelles aient interagi dans le pass. Cest lintrication quantique .De ce fait, il suffit de mesurer les caractristiques de lune pour en dduire celles de lautre, mme si elles se trouvent distantes de millions de kilomtres. Toutefois, plus les objets sont gros, plus ils interagissent avec lenvironnement (air, rayonnement, etc.), ce qui a pour effet de faire disparatre les proprits quantiques de la matire. lissue de cette dcohrence , on retrouve la physique classique , bien dtermine, laquelle nous sommes habitus.

    La relativit gnrale, qui dcrit si bien le monde lchelle de lUnivers, et la physique quantique, qui relate le monde subatomique, sont incompatibles. Par exemple, la premire considre que les changes dnergie se font de manire continue ; la seconde quils se font par sauts, de manire quantifie de l son nom. Do la ncessit dlaborer une thorie qui englobe les deux chelles. Baptise gravit quantique , elle est le graal que recherchent les thoriciens. Pour lheure, parmi les multiples voies explores, deux semblent

    les plus prometteuses. La premire, la thorie des cordes , considre que toutes les particules correspondent aux diffrents modes de vibrations dune entit unique, un filament infime. Cette thorie implique une hypothse audacieuse : lespace comporterait des dimensions caches, replies sur elles-mmes.La deuxime, la gravit quantique boucles, envisage lespace petite chelle de manire discontinue, sous forme de minuscules grains jointifs, la manire dun tableau pointilliste qui nous semble lisse lorsquon sen loigne.

    MODLE STANDARD DE LA PHYSIQUE DES PARTICULESIl dcrit lensemble des briques lmentaires de la matire et des forces qui rgissent leurs interactions, lexception de la gravitation. Ces particules sont regroupes en deux grandes familles : les fermions, qui composent la matire, tels les quarks ou les lectrons ; et les bosons, qui vhiculent trois des quatre forces fondamentales les interactions nuclaires forte et faible et linteraction lectromagntique. Par exemple, le plus connu des bosons, le photon, est responsable du magntisme et de llectricit. Il explique la quasi-totalit des phnomnes physiques notre chelle. En 2012, la dtection du boson de Higgs a sign un nouveau succs du modle standard, qui prdisait son existence depuis prs de cinquante ans (lire pp. 24-25).

    quantiques de la matire. lissue de quantiques de la matire. lissue de quantiques de la matire. lissue de quantiques de la matire. lissue de quantiques de la matire. lissue de quantiques de la matire. lissue de quantiques de la matire. lissue de quantiques de la matire. lissue de quantiques de la matire. lissue de quantiques de la matire. lissue de quantiques de la matire. lissue de quantiques de la matire. lissue de quantiques de la matire. lissue de quantiques de la matire. lissue de quantiques de la matire. lissue de quantiques de la matire. lissue de quantiques de la matire. lissue de quantiques de la matire. lissue de quantiques de la matire. lissue de quantiques de la matire. lissue de quantiques de la matire. lissue de quantiques de la matire. lissue de quantiques de la matire. lissue de quantiques de la matire. lissue de quantiques de la matire. lissue de quantiques de la matire. lissue de quantiques de la matire. lissue de quantiques de la matire. lissue de quantiques de la matire. lissue de quantiques de la matire. lissue de quantiques de la matire. lissue de quantiques de la matire. lissue de quantiques de la matire. lissue de quantiques de la matire. lissue de quantiques de la matire. lissue de quantiques de la matire. lissue de quantiques de la matire. lissue de quantiques de la matire. lissue de quantiques de la matire. lissue de quantiques de la matire. lissue de quantiques de la matire. lissue de quantiques de la matire. lissue de quantiques de la matire. lissue de quantiques de la matire. lissue de quantiques de la matire. lissue de quantiques de la matire. lissue de quantiques de la matire. lissue de cette dcohrence , on retrouve la cette dcohrence , on retrouve la cette dcohrence , on retrouve la cette dcohrence , on retrouve la cette dcohrence , on retrouve la cette dcohrence , on retrouve la cette dcohrence , on retrouve la cette dcohrence , on retrouve la cette dcohrence , on retrouve la cette dcohrence , on retrouve la cette dcohrence , on retrouve la cette dcohrence , on retrouve la cette dcohrence , on retrouve la cette dcohrence , on retrouve la cette dcohrence , on retrouve la cette dcohrence , on retrouve la cette dcohrence , on retrouve la cette dcohrence , on retrouve la cette dcohrence , on retrouve la cette dcohrence , on retrouve la cette dcohrence , on retrouve la cette dcohrence , on retrouve la cette dcohrence , on retrouve la cette dcohrence , on retrouve la cette dcohrence , on retrouve la cette dcohrence , on retrouve la cette dcohrence , on retrouve la cette dcohrence , on retrouve la cette dcohrence , on retrouve la cette dcohrence , on retrouve la cette dcohrence , on retrouve la cette dcohrence , on retrouve la cette dcohrence , on retrouve la cette dcohrence , on retrouve la cette dcohrence , on retrouve la cette dcohrence , on retrouve la cette dcohrence , on retrouve la cette dcohrence , on retrouve la cette dcohrence , on retrouve la cette dcohrence , on retrouve la cette dcohrence , on retrouve la cette dcohrence , on retrouve la cette dcohrence , on retrouve la cette dcohrence , on retrouve la cette dcohrence , on retrouve la cette dcohrence , on retrouve la physique classique , bien physique classique , bien physique classique , bien physique classique , bien physique classique , bien physique classique , bien physique classique , bien physique classique , bien physique classique , bien physique classique , bien physique classique , bien physique classique , bien physique classique , bien physique classique , bien physique classique , bien physique classique , bien physique classique , bien physique classique , bien physique classique , bien physique classique , bien physique classique , bien physique classique , bien physique classique , bien physique classique , bien physique classique , bien physique classique , bien physique classique , bien physique classique , bien physique classique , bien physique classique , bien physique classique , bien physique classique , bien physique classique , bien physique classique , bien physique classique , bien dtermine, laquelle dtermine, laquelle dtermine, laquelle dtermine, laquelle dtermine, laquelle dtermine, laquelle dtermine, laquelle dtermine, laquelle dtermine, laquelle dtermine, laquelle dtermine, laquelle dtermine, laquelle dtermine, laquelle dtermine, laquelle dtermine, laquelle dtermine, laquelle dtermine, laquelle dtermine, laquelle dtermine, laquelle dtermine, laquelle dtermine, laquelle dtermine, laquelle dtermine, laquelle dtermine, laquelle dtermine, laquelle dtermine, laquelle dtermine, laquelle dtermine, laquelle nous sommes nous sommes nous sommes nous sommes nous sommes nous sommes nous sommes nous sommes nous sommes nous sommes nous sommes nous sommes nous sommes nous sommes nous sommes nous sommes nous sommes nous sommes habitus. habitus. habitus. habitus. habitus. habitus. habitus. habitus. habitus. habitus. habitus. habitus. habitus.

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    GRAVIT QUANTIQUE

    JANVIER / FVRIER 2016 I HORS-SRIE SCIENCES ET AVENIR I 19

    Exprience sur un objet en tat de superposition quantique.

    Simulation de la dsintegration dun boson de Higgs dans le dtecteur CMS du LHC, au Cern. Les traces jaune-vert dnotent les particules produites par la collision dune paire de protons dultra-haute nergie. Les nergies dposes par les particules dans le dtecteur sont en bleu turquoise.

    Page ralise par Franck Daninos avec A

    zar Khalatbari

  • Ilyaunsenstouta,unecohrenceLa cosmologie moderne a chang la conception du monde des croyants comme

    des non-croyants. Mais, se demande lastrophysicien, face limmensit effrayante de lUnivers, peut-on se suffire des donnes rigoureuses de la science ?

    uentend-on aujour-dhui par cosmologie ? Quen-tendait-on par l au cours des sicles prcdents, dans les dif-frentes cultures islamique, occidentale ou autre ? Et pour-

    quoi serait-il impossible de concilier ces deux repr-sentations, ces deux magistres , ceux de la science et de la religion ?Lorsquon parle de cosmologie aujourdhui, la plu-part des gens comprennent aussitt quil sagit dastrophysique, de thories et dobservations, de calculs, de nombres exacts. Mais cette disci-pline nest devenue vritablement scientifique (au sens moderne) quil y a un sicle. Cest en 1915-1916 quEinstein a publi sa thorie de la relativit gnrale, dont lquation principale a permis de faire des prdictions sur la structure du cosmos et son histoire. Il a dailleurs t surpris de consta-ter que cette quation avait pour rsultat un Uni-vers en expansion, et il la remodele, laide dune constante cosmologique, afin quelle corresponde ce quoi il tait habitu : un Univers statique.Depuis, la science nous a appris que lUnivers obser-vable, dun diamtre denviron 93 milliards dannes-lumire, compte plus de 100 milliards de galaxies. Nous connaissons son ge avec une trs grande prcision : 13,8 (plus ou moins 0,02) milliards dan-nes. Nous savons que son expansion sacclre, et quil est constitu en partie dune matire noire que nous navons pas encore dcouverte mais dont

    nous voyons les effets. Nous pensons quil existe galement une nergie noire, ou nergie sombre, responsable de cette acclration de lexpansion. Nous savons enfin que la matire connue reprsente moins de 5 % du contenu matire-nergie de lUni-vers. Et la matire dite lourde (carbone, oxygne, fer, etc.), ce qui forme tout le monde complexe et solide, vivant ou non vivant, peine quelques centimes du centime de toute la matire existante.Mais pendant des millnaires, le terme de cosmo-logie a dsign toutes les conceptions de lUnivers quelles quelles soient. Elles taient gnralement culturelles, trs souvent spculatives, souvent mythologiques, parfois mme philosophiques ou thologiques. Depuis laube des temps, en effet, dans toutes les cultures, les gens se sont repr-sent le cosmos. Souvent de faon gocentrique et anthropocentrique. Mais pas toujours : les Chinois, par exemple, sen sont fait une reprsentation beau-coup plus abstraite, sans ide de finalit de lhomme ni de crateur.

    e public est la fois fascin et drang par la cosmologie lorsquelle nest que scientifique. Il aspire une vision qui-libre du monde et de lexistence : scien-

    tifique, certes, mais aussi culturelle. La plupart des gens souhaitent quon leur raconte comment cet Univers immense se rapporte leur existence. O sommes-nous dans tout cela ? Je voudrais quils comprennent que, par rapport lUnivers, nous

    Nidhal Guessoum

    Professeur lUniversit amricaine de Sharjah (mirats arabes unis) dont il est galement le vice-doyen, Nidhal Guessoum a travaill au Goddard Space Flight Center de la Nasa. Islam, Big Bang et Darwin, les questions qui fchent, Dervy, 2015 Islam et science : comment concilier le Coran et la science moderne, Dervy, 2013

    La trs grande majorit des tres humains ignore lexistence du boson de Higgs et de lnergie noire

    Univers

    20 i HORS-SRie ScienceS et aveniR i janvier / fvrier 2016

  • CREDIT

    Retrouvez en vido les propos de Nidhal Guessoum lors du colloque Dieu et la science : http://sciav.fr/HSguessoum

    Et son dbat avec tienne Klein : http://sciav.fr/HSkleinguessoum

    ne sommes que des grains de sable, mais que cela ne doit pas nous choquer. Car lUnivers ne pouvait tre autrement. Il a dmarr dun point, une singu-larit, dans lequel tout tait concentr lnergie, la matire, lespace, le temps , puis le Big Bang la projet dans cette expansion qui a donn naissance des objets de plus en plus complexes : les galaxies, les toiles, les plantes Sil y a expansion, cest quil y a volution ainsi les plantes se transfor-ment, latmosphre de la Terre na pas toujours t celle que nous connaissons Et il fallait bien quelques milliards dannes pour que cette volu-tion aboutisse des tres capables de sinterroger et smerveiller face limmensit et la complexit du cosmos. Voil pourquoi nous sommes si petits, si rcents, face cet Univers si grand, si vieux si impressionnant, voire effrayant.Souvenons-nous de la phrase extrmement dure de Jacques Monod : Lancienne alliance est rompue ; lhomme sait enfin quil est seul dans limmensit indiffrente de lUnivers (Le Hasard et la Nces-sit). Monod affirme en 1970 que lhomme, fort de sa raison, doit choisir entre le Royaume, cest--dire les anciennes conceptions religieuses, et les

    tnbres. Selon lui, aucune ide de finalit humaine nest permise ! Mais une conception plus heureuse et harmonieuse nest-elle pas possible ?Autrefois, la cosmologie, comme la philosophie et la thologie, tait nourrie de spculations. Aujourdhui, il semblerait que nous nayons plus le choix, ni mme le droit, dignorer les connaissances scientifiques sur lUnivers, mme si lon veut le concevoir dans une perspective humaine . La science a mis sur la table des donnes rigoureuses dont nous devons tenir compte. Mais, mme en sachant que nous ne faisons partie que du 1 % du 1 % de la matire de lUnivers, et que le vivant ne reprsente que le mil-liardime du milliardime de toute la matire, il y a, me semble-t-il, une manire moins effrayante de conceptualiser le cosmos. Une manire qui explique que nous sommes tout de mme importants. Quil y a un sens tout a, une cohrence.La science est loin de reprsenter le savoir de la trs grande majorit des humains la plupart ne connaissent pas le boson de Higgs ni lnergie noire Elle ne doit pas se dconnecter du reste de la socit, au risque, comme une locomotive qui avance toujours plus vite, de voir ses

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  • Univers

    Jacques MonodBiologiste et biochimiste franais (1910-1976). Ses apports la biologie molculaire sont considrables. Il mit notamment en vidence lexistence dune molcule servant de lien entre lADN et les protines ncessaires la vie des cellules : lARN messager . Et il popularisa lide quun programme gntique est cens diriger le dveloppement des tres vivants. Laurat en 1965 du prix Nobel de physiologie (mdecine) pour ses travaux en gntique, il exposa dans son livre Le Hasard et la ncessit ses vues sur la nature et le destin de lhumanit.

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    Al-Kindi (800-873) Il est considr comme un des premiers philosophes hellnisants arabes. Bagdad, devenu le centre scientifique et culturel du monde musulman

    au XIe sicle, al-Kindi est charg de la traduction de manuscrits grecs, et il rdige des traits darithmtique et de gomtrie. Ses 290 ouvrages concernent principalement lastronomie, la mdecine et les mathmatiques.

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    wagons se dtacher un un. Les wagons, ce sont notre monde, nos vies, notre sagesse, nos relations aux autres, lenvironnement Il est donc important de raccorder ce que nous appre-nons de la science avec ce que la socit doit com-prendre et saisir.La cosmologie scientifique change la conception du monde. Mais lon peut se poser certaines questions : quel est le sens de lexistence, sommes-nous ou non au centre Ces interrogations ouvrent des discussions riches, auxquelles il ne faut pas renon-cer. Naturellement, si des tudiants viennent me dire : Ma conception du monde est base sur le fait quAdam a t cr directement et spcialement , il y a conflit. De mme lorsquun cheikh saoudien affirme luniversit que la Terre ne tourne pas autour du Soleil, preuves lappui. Mais si une personne a du monde une vision en accord avec nos savoirs actuels, celle-ci est cohrente, mme si cette personne souscrit une autre philosophie, une autre croyance, une autre culture

    a science est un dnominateur univer-sel commun tous, croyants et non-croyants. Mais il existe un moyen dy ajouter, pour les thistes et notamment

    les musulmans, une interprtation donnant du sens. Comment ? Ma rfrence, cest Averros, grand philosophe musulman du XIIe sicle (lire ci-contre). cette poque, la confrontation tait vive entre la philosophie et la Charia, la loi rvle. Aver-ros avanait quil ny a pas de conflit entre reli-gion et philosophie parce que la vrit ne contre-dit pas la vrit, que la vrit divine rvle dans les textes ne peut contredire la vrit divine rv-le dans le monde. Il tait ncessaire, selon lui, de rinterprter ces textes la lumire des mthodes rationnelles. Voil pourquoi je parle dun che-vauchement doux , un soft overlap, entre les deux approches. Il y a un magistre des textes sacrs, de la foi, il y a un magistre du savoir, des sciences, de la philosophie, de la raison et ils viennent se complter, sclairer lun lautre. Sans jamais vi-demment semboter lun sur lautre.Ceci dit, je rpte quil ny a pas de science trouver dans les textes sacrs, et quil ne faut surtout pas et je le rappelle souvent aux musulmans chercher montrer que ces textes disaient dj ceci ou cela de scientifique Mais linspiration peut venir de nim-porte o. Je peux voir une balle glisser sur un drap et penser quil se pourrait que la gravitation fonctionne ainsi. Cela signifie que jai une ide, une formule en tte. Je dois pourtant vrifier quelle sapplique la ralit du monde. Le physicien Murray Gell-Mann, par exemple, raconte que la thorie des quarks dite de voie octuple lui est venue lesprit un jour quil lisait un livre bouddhiste. Mais ce qui est important, cest ensuite la rigueur, la mthode. Car nombre dinspirations se sont rvles faussesLa science est notre guide pour comprendre le fonc-tionnement du monde. La religion et la philosophie sont nos guides pour comprendre le sens du monde.

    22 I HORS-SRIE SCIENCES ET AVENIR I JANVIER / FVRIER 2016

  • AVERROS ET LES PENSEURS DE LISLAMAverros (1126-1198)Son hritage est revendiqu par tous ceux qui sopposent une lecture littrale du Coran. Il est invoqu chaque fois que science et religion se trouvent confrontes. Ibn Rochd de Cordoue, connu en Occident sous son nom latin dAverros, est un philosophe, juge, juriste et mdecin musulman du XIIe sicle, avant tout commentateur dAristote en langue arabe. Pour Averros, le monde ne comporte quune seule vrit, mais diffrentes manires dy accder, explique Jean-Baptiste Brenet, professeur de philosophie mdivale arabe et latine luniversit Paris-I Panthon-Sorbonne. La religion et la philosophie qui, au Moyen Age, couvre le champ du savoir sont en effet deux manires dexprimer cette unique vrit. La premire, de faon mtaphorique, passe par des images concrtes et sadresse la masse des croyants. Tandis que la philosophie prsente lessence des choses et ncessite une abstraction, des dmonstrations rigoureuses. L o la religion, par exemple, emploie les mots crateur des cieux et de la terre ou lumire pour parler de Dieu, la philosophie dmontre lexistence dun premier moteur de lunivers conu comme un pur intellect. Ces deux chemins, qui ne font pas appel aux mmes aptitudes, sont emprunts par deux types dhommes distincts. Car les hommes sont eux-mmes diffrents et donc sensibles des discours spcifiques. En somme, la religion dit aux foules ce que la science dit aux philosophes, mais ces voies ne sont pas recouvrables , souligne Jean-Baptiste Brenet.

    Que se passe-t-il en cas de contradictions entre science et religion ? Elles sont ncessairement superficielles. En ralit, elles signalent les passages du texte religieux qui doivent tre expliqus. Au philosophe, ou scientifique, den trouver le sens cach afin de le rendre conforme la science. Cest lui quAverros attribue la charge et la responsabilit dinterprter le Coran, car lui seul est capable de savoir ce quil faut trouver . Une interprtation qui nest pas destine tre dvoile la foule des croyants. Il ny a pas une phrase du Coran que le philosophe ne peut rendre conforme la science, soutenait Averros ; cest un texte parfait, en somme, o chacun, selon ses moyens, trouve son compte. Le philosophe, quand il le faut, linterprte rationnellement, tandis que la foule y adhre en sen tenant aux images , rsume Jean-Baptiste Brenet.La science a donc le dernier mot dans linterprtation du texte religieux. Reste quen tant que commentateur dAristote, et conforme en cela au gocentrisme de Ptolme (90-168), Averros pense que la Terre est immobile au centre de lUnivers, le Soleil et les plantes tant placs sur des sphres concentriques. Il faudra attendre trois sicles pour que Nicolas Copernic rvolutionne en 1543 notre comprhension du cosmos en donnant au Soleil une position centrale, autour de laquelle tournent les corps clestes.

    * lire : Jean-Baptiste Brenet, Averros linquitant, Les Belles-Lettres, 2015.

    Al-Frb (872-950) Philosophe mais aussi thoricien de la musique et joueur de luth, al-Frb, originaire d'Asie centrale, vient stablir la fin du IXe sicle Bagdad, o il est un des premiers commentateurs dAristote et des Lois de Platon. Son uvre matresse, Kitb al-siysa al-madaniyya (Livre du rgime politique), en fait lun des fondateurs de la philosophie politique en Islam. Il a beaucoup influenc Avicenne et Averros.

    Avicenne (Ibn Sina) (980-1037) Mdecin et philosophe persan, Avicenne a vcu un sicle avant Averros, quil a inspir. Commentateur

    dHippocrate et de Galien en arabe et en persan, il participe ainsi la diffusion de la culture grecque dans le monde mdival. Sa grande uvre de mdecine, Kitab al-Qann fi al-Tibb (Livre des lois de la mdecine, ou Canon), qui fut traduite en latin au XIIe sicle, a influenc la mdecine occidentale jusqu la Renaissance.

    Al-Ghazl (1058-1111) Form trs jeune ltude des philosophes de langue arabe comme al-Kindi, al-Frb et Avicenne , le Persan al-Ghazl est la grande figure du mysticisme musulman. Dans son ouvrage Tahfut al falsifa (Lincohrence des philosophes), il condamne les philosophes aristotliciens dont le message serait en contradiction avec la Rvlation. Prs dun sicle plus tard, Averros critiquera luvre dal-Ghazl dans un trait devenu clbre, Tahafut al-tahafut (Lincohrence de lincohrence). Traduits en hbreu et en latin, les crits dal-Ghazl ont eu une grande influence sur des Europens comme Thomas dAquin.

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    Ds sa mort en 1198, Averros a t reconnu en Europe comme un philosophe majeur. Il est reprsent ici en 1365 par Andrea da Bonaiuto dans lglise Santa Maria Novella, Florence.

    clairage par Azar K

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    RAYONNEMENT FOSSILE

    Le premier cri de lUniversCest limage de lanne ! Celle qui restera dans les esprits pour les dcennies venir car, question pr-cision, elle nest pas prs dtre dtr-ne ! Elle rassemble en effet pour la premire fois toutes les mesures recueillies par le satellite Planck lors de lune des missions spatiales les plus ambitieuses de lhistoire. Elle aurait mme sa place dans tous les foyers de la plante, tant elle fait par-tie de notre histoire commune : cest la reprsentation la plus dtaille du cosmos lorsque celui-ci tait g de 380 000 ans peine, contre 13,8 milliards aujourdhui. Linstant o, pour la premire fois, des grains de lumire (photons) ont russi se librer de la soupe de particules pri-mordiale. Pour laborer cette carte, quatre ans de mesures en continu

    ont t ncessaires. Une mission qui sest acheve en 2013 et dont les scientifiques ont livr en fvrier 2015 la compilation des rsultats les plus marquants.Certes, la premire lumire de lUni-vers, appele rayonnement fossile ou fond diffus cosmologique, a t dtecte ds 1965 par Arno Penzias et Robert Wilson : ces deux ing-nieurs des laboratoires Bell avaient repr un signal continu provenant de toutes les directions de lespace, qui correspondait parfaitement aux prdictions thoriques des cosmo-logistes. Mais jusquen 1992, cette lumire des premiers ges tait considre comme strictement uni-forme, baignant la totalit de lespace dune gale nergie, avec une temp-rature de 2,7 kelvins (soit -270,4 C).

    Cette anne-l, le satellite amricain Cobe (Cosmoic Background Experi-ment) rvle que le rayonnement fos-sile prsente des variations de tem-prature de lordre du cent millime de degr (10-5) ! Ses deux concep-teurs, les Amricains George Smoot et John Mather, venaient douvrir une nouvelle voie : car la rparti-tion de ces infimes contrastes de temprature correspond, en tho-rie, de minuscules rgions plus ou moins denses du trs jeune Univers. Consquence : lorganisation de la matire doit fortement dpendre de cette poque recule. Cest quip du nec plus ultra des instruments que le satellite Planck a plong dans les infimes fluctuations de cette lumire froide. Pour livrer la premire his-toire dtaille du cosmos.

    PARTICULE SUBATOMIQUE

    5154 personnes au chevet du boson de Higgs

    Les infimes contrastes de temprature (du bleu, plus froid, au rouge) de la premire lumire du cosmos traduisent des variations de densit.

    Les dtecteurs Atlas (ici) et CMS ont permis didentifi er le boson de Higgs.

    Jamais encore on navait atteint une telle dmesure ! Larticle publi le 14 mai dernier dans la revue Physical Review Letters (PRL) regroupe en effet pas moins de 5 154 signataires ! Tous membres des quipes des dtecteurs de particules Atlas et CMS monts sur le grand collisionneur hadrons, le LHC du Cern, laboratoire europen pour la physique des particules situ en Suisse. Ces deux quipes avaient annonc en juillet 2012 la dcouverte du boson de Higgs, particule subatomique lorigine de la masse de toutes les autres.

    Objet de larticle ? La masse du Higgs que lon avait estime, il y a deux ans et demi, autour de 125 gigalectronvolts (GeV), a t affine. Dsormais, cest officiel : elle est de 125,09 GeV, plus ou moins 0,25 % prs. Il fallait bien se mettre plus de 5 000 pour y voir si clair ! La fourchette de valeurs que pouvait prendre la masse du clbre boson tait prvue par diffrentes thories de physique des particules. Ce nouveau rsultat devrait favoriser ou balayer quelques-unes des hypothses de travail des thoriciens.

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    Univers

    24 I HORS-SRIE SCIENCES ET AVENIR I JANVIER / FVRIER 2016

  • Des bosons par millions

    Un gant chinois pour acclrer les particules

    Elle sappelle EGS-zs8-1 et les astronomes des universits de Yale et de Californie Santa Cruz, lorigine de sa dcouverte, la surveillent comme un anctre prcieux : car cette galaxie est lobjet le plus lointain repr ce jour dans le cosmos ! Elle sest forme il y a plus de 13 milliards dannes, alors que lge de lUnivers est estim 13,8 milliards dannes. Autrement dit, elle fait partie des toutes premires galaxies du cosmos. Les plus anciennes surprises jusque-l comptaient 12 milliards dannes tout au plus. Cette dcouverte repousse donc les frontires de lUnivers visible. Qui plus est, EGS-zs8-1 recle quelques trangets. Lquipe a utilis le tlescope Keck, Hawaii lun des plus grands avec ses 10 mtres de diamtre et son instrument Mosfire spectrographe multi-objet dans le proche infrarouge pour scruter son cur. Ainsi, ils lont surprise telle quelle tait lge de moins de 700 millions dannes. Et ont dcouvert quelle engendrait alors des toiles

    tour de bras ! Il faut savoir que dans lenfance de lUnivers, lhydrogne tait beaucoup plus abondant quaujourdhui. Or, les toiles naissent lorsquune quantit de ce gaz sisole et seffondre sur elle-mme. Trs vite, en son cur, la temprature et la pression atteignent des degrs tels que les ractions de fusion nuclaire peuvent dbuter. partir de ce moment, lastre commence briller. Plus lhydrogne est abondant, plus les toiles peuvent donc se former facilement. Mais les astronomes ne sattendaient pas pareil dynamisme. Telle que nous la voyons, plonge dans sa prime enfance, EGS-zs8-1 a russi rassembler lquivalent de plus de 15 % de la masse actuelle de la Voie lacte, dont lge est estim 13,2 milliards dannes. Les astres quelle renferme ont srement particip un moment crucial de lUnivers, celui o les premires toiles ont commenc mettre de la lumire et donc chauffer et ioniser le gaz ambiant. Connatre avec prcision cette

    poque permet en quelque sorte de caler lhistoire de lUnivers. Voil pourquoi les astronomes attendent impatiemment lenvoi dans lespace, en 2018, du JWST, le James Webb Space Telescope, successeur du tlescope Hubble. Il permettra de reprer un grand nombre de galaxies distantes.

    Univers visible

    La plus vieille galaxie du cosmos

    Situe 13,1 milliards d'annes-lumire de nous en direction de la constellation du Bouvier, la galaxie EGS-zs8-1 est la plus lointaine jamais observe.

    Comme le LHC (ci-dessus), le dtecteur chinois observera le boson de Higgs.

    Pages ralises par Azar Khalatbari

    Fin octobre, la Chine a annonc quelle allait lancer la construction du plus grand acclrateur de particules au monde entre 2020 et 2025. Sil voit le jour, il sera au moins deux fois plus vaste que le LHC, principale installation actuelle, construite par le Cern de part et dautre de la frontire franco-suisse. Le LHC a permis de confirmer, en 2012, lexistence dune particule lmentaire dsormais mondialement clbre, le boson de Higgs. Cest prcisment ce boson qui est au cur du projet chinois. Lacclrateur envisag par Pkin, long de 50 100 kilomtres, devrait en produire des millions, soit bien plus que les centaines gnres

    par leuropen qui, lui, ne mesure que 27 kilomtres. Le LHC gnre avec les bosons de Higgs de nombreuses autres particules, a expliqu Wang Yifang, le directeur de lInstitut chinois de la physique des hautes nergies. Notre future installation crera un environnement extrmement pur, qui ne produira que des bosons de Higgs. Le nouvel acclrateur chinois pourrait gnrer sept fois plus dnergie que celui du Cern, qui vient de quasiment doubler sa puissance 13 tralectronvolts mais qui, poursuit Wang Yifang, atteint ses limites en termes de niveau dnergie .

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    janvier / fvrier 2015 i HORS-SRie ScienceS et aveniR i 25

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    ExoplantEs

    Une autre Terre est possibleElle sappelle Kepler-452b et cest lexoplante qui ressemble le plus notre bonne vieille Terre ! Cette nouvelle venue parmi les 2008 plantes extrasolaires dcouvertes ce jour se situe 1 400 annes-lumire de nous, en direction de la constellation du Cygne. Son rayon est denviron 1,6 fois celui de la Terre et elle parcourt son orbite en 384 jours autour dune toile trs similaire notre Soleil. Elle se situe donc dans la zone dhabitabilit de son toile. Mieux mme : Kepler-452b reoit de la part de celle-ci

    autant dnergie que la Terre de la part du Soleil. Bref, on laura compris : pour lheure, lexoplante et son toile constituent le systme le plus similaire au binme Terre-Soleil. Ce pourrait tre une super-Terre , autrement dit une plante de masse comprise entre une et dix fois celle de notre plante.Reste quune plante situe dans la zone dhabitabilit de son toile nest pas automatiquement habitable . Et ne recle pas forcment de la vie. Il lui faut de plus une chimie et une gologie

    particulires ! Problme, nous navons pas encore les moyens dy dtecter leau ou les molcules organiques qui sont les ingrdients spcifiques de la vie. Le grand dfi de la prochaine dcennie reste donc ltude systmatique de latmosphre des exoplantes. Pour cela, les plus grands tlescopes comme lObservatoire europen austral ESO ou les prochains observatoires de plusieurs dizaines de mtres de diamtre seront quips de spectromtres dune extrme sensibilit.

    Kepler 452b tourne autour dune toile trs semblable au Soleil des Terriens.

    Une extinction progressive des feux de lUnivers : voil quoi pourrait res-sembler lavenir selon les rsultats du projet international Gama (Galaxy and Mass Assembly), programme de relev multi-longueurs donde men sous lgide de lObservatoire europen austral. Les astronomes de ce projet ont observ plus de 200 000 galaxies durant une dizaine dannes. Celles-ci mettraient aujourdhui 1,6 fois

    moins dnergie que celles dune por-tion similaire dUnivers il y a 2,3 mil-liards dannes. Ce rsultat tait connu depuis les annes 1990, mais il a reu une confirmation clatante grce la base de donnes de Gama. Les plus grands tlescopes terrestres et spa-tiaux ont t utiliss pour quanti-fier la lumire mise par exactement 221 373 galaxies, rparties dans une

    portion despace de plus de 2,4 mil-liards dannes-lumire, et ce dans 21 longueurs donde. Deux dtails importants : en balayant un si grand nombre dannes-lumire, ce relev surprend les galaxies telles quelles taient dans le pass, car voir loin revient observer des astres de plus en plus jeunes de quoi dcrire leur volution. Et en choisissant 21 lon-gueurs donde, soit un trs large spectre, les chercheurs ont multipli leurs chances dobtenir des donnes pertinentes. Certaines galaxies riches en rgions de formations dtoiles mettent en effet jusqu 90 % de leur nergie en infrarouge.Au final, lquipe a donc t en mesure dannoncer lextinction progressive des galaxies. La raison ? Une galaxie est un ensemble de gaz et dtoiles. De ces toiles dpend sa luminosit. Or, au fur et mesure que les astres se forment, le gaz samenuise, et leur production diminue cette extinc-tion sajoute un autre phnomne : lexpansion acclre de lUnivers. Lespace se dilate de plus en plus vite, cartant les galaxies les unes des autres et rendant difficile leurs collisions, fusions et interactions. Or, ce sont prcisment ces interactions qui provoquent de nouvelles rgions de formation dtoiles. Dcidment, lavenir sannonce sombre et froid si toutefois lon se fie aux modles les plus communs, comme celui du Big Bang, pour expliquer lvolution du cosmos.

    Extinction

    Le sombre destin de lUnivers

    Observer la mme galaxie diffrentes longueurs donde permet de faire un bilan de sa luminosit totale (en bas au centre).

    Pages ralises par Azar Khalatbari

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    Univers

    26 i HORS-SRie ScienceS et aveniR i janvier / fvrier 2016

    Optique

    Infrarouge proche

    Infrarouge moyen

    Infrarouge lointainUltraviolet

  • REPRES

    JANVIER / FVRIER 2016 I HORS-SRIE SCIENCES ET AVENIR I 27

    De quand datent-ils? Qui les a crits, et dans quelles circonstances? Les textes fondamentaux des trois monothismes

    ont une histoire, que la science sattache retracer.

    Aux origines des textes sacrs

    SPL/

    AKG

    IMAG

    ES

    Mise au jour Qumrn (site de Palestine), cette copie du livre d'Isae, rdige aux IIe-Ier sicles av. J.-C., est le plus ancien manuscrit hbreu complet dun livre biblique. Conserve au muse dIsral Jrusalem, elle mesure plus de 7 mtres de long.

    Bible hbraque, Nouveau Testament, Coran

    Pages ralises par Franck Daninos

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    COM

    Elle comprend trois ensembles : les cinq livres du Pentateuque (la Torah, enseigne-ment en hbreu)

    Gense, Exode, Lvitique, Nombres, Deutronome ; les livres des Pro-phtes, dont Josu, Samuel ou Isae ; et les livres des crits, tels les Psaumes, Qohelet (lEcclsiaste), Daniel. Le plus ancien fragment matriel qui nous est parvenu est dat du IIIe sicle avant notre re : cest le livre de Samuel, retrouv en 1947 dans les grottes de Qumrn, prs de la mer Morte.Le processus de canonisation et de fixation des textes a dur plus de 1 500 ans ! Il dbute vers 450 av. J.-C. avec la composition du Pentateuque. Puis, au dbut du IIe sicle de notre re, cest lensemble du canon hbraque (Pentateuque, Prophtes, crits) qui se fige, sans doute en raction contre les chrtiens qui commencent se rfrer aux mmes textes. Mais le texte standard ne sera fix quau XIIe sicle, sous lautorit du rabbin andalou Mose Mamonide. Un vnement historique aurait jou un rle crucial non seule-ment dans la composition du Pen-tateuque mais aussi dans lav-nement du monothisme juif , souligne Thomas Rmer, qui occupe la chaire Milieux bibliques au Col-lge de France. Il sagit de la prise du royaume de Juda par le roi baby-lonien Nabuchodonosor II, en 587 av. J.-C. Fond au Xe ou IXe sicle avant notre re, ctait lun des deux royaumes, avec celui dIsral (- 930/- 722), plus au nord, o le dieu Yahv tait vnr. Les Judens se trou-

    La Bible hbraque

    IIe millnaire av. J.-C.Des rcits, traditions orales, lgendes sur Abraham, Mose, etc., circulent dans toute la Msopotamie et le Proche-Orient. Ils seront plus tard fixs dans la Bible hbraque.

    Vers 787-747Rgne de Jroboam II. Premires mises par crit de traditions bibliques : histoire de Jacob, sortie dgypte ?

    722Conqute dIsral par les Assyriens, chute de Samarie. Le royaume est transform en provinces assyriennes. Dportations. Juda est vassal des Assyriens.

    640-609Rgne de Josias. Politique de centralisation. Le Temple de Jrusalem devient le seul sanctuaire lgitime du dieu dIsral. Rdaction du Deutronome ?

    587Prise du royaume de Juda par le roi babylonien Nabuchodonosor II. Destruction de la ville et du temple de Jrusalem. Dportations Babylone. Crise idologique.

    xe ou ixe sicleFondation du royaume de Juda (ou du Sud), capitale Jrusalem. En 930, fondation du royaume dIsral (ou du Nord), capitale Samarie. Le dieu Yahv est vnr dans les deux.

    Le sacrifice d'Isaac , Hambourg, XIVe sicle.

    28 I HORS-SRIE SCIENCES ET AVENIR I JANVIER / FVRIER 2016

    Mose guidant les Hbreux pour traverser la mer Rouge , miniature d'un livre de prires de 1427.

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    le Nouveau Testament

    vent alors confronts deux pro-blmes menaant leur existence en tant que peuple. Ils sont, tout dabord, disperss entre lempire no-babylonien, o llite a t dporte, lgypte, o une dias-pora importante a trouv refuge, et la Jude, o la population rurale