Santiago Reyes

31
Rencontre avec Santiago Reyes Vendredi 15 octobre 2010

description

Printemps de septembre 2010

Transcript of Santiago Reyes

Rencontre avec Santiago Reyes

Vendredi 15 octobre 2010

Les passerelles de la rocades, Toulouse, juin-juillet 2010, performance.

Vendredi 15 octobre 2010, 14h...…

Le bus nous dépose sur le parvis du musée des Abattoirs.Nous devons y rencontrer Santiago Reyes, l’un des artistesde la programmation 2010 du festival « Le Printemps deseptembre ». Né en 1971 à Quito (Equateur), il vit ettravaille à Paris depuis plusieurs années et présente aumusée une installation rendant compte de sa performance « Lespasserelles de la rocade ».

14h15...…

Tandis que nous nous apprêtons à commencer les visitesaccompagnés d’une médiatrice, Santiago Reyes arriveavec un peu de retard: il parait détendu et accueillant,très simple et abordable. Il nous convie à le suivre dansune salle de conférence du bâtiment administratif desAbattoirs…

14h20...…

Nous nous installons dans la salle pendant que Santiago Reyesprépare une vidéo projection. Il s’adresse enfin au grouped’élèves, un peu impressionnés et surpris par cet artiste‘jeune’ et ‘comme tout le monde’, bien loin de l’image qu’ils sefont de l’artiste (forcément peintre d’atelier, barbu etâgé!).

Il explique…

La performance est un médium au mêmetitre que la peinture, le dessin, lasculpture…etc.

Dès les années 1960, les nouvellestechnologies (photo, vidéo, ordinateur…)ont enrichi les pratiques artistiques etfavorisé une hybridation artistique(danse, théâtre, musique…).

L’idée est alors mise en avant dansl’œuvre, plutôt que la seule technicité.

Lui (Santiago Reyes), lorsqu’il vivait enEquateur, ne faisait que de la peinture etdu dessin; il y représentait despersonnages en les associant à ‘ses idées’.

En France il s’est rapidement attaché à lesréaliser plutôt que simplement lesreprésenter.

Il nous propose de nous montrer quelques-unes de ses vidéos…

Les yeux, je peux me réveiller dans un monde agréable, 2007

Cadrage serré sur un regard fixe (aucunclignement des yeux) accompagné d’une bandeson (résonnance, bruits). Des ‘effets’ sur la vidéosemble brouiller de plus en plus image et son,produisant un effet de plus en plus saccadé.

Reyes explique qu’il s’agit d’une vidéoanalogique (VHS) et non numérique.

La trame filmée (son regard fixe) ne dure enréalité que quelques secondes. Il a toutsimplement copié une multitude de fois lamême séquence (+montage) ce qui a poureffet d’user progressivement la bande jusqu’àune déperdition quasi-totale. La vidéo dureplusieurs minutes et montre donc un plan fixesur ses yeux qui ne clignent jamais.

Il questionne ainsi sur le statut de l’original etles conséquences de sa reproductibilité àl’infini (une photocopie de photocopie dephotocopie…etc)

Sans titre (sin principio, sin fin), 1998, 27 min

Cadrage fixe sur un personnage masculin de dos(plan américain) faisant face à un jardin. Unautre personnage masculin arrive et l’embrasse,puis, le premier sort du cadre. On revient aumême type de plan qu’au début, avec unpersonnage différent. De nouveau un autrepersonnage masculin arrive… etc

Reyes présente cette vidéo comme « une vie enaccéléré », une sorte de ‘compression’: ontombe amoureux, puis en désamour, seul ettriste, puis, de nouveau, on rencontrequelqu’un…

Vidéos de villes (work in progress)

Gayaquil, Berlin, Cuenca, Bangkok, Noisy-Le-Sec,Dubrovnick, Quito… Reyes parle de ‘vidéospostales’; toutes respectent le même protocole(une partition): une architecture modernebanale pour décor, un peu de nature, et, à unmoment donné, du ciel. Un homme et unefemme qui ne se rencontrent vraiment jamais.

La mise en scène est très réglée, elle obéit à unevéritable chorégraphie. Les deux personnagesentrent et sortent du champ de la caméra troisfois. Car la scène est chaque fois tournée depuistrois points de vue différents.

Il n'y a ni rencontre ni dialogue entre les deuxpersonnages et leurs regards s'évitent.

Ils ‘pensent’ à travers leur voix off (dans la languedu pays): l’un est heureux et l’exprime, l’autre non;mais au contact de ‘la présence de l’autre’ (qu’il nefait que percevoir), il finit par reprendre espoir.

La carte postale est une image voyageuse qui est unsouvenir très personnel parfois écrit derrièrel'image d'un lieu très public. D'ailleurs les cartespostales disent toujours la même chose. Et pourtantcela ne les empêchent pas d'être très intimes etémouvantes.

Collective dancing lesson, 2001-2003

Montage vidéo associant différentes performancesdansées de Reyes, dans différents lieux à différentsmoments (sur 2 ans ½). Chaque fois, il réalise saperformance dans un espace d’exposition (musée,festival de performance…), il tourne le dos au publicsouvent statique et interloqué. Il est face caméra etporte un t.shirt différent chaque fois; le montagevidéo fait apparaître le sens ‘caché’ du t.shirt surlequel on peut finalement lire: DANCE-WITH-US-PLEASE. Seuls les décors et spectateurs changent; lachorégraphie, elle semble se prolonger dans letemps et dans l’espace.

La bande son a été réalisée par un musicien,collaborateur de Reyes. Elle associe volontairementdifférents styles de musiques (électro, pop,percussions, tango…).

Il s’agissait pour lui de faire ‘revivre’ autrement saperformance, d’effacer le temps et l’espace pourcréer un nouvel espace-temps, celui de la ‘vidéo-performance’.

15h...…

Santiago Reyes nous invite finalement à aller voir soninstallation dans le musée, trace de sa performance « Lespasserelles de la rocade ». L’installation est constituéed’écrans diffusant les vidéos des différents moments de laperformance, et des débris récoltés sur ces lieux depassages…

Entre le 29 juin et le 13 juillet 2010, il a balayéchaque jour un pont périphérique de Toulouse, etconservé méthodiquement les objets et lapoussière collectés. Il les conserve dans des sacsplastiques plus ou moins remplis selon laclassification de leur contenu.

Personne, ou presque, n’a prêté attention à sonaction dont seules les vidéos et installationsrendent compte aux Abattoirs.

Son travail, pouvant être jugé anodin et bien loind’une quelconque démarche artistique pourcertains, constitue pourtant un véritable miroir dela société dans laquelle nous vivons.

Tel un archéologue, il rassemble et montre sousun autre jour ces traces, ces fragments de notre viequotidienne qui en révèlent le fonctionnement et ledéroulement perpétuel.

Le temps demeure un matériau de prédilection;toutes les vidéos sont synchronisées pour faireapparaître, ensemble, le temps qui passe auxdernières lueurs du jour, puis le soleil se couchantdans la salle du musée…

…Une rencontre touchante qui ne peut laisser indifférent…