Saint Sernin de Toulouse

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Saint Sernin de Toulouse La basilique Saint-Sernin se trouve à Toulouse à côté de la place du Capitole, au bout de la rue du Taur, où se trouve également à quelques pas de là le Musée Saint-Raymond. Saint- Sernin vient du diminutif de St. Saturnin qui fût le 1 er évêque de Toulouse, mort en martyr en 250. A l’époque où être catholique c’est être hors la loi, celui-ci refuse de rendre un culte aux dieux romains. Il aurait par la suite été jeté sur les marches du Capitole et trainé par un taureau tout au long de la rue du Taur. Laissé pour mort à l’endroit de l’actuelle église Notre Dame du Taur où l’on aurait enterré sa dépouille secrètement. C’est plus tard que l’évêque Exupère prit la décision de transférer les reliques de Saint-Sernin à l’emplacement de la basilique actuelle et à y construire un édifice, à la fin du IVème tout début Vème. Elle fut conservée jusqu’au XIème siècle et servit alors de moule au nu du déambulatoire roman. Aussi, la seconde moitié du XIème siècle voit l’essor de la pratique des pèlerinages, notamment celui de Saint-Jacques de Compostelle, Saint-Sernin se trouvant sur l’une des quatre routes principales menant à Compostelle, la via Tolosana, elle devient alors une étape majeur : « Il faut, dit Le Guide du Pèlerin de St. Jacques de Compostelle, allé vénérer le très saint corps du bienheureux Sernin, évêque et martyr, (…) il fut enseveli en un bel emplacement près de la ville de Toulouse ; une immense basilique fut construite là par les fidèles en son honneur ; la règle des chanoines de Saint-Augustin y est observée et beaucoup de grâces sont accordées par Dieu à ceux qui les demandent. » La basilique devint incapable d’accueillir la foule de fidèle qui la fréquentait c’est pourquoi des travaux d’agrandissement ont été entreprit vers 1070 sous la commande de Raymond Gilduin qui deviendra aujourd’hui un véritable jalon de l’architecture romane. Quel lien y a t-il entre les édifices de pèlerinage? Y a t-il un échange architecturale et artistique ? Quel est le degré d'importance de son décor ? Toutes ces interrogations feront l'objet de notre étude. Nous allons voir dans un premier temps les églises de pèlerinages

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exposé sur l'église saint sernin de Toulouse.

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Saint Sernin de Toulouse

La basilique Saint-Sernin se trouve à Toulouse à côté de la place du Capitole, au bout de la rue du Taur, où se trouve également à quelques pas de là le Musée Saint-Raymond. Saint-Sernin vient du diminutif de St. Saturnin qui fût le 1er évêque de Toulouse, mort en martyr en 250.A l’époque où être catholique c’est être hors la loi, celui-ci refuse de rendre un culte aux dieux romains. Il aurait par la suite été jeté sur les marches du Capitole et trainé par un taureau tout au long de la rue du Taur. Laissé pour mort à l’endroit de l’actuelle église Notre Dame du Taur où l’on aurait enterré sa dépouille secrètement.C’est plus tard que l’évêque Exupère prit la décision de transférer les reliques de Saint-Sernin à l’emplacement de la basilique actuelle et à y construire un édifice, à la fin du IVème tout début Vème. Elle fut conservée jusqu’au XIème siècle et servit alors de moule au nu du déambulatoire roman.Aussi, la seconde moitié du XIème siècle voit l’essor de la pratique des pèlerinages, notamment celui de Saint-Jacques de Compostelle, Saint-Sernin se trouvant sur l’une des quatre routes principales menant à Compostelle, la via Tolosana, elle devient alors une étape majeur :« Il faut, dit Le Guide du Pèlerin de St. Jacques de Compostelle, allé vénérer le très saint corps du bienheureux Sernin, évêque et martyr, (…) il fut enseveli en un bel emplacement près de la ville de Toulouse ; une immense basilique fut construite là par les fidèles en son honneur ; la règle des chanoines de Saint-Augustin y est observée et beaucoup de grâces sont accordées par Dieu à ceux qui les demandent. » La basilique devint incapable d’accueillir la foule de fidèle qui la fréquentait c’est pourquoi des travaux d’agrandissement ont été entreprit vers 1070 sous la commande de Raymond Gilduin qui deviendra aujourd’hui un véritable jalon de l’architecture romane.Quel lien y a t-il entre les édifices de pèlerinage? Y a t-il un échange architecturale et artistique ? Quel est le degré d'importance de son décor ? Toutes ces interrogations feront l'objet de notre étude. Nous allons voir dans un premier temps les églises de pèlerinages avec Saint-Sernin, le groupe Toulouse-Compostelle et les innovations techniques puis la richesse du décor avec les chapiteaux, les recherches de la composition et du traitement des personnages et enfin l’atelier Bernard Gilduin et les influences hellénisantes et ibériques.

I- Les églises de pèlerinage :

L’église Saint-Sernin de Toulouse se trouve être une des étapes majeures du pèlerinage de Saint-Jacques de Compostelle et se rattache ainsi au groupe constitué par ces grands édifices de culte. Elle se situe sur la Via Tolosana, citée par le Guide du Pèlerin.

A) La basilique de Saint-Sernin de Toulouse

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Cet édifice connut de nombreuses phases de construction, dans le but de remplir au mieux ses fonctions. Ce fut l’un des chantiers les plus monumentaux en Gaule chrétienne avant la construction de Cluny III. La campagne romane débuta vers 1070. Le chevet fit l’objet d’une dédicace par le pape Urbain II, lui-même, le 24 mai 1096. Les travaux furent ensuite précipités par le nouvel operarius, Raymond Gayrard, un chanoine, actif de 1100 à 1118. L’operarius est en quelques sortes l’administrateur de la fabrique, qui est chargée de tout ce qui concerne la construction et l’entretien des églises. Puis les travaux languirent jusqu’à l’époque gothique, l’édifice fut entièrement achevé au XIVe. Viollet-le-Duc fit enfin quelques restaurations au XIXème siècle : les décrochements des toits, exprimant à l’extérieur l’étagement des diverses parties de l’élévation intérieure lui sont dues. Mais la commission des Monuments historiques entreprit une dérestauration à la fin du XXème pour lui redonner au maximum son état initial. Sa longueur atteint hors œuvre 115m ; sa nef fait 32m50 de large ; et 21m10 de hauteur. En plan, elle dessine une croix latine et d’Est en Ouest, on trouve un vestibule cantonné de deux salles carrées, une nef à trois vaisseaux dotée de double collatéraux, un transept débordant où se prolongent les collatéraux et avec deux chapelles sur chaque bras. Il est surmonté d’une coupole sur sa croisée, et enfin un chevet à déambulatoire et à cinq chapelles rayonnantes, dont la chapelle d’axe se démarque par sa profondeur.De l’extérieur, la façade occidentale présente quatre niveaux d’élévation. Elle est rythmée de contrefort et d’arcatures, et au centre on trouve le Portail occidental. La nef, tout comme le reste de l’édifice, s’élève sur 3 niveaux. On peut voir aux deux premiers niveaux une alternance de contreforts et de baies. Le troisième niveau se caractérise par une série de petites baies permettant l’aération de la nef. Sur la façade septentrionale, une porte très simple a été aménagée à l’extrémité de la nef, tandis que sur la façade méridionale, on trouve au centre du collatéral extérieur la porte Miègeville, très richement décorée. L’articulation entre la nef et les bras du transept se fait par une tour circulaire qui s’élève sur deux niveaux. L’élévation du transept est similaire à celle de la nef, à l’exception du jeu de bichromie entre la pierre et la brique qui est nettement plus affirmée dans les parties orientales de l’édifice. Aux extrémités des bras, se trouve la Porte Royale au Nord et la Porte des Comtes au Sud. Sur la face orientale des bras on retrouve les chapelles, qui se distinguent par un décrochement semi-circulaire et une alternance de baies surmontées d’oculus. Au niveau de la coupole, on trouve une tour à 5 niveaux couronnée d’une flèche qui a subi de nombreuses campagnes de constructions, d’où la superposition des styles. Enfin le chevet reprend l’élévation du premier niveau du transept coté oriental. Il inclut des chapelles semi-circulaires et le deuxième niveau, plus petit, présente une alternance de baies et de contreforts. De l’intérieur, le vestibule est encadré de la sacristie et de la chapelle de semaine, qui servait de bases à deux tours. A l’origine, on avait prévu de prolonger les collatéraux de la nef dans cette partie de l’édifice afin d’avoir un déambulatoire continu, en témoigne les voûtes d’arêtes qui couvrent l’ensemble des collatéraux de l’église. La nef présente un haut vaisseau central divisé en onze travées, qui surmonte les trois niveaux. Il ouvre sur les collatéraux par de grandes arcades monumentales et des baies géminées pour les tribunes. Ensuite ce collatéral intérieur est surmonté d’une tribune, qui sert de déambulatoire. Il donne sur le collatéral extérieur par une série d’arcade, permettant de diffuser la lumière. Le collatéral extérieur est plus bas et permet d’éclairer la nef. Il est surmonté de combles qui soutiennent le collatéral et la tribune intérieurs. C’est un dispositif nouveau, sur lequel nous reviendrons. Le transept est à la fois très large et débordant, profond de cinq travées par

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bras. Ses chapelles sont voûtées en cul-de-four, tout comme dans le chevet. A la croisée du transept une coupole est signalée au sol par quatre grands arcs en plein cintre s’appuyant sur des piles octogonales. C’est une coupole sur trompes d’angles, sous laquelle courent huit branches d’ogives de profils carrés rayonnant autour d’une clef. Elles ont été modifiées au XIIIe siècle, lors de l’érection du clocher, et ont été renforcées. Dans le chevet, l’abside communique avec le déambulatoire par neuf grandes arcades très surhaussées. La travée de l’abside est surmontée d’une tribune qui passe aussi par les collatéraux du transept, restant ainsi dans la continuité. Des cryptes ont été aménagées : la crypte supérieure date de 1080, et la crypte inférieure de l’époque gothique, elle est d’ailleurs signalée par un baldaquin dont seul subsiste le soubassement. L’édifice est entièrement voûté : des voûtes d’arêtes pour tous les collatéraux et le déambulatoire, des voûtes en demi berceau pour les tribunes, et des voûtes en berceau plein cintre pour le reste de l’édifice, de plus chaque travée est délimitée par des arcs doubleaux. L’ensemble des retombées des voûtes sont reçues par des arcs de décharge et des piles composées.

B) Le groupe de Toulouse-Compostelle

Au-delà des recherches régionales, il existe différents types d’architectures prouvant combien la fonction, la mode et le goût pèsent dans la définition de modèles architecturaux. L’église romane est généralement apparentée avec l’un des types les plus importants, que l’on retrouve sur les routes de pèlerinage vers Compostelle, et dont les exemples les plus connus sont les églises de Sainte-Foy de Conques, Saint-Martin de Tours, Saint-Martial de Limoges, Saint-Sernin de Toulouse, et Saint-Jacques de Compostelle. Il s’agit d’édifices qui se développent à la fin du XIe et pendant les premières décennies du XIIe, notamment en Aquitaine et en vallée de la Loire. Mais la notion d’école des églises de pèlerinage ne peut être affirmée, bien que ces édifices constituent une famille monumentale qui se complètent et s’influencent. D’abord, elles répondent toutes aux mêmes fonctions : elles exaltent la présence de reliques vénérées, elles doivent offrir un lieu calme pour le bon déroulement des offices, et elles sont largement ouvertes aux foules des fidèles. Ainsi on élabore à l’époque romane un nouveau parti architectural : on s’inspira de la basilique à transept débordant, utilisée comme martyrium dès l’époque constantinienne, comme Saint-Pierre de Rome. L’idée de diviser les collatéraux en deux étages, c'est-à-dire de les réduire aux dimensions de simple bas-côtés, mais en les surmontant de spacieuses tribunes, remontait aussi aux basiliques du Bas-Empire. Par rapport aux solutions paléochrétiennes, la nouveauté du plan roman réside dans l’existence d’un déambulatoire, autour du chœur et de l’abside, à chapelles rayonnantes, et dans la présence d’autres chapelles dans les bras du transept. De plus, les églises considérées sont entièrement voûtées, grâce à une meilleure maîtrise du couvrement et des poussées, qui assure la stabilité de l’édifice. Il s’agit de porter à la hauteur maximale le berceau plein cintre du haut vaisseau de la nef, 22m à Conques ou encore 21m10 à Saint-Sernin, mais aussi à contrebuter solidement celle-ci par le véritable coffrage que constituent l’agencement des bas côtés.Elles s’ouvraient donc largement aux foules par de nombreux portails, puis canalisaient leur mouvement le long de cheminements latéraux jusqu’aux chapelles où reposaient les reliques et autres objets de dévotion. Les autels assuraient le service des nombreuses messes privées. Grâce au rejet vers la périphérie du mouvement et de l’agitation, les chanoines et

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les moines desservant ces grands monuments, se réservaient au centre des édifices un espace de calme et de recueillement pour le déroulement paisible de leur office. Enfin, on constate que la formule la plus achevée se développe presque au même moment à Toulouse et à Compostelle. Le chantier de ces deux édifices commence dans les années 1070, et connaît la même progression. Cette extrême parenté des chantiers se retrouve aussi dans le nombre d’ouvriers employés. Selon le Guide du Pèlerin, une cinquantaine de maçon, c’est-à-dire des hommes de métier, y œuvraient. Ils étaient ensuite servis par une main d’œuvres sans qualification, embauchée selon les besoins. Cette contemporanéité explique donc l’essor, à des endroits différents, d’un type de monument parfaitement adapté à ses besoins, mais qui ne correspond qu’à de très grands édifices.

C) Les innovations techniques :

Dans cette région du Sud Ouest, et dans l’ensemble de l’occident, la période romane est une phase d’expansion économique, grâce aux progrès techniques et aux nombreux échanges, que l’on retrouve aussi dans l’art et l’architecture.Dans la seconde moitié du XIème siècle, de nouvelles recherches architecturales se développent. Ainsi, le voûtement complet des églises se généralise, ce qui implique une meilleure maîtrise des problèmes d’équilibre grâce à de nouvelles solutions d’épaulement. La substitution des plafonds traditionnels pour la voûte est une innovation capitale, et une notion proprement romane. A Saint-Sernin la nef est épaulée par deux doubles collatéraux qui se succèdent en gradins et sont surmontés l’un et l’autre par une tribune. Celle du collatéral intérieur est très élevée et voûtée en demi-berceau à arcs doubleaux. Ces arcs sous-tendent entre chaque travée, d’épaisses arcades plein cintre qui retombent sur d’imposants supports rectangulaires. Elle s’ouvre sur la nef par des baies géminées encadrées d’arcs de décharge. Le collatéral extérieur est plus bas, il ne sert pas directement à contrebuter le collatéral intérieur, car il y aurait eu un risque de déversement des tribunes. Les tribunes des ces collatéraux sont en fait des couloirs très bas. Ce sont des combles qui ne permettent pas d’éclairer la nef, mais qui servent plutôt à l’aérer. Elles s’ouvrent sur les collatéraux intérieurs par de très petites baies, et sont voûtées en demi-berceau. Le haut vaisseau est donc équilibré par les collatéraux étagés, dont les voûtes opposent à ses poussées des butées continues. Ces collatéraux sont eux-mêmes soutenus par des contreforts qui renforcent l’ensemble de la nef. Partout on s’efforça de lier étroitement les arcs doubleaux et les piles, de telles sortes que ces piles apparaissent comme le prolongement des arcs. A l’extérieur, un contrefort est placé exactement dans l’axe de la pile et de l’arc : les poussées locales sont ainsi strictement équilibrées. Par contre, ce dispositif incite au renoncement de l’éclairage direct de la nef, ce sont alors les grandes arcades qui diffusent la lumière provenant des collatéraux. On constate aussi un nouveau traitement de l’espace interne, qui se caractérise par une dénivellation de l’édifice. Ainsi les parties tournantes de l’abside sont surélevées par rapport aux parties droites. On a aussi recours à des arcs plus ou moins surhaussés, ce qui permet de compenser les variations d’intervalles, entre les supports du chœur et de l’abside. Ils sont facteurs d’harmonie et établissent des correspondances entre les niveaux. La diffusion du moyen appareil, dont l’utilisation était limitée auparavant à certaines régions, apparaît comme l’un des phénomènes essentiels de cette période. Elle a même lieu dans les zones pauvres en carrière de pierres de taille, comme à Toulouse. Le premier niveau de l’ensemble de l’édifice se caractérise par une recherche plastique entre l’utilisation de la

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brique rouge et de la pierre de taille en calcaire blanc, mais elle sera vite abandonnée dès le deuxième niveau, ce qui est une conséquence des différentes étapes de la construction. L’utilisation de la pile à colonnes engagées semble s’être généralisée aussi, son rôle principal est la définition et l’articulation des volumes. Différents types de pile sont alors adoptés, témoignant d’une maîtrise plus ou moins grande. Dans cet édifice, ces piles sont par exemple composées d’un noyau carré qui est coordonné à la retombées des voûtes d’arêtes, ce noyau est flanqué de colonnes engagées qui reçoivent les retombées des arcs doubleaux.Enfin, au début du XIIème siècle, se développe de nouveaux types de voûte qui permettent des dimensions exceptionnelles. Par exemple, la coupole sur pendentifs qui se développe nettement dans le Sud Ouest de la France, permet de résoudre les problèmes de poussées latérales, en plus du voûtement complet de l’édifice. Il y a aussi une fascination nouvelle pour l’architecture antique qui se traduit par la reprise de motifs architecturaux comme les pilastres cannelés. A Saint-Sernin, le déambulatoire est éclairé entre les chapelles, par des baies en plein cintre surmontées d’oculus, ce qui témoigne d’un parti d’origine antique, qui fut aussi repris à Saint-Jacques de Compostelle.

II- La richesse du décorA) Les chapiteaux

1) Les chapiteaux extérieurs

La porte des Comtes se situe à l’extrémité du bras Sud du transept.Il s’agit du portail le plus ancien de l’édifice, il aurait été construit dans les alentours de 1082. Les influences sont puisées dans l’art romain avec une composition à deux ouvertures avec une composition à deux ouvertures géminées que l’on retrouvait également à l’époque romaine sur certaine porte de la ville.Les nouveautés que l’on peut trouver sont les voussures multiples ainsi que des ressauts correspondant à des ébrasements, ces ressauts sont ornés de colonnettes avec chapiteaux, tailloirs et bases.Les chapiteaux historiés apparaissent très tôt sur le chantier de St. Sernin, le programme iconographique de ces chapiteaux est aisément identifiable.La première série est située sur le portail de droite. Nous avons tout d’abord les trois chapiteaux situés à droite du portail qui illustre le thème évangélique Salut- Damnation.

- La parabole évangélique du riche et du pauvre Lazare (Luc, XVI, 19-31), cette iconographie est très représentée chez les sculpteurs romans du Sud-ouest de la France. Le riche mange servit par son serviteur tandis que Lazare à droite est appuyé sur un bâton tel un pèlerin avec à ses pieds des chiens qui lui lèche ses plaies.

- Le deuxième chapiteau met en scène des anges qui emmènent l’âme de Lazare en attrapant la mandorle qui l’entoure. Celui-ci-joint ses mains pour une prière, son âme est donc sauvé, il obtient le Salut.

- La troisième scène serait celle du châtiment du riche, en effet ce dernier est assis entre un dragon à deux corps et une tête. Nous remarquons que déjà son crâne est devenu la pâture de ses dents : c’est le supplice du riche en enfer qui n’a pas voulu partager son repas.

Passons à présent au portail gauche de la porte des Comtes, les chapiteaux vont dans la continuité des supplices affligés aux pécheurs très fortement dénoncé par les clercs au Moyen Age.

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- D’abord l’avare qui est condamné à porter éternellement à son cou sa lourde bourse entouré de deux démons ailés.

- Puis le châtiment de la luxurieuse qui est entourée de deux femmes vêtues. Elle se fait mordre chaque sein par un serpent : mise en garde contre les filles mères.

- Enfin, le luxurieux qui quant à lui est à la merci de deux diables qui lui labourent le sexe à l’aide de fourches.

Par ailleurs les deux chapiteaux flanqués sur le pilier central du portail, reprennent tout deux la même scène n’ayant aucuns rapport avec les châtiments évoqués auparavant. Il s’agit d’un homme assis dans l’angle du chapiteau avec les deux bras levés soutenus par deux hommes. L’interprétation de cette scène n’est pas complètement affirmée, selon les écrits il s’agirait de Moïse priant soutenu par Aaron et Hur, cela pourrait évoquer une image de sérénité en opposition à tous ces châtiments infernaux.

Passons à la porte Miègeville.Elle est située sur le collatéral extérieur Sud de la nef, présente elle aussi des chapiteaux historiés. On remarque l’évolution de la sculpture sur la porte Miègeville par rapport à la porte des Comtes, on peut dater cette dernière des environs de 1110-1115 : nous sommes en plein dans une élégance hellénisante.

- Un premier chapiteau représente un lion emprisonné dans des lianes, le lion est une des principales images du Christ.

- Les trois autres sont des chapiteaux historiés qui se divisent en quatre registres différents :- le Pécher originel : Adam et Eve chassés du jardin - l’Annonciation et la Visitation sculpté sur le même chapiteau : sculpté sur les quatre faces.- le Massacre des Innocents.

Lors de la troisième partie d’étude de ce chapitre nous verrons l’atelier qui a conçu ces trois derniers chapiteaux : l’atelier de Bernard Gilduin.Passons à présent aux chapiteaux intérieurs de l’édifice qui sont tout aussi important et remarquable pour certains que ceux de l’extérieur.

2) Les chapiteaux intérieurs

L’intérieur de St. Sernin est orné de 260 chapiteaux romans ! Nous allons bien entendu pas tous les étudier mais distinguer ceux qui se détachent et les grands thèmes utilisés pour ceux là mais aussi les différentes compositions. Leurs rôle varies en fonction de leur emplacement ; par exemple encadrement de fenêtre, baies géminées des tribunes, grandes arcades…Les écrits distinguent deux types de construction des décors architecturaux des chapiteaux :

- Au niveau du chevet : forme et motifs de décoration stables.- Au niveau de la nef : création plus évoluée et plus libres.

Nous trouvons différents types de décors des chapiteaux présents à l’intérieur de la basilique :

- Des décors animaliers- Décors floral, décors corinthiens : basé dans l’abside et le déambulatoire- Décors historiés : utilisation récurrente du thème du dragon et du monstre qui tend

vers la représentation de l’homme seul.

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Les décors des chapiteaux de St. Sernin ont une valeur topologique, les châtiments infernaux, la vie du Christ, les démons, conditionne le fidèle.

B) Les recherches de la composition et du traitement des personnages 1) Les tympans

Le tympan est l’espace compris au dessus du portail entre le linteau et les deux rampants d’un gable ou d’un fronton. C’est à cet endroit que la fervente spiritualité de l’époque romane s’exprime le mieux dans de grandes compositions sculptés.

- La porte Miègeville est la porte la plus importante de la basilique St. Sernin,L’ensemble réalisé représente une des grandes compositions iconographiques de l’art roman réalisé par l’atelier de Bernard Gilduin. La totalité du thème s’organise autour du tympan en marbre.On reconnait une Ascension, le Christ est debout, le corps de face, les bras étendus et la tête tournée vers la droite, voici une attitude qui a pour origine certains ivoires carolingiens. Sur l’un des bras de la croix on lit le mot REX : c’est sans doute une intention politique en rapport avec la réforme grégorienne et la querelle des Investitures qui eu également lieu à St. Sernin : ici est donc mi l’accent sur la royauté du Christ, il est la source de tout pouvoir sur Terre.Sur le nimbe apparaissent l’Alpha et l’Omega ce qui signifie que le Christ a été le premier et il sera le dernier bien après l’apocalypse : éternité du Christ, il reviendra a la fin des temps pour venir juger les vivants et les morts. Le sculpteur met l’accent sur la glorification du Christ grâce à l’inscription DEUS PATER sur le nimbe : le Christ est l’image de son père, volonté de réfuter des dissidences sur la nature divine du Seigneur.Des anges sont représentés symétriquement de part et d’autre du Christ (deux de chaque côté) acclamant le fils de Dieu alors que deux autres l’aide à s’élever ; il s’agit d’un détail très rare dans l’iconographie romane de l’Ascension, le sculpteur renoue ici avec une tradition paléochrétienne pour la représentation de cette scène (iconographie la plus ancienne car la plus récente représente le Christ en train de s’élever seul).Sur le linteau, les douze apôtres assistent à la scène les regards tous fixés vers le Christ, aux extrémités sont représentés deux personnages coiffés d’un bonnet pointu, l’un désigne un livre, l’autre un phylactère : ils attestent le caractère scripturaire de la scène, ce sont eux dans les Actes des Apôtres qui vêtues de blanc, incitèrent les apôtres à répandre la parole divine de l’Evangile au monde.Le linteau repose sur deux modillons représentant à gauche le roi David, ancêtre du Christ atteste la lignée royale du Sauveur et à droite deux femmes au visage bouffis chevauchants des lions, ce modillon fait partie des créations de St. Sernin, on la retrouve également à St. Jacques de Compostelle : origine de ce thème est surement dû à la sculpture romaine mais l’interprétation est purement romane et est en relation avec le Mal et le Péché, on montre l’aspect bestial de l’homme. Comme nous l’avons dit pour l’un des chapiteaux de la porte Miègeville, le lion est une des grandes figures du Christ mais aussi le symbole su Mal par excellence : souvent mi en rapport avec l’orgueil : personnage bouffi d’orgueil. Il est également le symbole du démon de l’hérésie. Si l’on tente une interprétation iconographique de cette scène : David à combattu et vaincu et vaincu le lion, et le Christ (le nouveau David) a lui aussi terrassé Satan, le lion maudit : l’Ascension est la conséquence de cette victoire.

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De chaque côté du tympan sont sculptés deux grandes figures d’apôtres dressés sur des animaux, à droite St. Pierre (inscription S(ANC) T(U) S PETRUS AP(OSTO) L(US)) et à gauche St. Jacques (nom inscrit sur le nimbe).La sureté de la composition et la vigueur des formes caractérisent ce tympan et l’ensemble qui l’entoure. Ce n’est pas seulement dû aux influences des œuvres antérieurs à St Sernin et à l’influence croissante des modelés antiques, on voit ici les conséquences des échanges étroits avec Compostelle, c’est aussi le lieu de l’expression de plusieurs mains appartenant à un seul atelier voila pourquoi certains éléments stylistique entrainent une unité d’ensemble.

2) Les peintures murales romanes

Nous avons vu que la basilique St. Sernin était remarquable au niveau du décor sculpté mais elle présente également une belle représentation de peinture romane.La plus importante peinture romane est située dans le collatéral occidentale du bras Nord du transept. Il s’agit d’un panneau mural retrouvé dans un état quasi intact de 3m30 sur 7m75. Ce sont des motifs superposés en cinq bandes horizontales. Nous allons étudier leur registre.Tout d’abord la mort de Jésus avec la représentation de deux soldats qui surveillent le tombeau dans lequel le corps du Christ à été placé.Puis vient la scène des trois femmes, en Occident c’est une règle constante de représenter les Saintes Femmes au nombre de trois. Il s’agit de Marie, Salomé et Marie-Madelaine, elles sont venues frotter d’huile le corps du Christ avec des aromates, le matin de Pâques, l’ange de la Résurrection leur montre alors le tombeau vide.L’annonce de la venue du Messie est matérialisée par la réalisation de Jérémie et Isaïe, ce sont des prophètes de l’Ancien Testament qui ont annoncé la venue d’un envoyé de Dieu qui sauverait Israël. Le troisième registre met en scène l’Ascension, le Christ est représenté en majesté comme dans le déambulatoire, entouré d’une mandorle en demi-cercle. Son caractère divin est rappelé par l’Alpha et l’Omega inscrit de part et d’autre du trône. Marie, mère de Jésus symbolise l’incarnation. Jean-Baptiste, cousin de Jésus, est un prophète qui a annoncé la venue du messie. Il a baptisé Jésus dans les eaux du Jourdain, il symbolise la Rédemption. Ce sont des personnages sacrés qui portent une auréole de lumière.Enfin sur le cinquième registre et le plus important : la Résurrection, deux anges agenouillés sont les témoins de la Résurrection du Christ. Ils entourent une image symbolique ressuscitée de Jésus qui s’est effacé. Ces peintures sont typiques de l’art roman dans son rôle didactique, toute la religion est expliquée dans la peinture, quand on enseigne on simplifie les choses afin qu’elles soient assimilées, c’est pourquoi les représentations figurées sont très simplifiées, les détails sont peu nombreux et les personnages sont représentés le plus souvent de face.

C) Influences et maîtres d’atelier

1) Bernard Gilduin Il est très difficile dans un édifice comme Saint Sernin de déterminer le nom des artisans ou des ateliers.

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Grace à une pièce d’exception qui porte une signature on a pu découvrir le nom d’un atelier : celui de Bernard Gilduin.En effet l’autel de Saint-Sernin porte la signature du sculpteur Bernard Gilduin, cette signature vient à la suite d’une longue inscription qui indique les conditions dans lesquelles l’autel à été érigé.« BERNARDUS GELDUINUS ME FECIT ».La table d’autel est en marbre blanc des Pyrénées, elle mesure 2,23m de longueur et 1,34m de largeur. On sait que la commande date de 1096mais l’originale a disparu depuis bien longtemps il s’agit d’une restitution qui date de 1953. Cet autel se rattache à un groupe d’autels préromans qui se produisait dans la métropole ecclésiastique de Narbonne depuis la fin IXème et jusqu’au XIème, ces pièces en marbre blanc proviennent de matériaux antique en remploi. On trouve ces tables christianisés à Narbonne dès la fin de l’époque carolingienne avec une modification dans la forme ; elle sont passés de semi circulaire à rectangulaire : l’autel de Toulouse sera l’un des derniers de cette série.La nouveauté se trouve au niveau du décor : c’est un décor historié.Sur la face antérieur, le Christ de la Parousie : les premiers écrits chrétiens, et notamment ceux de Saint-Paul, emploient ce mot pour désigner la première venue du Christ parmi les hommes, inaugurant les temps messianiques et l'avènement glorieux (2ème venue) du Christ sur terre à la fin des temps.Mais, dans le vocabulaire chrétien, la parousie désigne plus particulièrement la seconde venue, le retour glorieux de Jésus Christ à la fin des temps bibliques dans le but d'établir définitivement le Royaume de Dieu sur la terre. Christ est représenté jeune dans un médaillon perlé, avec des anges autour.Du côté Nord de la table d’autel il y a encore une représentation du Christ imberbe, entouré de la Vierge, saint Jean l’Evangéliste, saint Pierre, saint Paul (chauve) et deux autres apôtres.Face méridionale : Ascension d’Alexandre, personnage qui s’agrippe à un cordage, entrainé par un griffon : animal céleste.Face postérieur : oiseaux groupés deux par deux.L’atelier de Bernard Gilduin est aussi l’auteur de sept bas reliefs de marbre placés dans le déambulatoire de Saint-Sernin mais également quelques éléments sculptés de la porte Miègeville.

2) Les influences espagnoles et antiques

La décoration de la porte des Comtes provient du même atelier que celui qui a sculpté les chapiteaux historié du déambulatoire et du transept, on retrouve une manière bien précise de figurer les dragons par exemple avec leur queue épaisse et fourchus, la façon de traiter les personnages également : yeux allongés gravés, nez triangulaire, bouche mince, menton réduit et front bas. Un seul type de vêtement : la tunique avec une étoffe lourde et les plis traités de manière sculpturale.La façon dont a été traitée la porte des Comtes est très antiquisante, certains thèmes et styles sont emprunté au vocabulaire antique : par exemple les chapiteaux corinthiens présent dans la basilique.Présence également d’influences espagnoles, les sculpteurs connaissaient les chantiers espagnoles contemporains notamment celui de Saint-Jacques de Compostelle.

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Possibilité de sources ibériques pour certains éléments iconographique. Très caractéristique également de l’esprit ibérique, les visages lourds, peu expressifs, chevelure abondante…Cette familiarité avec l’esprit ibérique leur a permit d’effectuer dans les haut reliefs mais également dans le traitement des surfaces…

Ce grand édifice peut donc être considéré comme un des grands monuments de l’art roman, tant pour son architecture que pour son décor. Son importance tient aussi du fait qu’il appartient au type architectural de l’église de pèlerinage, qui connut un très fort regain d’intérêt au XIe siècle. Ceci explique que Saint-Sernin est un lieu privilégié pour la mise en œuvre d’innovations architecturales d’abord, avec un plan adapté à la pratique du pèlerinage et une maîtrise des voûtes et des poussées ; et décoratives ensuite, puisque les artistes développent ici de nouvelles compositions, et un modelé différents sur de nouveaux supports et aux travers de thèmes qui justifient la présence des fidèles dans l’édifice. On y voit aussi l’influence croissante de l’Espagne et de l’Antiquité. . Enfin, l’étude archéologique de l’édifice a pu nous permettre de révéler un véritable atelier, avec un maître à sa tête, ce qui est assez rare.