Saint Dominique, Fr Daniel Antonin Mortier OP

98
 Dominique Fondateur De t'orûre Des F r ères fi cbeu rs , p a r le R. P. D.-A. MORTIER, des Frères Prêcheurs. CUZZ3 SOCIÉTÉ  SAINT-AUGUSTIN.

description

Vida de Santo Domingo y la fundación de la Orden de Predicadores. Obra en francés del Padre Mortier. Breve reseña llena de piedad y amor al Patriarca de los Predicadores.

Transcript of Saint Dominique, Fr Daniel Antonin Mortier OP

  • s

    Dominique Fondateur

    De t'orre Des Frres fircbeurs,

    par le R. P. D.-A. MORTIER, des Frres Prcheurs.

    CUZZ3

    S O C I T S A I N T - A U G U S T I N . DESCLE, DE BROUWER ET O ,

    Imprimeurs des Facults catholiques de Lille. 1895. CDU

  • *afe *afe afe afe *afe

    1 Hatnt Dominique | 2 - Fondateur g ^ ne roture Des; Frres &. &

  • JSatnt Dominique te

    i. Jlejs prcmfer* pas*.

    ^ ' E S T un fils de grands seigneurs d'Espagne, Flix de Guzman

    * et Jeanne d'Aza, plus grands

    encore par leur insigne pit

    que par la noblesse de leur sang. Il naquit

    Calaruega, en Castille, dans le chteau de

    ses pres, Tan 1 1 7 0 . Ds avant sa naissance,

    DIEU, dont le cur a pour ses saints toutes

    les prvenances, fit comprendre Jeanne

    d'Aza la vocation extraordinaire de l'enfant

    qu elle portait. Il lui sembla voir en songe

    un chien s'chapper de son sein et courir,

    un flambeau dans la gueule, illuminer et

    embraser le monde. Au moment de son bap-

  • 3 SAINT DOMINIQUE.

    terne, alors que cet enfant reut le nom de

    Dominique, sa marraine vit une toile briller

    sur son front. Ses rayons y laissrent, toute

    sa vie, comme une splendeur surnaturelle.

    Prsages lumineux qui forment, autour du

    berceau de saint Dominique, les premires

    et douces clarts d une aurore dont le plein

    midi resplendira sur tout l'univers.

    Quand il eut sept ans, Jeanne d'Aza confia l'ducation de son fils un de ses

    frres, archiprtre de Gumiel d'Yzan. C'est

    l'ombre du sanctuaire, sous la direction

    prudente d'un prtre, que Dominique se

    forma la vertu. Ses premiers pas dans cette

    voie furent des pas de gant. D I E U prit pos-

    session de son cur, qui, sous un tel Matre,

    resta pur, simple, droit comme le cur d'un

    ange. E t cependant, comme les jeunes gens de son ge et de sa condition, il lui fallut

    quitter le toit paternel, ce foyer domestique

    o le regard d'une mre est une protection

  • SAINT DOMINIQUE. 9

    contre le mal, un secours contre l'adversit.

    A quinze ans, Dominique se rendit l'Uni-

    versit de Palencia, clbre alors dans toute

    TEspagne par la haute rputation des ma-

    tres qui y enseignaient les sciences divines

    et humaines. Ses tudes y furent brillantes.

    Dou d'une intelligence d'lite et sentant

    au fond de son cur l'appel au sacerdoce, il

    voulut orner son esprit de toutes les con-

    naissances capables d'clairer sa foi. Il accu-

    mule ainsi par la prire et l'tude les trsors

    de lumire et de vertu qu'il communiquera

    plus tard aux mes. L a prire sans l'tude

    est un difice sans fondement, comme l'tude

    sans la pit, pour un clerc, est un labeur

    infructueux. L'alliance des deux forme le

    vrai prtre. De cette priode universitaire

    une seule parole de Dominique est venue

    jusqu' nous, mais comme elle le rvle tout entier ! L 'Espagne tait dsole par

    unehorriblefamineja misre taiteffroyablc.

  • IO SAINT DOMINIQUE.

    L e saint jeune homme vend ses livres pour acheter du pain aux pauvres, et comme on

    s en tonne, il dit : Puis-je tudier sur des peaux mortes quand mes frres meurent de

    faim ?

    --Wr il. - Otita. j

    RDONN prtre vers 1195 , Dominique brisa les liens qui l'attachaient au

    monde en entrant dans le Chapitre rgulier

    que Dom Martin de Bazan, vque d'Osma,

    avait tabli dans sa cathdrale. Il y parut,

    dit Thierry d'Apoda, comme la lampe qui

    brille sur le chandelier, miroir de vie, mo-

    dle de saintet. Assidu l'oraison, d'une

    charit parfaite, plein de compassion pour

    tous, son cur et ses sens ne vivaient que

    pour D IEU. L e chanoine commence la vie

  • SAINT DOMINIQUE. I I

    de prire et de pnitence qu'il continuera

    jusqu'au dernier soupir. A premire vue, Dominique, devenu chanoine d'Osma,

  • 12 SAINT DOMINIQUE.

    semble s'loigner de la voie que D I E U lui

    rserve. Nullement, ce n est point un cart,

    mais bien plutt une providentielle prpa-

    ration. Le culte divin, dont les chanoines

    rguliers devaient, par tat, relever la splen-

    deur, sera, dans l'Ordre futur des Prcheurs,

    une des fonctions principales de ses mem-

    bres. A son insu, le grand Fondateur, que

    la main de D I E U dirige, que son Esprit

    couve, s'emplit de la grce qu'il devra

    rpandre un jour sur les siens. Pendant qu'il sanctifie son me et active

    en elle le feu de la charit dans le clotre

    d'Osma, autour de sa paisible retraite on

    entend les hurlements des loups qui se

    jettent sur le troupeau du CHRIST. Dans le midi de la France, une secte nouvelle a

    paru, rformatrice, dit-elle, de l 'Eglise

    romaine, dont elle condamne, au dehors, les

    abus, tout en pratiquant, dans l'ombre, les

    plus honteuses dbauches. On appelle ces

  • SAINT DOMINIQUE. 13

    hrtiques Albigeois, car la ville d'Albi

    surtout en est infeste. Ces bonshommes^,

    comme disaient les nafs du temps, s'en

    allaient pauvrement vtus, prchant la pni-

    tence, le dpouillement des biens de la terre,

    qu'ils accaparaient sous main leur profit,

    sduisant par des dehors d'austrit ceux

    que le luxe et la cupidit de certains prlats

    et clercs scandalisaient. Le mal tait si pro-

    fond et si dangereux que le Pape Inno-

    cent I I I , homme de gnie qui gouvernait

    l'glise, avait envoy lgats sur lgats pour lutter contre son envahissement. Les

    rumeurs en arrivent jusqu a Osma et le cur de Dominique se prend d'ardeur pour le

    combat. Sauver les mes, les ramener

    JSUS-CHRIST, il en palpite d'aise ! L e chien du Seigneur, ce chien symbolique entrevu

    par Jeanne d'Aza, s'agite derrire les

    murs qui l'emprisonnent ; les hurlements des

    loups excitent son ardeur ; il a hte de sortir,

  • 14 SAINT DOMINIQUE.

    de courir la chasse, d'aboyer aprs les

    ravisseurs. La porte du clotre d'Osma s est

    referme sur Dominique, qui la lui ouvrira ?

    L e successeur de Martin de Bazan, Dom

    Diego d'Azvdo, s tait pris d une grande

    affection pour le serviteur de DIEU. Ame

    ardente et dsireuse du bien, il avait, comme

    Dominique, la suprme ambition de se

    dvouer au salut de ses frres. C'est lui que

    DIEU a choisi pour le conduire o sa volont

    l'appelle.

    n i . jLz$ ibutg apo#= = = toliqttc0* =

    A cour de Castille est en moi. Al-

    phonse V I I I veut demander en ma-

    riage, pour son fils Ferdinand, g de 1 6

    ans, la fille du roi de Danemark. L e voyage

  • I N N O C E N T I I I .

    D'aprs une estampe de la Vie des Pontifes, grave par J.-I3. Cavallieri, x v n c sicle.

  • l6 SAINT DOMINIQUE.

    est long, l'ambassade dlicate, l'alliance

    ardemment dsire. On s'empresse pour

    donner l'ambassadeur un cortge digne

    de la puissance et de la richesse de l 'Espa-

    gne. Comme la Providence laisse les hom-

    mes se dmener dans leurs penses terres-

    tres et sait s'en servir pour le salut du

    monde ! Il s'agit bien, pour DIEU, du ma-

    riage d'un prince de Castille ! Si ce projet proccupe Alphonse V I I I , si les politiques

    en calculent les chances et en escomptent

    les suites, c'est pour ouvrir Dominique la

    porte des Pyrnes. L'ambassadeur choisi

    est Diego d'Azvdo ; il ne partira pas sans

    son fidle ami. Tous deux, escorts d'une

    suite nombreuse, passent les Pyrnes :

    Dominique se trouve sur le champ de ba-

    taille que D I E U lui a rserv. A peine arriv,

    il combat. A Toulouse mme, il s'aperoit

    que le matre de la maison o il reoit

    l'hospitalit est hrtique ; il entreprend de

  • SAINT DOMINIQUE. 17

    le convertir, il lui parle avec tant de dou-

    ceur et de clart que cet homme se jette ses pieds et abjure son erreur. Ce sont les prmices de son apostolat, le germe fcond

    de l'Ordre des Prcheurs.

    Les deux voyageurs, continuant leur

    route, remplirent avec succs leur mission

    prs la cour de Danemark. Au retour, aprs

    un rapide plerinage au tombeau des aptres

    Rome, ils s'arrtrent Montpellier.

    Douze abbs de l'Ordre de Cteaux et

    quelques prlats, dlgus par Innocent I I I ,

    y dlibraient sur les moyens prendre pour

    combattre l'hrsie albigeoise. Diego d'Az-

    vdo, rempli de l'esprit de DIEU, leur dit :

    Mes Seigneurs et mes Pres, si vous vou-

    lez ramener la vrit ces esprits gars,

    commencez par leur donner le bon exemple.

    Laissons le luxe de nos quipages, et,

    pied, pauvres comme notre Sauveur, pr-

    chons la vraie doctrine de l'vangile. Et, S. Dominique. 2

  • i8 SAINT DOMINIQUE.

    aussitt, le saint vque renvoie les gens

    de sa suite, les autres font de mme, et tous

    se mettent prcher. Dominique tait ravi,

    le vu de son cur se ralisait. Pendant

    deux ans il travailla, sous la direction de son

    vque, la conversion des Albigeois, et

    quand celui-ci, sentant ses forces dfaillir,

    regagna son glise d'Osma, il ne put aban-

    donner l'uvre commence- Les deux amis

  • SAINT DOMINIQUE. 19

    se dirent adieu sur cette terre de France,

    arrose de leurs sueurs et destine tre

    le berceau de l'Ordre des Prcheurs.

    HS^C iv. - Ita Eaubme. J^SA*

    E s t seul au milieu des Albigeois,

    Dominique continua hardiment ses

    prdications. Comme Diego d'Azevedo, la

    pauvret volontaire lui parut le moyen le

    plus puissant pour les convertir. Aux repro-

    ches trop justifis d'ambition et d'avarice que les hrtiques faisaient au clerg, il

    fallait opposer la pratique publique d'un

    dsintressement absolu. L'homme de D I E U

    n'hsita pas, et de voir ce fils de grands sei-

    gneurs vtu d'une robe blanche et d'un

    manteau noir en laine grossire, les pieds nus,

    parcourant les campagnes, vivant de peu,

  • 20 SAINT DOMINIQUE.

    couchant par terre, sans un toit pour s'abri-

    ter, refusant tout argent, n'ayant pour tout

    trsor que l 'vangile de saint Matthieu et les Eptres de saint Paul, c'tait chose si

    touchante que sa parole avait un merveil-

    leux succs. Quand, l'air recueilli et cepen-dant joyeux, doux et affable envers tous, il traversait les villages infests par l'hrsie,

    on croyait voir passer JSUS-CHRIST lui-mme, le bon Pasteur courant, plein de

    misricorde, la recherche de la brebis

    gare.

    L a pauvret lui mnagea quelques d-

    sagrments. Comme il tait simple au

    dehors, sans apparat, sans dfense, toujours patient, les hrtiques se moquaient de

    lui. Ils le tournaient en ridicule, l'injuriaient, lui lanaient des crachats et de la boue.

    Quelquefois, abusant de sa douceur, ils s'approchaient par derrire, et attachaient

    des brins de paille son manteau. L'homme

  • SAINT DOMINIQUE. 21

    de D I E U les laissait faire, pensant Celui

    qui, assis sur un ft de colonne dans le

    prtoire de Pilate,avait t soufflet, frapp,

    couvert de crachats pour sauver les mes,

    et heureux dans son cur de cooprer

    leur salut de la mme manire.

    Une discussion solennelle entre catho-

    liques et Albigeois devait avoir lieu. L ' -

    vque du diocse, venu pour y prendre

    part, s'apprtait s'y rendre en grande

    pompe : beaux quipages, riches vtements,

    suite nombreuse. Dominique tait navr :

    Seigneur mon Pre, lui dit-il humble-

    ment, ce n'est pas ainsi qu'il faut agir

    contre les enfants de l'orgueil. L'humilit,

    la patience, voil les armes pour confondre

    les adversaires de la vrit, non le faste,

    la grandeur et le dploiement de la gloire

    du sicle. Armons-nous de la prire, et,

    pieds nus, vraiment humbles de cur,

    allons au devant de Goliath. L evque

  • 22 SAINT DOMINIQUE.

    fut mu de ce langage apostolique, et tous,

    l'exemple de Dominique, se dchaus-

    srent. Or, comme ils ne connaissaient pas

    le chemin, ils prirent un habitant du lieu

    de les diriger. C'tait un hrtique, qui prit

    un malin plaisir les garer. Ils les con-

    duisit travers bois, par un sentier plein

    d'pines et de ronces, o leurs pieds nus

    furent vite ensanglants. D o m i n i q u e ,

    joyeux selon sa coutume, ne put retenir l'motion de son cur : Courage! dit-il

    ses compagnons, la victoire est nous,

    puisque nos pchs sont lavs dans le

    sang! Leur guide fut tellement touch

    de la patience et des discours de l'homme

    de DIEU, qu'il avoua sa perfidie et revint

    la vraie foi.

  • v. Hej granUei* lutter

    m O m i x i ^ u e n'tait pas seulement un

    saint prchant par l'exemple, il avait

    en outre la science thologique ncessaire

    sa vocation apostolique. Quand l'tudiant de Palcncia s'acharnait au travail, D I E U

    prparait en lui le Prcheur. Les hr-

    tiques, mme les plus instruits, ne l'ef-

    frayaient pas. Il disputait avec eux publi-

    quement, rfutant leurs sophismes, confon-

    dant leurs erreurs, les rduisant au silence

    par ses rponses victorieuses. Autour de

    lui couraient des crits, rdigs par les chefs

    des Albigeois, qui, plus perfides et plus

    insinuants que la parole, corrompaient les

    fidles et les poussaient la rvolte contre

    l 'Eglise romaine.

    Il crivit son tour, exposant, avec la

    clart et la prcision d une doctrine sure

    ^'elle-mme, les vrits de la fui. Ce livre

  • 24 SAINT DOMINIQUE.

    eut un tel succs, que les vques et les

    fidles l'adoptrent de prfrence tout

    autre comme manuel de polmique. D I E U

    lui-mme y mit sa signature par un miracle

    clatant. Un jour, aprs une orageuse dis-cussion termine sans succs avec les h-

    rtiques de Fangeaux, on dcida de s'en

    remettre l'preuve du feu. E n prsence

    de tous, amis et ennemis, le livre de Do-

    minique et celui d'un Albigeois sont jets dans un brasier. L e livre de l'Albigeois est

    rapidement consum et rduit en cendres,

    tandis que le livre du saint aptre est re-

    jet violemment loin du feu. Deux fois encore il est plong dans le brasier, deux

    fois, comme anim d'une vie surnaturelle,

    il s lance hors de la flamme, intact, la

    stupeur des assistants. C'tait la confirma-

    tion publique, officielle, de la prdication

    de saint Dominique, le sceau de D I E U sur

    son apostolat.

  • 26 SAINT DOMINIQUE.

    Partout o l'hrsie triomphait, Domi-

    nique accourait, prchant sans cesse, ins-

    truisant les ignorants, fortifiant les faibles,

    prt verser pour leur salut jusqu' la dernire goutte de son sang. Un Albigeois

    lui dit un jour : J e me convertirais bien la foi catholique, mais les bonshommes

    me donnent le ncessaire ; sans eux, j e ne puis vivre. >> L'homme de D I E U ne

    put contenir son motion, et, pour sauver

    cette me, il rsolut de se vendre comme

    esclave et de lui donner le prix de sa

    libert.

    Une autre fois, il avait chapp, son

    insu, un guet-tipens prpar par ses ad-

    versaires pour le faire prir. L'un d'eux lui

    dit : Qu auriez-vous fait si nous vous avions pris? Le saint rpondit : J e

    vous aurais pri de ne pas me tuer d'un

    seul coup, mais de me couper les membres

    un un et, aprs en avoir mis les morceaux

  • SAINT DOMINIQUE. 2J fl mut|ls devant moi, de finir par m'arracher les yeux en me laissant baign dans mon

    sang ! Tout le cur de Dominique est

    dans ce cri hroque qui rappelle l'ardeur

    du grand martyr Ignace, ses dsirs violents

    d'tre broy, dvor par les btes pour la

    gloire de JSUS-CHRIST. Ce que les impies, maintenus par la

    puissance divine, ne lui donnaient pas,

    l'homme de D I E U se l'imposait par des

    pnitences rigoureuses, convaincu que sa

    parole, aussi loquente et aussi savante

    ft-elle, n'aurait aucun succs, si elle n'tait

    fconde par le sang du sacrifice. Ce que

    le Matre divin n'avait pu faire sans souf-

    frir et mourir, le disciple ne pouvait pr-

    tendre l'accomplir. Dominique s'unit sa

    douloureuse Passion, crucifie sa chair et

    offre le sang qui coule sous les coups de sa

    discipline la Justice souveraine pour la

    conversion des pcheurs. A l'approche d'un

  • 28 SAINT DOMINIQUE.

    carme, il va demander l'hospitalit cer-

    taines dames de la noblesse sduites par

    les Albigeois. On le reoit, on lui prpare

    un lit : Non, dit-il, nous n'en n'avons

    pas besoin, mon compagnon et moi nous

    coucherons sur des planches. E t pendant

    tout le carme, il prend peine quelques

    heures de repos, prchant le jour, priant la nuit, vivant de pain et d'eau. L'exemple

    porta ses fruits, et ces dames, difies par

    la vertu du saint homme, renoncrent

    leurs erreurs.

    vi. Jlt Bra ire .

    ' E S T cette priode, pendant les

    grandes luttes avec les Albigeois,

    que Dominique reut du Ciel un puissant

    secours. Malgr les efforts tents par les

  • SAINT DOMINIQUE. 29

    lgats d'Innocent I I I , malgr les prdica-

    tions, les vertus et les miracles du grand

    aptre, l'hrsie, battue en brche, vaincue

    d'un ct, mais soutenue de l'autre par le

    comte de Toulouse, rparait ses ruines et

    restait une menace pour la chrtient.

    L'homme de D I E U s'en plaignit dans son

    cur Celle que tout chrtien salue du

    doux nom de Mre. Il avait pour la Sainte

    Vierge une tendresse filiale et lui confiait,

    comme un enfant, ses joies et ses tristesses. L a bonne Mre fut sensible la plainte

    de son serviteur. El le lui apparut et lui

    rvla un mode de prdication inconnu

    jusqu'alors, qu'elle lui affirma tre, pour l'avenir, l'arme la plus redoutable contre

    l'erreur et l'adversit. Arme trs humble,

    premire vue, qui fait sourire l'incrdule,

    car il ne comprend pas les mystres de

    D I E U . Cette arme est le Rosaire. L a Reine

    du Ciel daigna elle-mme apprendre Do-

  • 30 SAINT DOMINIQUE.

    minique dire le Rosaire. E t depuis l'hom-

    me de D I E U s'en allait par les villages hr-

    tiques, rassemblait les peuples, rcitait les

    dizaines 'Ave Maria, s'arrtait chacune

    d'elles pour expliquer un des mystres de la

    religion. Ce que sa parole ne parvenait pas

    faire admettre, la douce prire de Y Ave

    Maria l'insinuait au fond des curs. Ce

    genre de prdication eut un immense succs.

    Des lvres de Dominique, le Rosaire de

    Marie a pass sur les lvres de ses enfants.

    Ils l'ont port sur toutes les plages du

    monde, et dans l 'Eglise catholique, il n'est

    point une me vraiment chrtienne qui

    n'graine avec bonheur les Ave Maria de

    son chapelet

    L e Rosaire venait son heure. Autour de

    l'aptre pacifique, des bruits de guerre se

    font entendre. Sourds la voix d'Inno-

    cent I I I , rebelles tous les dvouements,

    les Albigeois sont mis au ban de la chr-

  • SAINT DOMINIQUE. 31

    tient, dclars ennemis publics. C'est

    qu'alors la loi vanglique, du consentement

    unanime des peuples, formant la base de la

    socit, tait con-

    sidre comme le

    droit internatio-

    nal. Quiconque se rvoltait contre la

    foi, devenait par

    l mme pertur-

    bateur de l'ordre

    public, rvolu -

    tionnaire dange-

    reux que l'Etat,

    comme l'Eglise,

    traitait en enne-

    mi. Innocent I I I ,

    d'accord avec les princes chrtiens, pr-

    cha la croisade contre les Albigeois et

    le comte de Toulouse leur protecteur.

    Les armes des combattants avaient besoin

  • 32 SAINT DOMINIQUE.

    de la bndiction de D I E U ; nul moyen

    plus que le Rosaire n'tait propre l'attirer.

    Aussi la victoire de Muret est consid-

    re juste titre comme le premier fruit du Rosaire. Pendant que Simon de Mont-

    fort, la tte des Croiss, livre bataille au

    comte de Toulouse et au roi d'Aragon, chefs

    des Albigeois, Dominique se retire dans

    une glise et implore le secours de la Sainte

    Vierge. Les hrtiques sont vaincus, le roi

    d'Araeon tu, le comte de Toulouse mis en

    fuite, puis dpossd de ses Etats ; c'est le

    triomphe complet de la foi sur l'erreur.

    v u . (3.leu ce et EumiUt.

    I l'uvre de saint Dominique au mi-

    lieu des Albigeois excite la haine des

    hrtiques, elle remplit d'admiration les d-

  • SAINT DOMINIQUE. 33

    fenseurs de la foi. S o n . loquence les

    ravit, sa vertu les difie, son affabilit les

    sduit.

    C'est que l'homme de D i e u possdait

    cette tendresse de cur qui attire les mes

    et fait germer autour de soi les plus tou-

    chantes amitis. Simon de Montfort se

    prend d'une profonde affection pour l'hum-

    ble prdicateur. Il veut qu'il baptise Tune

    de ses filles. A ct du guerrier, nous voyons

    Foulques, 1 evque de Toulouse, lui prodi-

    guer les tmoignages d'un gnreux dvoue-

    ment. On lui offre successivement trois

    vchs, Bziers, Conserans et Comminges.

    Dominique refuse. Ce ne sont point les

    honneurs et les dignits qu'il est venu cher-

    cher chez les Albigeois, mais les mpris et

    les humiliations. Si les grands le vnrent,

    si les peuples l'acclament, il s'enfuit dans les

    contres o les hrtiques l'insultent, comme

    Carcassonne, o il allait de prfrence, sr S Dominique. >

  • 34 SAINT DOMINIQUE.

    d y tre abreuv d outrages. D I E U lui-mme

    a beau l'exalter par de nombreux miracles,

    rvler le degr sublime de sa saintet, rien

    ne peut troubler son humilit. L'abb d'un

    monastre de Castres l'invite un jour dner. E n attendant l'heure du repas, le saint se

    retire l'glise et voici que, pendant sa

    prire, son corps, suivant le mouve-

    ment de son me vers D I E U se soulve

    de terre, dans la joie de l'extase. L e clerc qui le cherche partout, car l'heure du

    dner est passe, le trouve ainsi suspendu

    entre le ciel et la terre... Il lui dit : Sei-

    gneur, le dner est termin ; et l'homme

    de DIEU, revenant lui-mme, rougit, con-

    fus d'avoir t surpris dans sa prire, et le

    supplie de n'en rien dire.

  • S A I N T D O M I N I Q U E M D I T A N T ,

    prs une fresque de Fra Angelico, couvent de Saint-Marc

    Florence.

  • EPUIS dix ans, saint Dominique van-

    glisait le midi de la France, n par-

    gnant ni ses sueurs ni son sang pour

    ramener D I E U les mes gares. Au milieu

    de ses courses apostoliques, un projet s tait veill dans son esprit Regardant autour de

    lui, il voyait avec tristesse que la prdica-

    tion apostolique n'existait plus. Les vques,

    occups aux affaires de leurs diocses et de

    l'Etat, n'avaient pas le temps de prcher ;

    les moines, bndictins et autres, avaient

    pour mission d'difier les peuples par leurs

    vertus, de chanter les louanges de DIEU, de

    prendre soin des pauvres, non de prcher ;

    et le saint homme estimait, bon droit, que

    si les hrsies se multipliaient au point de

    devenir un danger pour la chrtient, la

    cause de ce facile dveloppement tait

  • SAT NT DOMINIQUE. 37

    1 ignorance des foules. Pendant les longues

    annes de son apostolat, Dominique mrit

    lentement, silencieusement le dessein de

    fonder un Ordre religieux qui, comme lui,

    irait par le monde prcher les vrits de la

    foi. Longtemps il hsita, longtemps il pria,

    demandant D I E U de bnir celte pense,

    car D I E U seul pouvait la raliser. L'heure

    est venue. Dominique a quarante-cinq ans,

    ( 1215) il est dans la pleine maturit de ses forces, il a tout expriment. L a

    science, il la possde en matre ; le culte

    divin, il en connat les splendeurs ; la pau-

    vret, il en a fait son amie ; la pnitence, il

    la pratique en hros ; la prdication est sa

    vie de tous les jours. Son ide est large et gnreuse. Ce qu'il veut, c'est former des

    aptres, non des parleurs, et il rve un

    Ordre o la vie monastique et la vie apos-

    tolique , troitement unies, coopreront 1

    toutes deux, l'une par la prire et la pni-

  • 38 SAINT DOMINIQUE.

    tence, l'autre par la parole, au salut des mes.

    C'tait, vrai dire, une pense hardie, digne

    de l'intelligence et du cur du grand aptre.

    Il s'en ouvrit quelques hommes de pit

    qui s'taient joints lui pour vangliser les Albigeois, et Foulques, Tvque de Tou-

    louse, son meilleur ami. D'un commun ac-

    cord il fut rsolu que l'homme de D I E U se

    rendrait Rome pour demander l'approba-

    tion du Souverain Pontife.

    L e moment n'tait pas favorable. L e der-

    nier concile de Latran avait dfendu de

    fonder de nouveaux Ordres religieux ; aussi

    la rponse d'Innocent I I I fut un refus. L a

    nuit suivante le Pontife vit en songe la basi-

    lique de Saint-Jean de Latran , mre et

    matresse de toutes les glises, pencher

    comme un btiment ruin ; et pendant qu'il

    la regardait, avec effroi, s'crouler, il vit

    saint Dominique la soutenir sur ses paules.

    Innocent I I I comprit, fit appeler l'homme

  • 40 SAINT DOMINIQUE.

    de DIEU, approuva son projet, et lui enjoi-gnit de retourner Toulouse pour choisir

    avec ses compagnons une des rgles dj approuves par l 'Eglise. Joyeux dans son

    cur, Dominique se hte vers les siens. L a

    rgle de saint Augustin fut juge la plus apte contenir dans son cadre les constitu-

    tions de l'Ordre naissant. On se mit l'u-

    vre et, grce l'amiti de Foulques, on btit,

    prs l'glise de Saint-Romain de Toulouse,

    un clotre pour recevoir les Frres. Ils

    taient seize. Leur premier soin, l'exemple

    et la prire de leur Pre, fut d'inaugurer

    leur vie religieuse en renonant toute

    possession temporelle, rsolus qu'ils taient

    tous pratiquer la plus stricte pauvret en

    vivant d'aumnes.

  • i x . Confirmation De rOrdre. .

    I l JAN 1 2 1 6 , Dominique, laissant ses fils

    ! la garde de DIEU, reprend le che-

    min de Rome, pour soumettre I nno-

    cent I I I les constitutions de son Ordre. A

    son arrive, le Pontife venait de mourir.

    C'tait un contre-temps fcheux, mais les

    saints, ne travaillant pas pour eux-mmes,

    voient partout et suivent en tout la volont

    de DIEU. DIEU, du reste, rassura immdia-

    tement son serviteur. Avant de se prsenter

    Honorius 1 1 1 , successeur d'Innocent,

    Dominique eut une vision. Le Fils de D IEU

    lui apparut avec un visage irrit, prt

    frapper le monde S a sainte Mre se jette ses pieds, les embrasse et le supplie d'par-

    gner les mes pour lesquelles il a tant souf-

    fert : J 'ai, lui dit-elle, deux serviteurs

    fidles que vous enverrez annoncer Votre

  • 42 SATNT DOMINIQUE.

    Parole, et elle prsenta son divin Fils

    deux hommes dont l'un tait Dominique lui-

    mme, mais l'autre lui tait inconnu. L e

    lendemain, comme l'homme de D I E U priait

    dans la basilique de Saint-Pierre, il vit un

    pauvre, vtu d'une tunique grossire, ceint

    d'une corde, pieds nus ; c'tait l'inconnu de

    la vision : il courut lui, le serra dans ses

    bras et lui dit : Vous tes mon compagnon,

    vous courrez mes cts, tenons-nous en-

    semble et nul ne pourra prvaloir contre

    nous. Ce pauvre tait Franois d'Assise,

    le sraphique amoureux de la Croix de

    JSUS-CHRIST.

    Consol et rassur par cette vision, Do-

    minique se prsenta devant Honorius I I I ,

    exposa sa requte et obtint la confirmation

    de son Ordre. L e Pontife fut sduit, comme

    tous ceux que Dominique approchait, par

    la vertu qui rayonnait de tout son tre et

    l'affabilit de sa conversation. Il sera pour

  • SAINT DOMINIQUE. 43

    lui le protecteur le plus dvou, lami le plus

    gnreux. L e premier, il donne l'Ordre

    nouveau son nom officiel de Prcheurs.

    R e n c o n t r e d e S . D o m i n i q u e e t d e S . F r a n o i s .

    D ' a p r s u n e f resque d e F r a A n g e l i c o , c o u v e n t de S a i n t - M a r c

    F l o r e n c e .

    D i e u voulut confirmer d'une manire directe

    la fondation de cet Ordre apostolique. Un

    jour que le saint Patriarche priait dans la basilique de Saint-Pierre, il fut ravi en

  • 44 SAINT DOMINIQUE.

    extase : Pierre et Paul, les chefs de l'apos-

    tolat, lui apparurent ; Pierre lui remit un

    bton, Paul, un livre, et tous deux lui

    dirent : Va et prche ! tu es choisi de

    D i e u pour ce ministre. E t devant les

    yeux de Dominique, le monde entier passa,

    et il vit ses enfants disperss travers les

    nations, s'avanant deux deux et prchant

    la parole de D i e u . Son uvre tait fonde.

    X - O/jjpcr0ion neoFrcreg. O o >

    ORT de la bndiction du Vicaire de

    J i s u s - C i r R i S T , Dominique repassa les

    Alpes. A peine arriv chez les siens Tou-

    louse, il leur dclara que l'heure tait venue

    de se sparer et de se rpandre dans le

    monde. Ils n'taient qu'une poigne, seize !

    et le semeur n'hsitait pas jeter cette poi-

  • 46 SAINT DOMINIQUE.

    gne aux quatre vents du ciel. Il fallait

    toute l'audace de la saintet ! Qu'allaient devenir, loin de leur Pre et de leurs amis,

    ces hommes inconnus de tous, vtus d'un

    habit religieux celui des Chanoines

    d'Osma que Dominique avait gard, robe

    blanche et manteau noir auquel les yeux

    n'taient pas habitus, pauvres, sans dfense,

    la merci de la charit publique ? Les amis

    du saint Fondateur taient effrays et

    taxaient d'imprudence cette dispersion pr-

    mature. Ils jugeaient en hommes, Domi-nique en saint. Rien ne l'arrta : Mes

    Seigneurs et mes Pres, rpondit-il Simon

    de Montfort et Foulques, ne vous mettez

    pas en opposition avec moi. J e sais ce que

    je fais. Quand le grain reste en tas, il se pourrit; si on le sme, il produit la moisson.

    E t jetant sur le monde un regard de matre, ce grand homme le partage entre ses fils,

    comme une conqute. Il leur donne pour

  • S i m o n d e M o n t f o r t .

    D'aprs l'ouvrage Les Hommes illustres et grands Capitaines qui sont feints dans la galerie dti Palais-Royal,

  • 43

    toute richesse sa bndiction : Allez, leur

    dit-il, pied, sans argent, sans souci du len-

    demain ; mendiez votre nourriture ; j e vous oromets que, malgr les angoisses de l'indi-

    gence, le ncessaire ne vous manquera

    jamais. E t confiants dans la parole de leur Pre, ils partent, ces vaillants, comme les

    premiers Aptres, le cur joyeux. Leurs succs furent prodigieux. E n quelques

    annes, cette poigne de grains produisit

    une moisson surabondante. Les Prcheurs

    se multiplirent comme par miracle, ton-

    nant et difiant l 'Eglise par leur loquence,

    leur enseignement et leurs vertus. A peine

    la source des Prcheurs, longtemps conte-

    nue, a-t-elle jailli du cur de Dominique qu'elle devint un fleuve.

  • x i . - I ' O c D c e De* firt j M *

    'ORDRE des Prcheurs est constitu.

    r f f i i i Dominique est sa tte comme

    Matre-Gnral. Au-dessous de lui, chaque

    couvent a son Prieur ; mais bientt leur

    grand nombre exigea la formation des Pro-

    vinces. Les couvents situs dans les limites

    de tel territoire furent soumis la direction

    d un Prieur Provincial. Les attributions de

    ces diverses autorits furent rgles par

    des Constitutions successives, qui main-

    tinrent l'unit parfaite du gouvernement,

    tout en laissant chacune la libert nces-

    saire son administration. Chaque maison

    se compose d'un clotre, cette cour

    entoure d'un portique, sur lequel ont

    accs les lieux rguliers, comme le rfec-

    toire, le chapitre, les salles de runion et

    1 glise. A l'tage suprieur sont les cellules : 4

  • SAINT DOMINIQUE.

    quatre murs blanchis la chaux, orns de

    pieuses images, un lit plus que modeste,

    souvent une planche, une table de travail,

    c'est le lieu sacr : le religieux s'y sanctifie

    par l'tude, la prire et la pnitence. L e

    silence est continuel, sauf quelques instants

    de rcration pour dlasser l'esprit, car le

    Prcheur doit tudier. S'il veut enseigner

    aux autres les vrits de la foi, tre le doc-

    teur des ignorants, il faut qu'il en connaisse

    tous les secrets, qu'il soit prt rendre

    raison de sa foi tout venant, combattre

    toutes les erreurs : l'Ecriture sainte, la phi-

    losophie, la thologie, toutes les sciences

    sont de son domaine, car toutes sont appe-

    les glorifier D IEU et clairer les esprits.

    L a devise de l'Ordre est Veritas! L a vrit,

    tout Prcheur doit la connatre, l'aimer et la

    rpandre autour de lui ; c'est son but unique,

    sa raison d'tre, l'ide essentielle de son

    fondateur.

  • SAINT DOMINIQUE. 51

    L e Prcheur fait pnitence ; c'est une

    consquence ncessaire de sa vocation apos-

    tolique. S a prdication, comme celle de son

    Pre, trouve sa fcondit dans la souffrance.

    S'il jene souvent, s'il fait maigre toute l'anne, s'il couche sur la dure, s'il se lve

    la nuit, s'il accepte les inconvnients de la

    pauvret, les humiliations morales, les

    contradictions, les preuves, les entraves

    de l'obissance, c'est pour sanctifier sa

    parole, l'imbiber, pour ainsi dire, du sang

    de JSUS-CHRIST, et, par la vertu de ce sang, en faire une parole vraiment apos-

    tolique. L e Prcheur prie. Malgr ses tudes,

    ses prdications incessantes, il doit trouver

    le temps, le jour et la nuit, de rciter ou de chanter l'Office divin. C'est une de ses

    fonctions principales. L e travail de l'tude

    sans la prire de la charit serait peu effi-

    cace. Matre Dominique, disait un clerc,

    ravi de sa science, dans quels livres avez-

  • 52 SAINT DOMINIQUE.

    vous tudi ? Mon fils, rpondit

    l'aptre, j 'a i tudi surtout dans le livre de la charit, car c'est lui qui apprend tout.

    Tel est, dans ses grandes lignes, l'Ordre

    de Saint-Dominique, merveilleuse alliance

    de la vie monastique et de la vie aposto-

    lique. L e saint fondateur en offre dans sa

    personne l'idal le plus parfait. Doux et

    indulgent pour les autres, il gardait pour

    lui la plus rigoureuse austrit dans le jene et l'abstinence. S a pauvret tait extrme. Il

    allait par les rues avec des vtements gros-

    siers, se contentant d'une seule tunique,

    l'hiver comme l't. Jamais, ni au couvent,

    ni au dehors, il n'usait d'un lit : la terre nue,

    un banc, une claie, une botte de paille lui

    suffisait. Il dormait peu, rarement avant

    l'heure des Matines, et ne se recouchait

    pas aprs. Il allait, dans l'glise, d'un autel

    l'autre, priant, tantt genoux, les bras en

    croix ou levs en flche au-dessus de sa tte,

  • SAINT DOMINIQUE. 53

    tantt inclin ou tendu par terre. Trois fois

    la nuit il se frappait jusqu'au sang avec une discipline ou une chane de fer. Quand le

  • 54 SAINT DOMINIQUE.

    sommeil appesantissait ses paupires, il

    s tendait sur une dalle ou s'appuyait la tte

    contre un autel. S a mditation tait si pro-

    fonde que rien ne pouvait la troubler. Une

    nuit qu'il tait prostern devant un autel,

    le diable lui lana une pierre norme qui

    passa si prs de sa tte qu'elle toucha son

    capuce ; le saint resta immobile, continuant

    sa prire. Une autre fois, le diable, sous

    la forme d'un singe, voulut l'empcher,

    par ses grimaces, de faire sa lecture ; c'tait

    la nuit, Dominique s'clairait d'une lu-

    mire. Il regarde le diable avec mpris et le

    force tenir la chandelle pendant sa prire.

    Malgr la rigueur de sa pnitence et son

    recueillement habituel, l'homme de D I E U

    se montrait toujours joyeux et affable. S i les Frres manquaient de pain ou se trou-

    vaient dans quelque ncessit, il les excitait

    la joie ; au chur, pendant l'office, il allait de stalle en stalle, l'air radieux, les exhor-

  • SAINT DOMINIQUE. 55

    tant de la voix et du geste chanter avec

    allgresse. L e Prcheur a gard ce cachet

    de joie filiale dans ses rapports avec D IEU et les mes, et Dominique l'a profondment

    imprim sur son Ordre. Son me n'est point

    oppresse, ses facults comprimes : tout

    ce qu'il a de bon dans son esprit et dans

    son cur, il le donne DIEU, ne croyant

    jamais lavoir assez dvelopp pour sa gloire. Sa rgle n'est point une prison qui

    l'touff, mais le foyer domestique, le home

    divin o il trouve une famille pour l'aimer,

    des matres pour le diriger, non l'amoindrir.

    xi i . Gii bopage.

    ENDANT que ses enfants se dispersent

    travers le monde, Dominique se

    rend Rome une troisime fois pour tablir

  • SAINT DOMINIQUE.

    son Ordre prs la chaire de saint Pierre.

    Cette place lui appartenait. Contemplons

    un instant le saint voyageur. Nous sommes

    en 1 2 1 6 ; Dominique a quarante-six ans.

    Sa taille est moyenne, son corps svelte et

    agile, son visage beau et color. Sa barbe

    et ses cheveux tirent un peu sur le roux.

    De son front, entre les sourcils, jaillit comme un rayonnement lumineux. Ses mains sont

    longues et fines, sa voix forte et vibrante.

    Il a gard tous ses cheveux, et sa couronne

    monastique, parseme de quelques fils

    blancs, forme autour de sa tte comme un

    nimbe d'or. Ainsi l'a vu et dpeint Sur

    Ccile, une de ses premire filles. L e carac-

    tre de sa physionomie est la joie, cette paisible, douce et souriante srnit d'une

    me pure. Toujours gal d'humeur, il sup-porte patiemment les injures des hommes, les intempries des saisons, les incommo-

    dits de l'indigence, les fatigues des voyages.

  • SAINT DOMINIQUE. 57

    Son cur ne se trouble que sur les misres

    humaines ; la souffrance, le pch lui arra-

    chent des larmes. Il ne voyage pas seul,

    des Frres raccompagnent. Sur le chemin,

    comme au couvent, il observe la rgle,

    garde le silence aux heures convenues,

    rcite l'Office divin, fait sa lecture de pit.

    Son bagage est lger : l'Evangile de saint

    Matthieu, les Eptres de saint Paul, quelques

    hardes, c'est tout ; il le porte sur ses paules.

    De temps autre il parle ses compagnons,

    mais toujours de DIEU. S'il s'arrte dans une maison, sa conversation est difiante ;

    il ne peut s'approcher des mes sans leur

    faire du bien. Souvent, en voyant de loin un

    village, il fondait en larmes, en songeant

    aux faiblesses de l'humanit : Seigneur,

    s'criait-il, dans votre bont, ne regardez

    pas mes pchs et ne rpandez pas votre

    colre sur ce peuple mon arrive. Ne le

    punissez pas et ne le dtruisez pas cause

  • 58 SAINT DOMINIQUE.

    de mes iniquits... Pieds nus par les che-

    mins, il se chaussait avant d entrer dans les

    villes ou villages, et tanchait sa soif, s'il

    le pouvait, une fontaine, afin que le besoin

    ne le ft pas boire outre mesure. Jamais il

    n'a d'argent, et s'il ne reoit pas l'hospita-

    lit, il mendie son pain de porte en porte.

    Un jour, un paysan lui donne un pain tout entier. Dominique se jette ses genoux pour le remercier. Dur lui-mme, il sup-

    porte les privations avec patience, mais si

    les siens souffrent, il multiplie par miracle

    le pain et le vin pour les restaurer; il carte

    la pluie ou passe sous ses ondes sans tre

    mouill. S a premire visite, dans tous les

    pays qu'il traversait, tait pour l'glise, car

    il avait le plus grand amour de la Sainte

    Eucharistie.

    Ainsi va l'homme de DIEU. Une troi-

    sime fois il franchit les Alpes, et qui-

    conque l'et rencontr dans l'humble atti-

  • 6o SAINT DOMINIQUE.

    rail de sa pauvret, un bton l main et

    la besace sur l'paule, n et pas pens qu'il

    passait ct du Patriarche des Prcheurs,

    o X I I I . SafntsSfjcte. jf i&>

    E pape Honorius I I I lui fit Rome

    I l'accueil le plus favorable. Il lui

    donna comme rsidence provisoire le cou-

    vent de Saint-Sixte la voie Appienne,

    o Dominique en trois ou quatre mois

    runit plus de cent religieux, tant sa parole

    tait fconde ! Par ordre du Pape, qui cra

    pour lui la charge de Matre du Sacr-

    Palais, il commena son ministre apos-

    tolique dans la Ville ternelle. D i e u le

    marqua immdiatement d'un signe cla-

    tant. Un jour qu'il prchait Saint-Marc, pendant le carme, une pauvre femme vint

  • I I 0 N 0 R I U 5 I I I .

    D'aprs une gravure de la Vie des Pontifes, grave par J . - B . Cavallieri, X V I I e sicle.

  • 62 SAINT DOMINIQUE.

    assister ses prdications. Elle avait laiss

    dans sa maison son enfant malade. A u

    retour il tait mort. Dsole, elle prend

    dans ses bras le corps inanim et le porte

    au couvent de Saint- Sixte. Dominique se

    trouvait la porte du chapitre avec quel-

    ques Frres. Elle se jette ses genoux. Homme de DIEU, rendez-moi mon fils!

    crie la malheureuse. mu de compassion, le saint lve les yeux au Ciel, priant D I E U

    dans son cur, fait sur l'enfant le signe

    de la croix, le prend par la main, et l'enfant

    s'agite vivant dans les bras de sa mre.

    Honorius, averti d'un tel prodige, voulait

    le faire publier dans toutes les glises, mais

    l'homme de D I E U menaa de passer les

    mers si pareille publication avait lieu. Il

    ne put contenir l'enthousiasme populaire,

    et quand il paraissait dans les rues, on se

    prcipitait ses pieds et on lui coupait ses

    vtements pour en faire des reliques. Dans

  • SAINT DOMINIQUE. 63

    ce mme couvent, pendant qu'on travaillait

    sa restauration, un ouvrier fut cras

    dans une crypte par l'croulement de la

    vote. Les Frres accourent, dgagent le

    corps : ce n'tait plus qu'un cadavre. Leur

    dsolation tait extrme. Dominique s'ap-

    proche et commande au mort de revenir

    la vie. L'ouvrier se lve sans trace de

    blessures.

    Les Frres vivaient Saint-Sixte dans

    une grande pauvret. Un jour, la qute ayant t infructueuse, il n'y avait rien

    pour le dner, pas mme de pain. L e bien-

    heureux Pre fait donner le signal pour se

    rendre au rfectoire. A quoi bon, disaient

    les Frres, puisque nous n'avons rien

    manger. Mais lui rpondit : L e Sei-

    gneur nourrira ses serviteurs. On met la

    nappe, les coupes, le saint bnit la table et

    chacun prend place. L e Frre Henri de

    Rome commence la lecture. Dominique

  • SAINT DOMINIQUE.

    joignant les mains se met prier, et au mme instant, deux jeunes hommes appa-raissent au milieu du rfectoire, portant

    dans des nappes des pains trs blancs. Ils

    s'approchent de la table et, commenant

    chaque bout par les derniers Frres, ils

    offrent chacun un pain entier. Arrivs

    devant saint Dominique, ils lui donnent un

    pain, saluent et disparaissent. Alors , le

    bienheureux Pre dit aux Frres : Man-

    gez, mes fils, le pain que le Seigneur nous

    a envoy. Puis il ordonne d'aller chercher

    du vin. Pre saint, rpondent les servants,

    il n'y en a plus. Allez au baril, re-

    prend Dominique, et apportez le vin que

    le Seigneur y a mis. Ils y allrent, trou-

    vrent le baril plein jusqu'en haut, et les Frres burent leur aise.

  • S. Djaiiaique. 5

  • x i v . XTe
  • 68 SAINT DOMINIQUE.

    Frres et Surs, anims du mme esprit,

    cooprent au mme but : le salut des mes.

    Dominique aimait tendrement ses filles.

    Que de fois il fit le chemin de Sainte-Sabine Saint-Sixte pour les instruire de

    leurs devoirs, les consoler dans leurs peines,

    les fortifier dans leurs tribulations! Un jour, aprs avoir fait la grille une longue conf-

    rence, il leur dit : Ce sera une bonne

    chose, mes filles, que nous buvions un peu.

    Frre Roger, le cellrier, apporte une coupe

    pleine de vin ; l'homme de D IEU la bnit et

    les Frres d'abord, au nombre de trente, en

    boivent tant qu'ils veulent sans que le vin

    diminue. Puis Dominique appelle la Sur

    Nubia et lui dit : Allez au tour, prenez la

    coupe et donnez boire toutes les Surs.

    Elle prit la coupe, pleine jusqu'au bord. L a Prieure but la premire, puis toutes les

    Surs, elles taient cent quatre, et le

    bienheureux Pre disait : Buvez, mes

  • SAINT DOMINIQUE. 69

    filles, buvez votre aise. E t quand elles eurent bu, la coupe tait encore pleine.

    Ce mme soir, le bienheureux Pre dit

    tout coup : Mes filles, le Seigneur veut

    que j'aille Sainte-Sabine consoler mes fils. L a Prieure des Surs et les Frres

    voulaient le retenir :

  • SAINT DOMINIQUE.

    prise de les voir entrer, les portes tant

    fermes. Or, il y avait un novice qui avait

    rsolu de quitter l'Ordre ds le matin. L e

    bienheureux Pre, qui le savait par rvla-

    tion, l'avertit doucement, mais le jeune homme, insensible sa prire, dpose son

    habit :- Mon fils, lui dit Dominique, atten-

    dez un peu ! E t se prosternant, il priait

    avec, ferveur. L e jeune homme, touch de la grce, se jette ses pieds, le conjure de lui rendre l'habit de l'Ordre et lui promet

    d'tre fidle. L e lendemain, le bienheureux

    Pre dit ses filles : $ L'ennemi de D I E U voulait ravir une des brebis du Seigneur,

    mais le Seigneur l a dlivre de ses mains.

    Un jour qu'il faisait une confrence aux Surs ayant autour de lui plusieurs cardi-

    naux, dont le cardinal Etienne Orsini, des

    Frres et des nobles romains, voil qu'un

    homme se prcipite dans la salle du Chapi-

    tre en s'criant : L e neveu de Monseigneur

  • SAINT DOMINIQUE. 71

    Etienne vient de se tuer en tombant de

    cheval. L e cardinal Orsini, entendant nom-

    mer son neveu, se penche dfaillant sur le

    bienheureux Pre. Celui-ci l'asperge deau

    bnite, se rend prs du cadavre qui gisait

    par terre, horriblement mutil, et le fait

    transporter dans une chambre spare. Puis

    il monte l'autel pour offrir le Saint Sacri-

    fice. Ses larmes coulaient abondamment.

    A u moment de la conscration, pendant

    qu'il levait le corps du Seigneur, lui-mme

    fut soulev de terre, dans le ravissement de

    l'extase. Quand il eut fini, il s'approcha du dfunt, suivi des cardinaux, des Frres et

    d'une foule nombreuse ; il touche de sa main

    trs pure la tte, les pieds et les autres

    membres briss, les arrange doucement et

    les remet en ordre. Puis, tourn vers ce

    cadavre, le visage illumin, les bras tendus

    vers le Ciel, il entre en prire ; son corps

    se soulve plus d'une coude, et ainsi

  • SAINT DOMINIQUE.

    suspendu en l'air par la vertu divine, il crie

    haute voix : E t le jeune homme se leva, brillant de sant, et dit son sauveur :

    Pre, donnez-moi manger!*

    -o

    o x v . Xffl Sainte Vicrjsc et l'Ocrc Dcg Ericjjcurtf.

    'A Sainte Vierge entoura le berceau de

    i l'Ordre des Prcheurs de sa tendresse

    la plus maternelle. Il eut ses plus gracieux

    sourires. Dans les premires annes de sa

    fondation, l'Ordre portait le costume des

    chanoines d'Osma : tunique de laine blanche

    recouverte d'un surplis de lin, lune et l'autre

    envelopps d'une chape et d'un capuce de

    laine noire. La Sainte Vierge daigna pren-

    dre possession officielle et publique de

  • 74 SAINT DOMINIQUE.

    l'Ordre en lui donnant un nouvel habit.

    L'an 1 2 1 8 , vint Rome, au tombeau de saint Pierre, matre Reginald, Doyen du

    Chapitre de Saint-Aignan d'Orlans. C'tait

    un homme clbre, savant professeur de

    droit canonique, de murs pures, et dsi-

    reux de se dvouer au service de D I E U en

    prchant l 'Evangile.

    L'Ordre naissant des Prcheurs lui tait

    inconnu. Comme il s'ouvrait de son projet un cardinal, celui-ci lui dit : Justement

    un Ordre nouveau vient de se fonder dans

    ce but et le fondateur demeure ici. $ Joyeux de cette nouvelle, Reginald va trouver le

    bienheureux Pre et se dcide le suivre.

    Quelques jours aprs, il tombe gravement malade. Dominique, dont le cur s'tait

    pris de tendresse pour lui, demandait avec

    larmes sa gurison. E t voici qu'un jour matre Reginald eut une vision. L a Reine

    du Ciel lui apparut accompagne de deux

  • SAINT DOMINIQUE. 75

    vierges : Demande-moi ce que tu veux,

    dit-elle au malade, je te le donnerai, Comme il dlibrait en lui-mme, une des

    vierges lui insinua de s'en remettre la

    volont de sa cleste Mre. Alors la douce

    Mre, tendant ses mains virginales, lui fit

    une onction sur les yetrx, les oreilles, les

    narines, la bouche, les mains et les pieds, en

    prononant des paroles appropries chaque

    onction. Aux pieds, elle dit : J'oins tes

    pieds pour la prparation de l 'Evangile de

    paix ; aux reins : Que tes reins soient ceints du cordon de la chastet. Puis, lui

    montrant un scapulaire blanc, elle ajouta : Voici l'habit de ton Ordre, et elle dis-

    parut ses yeux. Rginald se trouva aussitt

    guri. L e lendemain, quand Dominique vint

    le voir, il lui raconta sa vision et le saint

    homme, heureux de recevoir de Marie l'habit

    distinctif de son Ordre, laissa le surplis de

    lin pour porter le scapulaire. N au dsert

  • SAINT DOMINIQUE.

    d'un sentiment de pudeur, tombant comme

    un voile sur le cur de l'homme, le scapu-

    laire tait devenu dans la tradition chr-

    tienne le symbole de la puret, et par

    consquent l'habit de Marie, la Reine des

    Vierges.

    En mme temps donc qu'en la per-

    sonne de Rginald, Marie ceignait les reins

    de l'Ordre du cordon de la chastet, et

    prparait ses pieds la prdication de

    l'Evangile, elle lui donnait dans le scapu-

    laire le signe extrieur de cette vertu des

    Anges sans laquelle il est impossible de

    sentir et d'annoncer les choses clestes ( i ). Une nuit, le bienheureux Pre, aprs

    avoir longuement pri dans l'glise de

    Sainte-Sabine, entra dans le dortoir des

    Frres et, s'arrtant l'une des extrmits,

    il recommena ses oraisons. E t voici qu'il

    aperoit tout coup l'autre bout trois

    i . P. Lacord. Vie de saint Dominique.

  • 78 S A I N T DOMINIQUE.

    femmes, dont Tune, qui tait au milieu,

    paraissait la plus belle et la plus vnrable.

    Ses compagnes portaient, lune un vase

    magnifique, l'autre un aspersoir qu'elle pr-

    sentait sa souveraine.

    Celle-ci, passant travers le dortoir,

    aspergeait chacun des Frres et le bnissait

    en faisant le signe de la croix. Un seul fut

    except : il n'eut ni goutte d'eau bnite, ni

    un signe de croix. L e bienheureux Pre

    s'approche, se jette aux pieds de la femme qui bnissait et, quoiqu'il l'et dj recon-nue, il lui dit humblement : Madame, j e vous en conjure, dites votre serviteur qui vous tes. Or, cette poque, ls

    Frres rcitaient genoux tous les soirs le

    Salve Regina. < J e suis, rpondit Tau-guste visiteuse, celte reine de misricorde

    que vous invoquez dvotement tous les

    soirs, et lorsque vous dites :Eiaergo, advo-cata nostra, j e me prosterne devant mon

  • SAINT DOMINIQUE, 79

    Fils en le suppliant pour la conservation de

    cet Ordre, Alors l'homme de DIEU, cau-

    sant familirement avec la Mre du Sau-

    veur, lui demande : Quelles sont ces jeunes filles si belles qui vous accompa-gnent ? Ce sont Catherine et

    Ccile, >> rpondit-elle. E t lui de nou-

    veau : Pourquoi avez-vous pass ce

    Frre en vous dtournant sans le bnir ?

    Elle rpondit : Parce que sa posture

    n'tait pas convenable. E t ayant achev

    le tour du dortoir, elle disparut. L e saint

    homme continua sa prire et soudain, ravi

    en extase, il vit le Seigneur JSUS sur un trne et la Vierge sa Mre assise sa

    droite, revtue d'un manteau de couleur de

    saphir. Regardant autour de lui, Domi-

    nique voit des religieux de tous les Ordres,

    et aucun du sien. Son cur est oppress,

    son front rougit de honte, et il se met

    pleurer amrement. Dans son effroi, il

  • 8o SAINT DOMINIQUE.

    n'ose s'approcher du Seigneur ni de sa

    Mre. Celle-ci lui fait signe ; il s'approche

    et se jette ses pieds tout en larmes, Lve-toi, lui dit le Seigneur : pourquoi

    pleures-tu si amrement ? L e bienheu-

    reux Pre rpondit : J e pleure parce que

    j e vois ici des religieux de tous les Ordres et aucun du mien. L e Seigneur lui

    dit : Veux-tu voir ton Ordre ? Il

    rpondit en tremblant : Oui, Seigneur.

    E t le Fils de D I E U , posant la main sur

    l'paule de sa t Mre, reprit : J 'ai confi

    ton Ordre ma Mre; veux-tu absolument

    le voir ? Il rpondit : Oui, Seigneur.

    Alors, la Reine des Cieux ouvrit son

    manteau d'azur et, l'tendant sous les yeux

    de Dominique de telle sorte qu'il couvrait

    de son immensit la cleste Patrie, il vit

    sous ses plis lumineux une multitude innom-

    brable de ses enfants, se pressant amou-

    reusement contre leur Mre.

  • x v i . flBort De 0aint = Oominiqtte.

    if ORDRE des Prcheurs est fond ; le Ciel et la terre ont ft et bni son

    berceau. Il a six ans et dj ses enfants ont pris possession du monde. Ses Constitu-

    tions premires ont t fixes par le cha-

    pitre gnral de 1 2 2 0 , l'an de tous, clbr

    Bologne sous la prsidence du saint Fon-

    dateur. Dominique peut mourir. E n 1 2 2 1 ,

    tant encore Bologne, il connut par rv-

    lation que l'heure de la rcompense tait

    proche. Un jeune homme d'une grande beaut lui apparut et lui dit : Viens, mon

    bien-aim, viens, entre dans la vritable

    joie. L'homme de D I E U comprit et, s'entre-

    tenant avec quelques amis, il leur dit :

    Vous me voyez en ce moment en bonne

    sant, eh bien ! avant l'Assomption de S . Dominique. g

  • 82 SAINT DOMINIQUE.

    Notre-Dame je serai all voir le Seigneur. Vers la fin de juillet de cette mme anne, aprs la clbration du deuxime chapitre

    gnral, revenant de Venise o il tait all

    voir son ami le cardinal Ugolin, depuis

    Pape sous le nom de Grgoire I X , le bien-

    heureux Pre rentra Bologne, accabl

    par la fatigue du voyage. Malgr ses souf-

    frances, il s entretint longuement avec le

    Prieur du couvent et assista Matines. L'of-

    fice termin, il dit au Prieur qu'il avait un

    violent mal de tte. L a maladie fit des

    progrs rapides. Etendu sur un sac, car

    il avait refus un lit, le saint, consum

    par la fivre, gardait un visage joyeux, sans une plainte, sans une marque d'impatience.

    Il fit venir prs de sa couche les novices et,

    les regardant avec tendresse, il les exhorta

    vivement l'observance des Constitutions

    de l'Ordre. Puis, appelant douze Frres

    des plus anciens, il fit tout haut devant eux

  • G R E G O I R E IX.

    D'aprs une gravure de la Vie des Pontifes^ grave par

    J . -B. de Cavallieri, x v n c sicle.

  • 8 4 SAINT DOMINIQUE.

    la confession gnrale de toute sa vie au

    Frre Ventura : Mes enfants, leur dit-il,

    la misricorde de D I E U m a conserv jusqu' ce jour une chair pure et une virginit sans tache. C'est la garde de cette vertu qui

    rend le serviteur de D I E U agrable au

    CHRIST et qui lui donne gloire et crdit

    devant les hommes. Le pauvre de

    JSUS-CHRIST n'avait rien lguer ses fils : Voici, mes frres et mes fils, leur

    dit-il, ce que j e vous laisse en hritage : ayez la charit, gardez l'humilit, possdez

    la pauvret volontaire.

    Les Frres taient dans la dsolation.

    Esprant sauver leur Pre en lui faisant

    changer d'air, ils le transportrent Sainte-

    Marie-du-Mont. Lorsqu'il y fut, il se sentit

    dfaillir. Mon fils, dit-il au Prieur,

    D I E U ne plaise que j e sois enseveli ailleurs que sous les pieds de mes frres. Et,

    reprenant leur Pre, les religieux le rap-

  • SAINT DOMINIQUE. 85

    portrent au couvent, tremblant de le voir

    mourir en chemin. Comme il n'avait pas de

    cellule lui, on le dposa dans celle du

    Frre Moneta, o il reut l'Extrme-Onc-

    tion. Il tait tendu sur la cendre ; sa

    tte, le Frre Rodolphe essuyait la sueur

    qui coulait sur son visage. Les autres

    Frres l'entouraient, gmissant et pleurant.

    L e bon Pre, les voyant pleurer, les con-

    solait : Ne pleurez pas, mes fils bien-

    aims, que ma mort ne vous trouble pas !

    Au lieu o j e vais, je vous serai plus utile que j e ne le fus ici. Un des Frres lui dit : Pre, o voulez-vous que votre corps

    soit enseveli ? L'homme de D I E U r-

    pondit :

  • 86

    volont, et ceux que vous m'avez donns,

    j e les a conservs. J e vous les recom-mande. Conservez - les, gardez - les ; pour

    moi, j e viens vous, Pre Cleste ! L'instant suprme approchait : Com-

    mencez la recommandation de l'me, dit-il

    au Prieur, et, genoux autour de leur Pre

    expirant, les Frres invoquaient les Anges

    et les Saints, dont il allait partager la

    gloire. Saints de D i e u , disaient-ils, venez

    son aide, Sttbvenit% Sancti Dei ; venez au-devant de lui, Anges du Seigneur,

    prenez son me et portez-la en prsence du

    Trs-Haut. A ces mots, les mains tou-

    jours leves au Ciel, comme les tendant son Pre, Dominique rendit le dernier

    soupir. C'tait le sixime d'aot 1 2 2 1 , il

    avait cinquante-et-un ans.

    Douze ans aprs, Grgoire I X , son ami,

    canonisait solennellement le Fondateur des

    Prcheurs, glorifi devant les hommes par

  • T O M B E A U D E S A I N T D O M I N I Q U E

    d a n s l ' g l i s e d e S a i n t - D o m i n i q u e , a B o l o g n e .

    Sculpt par Nicolas de Pise, Nicolas de Bari et autres matres clbres.

  • 88 SAINT DOMINIQUE.

    d'clatants et nombreux miracles. Ses restes

    vnrs, retirs de l'humble spulcre o

    ils avaient t dposs, reposent depuis lors

    dans un tombeau en marbre blanc, dont la

    puret et la gracieuse harmonie des lignes

    redisent l'innocence sereine et la tendresse

    de cur de celui qu'il honore.

  • Table nt& fflatimg.

    L Les premiers pas 7

    II. Osma 10 HT. Les dbuts apostoliques 14 IV. La Pauvret 19 V. Les grandes luttes . . . . . . . 23

    VI. Le Rosaire 28

    VII. Gloire et humilit 32 VIII. Fondation de l'Ordre 36 IX. Confirmation de l'Ordre 41 X. Dispersion des Fires . . . . . 44 XI. L'Ordre des Prcheurs 49 XII. En voyage 55

    XIII. Saint-Sixte 60 XIV. Les premires Filles de S. Dominique . 66 XV. La S t e Vierge et l'Ordre des Picheurs. 72 XVI Mort de S. Dominique 81

    1 .

  • Saint D o m i n i q u e au p i e d d u Crucif ix Fresque de Fra Angelico, couvent de Saint-Marc, Florence 6

    V u e d e la Cathdrale d'Osma . , . . u

    I n n o c e n t III - D'aprs une estampe de la Vie des Ponfifesy grave par J -B. Cavallieri, xvn e sicle 1 5

    Montpe l l i er . D'aptes une ancienne gravure 1 S

    Mirac le du l ivre . p r e u v e du feu. D'aprs un bas-relief du tombeau de saint Domi-nique, glise Saint-Dominique, Bologne . . . 2 5

    Appari t ion d e N . - D , d u Rosaire saint D o m i n i q u e 3 1

    Saint D o m i n i q u e mdi tant . D'aprs une fresque de Fra Angelico, couvent de St-Marc, Florence 3 5

    S o n g e d ' Innocent I I I . BAS-relief du tombeau de saint Dominique 3 9

    R e n c o n t r e d e saint D o m i n i q u e et d e saint Franois . D'aprs une fresque de Fra Angelico, couvent de Saint-Marc, Florence . . 4 3

    T O U L O U S E . D'aprs une ancienne gravure. 45

  • 92 T A B L E DES GRAVURES.

    S i m o n d e Montfort . D'aprs l'ouvrage Les Hommes illustres et grands Capitaines qui sont peints dans la galerie du Palais-RoyaL . . 47

    Appar i t ion d e S. P ierre et de S. Paul . Bas-relief du tombeau de saint Dominique. . 53

    S. D o m i n i q u e t e n a n t la rgle e n main . Fresque de Fra Angelico, couvent de St-Marc, Florence 59

    H o n o r i u s I I I . D'aprs une gravure de l i Vie des Pontifes^ grave par J.-B. de Cavallieri, xvn sicle 61

    Mirac le d u R e p a s s e r v i par l es A n g e s . D'aprs une fresque de G. 13. Bogliani, cou-vent de Saint-Marc, Florence 65

    Palais d 'Honor ius I I I e t Pgl ise Sainte-Sabine , au M o n t - A v e n t i n . D'aprs une ancienne gravure 67

    La Rsurrec t ion d u j e u n e Napo lon . Bas-relief du tombeau de saint Dominique. . . 73

    gl ise de S a i n t e - S a b i n e . D'apis une photographie 77

    Grgoire I X . D'api s une gravure de la Vie des Pontifes^ grave par J ~B. de Cavallieri, xvn e sicle 83

    Tombeau d e saint D o m i n i q u e , dans l'glise de Saint-Dominique, Bologne . . . . 87

  • APPROBATION DE L'ORDRE.

    Nous avons lu par ordre du T. R. Pre Provincial la notice intitule : Saint Domi-nique, Fondateur de l'Ordre des Frres

    Prcheurs. Nous Vavons juge digne de V impression.

    Corbara^ le 2 mars i8$. Fr. A. G A R D E I L , Fr. A. M A T H I E U ,

    des Fr. Prie des Fr. Prcc. Rgent des tudes. Prdicat, gnral.

    I M P R I M A T U R .

    Fr. R. BOULANGER, Ord. Prd.

    Prior Provinc.