Sables bitumineux l'europe complice des crimes climatiques du canada vf fr

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SABLES BITUMINEUX : L’EUROPE EST COMPLICE DES CRIMES CLIMATIQUES DU CANADA Document adapté par les Amis de la Terre France, traduit par Christian Berdot, à partir du rapport plus complet des Amis de la Terre Europe « Tar Sands: Europe's Complicity in Canada's Climate Crimes ». Crédits photo : Couverture : Jiri Rezac / WWF P 3 : Jiri Rezac / WWF P 6 : Jiri Rezac / WWF P 7 : Jiri Rezac / WWF P 8 : Jiri Rezac / WWF P 9 : Jiri Rezac / WWF 1

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Ce rapport a pour but de montrer que les sables bitumineux et l’industrie des sables bitumineux (aussi connus sous le nom de sables pétrolifères) sont le problème central qui empêche le Canada de prendre ses responsabilités pour s’attaquer aux changements climatiques. Ce pétrole non conventionnel que l’on trouve dans les zones sauvages du nord-ouest du Canada est une source de gaz à effet de serre en pleine expansion. Ces dix dernières années, ce secteur industriel a été la principale priorité du gouvernement pro-sables bitumineux de l’ancien premier ministre, Sam Harper.

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SABLES BITUMINEUX : L’EUROPE EST COMPLICE DESCRIMES CLIMATIQUES DU CANADA

Document adapté par les Amis de la Terre France, traduit par Christian Berdot, à partirdu rapport plus complet des Amis de la Terre Europe

« Tar Sands: Europe's Complicity in Canada's Climate Crimes ».

Crédits photo : Couverture : Jiri Rezac / WWFP 3 : Jiri Rezac / WWFP 6 : Jiri Rezac / WWFP 7 : Jiri Rezac / WWFP 8 : Jiri Rezac / WWFP 9 : Jiri Rezac / WWF

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Sommaire

1. Le Canada n’est pas à la hauteur de ses responsabilités dans la lutte contre les changements climatiques.......................................................................................................................................................................... 5

2. Le Canada ou le Mordor : les conséquences humaines et écologiques des sables bitumineux.....6Les Peuples autochtones sont en première ligne dans la lutte contre les sables bitumineux....9Les conséquences des sables bitumineux sur la faune sauvage.............................................................10

3. Les sables bitumineux sont la cause première du refus du Canada d’agir pour le climat........... 11

4. Société civile attaquée et scientifiques muselés............................................................................................ 12

5. L’échec de la Directive sur la qualité des carburants..................................................................................13

6. Les sables bitumineux menacent l’Europe – Opposition aux oléoducs..............................................13

Conclusion....................................................................................................................................................................... 15Recommandations........................................................................................................................................... 15

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Les représentants de 196 nations se rencontrent en novembre et décembre 2015, àl’occasion de la Convention cadre des Nations Unies sur le changement climatique(CCNUCC) à Paris. Le but de ces négociations est d’obtenir un accord internationalsur le climat qui permette d’éviter une hausse des températures moyenne de laplanète de 1,5°, c’est-à-dire de ne pas dépasser le seuil fixé au niveau internationalde 2°. Cette conférence aussi connue sous le nom de COP 21, est porteuse de beaucoupd’espoir, mais on peut être aussi légitimement pessimiste quant à son issu.

Au cours de cette année, les pays devaient soumettre leurs engagements nationaux enmatière de climat pour préparer la conférence à venir. Les Amis de la Terre Europe etd’autres organisations de la société civile ont analysé les projets de contributionsdéfinis nationalement et conclu que, même si tous les pays respectaient leursengagements, le monde atteindrait un réchauffement catastrophique de 3° ouplus.

Jusqu’à maintenant le Canada n’a pas été capable de prendre des mesures enmatière de climat. Contrairement à l’Union européenne, il a abandonné sesengagements vis-à-vis du Protocole de Kyoto et actuellement, il est en bonne voiepour dépasser les niveaux de 1990 d'au moins 18 %. Le gouvernement canadienvient d’annoncer qu’il réduirait ses émissions de gaz à effet de serre de 30 % par rapportaux niveaux de 2005, mais cet objectif ne représente qu’une baisse de 14 % par rapportà 1990. La réponse du Canada à la crise climatique ne convainc personne.

Alors quel est le problème du Canada ?

Ce rapport a pour but de montrer que les sables bitumineux et l’industrie dessables bitumineux (aussi connus sous le nom de sables pétrolifères) sont leproblème central qui empêche le Canada de prendre ses responsabilités pours’attaquer aux changements climatiques. Ce pétrole non conventionnel que l’ontrouve dans les zones sauvages du nord-ouest du Canada est une source de gaz à effet deserre en pleine expansion. Ces dix dernières années, ce secteur industriel a été laprincipale priorité du gouvernement pro-sables bitumineux de l’ancien premierministre, Sam Harper.

La revue scientifique de renommée mondiale, Nature, a publié cette année unrapport cinglant affirmant que 85 % des réserves de sables bitumineux canadiensdoivent rester dans le sous-sol si l’on veut contenir l’augmentation destempératures mondiales en dessous de 2°. Malgré ces avertissements, legouvernement de Harper a engagé le pays sur la voie d’une rapide expansion del’industrie des sables bitumineux. Le gouvernement canadien est resté jusqu’au bout undéfenseur inconditionnel des sables bitumineux, même si cela devait mener à ladéstabilisation complète du climat mondial.

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Le Canada est à un tournant décisif. Les électeurs ont renvoyé le gouvernement Harperen octobre, et le nouveau premier ministre, Justin Trudeau, s’est engagé à ce que leCanada respecte ses obligations internationales de réduction des émissions de gaz àeffet de serre. Malheureusement, Trudeau, bien qu’il se dise plus préoccupé par lesquestions climatiques que son prédécesseur, est aussi un partisan de l’expansiondes sables bitumineux.

Le monde doit imposer des limites à l’industrie du « pétrole sale »

Jusqu’à maintenant, l’Union européenne a été la complice tacite des crimesclimatiques du Canada. Les banques et compagnies pétrolières européennes onttiré de gros profits de l’expansion des sables bitumineux, malgré la chute récentedes prix du pétrole. Même la législation européenne, en particulier la directive surla qualité des carburants, a été réécrite pour répondre aux besoins de l’industrie.Tout cela se fait aux dépens des peuples, de l’environnement et du climat qui sont lesvictimes directes de l’expansion des sables bitumineux.

Ce sont les Canadiens qui auront le dernier mot sur les sables bitumineux, pas lesEuropéens. Mais l’Union européenne ne peut donner au Canada un laissez-passer pourexporter ce pétrole sale vers l’Europe. Si les véhicules européens consommaient du

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pétrole de sable bitumineux, cela serait en totale contradiction avec la politiqueclimatique de l’Union européenne.

Avec ce rapport, les Amis de la Terre demandent à l’Union européenne d’interdirele pétrole tiré des sables bitumineux, afin de rester en conformité avec sespropres mesures de réduction des gaz à effet de serre. L’Union européenne et leCanada ne peuvent continuer à garder « la tête enfouie dans les sables bitumineux » etignorer la menace que cette industrie fortement émettrice de gaz à effet de serrereprésente pour la planète. De plus, alors que des changements se dessinent auCanada, une interdiction des importations de sables bitumineux en Europeenverrait un message clair au nouveau gouvernement canadien : le Canada doitrompre avec son passé de champion mondial des sables bitumineux et aider à ce qu’ilsrestent dans le sous-sol.

1. Le Canada n’est pas à la hauteur de ses responsabilités dans la lutte contre les changements climatiques

Le Canada a longtemps été admiré dans le monde pour sa bonne gestion écologique,mais ces dernières années, il a, de façon systématique, refusé d’assumer sesresponsabilités pour limiter les impacts des changements climatiques. Alors que sapopulation est relativement faible et que l’électricité est pour une part extrêmementélevée - 59 % - d’origine hydraulique, le Canada est parmi les 10 pays qui émettent leplus de gaz à effet de serre.

Le Canada s’est engagé (Accord de Cancun de 2010) à réduire ses émissions de 17 % endessous du niveau de 2005 d’ici 2020. Le ministère canadien de l’Environnement noteque les émissions de gaz à effet de serre ont continué d’augmenter en 2013, ce qui rendtotalement impossible d’atteindre cet objectif.

Il a été demandé aux pays de soumettre leurs plans d’action climat en vue de laconférence des Nations Unies sur le climat à Paris en novembre. En conséquence, leCanada annonçait en mai qu’il réduirait ses émissions de carbone de 30 % parrapport aux niveaux de 2005, d’ici 2030.

Cette annonce a été vivement critiquée.

Un rapide calcul montrait que cet objectif ne représentait qu’une baisse de 14 % parrapport à 1990, alors que le pays dépasse déjà ce niveau de 18 %. Si l’on compare lesengagements du Canada avec ceux d’autres pays fortement émetteurs, cet objectifapparaît encore plus ridicule. Même les Etats-Unis s’engagent à réduire d’ici 2025,leurs émissions de 26 à 28 % par rapport aux niveaux de 2005 et sont plus ambitieuxque le Canada. Entre temps, l’Union européenne s’engage, d’ici 2030, à réduire de 40 %ses émissions par rapport à 1990. Le Canada traîne loin derrière et s’enfonce.

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La nouvelle ministre de l’Environnement, Catherine McKenna, affirmait dernièrementque le gouvernement canadien désirait améliorer les objectifs de réduction des gaz àeffet de serre précédemment présentés, mais n’a pas précisé en quoi la révision desobjectifs consisterait. Le Canada va donc venir aux négociations sur le climat à Paris,avec la même stratégie que le gouvernement conservateur précédent.

Dans son histoire récente, le Canada n’a pas particulièrement été respectueux deses engagements en matière de climat. Cet historique laisse à penser que ce n'est pasle fruit du hasard. Initialement, le Canada a signé le Protocole de Kyoto, le premier traitémondial sur la réduction des gaz à effet de serre, en 1997 sous un gouvernement libéral,mais fut incapable d’atteindre ses objectifs. Sous le gouvernement Harper, le pays seretira du Protocole en 2011 pour la deuxième période d’engagement, tandis que lesémissions du pays ne faisaient qu’augmenter. Le gouvernement canadien présenta en2008, son plan appelé « Prendre le virage » censé voir le pays réduire d’ici 2020, sesémissions de 20 % par rapport à 2006, mais ce plan fut abandonné au bout d’un an.

En fixant systématiquement des objectifs peu ambitieux et en ne les atteignantmême pas, le Canada a fait preuve d’une mauvaise volonté manifeste pour ne pasprendre la tête des actions internationales en faveur du climat, et a été plus que réticentà simplement suivre le rythme de ses pairs, alors que son bilan carbone estparticulièrement lourd. Le refus récent de participer aux efforts mondiaux pour luttercontre les changements climatiques découle d’un ensemble de politiques et d’objectifsnationaux, clairs et réfléchis, qui s’opposent directement aux mesures internationales enfaveur de la lutte contre les changements climatiques. Dans les faits, la politique duCanada cherche à exploiter une des formes de pétrole les plus émettrices de carbone surla planète : les sables bitumineux.

2. Le Canada ou le Mordor : les conséquences humaines et écologiques des sables bitumineux

Quand on voit les efforts considérables qui ont été nécessaires pour développerles sables bitumineux, on comprend combien notre monde est désespérémentdrogué au pétrole. Ce pétrole non conventionnel est une forme de pétrole proche dubitume, mélangé à de l’argile, du sable et de l’eau. Les sables bitumineux nécessitentd’immenses quantités de capital, d’énergie et d’eau pour leur extraction et leurtransformation.

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On les trouve dans l’ouest du Canada (principalement dans la province de l’Alberta), etils représentent la troisième réserve de pétrole la plus importante au monde, derrièreles champs pétrolifères de l’Arabie Saoudite et du Venezuela. La majeure partie des166 milliards de barils de réserves prouvées de sables bitumineux n’est pasencore exploitée et se trouve sous des forêts boréales primaires. Avec la haussebrutale des prix du pétrole au début des années 2000 et un régime de royalties etde taxes faibles favorisant l’industrie, il devint rentable économiquement dedévelopper ce que ses opposants appellent « le pétrole sale ».

L’extraction des combustibles fossiles est par nature très invasive et les sablesbitumineux ne font pas exception. Leur développement s’est fait et se fait au prixd’une destruction gigantesque de l’environnement et aux dépens des populations(principalement des Peuples autochtones) qui vivent en aval des sites industriels.

Méthodes d’extraction : deux méthodes sont couramment utilisées par l’industrie pourextraire le pétrole des sables bitumineux. Soit on procède à une exploitation à ciel ouvertsoit à l’extraction in situ, en injectant de la vapeur d’eau pour fluidifier le brut et leramener vers la surface. Ces deux méthodes ont de graves conséquences pourl’environnement.

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L’exploitation à ciel ouvert nécessite la destruction de forêts entières et des machines dechantiers parmi les plus grandes au monde pour le retirer et le transporter. Des camionspouvant faire la taille d’une maison de deux étages transportent le pétrole de sablesbitumineux fraîchement extrait. Une exploitation minière de sables bitumineux à cielouvert peut laisser derrière elle un paysage lunaire, dépourvu de toute végétation. C’estpour cette raison que la zone d’exploitation des sables bitumineux a été appelée le« Mordor » en référence aux romans de Tolkien.

L’extraction in situ est utilisée pour extraire le pétrole de sables bitumineux lorsquel’exploitation à ciel ouvert n’est pas possible. Ces procédés ont besoin de plus d’énergie(habituellement du gaz) que l’exploitation à ciel ouvert, et c’est la principale raison pourlaquelle le pétrole de sables bitumineux nécessite en moyenne 3 à 4 fois plus de gaz àeffet de serre lors de son extraction que du pétrole conventionnel.

L’industrie engloutie de grandes quantités d’eau à un rythme effrayant.

En 2011 uniquement, les mines de sables bitumineux utilisèrent 170 millions demètres cubes d’eau, soit l’équivalent du volume consommé annuellement àBarcelone. Comme la majeure partie de cette eau est trop toxique pour êtreretournée dans les rivières ou les aquifères, elle doit être isolée de façonpermanente du cycle de l’eau. La méthode la plus communément utilisée consiste àstocker les boues toxiques de sables bitumineux et les eaux usées derrière des barragesmassifs en terre.

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La gestion de ces eaux usées pose à l’industrie de gros problèmes qu’elle ne sait toujourspas résoudre.

En effet, onze millions de litres d’eau toxique suintent à travers les barrages de résidusde sables bitumineux qui recouvrent une surface de 176 km2. Le gouvernementcanadien a longuement nié que les barrages avaient des fuites, mais une étude duministère de l’Environnement publiée en 2014 révélait que de l’eau toxiques’écoulait des bassins de résidus vers la rivière Athabasca. Le ministère citait dansson rapport, des études antérieures qui indiquaient qu’un barrage, à lui seul, perdait 6,5millions de litres par jour.

Le lessivage continu de produits toxiques dans le système hydrographique entourant lessites d’extraction de sables bitumineux a aussi des effets très néfastes sur lespopulations et la faune sauvage des environs.

Les Peuples autochtones sont en première ligne dans la lutte contre les sables bitumineux

Les communautés humaines vivant en aval des sites industriels sont principalement desmembres de Peuples autochtones qui ont vécu sur ces terres depuis des millénaires. Ledéveloppement des sables bitumineux menace leur mode de vie, leur santé et leurscultures. Les Cries de Beaver Lake déplorent la baisse du nombre de caribous (une

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source traditionnelle de nourriture et de ressources) dans la zone où l’exploitation dessables bitumineux est développée.

Cancer à Fort Chipawyan

Fort Chipewyan est une petite bourgade d’un millier d’habitants, principalement desmembres de Nations indigènes (Cries, Dénés et métis). « Fort Chip », comme leshabitants du coin l’appellent, est depuis une décennie au cœur d’une controversetoujours en cours sur les sables bitumineux.

En 2006, un médecin, John O’Connor, tira la sonnette d’alarme à propos d’un possiblelien entre les polluants utilisés dans les sables bitumineux et un type de cancer rare qu’ilavait découvert dans la population de Fort Chip.

O’Connor fit pression sur le gouvernement d’Alberta pour que soit menée une étudecancérologique à long terme sur la population de Fort Chip, afin de déterminer lescauses de ces cancers. Depuis O’Connor a été harcelé par les autorités, et des étudescontroversées furent menées.

Fort Chip attend toujours des réponses quant aux causes de ces cancers. Leshabitants ont peur de boire l’eau et de manger leurs aliments traditionnels, alorsque ces Nations premières vivent dans la région depuis des générations.

Les conséquences des sables bitumineux sur la faune sauvage

En plus des caribous cités plus haut, les loups, les oiseaux et les poissons de cette zoneriche en biodiversité sont victimes de l’expansion des sables bitumineux.

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Mais le gouvernement canadien ferme les yeux sur les conséquences écologiques. Le prixque payent les Nations premières qui vivent en aval n’est qu’un exemple flagrant, parmitant d’autres, qui montre jusqu’où le gouvernement était prêt à aller dans un passérécent pour continuer l’exploitation des sables bitumineux.

3. Les sables bitumineux sont la cause première du refus du Canada d’agir pour le climat

Le soutien total de Stephen Harper en faveur des sables bitumineux depuis 2006, n’ajamais pris en compte leur impact sur le climat.

Avec une production de 2,3 millions de barils/jour, les sables bitumineux représententplus de la moitié de la production totale de pétrole du Canada. Si les sables bitumineuxétaient un pays, ils seraient le 56ème émetteur mondial de gaz à effet de serre.

Comme le pétrole est prisonnier dans les sables et l’argile, il faut plus d’énergiepour le transformer que pour du brut normal. Les secteurs gazier et pétrolier sontresponsables de 67 % des émissions de gaz à effet de serre du Canada depuis1990, et les sables bitumineux sont quasiment les seuls responsables.

Et qui plus est, ces émissions augmentent. D’ici 2020, on s’attend à ce que lesémissions dues aux sables bitumineux soient trois fois plus importantes qu’en 2005.

Le Canada a mis en place très peu de réglementations nationales pour limiter laproduction de sables bitumineux et ses conséquences écologiques. En 2008, legouvernement avait promis de mettre en œuvre des mesures de capture et stockage ducarbone sur tous les nouveaux projets. En novembre 2015, un seul nouveau projet autilisé des techniques de capture et de stockage du carbone, et les industrielspromettent, dans le meilleur des cas, de capturer un tiers des émissions, et ce, pour cetteseule installation. L’Association des producteurs canadiens de pétrole a reconnu quel’industrie des sables bitumineux en Alberta ne possède pas la technologie nécessairepour réduire ses émissions.

Non seulement le Canada a refusé de mettre en œuvre les mesures nécessairespour freiner l’augmentation exponentielle des gaz à effet de serre due àl’exploitation des sables bitumineux, mais le gouvernement a même éliminé lesréglementations écologiques existantes. La Loi sur l’Office nationale de l’énergie, laLoi sur les pêcheries et la Loi sur les espèces en danger sont autant d’exemples deréglementations écologiques qui ont été vidées de leur substance. En 2012, la Tableronde nationale sur l’Economie et l’Environnement a été fermée et la Fondationcanadienne pour les sciences du climat et de l’atmosphère a vu ses crédits coupés. Cesdeux organismes consultatifs avaient joué un rôle important dans l’élaboration despolitiques canadiennes relatives au climat et à l’environnement.

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Avec ces réformes, le gouvernement canadien a fait de son mieux pour éliminer auniveau national, tout obstacle à une rapide expansion de la production de sablesbitumineux. La lutte contre toute tentative internationale de réglementation desexportations de pétrole de sables bitumineux - comme la Directive européenne sur laqualité des carburants - n’est que la suite logique, à l’international, de ces politiquesnationales.

A l’époque, le gouvernement Harper prétendait que ces mesures particulièrementradicales étaient prises pour protéger les intérêts économiques canadiens. En fait,il est fortement probable que cette importance excessive donnée à la productiondes sables bitumineux - qui ne comptent que pour 2 % du PNB canadien – soitresponsable du fait que beaucoup de Canadiens surestiment grandement le rôleéconomique de cette industrie.

La part des impôts sur les entreprises payée par l’industrie des sables bitumineux estseulement de 4,2 % pour 2011 (9,4 % en 2006).

L’accent politique mis sur les sables bitumineux a réussi à exagérer leursavantages économiques auprès des citoyens canadiens.

4. Société civile attaquée et scientifiques muselés

Le gouvernement canadien a réduit au silence des scientifiques, espionné desopposants aux oléoducs et cherché à affaiblir et écarter toute organisation etindividu qui s’était publiquement déclaré opposé aux sables bitumineux. Chaquecas est un exemple inquiétant de la façon dont l’obsession du gouvernement àdévelopper les sables bitumineux, a sapé les bases démocratiques du Canada.

En 2010, des scientifiques de l’université de l’Alberta publièrent une étude montrant quel’industrie des sables bitumineux relâche des polluants toxiques dangereux dansl’environnement. Le gouvernement fédéral essaya de dissimuler les résultats, toutd’abord en empêchant les scientifiques travaillant pour le gouvernement de corroborerles résultats pour les media et ensuite en essayant de discréditer publiquement l’auteurprincipal de cette étude, David Schindler.

De nouvelles règles introduites en 2007 exigent des scientifiques travaillant pourle gouvernement fédéral, qu’ils obtiennent l’autorisation du cabinet ministérielavant de donner des interviews, en particulier lorsque cela concerne les sablesbitumineux ou le climat. Le ministère canadien de l’Environnement notait que lacouverture médiatique des données scientifiques concernant le climat a baissé de 80 %entre 2007 et 2014. La politique visant à museler les scientifiques travaillant pour legouvernement a été, à bien des égards, très efficace.

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5. L’échec de la Directive sur la qualité des carburants

Le Canada lança, au côté de l’industrie pétrolière, une campagne de lobbyingparticulièrement intensive pour bloquer la révision de la Directive européennesur la qualité des carburants. Celle-ci prévoyait de décourager les fournisseurs decarburants de vendre des carburants fortement émetteurs de gaz à effet de serre,comme ceux obtenus à partir d’huile de schiste ou de sables bitumineux.

La seule et unique tentative de l’Union européenne d’empêcher le pétrole sale tiré dessables bitumineux d’atteindre l’Europe a échoué1. En l’absence de toute législationadéquate pour rendre les carburants utilisés dans les transports plus propres, le pétroletiré de sables bitumineux a atteint les côtes européennes.

6. Les sables bitumineux menacent l’Europe – Opposition aux oléoducs

Des oléoducs comme Energy East et Keystone XL sont en projet pour transporterle pétrole de sables bitumineux vers les côtes est et ouest des Etats-Unis et duCanada, et vers le Golfe du Mexique. Il est probable qu’une bonne partie du pétrolesera transportée en bateau, d’Amérique du Nord en direction de l’UnionEuropéenne, de l’Asie et des marchés internationaux. Ces projets suscitent uneopposition particulièrement forte des citoyens. Certains projets sont stoppés, maispeuvent être relancés, alors que d’autres sont en cours d'instruction.

1 Pour en savoir plus, consulter la note de synthèse des Amis de la Terre : « Sables bitumineux et directive sur la qualité des carburants : de quoi s'agit-il ? », http://www.amisdelaterre.org/Sables-bitumineux-et-directive-sur.html

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C onclusion

Si les projets d’oléoducs Energy East et Keystone XL ainsi que le développementrapide des sables bitumineux sont freinés, c’est en grande partie grâce auxPeuples autochtones et aux citoyens du Canada et des Etats-Unis.Malheureusement, l’expansion des sables bitumineux continue.

L’opposition canadienne aux sables bitumineux s’est considérablement renforcée durantles années Harper, mais l’industrie produit encore plus de 2 millions de barils par jour.Aujourd’hui, l’Amérique du Nord dispose d’un vaste réseau de voies de transport –oléoducs existants, routes et terminaux maritimes – pour s’assurer que le pétroletiré des sables bitumineux pourra continuer de couler, tant que des marchéscomme celui de l’Union Européenne sont prêts à accepter ce pétrole sale.

Non seulement, l’expansion des sables bitumineux sape les efforts faits par chaqueCanadien individuellement et par les provinces canadiennes pour agir contre leschangements climatiques, mais elle menace aussi gravement le climat de laplanète et met en péril des milliards de personnes exposées aux conséquencescatastrophiques de ces changements. Bien que le nouveau gouvernement libéral semontre plus conciliant pour lutter contre les changements climatiques, il continue desoutenir l’exploitation des sables bitumineux. Le gouvernement manque à ses devoirsvis-à-vis des Canadiens, mais aussi vis-à-vis de tous les humains dont la vie va êtrefortement affectée par les changements climatiques.

L’Union européenne a jusqu’à maintenant montré peu d’entrain pour résister àl’industrie pétrolière. Elle peut soit continuer à saper les efforts des citoyenscanadiens et laisser les portes de l’Europe ouvertes à ce pétrole sale, soit mettreun terme, une fois pour toute, à sa complicité avec les crimes climatiques duCanada et faire en sorte que le pétrole tiré des sables bitumineux ne se retrouvepas dans les carburants européens. Le choix pour l’Europe et pour la planète estsimple.

Recommandations

L’Union européenne devrait :

• interdire l’utilisation de pétrole tiré des sables bitumineux dansl’approvisionnement de l’Europe ;

• investir de toute urgence dans l’efficacité des transports et dans des solutionsfavorisant des transports durables écologiquement ;

• exiger des Etats membres qu’ils rendent immédiatement public l’origine detoutes leurs sources d’importation de carburants.

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Le gouvernement canadien devrait :

• soutenir un gel immédiat de l’expansion des sables bitumineux ;• stopper tout nouvel oléoduc qui favorise l’expansion de cette industrie ;• prévoir une transition juste, des sables bitumineux - sachant que les données

scientifiques conseillent de laisser 85 % des réserves dans le sous-sol - pour allervers un Canada sans énergie fossile en 2050.

Les gouvernements du Canada et de l’Europe doivent veiller à Paris, à ce que lesnégociations :

• favorisent des réductions immédiates, urgentes et importantes des émissions, quisoient conformes à ce que les scientifiques demandent et à ce que l’équité exige ;

• apportent un soutien approprié pour la transformation, c’est-à-dire que l’ons’assure que les ressources nécessaires, comme les finances publiques et lestransferts de technologies, sont fournies pour encourager la transformation, enparticulier dans les pays pauvres et vulnérables.

Document adapté par les Amis de la Terre France, traduit par Christian Berdot, à partir durapport plus complet des Amis de la Terre Europe « Tar Sands: Europe's Complicity inCanada's Climate Crimes ».

Toutes les données présentées dans ce document sont issues de sources anglophones,consultables dans la version anglaise du rapport : http://www.foeeurope.org/tar-sands-europe-complicity-canada-climate-crime-011215

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