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Révision éventuelle des sections 1 et 2 du chapitre IV du titre 4 du Code de déontologie de l’avocat (Exercice en commun ou en structure – principes – associations) Rapport préliminaire au conseil de l’Ordre Le bâtonnier de l’Ordre a chargé un groupe de travail composé de Mes. Michel Vlies, ancien bâtonnier, Geoffroy Cruysmans, ancien secrétaire de l’Ordre et membre du cabinet du bâtonnier, et Patrick De Wolf, ancien membre du conseil de l’Ordre, de réfléchir à l’élaboration d’un projet d’adaptation du chapitre IV du titre 4 du Code de déontologie de l’avocat afin de pouvoir éventuellement mieux répondre à diverses demandes que formulent les avocats auprès de notre Ordre. A la lecture des dispositions déontologiques actuellement applicables et au vu de diverses demandes formulées par des avocats de notre Ordre, le groupe de travail a dégagé 4 questions devant être préalablement tranchées par le conseil de l’Ordre en vue d’orienter la rédaction d’un éventuel projet destiné à être ensuite transmis par le bâtonnier à l’OBFG. Celles-ci sont les suivantes : les termes « association » et « société » ne devraient-ils pas être remplacés par la notion générale de « société d’avocat(s) » ; est-il encore justifié de maintenir l’interdiction de donner à une société d’avocat la forme d’une société anonyme voire celle d’une société en commandite (simple ou par actions) et, en ce cas, quelle serait la justification à retenir ? l’objet social des sociétés d’avocat(s) doit-il être limité au strict exercice de la profession d’avocat, étendu le cas échéant à la réaffectation des bénéfices, ou peut-il porter sur l’exercice d’autres activités non incompatibles ; un avocat, personnellement et/ou au travers d’une société, ne pourrait-il pas appartenir à plusieurs sociétés distinctes et, en ce cas, qu’en serait-il de la règle de conflit d’intérêts ; Il est apparu toutefois, au cours du travail réalisé par le groupe, que ces questions sont également abordées par le projet de modification du Code déontologie actuellement en discussion au sein de l’assemblée générale de l’OBFG, projet relatif initialement au capital externe des cabinets d’avocats, mais étendu à une refonte plus générale englobant celle des articles 4.14 à 4.25 du Code de déontologie. Sur chaque point, il sera donc également fait référence à la thèse actuellement suivie par les auteurs du projet de l’OBFG. * * *

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Révision éventuelle des sections 1 et 2 du chapitre IV du

titre 4 du Code de déontologie de l’avocat (Exercice en commun ou en structure – principes – associations)

Rapport préliminaire au conseil de l’Ordre

Le bâtonnier de l’Ordre a chargé un groupe de travail composé de Mes. Michel Vlies,

ancien bâtonnier, Geoffroy Cruysmans, ancien secrétaire de l’Ordre et membre du

cabinet du bâtonnier, et Patrick De Wolf, ancien membre du conseil de l’Ordre, de

réfléchir à l’élaboration d’un projet d’adaptation du chapitre IV du titre 4 du Code de

déontologie de l’avocat afin de pouvoir éventuellement mieux répondre à diverses

demandes que formulent les avocats auprès de notre Ordre.

A la lecture des dispositions déontologiques actuellement applicables et au vu de diverses

demandes formulées par des avocats de notre Ordre, le groupe de travail a dégagé 4

questions devant être préalablement tranchées par le conseil de l’Ordre en vue d’orienter

la rédaction d’un éventuel projet destiné à être ensuite transmis par le bâtonnier à

l’OBFG.

Celles-ci sont les suivantes :

les termes « association » et « société » ne devraient-ils pas être remplacés par la

notion générale de « société d’avocat(s) » ;

est-il encore justifié de maintenir l’interdiction de donner à une société d’avocat la

forme d’une société anonyme voire celle d’une société en commandite (simple ou

par actions) et, en ce cas, quelle serait la justification à retenir ?

l’objet social des sociétés d’avocat(s) doit-il être limité au strict exercice de la

profession d’avocat, étendu le cas échéant à la réaffectation des bénéfices, ou

peut-il porter sur l’exercice d’autres activités non incompatibles ;

un avocat, personnellement et/ou au travers d’une société, ne pourrait-il pas

appartenir à plusieurs sociétés distinctes et, en ce cas, qu’en serait-il de la règle

de conflit d’intérêts ;

Il est apparu toutefois, au cours du travail réalisé par le groupe, que ces questions sont

également abordées par le projet de modification du Code déontologie actuellement en

discussion au sein de l’assemblée générale de l’OBFG, projet relatif initialement au capital

externe des cabinets d’avocats, mais étendu à une refonte plus générale englobant celle

des articles 4.14 à 4.25 du Code de déontologie.

Sur chaque point, il sera donc également fait référence à la thèse actuellement suivie par

les auteurs du projet de l’OBFG.

* *

*

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1. Les termes « association » et « société » ne devraient-ils pas être

remplacés par la notion générale de « société d’avocat(s) » ?

La réglementation déontologique et son évolution

Jusques là interdite par une tradition non écrite (fondée sur le principe indépendance), la

liberté (assortie de limites strictes quant au nombre d’associés ou à leur qualité) pour les

avocats de constituer entre eux, pour l’exercice de leur activité professionnelle, des

sociétés civiles sans personnalité juridique fut consacrée par un règlement du conseil de

l’Ordre du barreau de Bruxelles du 1er avril 1946. Ce règlement, fort court (3 articles),

visait clairement les sociétés civiles d’avocats constituées dans le cadre de l’ancien article

1832 du Code civil (ne traitant que des sociétés civiles, sans personnalité juridique), mais

recourait exclusivement à la terminologie d’ « associations ». L’exposé des motifs du

règlement fait quant à lui référence au principe de « licéité de l’association d’avocats

constituée sous forme de société civile ». Il y avait donc, dans l’esprit du conseil de

l’Ordre de l’époque, identité entre l’association d’avocats et la société (de droit commun)

d’avocats.

Le 8 mai 1950, le conseil de l’Ordre du barreau de Bruxelles autorisa les avocats à établir

leurs bureaux dans un même immeuble et à s’entendre entre eux en vue d’assurer le

service de leurs cabinets sans mise en commun de clientèle ou exercice de la profession

sous une dénomination commune. Était ainsi né ce qui fut dénommé le « groupement »,

reposant sur une mise en commun de services en vue de partage de frais. Celui-ci n’était

pas assorti des mêmes limites que celles qui avaient été posées quatre ans plus tôt pour

les associations.

Indépendamment de la suppression progressive des limites posées en 1946 à la

constitution des sociétés civiles d’avocats sans personnalité juridique, ces dispositions

furent intégrées dans le règlement d’ordre intérieur de l’Ordre dont la mouture adoptée

le 29 juin 1978, sous le titre « Des associations et groupements d’avocats », distinguait

clairement les associations, constituées sous la forme de sociétés civiles de droit

commun, impliquant un partage de charges et de bénéfices et pouvant adopter une

dénomination sociale, des groupements, supposant exclusivement un partage de frais et

ne pouvant adopter de dénomination sociale spécifique (chaque avocat groupé devait

utiliser soit un papier à lettres personnel ou, s’ils en convenaient tous expressément, un

papier à lettres reprenant exclusivement le nom de tous les avocats groupés).

Les avocats, associés ou groupés, furent ensuite autorisés (par règlement du 20 mai

1980) à constituer des « sociétés de services professionnels », sociétés de moyens,

dotées de la personnalité juridique, n’exerçant pas par elles-mêmes la profession

d’avocat.

Le règlement du 18 octobre 1983 franchit un pas supplémentaire en permettant, en vue

d’exercice de la profession, la constitution de sociétés civiles empruntant une forme

commerciale conformément à l’article 212 des lois coordonnées sur les sociétés

commerciales tel qu’il existait à l’époque. Cette disposition permettait l’acquisition de la

personnalité juridique, tout en préservant le caractère civil de l’objet social.

Le règlement d’ordre intérieur fut ainsi adapté et sa mouture du 20 octobre 1987

abordait ainsi la matière sous le titre « Des associations, sociétés ou groupements

d’avocats ». Le terme association était réservé aux sociétés civiles de droit commun,

sans personnalité juridique, celui de « société » aux sociétés civiles à forme commerciale,

dotées de personnalité juridique ainsi qu’à la société privée à responsabilité limitée

constituée par un seul avocat, et celui de « groupement » aux seules conventions de

partage de frais.

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Le 8 mars 1990, l’Ordre national prit un règlement sur « l’exercice en commun de la

profession d’avocat ». Si, sur le fond, celui-ci était fort proche des dispositions en vigueur

à Bruxelles, il bannissait de son texte tout recours au terme « association », ne faisant

mention que des « sociétés » civiles (de droit commun au sens de l’article 1832 c.c. ou

empruntant la forme de certaines sociétés commerciales) et des « groupements ».

Sans rien changer quant à la notion de « groupement », toujours distincte des autres

formes d’exercice en commun de la profession, le règlement de l’OBFG du 18 juin 2003

en revint quant à lui au seul terme d’ « association », celui-ci couvrant à la fois celui de

société de droit commun et de société civile à forme commerciale.

Enfin, l’OBFG profita de l’adoption du Code de déontologie de l’avocat en 2013 pour

abroger la distinction entre « association » et « groupement », estimant que, sur un plan

juridique, le « groupement » n’était qu’une forme d’association, l’avantage économique

tiré du groupement par ses membres ayant simplement la particularité de naître sous

forme de réduction de frais et non de récolte de bénéfices.

Le terme « association » semble désormais, particulièrement à l’article 4.14 et selon le

titre de la section 2, correspondre au mode générique d’exercice (fut-ce moyennant seul

partage de frais) de la profession en groupe, que ce soit sous forme de société de droit

commun ou sous forme d’une société commerciale.

Toutefois aux articles 4.18, 4.19 et 4.23, le Code de déontologie de l’avocat vise les

« sociétés ou associations » d’avocats comme s’il s’agissait de notions différentes, celui

de « société » visant alors les sociétés civiles à forme commerciale au sens de l’article

4.17, 1er alinéa et celui d’ « association » visant toute autre forme, non dotée de

personnalité juridique, d’organisation avec ou sans partage d’honoraires.

La philosophie des auteurs du projet de l’OBFG

Constatant également que, selon les articles du Code de déontologie, celui-ci recourt au

terme d’ « association » tantôt pour viser toute forme d’exercice en commun de la

profession d’avocat, tantôt pour viser uniquement la société de droit commun, les

auteurs du projet de l’OBFG se proposent d’utiliser le terme « association » pour viser de

façon uniforme toute forme d’exercice en commun de la profession.

En droit

Les notions de « société » et d’« association » doivent être soigneusement

distinguées.

Rappelons que la société :

- est définie à l’art. 1er du Code des sociétés (C.Soc.) comme étant un

contrat entre un ou plusieurs associés, qui mettent en commun espèces,

travail (apport en industrie), ou certains biens (apport en nature), pour

exercer une activité déterminée et en vue de partager le bénéfice qui

découlera de l’activité1 ;

1 Art. 1er, al. 1er : « Une société est constituée par un contrat aux termes duquel deux ou plusieurs personnes mettent

quelque chose en commun, pour exercer une ou plusieurs activités déterminées et dans le but de procurer aux associés un bénéfice patrimonial direct ou indirect ».

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- revêt ou non la personnalité juridique, selon la forme choisie (art. 2, §1er

C.Soc. pour les sociétés dénuées de la personnalité juridique2 et art. 2, §2

pour les sociétés dotées de la personnalité juridique3) ;

- sera qualifiée, en fonction de son objet, de société civile ou de société

commerciale (art. 3, § 2, C.Soc.). Les professions libérales sont

considérées comme des activités civiles (avocats, réviseurs d’entreprises,

médecins, notaires, etc…). La distinction est de moins en moins opérante,

son intérêt étant restreint au droit de la faillite, applicable en l’état actuel du droit, aux seuls commerçants.

L’association :

- est un contrat innommé qui présente de nombreuses caractéristiques

communes avec la société (contrat, entre plusieurs personnes, apport,

activité spécifique) mais qui présente une différence essentielle : l’absence

de volonté d’enrichir les membres de l’association ;

- peut revêtir la personnalité juridique en adoptant la forme d’une ASBL et

en respectant les règles de la loi du 2 mai 2002. Les associations dénuées

de la personnalité juridique sont qualifiées d’associations de fait. Certaines

règles supplétives du Code des Sociétés (dispositions générales) peuvent trouver à s’appliquer à ce type de contrat.

L’usage du terme association paraît dès lors impropre aux contrats conclus entre

avocats, ayant pour objet d’exercer ensemble la profession d’avocats et en vue de procurer aux contractants un bénéfice patrimonial direct ou indirect.

Le droit français n’est pas non plus exempt d’ambiguïté. Ainsi, le décret du 10

avril 1954 (modifié les 27 novembre 1991 et 15 mai 2007), réglemente l’exercice

en commun de la profession sous forme d’Association d’Avocats à Responsabilité

Professionnelle Individuelle (AARPI)4. Il s’agit en réalité d’une société dite « de fait », dénuée de la personnalité juridique.

Le concept d’association, utilisé dans ce contexte, fait écho à la terminologie

ancienne de l’association momentanée et de l’association en participation,

devenues, dans le Code des sociétés de 1999, entré en vigueur en 2001,

respectivement la société momentanée et la société interne. Ces deux entités

sont, à l’instar de la société de droit commun, dénuées de la personnalité juridique.

2 Art. 2, § 1er : « La société de droit commun, la société momentanée et la société interne ne bénéficient pas de la personnalité juridique ». 3 Art. 2 § 2 : « Le présent code reconnaît en tant que société commerciale dotée de la personnalité juridique : - la société en nom collectif, en abrégé SNC; - la société en commandite simple, en abrégé SCS; - la société privée à responsabilité limitée, en abrégé SPRL; - la société coopérative, qui peut être à responsabilité limitée, en abrégé SCRL, ou à responsabilité illimitée, en abrégé SCRI; - la société anonyme, en abrégé SA; - la société en commandite par actions, en abrégé SCA; - le groupement d'intérêt économique, en abrégé GIE ; - la Société européenne, en abrégé SE.] <AR 2004-09-01/30, art. 1, 019; En vigueur : 08-10-2004 ; - la société coopérative européenne, en abrégé : SCE ». 4 Pour un descriptif du régime applicable aux AARPI, voy. Le site du barreau de Paris : http://www.avocatparis.org/lassociation-davocats-responsabilite-professionnelle-individuelle-aarpi

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Soulignons enfin, l’existence d’un ancien projet de loi (belge) sur les sociétés

civiles professionnelles et interprofessionnelles et sur les sociétés civiles de

moyens (projet n° 1108)5. Les commentaires du professeur Van Ommeslaghe

mettent en exergue les difficultés légales et professionnelles à faire émerger un régime unifié des sociétés professionnelles et interprofessionnelles.

Le projet 1108 présente les principales caractéristiques suivantes :

- pas de création, comme en France ou en Allemagne, d’un nouveau type de société, mais recours aux formes sociales existantes ;

- possibilité de constituer :

o des sociétés régies (nb : à l’époque) par le droit civil, càd sans personnalité juridique (qualifiées d’associations de fait);

o des sociétés de moyens, en vue de « faciliter » l’exercice de l’activité, ce sous forme d’une SNC, d’une SC ou d’une SPRL ;

o des sociétés civiles professionnelles, sous forme de SNC, SC ou

SPRL ;

o des sociétés interprofessionnelles (pour autant qu’elles soient compatibles avec la réglementation de leur profession ;

- chaque professionnel ne peut être membre que d’une seule société de droit belge exerçant la profession ;

- les autres de formes de sociétés ne peuvent être utilisées ;

- système réservé aux professions organisées ou réglementées ;

- exclusion de la SA, « à forte coloration commerciale »;

- exclusion de la société en commandite;

- exercice de la profession par la société professionnelle elle-même (dans les cas prévus par A.R.) ;

- pouvoir disciplinaire exercé à l’égard de la société et de ses associés ;

- responsabilité professionnelle personnelle des associés.

Suggestion du groupe de travail

De manière à clarifier définitivement la réglementation déontologique et à recourir à une

terminologie correspondant à celle qui est usuellement utilisée en droit, le groupe de

travail suggère de n’avoir désormais plus recours qu’au terme de « sociétés d’avocat(s) »

en distinguant les sociétés d’une personne (qui ne recouvrent en soi aucun mode

d’exercice en commun de la profession) et les sociétés constituées par plusieurs avocats,

avec ou sans personnalité juridique.

Cela rejoindrait les préoccupations des auteurs du projet de l’OBFG, tout en aboutissant à

un autre choix terminologique, plus conforme à la terminologie juridique.

Si cette suggestion est suivie, les articles 4.14, 4.18, 4.19, 4.22 et 4.23 du Code de

déontologie, le titre de la section 2 du chapitre 4 du même Code, ainsi que l’article 4.3.1

du ROI devront être adaptés.

5 Projet de loi n° 1108, Doc. Parl. De la Chambre, session 1984-1985. Cons. l’excellente étude sur le sujet de P. Van Ommeslaghe, Les sociétés coopératives, les sociétés civiles professionnelles et interprofessionnelles et les sociétés de moyens, in Les sociétés commerciales, Ed° du jeune barreau, 1985, p. 349 à 388.

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2. Faut-il maintenir l’interdiction de donner à une société d’avocat la forme

d’une société anonyme voire celle d’une société en commandite (simple

ou par actions) ?

La réglementation déontologique et son évolution

Les règles actuellement en vigueur figurent à l’article 4.17, alinéa 1er du Code de

déontologie de l’avocat qui dispose que tout avocat peut constituer une société civile à

forme commerciale au sens du Code des sociétés « à l’exception de la société anonyme

et de la société en commandite ».

Cette restriction a existé dès l’origine, le règlement du 18 octobre 1983 prévoyant que la

forme commerciale empruntée ne peut être celle de la société anonyme ou de la société

en commandite simple ou par actions.

L’exposé des motifs du règlement indique que cette exclusion est imposée tant par la

tradition de l’Ordre que par les règles de délicatesse. Il ne dit rien d’autre, mais il semble

que l’élément central tient à l’anonymat de la société anonyme et de la société en

commandite par actions et à la libre transmission des actions qui en est la conséquence.

Cette exclusion, parfois présentée indirectement (ainsi le ROI du 20 octobre 1987 ou le

règlement de l’Ordre national du 8 mars 1990 mentionnent que les avocats peuvent créer

une société civile empruntant la forme d’une société en nom collectif, d’une société

coopérative ou d’une société privée à responsabilité limitée), s’est maintenue jusqu’ici.

La philosophie des auteurs du projet de l’OBFG

Le projet de l’OBFG supprime l’interdiction de constituer une association (société)

d’avocats sous la forme d’une société en commandite simple.

Le motif est lié à l’autre aspect du projet de l’OBFG, en l’occurrence l’ouverture (limitée)

au capital de tiers. Si l’interdiction d’une société en commandite simple est justifiée tant

que le capital externe est interdit, elle ne l’est plus dans le cas inverse. Au contraire, la

société en commandite simple pourrait à ce moment apparaître comme l’une des formes

les plus appropriées pour éviter que les bailleurs de fonds non-avocats s’immiscent dans

la gestion de l’association.

Le projet maintient en revanche l’interdiction de la société anonyme et de la société en

commandite par actions dès lors que ces sociétés n’ont d’intérêt que pour assurer la lire

transmission des actions.

En droit

Le choix de la forme sociale est sans influence sur son objet, civil ou commercial. Rien en

droit ne permet a priori de proscrire le recours à la société anonyme (SA) ou à une forme

de société en commandite (simple ou par actions).

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Mis à part l’argument de la « coloration commerciale » de ces sociétés, il se peut, à

l’usage, que certaines règles spécifiques du Code des sociétés aient un effet contraire à

la lettre ou à l’esprit des règles qui gouvernent l’activité en commun des avocats.

La SA présente en effet certaines caractéristiques qu’il convient de rappeler, parmi

lesquelles (i) la possibilité de créer des actions dématérialisées (et d’assurer l’anonymat

de l’actionnariat); (ii) la libre cessibilité de principe des actions, (iii) l’obligation de

nommer trois administrateurs (si la société compte plus de deux actionnaires), tous

révocables ad nutum. Il est possible d’aménager, par voie statutaire, les points visés

sous (i) et (ii) et donc de déroger à l’anonymat de l’actionnariat ainsi qu’à la libre

cessibilité des actions.

La société en commandite simple (SCS) présente la caractéristique principale d’être

composée de deux types d’associés : les associés commanditaires et les associés

commandités. Les premiers n’engagent que leur mise de fonds initiale, alors que les

seconds sont solidairement responsables des engagements de la société.

La société en commandite par actions (SCA) présente les mêmes caractéristiques que la

SCS outre (i) la possibilité, comme en SA, de créer des actions dématérialisées pour les

commanditaires et (ii) le droit de veto du commandité sur les décisions des

commanditaires.

Observations du groupe de travail

A propos de la SA

Compte tenu des règles régissant aujourd’hui les sociétés anonymes (SA), le groupe de

travail ne voit plus de raison tendant à les exclure a priori des formes qui pourraient être

empruntées par les avocats désirant s’associer.

Toutefois, indépendamment de l’application de l’ensemble des règles régissant le recours

à une société dotée de la personnalité juridique, il y aurait lieu de prévoir que les avocats

faisant choix de la SA doivent veiller au respect de certaines règles à intégrer dans les

statuts de la société.

Moyennant l’obligation de n’émettre que des actions nominatives et d’obliger les associés

à insérer dans les statuts de la SA un régime de restrictions des cessions d’actions

(insertion des clauses d’agrément et de préemption), le recours à la SA devrait être

ouvert aux avocats.

A propos de la SCS

Comme exposé ci-avant à propos du projet de l’OBFG, la SCS pourrait constituer un

véhicule juridique intéressant dans le cadre de la participation de tiers au capital.

Sous réserve en effet d’un examen plus détaillé, la SCS permet avantageusement de

dissocier la participation dans le capital (par des tiers) et la gestion (par des avocats),

sans immixtion des premiers dans la gestion des seconds.

Hors cette hypothèse spécifique, le groupe de travail est cependant plus réservé.

Les deux formes des sociétés en commandite (SCS et SCA) présentent en effet des

inconvénients majeurs. Ainsi, la différence de régime applicable aux associés

commanditaire(s), d’une part et commandité(s), d’autre part, ne trouve pas de

justification raisonnable dans un contexte de société professionnelle d’avocats.

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La distorsion de régime qu’elle instaure pourrait devenir la cause d’un contentieux

nouveau entre associés.

Ajoutons que le recours à la société en commandite constitue en outre un risque accru

d’exposition des associés commandités en cas de faillite de la société (risque qui pourrait

se matérialiser dans un avenir proche si le Code de droit économique devait soumette les

sociétés civiles au droit de la faillite). Cet argument est cependant à manier avec

prudence et doit s’inscrire dans une réflexion plus vaste sur les risques de défaillance

financière des sociétés d’avocats (et des avocats en général). La réflexion devrait inclure,

par identité de motifs, la société en nom collectif.

3. L’objet social des sociétés d’avocat(s) doit-il être limité au strict exercice

de la profession d’avocat, étendu le cas échéant à la réaffectation des

bénéfices, ou peut-il porter sur l’exercice d’autres activités non

incompatibles ?

Réglementation déontologique

L’on sait que, d’un point de vue déontologique, la matière des incompatibilités a

fortement évolué au cours de ces dernières années.

Si les dispositions légales n’ont pas été modifiées et si l’article 437 du Code judiciaire

indiquait (et indique toujours) que les « emplois et activités rémunérés, publics ou privés

sont incompatibles avec la profession d’avocat « à moins qu’ils ne mettent en péril ni

l’indépendance, ni la dignité du barreau », l’attitude des Ordres vis-à-vis des activités

menées « hors barreau » par un avocat s’est profondément assouplie.

Alors que, dans le passé, les emplois et activités rémunérés, publics ou privés, étaient,

sauf exception, jugés incompatibles, il est sans doute permis aujourd’hui de dire que

c’est l’inverse qui prévaut.

Le règlement de l’OBFG du 21 février 2005, repris aux articles 2.1 et suivants du Code de

déontologie de l’avocat, impose d’ailleurs aux conseils de l’Ordre d’apprécier si l’activité

considérée met concrètement en péril l’indépendance de l’avocat ou la dignité du

barreau.

Ne restent clairement incompatibles que les activités mentionnées aux points 1° à 3° de

l’article 437 du Code judiciaire (magistrat effectif, greffier et agent de l’Etat, notaire et

huissier et activités commerciales) ainsi que, selon l’article 2.3 du Code de déontologie

de l’avocat, certaines activités comme celles de juriste d’entreprise, conseiller fiscal ou

juridique et celles qui sont susceptibles d’être exercées par un avocat en sa qualité

d’avocat.

L’avocat exerçant sa profession d’avocat en personne physique peut ainsi exercer de

nombreuses activités distinctes de sa profession d’avocat.

Qu’en est-il de l’avocat qui exerce sa profession d’avocat sous le couvert d’une société

(unipersonnelle ou non) dotée de la personnalité juridique.

Si, bien entendu, rien ne lui interdit d’exercer en ce cas une activité distincte en

personne physique ou sous le couvert d’une personnalité morale distincte, pourrait-il

exercer pareille activité distincte sous le couvert de sa société d’avocat dont l’objet social

serait élargi à l’exercice de cette activité distincte de la profession d’avocat ?

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Certaines demandes sont adressées à l’Ordre en ce sens.

Actuellement, les textes ne permettent certainement pas d’y faire droit s’agissant d’une

société non-unipersonnelle.

L’article 4.14 alinéa 1er du Code de déontologie de l’avocat permet aux avocats de

s’associer avec d’autres « pour l’exercice en commun de la profession », ce qui semble

exclure de l’association ou société formée par plusieurs avocats toute activité étrangère à

la profession.

En outre, l’article 4.19 impose à toute association ou société d’avocats de compléter la

dénomination sociale par la mention « association d’avocats » ou « société civile

d’avocats », ce qui suppose un objet social limité à l’exercice de cette profession.

La question est plus délicate pour les sociétés unipersonnelles.

La référence à l’exercice de la profession d’avocat ne figure pas à l’alinéa 2 de l’article

4.14 qui dispose simplement que l’avocat « peut également constituer une société privée

à responsabilité limitée ».

Il n’est, d’autre part, pas certain que l’article 4.19 concerne également les sociétés

unipersonnelles. La mention devant venir compléter la dénomination sociale fait usage du

terme « avocats » au pluriel et l’article 4.19 ne comporte aucune disposition du type de

celle qui figure à l’article 4.20 (« La présente disposition s’applique également à l’avocat

ayant constitué une société privée à responsabilité unipersonnelle »).

En revanche, cet article 4.20, qui s’applique donc expressément aux sociétés

unipersonnelles, prévoit que les statuts de la société à forme commerciale doivent

répondre au prescrit de l’article 4.19.

Les rares textes déontologiques ayant visé le cas des sociétés personnelles

antérieurement à l’adoption du Code de déontologie ne permettent pas de trancher la

question.

Toutefois, dans la logique de cette interprétation, les sociétés unipersonnelles d’avocat

devraient donc elles aussi compléter leur dénomination sociale des mentions reprises à

l’article 4.19 et donc de ce qu’elles sont une société d’avocat, ce qui du même coup

prohiberait l’exercice par ce biais, d’une autre activité que celle d’avocat : aux termes de

l’article 2.6 du Code de déontologie, « l’avocat ne fait pas usage, dans le cadre de ses

autres activités professionnelles, de son titre d’avocat ».

La philosophie des auteurs du projet de l’OBFG

Dans leur commentaire des articles, les auteurs du projet de l’OBFG n’abordent pas

spécifiquement cette question.

En revanche, le projet modifie légèrement le texte actuel de l’alinéa 2 de l’article 4.14 du

Code de déontologie, devenant le § 2 de cet article, et indique que « Tout avocat peut

également constituer une société privée à responsabilité limitée unipersonnelle pour

l’exercice de sa profession ».

Cette formulation supprime la controverse dont il est fait état ci-dessus et interdit à

l’avocat de constituer une sprlu dont l’objet serait plus large que le seul exercice de sa

profession d’avocat.

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Implicitement, le projet de l’OBFG se range donc en faveur de l’objet social limité de

toute association (société) d’avocats.

En droit

Alors que l’activité d’une personne physique est illimitée par nature, celle d’une personne

morale est bornée par la loi ainsi et par ses statuts : la loi exige que les statuts

désignent l’objet social que celle-ci compte poursuivre (art. 69, 11° C.Soc.).

Cette obligation remplit une double fonction essentielle : elle permet de déterminer la

nature (civile, commerciale ou mixte) de la société ainsi que de délimiter les activités

rentrant dans son champ d’action.

Les fondateurs disposent d’une liberté très large quant au choix des différentes activités

qu’ils comptent entreprendre au sein de leur structure juridique commune6, à condition

de :

- poursuivre un but lucratif (art. 1 C.Soc.) et - d’avoir un objet licite et conforme à l’ordre public (art. 19 C.Soc.) 7.

Bien que l’objet social doive être spécial (spécialité statutaire), il peut être conçu de

façon large, de manière à ne pas entraver des opérations qui pourraient s’avérer

avantageuses pour la société8, de plus, ce caractère spécifique ne l’empêche pas d’être

multiple lorsqu’aucune réglementation particulière portant sur l’activité dont il est

question ne le proscrit.

Cependant, en poursuivant un objet social statutaire comportant tant des actes de nature

civile que de nature commerciale, la société acquiert un caractère mixte. Il faudra alors

déterminer laquelle des activités est prépondérante afin de déterminer la nature de la

société et donc le régime applicable à ses actes9.

Notons une nouvelle fois que cette distinction entre activités civiles et commerciales,

dans le sillage du code de droit économique, tend à s’estomper voire à disparaitre au

profit de la catégorie globalisante des « entreprises poursuivant un but économique »

(art. I, 1,1° du Code de droit économique).

Observations du groupe de travail

La question de l’objet social des sociétés d’avocat(s) est éminemment délicate.

Les modèles de statuts mis par l’Ordre à la disposition des avocats, précisent

actuellement que la société (ici la SPRL) « peut entreprendre, soit seule, soit avec

d’autres, directement ou indirectement, pour son compte ou pour compte de tiers, toutes

6 Ch, RESTEAU, Traité des sociétés coopératives, Larcier, 1936, p.52. 7 B.VOGLET, « SA, SPRL et SCRL – Aspects théoriques en relation avec les statuts » in « Droit des sociétés commerciales » livre 7, Kluwer, 2006, p. 423. 8 P. HAINAUT-HAMENDE, G.RAUCQ, « Les sociétés anonymes », Larcier, 2005, p. 290. 9 Ibidem, p. 292-296.

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opérations mobilières, immobilières ou financières se rattachant directement ou

indirectement à l'exercice de la profession, ou pouvant contribuer à son

développement ». Mais le commentaire précise que « l'objet social, comme dans toute

société, doit être précis. Il doit aussi être limité à l'exercice de la profession d'avocat,

dans le respect des règles déontologiques. Ainsi, ne pourraient être admises les clauses

classiques prévoyant que la société peut s'intéresser par toutes voies dans toutes

sociétés, associations ou entreprises ayant un objet similaire ou connexe. Le conseil de

l'Ordre, lors de sa séance du 24 mars 1998, a refusé qu'une s.p.r.l.u. d'avocat puisse se

porter garante des engagements de l'avocat pour une partie de prêt concernant son

domicile privé ».

Les projets de statuts établis par la plupart des notaires vont déjà au-delà, en incluant

dans l’objet social, des activités traditionnellement admises comme relevant du

« périmètre » de la profession : médiateur, arbitre, enseignant, auteur. Ils prévoient

également la possibilité pour la société de procéder à des acquisitions mobilières ou

immobilières en rapport avec son objet social.

Faut-il aller plus loin ? Doit-on permettre qu’au travers de leur société professionnelle,

des avocats fassent l’acquisition d’un patrimoine immobilier et le gèrent ? L’interdire par

principe n’irait-il pas à l’encontre d’une certaine liberté de réaffectation des bénéfices

dégagés par l’activité professionnelle ?

Les règles déontologiques applicables en matière de sociétés d’avocat(s) doivent-elles

anticiper un futur élargissement du périmètre de la profession ou au contraire s’y adapter

alors ?

A l’inverse, une trop grande latitude dans l’objet social de leurs sociétés professionnelles

pourrait exposer les avocats au risque d’une disqualification de leur société civile en

société commerciale, avec tous les risques que cela implique, notamment au regard du

secret professionnel. Une confusion pourrait également naître, dans l’esprit des tiers, si

l’activité d’avocat n’est que l’une de celles qui sont exercées au travers de la société.

4. Un avocat, personnellement et/ou au travers d’une société, ne pourrait-il

pas appartenir à plusieurs sociétés distinctes et, en ce cas, qu’en serait-il

de la règle de conflit d’intérêts ?

Réglementation déontologique

Le dernier alinéa de l’article 4.14 du Code de déontologie de l’avocat, reproduisant (sous

réserve de ce qu’il n’y est plus fait mention d’ « association et groupement » mais

uniquement d’ « association » (cf. supra point 1) le second alinéa de l’article 1er du

règlement de l’OBFG du 18 juin 2003, dispose que « Aucun avocat ne peut faire partie de

plus d’une association ayant pour objet l’exercice en commun de la profession d’avocat,

sans préjudice de l’appartenance de celle-ci à une entité plus large ».

Cette interdiction d’appartenance à plusieurs associations ou sociétés (exception faite de

la formule des poupées russes) est traditionnelle au sein du barreau de Bruxelles.

Elle était déjà mentionnée dans le règlement du 1er avril 1946 sous la formule plus

concise « Aucun avocat ne peut appartenir en même temps à plusieurs associations » et

fut reprise dans les moutures successives du règlement d’ordre intérieur de l’Ordre, mais

non dans le texte du règlement de l’Ordre national du 8 mars 1990.

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Assez étonnamment toutefois, le fort complet exposé des motifs du règlement du 1er avril

1946 ne donne pas d’explications quant à la raison d’être de cette interdiction.

Insérée dans l’article 1er de ce règlement, lequel contient à la fois le principe de la liberté

d’association, mais également les restrictions imposées par la prudence dont l’Ordre

voulait faire preuve à l’époque (et dont la plupart d’entre elles ont été supprimées depuis

lors), alors que les articles 2 et 3 contenaient des règles plus fondamentales, cette

restriction n’était peut-être pas considérée comme tenant à l’essence même de notre

déontologie.

Tout en se maintenant dans les moutures successives du règlement d’ordre intérieur,

l’interdiction de faire partie de plusieurs associations s’accompagna de l’interdiction

d’avoir un cabinet à un autre endroit qu’au siège de l’association. Si l’on doit voir la

justification de l’interdiction de faire partie de plus d’une association dans le principe de

l’unicité du cabinet, il s’agirait d’une raison supplémentaire de croire en le caractère

circonstanciel de l’unicité de l’association puisque, depuis lors, le principe de l’unicité du

cabinet a été abandonné par le barreau.

La philosophie des auteurs du projet de l’OBFG

Le projet de l’OBFG maintient l’interdiction de faire partie de plus d’une association

(société) d’avocats et, en quelque sorte, la renforce en en précisant les contours.

Certains membres du groupe de travail de l’OBFG avaient en effet souhaité préciser

qu’un avocat ne peut être membre d’une association à titre individuel et d’une autre au

travers de sa société unipersonnelle.

Le texte actuel du projet, dont la formulation a été modifiée à l’occasion de la sa dernière

présentation, prévoit ainsi qu’un avocat ne peut faire partie de plus d’une association,

« ni à la fois faire partie d’une telle association ou d’une société privée à responsabilité

limitée unipersonnelle et exercer son activité à titre personnel ».

Observations du groupe de travail

Si la participation d’un avocat à plusieurs associations ne paraît pas en soi s’opposer à un

principe fondamental de la profession d’avocat, ce qui pourrait justifier l’abandon de

l’interdiction, il est cependant essentiel d’en apprécier les conséquences sur le plan du

traitement des conflits d’intérêts.

L’article 4.16 du Code de déontologie de l’avocat dispose à titre de principe que les

avocats exerçant leurs activités en utilisant la même organisation ou structure matérielle

tel l’accès commun des locaux, ou dont le nom figure sur un même papier à en-tête, sont

soumis entre eux aux mêmes règles de conflit d’intérêts et d’incompatibilités que l’avocat

exerçant individuellement sa profession.

Cette règle est fondamentale et figure d’ailleurs également à l’article 3.2.4 du Code de

déontologie des avocats européens qui disposent que lorsque l’avocat exerce la

profession en groupe, les règles de conflits d’intérêts sont applicables au groupe dans son

ensemble et à tous ses membres.

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Si l’on tolère la participation de l’avocat à plusieurs groupes d’exercice en commun de la

profession, une application stricte de cette règle serait de nature à générer rapidement

l’existence de multiples conflits.

Prenons en effet le cas de deux avocats s’associant entre eux, l’avocat A faisant partie de

la société X et l’avocat B de la société Y. Il ne fait pas de doute que l’avocat A ne pourrait

devenir l’adversaire d’aucun avocat de la société Y, ni que l’avocat B ne pourrait le

devenir d’un avocat de la société X.

Si cela peut devenir gênant, la situation deviendrait inextricable si, en outre, l’on devait

considérer qu’aucun avocat de la société X ne pourrait devenir l’adversaire d’un avocat

de la société Y et vice-versa. Il n’est toutefois pas certain que l’on doive tirer cette

conséquence de la constitution d’une société entre les avocats A et B. Certains en effet

estiment, en comparant cette hypothèse à celle où les avocats A et B ne seraient pas

associés, mais mariés entre eux, qu’il est impensable que la règle de conflits puisse

s’étendre en ce cas à l’ensemble des deux associations l’une vis-à-vis de l’autre.

C’est en tout état de cause sous cet angle des conséquences de la participation d’un

avocat à plusieurs sociétés que la réflexion devrait être menée par le conseil de l’Ordre.

Bruxelles, le 14 mai 2016

Michel VLIES Patrick DE WOLF Geoffroy CRUYSMANS