RÉUSSIR L'ÉCOLE

ESSAI

Tous droits de reproduction, de traduction et d'adaptation réservés pour tous pays.

© Messidor/Éditions sociales, Paris, 1991. ISBN : 2-209-06270-5

Annette et Jean Gallot

RÉUSSIR L 'ÉCOLE

Démocratiser la réussite

Messidor/Éditions sociales

INTRODUCTION

Comment s'y retrouver dans le débat permanent sur l'école et la formation des jeunes ? Comment s'y retrouver en faisant la part des arrière-pensées politiques, de la pression des intérêts économiques, des attitudes conservatri- ces et des nécessaires adaptations du système éducatif ?

Parmi l'abondante production accumulée depuis ne serait-ce qu'une dizaine d'années, seules les déclarations officielles, les articles et reportages de presse, les émissions thématiques « grand public » sont vraiment parvenus à la connaissance d'un nombre important de jeunes, de parents et d'enseignants qui vivent le système, ses tensions, ses problèmes, ses espoirs à travers leur expérience individuelle et, pour une minorité, à travers leur expérience de militants.

Or les problèmes de l'école sont devenus les problèmes de tous : à l'heure actuelle un Français sur quatre est un jeune scolarisé.

C'est que l'un des grands changements de la décennie quatre-vingt, à l'origine des mutations actuelles du système éducatif, c'est la formidable montée de la demande d'éduca- tion de la part des jeunes écartés jusqu'ici du bac et des formations supérieures.

Le système scolaire a réagi, au moins quantitativement, à cette demande forte et, après la phase de scolarisation de masse des années soixante et soixante-dix dans les collèges, la scolarisation de masse gagne les lycées et le flot montant d'un public scolaire diversifié, à l'image de la société elle-même, atteint maintenant l'Université.

Or, malgré cette puissante poussée de la scolarisation des lycéens et des étudiants, l'inégalité sociale est toujours à l'œuvre au sein de l'école.

Comment comprendre ce paradoxe ? C'est un problème majeur car, à l'heure actuelle, les jeunes risquent leur avenir à l'école : dans la logique économique actuelle, ils sont placés devant l'alternative de réussir et d'avoir une chance de s'insérer dans la société ou d'échouer et d'être exclus de l'école et de la société. Du coup, les obstacles, les inégalités, les échecs qu'ils y subissent apparaissent insupportables à beaucoup.

En conséquence, le système éducatif — médiateur essen- tiel de la réussite — est au cœur de sollicitations et d'affrontements sociaux de grande ampleur, en même temps qu'il est l'objet de campagnes de dénigrement insistantes.

Pourtant, sans l'ombre d'un doute, l'épreuve à laquelle sont confrontés les jeunes, du fait de la radicalisation des enjeux scolaires, n'est pas de la responsabilité première de cette institution.

Pour y voir clair dans cette période conflictuelle et de grandes transformations, les grands repères traditionnels du débat sur l'école en France ne sont plus opératoires. En effet, les mutations de l'école se situent, c'est mainte- nant évident pour tous, dans le contexte plus large des transformations de la production et des services, où modernisation se conjugue avec besoin de qualification mais de plus en plus aussi avec précarité et chômage.

D'autre part, le cadre même des transformations du système éducatif a évolué, ce qui fait surgir des problèmes nouveaux : on vient de passer en quelques années d'un régime de centralisation de l'Etat à un partage de responsa- bilités entre Etat, régions, départements, donc à un partage des décisions essentielles concernant l'avenir des formations

et l'implantation des nouveaux lycées ou des nouvelles universités.

Pendant cette décennie où se sont précipitées les transfor- mations du système, aggravés ses tensions et ses dysfonc- tionnements, l'un d'entre nous s'est vu confier par Alain Savary, ministre de l'Education nationale, un poste de recteur. Il s'est trouvé ainsi être le seul recteur membre du Parti communiste. De ce fait, nous avons été témoins et acteurs, comme bien d'autres, du grand souffle qui a traversé le système éducatif au début de cette période, de façon foisonnante et un peu désordonnée certes, mais non sans traces durables dans les mémoires.

Dans l'académie de Besançon puis dans celle d'Amiens jusqu'à fin 1986, nous avons pu mesurer d'une part l'ampleur et la complexité des mécanismes du système éducatif en tant que service public de l'Etat et d'autre part ses attaches — peu visibles de l'extérieur mais solides — avec les pouvoirs locaux et économiques.

Nous avons pris conscience des blocages mais aussi des capacités créatives de cet immense corps multiforme dont les différentes parties ne communiquent que difficilement : monde des écoles, monde des collèges, monde des lycées d'enseignement général, monde du technique et du profes- sionnel, monde de l'Université et de la recherche, si typés et si éloignés !

C'est à cette époque que nous avons personnellement fait des découvertes étonnantes ; le système dans lequel nous vivions depuis si longtemps, nous ne le connaissions pas.

Enfants d'instituteurs, militants laïques en leur temps, pour nous l'école et le système scolaire français c'était globalement l'image de la démocratie, même s'il avait été modelé pour partie par des réformes que nous avions combattues. Et nous découvrions que le système secondaire et supérieur français est inégalitaire à un point que nous ne soupçonnions pas !

Mais que de travaux de la part de chercheurs français notamment, sociologues, statisticiens, historiens, géogra- phes, philosophes..., consacrés depuis des années à l'éduca-

tion, s'offrent à nous pour mieux comprendre le fonction- nement de l'école, ses mécanismes, son évolution récente.

Et ces acquis précieux ne sont connus que d'un milieu restreint, ils restent ignorés du grand public et de la grande majorité des acteurs du système éducatif, ignorés ou plutôt occultés tant leur contenu touche à des enjeux décisifs pour la société.

L'école est en pleine transformation : ses nouvelles structures, son nouveau visage se jouent en ce moment au cours des années quatre-vingt-dix.

Être lucide actuellement dans l'analyse des enjeux scolai- res, trouver des repères efficaces pour agir suppose une connaissance précise des mécanismes scolaires.

C'est une telle connaissance, en constant progrès, dont nous nous sommes nourris dans les ouvrages dont le lecteur trouvera trace au fil des pages. Nous espérons, à défaut de proposer une recette miracle à laquelle nous ne croyons pas, avoir transmis de ces œuvres des éléments importants permettant à chacun de prendre mieux part aux transforma- tions nécessaires de l'école.

1

ENSEIGNEMENT DE MASSE

ET DÉMOCRATISATION

L'école française s'est profondément transformée depuis quarante-cinq ans. Dans chaque famille française est inscrite cette « mue » rapide du système éducatif.

En effet, les jeunes des années quatre-vingt et quatre- vingt-dix font pour la très grande majorité d'entre eux des études secondaires et les poursuivent au-delà de seize ans (âge de la scolarité obligatoire depuis 1971).

En effet, après le CM2, ils entrent pratiquement tous au collège, puis leurs itinéraires bifurquent, soit vers le lycée professionnel pour préparer un CAP, un BEP, et depuis peu un bac professionnel ; soit vers le lycée où ils préparent le bac général ou technique.

La plupart des bacheliers (40 % de la classe d'âge) tiennent à poursuivre des études supérieures. Chaque année, néanmoins, près de 200 000 jeunes sortent sans formation des établissements scolaires.

Mais, dans leur famille même, subsiste, encore bien présent pour chacune des générations qui la composent, le souvenir des itinéraires scolaires et des établissements d'hier.

Les grands-parents des jeunes qui sont aujourd'hui à

l'école connurent, sous le Front populaire, la prolongation de la scolarité obligatoire jusqu'à quatorze a n s .

Enfants des milieux populaires ou des classes moyennes, ils arrêtèrent généralement leurs études à cet âge pour travailler ; une minorité d'entre eux seulement accédèrent à l'enseignement primaire supérieur ou aux diverses écoles assurant une formation professionnelle. Quant aux privilé- giés qui eurent accès aux lycées et collèges conduisant au baccalauréat et à l'Université, ils appartenaient à peu près tous aux milieux aisés ou aux classes moyennes intellectuelles.

Les parents de nos jeunes des années quatre-vingt- quatre-vingt-dix connurent en tant qu'élèves ou lycéens l'« explosion scolaire » d'après-guerre, puis les grandes transformations du système d'enseignement secondaire qui visaient à donner un cadre à cette formidable poussée.

Grosso modo, un sur quatre d'entre eux est sorti de l'école à quatorze ans pour entrer dans la vie active. D'autres pouvaient espérer entrer au collège d'enseignement technique pour y préparer un CAP.

Bien que leur nombre eût beaucoup augmenté, les lycéens — classiques, modernes ou techniques — n'étaient encore qu'une partie très restreinte de la classe d'âge. Les étu- diants, en nombre rapidement croissant, ne formaient pourtant toujours qu'une étroite minorité.

Ces quelques données, comparées à l'état actuel de la scolarisation des jeunes Français, permettent de saisir les énormes écarts entre les expériences scolaires dont sont porteurs dans la plupart des cas les membres d'une même famille.

Et chacun d'eux porte également en soi une mémoire particulière des tensions et des luttes politiques à travers lesquelles s'est exprimée à chaque époque l'irrépressible aspiration populaire à l'ouverture à tous du système d'éducation et de formation.

Une aspiration à la démocratisation de l'éducation telle, depuis les années d'après-guerre et le retentissement du

1. Antoine Prost, Histoire de l'enseignement en France (1800-1967), Armand-Colin, 1970.

p l a n L a n g e v i n - W a l l o n e n 1947, q u e les r é f o r m e s g o u v e r n e - m e n t a l e s s ' e n r é c l a m e n t t o u t e s a u n i v e a u des p r é a m b u l e s

e t des d i s c o u r s .

O r c ' e s t j u s t e m e n t s e l o n ce c r i t è re d e la d é m o c r a t i s a t i o n

q u e l ' o n d o i t a p p r é c i e r les t r a n s f o r m a t i o n s p r o f o n d e s d e

l ' é c o l e e n F r a n c e d e p u i s q u a r a n t e - c i n q a n s .

L a n a i s s a n c e d ' u n v é r i t a b l e sy s t ème d ' e n s e i g n e m e n t

s e c o n d a i r e , les p r o g r è s c o n s i d é r a b l e s d e la s c o l a r i s a t i o n

ont - i l s v r a i m e n t m a r q u é l ' a v è n e m e n t d ' u n e éco le d é m o c r a -

t i q u e ?

A v a n t d e r é p o n d r e à ce t t e q u e s t i o n , p r e n o n s la m e s u r e d e la m o n t é e d e la s c o l a r i s a t i o n a u c o u r s d e s q u a r a n t e -

c i n q d e r n i è r e s a n n é e s .

Après la Libération, la France connaît une phase de croissance de la scolarisation sans précédent. De 1945 au début des années soixante, les effectifs des cours complémentaires sont multipliés par cinq, ceux des lycées doublent, le nombre des bacheliers passe de 29 000 à 97 000 en 1964, tandis que le nombre d'étudiants est lui aussi doublé. Cette explosion scolaire, qui ne peut s'expli- quer par le redressement démographique de l'après-guerre, exprime une profonde demande sociale qui se poursuivra sans faiblir jusqu'à aujourd'hui.

Ainsi après 1960, l'expansion de la scolarisation continue à se manifester fortement à tous les niveaux d'enseigne- ment, de la maternelle à l'Université, sauf à l'école primaire où la totalité des générations est scolarisée depuis longtemps.

1. Antoine Prost, Histoire de l'enseignement en France (1800-1967), Armand-Colin, 1970.

En maternelle, elle est marquée par le progrès de la scolarisation des enfants de quatre et trois ans.

Au début des années 1960, 78 % des enfants de quatre ans étaient scolarisés et un tiers des enfants de trois ans.

Vingt ans plus tard, à la fin des années soixante-dix, la scolarisation des enfants de quatre ans est réalisée et celle des trois ans atteint 90% ; elle a donc triplé. Pendant la même période, le nombre de maternelles a augmenté considérablement (+ 68 % de 1970 à 1980).1

Actuellement, la scolarisation des enfants de trois ans est en cours d'achèvement (plus de 98 % en 1989-90). Par contre, le taux de scolarisation des enfants de deux ans qui avait doublé au cours des années 1970, passant de 17,9 % à plus de 35,5 %, connaît une stagnation depuis dix ans : après un recul au milieu de la décennie, il est sensiblement le même à l'heure actuelle qu'en 1981.

Dans le secondaire, la croissance irrésistible des quinze années d'après-guerre se maintient à un rythme encore important de 1960 à la fin de la décennie quatre-vingt.

Des mutations considérables ont affecté d'abord les collèges puis les lycées, donnant naissance à un véritable enseignement de masse dans le secondaire.

La vague montante a d'abord affecté les établissements de premier cycle, c'est-à-dire entre 1965 et 1975 les premiers cycles des lycées, les CES et les CEG.

Le taux de scolarisation en sixième était déjà passé de 28 % en 1950 à 42 % en 1959, les classes de fin d'études scolarisant encore alors, comme nous l'avons dit, la plus grande partie des jeunes jusqu'à quatorze ans.

Or, en 1972, le taux d'accès en sixième atteint 95 %, car les classes de fin d'études ont progressivement disparu ;

1. Jean-Pierre Renard, «Aspects de la pré-scolarité en France », Espaces, populations, société, 1990.1 ; Bernadette Hee, Bruno Liensol, « Les effectifs du premier et du second degré », Education et formations, n° 23,1990.

e n 1975, le n o m b r e des élèves d e col lèges a p lu s q u e d o u b l é

d e p u i s 1960 : il d é p a s s e 3 100 000. O n p e u t d i r e q u e l ' a ccès

a u col lège s ' e s t généra l i sé . E t , d e p u i s ce t t e d a t e , les e f fec t i f s

des col lèges ne v a r i e n t p l u s q u ' e n f o n c t i o n des f l u c t u a t i o n s

d e s g é n é r a t i o n s .

T o u t e f o i s l a p r o g r e s s i o n de ces t a u x d o i t ê t r e re la t iv isée

c a r elle r e c o u v r e d e u x p h é n o m è n e s d i s t inc t s : d ' u n e p a r t ,

u n e réel le e x p a n s i o n d e la s c o l a r i s a t i o n de q u a t o r z e à seize

a n s , q u i f a i t d u p r e m i e r cycle u n e n s e i g n e m e n t d e m a s s e ,

d ' a u t r e p a r t , l a t r a n s f o r m a t i o n des s t r u c t u r e s d ' a c c u e i l

ex i s t an t e s , a v e c le p a s s a g e p r o g r e s s i f e n col lège des é lèves sco la r i sés e n c lasses d e f in d ' é t u d e s .

E t ce r a s s e m b l e m e n t des d i f f é r e n t e s s t r u c t u r e s d ' a c c u e i l

( p r e m i e r cycle des lycées, C E G , C E S , c lasses d e f i n

d ' é t u d e s ) e n u n e s t r u c t u r e u n i q u e p a r l a r é f o r m e F o u c h e t

d e 1963, le co l lège d ' e n s e i g n e m e n t s e c o n d a i r e o u C E S ,

m a i n t i e n t , c o m m e o n le v e r r a , d e g r a n d e s d i s p a r i t é s d e s c o l a r i s a t i o n .

L a p o u s s é e d e la s c o l a r i s a t i o n s ' e s t t r a n s m i s e é g a l e m e n t

de f a ç o n m a s s i v e a u n i v e a u d u s e c o n d cycle .

L ' e n s e i g n e m e n t p r o f e s s i o n n e l , d é v e l o p p é m a s s i v e m e n t

d e p u i s l a L i b é r a t i o n et q u i s ' a v è r e ê t r e l ' u n e des g r a n d e s

o r ig ina l i t é s d u s y s t è m e é d u c a t i f f r a n ç a i s e t l ' u n des a c q u i s

i m p o r t a n t s d e ce t t e p é r i o d e , c o n t i n u e à se d é v e l o p p e r

f o r t e m e n t : de 380 0 0 0 e n 1960, les e f f ec t i f s des c e n t r e s

d ' a p p r e n t i s s a g e d e v e n u s C E T , p u i s L E P (lycée d ' e n s e i g n e -

m e n t p r o f e s s i o n n e l ) , e n f i n L P (lycées p r o f e s s i o n n e l s ) ,

p a s s e n t à 770 0 0 0 e n 1980, p u i s à 711 000 e n 1989.

Q u a n t a u x lycées d ' e n s e i g n e m e n t g é n é r a l e t t e c h n i q u e ,

ils c o m p t a i e n t 420 000 élèves e n 1960 e t p r è s d ' 1 , 5 m i l l i o n

e n 1989. C e t t e c r o i s s a n c e n e s ' e s t p a s e f f e c t u é e régu l iè re -

m e n t ; elle a c o n n u d e u x p é r i o d e s d e p o u s s é e p l u s i n t ense .

L a p r e m i è r e , a u c o u r s des a n n é e s s o i x a n t e , c o r r e s p o n d

a u x p r o g r è s d e l a s c o l a r i s a t i o n d e s j e u n e s d e q u i n z e e t

1. Paul Esquieu, « Démographie scolaire : la mesure des tendances actuelles », Education et formations, numéro spécial, 1988.

seize a n s : les e f fec t i f s des lycées d ' e n s e i g n e m e n t géné ra l e t t e c h n i q u e o n t a l o r s d o u b l é en d i x a n s !

C e b o u l e v e r s e m e n t b r u t a l d e la v ie des lycées, a c c o m p a -

g n é d e m u l t i p l e s p r o b l è m e s d ' a c c u e i l e t d ' e n c a d r e m e n t ,

p e r m e t d e c o m p r e n d r e q u ' i l s f u r e n t e u x auss i a u c œ u r de

l ' e x p l o s i o n d e 1968.

L a c o u r b e des e f f ec t i f s est ensu i t e m o n t é e p lu s l e n t e m e n t

j u s q u ' e n 1985.

P u i s l a d e u x i è m e p o u s s é e , t o u t auss i i n t ense , est celle

q u e n o u s c o n n a i s s o n s a u j o u r d ' h u i : les e f fec t i f s de s e c o n d

cycle s o n t d e n o u v e a u e n c ro i s sance accélérée depu i s 1985,

en r a i s o n d u m o u v e m e n t d e p r o l o n g a t i o n d e fa i t de la s co l a r i t é a u - d e l à d e seize a n s .

E l le a f f e c t e les lycées g é n é r a u x , t e c h n i q u e s e t p r o f e s s i o n -

nels , a ins i q u e l ' e n s e i g n e m e n t s u p é r i e u r , o n le v e r r a p lu s

l o i n : e n 1987, p r è s d e 66 % des j e u n e s d e d ix -sep t a n s

é t a i e n t lycéens , a ins i q u e 40 % des j e u n e s d e d ix -hu i t an s .1

A i n s i , e n t r e 1985 e t 1989, le n o m b r e de lycéens d ' ense i -

g n e m e n t g é n é r a l e t t e c h n i q u e a a u g m e n t é d ' u n q u a r t

p a s s a n t d e 1,2 m i l l i o n à 1,5 m i l l i o n ; e t le t a u x d ' a c c è s e n

s e c o n d e , q u i a v a i t p i é t iné de 1978 à 1984 a u - d e s s o u s d e

4 0 % d e l a c lasse d ' â g e , es t m o n t é r a p i d e m e n t p o u r a t t e i n d r e 50 % e n 1989.

D e m ê m e , le t a u x d ' a c c è s d ' u n e g é n é r a t i o n en t e r m i n a l e

d ' e n s e i g n e m e n t géné ra l , t e c h n i q u e o u p r o f e s s i o n n e l a p r o -

gressé d a n s les m ê m e s p r o p o r t i o n s : de 36,5 % en 1986, il

p a s s e à 50 % e n 1990. C e t t e h a u s s e r a p i d e résu l te à l a fo is

d e l ' a c c è s e n s e c o n d e d ' u n p lu s g r a n d n o m b r e d e j e u n e s e t

d e l a p o u r s u i t e d e l eurs é t u d e s d e la p a r t d ' é l èves de lycées

p r o f e s s i o n n e l s vers le s e c o n d cycle l o n g , v ia les classes d e

p r e m i è r e d ' a d a p t a t i o n , o u vers les b a c p r o f e s s i o n n e l s .

1. Paul Esquieu, « Les progrès de la scolarisation », Education et formations, n° 19, 1989.

É V O L U T I O N D U T A U X D ' A C C È S A N N U E L

A U N I V E A U D U B A C C A L A U R É A T

Source : Repères et références sur l'éducation et la formation. 1990, ministère de l'Éducation nationale.

Enfin ce mouvement se traduit par la progression impressionnante du nombre de bacheliers : en 1960, ils représentaient seulement 11,43 % de la classe d'âge et 26 % en 1980.

Au cours des cinq dernières années, la montée s'est nettement accélérée, à l'image de l'accès en seconde et en terminale : de 253 000 bacheliers représentant 29 % de la classe d'âge en 1985, on passe en 1990 à plus de 384 000 et 44 % de la classe d'âge.

La lecture de ces statistiques inspire plusieurs remarques : on peut y voir d'abord la confirmation des difficultés de « rentrée » et de fonctionnement des lycées vécues sur le terrain, depuis cinq ans surtout ; problèmes de saturation, d'accueil, mais aussi problèmes plus qualitatifs, liés à la transformation rapide du public scolaire. Ensuite, l'inten- sité de la vague montante des lycéens et bacheliers n'est pas sans rappeler la situation des années 1965/1970. Et, de même qu'à cette époque, les nouveaux bacheliers se pressent à l'entrée des établissements d'enseignement supérieur, puisque près de 90 % d'entre eux veulent poursuivre des études supérieures.

Déjà, de 1945 à 1960, les effectifs des universités avaient plus que doublé. Entre 1960 et 1970, ils explosent littéralement passant de 214 000 à 630 000 .

C'est l'époque du doublement du nombre des universités qu'accélèrera le mouvement de mai 1968 : aux côtés des dix-sept anciennes universités sont créés de nouveaux centres en province et dans la périphérie parisienne. C'est aussi l'époque de l'apparition des IUT qui se développent rapidement au cours des années soixante-dix. Le nombre total d'étudiants de l'ensemble de l'enseignement supérieur (Université, classes supérieures des lycées et écoles d'ingé- nieurs dépendant de l'Education nationale) a passé le cap du million en 1985.

Depuis cette date, on assiste à une reprise rapide de la croissance des effectifs des premières années. Et le mouve- ment n'est qu'amorcé : l'enseignement supérieur se retrouve à nouveau, lui aussi, dans la « zone des tempêtes », comme à la fin de la décennie soixante.

On mesure alors l'enjeu des débats actuels sur le baccalauréat et sur l'accès aux premiers et deuxièmes cycles

1. Ministère de l'Education nationale, Repères et références statistiques, 1990.

des un ive r s i t é s , e n j e u q u e n o u s a u r o n s l ' o c c a s i o n d ' a n a l y s e r

p lu s lo in . Voic i d o n c , b r o s s é e s à g r a n d s t r a i t s , les l ignes d e f o r c e

d e l ' e x p a n s i o n d e la s c o l a r i s a t i o n e t d e la c o n s t i t u t i o n

p rog re s s ive d ' u n e n s e i g n e m e n t s e c o n d a i r e e t d ' u n ense igne -

m e n t s u p é r i e u r d e m a s s e e n F r a n c e . A l ' h e u r e ac tue l l e , l ' e n s e m b l e d e s é lèves e t é t u d i a n t s

r e p r é s e n t e 24 ,5 % d e la p o p u l a t i o n f r a n ç a i s e t o t a l e .

L e s g o u v e r n e m e n t s a u p o u v o i r d e p u i s les a n n é e s c in-

q u a n t e n e se s o n t p a s p r ivés d e q u a l i f i e r le p r o g r è s d e s t a u x d e s c o l a r i s a t i o n d e « d é m o c r a t i s a t i o n » d u sy s t ème

d ' é d u c a t i o n : ils o n t c o n s t a m m e n t p r é s e n t é ce t te géné ra l i s a -

t i o n d e l ' a ccès à l ' e n s e i g n e m e n t s e c o n d a i r e c o m m e u n e

d é m o c r a t i s a t i o n a c q u i s e g r âce à l ' a p p l i c a t i o n d e l eurs r é f o r m e s . E t le t e r m e d e d é m o c r a t i s a t i o n est c o u r a m m e n t

e m p l o y é p a r l ' e n s e m b l e d e s m é d i a s p o u r d é s i g n e r ce

m o u v e m e n t d ' o u v e r t u r e q u a n t i t a t i v e d u sy s t ème d ' e n s e i g n e -

m e n t a u n i v e a u s e c o n d a i r e . Q u ' e n est-il a u j u s t e ?

L e p a s s a g e d ' u n e n s e i g n e m e n t p o u r l ' é l i te à u n ense igne -

m e n t d e m a s s e s ' e s t p r o d u i t d a n s l ' e n s e m b l e d e s p a y s

indus t r i a l i s é s s o u s l ' i n f l u e n c e d e p lu s i eu r s f a c t e u r s q u i o n t

j o u é d e f a ç o n c o n v e r g e n t e : les b e s o i n s n o u v e a u x d e

l ' é c o n o m i e et l ' é v o l u t i o n d e s q u a l i f i c a t i o n s p e n d a n t l a

p é r i o d e d e c r o i s s a n c e r a p i d e d e s « t r e n t e g lo r i euses » ,

d e m ê m e q u e l ' a s p i r a t i o n g é n é r a l e i r rés is t ib le , d e p u i s l a

L i b é r a t i o n , à l a d é m o c r a t i s a t i o n des é t u d e s et d e la c u l t u r e ,

o n t c o n d u i t les g o u v e r n e m e n t s à p r a t i q u e r des p o l i t i q u e s

d e d é v e l o p p e m e n t d e la s c o l a r i s a t i o n , e n a f f i c h a n t h a u t e t

f o r t l e u r v o l o n t é d ' « éga l i t é des c h a n c e s » et d e d é m o c r a t i -

s a t i o n d e l ' e n s e i g n e m e n t s e c o n d a i r e .

D u fa i t d e la cr ise , d e p u i s le d é b u t des a n n é e s so ixan t e -

d ix , d ' a u t r e s f a c t e u r s o n t pesé d a n s le sens d e la p r o l o n g a -

t i o n d e l a sco la r i t é : avec l ' a c c r o i s s e m e n t d u c h ô m a g e ,

n o t a m m e n t ce lu i d e j e u n e s a u c o u r s d e la d é c e n n i e q u a t r e -

v ing t , e t les m u t a t i o n s accé lé rées d e s q u a l i f i c a t i o n s , les

fami l les p o p u l a i r e s o n t f a i t l ' e x p é r i e n c e q u e les so r t i e s

s ans q u a l i f i c a t i o n o u à u n f a ib l e n i v e a u d e q u a l i f i c a t i o n

c o n d u i s e n t à c o u p s û r a u t r a v a i l p r é c a i r e e t a u c h ô m a g e . A i n s i , d e p u i s l a f in des a n n é e s so ixan t e -d ix , l a v o l o n t é d e

r e s t e r sco la r i sé le p lu s l o n g t e m p s poss ib le e t d e p o u r s u i v r e

les é t u d e s le p l u s lo in pos s ib l e se d é v e l o p p e .

Pour les raisons que nous venons d'exposer, le système d'enseignement français a connu une grande croissance quantitative. Mais y a-t-il eu démocratisation, c'est-à-dire réduction des inégalités sociales de réussite à l'école ?

Ce problème a fait l'objet de nombreux travaux portant sur les générations d'élèves des décennies soixante, soixante- dix et quatre-vingt, travaux peu connus du grand public.

Si, de fait, une grande masse de jeunes des milieux populaires accèdent à l'enseignement secondaire dont ils étaient écartés auparavant, les inégalités sociales à l'école se sont modifiées, mais subsistent. Les chercheurs consta- tent que les écarts sociaux de réussite n'ont pas été réduits, malgré les importantes transformations de structure du système depuis les années soixante.

Les nouvelles structures ont mis « hors la loi la sélection visible », selon la formule de Mohamed Cherkaoui1 ; et dans ce « labyrinthe de la nouvelle institution scolaire » s'est alors produit un « déplacement des inégalités socia- les », une « élimination différée », comme l'explique Fran- çoise Œuvrard : « Les transformations morphologiques du système d'enseignement ont contribué à déplacer les frontières scolaires entre classes sociales, et les politiques d'égalisation des chances liées à ces changements quantita- tifs n'ont pas encore modifié profondément le rôle de l ' é c o l e d a n s l a r e p r o d u c t i o n d e s r a p p o r t s s o c i a u x . »

1. Mohamed Cherkaoui, « Le nouvel ordre scolaire », Encyclopœdia Universalis, supplément Universalia, 1989.

2. Françoise Œuvrard,« Explosion scolaire et inégalités sociales », l'Ecole de la démocratie, Edilig-Fondation Diderot, 1988.

P r e n o n s la m e s u r e d e ces inéga l i t és à t r a v e r s le p a r c o u r s

d ' u n e g é n é r a t i o n , d e l ' é c o l e à l ' U n i v e r s i t é .

O n c o n n a î t p r é c i s é m e n t le p a r c o u r s a c t u e l des j e u n e s a u

se in d u s y s t è m e é d u c a t i f .

L e s services s t a t i s t i ques d u m i n i s t è r e d e l ' E d u c a t i o n

n a t i o n a l e , n o t a m m e n t , o n t suivi le c h e m i n e m e n t d e mi l l ie rs

d ' é l è v e s à l ' é co le , a u col lège , a u lycée a u c o u r s des a n n é e s

1970 e t a u c o u r s d e s a n n é e s 1980. Ils o n t é t u d i é à p l u s i e u r s

r ep r i ses des « p a n e l s » d e 2 0 000 élèves r e p r é s e n t a t i f s d e

l ' e n s e m b l e d e j e u n e s .

P o u r l a d é c e n n i e q u a t r e - v i n g t , o n d i s p o s e e n p a r t i c u l i e r

d e s r é su l t a t s d u « p a n e l » p r e m i e r d e g r é d e 2 0 0 0 0 élèves

e n t r é s e n s ix ième o u e n S E S e n 1980 q u i o n t d o n c a c h e v é a c t u e l l e m e n t l e u r sco la r i t é s e c o n d a i r e .

C e s « p a n e l s » a p p o r t e n t d e s é l é m e n t s s u r l ' o r i g i n e

soc ia le e t l a f ami l l e des élèves, a ins i q u e s u r t o u s les

é v é n e m e n t s d e l e u r sco la r i t é ( p a s s a g e d ' u n n i v e a u à l ' a u t r e ,

o r i e n t a t i o n s e n f i n d e c i n q u i è m e , t r o i s i è m e e t s e c o n d e ,

so r t i e d u s y s t è m e sco l a i r e . . . ) .

C o m p l é t é s p a r les suivis a n n u e l s d e s co l a r i t é d e l ' e n s e m -

b le d e s élèves q u i p e r m e t t e n t d e b i e n m e s u r e r les « f l u x »

sco la i res , les t a u x d e p a s s a g e d ' u n n i v e a u à u n a u t r e , ils

c o n s t i t u e n t u n e v é r i t a b l e r a d i o g r a p h i e d u sy s t ème é d u c a t i f :

le m é c a n i s m e d e l a s é l ec t ion p rog re s s ive des élèves es t a ins i

m i s à n u , a ins i q u e la s é g r é g a t i o n soc ia l e à l ' é co le .

L ' é t u d e d u « p a n e l » d e s 20 000 élèves en t r é s e n s ix ième

e n 1980 n o u s m o n t r e q u e p r è s d e 4 4 % d ' e n t r e e u x é t a i e n t

a r r ivés a u n i v e a u d e la c lasse t e r m i n a l e (« le n i v e a u b a c »)

e t q u e f i n a l e m e n t 37 % d ' e n t r e e u x o n t o b t e n u e n t r e 1987

e t 1989 u n b a c g é n é r a l o u t e c h n o l o g i q u e , o u e n c o r e u n b r e v e t d e t e c h n i c i e n .

M a l g r é ces p r o g r è s i m p o r t a n t s d e la s c o l a r i s a t i o n , l ' é c a r t

es t e n c o r e c o n s i d é r a b l e a v e c l ' o b j e c t i f d e f a i r e p a r v e n i r

80 % d ' u n e c lasse d ' â g e a u n i v e a u b a c e n l ' a n 2000 e t

p lus e n c o r e a v e c les dés i rs des j e u n e s e t les be so in s de

l ' é c o n o m i e e n t r a v a i l l e u r s p l u s qua l i f i é s .

Il i m p o r t e d ' i d e n t i f i e r les j e u n e s q u i n ' o n t p u p a r v e n i r a u n i v e a u b a c (le n i v e a u IV) e t d e c e r n e r les m o m e n t s d e

l a s é l ec t ion — p o i n t s clés d u p a r c o u r s sco la i r e — , les pa l i e r s d ' o r i e n t a t i o n .

S u i v o n s d o n c le c h e m i n e m e n t d e la g é n é r a t i o n d ' é l èves

e n t r é s e n s ix ième e n 1980. N o u s a l lons v o i r c o m m e n t , t rès

p r o g r e s s i v e m e n t à c h a q u e n i v e a u e t p lu s m a s s i v e m e n t à

c h a c u n e des g r a n d e s b i f u r c a t i o n s d u p a r c o u r s scola i re ,

s ' o p è r e u n t r i sé lect i f , s e l o n u n m é c a n i s m e qua l i f i é p a r c e r t a i n s a u t e u r s d e « d i s t i l l a t ion f r a c t i o n n é e » .

L e s é lèves e n t r é s e n s ix ième d a n s l ' e n s e i g n e m e n t p u b l i c

o u p r ivé e n 1980 o n t d ' a b o r d a f f r o n t é le pa l i e r d ' o r i e n t a t i o n

d e f i n d e c i n q u i è m e . P o u r 100 d ' e n t r e eux , 30 o n t

a b a n d o n n é le co l lège : 14 o n t é té o r i en t é s en lycée p r o f e s -

s i o n n e l vers les classes d e q u a t r i è m e p r é p a r a t o i r e o u

t e c h n o l o g i q u e ; 12 o n t é té o r i e n t é s d a n s u n e C P P N o u

u n e C P A et 4 o n t d é j à q u i t t é le co l lège vers l a vie ac t ive ,

s a n s q u a l i f i c a t i o n . 1

E n f i n , 70 élèves o n t p u p o u r s u i v r e vers l a classe d e

q u a t r i è m e e t d e t r o i s i è m e e t o n t a c c o m p l i u n e sco la r i t é

c o m p l è t e d e p r e m i e r cycle .

E n f i n d e t r o i s i è m e , l o r s d u d e u x i è m e pa l i e r d ' o r i e n t a t i o n

déc is i f , 2 d ' e n t r e e u x s o n t p a r t i s d a n s la vie ac t ive sans

q u a l i f i c a t i o n ; 22 o n t é té o r i en t é s e n lycées p ro fe s s ionne l s

o ù ils o n t r e j o i n t les élèves issus des classes de t ro i s i ème

t e c h n o l o g i q u e p o u r s u i v a n t vers le B E P . E n f i n 46 s o n t

p a s s é s e n c lasse d e s e c o n d e d ' e n s e i g n e m e n t géné ra l o u

t e c h n i q u e .

Q u e s o n t d e v e n u s les j e u n e s d u « p a n e l » 1980 scolar isés

e n lycée p r o f e s s i o n n e l ? N o u s a v o n s v u q u e 14 y s o n t

a r r ivés e n f i n d e c i n q u i è m e e t 22 e n f in t ro i s i ème . O r il

f a u t a j o u t e r à ces ch i f f r e s 7 j e u n e s issus des classes de

C P P N e t 2 r e j o i g n a n t le L E P a p r è s la classe de q u a t r i è m e

d e col lège .

1. Marc Duthoit, « Mode de fréquentation du collège », Education et formations, n° 23, 1990.

E n t o u t d o n c , 4 6 o n t é té f i n a l e m e n t sco la r i sés e n L E P ,

so i t a u t a n t q u e c e u x q u i s o n t p a r v e n u s e n s e c o n d e .

C e r t a i n s d e ces j e u n e s o n t a b a n d o n n é le L E P e n c o u r s

d e sco la r i t é , so i t e n c lasses t e c h n o l o g i q u e s ( u n q u a r t d e s

e f fec t i f s d e ces c lasses) , so i t e n c o u r s d e p r é p a r a t i o n d u

C A P o u d u B E P . Ils v i e n n e n t g r o s s i r les r a n g s d e s j e u n e s

é l iminés d é j à a u n i v e a u des c lasses d u co l lège o u d e s C P P N

e t sor t i s s a n s q u a l i f i c a t i o n ve r s l a v ie ac t ive .

M a i s la m a j o r i t é d e s é lèves d e s L E P a o b t e n u le C A P

o u le B E P e t , p o u r la p l u p a r t d ' e n t r e e u x , c ' e s t l a f i n d e s é t u d e s e t l ' e n t r é e d a n s l a vie ac t ive m a i s ce t t e fo is a v e c

u n e q u a l i f i c a t i o n , u n d i p l ô m e d e « n i v e a u V » .

N é a n m o i n s , c e r t a i n s j e u n e s t i t u l a i r e s d u C A P o n t c o n t i -

n u é ve r s u n e m e n t i o n c o m p l é m e n t a i r e o u vers le B E P .

S u r t o u t , 40 % des t i t u l a i r e s d ' u n B E P o n t c o n t i n u é l eurs

é t u d e s vers les c lasses d e p r e m i è r e d ' a d a p t a t i o n des lycées

e t vers le b a c , o u vers u n e c lasse d e p r e m i è r e p r o f e s s i o n n e l l e

c o n d u i s a n t a u b a c p r o f e s s i o n n e l , d o n t l a p r e m i è r e s e s s ion d a t e d e 1986.

Les 4 6 j e u n e s d u g r o u p e in i t ia l p a r v e n u s e n s e c o n d e v o n t c o n n a î t r e u n d e r n i e r t r i s é l ec t i f à l a f in d e ce t t e c lasse

d e « d é t e r m i n a t i o n » : ils se r e t r o u v e n t , p o u r la p lu s g r a n d e

p a r t i e d ' e n t r e e u x , e n p r e m i è r e e t e n t e r m i n a l e d a n s

d e s f i l ières t r è s h i é r a r c h i s é e s d ' e n s e i g n e m e n t g é n é r a l o u t e c h n o l o g i q u e .

Q u e l q u e s j e u n e s p a r t e n t e n c o r e ve r s l a v ie ac t ive e t

d ' a u t r e s , p e u n o m b r e u x , s o n t o r i e n t é s vers l a p r é p a r a t i o n d ' u n B E P .

C e s d é p a r t s e n f i n d e s e c o n d e o n t é té c o m p e n s é s p a r

l ' a r r i v é e des é lèves d e B E P q u i o n t p u a c c é d e r a u x c lasses

d e p r e m i è r e d ' a d a p t a t i o n .

A i n s i , p a r m i les 100 j e u n e s e n t r é s e n s ix ième e n 1980, 4 4 s o n t f i n a l e m e n t a r r ivés a u n i v e a u de la c lasse t e r m i n a l e

d ' e n s e i g n e m e n t g é n é r a l , t e c h n o l o g i q u e o u p r o f e s s i o n n e l — le n i v e a u IV — et 36 s o n t d e v e n u s bache l i e r s .

Il n o u s r e s t e r a à p réc i se r q u e l c o n t e n u r e c o u v r e le t e r m e d e b a c h e l i e r , ceci e n f o n c t i o n d e s d i f f é r e n t e s f i l ières t r è s

h i é r a r ch i s ée s d u s e c o n d cycle l o n g , e t q u i d e v i e n t b a c h e l i e r d a n s ces d i f f é r e n t e s f i l ières .

D e p u i s 1980, les nouve l l e s g é n é r a t i o n s en t rées e n s ix ième

o n t suivi des p a r c o u r s sco la i res q u e l q u e p e u m o d i f i é s

p a r l ' a g g r a v a t i o n d u c h ô m a g e , les m u t a t i o n s r ap ides des

q u a l i f i c a t i o n s , l a m i se e n a v a n t d e l ' o b j e c t i f de 80 % d ' u n e

g é n é r a t i o n a u n i v e a u b a c , q u i o n t accé léré la s co l a r i s a t i on

d a n s le s e c o n d cycle.

D e s t e n d a n c e s nouve l l e s se des s inen t q u i in f léch issen t le

p r o c e s s u s d e c e t t e « d i s t i l l a t ion f r a c t i o n n é e » des j e u n e s a u c o u r s d e l eurs a n n é e s d e f o r m a t i o n .

L a m o n t é e d e s p o u r s u i t e s d ' é t u d e s vers le b a c s ' e s t

t r a d u i t e p a r u n p r o g r è s des t a u x d e s co l a r i s a t i on a u col lège

e t a u lycée. Les col lèges o n t c o n n u d e p u i s c inq a n s

u n e m o d i f i c a t i o n i m p o r t a n t e des o r i e n t a t i o n s e n f in de

c i n q u i è m e : le t a u x d e p a s s a g e e n q u a t r i è m e des élèves d e

col lège est m o n t é à 83 % e n 1990. Le p o u r c e n t a g e d ' é lèves

o r i e n t é s vers les q u a t r i è m e s p r é p a r a t o i r e s , d o n c vers le

C A P , s ' e s t e f f o n d r é p a s s a n t d e 13,5 % e n 1985 à 2 ,5 % e n 1 9 9 0 .

Les élèves o r i e n t é s e n L P , m o i n s n o m b r e u x , se d i r igen t

d é s o r m a i s vers les nouve l l e s classes de q u a t r i è m e t e c h n o l o -

g i q u e , d é v e l o p p é e s e t c o n ç u e s à l ' o r i g ine p o u r fac i l i ter

le p a s s a g e e n d e u x a n s des j e u n e s e n d i f f i cu l t é d a n s

l ' e n s e i g n e m e n t g é n é r a l , vers le B E P o u le C A P .

D o n c les co l lég iens a r r i v e n t p lu s n o m b r e u x e n f in d e

t r o i s i è m e et ils p a s s e n t e n p lu s g r a n d n o m b r e vers les c lasses d e s e c o n d e : e n 1990, il s ' ag i t d e p lus d e 50 % d e

la c lasse d ' â g e . P a r c o n t r e , le f lux d ' é l èves de t ro i s i ème se

d i r i g e a n t vers les B E P est e n d i m i n u t i o n .

L e lycée p r o f e s s i o n n e l a sub i , q u a n t à lui , d e g r a n d e s

t r a n s f o r m a t i o n s d e p u i s c i n q a n s : d ' u n e p a r t , le f lux

d ' e n t r é e , s u r t o u t a u n i v e a u d e la q u a t r i è m e ma i s auss i à l ' e n t r é e des c lasses p r é p a r a n t a u B E P , a s é r i eusemen t

f léchi ; d ' a u t r e p a r t , l a c r é a t i o n d u bac p ro fe s s ionne l , d o n c

1. Martine Jeljoul, Bruno Liensol, «Rentrée 90», Education et formations, n° 26, 1991.

des p r e m i è r e s e t t e r m i n a l e s p r o f e s s i o n n e l l e s , a n e t t e m e n t

d é p l a c é le c e n t r e d e g r av i t é d e ces é t a b l i s s e m e n t s vers le n i v e a u IV.

A u c o u r s des c i n q de rn i è r e s a n n é e s , a u f u r e t à m e s u r e

d e l ' o u v e r t u r e des classes c o n d u i s a n t a u b a c p r o f e s s i o n n e l

e t des p r e m i è r e s d ' a d a p t a t i o n d a n s les lycées, le n o m b r e

d ' é l èves d e B E P p o u r s u i v a n t l eu rs é t u d e s vers le b a c a t r è s

r a p i d e m e n t m o n t é . P r é c i s o n s a u p a s s a g e q u e ce n o m b r e

es t l imi té s t r i c t e m e n t p a r les c a p a c i t é s d ' a c c u e i l : les l istes

d ' a t t e n t e p r o u v e n t b i e n q u e les p laces créées s o n t e n - d e ç à

de l a v o l o n t é d e p o u r s u i t e d ' é t u d e s des j e u n e s .

D a n s les lycées d ' e n s e i g n e m e n t g é n é r a l e t t e c h n i q u e d e

É V O L U T I O N D U T A U X D E P O U R S U I T E

D ' É T U D E S À L ' I S S U E D U B E P

D A N S L ' E N S E I G N E M E N T P U B L I C

Source : Bernadette Hée, « Bilan de la rentrée 89 », Education et formations, n° 23, 1990.

1. Paul Esquieu, « Les mutations des lycées professionnels », Education et formations, n° 26, 1991.