Russie-France 2015

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#6 (282), JUIN 2015 LES PROJETS DES ENTREPRISES FRANÇAISES EN RUSSIE ET LES OBSTACLES RENCONTRÉS | QUE PENSE-T-ON DE LA RUSSIE EN FRANCE ? | L'EFFICACITÉ ÉNERGÉTIQUE COMME OUTIL DE RELANCE DE L'ÉCONOMIE RUSSE | EURO 2016 : UNE ORGANISATION À LA FRANÇAISE | LES INNOVATIONS DANS L'AÉROSPATIALE, L'AGRICULTURE, LES BIOTECHNOLOGIES ET LA MÉDECINE | COMMENT RÉSOUDRE LES PROBLÈMES DES PETITES VILLES ? | DES SOLUTIONS VARIÉES À NICE | RÉFORME DE LA POSTE Édition réalisée en collaboration avec

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#6 (282), JUIN 2015

LES PROJETS DES ENTREPRISES FRANÇAISES EN

RUSSIE ET LES OBSTACLES RENCONTRÉS | QUE PENSE-T-ON DE LA RUSSIE EN FRANCE ? | L'EFFICACITÉ ÉNERGÉTIQUE COMME OUTIL DE

RELANCE DE L'ÉCONOMIE RUSSE | EURO 2016 :

UNE ORGANISATION À LA FRANÇAISE | LES INNOVATIONS DANS L'AÉROSPATIALE,

L'AGRICULTURE, LES BIOTECHNOLOGIES ET LA

MÉDECINE | COMMENT RÉSOUDRE LES PROBLÈMES

DES PETITES VILLES ? | DES SOLUTIONS VARIÉES À

NICE | RÉFORME DE LA POSTE

Édition réalisée en collaboration avec

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www.obsfr.ru

RUSSIE 2015. REGARDS DE L’OBSERVATOIRE

FRANCO-RUSSELe Yearbook présente l’expertise de l’Observatoire sur des thèmes variés :

économie, politique intérieure/société, régions, politique étrangère/défense, relations franco-russes.

Pour la troisième année consécutive, l’édition russe du Rapport annuelest présentée au Forum économique international de Saint-Pétersbourg,et la version française fait l’objet d’une conférence de lancement à Paris.

Plus de 50 experts français et russes de renom ont contribué à cet ouvrage de référence.

СOMMANDEZ DÈS MAINTENANT VOTRE EXEMPLAIRE

DISPONIBLE LE 20 JUIN EN VERSION RUSSE,

EN SEPTEMBRE POUR LA VERSION FRANÇAISE

3www.lecourrierderussie.com Édition spéciale Russie-France

Chers amis,

L’an dernier, c’était Christophe de Margerie, coprésident du Conseil économique de la

CCI France Russie, qui signait cet éditorial. La tragédie qui l’a emporté en octobre 2014 a

été un choc pour nous tous, pour l’ensemble de la communauté d’aff aires franco-russe, et

pour nos deux pays en général. Il aimait sincèrement et respectait la Russie, il partageait

avec les Russes de nombreux traits de caractère et, dès le début des sanctions, il avait sou-

ligné la nécessité pour Total de poursuivre sa coopération avec la Russie.

C’était quelqu’un de fort et de sincère dont nous nous souviendrons à jamais.

Ce jour-là, les dirigeants de la CCI France Russie avaient promis de « continuer d’œuvrer

à la défense de la cause franco-russe, pour laquelle Christophe de Margerie a tant fait. »

Le travail accompli par l’ensemble de l’équipe de la Chambre au cours de l’année écoulée a

montré que ces mots n’étaient pas vides. Délégation d'entreprises françaises dans les ré-

gions russes, Journées Russie dans les régions françaises, conférences et petits déjeuners

d'aff aires sur la Russie à Paris, apport d’expertise et soutien aux investisseurs français en

Russie… et, bien sûr, la présentation du troisième rapport annuel Russie 2015, qui a tradi-

tionnellement lieu « ici et maintenant », lors de ce Forum économique de Saint-Péters-

bourg. Toutes nos idées sur le développement et l'évolution de la coopération franco-russe

ont trouvé leur prolongement.

Nous avons été heureux d'apprendre que le 13 mai 2015, le ministre des Aff aires étran-

gères de la Fédération de Russie Sergueï Lavrov a remis, sur proposition du président de

l'Union russe des industriels et entrepreneurs (RSPP) Alexandre Chokhine, la médaille

du ministère des Aff aires étrangères russe récompensant une « contribution à la coopéra-

tion internationale », à Emmanuel Quidet, président de la CCI France Russie. Il obtient

ainsi la reconnaissance de nos deux pays pour l’œuvre qu’il a accomplie à la tête de la

Chambre : en 2012, la France l’avait élevé au grade de chevalier de la Légion d’honneur.

Le supplément France-Russie que vous tenez entre vos mains doit servir de base à de

nouveaux projets conjoints, à de nouveaux investissements français en Russie et russes

en France. Vous y apprendrez davantage sur le potentiel des diff érentes branches de l'éco-

nomie française, sur les succès remportés par les innovations françaises dans le monde,

sur le développement de certaines régions et entreprises, ainsi que sur des projets encore

peu habituels en Russie. Si cette lecture vous donne de nouvelles idées, nous en serons

très heureux.

Pour notre part, nous voulons dire que la coopération économique franco-russe conti-

nue à se développer malgré toutes les diffi cultés, que les entreprises françaises ne quittent

pas la Russie, et que cet état de fait se vérifi e par nos expériences de collaboration sur un

certain nombre de grands projets.

Patrick POUYANNÉ et Guennadi TIMTCHENKO

Coprésidents du Conseil économique de la CCI France Russie

Édition réalisée en partenariat avec la CCI France Russie

4 Édition spéciale Russie-France

– L’année qui vient de s’écouler a été diffi cile pour les relations franco-russes. Comment la situation géopolitique a-t-elle aff ecté votre travail d’ambassadeur en Russie ?– Tout au long de l’année, mes collègues de l’ambassade et moi-même avons été « sur le pont » 24 heures sur 24, 7 jours sur 7. Cette crise est l’une des plus sé-rieuses auxquelles l’Europe ait dû faire face depuis la fi n de la Seconde Guerre mondiale. Elle a mis en péril la sécurité du continent européen.

Nous avons informé Paris « en di-rect » et sommes restés en contact per-manent avec les autorités russes, les médias et les membres de la société civile russe, afi n d’être en position de conseiller Paris en temps réel au sujet des évolutions en cours à Moscou et des issues possibles à la crise. Nous avons dû organiser deux visites du président Hollande à Moscou avec seulement quelques heures de préavis.

J’ai également dû déployer des eff orts pour expliquer au public russe la poli-tique de l’Union européenne, qui com-bine dialogue et sanctions. Nous de-vons convaincre l’opinion en Russie que les sanctions sont la conséquence de l’annexion illégale de la Crimée et de la déstabilisation de l’Ukraine, et qu’elles ne sont pas destinées à nuire aux ci-toyens russes. Et que la France ne veut pas que la Russie s’éloigne de l’Europe.

Au contraire, la France veut mainte-nir le dialogue avec les autorités russes,

continuer à tendre la main à la popu-lation russe et regarder au-delà des diffi cultés actuelles afi n de développer autant que possible notre dialogue et notre coopération en matière de résolu-tion de crises internationales – la Russie et la France sont des membres perma-nents du Conseil de sécurité de l’ONU et ont, à ce titre, des responsabilités particulières – ainsi que nos échanges économiques dans les deux sens. Pour rappel, la Russie eff ectue la majeure partie de ses échanges commerciaux avec l’Union européenne : plus de 52 % des exportations russes étaient desti-nées à l’UE en 2014.

L’initiative « de Normandie » a mon-tré l’engagement de la France et de l’Allemagne à travailler de concert avec Kiev et Moscou afi n de trouver des solu-tions à la crise ukrainienne.

– Le président François Hollande a été très actif dans la négociation de l’accord de paix de Minsk entre les dirigeants ukrainiens et les séparatistes du Donbass. Pensez-vous que cet accord tiendra et que les relations fran-co-russes pourront commencer à s’améliorer ?– Le président Hollande a organisé la première réunion au format « Norman-die » il y a un an, le 6 juin 2014. Il a dé-cidé d’y associer la chancelière Merkel et s’est rendu depuis à Moscou à deux reprises pour discuter de la crise en Ukraine avec le président Poutine, une fois en tête-à-tête en décembre, puis

lors d’une visite eff ectuée conjointe-ment avec la chancelière allemande. Ils se sont également entretenus à Milan et, plus récemment, à Erevan. François Hollande a été en contact téléphonique quasi quotidien avec les présidents Porochenko et Poutine. Outre ces dis-cussions de haut niveau, les ministres des Aff aires étrangères sont restés en contact permanent.

Le président français et la chancelière allemande ont déployé toute leur éner-gie et leurs eff orts pour maintenir le dialogue, car la restauration de la paix en Europe, la souveraineté de l’Ukraine et le rapprochement entre la Russie et ses partenaires européens sont essen-tiels pour nous. Pour nous Français, pour nous Européens, et aussi pour le peuple russe.

– Cette année marque le 70e anniversaire de la fi n de la Seconde Guerre mondiale. La France et l’Union soviétique étaient alliées pendant cette guerre. Pensez-vous que cette histoire commune est une bonne base pour essayer de reconstruire la relation franco-russe ?– Ce n’est pas dans ces termes que la question se pose. Il y a une grave crise de confi ance entre l’Europe et la Russie depuis l’annexion illégale de la Crimée, mais il n’y a aucune nécessité de « re-construire » notre relation. Coopéra-tion et dialogue ont continué tout au long de la crise, en dépit de nos diver-gences.

INTERVIEW DE L’AMBASSADEUR DE FRANCE EN RUSSIE

Jean-Maurice RIPERT,

Ambassadeur de France en Russie |

AMBASSADE DE FRANCE EN RUSSIE

5www.lecourrierderussie.com Édition spéciale Russie-France

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Cela étant dit, la France tient à mar-quer l’importance de célébrer les pages d’histoire qu’elle partage avec la Rus-sie. C’est la raison pour laquelle le pré-sident Poutine a été invité l’an dernier en France par le président Hollande pour les célébrations du 70e anniver-saire du Débarquement sur les plages de Normandie. C’est aussi pourquoi le ministre français des Aff aires étran-gères, Laurent Fabius, a participé aux cérémonies de la Victoire à Moscou le 9 mai. Nous savons très bien ce que l’Eu-rope doit à la population de l’Union so-viétique et à l’Armée rouge, de même que nous savons combien nous sommes redevables aux Américains, aux Britan-niques et à tous nos autres alliés de tous les continents qui ont combattu côte à côte pour libérer l’Europe et le monde du nazisme.

Permettez-moi de vous parler d’un épisode qui incarne la fraternité d’armes franco-russe. En 1942, le géné-ral de Gaulle, qui était à l’époque chef de fi le des Forces françaises libres basées à Londres, a envoyé un groupe de pilotes de l’armée de l’air française pour com-battre aux côtés des forces soviétiques sur le front de l’Est. Ensemble, les pi-lotes français et les mécaniciens sovié-tiques de la célèbre escadrille Norman-die-Niémen ont combattu dans le cadre de trois campagnes sous le drapeau de l’Union soviétique, et ce jusqu’au 9 mai 1945, période pendant laquelle ils ont détruit 273 avions ennemis et reçu de nombreuses médailles, citations et ré-compenses à la fois de la France et de l’Union soviétique.

– Lorsque nous vous avons interviewé l’an dernier, vous étiez à Moscou depuis peu de

temps. Au cours de l’année passée, vous vous êtes rendu dans de nombreuses villes russes  :  Rostov-sur-le-Don, Ekaterinbourg, etc. Qu’avez-vous appris sur la Russie et ses régions au cours de ces voyages ?– Depuis notre rencontre l’an dernier, j’ai eff ectivement voyagé dans toute la Russie : Irkoutsk, Saint-Pétersbourg, Ekaterinbourg, Novossibirsk, Kazan, Samara et Togliatti. Je serai à Oufa dans les prochaines semaines, puis je me rendrai à l’automne en Extrême-Orient, à Iakoutsk, pour discuter de l’impact du changement climatique sur les régions russes. Comme vous le savez, la France accueillera en décembre à Paris la conférence COP21 des Nations Unies sur le changement climatique. À Iakoutsk, la fonte du pergélisol (ou permafrost) a des eff ets dévastateurs.

Partout où je vais en Russie, je suis frappé par la façon dont beaucoup de gens sont attirés par la France. Cela a trait à la culture, aux sciences, aux technologies et bien sûr aux aff aires. Par exemple, à Rostov et Kazan, nous avons partagé notre expertise en ma-tière de transports et d’infrastructures à l’approche de l’Euro 2016 en France et de la Coupe du Monde 2018 en Russie. Avec les autorités locales d’Irkoutsk, nous avons organisé l’an dernier un fo-rum franco-russe sur les perspectives du secteur touristique en Sibérie et en Extrême-Orient.

– Quels sont, selon vous, les secteurs les plus prometteurs pour la coopération franco-russe ?– La France est l’un des principaux in-vestisseurs en Russie. Les investisse-ments directs sont essentiels car ils sont des signes à la fois de la confi ance des entreprises françaises en l’avenir

de l’économie russe et de leur engage-ment à long terme. Malgré les diffi cul-tés actuelles, les investisseurs français ne vont pas quitter le pays, et nous es-pérons même voir quelques nouveaux investissements dans les prochains mois. Ces investissements – qui se font souvent dans le secteur des hautes technologies  – sont particulièrement importants car ils contribuent à l’in-dispensable diversifi cation de l’écono-mie russe et permettent le transfert des savoir-faire techniques.

Les entreprises françaises sont déjà très actives dans de nombreux sec-teurs de l’économie russe : l’énergie, les transports, les infrastructures, l’aérospatiale et, bien sûr, l’industrie agro-alimentaire, en particulier les produits laitiers et la viande.

La France est également une destina-tion de plus en plus attractive pour les investisseurs russes : selon la Banque de France, le volume des IDE russes en France a fortement augmenté depuis 2011, passant de 150 millions d’euros en 2010 à 745 millions d’euros en 2013. Ces chiff res comprennent les fl ux fi nan-ciers, les fusions-acquisitions et les in-vestissements dans des projets de créa-tion d’emplois. 43 entreprises russes sont maintenant implantées en France.

– La Russie est devenue une destination très accessible pour les voyageurs européens en raison des fl uctuations du taux de change entre l’euro et le rouble. Pensez-vous qu’il soit possible que la Russie devienne plus attrac-tive pour les touristes français ?– La Russie a toujours été une desti-nation attrayante pour les touristes français, et ce pour de nombreuses raisons. À mon avis, cela résulte en

premier lieu de cette attraction cultu-relle mutuelle – devrais-je dire fascina-tion ? – qui a toujours été le moteur du rapprochement entre nos deux peuples et s’est montrée capable de résister à toutes les crises, même les plus pro-fondes. Les Français sont connus pour leur passion du tourisme axé sur le pa-trimoine culturel, et ils aiment beau-coup visiter Moscou et Saint-Péters-bourg.

À cet égard, je tiens à attirer votre at-tention sur la décision que nous avons prise, avec mon homologue russe à Pa-ris, de célébrer en 2016 une « année du tourisme et du patrimoine culturel  ». Dans ce cadre, nous allons organiser un certain nombre de manifestations consacrées à l’héritage fascinant que nos deux pays possèdent.

Enfi n, je tiens à réaffi rmer qu’il n’y a aucune restriction de visa pour les citoyens russes souhaitant visiter l’Eu-rope, bien au contraire. Au consulat de France, seulement 1,5 % de toutes les demandes de visa sont refusées, et 40 % des visas délivrés sont à entrées mul-tiples, valables jusqu’à 5 ans. Les tou-ristes russes sont tout à fait les bienve-nus en France !

Jean-Maurice RIPERT

Ambassadeur de France en Russie, mai 2015

6 Édition spéciale Russie-France

– Qu’est-ce qui a changé pour les investisseurs étrangers l’année dernière?– Ce qui a changé l’année dernière, ce sont bien sûr les sanctions. Il y a trois choses à relever : la première, c’est la crise économique, que l’on a commen-cé à ressentir dès septembre 2013. La se-conde, c’est la crise ukrainienne, avec les sanctions qui en ont découlé et sur-tout celles de juillet 2014. La troisième, c’est la baisse du prix du pétrole et la dévaluation du rouble, qui ont eu un impact important en fi n d’année der-nière sur les aff aires en Russie. La com-binaison de ces trois éléments rend la situation économique diffi cile.

– À quel point les investisseurs français sont-ils touchés ? – Tout dépend du secteur d’activité. Il y a des secteurs qui marchent toujours bien quand la consommation se tient. Bien évidemment, la récession est es-sentiellement liée à la baisse des reve-nus de la population et à la chute du prix du baril, mais la consommation permet malgré tout de soutenir l’activité en Russie. Il y a cependant des secteurs qui souff rent davantage de la situation, tel le secteur automobile qui subit une chute de 40 à 50 % des ventes. Le secteur touristique est lui aussi gravement tou-ché par la dévaluation du rouble, ce qui entraîne des conséquences graves pour les compagnies aériennes et les agences de voyages.

Il y a ensuite les sanctions, qui ont un eff et très pernicieux sur l’économie. Je parle de l’interdiction pour les banques russes d’être fi nancées à plus de 30 jours par des banques étrangères. Les entre-prises étrangères, en particulier, ne peuvent plus trouver de fi nancements pour leurs projets en Russie auprès des banques étrangères, et le fi nancement auprès des banques russes est beau-coup plus cher : avec un taux d’intérêt de 20 %, aucun projet n’est viable. Les sociétés françaises présentes en Russie ont beaucoup de mal à développer leurs projets, sauf les sociétés très riches qui peuvent s’autofi nancer comme, par exemple, le groupe Auchan, qui conti-nue à investir et ouvrir des magasins en Russie. Ce problème de fi nancement est aujourd’hui un problème clé pour les entreprises françaises en Russie. La

France a malgré cela beaucoup investi en 2014, et il y a des projets pour 2015. Le volume cumulé des IDE français en Rus-sie s’élève à 14 milliards d’euros. Et vous remarquez qu’aucune société française n’a quitté la Russie depuis le début de la crise. Pourquoi restent-elles ? Parce qu’elles croient au futur de la Russie.

J’étais à Togliatti en mai, où j’ai rencontré Bo Andersson, le directeur général d’AvtoVAZ. Cette entreprise a beaucoup souff ert de la crise. Il m’a dit : « Pour nous, il est hors de question de quitter le pays. La Russie va devenir l’un des dix plus gros marchés automo-biles du monde ». Pourquoi ? Parce qu’il y a aujourd’hui, je crois, 350 véhicules pour 1 000 habitants, quand en Oc-cident c’est entre 600 et 800 selon les pays. Les crises économiques sont des phénomènes récurrents, et les entre-prises se sont habituées à les gérer. Les

crises politiques sont plus gênantes. C’est la raison pour laquelle nous de-mandons la levée des sanctions écono-miques.

– Qu’en est-il des nouveaux investisseurs qui veulent s’implanter en Russie ? C’est vraiment très compliqué pour eux, n’est-ce pas ?– Ce qui est le plus diffi cile pour eux, c’est le manque de fi nancements. C’est là une conséquence des sanctions éco-nomiques. Le fait est que les grandes entreprises françaises sont déjà toutes implantées en Russie. Les nouveaux projets sont donc portés par des PME, qui n’ont aucune capacité d’autofi nan-cement. Certaines parviennent malgré tout à s’implanter ici. Auchan, Castora-ma et Decathlon continuent à se déve-lopper, et ils sont prêts à aider fi nanciè-rement des entreprises qui souhaitent produire ici pour pouvoir se fournir au-près d’elles en payant en roubles.

– Quelle est l’attitude des investisseurs français à l’égard de la volte-face vers l’Est opérée par la Russie?– Cette volte-face vers l’Est est sou-vent caricaturée. D’un côté, les Russes disent : « L’Europe ne veut pas de nous, alors on va tout faire avec la Chine », et

ça, je n’y crois pas du tout. Les Russes ne veulent pas être pieds et poings liés avec les Chinois et je pense qu’ils ont peur de ça, parce que la Chine est beaucoup plus dynamique et sa po-pulation est bien plus nombreuse. De l’autre côté, il y a des Européens qui disent : « C’est impossible, ils n’auront pas d’autre choix que de continuer à faire des aff aires avec nous. » Les deux hypothèses sont fausses.

Les Russes ne vont pas se tourner à 100 % vers la Chine, mais on ne peut pas prétendre qu’ils ne se tournent pas vers l’Est. Cela représente un danger pour nous, parce que de plus en plus de commerce se fait avec l’Asie. Il y a 20 ans, l’Union européenne était le pre-mier partenaire de la Russie, et en son sein l’Allemagne était le premier pays partenaire. Aujourd’hui, l’UE reste son premier partenaire mais le pre-

mier pays, c’est la Chine. Tout ce que la Chine gagne, c’est souvent autant de perdu pour l’Europe. Vous ne remplace-rez pas le fromage français par d’autres fromages, c’est impossible. Mais il y a d’autres choses que vous pourrez rem-placer. Les fruits et légumes ne pro-viendront sans doute pas de Chine, mais tout ce qui était acheté en Europe peut être importé d’Afrique du Nord.

Un autre exemple - le train à grande vitesse Moscou-Kazan, qui va être fi -nancé par les Chinois. S’ils le fi nancent, c’est bien évidemment pour que des trains chinois y roulent, alors qu’Alstom est tout de même le grand spécialiste du TGV. Même sans la crise, il y aurait eu une accélération du développement des relations avec la Chine, et c’est bien normal. La Russie veut avoir des par-tenaires multiples, et la crise ne fait qu’accentuer ce phénomène.

– À votre avis, le programme russe de substitu-tion des importations est-il réalisable? – Ce sera une bonne chose si la Russie profi te de la crise pour développer ses investissements en interne. Bien évi-demment, on ne peut pas tout produire en Russie mais il n’est pas normal que la Russie importe des pommes, du pou-

let ou de la viande. Il y a beaucoup de choses que la Russie peut produire elle-même. Investir dans sa propre agricul-ture peut constituer une véritable op-portunité pour la Russie, et cela ouvre de nouvelles perspectives pour les spé-cialistes étrangers. La Russie aura be-soin de technologies, d’équipements, de partenaires. Par exemple, la Russie aura besoin d’importer des vaches pour produire de la viande et du lait. Or, les vaches françaises produisent trois fois plus de lait que les vaches russes, et c’est la même chose pour la viande. Tout ceci représente des opportunités pour la France, et nous pourrions in-tensifi er notre partenariat pour déve-lopper l’agriculture russe.

– Y a-t-il des barrières dans les régions russes, par exemple en termes d’accès aux appels d’off res ?– D’une façon générale, non. Il y a des régions où il est plus facile d’investir. Il existe d’ailleurs plusieurs classe-ments des régions en termes d’attrac-tivité. Ce sont toujours les mêmes qui sont en tête : l’oblast de Kalouga, les républiques du Tatarstan et de Bachki-rie. D’autres régions sont plus compli-quées. Mais même lorsque c’est le cas, cela n’empêche pas les Français d’y in-vestir, comme à Samara ou à Togliatti. Ce sont surtout des diffi cultés adminis-tratives que rencontrent les entreprises étrangères en général et françaises en particulier.

– Quelle est la recette du succès sur le marché russe ?– Il faut vérifi er qu’il existe un réel be-soin pour le produit que vous voulez vendre en Russie, puis il faut venir et être présent. Il ne suffi t pas de signer un contrat puis de repartir : il faut se développer localement et entretenir des contacts régulièrement avec ses parte-naires. Et cela correspond très bien à la mentalité française.

– Quels conseils pouvez-vous donner aux inves-tisseurs français ?– Mon conseil est de venir mainte-nant, en profi tant de la dévaluation du rouble. On a tendance à penser qu’in-vestir en Russie, ce n’est pas cher. Mais c’est faux. Investir en Russie a toujours été cher, mais la contrepartie c’est qu’il n’y a aucun problème pour y gagner de l’argent. La Russie est un pays géogra-phiquement et culturellement proche de la France, où vivent des gens qui ont de l’argent. Aujourd’hui, grâce à la crise, le coût des investissements est beaucoup moins élevé. Il ne faut donc pas avoir peur de la crise. Celui qui rem-porte la mise, c’est celui qui prend un risque. Un risque bien mesuré, mais un risque.

LES NOUVELLES PRIORITÉS DE L’ÉCONOMIE RUSSE : Y A-T-IL UNE PLACE POUR LA FRANCE?

Emmanuel Quidet, président de la CCI France Russie, conseille d’investir en Russie maintenant et de ne pas avoir peur de la crise.Propos recueillis par MARIA AFONINA

INVESTIR DANS SA PROPRE AGRICULTURE PEUT CONSTITUER UNE VÉRITABLE OPPORTUNITÉ POUR LA RUSSIE, ET CELA OUVRE DE NOUVELLES PERSPECTIVES POUR LES SPÉCIALISTES ÉTRANGERS. LA RUSSIE AURA BESOIN DE TECHNOLOGIES, D’ÉQUIPEMENTS, DE PARTENAIRES.

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En Union soviétique, les serres cou-vraient plus de 4 700 hectares de terres, contre environ 2 000 en Russie en jan-vier 2015. Afi n que le pays soit auto-suffi sant en termes de production de légumes sous serre, le ministère russe de l’Agriculture prévoit de doubler cette superfi cie dans les années à venir.

« D’ici 2020, nous projetons de cons-truire 1 537 hectares de nouvelles serres et de moderniser 368 hectares de serres déjà en service, a annoncé Piotr Tchek-marev, directeur du département culture, chimisation et protection des plantes lors de la Conférence panrusse sur le développement de la culture ma-raîchère sous serre, qui s’est tenue à la fi n du mois d’avril. Cette surface per-mettra de cultiver près de 1 000 tonnes de légumes. »

L’État a d’ores et déjà promis d’oc-troyer des subventions pour la réalisa-tion de ce projet. Les autorités régio-

nales se sont également manifestées. À titre d’exemple, la région de Moscou a l’intention d’investir plus de 12,5 mil-liards de roubles dans ce programme et de tripler la superfi cie des cultures sous serre.

Les entreprises étrangères, notam-ment néerlandaises et françaises, sont depuis longtemps présentes sur le mar-ché russe des serres. Elles s’intéressent grandement à ces nouvelles perspec-tives.

Si les producteurs néerlandais pro-posent traditionnellement des serres en verre, les Français privilégient le plas-tique, bien qu’ils utilisent également du verre. L’entreprise française Richel Group, présente en Russie depuis 1998, a acquis une solide expérience du mar-ché russe.

« Nous utilisons un double fi lm en polyéthylène qui procure un éclairage naturel égal, voire meilleur que dans les

serres en verre. C’est précisément pour cette raison que nous sommes davantage présents dans le sud de la Russie que les Néerlandais. Nos principaux concurrents sont les Italiens et les Espagnols, qui utilisent aussi du plastique. Nous avons toutefois un avantage technique sur eux. La Russie est un marché stratégique pour nous, et le pays est soumis à diverses contraintes climatiques. D’où notre spé-cialisation dans les serres de haute tech-nologie off rant une résistance élevée aux conditions climatiques, notamment la neige et le vent. Notre approche de travail est également diff érente. On peut dé-crire celle des entreprises néerlandaises comme étant nord-européenne, c’est-à-dire plus stricte. De notre côté, nous essayons de nous adapter à la culture du client et d’être plus fl exibles si des désac-cords surgissent », explique Brice Richel, directeur des ventes de Richel Group dans les pays de la CEI.

« Nous avons des projets à Moscou et à Saint-Pétersbourg, au Tatarstan, à Magnitogorsk, à Novossibirsk, en Iakoutie, mais la majorité d’entre eux sont mis en œuvre dans le Nord-Cau-case et dans la région de Krasnodar », précise le représentant du groupe.

Le plus grand espoir des sociétés étrangères repose sur la diminution des dépenses énergétiques : « L’aide de l’État n’est pas toujours fi nancière, elle peut également se manifester sous la forme d’un accès facilité aux réseaux de gaz et d’électricité. Ce sont des élé-ments stratégiques dans le secteur des cultures sous serre. Ainsi, à Magnito-gorsk, nos projets sont rentables grâce au gaz bon marché et au prix plus élevé des légumes dans la région », conclut M. Richel.

L’EXPÉRIENCE ÉTRANGÈRE EN AIDE AU COMPLEXE AGRICOLE RUSSELe cap mis par la Russie sur la substitution aux importations entraîne dans son sillage une modification de la politique agraire. La construction de nouvelles serres et l’élargissement des cultures maraîchères en sont un des aspects. Les produc-teurs étrangers de serres se réjouissent de ces nouvelles pers-pectives de coopération. EKATERINA BOLDINA

8 Édition spéciale Russie-France

– Depuis le moment où vous êtes entré dans vos nouvelles fonctions, quels changements se sont produits dans la stratégie de dévelop-pement du groupe Total ?– Je ne suis pas adepte de changements brusques dans la stratégie. Pour le dé-veloppement du business, il faut plu-tôt de la continuité. Notre stratégie, élaborée du temps de Christophe de Margerie, est réaliste. Elle a été défi nie par l’ensemble du Comité Exécutif de Total, dont je faisais moi-même partie. Nous la poursuivons aujourd’hui.

– Que pensez-vous des sanctions américaines et européennes contre la Russie ?– Total respecte bien entendu toutes les sanctions qui lui sont applicables, ain-si que l’ensemble des lois et règlements édictés par la France, l’UE et les Nations Unies. Certaines de ces mesures nous touchent, directement ou indirectement.

– Pouvez-vous continuer à mener vos projets en Russie ?– Sur le plan technique, les sanctions n’ont pas d’impact signifi catif sur nos projets existants en Russie. Mais puisqu’elles concernent aussi les activi-tés « shale oil », nous avons été amenés à suspendre notre projet de coopération avec Loukoïl visant l’exploration et le développement des réserves d’huile de l’horizon Bajenov, dans le district auto-nome des Khantys-Mansis. Une autre limitation, concernant le fi nancement

à long terme en dollars US, a eu des conséquences négatives pour le projet Yamal LNG. Les partenaires du projet ont dû revoir le schéma de fi nancement initial et chercher d’autres solutions, ce que nous sommes en train de faire.

– Quelles sont, d’après vous, les perspectives ? Les sanctions européennes seront-elles atté-nuées ou, au contraire, renforcées ? – C’est une question à poser aux hommes politiques. En tant que chef d’entreprise et représentant des inves-tisseurs français, je ne voudrais pas que la situation économique s’aggrave à cause des sanctions. Je suis favorable aux initiatives politiques qui contri-buent au dialogue et au rapprochement des positions. Ensuite, à nous de conti-nuer notre travail ! Sans ignorer les dif-fi cultés présentes, mais en gardant une stratégie à long terme, celle-là même qui nous a conduits à créer notre parte-nariat avec la Russie.

– Que pensez-vous du renforcement de la coo-pération entre la Russie et ses partenaires asiatiques ?– La Russie et la Chine sont l’un, le premier exportateur d’énergie au monde  ;  l’autre, le premier consom-mateur ; et partagent plus de 4 000 kilomètres de frontière commune. Par conséquent, ils sont voués à collaborer et ce qui serait surprenant, ce serait qu’ils ne le fassent pas.

– Que pensez-vous de la chute des prix du brut sur le marché mondial ? – La chute récente des prix du brut compte parmi les phénomènes qu’au-cun des analystes les plus expérimen-tés n’a prévus. La situation n’est pas simple, et elle sera un « test de résis-tance » pour nous tous. Total est cepen-dant une compagnie fi nancièrement solide, et je suis sûr que nous serons capables de surmonter les obstacles.

– Quel impact cela pourrait-il avoir sur les programmes d’investissement de Total ?– En réponse à la situation, nous avons revu notre programme d’investisse-ment annuel en le réduisant de 10  % environ. Mais nous avons préservé les grands projets qui contribuent à notre croissance.

– Beaucoup de compagnies ont annoncé des mesures de réduction des coûts. Que fait To-tal ?– Nous avons mis en place une poli-tique interne de réduction des coûts bien avant la chute des prix du brut. Et l’ensemble de la compagnie est im-pliqué dans ce processus d’optimisa-tion - les initiatives venant de nos col-laborateurs y jouent d’ailleurs un très grand rôle. Chacun d’eux peut proposer des mesures pratiques et bénéfi cier des expériences partagées avec ses collè-gues dans d’autres fi liales. Pour notre groupe, qui est présent dans 130 pays, ces échanges revêtent une importance capitale. Et ça marche !

– Est-ce que les prix du brut resteront bas pendant encore longtemps ?– Je ne sais pas et je ne me hasarderai pas à faire des prévisions trop précises, que la réalité se chargera de démentir. À nous d’améliorer notre performance afi n de pouvoir résister à tous les scéna-rios.

– Christophe de Margerie était souvent venu en Russie. Comment vos partenaires ont-ils réagi à sa disparition tragique ? – Christophe de Margerie aimait la Rus-sie. Et au moment de sa mort, qui m’a profondément touché, beaucoup de Russes nous ont adressé des paroles de compassion et de soutien très sincères. En particulier nos partenaires, qui sont aussi nos amis, et avec lesquels il avait noué des relations qui allaient souvent au-delà des aff aires.

– Vous est-il diffi cile de commencer à travail-ler en Russie en tant que nouveau patron de Total ?– Pour développer avec succès la coopé-ration, il faut d’abord s’imprégner de l’esprit du pays, essayer de comprendre ses partenaires, et savoir reconnaître leurs points forts. C’est ainsi que les meilleurs partenariats se forment dans notre business. Pour ma part, j’avais déjà visité plusieurs fois la Russie dans le passé, tant pour aff aires qu’en tou-

PATRICK POUYANNÉ, DIRECTEUR GÉNÉRAL DE TOTAL, SUR L’ACTIVITÉ DE L’ENTREPRISE EN RUSSIE

Interview à la première personne

Projet Yamal LNG

Patrick Pouyanné | TOTAL

Propos recueillis par ELENA ANISSIMOVA

9www.lecourrierderussie.com Édition spéciale Russie-France

riste. Et dans mes nouvelles fonctions, c’est ma troisième visite en 8 mois, et ma septième rencontre avec mon parte-naire principal – une par mois!

– Quelle place la Russie occupe-t-elle dans la stratégie de développement de Total ? Enten-dez-vous réduire votre présence dans ce pays ?– La Russie occupe toujours une place de choix dans notre stratégie de développe-ment. Si vous prenez la fuite chaque fois que vous vous heurtez à un obstacle, il vous sera extrêmement diffi cile d’inspi-rer confi ance à vos partenaires. L’année prochaine, nous allons célébrer les 25 ans de notre présence en Russie, mais ce n’est que le début d’une longue coopé-ration. Nous avons des plans très ambi-tieux pour le futur, comme le projet Ya-mal LNG. Notre participation croissante dans le capital de Novatek témoigne aussi du sérieux de nos intentions.

– Vous avez visité récemment Sabetta, où se-ront basées les principales installations du projet Yamal LNG. Quelles sont les impres-sions que vous ramenez de ce voyage ? Com-ment avance le projet ?– Ce fut un voyage remarquable. Je suis de près l’avancement du projet Yamal LNG, mais il fallait absolument que je voie de mes propres yeux le site des travaux et les installations déjà prêtes ou en cours de construction. Je peux témoigner de l’effi cacité de l’investisse-ment, qui à ce jour a déjà atteint 9 mil-liards de dollars. Les travaux vont bon train. Je suis très content de ce projet.

– Comment se passe le fi nancement de ce projet ?– J’ai déjà souligné qu’il existait des alternatives permettant d’agir malgré

l’impossibilité de fi nancer le projet en dollars, et nous avons fait de grands progrès dans cette direction avec nos partenaires. Nous faisons appel à des banques et à des établissements fi -nanciers, notamment en Europe et en Chine. C’est un projet très prometteur, nous avons déjà des contrats de vente pour toute la production de gaz, et je suis certain que nous réaliserons le pro-jet dans les délais prévus.

– Avez-vous l’intention d’augmenter votre participation dans le capital social de No-vatek ?– À ce jour nous avons près de 18 % du capital de Novatek et notre accord stra-tégique avec Novatek permet que nous pouvons monter jusqu’à 19 %. Par le passé, nous n’avons jamais annoncé à l’avance nos achats d’actions car cela pouvait infl uencer le cours. Pourquoi le changer ?

– Comment appréciez-vous la participation de Total au PSA (Production Sharing Agreement, en français « accord de partage de la production ») de Kharyaga ? – Kharyaga est un des premiers projets de Total en Russie. Le professionnalisme et le savoir-faire de nos collaborateurs ont permis de mettre en valeur les ré-serves de ce champ, malgré de nombreux challenges techniques. Je note plus de 15 ans de production et d’excellents résul-tats en matière de sécurité industrielle. La rentabilité du projet a permis à l’État russe de recevoir plus de 3 milliards de dollars du PSA de Kharyaga.

– Quelle importance y attachez-vous ?– Plus de 10 % de notre production vient actuellement de la Russie. Certes, la

contribution de Kharyaga est modeste, mais le projet nous a permis d’amé-liorer notre connaissance pratique de l’industrie russe et de construire un partenariat solide avec notre associé Zaroubejneft.

– Vous avez lancé un autre projet en Russie au mois de mai. Quelle est l’importance de cet événement pour le groupe ?– Termokarstovoïé est notre premier projet conjoint avec Novatek. Il est un

bon exemple de la synergie entre deux grandes compagnies complémen-taires, dont chacune apporte son sa-voir-faire à la réussite d’un projet com-mun. Résultat : le projet a été mis en route en avance sur les prévisions et en dessous du budget. Depuis le début de 2015, c’est le quatrième nouveau projet de Total dans le monde.

– Il s’agit d’un autre projet de gaz qui s’ajoute au portefeuille du groupe. Ceci veut-il dire que le gaz joue un rôle de premier plan dans la stratégie de Total ?– Le gaz occupe une place importante dans la stratégie de développement du groupe. La part du gaz dans la produc-tion de Total a atteint 50 % en 2014. Le GNL (gaz naturel liquéfi é) représente un segment important et prometteur du marché de gaz. Total en est un des trois premiers producteurs au monde et nous sommes présents tout au long de la chaîne industrielle. Nous avons l’in-tention de renforcer nos positions dans le GNL, notamment en participant à de grands projets comme celui de Yamal LNG.

– Total est une compagnie verticalement in-tégrée. Est-il prévu de développer les activités du groupe en Russie dans les secteurs autres que l’exploration-production ?– C’est déjà le cas. Notre branche mar-keting-services continue sa croissance en Russie. Avec Gazpromneft, nous avons inauguré récemment une usine qui produit déjà des bitumes de qualité supérieure pour les revêtements rou-tiers. Nous envisageons de développer d’autres activités aval.

L’ANNÉE PROCHAINE, NOUS ALLONS CÉLÉBRER LES 25 ANS DE NOTRE PRÉSENCE EN RUSSIE, MAIS CE N’EST QUE LE DÉBUT D’UNE LONGUE COOPÉRATION. NOUS AVONS DES PLANS TRÈS AMBITIEUX POUR LE FUTUR, COMME LE PROJET YAMAL LNG.

10 Édition spéciale Russie-France

– Comment évaluez-vous l’état actuel des re-lations franco-russes ? – Les relations franco-russes traversent une période diffi cile. Elles ne peuvent être évaluées indépendamment de la crise ukrainienne. Le partenariat bila-téral, qui s’était considérablement dé-veloppé au cours des dernières années, a souff ert et souff re encore des consé-quences de la crise dans le Donbass, des sanctions européennes et des contre-me-sures russes, et, de manière plus large, du contexte informationnel en France et en Russie. On observe une forte po-larisation des positions exprimées par les hommes politiques, les experts et les journalistes de nos deux pays.

Cependant, il y a du positif : la France, en la personne du président de la République François Hollande, s’est saisie du dossier ukrainien. Cela a commencé dès le printemps 2014, avec la création du format « Normandie », et ce en dépit des très fortes pressions extérieures pour que Vladimir Poutine ne soit pas invité le 6 juin pour les cé-rémonies commémoratives du 70e an-niversaire du Débarquement. Chacun se souvient aussi de l’escale que Fran-çois Hollande a faite à Moscou et de sa rencontre avec le président russe, le 6 décembre dernier, au retour de son voyage offi ciel au Kazakhstan.

Le rôle clé de la France dans le proces-sus de Minsk est de bon augure. Bien sûr, il y a un contexte médiatique, il y a une crise de confi ance profonde, il y a le dossier – hélas visible et haute-ment symbolique – du Mistral, mais il y a aussi des signaux plus positifs qui viennent du plus haut niveau.

– L’économie russe est-elle « en lambeaux » ?– Non, contrairement à ce qu’a pu dire, un peu imprudemment, le président Obama à l’automne dernier. Les scé-narios très sombres, parfois apocalyp-tiques, qui avaient fl euri après le « mar-di noir » du rouble à la mi-décembre, ne se confi rment pas. L’économie russe ne s’eff ondre pas. La monnaie nationale s’est redressée, les cours du pétrole – si déterminants pour les équilibres macro-économiques et fi nanciers du pays – se sont stabilisés et sont même remontés à 65 dollars le baril, et la ré-cession devrait être légèrement infé-rieure à 3 %, alors que certains tablaient sur une contraction de 5 voire 6 points. Ceci dit, la situation n’est pas brillante. Les revenus réels de la population sont en baisse – pour la première fois depuis l’arrivée de Vladimir Poutine au pou-voir en 2000 –, l’investissement – russe comme étranger – est à l’arrêt, l’infl a-tion sera proche de 15 % cette année, les

budgets de la plupart des régions sont en défi cit. Pour résumer, je dirais que la Russie résiste plutôt bien au choc. Mais les défi s fondamentaux auxquels elle doit faire face sont toujours là. Il s’agit ni plus ni moins que d’inventer un nouveau modèle de développement pour les décennies à venir.

– Les investisseurs français quittent-ils la Russie ? Où en sont les échanges commer-ciaux bilatéraux ? – À ma connaissance, aucune entre-prise française n’a l’intention de par-tir de Russie. Les gens comprennent qu’au-delà des turbulences actuelles, c’est un pays au potentiel et aux be-

IL N’Y AURA PAS DE RETOUR AU STATU QUO ANTE

Arnaud Dubien, directeur de l’Observatoire franco-russe, s’exprime sur les relations franco-russes, sur le virage de la Russie en direction de l’Est, et répond à la question de savoir si l’économie russe est réellement « en lambeaux » ou non.

Le président russe Vladimir Poutine

rencontre le président français François

Hollande à l’aéroport Vnoukovo, à Moscou. |

MAXIM ZMEYEV / REUTERS

Arnaud DUBIEN |

OBSERVATOIRE FRANCO-RUSSE

LES SCÉNARIOS TRÈS SOMBRES, PARFOIS APOCALYPTIQUES, QUI AVAIENT FLEURI APRÈS LE « MARDI NOIR » DU ROUBLE À LA MI-DÉCEMBRE, NE SE CONFIRMENT PAS. L’ÉCONOMIE RUSSE NE S’EFFONDRE PAS.

11www.lecourrierderussie.com Édition spéciale Russie-France

soins  – notamment en termes d’in-frastructures  – gigantesques. Les en-treprises françaises peuvent contribuer à la modernisation de la Russie. Plu-sieurs centaines y sont implantées et y œuvrent déjà, en apportant technolo-gies et savoir-faire.

À court terme, la situation est très diff érente selon les secteurs d’activité. La distribution se porte plutôt bien, tandis que les constructeurs automo-biles enregistrent à l’inverse de très mauvais chiff res de ventes. L’une des conséquences de la crise du rouble fi n 2014-début 2015 et du climat politique né de la crise ukrainienne sera une lo-calisation plus importante de la pro-duction en Russie.

Les échanges bilatéraux devraient, hélas, encore baisser cette année. C’est le résultat de plusieurs facteurs. Tout d’abord, la situation économique en Russie, dont les importations ont bais-sé d’environ 30 % au premier trimestre. Les contre-sanctions décidées par le Kremlin en août dernier en réponse aux sanctions sectorielles occidentales ont également privé certaines entreprises françaises du secteur agro-alimentaire de leurs débouchés en Russie. Enfi n, il convient de relever un véritable pro-blème de fi nancement de la part des banques françaises. Des dizaines de grosses PME nous ont dit ne pas pou-voir obtenir de prêts pour leurs projets d’exportation en Russie. Offi cielle-ment, le problème n’existe pas, ou il est d’ordre technique. Dans les faits, la frilosité traditionnelle des banquiers vis-à-vis de la Russie a été amplifi ée par les sanctions – qui ne concernent pourtant qu’un nombre très limité de secteurs – et par l’aff aire BNP Paribas.

Le phénomène d’overcompliance que l’on constate aujourd’hui pénalise non pas la Russie mais nos entreprises et, in fi ne, la balance commerciale de la France.

– Assiste-t-on à un virage de la politique étrangère de la Russie en direction de l’Asie ? – La Russie a systématiquement reven-diqué, depuis des siècles, sa double vo-cation – européenne et asiatique. Mais l’empire tsariste comme l’Union sovié-tique étaient en réalité des puissances européocentrées. C’est toujours le cas aujourd’hui en termes économiques et démographiques, mais les choses sont en train d’évoluer. La Russie fait le constat qu’elle ne peut se désintéresser de la région Asie-Pacifi que, où le centre de gravité économique et politique du monde est en train de glisser. Et qu’elle dispose de nombreux atouts, jusqu’ici négligés, pour y jouer un rôle.

À vrai dire, cette prise de conscience est antérieure à la crise ukrainienne. Le sommet de l’APEC, qui s’est tenu à Vladivostok en septembre 2012, avait il-lustré cette nouvelle ambition orientale de la Russie, 25 ans après le fameux dis-cours prononcé par Mikhaïl Gorbatchev dans cette ville. Il s’agit à la fois de ren-forcer ses échanges commerciaux avec les pays de la région, mais aussi de dé-velopper les provinces de Sibérie orien-tales et d’Extrême-Orient, très vulné-rables sur le plan socio-économique.

Les cérémonies commémoratives des 70 ans de la victoire sur l’Allemagne nazie ont mis en évidence le rappro-chement entre la Russie et la Chine. Des dizaines d’accords ont été conclus, moins d’un an après la signature de l’accord sur le gazoduc Force de la Si-bérie. L’Observatoire, qui suit très at-

tentivement ce qui se passe dans les ré-gions de Russie, note la multiplication de projets d’investissements chinois dans de très nombreux secteurs. À l’évi-dence, un mouvement tectonique s’est enclenché. Certes, parler d’alliance russo-chinoise est exagéré. Mais nier, comme le font de nombreux analystes en Europe, qu’il se passe quelque chose de majeur est assez incompréhensible. Notons au passage que la politique asia-tique de la Russie ne se résume pas à la Chine. Moscou développe de façon sui-vie ses partenariats avec l’Inde, le Viet-nam et la Corée du Sud.

– Quel sera le positionnement international de la Russie ces prochaines années et quelle sera la nature de ses relations avec l’Occi-dent ? – Le sentiment qui prévaut dans les cercles de pouvoir à Moscou est qu’il n’y aura pas de retour au statu quo ante. La Russie se prépare à une coexistence relativement indiff érente avec un Oc-cident dont elle n’attend plus grand-chose de positif, qu’elle juge comme largement responsable du désordre international – notamment au Moyen-Orient – et qui n’est plus aujourd’hui la référence centrale. Elle privilégiera les coopérations avec des pays (BRICS, Tur-quie, Égypte, Iran, etc.) qu’elle estime capables de résister à d’éventuelles pressions américaines. L’idée d’une dépendance croissante vis-à-vis de la Chine est intégrée – à défaut d’être vrai-ment acceptée – par les élites russes.

Puissance inquiète pour sa sécurité et son rang, la Russie continuera d’évo-luer sans grande stratégie, dans une logique réactive et opportuniste, seule sans être isolée.

PUISSANCE INQUIÈTE POUR SA SÉCURITÉ ET SON RANG, LA RUSSIE CONTINUERA D’ÉVOLUER SANS GRANDE STRATÉGIE, DANS UNE LOGIQUE RÉACTIVE ET OPPORTUNISTE, SEULE SANS ÊTRE ISOLÉE.

– Dentons a annoncé une nouvelle extension majeure un an seulement après que les trois principaux cabinets d’avocats internatio-naux – Salans, SNR Denton et Fraser Milner Casgrain (FMC) – ont fusionné pour former Dentons. Comment ces changements vont-ils aff ecter le cabinet en Russie ?– La fusion de Dentons et du principal cabinet d’avocat chinois 大成 (pronon-cé « da chung »), annoncée en janvier 2015, forme un cabinet unique sur le marché. La nouvelle fi rme aura plus de 6 600 avocats et juristes dans 125 bureaux répartis dans plus de 50 pays. L’année dernière, la fi rme a continué à ouvrir de nouveaux bureaux, princi-palement en Afrique, plus précisément dans ses régions francophones.

Nos clients russes qui souhaitent tra-vailler à l’étranger auront accès à un réseau d’avocats encore plus large à tra-vers l’Europe, la CEI, les États-Unis, le Royaume-Uni, le Canada, l’Asie-Paci-fi que, l’Asie centrale, le Moyen-Orient et l’Afrique.

– Dentons a-t-il développé son Global French Desk en Russie ?– Le lien avec la France reste au cœur de

l’identité de Dentons en Russie. C’est à Paris qu’est né Salans, l’un des cabi-nets d’avocats ayant contribué à former Dentons. C’est la raison pour laquelle les entreprises françaises ont toujours constitué une part importante de notre clientèle en Russie.

Pour assister nos clients français, nous disposons entre autres d’une équipe de 15 avocats francophones dans nos bureaux de Moscou et Saint-Pé-tersbourg. En plus des ressortissants russes, notre équipe rassemble plu-sieurs Français membres du barreau de Paris et parlant un russe parfait après de nombreuses années de résidence à Moscou. Nous pouvons également faire appel à d’autres collègues français spé-cialisés en droit des aff aires russe et ba-sés dans nos bureaux de Paris et Berlin.

Notre expérience nous montre qu'au-delà des diffi cultés inhérentes aux transactions parfois juridiquement complexes, il y a souvent des barrières interculturelles rendant plus diffi ciles les contacts et faisant des négocia-tions un véritable défi . Un conseiller juridique parfaitement bilingue avec une véritable compréhension des deux

cultures sera souvent d'une grande aide dans de telles situations, et permet-tra un gain de temps et d'argent pour toutes les personnes impliquées.

Que ce soit pour des multinatio-nales ou des entreprises plus petites, notre équipe française en Russie est en mesure de fournir aux clients fran-cophones une gamme complète de ser-vices juridiques pour les aider à travail-ler en Russie, et ce dans des secteurs aussi variés que le luxe, les services, l'agroalimentaire, la construction, les sciences de la vie, les services fi nan-ciers et bien d'autres.

Attentif aux besoins de nos clients français et à leur service, je suis un membre actif de la communauté d'af-faires française à Moscou, où je vis depuis 22 ans, et je suis très impliqué dans la promotion des relations écono-miques entre la France et la Russie.

DENTONS, UNE PRÉSENCE FRANÇAISE EN RUSSIE

Mathieu Fabre-Magnan, associé du cabinet Dentons au bureau de Moscou, responsable du groupe de pratique Dentons European and Russian Luxury, Fashion and Beauty et en charge du Pôle France / Global French Desk de Dentons en Russie, se spécia-lise dans l’accompa-gnement juridique des clients français. Il nous présente le cabinet Dentons en Russie.

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12 Édition spéciale Russie-France

En ce premier quart du 21e siècle, la France conserve une position confor-table dans la course à l'innovation. Elle est en pointe dans la « compéti-tion mondiale » pour l’Internet le plus rapide et a remporté de nombreux prix lors du dernier CES (Consumer Electronics

Show), le principal salon de l'électro-nique grand public qui se tient à Las Ve-gas, et ce bien que la concurrence avec la Corée du Sud, la Chine, les États-Unis et l'Allemagne reste assez intense.

La part du Web dans le PIB français est estimée à 5,5 % (contre 3 % en 2009). Par ailleurs, le nombre de demandes de brevets déposées en France place le pays en deuxième position en Europe et en sixième position mondiale. En no-vembre de l'année dernière, la France est arrivée en tête du classement Tech-nology Fast 500 EMEA.

INFRASTRUCTURE NUMÉRIQUE Ces indicateurs prometteurs devraient continuer à s’améliorer grâce à plu-sieurs projets lancés avec le soutien du gouvernement français.

Le programme « France numérique », adopté en 2012, pose les bases de ce dé-veloppement. Le projet est principale-ment tourné vers les consommateurs à travers l’élargissement de la sphère des services publics numériques, l’in-troduction de l’Internet à haut débit et l'amélioration de la qualité de la connexion mobile, avec la 3G et la 4G.

Il a déjà porté ses fruits. Ainsi, selon les statistiques de l'indice DESI (Th e Di-

gital Economy and Society Index) de l'Union européenne, les portails des services publics sont activement utilisés en France. Par exemple, 39 % des méde-cins généralistes conservent les don-nées médicales sous forme numérique (contre 36 % en moyenne en Union eu-ropéenne), et 28 % des médecins trans-mettent les ordonnances aux pharma-ciens par voie électronique.

La France se classe première parmi les pays européens en matière d'achats sur Internet ainsi que dans l’utilisation de la télévision et des vidéos en ligne. En revanche, en matière de communi-cation sur les réseaux sociaux et d’ap-pels vidéo, les Français utilisent moins Internet que les autres Européens, selon les données du DESI. Le rapport UbiFrance, présenté au prestigieux sa-lon CES à Las Vegas, indique que le dé-bit des réseaux de télécommunications en France atteint une vitesse moyenne de 31 Mbits/s (78,7 Mbits/s à Paris). Les 20 milliards d'euros investis dans les infrastructures de l'Internet à haut dé-bit devraient permettre d’atteindre une couverture à 100 % à l'horizon 2022.

Le marché des communications mo-biles en France est le deuxième plus

grand d’Europe. Par ailleurs, de nom-breux consommateurs préfèrent la 4G pour l'accès à l'Internet. Dans ce do-maine, la France est également le deu-xième pays d’Europe.

En 2013, le président François Hol-lande a annoncé une liste de 34 projets de hautes technologies stratégiques pour la France (le programme est in-titulé  «  La nouvelle France indus-trielle ») : un tiers de ces projets relève des technologies de l’information (TI).

LES INVESTISSEMENTS DANS LES START-UPS En 2013, French Tech, un projet visant à soutenir les start-ups à fort potentiel, a été lancé avec le soutien du gouver-nement français. Par ailleurs, le pro-jet vise non seulement à soutenir les entreprises françaises sur le marché national et à travers le monde, mais également à attirer des start-ups étran-gères en France.

« Les sociétés étrangères jouent un rôle important dans l'économie française. Pourtant, par rapport aux États-Unis, au Qatar, à la Chine et à d'autres pays, la Russie y est relati-vement peu représentée. La Russie compte de nombreuses entreprises fortes dans ce domaine – Yandex, MTS et VimpelCom, pour n'en citer que quelques-unes  –  mais quand ces ac-teurs cherchent à s'étendre au-delà de leur pays, ils rencontrent des diffi -cultés. Pour les start-ups russes, c'est encore plus diffi cile. Nous voulons les aider  :  si ces entreprises décident de se lancer sur le marché étranger ou européen, nous aurons, bien sûr, tout intérêt à les attirer en France, car cela favorisera la croissance économique et

la création d'emplois », explique Sté-phanie Morley, chef du pôle Nouvelles technologies, innovation et services de Business France en Russie.

Le climat favorable devrait encoura-ger l’investissement. Ainsi, la France pratique le crédit d'impôt recherche, qui couvre jusqu'à 100 millions d'euros d'investissement et permet de réduire les charges fi scales, de même que le

crédit d'impôt innovation. En outre, les entreprises peuvent prétendre au statut de jeune entreprise innovante, qui permet aux start-ups de bénéfi cier de réductions fi scales pendant huit ans. « En ce qui concerne les investis-sements à risque, la Banque publique d'investissement vient encourager les investissements privés dans les indus-tries de capital-risque. L'eff et positif de ces mesures est déjà apparent : on peut citer l'exemple de BlaBlaCar, qui a pu

lever 100 millions d'euros en 2014 », ra-conte Stéphanie Morley.

La participation au salon d'électro-nique grand public de Las Vegas est une autre manière de soutenir les start-ups françaises. Stéphanie Mor-ley indique qu'en 2014, 120 entreprises et start-ups françaises ont participé au CES, faisant de la France la pre-mière délégation européenne et la cin-

quième délégation par rapport à tous les pays participants. Par ailleurs, 25 % de toutes les start-ups représentées étaient françaises.

Le festival Futur en Seine, qui se tien-dra en juin de cette année, devrait aider les start-ups et PME russes à se lancer en France. Le festival réunit quelque 20 à 25 pays et leur permet de présen-ter leurs innovations technologiques. Cette année, une délégation russe est attendue avec, notamment, la partici-pation de RVC, qui, à son tour, invitera les start-ups russes.

LES AVANTAGES DE LA FRANCE L'accès au marché russe est également un axe important du travail de French Tech, explique Stéphanie Morley. Les Français occupent une position forte dans les domaines du commerce élec-tronique et du marketing numérique, des technologies audiovisuelles, des télécommunications, des logiciels, du traitement des données de masse, de la cyber-sécurité et de l’utilisation des drones.

La directrice du département TIC de Business France en Russie estime qu'une collaboration effi cace entre les deux pays est possible dans ces do-maines.

« Je crois que les Russes savent glo-balement où l'on peut trouver du sa-voir-faire et de l'expérience, et, mal-gré la concurrence américaine et allemande, dans leur recherche de par-

TIC À L’IMPORT ET À L’EXPORT À l’aube des technologies de l’information, la France avait déjà créé le service Minitel, largement utilisé jusqu’à l’avènement de l’ère Internet.

« DE NOMBREUX PROJETS FRANÇAIS PORTENT DES NOMS À CONSONANCE AMÉRICAINE CAR ON CONSIDÈRE QUE CELA PERMET DE BOOSTER LES VENTES, MAIS ILS SONT EN RÉALITÉ FRANÇAIS. » STÉPHANIE MORLEY

Futur en Seine |

JEAN-PIERRE DALBÉRA / FLICKR.COM

13www.lecourrierderussie.com Édition spéciale Russie-France

tenaires, ils choisiront une entreprise française si celle-ci est réellement un expert dans son domaine », estime Sté-phanie Morley.

La société Sigfox a, par exemple, si-gné un contrat avec la mairie de Mos-cou et participe au projet d’équipement de places de parking dans la capitale. À l'avenir, d'autres start-ups françaises pourraient être demandées en Russie, notamment celles qui proposent les technologies récompensées au salon CES : ce sont les drones Parrot, les ca-méras de surveillance à identifi cation visuelle Netatmo et bien d'autres.

LES FRANÇAIS SUR LE MARCHÉ RUSSE Les acteurs des TIC (technologies de l’information et de la communication) français déjà présents sur le marché russe s'accordent à dire que celui-ci est attractif du point de vue économique.

Le directeur du département stra-tégie et recherche d'Oxymore Inc., Jean-Christophe Bonis, précise que le lancement de l’entreprise sur le mar-ché russe était naturel car c’est un mar-

ché dynamique, prometteur et vaste. En Russie, la société promeut la for-

mation dans le domaine des innova-tions à travers des conférences, des ateliers et des consultations spéciales, mais son objectif principal est la créa-tion d'une plateforme de formation utilisant les smart data et l'intelligence artifi cielle.

Le directeur général de Teads en Russie, Th ierry Cellerin, souligne éga-lement le potentiel du marché russe, le plus vaste d'Europe en termes d'au-dience avec environ 75 millions d'utili-sateurs mensuels.

Pour cette société, spécialisée dans les fl ux vidéo en ligne pouvant être in-tégrés sur n'importe quelle page web, le lancement sur le marché russe est un pas naturel. « Le secret du succès d'une société technologique est d'être simple-ment un peu en avance sur le reste du marché », estime M. Cellerin.

Iouri Larine, directeur des ventes Russie et CEI d'Arkaden RUS, précise qu'un service de qualité doit être assuré dans la langue du pays où le bureau est installé.

En outre, compte tenu de l'étendue territoriale de la Russie, les technolo-gies de connexion vidéo hybride pro-posées par la société sont particulière-ment d'actualité. Elles permettent aux utilisateurs de communiquer à partir de tout type d'appareil ou presque.

« La France est l'un des premiers pays d'Europe avec une culture riche, no-tamment technique, et nous sommes heureux de proposer aux utilisateurs russes les meilleures technologies de travail à distance, développées en France et testées en Europe et à travers le monde », indique M. Larine.

Lev Samsonov, directeur général de Fabernovel en Russie, souligne que la Russie fait partie des cinq plus grands marchés numériques du monde. Aussi les opportunités apportées par la révolu-tion numérique seront-elles de plus en plus demandées dans les années à venir.

« Aujourd'hui, plutôt que reproduire les produits et services réussis, les entre-prises doivent en créer de nouveaux en utilisant leurs actifs et l'expertise accu-mulée et en recourant aux technologies numériques », estime M. Samsonov.

Th ierry Cellerin partage cet avis. Il ex-plique que de nombreuses entreprises « ne sont pas toujours conscientes des possibilités que peut apporter le déve-loppement des TIC à leurs activités, réduisant à tort le rôle des TIC aux technologies de la communication. Les TIC peuvent apporter de nouvelles technologies aux entreprises, créer de nouveaux produits, modifi er le mo-dèle commercial de la société, etc. Elles doivent devenir la composante princi-pale de la planifi cation stratégique. »

Cela signifi e que les entreprises de-vront agir en utilisant des technologies innovantes si elles veulent éviter le des-tin de Kodak, qui a fait faillite.

Stéphanie Morley explique que l'ob-jectif est de faire en sorte que les start-ups françaises ne se contentent pas de simplement « vendre » leurs produits en Russie, mais qu'elles s'y installent durablement : « Elles ont peu de res-sources humaines pour y parvenir, c'est pourquoi nous leur venons en aide, de même que la Chambre de commerce et d'industrie franco-russe. »

Le fournisseur international Orange Business Services offre des services de télécommunications aux plus gros clients russes et internationaux, tels que Danone, Heineken, Siemens, JTI, L’Oréal, Otkrytie Bank, MDM Bank, Rosbank, Sberbank, etc. Richard van Wageningen, directeur général de la filiale russe du groupe, aborde les nouvelles opportunités qu’ouvre la crise en Russie.

– Quel est l’impact de la conjoncture économique en Russie sur l'activité de votre entreprise ?– Déjà lors de la préparation du budget pour l'année en cours, nous prévoyions que notre travail serait plus diffi cile. Mais nous savions à l’avance où nous pouvions travailler de manière plus effi cace. Les entreprises doivent cher-cher des moyens d’optimiser leurs dé-penses. En cela, nous sommes aidés par les technologies informatiques. En investissant dans ces technologies aujourd'hui, nous pouvons prendre plusieurs années d'avance sur nos concurrents. En outre, les solutions in-formatiques sont très utiles en temps de crise. Je pense notamment aux so-lutions de cloud computing qu'on peut exploiter en ne payant que pour les res-sources utilisées – c'est important lors-qu'une société croît ou, au contraire, réduit sa voilure.

– Les entreprises peuvent-elles trouver de nouvelles opportunités ?– Bien sûr. La crise est simplement une autre situation, que l'on peut compa-rer à la conduite automobile : lorsqu'il pleut ou neige, nous conduisons plus prudemment. En ce qui concerne les investissements, de grandes opportu-nités apparaissent.

– Pourquoi faut-il aujourd’hui investir en Russie ? – Travailler en Russie est crucial pour nous comme pour tout fournisseur in-ternational de services. Il est même plus intéressant d'investir en Russie aujourd'hui qu'avant la crise : celui qui achète maintenant dicte ses règles au marché. Cela peut bien entendu être diffi cile, mais il faut le faire si l’on ne veut pas, d'ici deux ans, quand l'économie reprendra sa croissance, se retrouver derrière tout le monde. De notre côté, nous investissons dans l'infrastructure en Russie, élargissons notre plateforme cloud et faisons tout pour rester un partenaire fi able pour nos clients.

– Quelles sont les nouvelles diffi cultés ren-contrées par vos clients ?– La majeure partie de nos clients sont des organismes fi nanciers, des compa-gnies pétrolières, gazières et minières, et des détaillants. Chacun de ces sec-teurs a souff ert de la crise à sa façon. Nous cherchons à soutenir nos clients et à leur proposer des conditions plus favorables.

– Quelles mesures les entreprises doivent-elles prendre pour rester compétitives dans les nouvelles conditions économiques ? – Chaque entreprise doit comprendre pourquoi ses clients l’ont choisie elle. Les unes misent sur la qualité, les autres sur le prix et la fl exibilité. Nous combinons les deux approches. Notre force, ce sont les grands clients russes et internationaux que nous compre-nons bien et à qui nous pouvons propo-ser les meilleures solutions.

L'état d'esprit de la direction est éga-lement très important. Un directeur peut dire que tout va mal, un autre ap-préciera les résultats obtenus, même s'ils sont minimes. Personnellement, je suis un optimiste.

– Quelles niches avez-vous l'intention de dé-velopper sur votre marché en Russie ? – Les entreprises recourent de plus en plus au modèle cloud pour l'organisation de leur travail. Par conséquent, tous nos produits et services migrent sur le cloud : la téléphonie, les conférences audio, vidéo et web, et les centres de contact. Nous proposons également des clouds virtuels privés et hybrides à nos clients. Les clouds hybrides allient le confort d'utilisation d'un cloud privé et la sécurité.

Par ailleurs, à partir du 1er septembre doit entrer en vigueur la loi sur la conser-vation des données personnelles, qui oblige les entreprises à conserver sur le territoire russe les données des citoyens russes. Dans le contexte actuel, les en-treprises peuvent soit investir dans l'ex-pansion et la modernisation des centres de données afi n de respecter la législa-tion, soit migrer sur le cloud et ainsi bé-néfi cier de davantage de fl exibilité sans devoir investir dans l’infrastructure et sa modernisation. Nous avons constaté une hausse de la demande pour les pro-jets cloud de la part des grandes entre-prises. Nos clients souhaitent utiliser notre plateforme cloud, aussi nous inves-tissons actuellement dans son expan-sion. Nous avons nos propres centres de données en Russie et nous fournissons des services sur la base des centres de données de nos partenaires.

– Quelles sont les tendances dominantes sur le marché ? – La tendance principale est la mobili-té. Les collaborateurs veulent avoir un accès mobile aux mêmes applications et systèmes qu'à partir d'un ordina-teur fi xe, partout et depuis tout type d'appareil. Pour ce faire, des outils de programmation ont été élaborés et sont

proposés sur les marchés IT internatio-nal et russe. Nous proposons une solu-tion complète pour l’utilisation sécuri-sée des appareils mobiles. Entre autres avantages, celle-ci ne nécessite ni dé-penses d’investissement de capital, ni d'investissements dans l'infrastructure informatique. Le client ne paie que pour les appareils activement utilisés au sein de l'entreprise.

– Comment gérez-vous les questions de sécu-rité dans ce cas ?– Ce service est déjà utilisé dans le monde, notamment par des institu-tions fi nancières et des organismes gouvernementaux, dont les exigences sont les plus élevées en matière de ges-tion de l'infrastructure informatique et de garantie de la sécurité. Parmi ces organismes, on trouve le ministère belge des Aff aires étrangères. Les ap-pareils mobiles des employés ont attiré l'attention des malfaiteurs, le nombre de ces appareils a crû et, afi n d'assurer leur sécurité, le ministère belge des Af-faires étrangères a choisi le service cloud

d’Orange Business Services. Ce service prend en charge environ 500 appareils mobiles dans diff érents pays et permet de mettre en œuvre une politique de sécurité pour les ordinateurs fi xes, les ordinateurs portables, les smartphones et les tablettes, y compris les appareils personnels des employés.

– À votre avis, à quel point la Russie est-elle attractive pour les investisseurs ?– La Russie est un pays très vaste et très attractif en termes d’investissements. Il y a ici tout ce dont vous avez besoin pour faire des aff aires. Ce point de vue est partagé par mes collègues en France et dans le monde entier. Nous dispo-sons de nos propres infrastructures dé-veloppées, d’une équipe de spécialistes qualifi és et nous continuons d’investir en Russie. Le chiff re d'aff aires de notre société est en augmentation, et la crise nous est même d'une certaine aide dans la mesure où la demande en tech-nologies ne faiblit pas.

ORANGE BUSINESS SERVICES : « LA CRISE EST LE TEMPS DES NOUVELLES OPPORTUNITÉS »

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14 Édition spéciale Russie-France

Ce faisant, ils ratent l’occasion de dé-couvrir l’une des villes les plus colorées du sud de la France, où l’ancien et le nouveau s’entrelacent dans un mé-lange enchanteur, où les gens sont ac-cueillants, où la cuisine est succulente, et le climat – chaud. Cette ville, dont l’université est une des plus anciennes, regorge de lieux historiques entourés de technologies de pointe tournées vers l’avenir.

La particularité de Toulouse est la brique rose qui a servi à construire tous ses bâtiments. Les nuances du maté-riau varient en fonction de la position et de l’intensité du soleil. C’est d’ail-leurs de là que Toulouse tire son sur-nom de « ville rose ».

Toulouse se situe sur la Garonne, à mi-chemin environ entre Montpellier, au bord de la Méditerranée, et Biar-ritz, sur la côte atlantique. C’est la quatrième plus grande ville de France après Paris, Lyon et Marseille. Peuplée de plus de 500 000 habitants et préfec-ture de Midi-Pyrénées, la plus grande région de la France continentale, Tou-louse est desservie par deux aéroports, un réseau d’autoroutes et son propre métro.

Mais ce qui donne sa principale re-nommée à Toulouse, c’est d’être deve-nue le centre de l’industrie aéronau-tique dès l’apparition de l’aviation. En témoigne la place du Capitole, la prin-cipale de la ville. Cette place de deux hectares est entourée par les imposants

bâtiments de la mairie et de l’opéra, mais surtout par l’hôtel historique du Grand Balcon, où le légendaire écrivain et pilote Antoine de Saint-Exupéry a ré-digé l’impérissable chef-d’œuvre de la littérature pour enfants, Le Petit Prince.

C’est précisément à Toulouse que, du-rant l’entre-deux-guerres, est née l’aé-ropostale et qu’ont été exécutés les pre-miers vols du supersonique Concorde.

Aujourd’hui, les principaux secteurs industriels de la région sont ceux de l’aéronautique, de l’aérospatiale, de

l’électronique, de l’informatique et des biotechnologies. Siège d’Airbus Group (ancien EADS), du GPS Galileo et du sys-tème de satellites SPOT, Toulouse est la capitale européenne de l’industrie aérospatiale. En outre, c’est là qu’ATR

produit ses célèbres avions régionaux (de courte et moyenne distance) et que sont installées les entreprises du Groupe Latécoère, un des plus gros producteurs mondiaux de composants aéronautiques modernes – éléments de fuselage, portes et avionique.

Les visiteurs peuvent observer de leurs propres yeux l’assemblage d’avions de ligne modernes dans l’usine Aerospa-tiale à Colomiers, dans la banlieue de Toulouse. Un lieu encore plus apprécié des touristes est la Cité de l’espace, un vaste parc à thème scientifi que d’une superfi cie de 3,5 hectares, consacré à l’exploration spatiale. Il comprend un planétarium populaire et un musée foisonnant d’innovations, notamment un simulateur de vol à bord d’un vais-seau spatial, une réplique grandeur nature de la station spatiale Mir ainsi qu’une fusée Ariane 5 de 53 mètres. Les visiteurs peuvent ainsi se mettre, le temps d’une journée, dans la peau de spationautes et vivre le décollage et l’at-terrissage d’une navette spatiale.

La ville abrite également le centre européen du géant technologique amé-ricain Intel et le Centre spatial de Tou-louse (CST) du Centre national d’études spatiales (CNES) – le plus grand d’Eu-rope. Relevons également la présence remarquée du géant spatial franco-ita-lien Th ales Alenia Space et d’Astrium Satellites, une unité d’Airbus Group spécialisée dans la conception et la fa-brication de satellites.

Le pôle aérospatial de Toulouse est

TOULOUSE : PASSÉ ROMANTIQUE ET PRÉSENT INDUSTRIEL

Il n’est pas toujours facile de trouver un guide touristique sur Toulouse. Bien qu’au Moyen-Âge, cette ville ait constitué une étape pour les pèlerins en route vers Saint-Jacques-de-Compostelle, les touristes d’aujourd’hui, pressés de rejoindre les stations balnéaires des côtes méditerranéenne ou atlantique, ne s’y arrêtent plus que brièvement.

Vue de Toulouse |

OLIVIER JAULENT / WIKIMEDIA COMMONS

AUJOURD’HUI, LES PRINCIPAUX SECTEURS INDUSTRIELS DE LA RÉGION SONT CEUX DE L’AÉRONAUTIQUE, DE L’AÉROSPATIALE, DE L’ÉLECTRONIQUE, DE L’INFORMATIQUE ET DES BIOTECHNOLOGIES.

ALEXANDRE ANITCHKINE

15www.lecourrierderussie.com Édition spéciale Russie-France

considéré comme le meilleur pôle d’ex-port de l’économie française et sert souvent à illustrer le contraste entre le niveau de compétitivité de l’économie nationale dans son ensemble et celui de ce secteur pris à part.

Le pôle couvre les régions Midi-Pyré-nées et Aquitaine et compte 1 500 so-ciétés, 100 000 travailleurs, 10 500 in-génieurs et scientifi ques, ainsi que plusieurs dizaines de fabricants d'équi-pement d'origine (FEO). Il représente 80 % des exportations françaises dans l’industrie aérospatiale et plus de 9  % de l’ensemble des exportations du pays. Soit, par exemple, 15 fois plus, en termes de revenus, que les exportations de bordeaux.

La région de Toulouse est également devenue un pôle éminent grâce à sa po-

sition géographique stratégique et à la politique du gouvernement, qui, déjà lors de la Première Guerre mondiale, y avait commandé 1 000 avions. Toulouse avait été choisie parce qu’elle était la zone d’industrie lourde la plus éloignée du front allemand. De plus, les condi-tions atmosphériques y étaient idéales et les massifs des Pyrénées servaient de repères lors des vols d’entraînement des pilotes.

Plus proche de notre époque, dans les années 1960, la participation de la France au projet Concorde et Airbus a propulsé le futur développement du secteur avec l’appui de travaux scien-tifi ques et expérimentaux. À partir de 1965, le gouvernement a lancé une po-litique de décentralisation administra-tive, dans le cadre de laquelle plusieurs

instituts scientifi ques parisiens ont été transférés à Toulouse afi n de consolider les centres sectoriels compétitifs en de-hors de la capitale. Enfi n, en 2005, le gouvernement français décide de créer Aerospace Valley, un pôle constitué d’entreprises aérospatiales et d’associa-tions scientifi ques et centré à Toulouse.

Le pôle aérospatial toulousain forme un réseau d’entreprises et d’organi-sations publiques et privées, de four-nisseurs et de maîtres d’œuvre, tous étroitement liés entre eux. Les com-posants de navigation, de communi-cation et d’électronique sont produits séparément avant d’être expédiés pour assemblage chez Airbus ou d’autres fa-bricants du produit fi ni. Une grande partie des systèmes et des sous-sys-tèmes modulaires (par exemple les

Réplique d’Ariane 5 à la Cité de l’espace,

à Toulouse | Poppy / WIKIMEDIA COMMONS

AÉRONAUTIQUE, AÉROSPATIALE ET NOU-VELLES TECHNOLOGIESArcam : Création de nouveaux alliages métal-

liques sans plomb ni chrome afi n de produire des

aciers inoxydables respectueux de l’environne-

ment pour l’industrie aéronautique et aérospa-

tiale.

CE-GNSS : Création de systèmes portables

(programmes) connectés au système satellite

GPS dans le but de donner aux aveugles et mal-

voyants une vie plus proche de la normale.

Copain : Modernisation des cockpits des avions

civils et des jets d’affaires, permettant de dimi-

nuer leur poids d’un tiers et de réduire le coût de

ce centre névralgique de l’avion moderne.

Fahrenheit : Le projet Fahrenheit fournit des ma-

tériaux de protection thermique améliorés pour

les avions et les engins spatiaux qui subissent en

vol des températures extrêmes.

Pro-CIGS : Concept de production en masse de

panneaux photovoltaïques (solaires) visant à

réduire les coûts et à encourager les investisse-

ments. Le but du projet est de réduire la dépen-

dance des pays industrialisés et en développe-

ment à l’égard des hydrocarbures.

TECHNOLOGIES AGRICOLESAgriDrones : Projet conjoint entre les pôles

agricole et aérospatial qui vise à développer des

drones spécialisés (véhicules aériens sans pilote)

pour accroître l’effi cacité des plantations de

cultures couvrant de grandes surfaces, telles que

le blé, le maïs, le tournesol et le colza.

Roquefort’in : Recherche sur le potentiel sélectif

et génétique du fromage produit à partir de lait

de brebis (roquefort).

Ecosilo : Développement de méthodes pour proté-

ger les cultures contre les insectes et autres para-

sites pendant le processus de stockage du grain.

BIOTECHNOLOGIES ET MÉDECINEBEA : Projet commun entre les pôles aérospatial

et biotechnologique. L’objectif est de développer

un bracelet connecté à un système de recherche

et d’alerte à distance pour les personnes âgées

membres d’un EHPAD (établissement d’héberge-

ment pour personnes âgées dépendantes).

Roméo II : Création d’un robot humanoïde mesu-

rant 180 cm et servant de compagnon et d’aide

domestique. Aldebaran est le chef du projet.

Inpac : Développement intégré d’une usine de

production d’anticancéreux en vue de réduire leur

coût et d’accroître leur compétitivité mondiale.

PROJETS INNOVANTS DANS LA RÉGION

16 Édition spéciale Russie-France

moteurs, les équipements avioniques et les ailes) sont produits en dehors du pôle mais leur intégration fi nale se fait dans les lignes de montage à Toulouse.

Les ministères et les organismes gou-vernementaux jouent un rôle majeur dans la règlementation et la promotion du pôle aérospatial. Des organisations subventionnées par l’État ont une part cruciale dans l’éducation et la recherche scientifi que. Toulouse abrite plusieurs grandes écoles, y compris l’ENAC (École nationale de l'aviation civile) et l’ISAE (Institut supérieur de l'aéronautique et de l’espace), qui préparent des cen-taines de spécialistes du domaine et conduisent de vastes programmes de recherche et développement.

Le pôle est également constitué des plus grands centres de recherches : le centre toulousain de l’ONERA (Offi ce national d'études et de recherches aé-rospatiales) et la délégation du CNRS, le principal centre de recherche fonda-mentale en France et le plus grand d’Eu-rope. Aerospace Valley sert de centre de coordination des travaux scientifi ques et techniques du pôle.

Outre les établissements de re-cherches et d’études techniques et d’in-génierie, Toulouse abrite également la Toulouse Business School (TBS), l’École d’économie de Toulouse (TSE) et un des campus de l’Institut supérieur euro-péen de gestion (ISEG Group).

Toulouse compte actuellement plus de 100 000 étudiants. Cette cité uni-versitaire moderne est associée à la tradition antique car c’est là que vécut et travailla Pierre de Fermat, grand ma-thématicien du 17e siècle. Son dernier théorème est resté sans démonstration durant plusieurs siècles, avant d’être fi nalement prouvé par Andrew John Wiles en 1995.

Après Paris, Lyon et Lille, Toulouse est le centre d’enseignement supérieur le plus peuplé de France. L’université de Toulouse, fondée en 1229, est l’une des plus anciennes d’Europe. À l’ins-tar des universités d’Oxford et de Pa-ris, celle de Toulouse fut créée lorsque les Européens traduisaient activement les œuvres d’Arabes andalous et de Grecs anciens. Leurs travaux, qui re-mettaient en question les conceptions européennes traditionnelles, sont à l’origine de nouvelles découvertes scientifi ques, artistiques et culturelles et, par là même, ont transformé la so-ciété.

C’était également l’époque de la ré-volte des cathares, dont le foyer se si-tuait à Toulouse. Ce mouvement reli-gieux, qui contestait l’autorité du pape, fut jugé hérétique. Par conséquent, une croisade fut proclamée contre le catharisme, la seule que la France ait organisée contre son propre peuple. La région, dont Toulouse elle-même, fut dévastée et pillée en 1218.

Cette période a toutefois laissé un riche héritage historico-culturel. La basilique Saint-Sernin est considérée comme la plus grande église romane conservée en Europe. À l’instar de nom-breux autres édifi ces de la ville, elle est inscrite au patrimoine mondial de l’UNESCO.

La région connut un nouvel essor au 15e siècle, lorsque Toulouse se dévelop-pa en centre administratif de la région et s’enrichit en livrant à l’Angleterre du bordeaux, des céréales et du textile. Plus tard, les marchands locaux ajou-tèrent à leur métier principal la produc-tion, à partir de la guède, de teinture bleue pour tissu. Les teintures furent acheminées dans toute l’Europe avant que l’Inde ne commence à exporter de l’indigo. On doit aux marchands de

Toulouse la construction des imposants bâtiments en brique rose. L’esprit cos-mopolite de cette ville où prospèrent les arts a traversé les siècles jusqu’à notre époque. Aujourd’hui, les jeunes et les musées publics rivalisent de créativité et insuffl ent de l’énergie à la vie cultu-relle toulousaine. Les rues de la ville accueillent régulièrement des perfor-mances originales.

Au 17e siècle, plus précisément en 1662, apparut l’idée de construire une voie de navigation entre la mer Médi-terranée et l’Atlantique pour éviter un long et périlleux voyage maritime au-tour de l’Espagne. Les travaux furent entamés en 1667 et donnèrent nais-sance au désormais célèbre canal du Midi, dont la construction fut achevée en 1681. Le canal, également classé au patrimoine mondial de l’UNESCO, est très apprécié des touristes.

Toulouse prend soin de son patri-moine. Son histoire, sa modernité, ainsi que ses 160 parcs et jardins d’une superfi cie totale de 1 000 hectares, et, bien entendu, la pittoresque Garonne,

qui traverse la ville, lui confèrent un charme unique.

La gastronomie locale est également réputée, notamment pour ses célèbres saucisses de porc et son cassoulet – un ragoût épais fait de haricots blancs et de viande d’oie ou de porc. Autre plat de la région : le confi t de canard, que l’on

prépare avec des pattes de canard cuites lentement dans leur propre graisse. Le roquefort, les confi tures, les sucreries à la violette et le fénétra (une tarte aux amandes, abricots et citron) consti-tuent autant d’autres spécialités régio-nales.

Du côté des boissons, il est impos-sible de ne pas mentionner l’arma-gnac, une eau-de-vie gasconne que cer-tains connaisseurs classent au-dessus du cognac. D’après des fouilles archéo-logiques, déjà dans l’Antiquité, les Ro-mains fabriquaient une boisson simi-laire. L’armagnac est mentionné pour la première fois en 1348, soit un siècle avant le whisky et le cognac. La région est également connue pour ses champi-gnons frais et ses écrevisses.

Enfi n, si vous désirez vous attirer im-médiatement les faveurs des locaux, il vous faudra parler des « rouges et noirs  ». Il s’agit des couleurs du Stade toulousain, le club de rugby de la ville, une des meilleures équipes de France et d’Europe. De façon assez surpre-nante, le rugby est un sport populaire dans cette partie du pays. Les jours de match, la ville entière arbore les cou-leurs de son équipe, et seuls les plus chanceux arrivent à se procurer des places pour assister à la rencontre. Les autres jours, il est possible de visiter le stade, son musée et, bien sûr, son res-taurant.

AVIATIONAu total, la région accueille 1 600 entreprises,

qui emploient 120 000 travailleurs et 10 500

scientifi ques et ingénieurs. Nombre de pro-

jets : 598. Entreprises : Airbus, ATR, Latécoère,

Thales Alenia Space, Turbomeca et Snecma.

TECHNOLOGIES AÉROSPATIALESLeader en Europe. Entreprises : Spot Image,

Astrium et Thales Alenia Space.

ÉLECTRONIQUEPremière région au niveau national pour la créa-

tion de systèmes et d’équipements électroniques

embarqués. Entreprise : ACTIA Group.

TECHNOLOGIES DE L’INFORMATION (IT)Deuxième région du pays derrière celle de Paris.

Entreprises : Capgemini, Sogeti et Legrand.

BIOTECHNOLOGIES ET MÉDECINELa recherche médicale se concentre sur les

traitements oncologiques. La région accueille

200 entreprises avec un total de 15 000

employés. Nombre de projets certifi és : 112.

Entreprises : Sanofi , DExStr, Hyphen, LifeSearch,

Omilo et RIST.

TECHNOLOGIES AGRICOLESTechnologies innovantes dans l’agriculture et

la production alimentaire. 205 entreprises, 195

chercheurs, 282 projets certifi és.

60 autres entreprises conduisent des recherches

sur les ressources en eau – eau souterraine,

purifi cation et usage plus effi cace. 19 projets

majeurs sont en cours. Entreprises : groupe SEB,

Tefal et Arterris.

TOULOUSE ET SA RÉGION : PRINCIPAUX PROJETS, INDUSTRIES ET ENTREPRISES

Airbus A380 |

SENOHRABEK / FOTOLIA.COM

TOULOUSE PREND SOIN DE SON PATRIMOINE. SON HISTOIRE, SA MODERNITÉ, AINSI QUE SES 160 PARCS ET JARDINS D’UNE SUPERFICIE TOTALE DE 1 000 HECTARES, ET, BIEN ENTENDU, LA PITTORESQUE GARONNE, QUI TRAVERSE LA VILLE, LUI CONFÈRENT UN CHARME UNIQUE.

17www.lecourrierderussie.com Édition spéciale Russie-France

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Zone économique spéciale MoglinoPskov

BOULANGER AUTOMATEJean-Louis Hecht, un ingénieux bou-langer originaire de Moselle, a rempor-té l’an dernier le prix du président de la République lors du concours d’inven-tion Lépine, où il a présenté un auto-mate capable de cuire une baguette en dix secondes. Grâce à cette innovation, les Français pourront désormais se pro-curer leur cher pain croquant à toute heure du jour et de la nuit, toujours frais de surcroît – le réfrigérateur du distributeur pouvant contenir jusqu’à 120 produits semi-fi nis. L’inventeur pourra contrôler le travail de son au-tomate à distance au moyen d’un télé-phone portable.

VALISE ROBOTLe célèbre fabriquant français de ba-gages Delsey profi te lui aussi des nou-velles possibilités off ertes par les té-léphones. Sa valise Pluggage est en

eff et équipée de nombreux capteurs qui communiquent son poids via une ap-plication et vous évitent ainsi des frais supplémentaires à l’aéroport. Un autre capteur vous informe du moment où votre valise est chargée dans l’avion, et un autre encore la protège des inten-tions malveillantes : seule votre em-preinte digitale permet de l’ouvrir.

BLOCKBUSTER AMATEURLes concepteurs français de l’entre-prise Squadrone System ont eu du fl air lorsqu’ils se sont dit qu’il manquait quelque chose pour satisfaire pleine-ment la passion actuelle pour les fi lms amateurs. L’engin Hexo+, équipé d’un GPS et d’une caméra GoPro, mémorise le modèle 3D de son maître et fi lme les aventures de celui-ci sur une distance fi xée à l’avance. Rien d’étonnant à ce que ce projet de drone autonome ait déjà récolté plus de 1,3 million de dol-lars sur la plateforme de fi nancement participatif Kickstarter.

CHASSE AUX MAUVAISES ONDESLes nouvelles technologies présentent parfois un danger. C’est ce contre quoi

veut lutter le MétaPapier, un papier peint qui fi ltre et renvoie les ondes élec-tromagnétiques indésirables pour créer un espace à l’abri de l’infl uence néga-tive du Wi-Fi et de la téléphonie mo-bile. Les ondes émises par les radios et les réveils pourront, elles, continuer de traverser les murs. Ce papier peint peut même servir comme revêtement déco-ratif ou autre. Il pourra par exemple être utilisé dans les théâtres pour blo-quer le signal des téléphones qui reten-tissent immanquablement au moment le plus intense.

REPÈRES INTELLIGENTSDes concepteurs et des inventeurs fran-çais ont imaginé de placer des repères radios sur des tissus. À l’aide de la tech-nologie PAC ID Textile, il sera pos-sible de retrouver un sac volé, de suivre le transport d’objets et de lutter contre la contrefa-çon – les sacs français origi-naux pourront être équipés d’un code radio spécial. La petite puce cousue dans l’étiquette de l’article sera quasiment invisible mais ex-trêmement utile.

CAPSULES POUR LA DOUCHEL’entreprise parisienne Skinjay utilise une technique innovante pour « li-vrer » des ingrédients. Les spécialistes de cette société se sont inspirés des do-settes de café pour créer des capsules contenant diff érentes huiles aroma-tiques et qui s’intègrent à la douche. L’huile, en sortant d’un mixeur spé-cial, se mélange à l’eau chaude. On obtient ainsi un eff et aromatique par-

ticulier, comme si on était au spa. La couleur de ces dosettes faciles

à utiliser varie en fonction des arômes et des huiles. Le mixeur coûte 138 euros et une capsule – 9,80 euros.

TECHNOLOGIES DU PRÊT-À-PORTERPavel Chinsky, directeur général de la CCI France Russie, reprend sa rubrique annuelle, dans laquelle il évoque les technologies tricolores intéressantes qui s’installent dans le quotidien des Français.

18 Édition spéciale Russie-France

Pour l’heure, à Moscou, les fi gures clés du gouvernement russe et les membres de l’association nationale de football scrutent les préparatifs français avec intérêt. L’Euro 2016 est en eff et leur der-nière chance d’être témoins d’un grand événement de football international avant que leur propre pays n’accueille la Coupe du Monde en 2018. Toutes les in-novations faciles à adapter qui s’avère-raient un succès en France peuvent par conséquent intéresser les organisateurs russes de la Coupe du Monde.

L’héritage d’un grand tournoi inter-national ne dépend pas seulement du succès de l’événement lui-même, mais aussi de ce qu’il apporte comme amélio-rations durables à la culture sportive ou à l’infrastructure touristique du pays hôte. Au vu des gigantesques sommes d’argent mises en jeu, dépenser effi cacement est également une priorité absolue.

L’histoire sportive récente foisonne d’exemples de compétitions internatio-nales ayant échoué dans au moins un de ces aspects, voire tous. Ces échecs ont laissé derrière eux des stades vides (Afrique du Sud, 2010) ou une agitation sociale causée par la remise en ques-tion de dépenses si massives en période d’austérité (Brésil, 2014).

La France a déjà accumulé une cer-taine expérience dans l’organisation de championnats de football avec l’Euro 1984 et la Coupe du Monde 1998. Alors

que ce dernier événement a été large-ment considéré comme un grand suc-cès, de nombreux commentateurs lo-caux ont regretté qu’il ait fi nalement très peu contribué à améliorer le football français dans les années qui ont suivi. C’est un objectif particulièrement im-portant pour la France, où, selon le ma-gazine Challenges, les revenus annuels des billetteries pour les matchs de Ligue 1 stagnent depuis dix ans aux alentours des 130 et 140 millions d’euros.

En outre, les eff orts gouvernemen-taux qui visent à faire croître l’af-fl uence en construisant de nouveaux stades et en améliorant les anciens, peuvent avoir une grande infl uence à long terme. Les organisateurs de com-pétitions internationales espèrent en eff et déclencher une réaction en chaîne : une affl uence plus importante augmentera les revenus publicitaires, les clubs pourront alors engager de meilleurs joueurs, ce qui attirera des foules encore plus grandes dans les stades.

Les dix emplacements sélectionnés pour l’Euro 2016 constituent un mé-lange équilibré de stades neufs et d’in-frastructures existantes rénovées. De tous les stades, seul le Stade de France, à Paris, sera utilisé sans changements signifi catifs.

De nouvelles installations ont été prévues dans les villes de Lyon, Lille,

Bordeaux et Nice. Parmi les diff érents stades, seul celui des Lumières, à Lyon, est toujours en cours de construction. Selon les règles de l’UEFA, tous les stades utilisés pendant un Euro doivent correspondre aux stades de catégorie 3 ou 4 du classement UEFA. Les critères pris en compte sont le nombre de places assises, l’éclairage, la sécurité et l’in-frastructure disponible pour les mé-dias.

Au-delà de ces exigences standards, les stades possèdent des caractéris-tiques et des innovations supplémen-taires, qui, selon un récent commu-niqué de presse de l’entreprise de construction Vinci, garantiront qu’ils restent « d’avant-garde » pour « les dé-cennies à venir ». Le stade Pierre-Mau-roy à Lille, par exemple, est le premier stade français équipé d’un toit ré-tractable, et il dispose aussi d’un ter-rain adaptable, permettant au stade d’accueillir également des matchs de basketball et de tennis ainsi que des concerts.

Le stade Allianz Riviera de Nice est également une première pour la France. Issu d’un partenariat public-privé et construit par Vinci, ce stade est l’un des plus écologiques du monde, et le pre-mier à « énergie positive » en France. Avec 7 000 mètres carrés de panneaux solaires recouvrant son toit, l’Allianz Riviera produit trois fois plus d’énergie

qu’il n’en consomme, et alimente 600 foyers niçois de ses surplus.

En ce qui concerne les modernisa-tions des stades existants, bien que l’accent soit mis sur l’augmentation de leur capacité, toutes les occasions d’en améliorer l’infrastructure générale ont été saisies. La rénovation la plus am-bitieuse a eu lieu au stade Vélodrome de Marseille, une entreprise « compa-rable à la construction d’un nouveau stade » si l’on en croit le communiqué de presse de l’UEFA. En plus d’amélio-rer les installations pour la presse, les travaux ont donné au stade un nouveau toit, ce qui satisfera les supporteurs de l’Olympique de Marseille, qui se plai-gnaient depuis longtemps que le stade était trop exposé au mistral.

Le projet initial prévoyait que la ma-jeure partie du coût gigantesque (273 millions d’euros) de ces améliorations soit supportée par le club. Or, pendant plusieurs semaines de tension en juillet dernier, il a semblé que le club ne pour-rait plus se permettre de jouer dans le stade qu’il anime depuis des décennies. Heureusement, un accord de dernière minute avec les investisseurs a débou-ché sur ce que la propriétaire de l’Olym-pique, Margarita Louis-Dreyfus, a défi -ni comme « un compromis acceptable pour le club et la ville de Marseille ».

Au total, 1,6 milliard d’euros ont été investis dans la construction des stades, via une série de partenariats public-privé et d’initiatives exclusi-vement privées. D’après l’UEFA, ce montant représente la totalité des in-vestissements dans les infrastructures prévues pour la compétition, la France pouvant s’appuyer sur l’infrastructure exceptionnelle dont elle dispose déjà en matière de transport et d’héberge-ment.

L’UEFA profi te de la réputation iné-galée de la France comme destination touristique pour off rir des tickets VIP et des packs d’entreprise off rant la possi-bilité de découvrir la gastronomie et la culture qui font la renommée du pays. Selon son kit de presse pour l’événe-ment, l’UEFA prévoit de « déployer le plus grand programme d’hospitalité jamais réalisé en France » ; une sorte de Congrès de Paris de 1815, d’Exposition universelle de 1889 et de Conférence de Versailles de 1919 combinés en un mé-ga-événement exceptionnel. Mais en mieux, évidemment, parce qu’il y aura du football.

Les services d’hospitalité profi teront également de la numérisation. Kuo-ni, le groupe hôtelier nommé agence de voyage offi cielle de la compétition, a déjà mis en place un site Internet re-

EURO 2016 : UNE LEÇON FRANÇAISE DE MANAGEMENT ÉVÉNEMENTIEL

En juin 2016, la France hébergera l’un des événements sportifs les plus attendus du moment : l’Euro 2016. Tout au long du mois que durera la compétition, le monde sportif n’aura d’yeux que pour ce pays, dont dix villes accueilleront les 51 matchs. La France sera-t-elle à la hauteur du défi ?

Stade Allianz Riviera,

à Nice | ALLIANZ

RIVIERA STADIUM

PATRICK SEWELL

19www.lecourrierderussie.com Édition spéciale Russie-France

groupant des services permettant aux voyageurs individuels et aux groupes de trouver un hôtel. Pour la première fois lors d’une compétition sportive internationale, le catalogue des camps de base, qui recense les hôtels et ter-rains d’entraînement potentiels pour les équipes nationales, a été édité sous forme de site Internet.

Les bénéfi ces de cet ambitieux pro-gramme de vente de billets et de packs d’hospitalité, que l’UEFA estime à 500 millions d’euros, devraient probable-ment dépasser très largement les reve-nus de l’édition 2012 en Ukraine et en Pologne, qui avaient enregistré une bonne affl uence mais, surtout, vendu des billets à des Européens de l’Est aux revenus moindres.

Néanmoins, l’UEFA ne se concentre pas uniquement sur les spectateurs les plus riches et met un accent considé-rable sur l’accessibilité dans son sys-tème de billetterie. L’UEFA off rira ainsi 20 000 billets à des enfants défavorisés en France dans le cadre du programme « 20 000 sourires pour l’Euro ». Les billets garantis à 25 euros pour 43 des 51 matchs sont également bienvenus. En outre, un certain nombre de billets sont prévus pour les fans en situation de handicap.

La prévente des billets, qui a démarré le 12 mai dernier et s’achèvera en juil-let, sera « pratique et transparente  » aux dires de Jacques Lambert, pré-sident du Comité de pilotage de l’Euro 2016. L’UEFA affi rme également que la numérisation complète de la billetterie « supprimera le risque de recevoir des billets invalides ou frauduleux ».

Enfi n, chaque ville hôte installera une grande fan-zone en extérieur pour

que ceux n’ayant pas pu entrer dans le stade puissent regarder les matchs sur des écrans géants. Les fan-zones, élé-ment devenu récurrent dans ce genre de tournoi, sont certes démocratiques mais sont aussi une chasse gardée corpora-tive. Si les événements précédents sont d’un quelconque enseignement, les ven-deurs de nourriture délicieuse et de bon vin français seront soumis à la concur-rence des sponsors du tournoi que sont Carlsberg, Coca-Cola et McDonald’s, sur l’énorme marché des fan-zones.

Tous ces préparatifs sont suivis avec attention par Moscou. Contrairement à la France, la Russie doit investir lour-dement dans l’infrastructure hôtelière et de transport. Cependant, si certaines des innovations mentionnées s’avé-raient fructueuses, la Russie pourrait

réduire ses coûts avec la numérisation et attirer davantage de touristes grâce à un marketing effi cace.

La Russie examinera également avec grand intérêt l’impact de l’Euro 2016 sur le football français. Les clubs russes connaissent des problèmes de fi nancement. L’idée est que les nou-veaux stades permettent soit d’aider les grands clubs, comme le Zenit Saint-Pé-tersbourg, à attirer de plus grandes foules, soit de donner une impulsion, qui, assortie d’un fi nancement ciblé, aidera des clubs à l’agonie, comme le Rotor Volgograd, à se refaire une santé.

Quoi qu’il arrive, il ne fait pratique-ment aucun doute que garantir le succès du tournoi et un impact positif durable sera bien plus diffi cile pour la Russie en 2018 que pour la France en 2016. Le contraste entre les deux nations en termes de préparation de l’infrastruc-ture pour des événements de cette am-pleur est énorme. En ce qui concerne les conséquences à long terme, le projet français d’augmenter l’affl uence lors des matchs semble bien plus réaliste au vu de la richesse personnelle de ses habitants. Beaucoup de stades russes sont déjà pratiquement vides les jours de matchs et, sans augmentation du niveau de vie, il est diffi cile d’imaginer un moyen de les remplir.

Bien que l’expérience française puisse s’avérer utile pour le tournoi lui-même en termes d’innovations organi-sationnelles facilement adaptables, la Russie aura également besoin d’idées neuves et d’importants fi nancements afi n d’organiser une Coupe du Monde qui laissera au football et au tourisme nationaux un héritage justifi ant le coût pharaonique du championnat.

Supporteurs français |

ALEX DE CARVALHO / FLICKR.COM

Selon le rapport annuel de Business France sur l’état des investissements étrangers en France, une quarantaine d’entreprises russes sont actuellement présentes dans l’Hexagone. Huit projets d’investissements russes ont été décidés en 2014 et, depuis le début de l’année 2015, une dizaine sont en cours d’examen par Business France, opérateur public na-tional au service de l’internationalisation de l’économie française.

Ces chiff res témoignent de l’intérêt constant des investisseurs russes pour la France. Outre un attrait aff ectif, leur mo-tivation est tout à fait pragmatique :  la possibilité de s’ouvrir au marché euro-péen. « Le but des investisseurs russes en France est de trouver de nouveaux clients et de se faire connaître en Europe pour ensuite importer en Russie la production fabriquée en France », explique Jérôme Clausen.

Selon lui, le secteur privé contribue largement à l’intensifi cation et à la diver-sifi cation des investissements russes en France : le tourisme et l’hôtellerie de luxe restent le domaine de prédilection des in-vestisseurs.

Un nombre croissant de projets concernent l’agroalimentaire, le trans-port, les équipements mécaniques et les hautes technologies. Ainsi, parmi les so-ciétés russes leaders en matière de sécu-rité informatique, le groupe Doctor Web a établi son siège européen à Strasbourg, et un des bureaux de représentation de Kaspersky Lab se situe dans la région pa-risienne. Des secteurs à éviter pour les

investisseurs russes ? Certains domaines stratégiques pour l’État français, mais cela vaut également pour les autres pays qui souhaitent investir en France.

L’État russe, de son côté, contribue à renforcer la collaboration internationale au travers, par exemple, du rachat de Gef-co, entreprise française de logistique et de transport, par la compagnie des che-mins de fer russes (RJD) pour 800 millions d’euros en 2012. En mai 2014, l’achat de l’usine de métallurgie française Sodetal par le groupe industriel russe privé AWT a permis de conserver la moitié des emplois de l’entreprise défi citaire.

« Les investissements russes en France sont aujourd’hui considérés comme une opportunité, et non comme une me-nace », assure Jérôme Clausen. Selon ses observations, l’implantation d’une en-treprise russe en France ne nécessite dé-sormais plus que trois semaines. Par ail-leurs, le nombre d’ouvertures de fi liales de sociétés russes dans l’Hexagone se rap-proche aujourd’hui du nombre de rachats de sociétés françaises par des Russes.

Un des exemples d’implantation les plus récents est Le Confetti Gourmand, une PME russe spécialisée dans l’im-portation et la commercialisation de produits alimentaires (viennoiseries et confi series), qui a ouvert sa première fi -liale européenne à Brest, en décembre 2014. L’entreprise se rapproche ainsi de son réseau de fournisseurs et optimise ses fl ux logistiques et de distribution en Europe. Le Confetti Gourmand prévoit de créer dix emplois en trois ans.

Cependant, certains investisseurs russes connaissent un retournement de situation économique défavorable : c’est le cas du géant métallurgique Uralvagon-zavod, contraint de modifi er ses projets pour son aciérie Sambre et Meuse, dans le nord de la France. La production de l’aciérie étant destinée principalement au marché russe, son importation a ces-sé d’être rentable avec l’aff aiblissement du rouble.

Nombre d’entrepreneurs russes ont temporairement suspendu leurs dé-cisions d’investissements en Europe, oubliant souvent qu’investir dans une économie étrangère permet également d’investir dans son propre pays. « Si une entreprise russe achète une entreprise française, elle va acquérir le savoir-faire français et pourra, par la suite, créer une fi liale en Russie – c’est un réinves-tissement de qualité », insiste Jérôme Clausen. Les investissements russes en France ont permis d’exporter pour une valeur de six milliards d’euros à l’inter-national en 2014.

Malgré le climat politique actuel, la France continue à faciliter et à encou-rager la venue d’investisseurs étrangers sur son territoire. Ainsi, une carte de ré-sident d’une durée de 10 ans et portant la mention « contribution économique exceptionnelle », est remise aux ressor-tissants étrangers qui s’engagent à eff ec-tuer sur le territoire français un investis-sement d’au moins 10 millions d’euros et à créer ou sauvegarder au moins 50 em-plois.

INVESTISSEMENTS RUSSES EN FRANCE : MISER SUR LES GAGNANTS

La France intéresse de plus en plus les inves-tisseurs russes : selon la Banque de France, le volume des investis-sements russes dans l’Hexagone a fortement augmenté, passant de 342 millions d’euros en 2011 à 745 millions d’euros en 2014. Comment la situation évolue-t-elle dans le contexte actuel ? Les projets d’investisse-ments doivent-ils être repensés ?

RUSINA SHIKHATOVA

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Jérôme Clausen, directeur des investissements

au bureau moscovite de Business France

20 Édition spéciale Russie-France

L'image architecturale particulière de la France s’est établie au fi l des siècles, et a connu au cours des dernières dé-cennies un nouvel essor, grâce à la com-binaison d’une politique étatique cohé-rente, de la participation des citoyens et de la pensée novatrice des architectes du pays. Et cela concerne autant les ré-gions que Paris.

DÉCENTRALISATIONLe général de Gaulle a un jour décla-ré : « Comment voulez-vous gouverner un pays où il existe 246 variétés de fro-mage ? » On se souvient souvent de ces mots avec humour – regardez ces Fran-çais, ils sont décidément ingérables, ils ne peuvent même pas s’entendre sur un fromage « unique ». Mais le gé-néral savait de quoi il parlait. Dans sa phrase, le mot le plus important n’est pas « fromage », mais « gouverner ». Le programme de décentralisation a com-mencé à réellement prendre forme à partir des années 1980.

Le développement de l’architecture et de l’urbanisme y est directement lié : les impôts locaux sont allés direc-tement au budget des autorités terri-toriales, et ont pu servir à des projets locaux – routes, écoles, gymnases, pis-cines et parcs. Le renouvellement ur-bain fait aujourd’hui partie intégrante de l’activité des pouvoirs locaux.

FINANCEMENTComme l’explique l’architecte Chris-tian Devillers, directeur du bureau Devillers & Associés, jusqu’à la décen-tralisation réelle, en France, la respon-

sabilité des projets d’urbanisme était assumée exclusivement par l’État, c’est-à-dire Paris. « Mais, depuis 30 ans, les capitales régionales, les muni-cipalités et les agglomérations jouent un rôle de plus en plus important, re-marque-t-il. Les villes décident elles-mêmes quoi construire et comment. »

Le fi nancement des projets de déve-loppement urbain se fait généralement en commun – par les autorités pu-bliques (territoriales) et des promoteurs privés. On trouve relativement peu de projets strictement privés. Les struc-tures publiques ne répartissent pas les commandes directement mais sous la forme d’appels d’off res (concours).

NANTES ET SA RÉGIONL’histoire de Nantes, capitale du Grand Ouest français, est un brillant exemple de réussite d’un programme à long terme de renouvellement du vieux centre in-dustriel. Dans les années 1960, Nantes et sa région ont subi un déclin suite à la crise des secteurs de la construction navale et de la pêche. Pourtant, la com-binaison du fi nancement étatique, de la décentralisation, de l’activisme citoyen et de la planifi cation urbaniste à long terme a permis la renaissance progres-sive d’une des plus grandes aggloméra-tions urbaines de France.

Au début de notre siècle, Nantes est redevenue un centre de construc-tion navale (les chantiers navals de Saint-Nazaire, où sont construits des navires civils et militaires) et d’aéro-nautique. La revue américaine Time a

qualifi é Nantes de « ville européenne la plus agréable à vivre », et la Commis-sion européenne a remis à la ville, en 2013, le « prix de la Capitale verte ».

Au centre de la ville se dresse depuis des siècles le château des ducs de Bre-tagne, avec ses tours, son pont-levis et ses douves, construit à l’époque où Nantes était la capitale de la Bretagne. Mais l’une des principales clés du dé-veloppement de la ville et des zones industrielles qui l’entourent fut la création d’un système de transport en commun à grande vitesse, avec notam-ment la remise en service du tramway en 1985, et le « tramway sans rails » – le busway de Nantes.

Cette solution logistique a pu garan-tir aux travailleurs des trajets rapides et sans stress vers les usines déplacées hors des limites de la ville, et une ré-duction de la pollution atmosphérique dans Nantes elle-même. Le fait de dé-charger la ville a permis d’off rir plus d’espace aux parcs et squares, notam-ment au célèbre Jardin botanique du boulevard Stalingrad (1,5 million de visiteurs par an).

LE HAVRELe Havre, deuxième port le plus impor-tant de France après Marseille et plus gros nœud de transport de containers du pays, constitue un exemple quelque peu diff érent de réorganisation d’une ancienne ville industrielle.

Le quartier des docks du Havre a longtemps été un désert industriel à moitié abandonné. Jusqu’à ce que soit prise la décision d’y créer un grand aquacentre. Ce projet a été conçu et réalisé par l’atelier de l’architecte mon-dialement célèbre Jean Nouvel, lauréat du prix Pritzker, l’équivalent architec-tural du Nobel. Le centre a ouvert ses portes en 2008. Il a donné une image

ARCHITECTURE DE FRANCELes gens ordinaires se demandent rarement combien l’organisation de leur environnement confortable a exigé de labeur et d’énergie créatrice. Car le sentiment de confort ne naît pas de lui-même, il est le fruit du long travail et des efforts des architectes et des urbanistes.

Vue de Nantes |

JEAN-PIERRE DALBÉRA

/ FLICKR.COM

Quartier des docks, au Havre | SYBER76600 / FLICKR.COM

L’IMAGE ARCHITECTURALE PARTICULIÈRE DE LA FRANCE S’EST ÉTABLIE AU FIL DES SIÈCLES, ET A CONNU AU COURS DES DERNIÈRES DÉCENNIES UN NOUVEL ESSOR, GRÂCE À LA COMBINAISON D’UNE POLITIQUE ÉTATIQUE SUIVIE, DE LA PARTICIPATION DES CITOYENS ET DE LA PENSÉE NOVATRICE DES ARCHITECTES DU PAYS.

ALEXANDRE ANITCHKINE

21www.lecourrierderussie.com Édition spéciale Russie-France

totalement nouvelle, fraîche, du Havre depuis le fl euve, depuis l’endroit, à peu de choses près, où, en 1872, un des plus célèbres enfants de la ville, Claude Mo-net, a peint son Impression, soleil levant.

Après cinq ans d’exploitation, le com-plexe a été rénové : il a été fermé pour travaux en janvier 2013 et de nouveau rendu aux citadins pour le pic de la sai-son touristique cette même année.

GRENOBLEJusqu’à une période relativement ré-cente, la planifi cation urbaine était do-minée par l’idée d’introduire de grands quartiers résidentiels à la périphérie des villes.

Pourtant, cette approche a aussi en-traîné des problèmes de plus en plus manifestes. Les villes ont commen-cé à étouff er sous les diffi cultés de transport. En outre, on a vu se former des quartiers riches et des quartiers pauvres. Quand, en 2005, des émeutes ont éclaté dans des dizaines de villes françaises, il est devenu évident que le problème était aussi lié à l’urbanisme. On s’est alors mis à chercher de nou-velles solutions.

Le célèbre architecte et urbaniste Phi-lippe Panerai (bureau Panerai & Asso-ciés), expliquant sa nouvelle approche, souligne : « Un des aspects négatifs de cette forme de construction résiden-tielle est la présence d’immenses es-paces vacants abandonnés. Ces déserts ne sont pas investis, vu qu’il n’y a rien à y faire, et, en l’absence de ce que l’on nomme le contrôle social, la criminalité y prospère. » Pour l’architecte français, le modernisme de la seconde moitié du XXe siècle a conduit à la disparition de la rue comme moyen d’organisation de la vie urbaine – d’un système de prome-nades et de squares, remplis de cafés et de magasins, toujours accessibles à pied. « Une de nos missions, des mis-sions de notre génération d’architectes, souligne Panerai, est donc, selon moi, de réhabiliter la rue, de ressusciter les règles sur lesquelles a toujours reposé le milieu urbain. »

Grenoble est devenue l’un des pre-miers sites d’expérimentation de ces nouvelles idées. De taille moyenne (avec une population de 155 000 habi-tants), la ville a pourtant connu les mêmes problèmes que n’importe quel centre historique et industriel. « Nous nous sommes eff orcés de remédier à la situation, dit Panerai. Pour cela, il était primordial d’isoler les territoires attenants aux immeubles des espaces d’utilité publique. »

Grenoble a aussi été le terrain d’in-troduction et de vérifi cation d’un autre principe : la prise en compte de l’opinion des habitants. Philippe Panerai explique que des consultations ont ainsi été or-ganisées avec les habitants au cours du travail de planifi cation et, qu’en cas de divergences, des rencontres avec la mu-nicipalité ont permis de délimiter les parcelles et d’atteindre un compromis.

Le projet grenoblois a duré douze mois. Aujourd’hui, les principes testés à Grenoble sont adoptés dans d’autres régions.

CENTRE HISTORIQUE ET ÉPOQUE CONTEMPORAINELa préservation de l’image historique des villes françaises, dont beaucoup ont une histoire séculaire, voire, sou-vent, millénaire, est une mission parti-culière des architectes et planifi cateurs urbains. Les solutions varient, dictées autant par les exigences du développe-ment urbain que par des circonstances historiques.

La ville médiévale de Carcassonne, au sud du pays, avec ses murs de pierre blanche et ses petites rues étroites, est soigneusement préservée et restaurée, pratiquement dans son aspect originel. En Bretagne, la vieille partie littorale de Saint-Malo, avec son « kremlin », a grandement souff ert des bombarde-ments de la Seconde Guerre mondiale mais a été scrupuleusement restaurée dans les années d’après-guerre, et un centre de conférences international dernier cri, qui confère à la ville une renommée mondiale, a été construit à l’écart du centre.

La ville de Caen, dans le nord-ouest du pays, a aussi été fortement dé-truite en 1944 ; mais, ici, l’ironie du sort a voulu que les destructions dans le centre de la ville touchent un espace occupé par des bâtiments vétustes, ré-servant un sort moins funeste à la for-teresse de Guillaume le Conquérant. Désormais, ce château s’est transformé en un centre culturel urbain impor-tant, et des bâtiments modernes sont apparus autour, notamment le campus d’une grande université et un port de plaisance entouré d’immeubles rési-dentiels de luxe.

RENNES, CENTRE RÉGIONAL DE DÉVELOPPEMENTUn autre centre régional, Rennes (300 000 habitants et 680 000 avec l’ag-glomération urbaine), met en place, depuis de nombreuses années, un pro-gramme de développement durable, qui inclut un « chargement » plus dense des quartiers centraux de la ville couplé à un processus de « déchargement » en termes de transport. Rennes s’est forgé une réputation de ville verte, agréable à vivre et possédant une vie sociale et culturelle dynamique, des universités et centres de recherche faisant autorité, une industrie de hautes technologies et un système de transport en commun dé-veloppé, notamment un métro automa-tisé (sans chauff eur !) et des stations de location de vélos avec un réseau ramifi é de pistes cyclables dans toute la ville.

Les planifi cateurs urbanistes ont mis un accent particulier sur le respect de l’environnement. Comme le confi e le concepteur Christian Devillers (bureau d’architectes Devillers & Associés), ce projet, s’il n’est pas « tape-à-l’œil », fait en revanche la part belle aux expé-rimentations et aux innovations.

« Nous avons réalisé un projet d’éco-quartier à Rennes, explique De-villers. Il s’agit d’une ville à faible densité de construction, et nous avons donc décidé d’« intensifi er » son centre. Ce nouveau quartier est comme une pe-tite ville. Il est basé sur des principes de développement durable – avec un métro et des autobus plus rapides même que le métro. »

NICE, DIVERSITÉ DES SOLUTIONSNice et toute la Côte d’Azur française étaient autant populaires parmi les Français que les Russes dès avant la Révolution. La région est connue pour être le lieu de repos et de distraction fa-vori des riches du monde entier.

Dans les lieux les plus prestigieux de la région, par exemple la princi-pauté de Monaco, qui bénéfi cie de la protection de la France, on manque de terre  – et l’architecture ici aussi, dès les années 1980, s’est élevée vers les cieux. On a construit à Monte-Carlo l’un des plus hauts immeubles de la côte méditerranéenne – la tour Odéon, cette double tour de 170 mètres de haut (œuvre de l’architecte Alexandre Giral-

di). L’immeuble possède 82 apparte-ments de luxe, coûtant entre 50 000 et 70 000 euros le mètre carré. Il est inté-ressant de noter que parmi les premiers acheteurs, il y avait aussi des Français !

La perle de la tour Odéon est l’« ap-partement » qui en occupe les cinq der-niers étages. Entre autres avantages, celui-ci dispose de sa propre piscine. Une des chambres possède une sortie sur la montagne, par laquelle on peut rejoindre la piscine directement « au saut du lit ». Selon les estimations, le coût de ce logement atteint les 300 mil-lions d’euros, ce qui en fait l’« apparte-ment » le plus cher du monde.

Et parallèlement, sur cette même Côte d’Azur, on réalise à Nice le projet d’« éco-cité » Nice Méridia. La première phase de ce projet prévoit la mise en va-leur de 24 hectares : un espace situé au cœur de la future Éco-cité de Nice, non loin du Grand Arénas (qui deviendra le

plus grand centre d’aff aires d’Europe du Sud). On doit y construire 2 100 lo-gements, destinés en priorité aux étu-diants et aux employés d’entreprises de recherche scientifi que. Philippe Pa-nerai, en réponse à ceux qui doutent encore de la rentabilité des éco-projets, explique : « Vous dites que de tels pro-jets coûtent plus cher ? Pas du tout. Au contraire, cette approche permet bien souvent de faire des économies. Et pas seulement après, mais même avant le début de la construction. Le promoteur dépense par exemple moins pour la mise en valeur de l’espace. Quand vous construisez un éco-quartier, vous y pro-jetez moins de routes automobiles, de stations-service et de chaînes. Ce qui réduit les coûts du projet. »

Ainsi, les solutions françaises de pla-nifi cation urbaine sont variées et inté-ressantes en qualité d’expérience.

LES ARCHITECTES FRANÇAIS EN RUSSIE LES PROJETS ET LES RÉALISATIONS DE CES DERNIÈRES ANNÉES

Jean Pistre (agence Valode & Pistre) est l'auteur du projet d'hôtel Hyatt et de la tour Iset dans

le nouveau quartier d'affaires d'Ekaterinbourg.

Philippe Panerai (agence Panerai & Associés) est le chef de fi le de la conception du Centre

fi nancier international à Roublevo-Arkhangelsk.

Christian Devillers (agence Devillers & Associés) a réalisé le projet de développement et de

reconstruction de Kaliningrad. Au concours « Le Cœur de la ville», il est arrivé en deuxième

position.

Michel Péna a conçu un plan de développement des espaces publics urbains à Krasnodar.

La Fédération française du paysage (FFP) a lancé une page en langue russe sur le réseau

social Facebook, où elle présente les réalisations des architectes dans le domaine du développe-

ment urbain et propose une collaboration avec des collègues russes.

Récemment, il a été annoncé que des architectes paysagistes français travaillaient sur le projet

de reconstruction d'un parc dans le centre d'Ekaterinbourg. Il s’agit de l’architecte paysagiste

Jérôme Verguin et de l’urbaniste Bruno Cremet.

À Voronej, la zone verte du parc Dynamo est en cours de réaménagement, ce qui a valu à cet

espace d’être rebaptisé Parc central de Voronej. Les travaux permettront de le diviser en trois

zones dédiées à la promenade, au sport et au repos en famille. Le parc sera agrémenté d'aires de

jeux, de pistes cyclables, de terrains de basket et de volley, ainsi que de sentiers piétons et de

bancs confortables. Le projet de reconstruction a été conçu par le Français Olivier Damet.

En 2012, l'appel d'offres pour le projet de développement de l'agglomération de la capitale

russe et du Grand Moscou a permis de recueillir 67 propositions. 10 collectifs ont été sélectionnés

et ont décroché des contrats, dont 3 équipes françaises ou à participation française : le bureau

d'architectes Ostojenka (avec la participation d'Yves Lion Associés), le cabinet Wilmotte-Grum-

bach et AUC. Le projet de l'architecte Antoine Grumbach et de l'urbaniste Jean-Michel Wilmotte

a été reconnu comme étant le meilleur dans les parties projet de développement de l'aggloméra-

tion de Moscou et développement du Grand Moscou, c’est-à-dire la zone qui comprend le

Moscou ancien (dans les limites du périphérique MKAD) et les territoires au sud de la ville qui lui

ont été rattachés le 1er juillet 2012.

Métro de Rennes | PLINE / WIKIMEDIA COMMONS

22 Édition spéciale Russie-France

Outre la tradition, la loi oblige les en-fants à prendre soin de leurs parents vieillissants. Cela s’explique notam-ment par le fait que les maisons pour personnes âgées, ou maisons de re-traite (pensions, foyers spécialement équipés, établissements de soins mé-dicaux), sont relativement moins ré-pandus en France que dans d’autres pays occidentaux, même si la situa-tion change peu à peu depuis quelque temps.

Une étude menée par l’institut de sondage IPSOS confi rme que 90 % des personnes âgées de 50 ans et plus pré-fèreraient continuer de vivre chez elles le plus longtemps possible. Mais celles qui ont plus de 85 ans sont déjà un quart, soit 450 000 personnes, à vivre dans tel ou tel type de logement organisé pour les personnes âgées. Il faut savoir que ce chiff re de « 85 » n'est pas chimérique pour les réalités de la France, qui a toujours fi guré parmi les pays à l'espé-rance de vie la plus longue. Cela s'ex-plique par le fait que le pays dépense bien plus pour la santé que les autres pays européens, ce qui a une infl uence favorable sur le bien-être des personnes âgées. En outre, l'OMS a estimé que le système de santé français était le meilleur du monde. Celui-ci reste fon-dé sur un principe simple : payer plus pour recevoir davantage. « D'habitude, les gens viennent nous voir lorsqu’ils commencent à avoir besoin de l'aide de quelqu'un en permanence », explique Th ierry Morosolli, directeur général chargé des aff aires immobilières du groupe GDP Vendôme, leader français des services aux retraités âgés.

À l’heure actuelle, les personnes âgées de plus de 60 ans représentent tout de même plus d'un quart de la po-pulation totale de la France, qui s’élève à 65,3 millions de personnes. Selon les estimations, le pays comptera près de 20 millions d’habitants âgés de plus de 60 ans à l’horizon 2030. C'est pour le groupe des 75 ans et plus que l'on attend la croissance la plus importante : ils se-ront trois fois plus nombreux. Parmi eux, les personnes de plus de 85 ans se-

ront quatre fois plus nombreuses.Cette évolution entraînera naturel-

lement une augmentation de la de-mande d'établissements de soins aux personnes âgées.

Aujourd’hui, en France, les gens qui doivent choisir un type de séjour pro-posant une aide complémentaire ont le choix entre diff érentes options.

On trouve d’abord les maisons de re-traite (ou maisons de repos) ordinaires, qui peuvent être publiques ou privées. Elles se divisent entre les établissements proposant une aide spécialisée et les éta-blissement sans aide, de type commun. Les maisons proposant une aide médi-cale spécialisée s’appellent des EHPAD (établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes). Leurs charges de fonctionnement sont divi-

sées en trois sections tarifaires : héber-gement, dépendance et soins. « Dans les EHPAD, l’hébergement et la dépen-dance sont à la charge des personnes accueillies, poursuit Th ierry Morosol-li, mais celles-ci peuvent dans certains cas bénéfi cier d’une prise en charge par le département de résidence. Dans ce cas, le Conseil départemental récupère la plupart des revenus de la personne âgée et peut exercer un recours sur suc-cession. Le tarif soins est, quant à lui, entièrement pris en charge par l’assu-rance maladie ».

Mais il y a également d’autres types d’établissements de séjour pour per-sonnes âgées, qui se distinguent par leur format, leur taille, leur palette de services ou encore leur degré « d’inter-vention » dans la vie de chaque résident.

Les appartements pour personnes âgées à faible niveau de revenus se pré-sentent sous diff érentes formes. Habi-tuellement, les appartements de type « foyer logement  » sont entièrement occupés par des personnes âgées, tan-dis que ceux de type « foyer soleil » sont situés dans des immeubles collectifs, habités par des gens de diff érents âges. L’aménagement des appartements et leur organisation spatiale off rent aux personnes âgées la possibilité de conserver, si elles le souhaitent, un degré déterminé d’autonomie, assor-

tie d’une certaine surveillance et d’un niveau d’implication des services so-ciaux. Ces appartements sont loués et meublés par les résidents eux-mêmes, qui y emménagent avec leurs propres aff aires, tandis que certains services, comme la lessive et la restauration, sont communs.

Il existe également des appartements avec services complémentaires (rési-dence avec services pour personnes âgées, ou « résidence services »). Ils se distinguent du type précédent en ce que les appartements peuvent non seu-

lement être loués, mais aussi achetés. Ils peuvent être meublés ou non.

Les villages séparés pour personnes âgées (« villages retraite »), enfi n, de-meurent assez rares en France – on en trouve principalement dans le sud du pays. Ce type d’organisation de la vie des personnes âgées consiste en un bloc résidentiel avec son propre service de sécurité, ses services et aménage-ments. Le village peut disposer d’une piscine, d’une salle de réception, d’une bibliothèque, d’une salle d’exercice et/ou de musique, d’un restaurant (café) commun. Les services peuvent inclure des soins aux résidents, le ménage, de l’aide pour les tâches administratives, les soins aux animaux domestiques, la livraison de repas, des services de coif-fure et de physiothérapie, ainsi que l’organisation d’excursions, de confé-rences, de jeux de société, la mise à dis-position ou la projection de fi lms.

Un village de ce type se compose habi-tuellement de 50 maisons individuelles (pavillons) avec une ou deux chambre(s) à coucher. On peut les louer pour un coût moyen de 300 à 600 euros par mois, ou bien les acheter. Le coût d’une mai-son avec deux chambres est d’environ 120 000 euros. Ce à quoi il faut ajouter les frais de chauff age et de climatisa-tion, l’approvisionnement en eau, y compris en eau chaude, l’abonnement à la télévision satellite et d’autres dé-penses similaires.

FINANCEMENTL’année 2002 a marqué la création d’une subvention pour les personnes âgées né-cessitant des soins, appelée APA (Allo-cation personnalisée d’autonomie). Les fonds destinés à cette subvention sont fournis par les conseils régionaux et par une agence créée à cet eff et, la CNSA (Caisse nationale de solidarité pour l’au-tonomie). La CNSA est fi nancée non par les impôts généraux, mais sur le compte d’une journée de travail supplémentaire pour les employés et d’un impôt complé-mentaire de 0,3 % pour les employeurs, ainsi que par le budget de l’assurance maladie. La subvention est destinée en

LES SOINS AUX PERSONNES ÂGÉES EN FRANCE

Traditionnellement, on consi-dère naturel en France que la famille des personnes âgées s’occupe de celles-ci. Mais ces dernières décennies, un sys-tème d’établissements pour personnes âgées a été mis en place dans le pays.

Maison de retraite (EHPAD) Mont Le Roux, bâtiment principal |

MOREAU.HENRI / WIKIMEDIA COMMONS

EN ADOPTANT L’EXPÉRIENCE FRANÇAISE, LA RUSSIE GAGNERA 20 ANS, PARCE QUE DURANT TOUT CE TEMPS, NOUS AVONS APPRIS DE NOS ERREURS.

23www.lecourrierderussie.com Édition spéciale Russie-France

premier lieu aux soins directs aux per-sonnes âgées, mais a également pour objectif d’off rir à ces dernières la possi-bilité de conserver leur indépendance le plus longtemps possible.

Plus d’un million de personnes per-çoivent cette aide. 61 % des bénéfi ciaires continuent à vivre chez eux, recevant le soutien régulier de professionnels et de services d’aide, ainsi que de leurs parents, proches et amis. Cette caté-gorie de soins aux personnes âgées in-clut également l’installation d’alarmes dans leur domicile, l’inscription à des clubs du troisième âge et à des centres de soins (ou de loisirs) et, évidemment, le soutien d’associations de bénévoles. Les services sociaux intègrent souvent le travail d’infi rmières, de physiothé-rapeutes et de psychologues. Ainsi, la personne âgée physiquement faible est entourée d’un système de soutien, dont la charge est répartie entre des profes-sionnels et des organisations sociales et bénévoles semi-professionnelles.

Si la majorité des personnes âgées voudraient continuer à vivre chez elles, il peut arriver un moment où la résidence en établissement de soins devient une nécessité. La probabili-té d’une perte de la capacité à vivre en autonomie n’est jamais à exclure, pas plus que le risque, comme c’est de plus en plus souvent le cas dans les conditions actuelles, que les membres de la famille ne soient pas en mesure de prendre soin de leurs parents âgés. «  Aujourd’hui, les enfants ne sont souvent pas en capacité de prendre en tutelle leurs parents sous leur toit, ex-plique Th ierry Morosolli, directeur gé-néral chargé des aff aires immobilières de GDP Vendôme. Ça leur coûterait ex-trêmement cher. Dans ce contexte, le système EHPAD peut être une solution possible. Sachant que nous ne sommes pas un hôpital, un endroit où l’on se contente de soigner. Nous sommes un établissement à la fois médical et so-cial. Notre but n’est pas de guérir des maladies, mais de proposer un refuge, des conditions de vie, des soins mé-dicaux pour des gens vulnérables en raison de leur âge. Nous prenons soin d’eux sur une base régulière, quoti-dienne, ce qui serait impossible à faire dans un hôpital. »

Le système EHPAD a commencé à être mis en place il y a 15 à 20 ans. « Ce que nous avons construit il y a 20 ans est radicalement diff érent de ce que nous possédons aujourd’hui. Aujourd’hui, nous accueillons des gens avec des ma-ladies neurologiques ou cognitives, ou atteints de la maladie d’Alzheimer – ces derniers représentent une grande par-tie de notre travail : ils sont 63 % à en souff rir. En d’autres termes, comme vous pouvez le voir, nous nous occu-pons de choses assez complexes. En adoptant l’expérience française, la Russie gagnera 20 ans, parce que du-rant tout ce temps, nous avons appris de nos erreurs. » Cette expérience, sou-ligne M. Morosolli, inclut aussi bien le système de fi nancement, l’équipe-ment de l’établissement, la formation des employés et les statistiques sur les achats de médicaments que, naturelle-ment, les soins eux-mêmes.

La France dispose de plus de 680 000 places en établissements de soins aux personnes âgées, tous types confon-dus, depuis ceux possédant des équi-pements complémentaires destinés à faciliter la vie des personnes âgées jusqu’aux établissements médicaux de soins de long terme. Il s’agit des éta-blissements publics et privés déjà men-tionnés, mais il existe aussi un type mixte, public-privé. Le séjour dans de

tels établissements a trois sources prin-cipales de fi nancement : les dépenses communes sont payées par l’APA, les dépenses directement médicales par l’assurance maladie, et la nourriture et le séjour sont payés par le client lui-même et/ou sa famille.

Il est diffi cile d’établir un coût «  moyen » des soins aux personnes âgées vu qu’évidemment, celui-ci peut sérieusement varier en fonction des be-soins du résident. Plus les services in-dispensables sont nombreux, plus leur coût et leur gamme (nourriture, TV, coiff eur, etc.), tout comme la qualité du service dans les diff érents établis-sements, varient. Pourtant, selon les estimations de l’Inspection générale des aff aires sociales (IGAS), la partie que doivent payer les résidents est en moyenne de 2 200 euros par mois – alors que la retraite s’élève en moyenne à 1 200 euros mensuels. La diff érence est assumée par les membres de la famille, pour qui cette somme demeure signifi -cativement plus faible que le coût d’une infi rmière libérale et de tout ce que né-cessite l’organisation de soins à domi-cile à part entière.

REGARD SUR L’AVENIROn constate, en France, un scepticisme assez général de la société quant à l’idée des maisons pour les personnes âgées, ainsi qu’un désir naturel de la majori-té des citoyens âgés de rester indépen-dants d’une quelconque tutelle le plus longtemps possible. Pour cette raison, parallèlement au développement de ce système, on expérimente dans le pays des modèles innovants d’off re de loge-ment pour personnes âgées.

Parmi ces nouveaux modèles, on trouve l’« intergénérationnel » : quand des gens âgés et des jeunes s’entendent pour vivre ensemble, notamment sur la base d’un contrat, tout à fait formel et documenté, qui formule la façon dont ils s’aideront les uns les autres. Cette solution novatrice prend ses racines au Moyen-Âge dans le système des « bégui-nages », répandu dans les monastères de l’actuel nord de la France et de la Bel-gique. Les moines âgés vivaient avec les jeunes, et tous prenaient soin les uns des autres.

Ce genre de contrats revête pour l’heure un caractère expérimental. Cette organisation nécessite la réso-lution de nombreuses questions, liées au fait de savoir qui, concrètement, participe, et de quelle façon, à la ges-tion de l’«  économie domestique », comment se partagent les devoirs et les privilèges. Dans ce genre de rapports, il n’est pas toujours possible de tout envi-sager et formuler sur papier.

La petite ville de Saint-Apollinaire (Côte-d’Or) s’est engagée dans le projet « Générations » en juin 2002. Celui-ci prévoit l’établissement de relations mutuellement avantageuses entre des gens de diff érents âges, dans le cadre d’une vie en commun. Le programme visait à construire environ 600 loge-ments. Dans le projet originel, la moi-tié d’entre eux devait être louée à de jeunes couples avec enfants de moins de cinq ans, et l’autre moitié, à des gens âgés avec diff érents diagnostics et degrés d’insuffi sance physique. Les participants au projet ont signé des ac-cords selon lesquels les retraités s’en-gagent à surveiller les enfants, et les jeunes couples, à rendre des services aux personnes âgées. Sur place, le concept semble avoir bien pris.

Toujours est-il que les gens vivent plus longtemps, et qu’il faut donc cher-cher de plus en plus de nouvelles solu-tions.

LES PERSONNES ÂGÉES DOIVENT AVOIR LE CHOIX

– Quels stéréotypes trouve-t-on en Russie à l'égard des générations plus âgées ?– Le premier stéréotype est de considé-rer les personnes âgées comme des dé-pendants, des individus inutiles à la so-ciété. Nous, nous voulons montrer que la vie ne s'arrête pas à la vieillesse, qu'à chaque âge, on peut se rendre utile et être nécessaire. Mais d'un autre côté, il y aura toujours des gens d’un âge avan-cé ayant besoin de soins et de charité, et ceux-là aussi méritent un traitement digne, respectueux. Cette conviction détermine le principe fondamental du programme « Ancienne génération » de la fondation Timtchenko : le droit de chaque individu à la réalisation de soi et à une existence digne – le soin et le respect de la société à tout âge. Les réalités démographiques et écono-miques doivent aussi nous rappeler à tous que les représentants des généra-tions plus âgées peuvent être une res-source importante du développement de la société : en tant que garants d’une saine continuité des traditions, des sa-voir-faire professionnels et des valeurs.

Le principal événement que nous soutenons est la conférence an-nuelle  «  D’une société vieillissante à une société pour tous les âges », qui se tiendra cette année à Moscou, les 8 et 9 octobre, pour la troisième édition consé-cutive. Les participants y débattent des possibilités concrètes de soutien aux personnes âgées et des évolutions du rapport de la société à cet âge.

Nous travaillons beaucoup avec la communauté professionnelle, nous faisons venir à cette fi n les meilleurs experts du secteur du travail social, des sociologues et des gérontologues, nous soutenons des projets professionnels et des recherches. Nous travaillons ac-tivement à l’intégration des personnes âgées dans les processus sociaux et au développement du volontariat. La fon-dation organise depuis cinq ans déjà le concours « Génération active », dirigé vers le développement des initiatives des personnes âgées dans le district fédéral du Nord-Ouest. Et nous sou-tenons aussi, pour la troisième année consécutive, le projet de hotline natio-nale de soutien aux personnes âgées. Ce dernier a déjà permis de mettre en place une base de volontaires dans tout le pays.

– À quel point le système des maisons pour les personnes âgées est-il développé en Russie ?

Et sur quelles innovations en matière de soins aux personnes âgées la fondation Timtchen-ko travaille-t-elle ?– Ce thème est largement débattu en ce moment. D’un côté, le système éta-tique de protection sociale commence à s’orienter vers des formes de soins aux personnes âgées à domicile et de subs-titution aux hôpitaux. Car pour n’im-porte qui, se retrouver dans un foyer-in-ternat, même le plus agréable à vivre, signifi e un arrachement vis-à-vis de son milieu habituel. Pour cette raison, nous soulevons activement la question de la nécessité de soutenir les soins fa-miliaux, de développer les centres de séjour journalier, de créer des services mobiles d’aide médicale à domicile, etc.

Mais, malheureusement, il existe-ra toujours des gens qui, arrivés à cet âge, ont besoin d’être soignés dans des établissements spécialisés. Et évidem-ment, ces établissements doivent off rir des services professionnels de qualité, ils doivent garantir une existence digne et une approche individuelle. C’est pour cela qu’il est si important que se déve-loppe un segment civilisé de ce genre d’établissements, avec l’accroissement du rôle du secteur non étatique.

En ce moment, nous étudions acti-vement les bonnes pratiques en œuvre dans les autres pays, par exemple en Europe occidentale et en Israël. Nous soutenons des projets pilotes en Russie, sachant, dans le même temps, qu’il est aussi très important pour nous de transmettre cette expérience aux ins-titutions publiques, pour que celles-ci puissent améliorer leurs approches. Car les représentants de l’État craignent très souvent que tout changement n’en-traîne une augmentation des dépenses. Notre mission est donc de montrer qu’au contraire, les évolutions contri-buent à dépenser les fonds disponibles de façon plus effi cace. Mais évidem-ment, l’isolement des départements et l’absence de coordination entre les ser-vices sociaux et médicaux demeurent un problème majeur.

La fondation Timtchenko soutient activement l’élaboration de la Stratégie nationale d’eff orts conjugués pour dé-fendre les intérêts des personnes âgées, qui doit voir le jour en 2015. Nous sommes très heureux que la Russie se dote elle aussi d’un document de ce type, qui refl ètera le consensus social en matière d’amélioration des condi-tions de vie de nos concitoyens âgés.

Maria Morozova, présidente de la fondation Elena et Guennadi Timtchen-ko, aborde la ques-tion des pratiques alternatives de soins aux personnes âgées.

interview

24 Édition spéciale Russie-France

– Le marché russe des spiritueux est dyna-mique mais reste quelque peu traditionnel, notamment avec la domination de la vodka et du cognac. Comment tentez-vous d’élargir l’horizon gustatif des Russes ?– La vodka et le cognac représentent eff ectivement toujours la part majori-taire (95 %) du marché des spiritueux en Russie. Cependant, les consommateurs boivent moins, tout en étant prêts à dé-couvrir de nouvelles boissons.

S’il est plus diffi cile pour nous de pro-mouvoir nos produits en Russie, du fait des restrictions en termes de communi-cation, nous mettons toutefois en place des initiatives pour faire découvrir nos marques et faire goûter nos produits aux consommateurs en interagissant directement avec eux, que ce soit en ligne ou hors ligne.

– La vodka russe bénéfi cie – à tort ou à rai-son – de la perception selon laquelle le pro-duit russe non aromatisé est plus pur et sain. Dans de nombreux marchés occidentaux, les spiritueux sont vendus comme des produits tendances, mystérieux et exotiques. Com-ment gérez-vous ces diff érentes perceptions ?– Il est vrai que la vodka évoque de nom-breuses images en Russie, étroitement associées à la tradition et à la nature.

De leur côté, les spiritueux occiden-taux sont moteurs d’aspirations fortes. Bien entendu du fait qu’ils ne sont disponibles en Russie que depuis très peu de temps. Mais aussi grâce à leur goût attrayant et au patrimoine, aux lé-gendes et à l’artisanat qu’ils incarnent.

– La conjoncture économique a-t-elle modi-fi é les habitudes des consommateurs ? Quel

impact a-t-elle sur la demande en spiritueux haut de gamme ?– Il est un peu trop tôt pour pouvoir ré-pondre avec précision, mais il va sans dire qu’avec le ralentissement de l’éco-nomie et la hausse de l’infl ation, les consommateurs deviennent plus aver-tis et font attention à leurs dépenses. Cela pourrait avoir un eff et positif considérable sur la vodka et le cognac, qui sont bien plus accessibles. Cepen-dant, en ce qui concerne les spiritueux occidentaux, nous ne prévoyons pas de chute massive du marché étant donné leur faible part actuelle.

Les tendances pourraient évidem-ment évoluer. Ainsi, nous nous atten-dons à ce que la demande soit tirée vers le haut par la consommation à domicile (contre celle hors domicile). En outre, les consommateurs pourraient être amenés à faire un choix entre deux seg-ments (passer de la qualité premium à celle standard) et ils réagiront à toute diminution des prix, particulièrement de leurs marques préférées.

– Quel est le défi principal posé par le marché russe ? S’agit-il du dédouanement, du sys-tème d’étiquetage automatisé EGAIS ou de la distribution ?– Le principal défi des entreprises de vins et spiritueux sur le marché russe est le système d’étiquetage EGAIS.

Dans la pratique, ce système de ges-tion et de contrôle des timbres d’accise est bien plus complexe que tout sys-tème existant en Europe occidentale. Une grande précision est de rigueur à toutes les étapes du processus, de la commande à l’impression, sans oublier

le suivi de tous les statuts et emplace-ments des timbres d’accise, qui doivent être collés sur les bouteilles avant que celles-ci ne franchissent la frontière russe.

Heureusement, ce système est ren-du possible grâce à nos collaborateurs hautement qualifi és qui appliquent des mesures internes spécifi ques de contrôle afi n de s’assurer du respect de la législation russe.

– Quel est la part de la consommation d’alcool dans les bars et les cafés ?– Nous estimons cette part à 14 % du marché total, en ce qui concerne la vodka, le cognac et le vermouth. Dans notre cas, ce pourcentage est plus éle-vé (près de 20 %) étant donné que notre portefeuille se compose majoritaire-ment de marques premium. Nous pen-

sons en eff et qu’il s’agit d’un segment crucial où les consommateurs peuvent goûter et expérimenter nos marques.

– Les marchés émergents sont en forte croissance mais également instables. De-vons-nous nous attendre à davantage d’ins-tabilité sur ces marchés ?– Les marchés émergents resteront ins-tables à l’avenir, sans toutefois perdre leur attractivité. La Russie demeure en tout cas un marché prioritaire pour Per-nod Ricard. Le ralentissement actuel ne nous empêchera pas de continuer à investir sur le long terme dans ce mar-ché, où nous voyons de grandes oppor-tunités pour nos marques.

– Des opérateurs internationaux de duty free ont signé des accords pour ouvrir des magasins dans plusieurs aéroports russes.

Quelle est l’importance, pour Pernod Ricard, du marché de la vente au détail dans les aéro-ports russes ?– La vente au détail dans les aéroports russes est de toute évidence un marché important dans la mesure où elle nous permet non seulement de mettre en va-leur nos marques mais aussi de toucher les consommateurs lorsqu’ils voyagent et qu’ils sont ouverts à l’exploration.

– Parlez-nous des eff orts de Pernod Ricard en matière d’innovation et d’interaction avec les consommateurs.– En Russie, Pernod Ricard a déjà un portefeuille remarquable de marques premium dans un certain nombre de catégories, ce qui lui permet de ré-pondre aux besoins de ses clients. Nous continuerons à enrichir notre porte-feuille avec les innovations développées

par nos équipes à travers le monde. Il s’agit en eff et d’un axe clé pour l’en-treprise, comme le démontre notre position dans le classement Forbes des entreprises les plus innovantes du monde.

– Que pouvez-vous nous dire sur la Digital Acceleration Roadmap ? Cette innova-tion s’applique-t-elle à la Russie ?– Avec la disparition progressive de la frontière entre le « en ligne » et le « hors ligne », il est crucial de s’adapter aux nouveaux comportement et mode de vie des consommateurs. C’est ce vers quoi nous tendons chez Pernod Ricard avec notre Digital Acceleration Roadmap, qui vise à atteindre l’excellence en ma-tière d’interaction numérique. Bien entendu, nous relayons ce défi à nos équipes présentes en Russie.

LA RUSSIE, UN MARCHÉ PRIORITAIRE POUR PERNOD RICARDLe ralentissement économique modifie-ra certes le comportement des consom-mateurs de boissons alcoolisées mais n’aura pas d’impact sur l’attractivité à long terme du marché russe en matière d’investissements, affirme Philippe Coutin, directeur général de Pernod Ricard en Russie et Europe de l’Est.

Ce sont précisément les grands crus français qui décrochent le plus souvent le titre de vins les plus chers du monde lors de ventes aux enchères à la réputation internationale. Le dernier record en date a été établi l’année passée lors d’une vente organisée par Sotheby’s à Hong Kong. Un lot de 114 bouteilles de Ro-manée Conti a été adjugé pour

1,6 million de dollars. Le prix à la bouteille s’élevait ainsi à près de 14 100 dollars, et celui au verre – à 1 700 dollars.

Cette transaction a battu le record précédent, qui datait de 2006. À l’époque, 50 caisses de Château Mouton Rothschild 1982 avaient été vendues pour 1,05 million de dollars.

En ce qui concerne les vins rares et ceux à l’histoire aty-

pique, les chiff res sont encore plus incroyables.

Au cours d’une des dernières ventes de Sotheby’s, une bouteille de Château Mouton Rothschild 1945 a été acquise pour 310 700 dollars. Ce millé-sime symbolise la victoire des Alliés lors de la Seconde Guerre mondiale, et la lettre V est gra-vée sur chaque bouteille.

Pour ce qui est des ventes

LES MARCHÉS ÉMERGENTS RESTERONT INSTABLES À L’AVENIR, SANS TOUTEFOIS PERDRE LEUR ATTRACTIVITÉ.

INVESTISSEMENTS EN BOUTEILLES

La France est le leader mondial incontestable de la viniculture. La production annuelle de vin dans le pays dépasse celle de ses voisins italiens et espagnols, et le prestige et la popularité des marques haut de gamme font du vin français l’un des investisse-ments les plus rentables.

25www.lecourrierderussie.com Édition spéciale Russie-France

IGOR SERDIOUK, CRITIQUE VINICOLE ET CHRONIQUEUR

LE CLIMAT NE FAIT PAS LE VIN

aux enchères françaises, l’une des transactions les plus rentables a été la vente d’une caisse de 12 bouteilles du très recherché Château Cheval Blanc 1947. Celle-ci est revenue pour plus de 181 000 dollars à un collectionneur français ayant souhaité rester ano-nyme. Le coût d’une bouteille s’élevait à près de 15 000 dol-lars.

À propos, le « breuvage » le plus cher à la bouteille est le champagne Hеidsieck & Co. Monopole 1907. Les experts es-timent le coût d’une bouteille à environ 257 000 dollars. Ce

prix mirobolant est dû à l’his-toire unique du vin. Durant la Première Guerre mondiale, un sous-marin allemand coula le navire suédois qui transportait le lot de bouteilles (destiné à la cour du tsar Nicolas II), et le vin lui-même n’a pu être remonté du fond de la mer Baltique qu’en 1998.

À titre de comparaison, un vin jaune 1773, également rare, est parti pour la « mo-dique » somme de 77 000 dollars en 2011 à Arbois. Pierre Chevrier, acquéreur du lot, a déclaré qu’il avait l’intention de boire le millésime.

Il existe plusieurs anecdotes liées aux vins de la collection de Th omas Jeff erson produits en 1787. Une bouteille de Château Lafi te 1787, initiale-ment achetée en France par le futur président américain lors de cette même année, fut vendue en 1985 à Christopher Forbes pour 160 000 dollars. Une autre bouteille de Th omas Jeff erson (cette fois un Châ-teau Margaux 1787) fut exposée en 1989 dans le restaurant Four Seasons de New York. À la fi n de la soirée, un serveur cogna une table et renversa, en même temps que celle-ci, le

précieux vin. La bouteille était assurée à hauteur de 225 000 dollars.

L’un des meilleurs et des plus chers vins blancs doux est le Château d'Yquem 1811, année qui jouit d’une météo exceptionnelle et du passage d’une comète, laquelle aurait, dit-on, amélioré la qualité du vin.

Néanmoins, pour pou-voir goûter les vins les plus prestigieux, il ne faut pas obligatoirement les acheter aux enchères. Ainsi, le célèbre collectionneur Michel-Jack Chasseuil vend dix places pour

un dîner qui aura lieu en dé-cembre, lors duquel il s’engage à déboucher huit bouteilles issues de sa collection unique, qui inclut des vins de Napo-léon Bonaparte.

Le prix des billets avoisine les 10 000 euros. Michel-Jack Chasseuil a l’intention d’utili-ser l’argent récolté pour ouvrir un musée consacré aux vins de sa collection – un véritable « Louvre du vin » !

Lors d'une dégustation qui présen-tait à l'attention d’un public exigeant une sélection de vins californiens, le discours d’ouverture est revenu au re-présentant offi ciel d’une organisation américaine. D’un ton assuré, il a ex-pliqué que les vins californiens étaient de qualité remarquable parce que la Californie possède un climat idéal. Si les vins n’étaient eff ectivement pas mauvais, j’ai commencé, précisément après cette dégustation, à soupçonner quelque chose de pas clair dans les rela-tions de cause à eff et œnologiques.

J’ai eu un doute parce que, dans les cas de fabrication de vin classique que je connais, je n’ai jamais obser-vé de rapport direct entre la qualité

d’un vin et la « perfection du climat ». Au contraire, presque toutes les ren-contres que j’ai pu faire de vins célèbres et des terroirs qui les produisent m’ont fait supposer une dépendance inverse. On trouve pratiquement à chaque fois une circonstance naturelle – sol ou cli-mat – que le viticulteur, dans ses tenta-tives d’améliorer son produit, doit sur-monter, avec plus ou moins d’eff orts, de résignation ou de passion.

Ô combien inattendue m’était un jour apparue la découverte que le cli-mat du Bordelais, avec son infl uence atlantique directe et sa menace per-manente de précipitations atmosphé-riques, convenait bien plus aux vins blancs qu’aux vins rouges ! Mais, après

avoir compris cela, il avait fallu re-connaître le fait, aussi paradoxal qu’il puisse être, que ce sont précisément les vins rouges qui ont fait la renom-mée de la région. Bien que, jusqu’à la seconde moitié du XXe siècle, on y ait produit davantage de vins blancs que de vins rouges. En d’autres termes, les meilleurs vins rouges de Bordeaux, de-venus pour la viticulture mondiale un classique archétypal, ont vu le jour non pas grâce aux conditions climatiques favorables mais en dépit des conditions climatiques défavorables de la région. Les deux cents meilleurs vignerons se partageant offi ciellement ou offi cieu-sement l’appellation Grand Cru sont devenus le symbole du Bordelais et un exemple universel en dépit du fait que leur part dans le nombre total des pro-ducteurs de vin de la région dépasse à peine les 2 %. On a cru dans les meil-leurs en dépit du fait qu’ils représen-taient une minorité critique.

Je n’avais pas été moins surpris en comprenant que le proverbe Qui ne risque

rien ne boit pas de champagne concerne, en premier lieu, les producteurs de Cham-pagne eux-mêmes. Il se trouve que le champagne – avec son image de fête insouciante et éternelle – naît dans la région viticole peut-être la plus ris-quée. Mais le culte fervent que les pro-ducteurs de champagne vouent au vin et une technologie génialement adap-tée ont transformé un vin qui n’était pas particulièrement remarquable en termes organoleptiques en source d’inspiration poétique. Voilà bien-tôt 300 ans que les œnologues comme les amateurs de vin, tels des pèlerins, se rendent dans la région vinicole la plus septentrionale de France en dépit du fait qu’au printemps, les vignes de champagne sont régulièrement mena-cées par les gelées et qu’à l’automne, leur raisin peine parfois à arriver à ma-turation.

Les générations successives de viti-culteurs de Bourgogne ont pris soin pendant des siècles des mêmes pieds de vigne, se courbant sans relâche sur les mêmes collines, et se sont partagé des parcelles de plus en plus étroites et morcelées au fi l des héritages. Ils ont travaillé et continuent de travailler la terre en dépit d’une fertilité du sol al-lant inévitablement en s’amenuisant

et malgré une marge de manœuvre de plus en plus réduite à la micro-exploi-tation. Mais la connaissance appro-fondie de chaque mètre carré de leurs vignes leur permet, d’année en année, de maintenir une qualité enviable – à nouveau, en dépit de cette vérité élé-mentaire que, plus il y a d’espace, plus le niveau est stable.

Les viticulteurs des vallées du Rhône et de la Loire, d’Alsace et du Languedoc, de Savoie et de Gascogne – ils ont tous leurs « en dépit ». La pluie, qui rend le vin aqueux, et la grêle, qui vous ruine simplement la moitié d’une récolte, les gelées printanières, qui menacent fl eurs et pousses, et les brumes autom-nales, grosses de développement de

moisissures… Plus nous en apprenions sur la France du vin qui, à un moment, au début du chemin, nous apparais-sait comme un paradis vinicole sans nuages, plus elle nous faisait penser à une arène de gladiateurs.

Et plus elle nous passionnait par ses mystères, plus elle nous forçait à aimer ses vins.

Visiblement, c’est cette leçon qui s’est avérée la plus importante de celles que la France a enseignées au monde vinicole. Aimer non pour les mérites, apprécier non pour la justesse, et ne pas parler de climat idéal – pour que la vie ressemble davantage à un miracle.

Igor Serdiouk, critique vinicole et chroniqueur

AIMER NON POUR LES MÉRITES, APPRÉCIER NON POUR LA JUSTESSE, ET NE PAS PARLER DE CLIMAT IDÉAL –  POUR QUE LA VIE RESSEMBLE DAVANTAGE À UN MIRACLE.

26 Édition spéciale Russie-France

L'exemple de la poste française montre que l'arrivée de l'ère numérique n'est pas synonyme de mort programmée, mais plutôt un défi qui peut et doit être relevé par les entreprises postales en le retournant à leur propre avantage.

Le cas de la poste française est égale-ment intéressant car la société appar-tient à 100 % à l’État, comme c’est le cas en Russie. Toutefois, les diff érences sont notables, tant au niveau de la forme juridique que de l'organisation.

Le groupe La Poste est une société par actions (depuis 2010), tandis que La Poste de Russie est une société d’État. Du point de vue de l'économie mar-chande, une entreprise unitaire fédé-rale d'État n'est pas la forme juridique la plus fl exible et la plus avancée.

Le groupe La Poste est le deuxième plus gros employeur du pays derrière le gouvernement français. La holding compte 268 000 collaborateurs, ce qui permet d'expédier 25 milliards de cour-riers (lettres, imprimés publicitaires et colis) par an dans le monde entier.

L’étendue des infrastructures du groupe facilite cette tâche. La Poste a des bureaux aux six coins de l’Hexa-gone et a ouvert des agences dans 40 pays, sur quatre continents. Sur le sol

français, les colis sont livrés en un ou deux jours ; et les colis internationaux, en six jours.

À titre de comparaison, en Russie, territoire 30 fois plus important que la France, la poste emploie 350 000 per-sonnes pour ne recevoir, traiter et livrer que quelque 4 milliards de courriers par an. Actuellement, La Poste de Rus-sie ne compte qu'une fi liale internatio-nale, à Berlin.

En Russie, le facteur est parfois le seul lien entre les habitants des lieux reculés et peu peuplés et le monde ex-térieur, un peu comme le protagoniste du fi lm Les Nuits blanches du facteur Alexeï

Triapitsyne, réalisé par Andreï Kontcha-lovski et grand succès du festival de Ve-nise.

Il ressemble peu à son homologue français, qui livre le courrier sur le der-nier modèle de scooter électrique. Mais le rôle et l'importance du facteur pour les gens sont les mêmes dans les deux pays.

C'est eff ectivement une esthétique propre très originale, mais le monde ne reste pas immobile, et le jour vien-dra où il sera tout simplement impos-sible de ne pas répondre aux défi s de l'époque.

LA CONQUÊTE DE L'AVENIRDans le cas du groupe La Poste, les suc-cès viennent de son propre désir d’évo-luer. L'année dernière, la holding a approuvé le plan stratégique « La Poste 2020 : Conquérir l'avenir ».

Ce plan est arrivé après quelques an-nées diffi ciles pour la société, qui avait vu ses bénéfi ces se transformer en dé-fi cit. La direction a décidé de ne pas imputer cette situation à la crise fi nan-cière mondiale.

Le groupe La Poste a entamé sa gué-rison économique par l'approbation d'une nouvelle structure articulée au-tour de cinq axes : Courrier-Colis-Ser-

vices au domicile, La Banque Postale, Réseau La Poste, GeoPost (pour les en-vois urgents) et Numérique.

L'accent a été mis aussi bien sur le développement des activités existantes que sur la conquête de nouveaux sec-teurs en pleine expansion, principa-lement à travers la modernisation des services proposés.

Ainsi, la poste française n'est pas uniquement dédiée aux courriers et colis traditionnels. C'est également un organisme bancaire proposant, no-tamment, des crédits immobiliers et des services d'assurances, un opérateur mobile et un développeur de solutions technologiques.

RÉVOLUTION NUMÉRIQUE La branche numérique, la plus ambi-tieuse, assure la gestion de La Poste dans son ensemble, ainsi que des trois fi liales du groupe : Docapost (spéciali-sée dans la transformation numérique des organisations), MediaPost (contrôle des médias numériques et traitement des datas) et Start'inPost (consacrée aux start-ups).

Actuellement, La Poste propose de nombreux services numériques, al-lant du désormais traditionnel « por-tefeuille électronique » pour payer, par exemple, l'eau, le gaz et l'électricité, à des solutions plus complexes.

Ainsi, le groupe envisage prochaine-ment une intégration avec des bases de données publiques, ce qui faciliterait l'accès aux services publics pour les ha-bitants des lieux éloignés et diffi cile-ment accessibles.

Parmi les projets « numériques » les plus ambitieux du groupe, on trouve le programme French IoT (« Internet des objets français »), qui soutiendra les start-ups existantes et en développera d'autres.

Lors du salon CES (Consumer Electro-

nics Show) 2015 à Las Vegas, La Poste

BIEN PLUS QU’UNE POSTE !

Dès le XVe siècle, les premiers an-cêtres de La Poste sont apparus en France. On aurait pu penser qu’en 600 ans, le mécanisme aurait iné-vitablement atteint le pic de son déve-loppement avant de commencer à s’éteindre, le passage à l’ère numé-rique ne fai-sant qu’ac-célérer ce processus.

Bâtiment de La Poste |

FRÉDÉRIC BISSON / FLICKR.COM

LE FACTEUR RUSSE RESSEMBLE PEU À SON HOMOLOGUE FRANÇAIS, QUI LIVRE LE COURRIER SUR LE DERNIER MODÈLE DE SCOOTER ÉLECTRIQUE. MAIS LE RÔLE ET L’IMPORTANCE DU FACTEUR POUR LES GENS SONT LES MÊMES DANS LES DEUX PAYS.

ELENA ANISSIMOVA

27www.lecourrierderussie.com Édition spéciale Russie-France

a présenté son hub numérique, une plateforme universelle qui permet de connecter et gérer des objets associés via une interface unique.

Cette formule complexe cache une idée assez simple. La Poste a lancé son application mobile Digiposte Pass, qui permet de regrouper, trier et classer diff érents documents : pièce d'identi-té, permis de conduire, requêtes, fac-tures, etc.

L'application permet de remplir rapi-dement et facilement une demande de crédit bancaire en y joignant tous les documents nécessaires ou encore de re-trouver une garantie pour contacter un service après-vente afi n de faire réparer un appareil cassé.

L'application permet également d'échanger des documents sensibles ou confi dentiels.

DRONES, VOITURES ÉLECTRIQUES ET FACTEUR HUMAIN La poste française introduit également des innovations dans des domaines plus traditionnels. Ainsi, récemment, dans le sud de la France, le groupe a tes-té les drones comme moyen potentiel de distribution du courrier.

Cette technologie sera probablement adoptée par le groupe, de même que les camions roulant à l'hydrogène. Sou-cieuse de l'environnement et désirant faire des économies, La Poste emploie un parc de voitures électriques assez important.

Cependant, malgré l'introduction ac-tive de nouvelles technologies, La Poste connaît des cas curieux. En cause, comme souvent, le facteur humain.

Il y a quelques années, une lettre ex-pédiée par la mairie d’une commune de Normandie a fait un détour par Mos-cou. Le destinataire du courrier ha-bitait dans un village français appelé Russ. Cette similitude a valu à ce pli un voyage inattendu en Russie.

Dans le segment traditionnel, La Poste obtient invariablement un re-tour rapide sur ses eff orts publicitaires. L'édition de nouveaux timbres reste l'un des moyens les plus populaires d'attirer l'attention de la presse et des clients.

Par exemple, cette année, le célèbre couturier Jean-Charles de Castelbajac a dessiné un timbre pour la Saint-Va-lentin. Au fi l des ans, les timbres de la Saint-Valentin ont notamment été créés par les maisons de couture Yves Saint Laurent, Chanel et Lanvin.

Il fut un temps où Ferdinand Che-val, l'un des plus célèbres facteurs de France, fi gurait également sur un timbre. Cheval édifi a un palais, le Pa-lais idéal, avec des pierres qu'il ramas-sait en distribuant le courrier.

L'AVENIRSelon les analystes de La Poste, la dy-namique positive du groupe devrait se poursuivre et apporter des résultats si-gnifi catifs d'ici 2020.

La poste française fonde de grands espoirs dans le segment numérique. La société espère que, grâce aux eff orts des 5 500 personnes qui y travaillent, le chiff re d'aff aires du groupe dépassera le milliard d’euros d'ici cinq ans.

Ces chiff res bruts cachent l'essen-tiel  :  la confi ance que le public place dans la société. Le capital publicitaire croît quand les attentes des clients trouvent une réponse stable et inscrite dans la durée.

Les modes de livraison peuvent évo-luer et l'objet distribué peut être rem-placé par une solution numérique, mais le désir d'apporter des services prompts et effi caces doit rester inchangé.

– En quoi consiste la mission de votre organi-sation ? Êtes-vous un maillon entre la France et la Russie en matière d’effi cacité énergé-tique ?– U4E est une association de grosses en-treprises industrielles européennes, en premier lieu françaises, travaillant en Russie, qui se sont réunies autour de la thématique de l’effi cacité énergétique, de l’écologie et du climat. En Russie, l’effi cacité énergétique est considé-rée comme un but primordial, mais les questions de l’écologie et du climat ne sont pas encore aussi élaborées. En Europe, les circonstances ont fait que l’écologie et le climat sont placés en premier, et l’effi cacité énergétique est vue comme un des outils pratiques per-mettant d’obtenir des résultats en ma-tière d’équilibre écologique.

Mais nous sommes eff ectivement un maillon entre les expériences fran-çaise et russe et entre les entreprises. Selon nos calculs, les contrats de ser-vices énergétiques prévoient, pour les entreprises européennes, la possibilité d’utiliser jusqu’à 80 % de l’équipement produit en Russie de façon « tradition-nelle » par des fabricants russes. Dans le même temps, les fournisseurs russes de services énergétiques peuvent utili-ser de l’équipement français, notam-ment fabriqué en Russie – sachant que certaines compagnies russes possèdent une expérience unique de travail dans des zones climatiques où l’amplitude des variations de températures sai-sonnières peut atteindre 100 degrés (la France ne possède pas une telle ex-périence, en revanche, elle possède l’équipement).

– C’est-à-dire que pour les compagnies fran-çaises, la Russie est un marché d’écoulement, mais aussi d’acquisition d’expérience ?– Il s’agit autant d’acquérir de l’expé-rience que de développer un marché nouveau et prometteur. Si la Russie se dote d’une nouvelle « niche » business rentable, tout le monde y gagnera.

– Quelle a été l’infl uence de la crise et des phénomènes « désagréables » que l’on observe actuellement dans l’économie sur la volonté des entreprises russes de s’occuper d’effi cacité énergétique ?– À mon sens, l’intérêt pour cette thé-matique n’est pas tombé. Nous avons organisé récemment un séminaire sur l’effi cacité énergétique basé sur l’ana-lyse de projets réalisés avec succès, des nouvelles exigences et du cadre nor-matif. Il y avait de très nombreuses grandes entreprises russes. L’intérêt est présent, il n’a pas disparu.

Le problème est moins lié à la crise actuelle qu’au fait que les initiatives étatiques importantes pour l’économie d’énergie et des ressources ne sont pas

assez renforcées, aujourd’hui, par des outils législatifs et fi nanciers qui per-mettraient de donner une impulsion ra-pide à de nombreux projets. Toutefois, des contrats de services énergétiques, notamment avec des entreprises fran-çaises, sont réalisés dans une série de grandes entreprises russes. La compa-gnie Fenice, un des leaders mondiaux du service énergétique, qui fait partie du groupe Électricité de France, réalise notamment un contrat de service éner-gétique dans le groupe d’entreprises AvtoVAZ. Et tous les acteurs sont satis-faits de cette collaboration et prévoient de l’élargir.

– Il est aujourd’hui évident que l’accroisse-ment de l’effi cacité est, de façon générale, un des principaux moyens de relancer la crois-sance de l’économie russe. L’effi cacité éner-gétique peut-elle devenir un terrain d’expé-rimentation en la matière ? Les contrats de services énergétiques peuvent-ils devenir un modèle pour y parvenir ?– Je pense que oui. Les experts disent que la réalisation d’un projet dans le bâtiment implique la participation, au minimum, de 200 mini-secteurs (il s’agit des fournisseurs de divers ser-vices et de matériel, des entreprises de certifi cation, etc.) ; et en Russie, au-jourd’hui, le pari est fait précisément sur de tels projets à l’eff et multiplica-teur. L’effi cacité énergétique possède une ampleur non moins importante en termes d’étendue horizontale des pos-sibilités qu’elle engendre.

C’est indubitablement un des élé-ments permettant de lutter contre la crise, et personne ne doit l’oublier : ni les économistes, ni les fi nanciers, ni les industriels, ni les autorités.

Pour revenir au début de notre conversation, il faut savoir, à propos des contrats de services énergétiques, que les outils, autant normatifs que fi -nanciers – et les deux sont absolument liés  –, ne sont pas encore totalement élaborés. Il faudrait optimiser cette base afi n de développer le potentiel éco-nomique pour les deux côtés. Les ques-tions de comptabilité, par exemple. Comment montrer, dans la comptabi-lité fi scale, que l’introduction de tech-nologies d’effi cacité énergétique est de l’investissement, et non du bénéfi ce ? Et la liste de ces questions peut être pro-longée à l’infi ni.

Les contrats de services énergétiques sont habituellement conclus pour cinq ans (afi n d’en ressentir un eff et réel), même si nous travaillons actuellement à la formation d’un pool de projets, qui pourraient démontrer leur effi ca-cité dès une période de trois ans. Nous espérons que la réalisation réussie de projets brefs permettra aux acteurs du marché d’avoir confi ance dans cet ins-

trument et de lancer des projets à long terme, ainsi que d’accomplir les pro-grès nécessaires dans la base adminis-trative et normative.

– Combien de temps a pris le processus de développement de l’effi cacité énergétique en France ? – La France a connu des chocs pétroliers en 1973 et en 1979 et, dans les années 1980, on a pris la décision de garantir la sécurité énergétique du pays. On a fait le pari du développement de l’éner-gie nucléaire et de l’optimisation de la consommation. Mais on ne peut pas parler d’effi cacité énergétique dans le sens actuel, il s’agissait plutôt de sé-curité énergétique. C’est certainement à la fi n des années 1990 que la France a commencé de s’occuper d’effi cacité énergétique au sens où nous l’enten-dons aujourd’hui. Et aujourd’hui, c’est le seul pays ayant adopté une charte écologique comme annexe à sa consti-tution (en 2004). Quant à la notion même d’effi cacité énergétique, c’est à partir de la présidence de Jacques Chi-rac qu’elle est entrée dans l’usage com-mun, autant pour tous les organes éta-tiques qu’au sein du business privé et parmi les simples citoyens.

– La France a d’une certaine façon été contrainte de se soucier d’effi cacité éner-gétique. Qu’est-ce qui pourrait y pousser la Russie, avec ses immenses réserves de gaz et de pétrole ?– Les stimulants peuvent être nom-breux. Nous savons qu’en Russie, la consommation intérieure n’est pas aus-si rentable que l’export de ressources énergétiques. Et ce qui est économisé sur le marché intérieur pourrait, dans certaines conditions, être écoulé sur le marché extérieur. Ceci si l’on parle à l’échelle du pays. Pour ce qui est des entreprises, les ressources économisées sur le coût de l’électricité peuvent être des moyens complémentaires à investir dans la modernisation, l’élargissement de l’entreprise ou simplement le paie-ment des dividendes.

– Pouvez-vous citer, parmi les entreprises russes, certaines sociétés éminentes qui s’oc-cupent de cette question ? – Il y a des projets réussis dans toute une série d’entreprises. En Russie, les compagnies françaises travaillent avec AvtoVAZ, Severstal, Transmashholding et d’autres. Il faut remarquer égale-ment les initiatives de développement de l’effi cacité énergétique qui ont été réalisées par beaucoup de compagnies métallurgiques, mais aussi par des groupes énergétiques, notamment Lu-koil et Gazprom.

L’EFFICACITÉ ÉNERGÉTIQUE COMME CLÉ POUR UNE NOUVELLE CROISSANCE

La Russie est un leader mondial de la pro-duction et de la consommation de ressources énergétiques, et possède un gros poten-tiel pour l’économie d’énergie. Alexander Nekrassov, directeur exécutif de l’Union des entreprises pour le développement de l’effi-cacité énergétique et la sécurité écologique (U4E), aborde la façon dont l’efficacité éner-gétique pourrait contribuer à relancer la croissance de l’économie russe.

28 Édition spéciale Russie-France

LE CHIC FRANÇAIS

L'ART DU BIKINI ERESLe 5 juillet, on célèbre offi cieusement, dans le monde, la Jour-née du bikini : ce maillot de bain dénudé constitué de deux pièces. C'est l'ingénieur français Louis Réard qui présenta le premier un mini-maillot de bain, en 1946. Et depuis lors, cet élément de la garde-robe féminine n'a cessé d'émouvoir les stylistes et la gent masculine. La marque française Eres crée des maillots de bain de luxe depuis plus de 40 ans déjà.

LE CHAT QUI VALAIT UN MILLIONKARL LAGERFELDComment, vous n'avez pas encore pensé à gagner de l'argent grâce à votre chat ou à votre poisson rouge ?! Si l'on en croit Karl Lagerfeld, directeur artistique de la mai-son Chanel, sa chatte Choupette a gagné, en 2014, près de trois millions d'euros. Choupette a fait des photos pour le calendrier d'une marque automobile et lancé sa propre ligne de cosmétiques avec la maison japonaise Shu Uemu-ra. Des portraits de Karl Lagerfeld avec sa chatte ornent aussi les vêtements et accessoires de la collection capsule Tiff any Cooper for Karl Lagerfeld.

Une biographie a même déjà été écrite sur la petite protégée de Karl Lagerfeld : « Choupette : la vie enchantée d'un chat fashion ». Patrick Mauriès et Jean-Christophe Napias y dévoilent les détails du quotidien de la beauté birmane : vêtements exclusifs, haute cuisine, avion pri-vé, domestiques et jouets électroniques.

DES TIMBRES AVEC DES VŒUX D'AMOURJEAN-CHARLES DE CASTELBAJACLe styliste français Jean-Charles de Castelbajac a créé une série de timbres pour la poste française avec des vœux d'amour. Les timbres ornés du dessin « baiser esquimau », c'est-à-dire nez contre nez, ont été créés spécialement pour la Saint-Valentin mais continuent de se vendre. Le fond blanc de ce timbre est

décoré de petits cœurs (pour les lettres de moins de 20 g) ou de petites étoiles (pour les envois jusqu'à 50 g) de couleur. Ce n'est pas la première expérience de travail de La Poste, qui occupe une place importante dans la vie de tous les Français, avec des dessinateurs de mode : le service postal français a déjà collaboré avec Yves Saint Laurent, Chanel et Lanvin.

On associe traditionnellement la France à la haute couture, à un design origi-nal, à la gastronomie et à des vins et cognacs de prestige. Si le segment du luxe subit comme tous les autres l’influence des facteurs économiques, les produc-teurs d’articles prestigieux se sentent encore, pour l’heure, très à l’aise : le plus gros acteur mondial de ce marché, LVMH, a affiché pour le premier tri-mestre 2015 une croissance de 16 %. Maria Afonina passe en revue les innovations « extraordinaires » du monde du luxe français.

29www.lecourrierderussie.com Édition spéciale Russie-France

UN BISTROT SUR ROUESPEUGEOTLes spécialistes du Peugeot Design Lab ont présenté le restaurant sur roues Le Bistrot du Lion : un semi-remorque qui se trans-forme en véritable bistrot avec cuisine par-faitement équipée. Pour les visiteurs, des tables pliantes avec parasols sont prévues. Le fourgon est en outre équipé d'un système audio et d'un écran 46 pouces.

Le premier chef cuisinier du Bistrot du Lion est le talentueux Sven Chartier, du Saturne et du Clown Bar. On pourra admirer le food truck du chef parisien à l’Expo 2015, jusqu'au 31 octobre.

UNE SUITE DE LUXE DANS L'AVIONAIR FRANCEDepuis fi n 2014, Air France propose à ses clients aisés une nouvelle suite de luxe à bord des avions desservant les aéroports de Paris, Dubaï, Jakarta, New York et Singapour. Les avions B777-300 sont équipés du salon La Première, constitué de quatre chambres séparées.

Dans chaque salon, un confortable fau-teuil se déplie en lit de deux mètres de long et 77 cm de large avec un matelas futon, un oreiller et une grande couverture Sofi tel My Bed. L'appuie-tête de cuir est orné de l'hippo-campe ailé – emblème d'Air France.

Le salon est équipé d'un système de di-vertissements de dernière génération, et le menu pour les passagers est élaboré par un chef cuisinier Michelin.

UNE BD DE MODEDIORLa maison de couture Dior a publié une bande dessinée intitulée « Jeune fi lle en Dior » (en anglais, le livre est sorti sous le titre Girl in Dior). La dessinatrice, Anna Goetzinger, y illustre le personnage d'une critique de mode, Clara. À travers l'his-toire de la rencontre entre la journaliste et Christian Dior, l'auteur revient sur le premier défi lé du couturier en 1947, l'appa-rition de la silhouette new look, la fureur des jupes bouff antes serrées à la taille et des vestes Bar.

Anna Goetzinger explique qu'elle aurait pu raconter toute l'histoire de Christian Dior, de sa naissance à sa mort, mais qu'elle était particulièrement intéressée par la mode et l'univers de Dior entre les années 1947 et 1957.

DES MONTRES POUR LES PATRIOTES

CVSTOS Fin 2014, l'acteur Gérard Depardieu a présenté au public une montre dont le design a été conçu sous sa direction directe par la maison Cvstos. La série a été baptisée « Sois fi er d'être russe ». Et malgré la controverse autour de Depardieu lui-même, les montres continuent d'avoir du succès auprès de la clientèle, à en juger par les chiff res de ventes. Il s'agit de montres haut de gamme, en acier, titane et or rose. La série, en édition limitée, est déjà en vente, notamment en Russie. Certes, ce sont des montres que tout le monde ne peut pas se permettre : le modèle le moins cher coûte plus d'un million de roubles. Les montres au nom patriotique sont pour l'instant destinées aux hommes, mais une série spéciale pour les femmes est également prévue.

DES PETITES VALISES, ET PAS QUELOUIS VUITTONLouis Vuitton continue de conquérir le cœur de ses fans avec des projets extraordinaires. Les designers de l'entreprise ont d'abord présenté la « valise de la ballerine » de tournée pour Diana Vichneva et un case pour le trophée de la Coupe du Monde de football au Brésil. Ensuite, ce fut l'annonce de l'ouverture du premier bar à parfums à Berlin, où le goût des cocktails s'accorde avec les arômes des plus célèbres parfums. Puis, l'un des projets les plus ambitieux de Bernard Arnault fut l'ouverture de l'espace artistique Fondation Louis Vuitton à Paris. C'est là que, le 2 juin, en complé-ment de l'exposition Les clefs d’une passion, fut inaugurée la deuxième partie de l'exposition de la fondation, Musique/Son, dans laquelle on peut admirer des travaux de Philippe Parreno, John Cage et Marina Abramovitch.

Lors de l'exposition de design Maison & Objet à Paris, la mai-son Hermès a présenté une nouvelle collection de vaisselle baptisée Voyage en Ikat. Le service français est orné de des-sins orientaux à l'eff et tridimensionnel. C'est ce qu'on appelle l’« ikat » : une technique de tissage traditionnelle complexe, répandue en Asie.

Toute la vaisselle de la collection Voyage en Ikat a été fabri-quée et peinte à la main à Limoges.

DE LA VAISSELLE AU DESSIN EN 3DHERMÈS

DU THÉ DE COUTURIERKUSMI À l'occasion de son exposition personnelle au Grand Palais, Jean-Paul Gautier a dessiné l'emballage de deux thés noirs de la société Kusmi : Prince Wladimir, au mélange d'agrumes, de vanille et d'épices, et Anastasia, à la bergamote, au citron et à

la fl eur d'oranger. Les boîtes de thé signées Jean-Paul Gautier sont décorées de lignes blanches et bleues et de dessins

rappelant des tatouages. Fabriquées en édition limitée, elles sont disponibles au Grand Palais

pendant toute la durée de l'exposition du cou-turier – jusqu'au 3 août. À propos, Kusmi

a des origines russes : la maison de thé a été fondée en 1867 par le marchand Pa-vel Kouzmitchoff à Saint-Pétersbourg, avant de déménager à Paris après la révolution d'Octobre 1917.

30 Édition spéciale Russie-France

Le tramway est le seul moyen de trans-port en commun à avoir continué à rou-ler durant le blocus de Léningrad. On le retrouve par ailleurs dans des œuvres littéraires comme Un tramway nommé Désir, de Tennessee Williams, et Le Tramway, dernier roman de Claude Simon.

Ce n’est d’ailleurs pas sans raison que le tram 56 rappelle l’écrivain français. Ce sont en eff et ses compatriotes de chez Alstom qui, en partenariat avec Trans-mashholding, ont livré ces tramways à Saint-Pétersbourg en décembre dernier.

Derrière la formule technique « plan-cher bas 100 % » se cache le confort des passagers. Désormais, les enfants, les personnes âgées et celles à mobilité ré-duite peuvent facilement monter dans le wagon.

Cette innovation technique est pour l’instant réservée aux habitants des quartiers sud. Les quatre nouveaux trams achetés par la ville au producteur TramRus, coentreprise fondée par Als-tom et Transmashholding, circulent sur l’itinéraire 56 – de l’usine Severnaïa Verf jusqu’à la rue du Maréchal Kazakov (« oulitsa Marchala Kazakova »), n°12.

Ce court itinéraire n’est peut-être pas le plus attirant d’un point de vue tou-ristique – il traverse en eff et des sites industriels post-soviétiques –, mais il transmet ainsi bien mieux l’esprit au-thentique de la ville que le centre-ville et son exubérance pompeuse.

Nous commencerons à observer les transformations sans apparat du mi-lieu social urbain dès le premier arrêt –

à l’usine Severnaïa Verf. C’est ici que

monte la receveuse de tram, Galina.

Cette jeune femme ai-mable explique que les nouveaux

trams sont très populaires auprès des passagers. Ces derniers se prennent souvent en photo dans les wagons, et certains viennent même expressément dans le sud de la ville pour le tram 56.

La preuve ne se fait pas attendre : à l’arrêt suivant, un Moscovite, Alexeï, entre dans le wagon. Ce retraité recon-naît n’avoir jamais vu de trams aussi modernes dans la capitale russe.

Après avoir promis de parler à sa famille des innovations tech-

niques de la ville sur la Neva, Alexeï prend quelques photos souvenirs, dont un selfi e.

Pendant ce temps, de l’autre côté de la fenêtre dé-

fi lent des bâtiments dont le style est une réinterpré-

tation du constructivisme so-viétique  –  une véritable poésie des

paysages urbanistiques sous forme concentrée.

Le tram s’approche de la station de métro Avtovo. Un groupe d’élèves du secondaire y monte alors. Ceux-ci sont déjà habitués aux nouveaux trams et ne réagissent plus avec autant d’enthou-siasme qu’au début.

Cependant, un des étu-diants, Sacha, explique qu’ils n’ont pas choisi cet itinéraire au hasard. Alors que diff érents chemins permettent d’accéder au centre commer-cial Kontinent, où ils vont voir le dernier blockbuster en date pour profi ter de la fi n des cours, les écoliers ont pris celui qui leur permet de faire de nouveau un tour dans le tout jeune tram.

D’ailleurs, on peut déjà commencer son expérience cinématographique en s’y installant. Les wagons sont en eff et équipés de trois télévisions. Les passa-gers ont de la chance : ce trajet-ci est accompagné par une rediff usion d’un chef-d’œuvre de l’animation russe et mondiale – Le Hérisson dans le brouillard, des-sin animé réalisé par Iouri Norstein.

Ce dessin animé a non seulement vu grandir plusieurs générations de Russes, mais il a également inspiré le réalisateur oscarisé Hayao Miyazaki pour Le vent se

lève, son dernier fi lm d’animation. Pendant ce temps, le tram atteint la

rue du Maréchal Kazakov et son termi-nus, bouclant la boucle. Se présente alors l’occasion de discuter avec le conducteur, Iouri. Il est le premier de la ville à avoir appris à conduire les trams de nouvelle génération, et désormais tous les novices sont envoyés chez lui.

Iouri parle avec enthousiasme des ca-ractéristiques techniques des trams, en ponctuant sa description d’une anecdote amusante. Un jour, alors qu’il apprenait encore à conduire ce dernier modèle, une caméra de la police routière l’a fi lmé en train de rouler à du 98 km/h sur un tron-çon spécial.

Les policiers n’en ont pas cru leurs yeux quand ils ont vu sur la vidéo un tram atteindre une telle vitesse.

Iouri ne voit pas encore de défauts aux nouveaux trams et espère que le parc des transports en commun, non seulement à Saint-Pétersbourg mais également dans d’autres villes russes, va s’enrichir de ces véhicules modernes.

Galina, la receveuse, partage ses im-pressions sur l’infl uence de ces inno-vations sur les passagers : ces derniers commencent réellement à changer de comportement.

Le terme soviétique « politesse de tramway » prend un nou-

veau sens dans ces nouveaux trams. Les Russes, qui n’ont pas pour habitude de sourire aux inconnus, deviennent plus sociables et ouverts.La beauté est évidemment

toujours dans l’œil de celui qui regarde, mais l’environnement

a également son rôle à jouer dans les transformations sociales. L’apparition d’un transport en commun innovant dans une cité-dortoir typique ne peut pas ne pas avoir d’impact positif sur ses habitants.

NOUVEAUX TRAMS À SAINT-PÉTERSBOURG

Le tramway est probablement le moyen de transport le plus poétique. En sautant, par une belle journée printanière, dans le flambant neuf tram 56 à Saint-Pétersbourg, on ne peut s’empêcher de se dire que, même si l’apparence du véhicule a profondément changé durant toutes ces années, ce dernier a su garder cette essence intangible qui le relie à différentes époques. TEXTE : ELENA ANISSIMOVA, PHOTOS : ALIA BALAÏEVA

Directrices du projetMaria Trigubets, Natalia Petrova Rédactrice en chefInna [email protected]édacteurs / Traducteurs /CorrecteursManon Masset, Thomas Gras, Rusina Shikhatova, Julia Breen, Maïlis DestréeDirectrice artistiqueGalina KouznetsovaDirectrice de la maison d’éditionAlina ReshetovaDirecteur de la publicationJean-Félix de La Ville Baugé

Rédactrice en chef du site InternetNina [email protected] commercialThomas KerhuelWebmasterMarc [email protected] communication et partenariatsTatiana [email protected]

L’équipe duMoscow Times :Mark Gay (rédacteur en chef), Ekaterina Movsoumova, Lioud-mila Medvedeva,

Maria Gueorguievskaïa, Sofi a Selivanova, Irina Pereverzeva, Ioulia Bytchenkova, Maria Alekseïeva

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