Russia Beyond The Headlines

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1914-2014 : la Russie rouvre une page glorieuse oubliée Mercredi 18 juin 2014 fr.rbth.com Distribué avec Parmi les autres partenaires de distribution : The Daily Telegraph, The New York Times, The Washington Post, La Repubblica, etc. Visions de la Russie «Russia Beyond the Headlines» est le nouveau nom de , distribué en français avec Le Figaro CE CAHIER DE HUIT PAGES EST ÉDITÉ ET PUBLIÉ PAR ROSSIYSKAYA GAZETA (RUSSIE), QUI ASSUME L’ENTIÈRE RESPONSABILITÉ DE SON CONTENU Ce que l’on peut attendre du contact direct sur les plages du Débarquement, le premier depuis la crise ukrainienne, entre le président russe et ses homologues occidentaux. PAGE 2 Mêlant des éléments de la culture pop américaine et de l’idéologie soviétique, le maître du Sots art Alexander Kosolapov donne sa troisième exposition parisienne. PAGE 7 De jeunes entrepreneurs russes ayant lancé des projets dans l’Hexagone nous font part de leurs expériences, de leurs attentes et des problèmes qu’ils rencontrent. PAGE 3 POUTINE EN NORMANDIE : ET APRÈS ? PARIS RETROUVE LE PROVOCARTISTE KOSOLAPOV L’AVENTURE DES START-UPS RUSSES EN FRANCE À lire sur notre site Web L’équipe nationale russe au Brésil : qui est capable de faire la différence ? Barychnikov : gloire de la danse et fierté multinationale fr.rbth.com/29463 fr.rbth.com/28397 Tout au long des 70 années de l’époque soviétique, les origines et les enjeux de la Première Guerre mondiale ont été opportunément cachés sous le tapis par un pouvoir déterminé à exalter la révolution bolchévique. Alors que l’Europe entière s’apprête à commémorer le début de la “Grande Guerre”, les Russes redécouvrent un conflit dans lequel ils ont joué un rôle déterminant – travail de mémoire qui suggère une relecture, y compris chez les historiens européens. À lire dans notre dossier spécial : des témoignages contemporains, des analyses de politologues et le portrait du créateur du premier mo- nument à la gloire des héros russes érigé à Moscou. Ci-contre : Délire de Guillaume, une affiche russe de 1914. PAGES 4-5, 6 et 8 CHLOÉ VALETTE

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Russia Beyond The Headlines est une source d'informations politiques, économiques et culturelles internationalement reconnue. Elle propose une couverture médiatique réalisée sur le terrain par des journalistes possédant une connaissance en profondeur du pays, ainsi que des analystes et un vaste éventail d'opinions sur les événements actuels.

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Page 1: Russia Beyond The Headlines

1914-2014 : la Russie rouvre une page glorieuse oubliée

Mercredi 18 juin 2014fr.rbth.com

Distribué avec

Parmi les autres partenaires de distribution : The Daily Telegraph, The New York Times, The Washington Post, La Repubblica, etc.

Visions de la Russie

«Russia Beyond the Headlines» est le nouveau nom de , distribué en français avec Le Figaro

C E C A H I E R D E H U I T PAG E S E S T É D I T É E T P U B L I É PA R R O S S I Y S K AYA G A Z E TA ( R U S S I E ) , Q U I A S S U M E L ’ E N T I È R E R E S P O N S A B I L I T É D E S O N C O N T E N U

Ce que l’on peut attendre du contact direct sur les plages du Débarquement, le premier depuis la crise ukrainienne, entre le président russe et ses homologues occidentaux.PAGE 2

Mêlant des éléments de la culture pop américaine et de l’idéologie soviétique, le maître du Sots art Alexander Kosolapov donne sa troisième exposition parisienne.PAGE 7

De jeunes entrepreneurs russes ayant lancé des projets dans l’Hexagone nous font part de leurs expériences, de leurs attentes et des problèmes qu’ils rencontrent.PAGE 3

POUTINE EN NORMANDIE : ET APRÈS ?

PARIS RETROUVE LE PROVOCARTISTE KOSOLAPOV

L’AVENTURE DES START-UPS RUSSES EN FRANCE

À lire sur notre site Web

L’équipe nationale russe au Brésil : qui est capable de faire la différence ?

Barychnikov : gloire de la danse et fierté multinationale

fr.rbth.com/29463

fr.rbth.com/28397

Tout au long des 70 années de l’époque soviétique, les origines et les enjeux de la Première Guerre mondiale ont été opportunément cachés sous le tapis par un pouvoir déterminé à exalter la révolution bolchévique. Alors que l’Europe entière s’apprête à commémorer le début de la “Grande Guerre”, les Russes redécouvrent un confl it dans lequel ils ont joué un rôle déterminant – travail de mémoire qui suggère une relecture, y compris chez les historiens européens.À lire dans notre dossier spécial : des témoignages contemporains, des analyses de politologues et le portrait du créateur du premier mo-nument à la gloire des héros russes érigé à Moscou. Ci-contre : Délire de Guillaume, une affi che russe de 1914.PAGES 4-5, 6 et 8

CHLOÉ VALETTE

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2Supplément de Rossiyskaya Gazeta distribué avec Le FigaroMercredi 18 juin 2014

INTERNATIONAL

Vladimir Poutine, Angela Merkel et Petro Porochenko lors des célébrations du Jour J en France.

Comme ici, de jeunes mères ukrainiennes ont fui les zones d’affrontement pour trouver refu-ge en Russie et assurer la sécurité de leurs enfants.

RUSSIA BEYOND THE HEADLINES (RBTH) PUBLIE 26 SUPPLÉMENTS DANS 21 PAYS POUR UN AUDITOIRE TOTAL DE 33 MILLIONS DE PERSONNES ET GÈRE 19 SITES INTERNET EN 16 LANGUES. LES SUPPLÉMENTS ET CAHIERS SPÉCIAUX SUR LA RUSSIE SONT PRODUITS ET PUBLIÉS PAR RUSSIA BEYOND THE HEADLINES, UNE FILLIALE DE ROSSIYSKAYA GAZETA (RUSSIE), ET DIFFUSÉS DANS LES QUOTIDIENS INTERNATIONAUX SUIVANTS: • LE FIGARO, FRANCE • LE SOIR, BELGIQUE• THE DAILY TELEGRAPH, GRANDE BRETAGNE •

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REVUE DE PRESSE

Ne pensez pas que la venue de Pou-tine en Normandie ait renversé les tendances politiques. Les impasses restent les mêmes. Ni Merkel, ni Ca-meron, ni Hollande ne savent ce qu’il faut penser de Poutine et de ses in-tentions. Qui mieux est, Poutine ne le sait pas lui-même, car le nouveau gouvernement de Kiev ne parvient pas à contrôler les bandits dans son pays, et le président russe ne peut être tenu pour responsable des excès commis à Donetsk et à Lougansk.

Le Président Poutine sort apparemment gagnant. Premièrement, on estime en Europe qu’ « il ne faut pas contrarier l’ours russe » ; deuxièmement, il faut admettre que l’Ukraine ne rembourse pas sa dette ; et troisièmement, le gaz russe est incontournable en Europe, y compris en Ukraine. Il y a cependant cette étrange guerre civile dont la Rus-sie, selon Vladimir Poutine, n’est pas responsable, mais qui y participe selon l’Europe, provoquant catastrophes hu-manitaires, otages et victimes.En résumé, il fallait bien parler, res-pecter les usages diplomatiques et accepter que le président russe donne le « la ». En écho à cette faiblesse évi-dente, « Gazprom » a accordé un ra-bais à « Naftogaz ».

L’image forte qui se dégage de la cé-lébration du Débarquement, avec les dirigeants mondiaux les uns face aux autres sur fond de guerre civile en Ukraine, est celle d’une claque admi-nistrée par la Russie au monde occi-dental. Toutes les menaces mondiales adres-sées à la Russie se sont avérées bien faibles. Malgré l’insistance de la Rus-sie, mener des négociations s’est révé-lé impossible. L’Occident, se cachant derrière les célébrations du Débarque-ment, s’est limité à quelques tête-à- tête avec Poutine. Par ailleurs, la Russie représentant l’URSS lors de ces célébrations, l’invi-tation aurait dû être adressée aussi à tous les dirigeants de pays issus de l’ex-Union soviétique, dont le peuple s’est battu et a contribué à la victoire.

La presse russe guettait avec im-patience la rencontre entre Pou-tine et les dirigeants mondiaux présents en Normandie. Il n’en est pas sorti grand chose hormis des politesses de rigueur.

APRÈS LE JOUR J : POUTINE EST VENU, IL A PARLÉ, IL N’A PAS CONVAINCU

LA SOLITUDE DU PRÉSIDENT

RUSSE SUR LES PLAGES DU

DÉBARQUEMENT

ANDREÏ KOLESNIKOV

FORBES / 9.06  

BILAN POSITIF POUR

POUTINE

CYRILLE KHARATIANE

VEDOMOSTI / 10.06  

L’URSS ABSENTE EN

NORMANDIE

SERGUEÏ ROGANOV

IZVESTIA / 6.06  

Préparé parMARIA AFONINA

NIKOLAÏ LITOVKINERBTH

Les rencontres bilatérales entre

Vladimir Poutine et plusieurs dirigeants

européens ont fait naître l’espoir d’une

amorce de dialogue. Mais le chemin est

encore long et semé d’embûches.

GÉOPOLITIQUE Le 70ème anniversaire du Débarquement a peut-être permis de relancer la diplomatie

Les cérémonies commémoratives en Normandie ont fourni aux dirigeants des principales puissances mondiales concernées par la crise ukrainienne la première occasion d’une rencontre à grande échelle depuis le début de la confrontation entre Moscou et Kiev. Un premier échange entre Vladimir Pou-tine et le président ukrainien nouvel-lement élu, Petro Porochenko, devrait permettre de passer à l’étape pratique des négociations prévues. Les déclara-tions convenues sur l’intention de ces-ser le feu et de parvenir à un règlement diplomatique du confl it ont été pronon-cées. Mais avec des nuances.

Crise ukrainienne : un pas vers le dialogue sur les plages de Normandie

Dure bataille pour le nouveau président ukrainien Les propos sur la volonté de faire taire les armes ne signifi ent pas, bien enten-du, que les opérations militaires seront suspendues immédiatement, mais ils laissent entrevoir l’ouverture d’un dia-logue. Pour autant, les déclarations iden-tiques de Porochenko et de Poutine sur le cessez-le-feu sonnent différemment dans la bouche de l’un ou de l’autre di-rigeant. Pour Porochenko, il importe de mettre fin au conflit au plus vite et de faire sortir le pays de la crise politique et économique profonde qu’il traverse. Le nouveau président doit répondre aux attentes du Maidan, qui lui a fi xé un délai (le mois de septembre), et expli-quer ce qu’il compte faire pour conju-guer la réconciliation politique et la re-lance de l’économie. Il devra justifi er ses décisions dans la presse et aux yeux des partenaires étrangers, tout en pré-servant l’unité du pays.

Les objectifs russes en UkrainePour Moscou, le conflit dans l’est de l’Ukraine est essentiellement la conti-nuation de la campagne de Crimée, par des méthodes différentes et sans recou-rir ouvertement aux forces armées ré-gulières, estime Pavel Verkhnyatski, di-recteur du Centre ukrainien d’analyse opérationnelle et stratégique. Selon lui, le principal objectif géopolitique de la Russie est d’arrêter la progression de l’OTAN à l’Est, comme l’a déclaré Pou-tine à plusieurs reprises. La déception causée par le non-respect des engage-ments pris dans les années 90 sur le non-élargissement de l’Alliance atlan-tique à de nouveaux pays d’Europe de l’Est reste vive au sein de l’élite poli-tique russe. Quant au projet d’association de l’Ukraine avec l’Union européenne, Pou-tine a rappelé que la Russie ne s’inter-dirait pas, pour s’y opposer, de recourir à des mesures protectionnistes, notam-ment à la suppression des exemptions douanières sur les importation s et à des restrictions concernant le régime de sé-jour des citoyens ukrainiens en Russie.

L’avenir des relations entre la Russie et l’Occident « Les sanctions dirigées contre l’entou-rage de Poutine ne causent pas de dom-mages économiques sensibles et sont plutôt symboliques. Elles témoignent de la réticence de l’Occident à porter des coups dévastateurs à l’économie russe. La visite de Poutine a prouvé que l’Europe souhaite poursuivre des rela-tions économiques bilatérales avec la Russie. La France n’a pas renoncé à nous vendre les Mistral, l’Allemagne ne renonce pas à notre gaz ». Parlant ainsi, Alexandre Konovalov, pré-sident de l’Institut des évaluations stra-tégiques, souligne aussi que les intérêts des États-Unis ne sont pas absents de la question européenne : une forte aug-mentation de la production américaine de gaz de schiste couvrant déjà une bonne partie de la consommation inté-rieure de gaz, c’est à long terme l’accès au marché européen qui sera recherché.Konovalov conclut sur une note à la fois positive et prudente : « La visite de Poutine a changé l’ambiance : d’une confrontation tendue, nous sommes pas-sées à une simple confrontation. L’Oc-cident est prêt au dialogue, mais uni-quement à condition d’être assuré que nous n’occuperons pas l’Ukraine de l’Est et n’y organiserons pas une nouvelle Crimée. Dans ce cas, nous avons une chance de rétablir le dialogue. La bles-sure portée à nos relations est profonde, mais pas mortelle ».

Ils l’ont dit

ALEXEÏ POUCHKOVPRÉSIDENT DE LA COMISSION DES AFFAIRES INTERNATIONALES DE LA DOUMA

PAVEL SALINEDIRECTEUR DU CENTRE DE RECHERCHES POLITIQUES DE L’UNIVERSITÉ DE LA FINANCE AUPRÈS DU GOUVERNEMENT DE LA RUSSIE

D’une phase de confl it la crise est passée à une phase de négocia-tions »

Le principal objectif russe lors de la vi-site en Fran-ce était de montrer que le pays n’est pas isolé »

«

«

ELENA MELIKHOVAPOUR RBTH

Les affrontements qui se poursuivent

dans le Sud-Est de l’Ukraine ont provo-

qué des déplacements de population à

l’intérieur du pays, mais aussi vers la

Russie où les réfugiés sont aidés.

REPORTAGE La Russie accueille de nombreuses personnes déplacées par le conflit

Le sanatorium pour enfants de Dmi-triadovski, dans la région de Rostov-sur-le-Don (950 kilomètres au sud de Mos-cou et 100 km au sud de Lougansk, en Ukraine), est bondé et bruyant. Les aires de jeux sont pleines d’enfants, que leurs mères surveillent de près. Mais un air d’angoisse règne sur les lieux. Les Ukrai-niennes réunies ici s’inquiètent pour leurs proches, restés à la maison. Elles sont en revanche heureuses d’avoir pu garan-tir la sécurité de leur progéniture.« Nous sommes arrivées tard le soir. Ces étrangers nous ont accueillies comme si nous étions de la même famille. Ma fi lle et moi vivons dans une chambre pour deux personnes avec toutes les commo-dités ; on nous sert cinq repas par jour  », explique la jeune Ukrainienne Victoria Ptitsa de Lougansk en serrant contre elle sa fi llette de cinq ans.

Rostov prend soin des réfugiés ukrainiens

Les Ukrainiens du Sud-Est du pays sont également nombreux à cher-cher refuge à Kiev plutôt que dans la Russie voisine, a indiqué la chaîne Euronews, dont le correspondant a cependant cité un habitant de Kra-matorsk déplorant l’absence de soutien de l’État.

L’autre sens

Le nombre d’Ukrainiens qui affluent en Russie depuis les régions du Sud-Est de l’Ukraine croît chaque jour. Les tensions, qui ne donnent aucun signe d’affaiblis-sement, poussent environ 7 000 personnes à franchir la frontière quotidiennement. Pour certains Ukrainiens, la région de Rostov est une zone de transit avant d’al-ler plus loin, chez des proches ou des amis. D’autres n’ont personne en Rus-sie. C’est pour ces gens, épuisés par la tragédie, que des places ont été réser-vées dans les pensionnats et les colonies de vacances, où on leur offre l’abri et tous les soins nécessaires.

Le seul centre de Dmitriadovski a déjà accueilli quelque 300 réfugiés. Le minis-tère russe des Situations d’urgence a ins-tallé un camp de tentes supplémentaire à proximité. Rodion Platokhine, âgé de 17 ans, et son frère Daniil, 11 ans, ont fui Lougansk lors des bombardements. Leurs parents en pleurs les ont fait mon-ter dans un car partant pour la Russie.Au total, 49 sites ont été préparés pour fournir un logement temporaire aux ci-toyens du pays voisin. Des médecins et des psychologues travaillent en perma-nence auprès des réfugiés, pour qui l’’autre grande préoccupation est de trou-ver du travail. Des visites de représen-tants des services de l’emploi sont pré-vues. Les citoyens ukrainiens ont un libre accès au territoire de Rostov, où on les aide à s’enregistrer auprès des services d’immigration et à trouver un emploi au sein des entreprises du Don. Outre l’aide fournie par les autorités et les organismes de bienfaisance, le sou-tien de la population locale s’exprime par le recueil de l’assistance humani-taire dont se chargent des volontaires, tandis que 1 500 familles ont accepté d’accueillir chez elles des réfugiés.

En ligne

Version intégrale de cet article sur notre sitefr.rbth.com/29479

PHOTOSHOT/VOSTOCK-PHOTO

ELENA MELIKHOVA; VIKTOR POGONTSEV

Page 3: Russia Beyond The Headlines

3Supplément de Rossiyskaya Gazeta distribué avec Le Figaro Mercredi 18 juin 2014

ÉCONOMIE

Les Rus-ses visent d’abord des zones jugées plus propices comme l’Asie, le monde anglophone ou hispano-phone

Des scientifi ques français ont proposé d’établir à Orenbourg une usine de trai-tement mixte d’herbes des prairies et de fi bres utilisées dans les matériaux de construction, notamment les matériaux d’isolation qui sont ajoutés au béton et au parquet. L’entreprise est censée ouvrir dans un village de la région de Sazan Beliavs-ki, à proximité des « Steppes Orlov » d’Orenbourg qui recouvrent 16 500 hectares. Le professeur de l’Université de Strasbourg et architecte urbain Jean Paul Masquida a prélevé dix échanti-llons diff érents d’herbe pour examiner l’aptitude de la fi bre. Selon lui, « dans la steppe d’Orenbourg, il y a beaucoup de matières premières utiles aux matériaux écologiques qui manquent en Europe ».

Près d’un Russe sur deux compte passer ses vacances d’été à la maison, selon un sondage du Centre panrusse d’études de l’opinion publique (VTsIOM). La principale raison évoquée par 46% des sondés concerne le manque de moyens fi nanciers. Ils sont 20% à y avoir re-noncé pour des raisons de santé ou de charge de travail. Les autres ont changé leurs projets pour l’été en raison d’une naissance ou pour s’occuper de proches en âge avancé. Un Russe sur cinq comp-te passer ses vacances à la datcha. La mer Noire arrive en 2ème position des destinations. La Crimée est choisie par 9% des sondés – soit quatre fois plus qu’en 2013. En revanche, le nombre de personnes souhaitant passer des vacan-ces à l’étranger a chuté (26%).

L’Université d’État de Moscou (MGU) va collaborer avec la société de construc-tion Saint-Gobain pour concevoir des technologies de contrôle des passagers dans les aéroports. Les jeunes chercheurs et doctorants de l’université, ainsi que les spécialistes de l’entreprise, prévoient d’améliorer les méthodes de contrôle à l’aide d’une te-chnologie basée sur les propriétés d’un type particulier de cristaux organiques. La MGU reste avare de détails sur ce « savoir-faire », en invoquant le secret professionnel. En plus du projet déjà mentionné, les scientifi ques se penche-ront sur l’étude des propriétés acous-tiques des matériaux et la création de piles à combustible.

STX France va livrer à la Russie en octobre quatre chalands de débar-quement, conçus spécialement pour les porte-hélicoptères de classe Mis-tral construits à St-Nazaire, rapporte l’agence Interfax. Les ingénieurs de la Marine française ont mis au point une version améliorée de ces cha-lands, qui seront de taille supérieure (27 m de long et 7 m de large, contre 23 m long et 6,3 m pour la version française). Autre nouveauté : deux rampes, une proue et une poupe pour améliorer la manœuvrabilité. Ces chalands devraient mieux réagir au tangage, et leur vitesse sera de 20 nœuds, soit deux fois celle de la version française.

EN BREF

L’HERBE D’ORENBOURG UTILISÉE DANS L’INDUSTRIE DU BÂTIMENT !

49% DES RUSSES RENONCENT À LEURS VACANCES CETTE ANNÉE

PARTENARIAT « SAINT-GOBAIN » – UNIVERSITÉ D’ÉTAT DE MOSCOU

DES CHALANDS DE DÉBARQUEMENT POUR LE « MISTRAL »

ANDREÏ REZNITCHENKOPOUR RBTH

Bien que figurant parmi les cinq

premiers producteurs d’isotopes

médicaux, la Russie a besoin d’en faire

bénéficier sa population dans un pays

où le recours à la médecine nucléaire

est inférieur à la moyenne européenne.

SCIENCES & TECHNIQUES Création de centres spécialisés dans les techniques radiatives, les biotechnologies et la pharmaceutique

Des pôles de compétitivité pour développer l’accès à la médecine nucléaire en Russie

Un centre consacré au développement de la médecine nucléaire en Russie est en cours de création dans l’oblast de Lé-ningrad, à proximité de Saint-Péters-bourg. Il s’agit d’un pôle spécialisé dans l’industrie médicale et pharmaceutique ainsi que les technologies radiatives. Dès 2012, il a été inscrit sur la liste de pro-jets territoriaux innovants aptes à béné-fi cier du soutien de l’État. Le 22 mai, un

accord de développement du pôle a été signé à Saint-Pétersbourg par les auto-rités régionales, l’agence Rosatom et le fonds Rusnano. Selon les estimations pré-liminaires, la création et le développe-ment de ce pôle pourraient bénéfi cier de 590 millions d’euros en subventions et investissements privés d’ici 2017. La spécialisation englobera les techno-logies radiatives, les biotechnologies et la pharmaceutique. Le projet porte no-tamment sur la création prochaine de centres de médecine nucléaire, la fabri-cation de produits radio-pharmaceu-tiques pour les équipements IRM et l’éla-boration de médicaments. Tout cela doit permettre, à l’avenir, de réduire de ma-nière signifi cative le coût du traitement pour les patients.

rend le coût de chaque procédure très élevé – dans le cas de la plasmaphérèse il atteint 50 000 roubles (1 100 euros). Le lancement de la fabrication des fi ltres en Russie permettra de le réduire. « En Europe, 80% des patients atteints de can-cers sont diagnostiqués en première ou deuxième phase, alors qu’ en Russie, dans 75% des cas, le diagnostic intervient en troisième ou quatrième phase, explique Victor Ivanov, directeur adjoint du Centre scientifi que de radiologie médicale de l’Académie russe des sciences médicales. Aussi, les technologies fournies par la médecine nucléaire sont-elles indispen-sables pour le diagnostic précoce de la maladie ». Pour lui, la Russie compte suf-fi samment d’études en matière de méde-cine nucléaire pour fabriquer des pro-duits compétitifs. La médecine nucléaire a été déclarée prioritaire, comme l’a pré-cédemment annoncé le dirigeant de Ro-satom Sergueï Kirienko. Un programme- cadre fédéral correspondant devrait être prochainement adopté. Outre la région de Leningrad, des centres devraient s’ou-vrir en Sibérie et en Extrême-Orient.

GILLES DAMANDEPOUR RBTH

Les start-ups russes peuvent-elles se

faire une place sur le marché français ?

RBTH a interrogé des entrepreneurs

déjà installés dans l’Hexagone. Leurs

impressions sont mitigées.

INVESTISSEMENTS Enquête auprès d’entreprises russes nouvellement lancées sur le marché français

À Moscou, l’Agence française pour les investissements internationaux (AFII) se félicite de l’augmentation du volume des investissements russes en France : à hauteur de 1,3 milliards en 2013, ils ont été multipliés par dix en trois ans, la Russie gagnant ainsi treize points dans la liste des principaux investis-seurs en France. « En 2013, 38 sociétés russes ont travaillé en France, c’est-à-dire 15 de plus qu’en 2012 », indique cette structure gouvernementale dans son rapport annuel. Ces résultats, jugés prometteurs, restent néanmoins discrets à la lumière des fl ux d’investissements français sur le marché russe. La même tendance s’ob-serve concernant les start-ups : les jeunes pousses russes sont encore peu nombreuses à se lancer dans les af-faires en France. À tort, juge Dmitri Goussiev, installé dans l’Hexagone de-puis dix ans. « Il y a incontestablement des perspectives ici et en Europe, beau-coup de niches sont encore inexploi-tées », assure le fondateur de Cloud-Wave, une société informatique lancée en décembre 2013. Pour Adrien Henni, rédacteur en chef de East-West Digi-tal News, site d’information interna-tional sur les secteurs numériques en Russie et ex-URSS, la France n’a certes pas la réputation d’être la Californie, et pâtit d’une image peu attractive. « Les entrepreneurs russes vont d’abord viser des zones jugées plus propices aux affaires comme l’Asie, le monde anglophone ou hispanophone. Ils savent

Terrain fertile pour les jeunes pousses ?

qu’ils y trouveront plus facilement des capitaux ».Ivan Burdun, 60 ans, a vécu au Royaume-Uni et aux États-Unis. Pendant treize ans, il a mené des recherches dans le do-maine aéronautique à Novossibirsk, pôle scientifi que sibérien. Il est désormais ins-tallé en Provence où il a lancé il y six mois Aixtree, petite entreprise spéciali-sée dans le domaine maritime et aéro-nautique. Dans un contexte de stagna-tion économique liée à la crise de 2008, Ivan Burdun a pensé à l’étranger. C’est l’invitation à créer une société en France, formulée par l’AFII et l’agence Provence Promotion, qui l’a incité à investir dans l’Hexagone. « Ce fut une surprise totale, car nous n’avions jusqu’à présent jamais

considéré la France comme un lieu po-tentiel pour le développement d’une en-treprise, explique-t-il. Nous imaginions le marché français fermé aux services de recherches privés en provenance de Russie ». La création de son entreprise a été saluée par des prix régionaux.Bien implantée dans la communauté russe de Paris, Katia Sogréeva s’est lan-cée dans un tout autre secteur d’activi-té. Il y a un an, elle a créé, avec des com-patriotes, Mes Dépanneurs, une plateforme de dépannage à domicile. Elle explique : « L’idée est née d’expériences vécues dans notre entourage. Beaucoup de nos amis se sont fait arnaquer par des plombiers. Abordez le sujet en France et vous verrez qu’une personne sur deux

vous racontera la manière dont elle s’est fait rouler dans la farine pour un dépan-nage à domicile ». Mes Dépanneurs pro-pose aux clients en détresse l’assistance d’un plombier, d’un électricien, d’un chauffagiste ou encore d’un serrurier dans les 20 minutes. Que des profession-nels. À l’heure du premier bilan – la société existe depuis un an –, Katia Sogréeva ne nie pas les obstacles rencontrés (pé-nurie de travailleurs fi ables, démarches juridiques pesantes) : « Le principal frein, c’est la lenteur des prises de décision. La réponse à un simple courriel peut prendre une dizaine de jours, et c’est considéré comme normal ». Mais la fi a-bilité des partenaires français et le sen-timent d’avoir trouvé un secteur offrant des perspectives de développement em-portent la mise. « En tant qu’entreprise innovante, nous avons obtenu un prêt sans intérêt du gouvernement français », précise Katia. Dmitri Goussiev déplore également une certaine raideur des procédures fran-çaises, notamment dans les banques : « Même pour des choses simplissimes – l’ouverture d’un compte, par exemple –, il faut constituer des dossiers très dé-taillés. Mieux vaut pouvoir compter sur l’aide d’un expert comptable ».Si la Russie parvient à attirer des entre-preneurs français, l’inverse n’est pas for-cément vrai. Katia Sogréeva avance trois raisons pour expliquer cette asymétrie : dans les affaires, la connaissance de la langue russe est moins requise en Rus-sie que le français en France ; il est dif-fi cile d’obtenir un titre de séjour offrant le statut convoité d’entrepreneur ; enfi n, le marché français serait plutôt conser-vateur, « les consommateurs préférant s’orienter vers du Made in France d’une maison fondée de préférence au XVIIIème siècle ».

Le service Mes Dépanneurs a fait

mouche auprès de la clientèle

française avec son dépannage

d’urgence à domicile.

En ligne

Suivez l’actualité des nouvelles start-ups russes sur fr.rbth.com/startups

En outre, le nouveau pôle accueillera un centre de traitement du mélanome mé-tastatique. Selon les statistiques, le nombre de diagnostics de ce type de can-cer en Russie a crû de 38% au cours des dix dernières années. Par ailleurs, en l’absence de médicaments spéciaux fabriqués sur place, les méde-cins russes ont recours à des produits is-raéliens ou allemands. Autre objectif : la création d’équipements médicaux pour la plasmaphérèse (puri-fi cation) et l’oxygénation du sang. Des études prévoient d’organiser la fabrica-tion industrielle de ces équipements d’ici cinq à sept ans en Russie. Pour le mo-ment, les États-Unis et l’Europe sont en pointe sur ce marché. L’utilisation de technologies importées

Les recherches sur l’utilisation des radionucléides au service du diag-nostic médical portent sur une quarantaine de patients (pour mille) par an aux États-Unis, 25 au Japon, 19 en Au-triche, seulement 7 en Russie.

Statistiques

LORI/LEGION MEDIA LORI/LEGION MEDIA

GETTY IMAGES/FOTOBANK

Page 4: Russia Beyond The Headlines

4Supplément de Rossiyskaya Gazeta distribué avec Le FigaroMercredi 18 juin 2014

DOSSIER

LE RÔLE PIVOT DE LA RUSSIE

NOTRE DOSSIER SPÉCIAL EN CETTE ANNÉE CENTENAIRE DU DÉCLENCHEMENT DES HOSTILITÉS RÉVÈLE

UNE DIFFÉRENCE DE PERCEPTION FONDAMENTALE DU CONFLIT EN RUSSIE ET EN EUROPE OCCIDENTALE

PREMIÈRE GUERRE MONDIALE

DIMITRI DE KOCHKOPOUR RBTH

Souvent minimisé en Occident, le rôle

de l’armée impériale russe dans l’issue

de la Première Guerre mondiale fut

pourtant déterminant, affirme Serge

Andolenko, général historien français

d’origine russe.

La part décisive prise par les troupes de l’armée impériale russe dans l’issue du conflit n’a pas été reconnue à sa juste valeur en Occident. C’est en tout cas le point de vue de Serge Andolen-ko, général français issu de Saint-Cyr et historien d’origine russe émigré en France après la Révolution d’octobre. Dans un entretien accordé à RBTH, son fi ls Pavel Andolenko, lui-même an-cien officier de « la Royale », divulgue les principales thèses de son père al-lant à l’encontre de l’opinion domi-nante. Celle-ci se limite au souvenir de Brest-Litovsk (la paix séparée si-gnée par les bolcheviks) et à la piteuse performance de l’armée russe. Pour An-dolenko, ce n’était pas du tout le cas jusqu’à l’abdication du tsar Nicolas II. Le rôle de l’armée impériale russe fut au contraire déterminant sur le cours de la Première Guerre mondiale de 1914-1918 et pour la victoire fi nale. Le centenaire du déclenchement de la « Grande Guerre » est une occasion unique de le rappeler, car une idée très répandue dans la conscience historique occidentale veut que la Révolution d’octobre 1917 soit le résultat d’une défaite militaire de l’armée russe. Le même stéréotype réduit à néant le rôle des troupes russes dans la victoire de novembre 1918.Les recherches de Serge Andolenko retrouvent aujourd’hui toute leur ac-tualité. Pour lui, la « désinformation » dont sont victimes nos contemporains à tous les niveaux « conduit, incon-sciemment ou non, tous les États com-plices de cette supercherie à conser-ver des données fausses dans leurs mémoires respectives ».

En 1914, l’offensive contre la Prusse sauve l’armée française sur la Marne Pour le général Andolenko, l’armée russe qui s’engage dans la guerre en 1914 est une des meilleures de son temps. Mais elle est « fortement han-dicapée par deux points faibles inhé-rents au pays » : la taille géographique de celui-ci (40 fois la France, deux fois et demie les États-Unis) qui aggrave les difficultés logistiques, et une éco-nomie en forte expansion au début du

« Je suis très fi er de mon père qui a fait beaucoup de bien à la Russie et à la France », explique aujourd’hui Pavel Ando-lenko, ancien offi cier de « la Royale ». Né en Russie, le gé-néral Andolenko perd son père, tué au cours de la Première Guerre mondiale. Il émigre en France après la guerre civile et est admis à Saint-Cyr. Dès sa sortie, il s’intéresse à l’histoire de l’armée russe, dont il est un des meilleurs spécialistes en France. Admirateur du généralissime Alexandre Souvoroff « qui n’a jamais perdu une bataille », le général Andolenko, alors commandant, obtient la reddition du général Hans Schaeff er à Marseille le 28 août 1944, sauvant la ville de la destruction. Par la suite, Andolenko, offi cier de la Légion étrangère, donne des cours sur Souvoroff à l’École de guerre.

Le général Serge Andolenko

La Première Guerre mondiale sur affi ches russes d’époque

Le nombre de mobilisés et

les pertes

Le centenaire du début de celle qu’on nomme “la Grande Guerre” fait l’objet en Russie d’un projet sur le thème “Histoire cachée : Affi ches de la Première Guerre mondiale”, qui circule dans 48 grandes villes du pays, de Kaliningrad à Yuzhno-Sakhalinsk. Il est constitué d’une exposi-tion d'affi ches de propagande russe de 1914-1916, issues de la collection du Musée d'État d'histoire contemporaine de Russie.

ALEXANDRE VERCHININEPOUR RBTH

Le terme « grande » est appliqué en

Russie et en Occident à deux guerres

différentes : pour les Russes, il ne s’agit

pas de 1914-1918 mais de la Grande

Guerre patriotique de 1941-1945.

SOCIÉTÉ Le conflit de 14-18 réhabilité dans la mémoire collective

La Première Guerre mondiale fut ou-bliée en Russie dès qu’elle prit fi n, et pour longtemps. L’idéologie soviétique l’avait qualifi ée de confl it impérialiste dans lequel des groupes de la bourgeoi-sie se seraient affrontés pour conquérir des marchés en utilisant les ouvriers et les paysans ainsi trahis. En très peu de temps, tous les souvenirs de la guerre furent détruits. Le cimetière fraternel

D’une « grande » guerre à une autre : pour la victoire de la justice historique

de Moscou, où étaient enterrés les sol-dats russes morts au front, fut rasé.On n’évoquait la Première Guerre mon-diale que parce qu’elle avait été le ca-talyseur des événements révolution-naires qui avaient amené les Bolcheviks au pouvoir. Les colossales pertes hu-maines subies par la Russie et les suc-cès de l’armée russe tombèrent alors dans l’oubli. Et, une fois que l’Union soviétique triompha de l’Allemagne d’Hitler, la guerre impérialiste perdue fut complètement effacée de la mémoire.Dans le discours idéologique soviétique, la Première Guerre mondiale n’avait pas d’utilité, donc pas de place. Elle était perçue très différemment en Oc-cident. La guerre de 1914-1918 fut pour

Les Russes ont compensé par des pertes en vies humaines leur infériorité en armes et en équipements.

Dans le discours idéologique soviétique, la Première Guerre mon-diale n’avait pas d’utilité, donc pas de place

confl it mais pas suffisamment conso-lidée pour s’adapter à une confl agra-tion mondiale de longue durée. Ces deux handicaps vont forcer l’ar-mée russe à « remplir sa mission dans des conditions inhumaines » au cours des deux premières années du confl it. Le 17 août 1914, la Russie lance une offensive contre la Prusse orientale, pour laquelle son armée n’est pas prête. L’Empire russe s’y engage à la demande de la France pour permettre à cette dernière de résister à l’offensive alle-mande sur la Marne.Ce combat « pour les alliés », comme le qualifi e aujourd’hui le réalisateur

historien de Saint-Pétersbourg Viktor Pravdiouk, coûtera à la Russie plus de 100 000 morts et une défaite à Tannen-berg. Mais tout commence bien. Les premières victoires affolent l’état-ma-jor allemand qui dégarnit le front Ouest de deux corps d’armée et d’une division de cavalerie, ce qui donnera plus tard lieu au « miracle » de la Marne. Ce dernier est loin d’être dû aux seuls taxis célébrés dans nos écoles.

1915 : Verdun avant Verdun sur le front de l’est M. Andolenko qualifi e l’année 1915 de « Verdun avant Verdun » : l’armée russe va subir tout ce que l’industrie alle-mande est capable de produire. Aux hécatombes de 1914 vont s’ajouter celles encore plus terribles de 1915. L’industrie russe ne suit pas et sur les champs de bataille les soldats russes doivent ramasser les armes de leurs camarades tués. Toutefois, rien ne les arrête : les combats se poursuivent à la baïonnette, au couteau et même à mains nues… La Russie perd près de 2 500 000 tués ou blessés (au total, la Première Guerre lui coûtera deux mil-lions de morts, plus que la France sai-gnée à un million et demi). Les Alle-mands, conscients qu’ils ne peuvent gagner sur les deux fronts, proposent

aux Russes une paix séparée en of-frant un cadeau de choix : Constan-tinople et les détroits ! Les Russes eux-mêmes auraient dû demander l’armistice en toute logique militaire, puisqu’ils compensaient par des pertes humaines leur infériorité en équipements et en armes. Ils ne le font pas et Nicolas II rejette l’offre al-lemande pour ne pas lâcher ses alliés. Et la boucherie se poursuit.

L’année charnière : 1916 En 1916, l’Allemagne réactive ses troupes sur le front Ouest. C’est Verdun puis l’offensive de la Somme. Pour les Russes, c’est un répit relatif qu’ils mettent à profi t pour approvisionner et équiper les troupes grâce aux pro-grès fulgurants de l’industrie. Ils lancent au moins deux offensives dé-cisives pour le sort de la guerre : celle du général Broussilov en juin vers la Bessarabie, qui met deux millions de combattants adverses hors de combat, et celle du général Youdénitch qui dé-fait les Turcs sur le front du Caucase et arrive jusqu’à l’Euphrate. Grâce à ce redressement de l’armée russe, les alliés envisagent la suite du confl it avec plus d’optimisme. Wins-ton Churchill, ministre des Munitions à l’époque, relève que « peu d’épisodes

Français et Russes ont supporté les deux tiers de l’ensemble des pertes en vies humai-nes au cours de la Grande Guerre

RIA NOVOSTINATALIA MIKHAYLENKO

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5Supplément de Rossiyskaya Gazeta distribué avec Le Figaro Mercredi 18 juin 2014

DOSSIER

BORIS PASTERNAKPOÊTE ÂGÉ DE 24 ANS EN 1914

IGORSTRAVINSKICOMPOSITEUR ÂGÉ DE 32 ANS EN 1914

ALEXANDREKOUPRINEÉCRIVAIN ÂGÉ DE 44 ANS EN 1914

KOUZMAPETROV-VODKINEPEINTRE ÂGÉ DE 36 ANS EN 1914

Juste avant la guerre, on remet à Boris Pasternak un livret militaire blanc [do-cument attestant un service dans des unités de base arrière, ndlr]. À l’automne 1914, il souhaite s’inscrire comme vo-lontaire, mais renonce. Il n’écrira pas non plus de vers patriotiques. En 1916, Pasternak qualifi e la vie pen-dant la guerre de sombre et inutile. Pour lui, le monde est dans l’attente d’une ère nouvelle.On relève dans une lettre à ses parents datée du 20 juillet 1914  le passage sui-vant : « Non mais, dites-moi, papa, quels salauds ! La duplicité avec laquelle ils ont mené la diplomatie par le bout du nez, le discours de Wilhelm, leur com-portement vis-à-vis de la France ! Le Luxembourg et la Belgique ! ».

Depuis le début des années 1910, Stra-vinski partage sa vie entre Saint-Pé-tersbourg et Paris, où sont joués L’Oi-seau de feu, Pétrouchka et Le Sacre du printemps. Début 1914, il dit « tomber par chance » avec sa famille en Suisse qu’il ne quittera pas pour rentrer en Russie, pour cause de guerre.Le 20 septembre 1914 il a écrit au peintre Lev Bakst : « Ma haine pour les Allemands ne grandit pas de jour en jour, mais d’heure en heure, et je brûle de plus en plus de jalousie lorsque je vois que nos amis, Ravel, Delage et Schmitt, sont tous au combat. Tous ! » 

À l’automne 1914, Kouprine s’enrôle comme volontaire dans le régiment de réserve et est envoyé en Finlande pour entraîner les soldats. En janvier 1915, malade, il est démobilisé. Dans sa mai-son à Gatchina, il crée une infi rmerie pour les blessés au combat. Il écrit en 1914 dans un article intitulé Sur la Guerre : « Qu’ont fait de mal la Russie et les Russes à l’Allemagne ? Pourquoi cette haine contre nous règne-t-elle sur le Rhin ? Serait-ce parce que la Russie les a nourris de son pain, parce que ces centaines de milliers d’Allemands ont reçu le plus chaleureux des accueils ? ».

Kouzma Petrov-Vodkine est enthou-siaste au début de la Première guerre mondiale. Il croit que l’Allemagne sera vite vaincue et que « la vie [deviendra] claire » (dans son journal intime le 6 septembre 1914).Mais comme l’affirmait le peintre Alexandre Benois, dès l’été 1916, ap-pelé comme réserviste dans le régiment Izmaïlovski, Petrov-Vodkine ne peut « cacher l’horreur d’être envoyé au front ». Cette même année, il peint son tableau Sur la Ligne de front où un jeune officier menant ses soldats à l’as-saut de l’ennemi trouve la mort.

l’Europe une épreuve grave et doulou-reuse : des millions de victimes, des villes entières détruites . En Russie, où le confl it fut suivi d’une terrible guerre civile, elle fut rapidement oubliée. Les Européens, en revanche, durent parcourir un long chemin pour exorciser ce traumatisme culturel profond. Les tentatives visant à glorifi er la guerre, à en faire une source de nationalisme, se soldèrent par la ca-tastrophe encore plus grande que fut la Seconde Guerre mondiale. Un tel enchaînement provoqua en Eu-rope la consternation de la génération suivante. Les petits-enfants des poilus

voyaient la Première Guerre mondiale d’un tout autre œil. Pour eux, citoyens d’une Europe engagée dans l’unifi ca-tion, ce fut une tragédie commune dont la mémoire devait être préservée pour prévenir sa réédition. Dans l’Europe unifi ée, le nationalisme n’a pas sa place. L’expérience de la guerre est comprise et assimilée, elle est considérée comme une tragédie dont la leçon est retenue.La plupart des Russes ont du mal à comprendre les tenants et aboutissants de la Première Guerre mondiale. Pour-quoi la Russie s’est-elle jetée dans un confl it dont l’issue ne pouvait qu’être dévastatrice ? Comment ne pas voir le spectre d’une révolution en devenir ? Et surtout, pourquoi perdre une guerre quasiment gagnée à la suite de l’effon-drement du système politique ?Autant de questions clés de l’histoire du pays en quête de réponses, dont la recherche attise l’intérêt des Russes pour la guerre de 1914-1918. Les tirages de livres consacrés à cette « Grande » guerre-là vont croissant, des musées se créent, la mémoire familiale de ces évé-nements lointains renaît. En août, Mos-cou se dotera d’un monument à la mé-moire des soldats russes de la Première Guerre mondiale (voir page 8). Cent ans après, la justice historique a triomphé.

Un tableau de Kouzma Petrov-Vodkine, Sur la Ligne de front.

Carte postale française (1915) : la Triple-Entente (France, Royaume-Uni, Russie).

O. FEDIANINA, M. BESSMERTNAÏA, N. SOLDATOVKOMMERSANT

TÉMOIGNAGES Le conflit a touché aussi le monde de la culture

L’année 1914 en Europe est celle d’un renouveau patriotique général, qui voit pour la première fois la scission d’une classe cosmopolite et cultivée se considérant jusqu’alors comme européenne et unie. À l’origine de cette fracture, ceux qui se feront appeler plus tard les « maîtres de la culture ». La rhétorique patriotique apparaît à l’époque dans les journaux intimes et la corres-pondance des écrivains et artistes les plus respectés du pays, dans des représentations diverses empreintes de sincérité. La vie de nombreux représentants de la culture russe – écri-vains, poètes ou compositeurs – a été affectée par la guerre. Certains d’entre eux ont partagé leurs expériences dans des lettres adressées à leurs proches ; d’autres les ont exprimées sous forme de nouvelles, de romans ou de tableaux .

La Grande guerre vécue par les artistes russes

1 La Première Guerre mon-

diale a entraîné la disparition de quatre empires : allemand, austro-hongrois, otto-man et russe.

2 Cinquante-cinq millions

de personnes, militaires et civils, ont été blessées ou mutilées dans ce conflit de plus de quatre ans.

3 La Russie est sortie de la

guerre le 3 mars 1918, en signant le traité de Brest-Litiovsk avec les Allemands et les Autrichiens.

FAITS SUR LA GUERRE

3

de la Grande Guerre sont plus surpre-nants que la restauration, le ravitail-lement et l’effort gigantesque de la Rus-sie en 1916 ». Au début de l’année 1917, tous les ob-servateurs et acteurs du confl it (Alle-mands et alliés) sont d’accord : « la Russie impériale a déjà gagné la guerre ! », estime le général Andolen-ko aujourd’hui cité par son fils Pavel. « L’armée russe n’était pas dé-faite, au contraire », dit M. Pavel An-dolenko à RBTH. « Il arrive qu’on qualifi e les pertes hu-maines subies par la Russie en 1915 d’inutiles. C’est pourtant grâce à cette multitude de sacrifi ces que la Russie n’a pas capitulé ou signé une paix sé-parée. Que se serait-il passé si la Rus-sie avait été acculée, les alliés occi-dentaux auraient-ils pu reconstituer leurs forces et développer leur produc-tion d’armements pour aborder

1916 ? », s’interroge à son tour M. Pavel Andolenko.

La révolution entraîne la destruction de l’armée impérialeDepuis janvier 1917, les Autrichiens négocient avec les Français, les An-glais et les Italiens. Mais le Tsar n’est pas au courant. S’il l’avait été, il n’au-rait probablement pas abdiqué en mars. Cette abdication aux raisons en-core mal élucidées, selon Andolenko, a marqué le début de la fi n : les sol-dats qui avaient combattu pour la Pa-trie, Dieu et le Tsar « ne savaient plus où se tourner ». Le Gouvernement pro-visoire, tout en proclamant sa volon-té de poursuivre la guerre, donne des ordres incohérents qui disloquent l’ar-mée de l’intérieur. Pour Andolenko, « la révolution n’est pas une conséquence fortuite du marasme existant, ni d’une prétendue défaite militaire ; la révo-lution serait plutôt la cause première de la destruction de l’armée ». Français et Russes ont supporté les deux tiers de l’ensemble des pertes en vies humaines. « Les armées française et russe ont payé le plus lourd tribut à la victoire et il faut garder en mé-moire que ces deux armées ont lutté en étroite collaboration tout au long de la guerre, chacune s’efforçant tou-jours de soulager l’autre quand celle-ci supportait l’effort principal de l’en-nemi », conclut après son père Pavel Andolenko. À la fi n de la guerre, mal-gré la paix de Brest-Litovsk et les « em-prunts russes », le maréchal Foch dé-clarait  : « Si la France n’a pas été effacée de la carte de l’Europe, c’est avant tout à la Russie que nous le de-vons ». L’histoire se rééditera 27 ans plus tard : les États-Unis n’intervien-dront dans le confl it que six mois après la reddition de Von Paulus aux Russes à Stalingrad.

« L’ennemi des humains ».

Roerich a créé cette affiche en

1914, dans laquelle il condamne la

destruction barbare de

monuments culturels à

Louvain, Chantilly et Reims.

L’empereur Nicolas II passe ses troupes en revue.

DÉCOUVREZ NOS DIAPORAMASDES AFFICHES DE L’ÈRE SOVIÉTIQUE CONTRE LES HABITUDES NÉFASTES FR.RBTH.COM/29453

LES ADIEUX DES ÉLÈVES DE BESLAN À LEUR ÉCOLE FR.RBTH.COM/29481

RIA NOVOSTI

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6Supplément de Rossiyskaya Gazeta distribué avec Le FigaroMercredi 18 juin 2014

OPINIONS

RUSSIA BEYOND THE HEADLINES EST PUBLIÉ PAR LE QUOTIDIEN RUSSE ROSSIYSKAYA GAZETA. LA RÉDACTION DU FIGARO N’EST PAS IMPLIQUÉE DANS SA PRODUCTION. LE FINANCEMENT DE RBTH PROVIENT DE LA PUBLICITÉ ET DU PARRAINAGE, AINSI QUE DES SUBVENTIONS DES AGENCES GOUVERNEMENTALES RUSSES. RBTH A UNE LIGNE ÉDITORIALE INDÉPENDANTE. SON OBJECTIF EST DE PRÉSENTER LES DIFFÉRENTS POINTS DE VUE SUR RUSSIE ET SA PLACE DANS LE MONDE À TRAVERS UN CONTENU DE QUALITÉ. PUBLIÉ DEPUIS 2007, RBTH S’ENGAGE À MAINTENIR LE PLUS HAUT NIVEAU RÉDACTIONNEL POSSIBLE ET À PRÉSENTER LE MEILLEUR DE LA PRODUCTION JOURNALISTIQUE RUSSE AINSI QUE LES MEILLEURS TEXTES SUR LA RUSSIE. CE FAISANT, NOUS ESPÉRONS COMBLER UNE LACUNE IMPORTANTE DANS LA COUVERTURE MÉDIATIQUE INTERNATIONALE. POUR TOUTE QUESTION OU COMMENTAIRE SUR NOTRE STRUCTURE ACTIONNARIALE OU ÉDITORIALE, NOUS VOUS PRIONS DE NOUS CONTACTER PAR COURRIER ÉLECTRONIQUE À L’ADRESSE

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D’autres points de vue sur l’actualité dans la rubrique Opinions sur

E X P R I M E Z - V O U S E N A L L A N T S U R N O T R E S I T E , F A C E B O O K / L A R U S S I E D A U J O U R D H U I O U T W I T T E R . C O M / R B T H _ F R

LA RUSSIE FACE AUX NOUVEAUX DIRIGEANTS UKRAINIENS fr.rbth.com/29501

REVUES DE PRESSE RUSSE SUR L’ACTUALITÉ fr.rbth.com/tag/revue de presse

LA BATAILLE DE STALINGRAD A-T-ELLE EU LIEU ?fr.rbth.com/29413

QUEL ESPACE POST-SOVIÉTIQUE ?

ROUVRIR EN RUSSIE LA PAGE DE LA PREMIÈRE GUERRE MONDIALE

FIODORLOUKIANOVPOLITOLOGUE

KONSTANTINEEGGERT

POLITOLOGUE

Président du Conseil pour la politique étrangère et la poli-tique de défense

L’auteur est spécia-liste des relations internationales

Le territoire de l’ex-URSS est entré dans une nouvelle phase d’auto-détermination. La signature du traité instituant une Union éco-

nomique eurasiatique, les événements en Ukraine, la prochaine conclusion de l’ac-cord d’association avec la Moldavie, la Géorgie et l’Ukraine, les troubles en Abkhazie… Autant de carrés de mosaïque qui forment le paysage politique actuel.L’espace post-soviétique a traversé plu-sieurs étapes après la chute du Mur. D’abord, l’impulsion insufflée par l’ef-fondrement de l’URSS, qui a mis à l’épreuve la stabilité des « nouveaux États indépendants ». Une partie d’entre eux ont retrouvé leurs frontières historiques, malgré de violents confl its (Tadjikistan, Caucase du Nord), et une autre partie ont de facto perdu des territoires, tout en conservant leur unité (Azerbaïdjan, Géorgie, Moldavie). L’Occident, trop oc-cupé à absorber l’Europe centrale et orientale, ne s’est pas jeté dans le jeu chaotique post-soviétique. Les États-Unis et l’Europe n’ont pas entravé les actions de la Russie visant à établir la stabilité le long de ses frontières, mais ils ont fait en sorte que l’infl uence russe ne tourne pas à l’hégémonie.Vers la fi n des années 1990, le principal concept de la politique étrangère des an-ciennes républiques soviétiques était multivectoriel, consistant en un louvoie-ment entre la Russie et ses concurrents. D’autant qu’en Europe, des décisions stra-tégiques capitales ont été prises à ce mo-ment précis (élargissement de l’OTAN et de l’Union européenne, approfondisse-ment de l’intégration, neutralisation et éviction des régimes hétérodoxes comme la Serbie). La Russie traversait alors une crise poussant une nouvelle fois le pays au bord de l’effondrement. Mais même dans cet état, Moscou est en possession d’un riche ensemble de leviers qui lui permettent d’éviter que ses partenaires ne se tournent vers d’autres pays leaders.

L’année 2014 marque celle d’un anniversaire dont peu de gens se souviennent en Russie. Je par-tage l’opinion d’une partie des

historiens pour qui le XXème siècle a débuté le 1er août 1914, avec le déclen-chement de la Première Guerre mon-diale. La Grande Guerre, comme l’ap-pellent les pays vainqueurs appartenant à « l’Entente cordiale » (Grande-Bre-tagne, France et États-Unis), a infl igé une blessure mortelle à la vieille Eu-rope aristocratique. Elle a remis en question toutes les valeurs, y compris religieuses, auparavant considérées comme immuables. Fait intéressant, dans les années 1913-1914, tout le monde s’attendait à un

Sans la Révolution de 1917, la Russie aurait peut-être pu assouplir le Traité de Versailles pour l’Allemagne”

L’équilibre des puissan-ces a changé. La Russie a retrouvé une partie de ses capacités. L’Occident semble en avoir perdu”

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confl it mondial. Mais les protagonistes y ont tous pris part pour des raisons qui, du point de vue actuel, appa-raissent futiles, comme la défense des « frères serbes » par l’Empire russe, ou le « prestige national » en Autriche-Hongrie. Durant ce mois d’août funeste, tout le monde était convaincu que le confl it serait terminé avant Noël. Il a duré quatre ans. Il aura manqué un an et demi à la Russie pour fi gurer parmi les vainqueurs. Si les choses avaient pris une autre tournure, sans la Révo-lution de 1917, qui sait si la Russie n’au-rait pas été en mesure d’assouplir les conditions du Traité de paix de Ver-sailles pour l’Allemagne et d’empêcher ainsi la Seconde Guerre mondiale ?

Après tout, celle-ci constitue pour beaucoup le prolongement et la conclu-sion de la Première, une tentative de la part des Allemands vaincus de prendre leur revanche. Dans notre pays, on ne sait pratiquement rien de cette première guerre qualifi ée d’« impéria-liste » par Lénine. À ce propos, regardez les sondages éle-vés de ce fossoyeur de la Russie histo-rique. De toute évidence, les Russes ne comprennent toujours pas : les Bol-cheviks ont débuté leur ascension vers le pouvoir de manière ignoble, par une collusion avec l’état-major allemand. C’est donc d’une trahison directe, entre autres choses, qu’est née la terreur com-muniste du XXème siècle que nous ne sommes pas parvenus à surmonter jusqu’à présent.C’est l’histoire de cette guerre que les Russes doivent découvrir par eux-mêmes et réécrire. Mais quelques le-çons me semblent pour ma part évi-dentes dès aujourd’hui. Premièrement, l’intérêt national n’est pas similaire, et bien souvent en contra-

diction avec les intérêts ou le « pres-tige » de la classe dominante. Deuxiè-mement, faire preuve de mansuétude envers le vaincu est le meilleur moyen de pérenniser la victoire. C’est ce que n’avaient pas compris les artisans du Traité de Versailles ayant mis un terme à la Première Guerre mondiale. Mais c’est ce qu’ont réalisé les alliés occidentaux après la Seconde Guerre mondiale, lorsque qu’ils se sont abstenus d’humilier l’Allemagne et le Japon. Aujourd’hui, l’une et l’autre sont des démocraties exemplaires incapables d’imaginer l’idée même d’agression. Au fi nal, la troisième et peut-être la plus importante des conclusions : les soldats des guerres perdues sont aussi dignes d’honneur que les vainqueurs. Si, en 2014, le premier monument dédié à la mémoire des morts de cette guerre voit véritablement le jour, nous nous réapproprierons un nouveau fragment de la mémoire collective, sans laquelle il n’y a en vérité pas de nation.

Article publié dansKOMMERSANT

Dans les années 2000, cette position est maintenue, même si les tentatives d’au-to-détermination s’accentuent. L’orien-tation pro-russe du Belarus est un exemple particulièrement parlant. Et bien qu’elle soit en confl it récurrent avec l’Oc-cident, son président Alexandre Lou-kachenko est parvenu à obtenir diffé-rentes faveurs de la part de Moscou. À l’opposé, on trouve la Géorgie qui, sous Mikhaïl Saakachvili, a pris une direc-tion sans équivoque. L’Ukraine est un cas à part : à l’issue de la « Révolution orange », elle opère une tentative de rap-prochement euro-atlantique qui échoue pour des raisons internes, malgré le sou-tien occidental. L’Azerbaïdjan, enfi n, est un modèle de transition vers les États-Unis sans déclaration officielle, avec des projets énergétiques constituant une al-ternative à leurs analogues russes.

La guerre russo-géorgienne de la fi n des années 2000 indique que Moscou est prêt à employer la force pour empêcher ses rivaux de pénétrer dans la zone de ses intérêts vitaux. Mais même après ce coup de force, la question d’un choix d’orien-tation exclusif ne s’est pas posée. L’atti-tude de Moscou est plutôt considérée comme un appel à ne pas détruire un statu quo plus ou moins multivectoriel, à le consolider, pour éviter toute réac-tion trop brusque. Mais l’équilibre des puissances a changé. La Russie a retrou-vé une partie de ses capacités. L’Occi-dent, en revanche, semble en avoir perdu.Le conflit ukrainien de 2013 marque l’étape suivante. Éclatant à la suite d’un accord d’association avec l’Union euro-péenne, il oblige Kiev à faire un choix. L’UE et la Russie ont émis des proposi-tions qui se sont avérées incompatibles

dans le paradigme habituel de Kiev. Mais revenir en arrière ne sert à rien. La lutte des forces internationales est désormais une affaire de principe. Et pas unique-ment pour Kiev.La majorité des pays devront choisir. Seuls les pays qui possèdent suffisam-ment de ressources peuvent garder une certaine distance. L’Azerbaïdjan, le Turk-ménistan, l’Ouzbékistan se tiennent en dehors de toute alliance. Autre possibi-lité, celle de la « neutralité », avec l’ac-cord de plusieurs forces internationales sur « l’exploitation conjointe » de tel ou tel pays. Mais elle reste pour l’instant purement hypothétique. Le temps où les acteurs internationaux s’efforçaient scru-puleusement de ne pas apparaître comme des adversaires, donnant l’apparence d’un « pluralisme géopolitique », s’achève. Il est évident que n’importe quel choix sous-entend un ensemble de gains et de pertes. Chaque pays devra donc faire le calcul d’un juste équilibre. Pour exemple, l’impératif sécuritaire qui a poussé l’Ar-ménie à faire un choix en faveur de l’Union économique eurasiatique. Mos-cou ne pourra pas retenir la Géorgie. Tbilissi, conscient qu’il n’y a aucune chance de récupérer l’Abkhazie et l’Os-sétie du Sud, n’a plus rien à perdre. La situation moldave est plus complexe. Le problème n’est pas tant celui de la Trans-nistrie que de la région autonome de Gagaouzie, qui a exprimé sa volonté d’autodétermination. La phase liée à un vecteur déterminé n’est sans doute pas la dernière. Le monde et l’Eurasie se développent et à la suite de nouvelles collisions, il n’est pas exclu que les tendances globales d’intégration prennent le dessus. Ce qui, d’un point de vue rationnel, serait préférable. Mais pour paraphraser le leader du prolétariat mon-dial, avant de s’unir, il faut savoir où sont ses limites.

Article publié dansROSSIYSKAYA GAZETA

ALEXEY IORSH

FR.RBTH.COM/OPINIONS

Page 7: Russia Beyond The Headlines

7Supplément de Rossiyskaya Gazeta distribué avec Le Figaro Mercredi 18 juin 2014

CULTURE

AVA SOSKINE ET ETIENNE BOUCHEPOUR RBTH

Mal connu du grand public, Ladislas

Starewitch fut l’un des précurseurs du

cinéma d’animation. Sous l’impulsion

de sa petite-fille, son œuvre va être

exhumée à Fontenay-sous-Bois.

ANIMATION Le réalisateur russe réfugié en France a porté à sa façon, différente de Disney, le monde animal à l’écran

Au cinéma Kosmos de Fontenay-sous-Bois, ville de la proche banlieue pari-sienne, Léona Martin-Starewitch pré-sente avec émotion des films qu’elle connaît les yeux fermés. Entre fi erté et déférence, elle commente le travail mé-ticuleux de son grand-père, ponctuant ses propos d’anecdotes familiales. Voilà vingt ans qu’elle reconstitue une œuvre dispersée et tombée dans l’oubli : acqui-sition de pellicules, restauration, édition de DVD. Cette année vient récompenser sa détermination puisqu’en septembre, la ville de Fontenay consacrera une ex-position au réalisateur. La Halle Roublot reconstituera l’univers de l’artiste, son studio de montage avec marionnettes, sa collection de papillons et de coléoptères.

Fontenay va recréer l’univers magique de Ladislas Starewitch

« Le lion et le moucheron » (1932), d’après une fable de La Fontaine, l’un des six courts métrages présentés sur le DVD « Les Fables de Starewitch ». À droite, Stanislas Starevitch et sa double caméra, vers 1925.

Né à Moscou de parents polonais en 1882, Ladislas Starewitch grandit à Kovno, en Lituanie. Touche-à-tout, il s’intéresse au dessin, à la peinture et à l’entomologie. C’est son intérêt pour les insectes qui le mène au cinéma : photographe pour le musée ethnographique de Kovno, il veut montrer à ses élèves un combat de luca-nus cervus. Il tente de les fi lmer, mais ces coléoptères à larges mandibules se fi gent à la lumière. Il utilise alors des insectes naturalisés qu’il met en mouvement, image par image. Son premier geste ci-nématographique est né.S’il tourne également des fi lms avec ac-teurs en Russie, c’est le cinéma d’anima-tion qui apporte à Starewitch la noto-riété. Il est embauché par Alexandre Khanjonkov, infl uent producteur de Mos-cou qui assure la promotion de ses fi lms. En 1911, La Cigale et la fourmi lui vaut d’être décoré par le Tsar lui-même et est diffusé à plus de 140 exemplaires. Mais à la révolution, Starewitch quitte Mos-cou pour Yalta, puis fait le choix de l’émi-gration lorsque l’industrie cinématogra-

phique est nationalisée par les Bolcheviks. Commentant de vieux clichés, la descen-dante du réalisateur raconte la vie de Starewitch comme celle d’un personnage de roman. Avec femme et enfant, il fait escale à Constantinople avant de rejoindre l’Italie. Un voyage de deux ans qui le conduit à Joinville-le-Pont, haut lieu du septième art et foyer de Russes émigrés.En 1924, Starewitch acquiert une pro-priété à Fontenay-sous-Bois et y installe son studio de tournage. Travaillant un temps pour des productions françaises, il revient rapidement aux méthodes ar-tisanales du cinéma d’animation. « Mon grand-père créait tout lui-même. Quand il avait besoin d’un instrument, il l’in-ventait ; quand il avait besoin d’un effet spécial, il le faisait ; quand il avait be-soin d’une marionnette, il la faisait ! Seules ses fi lles Irène et Nina l’aidaient parfois », raconte Léona.Fasciné par les mouvements du corps ani-mal, il cherche des modèles vivants. Son personnage Fétiche, héros d’une série de fi lms, est une reproduction de son propre

chien. Mi-peluches, mi-bêtes sauvages, les marionnettes de Starewitch n’ont pas grand-chose à voir avec l’anthropomor-phisme mignon des héros de Disney. Le critique de cinéma Hervé Aubron loue une esthétique singulière qu’il rapproche de la taxidermie. « Starewitch anime de l’inerte, projette de l’humain sur des êtres étranges ». À l’aube des années trente, il tourne en collaboration avec sa fi lle aînée Irène son premier long-métrage sonore, Le Roman de Renard, considéré comme le premier du cinéma d’animation. C’est tout un casting animal qui prend vie : les personnages, habillés de daim, de ve-lours et de cuir, respirent, cillent et pleurent. Son chef d’œuvre.« Starewitch a été sollicité pour aller à Hollywood, mais il a refusé. Il aimait trop son indépendance », souligne Léona. Mais le succès n’est plus le même à l’après-guerre : on juge son cinéma naïf et passé de mode. Il réalise pourtant des films jusqu’à sa mort, en 1965. Son œuvre semble aujourd’hui redécouverte : elle suscite l’intérêt de cinéastes contempo-rains comme Terry Gilliam qui en fait l’une de ses références. Il y a du Starewitch chez Tim Burton, mais aussi chez Wes Anderson dont le Fantastic Mr. Fox ap-paraît comme un hommage au rusé Re-nard. Passionnée par l’héritage de son grand-père, Léona Starewitch a restau-ré l’ensemble des fi lms tournés en France. Ils seront présentés à l’« exposition vir-tuelle » qui accompagnera la manifesta-tion organisée à la Halle Roublot.

CHLOÉ VALETTEPOUR RBTH

L’un des grands maîtres de l’art

contemporain russe et père du Sots art,

Alexander Kosolapov signe son grand

retour à Paris, après un premier

passage en 2007 puis un autre en 2010.

EXPOSITION Connue pour son éclectisme, la galerie Vallois accueillera jusqu’au 26 juillet les œuvres inédites et subversives de l’artiste

L’art est-il intrinsèquement politique ? Pour Alexander Kosolapov, c’est d’abord le refl et de la société. « L’art actif est lié aux problèmes de notre société. En ce sens, mes oeuvres ont quelque chose de politique, confi e l’artiste à RBTH. Mais dans mon travail, ce que je recherche, ce n’est pas tant la critique que l’ana-lyse d’un nouveau modèle idéologique : une nouvelle iconographie, de nouvelles perspectives », précise-t-il. Quoi qu’il en soit, les œuvres d’Alexan-der Kosolapov sont d’une actualité brû-lante. Elles examinent le présent,

Kosolapov : quand le Sots art rencontre le Pop artsondent le futur, analysent les proces-sus sociétaux. Chacune d’entre elles rap-pelle un événement en cours, une ten-dance sociale, une évolution du monde contemporain.Au contact de la société américaine où il vit aujourd’hui, Alexander Kosola-pov s’empare aussi du Pop art et, le mê-lant adroitement au Sots art, il se plaît à détourner les codes du consumérisme américain. Ses projets artistiques Mini et Mickey, l’Ouvrier et la Kolkhozienne, M&Matisse ou Molotov Cocktail décor-tiquent avec une douce ironie les sym-boles de la consommation de masse comme de l’idéologie soviétique.Pourfendeur de la société consumériste américaine, Alexander Kosolapov l’est aussi de la Russie contemporaine et de ses dérives. Ses travaux autour de la représentation religieuse relèvent de la satire à l’égard du pays . La plus emblé-

hasard des réfl exions d’un artiste qui conceptualise la société. Pour lui, « in-vesti d’un rôle particulier, l’art dispose d’une liberté singulière, sans censure, qui lui permet de soulever des problèmes que les autres sphères de la vie quoti-dienne ne peuvent pas exprimer ».Dans l’air du temps, c’est une exposi-tion 3D qu’il nous propose en réunis-sant divers supports (peintures, pho-tographies, sculptures, objets),

matières (toiles, bronze, métal) et techniques (sérigraphie, collage,

modelage). « L’artiste est à la fois dans l’espace réel

et sur la Toile, dans l’es-pace muséal et dans la rue…

Il s’empare des différents sup-ports de diffusion, tradition-nels et nouveaux formats, à des fi ns dialectiques », revendique Kosolapov.

L’exposition con-sacrée à Ladislas Starewitchsera présentée du 8 au 21 septem-bre prochain à la Halle Roublot de Fontenay-sous-Bois (94).

Alexander Koso-lapov est l’un des fondateurs du Sots art, qu’il dé-fi nit comme « un courant portant à réfl exion sur la société environ-nante, mais [qui], à la diff érence du Pop art, porte sur l’idéologie, princi-pal produit fabri-qué par l’Union soviétique ».

À l’affi che

Défi nition

En ligne

Cinq grands fi lms d’animation sovié-tiquesfr.rbth.com/28061

matique, Icon Caviar, présente un oklad authentique du XVIIème siècle de la Vierge de Kazan, dont l’icône sur bois a été remplacée par une imitation de caviar noir. C’est le principe même du symbolisme consumériste : produit de luxe par excellence, le caviar ne saurait s’as-similer à un produit de masse. Dernière œuvre en date particulièrement cri-tique envers l’ Église de Russie, Mercedes ROC (pour Russian Orthodox Church) dénonce les privilèges et les goûts de luxe du clergé russe. Haute en relief, l’ex-position parisienne invite à cheminer au Mickey Unbeliever (Mickey le mécréant, ndlr).

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8Supplément de Rossiyskaya Gazeta distribué avec Le FigaroMercredi 18 juin 2014

MAGAZINE

Andreï Kovaltchouk dans son atelier (à gauche). Le monument dédié aux victimes de la catastrophe de Tchernobyl (en haut à droite). Le projet du monument aux héros russes de la Première Guerre mondiale qui sera inauguré au mois d’août au Mont Poklonnaïa, à Moscou (photo du bas).

FLORA MOUSSAPOUR RBTH

En prévision de l’inauguration du

monument à la mémoire des héros

russes de la Première Guerre mondiale,

RBTH a rencontré son créateur, le

sculpteur russe Andreï Kovaltchouk .

PORTRAIT Andreï Kovaltchouk a sculpté un monument dédié aux combattants russes de la guerre 14-18

Le précédent de Tchernobyl Andreï Kovaltchouk s’est engagé dans la sculpture à l’âge de 12 ans sous l’in-fl uence de son père, le célèbre archi-tecte de l’époque Nikolaï Kovaltchouk. « Depuis mon enfance, j’étais plongé dans l’univers des arts. J’étais donc sou-vent présent dans des ateliers, mais cette passion pour l’art sculpté s’est formée progressivement ; j’étais quand-même un enfant ordinaire qui aimait jouer au ballon avec ses amis ».Mais ce n’est qu’en 1988 qu’Andreï Ko-valtchouk, alors âgé d’un peu moins de 30 ans, remporte son premier concours pour un projet de monument aux vic-times de la catastrophe nucléaire de Tchernobyl. Le même sujet lui apporte la gloire et marque le début de sa car-rière de sculpteur monumentaliste. Ce succès a sans aucun doute été le résul-tat du bouleversement émotionnel que l’artiste a subi à la suite de cette tragé-die nucléaire du siècle. « Je considère que ce fut l’œuvre principale non seu-lement de l’époque, mais de toute ma carrière. C’était l’ère soviétique, et les sujets de la crucifi xion et de l’abnéga-tion étaient quasi-absents dans l’art mo-numental. Mais, la particularité de cette œuvre réside dans les bras tendus de l’homme qui se force dans son dernier élan à protéger le monde contre une catastrophe imminente. Ce thème est tellement tragique qu’il ne pouvait être exprimé avec moins d’émotions ». Âgé aujourd’hui de 54 ans, Andreï Ko-valtchouk est l’auteur de toute une série de monuments dédiés aux grandes per-sonnalités ayant marqué l’histoire russe, dont le grand poète national Alexandre Pouchkine à Astana (Kazakhstan) ou Pierre Ier à Astrakhan. Mais on trou-vera aussi parmi ses compositions des thèmes abstraits, dont les « Jeunes ma-riés », statue inspirée par le couple prin-cier, Rainier III et Grace de Monaco. Des œuvres de ce sculpteur ornent en outre des villes européennes, notam-ment Munich, Turku et Paris.Le choix des sujets de ses œuvres, il l’explique par son « intérêt pour l’his-toire et par [sa] propre perception de tel ou tel événement. Au fur et à me-sure de l’histoire, les émotions passent au second plan. De loin, tu peux avoir une vision plus large de la situation, percevoir un événement ou ses acteurs avec plus de confi ance », élabore-t-il, tout en soulignant que ceci ne veut pas dire que les autres sujets, notamment les portraits des contemporains, le nu artistique féminin ou l’art animalier ne l’intéressent pas. « Je n’ai pas le temps pour tout aborder, surtout maintenant que j’exerce un rôle social en tant que président de l’Union des peintres ».Le travail sur ses œuvres lui inspire un sentiment d’exaltation : « En sculptant, tu plonges dans un état qui t’emporte loin de la réalité, te laissant pénétrer dans un autre monde ». Kovaltchouk explique qu’en créant, il cherche avant tout à « retransmettre sa perception de l’univers, à faire découvrir sa vision du

« Graver dans le bronze ma perception de l’univers »

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Le trio à cordes français Concordia va se produire dans quatre villes russes. Concordia est un ensemble du musique classique fondé en 2009 dont les membres, Emmanuel Resche et Patrizio Germone, violonistes, ainsi que Claire Lamquet, violoncelliste, revisitent la musique des XVIIème, XVIIIème et XIXème siècles. Cette tournée russe est consacrée aux œuvres du violoniste Pierre Crémont (1784-1846), qui a fait une bonne partie de sa carrière en Russie. En première mondiale, le trio Con-cordia fera découvrir au public russe le concerto pour violon et orches-tre “Rondeau russe dans le genre ukrainien”, que Pierre Crémont avait composé et interprété lui-même. À Moscou, Il sera joué pour la première fois depuis l’ère du musicien, sur des instruments d’époque. › www.fr.rbth.com/a_laffiche

À Colmar, trois salles d’exception, le Koïfhus, la chapelle Saint-Pierre, et l’église Saint-Mathieu, sont con-sacrées aux concerts de musique classique. La Russie est de nouveau à l’honneur de la 26 ème édition du Festival international de la ville, puisque celui-ci rendra hommage au célèbre musicien et chef d’orchestre Evgueny Svetlanov (1928–2002), qui a dirigé l’Orchestre symphonique d’État d’URSS pendant plus de 35 sai-sons. À cette occasion, de nombreux solistes de renommée internationale sont invités, ainsi que des ensembles, des chœurs et orchestres dirigés par Tugan Sokhiev et Vladimir Spivakov.Le festival restera fi dèle à sa tradition, puisqu’une fois encore, de jeunes talents se produiront, profi tant ainsi d’un solide tremplin et d’une expé-rience exceptionnelle.› www.festival-colmar.com

LA MUSIQUE RUSSE HONORÉE AU FESTIVAL INTERNATIONAL DE COLMARDU 3 AU 14 JUILLET

LE TRIO CONCORDIA MET PIERRE CRÉMONT AU PROGRAMME DE SA TOURNÉE RUSSE DU 14 AU 19 SEPTEMBRE

MOSCOU, IAROSLAVL, RYBINSK,

SAINT-PÉTERSBOURG

À L’AFFICHE

monde ». La « création d’une image » occupe une place centrale dans ce pro-cessus, la forme ne vient qu’après pour aider à véhiculer l’idée. « La forme non basée sur un concept tombe très vite en désuétude. C’est l’idée autour de laquelle est organisée la forme qui donne de la valeur à l’œuvre ».

Des héros de Normandie-Niemen à Pierre Cardin La France fi gure en bonne place dans la carrière de l’artiste : en 2007 il sculpte un mémorial consacré aux légendaires pilotes de l’escadron Normandie-Nie-men à Moscou. Quatre ans plus tard, en 2011, il crée une statue à l’effigie du grand maître de la mode Pierre Cardin. Aujourd’hui, cette sculpture se dresse sur les Champs-Élysées, à Paris.Le sculpteur avoue que cette empreinte française ne doit rien au hasard : « La France a été le premier pays étranger que j’ai visité. En 1991, j’ai passé deux mois à la Cité internationale des arts de Paris. Ce séjour m’a laissé une très forte impression : j’ai visité les musées parisiens, j’ai admiré les monuments », raconte Andreï Kovaltchouk.C’est avant tout le génie de la sculpture Auguste Rodin et les œuvres des im-pressionnistes français dans leur en-semble qui ont laissé une marque sur le style de Kovaltchouk. « Lorsque tu visionnes ces œuvres en abondance, elles pénètrent à l’intérieur de toi et ensuite tu génères inconsciemment ce que tu y as puisé », explique-t-il.La page française dans le livre de sa carrière n’est pas tournée. En décembre prochain, il prévoit d’inaugurer une sculpture de l’écrivain russe Ivan Bou-nine dans la ville de Grasse.

La Première Guerre mondiale et la levée des tabousEn 2013, Andreï Kovaltchouk a eu l’honneur de devenir le créateur du premier monument de Moscou dédié à la mémoire des soldats tombés lors de la Première Guerre mondiale. L’inauguration est prévue le 1er août prochain. La composition qu’il a conçue comprendra trois éléments : une colonne surmontée d’une statue de soldat russe du début du XXème siècle, Chevalier d’un ordre impérial de Russie, pour un ensemble d’envi-ron 11,5 m de haut. Le deuxième élé-ment sera une composition sculptée avec des scènes de combat en haut-relief organisées autour d’un drapeau tricolore russe en bronze. La dernière pièce sera un énorme banc de granit portant l’inscription : « Aux héros de la Première Guerre mondiale ».L’histoire a voulu que l’exploit de l’ar-mée impériale russe reste quasi ina-perçue de nos contemporains et pour-tant, rappelle Andreï Kovaltchouk, la Russie aurait pu fi gurer parmi les vain-queurs au même titre que la France ou la Grande-Bretagne. Mais la révo-lution de 1917 l’a retirée du conflit avant la victoire.Le monument est un hommage au sol-dat ordinaire qui a dignement fait son devoir et défendu sa partie. « Ce sol-dat russe a honnêtement suivi son par-cours et il mérite que sa mémoire soit honorée », explique le sculpteur qui se réjouit qu’à notre époque, il nous ait été permis d’éliminer la couche qui a recouvert pendant des décennies une partie de la réalité historique de la Russie, ouvrant aux artistes une infi -nité d’horizons encore inexplorés.

Andreï Kovalt-chouk est né le 7 septembre 1959 à Moscou. Diplô-mé en 1981 de l’Académie d’État d’Art et d’Indus-trie Stroganov de Moscou, il prend part à diff érents concours, rem-portant le premier d’entre eux en 1988. Honoré par toute une série de distinctions, dont un Prix d’État de Russie, il préside depuis 2009 l’Union des peintres.

Biographie

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