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RésuméAlaricMcCabe était promis à RionnaMcDonald, mais il en aimait une autre. Alors son frère

Caelenaprissaplace.EtvoiciRionnanantied'unépouxbienimpressionnant.Ellequicroiselefercomme un homme ne peut s'empêcher d'être intimidée par ce guerrier taciturne, apparemment peupressédeconsommerleurunion.Est-ceparindifférenceouparégard?Commeelle,Caelennes'estmariéque,pourlebien-êtredeleursdeuxclansmenacéspardestraîtres.Maisbientôtc'estellequiattendetespèresesétreintes.

MAYABANKS

LEHIGHLANDERQUINEVOULAITPLUSAIMER

LESMCCABE3

1Ilavait faitun tempssplendide lorsdupremiermariagedeRionnaMcDonald.Ce jourde janvier

aussiplaisantqu'unjourdeprintempsavaitconstituéunvraimiracle.Àpeineavait-ilsouffléunedoucebrisepourmenacersacoiffuresavammentarrangée.Onauraitditquelemondes'étaittenutranquillepourécouterdeuxêtressedonnerl'unàl'autre.

Acesouvenir,unpetitrirepassaseslèvres,suscitantunhaussementdesourcilsréprobateurdeceluiquiétaitsurlepointdedevenirsonépoux.

Le temps qu'il avait fait pour ses deuxièmes noces, annulées elles aussi ? Froid et pluvieux.Unetempête venue de l'ouest avait balayé un paysage déjà marqué par le gel, les bourrasques charriantd'opaques rideaux de pluie. Cette fois, on aurait dit que le monde partageait ses doutes concernantl'hommeàquielles'apprêtaitàjurerfidélité.

Unfrissonremontal'échinédeRionna,endépitdufeuardentbrûlantdansl'âtre.

Caelen se rembrunit et se rapprocha d'elle, comme pour la protéger des courants d'air quiparvenaientàpasserlesfourruresmasquantlesfenêtres.Levoyantfaire,elleesquissaungestederecul,viteréprimé.

L'hommelarendaitnerveuse,ellequineselaissaitpourtantjamaisintimider.

Saréactionluivalutunfroncementdesourcils,puislejeunemariéreportasonattentionsurleprêtre.

D'unrapidecoupd'œil,Rionnavérifiaquenuln'avaitsurprissonattitude.Celan'arrangeraitpassesaffairesquelesgenscroientqu'elleavaitpeurdesonnouveaumari,mêmesic'étaitlecas.

EwanMcCabe,l'aînédelafratrieetlepremierhommequ'elleavaitfailliépouser,setenaitaucôtédesonfrère.Lesbrascroiséssursontorsepuissant,ilparaissaitpresséquel'affaireseconclue.

AlaricMcCabe,celuiavecquielleavait failli semarierquandEwanavait épouséMairinStuart,semblait luiaussi impatientetnecessaitde jeterdes regardsendirectionde l'escalier, commes'il luitardaitdes'éclipser.Rionnanepouvaitl'enblâmer.Sanouvelleépouse,Keeley,récupéraitàl'étaged'uneblessurequiavaitfailliluicoûterlavie.

Ensomme,uncharmanttroisièmemariage,non?

Pourl'occasion,leroiavaitpréférés'asseoirprèsdufeuplutôtquederesterdebout.L'airsatisfait,Davidregardaitleprêtreânonnerlerituel.Autourdelui,égalementassis,setenaientlesnombreuxlairdsîlesdomainesenvironnants.Tousattendaientimpatiemmentl'allianceentrelesMcDonaldetlesMcCabe,quiseraitscelléecejourparlemariagedeRionnaavecCaelen,leplusjeune-etledernier-desfrèresMcCabe.

Ce détail n’était pas sans importance, car si une fois de plus cette union était annulée au dernier

moment,iln’yauraitplusd'autrecandidatàluiproposer.

Délaissantlegroupeforméparleroietleslairds,Rionnalaissasonregarddériverjusqu'àsonpère.

Àl'écartdetouslesautres,ilsubissaitlacérémonieavecuneminerenfrognée.

L'espaced'uninstant,leursregardssecroisèrentetellevitseslèvresseretrousserenunegrimacesarcastique. Elle ne l'avait pas soutenu dans sa tentative pour conserver son titre, ce qui étaitprobablementdéloyaldesapart.Ellen'étaitpascertainequeCaelenMcCabeseraitunmeilleur laird,maisilétaitsûrementmoinsdétestablequelui.

Rionnapritsoudainconsciencequetouslesregardsavaientconvergésurelle.Jetantuncoupd'œilnerveuxauprêtre,elleréalisaquecelui-ciattendaitqu'elleprennelaparole.Ellen'avaitaucuneidéedecequ'ilvenaitdedire.

—C'esticiquevousdevezjurerdem'obéiretdem’êtrefidèle,précisaCaelend'unevoixtraînante.

CesparolespiquèrentRionnaauvif.Enluirendantsonregardcourroucé,elledemanda:

—Etvous,quemepromettez-vous,au juste?Sespâlesyeuxverts ladétaillèrentdepiedencapavant de revenir à son visage, comme si cet examen ne lui avait rien révélé d'important. Rionnan'appréciapasceregardquilarejetaitcommequantiténégligeable.

—Vousygagnerezmaprotectionetlerespectdûàunedamedevotrerang,répondit-il.

—C'esttout?

Cesmotsluiavaientéchappédansunmurmure.Elleauraitpréférénepaslesavoirprononcés,maisiln'étaitpasétonnantqu'elleattendedavantaged'unmariage.EwanMcCabeadoraitmanifestementsonépouse,Mairin,etAlaricvenaitdedéfiersonroipourgarderlafemmequ'ilaimait,écartantcefaisantRionna.

Non que cela la rendît amère. Elle avait une sincère affection pour Keeley, qui méritait d'êtreheureuse.Qu'unhommeaussiséduisantqu'Alaricaitpuproclamerpubliquementsonamourpourelle,laréjouissait.

Maiscelasoulignaitégalementàquelpointsonpropremariagepromettaitd'êtrevide.

Caelenmanifestasonagacementetreprit:

—Etàquoid'autre,exactement,vousattendiez-vous?

Lementonfièrementpointé,Rionnasoutintsonregardsansciller.

—Àrien,dit-elle.Jemecontenteraidevotrerespectetdevotreconsidération.Votreprotection,jen'enauraipasbesoin.

—Voyez-vousça...s'étonna-t-il,unsourcilarqué.

—Oui.Jesuisparfaitementcapabled'assurermapropreprotection.

Caeleneutunpetitriremoqueur.

—Contentez-vousdedirevosvœux.Nousn'allonspasypasserlajournée.Leshommesontfaim.Voilàquinzejoursqu'ilsattendentcebanquet.

Desmurmuresapprobateurss'élevèrent.Rionnasentitsesjouess'empourprer.C'étaitlejourdesesnoces,aprèstout,etelleneselaisseraitpasbrusquer.Qu'avait-elleàfairedel'appétitdesconvives?

Commes'ilavaitperçulacolèrequicommençaitàbouillonnerenelle,Caelentenditlamain,attrapacelledeRionnaetl'incitaàserapprocherdelui,jusqu'àcequesajambevienneselogerdansletissudesajupe.

Pèrereprit-ilavecleplusgrandrespect.Peut-êtreрourriez-vousluirépétercequ'elledoitdire?

Rionnafulminadelapremièreàladernièreparolequ'illuifallutprononcer.Deslarmesluibrûlaientlespaupières,maiselleauraitétéincapablededéterminercequilesmotivait.Cen’étaitpascommesiAlaricetelleavaientétéfaitsl'unpourl'autre,pasplusquecen'étaitlecasdeCaelen...C'étaitsonpèrequis'étaitmisentêtedeluifaireépouserl'undesfrèresMcCabe,cedontilavaitréussiàconvaincrelesMcCabeeux-mêmesetleroi.

Entreleursmains,ellen'étaitqu'unpion.

En soupirant, Rionna tenta de se convaincre qu'il était ridicule de se lamenter. Elle aurait dû seréjouir.ElleavaitdécouvertenKeeleyunesœurdecœur,etcelle-ciavaitconcluavecl'hommequ'elleaimaitunmariageheureux,mêmesiunelongueconvalescencel'attendaitencore.Enfin,sonpèren'étaitpluslelairddeleurclan.

Elle coula un nouveau regard dans sa direction et le vit engloutir un autre gobelet de bière. Sansdouteétait-ilnormalqu'ilseréfugiedanslaboisson.Enuninstant,toutcequifaisaitsavievenaitdeluiêtreenlevé.Pourtant,Rionnaneparvenaitpasàéprouverderegrets.

Dirigéparunbonchef,sonclanpouvaitdevenirprospère.Sonpèren'avaitjamaisétécechef-là.IlavaittantetsibienaffaiblilenomdesMcDonaldqu'illeuravaitfallurechercherl'allianced'unclanpluspuissant.

Samain libre se serra en un poing vengeur à son côté. Cela avait été son rêve de restaurer leurpuissancepassée,defairedeleursguerriersuneformidableforcedecombat.Àprésent,c'étaitCaelenquiallaitdevoirs'encharger,etelleseraitreléguéeàunrôled'observatrice.

Rionna tressaillit lorsque son nouveaumari se pencha sur elle et effleura ses lèvres du bout dessiennes.Ilsereculaavantqu'elleaitpuréalisercequisepassaitetelledemeurafigéesurplace,lesyeuxécarquillés,tandisquesamaintremblanteseportaitàsabouche.

Lacérémonieétaitterminée.Déjà,unefiledeservantesinvestissaitlasalle,apportantuneprofusiondemets.Suiteauparicatastrophiquedesonpèrequelquesmoisplustôt,c'étaitdanssesréservesàellequ'ilavaitfallupuiserpourorganisercefestin.

Caelenl'invitad'ungesteàleprécéderpourrejoindrelatabled'honneur.Enchemin,RionnaeutlajoiedevoirMairinallerretrouversonmari.Dansunemerdevisagesrudesetétrangers,celuideMairinMcCabeétaitunrayondesoleil-unpeufatigué,maisnéanmoinschaleureux.

Celle-ciseprécipitaverselleavecunsourireradieux.

—Rionna,vousêtesmagnifique!Iln'yapasunefemmeiciquipuissevousfairedel'ombre.

Lecomplimentlafitrosirdeplaisir.Envérité,elleétaitunpeuhumiliéededevoirporterlamêmerobe que celle dans laquelle elle avait failli épouser Alaric, mais le sourire sincère de Mairin luiréchauffaitlecœur.

Celle-cipritsesmainsdanslessiennesets'excusa:

—J'auraistellementvouluêtrelàpourl'échangedesvœux.J'espèrequevousmepardonnerez.

—Naturellement,assura-t-elle.CommentvaKeeley?

—Venez-vousasseoir,etjevousledirai,réponditMairin.

Rionnafutirritéededevoirquémanderd'unregardl'approbationdesonmari.Lesdentsserrées,ellerejoignitlatableets'yassitencompagniedeMairin.Celanefaisaitpascinqminutesqu'elleétaitmariée,etvoilàqu'elleseconduisaitdéjàcommeuneépousesoumise.

MaisilétaitvraiqueCaelenluifaisaitpeur,cequin'avaitpasétélecasd'Alaric.MêmeEwannel'intimidaitpascommeleplusjeunedesMcCabelefaisait.

RionnaseglissasurlachaisevoisinedecelledeMairin,espérantquesonmariluilaisseraitunrépitavantdevenir la rejoindre.Ellen'eutpascettechance.Caelens'assitàcôtéd'elle.Leursdeux jambesétaientsiprochesqu'ellesentaitsacuissecontrelasienne.

Décidantqu'ilseraitmalvenudeprendresesdistancesavec lui,ellepréféra l'ignorer.Sonattituden'avaitrienquedetrèsnaturelàprésentqu'ilsétaientmariés.

Ellefaillittrahirsasurpriseencomprenantd'uncoupcequecelasignifiait.Ilallaitfairevaloirsesdroits.Laprochainenuitseraitleurnuitdenoces...avecdéflorationobligatoire-toutesceschosesdontlesfemmesriaientensecachantsousleurmainlorsqueleshommesn'étaientpaslà.

LeproblèmeétaitqueRionnaavaitpassésontempsencompagniedeshommesetqu'ellen'avaitdesavieéchangédeconfidencesintimesavecsessemblables.Keeleyavaitétéséparéed'elledèsleplusjeuneâge,bienavantquetoutesdeuxaientpus'intéresseràcessujets.

Laseuleidéede...s'accouplerluidonnaitlanausée.

Bien sûr, elle pouvait chercher à se renseigner auprès deMairin ou de l'une des femmes du clanMcCabe.Toutess'étaientmontréestrèsbiendisposéesenverselle.Maisl'idéed'admettredevantellesàquelpointelleétaitignoranteenlamatièreluidonnaitenviedesecachersouslatable.

Rionna était capable demanier une épéemieux que beaucoup d'hommes, elle savait se battre, se

montrerintraitablelorsqu'onlaprovoquait,elleétaitd'uneconstitutionsolideetnes'évanouissaitpasàlavuedusang,maiselleignoraittoutdeschosesquemarietfemmefaisaientdansunlit.

—Allez-vousenfinvousdécideràmanger?lançaCaelen,latirantdesespensées.

Elles'aperçutalorsquelanourritureétaitservie.Sonmariluiavaitchoisiunepiècedeviandedechoix.

—Oui,murmura-t-elle.

Ilétaitvraiqu'àlaréflexion,elleétaitaffamée.

—Préférez-vousdelabièreoudel'eau?reprit-il.Ellen'étaitpashabituéeàboiredel'alcool,maisenunjourtelquecelui-ci,labièreétaittoutindiquée.

—Bière,répondit-elle.

Illuiservitungobeletqu'elles'apprêtaàsaisirmais,àsagrandesurprise,illaprécédaenygoûtantlui-même.

—Pasempoisonnée,décréta-t-il.

Rionnaledévisageaitavecdegrandsyeux,incrédule.

—Mais...etsiellel'avaitété?

Illuicaressabrièvementlajoue.C'étaitlepremiergestetendrequ'ilavaitpourelle.

—Alorsvousauriezétéépargnée,répliqua-t-il.Unetelletraîtriseadéjàfaillioccasionnerunemortdansnotreclan.Jeneveuxpasrisquerqu'ilyenaituneautre.

Salogiqueluiéchappait.

—C'estridicule!protesta-t-elle.Pensez-vousvraimentqu'ilauraitmieuxvaluquevousmouriez?

—Rionna...jeviensdeprononcerdesvœuxsacrésparlesquelsjemesuisengagéàdonnermaviepour protéger la vôtre et celle de nos futurs enfants. Il y a parmi nous un traître qui a déjà failliempoisonnerEwan.Aprésentquenoussommesmariés,quelmeilleurmoyend'empêcherl'allianceentrenosdeuxclansquedevoustuer?

—Moi...ouvous,jugea-t-elleutiledepréciser.

—Oui,c'estunepossibilité.MaissilaseulehéritièreduclanMcDonalddisparaît,c'estceclanlui-mêmequis'effondreraetDuncanCameronn'auraplusqu'àsebaisserpourleramassertelunfruitmûr.Vousêtesaucœurdecettealliance,Rionna.Tout reposesurvosépaules,et jevousgarantisquevousn'aurezpaslapartiefacile.

—Certes,reconnut-elle.Jenemesuisjamaisattendueàautrechose.

Caelenfitroulerlegobeletentresesdoigts,puisilleportadoucementauxlèvresdeRionna,commetoutmariattentionnéleferaitpoursonaiméelejourdeleursnoces.

—Buvez,dit-il.Vousparaissezépuisée,àcran.Buvezet tentezdevousdétendre.Nousavonsunlongaprès-mididevantnous...

Encela,ilnementaitpas.

Assiseàsatable,Rionnadutstoïquementsupporterlesmultiplestoastsquifurentportés.IlyeneutpourlesMcCabe,puispourlanouvellehéritièreduclan.EwanetMairinétaientlesfiersparentsd'unepetitefillequiavaittrouvédanssacorbeilledenaissancelesplusvastesetrichesdomainesd'Ecosse.

Onportaensuiteuntoastàlasantéd'Alaric,etsurtoutdeKeeley.Pourfinir,lestoastsàl'occasiondumariagedeCaelenetRionnapurentcommencer.

A unmoment, ils dégénérèrent en ricanements salaces, censés honorer les prouesses sexuelles dujeunemarié. Deux lairds lancèrent même un pari pour déterminer à quelle échéance la mariée seraitenceinte.

Rionna commençait à avoir dumal à garder les yeux ouverts, et elle n’était pas certaine que lalongueurdubanquet fût seuleencause.Songobeletavaitété rempliàdenombreuses reprises.Elle levidaitmécaniquement,préférantignorerlesprotestationsdesonventreetlevertigequilagagnait.

Le lairdMcCabe avait décrété qu'endépit des nombreuxproblèmes à régler et des décisions quidevaientêtreprises,lajournéeseraitconsacréeàlacélébrationdumariagedesonfrère.

RionnasoupçonnaitMairind'avoirinfluencésonépouxencesens,cequiluiparaissaitbieninutile.Desonpointdevue,iln'yavaitrienàcélébrer.

Ducoindel'œil,ellevitCaelenserasseoirethouspillerl'undesMcCabequivenaitdes'enprendreàluidemanièregrossièreenmettantencausesavirilité.Saisieparunfrisson,Rionnapréféraignorerletroublequel'allusiongrivoiseavaitéveilléenelle.

Après avoir avalé une nouvelle rasade de bière, elle reposa le gobelet sur la table avec unclaquementsecquilafitgrimacer.Personneneparutrienremarquer.Pourtant,lebruitluiavaitsembléassourdissant.

Elle eut l'impression que la nourriture posée devant elle ondulait sous ses yeux, et l'idée de lamangerluiretournal'estomac.

— Rionna ? Quelque chose ne va pas ? L'inquiétude manifestée par Mairin la tira de son étatnauséeux.Redressantlatête,Rionnalaregardad'unaircoupableetclignadesyeuxquandellelavitsedédoublersoudaindevantelle.

—J'aimeraisvoirKeeley,lâcha-t-elledansunsouffle.

Silafemmedulairdtrouvabizarrequelajeunemariéepuisseavoirenvied'unetellevisiteaubeaumilieudesonbanquetdenoces,ellen'enmontrarien.

—Jevaisvousaccompagner,dit-elle.

Rionnapoussaunsoupirdesoulagementettentadeseleverdesonsiège.LamaindeCaelen,enserefermantsursonpoignet,l'enempêcha.

— Puisqu'elle n'a pu être des nôtres, expliqua-t-elle, j'aimerais aller rendre une petite visite àKeeley.Avecvotrepermission,bienentendu.

Elleavaitfaillis'étranglersurcesderniersmots.Sonmariladévisageabrièvement.

—Allez-y!grogna-t-ilenlalâchant.

Enallants'excuserdesonabsenceauprèsdu laird,Rionnasentitsanauséerevenir.Qu'ellepuisseêtremariéeetenpositionderendrecomptedesesmoindresfaitsetgestes,avaitdequoiluisouleverlecœur.

Lesmainstremblantes,ellesuivitMairinjusqu'àl'escalier,qu'ellesgravirentavecl'undeshommesd'Ewansurleurstalons.Lafemmedulairdneserendaitnullepartsansescorte.

Devrait-elle s'habituer, elle aussi, à êtremenéepar labride, ànepouvoir faireunpas sansavoirquelqu'unsurledos?Cetteseuleidéelafaisaitsuffoquerderage.

UnefoisdevantlaportedeKeeley,Mairinycognadoucement.Alaric,quivintleurouvrir,échangeaàmi-voixquelquesmotsavecsabelle-sœur,avantd'acquiescerd'unhochementdetête.

—Nevousattardezpastrop,lesprévint-il.Ellesefatiguefacilement.

Enobservantceluiquiavaitfailliêtresonmari,Rionnaneputs'empêcherdefairelacomparaisonavecsonplusjeunefrère,quil'étaitdevenucejour-là.

Tousdeuxétaientdefiersguerriers,maisAlaricétaitmoins...froidqueCaelen,moins...indifférent.Sonnouvelépouxavaitdansleregardquelquechosequilamettaitmalàl'aise.Ensaprésence,ellesesentaitaussidémuniequ'uneproiefaceàunprédateur.

—Rionna...lasaluaAlaricavecunhochementdetête.Toutesmesfélicitationspourvotremariage.

Unecertaineculpabilitévoilaitencoresonregard.Quantàelle,Rionnane luienvoulaitvraimentpasqu'iln'aitpasvoulul'épouser.

—Merci,murmura-t-elle.

Elleattenditqu'AlaricsoitsortipourentreràlasuitedeMairindanslachambredeKeeley.

Celle-ci reposaitsurson lit,caléecontreuneabondanced'oreillers, levisagepâle,marquépar lafatigue.Pourtant,quandleursregardssecroisèrent,elleparvintàluisourirefaiblement.

—Jesuisdésoléed'avoirratétonmariage,dit-elle.Rionnaluirenditsonsourireetallasepercherauborddesonlit,enprenantgardeànepasluioccasionnerdesouffrancesupplémentaire.

—Tun'asrienraté,assura-t-elleenprenantsamaindanslasienne.C'estàpeinesijem'ensouviensmoi-même.

Unriresecouasonamie,viteinterrompuparunegrimacededouleur.

— Il fallait que je te voie, reprit Rionna sur le ton de la confidence. Il y a quelque chose... Jevoudraisunconseil.

LesyeuxdeKeeleys'agrandirentsousl'effetdelasurprise.EllecherchaleregarddeMairin.

—Biensûr...répondit-elle.Faut-ilquenoussoyonsseules?J'aitouteconfianceenMairin.

Rionnajetapar-dessussonépauleuncoupd'œilhésitantàl'intéressée,quisuggéra:

— Je pourrais descendre nous chercher un peu de bière. Cela vous donnerait le temps de parlerlibrement.

—Inutile,ditRionnaensoupirant.J'auraipeut-êtreégalementbesoindevosconseils.Keeleyestunejeunemariée,aprèstout.

Tandisquel'intéresséerougissaitdemanièrecharmante,Mairinsemitàrireetconclut:

—Jevaischargerquelqu'und'autred'allerchercherdelabière,danscecas.Etvousavezmaparolequeriendecequisediraicinepasseraleseuildecettechambre.

RionnaadressaunsourirereconnaissantàMairin,quiallaàlaporteéchangerquelquesmotsavecGannon,celuiquesonmariavaitchargédesaprotection.Rionnaenprofitapourdemandertoutbasàsonamie:

—Tuessûrequ'onn'entendpasàtraverslaporte?

—Jepeuxtel'assurer,répliquaKeeley,amusée.Aprésent,dequelmystèrevoulais-tum'entretenir?

RionnaattenditqueMairin lesait rejointes.Avec l'impressiond'être laplus idiotedes femmesdedevoirconfiersonignorance.

—C'estausujetdecequisepasse...danslelitconjugal.

L'expressiondeMairinsefitplusdouce.Toutetraced'amusementdisparutdesesyeux.EllecouvritlamaindeRionnaetexpliqua:

—Jedoisvousavouerqu'ilyapeu,jemesuisretrouvéedanslamêmepositionquevous.J'aidûallerdemanderconseilàquelquesaînéesduclan.Ellesm'ontbienouvertlesyeux,croyez-moi...

—Oui,moidemême,renchéritKeeley.Aucunedenoustroisn'aeudemèrepourlaguider.

Lançantunregardd'excuseàRionna,elles'empressad'ajouter:

—Dumoins,jeprésumequetamèren'ajamaisdiscutédesujetsaussidélicatsavectoi.

UnricanementcaustiqueéchappaàRionnaquiconfia:

—Elleadésespérédemoidèsl'instantoùmesseinsontcommencéàpousser.

—Tesseinsontpoussé?s'étonnaKeeleyenarquantunsourcil.

Rionna rougit etbaissa lesyeux sur sapoitrine.Si sonamieavaitpu savoir cequi se cachait là-dessous...Sonmariledécouvriraitbienassezvite,àmoinsqu'ellenetrouveunmoyenpourconsommerleurunionennequittantpassesvêtements.

Avecunsourireconfiant,Mairinassura:

—Cen'estpassidifficile,voussavez.Cesontleshommesquifonttout...dumoinsaudébut.Unefoisquevousserezhabituée,vouspourrezprendredesinitiativesetfaire...toutessortesdechoses.

—Alaricestformidableaulit!commentaKeeleyavecunsoupirrêveur.

LesjouesdeMairinsecolorèrent.

—Jedoisavouerquej'aid'abordcruqu'Ewann'étaitpastrèsexpérimenté.Notrenuitdenocesaétéécourtée par le fait que les armées deDuncanCameron fondaient sur nous.Une occasionmanquee àlaquelle Ewan s'est fait un devoir de remédier ensuite. Et avec de très satisfaisants résultats, je doisdire...

En écoutant les deux jeunes femmes, Rionna sentit elle aussi ses joues s'échauffer. Leurs regardss'étaientfaitsrêveursdèsqu'ellesavaientmentionnéleursépoux.EllenepouvaitimagineravoirunjourpareilleréactionenévoquantCaelen.Difficiled'idéaliserquelqu'unquiluisemblaittellement...sévère.

Quelquescoupsfrappésà laporte interrompirent leurdiscussion.ApeineMairineut-elleréponduquesongardeducorpsentradanslapièce,unemoueréprobatricesurlevisage.

—Merci, Gannon... dit-elle en le regardant déposer sur une petite table un pot en terre et desgobelets.Tupeuxnouslaisser,maintenant.

Ilmanifestasonmécontentementparunegrimace,maissortitsansprotester.ÉtonnédevoirMairinsupporteruntelcomportement,Rionnaluilançaunregardinterrogateur.Mairinsouritd'unairmutinenfaisantleservice:

—Ilestimequenousenprenonsànotreaiseetcelalemetencolèredenepouvoirs'yopposer.

ElletenditàRionnaungobelet.Enacceptantlesien,Keeleycommenta:

—Voilàquivaendormirladouleur...

—Désoléedetedéranger,s'excusaRionna.Veux-tuqu'ons'enaille?Jem'envoudraisdetecauserlamoindresouffrancesupplémentaire.

Keeleypritletempsdesirotersabièreetdeserenfoncerdanssesoreillersavecunsoupir,avantdeprotester:

—Surtoutpas!Jevaisdevenirfolleàresterséquestréedansmachambre.Etnousdevonsapaisertescraintesconcernantlanuitdenoces.

Rionnavidasongobeletd'untraitetletenditàMairinpourqu'elleleremplisseànouveau.Quelquechoseluidisaitqu'ellen'allaitpasaimercequiallaitsuivre.

—Iln'yarienàcraindre,assuraMairin.JenedoutepasqueCaelenprendragrandsoindevous.

Aprèsavoirfroncélenez,ellepoursuivit:

—Estimez-vousheureusequ'unearméenesoitpaslancéeàvostrousses.Jenevousmentiraipas:jen'aipasungrandsouvenirdemanuitdenoces.

Rionnasentitlesangrefluerdesonvisage.

—Tais-toidonc!grondaKeeley.Tunel'aidespas.MairintapotagentimentlamaindeRionna:

—Toutsepasserabien,vousverrez.

—Mais...quedevrai-jefaire,aujuste?

—Quesais-tudecequetudevrasfaire,aujuste?demandaKeeley.Commençonsparlà...

Rionnafermalesyeuxpourmasquersadétresseetvidasongobelet.

—Rien,avoua-t-elle.

—Oh,monDieu ! s'exclamaMairin. Il est vrai que j'étais ignorante,mais les nonnes à l'abbayem'avaienttoutdemêmedégrossieunpeu.

—TudevraisavouerhonnêtementtescraintesàCaelen,suggéraKeeley.S'ilestàmoitiéaussidouéqu'Alaric,ilneprendrapassonplaisirsanstedonnerletien.

Cette fanfaronnade suscita un petit rire nerveux de la part deMairin.Rionna tendit son gobelet àremplir.

La dernière chose dont elle avait envie, c'était de parler à Caelen de ses craintes de viergeinexpérimentée.Sansdouteallait-il lui rireaunezou,pireencore, lui lancerce regardqui luidonnaitl'impressiond'êtretotalementinsignifiante.

—Ça faitmal ? demanda-t-elle, la gorge serrée.Mairin plissa les lèvres et se plongea dans sesréflexions.Keeleyfronçalessourcilsd'unairennuyé.

—Ilestvraiqueçan'ariend'excessivementplaisant,dit-elleenfin.Audébut.Maisladouleurpasserapidementsil'hommeestdoué.Etàlafin...celadevientmerveilleux.

Mairinlançaunrirestridentetrenchérit:

—Encoreunefois,tantquevousn'avezpasunearméequivousfoncedessus.

—Oh!Assezavectonarmée!s'énervaKeeley.Ilsn'ontaucunearméeauxtrousses...D'accord?

Lesdeux femmes sedévisagèrent unmoment, puis éclatèrent de rire, jusqu'à ceque lablessée selaisseallercontresesoreillers.Rionna les regardaavec inquiétude.Elleétaitdemoinsenmoinssûred'avoirlaforcedeseplieràceritueldelanuitdenoces.

Unbâillement retentissant lui échappa, et elle eut la surprise de voir la pièce semettre à tournerautour d'elle. Sa tête lui donnait l'impression de peser lourdement, et ses jambes semblaient ne plusvouloirlaporter.

Auprixd'ungroseffort,elleparvintàseleveretàmarcbervers laporte,dégoûtéeparsaproprecouardise.Qu'est-cequiluiprenaitdeseconduireainsi,commeune...commeune...ehbien...commeunefemme?

Enseretrouvantdevant lafenêtreaulieudelaportequ'elleavaiteueenlignedemire,Rionnasesentitplusperplexeencore.Unesautedeventglacée,soulevantlerideaudefourrures,vintluifouetterlevisage.

—Faitesattention...murmuraMairinàsonoreille,enl'attrapantparlescoudes.

Rionnaselaissaguiderjusqu'àunfauteuilinstallédansuncoindelapièce.

—Peut-êtrevaut-ilmieuxquevousvousreposiezunmomentici,conseillaMairin.Vousn'êtespasenétatdedescendrecetescalier.

Rionna hochamollement la tête.Effectivement, elle se sentait un peu bizarre. Il valait sans doutemieuxqu'elleattendequelapiècecessedetournerautourd'elle...

Caelenlançaunregardendirectiondel'escalierpourcequiluisemblaitêtrelacentièmefois.Ewanperdaitpatience,luiaussi.CelafaisaitlongtempsqueRionnaetMairins'étaientabsentées.Lanuitétaitdéjàavancéeetilétaitpresséd'entermineraveccescélébrationsquin'avaientdefêtequelenom.

Safemmes'étaitmontréeraideetdistanteduranttoutelacérémonieetensuite,elles'étaitmuréedansunsilencehautainpendantquelesconvivesfestoyaientautourd'elle.

S'ilfallaitenjugerparsonattitude,Rionnaétaitencoremoinsenthousiasméequeluiparcetteunion,mais leurs réticences importaient peu. L'un comme l'autre, ils se trouvaient contraints par le sens dudevoir.Etpourl'heure,ledevoirdeCaelenconsistaitàconsommersonmariage.

Le brusque accès de désir que cette perspective suscita en lui le laissa perplexe. Cela faisaitlongtempsque lescharmesd'unefemmene l'avaientpasfait réagirainsi.CetteattirancephysiquepourRionnas'étaitmanifestéedèslepremierjouroùilavaitposélesyeuxsurelle.

Parcequ'elle l'incitait à convoiter lapromisede son frère, sa réaction lui avait fait honte. Il étaitdéloyaletirrespectueuxd'entretenirdetellesenvies.

Maisilavaiteubeausemorigéner,celan'avaitrienchangéaufaitquedèsqu'ellesetrouvaitdanslamêmepiècequelui,soncorpsletrahissait.

Etàprésent,Rionnaétaitàlui...

Unefoisencore, il jetauncoupd'œilà l'escalier,avantd'adresseràEwanunregardéloquent.Letempsétaitvenud'allerrécupérersafemmeetdel'emmeneraulit.

Aprèsavoirhochélatête,sonfrèreseleva.Leroiétaitencoreentraindes'amuser,maispeuleurimportait. En quelquesmots,Ewan annonça que les festivités touchaient à leur fin et que chacun étaitinvitéàallerdormir.

Au petit matin, tous se retrouveraient et les palabres débuteraient. Ewan avait un patrimoine àrécupérer pour le compte de sa fille, et pour ce faire une guerre devait être menée contre DuncanCameron.

Caelensuivitsonfrèreàl'étageoùilsretrouvèrentGannon.

—LadyMcCabearegagnésachambre,annonçacelui-ciàEwan.Ilyaàpeuprèsuneheure,quandlebébés'estréveillépoursatétée.

—Etmafemme?demandaCaelen.

—ToujoursavecKeeley.Alaricatrouvérefugedansl'anciennechambredesonépouse,maisilperdpatienceetvoudraitbienlaretrouver.

—Tupeux luidirequeRionna serapartiedans laminute,déclaraCaelenen sedirigeantvers laporte.

Uniquementparcequ'ilnevoulaitpasalarmerKeeley,ilserésignaàs'annoncer.Cefutàpeines'ill'entendit lui répondre, et quand il entra, il la découvrit effondrée sur ses oreillers, à deux doigts deglisserhorsdulit.

Caelenseprécipitaàsonchevet.Descernessombresmarquaientsesyeuxfatigués,etellegrognadedouleurlorsqu'ill'aidaàseredresser.

—Désolé,marmonna-t-il.

—Cen'estrien,assura-t-elleavecunsourirecrispé.

—JesuisvenuchercherRionna.

Il se rembrunitendécouvrantqu'apparemmentellenese trouvaitpasdans lapièce.D'unsignedetête,Keeleydésignalecoinleplussombre:

—Ellesereposelà-bas.

Caelenpivotasursestalonsetdécouvritsafemmeavachiedansunfauteuil.Profondémentendormie,elleavaitlatêterejetéeenarrièreetlaboucheouverte.Surunetable,ilavisaunepintedebièreettroisgobelets.Uneinspectionpluspousséeluiconfirmasesdoutes:lapinteétaitvide.

D'unairsoupçonneux,ilsetournaversKeeley,quiavaittouteslespeinesdumondeàgarderlesyeux

ouverts.Enreportantsonattentionsursafemmequin'avaitpasbougéd'unpouce,ilseremémoratoutelabièrequ'elleavaitbueàtable,alorsqu'ellen'avaitquasimentrienmangé.

—Vousêtessoûles!lança-t-ild'untonaccusateur.

—Peut-êtreunpeu,marmonnaKeeley.

Caelengrimaça,dépité.Cesfemmesn'avaientdoncriendanslatête?

Ilsedirigeaitd'unbonpasversRionnalorsquelasuppliquedeKeeleylefigeasurplace:

—Caelen...soisgentilavecelle.Elleesteffrayée.Lentement,ilpivota.

—C'estdonclacausedetoutça?Elles'estsoûléeparcequ'elleapeurdemoi?

Keeleysecouanégativementlatête.

—Pas de toi précisément, rectifia-t-elle.Enfin... il doit y avoir quandmêmeun peude ça.Maisvois-tu...sielleasipeur...c'estqu'elleestignorantede...

Sansfinirsaphrase,Keeleys'empourpraviolemment.

—Je comprends ceque tuveuxdire, assuraCaelen rudement.N'enprendspasombrage,Keeley,maiscetteaffaireneregardequemafemmeetmoi.Jevaisl'emmener,àprésent.Quantàtoi,tudevraistereposer,plutôtquedeboiredesquantitésdéraisonnablesdebière.

—Personnenet'ajamaissuggéréd'êtreunpeumoinsrigide,danslavie?grommela-t-elle.

Sansluirépondre,Caelenglissaunbrassouslesépaulesdesafemme,l'autresoussesgenoux.Cefutsanslamoindredifficultéqu'illasouleva.Ellenepesaitquasimentrienet,àsagrandesurprise,ilaimaitlasentirdanssesbras.Laporterétaitplutôt...agréable.

Arrivé devant la porte, il aboya à Gannon qui se trouvait de l'autre côté l'ordre de lui ouvrir.Rapidement,celui-cis'exécutaet,danslecorridor,CaelenretrouvaAlaric.

—Occupe-toi de ta propre femme ! conseilla-t-il en réponse au regard inquisiteur que son frèrelançaitàRionna.Elleestdanslesvapes,elleaussi.

—Quoi!s'étrangla-t-il.

Caelenl'ignoraetpoursuivitsaroutejusqu'àsachambre,dontilrepoussalaporteentrouverteavecl'épaule.Endouceur,ildéposasachargesurlelitetreculad'unpaspourobserversafemmeendormie.

Ainsi,songea-t-il,l'indomptableguerrièreétaitterrifiée.Etpourluiéchapper,ellen'avaitrientrouvédemieuxquedes'abrutirdanslesvapeursdel'alcool.Cen'étaitpaspourleflatter,maissansdoutenepouvait-ill'enblâmer.Iln'avaitpasété...ehbien,ilyavaitbeaucoupdechosesqu'iln'avaitpasétéavecelle.

Secouantlatête,ilentrepritdeluiôtersesvêtements,neluilaissantquesesdessous.Etsisesmains

tremblèrentcefaisant,ils'ingéniaànepasypenser.

Ilnepouvaitvoirsesseins,maiselleétaitunefemmeélancéequinepouvaitavoirunefortepoitrine.Soncorpsétaitminceettonique.

Ildutluttercontrel'enviedereleversachemise,petitàpetit,jusqu'àcequesoncorpssoitnusoussesyeux.N'était-cepassondroit,aprèstout?Rionnaétaitsafemme.

Pourtant,ilneputserésoudreàlefaire.

Ilauraitpuégalementlaréveilleretexigerqu'elleaccomplissesondevoirconjugal,maisl'envieletenaillaitsoudaindelireaufonddesesyeuxundésircomparableausien.Ilvoulaitentendresescrisdeplaisirémerveillés,nonlesplaintesd'unefemmeapeurée.

En souriant, Caelen se déshabilla à son tour. Le lendemain, elle aurait une migraine de tous lesdiables,etelleseraitincapabledesesouvenirdecequis'étaitpassé.

Saconscienceleforçaitàattendrequ'ellesoitprêteàselivreràlui,maiscelanesignifiaitpaspourautantqu'elledevaitlesavoirtoutdesuite.

Il se glissa dans le lit à côté d'elle et tira les fourrures sur eux.Aussitôt, l'odeur des cheveuxdeRionnaluititillalesnarinesetsachaleursecommuniquaàlui.

Marmonnantunjuron,ilsetournasurlecôtépourneplusluifaireface.

Ilouvritdesyeuxrondsenl'entendantderrièreluimarmonnerquelquechosedanssonsommeil.Etensentantcecorpsauxcourbesfémininesseblottirétroitementcontrelui,Caelendevinaquelanuitseraittrès,trèslongue.

2Quelquechose-ouquelqu'un?-étaitassissurlatêtedeRionna.Ellegémitsourdementettentade

chasserdelamaincequilagênait,maisnerencontraquelevide.

Étonnée,elleseforçaàouvrir lespaupières...et leregrettaaussitôt.Bienqu'il fîtencorenuit,sesyeuxlabrûlaient.

Bientôt,d'autresélémentssesignalèrentàelle.Parexemple,cecorpssichaud,siferme,quireposaittoutàcôtédusien,oulefaitqu'ellen'avaitsurellequesessous-vêtements.

D'elle-même, sa main s'envola jusqu'à sa poitrine. Elle fut rassurée de sentir sous ses doigts lebandagede linqui luicomprimait lesseins.S'ilétait toujoursenplace,celasignifiaitquesonmarines'étaitpasmontrétropintrusif.

Maisàquoibons'eninquiéter,puisqu'ilétaitdetoutefaçondestinéàsavoiràquois'entenir?

Rionnaeutbeau fouiller samémoire,ellen'ydécouvritpas lepluspetit souvenirdecequi s'étaitpasséentreeuxcettenuit-là.Ladernièrechosequ'ellese rappelait,c'étaitdes'être tenue,chancelante,devantlafenêtredeKeeley.

Etvoilàque,sanstransition,elleseretrouvaitaulitavecCaelen.

Pouvait-on considérer le mariage comme consommé, si l'épouse n'en gardait aucun souvenir ?N'aurait-ellepasdûêtre,aumoins,unpeuplusdévêtue?KeeleyetMairinn'étaientpasentréesdanscesdétails.Rionnasongeaquesiellenegardaitaucunsouvenirde...lachose,c'étaitparcequ'ellen'avaitpuêtretraumatisante,aprèstout.

Unsentimentdehonteluiempourpralesjoues.Etsi,sanslesavoir,elles'étaitconduitecommeunecatin?Etsi,aucontraire,ellel'avaitdéçu?Oupeut-être-pireencore-sonmanqued'expériencel'avait-ildégoûté?

Faisantfidelamigrainequiluivrillaitlecrâneetdelanauséequiluiretournaitl'estomac,Rionnaseleva,frissonnantsouslamorsuredufroid.LaprésencedeCaelenavaitsuffiàrépandredanslelitunedoucechaleur.

Dieu merci, elle n'avait pas eu l'occasion de le voir, mais leur proximité lui avait permis decomprendre qu'il ne portait pas grand-chose sur lui. Peut-être même... Peut-être même dormait-ilcomplètementnu?

Rionna se sentit partagée entre le désir de quitter cette pièce le plus vite possible et celui desuccomberaubesoinabsurded'allerjeteruncoupd'œilsouslesfourrures.

Cedilemmel'amenaàprendreconsciencequ'ellesetrouvaitdanslachambredeCaelen,pasdanscellequ'onluiavaitfournieentantqu'invitée.

Puiselletrébuchasursarobedemariéenégligemmentabandonnéesurlesol,etsaconfusionatteignitdenouveauxsommets.S'était-elledéshabilléeelle-même,ous'enétait-ilchargé?

Ramassantlevêtement,ellelepassarapidementavantd'allerentrouvrirlaportepourjeteruncoupd'œildanslecorridor.Encoreéclairépardeschandelles,celui-ciparaissaitvide.

Rionnafonçajusqu'àsachambre,oùellesedébarrassadesarobeetenfila lesvêtements lesplusconfortablesqu'elleputtrouver:unpantalonchaud,unetuniqueusée,desbottesencuir.Àprésent,elleavait grand besoin de se rafraîchir les idées. Et pour cela, en dépit de son horriblemigraine, elle neconnaissaitqu'unmoyen.

Ens'éveillant,Caelendécouvritsonlitvideetsespartiesintimesexposéesauxcourantsd'air.Aprèsavoir rabattu les fourrures sur lui en jurant tout bas, il laissa son regard courir dans la pièce, à larecherchedesafemme.

Nepas l'ydécouvrir l'irritadavantageencore.Oùqu'ilse trouve, ilétait toujours lepremier levé.MêmeEwan,quisecouchaittardetselevaittôt,neleprécédaitjamais.

Il en était venu à apprécier ce temps de solitude. Pendant que le reste du château dormait, ilcommençaitsajournée,parfoisennageantdansleloch,laplupartdutempsens'exerçantaucombat.

Aprèsavoirécartélesfourrures,ilselevad'unbond.Nusurlesdallesglacées,ils'étiraetlaissalafraîcheurdupetitmatinleréveiller.Sonsangseruadanssesveines,dissipantlesdernièresbrumesdusommeil.

Versantl'eaudubrocdanslacuvette,ils'aspergealevisagepuisserinçalaboucheenréfléchissantàla situation. Soit sa flemme était mortifiée, soit elle lui envoyait un message clair sur sa façond'appréhenderleurmariage.Danslesdeuxcas,illuifallaitmettreleschosesaupoint.Ildevaitsignifieràsanouvelleépousesafaçondepenser.Dèsqu'ill'auraitretrouvée...

Aprèss'êtrehabillé,Caelenseglissadanslecorridor.Entempsnormal,ilneseseraitpasdonnélapeined'êtrediscret,maislaprésenceduroietlecouchertardifdetoutel'assembléel'incitèrentàfairelemoinsdebruitpossible.Deplus, ilnetenaitpasspécialementàcequetout lemondeapprennequesafemmeavaitdésertésonlit.

En s'arrêtant devant sa porte, il se renfrogna et renonça à s'annoncer. Au diable les politesses !Vivement,ilouvritlaporte,maisnetrouvadel'autrecôtéquelefroidetl'obscurité.Aucuneflammenebrillaitdansl'âtre.

Lelitn'étaitpasdéfaitetildistinguasurunechaiselarobequ'illuiavaitenlevéelaveille.Oùavait-ellepualler?

Unsoupçonsefitjourenlui,quiluitorditleventre.Safemmen'auraittoutdemêmepaseul'audacede quitter le lit conjugal pour celui d'un amant la nuit de ses noces ?Quelle autre raison aurait pu lapousseràs'éclipserainsi,alorsquelejourn'étaitpaslevé?

Peut-êtreavait-elleeuunproblème?Mais,danscecas,elleauraitdûleréveiller.

Plusilyréfléchissait,pluslacolèreflambaitenlui.Devieillestrahisonslehantaientencore.

Ilétaitdifficiled'effacercequ'Elsepethavaitfait,changeantladestinéeduclanMcCabe.Lemariageauquelilavaitdûconsentirétaitlaconséquencedirectedecettetrahison.C'étaitainsiqu'ilavaitcherchéàremédierauxfoliesdesajeunesse.Ilyavaitunprixàpayerquandonlaissaitsesémotionsprendrelepassurlaraison.

Pendant des années, son clan avait lutté pour survivre face à Duncan Cameron. Il n'y avait quequelquesmois,grâceaumariaged'EwanavecMairinsuividelanaissanced'Isabel,quelasituationavaitcommencéàs'améliorerpourlessiens.

Mais qu'il n'ait eu d'autre choix que d'épouserRionnaMcDonald ne l'obligeait pas pour autant àaccepterquesafemmelefassecocu,ouqu'elleéchappeàtoutcontrôle.

Quecelaluiplaiseounon,ilétaitàprésentsonseigneuretmaître.

Un faible bruit d'épées s'entrechoquant attira soudain son attention en direction de la fenêtre.Haussantunsourcil,ilallasouleverlesfourruresbarrantcelle-ci.LachambredeRionnadonnaitsurlacourduchâteau,maisquipouvaits'yentraîneràcetteheure-ci?

Penchéau-dessusde l'appui, ildécouvrit encontrebasuncerclede torchesaucentreduqueldeuxhommescroisaientfurieusementlefer.S'ilsnesecalmaientpas,l'undecesdeuxfousallaitylaissersapeau.Alorsqueleplusenragédesdeuxfaisaitvolte-face,Caelenvitunemèchedecheveuxblondsvoler,découvrantuneboucheéminemmentfémininecrispéeparlaconcentration.

Bonsang!

L'undesdeuxfousétaitunefemme-safemme!

Laissant retomber le rideau de fourrures, il se rua hors de la chambre et dévala l'escalier. Endébarquantentrombedanslagrandesalle,ilvitCormacsejoindreàluietallongerlepaspourlesuivre.

—Savais-tuqueRionnas'entraînedehorsàl'épée?demandaCaelend'unevoixgrondante.

LesyeuxdeCormacs'agrandirentsousl'effetdelasurprise.Ilparuttoutpenaud.

—Non,répondit-il.Jeviensjustedemelever.

—Serais-tuentraindet'amollir?répliquaCaelenenluilançantunregarddedégoût.

UnpetitsourireourlaleslèvresdeCormac.

—Non,répéta-t-ilsansseformaliser.Maisàprésentquej'aiunefemmedouceetchaudedansmonlitchaquenuit,ilmedevientplusdifficiledelequitter.

Acela,Caelenréponditparungrognement.

—Labonnequestionàposer,enchaînaCormac,seraitdesedemanderpourquoitafemmeesthorsdetonlitdesibonmatinlelendemaindevosnoces.Certainspourraiententirerd'intéressantesconclusions.

Caelenlegratifiad'unregardassassin.Nullementimpressionné,Cormacpoursuivit:

—Deplus,lefaitqu'elleaitlaforcedesedépenserautantpourraitlaissercroirequetun'aspas...faitcequ'ilfallait.

CespiquesmalicieusesavaientfaitnaîtreunrictusmauvaissurleslèvresdeCaelen,quimenaça:

—Crois-tuqueChristinaseformaliseraitderetrouversonmariavecquelquesdentsenmoins?

Cormacdressalesmainsdevantluienguisedereddition,maispasuninstantsonsourirenarquoisnequittaseslèvrestandisqu'ilsgagnaientl'extérieur.

Caelenaccueillit avecsoulagement labrise fraîchequi lui fouetta levisage.Elleétaitpour luiunrappelqu'ilvalaitmieuxnepasselaisserallerauconfort,nejamaisbaissersagarde.Quandleshommescommençaientàprofiterdel'existence,c'étaitledébutdeleurfin.

Unetellemésaventureneluiarriveraitpas.Ilallaityveiller.

—Elleestdouée,fitremarquerCormac.

Caelenserembrunitdavantageencoretandisqu'ilss'approchaientducercledetorches.

—Rionna!aboya-t-ilsèchement.

Safemmetournalatêteversluialorsquelalamedesonadversairefondaitsurelle-droitsursoncouexposé.

Caeleneutjusteletempsdedégainersonarmepourparerlecoupfatal.Rionnaécarquillalesyeuxendécouvrantlapointedel'épéesiprèsdesagorge.

D'unetorsiondepoignet,Caelendésarmal'autrehommeetluijetaunregardsinoirquecelui-cisehâtadebattreenretraite.

S'ils'étaitattenduàcequesafemmesoiteffrayée,honteuseoureconnaissantequ'illuiaitsauvélavie,ilenauraitétépoursesfrais.Elleétaittoutsimplementfurieuse.

Lalueurdestorchesallumaitdesrefletsdémoniaquesaufonddesesyeux.Lespoingsserrés,elleseruaversluiavecl'apparenced'unechatteenfurie.

—Maisqu'est-cequivousprend!hurla-t-elle.Vousauriezpumefairetuer!Vousignorezqu'ilnefautsurtoutpasdérangerdeuxadversairesquis'entraînentàl'épée?

Lesnarinespalpitantes,Caelenlatoisa.Commentosait-elles'adresserainsiàlui?

—Vousvousimaginezpeut-êtrequelesdistractionsn'existentpassurunchampdebataille,Rionna?Vousvousimaginezquedanslefeudel'action,personnenevouscrierajamaisdessus?Unguerriern'estfortques'ill'estdanssatête.C'estvouslaisserdistraireaucombatquipourraitvouscoûterlavie.

Elles'empourpraviolemmentetdétournaleregard,malàl'aise,l'épéeenberne.

—Jevousdéconseilleégalementdebaisservotreépée,poursuivit-ildumêmetontranchant.Quoiqu'ilarrive.Tellequevousêteslàdevantmoi,riendeplusfacilequedevouspourfendre!

Unemoueboudeusejouasurseslèvres,etelleseforçaàleregarderavantderépliquer:

—Votreleçonaporté,cherépoux.

—Vraiment?Jenelecroispas.Laleçoncommenceàpeine.Vousallezrentrerdecepasetvousnevouslivrerezplusjamaisàdetellesactivités.Mesuis-jefaitclairementcomprendre?

Elleenrestabouchebée.Sesyeuxdoréss'agrandirent,etilyvitpassercequiressemblaitàdelarage-oudel'humiliation?

—Lorsquevousvousprésenterezàtablepourlepetitdéjeuner,enchaîna-t-ilnéanmoins,vousvousrappellerezquec'estauxMcCabequevousledevez.Etvousseriezégalementinspiréedemontrerauroietaulairdlerespectquileurestdû.

Rionnaplissaleslèvres,levisagecrispé.Caelenfitunnouveaupasverselle,tantetsibienqu'ilsseretrouvèrentnezànez.Ilnel'auraitadmispourrienaumonde,maislavoirainsi,lescheveuxdéfaitsetlesjouesrougiesparl'effortetlegrandair,luiprocuraituneémotionqueseulesatuniqueretombantsursonbas-ventreluipermettaitdedissimuler.

D'ungestedelamain,illuisignifiaqu'ellepouvaitprendrecongé.Enlavoyanttournerlestalons,illuidonnalecoupdegrâce.

—Rionna,j'oubliais...Demandezqu'onvousprépareunbain.Vouspuez.

3Lerustre!Ilavaitoséprétendrequ'ellepuait!Rionnas'enfonçadanssonbain.Rienqued'ypenser,

elleavait le rougeaux joues, et les riresdeshommesqui l'avaient regardéeentrerdans le château luirésonnaientencoreauxoreilles.

Sonmaril'avaithumiliée.Ilavaitsoulignésasottise,etparsafauteelleavaitcommisl'erreurdesedéconcentrer.

Toutcequ'illuiavaitdit,ellelesavait.Rionnan'étaitpasuneidiote.Ellesedébrouillaitmieuxquebiend'autres avecuneépée,maisdès l'instantoùelle avaitpris consciencede saprésence, elle avaitperdusesmoyens.

Quelquescoupsfrappéscontresaportelatirèrentdesespensées.Elleselaissaglisserdanslacuvejusqu'àcequeseulssesyeuxetsesnarinesdépassentdel'eau.Uninstantplustard,laportes'entrebâillaetlatêtedeMaddieapparut.

—Ah,vousvoilà...lança-t-elle.Caelenpensaitquevouspourriezavoirbesoind'aide.Ilvousattenddanslagrandesalledansunedemi-heureauplustardpourlepetitdéjeuner.

Rionnafitémergersaboucheetmarmonna:

—Ilm'attend,hein?Grandbienluifasse!

—Laissez-moivousaiderpourvoscheveux,repritMaddie.Çanevapasêtreuneminceaffairedeséchertoutecettemasse.Quellemagnifiquechevelure!Ondiraituneauroresurleloch...

Lecompliment remontaquelquepeu lemoralenbernedeRionna,mêmesielle savaitàquoi s'entenir quant à sa beauté. Keeley était belle,mais elle... Certes, c'était en partie de sa faute. Dans sonenfance,ellen'avaitpasfaitlenécessairepourparaîtreplusféminine.

Aprésent,soncorpsavaitperdulesdoucesrondeursdelajeunesseetgagnéquelquesmusclesqu'unefemmen'auraitjamaisdûposséder.Elleavaitlesjambesetlesbrasfermes,lataillefine,etriennevenaitarrondirseshanches.Enfait,sasveltesseconfinaitàlamaigreur...

Tout ce qu'il y avait de féminin en elle, c'étaient ses seins, qui faisaient sondésespoir tant ils nes'harmonisaientpas au restede sapersonne.C'était la raisonpour laquelle elle lesmaintenaitbandés.Ainsi,ilsnelagênaientpasdanssesmouvementsetn'attiraientpasl'attention.

En certaines occasions, lorsque les McDonald avaient reçu des hôtes de qualité, son père avaitinsistépourqu'elleporteunetoiletteféminine.Pourcefaire,ilavaitfalluretoucherunerobedesamère,mais le corset était demeuré trop étroit, mettant si bien sa poitrine en valeur que tous les convivesmasculinsn'avaientcessédelouchersursondécolleté.

Leshommesétaienttellementridicules...Ilsuffisaitdeleurmontrerunseinpourlestransformeren

idiotsbaveurs.

Ets'ilétaitunidiotqu'ellecraignaitplusquelesautres,c'étaitbiensonmari.Aumoinspouvait-elleéchapperàsonattentiontantqu'elleparviendraitàgarderàsesyeuxuneapparenceaussipeufémininequepossible.

—Ehbien?s'impatientaMaddie.Avez-vousl'intentionderesterfigéedanscebainjusqu'àcequ'ildevienneglacé,ouallez-vousm'autoriseràvouslaverlescheveuxpournepasvousmettretropenretard?

Demauvaisegrâce,Rionnaseredressaetacquiesçad'unhochementdetête.Maddierefermalaporteetallachercherunseauprèsdelafenêtre.Quandellelarejoignitprèsdelacuve,sesyeuxs'arrondirent.

—Ehbien!Oùcachiez-vousdonctoutça?RionnabaissalesyeuxetrougitenréalisantqueMaddieobservaitsesseins.Gênéedelesvoirpointerhorsdel'eau,ellelescachasoussonbras.

—Àvotreplace,jelesmontreraisfièrement!déclaraMaddieenriant.J'enconnaisbeaucoupquisedamneraientpouravoirunepoitrinepareille...Votremarisait-illachancequ'ila?

Rionnaserenfrogna,cequifitrireMaddie.

—Jeprendsçapourun«non»,dit-elle.Alorsilestbonpourunesacréesurprise...

—S'iln'entientqu'àmoi,ilnelesverrapasdesitôt.

Maddieritdeplusbelle.EnvidantsurlatêtedeRionnalecontenudesonseau,elleassura:

—Vousnepourrezpaslesluicacheréternellement.Quandvousvousdéciderezàconsommervotreunion...

—Commentsais-tuque...

Maddiel'interrompitd'unclaquementdelangue.

—Allons,allons...Hiersoir,vousétiezaussisoûlequ'uncharretierauretourdelafoire,etcematin,paslamoindretracedesangsurvosdraps.Vousn'alleztoutdemêmepasprétendrequevousn'êtesplusvierge...

Rionnas'empourprajusqu'àlaracinedescheveux.Maddieavaitlalanguebienpendue.

—Rassurez-vous, vous avez la vie devant vous pour réchauffer le lit de votremari, conclut-elleavecassurance.Enattendant,jevousconseilledeluidonnerunaperçudecequ'ilamanquécettenuit.Salanguevatraînerjusqu'àterrequandcesseinsserontmisenvaleurcommeilsleméritent.

Rionnasecoualatêtetristementetmurmura:

—Cen'estpaslaréactiondemonmariquim'inquiète.

—Vous imaginez-vous queCaelen laisserait un autre hommemanquer de respect à son épouse ?

Allons...Vousn'avezplusàvousenfairepourça.Siunefemmenepeutsemontrersoussonmeilleurjourlelendemaindesesnoces,quandlepourra-t-elle?Ilfaudraitqu'unhommesoitsuicidairepourlorgnersurvousalorsquevotremarisetrouvedanslesparages.

—Qu'as-tuentête?s'enquitprudemmentRionna.Commençantàluisavonnerlescheveux,Maddieluiadressaunsouriremalicieux.

—Faites-moiconfiance.

Caelensentaitmontersacolèredeminuteenminute.Leroiavaitdéjàprisplaceàtablepourlepetitdéjeuner,maisilleurfallaitencoreattendrel'arrivéedeRionna.MêmeMairin,encoreaffaiblieparsonaccouchementetoccupéeparl'allaitement,étaitassiseàcôtédesonépoux.

Ils'apprêtaitàallerlui-mêmecherchersafemmelorsqu'ungrandsilencesefitdansl'assemblée.Unsilencesiabsoluqu'unfrissond'appréhensionluiremontal'échine.

Voyant que tous les regards étaient braqués dans cette direction, Caelen reporta son attention surl'entréedelasalle.Endécouvrantsonépousequivenaitd'yapparaître,sacolèrepremièrequ'ellesesoitfaitattendrecédalepasàlastupéfaction.

Iln'avaitjamaisfaitl'ombred'undoutepourluiqu'elleétaitunejoliefemme.Lacouleurdesesyeux,notamment,étaitinhabituelle.Onauraitditqu'ybrûlaitunfeud'ambreetd'or.Demêmesescheveux,quin'étaientnitoutàfaitrouxnicomplètementblonds.Leurcouleurdépendaitdelafaçondontlalumièredusoleiljouaitaveceux.

Elleauraitmêmepuêtreunetrèsbellefemme,sielleavaitcessédes'habillercommeunhommeetd'avoir plus souvent qu'à son tour le visage et les mains sales. Mais telle qu'elle lui apparaissait àprésent,cequilestupéfiaitleplus...

Bonsang!QuiauraitpuimaginerqueRionnapuisseavoirdesibeauxseins?Enlesdécouvrant,ildutravalersasalive.Auxyeuxdetous,ilétaitcenséavoirdécouvertcedélicieuxdétaillanuitdernière,enconsommantleurmariage.

Maiscommentavait-ellefaitpourdissimulercesappas?

Etsurtout,pourquoil'avait-ellefait?

Lajolierobequ'elleavaitrevêtueluisemblafamilière.Enjetantuncoupd'œildansladirectiondeMairin, il réalisaquec'était l'unedessiennes.Surelle, l'effetétaitdéjàsaisissant,maissurRionna, ilétaitspectaculaire...

Ainsivêtue,elleparaissait...délicate.Unqualificatif,laconcernant,quineluiseraitjamaisvenuàl'esprit.Ellesemblaitmêmed'unefragilitééminemmentféminine.Sachevelureavaitétérassembléeausommetdesoncrâne,etdesmèchesglissaientlelongdesoncoucommedescouléesdesoleil.

Plus frappant encore était le manque de confiance qu'elle affichait. Sourcils froncés, Caelendévisageasapetiteguerrière,intrigué.Cellequ'ilconnaissaitseseraitlaissétrancherlagorgeplutôtquedemontrersapeur.

Pourtant, par deux fois enmoins d'un jour, il l'avait vue trahir une certaine angoisse qui lui avaitdonnéenviedetoutfairepourlaprotéger,pourlarassurer,ycomprisleschoseslesplusfolles.

Commeparexemplederesterallongétoutelanuitcontreelle,sansbouger,parcraintedel'effrayerenluiprenantsonhymen.

Ilenaurait ricanédedégoûtenvers lui-même.De toutes leschosesstupidesqu'il sesentaitprêtàfairepourelle,celle-ciétaitprobablement lapire.Siseshommes l'avaientappris, ilsseseraientbienmoquésdelui.

C'étaitprécisémentpourcelaqu'ildevaitfairecommesilesoudainétalagedecescharmesfémininsnelesurprenaitenrien.

Il foudroya du regard ceux qui louchaient ouvertement sur elle, puis se leva pour aiderRionna àprendreplaceàtable.Sonvisagedevaittrahirsamauvaisehumeur,carelleserenfrognaenlerejoignant.

Caelen aurait voulu lui dire qu'elle était jolie et qu'il approuvait cette métamorphose, mais lesparolesqu'ils'entenditprononcerfurentbiendifférentes.

—Pourquoivousêtreattiféeainsi?C'estindécent!

Rionnaluiretiravivementsonbras,legratifiad'unregardglacial,puiselles'assitavecélégance,lelaissantsedébrouilleravecl'impressiondes'êtreconduitentyran.

Voyantqueleshommescontinuaientàlareluquercommes'ilsn'avaientjamaisposélesyeuxsurunefemme,Caelenlestoisadeplusbelle.

—Vousêtesmagnifique,Rionna!lançaMairin,del'autrecôtédelatable.

Caelensentitlaculpabilitéluirongerlecœur.Celaauraitdûêtreàluidereconnaîtreàquelpointsafemmeresplendissait.

Etpourtant,illuifutimpossibled'ouvrirlabouchepourréparersonerreur.

—Jamaisvuuneaussibellemariée,intervintleroiavecunregardappréciateur.

Tout roiqu'il était,Caelen ledéfia lui aussidu regard, ignorant lamine réprobatricede son frèreEwan.David,lui,réagitensouriantets'attaquadebonappétitàlanourriture.

—Jecroisquenousavonsbientravaillé,Ewan!sefélicita-t-ilens'essuyantlabouched'unreversdemanche.

Caelenauraitaiméêtreaussisûrde lanécessitédecemariage.Pourtant,sonfrèreparaissaitplusdétenduqu'ilne l'avaitétéaucoursde touscesmoispassésàs'inquiéterpourMairinetpour IsabelàcausedesviséesdeDuncanCameron.Alaric,quantàlui,semblait...content.Pendanttroplongtemps,ilavaitététourmentéparunchoiximpossibleàfaireentrelafemmequ'ilaimaitetlafidélitéqu'ildevaitàsonclan.

Toutlemondeautourdeluiserévélantheureuxdelasituation,illuiauraitétédifficiled'éleverle

moindre doute ou la moindre protestation. Et tant pis si Rionna et lui étaient les seuls à ne pas s'ensatisfaire.

Aprèsluiavoirlancéunregarddebiais,Ewanreportasonattentionsurleroi.

—Oui,approuva-t-il.Nousavonsbienfait.

—Dèsque lebébéseraenétatdesupporter levoyage,repritDavid, ilvousfaudraallerprendrepossessiondeNeamhAlainn.Ilestimportantdesécurisercederniermaillondenotredispositifmilitaire.

Puis,s'adressantàCaelen:

—Jen'ignorepasqu'unetempêtemenace,mais ilest toutaussi importantquevousregagniezsanstarder le château desMcDonald. L'alliance a été conclue,mais je ne fais pas confiance au précédentlaird.Garderceclansouscontrôleetveilleràcequ'ilhonoresesengagementsenverslesMcCabeseradevotreressort.

Rionnaseraiditsousl'insulteenfoudroyantleroiduregard.Caelenluiserralamainenunemiseengardemuetteetrépondit:

—Auriez-vousoubliéquejesuismoi-mêmeunMcCabe?Imaginez-vousquejepourraistrahirlesmiens,monproprefrère?

Il devait lutter pour garder sa colère sous contrôle. Sa femme et lui consentaient à de grandssacrificespourlebiendeleursclans.

—Unmoutonnoirnefaitpasletroupeau,ajouta-t-ilsèchement.Ledéshonneurduprécédentlairdnetouchequelui-même,passonclan.

Àcôtédelui,ilsentitRionnasedétendre.Lorsqu'elletournaversluisesyeuxemplisd'orliquide,ilydécouvritdelagratitude.

—Jenevoulaispasmemontrerdésobligeant,assuraDavidd'untonconciliant.Maislefaitestquevousn'aurezpaslatâchefacile.LesMcDonaldnevousaccepterontpasfacilementcommeleurnouveaulaird. Ilvousfaudrarestersurvosgardesà tout instant.DuncanCameronnereculeradevant rienpouraffaiblirnotrealliance.Decettevipère,onnesedébarrasseraqu'enl'écrasantsousletalon.

—JenedoutepasquemonfrèreferalenécessairepourfairedesMcDonalduneredoutablearmée,intervintEwan.Leurinvincibilité,c'estengrandepartieàluiquelesMcCabeladoivent.Leperdreneserapasfacilepourmoi,mêmesij'ygagneunalliédepoids.

—Tunemeperdspas,frère...assuraCaelenenluisouriant.Nousseronsvoisins,désormais.

Alaric, qui avait gardé jusque-là le silence, regarda alternativement ses deux frères, la minesoucieuse.

—Quevas-tufaire,Ewan?demanda-t-ilenfin.Tunepeuxêtreendeuxendroitsàlafois.NeamhAlainndevra êtredéfenduetMairin et Isabeldevront êtreprotégées à toutprix,mais tunepeuxpourautantnégligernotreforteresseetnotreclan.

Ewanluirenditsonsourireetéchangeaavecleroiunregardcompliceavantdeluirépondre:

—Tuas raison,Alaric.Quantà toi, tues ledernierdesMcCabeàn'avoirni terresni titre.C'estpourquoiilm'asembléquetuseraisleplusindiquépourprendrelecommandementdelaforteressedesMcCabequandMairinetmoiironsnousinstalleràNeamhAlainn.

LanouvellestupéfiaAlaric,quisecoualatête.

—Je...Jenecomprendspas.

—C'estpourtantsimple,repritEwan.Jenepeuxresterlairdpluslongtemps.

IlsetournaversMairinetluiadressaunregardemplid'amouravantdepoursuivre:

— Tu pourras le comprendre aisément. Depuis qu'Isabel est née,mon devoir principal est de laprotégeretdeveilleràsesintérêts.Decefait,jenemesensplusencapacitéd'assumerpleinementmesdevoirsenversmonclamC'estlaraisonpourlaquellejem'effaceàtonprofit.

AlaricpassaunemainnerveusedanssescheveuxetdévisageaEwanavecincrédulité.

—Jenesaisquetedire,Ewan...avoua-t-ilenfin.Tueslelaird,depuislamortdenotrepère.C'estainsi.Jen'aijamaisenvisagéqu'ilpuisseenêtreautrement.

Leroihaussaunsourciletdemanda:

—Etes-vousentraindenousdirequevousdevezyréfléchir?

—Certainementpas! répondit-ilvivement.Jeferai toutcequ'il faudrapourassurer lasécuritéetl'avenirdemonclan.

—Apartm'épouser,apparemment,marmonnaRionnapourelle-même.

MaisCaelenavaitentenduetilluilançaunregardnoir.Iln'avaitpasenvisagéqu'elleaitpunourrirdetendressentimentspourAlaric.Ilsn'étaientpasrestésensemblelongtemps.Maisquipouvaitsevanterdesavoircequisepassaitdansl'espritd'unefemme?

Alaric n'était pas aussi froid que lui. Son frère était davantage en phase avec les dames. Toutesl'adoraientetletrouvaientbeau.

Aufondd'elle-même,Rionnaétait-ellemécontenteden'avoirpasépouséleMcCabequ'elleauraitsouhaité?Cetteidéeneluiplaisaitpasdutout.

—L'affaireestdoncréglée!seréjouitleroienposantsongobelet.EwanpourrafairedesonfrèrelenouveaulairdduclanMcCabe.

—Qu'adviendra-t-ildenoshommes?s'enquitAlaricens'adressantàEwan.

Caelen, aussi concerné qu'eux par cette question, se pencha pour mieux entendre. Les McCabedisposaient d'une force armée conséquente, mais ces arrangements signifiaient qu'elle devrait être

scindée,cequinefaisaitl'affairedepersonne.Ewanfitlagrimace.

—Jevaisdevoiremmeneravecmoiuncontingentimportant,pourassurerlasécuritédeMairinetIsabel.UnefoisquenousseronsàNeamhAlainn,silagardeduroilà-basestsuffisante,jepourraivousrendreunebonnepartiedeceshommes.

S'adressantàCaelen,Ewanajouta:

—JepensaislaisserCormacici,puisqu'ilvientdesemarier.Jenepeuxpastelaisserd'hommesànous,maisjepeuxt'envoyerGannonpourt'aideràentraînerlesguerriersduclanMcDonald.

Caelennecherchapasàdissimulersasurprise.

—Mais...Gannonesttonbrasdroit,celuienquituastouteconfiancepourprotégertafemmeettonenfant.

— C'est bien pourquoi je veux qu'il t'accompagne, répondit Ewan tranquillement. Tu vas avoirbesoind'unalliéfidèleetd'unhommed'expérienceàtescôtés.

Cedisant, il adressaàRionnaun regardd'excuse.Quantàelle,ellegardait lesyeux fixés sur lestapisseriesmurales,levisagefermé,sansmanifesterlamoindreémotion.Maissoudain,ellereportasonattentionsurlatablée,commesielledaignaitenfins'intéresserauxhommesassisautourd'elle.Avecunpetitreniflementsifémininquineluiressemblaitguère,ellepritlaparole:

—C'estàs'étonnerquevousacceptiezdevousuniràuneengeanceaussivilequelesMcDonald!Pourquoi rechercher l'alliance d'un clan aussi clairement inférieur au-vôtre et aussi peu digne deconfiance?

Les narines palpitant d'indignation, Caelen pressa entre ses doigts ceux de sa femme et faillit laréprimanderpouravoirparléences termesàsonfrèreetau roi.Quelquechose,danssonregard, l'enempêcha pourtant. Pas tant la colère qu'il y découvrit que la trace laissée par une peine intense. Elledisparutsivitequ'ilsedemandas'ilnel'avaitpasimaginée.

Leroiémitunpetitrireamusé.Ewanfitlagrimace.

—Rionna,jeréalisequetoutcecin'estpasfacileàentendre,dit-il.Jem'enexcuseauprèsdevous.Mais je ne peux envoyer mon frère dans un environnement hostile sans prendre les précautionsnécessairespourleprotéger.

— Il est davantage protégé par le fait d'êtremonmari que par n'importe lequel de vos hommes,répliqua-t-elle.Vousdevriezpeut-êtreprendreunpeuplusgardeànepasm'insulter,moi.

CettemenaceàpeinevoiléefitserembrunirEwan.Caelen,lui,manifestauncertainamusement.

— Allons, allons, Rionna... feignit-il de protester. Vous ne voudriez pas que mon frère puissecraindrequevousmetranchiezlagorgedansmonsommeil?

Penchéverselle,CaelenpassaunemainderrièrelanuquedeRionnaetfitcequ'ilmouraitd'enviedefaire depuis qu'elle était apparue dans la salle : sans ménagement, il lui prit la bouche, ses lèvres

s'écrasantavecfouguesurlessiennes.Celan'avaitriend'unbaiserdeséduction,accompagnédegestestendresetdemotsdoux.Ainsiluidonnait-ilsansappell'ordredesetaire,decéderàsonautorité,desesouvenirquiétaitleseigneuretmaître.

L'audacieusepetitefriponneluimorditlalèvre.Alasaveurincomparabledesabouchesemêlasurla languedeCaelen legoûtdusang.Contrairementàcequ'elleespérait sansdoute, ilnebattitpasenretraite.

Ilapprofonditencorelebaiser,demanièrequ'ellepuissegoûterelleaussiàsonsang.Etquandelletentades'écarter,illamaintintcontreluifermement,jusqu'àsentirsonamplepoitrinecontresontorse.

Caelen nemit un terme à ce baiser que lorsqu'il sentit sa femme renoncer à lutter et se détendrecontrelui.Aprèss'êtrelentementécartéd'elle,ils'essuyalabouched'unreversdemainsanslaquitterdesyeux.

—Tuvois,Ewan,dit-il.Elleestparfaitementinoffensive.Ilsuffitdesavoircommentlamater.

Rionnasedressad'unbondsursesjambes.Sesyeuxlançaientdeséclairs.

—Vousn'êtesqu'unâne!s'exclama-t-elleavecfureur.Lapireespèced'ânebâté!

En lavoyant fairevolte-faceet s'éloigneràgrandspas,enunesortie théâtrale,Caelen réprimaunsourire.Rionnaserendait-ellecomptequelalonguerobequifroufroutaitàsespiedsrendaitridiculesonhabituelledémarchedepetiteguerrièredécidée?

Ainsihabillée,elleressemblaitsimplementàunefemmepiquantunecrisedenerfs.Etsiellel'avaitsu,nuldoutequecelal'auraitrendueplusfurieuseencore.

4—DouxJésus,Rionna!s'exclamaKeeley.Qu'est-cequec'estqueça?

Rionnarefermalaportedelachambreetbaissalesyeuxencomprenantcequesonamiefixaitainsi.

—Çanesevoitpas?maugréa-t-elle.Cesontdesseins.

—Tunem'apprendsrien,répliquaKeeleyensouriant.Cequim'intrigue,c'estdesavoircommentilsontpupousserenunenuit.

Rionnaladévisagealonguement,avantd'éclaterderire.C'étaitcelaoupleurer,etelleauraitpréférés'arracherlesyeuxplutôtquedeselaisseralleràverserdeslarmes.

Keeleylarejoignitdanssonhilaritéetlaregardaavecaffections'asseoirsurlelitprèsd'elle.

—C'estun...C'estun...commençaRionnasanspouvoirconclure.

—Oui,Rionna?C'estunquoi?

—Unrustre!Unpompeux,unprétentieux...

— Je constate que ton vocabulaire manque cruellement d'insultes fleuries, fit remarquer Keeley.Touteuneéducationàrefaire.

—J'essayaisderesterpolie,marmonnaRionna.

—Jeprésumequetufaisaisréférenceàtonnouveaumari?

Dansunsoupir,Rionnarépondit:

—Çanemarcherajamaisentrenous,Keeley.Quandjevousregarde,toietAlaric...quandjevoiscommentEwansecomporteavecMairin...etquandjeconstatequeCaelen...

LevisagedeKeeleys'assombrit.Cefutd'unevoixquitrahissaitsoninquiétudeetsatristessequ'elledemanda:

—Tupensesdoncêtrecondamnéeàêtremalheureuseaveclui?

Rionna sentit la culpabilité l'assaillir. Keeley récupérait d'une terrible blessure et, ayant épouséAlaricàsaplace,elledevaitsesentirresponsabledesonmalheur.

—Net'inquiètepaspourmoi,répondit-elle.Envérité,jen'auraispumesatisfaired'épouseraucundesfrèresMcCabe.Aumoins,l'unedenousdeuxestheureuse,etmoncœurdébordedejoiedesavoirquetuvasvivreavecunhommequit'aimetendrement.

—Commentétait-ce...lanuitdernière?s'enquitprudemmentKeeley.

Rionnaplissalesyeuxetdutadmettre:

—Jel'ignore.Ladernièrechosedont jemesouviens,c'estd'avoirmarchéjusqu'à lafenêtredetachambre.Cematin, jemesuis réveilléeprèsdeCaelen,dans son lit,habillée seulementdemessous-vêtements.Celanedoitpasavoirétésiterriblequeça,puisquejenemerappellerien.

—Tuétaistoujourshabillée?s'étonnaKeeley.

—Oui.Enfin...jen'étaispasentièrementnue,sic'estlesensdetaquestion.

Sonamieritdoucement.

— Il ne s'est rien passé, assura-t-elle. Tonmari ne t'a pas pris ta virginité. Tu dormais à poingsfermésdanscefauteuil,prèsdelafenêtre,quandilestvenutechercher.Ilt'aprisedanssesbrasett'aemmenée,maisiladûsecontenterdetedéshabillerenpartieetdetemettreaulit.

LesépaulesdeRionnas'affaissèrent.Ungémissementlugubreluiéchappa.

—J'avaisespéréenavoirterminéavecça,reconnut-elle.Àprésent,jevaisdenouveaum'attendreaupire.

Keeleyluitapotagentimentlamain.

—Tut'enfaisbeaucouptrop.Cen'estrienqu'unmauvaismomentàpasser,quevienteffacerensuitebeaucoupdeplaisir.

Rionnan'étaitpasconvaincue,maisellen'avaitpasenvied'endiscuter.

—Àprésent,dis-moitout...repritsonamie,excitée.Commentas-tufaitpouravoirtoutàcoupunepoitrineaussi...opulente?

—Jel'aitoujoursbandée,expliqua-t-elleenlevantlesyeuxauplafond.Quandilsontcommencéàpousser,messeinsontpristoutelaplace.Onnevoyaitplusqu'eux.Jenepouvaisplusmanieruneépéecorrectement, feinter et conserver ma liberté de mouvements avec ces... trucs qui s'agitaient sur mapoitrine.CommeleditCaelen,c'estobscènedelesexhiberainsi.

Keeleyportalamainàsabouche,lesyeuxronds.

—Iladitça?s'étrangla-t-elle.

—Ilamarmonnéquelquechoseàproposdematenuequiselonluin'étaitpascorrecte.Jedoisdirequejenesuispasloind'êtred'accordaveclui.

—Tuasraison:c'estunrustre.

CelafitsourireRionna,quiprécisaensoupirant:

—Pourtouttedire,jemesensunpeustupidedanscetterobe.Jecroisquejevaisallermechangeretpeut-êtreprendrel'air.J'ail'impressionquecesmursvontserefermersurmoi.

—Tut'estoujourssentieplusàl'aiseàl'extérieur,commentaKeeleyensouriant.Vas-y...JenediraipasàCaelenquejet'aivue,s'ilmedemandeoùtues.

Rionna se penchapour embrasser son amie sur la joue.L'envie de lui annoncer qu'Alaric était lenouveaulaird ladémangeait,maisellepréférait laissercelui-cis'encharger.Après lesépreuvesqu'ilsvenaient de traverser, ces deux-là avaient besoin de tous les bons moments qu'ils pourraient passerensemble.

—Jereviendraitevoirbientôt,promit-elle.Repose-toimaintenant,petitesœurdemoncœur...

Keeleyluiadressaunsouriremalicieux.

—Laprochainefois,jeteraconteraitoutcequej'aiapprisdesdélicesdelachair.Tun'imaginespasce qu'une femme peut obtenir du plus bourru des hommes quand elle ne rechigne pas à lui donnerquelquescaressesetàfaireunusage...créatifdesabouche.

Rionnasentitsesjouess'embraseretplaquasesmainssursesoreillespourneplusentendre.

Keeleyselaissaretombersursesoreillersensouriant.

—Jesuissiheureusequetusoislà,murmura-t-elle.Tum'asmanqué.

—Toiaussi,tum'asmanqué.

Rionnaregagnasachambreetluttapoursedébarrasseraussivitequepossibledesonencombranterobe.Lacolèreledisputaitenelleàl'humiliation.Commentavait-ellepulaisserMaddieinterférer?

Revêtirdebellestoilettespourbrillerensociétéétaitl'apanagedesjoliesfemmesquiconnaissaientsurleboutdesdoigtslesconvenances,quisavaientcommentparleretbougerentouteoccasion,setenirtranquillesetnedirequecequel'onattendaitd'elles.Ensomme,toutcequ'elle-mêmen'étaitpas,toutcequ'ellenesavaitpasfaire.

Enseconduisantcommeelle l'avait fait,elles'était rendueplusridiculeencore.Quiplusest,elleavaitdonnéàCaelenuneautreoccasiondel'humilier.

Elleledétestait.

Commes'ilnesuffisaitpasqu'ils'imagineêtreunhérospours'êtresacrifiéenépousantlapromiserejetéeparsonfrère,ilfallaitenplusqu'ilsoitunimbécileautoritaire.

Siseulementelleavaiteuunesœurpourprendresaplace...Elleauraitpualorscontinueràs'habillercommeellelevoulait,fairecequebonluisemblait,sebattreàl'épéesicelaluichantait.

Réalisantsoudainqu'ellerestaitnueàbroyerdunoiraucentredelapièceetqu'ellecommençaitàavoir froid, Rionna s'empressa d'enfiler le pantalon élimé qu'elle préférait et de passer sa tuniquefavorite.Sesbottesaussiétaientvieilles,tellementuséesquel'uned'ellesétaittrouéeautalon.Pourtant,

elle ne se décidait pas à s'en séparer. Elles lui allaient parfaitement et lui avaient toujours rendu degrandsservices.

Après avoir pris le temps de tresser ses cheveux, Rionna glissa son épée dans son fourreau etapprécialebonheurdesesentirdenouveauelle-même.

Puis,sansperdredavantagedetemps,elleseruahorsdelachambre,biendécidéeàn'enfairequ'àsatête.

CaelenMcCabepouvaitalleraudiable!Ilspouvaienttous,autantqu'ilsétaient,alleraudiable!Leclandontelleétait issuen'étaitpeut-êtrepasleplusprestigieuxni leplusavisé,sesguerriersn'étaientsansdoutepaslesplushabilesduroyaume,maisceclanétaitlesienetellenepermettraitpasqu'onendise dumal. Sonpère - cet arrogant salaud - s'était déjà suffisamment chargé de couvrir de honte lesMcDonald.

Rionnaseglissasansbruitdans l'escalier,espérantque leshommesseraient toujoursoccupésparleursdiscussions.Arrivéeaubasdesmarches,elletenditl'oreilleetperçutvenantdelagrandesalleunbrouhahadevoixquilarassura.Bienvite,ellepritladirectionopposéeetsortitdanslacourduchâteauparuneportelatérale.

Desguerriersvenusdetouslesclansduvoisinages'yentraînaientdansunebonnehumeurgénérale.L'odeurdelasueuretlebruitmétalliquedesépéess'entrechoquantl'accueillirent,familiers.

Pourtant,tournantledosàcettescènerassurante,ellepréférasedirigeràtraverslesarbresversleloch.

—Rionna!

Elle fit volte-facepourvoirqui l'appelait etvit sonpère, lesbras croisés et levisagemaussade.D'ungestedelamain,illuiordonnadevenirlerejoindre.

Rionna envisagea de l'ignorer, mais le moment n'était pas encore venu de lui désobéir. Il étaittoujours laird, jusqu'à cequeCaelen endosseofficiellement le titre.Hélas, ellen'était pas certainedemoinsredoutersonmariquesonpèredanscerôle.

Lesmâchoiresserrées,elles'approcha.

—Oui,père?

—Jedoisteparler.NousnepouvonspermettrequeCaelenMcCabes'emparedenotreclan.

—Jecrainsquenousn'ayonspaslechoix,répondit-elleprudemment.SoitnousacceptonsdenousallierauxMcCabe,soitilnousfaudraaffronterseulsDuncanCameron.

—Non,objecta-t-il.Cen'estpasnotreseulchoix.Rionnahaussaunsourciletrépliqua:

—Ne croyez-vouspas qu'il est unpeu tard pourm'en faire part ?Vousn'auriez pas puvenirmeprésentercettesolutionmiracleavantquej'épouseCaelenMcCabe?

—Boucle-la!s'exclama-t-ild'unevoixgrondantedecolère.Jesuistoujourstonlaird,etDieum'esttémoinquejenetoléreraipaspluslongtempstoninsolence!

Rionnalançaunregarddedéfiàl'hommepourquielleavaitperdutoutrespectdesannéesplustôt.Lefaitd'êtrelaird-etsonpère,quiplusest-nel'empêchaitpasd'êtreleplustristesirequ'elleaitconnu.Leshasardsdelanaissancelesavaientliés,maiselleauraitgrandementpréféréqu'ilensoitautrement.

—Expliquez-moi,père...reprit-elleavecunedocilitéfeinte.Quelplanavez-vousconçupournoussauveràlafoisdesMcCabeetdeDuncanCameron?

Lesourireférocequ'illuiadressafitfrissonnerRionna.

—Unhommequ'onnepeutvaincre,ilfauts'allieràlui.J'aientêteunmarchéqu'ilseraitpossibledeconclureavecCameron:ilmepermetderesterlaird,etjel'aideàarriveràsesfins.

Rionnasentitlesangrefluerdesonvisage.

—Vousvoudrieztrahir...

—Tais-toidonc!sifflasonpère,affolé.Tuvasnousfairerepérer.

—Vousn'êtesqu'unimbécile,répliqua-t-ellesèchement.Jesuisdéjàmariéeetvousn'ypourrezrienchanger.DuncanCameronn'apasd'honneur.Vousnepouvezsérieusementenvisageruneallianceaveclui.

Lagiflequ'illuiassenaréduisitRionnaausilence.Lamainposéesursajoue,ellereculad'unpas.Puiselleseressaisitetlaragefitirruptionenelle,telunflotdelavebrûlante.

Dégainantsonépée,ellebonditverssonpèreetlapointaaucreuxdesoncou.Latêterelevée,illaregardaavecdesyeuxexorbitésquehantaitlapeur.

—Vousnemetoucherezplusjamais!s’écria-t-elled'unevoixquelacolèrefaisaittrembler.Sivousvousavisezdeleverencoreunefoislamainsurmoi,jevousarracherailecœuretledonneraiàmangerauxbuses!

Sonpèreélevalentementdeuxmainsquitremblaientcommefeuillesenautomne.

—Pasdeparolesinconsidérées,Rionna...Réfléchisàcequetudis.

—C'esttoutréfléchi!Jenevouslaisseraipasjeterledéshonneursurnotreclanplusquevousnel'avez déjà fait. Et je neme laisserai pas entraîner dans vosmanigances.Nous ne conclurons aucuneallianceavecCameron.EtnousnetrahironspascellequinouslieauclanMcCabe.

Surce,ellereculad'unpasetbaissasonarme.

—Horsdemavue!conclut-elle.Vousmerendezmalade.

Unegrimacededégoûtdéformalevisagedulaird.

—Tuas toujoursétéunegrandedéceptionpourmoi,Rionna.Tun'as riend'une femme, sansêtre

devenuepourautantcequetuaimeraistantêtre.Ilnesuffitpasdeporterlaculottepourêtreunhomme.

—Allezaudiable!

Sonpèretournalestalonsets'éloigna,lalaissantseuleàgrelotterdanslefroid.

Lentement, elle reprit la direction du loch, au bord duquel elle se promena. Le vent fouettait lasurfaceparrafales,soulevantdesvaguesquivenaientsebrisersurlarive.

Rionnasentaitencoresursajouelecoupquevenaitdeluiportersonpère.Jamaisencoreiln'avaitosélafrapperainsi.C'étaitpourd'autresraisonsqu'ellel'avaittoujoursredouté.Enfait,ellel'avaitévitéautant que possible, et jusqu'à ce qu'elle devienne un pion intéressant dans son jeu, son père l'avaitignoréeaussi.

Sonregardseperdità lasurfacedes flots,etpour lapremière foisdepuisque toutecettehistoireavaitdébuté,ellesentitledésespoirs'appesantirsursesépaules.

Cequ'uneépousedevaitêtrepourunhomme,songea-t-elle,aufondellen'ensavaitrien.

Ellebaissa lesyeuxpourobserver sa tenue.CaelenMcCabeavait réussi cequepersonned'autren'avaitaccompliavant lui. Il l'avait renduehonteusedecequ'elleétait,etcela la rendaitplus furieuseencorecontrelui.

Rionna frotta sesmains l'une contre l'autre, puis les glissa sous l'ourlet de sa tunique afin de lesréchauffer.Danssaprécipitationàfuirlaforteresse,elleavaitoubliédesemunirdegants.

Pourtant,leventcinglantetlefroidn'auraientpulaconvaincredechercherrefugeàl'intérieur,oùnel'attendaitqu'untristeavenirauxcôtésd'unhommeaussiglacialquelabrumeselevantsurleloch.

—Rionna,vousnedevriezpasresterainsidehors.

Elleseraidit,maispritgardedenepasseretournerpourréagiràlaréprimandedesonmari.

—Vousallezattraperfroid,insistacelui-ci.

Ilvintseplacerprèsd'elleetlaissaluiaussisonregarddivaguersurleseauxgrises.

—Etes-vousvenumeprésentervosexcuses?s'enquit-elleenluijetantunregarddebiais.

L'airsurpris,iltournalatêteverselleetdemanda,unsourcilarqué:

—Desexcuses?Maisdequoifaudrait-ilquejem'excuse?

—Sivousposezlaquestion,c'estquejenedoispasattendred'excusessincères.

UnpetitrirecaustiqueéchappaàCaelen.

—Jenem'excuseraipaspourvousavoirembrassée.Rionnarougitetmaugréa:

—Cen'était pas à çaque jepensais,mais il estvraiquevousn'aviezpas à fairequelquechosed'aussiintimedevanttoutlemonde.

—Vousêtesmafemme,rétorqua-t-iltranquillement.Jefaiscommejel'entends.

—Vousm'avezhumiliée.Nonpasunefois,maisdeuxcematin.

—Vousvousêteshumiliéevous-même,Rionna.Vousn'avezaucunediscipline,aucuneretenue.

Lespoingsserrés,ellepivotaverslui.Oh,commeelleauraitaimélefrapper!Maissansdouteseferait-elleseulementmalauxmains.

Àdéfautdel'atteindreavecsespoings,elleouvraitlabouchepourl'agresserverbalementquandsonexpressionlafigeasurplace.

Uneenviedemeurtres'affichaitclairementsurlevisagedesonmari.Lesyeuxplissés,lesmâchoiresserrées,ilrugitunequestionquilafitsursauter.

—Quivousafrappée?

LamaindeRionnavolajusqu'àsajoueetellereculad'unpas.Maisillarejoignitets'emparadesamain,qu'ilôtafermementdesajouemeurtrie.Puisileffleuralatraceducoupqu'elleavaitreçu.

—Quiaoséleverlamainsurvous?insista-t-il.Rionnadéglutitetdétournalesyeux.

—Celaimportepeu,assura-t-elle.

—Celaimporteplusquetout!Dites-moiquivousafaitça,quej'ailletuercesalaud.

Lorsqu'elle soutint enfin son regard, Rionna fut effarée de ce qu'elle y découvrit. Une ragephénoménale.

—Est-cevotrepère?suggéra-t-il.

Sonregardduttrahirsasurprise,maisellepinçaleslèvrespournepasluirépondre.

—Cettefois,jevaisletuer...murmuraCaelen.

—Non!Ilneméritepasvotrecolère.Etcelanesereproduiraplus.

—Etcomment!Ilnemanqueraitplusqueça...

—J'airégléleproblèmemoi-même.Jen'aipasbesoindevotreprotection.

Caelenl'agrippaauxépaulesetlafixaaufonddesyeux.

—Personnenetoucheàcequiestàmoi,dit-ild'untonsansréplique.Etnulnes'enprendauxmienssansensubirlesconséquences.Vouspouvezvousimaginerquevousn'avezpasbesoindemaprotection,maispartoutcequiestsaint,vousenbénéficierezquandmême.Vousavezprisl'habitudeden'enfaire

qu'à votre tête, Rionna, mais c'est à présent terminé. Nous devons vous et moi assumer nosresponsabilitésvis-à-visdenotreclan.

—Nosresponsabilités...répéta-t-elled'untonmoqueur.Etselonvous,quellessontlesmiennes,chermari? Jusqu'àprésent, j'aicrucomprendrequevousattendiezdemoique jem'habilleetmeconduisecommeunefemme,quejenem'avisepasdevouscontredire,etquejepasseauxyeuxdesautrespouruneécervelée.Lesyeuxréduitsàdeuxfentes,Caelenrectifia:

—Votreresponsabilitépremièreestd'abordetavanttoutdem'êtreloyale.Vousserezégalementunmodèlepourvotreclanetpourlemien.Vousmedonnerezdeshéritiers.Acquittez-vousdecesdevoirs,etvousverrezquejesuisunhommeauprèsdequiilestaisédevivre.

—Vousnevoulezpasdemoi,murmura-t-elled'unevoixdangereusementprochedu sanglot.Vousvoulezpourfemmecellequejenepeuxpasêtre.

—Nevousengagezpasdansunbrasdeferavecmoi,femme.Vousnepourriezqu'ensortirmeurtrieetvaincue.

—Pourquoi faudrait-il en faire un bras de fer ? Et si vousm'acceptiez plutôt telle que je suis ?Pourquoidevrais-jechangeralorsquevouscontinuezcommeavant?

LesnarinesdeCaelenfrémirent.Sesmainsretombèrentlelongdesesflancs.Ilsedétournad'elleetrestaquelquesinstants,campésursesjambes,àobserverlelac.

—Vous vous imaginez donc que rien n'a changé pourmoi ? reprit-il enfin. Je suis désormais unhommemarié,Rionna...Etjen'avaisaucuneenviedel'être.Jen'étaispaspréparéàledevenir,entoutcaspassivite.Jesuisunguerrier.Mebattreestcequejesaisfairedemieux.Jenevisquepourprotégermonclan.Maintenant,mevoilàobligédequitterlesmienspourm'attacheràunautreclan.Onattenddemoiquejedirigedesgensdontjenesaisrien,etquinemeferontpasdavantageconfiancequejeneleuraccorderai lamienne.Commesicelanesuffisaitpas,Cameronne rêvequedevoirmonfrèremort. Ilveut

Mairin pour lui, et la vie d'Isabel, ma nièce, est menacée depuis l'instant où elle a commencé àgrandirdansleventredesamère.IlaessayédetuerAlaric.Ilaréussiàintroduiredestraîtresjusqu'aucœurdenotreclan.C'esticiqu'ilmefaudraitêtre,làoùjepourraisprotégermafamille.

—Jen'aipaseudavantagelechoixquevous,fitvaloirRionna.

—Jelesais,maislàn'estpasleproblème.C'estnotredevoirquinousoblige.

Rionnafermalesyeuxetsedétournaàsontour,demanièrequeleursregardsnerisquentplusdesecroiser.

—Pourquoil'avez-vousfait,Caelen?demanda-t-elleenfin.Vousauriezpugarderlesilence.Qu'est-cequivousapousséàvousengageràm'épousersic'étaitunetelleépreuvepourvous?

Caelendemeurasilencieuxunlongmomentavantdesedécideràrépondre:

—Jenesupportaispasdevoirmonfrèrevousépouseralorsqu'ilenaimaituneautre.

Rionnasentitunebrusquedouleurluitranspercerlecœur.

—J'espèrequ'unjourvotreréponseseradifférente,dit-ellesimplement.

Puisellesemitenrouteverslechâteau.

5IlétaittardlorsqueCaelengravitl'escalierpourrejoindresachambre.Ilavaitdressédesplansavec

sesfrèresjusquedanslanuitet,dèslelendemainmatin,ildevaitrejoindreavecsanouvelleépouselaforteressedesMcDonaldafind'yprendresesresponsabilitésdelaird.

De manière prévisible, Gregor McDonald avait décampé en compagnie d'une dizaine de sesmeilleurshommes.DeshommesdontCaelennepouvaitpourtantsepasser.

L'ancienlairds'étaitéclipsécommelecouardqu'ilétait.Iln'avaitmêmepasprislapeinedefairesesadieuxàsafille.Cequin'étaitpaspourdéplaireàCaelen.IlnevoulaitplusvoircettebruteprèsdeRionna.

Tout compte fait, cette désertion pouvait être une bonne chose pour le clanMcDonald. Restait àsavoirsicelui-ci lecomprendraitetaccepteraitCaelenàsa tête.Quelques-unss'y feraientsansdoute,maisriennegarantissaitqu'ilsseraientlesplusnombreux.Caelenlui-mêmeimaginaitfortbiencommentilréagiraitsidujouraulendemainonplaçaitàlatêtedesonclanunnouveaulaird.qu'ilneconnaissaitnid'Evenid'Adam.

Iln'avait jamaisconsidéréqu'il étaitdestinéàdevenir lairdun jour.Danssonesprit, cettechargerevenait à Ewan et ensuite à ses héritiers. En tant que troisième fils, son devoir avait toujours étéd'apporteraulairdunsoutienloyal,d'accepterdesacrifiersavies'illefallaitpourleprotéger,ainsiquesonépouseetsesenfants.

Unetâcheintimidantel'attendait,etiln'étaitpassûrd'êtredetailleàlameneràbien.Ets'ilvenaitàdécevoirnonseulementsonnouveauclan,maisaussisonfrèreetsonroi,sansparlerdesafemme?

Caelenn'avaitjamaisavouéàquiconquelemanqued'assurancequilerongeait.Ilavaitbeaunepasêtresûrd'êtrelemieuxplacépourdirigerlesMcDonald,ceux-cin'ensauraientjamaisrien.Lemoindresignedefaiblessedesapartseraitinterprétécommeunepreuvequ'iln'étaitpasdetailleàêtrelaird.

Ildevaitêtrefortetrésolu,nemontreraucunefaiblessedèsledépart.IlétaitimpératifpourluidegagnerlerespectdesMcDonald,carilavaitdevantluilatâchedifficiledefaired'euxuneforcemilitaireaussiredoutablequel'étaientlesMcCabe.

Àsagrandesurprise,enouvrant laportedesachambre, ildécouvritRionnaà l'intérieur, toujourséveillée.Elleétaitassiseprèsdufeu.Sescheveuxdénouéscascadaientjusqu'àsataille.Lesflammesdel'âtrefaisaientbrillersachevelured'orfiléetl'animaientderefletschangeants.

Caelens'étaitattenduàcequ'elleailletrouverrefugedanssaproprechambre.

Rionnanel'entenditpasentrer,cequiluioffritl'opportunitéd'étudiersamincesilhouettetoutàsonaise. Il trouvait amusant qu'elle ait cru utile de bander de nouveau ses seins, et il s'étonnait qu'elleparvienne par ce biais à gommer ses courbes à ce point. C'était presque un péché de dissimuler auxregardstantdebeauté.

Commesielleavaitsentisonregardpesersurelle,Rionnatournalentementlatêteverslui.

—Vousdevriezêtrecouchée, lui reprocha-t-ild'un tonbougon. Ilest tardetnouspartonsaupetitjour.

—Sivitequeça?

—Oui,nousdevonsnoushâter.

—Mais...ilneige,etlatempêteestforte.Caelenacquiesçad'unhochementdetête,allas'asseoirauborddulitetretirasesbottes.

—Ilvasansdouteneiger toute lanuit, reconnut-il.Celanevapas faciliternotrevoyage,mais sinousattendonsqueletempss'améliore,nousseronsencorelàauprintemps.

Rionna s'immobilisa totalement. Le trouble qui l'agitait se lisait au fond de ses yeux. Les lèvresserrées,ellehésitaitàparler,commesiunrudedébatselivraitenelle.

Caelenattenditqu'ellesedécide.Ilnetenaitpasàfairequoiquecesoitquilesauraitdenouveauopposésl'unàl'autre.Chaquefoisqu'ilouvraitlabouchepourluiparler,deshorreursensortaientcontresongrépourl'agresser.

—Voulez-vous...qu'onenterminecesoir?s'enquit-elle.

Lessourcilsfroncés,illadévisageauninstantavantdes'étonner:

—Qu'onentermineavecquoi?

D'un geste, elle désigna le lit. Ses joues avaient pris une teinte rose foncé qui 4e fascinait. Encomprenant enfin où elle voulait en venir, il fut surpris de constater à quel point il était sensible auxhésitationsdesafemme.Iln'auraitrienfaitpourlabrusquer.

—Venezici,Rionna...murmura-t-il.

Il craignit d'abord qu'elle ne lui désobéisse, mais il la vit bientôt soupirer et se lever pour lerejoindre. Quand elle fut suffisamment proche, il l'attira entre ses jambes et prit ses mains dans lessiennes.

—Commejesouhaitequevouspassiezàchevaltoutelajournéededemain,jeneferairiencesoirquipuissevousrendrecevoyagepluspénible.

Rionnadevintplusrougeencoreetbaissalesyeuxpourévitersonregard.Pressantsesmainsentrelessiennes,ill'incitaàredresserlatête.

—Quoiqu'ilensoit,reprit-il,quandnousenviendronsàconsommernotremariage,jevousgarantisquevousn'aurezrienàcraindredemoi.Jeneferairienquipuissevouseffrayerouvousfairedumal.

Cela n'eut pas l'air de la convaincre entièrement. Nerveuse, elle passa la langue sur sa lèvreinférieure,lalaissanthumideetluisanteàlalueurdesflammes.

Incapablederésisteràcetteinviteinconsciente,Caelenlafits'asseoirsursacuisse.Puis,avecunegentillessequ'ilignoraitposséder,ilcaressalajouedeRionnaetimmisçalamaindanslamassedesescheveux.

Chauffés comme ils l'avaient été par la chaleur venue de l'âtre, ils lui donnèrent l'impression deplonger les doigts dans un rayon de soleil. Envoûté par cette sensation et par la vue de ces mèchesglissantsursapeaucommede lasoie liquide-sansdouten'avait-il jamais rien touchéd'aussidoux-,CaelenattiraRionnaàluijusqu'àcequeleursbouchesnesoientplusqu'àunsoufflel'unedel'autre.

—Embrassez-moi!lança-t-ild'unevoixqu'ilnereconnutpas.

Cetordreladéstabilisaquelquepeu.Figéesurplace,elleadoptauneimmobilitédepierre.Caelenvitsesyeuxseposersurlui,puissursabouche.Unenouvellefois,ellesepassalalanguesurleslèvres,prolongeantsonagonie.

Seigneur!

Sonmembrevirilétaitdressé,etildutchangerdepositionafind'éviterdel'effrayer.Maisàchaquegestequ'ilfaisait,laconsciencequ'iltenaitserréecontreluiunebelleetfarouchejeunefemmedevenaitplusaiguë.Unefemmeàquiilvenaitdejurerqu'ilsneconsommeraientpasleursnocescettenuit.

Idiot...

Sûrement aurait-il pu chevaucher avec elle sur lamêmemonture, afindeminimiser son inconfort.Mais,à la réflexion, laperspectivedepasserune journéeserrécontreellesanspouvoir la toucher luiétaitinsupportable.

Il lui fallait donc se résigner à une nuit de torture. Il ne coucherait pas avec elle,mais il ne luipermettraitpasnonplusd'allerdormirdanssaproprechambre.

Sesfrèresnepassaientjamaisunenuitloindeleurépouse.Ilneleurdonneraitpasàpenserquedesoncôtéilmanquaitàsesdevoirs.

Enfin,timidement,Rionnapressaseslèvrescontrelessiennes.Cefutàpeineunfrôlement,maisilfitàCaelenl'effetd'uncoupdetonnerre.

Il lui fallut faire appel à tout son sens de la discipline pour ne pas renverserRionna sur le lit etl'embrasseràenperdrehaleine.Cettepatiencequine lui ressemblaitpasetqu'il s'était jurédegarderavecellepournepasl'effrayer,luisemblaitàprésentlachoselaplusinsenséedumonde.

Ellesereculaaussitôt,lesyeuxécarquillés,lerougeauxjoues.Puisellefitlentementremonterunemainlelongdesontorse,jusquederrièresonépaule.Cefaisant,ellenelequittaitpasdesyeux,commesielleredoutaitqu'ilnelamordepourlapunirdetantd'audace.Quantàlui,ilsesentaitpresqueprêtàlasupplierdeletoucher...

Caelen sentit les doigts de Rionna se refermer sur sa nuque et, de nouveau, elle portaprécautionneusementseslèvresàlarencontredessiennes.Maiscettefois,elleneseretirapasetsefitundevoird'explorersabouche...aveclalangue.

SaintemèredeDieu!

Ensepressantplusétroitementcontrelui,ellefrissonna.Seslèvresdoucesetbrûlantessefaisaientdeplusenpluscurieuses,deplusenplustéméraires.

Caelen sentit ledésir le transpercer,mais il se retint,parpeurdegâcher ladouceurde l'offrandequ'elleluifaisait.Soussesairsdegarçonmanqué,malgrélesalluresdeguerrièreindomptablequ'ellesedonnait,Rionnaétaitl'innocencepersonnifiée.Elleméritaittoutelapatienceettoutelagentillessequ'ilpourrait luioffrir.Elleméritaitd'êtrecourtisée.MaisDieuluiétait témoinqu'ilgagnerait l'auréoledessaintsavantd'êtreparvenuàsesfinsavecelle...

—Cen'étaitpasdéplaisant,cebaiser...murmura-t-ellequandleurslèvresseséparèrent.

—Non,reconnut-il.Pasdéplaisantdutout.Quivousafaitcroirequ'unbaiserpouvaitl'être?

Rionnas'écartadelui,lesyeuxbrillants,unpeurêveurs.

— Personne. Je n'avais encore jamais embrassé qui que ce soit ainsi. En fait... je ne savais pascommentm'yprendre.

Caelenréprimaungrognementdesatisfaction.Celaluiplaisaitd’êtrelepremierhommeàgoûtersesbaisers.Sitoutefoiselleluidisaitlavérité...Maisunetellevirginalefraîcheurpouvait-elleêtrefeinte?Non,sûrementpas,décida-t-il.Ilselaissaitinfluencerparlestrahisonsdupassé,cequin'étaitpasjustevis-à-visd'elle.

L'entendre déplorer son manque d'expérience lui donnait envie de rire. La diablesse était unetentatrice-née.Elleembrassait avecunmélanged'effronterieetdedouce innocencequi suscitait en luidesréactionscontradictoires.Unbaiseravaitsuffipourlesubjuguer.

—Ilmesemblequevousvousyprenezplutôtbien,assura-t-ilàmi-voix.Maissiparchanceilvousprendl'enviedevousentraîner,n'hésitezpasàfaireappelàmoi.

Unrirenerveuxlasecoua,carillonnementdeclochescristallines.

—Lorsqu'ilestcorrectementdonné,unbaiserpeutêtreunechosemerveilleuse,ajouta-t-il.

Toutendisantcela,Caelensongeaquecelafaisaittrèslongtempsqu'iln'avaitpuapprécierquelquechosed'aussitendreetd'aussisimplequ'unbaiser.

—Correctement?répéta-t-elleavecétonnement.

—Oui.

—Montrez-moi.

Dansunsourire,Caelen la renversaunpeuplusdans sesbrasetbaissa la têtepourembrasser lepoulsqu'ilvoyaitbattrefollementà lanaissancedesoncou.Rionnasursauta,puisémitunpetitsoupirétranglé avant de se laisser aller complètement contre lui. Sans cesser de l'embrasser, il se fraya uncheminjusqu'àsonoreille,dontilléchalelobecommes'ils'agissaitd'unefriandise.

Il sentit lesdoigtsdeRionnas'enfoncerdans lachairdesesbras.Danscetteposition, sapoitrinebandées'écrasaitcontresontorse.Sachantàprésentcequ'ilenétaitdesesseins,Caelenmouraitd'envied'ygoûter.

—Oh,oui!murmura-t-elled'untonrêveur.C'estfoucequ'unbaiserpeutfairecommeeffet...

Aupointoùilenétait,Caelensesentaitincapabledepasserlanuitdanslemêmelitquesafemmesansrienentreprendre.Ils'étaitjuréqu'ilneferaitrienquipuisselachoquerouluicompliquerlevoyagedulendemain,maiscelanesignifiaitpaspourautantqu'ilnepouvaitgoûteraufestindechairsoyeusequesigénéreusementelleluioffrait.

Doucement,iltirasurlesmanchesdesarobejusqu'àdénudersesépaules.Rionnasefigea,puisseredressaenlerepoussant,lèvrespincées.Leregardsévère,elleouvritlabouchepourprotestermaisseravisalorsqueleursregardssecroisèrent.

— Je veux juste vous regarder, précisa-t-il. Ensuite, je vousmontrerai qu'il y a plus d'une façond'embrasser...etbienplusd'unendroitoùrecevoirdesbaisers.

—Oh!

Ens'exclamantainsi,elleavaitl'airplusexcitéequ'effrayée.Caelenvitsespupillessedilater,puisunerougeursubitegagnersagorgeetsesjoues.

—Quevoulez-vousquejefasse?demanda-t-elledansunsouffle.

Ilsourit.

— Rien du tout. Laissez-moi faire. Tout ce que je vous demande, c'est de vous allonger etd'apprécier.

6Rionnaneputs'empêcherderéagiràlavoixcaressantedeCaelen.Unfrissonlaparcourut,suscitant

enelleunedélicieuseattente.Caelenseleva,lasoulevadanssesbrasetlareposaàterredevantlui.

Dèsquelecontactfutrompuentreeux,ellefutassaillieparunsurprenantsentimentdeperte.Caelenneluilaissapasletempsdes'yattarder.Empoignantletissudesarobe,illafitremonterlelongdesesjambes,dénudantseschevilles,puissesgenoux.

L'impressiond'être unedévergondée s'empara d'ellemais, à sa grande surprise, ce fut loin de luidéplaire.Qui aurait pu la soupçonner d'être une femme sensuelle, prompte à faire tourner la tête à unhomme?

Lachairdepoulehérissasapeaunuetandisquel'ourletdelaroberemontaitlentementlelongdesonventre.Celaégalementluiplaisait...Cen'estquelorsqueCaelenfitpasserlevêtementpar-dessussatêtequelapaniquelagagna.

Elle n'était plus vêtue que de ses sous-vêtements, qui n'offraient qu'une barrière symbolique auregardperçant de sonmari.Unebrusque chaleur embrasa sapeaunue.Elle se sentit rougir jusqu'à laracinedescheveux.Àcetteminute, il laregardaitcommes'ilavaitenviede lamanger toutentière.Leregardquis'appesantissaitsurelleétaitceluid'unprédateurguettantsaproie.Elleauraitdûs'eneffrayermais,toutaucontraire,elleneressentaitqu'unecertaineforme...d'impatience.

—Jedevraisfairececipluslentement,dit-il,afindesavourervotrebeautétoutàmonaise,maisjesuishommedepeudepatienceetnepeuxrésisterpluslongtemps.J'aitellementenviedevouscaresser,devoustoucher,quej'entremble.

Rionnan'avaitjamaisétéfemmeàsepâmer.Pourtant,sesjambessemblaientsurlepointdelalâcheretlatêteluitournaittantqu'ellecraignitdetomber.

Elleavaitl'impressiondeflotterdansunrêvedélicieux,dontelleauraitvoulunejamaisseréveiller.Maisaucundesesrêvesneluiavaitparuaussiérotique,etaucunguerriertelqueceluiqu'elleavaitsouslesyeuxn'étaitvenul'yvisiter.Illaregardaitcommesinulleautrefemmen'existaitàsesyeux.

Avecune impatiencequ'il avait su juguler jusque-là, il la débarrassadupeudevêtementsqui luirestaient.Soudain,ellen'eutplussurellequelebandagequiluicomprimaitlesseins.Mêmes'ilnefaisaitpasfroid,unfrissonlasecoua.

Caelengardalesyeuxfixéssursapoitrineuninstant,avantdelaregarderdanslesyeux.

—Queldommagedecacherdetelstrésors,murmura-t-il.Enauriez-voushonte?

Plusrougequejamais,Rionnas'efforçaderépondre.

—Non.Jeveuxdire...oui.Enfin...peut-être.C'estplutôt...qu'ilsmegênentdansmesmouvements.

Caelensemitàrireetcommentad'unairamusé:

— Je suis partagé entre l'envie de vous interdire de les cacher, et celle de vous y autoriser àconditiondenelesrévélerqu'àmoi.

—Vous...Vouslesaimez?

—Etcomment!Nousautreshommessommesfriandsdepoitrinesgénéreuses.Voilàpourquoijenepeuxsupporterpluslongtempsdevoirlavôtremaltraitéeainsi.

Passant dans le dos de Rionna, Caelen défit le nœud qui maintenait le bandeau en place. Puis,repassant de l'autre côté, il entreprit de dérouler la bande de tissu, jusqu'à ce que ses seins libéréspointentfièrement.

Sans lamoindregêne, il la regarda tout à son aise,même s'il ne se focalisa pas sur ses seins.Aprésent qu'elle était entièrement nue devant lui, il la détailla des pieds à la tête, avant que ses yeuxreviennentseriverauxsiens.Unlongsoupirtremblantluiéchappa.

—Vousêtesmagnifique,murmura-t-ilenfin.

Ses paumes glissaient sur elle, la caressaient avec révérence. Rionna sentit lesmains de Caelensoupesersesseinset,aussitôt,lespointesdeceux-cidurcirentetsedressèrent,affamésdesescaresses.

Etlorsqueduboutdesdoigtsillestitilla,luicoupantlesouffle,desélancementsd'unplaisirexquisserépandirentdanssonabdomenetjusqu'auplusintimed'elle-même,oùelledevintbrûlante.

Caelen baissa la tête et ses lèvres se refermèrent autour d'unmamelon dressé.Dans un petit cri,Rionnasentitsesjambessedérobersouselle.Sonmarilarattrapadanssesbrasetlaportajusqu'aulit.Aprèsl'avoirétendue,ils'allongeaau-dessusd'elle.

Sa bouche s'empara de la sienne. Il l'embrassa avec tant de fougue que lorsque*-leurs lèvres seséparèrent,ilsavaienttousdeuxperdulesouffle.Puis,sansluilaisserletempsderetrouversesespritsetsans cesser de l'embrasser, Caelen descendit le long de sa gorge jusqu'à ses seins, dont il suçotavoracementl'unedespointesdressées.

Chaque nouvelle succion lui arrachait un gémissement de plaisir et faisait croître le désir qui luimordait les entrailles.Caelen passait d'un sein à l'autre. Il la titilla ainsi jusqu'à la faire se tordre deplaisiretd'impatiencesoussescaresses.

Ilavaitlagourmandised'unhommeaffamé,etpourtantilparvenaitàdemeurerextrêmementdouxetprévenant.

Rionnaavaitbesoindeplusencore.Maiscequ'ellevoulait...ellen'auraitsudirecequec'était.

Caelenfitletourdesonseinduboutdelalangue,puisrevintparendessousendessinerlegalbe,jusqu'à ce que la pointe dressée vienne buter sur sa lèvre. Alors il fondit sur celle-ci et l'aspiragoulûment,lasuçotantsibienque,lesdoigtsenfoncésdansseslargesépaules,elles'écria:

—Caelen, s'il vousplaît !Ayezpitié !Lentement, il redressa la tête.Ellevit les flammesdu feu

danserdanssesyeux.

—Pitié? s'étonna-t-il. Jen'enaiaucune.Etquiplusest, je suis sûrquecen'estpascequevousattendez.Vosmotsdisent«assez!»maisvotrecorpsproclame«encore!».

Ilembrassalecreuxentresesseinsetajoutadansunmurmure,toutcontresapeau:

—Vousêtesbelle,Rionna.NecachezpluscequeDieuvousadonné.

Les paroles de Caelen lui allèrent droit au cœur, lui apportant un réconfort dont elle n'avait pasréaliséavoirbesoin.Commentunhommecapabledesemontrersiduretinflexiblepouvait-ilavoiruneâme de poète ?Elle avait épousé un guerrier intraitable, prompt à critiquer et à proférer des parolesblessantes.Jusque-là,jamaisiln'avaitpartagésessentimentsavecelle.Pourtant,n'était-ilpasentraindelacourtisercommeleplusamoureuxdeshommescourtisesonamanteadorée?

Ses baisers se firent légers, descendirent le long de son ventre, jusqu'à son nombril. Sa langues'attardauninstantdanslecreuxforméparcelui-ci,ilmordilladoucementlachairsensibledesonventre,puisilrepritsalenteetméthodiquedescente.

Lapeaucouvertedechairdepoule,Rionnaretintsonsouffle,tétaniséeparsonaudace.

Avecune fermedouceur,Caelen lui écarta les jambes et se positionnademanière que sa bouchesurplombesonpubis.Lesyeuxagrandisparlastupeur,ellelevitbaisserlatête.Saconfusionatteignitdenouveauxsommets.Iln'allaittoutdemêmepas...

Seigneur!Si!

Ellelesentitécarterduboutdesdoigtslesplisdesonintimitéoùbrûlaitledésirqu'ilavaitsibiensuallumerenelle.Sitôtaprès,ilydéposaunbaiser.Rionnaétaittellementstupéfaitequ'elleneputéleverlamoindreobjection.

Destremblementsincontrôlableslasecouaienttoutentière.Sesgenouxs'agitaientenl'air.Sonventrefrémit. Ses seins pointèrent vers le haut.L'excitationqui la gagnait était si grandequ'elle aurait voulupouvoirseglisserhorsd'elle-mêmepouryéchapperuninstant.

Cefutpire-oumeilleur-encorequandilfitpassersalanguesurtoutelalongueurdesonsexelivréàlui,delabaseausommet,oùils'attardasurl'éminenceultrasensible.

Caelenydéposaunpetitbaiseravantdesuçotersansmercilebourgeondechairdressé,jusqu'àlafairehaleterdeplaisir.

Ilneluiavaitpasmentienaffirmantqu'ilyavaitplusd'unefaçond'embrasser,etplusd'unendroitoùrecevoirdesbaisers...

Rionnasentitmonterenelleunsentimentd'urgenceincompréhensible.Toutsonêtresetendaitpeuàpeu comme la corde d'un arc que l'on bande. Le plaisir que lui procurait Caelen devenait presqueinsoutenable.

Etchaquefoisqu'ellepensaitnepluspouvoirsupporterunesecondedepluscettedélicieusetorture,

la pression exercée sur elle augmentait, repoussant plus loin les limites de la frénésie sensuelle danslaquelleelleavaitglissé.

—Caelen!gémit-elle,n'enpouvantplus.Jevousenprie...Je...Jenesaispasquoifaire.

Au-dessusdesonventre,ellelevitredresserlatête,lesyeuxbrillantsd'unelueurdangereuse.

—Laissez-vousaller,Rionna...Vousluttezcontrel'inévitable.Jenevousferaiaucunmal,jevouslejure.Celavousferamêmebeaucoupdebien.Àprésent,laissez-moivousaimer.

Sesparolesladétendirent.Ellessemblèrentsefrayeruncheminenellepourapaisersesnerfsetsesmuscles. Et lorsque la langue de son mari reprit sa sarabande au plus intime d'elle-même, Rionnafrissonna,fermalesyeuxetsentitlapressions'accentuerdenouveauenelle,menaçantdetoutemporter.

—Vousavezlegoûtdumiel,susurra-t-il.Jen'aijamaisriengoûtéd'aussidoux.Vousmerendezfoudedésir.Vousêtestoutcequ'unefemmedoitêtre,Rionna.Necherchezplusàlecacheretn'enayezplushonte.

Des larmes s'accumulaient derrière ses paupières closes. Elle tremblait comme une feuille, nonseulementàcauseduplaisirquilatenaillait,maisaussidesémotionsquisebousculaientenelle.

Cesoir,ellesesentaitvraiment femme.Ellesesentaitbelleetdésirée,commeune jeuneépouséedoitl'être.Elleressentaitcequ'elleauraitdûressentirlejourdesesnoces,aulieud'avoirl'impressiond'êtreunchoiximposé,depiètrequalité.

LalanguedeCaelen,aprèsavoirlonguementtitillélesommetdesonsexe,glissasoudaindanssesprofondeurs.L'intensitédelasensationachevadebrisersesdernièresrésistances.Arc-boutéesurlelit,ellesentitenfinl'insupportablepressionduplaisirserompreetlasubmergertelunraz-de-marée.

Jamaisellen'avaitrienconnud'aussifort,nid'aussibouleversant.Aprèsavoirfuséversleciel,elleavaitl'impressionétonnantedeflottercommeuneplumepourredescendrelentementsurterre.

Lesyeuxclos,allongéede tout son longetpositivementcomblée,Rionnaavait la sensationdeneplusfairequ'unaveclelit.Illuiauraitétéimpossibledebougerlepetitdoigt.

Sonsangcouraitplusvitedanssesveines.Ilyavaittoujoursentresesjambesunesortedepulsationlente,unesensibilitélégèrementdouloureuse,quiluirappelaientquelescaressesprodiguéesparCaelenavecsabouchen'étaientpasunrêve.

Jamais elle n'aurait imaginé pareille chose. Était-ce même normal ? Elle n'avait entendu aucunefemmeévoqueruntelphénomène.Sonmarin'avaitpasfaitquel'embrasser,commeill'avaitpromis,ill'avaitégalementléchée,suçotée,dévorée...

Àn'enpasdouter, unhommenepouvait accomplir acteplus intimeavec son épouse.Une intensesatisfactionbaignait tout sonêtre.Elle s'émerveillade la joiequ'elleéprouvaitàcet instant.Quoiquepuisseluiapporterlelendemain,ellechériraittoujourslesouvenirdecequivenaitdesepasser.

RionnasentitCaelenquitter le lit,maiselleneput rassembler l'énergienécessairepourouvrir lesyeuxetvoircequ'ilfaisait.Uninstantplustard,iltiralesfourruressurelleetvintseglisseràsoncôté.

Lachaleurdesoncorpscontrelesienfutunchocpourelle.

N'ayantaucuneexpérienceenlamatière,elleignoraitcommentelledevaitsecomporter.Ellen'avaitjamais vu son père et samère dormir dans lamême chambre, et dans lemême litmoins encore.EllesavaitcependantqueKeeleyetMairinpartageaientlacouchedeleurmarichaquenuit.Ceux-cin'auraientpas accepté qu'il en soit autrement,mais il étaitmanifeste qu'elles y consentaient avec joie. Peut-êtres'agissait-ild'unecoutumepropreauxMcCabe?Peut-êtresemontraient-ilssipossessifs-ouprotecteurs-enversleursépousesqu'ilsnepouvaientsupporterd'êtreséparésd'elles.

Rionnadécidaquepeului importait.D'instinct,elleseretournapour luifairefaceetsepelotonnacontre lui.L'espaced'un instant,ellecrutavoircommisunebourdecar ilsefigeaet retintsonsouffle.Graduellement,cependant,ilsedétendit.Bientôt,ilenroulaunbrasautourdesatailleetl'attiraplusprèsencore,tantetsibienquelajouedeRionnareposabientôtcontresontorse.

—Caelen?glissa-t-elle.

—Oui?

—Vousaviezraison.

—Aquelsujet?

—Lebaiser...Unemerveilleusechose.

Ilneréponditpas,maiselledevinaqu'ilsouriait.

—Vousaviezégalementraisonsurunautrepoint,reprit-elle.Ilyatellementd'autres...endroitsoùl'onpeutrecevoirdesbaisers.

Cettefois,unpetitrirelesecoua.

—Dormez,àprésent,conseilla-t-ilcontresonoreille.Nousdevonsnouslevertôtdemain.Unrudevoyagenousattend.

Rionna soupira et ferma les yeux. Elle se sentit dériver, et juste avant de sombrer dansl'inconscience,ellesongeaquel'onfaisaittoutuneaffairedelanuitdenoces.Cen'étaitpassiterrible,aprèstout.

7Caelenétaitd'humeurmassacrante.Iln'avaitpasfermél'œildelanuit.Ilavaitfinalementrenoncéà

chercherlesommeilquandiln'avaitpusupporteruneminutedepluslatorturequeluiinfligeaitlecorpsnudeRionnapressécontrelesien.

Mêmeaprèss'êtreéclipsédulitpoursoulagerlui-mêmel'érectionmonumentalequiletourmentait,iln'avaitressentiaucunesatisfaction.

Ilavaittoujourssurleboutdelalanguelegoûtdesessucsintimes.Sonodeurdélicieuseemplissaitencoresesnarines.Soncorpsminceauxcourbespourtantsiféminineslehantait.Ilavaitbeaufermerlesyeux ou les garder ouverts, il ne pouvait se débarrasser des images de son sexe offert, tout contre sabouche.

—DouxJésus!murmura-t-ilenunvainexorcisme.

Selaisserobséderparunefemmeluiavaitdéjàvalu-ainsiqu'àsonclan-uneinfinitédeproblèmes.

Aussitôtqu'ilsseraientparvenusàlaforteressedesMcDonald,décida-t-il,ilsconsommeraientleurunion.Ainsipourrait-ilmettreRionnaàdistance.Unebonnepartiedejambesenl'air:voilàcedontilavaitbesoin !Quoideplusnormal, après s'être tenusi longtempséloignédes femmes?Oui, àbienyréfléchir,c'étaitlasolution.Unefoissoulagé,ilretrouveraitsesespritsetpourraitagirsanslaissersessenslemenerparleboutdunez.

Sachantquelesautresneseraientpaslevésavantunmoment,Caelenquittalachambreetdescenditdanslacourduchâteau.Laneigeavaitformédurantlanuitdescongèresquibarraientlesaccèshabituels.Unjuronauborddeslèvres,ilcontemplalemanteaublancfraîchementtombéquirecouvraittout.

Aumoinsneneigeait-ilplusetlecielétait-ildégagé.Laluneetd'innombrablesétoilesbrillaientaufirmament,illuminantsibienlaneigequ'onseseraitcruenpleinjour.

—Bienlebonjour,Caelen.

IlseretournapourdécouvrirGannonquil'observaitàquelquedistance.

—Ilfaitfroid,Gannon...maugréa-t-ilenréponse.Oùsonttesfourrures?

—Jeneveuxpasqu'ellessoientmouilléesavantledépart,réponditGannonensouriant.IlneferapaschaudsurlaroutequivanousmenerchezlesMcDonald.

Caelendévisagealefierguerrierquiavaitsilongtempsservisonfrère.C'étaitl'hommeleplusloyalqu'ilaitrencontré.Ilétaitheureuxdefaireéquipeaveclui,maiscelanel'empêchaitpasdes'inquiéter.

—Qu'est-cequeçat'inspire,quemonfrèretedemandedemesuivre?s'enquit-il.

Gannonlaissasonregardcourirsurlacouretlechâteauoùils'entraînaitdepuistantd'années.Sesyeuxseposèrentuninstantsurlespansdemurailleécroulésque,grâceàladotapportéeparMairin,oncommençaitàréparer.

—J'avouequeceseradurpourmoidepartird'ici.J'yvisdepuissi longtemps...Mais leschoseschangent.EwanestàprésentmariéetilpartirabientôtpourNeamhAlainn.Alaricdeviendralairdàsaplace.Oui,leschoseschangent,etcenouveaudéfiquis'offreàmoin'estpaspourmedéplaire.TesuivredansleclanMcDonaldserapourmoiunnouveaudépart.

— Je suis heureux que tu le prennes ainsi, réponditCaelen. Il ne sera pas facile de faire de cesMcDonald des guerriers aussi redoutables que les McCabe. Nous n'avons que peu de temps pour yparvenir.EwanestimpatientdesedébarrasserdeDuncanCameronunefoispourtoutes.

—Toutcommenotreroi.

—Oui.Pourdesraisonsdifférentes,mais ilestvraiqueDavidestpressédes'endébarrasser, luiaussi.

— Puisque nous sommes tous deux levés, suggéraGannon, nous pourrions peut-être préparer leschevaux pour le voyage ? J'ai demandé hier à quelques hommes de descendre autant de coffres quepossiblepourcommencerlechargement.Veux-tuattendrequetadameseréveillepoursonnerl'heuredudépart?

Caelenserembrunit.Sa«dame»avaitdormicommeunnouveau-nétoutelanuit,pendantqueluisetordaitdanslesaffresdel'insomnie.

—J'irailaréveillerquandlesvoituresetleshommesserontprêts,répliqua-t-il.Ellesepréparerapendantquejeferaimesadieuxàmesfrèresetàleursépouses.

—C'estunenouvellepagequisetournepourtoiaussi,fitremarquerGannon.Ilyaunequinzaine,aurais-tuimaginédevenirlairdaprèsavoirépouséunebellejeunefemme,pourcommenceruneautrevieloindesMcCabe?

Toutd'abord,Caelenfitcommes'iln'avaitpasentendu,parcequelaquestionqueluiposaitGannonledérangeait.Lavéritéétaitimplacable,immuable.Ellesechargeaitdeserappeleràvousauxmomentslesplusinopportuns.

— C'est par ma faute que nous nous sommes battus comme nous avons dû le faire durant tantd'années, dit-il enfin. Je dois à mes frères plus que je ne pourrai jamais leur revaloir. Accepter cemariageapermisàAlaricd'obtenircequ'ildésiraitplusquetoutaumonde,etàEwand'avoirlesmoyensd'assurerlasécuritédesafemmeetdesafille.SiRionnaMcDonaldétaitunegueuseauvisagecribléparlavérole,jel'auraistoutdemêmeépousée,etsansjamaisleregretter.

—Quellechancequejenesoispasunegueuseaveclevisagecribléparlavérole!

Caelenfitvolte-faceetdécouvritsafemmequilesobservait,levisageimpassible,àquelquespasdelà.Entresesdents,iljuratoutbaspendantqueGannonpoussaitungémissementétouffé.

—Rionna...commença-t-il.

Ellelevalamainpourlefairetaire,etilneserenditcomptequ'ellevenaitdeluidonnerunordrequelorsqu'ilyeutobéi.

—Nevousexcusezpasd'avoirditlavérité,chermari!répliqua-t-elle.Ilestvraiquejen'avaispasdavantagequevousenviedecetteunion,maiscommevousmel'avezsibienfaitremarquer,nousn'avonseulechoixnil'unnil'autre.Cependant,peut-êtrevaudrait-ilmieuxallerdel'avantplutôtquederessasserencoreetencorelesmotifsdecemariagederaison...

Caelen détestait la souffrance qu'il percevait dans ces paroles tandis qu'elle les dévisageaitfroidement,luietGannon.Sonvisagedemeuraitimpénétrable,maisellemaîtrisaitdifficilementletondesavoix.Ill'avaitblesséeparsadéclarationintempestive,etàprésentils'envoulait.Pourquoifallait-ilqu'ilsedébrouilletoujourspourlaheurterd'unemanièreoud'uneautre?

—Vousnedevriezpassortirsipeuvêtueparcetemps,luireprocha-t-ilpourmasquersonembarras.Ilgèle.Etquefaites-vousdeboutàcetteheure?

Elleluilançaunregardaussiglacialqueleventquibalayaitlacour.Mêmesiellen'étaitpasvêtuepouraffrontercetemps,ellenedonnaitpasl'impressiondesouffrirdufroid.

—Jemesuisréveilléequandvousvousêteslevéetjesavaisquevousvouliezpartirtôt,répondit-elle. La distance à parcourir n'est pas énorme, mais la neige va nous ralentir. Je me suis dit que jepourraisaiderauxpréparatifs.

—Uneintentiontoutàfaitgénéreuse,milady...assuraGannon.Maisilestdemondevoird'assistervotre époux. Je me sentirais mieux si vous consentiez à rentrer pour vous mettre au chaud. Je m'envoudraissivoustombiezmalade.

CaelenfoudroyaGannonduregardpourluiavoirôtédelabouchecesparolesprévenantes.C'étaitàluidelesprononcer,pasàsonlieutenant.Illuienvoulutdavantagequandilvitl'effetqu'ellesavaientsurRionna.Sonattitudesefitmoinsrigideetsonregardmoinsglacial.

—JevaisallerfairemesadieuxàKeeley,annonça-t-elle.EtjevoudraisaussisaluerMairinetlebébé.

Caelenacquiesçad'unsignedetête.

—Jevousferaiappelerlemomentvenu.

Ellehocha sèchement la tête elle aussi, puis tourna les talons et sedirigeavers le château.En laregardants'éloigner,CaelensoupiraetditàGannon:

—Ilva falloirdéblayer laneigedans la cour, et cene serapasuneminceaffaire.Autantnousymettretoutdesuite.

Rionnaattenditd'êtresûrequ'AlaricfûtdeboutavantdeserendredanslachambredeKeeley.MêmesilesfrèresMcCabeavaientlaréputationdesecontentersouventdequelquesheuresdesommeiletdeselevertôt,Alaricpassaitleplusclairdesontempscesdernièressemainesauchevetdesonépouse.

Quandellelevitregagnerleurchambre,porteurd'unplateausurlequelsetrouvaitlepetitdéjeunerdeKeeley,elleattenditencorequelquesinstantsavantdes'annoncer.

Alaricvintouvrir.Rionnaluiditencarrantlesépaules:

—J'aimeraisfairemesadieuxàKeeley,siellesesentsuffisammentbiencematinpourmerecevoir.

— Naturellement, répondit-il. Elle grignote en grommelant qu'on la retient captive dans cettechambre.

Letonexaspéréqu'ilavaitemployélafitsourire.Elles'avançadanslapièceetconstataavecplaisirquelesjouesdesonamieétaientunpeupluscoloréesquelaveille.

—Jesuisvenuetedireadieu,annonça-t-elle.LevisagedeKeeleyserembrunit.

—Déjà!protesta-t-elle.J'avaisespérépouvoirpasserunpeuplusdetempsavectoi.

Rionnaseperchaauborddulitetserrasesmainsdanslessiennes.

—Tu viendrasme rendre visite quand tu irasmieux.Ou peut-être est-cemoi qui viendrai.Nousavonsépousédeuxfrères,aprèstout.Nousnousreverronssouvent.Jecomptesurtoipourm'aiderquandjedonnerainaissanceàmonpremierenfant.Alors sois sage,etarrange-toipournepas te lancerdansquelquenouvellefolieaupérildetavie...

LesyeuxdeKeeleyétincelèrentjoyeusement.

—Commentétait-ceavecCaelen,lanuitdernière?s'enquit-elleauboutd'unmoment.

—Jeledéteste!s'exclamaRionna.Ilalalangueagileetdoucemais,sortidelachambrenuptiale,ilsecomportecommeungoujat.

Keeleypoussaunsoupir.

— Donne-lui un peu de temps, Rionna. C'est un homme bien. Ne te laisse pas abuser par lesapparences,ettut'enapercevras.

Rionnafitlagrimace.

—J'aimeraisavoirtonoptimisme,Keeley...

—Toutcequejeveux,c'estquetusoisheureuse.Promets-moiquetuluilaisserasunechance.

—Toutcequejepeuxpromettre,maugréa-t-elle,c'estdenepasluiplanteruncouteaudansleventredurantsonsommeil.

Keeleysemitàrire.

—Jesupposequejedevraimecontenterdeça.Porte-toibien,Rionna.Etsoisheureuse.Fais-moiprévenirquandvousserezarrivés.Etnet'inquiètepas:jeguetterail'annoncedetapremièregrossesse.

Rionnaseredressaets'inclinapourembrassersonamiesurlajoue.

—Jenerisquepasdetomberenceintes'iln'apprendpasàsetairequandillefaut.

LesouriredeKeeleys'agranditencore,etelleconclut:

—Ça, c'est quelque chose que bien peu d'homme savent faire, crois-moi.Mais n'oublie pas lesconseilsquejet'aidonnés.Sers-toidetesatoutstypiquementféminins,etjetegarantisqu'ilresteracoi.Aumoinsprovisoirement.

Duhautdesoncheval,Rionnaobservait ledétachementdeguerriersduclanMcDonald,quiavaitfondudepuis leurarrivée.Elleavaitde lapeinepourceuxquiavaientchoisidesuivresonpère.Pouravoirgrandiparmieux,ellelesconnaissaittous.Certainsjeuness'étaientprobablementlaisséconvaincrepar loyauté envers l'ancien laird et parméfiance envers le clanMcCabe.Les plus vieux avaient sansdouteétéscandalisésparletraitementréservéàleurlairdetavaientdûprendresonpartisanshésiter.

Elle préférait ne pas imaginer ce qui se passerait quand ils parviendraient à la forteresse desMcDonaldetqu'ilfaudraitfaireaccepterCaelencommelenouveaulaird.Biensûr,touss'attendaientàcequ'ellesemarieunjouretàcequesonmariprennelatêteduclan,maisuntelbouleversementn'étaitpascenséseproduiredujouraulendemain.

Une bourrasque la fit frissonner. Sa fourrure était usée et les vêtements qu'elle portait dessousn'étaientguèreadaptésaufroid.Àl'aller,ilsavaientvoyagéparunetempératureclémentepourlasaison.Cen'étaitpluslecasauretour,etellenedisposaitpasdanssagarde-robedecequ'ilfallait.

Caelenetsonsecondavaientprislatêteduconvoi.Rionnasuivaitàquelqueslongueurs,entouréedequatredessiensquipataugeaientdanslaneige.

Pasunefoissonmarin'avaittournélatêteverselle.Ellenes'étaitpasattendueàcequ'illefasse,maiselleauraitputoutaussibiennepasexister,étantdonnélepeudecasqu'ilavaitfaitd'elledepuisleurdépart.

Depuisl'échangequ'elleavaitsurprisentreluietGannoncematin-là,iln'avaitprêtéattentionàellequepourl'aideràsemettreenselle.

—Jenel'aimepas,Rionna...marmonnaJamesàcôtéd'elle.

D'unrapidecoupd'œil,Rionnas'assuraquesonmarin'avaitpasentenducedéloyalcommentaire,avantdereportersonattentionsurlejeuneguerrier.

—Moinonplus!renchéritSimon,sonpère.LeroietlesMcCabenousontjouéunsaletour.Cen'estpasjuste,cequ'ilsontfaitàtonpère.

Rionnaserralesdents.Ellenepouvaitleurrévélerlefonddesapenséeenleurdisantqu'ellenonplusneportaitpas lenouveaulairddanssoncœur.Maisellen'étaitpasforcéepourautantdesoutenirl'ancien.

— Il vautmieux lui laisser une chance, répondit-elle àmi-voix, sans quitter Caelen des yeux. Ilsembleêtreunhommejusteetbon.

Surl'autreflancdeRionna,Arthurcommentad'unevoixgrondantedecolère:

—Ilnevoustraitepasaveclerespectquivousestdû!

Par-dessussonépaule,Rionnajetauncoupd'œil inquietaurestede la troupe.Lesvisagesétaientfermés,lesregardsdurs.Aucundeceuxquilessuivaientneparaissaitravidevoirl'undesMcCabelesramenerchezeux.

—Ilestvraiquenousnevoulionsnil'unnil'autredecemariage,dit-elle.Etnousdevronsfairedesefforts. Iln'a jamaisenvisagédedevenir lairddenotreclan. Imaginezcommentvous réagiriezsivousvousrendiezaumariagedevotrefrère,pourvousretrouverfinalementmariédeforceàcellequ'ildevaitépouser.

Leshommesfirentlagrimace.Jameshochalatêtepourmarquersasympathie.

—N'empêchequ'iln'avaitaucundroitdetetraitercommeill'afait,s'entêtaSimon.LesMcCabeontlaréputationd'êtredesguerriersjustes.Impitoyables,maisjustes.Tadotn'estpasnégligeable.Ildevraittetraiteravecautantderespectquen'importequelleautrepromise.

Rionnalaissafuserunriresansjoie.

—C'estbienlàleproblème:jenesuispasn'importequellepromise.L'aurais-tuoublié?

Les hommes semirent à rire. Alerté par cette soudaine agitation, Caelen leur jeta un coup d'œilpardessus son épaule. Son regard croisa celui de Rionna et elle s'efforça de le fixer sans ciller. Pasquestiondeluilaissercroirequ'ilpouvaitl'intimider.

Au bout d'un moment, il regarda de nouveau devant lui, la reléguant dans l'indifférence qu'il luitémoignaitdepuislematin.

—Ilvaluifalloirfairesespreuves,repritSimon.Jemefichedecequeleroiadécidé.S'ilveutdevenirlairddenotreclan,ildevraprouverqu'ilenestdigne.

—Puisse-t-ils'enmontrerdavantagedignequemonpère,murmuraRionna.

Les autres gardèrent le silence, peut-être par loyauté envers celui qui les avait dirigésdurant tantd'années.Rionnaavaitcesséquantàelledejouerlesfillesmodèles,etelleavaitquelquesplansentêtequ'ellecomptaitmettreenapplicationdèsleurretourchezeux.

Que cela plaise ou non à sonmari, elle avait l'intention d'être partie prenante dans la nécessairetransformation de leur clan. Les siens avaient trop souffert des décisions lamentables d'un pauvre fouavideetagressif.

Peut-être accepteraient-ils de tourner lapage?Difficilede le savoir.Rionnaespérait simplementqueCaelenserévéleraitêtreunhommedevaleur,etunguerrierplusvaleureuxencore.

La guerre était imminente. EwanMcCabe se préparait à affronter Duncan Cameron, et c'était laquasi-totalitédesHighlandsqu'ilallaitentraînerdanslabataillederrièrelui.

Rionnaétaitbiendécidéeàceque,danscetteaffaire,sonclannedeviennepasl'agneausacrificiel.

8

IlfaisaitpresquenoirlorsqueCaelenordonnadedresserlecamppourlanuit.Rionnaétaittellementfrigorifiéequedepuislongtempsdéjàellenesentaitplusnisesmainsnisespieds.Sesjoues,ellesaussi,étaientinsensibles,etelleavaitl'impressionquelefroidétaitalléselogerjusqu'aucreuxdesesos.

Au point où elle en était, elle doutait de pouvoir se réchauffer un jour.Même les feux de l'enferauraientétélesbienvenus.

Aprèsavoirlâchédifficilementlesrênes,elleglissasesmainssouslafourruredansl'espoirdeleurrendre quelque sensibilité. Devoir descendre de cheval lui faisait peur. Elle n'avait aucune envied'enfoncersespiedsdanslaneige,nidefairelemoindremouvement.

Inspirantàfondpoursedonnerducourage,elles'agrippaàlaselleets'apprêtaàmettrepiedàterre.Caelenapparutsoudainàcôtéd'ellepourl'aider.

Rionna lui en fut si pathétiquement reconnaissante qu'elle faillit tomber dans ses bras. Sans tropsavoircomment,elleparvintàsecontenterdeprendreappuisursesépaulestandisqu'illasoulevaitpourla reposer à terre.Mais lorsque sespieds touchèrent le sol, ses jambes refusèrentde laporter et elles'effondradanslaneige.

Caelen se porta immédiatement à son secours. Quand il prit dans sesmains ses doigts glacés, ilprofératoutbasunchapeletdeblasphèmes.

En la soulevantdans sesbras, il aboyaune séried'ordrespourque l'on allumeun feuetque l'ondresseunetentesur-le-champ.

—Caelen...protesta-t-ellefaiblement.Jevaisbien.J'aijuste...unpeuf...froid.

Entoutehâte,Rionnafermalaboucheetserralesdentsafindelesempêcherdeclaquer.

—Vousn'allezpasbien!décréta-t-ilsévèrement.Pourl'amourdeDieu,femme!Vouscherchezdonclamort?Pourquoin'êtes-vouspashabilléeassezchaudement?Etpourquoinepasm'avoirditquevousétiezendifficulté?

Rionnaauraitpréférésemordrelalangueausangplutôtquedeseplaindreauprèsdelui.

Dèsquelefeudecampcommençaàrépandresachaleur,Caelens'installaavecellesurunesouche,aussiprèsdesflammesqu'illeputsansrisquerderoussirleursvêtements.

Ouvrant sa propre fourrure, il l'installa devant lui et la serra contre sa poitrine. Dès qu'il l'eutreferméesureux,Rionnasentitsachaleurcorporellesecommuniqueràelle.Pourunpeu,elleenauraitpleurédebonheur.Dumoins,dansunpremiertemps...

Car dès que l'engourdissement glacial se dissipa, des picotements insupportables l'assaillirent.Bientôt,elleeutl'impressionquedesrégimentsdefourmiscarnivoresladévoraient.Engémissant,ellesedébattitcontrelui,maisCaelenlaserraplusfortencore,l'immobilisanttoutàfait.

—Çafaitmal...gémit-elle.

—Oui,jesais,etj'ensuisdésolépourvous.Maisc'estdecettefaçonquevotrecorpsseréchauffeetva retrouver ses sensations habituelles. Au lieu de vous plaindre, soyez reconnaissante qu'il puisseencorelefaire...

—Ne commencez pas àme faire la leçon !maugréa-t-elle. Ce n'est pas lemoment.Attendez aumoinsquel'oncessed'arrachermachairdemesos...

Caelenémitunpetitrireamusé.

—Sivousavezgardévotre langueacérée,cenedoitpasêtresigravequeça,répliqua-t-il.Et jen'auraispasàvousfairelaleçonsivousn'étiezpasbutéeàcepoint.Sivousn'aviezpasdequoivousvêtircorrectementpourcevoyage,vousauriezpuenfairepartavantnotredépart.Jenevousauraispasautoriséeàpartirparcetempssansêtreprotégéedufroid.

—Voilà que vous me faites de nouveau la leçon, grommela-t-elle. Vous ne pouvez pas vous enempêcher...

Sontonacerben'empêchanullementRionnadeseblottirunpeupluscontreluipourprofiterdesachaleur.Elles'étaitmiseàtremblerdetoussesmembres,etsesdentsclaquaientsiviolemmentqu'elleeutpeurdelesperdre.

S'efforçantdemaîtrisersestremblements,elleenfouitsonvisagecontrelecoudeCaelen.

—F...F...Froid,balbutia-t-elle.Je...Je...n'arrivepas...àmeréchauffer.

— Chut... répondit-il dans un souffle chaud au creux de son oreille. Ça va aller. Restez un peutranquillecontremoi.

Rionnaneselefitpasdiredeuxfois.Ellesecoulasansfaçoncontrelui,lesdoigtsaccrochésàsatunique,latêtecoincéesoussonmenton,inspirantavidementl'airchaudquimontaitàlanaissancedesoncou.

Enfin,progressivement, les tremblementscessèrent.Faibleetépuisée,elle se laissaallerdans lesbrasdeCaelen.

—Êtes-voussuffisammentréchaufféepourmangerunpeu?luidemanda-t-il.

Elleacquiesçad'unsignedetête,maisenvéritéellen'avaitpasenviedebouger.

Avecunluxedeprécautions,Caelenselevademanièreàlalaisserassisesurlasouche.Luilaissantsafourrure,ilenresserralespanspourlamettreàl'abriduvent.Quandilfutsatisfaitetsûrqu'ellenetomberaitpasdesonperchoir,ils'éloignaendirectiondeshommesquiachevaientdedresserlesabrispourlanuit.

Quelquesminutes plus tard, il revint et lui tendit un quignon de pain et unmorceau de fromage.Rionnasortit lesmainsde leurabriet s'ensaisit.Tasséesurelle-mêmesous la fourrure,elleentrepritd'avalercerepasdefortune.

Dansl'étatoùelleétait, iln'avaitaucungoûtpourelle,maislasensationd'avoirl'estomaclestélarasséréna quelque peu et lui redonna du tonus. Tout enmangeant, elle regarda les hommes s'activer àdéblayer lacoucheneigeuseautourdu feudecamp.Des tentes furentdressées, lestéesdeneigeà leurbasepourempêcherqueleventnelesemporte.

Réalimenté en bois, le feu lança bientôt ses flammes à l'assaut du ciel, répandant une vive lueurorange.

Rionna,quiavait achevéson repas, tendit lesmainset sedélectade lachaleurqui lui léchait lesdoigts.

Puis Caelen fut debout devant elle. Sans lui adresser une parole, il la souleva dans ses bras etl'emmenajusqu'àlatentelaplusprochedufeu.

À l'intérieur, sur le sol, on avait installé des fourrures pour en faire une couche d'apparenceconfortable.Caelen se baissa pour l'y installer et entreprit de lui ôter ses bottes. Il les examina et serenfrogna.

—Ça,desbottes?s'exclama-t-ild'unairdégoûté.Ilyaplusdetrousquedeboncuir,là-dedans!Pasétonnantquevousayezlespiedsgelés...

Rionnasesentaittropfatiguéepoursedisputeravecluisurcepoint.

—Demain,ilnousfaudravousdénicherautrechose,poursuivit-il.Vousnepouvezaffronterl'hiveravec...ça.

Sanscesserdemaugréer,ilentradanslatentedontilrefermalesportièresetils'allongeatoutcontreelle.Aprèsl'avoirfaitpassersurleflanc,enchiendefusiletfaceàlui,ilrabattitlesfourruresautourd'eux.

— Glissez vos pieds entre mes jambes, ordonna-t-il. Rionna s'exécuta et soupira en sentant lachaleur des cuisses deCaelen se communiquer à ses pieds nus. Le feu de camp lui-même n'aurait pumieuxlaréchauffer.

Ellesepelotonnadanssesbrasetenfouitsonvisagecontresapoitrine,sedélectantdubien-êtrequipeuàpeul'envahissait.Unedouceodeur-celledeCaelenmélangéeàcelledugrandairetdelafuméedebois-luiassaillaitlesnarines.Unparfumauquelilauraitétéfaciledes'accoutumer.

Ungémissementdepurplaisirluiéchappa.Contreelle,ellesentitCaelenseraidiretjurertoutbas.Surprise,ellefronçalessourcils.Qu'avait-elledoncencorefaitpoursuscitersonire?

—Caelen?s'étonna-t-elle.Quelquechosenevapas?

—Tout va bien, Rionna.Dormez, à présent.Nous aurons la forteresse desMcDonald en vue endébutd'après-midisinousparvenonsàpartirtôt.

—Mesmainssonttoujoursgelées,seplaignit-elleCaelenglissasesmainsentreeuxets'emparadecellesdeRionna.Illesguida,soussatunique,jusqu'àsonventrechaudbardédemusclesdursettapisséd'unedoucetoison.

Elles étaient glacées, mais il ne tressaillit même pas lorsqu'elle les étendit bien à plat sur sesabdominaux.Cecontactlaréconfortaitautantparlachaleurqu'illuiprocuraitqueparl'intimitétroublantequ'ilétablissaitentreeux.

Dans un soupir, elle frotta sa joue contre son épaule et sentit ses paupières s'alourdir au fur et àmesurequesoncorpsseréchauffait.

Le tapis de poils lui chatouillant les doigts, elle laissa une de ses mains s'aventurer jusqu'à sapoitrine,dontlesmusclessecontractèrentinstantanément.Écarquillantlesyeux,ellesuivitlerenflementd'unecicatrice.

Puiselleatteignitledisqueplusdouxdesonaréoleet,machinalement,commençaàtitillerlepetitboutondechairquisedressaitaucentre.

—Rionna...protestaCaelend'unevoixgrinçante.Surprise,elleretirasesmainsetrelevasivitelatêtequelesommetdesoncrânevintpercutersonmenton.

—Désolée!s'excusa-t-ellevivement.Caelenréprimaunsoupir.

—Dormez,Rionna.

Elle se blottit de plus belle contre lui et réintroduisit ses mains sous sa tunique. Elle adorait letoucher.Enplusdelamerveilleusechaleurqu'illuiprodiguait,ilyavaitquelquechosedefascinantdanscecorpsd'hommelivréàelle.

De nouveau, elle aplatit les paumes contre son ventre, mais cette fois ce fut vers le bas que sacuriositélamena,lelongd'uncordondepoilsquiallaitens'amincissant.

—Pourl'amourdeDieu!gémitCaelen.D'autorité,illuisaisitlesmains,lesreposasursatuniqueetl'attirasifortcontreluiqu'ellesfurentcoincéesentreleursdeuxcorps.

Lesbrasserréscommeunétauautourd'elle,Caelenavaitposélementonausommetdesoncrâne.Leursjambesétaientàprésentemmêlées,sibienquemêmesiellel'avaitvoulu,ellen'auraitpufaireungeste.Fortheureusement,ellenelevoulaitpas.

Rionnabâilla longuement, songeant qu'elle voulait biendemeurer ainsi sa prisonnière tant qu'il lagardait au chaud. Alors que le sommeil la gagnait, elle réalisa que depuis qu'il l'avait si ardemmentembrassée,ilsn'avaientpasrenouvelél'expérience.

Ce qui était une honte. Elle aimait bien l'embrasser. Peut-être au matin, quand il serait moinsgrognon,pourrait-elles'yrisquer?Oui,c'étaitunebonneidée.

—Demain...murmura-t-elledansundemi-sommeil.

—Demainquoi?s'étonna-t-il.

Les yeux fermés, à moitié inconsciente, elle eut à peine la force de bouger les lèvres pour luirépondre.

—Demain...jevousembrasserai.Oui...demain.Promis.

LeriredeCaelen,rauqueetbas,sefitentendre.

—C'est ça, susurra-t-il.Vousm'embrasserezdemain.Et je vousgarantis quevous aurez fait biend'autreschosesencoreavantquej'enaieterminéavecvous.

—Mmm...ilmetarderd'yêtre.

CaelendesserralégèrementlesbrasetvitlatêtedeRionnaroulersurlecôté.Laboucheentrouverte,ellevenaitdecéderau sommeil.En lacontemplant, amusé, il songeaqu'elleétait ladormeuse laplusinnocemmentpolissonnequisoit.Ainsiabandonnéecontrelui,elleétaittoutàfaitadorable.

Ilserenfrognasoudain,secoualatêteetfermalesyeux.Cesconfidenceséchangéessurl'oreilleretlabeautédeRionnaallaientl'amollir.C'étaitaucombat,àl'entraînement,àlatâchequil'attendaitqu'ildevaitavanttoutpenser.Sidéjàauboutdedeuxjours,alorsqueleurunionn'étaitpasencoreconsommée,safemmeluiôtaittoussesmoyens,elleallaitfinirparavoirsapeau...

9Lelendemain,ilsatteignirentlaforteresseduclanMcDonaldenmilieud'après-midi.PourRionna,il

étaitimportantderetrouverlessienspleinementmaîtressed'elle-même.Hélas,dansl'espritdesonmari,ilsemblaittoutaussiimportantqu'elleseprésenteàeuxcommeunefemmesansdéfenseentièrementsoussacoupe...

Depuislepetitmatin,ellechevauchaitlamêmemonturequelui,serréeentresesbras.Puisqu'ellenedisposaitpasd'uneprotectionsuffisantecontrelefroid,ilavaitdécidéqu'ilenseraitainsi.

Lorsque le château avait été en vue, Rionna avait insisté pour retrouver sa propremonture,maisCaelenl'avaitsimplementignoréeetavaitpoursuivisaroutecommesiderienn'était.

Elle redoutait laconfrontationqui s'annonçait.Biendeschosesavaientchangédepuisqu'elleétaitpartie, quelques semaines plus tôt. Elle revenait chez elle accompagnée d'un autre frèreMcCabe queceluiinitialementprévu,etsanssonpère...Uninconnu,quiplusest,qu'elledevaitprésenterauxmembresduclancommeleurnouveaulaird.

Uncris'élevadèsqueleguetteurdanssatoureutrepéréleurprésence.CaelenfronçalessourcilsetjetaunregardàGannon,quihaussalesépaules.

—Qu'est-cequ'ilya?s'inquiétaRionna,quin'avaitrienmanquédeleuréchangemuet.

— Il est déplorable que nous puissions arriver si près de la forteresse sans avoir été repérés,réponditCaelenavecundégoûtmanifeste.SiDuncanCameronétaitànotreplace,ilseraitdéjàtroptardpourdonnerl'alerte.

—Peut-être serait-il préférable que vous attendiez d'avoir fait la connaissance de votre nouveauclan,avantdelecritiquer?

—Peum'importeleuramour-propre!répliqua-t-ilsèchement.Jesuisdavantageconcernéparleursécurité.Etparlavôtre.

Rionnasetorditlecoupourvoircequilesattendaitlorsquelaportecommençaàs'ouvrir.Commeelleleredoutait,presquetouslesmembresduclans'étaientrassemblésdanslacour,tantleurcuriositéétaitgrandededécouvrirsonnouvelépoux.

—Déposez-moiàterrepourquejepuissevousprésenter,ordonna-t-elleàmi-voix.

Caelen resserrasesbrasautourd'ellemaisnedaignapas luiaccorderun regard,préférantnepasquitterdesyeuxlatrouped'hommesetdefemmesquilesattendait.Quandilnefutplusqu'àquelquespas,ilfitstoppersamontureet,sansprévenir,mitpiedàterretoutens'assurantd'unemainfermequeRionnanepuissetomberdecheval.

—Occupe-toidemafemme,ordonna-t-ilàGannon.Tropscandaliséepourréagir,ellelaissaGannon

lasouleverdesellecommesiellenepesaitrienetl'envelopperd'unefourrureaprèsl'avoirreposéeausol.TousdeuxsetinrentderrièreCaelen,etRionnanemanquapasdenoterqueleseconddesonmarilamaintenaitenplaced'unemainposéesursonépaule.

— Jem'appelleCaelenMcCabe, dit-il d'une voix calme et assurée. Je suis lemari deRionna etvotrenouveaulaird.

Descrisdesurpriseetdesexclamationsretentirent.Toussemirentàparlerenmêmetemps.

—Silence!criaCaelend'unevoiximpérieuse.

—Qu'est-ilarrivéàGregor?s'enquitNateMcDonald,aumilieudugroupedesguerriers.

Plusieursautresluifirentécho.

—Oui,ques'est-ilpassé?

Balayantlafouleduregard,Caelenexpliqua:

—Iln'estplusvotrelaird.C'esttoutcequevousavezbesoindesavoir.Àpartirdecejour,vousmedevezallégeanceetloyauté,ouilvousfaudrapartir.Jenepermettraipasquemesordressoientdiscutés.Nous avons énormément de travail et d'entraînement devant nous, si nous voulons l'emporter face auxtroupesdeDuncanCameron.Notreallianceavecmesfrères,EwanetAlaricMcCabe,aussibienqu'avecles clans voisins, nous rendra invincibles. Si vous voulez conserver ce qui est à vous et élever vosenfantsdanslapaix,alorsnousdevronsnousbattre.Etsinousdevonsnousbattre,ilfaudraêtreprêtsàlefairedenotremieuxlemomentvenu.

Rionnavit leshommesduclanéchangerdesregardscirconspects.Leurattentionseportasurelle,au-delà de Caelen, comme s'ils attendaient qu'elle prenne la parole à son tour. Ce qu'elle aurait faitvolontierspourapaiserleurscraintes,siCaelennes'étaitpastournéversellepourluiintimerlesilenced'uncoupd'œil.

Pourtant,lorsqu'ilseretourna,elletrouvalecouragedelibérersonépauledelamaindeGannonetdes'avancerverssonclan.

—Cettealliancealafaveurdenotreroi,annonça-t-elle.Ilalui-mêmebéninotreunion.Ilatoujoursétéconvenuqueceluiquej'épouseraisdeviendraitlaird.Mais,aulieudeprendrelesrênesdenotreclanàlanaissancedenotrepremier-né,CaelenMcCabevousdirigeradèsmaintenant.Nousavonsbesoindeluietdesescompétences,sinousvoulonstriompherdeceuxquiprétendents'appropriernosterres.

Caelenavaitbeaulafoudroyerduregard,Rionnan'avaitd'yeuxquepourlessiens,dontellejaugeaitl'indécisionetleshumeurs.

—Mon père s'est déshonoré, enchaîna-t-elle d'une voix claire et dépourvue d'émotion. J'ai bonespoirquesouslahouletted'unnouveaulaird,nouspourronsregagnercequenousavonsperdu.Latêtedroiteetleregardfier,nousdéfendronscequiestànous.

— Maintenant, vous allez vous taire, lui intima Caelen d'une voix basse, que la colère faisaitgronder.Etvousallezm'attendredanslechâteau.Immédiatement!

Leregardqu'illuiadressaitauraitfaitfuirleguerrierleplusendurci,maisRionnaétaitd'uneautreétoffe.Lesépaulesraides,lementonpointéenavant,ellesemitenrouted'unpastranquilleverslaporteprincipale,commes'ilavait toujoursétédanssonintentionderentrerchezelleaprèsavoirachevésondiscours.

Maisdèsqu'elle futà l'intérieur, ses jambes la trahirentetce futd'unpasbeaucoupplus incertainqu'elle s'avançadans la grande salle.Sarah seprécipita pour l'accueillir, écrasant si bien ses épaulesentresesmainsnoueusesqueRionnatressaillit.

—Dis-moitout,mapetite...Qu'est-cequec'estquecettehistoiredemariageavecCaelenMcCabequiseraitcenséremplacernotrelaird?Oùsetrouvetonpère?Etoùsontnoshommes?

RionnarepoussadoucementlesmainsdeSarahetselaissaglisseraveclassitudesurunsiège.

—C'estunelonguehistoire...répondit-elle.

—Ça tombe bien, je n'ai rien d'autre à faire pour lemoment que de l'entendre. Comment t'es-turetrouvéemariée àCaelenMcCabe?Tout lemonde sait qu'il a juréde rester célibataire. Il était toutjeunequandilenafaitlevœu,aprèsavoirététrahiparunefemmequ'ilaimait.

Rionnalâchaunsoupirconsterné.Merveilleux!Endépitdusermentqu'ilavaitfaitdenejamaissemarier,Caelens'étaitsacrifiéafindesauvegarderl'amourqueseportaientKeeleyetAlaric-l'amourquelui-mêmeserefusaitàconnaître.

Peut-êtreavait-ildécidéquecelaimportaitpeu,dumomentqu'ilnelivraitplussoncœuràaucunefemme?

—Connais-tulesdétailsdel'histoire?s'enquit-elle.Pourquelleraisonlafemmequil'aimaitl'a-t-elletrahi?

—Jecroyaisquec'étaittoiquidevaismeraconterunehistoire...

—Etjeleferai!répliqua-t-elleimpatiemment.Mais,pourl'heure,jedoissavoirpourquelleraisonmonépouxavaitfaitlevœudenejamaissemarier.

Sarahsoufflabruyammentetdétournaleregard.

— Très bien. Je vais te le dire. Il y a huit ans de cela, Caelen est tombé amoureux d'ElsepelhCameron. En vérité, c'est elle qui l'a séduit. Elle était un peu plus âgée que lui, et beaucoup plus...aguerrie,situvoiscequejeveuxdire.

Rionnanevoyaitpas,maispourrienaumondeellenel'auraitadmis.

—Dès le départ, elle était demèche avecDuncanCameron.C'est elle qui a drogué le vin de lagarnisonetouvertnuitammentlesportesdelaforteresseauxhommesdesonparent.Cefutunmassacre.Caelenyaperdusonpère,etEwanMcCabe,sajeuneépouse.Lesfrèresétaientabsentsquandl'attaques'estproduite.Àleurretour,ilsn'onttrouvéquemortetruines.Undrameterrible!

—Oui, approuvaRionna.Et l'imbécile se figure àprésentque les femmesont lediable enelles.

C'estpourquoiilajurédeneplusselieràaucuned'elles.

Enroulantdesyeuxeffarés,elleajouta:

—Pourquoifaut-ilqueleshommessoientsibêtes?

Latêterejetéeenarrière,Sarahéclataderire.

—Bonnequestion!Latâcheneserapasfacile,maissiquelqu'unestdetailleàleconvaincrequ'onpeutfaireconfianceàunefemme,c'estbientoi.Iln'yapasdecœurpluscourageuxetplusloyalqueletien.

Malheureusement,Caelenétaitconvaincuqu'elleétaitleprixàpayerpourgarantirlebonheurdesonfrèreetlebien-êtredesonclan.

—À ton tour,maintenant ! s'exclama Sarah. Raconte-moi ce qui s'est passé chez lesMcCabe etpourquoitonpèren'estpasrevenu.

Rapidement, Rionna relata les événements qui s'étaient produits, comment Caelen avait exigé deprendreimmédiatementlecontrôleduclan,etledépartdel'ancienlairdquienavaitrésulté.

—Sansdouteyaurait-ileud'autreshommespourlesuivres'ilsn'avaientpaseufemmeetenfantsici,constata-t-elletristement.Ceuxquisontpartisavecmonpèreétaientlibresd'attachesfamiliales.

—Cequim'inquiète,c'estcequ'ilsontentêteàprésent,murmuraSarahd'unairpensif.Tonpèreestunhommevaniteux.Iln'estpasdugenreàtolérerqu'onl'insultesansréagir.

—C'estsurtoutunimbécile,rectifiasèchementRionna.Unvieil imbécilelubriquequiaplacésesdésirsau-dessusdesintérêtsduclan.Ilneméritaitplusd'êtrelaird.

Sarahtapotagentimentsamain.

—Ducalme,mapetite... Inutiledesemettremartelen têteàcaused'unvieux fou.Son tempsestterminé.Mieux vaut regarder l'avenir. LesMcCabe ont la réputation d'être un clan redoutable. Il leurfaudradutempspourretrouvertouteleurpuissance,maisjetiensEwanpourunhommecapable,etilyafortàparierqu'ilenvademêmepoursesfrères.Peut-êtreCaelenest-ilceluiqu'ilnousfaut...sinousparvenonsàsurmonterlesépreuvesquinousattendent.

Rionna,quantàelle,nedoutaitpasquesonmaripuisseêtre l'hommede lasituation.Ce faroucheguerriern'avaitpasd'égalsurunchampdebataille.Ilinspiraitlerespectauxhommesquisebattaientàses côtés. Elle était consciente que les guerriers du clan McDonald n'étaient pas les meilleurs quipuissentexister,maisilsn'étaientpaslespiresnonplus.Pouravoirconstatéparelle-mêmelasuprématiemilitairedesMcCabe,ellerêvaitqueceuxdesonclanpuissentégalementendisposer.Danscedomaine,Caelenserévélaitmêmeunmeilleurchoixqu'Alaric.

Elleauraitsimplementaiméêtreunpeuplussûrequ’ilseraitégalementunbonmaripourelle,etunbonpèrepourleursenfants.

S’il avait décidé de barricader son cœur, quelles chances avait –elle de parvenir à s’y faire une

place?

10Rionnanevitpassonmaridurestedelajournée.Ilnelarejoignitmêmepasaudîner,qu'elleprit

seuledanslagrandesalleglacialeetdéserte.

Elledétestaitnepassavoirquelleétaitdorénavantsaplacedanssonpropreclan.Elleétaitrestéeclaquemuréedans lechâteaudepuisquesonmari luiavaitordonnédes'yrendre.Nonparpeurde lui,maisparcequ'elleignoraitcommentsecomporteraveclessiens.

Saproprecouardiseluidonnaitlanausée.

LedésirqueCaelenfinisseparsemontrerafindepouvoirréglersescomptesaveclui,alternaitenelleavecceluid'aller secacherpournepasavoirà l'affronter.Dumoins,pas tantqu'ellen'auraitpasreprisunpeucourageetdécidéd'uneconduiteàtenir.

Dégoûtéepar cette pusillanimité qui ne lui ressemblait guère,Rionna repoussa sa nourriture et selevadetable.Ellen'allaitpasresterlààseminerpoursavoirsielleavaitenvieounonquesonépouxsemontre.Ilpouvaitallerrôtirenenfer,peuluiimportait.

Lafatiguel'assaillait.Ellesesentaitmêmeépuisée.Ilétaittempsderejoindresonlit.

En ouvrant la porte de sa chambre, elle serra les bras contre elle pour résister au froid quil'assaillait.Iln'yavaitpasdecheminéedanscettepièce.Maiscommeiln'yavaitpasdefenêtrenonplus,lescourantsd'airyétaientlimités.Aprèsavoirrécupérédeuxboutsdechandelle,elleretournadanslagrandesallelesallumeràl'undesflambeauxalignéslelongdesmurs.

Leurlumièrechichedissipalesténèbresdesachambreetluiprodiguaunechaleurtoutesymbolique.Ces bougies à demi consumées auraient difficilement pu constituer un moyen de chauffage efficace.Pourtant,ellessuffirentàlarassérénerquelquepeu.

Il faisait cependant suffisamment froid pour décider Rionna à se coucher tout habillée. Elle secontenta doter ses bottes, avant d'enfiler une paire de chaussettes en laine que Sarah lui avaitconfectionnée.

Ellesoupirad'aiseensentantletissudouxetchaudglissersursapeau.Lespiedsbienprotégés,elleremualesorteilsetseglissafrileusementdanslelit,sousunepiledefourrures.

Sesyeuxsefermèrentaussitôt,maisellenes'endormitpaspourautant.Lesévénementsdesquinzederniersjoursoccupaientsuffisammentsespenséespourl'empêcherdetrouverlesommeil.

Pour être honnête, elle devait admettre que, davantage qu'une appréhension passagère, c'était unevéritablepeurpoursonpropreaveniretpourl'avenirdesonclanquil'assaillait.

Même si elle s'était habillée en homme et entraînée àmanier l'épée pendant que les autres fillesrêvaientmariage et enfants, elle n'en avait pasmoins nourri quelques rêves secrets. Elle aussi s'était

imaginéevêtued'unetoilettesomptueuse,devantunguerriersanspareilquimettaitungenouenterrepourluijurerloyautéetamouréternel.

Unsourirerêveurflottasurseslèvres,etelleseblottitplusconfortablementsoussesfourrures.Oui,c'étaituneagréablechimère.Ceguerriersanspareilnel'auraitpasseulementaiméeau-delàdelaraison,illuiauraitpardonnésesfautesetauraitétéfierdesestalentsàl'épée.Ilseseraitvantéauprèsdeseshommesquesafemmeétaituneredoutableprincesseguerrièred'uneincomparablebeauté.

Ilsauraientcombattucôteàcôte,puisseraientrentrésensemblevictorieuxdansleurforteresse.Elleyauraitpasséunedesrobesprécieusesqu'illuiauraitoffertes,puisluiauraitserviunrepassomptueuxdontelleauraitelle-mêmedirigélapréparation.Ensuite,ilsseseraientassisprèsdufeupourdégusterunebièrefine,avantdeseretirerdansleurchambreoùill'auraitserréecontreluiensusurrantdesmotsd'amouràsonoreille.

—Tun'esqu'uneidiote!marmonna-t-elle.

Aucunhommenel'auraitjamaisacceptée,tellequ'elleétait.IlfallaitêtreunefemmecommeKeeley,touteendouceuretrondeursféminines,poursefaireaimer.Unefemmeaimableetdévouée,passionnéeparlestravauxd'aiguilleet lesplantesmédicinales.Unefemmecapabledetenirunchâteauetdefaireserviràsatablechaquesoirunrepasdignedecenom.

Toutcedontelleétaitcapable,quantàelle,c'étaitd'infligerdesblessuresquinécessitaientquedesfemmesaussidouéesqueKeeleyviennentlessoigner.Quecelaluiplaiseounon,Rionnan'avaitpasuneoncededouceurouderondeurféminineenelle.

Sansrouvrirlesyeux,ellefronçalessourcils.Queluiimportaitdenepasêtrecommelesautres?Celanefaisaitpasd'elleunefemmeaurabais.Simplement,elleétait...différente.Unedifférencequ'unhommebonetaimantauraitdûapprécier.EtsiCaelenMcCaben'étaitpascapabledelecomprendre,ilpouvaittoutaussibienallers'asseoirsursonépée,etquegrandbienluifasse!

Il faisait étonnamment chauddans lapièce.Et le lit étaitplus confortablequece àquoi elle étaithabituée.Rionnaavaitconsciencequequelquechoseavaitradicalementchangé,maisellenetrouvaitpaslaforcedes'éveillertoutàfaitpourvérifierdequoiils'agissait.

Décidéeànepasgâcherlerêveagréablequ'elleétaitentraindefaire,ellesepelotonnadanslelitetsoupiralonguement.

Unpetitrireluirépondit,quivintréduiresoneuphorieànéant.Simultanément,unecaresseappuyéesurl'undesesseinslafitfrissonner.

Undesesseins?Nes'était-ellecouchéetouthabillée?Defait,elleserappelaitparfaitementêtreallée au lit sans ôter ni ses vêtements ni le bandage comprimant sa poitrine, et avoir sombré dans lesommeil.

Prudemment,elleentrouvritunœiletaperçutsonmari,dedos,quisedéshabillaitàdeuxpasdulit.Ellen'étaitplusdanssachambre.Cen'étaitpasnonpluscelledesonpère.Sansdoutes'agissait-ild'unedeschambresréservéesauxhôtesdemarque,mêmes'ilsn'avaientjamaisététrèsnombreuxàséjournerauchâteau.

Plutôt que de jaillir du lit pour lui demander comment il se faisait qu'elle se retrouvait là, ellepréféraobserverensilenceCaelenenleversatunique.

Lesmusclesdesondosjouèrentsouplementsoussapeauquandilfitpasserlevêtementpar-dessussa têteet le jetasurunechaise.Puis,aprèss'êtreétiréun instant, ilentrepritdesedébarrasserdesonpantalon.

Rionnasentitses jouess'empourprer lorsque lefessierdeCaelen luiapparut,durcommefermaissuffisamment galbé pour aimanter un regard féminin. Plus pâle que le reste de son corps, il étaitimpossibled'y trouveruneoncedegraissesuperflue.Dessous, solidescommedes troncsd'arbres, sesjambessousunsemisdepoilsnoirsetdrus.

Unfrissonquinedevaitrienaufroidlasecouadenouveau.

Sonmariétaitunmagnifiqueguerrier.Toutcequ'unefemmecommeellepouvaitdésirer.Iln'étaitpasparfait,non,maismagnifiquetoutdemême.

Des cicatrices parsemaient l'intégralité de son corps, des chevilles à la nuque. Elle se découvritimpatientedepouvoirexplorerchacuned'ellesavecsesdoigts...etavecsabouche.

Apprécierait-il ces attentions autant qu'elle avait apprécié les siennes ? La perspective del'embrasser,d'avoirlegoûtdesoncorpssurseslèvres,réveillaitdespartiesd'elle-mêmeauxquellesellen'avaitpasl'habitudedeprêterattention.

Rionnabaissalesyeuxetpritdéfinitivementconsciencequeplusunseulvêtementnelarecouvrait.

Lacaressesensuelledesfourruressursapeaunueluiparutdélicieusementinsupportable.C'étaittoutson corps qui se trouvait dans un état d'hypersensibilité. Durs et dressés, ses mamelons semblaientsupplierqueCaelensedécideàlesembrasser.

Sousl'effetdel'impatience,Rionnafaillitselaisseralleràgémir.Ilétaitvraiquesonmariavaitusésurelledesabouche-etdesalangue!-d'unemanièrequ'ellenerisquaitpasd'oublier.

Àcetteévocation,ellesentitsachairs'émouvoirauplusintimed'elle-même.Queluiarrivait-ildoncpourquelefaitdelevoiretdesesouvenirdesescaressessuffiseàmettresoncorpsenémoi?

Elle s'étira avec impatience dans le lit, incapable de demeurer plus longtemps immobile. Caelenl'entenditetseretournapourluifaireface,nullementintimidéparsatotalenudité.

Rionnaécarquilla lesyeuxendécouvrantsonmembreviril, rigideet...dressé.Cetélémentdesonanatomiesemblaitaussifieretfarouchequelerestedesapersonne.Enrelevantfinalementlesyeuxpourcherchersonregard,elledutdéglutiràplusieursreprises.

—Ainsi,vousêteséveillée,constata-t-il.Rionnaacquiesçad'unvaguesignedetête.

—Pourquoiêtes-vousalléedormirdanscettechambreridiculeetdépourvued'aération?reprit-il.Vousvouliezvouscacher?

Apparemment,cetteéventualitésemblaitl'amuser.Rionnaserembrunitetseredressa,réalisanttrop

tardquedanslemêmemouvementelledénudaitsapoitrine.

—C'estmachambre,répondit-elle.Oùaurais-jepuallerdormir?

Caelenarquaunsourcil,commepoursoulignerl'absurditéd'unetelleréponse.

—Jenevousaipasvude la journée!ajouta-t-elled'un tonacerbe.Commentaurais-jepusavoirquellesétaientvosintentions?

Caelen encercla entre lepouce et l'index labasede son sexebandé et fit coulisser l'anneauainsiforméverslehaut.Ausourireencoinqu'illuilança,Rionnacompritquesaréponseallaitlamettreenfureur.

—Aurais-jenégligémanouvelleépouse?s'interrogea-t-ild'unevoixcharmeuse.Etmoiquipensaismeconsacreràd'importantes tâches, comme lapriseenmaindevotreclan, afind'asseoir sur luimonautoritéetd'organisernotredéfense.

Rionnaserralesfourruresentresesdoigts.

—Monclanestaussilevôtre,àprésent.Etcessezdevousexprimercommesivousnousfaisiezunegrandefaveur.LesMcCabesontloind'êtreperdantsdanscemarché.

—Commevousparaissezfarouche,chèreépouse! lança-t-ilenfeignantd'êtreimpressionné.Vousai-jeditàquelpointjevoustrouveirrésistiblequandvousmeteneztêteainsi?

—Cen'estpourtantpasmonbutdevousséduire.Toutsourire,Caelens'approchadulit,sanscesserdeprodigueravecsamaindecurieusescaressesàsonsexedressé.Incapabledesefocalisersurautrechose,Rionnaleregardaitfaire,lerougeauxjoues.

—Que cela soit ou non votre but ne change rien à l'affaire, répliqua-t-il. Je deviens dur commepierrechaquefoisquevousouvrezvotresijoliebouche.

Ildominaitàprésentlelit-etelle-même-detoutesastature.Allongéedevantlui,Rionnanepouvaits'empêcherdesesentirfaibleetvulnérable.Leregardqu'ilposaitsurellelarendaitnerveuse.Ellecrutydécouvrir comme une promesse. Mais de quoi ? Elle n'aurait su le dire. En un geste réflexe, elles'humectaleslèvresetramenaàellelesfourruresdontellesecouvrit.

—Inutiledecachervoscharmes,s'amusa-t-il.Jelesauraiàmamercibienasseztôt.

—Quevoulez-vousdire?s’étonna-t-elle,lesouffleunpeucourt.

Ilétaitvraiqu'elleavaitdumalàrespirer.Sacagethoraciquesemblaitemprisonnersespoumons.Sigrandeétaitsatensionintérieurequ'ellesentitlatêteluitourner.

CaelenretiralesfourruresdesdoigtscrispésdeRionna,lesrabattitaupieddulitetrépondit:

—Jeveuxdirequecesoir,jenem'arrêteraipasavantd'avoirobtenutotaleetparfaitesatisfactiondemesdésirs.

Les yeux brillants, il porta lamain à l'un des seins de Rionna, dont il titilla lemamelon jusqu'àobtenirentresesdoigtsunbourgeondechairérigé.

—Etqu'ensera-t-ildesmiens?s'enquit-elle.L'hommeparaissaitsiarrogant,sisûrde luiqu'ellen'avaitpus'empêcherdeleprovoquer.

—Jenepensepasquevousaurezàvousplaindre,répliqua-t-ildansunsourire.Toutcommevousn'avezpaseuàvousplaindreladernièrefois.

Qu'aurait-ellepurépondreàcela?Ilavaitraison.

LesjambesdeRionnasemirentàtrembler,puissesdoigts.Despapillonsprirentleurenvolaucreuxdesonventre.

Caelensepenchaau-dessusd'elle,ungenouglisséentresesjambes.Ilétaitsiprochequ'ellepouvaitsentirsursapeausonsoufflebrûlant.Pourtant,aulieudeposersabouchesurlasienne,commeelles'yattendait,illuiembrassalecou.

Rionnaeutl'impressiond'êtreunfétubalayéparleventdansuncield'orage.Ellerenversalatêteenarrièreafindemieuxseprêteràsesbaisers.

—Vousavezunepeaumagnifique,susurra-t-il.Savoixrauqueetbassefitvibrersapeau.Rionnasentittoutsonêtresetendre,dansl'attentedesavoiroùl'emmèneraientsesprochainsbaisers.

Tllasurpritenluimordillantlabaseducou,gentimenttoutd'abord,puisunpeuplusrudement.

—Etvousêtesaussidélicieuseàgoûterqu'àregarder.

Fermantlesyeux,ellelâchaunlongsoupir.

— Cher mari... votre bouche est aussi diaboliquement habile pour les baisers que pour lescompliments.

—Etvousn'avezencorerienvu...

11Rionnas'agrippaauxépaulesdeCaelen,sesdoigtsancrésàsesmusclesdurcis.Àlaforcedesbras,

ellesehissaverslui,presséederetrouverlacaressedeseslèvressurlessiennes.Desfrissonsdeplaisirparcouraientsapeaunuecommelestracesd'uneaverseàlasurfaced'unlac.

—C'estbien,femme...l'encouragea-t-il.Apprenezàcomptersurmoi.

Caelens'abaissademanièreàlareposersurlelit,oùelleserallongeaendouceur.

—Auxyeuxd'unhomme,votrebeautéestunfestin.

—Dites-moi,demanda-t-elleavecunemoueboudeuse,commentsefait-ilquevousn'ayezdemotsdouxpourmoiquedanslelitconjugal?

Unsourireaucoindeslèvres,ilseredressa.

—Parcequec'estleseulendroitoùvousvousmontrezobéissante.

Elleluiassenadansl'épauleunpetitcoupdepoing,quinel'ébranlaenrien.D'ungestevif,Caelens'emparadesonpoignetetl'immobilisaau-dessusdesatête,tandisquesonautremaincueillaitl'undesesseins.

Illecaressaparesseusement,traçantduboutdesdoigtsdevaguescerclesautourdumamelon.Puisilsaisitentrelepouceetl'indexlebourgeondechairetletitilla,doucementd'abord,puisunpeuplusfort,provoquant une vague de plaisir qui allamourir au plus intimed'elle-même.Les cuisses serrées l'unecontrel'autre,elles'arc-boutapourmieuxs'offriràlui.

Lentement,Caelenbaissa la tête.Bientôt, son souffle chaudcaressa son aréole.Rionnapoussaunpetitgémissementsourd.Ellesereconnutàpeinedanscettemanifestationd'impérieuseimpatience.

Enfin,chaudeet râpeuse, la languedeCaelenglissa le longdesonsein, laissantunetracehumidederrièreelle.Illuilâchalepoignetafindepouvoircaressersesdeuxseinssimultanément.

Auboutd'unmoment,illespressal'uncontrel'autreetdéposauntendrebaiserausommetdechacund'eux. La tête dressée, Rionna le regarda les embrasser avec passion. A chaque nouvel assaut de sabouche,soncorpsseraidissaitsouslui.

Incapablederésisteràlatentation,elleplongealesdoigtsdansseslongscheveuxnoirs.Ellecaressales tressesdeguerrequiornaient ses tempeset s'en servitpour le rameneràellequand il fitminedes'arrêter.Avecunpetitrireravi,illuidonnasatisfaction.

—J'aiforteenviedegoûteràvousdenouveau,murmura-t-il.Desentirvotremielsurmalangue.

RionnafermalesyeuxetlaissasesmainsretombertandisqueCaelensefrayaitunchemindebaisers

lelongdesonventre,jusqu'auplidel'aine.

Ilglissasurleflancetpritappuisuruncoude.SagrandemainpritpossessiondupubisdeRionna.Sesdoigtsjouèrentdanssatoison.Elleétaitfascinéeetmortifiéeàlafoisdelevoirfaire.

Unepartd'elle-mêmeauraitvouluserrerlesjambesetsedéroberàlui,uneautremouraitd'enviedelesécarterafindeluifaciliterlatâche.

Délicatement mais avec obstination, il la caressa si savamment que les plis de son intimité netardèrentpasàs'épanouir.D'undoigt,ildescendaitlelongdesonsexepuisremontaitpourencerclerlepetitbourgeondechair.

—Jen'ytiensplus,annonça-t-ild'unevoixblanche.Jeveuxm'enfouir,meperdreenvous...

Rionnaécarquillalesyeux,troubléeparl'imagequecesparolessuscitaientenelle.Ellebaissalesyeuxverslui.Ilrelevalatête,etl'intensitédesonregardlastupéfia.

LamaindeCaelenquittal'entrejambedeRionnaetremontalelongdesonventrepourallerseplacersousunsein. Il se redressapour l'embrasser, jusqu'à faires'ériger lemamelonentreses lèvres,puis ilachevadeseredresserdemanièrequeleursbouchesnesoientplusqu'àunsoufflel'unedel'autre.

Del'index,ileffleurasajoue.

—Jenevousferaipasmal,promit-il.Notrenuitdenocesvousfaisaitpeur,c'estpourquoijenevousaipasbrusquée.Jevousprometsd'êtreaussidouxqu'unhommepeutl'êtrelorsqu'iltremblededésirpoursafemme.

Rionnaouvritlabouchepourassurerquerienneluifaisaitpeur,maislaprotestationmourutsurseslèvres quand il s'en empara avec une infinie tendresse. Sesmains, ce faisant, parcouraient son corps,caressantes,apaisantes.

Sanscesserdel'embrasser,ilparvintàsecoulerau-dessusd'elle.Soncorpslarecouvraittelleunechaudecouverture.Unecuissemusclées'insinuaentrelessiennes,lesincitantàs'écarter.

SesbaisersluifaisaienttellementperdrelatêtequeRionnanecompritpascommentcegrandcorpsnuetmuscléavaitpuseretrouversiétroitementpressécontrelesien.Plustroublanteencoreétaitcetteimposantepartiedesonanatomiequis'étaitpositionnéeàl'entréedesonsexe.

Endouceur,Caelenfitpénétrerenellel'extrémitédesonmembreets'arrêta,lalaissants'habitueràcetteintrusion.Rionnaretintsonsouffle.D'unregardapeuré,ellescrutasonvisage.

—Détendez-vous...conseilla-t-ilendéposantunbaiseraucoindeseslèvres.Ceseraplusfacilesivousnerésistezpas.Jevousdonneraiduplaisir.Jevouslejure.

—Dites-moicequejedoisfaire,répondit-elledansunsouffle.

—Enroulezvosjambesautourdemoietaccrochez-vousàmesépaules.

Commeilleluidemandait,Rionnaentourasesjambesaveclessiennes,laissantglisserseschevilles

lelongdesesmolletsdursetpoilus,jusqu'aucreuxdesesgenoux.

Sesmainsparaissaientminusculessursesépaules.Sesdoigtsmarquaientàpeinesachair.Nonsansune certaine inquiétude, elle scruta unenouvelle fois son regardmais n'y découvrit quebienveillance.Cela la réconfortait de savoir qu'il s'efforçait de ne pas l'effrayer, et cela lui donnait du courage.Commentpourrait-ellel'inciteràrespecterlafemmeindépendantequ'elleétaitsielleneluimontraitpasdequelboiselleétaitfaite?

—Allez-y!Qu'attendez-vous?l'encouragea-t-elleeffrontément.

Denouveau,ellesentit lapressionqu'exerçaitsonmembrevirilauplus intimeetauplussensibled'elle-même.

ElleréprimaunpetitcrilorsqueCaelenreprittrèslégèrementsaprogression.Elles'efforçaenvaindesedétendreafind'accoutumersoncorpsàcettedéstabilisantesensation.

Elleétait tirailléeentre l'hésitationet l'impatience.Elleauraitvouluqu'il se retire,maisenmêmetempsellemouraitd'enviequ'ilcontinue.

Semordantlalèvreinférieure,ellesoulevasonbassinafindel'encourageràconclure.

—Ah,femme...murmura-t-ild'unevoixtendue.Commevoussavezm'attireràvous...

Caelen ferma les yeux.Un frisson fit trembler ses épaules. Sous ses doigts, elle le sentait frémir,tenduàl'extrême,commes'ildevaitlutterdetoutessesforcespourseretenir.

Rionnaluicaressalesépaules,puislesbras.Soncœurétaitentraindes'attendrirvis-à-visdecethommequiprenaitsigrandsoindenepaslabrusquer.

—Çavaaller,assura-t-elle.Jesaisquevousnevoulezpasmefairemal.

LeslèvresblanchiesdeCaelendessinaientuntraitsursonvisagefigéparlaconcentration.

—Quejeleveuilleounonn'ychangerarien,répondit-il.Jedoispercervotrehymen,etcelanepeutsefairesansdouleur.

Duboutdeslèvres,ilcaressacellesdeRionnaetmurmura:

—Vousm'envoyezfortdésolé,maisiln'yarienquejepuisseychanger.

—Alors terminez-en!Iln'yaaucuneraisonquenoussoyonsdeuxàsouffrir.Jesensàquelpointvotrecorpsestcrispé.Cedoitêtredéplaisantpourvous.

Unfaiblerireluiéchappa.

—Vousn'avezpasidéeàquelpoint!lança-t-il.Pourlapremièrefoisdepuisleurmariage,Rionnaserisquaàungestetendre.Lesmainsautourduvisagedesonépoux,ellecaressasesjouesduboutdespouces,puissamâchoirecarrée,seslèvres.

Enfin,ellel'attiraàellepourunlongbaiser.Leurslanguessemêlèrentavecpassion.Cebaiserétaitpourelleunevéritabledrogue,lenectarleplusdouxauquelelleeûtjamaisgoûté.

Rionnasentitsoncorpscédersouslapression.Onauraitditqu'uneardenteépée-sidureetpourtantd'unedouceurveloutée-latransperçait.Soncorpsrésistad'instinctàl'intrusion,maisCaelenlaretintenempoignantfermementseshanches.

—Embrassez-moi!ordonna-t-il.Ceseraviteterminé.

Alorsqueleursbouchess'unissaientdenouveau,ildonnaunviolentcoupdereins.Rionnan'étaitpaspréparée à la douleur. Elle s'était attendue à un élancement, peut-être vif,mais limité.Rien ne l'avaitpréparéeàcetembrasementaucreuxdesonventre.

Elleneputreteniruncri.Deslarmesaffluèrentàsesyeux.Brûlantes,ellesdévalèrentsesjoues.

Caelens'étaitaussitôt immobilisé,enfouiprofondémentenelle.Lesmâchoiresserrées, il semblaitsouffrir lui aussi. Ses narines palpitaient. Il inspira profondément avant de vider tout l'air de sespoumons,plusieursfoisdesuite.

Ildéposaunbaisersursonfront,sespaupières,chacunedesespommettes,etmêmesonnez.Puisileffaçasousseslèvreslesfiletsdelarmessursapeau.

—Jesuisdésolé,s'excusa-t-iltoutbas.Tellementdésolé...

SonévidentesincéritéémutRionna.Unnœudseformadanssagorge,quibloqualesparolesqu'elleauraitvouluprononcer.

UngrondementprofondmontadelagorgedeCaelen.

—Dites-moiquandcelairamieux.Jenebougeraipastantquevousnem'yautoriserezpas.

Elletentadefairejouersesmusclesintimesautourdesonsexeenelle.

—Pourl'amourdeDieu,femme!gémit-il.Ayezpitié!

Soulagéedeconstaterqu'elleneressentaitplusqu'unedouleursourde,elleditensouriant:

—C'estdéjàmieux.

—MercimonDieu...marmonna-t-il.Jenepensepaspouvoirtenirbeaucouppluslongtemps.

Rionnapassalamainsursonfrontensueur,plongealesdoigtsdanssescheveuxetl'attiraàellepourunrapidebaiser,autermeduquelelleconclut:

—Finissez-en.Maintenant.

Avec une prudente lenteur,Caelen se retira.Rionna écarquilla les yeux tandis que l'assaillait unemyriade de sensations nouvelles. L'inconfort était certes toujours là, mais une incroyable chaleur lagagnaitquinedevaitrienàlasouffrance.

—Doucement...chuchota-t-il.Prenezletempsqu'ilfaudra,etvousressentirezduplaisir.

Caelen donna un nouveau coup de reins, beaucoup plus lent que le précédent, et avec une telletendressequeRionnalaissafuserunsoupir.Plusquejamais,ilparaissaitdéterminéàcequel'expériencesoitaussiagréablequepossiblepourelle.

Il titillasesmamelonsjusqu'àlesfairesedresser.Cefaisant, il luisourit,unelueurmalicieuseaufonddesyeux.

—Sentez-vouscommevotresexedevientglissantautourdumien?Cesseinsquevousessayiezdecacheràtoutprixaccroissentvotreplaisir.Notreplaisir.Ilssontaussibeauxquevousl'êtesetsontlesattributs devotre féminité. Ils sont doux, ainsi qu'une femmedoit l'être, et agréables à regarder. Je nedécouvrepaslemoindredéfautenvous.Vousêteslaperfectionfaitefemme,etmoijesuisunhommequiabiendelachance...

Rionnasepromitnonsansuncertainamusementde lui rappelerces tendresparoles, laprochainefois qu'il la foudroierait du regard. En attendant, elle les garderait dans le secret de son cœur.Ainsipourrait-elles'imaginerêtresafemmeadorée,etnonuneétrangèreépouséeuniquementpardevoir.

Keeleyl'avaitprévenuequ'unhommeétaitcapabled'endirebeaucoupsousl'empiredelapassion,ycomprisdeschosesqu'ilnepensaitpasforcément.Ellecomprenaitmieuxàprésentlesensdesespropos.

Caelen commença à aller et venir doucement en elle, avec plus de facilité qu'auparavant.Rionnacompritqu'ilavaitraison:sonsexes'étaitlubrifiélorsqu'ilavaitcaressésesseins.Ilsavaientétépourelledurantsilongtempsunetellesourced'irritationqu'elleétaitémerveilléeàprésentdeconstaterqu'ilsavaientleurutilité.

Pourlapremièrefois,saféminitén'étaitplusunembarraspourelle.Sabeauténeluiparaissaitpluschose inconcevable, et elle pouvait même envisager de paraître à l'avenir plus douce, moins garçonmanqué.Celafaisaitdubiendesesentirfemmeentrelesbrasd'unfaroucheguerrier.

—Celafait-iltoujoursmal?s'inquiéta-t-il.Avantdeluirépondre,elledéposaunrapidebaisersurseslèvres.

—Non.Vousvousypreneztrès,trèsbien.

—Vousaussi,femme...Vousaussi.

Commes'il n'y tenaitplus,Caelenglissa sesmains encoupe sous ses fesses et l'attira à lui.D'uncoup,ils'enfonçaencoreplusprofondémentenelle.

Le tendre guerrier qui avait pris toutes les précautions possibles pour ne pas lui fairemal avaitdisparu.Maintenantqu'ilétaitrassurésursonsort,illâchaitlabrideàlapassion,commes'ils'agissaitpourluidelamarquercommesienne.

Caelenmordillasamâchoire,puisdescenditlelongdesoncou.Sonsoufflebrûlanttraçaunchemindesonoreilleàsonépaule.

Illamordilla,lasuçota,l'embrassatantetsibienqueRionnafutconvaincuequ'elleengarderaitla

tracedurantdesjours.Ilétaitinsatiable,commes'ilavaitdûtroplongtempsréprimersafaim.

Ellerejetalatêteenarrière,selivrantàsonpouvoir.Ilavaitréussiàéveillerd'étrangesappétitsenelle.Entresesbras,elleéprouvaitdessensationsinédites.Elledésiraitplusquetoutluiappartenir.Ellevoulaitêtrechérieparlui.

Elleétaitsafemme,toutsimplement.Ellepréféraitfermerlesyeuxsurlescausespremièresdeleurmariage.Cen'étaitpasparcequ'ilavaitmaldébutéqu'ilnepouvaitévoluerenunetoutautrerelation.

Etpar-dessustout,ellevoulaitqu'ill'aime.Oui:elleenmouraitd'envie.

Désormais,ellelesavaitcapabled'éprouverdessentiments.Mêmes'ilrefusaitd'ycroire,soncœurn'étaitpasimperméableàl'amour.

C'étaitàelledeleluidémontrer.

Caelen allait et venait de plus en plus vite, de plus en plus fort entre ses jambes. Refusant dedemeurer passive, Rionna lui rendait chacune de ses caresses, chacun de ses baisers avec une égaleferveur.

Illamarquaitcommesienne,maiselleétaitdécidéeànepasêtreenreste.Ceguerrierétaitàelle.Ilétaitsonépoux,sonamant.Jamaisellenelelaisseraitluiéchapper.

Caelenglissaunemainentreleursbas-ventresunisetlacaressaduboutdesdoigts,toutendonnantunnouveauetvigoureuxcoupdereins.

Iln'enfallutpasdavantageàRionnapourperdrepied.Lafoudretombantsurelleneluiauraitpasfaitplusd'effet.Aprèsavoirsentitoutsoncorpssetendretelunarc,elleeutl'impressiondefuserversleciel,des'éparpillerenunmilliondeluciolesàtraverslesétoiles.

Son esprit devint parfaitement inopérant l'espacede quelques instants.Tout ce qu'elle parvenait àpercevoir,c'étaitl'incroyableplaisirquiinondaitsesveinestelunmielbrûlant.

Incapablederespirer,ellehaletait,lesnarinespalpitantsousl'effortqu'ellefournissaitpourremplirsespoumons.

RionnaentenditCaelenpousseruncri.Ilseraiditau-dessusd'elle,puiss'effondra,commeterrasséparleplaisir.

Sonfrontallas'enfoncerdansl'oreilleràcôtédelatêtedeRionna.Ilglissalesmainssoussesreinspourlaserrerplusfortcontrelui,tremblantdetoutsoncorps.Ilsemblaitavoirautantdedifficultéqu'elleàretrouversonsouffle.

Ensouriant,Rionnanoualesbrasautourdelatailledesonmarietluirenditsonétreinte.Ellefermalesyeuxetposalajouedanslecreuxdesoncou,s'habituantàlasensationdeleurscorpssiétroitementimbriqués,sansrienpourlesséparer.

12Rionna s'éveilla baignée dans une bienfaisante chaleur. Elle agita les orteils et soupira d'aise au

contactd'unefourrureépaisse.Sespaupièress'entrouvrirentetellevitungrandfeuflamberdansl'âtre.Ellen'étaitpashabituéeàémergerdusommeildevantuntelspectacle.

Jetantuncoupd'œilàcôtéd'elle,ellesedécouvritseule.

Paresseusement,elleétenditsesmembresjusqu'àlaplacequeCaelenavaitoccupéeetcaressad'unemainl'oreilleroùsatêteavaitreposé.

Rionnaressentaitencoreleseffetsdeleurfougueuseunion.Aumoindremouvement,sonentrejambesensiblel'élançait,etelleavaitlesmusclesraidescommeaprèsunevigoureusesessiond'entraînementàl'épée.

L'undansl'autre,ellen'avaitaucuneenviedequittersonlit...

Oui,elleétaitendolorie,maisd'unemanièredélicieuse.Cettesouffrance-là,elleauraitpul'endurerencore et encore.Fermant lesyeux, elle s'étira langoureusement.Aussitôt surgirentde samémoiredesimages explicites : Caelen au-dessus d'elle, en elle, roulant fougueusement des hanches, sa bouche sihabile,sitendre,entresesjambes...

Un bruit, venu de la porte, lui fit ouvrir les yeux et se redresser. Sarah passa la tête dansl'entrebâillement.EndécouvrantqueRionnanedormaitplus,elleentraetrefermaderrièreelle.

—Jevoisquetuesréveillée...dit-elle.

— Toujours aussi observatrice, répliqua Rionna. Avec un claquement de langue agacé, Sarah laregardafixementetannonça:

—Lelairdapenséquetuaimeraisprendreunbainavantdepasseràtaleçon.J'aidemandéqu'onvienneremplirlebac.

—Lebac?Quelbac?

Rionnasedressasursonséantenramenantlesfourruressursapoitrine.Aprèss'êtrefrottélesyeux,ellebalayalapièceduregardetfinitpardécouvrirdevantl'âtreunehautecuveenbois.QuandCaelenl'avait-ilfaitinstaller?Sansdoutelaveille.

Puis,quelquechosedanscequ'avaitditSarahattirasonattention.

—Maleçon?s'étonna-t-elle.Quelleleçon?Rionnafitpassersesjambespar-dessuslereborddulit,sanscesserdedissimulersoncorpsnusouslesfourrures.Sarahluisourit:

— Le laird veut que nous t'apprenions, moi et d'autres femmes du clan, tout ce que la dame du

château doit savoir de ses devoirs. Il dit qu'il est manifeste que tu n'as aucune connaissance en cedomaine,etqu'ilesttempsdet'ymettre.

Assise dans le bac, de l'eau jusqu'aux oreilles, Rionna fulminait en silence. Au terme d'une nuitparadisiaque, alors qu'elle pensait pouvoir repartir avec son mari sur de nouvelles bases, pouvoircompter sur son affection et son respect, voilà qu'il exigeait qu'elle se comporte en parfaite épousedocile.

Entendre, à côté d'elle, Sarah débiter la longue liste des exigences de Caelen n'arrangeait rien àl'affaire.

Ellenedevaitpluss'habillerenhomme,niselivreràdesactivitésindignesd'unelady,commeparexemplemanierl'épéeousebattre.Ellenedevaitpasnonplussebanderlesseins.

Enentendantcela,Rionnasesentitvireràl'écarlate.Iln'auraitpul'humilierdavantage.

—Nefaispascettetête!protestaSarah.Cen'estpascommes'ilétaitallécriercelasurlestoits.Ilm'apriseàpartpourmediretoutça.Enprécisantquesesinstructionsdevaientrestersecrètes.

Rionnalaissaémergersabouchepourprotester:

—Ilauraitputoutaussibienmeledirelui-même!Sarahpouffaderire.

—Ettul'auraisignorépourcontinueràvivretaviecommeàl'accoutumée.

—Qu'est-cequ'elleadesirépréhensible,mavie?maugréaRionna.

Pour toute réponse, Sarah lui renversa un seau sur la tête et la lui enfonça sous l'eau. Elle refitsurfaceentoussantetenfoudroyantduregardsonaînéequil'observaitd'unairsatisfait.

— Cela fait un moment que j'espère pouvoir te remettre les idées d'aplomb, dit-elle. Même s'ildésapprouvaittoncomportement,tonpèrenefaisaitrienpouryremédier.C'étaitunparesseuxquiauraitdûtereprendreenmainbienavantquetuatteignesl'âgequetuasaujourd'hui.Quantàtamère,elleauraitdû«t'enseignerlesdevoirsdeladameduchâteau,maiselleétaittropoccupéeàessayerd'empêchertonpère de courir les jupons. On peut dire qu'ils ne t'ont pas donné le bon exemple, mais cela n'a plusd'importance.Jevaisfairedetoilaplusparfaitedesépouses.

Sesparolestrahissaientunedéterminationsansfaille.Rionnasentitledécouragementlagagner.

—Pour commencer, ajoutaSarah, nous allons prendre tesmesures afin de te tailler de nouvellesrobes.Àprésentque tesseinsneserontpluscomprimés, les tiennesnevontplus t'aller.Trois femmestravaillentdéjàsurunedesrobesdetamère.Quelquesretouchesicioulà,ettuaurasdequoitevêtirenattendantquetagarde-robesoitprête.

—Nousn'avonspasl'argentqu'ilfautpourça,objectaRionnad'unairsombre.

Sarahsecoualatête.

—Ne t'inquiètepaspourça.Le lairdattend l'aidedeses frèresdans les semainesàvenir. Ilm'a

certifiéqu'il avait fait passer lemotpourque tupuissesdisposerdesvêtements chauds et de tous lesaccessoiresquiconviennentàunelady.

—Touslesaccessoiresquiconviennentàunelady...répétaRionna,ironique.

—Silence,maintenant!Celasepasseramieuxpourtoisitufaiscontremauvaisefortuneboncœur.

—Laisse-moiaumoinsbouderunpeu.J'aicomprisquetuaslespleinspouvoirs,maistusaisquejenepeuxpasaimerça.

Sarahsepenchapourluicaresserlajoue.

— Je t'ai toujours aimée comme si tu étaisma propre fille, dit-elle. Et désormais je te traiteraicommetelle.Cequiveutdirequejen'hésiteraipasàtecorrigersitumeparlesmal.

Rionnagrimaça.

—Quepenses-tudunouveaulaird?demanda-t-elle.

Sarahpenchalatêtesurlecôté,perduedanssespensées.

—Jepensequec'estunhommeunpeurudemaisloyal.Ilnousfaudradutempspournoushabitueràlui,maisunefoisqueceserafait,notreclanseradevenumeilleur.

—C'estcequejepenseaussi,admitRionnaavecréticence.Jevoudraisjuste...

Commeellenefinissaitpassaphrase,Sarahdemanda:

—Quevoudrais-tu,petite?

Rionnapinçaleslèvres,décidéeànepastrahirlamoindrefaiblesse.Elleentretenaitdesrêvesquin'étaientplusdesonâge.

—Peuimportecequejevoudrais,soupira-t-elle.C'estcequelelairddésirequicompte.

Campé au milieu de la cour, bras croisés, visage fermé, Caelen observait les guerriers du clanMcDonaldàl'entraînement.Àsoncôté,Gannonsecouaitdetempsàautrelatêted'unairdépité.

—Nousn'auronsjamaisletempsdefairedeceshommesunearméedignedecenom,commenta-t-il.EtfaceàCameron,nousn'auronsaucunechance.

— Je n'ai pas dit mon derniermot, répliqua fermement Caelen. Ils ont toutes les capacités pourdevenirdebonsguerriers.Ilsmanquentsimplementd'entraînement.

—Lemeilleurd'entreeuxestunefemme!fitvaloirGannond'unairdégoûté.TunepeuxavoiroubliéqueRionnaatriomphédeDiormid...

Caelenserembrunit.Iln'avaitpasbesoinqu'onluirappellelesprouessesdesafemmeàl'épée.Iln'avaitnullementl'intentiondelalaissersefairetuer.Dèsqu'illuiauraitfaitunenfant,elles'assagiraitet

setourneraitversdescentresd'intérêtplusféminins.

—Indique-moilesplusinfluents,ordonna-t-ilàGannon.Ilestmanifesteque,pourlemoment,ilsnereconnaissentenrienmonautorité.J'iraiplaidermacauseauprèsdel'aînéd'entreeux.

—Jelesaiobservés,murmuraGannon.C'estSimonMcDonaldquialeplusd'influenceauseinduclan.Leshommesl'écoutentetluidemandentconseil.ArienMcDonald,unautreancien,esttrèsappréciéparlesplusjeunesguerriers.Ilestvirtuoseàl'épée.

—Dis-leurque jeveux les rencontrerdans lagrande salle. Invite-les àdéjeuner avecnous,nousdiscuteronsenmangeant.Ilnousfaudraséparerlesguerriersenpetitsgroupespourunentraînementplusefficace.J'auraibesoindel'aidedeshommesenpositiondecommandersinousvoulonsarriveràquelquechose.

—D'accord,approuvaGannonenopinantduchef.Maisceneserapasunetâchefacile.

Caelenadressaàsonbrasdroitunsourireironique.

—Cen'estpastoiquidésiraisunnouveaudéfi?Gannonleregardad'unairmaussade.

—Quandjedisaiscela,jenepensaispasdevoirsortirdunéanttouteunearmée...

Caelenpoussaunsoupiretreconnut:

—Moi non plus. Pour être franc, je ne sais par où commencer, tant la tâche qui nous attend estcolossale.

—Nousyarriverons,assuraGannonenluidonnantunetapeamicalesurl'épaule.Siquelqu'unestdetailleàrelevercedéfi,c'estbientoi!

Caelenreportasonattentionsurlesguerriersàl'entraînementetfitlagrimace.Ilespéraitque

Gannonnesetrompaitpas.Lessemainesàvenirs'annonçaientéreintantes,etsesseuleschancesdesuccèsreposaientsursacapacitéàemporterl'adhésiondesonnouveauclan.

Mais,jusqu'àprésent,iln'avaitsuscitéqueméfianceetsuspicion.

—VatrouverSimonetArien,conclut-il.Jelesattendraiàl'intérieur.

En pénétrant dans le château, Caelen observa le ballet des servantes qui allaient et venaient. Duregard, ilcherchasa femmemaisne la trouvapas,pasdavantagequeSarahqui luiavaitpromisde laprendresoussonaileetdelaguiderendouceur.

Asonentréedanslagrandesalle,iltrouvacelle-cicomplètementvide.Sachantquemidiapprochait,ilfronçalessourcils.Aucunindicenesuggéraitqu'unrepasétaitsurlepointd'êtreservi.Iln'yavaitpasdefeudansl'âtre.Aucuneodeuralléchanteneparvenaitdescuisines.Lestablesn'étaientpasdressées.

Caelenignoraitmêmequiilauraitpuappelerpouravoirdesexplications.Dépité,ilsedirigeaversuneporteentrouverted'oùs'échappaitunbrouhahadevoixféminines.

Enpénétrant dans la pièce - une sorte de buanderie -, il découvrit sa femme en proie à une viveagitation.Lesmainssurleshanches,rouged'indignation,elledévisageaitSarahd'unairfuribond.

Bienqu'unpeupassée,larobequ'elleportaitluiallaitàravir.Lecorsetétaitunpeutropserré,detellesortequeledécolletébrodémettaitparticulièrementenvaleursesseinsgénéreux.Ainsiparée,elleétait...magnifique.Illuiauraitétédifficiledereconnaîtreenellelegarçonmanquéqu'ilavaitconnu,auvisageetauxmainssales?-àlapoitrineplateetauxcheveuxplaquéssurlatête.

Menueetféminine,elleincarnaitjusqu'auboutdesonglesladameduchâteauqu'elleétaitdevenue.Parsabeauté,ellerivalisaitsansproblèmeavecMairinetKeeley.

Dumoinsenfut-ilainsi tantqu'ellen'ouvritpas labouchepour laisserfuserunchapeletdejuronsdontCaelenétaitcertainquesesbelles-sœursignoraienttout.

Ellel'aperçutalorssurleseuil.Ellerefermalaboucheaussitôt,maisluilançaunregardnoir,commesisonintrusionlamettaithorsd'elle.Caelenarquaunsourcil.S'ilespéraitqu'elles'excuse, ilpourraitattendrelongtemps.

Rionnaserralespoings,sifortquesesonglesdevaientmordresespaumes.Sesyeux-uneétrangemixtured'ambreetd'or-lançaientdeséclairs.

—Venez-vousm'espionner,cherépoux?s'enquit-ellesèchement.

Lèvrespincées,Caelenlafoudroyaduregardàsontouretrépliqua:

—Jeviensvoirpourquoiaucunrepasn'estsurlepointd'êtreservidanslagrandesalle.Lessoldatsdoiventêtreaffamés.Toutcommemoi.

Rionnaledévisageait,lefrontplisséparlaperplexité.Lesautresfemmesfaisaientdemême,commes'ilvenaitdeproféreruneénormité.

Sarahfutlapremièreàretrouversalangue.Aprèsavoirjetéuncoupd'œilàRionna,elles'avançad'unpasetrépondit:

—Nousneservonsjamaisderepaslemidi,laird...

—Ya-t-iluneraisonparticulièreàcela?maugréa-t-ilenserembrunissantdavantage.Leshommesdoiventmangeràleurfaim.Ilsdoiventrecouvrerleursforces,surtoutàprésentqu'ilss'entraînentplusdurqu'avant.

Rionnaseclaircitlavoix.

—CequeSarahessaiedevousfairecomprendre,c'estquenousn'avonspasdequoipréparerunrepaslemidi.Nousdéjeunonslematinavecunpeudepainetdefromagesinousenavonsàpartager,etnousfinissonslajournéeaveccequenousavonspuchasser.

—Etquandlachassenedonnerien?

—Danscecas,nousnemangeonspas,répondit-ellesimplement.

Caelensecoualatêteavecstupeur.Riendetoutcelan'avaitdesens.LesMcDonaldavaientbeaunepas avoir lameilleure réputation qui soit sur le planmilitaire, ils tenaient leur place parmi les clansd'Ecosse.

—Votrepèreapariéavecmonfrèretroismoisderavitaillementtirédesesréserves...objecta-t-il.

—Ilauraitétébienenpeined'honorersadettedejeu,répliqua-t-elleamèrement.Ilnousalaisséssansriendanslegarde-mangeretsanslemoindreargentpourcommerceravecd'autresclans.

Caelenretintunjuron.

—Montrez-moi votre cellier ! ordonna-t-il. Haussant les épaules, Rionna tourna les talons et leprécéda,au-delàdelagrandesalleetdescuisines,jusqu'àunepetitepièceàdemienterrée.Descendantlesquelquesmarches,Caelenobservaavecconsternationlesrangéesd'étagèresparfaitementvides.

Les McDonald étaient plus pauvres encore que son propre clan l'avait été avant que son frèren'épouseMairin.

— C'est parfaitement inacceptable ! lança-t-il d'une voix grondante de colère. Les gens doiventmanger.

—Noussommeshabituésàsurvivredepeu,réponditRionnad'unairdétaché.Etcedepuisquelquesannéesdéjà.

—Votrepèreétaitdoncuntelbonàrien?

—Monpèrenesesouciaitquedesonpropreplaisiretderemplirsonpropreventre.

—C'estmiraclequevousn'ayezpasétéenvahis!Vousfaisiezuneproietoutedésignée.

LedégoûtdeCaelenétaitmanifeste.

Lesyeuxplissés,Rionnarétorquaavecfureur:

—C'estdevotreclandontvousparlezavecunteldédain.

—Absolumentpas!C'estpourvotrepèrequej'aidumépris.C'estunpéchépourunhommedenepasveilleraubien-êtredesonclan.Lesenfantsont-ilseuxaussiàsubirce traitement?Ainsique lesvieux,lesmalades?

Rionnasoupiralonguement.

— Il ne sert à rien de laisser libre cours à votre courroux. L'homme qui en est l'objet n'est pasprésent.Monclanaassezsouffertcommecelasansavoiràsubirvosreproches.

Caelenlaissafuserungrognementettournalestalons.

—Oùallez-vous?luicria-t-elleenlevoyants'éloignerentrombe.

—Àlachasse!lança-t-ilsansseretourner.

13—Contrordre!annonçaCaelenenrejoignantsonbrasdroitdanslacour.DemandeàSimonetArien

dechoisirleursmeilleurschasseursetpréparezleschevaux.

Gannon l'observa d'un air intrigué, mais se garda de tout commentaire avant d'aller exécuter sesordres.

Quelquesminutesplustard,ilrevintàlatêted'ungroupedeguerriers.

—Nousallonschasser,McCabe?s'enquitSimon.

Caelen plissa les yeux et soutint son regard sans ciller. Ce n'était pas le moment de montrer lamoindre faiblesse. S'il commettait cette erreur, il aurait définitivement perdu aux yeux de ses hommestoutecrédibilité.Peut-êtreneparviendrait-ilpasàsefaireaimerd'eux,maisildevaitgagnerleurrespect.

Avantquequiconqueaitpuserendrecomptedequoiquecesoit,Caelenavaitdégainésonépée.Lalamefenditl'airetvintpointersurlagorgeduvieilhomme.

Simonclignadesyeuxsousl'effetdelasurprise,n'osantplusbouger.

—J'exigequ'onmedonnemontitrequandons'adresseàmoi! lançaCaelen.Tun'aimespeut-êtrepaslefaitqu'unMcCabeaitpuremplacerunMcDonald,maistuaccorderasàtonlairdlerespectquiluiestdûoutuirasmordrelapoussière.

—Tupeux toujoursessayer...marmonnaSimon.Bienquesous lamenaced'unearme, l'hommenemanquaitpasdecran.

Caelenbaissalentementsonépée,puisillajetaàGannonquilaréceptionna.SansquitterSimonduregard,illaissaunsouriresatisfaitjouersurseslèvresetrépliqua:

—Jevaisfairebienplusqu'essayer,vieillard!

Sans crier gare, Simon chargea. Les hommes présents dans la cour s'attroupèrent autour d'eux,alléchésparlaperspectived'uncombat.

Simon réussit à bousculerCaelen en lui plantant son épaule dans l'abdomen, le faisant reculer dequelquespassanspourautantledéséquilibrer.

Descriss'élevaientpourencouragerSimon.

—Tue-le!éructaitl'un.

—Montre-luicequenouspensonsdenotrenouveaulaird!s'époumonaitunautre.

Alors que son adversaire chargeait de nouveau, Caelen pivota sur lui-même, attrapant ce faisantSimonparlataille.Saisienpleinélan,celui-ciperditl'équilibreavecluiettousdeuxallèrentroulersurlesol.

SimonparvintàasseneràCaelenuncoupdepoingdanslementon,lesurprenantsuffisammentpouréchapperàsaprise.Lesdeuxguerriers se remirentdeboutet se firent faceendécrivantuncercle.Detempsàautre,ilsfeintaientd'uncôtéoudel'autrepoursejauger.

Caelenfutlepremieràromprecestatuquo.Simonreçutdepleinfouetuncoupdepoingaumentonquilefittituberenarrière.Unfiletdesangsemitàcoulerdesabouche,qu'ilessuyad'unreversdemain.

—Voyonsmaintenantcequetuasdansleventre,McCabe!lança-t-ilavecunrictushaineux.

Surce,ilbonditenavant,entouradesesbraslatailledeCaelenetl'entraînaavecluidanslaneigefraîche. Caelen eut le souffle coupé par la violence de l'impact. De justesse, il parvint à amortir unnouveaucoupdepoingendéportant la têtesur lecôté.Iln'ensentitpasmoins legoûtdusangdanssabouche.

Il logea son genou dans le ventre de son adversaire et d'une brusque détente l'envoya bouler àquelquespas.Ilseredressavivementetregardalevieilhommeseremettrepéniblementdebout.

—Quecherches-tu?aboyaCaelen.Votreancienlairdnevalaitpasl'airqu'ilrespirait!Ilalaissévotreclandansunemisèrenoire.Etensedéshonorant,ilacouvertvotrenomdehonte!

Simoncrachadusangdanslaneigeavantderépondre.

—Nousnet'avonspaschoisi.Oui,notreancienlairdneméritaitpasdedirigernotreclan.Maistun'aspastoi-mêmefaitlapreuvequetuenescapable.Tudébarquesicienterrainconquisettulancesdesordresparlebonplaisird'unroiquin'apasdaignénoussignifierlui-mêmesondécret...

—TunetraitespasRionnaaveclerespectquiluiestdû!renchéritJamesdanslafoule.

—Oui,c'estbienvrai!approuvèrentplusieursautres.

Simonhochalatêteetreprit:

—Rionnaestunebravefillequin'aentêtequelebiendesonclan.Elles'estbattueànoscôtés.Elleseprivedetoutquandnousdevonsnouspriver.Elleestviscéralementloyaleàsonclan.Ellemériteunmariquilachériraàsajustevaleur,quilaverrapourletrésorqu'elleest...

Caelentiraavantagedeladistractionduvieilhommepourlancerunenouvellecharge.Simontombafacelapremièreetill'immobilisaencoinçantsongenouaucreuxdesondos.Puis,empoignantrudementlatignassedesonadversaire,illuisoulevalatêtepoursortirsonvisagedelaneige.

— Est-ce comme cela qu'on se bat chez les McDonald ? demanda-t-il d'un ton caustique. Vouspermettezàvosfemmesdesebattreàvotreplace?Rionnaestfilledelaird.Elleestàprésentl'épousedevotrenouveau laird.Vouspensezdoncqu'ellen'a riendemieuxàfairequesebattre,uneépéeà lamain,habilléeenhomme?Ellepourraitsefairetuer,ouêtregrièvementblessée...Sielleestuntrésor,commevousdites,neserait-ilpasplussagede lagarderà l'abridesmuraillesduchâteau?Comment

osez-vousréclamerlerespectpourelle,alorsquevous-mêmeneluitémoignezpasceluiquiestdûàsonrang?

CaelenlâchalatêtedeSimonetseredressa,dominantsonadversairedetoutesataille.

—Lesfemmesdoiventêtreprotégées,enchaîna-t-il.Touthommedignedecenomdoitveilleràleurbien-êtreetàcequ'ellesnemanquentderien.Lejouroùjemerésigneraiàcequ'unefemmefassemondevoiràmaplace,qu'oncessedemeconsidérercommeunguerrier!

Simonseremitdeboutengrimaçantdedouleuretépoussetalaneigedesesvêtements.

—Voilàquiestparlé,reconnut-il.MaisRionna...estdifférentedesautresfemmes,laird.

D'ungrognementdesatisfaction,Caelensalual'effortdepolitessefaitparsonadversaire.

—Oui,jem'ensuisaperçu,admit-il.Jenepeuxnierqu'elleestunefemme...spéciale.Maisiln'estpastroptardpourluienseignercommentdoitsecomporteruneépousedelaird.Bientôt,elleporteramonenfant,votreprochainlaird.Accepteriez-vousqu'ellemetteendangerlaviedecetenfantenlalaissantbrandirl'épéeetsebattrecommeunhomme?

Unmurmured'approbation se répandit à travers la fouled'hommes rassemblés,mais tousn'étaientpas convaincus.Qu'ils puissent comprendre le besoin de garderRionna à l'abri ne signifiait pas pourautantqu'ilsacceptaientdeleconsidérercommeleurlaird.

Pour cela, il leur faudrait du temps. Et s'il s'agissait de transformer rapidement cette troupehétérocliteenforcemilitaire,Caelennedisposaitpasdutempsnécessaire.

—Oùallons-nous, laird?ajoutaSimon.Beaucoupdeceuxqui l'écoutaientn'approuvaientpascerevirementd'attitude.Nombred'entreeuxserembrunirentetsecouèrentlatêteavantdetournerledosetdes'éloigner,enuneclairemanifestationd'hostilité.

—Nouspartonschasser,annonçaCaelen.Nosréservessontvides.Nosfemmesetnosenfantsvontle ventre vide pendant que nous restons ici à nous conduire comme des insensés. De plus, un rudeentraînement nous attend.Noshommesvont avoir besoinde se nourrir correctement pour garder leursforces.Jevaisvousmenerlaviedure.Jecomptefairedevousdesguerriersinvincibles.

—MonfilsJamesestunbonarcher,indiquaSimon.C'estnotremeilleurchasseur.

—Alors ilest lebienvenu, réponditCaelen.Rassemblezvosplushabileschasseurs, toietArien.Nouspartironsdèsquenousseronsprêts.

Simon acquiesça d'un hochement de tête et commença à s'éloignermais, pris d'un remords, il seretourna.Caelenlevitouvrirlabouche,commes'ilhésitait.

—Parle!luiordonna-t-il.Ilestévidentquetuasencorequelquechosesurlecœur.

—Essayezd'êtrepatientavecRionna,ditenfinSimon.Elleatoujoursvécuainsietneconnaîtpasautrechose,maissoncœurestpuretjuste.

Caelenserenfrogna.Illuidéplaisaitqu'onl'abreuvedeconseilssurl'artetlamanièredetraitersafemme.Mêmesonfrères'étaitcruautoriséàlefaireaprèsenavoirépouséuneautre.Maisilétaitvraiqu'Alaricsevantaitd'êtreunexpert,concernantlagentféminine.

— Ce dont ma femme a besoin, répliqua-t-il, c'est d'une main ferme pour la guider. Voilà troplongtempsqu'onlalaissen'enfairequ'àsatête.

Àcesmots,desricanementss'élevèrent.MêmeSimonsemitàriresouscape.

—Alorsjevoussouhaitebonnechance,laird...conclut-iltranquillement.Quelquechosemeditquevousallezenavoirbesoin.

14Deboutdans l'embrasured'unefenêtrede la tourdegarde,Rionnacontemplait lepaysageenneigé.

CelafaisaittroisjoursquelegroupeconduitparCaelenétaitparti,etiln'yavaittoujoursaucunsignedeleurretour.

Le premier soir, un des plus jeunes chasseurs était revenu porter au clan un cerf de bonne taille.Caelenavaitdonnésesinstructionspourquelaviandesoitcorrectementdébitée,saléeetstockée,sansoublierdepréciserquelesfemmesetlesenfantsdevaientenrecevoirdegénéreusesportions.

Lemessager était reparti en indiquant que la chasse se poursuivrait tant que les réserves du clann'auraientpasétéreconstituées.

Délaissantl'horizonimmaculé,Rionnareportasonattentionsurlesguerriersquis'entraînaientdanslacour,selonlesordreslaissésparlenouveaulaird.Troisjoursdurant,elleavaitrésistéàlatentationdese joindreà eux.A laplace, elledevait rester claquemuréeà l'intérieur et subird'interminables coursd'économie domestique, sans parler des ennuyeuses leçons de savoir-vivre et d'étiquette. Que luiimportaitdesavoircommentsaluerdeshôtesdequalité,puisqueaucunhôtedecegenren'était jamaisaccueilliici?

Ilparaissait évidentque sonmarine rentreraitpasplusce jour-làque lesprécédents, et il restaitencorequelquesheuresavant la tombéede lanuit.Plusque jamais, la tentationd'allerdans lacoursedéfoulerenmaniantl'épéelatenaillait.

LeproblèmeétaitqueSarahn'auraitaucunscrupuleàladénonceràsonmari.Cequisignifiaitqu'elledevaitsefaufilerdanslacoursanssefairerepérer,aprèsavoirfaitcroireàSarahqu'elleseretiraitdanssachambre.

Rionnasedétournadelafenêtreetresserralespansdesacapeautourd'elleenentamantladescentedel'escalierdelatour.Enbas,ellecroisal'unedesservantesàquiSarahavaitmanifestementdemandédelateniràl'œil.

—Jemeretiredansmachambre,luiannonça-t-elle.

—Vousnevous sentezpasbien,milady ?Rionna adressaun sourire rassurant à la jeune femme,guèreplusâgéequ'elle.

—Toutvabien.Justeunpeufatiguée.Béatriceluirenditsonsourireetditd'unaircomplice:

—Vousnedormezpasbiendepuisledépartdulaird,hein?Ilserabientôtderetour,milady.Avecsuffisammentdeviandepournousfairetenirtoutl'hiver.

Rionnaluiréponditd'unpâlesourire,avantderegagnerlachambrequ'ellepartageaitavecCaelen.Même si les hommes du clan ne le reconnaissaient pas encore comme leur laird, les femmes nenourrissaientpasdetelleshésitations.Toutesétaientpersuadéesqu'ilétaitl'hommedelasituationetqu'il

feraitlenécessairepourregarnirlecellierautantquepourrestaurerlapuissanceperduedesMcDonald.

Rionnasupposaitques'ilparvenaitàsesfins,ellen'auraitplusàseplaindredecemariage.Peut-être...

Enpénétrantdanslachambreoùelleavaitdormiseulelestroisnuitsprécédentes,elles'étonnadel'empreintequ'ensipeudetempssonmariavaitréussiàyimprimer.Ilavaitsuffidepeudechoses,carilnes'étaitpasencombrédebagagespourvoyagerdepuischezlui.

À cette pièce auparavant nue et quelconque, il avait réussi à conférer une ambiance masculine,commes'ilavaitimprégnésesmursdesapropreessence.

Desfourruresqu'ilavaitapportéesdechezlesMcCabegarnissaientlelit.EllesétaientsichaudesetsiépaissesqueRionnaauraiteudumalàs'enpasserdésormais.Mêmecellesquimasquaientlesfenêtresavaientétéremplacéesparlessiennes.

Prèsdel'âtresetrouvaitunepetitetablequiluiservaitd'écritoireetsurlaquellesetrouvaientsesrouleaux,sonencrieretsaplume.Cesdocumentséveillaientsacuriosité.Elleauraitbienaimésavoircequ'ils contenaient, mais elle était incapable de les déchiffrer. Que son mari puisse être suffisammentéduquépoursavoirlireetécrirelasurprenaitetl'intriguaittoutautant.

Caelenétaitunhommeàmultiples facettesqu'elleneconnaissaitpas toutes.C'étaitassez frustrantpourelle,carelleauraitvoulutoutsavoirdel'hommequ'elleavaitépousé.

D'unpasdécidé,Rionnarejoignit lamallecontenant les robesque l'onavait retouchéespourelle.Aprèsavoirtâtonnéentrelefonddumeubleetlemur,elleenretiralepantalonetlatuniquequ'elleavaitréussiàycacher.

Entresesdoigts,ellepalpaavecplaisirletissuusé,confortableetfamilier.Saisieparl'urgence,ellesedéshabillaentoutehâteetenfilasatenuefavorite.

Unefoishabillée,elleallacherchersesbottesdanslecoinoùellelesavaitrangées.Avantdeleschausser,ellepritsoind'enfilerseschaussetteschaudes.

L'épaisseurdelalainecomprimaitsespiedssansaltérersonconfort.Et,plusimportantencore,ilsétaientauchaud.

Ensuite, elle vola presque jusqu'à l'endroit où Caelen avait remisé son épée. Elle lui étaitreconnaissantedenepaslaluiavoirconfisquéepourlafairefondre.Celaauraitétéuncrimededétruireunesibellearme.

Serrantreligieusementlapoignéeentresesdoigts,Rionnadécrochal'épéedesonsupport.Lasentirpeser au bout de son bras lui procurait une sensation de plaisir indicible. Ses cannelures avaientspécialementétéétudiéespourluipermettreunepriseaisée.Elleétaitsuffisammentlégèrepournepasentraver son agilité,mais assez lourdepour infliger un coupmortel.Avec le grasdupouce, elle testal'affûtageetletrouvasatisfaisant.

Restaitàprésentàsefaufilerdansl'escalierenespérantnepassefaireremarquerparSarah.

Quelquesminutesplustard,elleparvintsansencombredanslacouretfendit lafouledeshommesrassembléspoursepositionnerdemanièreànepasêtrevisibledepuislaporteduchâteau.SiSarahlacherchait,ellepréféraitrestercachée.

L'accueilmitigéqueluiréservèrentlesguerrierslasurpritimmédiatement.Certainsétaientheureuxdelarevoiretlasaluaientgaiement,maislaplupartsemblaientmalàl'aiseetéchangeaientdesregardsgênés.Quelques-uns,plusaudacieux,vinrentluibarrerlepassage.Leurattituden'étaitenrienagressive,maisilsn'enparaissaientpasmoinsdéterminés.

Mais,plusquedéterminésencore,ilssemblaientinquietsetdécidésàlaprotéger.

HughMcDonald,levisagesombre,déglutitpéniblementavantdeluidire:

—Rionna...ilvaudraitsansdoutemieuxqueturestesàl'intérieur.Ilfaitfroid,aujourd'hui.Etpuis...tunedevraispast'habillerainsi.

Rionnademeurabouchebée.C'étaitHughquiluiavaitapprispresquetoutcequ'ellesavaitdel'artdesebattre.Elleauraitétéincapabledecompterlenombredefoisoùill'avaitfaittombersurlesfessesetoùilluiavaittendulamainpourl'aideràsereleveretreprendrel'entraînement,encoreetencore.

—Ilvousaeus,n'est-cepas?demanda-t-elleenlefixantaufonddesyeux.Iln'estlàquedepuisunesemaineetilestdéjàparvenuàvousmontercontremoi!

Hughélevadevantluiunemainapaisante.

—Ducalme,Rionna.Çanes'estpasdutoutpassécommeça.Lelairdnousafaitcomprendrequ'iln'estpasdanstonintérêtdecontinueràt'entraîneravecnous.Cen'estpasuneactivitéconvenablepourunefemme.

Rionnavitrougeetdégainasonépée.

—Etserait-ilconvenable,pourunefemme,detefaireravalertesparoles?

Hughécartalesbraspourretenirsescompagnonsetannonça:

—Celuiquilèverasonarmecontreelleauraaffaireàmoi.

Unsentimentdetrahisons'abattitsurelle.

—Tu...Tuleurinterdiraisdes'entraîneravecmoi?

Hughdonnaitl'impressiond'avoiravaléunemassed'armes.

—Jesuisdésolé,petite...s'excusa-t-ilenbaissantlesyeux.Misàpartquelelairdréclameraitmapeausijetelaissaisfaire,jenemelepardonneraispass'ilvousarrivaitmalheur,àtoiouàl'enfantquetuportespeut-êtredéjà.

Rionna ferma les yeux et se détourna. La consternation la laissait vide, désemparée. Des larmesbrûlantess'accumulaientderrièresespaupières.

—Donne-moitonépée,ordonnaHugh.Jelamettraidecôté.

Rionnaseretournaetvitderrièreluitouslesautres,uniscommeunseulhomme,quil'approuvaient.Personneneprendraitsadéfense,etaucund'euxnevoudraits'entraîneravecelle.Ravalantseslarmes,ellerejoignitlemaîtred'armesetluitenditdocilementsonépée.Celui-cis'ensaisitetlapassaàundesesvoisins.Ellen'attenditpasdevoircequ'ilsenfaisaient.Elletournalestalonsetpritlechemind'unepoternedonnantsurl'extérieur,sansseretourner.

Sa poitrine lui semblait sur le point d'éclater. Le vent glaçait ses joues humides de larmes quis'étaientmisesàcoulersansqu'elles'enaperçoive.Lesentimentdepertequ'elleéprouvaitluiprocuraitunesouffrancepresquephysique.Larebuffadeavaitouvertenelleuneplaieprofonde.

Surtout,ellesesentaittrahie.Plusjamaissavienepourraitêtrelamême.Lesgensqu'elleaimait,etquil'aimaient,s'étaientretournéscontreelleenadoptantlesvuesdesonmari.

Commeelleregrettaitlesjoursbénisoùsalibertén'avaitétéentravéequeparlanécessitéd'évitersonpèreautantquepossible...Maiscequi luimanquerait leplus, c'était le sentimentde triomphequil'envahissaitdèsqu'elleavaitledessussurl'undeshommesduclan.

Horsduchâteau,uneépéeàlamain,ellen'avaitplusaucundéfautetnesesentaitplusinadéquate.Elleétaitjusteunefinelameparmid'autres,déterminée,etnonunefaiblefemmeàprotéger.

Ellen'étaitpasdouéepourminauderoujouerlestimides,etn'avaitpaslestalentsnécessairespournepasseridiculiserensociétéetembarrasserlessiens.C'étaitpourcetteraisonquesonpèrenes'étaitjamaisempressédelamettreenprésencedegensd'importance.

Rionnadévala la colline jusqu'au ruisseau situé entre les deux lochs que comptaient les terres duclan.Avec les rives prises sous la glace et l'eau vive qui coulait au centre sur son lit de pierres, lespectacle était agréable et reposant.Unmanteau de neige immaculée recouvrait les deux berges et lepaysageenvironnant.

Parvenueauborddel'eau,elles'arrêtaetserralesbrascontreelle.Fermantlesyeux,elleinspiraàpleins poumons l'air vif et sec de l'hiver. Des voiles de fumée échappés des cheminées du châteaudérivaientjusqu'àsesnarines.Desrelentsdeviandegrilléeavaientrecommencéàs'ymêler,cequin'étaitpasarrivédepuislongtemps.

Rionna s'abîma dans ses pensées. Combien de temps resta-t-elle ainsi à contempler le ruisseauprisonnierdesesbergesglacées?Ellen'auraitsuledire.Mais,autermedesescogitations,frissonnantsouslamorsuredufroid,ellecompritquecen'étaitpaslapertedesalibertéqu'elleredoutait tant.Cequ'elleéprouvaitpar-dessustout,c'étaitlapeurdel'inconnu.

Enfait,elleseconduisaitcommeuneenfantmaussadeàquil'onauraitprissonjouetpréféré.Ellepouvait toutàfaitêtrepartieprenantedelarésurrectiondesonclan.Peut-êtrepasdansledomaineoùelleétaitlaplusdouée,maistoutlemondenedevait-ilpass'habituerauchangement?Ellen'étaitpaslaseuleàquicelaneplaisaitpas.

Sisonmarivoulaituneparfaiteépouse,unemaisonbientenue,unmodèledegrâceféminineàsescôtés,elleluidonneraittoutcela,mêmes'illuiencoûtait.

Etelles'efforceraitdenepasêtreunmotifdehontepourlui.

Rionna redressa le menton, alertée par un bruit de galop, et porta le regard de l'autre côté duruisseau.Avecuncoupaucœur,elleconstataquedescavaliersvenaientdesurgird'unboistoutprocheetfonçaientsurelle.

Enhâte,ellepivotaetlâchauncrijusteaumomentoùleschevauxentraientdansleruisseau.Sachantqu'ellen'auraitpasletempsdegravirlapentepourrejoindrelechâteau,ellepréférasemettreàcourirlelongdelaberge.

Elleouvrit labouchepourcrierplusfortencore,priantpourqueleshommesduclanl'entendentàunetelledistance,maisunebottevintluipercuterledos,lafaisants'étalerdetoutsonlongsurlesol.

Elleatterritfacelapremièredanslaneige,avecunetelleforcequelechocluicoupalarespiration.

Ignorantladouleur,ellepritappuisursesbras,seredressad'unbondetseremitàcourir.

Par-derrière,unemainluiagrippalescheveux,tirad'uncoupsecetlafittombersurledos.Rionnagrimaça de douleur et ferma les yeux pour ne pas pleurer. Lorsqu'elle les rouvrit, elle vit que cinqhommesl'entouraient.

Legoûtabjectdelapeuremplissaitsagorge.Elles'efforçadesoutenirleursregardssansciller,pournepasleurmontreràquelpointelleétaitterrifiée.

—Quemevoulez-vous?demanda-t-elle.L'hommequineluiavaitpaslâchélescheveuxluiintimalesilenceenlagiflantdeuxfoisdesuite,à lavolée.Renduefurieuse,Rionnapassaàl'attaque.Toutesgriffesdehors,ellelançasesdoigtsdevantelleetatteignitsesyeux.L'inconnuhurladedouleuretbattitenretraite,luioffrantl'opportunitédes'enfuir.

Ellen'eutpasletempsd'allerbienloinavantqu'undesautreshommesnelarattrapeetnelaplaqueausol.Denouveau,sonvisages'enfonçadanslaneige.Lapoudreuseluiemplitaussitôtlaboucheetlenez, la faisanthoqueter.Enrevanche, le froideutpoureffetderafraîchirses jouesenflamméespar lesgiflesreçues.

Ellesesentitsoulevéeetretournéesansménagement.Cettefois,cefutuncoupdepoingdanslajouequeledeuxièmeassaillantluiassena.Aussitôtaprès,Rionnasentitsonautremainserefermerautourdesoncou.Ill'étranglaitsifortqu'illuiétaitimpossiblederespirer.

L'hommenedesserrapassesdoigtstantqu'ilnelasentitpasfaiblir.Lestroisautresétaientallésseposternonloindelà.Celuiquil'avaitgifléeseredressaentitubant,ivrederage,levisageensanglantéparlesgriffuresqu'elleluiavaitinfligées.

—Petitegarce!éructa-t-ilens'approchant.

SansqueRionnapuisserienfairepourl'enempêcher,ilplongealesdoigtsdanssonencolureettirad'uncoupsec,dénudantsesseins.Ellesedébattitavecl'énergiedudésespoir,maislecomparsequilaretenaittoujoursl'étrangladeplusbelle,laforçantàrenoncer.

Elle eut beau s'efforcer de crier, aucun son ne sortit de sa gorgemalmenée. Des larmes de rage

brouillèrent sa vision quand des mains rudes lui pelotèrent les seins, avant d'en pincer cruellementl'extrémité.

Auborddel'asphyxie,Rionnatressaillit.Ellesentitqu'elleallaitsombrerdansl'inconscience.Mais,justeavantqu'ellenes'évanouisse, lesdoigtsqui l'étranglaient relâchèrent leurpression, luipermettantd'aspirerenhoquetantdegrandesgouléesd'air.Elletentadehurler,maisunevivedouleurauvisagelafittaire.

Sontourmenteurs'étaitremisàlagifler,avecautantdeviolencequedeméthode,etaveclavolontémanifestedeluifaire leplusdemalpossible.Rionnaglissadansunabîmededouleur.Sursapoitrinenue,ellesentaitlesautreshommessedéchaîner.Entreleursmains,ellen'étaitplusqu'unanimal.

Deslarmesbrûlantessillonnaientsesjouesmartyrisées.Jamais,aucoursdetoutesonexistence,ellen'avaitressentiunetelleimpuissance.Oùétaitsonépée?Comment,désarméecommeellel'était,aurait-ellepusedéfendre?

Elleallaitêtrevioléeicimême,sursesterres,sanspouvoirfaireautrechosequedemeurerinerteetpleurer.

Sansdoutevalait-ilmieux,danscesconditions, céderaux ténèbresqui lamenaçaientdenouveau.Maisalorsqu'elleallaitsombrerdansl'inconscience,sonagresseursepenchasurelle.Sonsoufflefétideluicaressalevisagequandilannonça:

—Tuvasdélivrerunmessageaunouveaulaird.Dis-luiqu'aucunMcCaben'estàl'abrideDuncanCameron.PasmêmeMairinMcCabeetsafille.

AucundeceuxquisontchersauxMcCaben'estensécurité.Camerondétruiratousceuxquioserontfaireallianceaveceux,etiln'auradecessequeNeamhAlainnsoitàlui.Dis-luiaussiquetajoliefigureestungagedel'estimequeDuncanCameronluiporte.

Surce,l'hommel'enjambaets'éloignaendirectiondesamonture,aspergeantaupassageRionnadeneige.

Atraverslebrouillardquibaignaitsonesprit,elleentenditlebruitdeschevauxquiretraversaientleruisseau.Elles'efforçaderedresserlatête,maisladouleurl'endissuada.Unebrusquenauséeluisouleval'estomac.Unflotdebileluiinondalagorge.

Rionna ferma lesyeux et s'obligea à respirer lentement, jusqu'à ceque lanausée reflue.Puis elleroulasurleflanc.

Auboutd'unmoment,elle fitune tentativepour semettreàgenouxmais retomba lourdementversl'avant.Deslarmesdefrustrationluibrûlaientlesyeux.Illuifallaitcoûtequecoûterejoindrelechâteau,mêmesielledevaitramperpourcela.

Enessayantdeseredresser,ellefaillitunenouvellefoiss'évanouir.Lesyeuxfixéssurlesommetdelacolline,ellesoupiraaveclassitude.Ladistanceàparcourirparaissaitimmense.

Auprixd'uneffortsurhumain,Rionnacommençaàramper.

15—Milady!Milady!

Rionnapuisadanssesultimesréservesdecouragepourdresserlatête,maiselleneputdéterminerquilahélait.Sonœildroitétaittotalementfermé,etlegaucheneluioffraitqu'unevisionbrouillée.Quantàl'ouïe,cen'étaitguèremieux:sestympansbourdonnaientencoredescoupsqu'elleavaitreçus.

—Bonsang,petite!Qu'est-cequit'estarrivé?

—Hugh...murmura-t-elleavecsoulagement.D'unemaintremblante,elleramenaleslambeaux

desatuniquesursesseins.

—Oui,c'estmoi,répondit-ildoucement.Dis-moicequis'estpassé.

Rionnapassalalanguesurseslèvres,enramenalegoûtdusang.

—Cinqhommes...

Ellenereconnutpassavoixtantelleétaitrauque.Sagorgeluifaisaitunmaldechien.

—Ilsonttraversé...leruisseau.

—Auxarmes!s'exclamaHugh.

Àboutdeforces,Rionnaselaissaretomberversl'avant.Hughcontinuaitdecrierdesordresàseshommesafinquel'onselleauplusviteleschevaux.

—Rionna!

Avecun luxedeprécautions, desmains attentionnées la retournèrent et écartèrent les cheveuxquimasquaientsonvisage.

—Oh,Rionna...gémitSarah.Quet'est-ilarrivé?

—Fr...Froid,balbutia-t-elle.Emmène-moiàl'intérieur.

—Non!Nebougepas.Jevaisdemanderàundeshommesdeteporter.Quelquechosedecassé?

Sanstropsavoirpourquoi,Rionnatrouvaceladrôleetréponditensouriant:

—Justelafigure.

—Mangan!ordonnaSarahd'unevoixforte.Portetamaîtressejusqu'àsachambre.

Rionnaneputréprimerungémissementdedouleur lorsquel'imposantguerrier lasoulevadanssesbras.

—Désolé...s'excusa-t-ild'untonbourru.Jenevoulaispastefairemal.

—Cen'estrien,Mangan,assura-t-elle.

—C'estunehonte,pourunhomme,d'abuserainsid'unefemme.

—Oui, lâcha-t-elle dans un souffle.Unehonte...En frissonnant, elle se souvint de la réaction deCaelen lorsqu'il avait compris que son père l'avait frappée.Quand il apprendrait ce qui venait de sepasser,ilseraitfurieux.

Mangan l'emmena à l'intérieur et la porta en douceur dans sa chambre. Sarah et une troupe deservanteslessuivirenttoutdulong.

—Pose-lasurlelit!ordonnaSarah.Doucement...Neda,vachercherdel'eauchaudeetdeslinges.Etfaiteschaufferdel'eaupourluidonnerunbain.Lapauvrepetitevaattraperlamort...Mangan,apporte-nousdubois.Ilnousfautunfeud'enferpourlaréchauffer.

Rionna accueillit avec un soupir le confort de son lit. A présent qu'elle se trouvait à l'abri, àl'intérieur, la bataille qu'elle menait pour rester consciente ne se justifiait plus. La pièce s'assombritsoudainautourd'elle.MalgréleseffortsdeSarahpourlamainteniréveillée,ellelaissalesténèbresserefermersurelle.

—C'estunbeautirquetuasréussilà,James!s'exclamaCaelenenobservantlegrandcerfabattu.Tonpèreditvrai;tusaisyfaireavecunarc.

Toutsourire,lejeunehommeaccueillitlecomplimentd'unhochementdetête.

—Celanousenfaitdeux,dit-il.Trois,encomptantceluiquenousavonsdéjàramenéauchâteau.Encoreunetnousauronsdequoimangerpendantdessemaines.

—Oui. Nous aurons peut-être cette chance demain, car il commence à faire noir. Cherchons unendroitpourlanuit.

Unpeuplusd'uneheureplus tard, leshommesétaient rassemblésautourd'ungrand feusur lequelrôtissaituncuissotdeleurprisedujour.Dèsquelaviandefutprête,Simonendécoupaunetrancheetlatenditàsonlaird.

Aprèsyavoirgoûté,Caelenacquiesçad'unhochementdetêtesatisfait.

—Unebelle pièce de venaison... commenta-t-il. Simon continua de partager la viande jusqu'à cequ'ilnerestequel'osdénudé.AdosséàlasouchesurlaquelleCaelenétaitassis,Gannonsoupira.

—Cela faisait longtemps que je n'avais pas participé à une longue chasse. Tout ce que j'ai faitdernièrement,c'estchaperonnerdesfemmesaucaractèrebientrempé.

—Ilestvraiquejenet'enviaispascettetâche,réponditCaelen.Jemesuissouventdemandéceque

tuavaisbienpufaireàmesfrèrespourqu'ilstecondamnentàprotégerleursfemmes.

Gannonsecoualatêted'unairdépité.

—Etmoi,renchérit-il,jemesuissouventdemandésiCormacnes'estpasmariéjustepouréchapperàcettecorvée...

Caelensemitàrire.

—C'estpossible,eneffet.Maisn'oubliepasquesafemmeatoutdemêmeréussiàl'éreinter.

Simonvints'asseoiràcôtédeCaelen.

—Dites-moiquelquechose,laird...Avons-nousunechancecontrelapuissantearméedeCameron?Aurions-nousmêmequoiquecesoitàredouterdelui,sinousnenousétionspasalliésàvous?

Caelenplissalesyeuxetlefixalonguementavantderépondre.

—C'est justement parce qu'il redoutait Cameron queGregor a cherché à se rapprocher de nous.Cettealliance,c'estàsoninstigationqu'elleaétéconclue.

—Maisàvotrebénéfice...répliquaSimon.

—Ne le prends pasmal,mais le fait est que sur le planmilitaire,Gregor n'avait aucune chancecontreCameron.Lebénéficequenousytrouvons,c'estderéunirnosterres.CellesdesMcDonaldétaienttoutcequiséparaitNeamhAlainndelaforteressedesMcCabe.Maislebénéficeprincipal,c'estquelesautres lairdsnousont rejointsune foisqueGregoraaccepté leprincipedecettealliance.Notre forcerésidedansnotrenombreautantquedanslasupérioritémilitairedesMcCabe.

—Vousavezunehauteopiniondevous-mêmes!

—Aucuneforcenepeutrivalisercontrenous.

—Danscecas,qu'attendez-vouspourécraserCameron?intervintJames.

Lesautreschasseurslesécoutaienttoutenmangeant,intéressésparlaconversation.

—Parcequ'il fautde lapatiencepour triompherd'unennemiaussipuissant, expliquapatiemmentCaelen.VoilàdesannéesquenousnouspréparonsàdébarrasserlemondedeDuncanCameron.C'estunhommeambitieuxetdangereux,querienn'arrêtera.Ilveutrégentertoutcesurquoiilportelesyeux.Etsipourl'instantiln'aenlignedemirequenosterres,noussommesconvaincusqu'ilapasséunpacteavecMalcolm.Sicelui-ciprendlatêted'unenouvellerébellioncontreDavidetluivoleletrône,l'Ecosseserade nouveau coupée en deux. Cameron aura pour récompense les Highlands. Il en sera le roi sanscouronne,etMalcolmrégneradansleSud.Leslairdsneserontplusmaîtressurleurspropresterres.LepouvoirdeCameronseraabsolu.Plusriennenousappartiendra.Etnousnepourronsrientransmettreànosenfantsetàleursenfants.Toutserasoussoncontrôle.

—Nousnepouvonspaslaisserfaireça...murmuraJames.

—Non,nousnelepouvonspas!approuvaCaelen.

—Qu'estdevenuGregor?demandaSimon.Oùest-ilpassé?Dansquelcampest-il?

Caelenreportasonattentionsurlevieilhomme.

—Jen'ensaisrien,avoua-t-il.Ilafiléendouceavecunbonnombred'entrevous.Iln'acceptaitpasle décret du roi.Cequi fait qu'à présent, nous devons nous tenir sur nos gardes non seulement contreCameron,maisaussicontrelui.Ilpeutfortbiententerdereprendrecequ'ilimagineêtresien.

—Voilàlongtempsquenousaurionsdûvotersadestitution,reconnutSimond'unairsombre.Encela,nous sommes coupables. Oui, c'était un bien mauvais laird, et il a fait grand tort à notre clan. NousdevronsrépondredevantDieudecepéché.

— Il n'est pas trop tard pour réparer les erreurs du passé, répliquaCaelen. Lorsque nous auronsassuré la subsistance de notre clan, il faudra nous entraîner dur pour devenir plus forts.Nous devonsenvoyerunmessageànosennemis:nousnenouslaisseronspasenvahirsansnousbattre!

Penchéenavant,SimondévisagealonguementCaelenavantderemarquer:

—C'estlapremièrefoisquevousparlezdenotreclancommeduvôtre,laird...

—Vraiment?s'étonna-t-ilenfronçantlessourcils.Celam'estvenutoutnaturellement.Cedoitdoncêtrevrai.

Autourd'eux, les hommeshochaient la tête, satisfaits. Ils demeuraientméfiants,maisCaelen avaitl'impressiond'avoirmarquédespoints.Ilsnel'accepteraientpaspourchefdujouraulendemain,maisaumoinsnel'ignoraient-ilsplusouvertement.

Gannonattirasoudainl'attentiondeCaelenetluifitsigneenposantl'indexsurseslèvresdesetaire.Touslesautresfirentaussitôtsilence.Sansattendrededécouvrircequiavaitalertésonami,Caelensemitdeboutetdégainasonépée.

Autourdelui,tousl'imitèrent,etilfutimpressionnéparleurrapiditéetleurdiscrétion.Finalement,songea-t-il,peut-êtreallait-ilêtrepossibledelestransformerenguerriersdignesdecenom...

—Laird!Laird!criaunevoixd'hommedanslanuit.LairdCaelen!

HughMcDonalddébouchaà chevaldans la clairière éclairéepar le feude camp, suividequatreautrescavaliers.Vul'étatdefatiguedesamonture,ilétaitmanifestequ'ill'avaitmenéesansménagement.Hughglissaàbasdesaselleet,chancelantdefatigue,lerejoignit.

Caelenrengainasonépée.Àboutdesouffle,l'imposantguerriertardaitàparler.Empoignantlatoiledesatunique,ils'impatienta:

—Quesepasse-t-il?

—Votrefemme,laird...

Caelensentitsonsangsefigerdanssesveines.

—Ehbienquoi,mafemme?Parle!

Hugh,quiavaitfiniparretrouversonsouffle,expliqua:

—Elleaétéattaquéeparungrouped'hommesilyadeuxjoursdecela,prèsduruisseauquicouleentrelesdeuxlochs.Ilssecachaientdanslaforêt.

LepoulsdeCaelenbattaitfollementàsestympans.

—Commentva-t-elle?A-t-elleétéblessée?Queluiont-ilsfait?

—Ilsl'ontviolemmentbattue,laird.Jenesaisriendeplus.Jel'aivuelorsqu'elleadûramperjusquedanslacour,maisj'aiquittélechâteautoutdesuiteaprèspourmelanceràlapoursuitedesesagresseurs.Quandj'aiperduleurpiste,jesuisvenudirectementvoustrouver.

Caelenlerepoussa,lesmainstremblantes,ets'efforçaderassemblersesidées.

—Est-elle...vivante?demanda-t-il,sedécidantàformulersapirecrainte.

—Oui,laird.Dumoins...ellel'étaitquandjesuisparti.Jenepensepascependantquesesblessuresaientpuluiêtrefatales.-

CaelensetournaversGannon.

—Tuviensavecmoi!ordonna-t-il.Puis,àl'intentiondeSimon:

—Vousautres,préparezlaviandeetretournezauchâteaudèsquepossible.

Gannonallasellerleursmontures.PivotantversHugh,Caelendemandad'unevoixblanche:

—Quiétaient-ils?

—Jel'ignore.Rionnan'apaspudiregrand-chose,etjen'aipasattenduqu'ellepuisselefaireavantdemelanceràlapoursuitedesesagresseurs.

—Tuasbienfait,Hugh.

Levisagegrave,Simons'avança.

—Laird,jevaisrentreravecvous.Gannonnesuffirapasàassurervotresécurité.

Unsourcilarqué,Caelens'étonna:

—Tutiensàassurermaprotection?Simonmarquaunepauseavantderépondre.

—Vousêtesmonlaird.Mondevoirestdevousprotégerentouttempsetentoutlieu.

— Fort bien, Simon. Je serai honoré de t'avoir pour escorte. Mais hâtons-nous. Il me tarde de

retrouvermafemme.

16Lesoleiln'étaitpasencorelevélorsqueCaelen,GannonetSimonfirentleurentréedanslacourdu

château.Caelendescenditdechevalavantmêmequecelui-ciaittoutàfaitstoppésacourse.Sarahvintàsarencontre.

—Commentva-t-elle?s'enquit-il.Manifestementrongéeparl'inquiétude,ellesetordaitlesmains.

—Dieumerci,vousvoilà,laird!s'exclama-t-elle.Jenesaisplusquoifaire.Ellen'apasquittésachambre depuis l'attaque. Elle n'est plus elle-même. Elle ne veut rien manger. Elle reste assise à lafenêtre,leregarddanslevague.

Caelenluiattrapalesbrasetlasecouavivement.

—Parle-moidesonétatdesanté,pasdeseshumeurs!A-t-elleétéblessée?

DeslarmesfirentbrillerlesyeuxdeSarah.

—A lavérité, j'ignore jusqu'oùcesbandits sont allés, reconnut-elle.Elle est si calme, si effacéedepuisqu'elleareprisconscience...Ellen'accepteaucunecompagnieetrefusedeseconfieràmoi.

Illalâchaavecunclaquementdelangueagacé.

—Jevaism'occuperd'elle!

Dansl'escalier,uneterreurinsidieuses'emparapeuàpeudeCaelen.Ilnes'aperçutqu'ilavaitpeurqu'en s'immobilisant devant la porte de leur chambre. C'était une sensation curieuse, et il était pluscurieuxencorepourluid'avoiràlereconnaître.Sesfrèresavaientvécul'enferàcausedesfemmesqu'ilsaimaient,maisjamaisiln'auraitimaginéconnaîtreunjourlemêmesort.

Caelensecoualatête, incrédule.Sansdouteaurait-ilressenti lamêmechosepourn'importequellefemmevictimedetellesviolences.Sanscompterquesaréactionétaitaussidueaufaitqu'unautrehommeaitpus'enprendreàsalégitimeépouse.

Lamainlevée,ils'apprêtaitàfrapperàlaportequandils'aperçutdecequ'ilétaitentraindefaire.Laissantretombersamaincontresonflanc,ilactionnalapoignéeetentra.

Ils'étaitattenduàlatrouverendormie,maislelitétaitvideetneparaissaitpasdéfait.Tournantlatête,ilétudialachambreetdécouvritRionnaassisedansunfauteuilprèsdufeu.Latêtepenchéesurlecôté,ellesemblaitdormir.

Endécouvrantlesbleusquimarquaientsonvisage,Caeleneutlesoufflecoupé.Ilnelavoyaitquedeprofil, mais le seul œil qui lui était visible était poché, et il discernait les traces de doigts quibleuissaientsoncou.

Afindenepaslaréveiller,ilrefermalaporteavecunluxedeprécautions,puisillarejoignitpourl'étudierdeplusprès.

L'étenduedesdégâtssursonvisageprouvaitl'extrêmeviolencequ'elleavaitsubie.Deboutau-dessusd'elle, Caelen serra les poings de rage. Rionna paraissait si fragile, si délicate. Comment avait-ellesurvécuàtantdebrutalité?Maisuneautrequestionseposait,pluslancinanteencore:oùsesagresseurss'étaient-ilsarrêtés?

L'estomacnoué,ilimaginaitsanspeinecequiavaitpuseproduire.SarahavaitaffirméqueRionnanequittaitplussachambredepuisl'attaqueetneseconfiaitàpersonne.Avait-elleétéviolée?

D'unemaintremblante,illuieffleuralajoue.Dieuluiétaittémoinqu'ilnesupportaitpasl'idéequ'unautrehommeaitpulatoucher,lablesser.Prisdevertige,ilduts'asseoirsurl'âtredepeurquesesjambesneletrahissent.

Rionnas'agitaquandlamaindeCaelencessad'êtreencontactavecsajoue.Sespaupièresbattirentuninstantetellegrimaça,commesiouvrirsonœildroitluicausaitquelquesouffrance.

—Caelen...murmura-t-elle.

—Oui,jesuislà...dit-iltoutbas.Commentvoussentez-vous?

Aprèss'êtrehumectéleslèvres,elleportaunemainàsagorgepourlamasser.Cegestedélicatnefaisaitqu'accentuersafragilité.Caelensentitlafureurlecinglerteluncoupdefouet.

—Encoreunpeuendolorie,maisjevaisbien,assura-t-elle.Riendesérieux.Votrechassea-t-elleétéfructueuse?

Lecaractèresuperficieldeleurconversationlestupéfia.Onauraitditqueriennes'étaitpasséensonabsence,etqu'ilsseretrouvaientpoursesaluerpoliment.

Les cernes qui soulignaient les yeux de sa femme l'inquiétaient davantage que ses bleus, tant ilsparaissaientcreusés.Quelquechoseenellesemblaitéteint.IlcomprenaitàprésentpourquoiSarahétaitfolled'inquiétude.

—Rionna...commença-t-ild'unevoixdouce.Pouvez-vousmeracontercequivousestarrivé?Ilestimportantque je lesache.Prenezvotre tempsetnemecachezrien. Iln'yaquevousetmoidanscettechambre.Iln'yarienquevousnepuissiezmedire,etrienquejenepuisseentendre.

Sesyeuxposéssurluiflanchèrentuninstant.Ilauraitvoululatoucher-Dieu,commeill'auraitvoulu!-maisilnesavaitoùposerlamainsansluifairemal.

—J'étaisaubordduruisseau,perduedansmespensées,expliqua-t-elled'untonmorne.Quandj'airelevé la tête, j'ai vudeshommesà cheval seprécipiter versmoi. J'ai comprisque jen'auraispas letempsderejoindrelechâteau,alorsjemesuismiseàcourirlelongdelaberge,maisilsm'ontrattrapée.

Caelens'accroupitàcôtéd'elleetposalamainsurcellesdeRionnaserréesl'unecontrel'autredanssongiron.Ilpritsesdoigtsglacésentrelessiensetcaressaduboutdupoucesesjointures.Comparéeàlasienne,samainparaissaitminuscule,cequirenforçaitencorel'impressiondefragilitéquiémanaitd'elle.

—L'und'euxm'aempoignélescheveuxetm'afaittomber,poursuivit-elle.Ilm'agifléeviolemment.Jel'aigrifféauvisage.

—Bienfait!grondaCaelen.

—J'airéussiàm'échapperbrièvement,maisunautrem'arattrapée.

Pourlapremièrefois,savoixflancha.Détournantleregard,elleobservalefeuetenchaînadansunmurmure:

—Jenepouvaisrienfaire.Ilm'afrappée.Ilaarrachématunique.Ilm'a...touchée.

Cettedernièreconfidenceneluiavaitéchappéqu'avecdifficulté.

Caelensefigea.Iltentad'avalerlabouled'angoissequiluibloquaitlagorge,envain.

—Vousa-t-ilviolée?demanda-t-ilenfin.Rionnareportasonattentionsurluietécarquilla

lesyeuxaveceffroi.

—Non!lança-t-ellevivement.Ila...manipulémesseins.Pourmefairemaletpourm'humilier.Etilm'afrappéeauvisage,encoreetencore.Etpourfinir,ilm'alaisséunmessagepourvous.

Lesoulagementqu'ellen'aitpassubilesderniersoutragesledisputaitenluiàlatristessequ'elleaitpuêtreainsimolestée.Etàprésent,cequ'ellevenaitderévélertendaitàprouverqu'onneluiavaitfaitsubirtoutcelaquepourl'atteindre,lui.

—Répétez-moicequ'ilvousadit.

— Il a dit qu'aucunMcCabe ne devait se considérer à l'abri deDuncanCameron.NiMairin, niIsabel,niaucundeceuxquis'allientaveclesMcCabe.Ilaconclu...quemonvisageseraitpourvousunepreuvedel'estimequeCameronvousporte.

Caelen serra les dents pour nepas exploser.Lesmâchoires douloureuses, il tenta vaillamment degarder sous contrôle la rage noire qui le submergeait. Sa femme avait besoin d'un homme doux etcompatissant pour la consoler. Pas d'un guerrier sur le point de passer au fil de l'épée tout ce qui sedresseraitsursonpassage.

—Etensuite,Rionna?demanda-t-ilgentiment.Sesyeuxrevinrentseriverauxsiens.Lahonteetlasouffrance hantaient leurs profondeurs dorées. Elle paraissait...meurtrie. Pas seulement dans sa chair,maisaussidanssonâme.Leconstaterluifitl'effetd'uncoupdepoignard.

—Ilssontpartisetj'aidûgravirlacollineenrampantjusqu'auchâteau,oùl'onm'asecourue.Voilàtoutel'histoire,conclut-elle.

Caelenavaitlapoitrinedouloureuse,l'estomacenfeu.Savoirquesafemme-safemmesifière,sifougueuse-avaitétéobligéederamperjusqu'auchâteauluiétaitinsupportable.

Ilselevad'unbondpourluiépargnerlespectacledesonvisagedéforméparlahaine.Illuifallutun

moment pour retrouver la maîtrise de lui-même. Quand il se retourna, Rionna fixait de nouveau lesflammesdansl'âtre,raidedanssonfauteuil.

Ilrevintverselleetluisoulevalementonjusqu'àcequ'elleacceptedesoutenirsonregard.

—Avez-vousdormi?s'enquit-il.

La question la désarçonna. Son regard se voila. Le fait qu'elle ne puisse répondre lui apporta laconfirmation qu'il cherchait. Depuis combien de temps n'avait-elle eu d'autre sommeil que de brefsmomentsd'assoupissementdevantlacheminée?

Sans attendre de réponse, il passa précautionneusement les bras derrière ses épaules et sous sesgenoux, et la souleva aussi gentiment que possible. En la portant jusqu'au lit, il la serra contre lui etdéposaunbaiserdanssescheveux.

Après l'avoirallongéesur lematelas, il tira les fourrures jusqu'à sonmentonpourqu'elleaitbienchaud.

— Je veux que vous dormiez, dit-il d'une voix ferme. Vous avez besoin de sommeil, Rionna.Maintenant,jesuislà.Riennepeutvousarriver.

Ellefermadocilementlesyeux,maiselledemeuraitvisiblementtendue.Caelensepenchasurelleeteffleurasonfrontduboutdeslèvres.

—Dormez,maintenant...chuchota-t-il.Jeserailàquandvousvousréveillerez.

Àcesmots,elleparutsedétendreetsecalaunpeumieuxdanslelit.Latensionperceptibleautourdesaboucheetdesesyeuxsedissipaprogressivement.Unpetitsoupirdebien-êtremontaàseslèvres.

Caelenluicaressalescheveuxtantqu'ellenefutpastoutàfaitdétendue.Ensuite,ilseredressaetreculad'unpas.Aussitôt,elleouvritlesyeux.

— Soyez tranquille, Rionna... la rassura-t-il. Je ne vais pas repartir. Je dois discuter avec meshommesetdonnerquelquesordres.Sarahm'aditquevousrefusezdemanger?

Elleneréponditpas.

—Vousdevezreprendredesforces,poursuivit-il.Jevaisvousfaireapporterunpeudebouillon.

Il s'attendit à ce que cet ordre la fassemonter sur ses grands chevaux.Mais son regard demeuraéteint.Lajouesurl'oreiller,ellefermalesyeux.Elleauraitvoululecongédierqu'ellenes'yseraitpaspriseautrement.

Réprimantunjuron,Caelentournalestalonsetsortit,pourdécouvrirGannonquil'attendaitdanslecorridor.

—Commentva-t-elle?s'enquit-il.

—Mal.Ilsl'ontméchammentbattue.

—Quiça?

—LeshommesdeCameron.Ilsluiontdonnéunmessagepourmoi.Cesfilsdetruiesl'ontbrutaliséedemanièreabjecte.Iln'yapasunendroitdesonvisageoudesoncouquinesoitcouvertdebleus.

LeregarddeGannonétinceladefureur.

—Cameronadéjàprouvéqueriennepeutl'arrêter,dit-il.Etqu'ilestcapabledes'enprendreauxfemmes. Mais pourquoi maintenant ? Et pourquoi Rionna ? Que cherche-t-il ? Pourquoi ne pas secontenterd'attaquer?Ilssavaientmanifestementquetun'étaispaslà.

—Ilveutm'attirerdansunpiège,réponditCaelend'unairsombre.Ilveutmemettresuffisammenthorsdemoipourquejecommettequelquefolie.Parexemple,lanceruneattaquecontreluienpleincœurdel'hiver,avecunearméeinférieureennombreetenqualité.

—Teprendrait-ilpourunsot?demandaGannonavecdégoût.

—Peum'importecequ'ilpensedemoi.Cequicompte,c'estcequ'ilapprendraquandmonépéeluitransperceralecœur.

—Jepensequ'iltefaudratebattreavectesfrèrespourobtenircethonneur.IlafaitbeaucoupdemalàMairinetKeeley.

—Etmaintenant,c'estRionna.Ilpensenousaffaibliràtraversnosfemmes.

—Cen'estpaslamarqued'unhommedes'enprendreàplusfaiblequeluipourmenersesguerres.

Caelenacquiesçadelatêteetrestasongeuruninstant.

—JeveuxquetufassesprévenirEwandecequis'estpassé,ordonna-t-ilenfin.Dis-luiqueCameronaproférédenouvellesmenacescontresafemmeetsafille,etqu'ilamontéd'uncrandanslaviolencedesesattaques.Ensuite,jeveuxquetuorganisesuntourdegardenuitetjour.Touslescheminsd'accèsauchâteaudoiventêtresurveillésenpermanence.Etjeveuxquetuteremettesautravailavecleshommesimmédiatement.Qu'ilss'entraînentsansrelâche.S'ilsmanquaientdemotivation,cenedevraitplusêtrelecasàprésent.

Gannonacquiesçad'unsignedetêteetpritladirectiondel'escalier.Avantqu'ilyparvienne,Caelenlehéla:

—DisaussiàSarahdefairemonterunpeudebouillonetunecruched'eaudansnotrechambre.

D'ungestedelamain,Gannonluiindiquaqu'ilavaitcomprisetdisparutdansl'escalier.

CaelenseglissasansbruitdanslachambreetretournaauchevetdeRionna.Ellen'avaitpasbougé.Lesfourruresdemeuraienttiréesjusqu'àsonmentonetsesyeuxrestaientclos.

Pourvérifierqu'elledormaitvraiment,ilapprochal'oreilledesonvisageetécoutasonsoufflelentetrégulier.Puis,constatantqu'ellenebougeaitpas,ilallaajouterduboisdansl'âtre.

Lorsquelesflammesmontèrentbienhaut,ilseglissadanslefauteuiloùelles'étaittenueetappuyasatête au dossier. Il regrettait de s'être montré désinvolte en organisant cette chasse au pied levé. Lanourritureluiavaitsemblélaprincipalepriorité.IlavaitfaitpasserlanécessitédenourrirleclanavantcelledeprotégerRionna.C'étaitsapremièredécisionentantquelaird,etelleavaitmenéàundésastre.Uneerreurd'appréciationquesafemmeavaitpayéeauprixfort...

17Rionnaeffleurasonœilpochéduboutdesdoigtsetfrémitdelesentirencoredouloureux.Campée

devant sa fenêtre, elle regardait Caelen diriger l'entraînement des hommes dans la cour en contrebas.Aprèss'êtreassuréqu'elleavaitavaléunbonrepas,ils'étaitéclipséenluiordonnantdenepasquitterleurchambre.

Elles'étaitassezreposéeaucoursdelasemaineécoulée.D'abord,elles'étaitmorfondue.Ensuite,elleavaitboudétoutsonsoûl.Pourfinir,elles'étaitdébattueavecsespeursetsonsentimentd'échec.Etmaintenant...maintenant,elleétaitjustefurieuse.

Furieuse contre les hommes qui avaient osé violer son territoire. Furieuse contre la couardise deDuncanCameron.Furieused'avoirétérendueimpuissante.

Ilne luiétaitpluspossibled'accepter ladécisiondesonmaride faired'elleunecopieconforme,féminineeteffacée,desonrêvedefemmeidéale.Ellen'étaitpascettefemme-là.Sic'étaitréellementcequ'ilvoulait,ilauraitdûyréfléchiràdeuxfoisavantdel'épouser.

Rapidement,ellesevêtitd'unpantalonetd'unetuniquequ'elleréservaitauxoccasionsspéciales.Letissuenétaitdoux,sanstaches,sanstrous,etl'ourletfinementcousu.

Leveloursrougeétaitbrodéaufild'or.Cevêtementluiavaitcoûtéseséconomiesdetroisannées.C'étaitl'habitleplusluxueuxqu'elleaitjamaispossédé.

D'un coup de chiffon, Rionna essuya ses bottes et passa le doigt sur l'extrémité, où l'usure avaitpresquepercéuntrou.Unenouvellepairen'auraitpasétéduluxe,maisellenepouvaitselepermettre.

Après s'être chaussée, elle se leva et porta enungeste inconscient samain à sagorge.Lesbleuss'effaçaient,maiscelaluifaisaittoujoursmald'avaleretsavoixrestaitunpeurauque.Dansl'étatoùelleétait, elle devait faire peur à voir,mais après tant de jours de réclusion, il lui tardait de sortir de sachambre.

Endescendantl'escalier,elleéprouvaunmomentdepanique.Figéesurunemarche,pantelante,ellefermalesyeuxetvitdespointsnoirsdansersursespaupières.

Agacée,Rionnaserralespoingsets'efforça,lesnarinespalpitantes,dedisciplinersarespiration.

Celafaisaittroplongtempsqu'elleseterraitdanssachambre,terrifiéeàl'idéed'ensortir.C'étaitunefaiblessequ'ellenepouvaitadmettre.L'attaquequ'elleavaitsubieetsesconséquencesconstituaientunehumiliationindélébile,aveclaquelleelledevraitapprendreàvivre.

—Milady,vousnedevriezpasêtre ici.Voulez-vousque jevousaideàregagnervotrechambre?Avez-vousbesoindequelquechose?Jeseraisheureuxdevousl'apporter.

Rionnarouvritlesyeuxetvitdevantellelelieutenantdesonmari,Gannon,quiluibarraitlepassage.

Lessourcilsfroncés,illadévisageaitavecuneinquiétudemanifeste.

Sentantsamainseposersursonavant-bras,elles'endébarrassad'ungestesec.Ellefaillitreculerd'unemarchemaisseretintdelefaire.Ilneseraitpasditqu'elleselaisseraitimpressionner.Lementonfièrementpointé,elleletoisacalmementetrépondit:

—Jevaisbienet,non,jen'aipasbesoindevotreaide.Jedésirequevousmelaissiezpasser.

—Peut-êtrevaudrait-ilmieuxprévenirlelaird?Jevaislefaireappelerpourqu'ilsachequevousdésirezquittervotrechambre.

—Jesuisdoncprisonnièredansmapropremaison?demanda-t-elle, lessourcilsfroncés.Ilm'estimpossibledebougersanslapermissiondulaird?

—Jemesuismalfaitcomprendre,milady.C'estuniquementvotrebien-êtrequimemotive.Jesuissûrquelelairdseraravidevousescorterdèsqu'ilauraconstatéquevousallezassezbienpourquittervotrechambre.

—Jepeuxdécidermoi-mêmesijesuisenétatounondequittermachambre.Àprésent,soyezassezaimabledelibérerlepassagepourquejepuissedescendre.

Gannon sembla ne pas apprécier cette injonction. Rionna le vit hésiter un instant, manifestementperplexequantàlaconduiteàtenir.

Àboutdepatienceetsachantqu'ilneluiferaitpasdemal,ellelepoussasurlecôtéafindepasserenforce.Mais,sansluilaisserletempsdes'éclipser,Gannonluiempoignafermementlecoude.

—Aumoins,laissez-moivousaideràdescendre,dit-il.Lelairdnemelepardonneraitpassivousfaisiezunechutedansl'escalier.

Rionnaselaissafaire,estimantqu'ilnecoûtaitriend'acceptercecompromis.Elleobtenaitcequ'ellevoulait,etellenepouvaitprendre le risquequ'il s'obstinedansson idéepremièrede la raccompagnerjusqu'àsachambreoud'appelerCaelen.

Ladernièremarchefranchie,elles'empressacependantderécupérersonbrasetdes'éloignerdelui,sanssavoiroùaller,avecpourseulobjectifdeluifaussercompagnie.

Prendreunbold'air fraisétaitausommetdesa listedepriorités,maisellenepouvaitsemontrerdanslacouroùsonmaridirigeaitl'entraînement.Elleoptapourunpassageparlescuisinesetunesortieparl'arrière.Ladistanceentrelechâteauetlamurailleyétaitplusgrande,etilluiseraitainsipossibled'admirerlesmontagnesenarrière-plan.

Sansselaisserarrêterparlesexclamationsdesurprisequeprovoquasonapparition,Rionnagagnauneported'unpasdécidéetrespiraàpleinspoumonsl'airsecetfroiddel'hiverdèsqu'elleseretrouvaàl'extérieur.

Soudain-enfinlibre!-elleseretrouvaitauparadis.Sagorgeetsespoumonssemblaients'épanouircomme fleurs aux rayons d'un soleil printanier. L'insupportable réclusion à laquelle elle avait étécondamnéedurantdesilongsjoursn'étaitplusqu'unmauvaissouvenir.

Apetitspasprécautionneux,elles'avançadanslaneige,quicrissaitagréablementsoussessemelles.Elle appréciait jusqu'à la sensation de froideur qui gagnait ses pieds trop peu protégés par ses bottesusées.Enfin,ellesesentaitdenouveauvivante,revigorée.

Unerafaledeventfitvolersescheveuxetluidonnalefrisson.Elleavaitcomplètementoubliédesemunirdesacape.

Serrantlesbrascontreellepourseréchauffer,ellegagnalamuraille.

Petitefille,elleseroulaitdanslaneigeavecKeeley.Elless'amusaientaussiàmodelerdesformesfantastiquesense racontantdeshistoires.Prisespar le jeu,ellesdevenaientdesprincessesdesneigesattendant que leurs princes viennent les secourir.Ceux-ci ne pouvaient être habillés que des plus finsvêtements et des plus chaudes fourrures, et montés sur deux coursiers d'une beauté et d'une vitesseinégalables. Ils les enlevaient, enveloppéesdans leurs fourrures, et les emmenaient loin, dansunpaysmerveilleuxoùilfaisaittoujoursbeauetchaud.

À ce souvenir, Rionna se mit à rire toute seule. Quelle imagination elles avaient eue, toutes lesdeux...Toujours la têtedans lesnuages.Lepire jourdans l'existencedeRionnaavaitétéceluioùsonproprepèreavaitagressé sexuellement sonamie.Plutôtquedes'enprendreà sonmari, samèreavaittraitéKeeleydetraînéeetavaitexigésonbannissement.

Keeleyavaitétésaseuleamie,laseulecapabledecomprendresespenchantspourdesactivitésdegarçon. C'était elle qui l'avait encouragée à s'entraîner au maniement de l'arc. Et chaque fois qu'ellemettaitdanslemille,elleapplaudissaitàtoutrompreenriantauxéclats.Sonhabiletéàseservird'unelamefaisaitégalementsonadmiration.Keeleyjuraitsesgrandsdieuxqu'arméed'unpoignard,sonamieauraitétécapabledetenirtêteàtouteunearmée.

Rionnaavaitvoululuienseignercestechniquesdecombat,arguantqu'unefilledevaitêtrecapabledesedéfendre.Keeleys'étaitmiseàrireenassurantquesoncasétaitdésespérédanscesdomaines-là,etquedetoutefaçonpeuluiimportait,puisqu'elleauraitunjoursonprincecharmantpourlaprotéger.

Finalement,Keeleyavaitfiniparlerencontrer,sonprince,etRionnas'étaitcontentéed'apprendreàsebattre.Laquelledesdeuxs'enétaitlemieuxtirée?Ellen'auraitsuledire.

Avisantungrosrocher,Rionnas'yassit.Sasurfaceglacialeallaitluigelerlesfessessielleyrestaittroplongtemps,maisellen'étaitpasencoreprêteàsupportercequil'attendaitàprésent:laconfrontationavecsonmari.

Levisage fermé,Caelen traversa les cuisines.Rionnan'auraitpasdûêtredehors,bon sang !Ellen'étaitmêmepassupposéesortirdesonlit...Vusonétat,ilavaitprévudeluifairegarderlachambreaumoinsunequinzaineencore.

Mais cequi l'inquiétait davantagequecette sortie impromptue, c'était sonétatmental.L'agressionqu'elleavaitsubiel'avaitgravementaffectée.Depuis,ellerestaittranquille,réservéeetmêmetimide,cequineluiressemblaitnullement.Caelencommençaitàcraindrequel'attaquen'aitendommagésonesprit,etsonimpuissanceàychangerquoiquecesoitlefaisaitenrager.

AprèsquelesfemmesprésentesauxcuisinesluieurentexpliquéqueRionnanes'étaitpasarrêtéeet

ne leur avait pas adressé la parole avant de sortir,Caelen ouvrit la porte. Il la repéra vite à quelquedistance de là. Assise sur un rocher, elle lui tournait le dos, absorbée dans la contemplation desmontagnes.

En regardant le vent jouer dans la chevelure de sa femme, il sentit se former dans sa gorge cettebouled'angoissequil'avaitfréquemmentgênédepuissonretourdelachasse.

Elleparaissaitsimenue,sifragile...

Seuleaumilieudelaneige,Rionnasemblaitonnepeutplusvulnérable,commesiellenepouvaitcomptersurpersonnepourlaprotéger.Etilestvraiquelorsqu'elleavaitdûaffronterlepire,personnen'avaitétélàpourladéfendre.Ilselereprocheraitdurantlerestedesonexistence.

—Laird,nesoyezpasfâché!lançasoudainSarahderrièrelui.Cequ'elleporteaujourd'huiestunréconfortpourelle.Elleenagrandementbesoin,pourlemoment.

CaelenseretournavivementetvitlabravefemmequiobservaitelleaussiRionna,lesyeuxemplisd'uneinquiétudesemblableàlasienne.

— Tu t'imagines que c'est sa tenue qui me chagrine ? bougonna-t-il. C'est davantage elle quim'inquiète...

Avecunhochementdetêteapprobateur,Sarahrentradanslacuisine.

Caelens'avançadans laneigeen faisantundétourpourabordersa femmepar lecôtéetéviterdel'effrayer. Juchée sur son rocher, elle avait l'air d'unebiche auxabois, prête àdécamper à lamoindrealerte.

Endécouvrantlafixitédesonregardperdudanslelointain,sescraintess'accentuèrent.Lesdégâtscausésparl'agressionseraient-ilspermanents?Rionnaredeviendrait-elleunjourcellequ'elleavaitété?Ilétaittroptôtpourseprononcer,maiscommentnepascraindrequeletraumatismel'aitchangéeàjamais?

—Rionna...l'appela-t-ildoucement.

Enl'entendantretenirsonsouffle,ilcompritqu'endépitdesesprécautionsill'avaiteffrayée.Ellesetournavivementetnesedétenditqu'enledécouvrantprèsd'elle.

Parfaitementimmobile,elleleregardad'unemanièreétrange.Lasituationsemblaitirréelle,presqueinquiétante. Elle le dévisageait comme si elle était chargée de le juger et sur le point de le déclarercoupable.Peut-êtreétait-cesapropreculpabilitéquiluidonnaitcetteimpression?Pourtant,ilnepouvaits'ôterdel'idéequesafemmeétaitencolère.Etmême,trèsencolère...

—Ilfaitfroid,constata-t-il.Vousauriezdûresterauchaud,àl'intérieur.

Caelenposalamainsursonépauleetlapressaentresesdoigts,enungestederéconfort.

Asagrandesurprise,ellesemitàrire,maispasd'unemanièrejoyeuse.Rauqueetlaborieux,ceriregrinçantétaitdépourvudegaieté.

—Vousvousimaginezprobablementquejesuisfolle,dit-elle.

—Non,répondit-ilgentiment.Vousn'êtespasfolle.

—Oualors,vouspensezquejenesuispourl'heurequ'unpetitanimaleffrayé,quejen'aspirequ'àmeterrerdansmachambre,quejepréfèrenepasm'aventurerdehors,depeurd'êtreattaquéedenouveau.

— Non, femme. Je pense que vous avez besoin de temps. Votre force et votre courage vousreviendront.

L'intensitédesonregardrivéausienledéstabilisait.

—Jen'aipaspeur,laird...reprit-elle.Envérité,jesuisfurieuse.

Lacolère semblaitune réponseappropriée, étantdonné lescirconstances.Sesyeuxétincelaientettoutsoncorpstremblait.Pourlapremièrefoisdepuisdesjours,Caelensedétendit.Lesoulagementquil'assaillaitétaitaussiintensequ'inattendu.LacolèredeRionna,ilsavaitcommentyfaireface,alorsquelajeunefemmevaincue,amorphe,quiavaitprissaplacedepuissonretourl'effrayait.

—C'estunebonnechose,répliqua-t-il.

D'unbond,Rionnasedressaetluifitface,lespoingsserrés,apparemmentprêteàendécoudre.

—Ahoui?fit-elle.Mêmesic'estcontrevous?Caelenserembrunit,maiss'abstintderépondre.Ilallaitdevoirêtrepatient.Safemmen'avaitpasencoretoutesatête.Sesémotionslasubmergeaient,etilnetenaitpasàaggraverleschosesenleurdonnanttropd'importance.

—Jesuisvraimentdésoléden'avoirpasétélàpourvousdéfendre,Rionna.Etjeleregretteraitoutemavie.J'auraisdûprendredavantageencomptevotreprotection.Jenecommettraiplusjamaislamêmeerreur.

Rionnaémitunbruitétranglé,semblableaugrondementd'unchien.S'iln'avaiteutouteconfianceenelle,ilauraitpucraindrequ'elleluisauteàlagorge.

—Vousvoustrompez!s'écria-t-elle.Vousn'auriezpumeprotégermieux.Maiscequevousn'avezpasfait,c'estpermettrequejepuissemeprotégerseule!

—Vousdéraisonnez,femme.Reprenez-vous.Rentrons,àprésent.

—Savez-vouscequis'estpasséjusteavantquejemefasseattaquerparcesbandits?enchaîna-t-elle.Jevaisvousledire!Monépéevenaitdem'êtreconfisquéeparHugh,quiprétendaitquecen'étaitpas correctpourune femmed'enporterune, etquine tenaitpas à ceque jepuisse êtreblessée... Il amêmeinterditauxautresdes'entraîneravecmoi!

AprèsavoirpointésonindexsurlapoitrinedeCaelen,ellepoursuivitavecvéhémence:

—Sij'avaiseumonépée,ceshommesn'auraientpasréussiàm'approcher!Ilsn'auraientpasréussiàmefairetomberdanslaneige!Ilsn'auraientpasréussiàmetoucher!Ilsnem'auraientpasfrappée!

Son accès de colère était impressionnant. Caelen était un peu honteux d'en éprouver une certaineexcitation.Était-ilnormald'éprouverdudésirpourunefemmequil'agressaitcommeunguerrier?

Illuifallaitseretenirdelajeterdanslaneigeetdeladébarrasserdecettetuniqueetdecepantalonqu'ilhaïssait.

— Si vous vouliez une gentille petite dame rompue à toutes les convenances sociales, parfaitehôtesseetmaîtressedemaison,reproductricesageetzélée,vousauriezdûyréfléchiràdeuxfoisavantdevousengagerdanscemariageàlaplacedevotrefrère.Luisavaitàquois'attendremeconcernant.

Lesmainssur leshanches,elles'avançaencore, jusqu'àcequesesseinsviennentbutercontresonsternum.

—Jenesuisriendetoutcela,reprit-elle,latêtelevéepoursoutenirsonregard.Etjen'ainuldésirde le devenir. J'avais décidé deme laisser fléchir et de tenter d'êtremalgré tout une parfaite épouse,quandceshommesonttraverséleruisseaupourmemolesteraussifacilementqu'ilsl'auraientfaitavecunenfant.Àquoivoussuis-jeutile,àvousetàmonclan,sijenepeuxmêmepasmedéfendremoi-même?Commentsuis-jesupposéeprotégerceuxquimesontchers?Lesenfants,lesautresfemmesduchâteau?Devrai-jemerecueillirsurleurstombesenayantpourexcuseàlabouche:«Jesuisdésolée,jen'étaisqu'une parfaite épouse et une dame distinguée » ? Les survivants me pardonneront-ils d'avoir laissémourirleursprochessousprétextequemonmaridésiraitunefemmecapabledesouriregentimentetdefairelarévérencesansseprendrelespiedsdansletapis?

Caelenluttaitvaillammentpournepassourireensemordantlalèvreinférieure.Illuifallaitmasquersonamusementcars'illuilaissaitlibrecours,ellepouvaitfortbienleprendrecommeuneprovocation.

Ilauraiteu légitimement raisondes'indignerdu flagrantmanquede respectdesa femme. Ilauraitmêmedûsefaireundevoirdelaréprimander.Maisc'étaitlapremièrefoisdepuisunesemainequ'ellemanifestaitsesémotions,etDieuqu'elleétaitbellequandellesemettaitencolère!

—Voustrouvezçadrôle?s'enquit-elle.

Soudain,elleledéséquilibrad'unebrusquepousséedesesmainscontresapoitrine,réussissantàleprendreparsurprise.Caelenallas'étalerdanslaneigedansunbruitsourd.Enépoussetantlapoudreusequimaculaitsesvêtements,illuilançaunregardnoir,cequin'empêchanullementRionnadepoursuivresonréquisitoire.

— Laissez-moi être ce que je suis, CaelenMcCabe. Jamais il ne me viendrait à l'idée de vousdemanderdechanger.Jepeuxvousaider,sivousm'yautorisez.Nemereléguezpasdansl'ombre,pournem'entirerquelorsquecelavousarrange.Peut-êtreest-ceainsiquecelasepassedanslemonde,maiscen'estpaspourcelaqu'ildoitenêtredemêmeentrenous.

Caelensoupira.

—Est-ilsiimportantpourvousdevoushabillerenhommeetdemanierl'épée?demanda-t-il.

Rionnaserenfrognaetsecoualentementlatête.

—Cen'estpas lamanièredem'habillerquim'importe, répondit-elle.Sivouspouvezmemontrer

commentilestpossibledemebattreenportantunerobe,jen'aurairiencontrelefaitdeportercegenredevêtements.

— Vous ne pourrez manier l'épée si vous portez une robe, maugréa-t-il. Elle entraverait vosmouvements.

Pour la première fois depuis son retour, Caelen vit sa femme sourire largement, d'un sourire quiilluminaitjusqu'àsesyeux.

—Celasignifie-t-ilquej'aivotrepermissiondeporterdesvêtementsd'hommepourmebattre?

Ungrognementdégoûtéluiéchappa.

—Depuisquandattendez-vousmonautorisationpourfairequoiquecesoit?

—Jepeuxmemontreraccommodante,objecta-t-elle.

Caelenlevalesyeuxauciel.

—Quandcelavousarrange,certes...

Lesyeuxplissés,ilscrutaattentivementlevisagedesafemmeavantd'ajouter:

—Ilyacertainesconditions,Rionna.Dorénavant,Gannonvousaccompagnerapartoutoùvousirez.Et j'ai bien dit -.partout !Vous ne resterez jamais sans escorte. SiGannon n'est pas disponible,Hughprendralerelais.

D'unhochementdetête,Rionnadonnasonapprobation.

—Deuxièmement,vousnevousentraînerezqu'avecmoi,etrienqu'avecmoi,enchaîna-t-il.Sivousvoulezréellementapprendre,ilvousfautlesleçonsd'unmaître.Etjevouspréviens,jen'aipasl'intentiondevousménagersousprétextequevousêtesmafemme.

Rionnaluisouritd'unaireffrontéetminauda:

—Jenemecontenteraideriendemoins,chermari...

—Horsdequestion,également,quevousvousbandiezdenouveaulesseins.

Enréponseauregardsuspicieuxdesafemme,Caelensouritetprécisa:

— Ce n'est pas que pour mon plaisir. C'est également parce que cela n'a aucun sens. Je peuxéventuellementaccepterquevousvoushabilliezenhomme,maispasquevoustentiezd'endevenirun...

—Autrechose?demanda-t-elle,brascroisés,entapantimpatiemmentdupieddanslaneige.

—Oui.Aidez-moiàmerelever.

En roulant des yeux effarés, elle se pencha et lui tendit lamain.Décidément, songeaCaelen, elle

avaitencorebiendeschosesàapprendre...D'ungestevif,illuisaisitlepoignetetd'unefortetractionlafitatterrirdanslaneigeàcôtédelui.

Enhâte,ellesereleva,delaneigepleinlevisage.Enclignantdesyeux,elleledévisagea,incrédule,commesielleneparvenaitpasàcomprendrepourquoiilavaitfaitça.

—Vengeance...susurra-t-il,toutsourire.Redouteztoujourslavengeancedevotreadversaire.

Aprèsluiavoirlancéunregarddepurmépris,Rionnalesurpritunefoisencoreensejetantsurlui,l'entraînant avec elle dans la poudreuse. En riant, Caelen parvint à prendre le dessus et s'installa àcalifourchonau-dessusd'elle.Desamainlibre, ilfitunebouledeneigequ'ilbranditau-dessusdesonépaule.

—Vousn'oseriezpas!lança-t-elled'unairdedéfi.Sanshésiter,Caelenlaissalabouletombersurlevisagedesafemme.Ens'éparpillantlelongdesesjoues,laneigerévélasonexpressionstupéfaite.Mais,bienvite,l'envied'endécoudrefitétincelersesyeux.

LorsqueSarah,inquiètedesavoirRionnadanslefroiddepuissilongtemps,sedécidaàallervoircequisetramait,ellefutconsternéedevoirlelairdàcalifourchonsursafemmeétenduedanslaneige.

Commentosait-illatraiterainsialorsqu'elleétaitencoresouslechocdel'attaquequ'elleavaitsubie? Tout laird qu'il était, cet homme devait être fou... Elle avait sur le bout de la langue une verteréprimandequandelleentenditleriredeRionnas'éleverdansl'airglacé.

Aussitôt après, elle la vit bousculer son mari, intervertir leurs positions et commencer à luibarbouillerlevisagedeneige.Lelairdsemitàrireàsontouretsedébattittantetsibienqu'unnuagedepoudreusenetardapasàs'éleverautourd'eux,dansunconcertderiresetdecris.

UngrandsouriresepeignitsurlevisagedeSarah,quirentradanslacuisineetrefermadiscrètementlaportederrièreelle.Àprésent,songea-t-elle,cedontcesdeux-làavaientsurtoutbesoin,c'étaitd'unpeud'intimité...

18Pourlapremièrefoisdepuissonagression,Rionnadescenditcejour-làdanslagrandesallepourle

repasdusoir.Entraversant lapièce,ellesentitpesersurelle leregarddeshommesetdesfemmesduclan.Unventdepaniquesoufflaenelle,quil'incitapresqueàsecouvrirlevisageetàallerseréfugierdanssachambre,maiselleavaitpassésuffisammentdetempsàsecacher.Ilfallaitenfinir.

Caelen se leva pour l'accueillir quand elle rejoignit la table principale. Les autres convivesl'imitèrent et, d'un coup d'œil discret, le laird invita Simon à libérer le siège à sa droite pour qu'ellepuisses'yasseoir.

—J'auraisprisdesdispositionspourqu'onvousfasseportervotredîner,dit-ilàvoixbasseenserasseyant.

—C'estgentildevotrepart,chuchota-t-elleenréponse.Maisilesttempsquejecessedemecacher.Mêmesicesbleusmerendenthideuse,iln'yariend'autrequiclocheenmoi.

Caelen lui saisit le menton entre le pouce et l'index et tourna son visage pour le présenter à lalumière.Ill'étudiauninstantavecuneexpressionpensive.

—Lesbleuss'estompentdéjà,assura-t-il.D'iciquelquesjours,ilsaurontcomplètementdisparu,

Du bout des doigts, il effleura les marques encore visibles sur son cou. Elle vit ses pupilles sedilater,sesnarinespalpiter,puisilretirasamainetseremitàmanger.

Àlafindurepas,Rionnaselevapourprendrecongé.Uncalmeinhabituelavaitrégnésurlatablée,comme si les hommes s'étaient censurés de crainte de la heurter. Il leur faudrait du temps pour seconvaincrequ'ellen'allaitpastomberenmorceauxaumoindreproposmaladroit.Aprèstout,c'étaitdesafautes'ilsavaienteucetteimpression,ensecachantcommeellel'avaitfait.Maiscommentaurait-ellepuleurexpliquercombienelles'étaitsentieimpuissanteentrelesmainsdesesagresseurs?

Leshommesnepouvaientcomprendrecegenredechoses.Ellepréféraitallerde l'avantetnepass'attardersurlepassé.Untempsviendraitoùtousauraientoubliécequiluiétaitarrivé.

CaelenlaretintparlebrasetéchangeaunregardavecGannon.Puis,àsagrandesurprise,Rionnal'entendits'adresseràelleencestermes:

—Jecroisquejevaismeretireravecvous.

Caelense faisaitundevoirdesedétendreencompagniedeshommesduclanaprèschaquerepas.C'étaitsafaçond'établirentreeuxunecertainecamaraderieaprèsunelonguejournéed'entraînement.Illesécoutaitluifairepartdeleursidées,faisaitassautaveceuxd'histoiresgrivoises,ettouspartageaientleursimpressionssurlesévénementsdujour.Ensomme,luietGannonneménageaientpasleurseffortspour se faire adopter par les guerriers du clan, ce dont elle leur était reconnaissante, même si tousn'avaientpasencoreacceptéCaelencommeleurnouveaulaird.

Maiscesoir-là,sanslâcherlepoignetdesafemme,ilpréféraseleveràsontouretleslaisser.

—Iln'étaitpasnécessairedemonteravecmoi, luidit-ellequand laportede leurchambre se futreferméesureux.

—Jesais,répondit-il.C'estnéanmoinslechoixquej'aifait.Peut-êtreai-jeenviedediscuteravecmafemmeplutôtqu'avecmeshommes,cesoir.

Rionnascrutaintensémentsonvisageavantdedemander:

—Avez-vousquelquechosedeprécisentête?

—Peut-être...Apprêtez-vous pour aller au lit, femme.Vous paraissez fatiguée. Je vais ajouter duboisdanslacheminée,etnousironsaulittôtcesoir.

Rionna lui obéit et commença à se déshabiller. Elle tendait la main vers sa chemise de nuitlorsqu'elleentenditCaelenmanifestersaréprobationd'unclaquementdelangue.Luijetantuncoupd'œil,ellelevitsecouernégativementlatête.

—Pourquoinon?s’étonna-t-elle.

—Jeveuxsentirvotrepeaucontrelamienne.Celan'avaitriend'uneexigencedéraisonnable,maiscelalarendaitnerveuse,unpeutimide,etcetteréactionlamettaitencolèrecontreelle-même.

Commes'ilavaitdevinéseshésitations,Caelenjetaunebûchedansl'âtreetseredressapourvenirlarejoindre.Endouceur,illuipritlachemisedenuitdesmainsetladisposasoigneusementsurledosd'unechaise.

—Rionna... dit-il àmi-voix. Jen'exigerai riendevous. Jene ferai rienquipuissevous effrayer.Mais pouvoir vous sentir contremoim'a beaucoupmanqué. Si ce n'est pas insupportable pour vous,j'aimeraisyremédiercettenuit.

Rionnaposalamainsursontorseetlevalesyeuxverslui,émueparlatendressequitransparaissaitdanssesparoles.

—Vousnemefaitespaspeur,Caelen...Envérité, jemesensensécuritéquandvousêtesprèsdemoi.

Caelenplaçalamainsurlasienneetl'amenajusqu'àseslèvres.Ilembrassalecreuxdesapaumeetylaissaseslèvresuninstant,avantderelâchersamain.

—Allez-vouscoucher.Ilfaitfroidcesoiretlevents'insinueàtraverslesfourruresdelafenêtre.

Sanssefaireprier,Rionnagrimpadanslelitets'yinstallaenregardantCaelensedéshabillerdevantlefeu.Quandilpivotaverselle,elleentrouvritlaliterieenungested'invite.

Dèsqu'ill'eutrejointe,elleseblottitcontreluietsoupirad'aiseensentantsachaleurl'envelopper.

Caelenpouffaderirecontresescheveux.

—J'ail'impressiondevousentendreronronner,femme.

Rionnafermalesyeux,sepelotonnadavantagecontreluietmurmura:

—Mmm...Jemesenssibien,cherépoux.

Aucreuxdesondos,ellesentitsamaincommenceràlamasserdoucement,dehautenbas.

—J'airéfléchiàquelquechose...dit-ilenfin.Rionnaretintsonsouffle.Uneconversationnefinissaitjamaisbien lorsqu'elledébutait ainsi.Elle s'écartade lui légèrementet lamaindeCaelencessade lacaresser.

—Aquoidoncavez-vousréfléchi?demanda-t-elle.

—Dites-moid'abordpourquelleraisonvousvoushabillezenhomme,etcequivousapousséeàvousentraîneraumaniementdel'épée.

Rionnaécarquillalesyeux.Elles’étaitattendueàtout,saufàça.

—Ilestmanifestequevousavezconsacréénormémentdetempsàvousperfectionnerdanslesartsdelaguerre,reprit-il.Admettezquec'estundrôledecentred'intérêt,pourunejeunefille.

Enbutteàsonsilencepersistant,Caelenrepritsesmassageslégersaubasdesondosetpoursuivit:

—Etàprésent,alorsquevousavezsubiuneagressionquiauraittraumatisén'importequelleautrefemme,vousêtessurtoutencolèrequ'onvousaitôtélemoyendevousdéfendre.

—Oui,murmura-t-elle.Jemesuissentieimpuissante.Jenesupportepasça.

—Qu'est-cequivousasifarouchementdéterminéeàvousdéfendreseule,Rionna?Raressontlesfemmes à prendre ce genre de décision. Généralement, elles peuvent compter sur unmembre de leurfamille, leur père, leur frère ou leurmari, pour veiller sur elles et les protéger. Pourtant, vous n'avezjamaiscomptéquesurvous-même...

Submergéepar lahonte,Rionna ferma lesyeux.Caelenn'ignorait riendes turpitudesde sonpère,maisformulerdevivevoixsescrainteslesplusprofondeslesrendaitplushideusesencore.

—Rionna?

Caelenluiredressalementondemanièreàpouvoirlaregarderdanslesyeux.Leschandellesqu'ilavait laissées allumées procuraient suffisamment de lumière pour qu'elle ne puisse ignorer ladéterminationsansfaillequ'exprimaitsonvisage.

Ellesoupiralonguementetdétournaleregardavantdeluirépondre:

—Vous savez quel genre d'homme estmonpère.Vous savez aussi que lorsqu'il a tenté de violerKeeley,mamèreafaitbannircelle-cidenotreclan.Keeleyestmacousine,etellen'estpaslaseulejeunefilleàavoirsubilesassautsdemonpère.J'aisuàquoim'enteniràsonsujetdèsleplusjeuneâge,etj'aitoujoursredouté...Rionnaseforçaàleregarderdanslesyeux.

—J'aitoujoursredoutéqu'ils'enprenneàmoi,enchaîna-t-elle.S'ilpouvaitseconduireainsiavecsanièce,ilétaitbiencapabledelefaireavecsaproprefille.Messeinssesontdéveloppéstrèstôt.J'avaisdes formes dont je savais qu'elles intéressaient les hommes. C'est pour cela que j'ai commencé à lescacher autant que possible, et à chercher à ressembler davantage à un garçon qu'à une fille. Et si j'aiapprisàmanierl'épée,c'estquejemesuispromisdepouvoirmedéfendresijamaismonpèrejetaitsondévolusurmoi.

LacolèreetledégoûtledisputaientdanslesyeuxdeCaelen.Illuicaressalajoue,laissantsondoigtcourirdesonmentonàsonoreille,puisredescendre.

—Vousavezbienfait,admit-ilenfin.Iln'avaitpasrenoncéàsonobsessionpourKeeley,mêmedesannéesplustard.Ill'auraitviolée,ilyaquelquessemainesdecela,sijen'étaispasintervenupourl'enempêcher.

—Sesdésirssontcontrenature,etilsefichedesavoirqu'ilfaitdumalàautrui.Ilnepensequ'àluietàsonplaisir.J'auraispuletuer,rienquepourcequ'ilafaitàKeeley.

—S'ils'avisedevoustoucherencoreunefois,quecesoitsousl'empiredudésiroudelacolère,jejetteraisacarcasseauxvautours!

—Iln'yaquelorsquevousn'êtespasprèsdemoiquejem'inquiète,dit-elletranquillement.

—Oui, j'en aibienconscience.Etmêmes'ilmecoûtededevoir l'admettre,vous tenez làunbonargumentpourquejevousautoriseàcontinuervotreentraînement.J'aibiendonnéunpoignardàMairinpourqu'ellepuissesedéfendre...Celan'auraitpasdesensquejen'offrepasàmaproprefemmelamêmeopportunité.

—Merci...dit-elledansunsouffle.Celareprésentebeaucouppourmoiquevousmesouteniezainsi.

—Attendezunpeupourmeremercier,laprévint-il.Jenevaispasvousménagersousprétextequevousêtesunefemme.Sivousdevezassurervous-mêmevotreprotection,vousallezdevoirapprendreàavoirledessussurunhommedeuxfoisplusfortquevous.

Rionnaacquiesçad'unhochementdetête.

—Jemènelaviedureàmesélèves,poursuivit-il.Jevousferaivousentraînersansmerci,jusqu'àcequevouscriiezgrâce.Jen'attendspasdevousautrechosequecequej'attendsdemeshommes.

—Oui,jecomprends,dit-elle.Maintenant,taisez-vousetlaissez-moivousremercierenbonneetdueforme.

Caelenarquaunsourcil,circonspect.

—Qu'entendez-vouspar«enbonneetdueforme»?

Rionnaluisouritetsependitàsoncou.

—Nevousinquiétezpas.Jenepensepasquevousaurezàvousplaindredemoi.

19—Relevez-vousetessayezencore,Rionna.

Après s'être difficilement redressée, Rionna massa son pauvre derrière endolori. Son bras luisemblait sur le point de tomber, et samain demeurait depuis longtemps complètement insensible.Elleétaitsilassequesesyeuxsefermaientd'eux-mêmes,maissonmarinerenonçaitpas.

Il n'y avait aucune impatience dans le ton de sa voix.À n'en pas douter, il était l'homme le pluspatientqu'elleeûtjamaisrencontré.MêmeHugh,lorsqu'illuiavaitservidemaîtred'armes,avaitsouventjetélesbrasenl'airenjurantsesgrandsdieuxqu'iln'yavaitrienàtirerd'unefemme.

Elles'étaitchargéedeluimontrerqu'ilsetrompait.Etelleavaitfaitdemêmeavectousleshommesde sonpèrequi avaient osé railler sesprétentions àmanier l'épée.Elle sepromettait qu'il en irait demêmeavecsonmari,quiparaissaits'êtrejurédedécouvrircombiendefoisellepourraittombersurlesfessesavantdecriergrâce.

Lapointedesonépéetouchaitpresqueterrequandelleseportaunefoisdeplusàsarencontre.Elleprenaitgardecependantdenepaslalaissertraîner.

Caelenluiavaitdéjàmontrécequ'ilpouvaitluiencoûter.

—Pour l'amour deDieu,Rionna ! s'impatientaGannon.Vousme rendez fou !Essayez de feinter,cettefois...Vousnepesezrien.Cedevraitêtrefacile,pourunefemmedevotregabarit,d'êtreplusrapidequ'unhommeaussimassifquelelaird.Utilisezcetatoutàvotreavantage...

Pantelante,Rionnacommençaàdécriredescerclesautourdesonmari,guettant lemoindredesesgestes.

—Attendez!repritGannon.Caelen?Justeuninstant.

Dansunsoupir,CaelenbaissasagardeetregardaGannonrejoindreRionna.

—Puis-jevousparlerquelquessecondes,milady?s'enquit-il.

Rionna,decrainted'unerusepour ladistraire, recula lentement,sanscesserdeviserCaelenavecsonarme.

—Elleapprend,commentacelui-ciensouriant.Nesoispastropsévèreavecelle,Gannon.

— Tout ce que je veux, maugréa celui-ci, c'est que nous en terminions pour pouvoir enfin allermanger.

AprèsavoirentraînéRionnasurlecôté,ils'adressaàelleencestermes:

—Vousréagissezcommepourunexercice.Uncombatsurunchampdebatailleneressemblepasdutout à ça. Vous faites le tour de Caelen et vous attendez qu'il prenne l'initiative afin de réagir. Enconséquence,vousêtessansarrêtsur ladéfensiveet lui toujoursàsonavantage.Cettefois,vousallezessayer d'initier l'action. Fondez sur lui et servez-vous de votre vivacité.Vous n'avez pas sa force. Ilserait suicidaire de chercher à vousmesurer frontalement à un homme deux fois plus lourd que vous.Essayezd'imaginerd'autresfaçonsdevousyprendre-etsanstarder,s'ilvousplaît.Jesuisaffamé.

Sonairmaussadelafitsourire.

—Jevaisfairedemonmieux,promit-elle.

— Il est capable de rester là toute la nuit, vous savez... N'allez pas vous imaginer qu'il vousépargneraitcela.Ilobtiendralerésultatqu'ilchercheàobtenir,ouilvousépuiseracomplètement.Jevoussuggèredeluidonnercequ'ildésireafinquenouspuissionsrentrernousréchauffer.

—Vousvoustransformezenvieillefemme,Gannon...

—Priez pour qu'il nem'autorise jamais àme battre avec vous. Je vousmontrerai, si je suis unevieillefemme!Etjeneseraipasaussiclémentquelui.

—Clément!serécria-t-elleensemassantlesfesses.Monfondementn'estpasdutoutd'accordavecvous...

—Vousnesaignezpas,jesuppose?répliqua-t-il.Alorsc'estqu'ilafaitpreuvedeclémence.

Dansunhaussementd'épaules,RionnaseretournapourfairefaceàCaelen.Celui-cil'attendait,sansmanifesterniimpatiencenilassitude.C'étaitàcroirequerien,jamais,n'avaitréussiàledéstabiliser.

Sansperdredevue les conseils qui venaient de lui être prodigués,Rionna recommença à tournerautourdesonmari. Ilyavaitduvraidans lesparolesdeGannon.Elleétaitprévisiblepar leseul faitqu'elleutilisaitlamêmetechniquechaquefoisetqu'elleattendaitqueCaelenprennel'initiative.

Puisantaufondd'elle-mêmed'ultimesressourcesdecourage,ellebranditsonépée,laissafuseruncridigneduplusféroceguerrieretselançaàlacharge.

Un sourire carnassier au coin des lèvres, Caelen poussa un cri guttural quand leurs armess'entrechoquèrent. Le bruit du métal frappant le métal résonna à travers la cour. Revigorée, Rionnaallongeaunebotte,para,sanscesserdelefairereculer,utilisantsarapidité.

Ilétaitsur ladéfensive,àprésent.Exactementcequ'il fallaitàRionnaenattendantqu'ilcommetteuneerreuretluioffrel'ouverturequ'elleattendait.

Endépitdufroidglacial,sonfrontétaitensueur.Elleserraitsifortlesdentsquesesmâchoiresluifaisaientmal.Sesyeuxrestaientplisséssousl'effetdelaconcentration.

Caelenluiassenauncoupd'épéequ'elleputfeinterenpivotantsurelle-même.Maislaforceducoupluifitmettreungenouenterreet,sansluilaisserletempsdereprendresonéquilibre,d'unetorsiondupoignetCaelenladésarma.

—C'estmieux,femme...commenta-t-il.Maispasencoreça.

Pousséeàboutparsasuffisanceetl'affichageinsolentdesasupériorité,Rionnasecourbaendeuxetfonçasurluisansréfléchir.Sonépaule,commeparunfaitexprès,vintpercutersonentrejambe.

Lesoufflecoupé,CaelenproféraunchapeletdejuronsquiécorchèrentlesoreillesdeRionna,puiss'effondraàgenouxsurlesol,lesmainsagrippéesàsespartiesintimes.

Sansperdreuneseconde,ellereculad'unpasafinderécupérersonépéeetenpointal'extrémitésursoncou.

—Vousvousrendez?demanda-t-elle.

—Bonsang,oui!Jemerends,ouvousallezsansdoutetranchercequirestedemesbourses...

Savoixtendue,sonvisagedouloureuxauraientdûl'inquiéteretl'attendrir.MaisRionnan'avaitpasoubliélesheuresqu'ilvenaitdeluifairepasserenenfer,ettoutevelléitédemansuétudedisparutenelle.

Gannons'avançaverseux,secouéparunrireirrépressible.Caelenluilançaunregardnoiretgrogna:

—Ferme-la,tuveux?

UndernieréclatderireéchappaàGannon,puisilassenaunegrandeclaquedansledosdeRionna,manquantdepeuladéséquilibrer.

—Etvoilàcommentonfaitchoirunguerrier,milady!

—C'esttoiquiluiasditdevisermesparties?s'enquitCaelen,méfiant.

—Sûrementpas!Jemesuiscontentédeluiconseillerdepasseràl'offensive.Onpeutdirequ'ellearéussi!

—Bonsang,femme!s'exclamaCaelenenserelevantdifficilement.J'étaisassezfierdecettepartiedemonanatomie!

Rionnaluisouritd'unairmutin.Sehissantsurlapointedespieds,elleluimurmuraàl'oreille,pourqueGannonn'entendepas:

—Moiaussi.J'espèrequ'iln'yapasdedommagesirréparables...

—Irrespectueusepolissonne!grondaCaelen.Toutcecisepaieraplustard.

Puisilluicaressalajoue,surlaquelleunbleupâlissaitpeuàpeu.

—Souffrez-vousencore?s'inquiéta-t-il.Peut-êtrevousenai-jetropdemandéaujourd'hui?

—Non,répondit-elledansunsouffle.Apeineunepetitedouleurdetempsàautre.Celafaitquinzejours,etj'yvoisdésormaispresqueparfaitement.

—Laird!Unmessagerapprocheduchâteau!Immédiatement,CaelenconfiaRionnaàlagardedeGannonetallaramassersonépéedanslaneige.

— Fais-la rentrer et alerte les autres ! ordonna-t-il. Sachant toute protestation inutile, Rionna selaissaentraînerparGannonà l'intérieur. Il laconduisitdans lagrandesalle,prèsdufeu,puissemitàcrierdesordresdontleséchosseperdirentdanstoutlechâteau.

—Milady,quesepasse-t-il?s'inquiétaSarahensehâtantdelarejoindre.

—Jen'ensaisrien.Unmessagerapprocheduchâteau.Ilfautattendrequelelairdnousdisecequ'ilenest.

—Alorsassieds-toiprèsdufeuetlaisse-moitedonnerunpeudebouillon.Tutremblesdefroid,tesvêtementssonttrempés.Réchauffe-toioutuvasattraperlamort.

Rionna jetauncoupd'œil à seshabits froissés.Ellen'avaitmêmepas remarqué l'humiditéde sesvêtements,maisàprésentqueSarahenparlait,ellelessentaitcollerdésagréablementàsapeau.

Elle se rapprocha du feu, vers lequel elle tendit les doigts. Toute la maisonnée était entrée enébullitionautourd'elle.Tandisquelachaleur,peuàpeu,secommuniquaitàsesdoigtspuisàsesbras,ellesoupiradebonheur.

Aubruitdespasdesonmari,Rionnatournalatêteverslui.Elles'étaitàcepointaccoutuméeàluiqu'ilsuffisaitqu'ilentredansunepiècepourqu'ellelereconnaisse.

—Quelquechosenevapas?s'enquit-elle.

—Toutvabien.C'étaitunmessagerduclanMcCabe.Monfrèreestsurlepointdenousrejoindreetdemandel'hospitalité.IlestenroutepourNeamhAlainnavecMairin,CrispenetIsabel.

—Parcetemps?s'étonnaRionna.

Elleétaitsurprisequ'Ewanprennelerisquedevoyagerdansdetellesconditionsalorsqu'Isabelétaitsijeune.

—Ilpréfèresansdoutenepasattendredavantage.Je l'ai tenuaucourantdevotreagressionetdumessagequivousaétédélivré.Ildoitvouloirs'installerlà-basavecsafamilleauplustôt,pourprofiterdelagarnisonquigardelaplacedepuislamortd'Alexander.

—Jevaisallerm'occuperdepréparerleurarrivée,annonçaRionna.

Caelenacquiesçad'unsignedetêteetsetournaversGannon.Lesdeuxhommestraversèrentlasalle,engrandeconversation.Rionnaprituneprofondeinspirationets'efforçademettreàprofitlesquelquesleçonsprodiguéesparSarah.Elleordonnaquel'onsemettetoutdesuiteàlapréparationdelanourritureetde laboissonnécessaires.Dieumerci, la chasseordonnéeparCaelenavait été fructueuse.Grâce àcela,iln'auraitpasàrougirdedevoiroffrirunpiètrerepasdebienvenueauxsiens.

Elle affecta également quelques servantes aunettoyagede la grande salle.Le feu fut activé et lesfourruresécartéesdesfenêtresafindechasserlesodeursetderenouvelerl'airambiant.

Satisfaite de constater que toutes vaquaient à leurs occupations, Rionna se dépêcha de gravirl'escalieretderegagnersachambrepoursechanger.

Avecunlingehumide,elleenlevasursoncorpsetsonvisagelasueuretlapoussièredelajournée.Alorsqu'elleseséchait,lafroideurdelapiècelafitfrissonner.Lapeauhérisséedechairdepoule,elles'empressad'allertirerunerobed'unedesesmalles.

C'était la première opportunité qui lui était offerte de porter l'une de celles que Sarah avait faitrectifier,etlerésultatlasatisfaisaitpleinement.

Caelennetrouveraitrienàredireàsonapparence.Depiedencap,elleétaitcettedameduchâteauqu'il attendait qu'elle soit. Son mari avait fait d'importantes concessions en l'autorisant à s'entraîner.Commentaurait-ellepunepasenfaireàsontour?

Assise près du feu, elle se brossa les cheveux jusqu'à ce qu'ils brillent comme une coulée d'orliquide.Ensuite,ellesefitdestressesqu'ellenouaàl'aidedeliensencuir.

Enfin,elleselevaetredescenditsurveillerlespréparatifs.

Danslagrandesalle,ons'affairaitànettoyerlesoletlestables.Avoiraérélapièce,déjà,avaitsuffiàlarendreplusaccueillante.

—Unragoûtdevenaisonmijotesurlefeu,luiannonçaSarah.Etilnousresteplusieursmichesdepaindurepasdecemidi.Nousavonsmêmeenréserveunbonmorceaudefromagequej'avaismisdecôtépouruneoccasioncommecelle-ci.

—Etlabière?s'inquiéta-t-elle.Yenaura-t-ilassezpourtousnosinvités?Demandeàunhommed'allerchercherdelaneigepourenfairedespichetsd'eaufraîche.

Sarahhochalatêteetretournaàsesoccupations.

Une heure plus tard, Caelen revint dans la grande salle et écarquilla les yeux en apercevant safemme.Après l'avoirexaminéedela têteauxpieds, ilhochalementond'unairsatisfait,et la lueurdeconvoitisequiéclairasonregardlarécompensadesesefforts.

—Ilssontauxportesduchâteau,annonça-t-il.Nousallonslesaccueillir,Gannonetmoi.Restezici,auchaud.

Rionnaréponditd'unsourire.

Le nez en l'air, Caelen renifla un instant puis observa d'un regard circulaire les préparatifs quis'achevaient.

—Mercidefaireensortequemonfrèreetsonépousesoientlesbienvenusici,dit-il.

Enleregardants'éloigner,Rionnasentitunedrôled'émotionluiserrerlagorge.

—Faischaufferducidre,ordonna-t-elleàSarah.LadyMcCabeapprécierasansdouteuneboissonchaudedevantlefeu.Etqu'ontiredelabièrepourleshommes.

RionnafitlescentpasenattendantleretourdeCaelenavecleursinvités.Ellen'avaitpasétéaussinerveuselorsqu'elleétaitalléerendrevisiteauxMcCabeencompagniedesonpère.Maisencetemps-là,ellenecherchaitpasàleurêtreagréable.Aujourd'huiellelesaccueillaitchezelle,danssonchâteau,etl'impressionqu'ilsgarderaientdeleurséjourrejailliraitsurCaelen.Soudain,riennecomptaitdavantagepourellequedenepasfairehonteàsonépoux.

Ellevoulaitàtoutprixqu'ilsoitfierd'elle,oudumoinsqu'ilnepuisserienavoiràluireprocher.

Enfin,autermed'uneinterminableattente,Ewanfitsonentréedanslagrandesalle,accompagnédeMairin et deCrispen, le fils du frère de Caelen issu d'un premier lit. Rionna se hâta d'aller prendreMairinparlebras.

—Venezviteprèsdufeu!lapressa-t-elle.Vouspourrezdécouvrirlebébé.J'aifaitchaufferducidrepourvousréchauffer.

Ewan,pendantqueRionnas'occupaitdesafemme,entraînasonfilsverslatableoùleshommesserassemblaientdéjà.

—Mercidevotreaccueil,murmuraMairin.Jenevouscacheraipasquejesuisglacéejusqu'auxos.

Elles s'arrêtèrent devant l’âtre, et Mairin commença à écarter les épaisses fourrures qui larecouvraient.Nichéecontresonsein,profondémentendormie,Isabelparaissait indifférenteà l'agitationquil'entourait.

Rionnaécarquillalesyeux,éperdued'admirationdevantcettemagnifiqueenfantauxtraitsdélicats,auxcheveuxaussinoirsqueceuxdesesparentsetàlabouchemenue.

Toutàsacontemplation,ellenevitpasMairintendrelamainpourcaresserlebleuquipâlissaitsursajoue.Surprise,ellesursauta.

—Désoléequevousayezétéainsientraînéedansnoscombats,murmuralafemmed'Ewan.Caelennousaapprisquevousavezétévicieusementbattue...

Leslèvrespincées,Rionnaserembrunitetrépondit:

—Voscombatssontaussilesmiens.J'aiépouséunMcCabe.

Mairinsourit.

—Caelenestchanceuxd'avoiràsescôtésunefemmeaussicourageuse.Jem'inquiétaisdelevoirquitternotreclanetdevenirlairdici,maisjeconstatequemescraintesétaientinfondées.

—Oui,jeferaitoutpourqu'ilsoitacceptéparlesmembresduclan.

Mairinluiserralamainetsoupiradelassitude.

—Maisjevousenprie,asseyez-vous...luiditRionna.

Mairinnesefitpasprieretlaremerciad'unhochementdetête.

—Isabelnevapas tarder à se réveiller pour sa tétée.Nousvoyageonsdepuis cematin à l'aube.Ewanpréféraitnepass'arrêter.

Rionnafitsigneàunhommequisetrouvaitnonloindelàd'ajouterunebûchedanslefeu.Puiselleenvoyauneservantechercherunboldecidrechaudenprécisant:

—Lerepasserabientôtservi.

—Neleprenezpasmal,mais...jepréféreraisresterassiseici,prèsdufeu.Jesuistroplassepourm'attableraveclesautres,etceseraplusconfortablepourIsabel.

—Nevousinquiétezpas,latranquillisaRionna.Jevaisresteravecvousettenirlebébépendantquevousmangerez.Ainsi,leshommesauronttoutelibertépourdiscuterentreeux.Jesuisprêteàparierqu'ilsenontpourunepartiedelanuit.Nouspourronsnouséclipservousetmoipourallernouscouchersansmêmequ'ilsleremarquent.

Mairinpouffaderire.

— Oui, approuva-t-elle. Il me semble que vous êtes dans le vrai. Merci pour tout, Rionna. Cetaccueilmeréconforteetmevadroitaucœur.

Rionnasesentitrougir.Ducoindel'œil,ellecherchasonmari,certainedeledécouvrirengrandeconversation avec son frère,mais à sa grande surprise elle le trouva en train de les observer, elle etMairin,uneexpressionbizarresurlevisage.

Elleluiadressaunsourirehésitant.Illuiréponditd'unhochementdetête.Maislorsqu'elledétournalesyeux,ellesentitlessienscontinueràpesersurelle.

—Racontez-moicommentvousvivezvotrenouvelleconditiondefemmemariée!repritMairinavecentrain.Vousparaissez resplendissante. Il émanedevousunesorted'auraque jenevousavais jamaisconnue.Vousaveztoujoursétéunebellefemme,maislà...vousrayonnez.

Troubléeparcescompliments,Rionnabaissalementon.L'arrivéedeSarah,quiapportaitunboldecidre fumant et un tranchoir garni pour leur invitée, lui évita d'avoir à répondre.Maladroitement, elletenditlesbraspourqueMairinpuisseydéposersafille.

Isabel émit une faible protestationmais se nicha bien vite contre sa poitrine quand elle la serracontreelle.Samèrelaregardafaireenriantetexpliqua:

—Cen'est pasune enfantdifficile.N'importequel sein fait son affaire.Vousdevriezvoir la têted'Ewanquandillaprendcontreluietqu'elleessayedeletéter!

Amusée,Rionnacaressaduboutdel'indexlapaumeouvertedubébé.Aussitôt, Isabel refermasesdoigtsminusculesautourdusienetlafixadesonregardencoreendormi.

—Elleesttoutsimplementmagnifique,Mairin...murmura-t-elle.

—Merci.C'estvraiqu'elleestpournousunvéritabletrésor.Nousneparvenonspasàcesserdelaregarder,delatoucher,delasentir,Ewanetmoi.

IlétaitdifficilepourRionnadetenirainsiIsabelcontreelleetdenepassongerqu'unjourelleauraitsonpropreenfant.Unfilsouunefille,avecdesyeuxvertssemblablesàceuxdeCaelen.Oui,ceseraitparfait.

D'ailleurs,peut-êtreétait-elledéjàenceinte.

Cetteperspectivefitcourirplusrapidementsonsangdanssesveines.

Portait-elledéjàl'enfantdeCaelendanssonventre?Celafaisaitplusieurssemainesqu'ilss'étaientinstallésdanslaforteressedesMcDonald.Cettepossibilitén'avaitriend'inconcevable.

Aprèsavoirreportélepoidsd'Isabelsurunseulbras,Rionnaposaunemain,doigtsécartés,sursonventre plat. Elle savait qu'une grossesse était inévitable si Dieu avait décidé de leur accorder Sabénédiction.Maisellen'avaitpasenvisagéquecelapuisseseproduiresitôt,mêmesisonmariavaitprislepariqu'elleseraitenceinteavantqu'unannesesoitécoulé.

Elle avait pris cela pour une fanfaronnade de jeunemarié,mais elle était bien forcée aujourd'huid'envisagercetteéventualité.

Ensemordillantlalèvreinférieure,Rionnas'abîmadanssesréflexions.Ellesavaitqu'ilétaitdesondevoirdedonnerunhéritieràCaelen.Cedevoir la liait égalementà sonclan,quiattendaitd'elle sonprochainlaird.

Mais,pourêtrehonnête,cen'étaitpasunetâchequ'ellesesentaitprêteàaccomplir.

20

RionnaétaitsurlepointdesombrerdanslesommeilquandCaelenregagnaleurchambre.Elleavaitpassél'heureprécédenteprèsdufeu,àbâillersanscesseenattendantqu'ilsedécideàallersecoucher.

Ouvrantlaporteetladécouvrantdebout,ilfronçalessourcils.

—Vousn'auriezpasdûm'attendre!protesta-t-il.Ilesttardetvousavezbesoindedormir.

Sans la mine sombre qui accompagnait ce constat, cela aurait pu être gentil de sa part de leremarquer.

Décidéeàignorersamauvaisehumeur,Rionnaselevapourl'aideràsedéshabiller.Caelensefigealorsquesesdoigtss'activèrentsurleslacetsencuirdesonpantalon.

Puis lamain deRionna effleura son ventre, le faisant tressaillir. Ellemourait d'envie d'aplatir sapaumesursesabdominauxetderemonter jusqu'àson torse,commeelleaimait le faire,maiselleétaitdécidéeàpatienter.

Sansluilaisserletempsdeprotester,elleleguidaverslachaisequ'ellevenaitdelibéreretl'incitaàs'yasseoir.Lespaupièresmi-closes,illaregardasouleversatuniqueetlafairepasserpar-dessussatête.

Découvrantsontorsepuissant,couvertd'unfinduvet,elleretintsonsouffle.Jamaisellen'avaitvuplus bel hommeque lui...Dubout des doigts, elle caressa une cicatrice irrégulière au sommet de sonépauledroite,puisleslaissadescendrejusqu'àuneautre,plusancienneetplusdiscrète,sousl'omoplategauche.Illuisuffitd'yjeteruncoupd'œilpourreconnaîtreuneblessuredueàunpoignard.

—Onvousapoignardédansledos?s’étonna-t-elleens'agenouillantpourl'examinerdeplusprès.

Àcesmots,Caelenseraidit.Soussapeau,sesmusclesjouèrentetsedurcirent.Lesyeuxfixéssurlesflammes,levisagedemarbre,ilneluioffraitquesonprofil.

—Oui,répondit-ilsimplement.

Rionnaattenditqu'ilendisedavantage.Envain.

—Quiafaitcela?insista-t-elle.

—Peuimporte.Quelqu'unquinecomptepas.

Rionna se pencha en avant et embrassa la cicatrice. Caelen trahit sa surprise en se retournantvivement,mais il prit la précaution de lever le bras pour ne pas la heurter. Ilmêla ses doigts à sescheveux, puis caressa samâchoire et lui saisit lementon entre le pouce et l'index pour l'inciter à leregarder.Unelueurmalicieusebrillaitdanssesyeuxverts.

—J'aipeineàreconnaîtrelafemmequiestdevantmoi,murmura-t-il.Qu'estdevenuemafaroucheguerrière ? Jeme suis attablé devant une table biengarnie.Ladamedu château s'est révélée être une

hôtesseparfaite pourmon frère et sa femme.Et comme si cela ne suffisait pas, ellem'attenddansmachambrepourmedorloterd'unemaindouce...etd'unebouchequil'estplusencore.

Rionnafitlagrimaceetmarmonna:

—C'estvrai,cequel'onditdeshommes...

—Oh?setonna-t-il,unsourcilarqué.Quoidonc?

—Qu'ilsnesaventjamaisquandilvaudraitmieuxqu'ilssetaisent.

Unpetit rire luiéchappa.Avec leboutdupouce, il luicaressa la lèvre inférieure,puissepenchalentementdemanièrequeleurslèvress'épousentdelaplustendredesfaçons.

—J'aiétéfierdevouscesoir,Rionna...reprit-ilquandlebaiserpritfin.Vousprétendezn'avoirriend'unelady,pourtantvousvousconduisezenparfaitefemmedelaird.

—Jamaisjenevousferaihonteauxyeuxdesvôtres,promit-elletoutbas.

Aprèsl'avoirdenouveauembrassée,Caelenseredressaetentrepritderetirersesbottes.Quandcefutfait,ilrestalà,leslacetsdénouésàsaceinture,torsenu,nimbéd'unelueurdoréeparlesflammesdelacheminée.Sonmariétaitunrégalpourlesyeux,etRionnaétaitbiendécidéeàcequecettenuit-là,ilsoittoutàelle.

Ellebaissalesyeuxjusqu'aurenflementàlajonctiondesescuisses.Ilsuffiraitdepasgrand-chose,songea-t-elle,pourledécideràsedébarrasserdesonpantalon.

—J'airéfléchiàquelquechose...commença-t-elled'untonrêveur.

Caelenluilançaunregardindolent.

—Ilestuniversellementconnuqu'unhommedoitseméfierquandunefemmeluiditça...s'amusa-t-il.

Toujours à genoux, Rionna vint se placer entre ses jambes écartées. D'unemain résolue, elle luicaressal'intérieurdelacuisse,avantdeprendreencoupedanssapaumesesparties intimes.Lesyeuxplongésaufonddessiens,ellepoursuivit:

—Jemesuisditquepuisquej'aiattentéàcequevousavezdeplusprécieux,jepourraisenquelquesorte...vousdédommager.Maissicelavousennuie...

Lesoufflecoupé,Caelenréponditd'unevoixblanche:

—N...Non...çanem'ennuiepas.Pasdutout,même...

Iltenditlamainpourluicaresserdenouveaulajoue.

—Vousêtesbiensûred'enavoirenvie?demanda-t-ilenscrutantattentivementsonvisage.

L'inquiétudequemanifestement il se faisait pour ellebouleversaRionna.Depuis sonagression, il

l'avait traitéeavec laplusgrandepatience, leplusgrandrespect. Ilseconduisaitavecellecommes'ilcraignaitdel'effrayeroudeluirappelersesagresseurs.

—Telestmondésir,assura-t-elled'unevoixferme.Quevousmepermettiezd'agiràmaguiseavecvouscesoir.

—Àvotreguise?répéta-t-il.Voilàunefaveurquejesuisprêtàvousaccorderchaquenuit,sicelavousdit!

Entouteimpudeur,Rionnaglissalamaindansl'ouverturedupantalonetcaressasurtoutesalongueursonmembre durci.Caelen fit entendre un petit hoquet étranglé. Puis, lui saisissant les épaules à deuxmains,ill'écartaetselevabrusquement.Enunriendetemps,ilsedébarrassadurestedesesvêtements,qu'iljetaàtraverslapièce.

Rionna laissa son regard courir sur son corps nu, illuminé par la lueur rougeoyante des flammes.C'étaitlecorpsd'unguerrier,puissammentmusclé,marquéparuneviedecombats.

Asonentrejambe,sonsexebandé,lourdetépais,sedressaitdansuntapisdepoilsnoirsetdrus.

— Une telle vision ne peut que séduire un homme, dit-il d'une voix rauque en la regardantagenouilléedevantlui.

Celalafitsourire.

—Vousaimezqu'unefemmesoitàvospieds?

—Jenesuispasstupide.Admettreunetellechoseéquivaudraitàmettremesboursessurlebillot!

Rionnaseredressaetlaissasesmainscourirsurl'intérieurdesescuisses.

—Maisvousaimezça,insista-t-elle.

Caelenpoussaungémissement sourd lorsque, d'unemain, elle soupesa ses testicules et lesmassadoucement.

—Oui,admit-ild'unevoix tendue.J'aimebeaucoupça. Iln'existepasdespectacleplusémouvantquedevousvoiragenouilléedevantmoi,entremesjambes,prêteàmedonnerduplaisir.

De samain libre,Rionna encercla timidement la base de son sexe entre le pouce et l'index et fitcoulisservers lehaut l'anneauainsi formé.Mêmesi elleétait à l'initiativedecepetit jeu, ellen'avaitaucuneidéedelamanièredes'yprendrepourlemeneràsonterme.Keeleys'étaitcontentéedevaguesindicationsetn'étaitpasentréedanslesdétails.

Caelenappréciaitd'êtreauxcommandes. Ilaimait lavoiràgenouxdevant lui.Manifestement,unefemmesoumisen'étaitpaspourluidéplaire.Parconséquent,lemeilleurmoyendeluifaireplaisirn'était-ilpasdeluilaisserlamaîtrisedujeu?

—Enseignez-moi,chermari...dit-elled'unedoucevoixinnocente.Montrez-moicequejedoisfairepourvoussatisfaire.

Lalueurqu'ellevitnaîtredanssesyeuxauraitdûl'alarmer.C'étaitunelueuranimale,carnassière,quifitcourirunfrissonlelongdesonéchine.Caelenmêlasesdoigtsàsescheveuxettirademanièrequ'elleseretrouvelevisagetenduverslui.

— Je vous veux nue, répondit-il. Afin de pouvoir vous dévorer des yeux en sachant que chaquepoucedecettebeautéestàmoi...

—Puis-jemeleverpouryparvenir,cherépoux?Envoyantsespupillessedilater,Rionnacompritquesonpetitjeudesoumissionluiplaisaitbeaucoup.

Sansattendre sa réponse, elle se leva lentement et reculad'unpaspour seplacerdans la lumièrevenuedel'âtre.

Rionnaréprimaunsourirepuisluitournaledos,avantdedénouerlaceintureàsataille.Par-dessussonépaule,elleluijetauncoupd'œiletvitqu'illacontemplaitavidement.

—J'aibesoindevotreaide,cherépoux.

Contresanuque,ellesentitsesdoigtstremblertandisqu'ildéboutonnaitsarobe.Dèsqu'ileutdéfaitassezdeboutons,ellelaissatomberlevêtementàsespieds.Vêtueuniquementdesachemise,ellepivotaversluietcroisalesbraspourfaireglisserlesbretelleslelongdesesépaules.Levêtementlégerrestaaccrochéuninstantàlapointedesesseins,maisellelefittomberàsontouretdemanda:

—Àprésent,puis-jem'occuperdevous,cherépoux?

—Naturellement,femme...

Unenouvellefois,Rionnase laissaglisseràgenouxdevant luiencaressant lafaceexternedesescuisses.Elles'efforçad'enmémoriserchaquecreuxetchaquevolume,sansoublieraupassagele tracédescicatrices,récentesouplusanciennes.

Latêterejetéeenarrière,elleledévisagea:

—Montrez-moicommentvousfaireplaisir.

—Dieu,quevousêtesbelle!murmura-t-il.Vosyeuxbrillentcommel'auroreetvoslèvres...ilmetardedesentiruntelpuitsdedouceurserefermerautourdemachair!

D'unemain,Caelen empoigna son sexe bandé. L'autre alla se poser derrière la nuque deRionna.Lentement,ill'attiraàlui,présentantl'extrémitédesonmembrecontreseslèvres.Legestelachoquaitunpeu, et pourtant qu'avait-il d'inconvenant, puisqu'il l'avait lui-même aimée de cettemanière, jusqu'à larendrefolledeplaisir?

L'idéequ'ellepouvait lui rendre lapareilleet lui faireperdre la raison l'émoustillait.Enungesteinconscient,ellepassalalanguesurseslèvres.

—Ouvrez-vousàmoi, femme! lança-t-ild'unevoixque ledésir faisait trembler.Laissez-moimeperdredansvotrechaleur...

Rionnasesentaitalternativementnerveuse,excitéeetimpatiente.Elleauraitvoulufrottersoncorpscontrelesienetronronnertelunchatcomblé.

ElleentrouvritleslèvresetengageaprudemmentsursalanguelesexedeCaelen.Sursanuque,ellesentitsesdoigtssecrisper.

Rendueplusconfiante,ellelaissaseslèvresserefermersurluietdescenditlentementlelongdelahampedechairdressée,l'acceptanttoujoursplusloindanssabouche.Lasensationquienrésultaitétaitànulleautrepareille.Jamaisellen'aurait imaginéenressentirunjourdesemblable.Elletremblaitdelatêteauxpieds.Toutsoncorpsvibraitdedésir.

Laissantsesinstinctslaguider,Rionnaamorçaunelégèresuccionetseservitdesalanguepourletourmenter.Legoûtquiluititillaitlepalais,nullementdésagréable,luiparutéminemmentmasculin.Unelégèreodeurdemuscflottaitjusqu'àsesnarines.

Lebruitquimontaitde lagorgedeCaelen ressemblait àun râled'agonie.Dans sescheveux, ellesentitsamainsecrisperdavantage.Lâchantsonsexe,ilposasonautremaincontrelajouedeRionna,quilelaissas'aventurerencoreplusavantdanssabouche.

—Tantdedouceur,ettantdepassion...gémit-ilentresesdents.Tuesunetentatrice,Rionna.Tueslà,agenouilléedevantmoi,maispourcequiimportevraiment,c'estmoiquisuisàtespieds.

CesquelquesparolesélectrisèrentRionna.Elleavait toujoursconsidéréqu'embrassersaconditiondefemmelarendraitplusfaible,maisCaelenavaitraison:jamaisellenes'étaitsentieaussipuissanteetinvulnérablequ'encetinstant.

Son mari, guerrier redoutable, homme intraitable et fier, était là devant elle, pantelant etcomplètementàsamerci.Leplaisiroulasouffrancequ'ilressentirait,c'étaitàellequ'illedevrait.

Rionna entoura de nouveau son sexe de ses doigts et commença à le caresser en un va-et-vientidentiqueàceluidesabouche.Caelenempoignasescheveuxàdeuxmains,serraetdesserralesdoigtscommes'ilsubissaitunintolérablesupplice.Latêterejetéeenarrière,ilavaitlesyeuxclosetlevisagetendutandisqueroulantdeshanchesilallaitetvenaitdanssabouche.

Elle le surprit lorsque, saisie par une brusque inspiration, elle sortit son sexe de sa bouche etcommença, la tête penchée sur le côté, à suivre du bout de la langue la veine gonflée située dessous.Aprèsavoirgémideplusbelle,Caelenprotesta,lesoufflecourt:

—Tuveuxdoncmamort?Cessecettetorture,jenepeuxensupporterdavantage!

—J'ignorecomplètementdequoivousvoulezparler,cherépoux...prétendit-elled'unairangélique.C'estàvousdememontrercommentilconvientdeprocéder...

Caelenlaissafuserunchapeletdejuronsétouffés.D'autorité, il lafitsereleveretlasoulevadanssesbras.Aussitôt,ilécrasaseslèvressouslessiennespourunbaiserpassionné,violent,sauvage.Jetantlesbrasautourdesoncou,Rionnaleluirenditavecuneégaleferveur.

Sanscesserdel'embrasser,ilpivotasursestalonsetl'emmenajusqu'aulit.Quandleursbouchesseséparèrent,illuiditenlaregardantaufonddesyeux:

—C'estcelaquej'aimeentoi.Uneépéeàlamainouenamour,tuneterendsjamais.

Surce,illadéposasurlelitetl'ysuivitaussitôt,soncorpssepressantavecurgenceau-dessusdusien.

—Etmoiquiétaispersuadéequec'étaitmoncôtésoumisquiteplaisait...letaquina-t-elle.

—C'estunensemble.Tupeuxêtreàlafoissiinnocenteettotalementséductricequecelamerendfou.

Caelendéposaunbaiserdanssoncou,suçotadoucementl'endroitoùbattaitsonpouls,puisremontajusqu'àsonoreille.

—De plus, ajouta-t-il, tu es la générosité faite femme. Tu fais passermon plaisir avant le tien.Jamaisaucuneautren'afaitcelapourmoi.

Rionnaluidécochaunpetitcoupdepoingdansl'épauleetprotesta:

—Cen'estvraimentpaslemomentd'évoquerlesautresfemmesquetuasconnues...Mêmepourmecomparerfavorablementàelles.

Caelen se mit à rire. Lentement, il se porta à hauteur de ses seins. Et tandis que ses lèvresembrassaientlapointedresséed'unmamelon,àsontourelleselaissaalleràgémirdeplaisir.Intraitable,illatourmentaencoreetencore,passantd'unseinàl'autre,jusqu'àcequ'ellecriegrâce.

—J'airéfléchiàcequetupourraisfairepourmerendreencoreplusheureux,annonça-t-il.

Rionnaledévisageaavecsuspicion.Iljouaitavecsapoitrine,qu'ilsoupesaitàpleinesmains,avantdetracerdescerclesconcentriquesduboutdel'indexautourdesaréoles.

—Tesseinssontmagnifiques,commenta-t-ild'unairrêveur.Jen'enaijamaisvudeplusbeaux.

—Denouvellescomparaisons?Ilsembleraitquetunetiennespastantqueçaàcettepartiedetonanatomiedonttudisêtresifier...

Caelensouritet,laprenantparsurprise,ilroulasurledosenl'entraînantdanssesbras,demanièrequ'elleseretrouveau-dessusdelui.Lepremiereffetdesurprisepassé,Rionnaseblottitengrondantdeplaisircontrelui.

—J'essayesimplementderendrehommageàtabeauté,répliqua-t-il.

—Tu pourrais peut-être dire simplement que je suis belle, quemes seins sont incomparables, etqu'aucunbardenesauraitchanterlabeautédemonvisage...

—Tuesbelle.Tesseinssontincomparables.Vraimentincomparables...

Rionnaluidonnaunnouveaucoupdepoingetéclataderire.

—Dis-moi plutôt quel est ce nouveaumoyen que tu as trouvé pour que je te rende plus heureuxencore.

—C'estsimple...murmura-t-ilenposantlesmainssurseshanches.

Caelen bascula son bassin, amenant l'extrémité de son sexe bandé au contact du sien. Rionnaécarquillalesyeuxencomprenantoùilvoulaitenvenir.

—Tun'asqu'àtelaisser...descendre,expliqua-t-ilenseglissantenelle.Etensuitemechevaucher.

Déstabilisée par cette position inhabituelle, Rionna prit appui des deuxmains sur ses épaules etcherchaleregarddesonmari,voiléparleplaisir.

— Sûrement... une telle chose ne doit pas se faire... dit-elle tout bas, comme si on avait pu lesentendre.

—Jemefichedecequisefaitoupas,assura-t-ild'unevoixferme.

—Certainspourraientmeconsidérercommeune...dévergondée,protesta-t-elled'unairguindé.

Caelenémitungrondementrauquelorsqu'ellefitunetentativepoursuivresesinstructionsàlalettre.Latêterejetéeenarrière,ilfermalesyeux.

—Peum'importecequepensentlesautres,lança-t-ilavecdétermination.Cequejepense,moi,c'estquejen'aijamaisrienvud'aussibouleversantquetoiinstalléeàcalifourchonsurmoi.

—Oh!Tantmieux...Maislesautres,cellesquim'ontprécédée?Ellesnetechevauchaientdoncpasaussibienquemoi?

UngrandriresecouaCaelen,quirefermalesbrasautourd'elleafindel'attirercontrelui.

—Impossibleàdire,répondit-il.Tueslapremièrequejelaissefairececi...

—Ah...Faisonsalorsensortederendrel'expériencemémorable.

—Bonneidée...

—J'aibien l'intentionde te faireperdre la tête,dit-elleavantdes'emparerdeses lèvrespourunbaiserfougueux.

—Femme...protesta-t-il.Situmefaisperdrelatêtedavantage,tuvasmetransformerencrétinfini.

Rionna lui rendit sesattentionsprécédentesen luimordillant lecouetendéposantunchapeletdebaisers jusqu'à sonoreille.Enelle, ildurcitunpeuplus,accentuant ladélicieuse frictionpar laquelles'unissaientleurscorps.Lepluspetitroulementdehanchesleursoutiraitàtousdeuxdesgémissements.

Sentir autourd'elle sesbras forts accentuait encore sonplaisir.Elle était en sécurité, protégée, etmêmechérie.C'étaitunemerveilleusesensation,dontelleauraitaiméqu'elleneprennejamaisfin.

Àchevalsursonguerrierdemari,ellenesesentaitnipetiteniinsignifiante.Sesyeuxbrillantsposéssurelle,latensionperceptibledanstoutsoncorpsluiprouvaientqu'ilappréciaitsonmanquederetenue.Etencetinstant,Rionnanedésiraitriend'autrequelerendrefou,aupointqu'ilenoublietouteslesautresfemmes.

Sielleparvenaitàsesfins,ilneposeraitmêmejamaispluslesyeuxsuraucuneautre...Toutescellesquil'avaientprécédéedanssesbrasseraientoubliées.Ainsiquecellequil'avaittrahie.Rionnaallaitluiprouverqu'elleétaitaussiardentequeloyaleetqu'ilpouvaitcomptersurelle.

Sonmari finirait par l'aimer.De cela, elle s'était fait le serment, et elle ferait le nécessaire pourparveniràsesfins.Ellesebattraitàsescôtésafinderendreleurclanplusfort,maiselleseraitégalementpourluiuneépouseaussicompétentedanslaviequotidiennequedansl'intimitédeleurchambre.

—Femme?l'entendit-elledemander,lesdentsserrées.Oùenes-tudetonplaisir?

—Aucuneimportance,répondit-elletoutcontresabouche.Cettenuit,seulm'importeletien.

—Tonplaisirestlemien.

Oh!Cethommesavaits'yprendrepourallerdroitaucœurd'unefemme...

—Ce ne sera plus très long, je pense, dit-elle.À chaque instant... j'ai l'impression que... je vaisdévaleraubasd'uneénormemontagne...

—Alorsnerésistepas,carjecroisquej'aimoi-mêmedéjàunpiedsurl'autreversant...

Rionna fondit sur labouchedeCaelen.Elle sentit sesbras la serrerplus fortencore.Sanscesserd'alleretvenirau-dessusdelui,ellesemitàgémircontreseslèvres,tandisqu'unplaisircataclysmiqueébranlaittoutsonêtre.

Ils'agrippaàseshanches,serratrèsfortsesfessesentresesdoigts.Rionnaétaitcertainequ'elleengarderaitlatracedanssachairlelendemain,cequiaccentuaitsonexcitation.

Enlamaintenantfermementenplace,Caelenpritlerelaisetseruaenelle,s'arc-boutantsurlelit.Lebruitdelachairfrappantlachairfitéchoàtraverslapièce.S'ymêlaientleurssoupirsetleurscris,enuncrescendoérotiquequ'accompagnaientlesdernierscrépitementsdufeudansl'âtre.

Caelen l'attira contre lui plus étroitement encore, si étroitement qu'elle se sentit pénétrée plusprofondémentqu'ilnel'avaitfaitjusqu'alors.Incapabledeseretenir,ellel'accompagnadanscettedansefrénétique,roulantdeshanchesetondulantsurlui.

Quelquesminutesplus tard,ellerepritconsciencedecequi l'entourait,étaléede toutsonlongsursonmari,lajoueposéecontresontorsehumidedesueur,sescheveuxenbatailleluimasquantlesyeux.Àpartsamainquiluicaressaitdoucementlebasdudos,Caelenrestaitparfaitementimmobileluiaussi.

Ilsétaienttoujoursunisl'unàl'autre.Sonsexeenelledemeuraitaussidur,mêmesilamoiteurquil'avaitenvahieprouvaitqu'ilavaittrouvél'apaisementluiaussi.

Aprèsavoirdéposéunbaisersursoncrâne,Caelenrepoussagentimentsescheveux.

—J'aime ce côté femme soumise en toi... susurra-t-il.C'est agréable de te voir obéir à tousmescommandements.

Rionnatrouvalaforcederiredelaplaisanterie.

—Ettoi,tufaisunparfaitoreiller...marmonna-t-elledansundemi-sommeil.J'aibienl'intention...dedormirlàcettenuit.

Illaserrafortentresesbras,etenelleRionnasentitunefoisencoresonsexetressaillir.

—Tantmieux!seréjouit-ilenluicaressantlescheveux.C'estexactementlàquejeteveux.

21Rionnafuttiréedusommeilparunesensationétrange,dontelleeuttôtfaitdecomprendrel'origine.

Deuxmains solides s'agrippaient à ses hanches, tandis qu'un sexe d'homme pénétrait profondément enelle.Unhoquetdesurpriseluiéchappa,maisenseréveillanttoutàfait,ellesentitleplaisirlasubmergeretsedétendit.

Àplatventresurlelit,levisagetournésurlecôté,elleavaitlesjambesdanslevideetlesfessesmaintenuesenl'airparCaelen.

Deboutdanssondos, ilallaitetvenaitenellesansproférer lemoindreson,avecuneapplicationrageusequifitgrimperl'excitationdeRionna.

Ilsemontraitdéterminé,inflexible.Rien,semblait-il,n'auraitpul'arrêter.L'amantprécautionneuxetattentionnédelaveilles'étaitmuéenfaroucheguerrierdécidéàimposersonpropredésir.

LajouissancedeRionna,quandellesurvint, lapritparsurprise.Ellearrivasivite,avecunetelleintensité,qu'ellelalaissasansvoix,lesoufflecoupé,vaincueetalanguiecontrelelit.

Caelennecessapaspourautantsesefforts.Ilsoulevaseshanchesplushautencore,seruantenelletoujoursplusfort,toujoursplusprofond.Rionnasentitunenouvellevaguedeplaisirnaîtreenelleetlasubmergerenuntempsrecord.

Caelens'agenouillaentresesjambesets'allongeasurelle.Contresondos,ellesentitchacundesesmusclesjouer,etsursanuquedéferlersonsoufflechaud.

Latensionquil'habitaitsecommuniquaitàelle.Bientôt,plongéenellejusqu'àlagarde,ilsefigea,lâchaseshanchespourluisaisirlesépaules,etjouitenrâlantetenreprenantfrénétiquementsesassauts.

Collés l'un à l'autre, ils demeurèrent ainsi un longmoment. PuisCaelen se redressa suffisammentpourl'embrasserdanslecreuxdudos.

—Rendors-toi,maintenant...murmura-t-il.Ilesttroptôtpourtelever.

Caelen se désengagea en douceur et se redressa. Il revint unmoment plus tard porteur d'un lingehumideaveclequelilessuyasoigneusementl'entrejambedeRionna.Quandileutterminé,illarallongeaaumilieudulitettiralesfourruressurelle.

Sansbouger,ellel'écoutas'habillerdanslenoir.Ilajoutaduboisdanslefeuetletisonnajusqu'àcequelesflammesrepartent.Puisilquittalachambre,lalaissantserendormir.

Rionna se blottit en chien de fusil sous les fourrures, le corps rompu par ces fougueux ébatsmatinaux.Cefutavecunsourireradieuxaccrochéauxlèvresqu'elleglissadenouveaudanslesommeil.

—Tu te lèves bien tard cematin,Caelen ! lançaEwan en voyant son cadet le rejoindre dans la

grandesalle.

Caelendévisageasonfrèrequiprenaitsonpetitdéjeunerprèsdelacheminée.

—J'aiétéretenu,marmonna-t-il.

Ewanréprimaunsourireetacquiesçad'unsignedetête.

—Oui,dit-ild'unairentendu.Tuasremarquéquecelaarriveplussouventauxhommesmariés?

—Ferme-ladoncunpeu...grognaCaelen.Ewanrepritsonsérieuxlorsquesonfrèrevints'asseoiràcôtédelui.

— Je ne vais pas m'attarder, Caelen. Je veux atteindre Neamh Alainn aussi vite que possible.Cameronpourraitprofiterdel'opportunitédenousattaqueralorsquenoussommesenroute.C'estpourcelaquenous sommespartis aumilieude lanuit et sommesvenus ici d'une traite. Je compte fairedemêmelanuitprochaine.

—Ya-t-ilquelquechosequejepuissefaire?Ewansecouanégativementlatête.

—Non,tuasdéjàbeaucoupàfaireici.Commentçava,aufait?Parle-moidecetteagressionqueRionnaasubie.

Caelenserenfrogna.

—Lapauvreaétéméchammentbattue,expliqua-t-il.Uneattaquedelâche,conçuepourmerendrefurieuxetmepousseràquelquefolie.Cameronn'estpasassezbêtepourlanceruneattaqueenpleinhiver.Ilpréfèreresterbienauchaud,derrièrelesmuraillesdesonchâteau.Cesontdesmercenairesquiontfaitlasalebesogneàsaplace.

—Commentsepassel'entraînementdeteshommes?

Dansunsoupir,Caelenrépondit:

— Ils travaillent dur et se montrent constants dans leurs efforts. Ce n'est pas qu'ils n'ont aucunevaleursurleplanmilitaire.Ilsn'ontsimplementpasreçul'entraînementnécessairejusqu'àmaintenant.

Difficiledecorrigerdesannéesd'inefficacitéenquelquessemaines.

Ewanassenaunetapeamicalesurl'épauledesonfrère.

— Si quelqu'un est capable d'accomplir un telmiracle, c'est bien toi. J'ai toute confiance en tescapacitésàtransformercettebandedebrascassésenarméeredoutable.

—CommentsedébrouilleAlaric?

—Ilassumesonrôledelairdcommes'ilétaitnépourça.Leclanestendebonnesmains,etKeeleyestunatoutsupplémentairepourlui.

—C'est bien qu'il soit heureux...murmuraCaelen.Après avoir lancé à son jeune frère un regardscrutateur,Ewandemanda:

—Ettoi?Es-tusatisfaitdetonmariageetdetanouvellepositiondelaird?

Caelen réfléchit un instant à sa réponse. Jusqu'àprésent, sonbonheurn'était pas entré en lignedecompte.Ilfallaitsimplementquel'allianceentrelesdeuxclanssoitmaintenueetqu'ilpuisseapportersonsoutienàsonfrèredansleurcombatcommuncontreCameron.

Danscesconditions,pouvait-ilaffirmerêtreheureux?

—Cen'étaitpasunequestionpiège,ajoutaEwand'untonpince-sans-rire.

—Celan'apasd'importancequejesoisheureuxoupas,répondit-ilenfin.Cequiimporte,c'estquenous disposions de la puissance nécessaire pour combattre Cameron. Et à présent, j'ai davantage deraisonsencoredevouloirl'abattre.

—C'estvrai,reconnutEwan.Commenoustous.Ilafaitdumalànosfemmes,ànosclans.

—Ilatuénotrepère.

Ewanpoussaunprofondsoupir.

—Tunepeuxcontinueràteblâmerpourcela,Caelen.

—Maisjenepeuxfairecommesiriennes'étaitpassé.J'étaisjeuneetinconscient,etnousenavonstouspayéleprix.Nousavonsperdunotrepèreettuasperdutafemme.Crispenaperdusamère.

— Je ne t'en ai jamais blâmé, assura Ewan à voix basse. Pas une fois. Si Elsepeth n'avait pasaccomplilabesogne,Cameronauraittrouvéunautremoyen.

Caelenbalayal'argumentd'unreversdemain.Iln'aimaitpasserappeleràquelpointils'étaitmontréimmatureetstupide.Elsepethavaittrouvéenluilacibleidéale.Elles'étaitarrangéepourleséduire,etpourlegardersoussacoupe.Elleavaitparfaitementréussi.

Ill'avaitaimée.

Il lui encoûtaitde le reconnaître,maisc'étaitnécessairepournepasoublier seserreurspassées.Jamaisplusilnecommettraitlamêmeerreur.Ilfallaitgarderlatêtefroideaveclesfemmes,etnepasselaisserdominerparsesémotions.

—D'attaquepourunpeud'exercice?demandaCaelen.Àmoinsque lemariageet lapaterniténet'aientamolli...

Lesyeuxd'Ewanbrillèrent.

—Ettoi,tuesprêtàtefairehumilierdevantteshommes?riposta-t-il.

Dansungrandrirecaustique,Caelenseleva.

—Tupeuxtoujoursessayer,vieux...

Rionnas'étiralangoureusementetsouritavantmêmed'ouvrirlesyeux.C'étaitundélicieuxmatin.

Sespiedsétaientmerveilleusementauchaudetellen'avaitaucuneenviedeselever.

Quelquesinstantsplustard,elleseretournasurleflancetaperçutunepairedebottesencuirsurlesol,àcôtédulit.

Rionnabattitdespaupièresrapidementetseredressasursonséant,lesfourruresserréescontresapoitrine.

De nouvelles bottes avaient été déposées près d'elle pendant qu'elle dormait. Et aussi une capeflambantneuve,soigneusementpliée,doubléedefourrureetmunied'unecapuche.

Son envie de s'attarder au lit oubliée, Rionna se leva et alla examiner de plus près ces trésors.Saisissantunebottedanssesmains,ellel'examinasoustouslesangles,admirantlarégularitédespointsetletravailimpeccabledubottier.Pourfinir,elleplongeadélicatementlamainàl'intérieur...etsoupiradebonheuraucontactdelafourrurefinequilatapissait.

Avecunpetitcridejoie,ellepritlesbottesetlacapedanssesbrasetsemitàdanseràtraverslapièce.

Ellefithaltedevant le feuetenfouitsonvisagedans ladoubluredefourruredesanouvellecape.Commec'était,delapartdeCaelen,unemerveilleuseetdélicateattention!Commentavait-ilpuobtenirensipeudetempsdesarticlesdesigrandequalité?

Incapablederésisteràl'enviedelesessayer,Rionnaenfilaàlahâteunechemiseetunerobe,puiss'assitauborddulitpourchausserlesbottes.

Tandisquesonpiedsemettaitlentementenplaceàl'intérieur,ellefermalesyeuxetlaissaunsourirebéatjouersurseslèvres.Aprèsavoirpassélasecondebotte,ellemarchadelongenlargedanslapièce.Pourlataillecommepourleconfort,ellesluiallaientparfaitement.

Elle courut à la fenêtre, écarta la fourrure et passa la tête à l'extérieur. Des flocons de neigetombaient paresseusement dans l'air glacé, avant de s'accumuler sur le sol où ils formaient déjà unecoucheépaisse.Letempsidéal,décida-t-elle,pourétrennersesnouveauxtrésors.

Entoutehâte,elletournalestalons,attrapasacapeaupassageetseruahorsdesachambre.

Sansdouteétait-ilmalvenude sapartdenepasvérifier si seshôtes se trouvaientdans lagrandesalle,maisellen'enavaitcure.Caelendevaitêtredehors,entraindesurveillerl'entraînement,etc'étaitluiqu'ellevoulaitvoir.

Sesbottess'enfoncèrentdanslaneige,faisantcraquerl'épaismanteaublanc,maisaucunehumiditénesefitsentiretsespiedsdemeurèrentauchaud.

Caelenetsonfrèresetenaientfaceàfaceets'apprêtaientmanifestementàs'entraîner,maisRionnaétaittropexcitéepourhésiteràlesinterrompre.

—Caelen!s'écria-t-elleens'approchant.

Dèsqu'ilsefutretourné,ellesejetasurlui.Prisparsurprise,Caelentitubaenarrièreettousdeuxallèrentroulerdanslaneige.

—Bonsang,femme!protesta-t-il.Quesepasse-t-il?Quelqu'unestblessé?

Àcalifourchonsurlui,ellesouriaitsifortquesesjouesluifaisaientmal.Ellesepencha,encadralevisagedesonmarientresesmainsetcommençaàlecouvrirdebaisers,avantdefondresursabouchepourundernier,passionnéetbrûlant.

—Merci,dit-elleavecfougue.Jelesadore.C'estleplusbeaucadeauqu'onm'aitjamaisfait...

Des rires et des exclamations amusées s'élevaient,mais elle ignora les hommes qui s'attroupaientautourd'euxetseredressasansquitterCaelendesyeux.Celui-ciparaissait toujoursaussiébahiparcequivenaitdesepasser.

Aprèsavoirgratifiélesdeuxhommesd'uneparfaiterévérence,Rionnafitdemi-tourendirectionduchâteau.

—Jevouslaisseàvotreentraînement.

Caelenclignalesyeuxetregardasafemmetraverserlacour.S'avisantqueseshommeslefixaient,unairnarquoissurlevisage,illesfoudroyaduregard.

—OndiraitqueRionnaaappréciésescadeaux...Caelenacceptalamainquesonfrèreluitendaitet

serelevaaussidignementquepossible.

—Bonsangdebois!maugréa-t-iltoutbas.Ellen'aaucunedécence!

Ewansemitàriredoucementetvintposerunemainamicalesursonépaule.

—Estime-toiheureux.Tuviensdemarquerquelquespointsavectanouvelleépouse.Jepensequenouscomprendrionstousquetuveuillest'éclipser...

Desriress'élevèrentdansl'assemblée,queCaelenaccueillitenserenfrognantdavantageencore.Ildonna à son frère un coup de poing dans l'estomac, lui arrachant un gémissement de douleur qui leconsola.

—Qu'est-cequiteprend?protestaEwan.

—Jeterendslamonnaiedetapièce.Tum'asfaitlamêmechosequandjetetaquinaisàproposdetafemme.

Ewanritauxéclatsensemassantleventre.

—C'est toiquimesoupçonnaisdem'amollir? reprit-il.Étrange,alorsqu'unebeautéauxcheveuxblondsparvientàtemettrelesquatrefersenl'air...

Caelenluidécochaunnouveaucoupdepoing,maiscettefoisEwanparvintàesquiveretl'entraînaavecluiàterre.Uncercled'hommeshurlantdesencouragementsserefermaautourd'eux.Desparisfurentrapidementlancéstandisquelaneigecommençaitàvoler.

22Crispen entoura de ses bras la taille deRionna, surprise par son exubérance.C'était undélicieux

enfantmaisunpeuturbulent,commeilslesonttous.Elleluiembrassalescheveux,puisilbonditdanslesbrasdesononcleCaelen.

—Aurevoir,Rionna...ditMairinenlaprenantdanssesbras.Encoremercipourvotrehospitalité.

Rionnaluiembrassalajoue.Puis,tirantdoucementlapetitecouverturequiemmaillotaitIsabel,ellecaressaduboutdudoigtsajouesatinée.Penchéesurelle,elleinhalasadouceodeurdebébé.

—Bonvoyage,Mairin...répondit-elle.JeprieraipourvousetIsabel.

Mairin lui sourit, avant d'aller faire ses adieux àCaelen.Ewan l'attendait déjà près des chevaux.Rionnaregardaavecamusementsonmarifondredetendressedevantlapetitefilledesonfrère.

Ilyavaitquelquechosedesaisissantdanslespectacledeceguerrierintraitablemisàgenouxparlaseuleforcedel'innocenced'unbébé.Rionnafaillitpoufferderireenlevoyantadresserdesrisettesàsanièce.Ilconclutsesadieuxparunepromessesolennelledecouperlatêteàtousceuxquivoudraientluifairedumal.

RionnaetMairin échangèrentun regard entendu.Aumoinsn'avait-il pas suggéréde lespriverdequelqueautrepartiedeleuranatomie...

Ewanetseshommessemirentenselle.CaelensoulevaMairinetsafilleafindelesinstallersurlamonturedesonfrère.Celui-cilesentouradesesbrasprotecteurs,puisdonnal'ordredudépart.

Quittantlacour,lapetitetroupetraversalepont-levisetdisparutrapidementdanslanuitsanslune.

—Ilesttard,constataCaelenenrejoignantsafemme.Nousferionsmieuxd'allernouscoucher.

Rionna acquiesça d'un signe de tête et se laissa entraîner à l'intérieur. Il fit une pause au pieddel'escalierpourdiscuterduprogrammedulendemainavecGannon,pendantqu'elleleprécédaitàl'étage.

Elleavaituneidéeentêteconcernantsonmaricesoir-là.Uneidéetroublantequ'aucuneladyn'auraitdûconcevoir,cequilaravissaitd'autantplus.

Unefoisdanssachambre,ellegarnitrapidementlefeuetarrangealesfourruressurlelit.Bientôt,elleentenditlespasdeCaelengagnerenintensitédanslecorridor.

Unsourireauxlèvres,elleseretourna,demanièrequ'illadécouvrededosàsonentrée.

—Rionna...commença-t-ild'unevoixfermesitôtaprèsavoirrefermélaporte.Ilyaquelquechosedontnousdevonsdiscutertouslesdeux.

—Ahoui?Tupeuxd'abordm'aideravecmarobe?

D'unemain,elle soulevasescheveuxpour lui faciliter la tâche.Caelen la rejoignitetentrepritdedéboutonner le vêtement dans son dos. Dès que ce fut fait, elle se retourna et demanda avec la plusparfaiteinnocence:

—Dequoidevons-nousdiscuter,cherépoux?Caelens'éclaircitlavoix.

—Ilyacertaineschosesquetunepeuxtepermettreenprésencedetiers.

Rionnabaissalesmanchesdesarobesursesbrasetretintcelle-ciàlapointedesesseins.

—Certaineschoses?répéta-t-elle.

Commeà regret,Caelen laissa son regarddériververs lapoitrinedeRionna.Ellevit sesnarinespalpiter,etilluifallutdéglutiravantdepouvoirconclure:

—Lesdémonstrationsd'affectiondoiventêtrecantonnéesànotrechambre.

Rionna laissa filer sa robe le long de son corps et l'enjamba pour aller chercher sa chemise. Enchemin, elle secoua la tête en arrière, laissa ses cheveux libérés cascader jusqu'à ses reins et s'étiraquelquepeu,avantderenonceràenfilersonvêtementdenuit.

—De telles démonstrations sont inappropriées devantmeshommes, poursuivitCaelend'unevoixétranglée.

Rionnaluifitfaceetlerejoignit.Toutendénouantlesliensdesonpantalon,ellerépondit:

—Oui,chermari.Jesuiscertainequetuasraison.Aucunedémonstrationd'affectionenpublic.C'estparfaitementinconvenant.

Sur ce,Rionna introduisit samain dans le pantalon deCaelen et prit ses bourses au creux de sapaume,lespressantdoucement.

—Cen'estpasque...Bonsang,maisqu'as-tuentête,femme!s’étrangla-t-il.

Rionnacaressauninstantsonsexedéjàdressé.

—Jetedéshabille.Entantqu'épouse,c'estmondevoir,non?

— Eh bien... ça peut l'être, parfois. Mais pour l'instant, il est important que nous ayons cettediscussion.

—Oh!J'ensuisbienconvaincue.Jet'enprie,continue.Tudisais?

Lamain de Rionna s'introduisit sous la tunique de sonmari, qu'elle entreprit de lui ôter. Caelenfronçalessourcils.

— Ce n'est pas seulement inconvenant. Il y va du respect que ces hommes doivent me porter.

Commentpuis-jeprétendrelescommandersijemelaisseculbuterparmafemmesurlesol?

Sans se laisser impressionner par sa mine renfrognée, Rionna tira le pantalon sur ses chevilles,libérantsonsexedressé.

—Suis-jeautoriséeàculbutermonépouxsurlesoldanslesecretdenotrechambre?s'enquit-elleavecleplusgrandsérieux.

—Quoi?marmonna-t-il.

Pourtouteréponse,Rionnaluifituncroche-piedenlepoussantverslelit,surlequelilpartitàlarenverse.Triomphante,elles'installaàcalifourchonau-dessusdelui.

— Que disais-tu ? Je ne suis qu'une femme obéissante et soumise, toujours prête à suivre tesinstructions.

Caelencroisalesmainsderrièrelatête.

—Rien.Jenedisaisriendutout.Continue...

—C'estbiencequ'ilmesemblait,répliqua-t-elleavecunsouriresatisfait.

Rionnaporta ses lèvresà la rencontredes sienneset tendit lebraspourempoigner sonsexeet lepositionneroùellelevoulait.

Ens'enfouissantprofondémentenelle,sonmariretintsonsoufflepuismurmuracontresabouche:

—Tuasmapermissionpourmeculbuteroùtuvoudrasetaussisouventqu'ilt'enprendral'envie.

23Rionna observait avecmécontentement la cour où Caelen poursuivait l'instruction d'un groupe de

soldats. Les guerriers McDonald n'étaient manifestement pas satisfaits du sort qu'il leur réservait.Nombred'entreeuxprovoquaientduregard leurnouveaulaird, tandisqued'autresn'hésitaientpasà ledéfierouvertementenluitournantledos.

SimonetHughfaisaientdeleurmieuxpouraiderleurlaird,maisilsneparvenaientplusàjugulerlacolèredeshommes.Ilétaitdifficilepoureuxdes'entendrerépéterqu'ilsnefaisaientpaslepoids,etplusdurencoredesupporterl'accusationdesebattrecommedesfemmes.

CequinemanquaitpasdesusciterégalementlacolèredeRionna,quisebattaitmieuxquelaplupartdeceuxquiétaientlà.Ellenetrouvaitpasutiled'insulterlesfemmespoursoulignerlesinsuffisancesdeshommes.

Depuisunesemaine,après ledépartde son frère,Caelenavaitmultiplié lesentraînements,qui sedéroulaientdésormaisdel'aubejusquetarddanslanuit.Dejourenjour,leshommesduclanMcDonaldsemontraient plusmécontents et plus véhéments dans leurs critiques. Rionna craignait que si rien nechangeait,Caelenfinisseparseretrouverfaceàunerébellion.

Frissonnant,elleserralesbrascontreelleets'écartadelafenêtre.Ellenetenaitpasàcequesonmaris'aperçoivequ'ellel'observait.Ilavaitdesidéesarrêtéessurlafaçondeconduireseshommesetnesupportaitaucuneinterférence.Elledevaitseretenird'intervenirpourcalmerlejeuenrappelantàtouspourquoiilssebattaient.Caelenavaitsansdouteperçucettetentationenelle,carilluiavaitclairementsignifiéqu'ilnetoléreraitaucuneinterventiondesapart.

Rionnaseréfugiaprèsdelacheminéedelagrandesalleetréprimaunbâillement.Bienquen'ayantpasfaitgrand-chosedesajournée,ellesesentaitrompuedefatigue.

Un vaguemalaise s'était emparé d'elle depuis quelques jours. Elle avait d'abord redouté quelquemaladie mais, à part la fatigue, elle ne ressentait pas d'autres symptômes. Il était vrai que son maridérangeaitbeaucoupsonsommeilavecsesinsatiablesappétits...qu'ellepartageaitlaplupartdutemps.

Elleseréveillaitchaquematinbienavantl'aube,enlesentants'introduireenelleetlaposséderavecunebrutaledétermination.Chaquefois,illaquittaitsuruntendrebaiseretlalaissaitserendormir.Ainsilesnuitscommençaient-ellesetfinissaient-ellesdelamêmefaçon.

Rionnabâilladeplusbelleetsedemandas'ilneluifaudraitpasalleraulitunpeuplustôtcesoir-là,afin de compenser la fatigue de leurs inévitables ébats. Comment Caelen parvenait à assumer lesexigencesdel'entraînementavecaussipeudesommeil,ellel'ignoraittotalement.

Lesmainstenduesverslefeu,elles'abîmadanslacontemplationdesflammesetsentitsespaupièresdevenirdeplusenpluslourdes.Décidément,celaneluiressemblaitpasd'êtreaussifatiguée.

CefutGannon,enlarejoignantprèsdufeu,quilatiradesatorpeur.

—Milady,Caelenestprêtpourvotreleçon,annonça-t-il.Ilditquesivousvoulezvousentraîner,ilfautvoushâtercariln'aqu'uneheureàvousconsacrerpendantqueleshommessereposent.

—Etlui?s'étonna-t-elle.Çaneluiarrivejamaisdefaireunepause?

Gannonladévisageacommes'ilétaitridiculedeposerlaquestion,etsansdoutel'était-ce.Caelenpossédaituneénergieinépuisable.

—Justeletempsd'allercherchermonépée,répondit-elle.

—Jevaism'enoccuper,milady.Allezretrouvervotremari.

Rionnaleremerciaetsehâtadesortir.Ellegrimaçasouslamorsuredufroidquil'accueillitdehors.Caelenallaitluireprocherd'avoiroubliésacape,maisilétaitplusfaciledes'entraînersans.

Il l'attendait en bordure de l'aire d'entraînement où ils se retrouvaient chaque jour.Rionna n'avaitjamaisététentéed'ycouper,maislatentationétaitgrandecetaprès-midi-làd'allerseglisserdanssonlit.

Ellerefusapourtantdes'enouvriràCaelen.Elleavaitdûlutterd'arrache-piedpourleconvaincredelalaissers'entraîner.Ellen'allaitpasluidonnerunprétextedel'enpriver.

Gannonlesrejoignitàgrandspas.

—Nemedécevezpas,aujourd'hui...murmura-t-ilenluitendantsonépée.

—Jeferaidemonmieux,assura-t-elled'untoncaustique.

Dèsquesamainsefutreferméeautourdelapoignée,elle laissafuserungrandcrivers lecieletchargea.AlasurprisesuccédasurlevisagedeCaelenlasatisfaction.

Ilparavigoureusementsonattaque.Souslaviolenceduchoc,qu'ellesentitserépercuterdanstoutsoncorps,Rionnacraignitquesesdentsnesedéchaussent.

Pendantplusieursminutes,ilssebattirentfurieusement.Maisrapidement,sesforcesl'abandonnèrent.Chaquemouvementqu'elledevaitaccomplirluicoûtait.Elleavaitl'impressiondesemouvoirdansdelaboue.

ElledutbattreenretraitelorsqueCaelenavançasurelleeneffectuantdesmoulinetsavecsonépée.Elleparvintàbloquerl'attaquesuivante,maisdutreculerencore,prisedevertige,sonarmeenéquilibreprécaireauboutdesonbras.

Lapointes'abattitfinalementdanslaterreets'yficha.LavisiondeRionnasetroubla.Sesjambessedérobèrent.Elleduts'accrocheràdeuxmainsàlapoignéedel'armepournepastomber.SurlevisagedeCaelen,l'étonnementcédabientôtlaplaceàlapanique.

Toujoursaccrochéeàsonépée,elletombaàgenoux,puisglissasurlecôtédanslaneige,etperditconscience.

CaelenrejoignitRionnaenmêmetempsqueGannon.Ils'empressadelasouleverdanssesbraspour

éviterquelaneigenetranspercesesvêtements.

Soncœurbattaitàtoutrompre.L'avait-ilblessée,sansmêmes'enrendrecompte?

EnserrantRionnafortcontrelui,ilcourutdanslaneigeetlaramenaauchâteau.Ignorantlescrisquis'élevèrentàsonarrivée,ilgravitl'escalierquatreàquatre,Gannonsursestalons.

D'uncoupdepied,ilpoussalaportedeleurchambreetalladéposerprécautionneusementsafemmesurlelit.Enhâte,ilcommençaàl'examinerdelatêteauxpieds,àlarecherched'uneblessure.

Il n'y avait pas la moindre trace de sang, pas la plus petite égratignure, rien pour expliquerl'évanouissement.Était-ellemalade?

—VachercherSarah!ordonna-t-ilàGannon.Aprèsledépartdesonhommedeconfiance,CaelencaressalajouepâledeRionnaetjuratoutbas,songeantquejamaisiln'auraitdûl'autoriseràs'entraîner.

—Rionna!lança-t-ild'unevoixblanche.Rionna,réveille-toi!

Elleneréagitd'aucunemanièreàsoninjonction,cequidécuplasoninquiétude.Était-ellegravementmalade?Elleétaitplustêtuequeluiencore.Elleauraitétéparfaitementcapabledenerienluiendire.

Unbruitdepassefitentendredanslecouloir.Sarahfitsonentréedanslapièce,suiviedeNeda,quifaisaitofficedeguérisseuse.

—Ques'est-ilpassé,laird?s'enquitcelle-ci.Caelenreculaafinquelesdeuxfemmespuissentavoiraccèsaulit.

—Jen'ensaisrien.Nousétionsentraindenousentraîneràl'épée...etelles'estévanouie.

Sarahfitungestedelamainpourlechasser.

— Allez attendre dehors, laird. Laissez-nous entre femmes. Nous allons prendre soin d'elle. Jesoupçonnequecen'estpasgrand-chose.Elleétaittrèsfatiguée,cesdernierstemps.

Acettenouvelle, levisagedeCaelens'assombrit. Il laissaGannon l'entraînerhorsde lachambre.Commentavait-ilpunepasremarquerqueRionnaétaitfatiguée?Laculpabilitél'assaillit.

Chaquematin, il la tirait du sommeil alors que le soleil n'était pas levé, et tard dans la nuit, ilcherchaitencoresescaresses.Pasuninstantiln'avaitenvisagéquecelapourraitàlalonguel'épuiser.

Ilseréveillaitàcôtédesafemme,tenailléparuneenvieimpérieusedelaposséderqueleseuldésirnesuffisaitpasàexpliquer.C'étaittoutsonêtrequil'ypoussait,commepourimprimersamarquesurelle.

Caelen se savait d'un naturel possessif,maisRionna ne l'était pasmoins.Ce qui était loin de luidéplaire...

—Qu'est-cequipeutleurprendretantdetemps?s'impatienta-t-ilenfaisantlescentpas.

—Iln'yaquequelquesinstantsqu'ellesontfermélaporte,tempéraGannon.Netemetspasmartel

entête.Jesuissûrqu'ellevabien.Elleestindisposée,c'esttout.Peut-êtrequelquechosequ'elleamangécemidi?

—Sarahditqu'elleétaitfatiguéedernièrement.Commentai-jepunepasleremarquer?

—Tuasététrèsoccupéavecl'entraînement.Celanetelaissepasbeaucoupdetempspourtesoucierd'autrechose.Rionnaestunefemmesolide.Jenedoutepasqu'elleserasurpiedpourrecommenceràtebotterlesfessesdanslesplusbrefsdélais.

Caelen fit la grimace et secoua la tête. Enfin, Sarah les rejoignit et ferma soigneusement la portederrièreelle.

—J'aideuxmotsàvousdire,laird.Ici,depréférence,puisquelapetiteareprissesesprits.

—Est-cequ'ellevabien?s'enquit-ilprécipitamment.Laisse-moivérifierparmoi-même...

Sarahleretintenposantlamainsursontorse.

—Nerecommencezpasàvousexciter! luiordonna-t-ellesèchement.Jevousdisqu'ellevabien.Ellen'arienqu'unpeudesommeilnepuisseréparer.Jesupposequevousignorezqu'elleestenceinte?

La foudre tombant sur sa tête ne lui aurait pas fait davantage d'effet. Caelen demeura interdit,s'efforçant d'assimiler le sens de ces paroles.Quand ce fut fait, la fureur - une fureur incandescente -s'emparadelui.Sarahsongeaprobablementquec'étaitunebienétrangemanièred'accueilliruneheureusenouvelle,mais iln'enavait cure.Cette fois, sa femmeallait l'entendre,dèsqu'elleaurait suffisammentrécupérédesonaccèsdefaiblesse!

SetournantversGannon,Caelendésignalaporte:

—Ellenedoitpassortirdecettechambredelajournée.Débrouille-toiégalementpourqu'ellegardelelit.

Sur ce, il pivota sur ses talons et remonta à grands pas le corridor en direction de l'escalier.Unbesoinirrépressibledesebattreletenaillait.Celatombaitbien,carlesMcDonald,avecleurréticenceàselaisser transformerenunearméedécente,allaient luidonnerl'opportunitédelefaire.Etdirequelemembrelepluscourageuxdeleurclanétaitunefemme!

24—Normalement, je ne devrais pas t'encourager à agir contre la volonté de ton mari. Mais les

hommescroientquec'estluiquit'ablessée,etc'estpeudedirequeçanelesravitpas.Situnefaispasuneapparition,lelairdvaseretrouverfaceàunefouledéchaînée.

RionnaregardaSarah,puisd'undiscretcoupd'œildésignaGannonquiépiaitleurconversation,lesbrascroisés,dansuncoindelapièce.

Sarah,moinsdiscrète,letoisad'unairexaspéré.

—Tudisaisqu'iln'apastrèsbienprislanouvelle?repritRionnapourrevenirausujetinitial.

—Non,jen'airienditdetel!

—N'empêchequ'ill'amalprise,insista-t-elle.

—Jesuisincapabledediredequellemanièreilaréagi.Ilaordonnéàsoncerbèredeveilleràcequetunesortespasdetonlit,puisils'estprécipitédansl'escaliercommeunpossédé.

Rionnaéclatad'unriresarcastique.

—Ettunetrouvesriend'anormalàcequ'unhommequiapprendqu'ilvaêtrepèreréagisseainsi?

—Donne-luiunpeudetemps.Manifestement,ilnes'attendaitpasàça.

—Jen'yétaispasdavantagepréparée,maugréaRionna.

Sarahsecoualatêteetmarmonnaquelquechosepar-deverselle.Puis,sedressantd'unbondsursesjambes,ellelevalesbrasauplafond:

—Vousêtesformidables,touslesdeux!Moi,cequim'étonne,c'estquevousdécouvriezlanouvelleavecstupéfaction.Cen'estpascommesivousn'aviezpasfaittoutcequ'ilfautpourenarriverlà!

Surladéfensive,Rionnarépliqua:

—Jen'étaispasprête...

—Ettut'imaginesqu'unenfantdoitattendrequesesparentssoientprêtspourarriver?

Sarahsecoualatêteetenchaîna:

—Tuvasavoirdesmoisdevanttoipourt'yfaire.Etcrois-moi,tut'yferasvite.Soisdéjàsatisfaitedenepasavoirétémalade.Ilsembleraitqu'unpeudefatigueaitétéjusqu'àprésenttonsymptômeleplusinquiétant.

—Ilnefautjurerderien,rétorquaRionnaavecunemoueboudeuse.Àprésentquejesaisquejesuisenceinte,jeseraipeut-êtreatrocementmaladedèsdemain.

Sarahsemitàrire.

—Çasepourrait,eneffet.L'espritjoueparfoisdedrôlesdetours.

Rionnaposalamainsursonventreencoreplatetsentitunfrissond'appréhensionlasecouer.

—Sarah...dit-elle.Etsijen'étaispasfaitepourêtremère?

Leregarddelavieilleservantes'adoucit.S'asseyantauborddulit,ellefitcomprendred'unregardcomminatoireàGannonqu'ilvalaitmieuxdéguerpir.Bienquemanifestementpeuenthousiaste,l'intéressés'exécutaenleurfaisantcomprendrequ'ilrestaitdegardederrièrelaporte.

Lorsqu'ilfutsorti,SarahpritlamaindeRionnadanslasienne.

—Tuserasunemèrefantastique,mapetite.Tuesloyaleetfarouchementprotectriceenversceuxquitesontchers.Commentpourrais-tuteconduiredifféremmentavectonpropreenfant?Tut'inquiètestrop.Unefoisquetuteserasfaiteàcetteidée,tutrouverasquetoutesttrèsbienainsi.

Rionnasoupiralonguement.

—J'espèrequetuasraison.Maisjusqu'àprésent,monmarinesemblepasraviàl'idéededevenirpère.Dieusaitqu'ilnes'estpourtantpasprivédeplantersagraineenmoi!Ils'estmêmevantéànotremariagequejemeretrouveraisenceinteavantunan...

—Lelairdaénormémentderesponsabilités.Ilsereprendra.C'estpourlemomentunchocpourlui,maistuverras:ildéborderadejoieetserépandraenfanfaronnadessursavirilitéenunriendetemps.

—Maistum'asditqu'ilparaissait...encolère.Sarahhaussalesépaules.

—Çaluipassera.Enrevanche,leshommesduclan...

—Compris, l'interrompitRionna.Jevaisaller les rassureret leurprouverqueCaelennem'apasassassinée.Ilaeuassezdesoucisaveceuxdernièrement.

Elles'abîmadanssespenséesuninstantetpoursuivittristement:

—J'ignorecequisepasseavecceclan,Sarah...Seulsquelques-unsontoffertàCaelenleurloyautéetleursoutien.Jenecomprendspascequ'ilsattendentnicequilesretient.Ilsn'étaienttoutdemêmepasplussatisfaitsdeleursortsouslaféruledemonpère...

—Certainshommesn'aimenttoutsimplementpaslechangement,expliqualaservanteenprenantsesmains dans les siennes. Ils refusent de penser autre chose que ce qu'ils ont toujours pensé. Avoir unnouveau laird - et, qui plus est, venud'un autre clan - lesbousculedans leurshabitudes.Leurorgueiln'arrangerien,carlelairdneseprivepasdesoulignerleursfaiblesses,cequileshumilie.

—Aide-moiàmeleveretàenfilerunerobe,repritRionna.Celaapaiserapeut-êtremonmarideme

voirhabilléeenfemme.Avecunpeudechance,ilnehurlerapastropenconstatantquej'aienfreintsesordres.

—Àtaplace,jenecompteraispastroplà-dessus...commentaSarahd'unairdésabusé.Situarrivesàrassurerlesnôtresetàlesconvaincrequ'ilnes'estpasdébarrassédetoipourtefaireenterrerdansuncoin,ceseradéjàça.

Rionnalançasesjambessurlecôtédulit.Quelquesminutesplustard,elleseretrouvahabilléed'unerobecouleurd'ambrebrodéeaufild'or.C'étaitlapremièrefoisqu'ellelaportaitdepuisqueSarahl'avaitcousuepourelle.Elleavaitvoululapréserverpouruneoccasionspéciale.Éviteràsonmarid'avoiràfairefaceàunerébellionsemblaittoutindiqué.

—Tuesmagnifique!s'enthousiasmaSarahenladétaillantdelatêteauxpieds.Lamaternitétedonnedéjàunecertaineauradedouceur...

Ami-chemindelaporte,ellesefigeaetseretourna.

—Gannon...dit-elledansunsoupir.Sarahhaussalesépaules.

—Celam'étonneraitqu'ilporte lamainsur toi.Oh!Tupeuxêtresûrequ'ilva fairesonpossiblepourtebarrerlepassage,maisànousdeux,nousdevrionspouvoirenveniràbout.

Rionnan'enétaitpasaussisûre.

—Peut-êtrevaudrait-ilmieuxquetul'attiresici,suggéra-t-elle.Jemetiendraiàcôtédelaporteetquandilrentrera,jemeprécipiteraiàl'extérieur...

Sarahpouffaderire.

—Tuesunepetiterusée!s'amusa-t-elle.Vatemettreenplace,maisn'oubliepasdefairevite.Ilnevapasaimerça.

Rionnapritsesjupesdanssesmainsetsehâtad'allerseplaquercontrelemur,ducôtéoùserabattaitlaporte.Sarahsepositionnaàl'autreboutdelapièceetsemitàcrierpourappelerGannonàl'aide.

Aussitôtqu'il se fut ruécommeunfouà l'intérieur,Rionnamitsonplanàexécution.Alorsqu'elles'enfuyaitencourant,elleentenditderrièreellelerugissementd'indignationdeGannonquis'étaitlancéàsapoursuite.

Galvaniséeparlebruitdesespasderrièreelledansl'escalier,ellecourutsansseretournerjusqu'àlaporteetfonçadanslacourtêtebaissée.Sigrandeétaitsaprécipitationqu'ellefaillits'étalerdanslaneige.

Sonmariluitournaitledos.Ilnel'avaitpasvuearriver,maisleshommesqu'ilentraînaitbaissèrentleursépéesetlaregardèrentavecétonnementallerseréfugierenhâtederrièrelui.

Leurs regards couraient de Caelen à elle et témoignaient d'une certaine prudence, et lorsqu'il seretournaetqu'elleputvoirsonvisage,ellecompritpourquoi.

Unefureurglacialedéformaitsestraits.Elleneputs'empêcherdereculerd'unpas,lecœurbattant.Gannonl'avaitrejointe.

—Tuétaiscensél'empêcherdequittersachambre!hurlaCaelen.

Rionnapritaussitôtsadéfense.

—Iln'yestpourrien.Nousavonstriché,Sarahetmoi,pourtrompersavigilance.

—Etenmatièredetricherie,onpeutdirequetuasunecertaineexpérience!

Letonsurlequel ilavaitditcelalapritaudépourvu.Ellen'étaitpascertainedecequ'elledevaitcomprendre,maisquoiqu'ilaitpuvouloirdire,celas'annonçaitmal.

— Je voulais juste que chacun ici puisse constater que je vais bien ! répliqua-t-elle, le mentonfièrementpointé.

D'ungrandgeste,Caelenenglobal'assemblée.

—Ehbien,commetoutlemondepeutlevoir,reprit-il,lafemmedulairdestenpleinesanté,malgrésasottise!

—Masottise?répéta-t-elle,lecœurserré.Mais...dequoiveux-tuparler?

Ilfitunpaspourlarejoindreetluilançaunregardsinoirqu'ellefrissonna.

—Nous verrons cela plus tard, quand j'aurai surmontéma colère. Jusque-là, femme, tu retournesdanstachambreettun'enbougesplus!Est-cebiencompris?

Rionnaenrestabouchebée.Quediableavait-ellebienpufairepourmériterunteltraitement?

Latentationfutgrandepourelledeluidécocheruncoupdegenoudanslespartiesetdelelaissersetordrededouleursurlesol.Leslèvresserrées,elleluirenditsonregardimpitoyablesansciller.

EtlorsqueGannonessaya,uninstantplustard,deluiprendrelebrasenlavoyantseretourner,elleselibérad'ungestesecetlefoudroyaduregardàsontour.

De retour au château, elle se lança à la recherchedeSarah, sans cesser de remâcher sa rancœur.Caelenallaitêtrepère.Ilauraitdûêtrefoudejoie.

Àprésent,lesMcCabeetlesMcDonaldseraientunisparlesliensdusang.Etc'étaitprécisémentcemomentoùelleluioffraitleplusbeaudescadeauxqu'ilchoisissaitpourl'humilieretl'accuserdel'avoirtrahi?

—Tunevaspaspouvoiréviterlelairdéternellement,prévintSarah.

Rionnaluiadressaunregardmaussade.

—Ilnes'agitpastantpourmoidel'éviterquedenepasobéiràsesordresidiots.Ilpeutallerau

diable!Etdirequej'avaisfaitl'effortdem'habillerpourluifairehonneur...

Dépitée,ellebaissalesyeuxsurlabellerobecouleurambre,unpeufroisséedésormais.

Sarah la regarda faire en souriant, puis reporta son attention sur son tricot. Toutes deux s'étaientinstallées dans le petit cottage de celle-ci, bien au chaud devant la cheminée. L'heure du dîner étantpassée,Sarahavaitinsistépourluipréparerquelquechoseàmanger.

—Tunepeuxplustepermettredesauterdesrepas,l'avait-ellemiseengardeenréchauffantunpeude ragoût. Sans doute est-ce pour cela que tu t'es évanouie. Tu n'avais rienmangé lematin, et tu t'esépuiséeaveccetentraînement.

Rionnaavaitcédéets'étaitforcéeàavalersansappétitlecontenudubolqu'elleluiavaittendu.Uneseulechoseluioccupaitl'esprit:lafureurdesonmarietsonattitudeglaciale.Ellenecomprenaitpascequ'il luireprochait.Certes, laméfiancedeshommesduclanàsonégardl'avaitrendudetrèsmauvaisehumeur,maiscelanesuffisaitpasàexpliquersaréaction.Était-ilvraimenthorsdeluiparcequ'elleétaitenceinte?Celan'avaitaucunsens,alorsquesurlaconceptiond'unhéritierreposaitl'avenirdel'allianceentrelesMcDonaldetlesMcCabe.Lebébéquiallaitnaîtreferaitbienmieuxaccepterlenouveaulairdauseinduclanquetoutessesvitupérations.

—Jecroisquejenecomprendraijamaisleshommes...soupira-t-elle.

Sarahdodelinadelatête.

— C'est une bonne chose que tu apprennes cette leçon tout de suite. C'est folie que d'espérer yparvenir. Un homme change d'humeur au jour le jour, et une femme ne peut jamais être sûre de l'étatd'espritdanslequelellevaletrouver.Voilàpourquoiilvautmieuxleslaissers'imaginerqu'ilssontlesmaîtresencontinuantàn'enfairequ'àsatête.

Rionnasemitàrire.

—Tuesunefemmeavisée,Sarah!

— Pour avoir survécu à deuxmaris, j'en sais beaucoup sur les hommes, dit-elle en haussant lesépaules.Cen'estpasdifficilequandtuasfiniparcomprendrequ'ilsontlavanitédespaonsetl'amabilitédesours.Situpeuxsupporterçaetignorerleursincartades,ilsnesontpasdifficilesàvivre.Ilsuffitpourlessatisfairedelescajolerunpeuetdelesbrosserdanslesensdupoil.

—Oui,j'aimeraiscroirequec'estaussisimple,repritRionnaenfixantlesflammes.Maismonmarivafinirparmerendrefolle.Uninstant,ilestavecmoiaussitendreetprévenantqu'unhommepeutl'être;l'instantd'après,levoilàglacialetmordantcommeunventd'hiver...

—C'estparcequ'iln'apasencoredécidécequ'ildoitpenserdetoi,assuraSarahensouriant.Tuluifaisunteleffetqu'ilnesaitplusoùilenest,maisilfiniraparsedécider.

—Etbiensûr,s'insurgeaRionna,c'estmoiquidoisattendrequ'ilsedécidepourquenouspuissionsfairelapaix!

—Difficiledefairelapaixalorsquetuesicietluilà-bas.

—Ilfaittropfroid,maugréa-t-elle.Jenem'aventureraipasdehors.

—Levéritableproblème,c'estquevousêtestouslesdeuxaussitêtusquedevieillesmules!Nil'unni l'autreneveutbougerd'unpouce.Cen'estpascommeçaqu'on rendunmariageheureux,mapetite,crois-moi...

—Sijeprendsl'habitudedecéderdevantlui,objectaRionna,alorsilprendracelledenejamaislefaire...

—C'estvraiaussi.

—Alorsquesuis-jesupposéefaire?demanda-t-elle,àboutdepatience.

Sarahréponditenriant:

—Sijelesavais...Ilmesemblequec'estquelquechosequetudoisdécouvrirpartoi-même.

—Peut-être,admit-elledemauvaisegrâce.Maisceneserapaspourcesoir.Jesuisfatiguée.

—Etgrognonne.

—Àjustetitre!

— Je te conseille d'aller te coucher. Tonmari partira à ta recherche bien assez tôt... et alors, turisquesdeneplusbeaucoupdormir.

—Jenemecacheraipas,promitRionna,boudeuse.

—Ahbon?s'étonnaSarahenarquantunsourcil.Danscecas,qu'es-tuexactemententraindefaireici?

—Jedésobéisàunordrequ'ilm'adonné.

—Etcefaisant,tutecaches.

—Non!Jenemecachepas.Maisilestvraiqu'ilseraittempsquejedécouvrepourquoiilestencolère...

Rionnaseleva,lespoingsserrés.

—Soisprudente,dehors...conseillaSarahsansdétournerlesyeuxdesontricot.Çadoitglisser.Letempshésiteentreneigeetpluie.

— Je ferai attention, ne t'inquiète pas.Merci, Sarah. Pour tout.C'est bon d'avoir quelqu'un à quiparler.

Sarahluirenditsonsourire.

—Oui,mapetite...C'estvrai.Vafairelapaixavectonmari,maintenant.

Rionnatraversaenhâtelacourenneigéepourregagnerlechâteau.Quandelleyparvint,frissonnante,laneigefondueavaiteuletempsdes'infiltrerdanssoncou.

Avantderentrer,elledébarrassasesbottesdelaneigequis'yétaitaccumulée,puisellesedirigeaverslagrandesallepourseréchaufferunpeudevantlacheminéeavantdeselanceràlarecherchedesonmari.

Ellen'eutpasàallerbienloinpourletrouver.

CaelenoccupaitlatableprincipaleencompagniedeGannonetdequelquesautresguerriersduclan.Lorsqu'illavit,ilseleva.Lesyeuxetleslèvresplissés,ilcroisalesbrasetlatoisaaveccolère.Sansdoute, comprit-elle, ne s'était-il pas aperçu qu'elle avait désobéi à son ordre de se retirer dans sachambre.L'avait-ilcondamnéeaussiàpérirdefaim,pournepasluiavoirfaitporterderepas?

Ignorantsonaircourroucé,elleluitournaledosetallaprésentersesmainsauxflammes.

Pluselleyréfléchissait,plussafureuraugmentait.Ellen'avaitrienfaitpourméritersacolère.S'iln'étaitpascontentqu'ellesoittombéeenceinte,ilnepouvaits'enprendrequ'àlui-même.Iln'avaitentoutcasprisaucuneprécautionpourempêchercela...

Une fois suffisamment réchauffée, Rionna se dirigea tranquillement vers l'escalier sans mêmeadresserunregardàCaelen.

—Mapatienceserabientôtàbout,femme!lança-t-ilàl'autreboutdelapièce.

Rionnasefigeaetseretournalentement.Avantdeluirépondre,elleluijetaunregardnoirquin'avaitrienàenvierauxsiens.

Leshommesobservaientlascèneavecunecuriositémaldéguisée.CelaneplaisaitpasàRionnaderéglersescomptesenpublic,maiselleétaitsuffisammentencolèrepourpasseroutre.

—Lamienneestégalementmiseàrudeépreuve!répliqua-t-ellesèchement.Quandtuaurascomprisenquoijet'aidéplu,tupourraspeut-êtremelefairesavoir?Enattendant,jevaismecoucher.Lajournéeaété...agitée.

25Rionna tremblaitcommeunefeuillequandelleatteignitsachambre. Il luiavait fallu faireappelà

toutsoncouragepourquittercalmementlagrandesalleenlaissantCaelenfulminerderrièreelle.Iln'étaitpascorrectdesapartdeluimanquerainsiderespectdevantseshommes,maisiln'avaitpasluinonplusàl'humilierenpublic.

Ellen'avaitaucundésirderesterdanscettechambre,àattendresonbonplaisir,enserongeantlessangs tant qu'il ne se serait pas décidé à se montrer. Mais il était hors de question qu'elle donnel'impressiondesecacherenallantchercherrefugedanssachambredejeunefille.

Dieuluiétaittémoinqu'ellen'avaitpourtantqu'uneenvie:êtreseuleetpouvoirdormirenpaix.Ellesesentaitsifaiblequ'elleseseraitvolontierseffondréedanssonlitpourydemeurerunenuitetunjour.Pournerienarranger,ellesentaitlesprémicesd'unemigraineluivrillerlecrâne.

Rionnacommençaàfairelescentpasdevantlefeu,avantderéaliserqueCaelensemblaitdécidéàlafaireattendre.Avecunsoupirexaspéré,ellesedéshabillaetremisasoigneusementsarobepournepasla froisser davantage. Celle-ci méritait d'être portée à un autre moment, lorsqu'elle pourrait êtreappréciéeàsajustevaleur...

Parcequ'elleavaitunpeufroiddanssachemisedenuit,ellepassasacapesursesépaulesetallas'installerdansunfauteuildevantl'âtre.Unbainn'auraitpasétéderefus,maisilétaittardetellepréféraitnepasêtrenuedansl'eauquandsonmarisedécideraitàsemontrer.

Tandisquelachaleurdufeularéchauffaitpeuàpeu,ellesentitsespaupièress'alourdir.Sibienquelorsque lebruitdespasdeCaelen retentit enfindans lecorridor, àmoitiéendormie,ellen'eutplus laforcedes'offusquerdesonarrivéetardive.

Laportes'ouvritsansbruitetserefermademême.Rionna,tropfatiguéepourbouger,neseretournapas.

Un parfait silence se fit dans la pièce pendant de longuesminutes. Puis, finalement, elle entenditCaelens'approcheretfairehaltedanssondos.

—J'ai tentédemecalmer toute la journée, dit-il d'unevoixneutre.Pourtant, jeme sens aussi encolèrecesoirquejel'étaiscemidi.

Acela,Rionnanepouvait rester insensible.Vivement,ellese tournadans le fauteuilenserrantsacapecontreelle.

—Peux-tumedirequelhorriblecrimej'aicommis?Celatedéplaîtdoncàcepointdedevenirpère?Cen'estpastoiquitevantaisdepouvoirmemettreenceintedèslapremièreannéedenotremariage?

Caelenfronçalessourcilsetladévisageaavecconsternation.

—Tut'imaginesquejesuisencolèreparcequetuportesnotreenfant?s’étonna-t-il.

Rionnasedressad'unbondsursesjambes,faisanttourbillonnersacapeautourd'elle.

—Tun'asrienfaitpourmedétromper!s'insurgea-t-elle.Dèsl'instantoùtuasapprislanouvelle,tuespartidansuneragefroide!Etbienquejenelemériteenrien,tun'ascessédemetaillerdepuisenpièces,parleregardautantqueparlaparole!

—Enrien? répéta-t-il,abasourdi.Pour l'amourdeDieu, femme!Tunem'aspasditque tuétaisenceinte!Àquelmomentétais-tudécidéeàm'eninformer?Quandj'auraisposélapointedemonépéesurtonventre?Oupeut-êtresimplementaumomentd'accoucher?

Rionnamitquelquessecondesàcomprendredequoiilretournait.

—Tut'imaginesquejet'aisciemmentcachéquej'étaisenceinte?demanda-t-elleenfin.Tucroisquej'auraispumettrevolontairementnotrebébéendanger?

—Tuparticipais à des activités auxquelles nulle femme enceinte ne devrait se livrer, répondit-ilentresesdents.Tudevaistedouterquejen'auraisjamaispermisça...

—Tuasdoncunesibasseopiniondemoi,pourmecroirecapabled'userdetelssubterfugesafindecontinueràm'entraîner,auméprisdelavieduprochainlairddemonclan?

—Pourquoimel'aurais-tucaché,sinon?

DeslarmesdedéceptionbrûlaientlespaupièresdeRionna.

— Mais je n'en savais rien ! protesta-t-elle d'une voix tremblante. Jusqu'à ce que Sarah mel'apprenne, j'ignoraisque j'étais enceinte !Si je l'avais su, je te l'auraisdit.Avec laplusgrande joie,même!

Caelendemeurastatufiésurplaceunmoment,commes'iln'avaitjamaisaccordéàcettepossibilitélamoindrepensée.

—DouxJésus...murmura-t-ilenfin.

Passant unemain tremblante dans ses cheveux, il se détourna d'elle. Samain retomba lourdementcontresonflanc.Enserrantlepoing,ilajoutatoutbas:

—Quandjepenseàcequiauraitpuseproduire...Lorsquetuestombée,j'aiimaginéquejet'avaisblessée.Maisàn'importequelautremoment,j'auraispublessernotreenfant.J'auraisputeblesser,toi...

Rionnacompritenunéclairlefinmotdel'histoire.Sacolèreetsasouffrancesedissipèrentenunclind'œil,etsoncœurbattitunpeuplusfort.Rejoignantsonmari,elle luiposa lamainsur lebrasetcherchasonregard.

—Tuaseupeur...constata-t-elle.N'est-cepas?Sesyeuxlancèrentdeséclairs.

—Peur?Bonsang!J’étaisterrifié...Quandjet'aiportéeici,j'étaisconvaincudet'avoirgrièvement

blessée.J'aicherchédusang,unhématome,quelquechose...

RionnaentouradesesbraslatailledeCaelenetposalajouecontresapoitrine.Pendantcequiluiparut durer une éternité, il resta parfaitement rigide, tout contre elle. Finalement, il referma les brasautourd'elleetluirenditfarouchementsonétreinte.

Lajoueposéeausommetdesoncrâne,illaserrasifortcontreluiqu'elleeutdumalàrespirer.Ellelesentaittremblercommeunefeuille.Celaluiparaissaitinconcevablequ'unsifaroucheguerrieraitpuselaissergagnerpar lapeur.Lapeurde lesperdre, elle et leur enfant...Lahonte la submergeaitd'avoirimaginéqu'ilnevoulaitplusêtrepère.

Àprésent,elleavaitbesoindel'entendreluiconfirmerdevivevoixqu'ilétaitheureuxdelasavoirenceinte.

—Donc...commença-t-elled'unevoixhésitante.Tues...contentquecebébéarrive?

—Content?Lemotesttropfaible!«Émerveillé»conviendraitmieux.Jen'avaispasimaginécequecelavoulaitréellementdirededevenirpère.Jen'aipastoutdesuitecompriscequim'arrivaitquandSarahm'aapprislanouvelle.J'étaisdéboussolé.

Duboutdel'index,CaelencaressalajoueetlementondeRionnaavantdepoursuivre:

—Unepeurtellequejen'enavaisjamaisconnum'aenvahi.LapeurdenepouvoirprotégernotreenfantdeDuncanCameron.Lapeurquesinousavonsunefille,elleconnaisselemêmesortqueMairin,toujoursàsecacher,àcraindred'êtredécouverte.

Rionnatenditlamainetlaposatendrementsursajoue.Caelentournalatêteetplaquaunbaiserdanssapaume.

—Mais j'ai aussi ressenti beaucoup de joie ! précisa-t-il. Une explosion de joie impossible àdécrire.J'aiimaginéquenotrefilleauraittabeauté,etquesic'estungarçonilhériteraitdetavivacitéd'espritetdetonentêtement.

Rionnasemitàrire.

—Etdetoi,chermari?Qu'imagines-tuquenosenfantshériterontdetoi?

—Jem'enfiche,dumomentqu'ilssontenbonnesantéetquetulesmetsaumondesanscomplication.

Leserrantdeplusbelledanssesbras,elles'excusa.

— Je suis désolée de t'avoir donné de l'inquiétude. J'ignorais véritablement que j'étais enceinte.J'auraisprisdavantagedeprécautionslorsdenosentraînements.

Caelenposalesmainssursesépaulesetl'écartalégèrementafindepouvoirladévisager.

—Dorénavant, tune toucherasplus àuneépée ! lança-t-il, levisagegrave.C'enest finidecettedangereuselubie!

—Mais,Caelen... protesta-t-elle faiblement.Nous pouvons adapter nos entraînements afin que lebébénerisquerien.Jedoism'entraînerpourpouvoirmeprotégeretprotégernotreenfant.

—Jeprotègemoi-mêmecequiestmien!rétorqua-t-ild'unairfarouche.Jen'accepteraipasdefairecourirlemoindrerisqueàtoiouaubébé.

—Mais...

Unemaindresséedevantlui,Caelenl'interrompit.

—C'estmonderniermot.

Rionna soupira, mais renonça à argumenter. Elle ne pouvait être fâchée contre lui alors quel'inquiétudeselisaitencoredanssesyeux.

—Aprésent,vienscontremoi,femme...reprit-ilàmi-voix.J'aigrandbesoindetesentirdansmesbras.

EllesecoulacontreluietCaelenl'embrassaavecpassion,tenantsonvisageentresesmainstandisqueleurslèvress'épousaient.

Ellesentitunedesesmainss'aventurerlelongdesoncorpsets'arrêteràsataille.Soussapaume,ilcaressa sonventre encoreplat à travers les plis de sa cape.Soudain à cours depatience, il repoussacelle-cijusqu'àcequ'elletombesurlesol,laissantRionnanuedanssachemise.Samainrevintseposersursonventre.

—Monfilsoumafille...dit-ild'unevoixrauque.Jetedoisdesexcuses,Rionna.

D'unindexsurseslèvres,ellelefittaire.

—Cefutunejournéeaffreusepournousdeux.Sansdoutevaudrait-ilmieuxalleraulitetreprendredemaintoutàzéro.

—Tuestrèsgénéreuseavecmoi.

—Maisjeveuxquelquechoseenretour.

Et,pourbiensefairecomprendre,elleplaqualamainsursonentrejambe.UnelueurdedésirflambadanslesyeuxdeCaelen,maisilfitminedes'étonner:

—Ahoui?Quoidonc?

—Unbonmari doit prendre soinde sa femmequand elle est enceinte, dit-elle sans cesser de lecaresser.Elleabesoindebeaucoupd'attentions.

—Ahoui?

—Naturellement!Elleasurtoutbesoindebeaucoupdetendresse,etdesmainscaressantesdesonmari.

—Jepensepouvoirterendreceservice.

Surce,Caelensepenchaetlasoulevadanssesbras,avantd'allerladéposerendouceursurlelit.

—Enfait,ajouta-t-il,jepenseêtreenmesuredetedonnerbienplusquecela...

—Commej'aihâte!gémit-elle,lesoufflecourt.

Caelenseredressaetreculad'unpas.Ilsedéshabilla,puisfitglisserlachemisedenuitdeRionnapar-dessussatête.

Pendantunlongmoment,ildemeurasimplementau-dessusd'elle,àl'admirer.Puisilplaçalesdeuxmains sur son ventre et s'agenouilla sur le sol, devant elle.Retirant sesmains, il déposa un baiser sitendreetsidouxqu'elleeutl'impressionquesoncœurallaitexploserdejoie.

—C'estnotreavenirquetuabritesdanstonventre,murmura-t-ilcontresapeau.Lelienquiunifieranosdeuxclans.

—Voilàunelourderesponsabilitépournotreenfant.

Sans cesser de l'embrasser, Caelen descendit lentement jusqu'à son entrejambe. Rionna sentit sesdoigts habiles jouer dans les plis de son intimité, puis sa langue titiller le bourgeon de chair qui setrouvaitlà.Ilsemontrapatientàl'extrême,faisantnaîtreenellelesvaguesduplaisir.

Il ne la menait à l'extrême limite de la jouissance que pour laisser la pression retomber et toutrecommencer.Lesdoigtscrispésdanssescheveux,Rionnaperdaitlatête,luidemandantalternativementd'arrêterdelatorturerpuisdenesurtoutpascesser.

Enfin, sonsexevint sepositionnerà l'entréedusienet s'y frayaunpassageenunseuletpuissantcoup de reins. Son corps s'abattit sur elle, sa peau brûlante la réchauffant jusqu'au creux de son être.Jamaisellen'avaitéprouvéuntelsentimentdesécurité.Désormais,luisemblait-il,riennepouvaitplusluiarriver.

Caelenétaitenelle.Passeulementàcausedel'uniondeleurscorps,maisaussietsurtoutparcelledeleursâmes,deleurscœurs.Ildisaitqu'elleportaitleuravenirdanssonventre,maissonaveniràelle,c'étaitlui.Sonmariétaittoutcequ'elledésirait,toutcedontelleavaitbesoin.

Iln'yavaitplustraceenluidel'amantpossessifetrudequ'elleavaitconnu.L'hommequil'avaitpriseavec tantde fouguedurant toutes cesnuits avait cédé laplace àun tendreguerrierqui la traitait avecdélicatesse,commeunfragiletrésoràpréserveràtoutprix.

Il allait et venait entre ses cuisses avec aisance. Pas un instant il ne cessa de lui dispenser desbaisers:surlabouche,lesjoues,lespaupières,lesoreilles,etjusquedanslecou.

JamaisRionnanes'étaitsentieaiméeparluiavecautantdepassionetderespect.Jusqu'àprésent,ilsavaientcertesfaitl'amour,àdenombreusesreprises,etpourleurplusgrandesatisfaction,maiscesoir...ladifférenceétaitnotable.

Cesoir,elleavaitl'impressionqueCaelenl'aimaitavecsoncœurtoutautantqu'avecsoncorps.Et

quantàelle,ellesesentaitl'aimerjusqu'autréfondsdesonâme.

Lorsquefinalement,dansuncridedélivrance,elleconnutlajouissance,illatintserréecontreluidemanièrepresqueprotectrice.Alors,etalorsseulement,ils'autorisaàglisserdansl'extaseàsontour.

Quand ils eurent l'un et l'autre récupéré leurs esprits,Rionna se lova amoureusement contre lui etposalatêtesursonépauleenluicaressantlescheveux.Elleentenditsonsoufflesefaireplusprofond,plusrégulier.Lesachantendormi,elleserisquaàformuleràvoixhautecequeluidictaitsoncœur.

—Jet'aime,monchermari...Jenem'attendaispasàtedireçaunjour.J'ignoremêmesic'estcequetuattendsdemoi,maisc'estpourtantlavérité.Unjour...peut-êtrequ'unjour...j'auraitonamourenretour.

Rompueetapaisée,Rionnapoussaunsoupiretfermalesyeux.Lafatigueposaitsurellesachapedeplombet,enquelquesinstants,elles'endormit.

Caelen demeura dans le noir, les yeux ouverts, tenant Rionna endormie contre lui. Ses parolesrésonnaientencoredanssatête,s'yrépétaientenboucle,sibienqu'ilnepouvaitplusentretenirl'illusionqu'ilavaitmalentendu.

Safemmel'aimait,etilnesavaitquefairedecettenouvelle.Illuiétaitarrivédetomberamoureux,etmêmesicelaneluiavaitpasréussi,ilsavaitquel'amourexistait.Ilavaitpulevoirs'épanouirentresesfrèresetlesfemmesqu'ilsavaientépousées.EwanetAlaricaimaientleursépousesavecuneintensitéquin'étaitpaslefaitdelaplupartdesmariages.

L'amour requérait le sens du sacrifice. Il nécessitait également une grande confiance. En somme,l'êtrequis'yrisquaitseplaçaitàlamercideceluiqu'ilaimait...

Rienqued'ypenser,Caelensentitsonestomacsenouer.

Ladernièrefoisqu'ilavaitoffertàunefemmesaconfianceetsonamour,elleavaitfaillidétruiresonclan.

26LorsqueRionnaséveillalelendemainavantl'aube,lachambren'étaitéclairéequeparlesdernières

lueursdufeudansl'âtreetparunebougieposéesurlapetitetabledontCaelenavaitfaitsonbureau.Ilyétaitassis,silencieuxetconcentré,occupéàfairecouriruneplumed'oiesurunrouleaudeparchemin.

Sansbougerni fairedebruit, elle l'observa longuement, fascinéepar le spectaclequ'il offrait.Lefrontmarquédeplisdeconcentration, ilplongeaitde tempsàautre saplumedans l'encrieravantd'enrevenirbienviteàsesécritures.

C'étaitlapremièrefoisqu'ellelevoyaitécrire,maisellesedemandas'iln'yconsacraitpasunpeudeson temps chaque matin lorsqu'elle dormait encore. Elle s'était maintes fois réveillée sous ses virilsassauts,maisriennel'empêchaitdeseconsacrerauparavantàd'autresactivités.

C'était vraiment un bel homme. Il y avait en lui une rudesse qui séduisait tout ce qu'il y avait defémininenelle.Ilétaitgrand,fort,etcouturédecicatricesquialtéraientquelquepeulaperfectiondesabeauté.Certainesfemmesauraientpuenêtredéçues,maispaselle.Sontempéramentguerrierlapoussaitàvoirencesstigmates,davantagequedesimperfections,lessignesducourageetdel'honneur.

L'arête de son nez n'était pas droite, laissant à penser qu'il avait dû être brisé dans le passé.Autrement sonvisage,avecsespommettesmarquéeset samâchoirevolontaire,était sansdéfaut.Maisc'étaient ses yeux verts qui envoûtaient surtout Rionna. Ils possédaient une nuance de cette couleurparticulièrequ'ilpartageaitavecsesdeuxfrères.

Elleimaginaitsanspeinequesonbébéauraitlesmêmes.Etsic'étaitunefille,ellehériteraitdeluisescheveuxnoirsenplusdesesyeux.Rionnaauraitsansdoutebesoindetoussestalentspourtenirlessoupirantséloignésdelachambredesafille...

EnvoyantCaelenreposersaplumeetenrouler leparcheminaprèsl'avoirséché,Rionnaretintsonsouffle.Sonmariselevaetmarchatranquillementjusqu'aulit.Unfrémissementlaparcourut.C'estavecimpatiencequ'elleanticipaitcequiallaitsuivre.

Mais, au lieu de lui attraper les hanches et de la soulever jusqu'au bord du lit, il se penchasimplementetdéposaunbaisersursonfront,laissantseslèvress'attarderuninstantavantdeseredresseretdequitterlapièceensilence.

Rionnarouvritlesyeuxetleregardasortiravecstupeuretuncertaindésappointement.Ellereportason attention sur les flammes dans l'âtre et sur la petite table qu'elles éclairaient. Que diable Caelenpouvait-ilconfieràcesrouleaux,quandilétaitseulavecsespensées?

Deboutcôteàcôte sur lebalconsurplombant lacour,CaelenetRionnase tenaientdevant leclanrassembléencontrebas.Hommes,femmesetenfantsétaientvenusentendreleurlaird,etlorsquecelui-cileur annonça que sa femme était enceinte, il y eut quelques hourras pour saluer la nouvelle...mais lesilenceduplusgrandnombren'enfutquedavantageévident.

SimonetAriens'avancèrent,l'épéebrandie,s'efforçantdegalvaniserlafoule,maisleurseffortsnefurentpasrécompensés.

Hughlesrejoignitetconsidérauninstantlessiens,avantdeleverlatêtepourdemanderenforçantlavoix:

—L'enfantsera-t-ilunMcDonaldouunMcCabe?Caelenserembrunitetréponditsanshésiter:

—UnMcCabe,biensûr.

Sa réponse suscita des mouvements divers dans l'assemblée. Des murmures désapprobateurss'élevèrent.Lesplusmécontentstournèrentledosetcommencèrentàs'éloigner.

RionnapritlamaindeCaelen,etillasentittrembler.Pourlarassurer,ilserrafortsesdoigtsentrelessiens.

—Jenepermettraipasqu'onmanquederespectàmafemme!lança-t-ild'untonmenaçant.

—Cen'estpasàellequenousmanquonsderespect!rétorquaunhommeavantdes'éloigneràsontour.

EndécouvrantlevisageconsternédeRionna,lacolèredeCaelenredoubla.Ilenavaitplusqu'assezdel'animositédececlanquiétaitcenséêtrelesien!Onauraitditqu'ilsnecherchaientqu'àêtreconquisetdécimés...JamaislatentationderetournersurlesterresduclanMcCabeavecsafemme,enleslaissantpourrirdansleurmédiocrité,n'avaitétéaussigrande.

Letempsétaitvenudepasseràl'offensive,décida-t-il.Illesménageaitdepuistroplongtemps.Illeurfaudraits'adapteroupartir.

L'expressiondeRionnas'étaitassombrieetlatristesseavaitenvahisonregardlorsqu'elleavaitvulessiensluitournerledos.Maisquandill'eutreconduiteàl'intérieur,cefutlacolèrequipritlerelais.

—Commentpeuvent-ilsêtreaussibêtes!s'exclama-t-elleenlançant lesbrasenl'air.SiCameronmarchaitsurnousdemain,ilnousvaincraitsanspeine.Notreseulechanceconsisteànousfaireaiderparunclanpluspuissant.Jamaisjen'aieuhontedeporterlenomdesMcDonald,maisaujourd'hui...

Caelenposa lamain sur sonépaulepour la réconforter.Cen'était sûrementpasbonpour lebébéqu'elles'énerveainsi.

Maisilavaitdumalàluioffrirduréconfortalorsquelui-mêmebouillaitintérieurement.Lesmainscroiséesderrièreledos,Rionnacommençaàarpenterlepaliersurlequeldébouchaitl'escalier.

—Jedevraispeut-êtrem'adresseràeux, suggéra-t-elle. Je saisque tuescontre,mais jepourraisleurfaireentendreraison.

Caelenattenditqu'ellesecalmeunpeupourrépondre:

—Cen'estpastoiquicommandesceshommes,Rionna.Jesuisleurlaird,etnousn'auronsd'unclanquelenomtantqu'ilsnel'aurontpasaccepté.

—Jenepourraispast'envouloirsituquittaiscetendroitpourretournerchezlestiens,murmura-t-elled'untonabattu.LesMcCabetrouveraientprobablementmeilleurealliancequecellequileslieàmonclan.

Caelenl'attiradanssesbras,lementonposésursatête.

—Nousavonsencoreunpeudetempsdevantnous,dit-il.Ewannepartirapasenguerreauplusfortdel'hiver.Quantàmoi,jenerenonceraipasàmacharge.Ilyvadel'avenirdenotrefilsoudenotrefille.C'estundevoirsacrépourmoi.

—Quecomptes-tufaire?

Caelens'écartad'elleetlamaintintàboutdebras.

—Jeveuxqueturestesàl'intérieur.Ilfaitfroidaujourd'hui,etlatempêtequiarrivedunordnevarienarranger.

—Maistoi?insista-t-elle.

—J'aiuneaffaireurgenteàrégler.

Dans le regard de sa femme, Caelen vit passer une certaine frayeur, mais il ne se laisserait pasfléchir.IlétaitplusquetempsdemettreunpeudeplombsouslecrânedeshommesduclanMcDonald.Lapersuasionpar laparolen'ayantpasdonnéde résultat, ilne restaitque lapersuasionpar l'exemplepourlesconvaincre.

—Assembleleshommes!ordonnaCaelenàGannonenlerejoignantdanslacour.Jeveuxquetoutlemondesoitlà.Sicertainsrefusent,emploielesmoyensnécessaires.Ilesttempsdemettreuntermeauxparlottes.

UnrictusdejoiesauvagetorditlabouchedeGannon.

—Pastroptôt...marmonna-t-il.

Surce,ils'éloignaendonnantàgrandscrisl'ordred'unnouveaurassemblement.

Caelen alla se camper aumilieude la cour tandis que les hommes s'attroupaient autourde lui, laminecurieuseouhostile.Levisagefigé,leregarddur,illeurfitfaceenlesdévisageantl'unaprèsl'autre.

LorsqueGannonluieutindiquéd'unsignequetoutlemondeétaitlà,Caelendégainasonépéeetlabranditverslafoule,tournantsurlui-mêmepourl'englobertoutentièredanssongeste.

— Le temps est venu de choisir ! lança-t-il d'une voix forte. Si vous êtes avec moi et si vousm'acceptez comme votre laird, avancez-vous, faites votre serment et jurez-moi allégeance. Si vous nem'acceptezpascomme tel, alorsvenezmedéfier !Aucasoù l'undevousparviendrait àmebattreencombatsingulier,jequitteraileclanMcDonaldpourn'yjamaisrevenir.

Uneséried'éclatsderireetd'exclamationsincrédulessefitentendre.

—Tucroisvraimentpouvoirnousbattretous?raillal'undeshommes.

Unsourireféroceaucoindeslèvres,Caelenrépondit:

—Jevousdémontreraiqu'unseulguerrierMcCabevautmieuxqu'unecentained'entrevous!

—Jerelèveledéfi!s'écriaJamieMcDonaldenémergeantdelafoule,letorsebombé.

Jamienemanquaitpasdecourage,maisilsortaitàpeinedel'enfanceetn'avaitpasencorefaitsespreuvesentantqu'homme.Caelenneseprivapasdesemoquer.

—Oh,oh!Jeconstatequevoussorteztoutdesuitevotreatoutmajeur...

Levisagedu jeunehommeviraau rougepivoine.Sans laisser àCaelen le tempsdedégainer sonépée, il fonça sur lui en lâchant un grand cri. Caelen esquiva sans peine la charge grossière et, d'unsimplecoupdepoingassenésurlatempe,ilenvoyasonadversaireroulerausol,sonarmeallantvalserdansl'autredirection.

—Aucunemaîtrise...commentaCaelend'unairdégoûté.Mafemmemaniecentfoismieuxl'épéequetoi!

Jamie se redressa d'un bond, les poings serrés, prêt à en découdre. D'un coup de pied, Gannonenvoyasonarmeloindeluietlança:

—Difficiledesebattresansarme!Mets-toisurlecôté,garçon.Tuasdéjàétévaincu.

Aufuretàmesurequel'après-midiavançait,lesépéesdeshommesquipartagèrentensuitelesortdeJamies'amoncelèrentsurlesol,jalousementgardéesparGannon.Lesvaincusallaients'asseoiràl'écartetregardaientleurscamaradeslesrejoindrel'unaprèsl'autre.

Il était évidentque lesmeilleursguerriersavaientétépréservéspour la fin, afindeprofiterde lafatiguedeCaelen.Illuifallutplusdetempsqu'ilnel'auraitsouhaitépourveniràboutd'OrenMcDonald,quifaillitledéséquilibreravantqu'ilneparvienneàledésarmer.

En voyant s'avancer vers lui le candidat suivant, Caelen réprima un grognement. Il s'agissait deSeamusMcDonald,unemontagnedemusclesdotéedejambesetdebrassemblablesàdestroncsd'arbreetd'untorseaussiénormequ'unrocher.Quantàsoncou,cen'étaitmêmepaslapeinedelechercher...

Pastrèshabileàl'épée,Seamusétaitcapabledefracasserunadversaireàmainsnues.

LesMcDonald,quiavaientsentil'hésitationdeleurlaird,bondirentsurleurspieds,ragaillardis,afind'encouragerbruyammentleurchampion.

Lesdeuxhommescommencèrentàs'observerendécrivantuncercle.Seamusfutlepremieràpasseràl'attaque.Caelenparasoncoupd’épéedansunfracasmétalliquequiserépercutaàtraverslacour.

Autour d'eux, les femmes s'étaient jointes aux hommes déjà battus par le laird. Il y avait mêmequelquesenfants,etlenomdeSeamusétaitscandépartous.

Al'exceptiond'uneseulevoixdefemme,quiclamaittoutautrechose:

—Caelen!Caelen!Caelen!

Rionnas'étaitfrayéuncheminàtraverslafouleetsetenaitaupremierrang.AlasurprisedeCaelen,ellen'étaitpashabilléeenhommeetneportaitmêmepas sonépée.Vêtuede sa tenuedemariée, elleavaitrelevésescheveuxenunélégantchignondontquelquesmèchess'échappaientdechaquecôté.

Elleétaitsidiablementbellequ'ileneutlesoufflecoupé.Maisill'eutdavantageencore-etausenspropre-quandSeamusprofitadesadistractionpourluifoncerdessusetl'agripperàbras-le-corps.

Ilstombèrentàterre,etCaelenperditsonépée.OutrequeSeamusluiétaitlargementsupérieurparlastature,iln'avaitpaseu,commelui,àcombattretouslesautresguerriersduclan.

Seamusluidécochaunénormecoupdepoingenpleinvisagequi luifitvoir trente-sixchandelles.Caelensecoualatête,sansparvenirtotalementàs’éclaircirlesidées.

Bienqu'unpeuaujugé,ilparvintàriposteretfitmouchedeuxfois,dupoingdroit,puisdugauche.Maissonadversaireparutnepassentirsescoups.

Aprèsavoirétéjetéausoldeuxfoisdesuite,ildevintévidentpourCaelenquelaméthodedirectenelemèneraitàrien.Seamusn'étaitpasrapide,ilmanquaitdefinesse,maissaforceétaitherculéenneetilencaissait sansbroncher.Aveccinquanteguerriersde sa trempe, sansdouteauraient-ils euunechancecontreCameron.

Aprèss'êtrerelevé,Caelenessuyad'unreversdemainlesangquicoulaitdesaboucheetoptapourunemanœuvredecontournement.Lavitesse seraitpour luiunavantagedécisif, s'ilparvenaitànepass'effondrerdefatigue.LescombatsaveclesautresMcDonaldl'avaientaffaibli.

Plusdéterminéquejamais,ilinspiraàfondetsepréparaàlacontre-attaque.L'échecn'étaitpasuneoption.

Uncoupd'œilàRionnaluidonnalecouragequiluimanquait.Illutdanssesyeuxuneferveuretunesuppliquequisuffirentàrendreàsesmuscleslaforcequ'ilsn'avaientplus.

Puisantdansdesréservesqu'ilignoraitposséder,galvaniséparlafoiqueRionnaavaitenlui,ilsemitàdanserautourdesonadversaired'unpasléger,jusqu'àcequecelui-ci,tournantlatêtededroiteetdegauche,nesacheplusoùilsetrouvait.

Dèsquelegéantluiprésentasondos,Caelenbonditetverrouillasonbrasautourdesoncou,serrantdetoutessesforces.

Seamusémitun rugissementquin'avait rienàenvieràceluid'unebêtesauvageetcommençaàsesecouerdésespérémentpoursedébarrasserdelui.Puis,constatantqu'iln'arriveraitàrienainsi,ilcourutjusqu'àlamurailleduchâteau,entraînantCaelentoujoursaccrochéàsoncou.Arrivéàdestination,ilseretournabrusquement,l'envoyantvalserviolemmentcontrelemur.

Caelen poussa un cri de douleur mais ne relâcha pas sa prise. Il parvint même à la resserrerdavantage. Lamontagne de chair fut parcourue d'un tremblement. Seamus haletait pour reprendre son

souffle.

Endésespoirdecause,celui-citentaunenouvellefoisdel'écrasercontrelamuraille,maisCaelensentaitlavictoireàportéedemainetrienn'auraitpulefairecéder.

Les deuxmains accrochées à son bras, le géant essayait désespérément de se libérer. Il tituba endirectiondelafouleetnefitquequelquespasavantdemettreungenouenterre.

—Tuterends?lançaCaelen.

—Jamais!

Caelen serra plus fort encore et verrouilla sa prise avec son autre bras. Seamusmit le deuxièmegenouàterreetvacilla,avantdepencherirrésistiblementversl'avant.Uninstantplustard,ils'effondradansunbruitsourd.

Caelenretirasonbrasengourdiparl'effortetsedressaenépoussetantsatuniquemaculéedeneige.Ungrandsilences'étaitfaitdanslacourduchâteau.Lesmembresduclanregardaient,bouchebée,leurchampioninconscientquigisaitsousleursyeux.PuistouslesregardsconvergèrentversCaelenquilesobservaittranquillement,lesbrascroisés.

—Jereposemaquestion!lança-t-ilenfin.Quiestavecmoi?

Unlongsilencesuivit,avantqu'unhommesedécideàfaireunpasenavant.

—Jesuisderrièrevous,laird!s'exclama-t-il.Unautrel'imitaets'écria:

—Moiaussi!

Un troisième les rejoignit et bientôt, tout le groupe se mit en mouvement, dans un tonnerred'approbationsetdecrisassourdissants.

Avecun sourire radieux,Gannon rejoignitCaelen et lui donnaunegrande tape sur l'épaule.Maisc'étaitsafemmequ'ilcherchaitduregarddanslacohue.

Elle se tenait sur le côté, un peu en arrière.Un sourire aussi lumineux que le soleil éclairait sonvisage.

Ensignedevictoire, ellebranditvers lui sonpoing serré. Il fitunpasdans sadirection, soudainpressédelaretrouver.

Rionnaleprécédaenselançantdanslafoulepourlerejoindre,sesjupestourbillonnantautourdesesjambes.Toussepoussaientdevantellepourlalaisserpasser.Certainsluitendirentmêmelamainpourl'aideràtraverserquelquespassagesglissants.D'autresencoreluicriaientdefaireattentionetdenepasprendrederisque,àprésentqu'elleattendaitunenfant.

Ellefithaltedevantlui,plusmagnifiquequejamais.Puisellelevaunemainpouressuyerlesangquicoulaitaucoindesabouche.

—Tusaignes,chermari...dit-elle.

Caelen l'attiraà lui,glissaunemainderrièresanuqueet l'embrassa.Autourd'eux,un rugissementd'allégressemonta vers le ciel. Enfin, lesMcDonald avaient décidé qu'il y avait lieu pour eux de seréjouir...

27—Leshommesfontdesprogrès,constataSarah.EncompagniedeRionna,elleobservaitletravail

desguerriersdepuislebalconsurplombantlacour.

—Oui,c'estvrai,reconnutRionna.Ilss'appliquent,maintenant.C'estunebonnechose,carletempsserabientôtvenudecombattre.

Elle caressait la légère éminence de son ventre tout en parlant. La bataille qui se préparait étaitinévitable,maisellelatroublaitnéanmoinsbeaucoup.Elles'inquiétaitpourCaelen,poursonclan,pourlafamilledesonmari.Etpourl'avenirdesonbébé.

—Tufaisgrisemine,petite...constataSarahavecinquiétude.Tunetesenspasbien?Tudevraispeut-êtret'allongeretdormirunpeu.

Rionnasecouanégativementlatête.Sonmariétaitauxpetitssoinsavecelle.Ilsefaisaitundevoirde s'assurer qu'elle se reposait correctement et n'entreprenait rien qui aurait pu dépasser ses forces.Malheureusement,sonobsessionavaitdéteintsurSarah.

—Dis-moi,Sarah...est-cequetutereposaissanscessequandtuattendaistesenfants?

—Ilyavaitdelabesogneàaccomplir!répondit-elleenfronçantlessourcils.Personnenel'auraitfaiteàmaplace.

RéalisantoùRionnavoulaitenvenir,Sarahfronçalessourcilsetlatoisasansaménité.

—Jen'étaispasenceinteduprochainlaird!protesta-t-elle.Etjen'étaispasaussifluettequetoi.Tonmaris'inquiète.Tudevraislerassurerenconsentantàtereposer.

— C'est ridicule ! Je suis en bonne santé. Je n'ai même pas été malade depuis le début de magrossesse:pasuneseulefois!Etj'aicesséd'êtrefatiguéedèslafindutroisièmemois.

—Le lairdestunhommedéterminé.Cen'estpasmoiquimerisqueraisàallercontresesordres.Toutleclanestaucourantdecequ'ildésirepourtoi.Alorstupeuxêtresûrequejeneseraipaslaseuleàterappelertondevoir...

—Si jen'aipasquelquechoseàfaire, jevaisdevenir folle !Jenepeux toutdemêmepasresterenfermée dans le château jour après jour, passant d'un fauteuil à un autre... Je deviendrai grasse etparesseuse,etquesepassera-t-il?Caelenmedélaisserapouruneautre,plusjolie.

Sarahsemitàrire.

—Ducalme,petite...Tuneresteraspasenceintetoutetavie.

Caelenmarquaunepausedanssonentraînementetlevalesyeux,commes'ilavaitperçuleregardde

safemmesurlui.Avecunpetitsourire,ilhochalatêtepourlasaluer.Ellesesentaitridicule,chaquefoisqu'illaregardait,deressentirunpetitfrissondeplaisir.Mêmesisatendanceàtroplaprotégerlamettaitsurdescharbonsardents,qu'ilsepréoccupeautantdesonbien-êtreétaitaussipourelleunesourcedejoie.

Ilpouvaitrefuserd'admettrelessentimentsqu'illuiportait,ellen'étaitpasdupe.

—Bientôt,tum'offriraslesparolesquej'attends,chermari...murmura-t-ellepourelle-même.

—Tudisais,petite?demandaSarah.

—Rien.Jeparletouteseule.

— Viens, rentrons. Il commence à neiger. Toutes deux regagnèrent la grande salle, afin de s'yréchaufferprèsdufeu.

En dépit de ses résistances initiales, Rionna avait décidé de reprendre avec Sarah ses leçonsd'étiquette et d'économie domestique. Bien des journées avaient ainsi été passées près de l'âtre, àl'écouterfairelalistedesesdevoirsentantquemaîtressedemaison.

Mais,commesouventlorsqu'ellerestaitinactiveetseuleavecsespensées,Rionnalaissacejour-làson esprit dériver. En tant que femme de laird, l'un de ses principaux devoirs consistait à veiller auconfortdesonmarietderépondreàsesbesoins.

Or,dernièrement,c'étaitplutôtluiquin'avaitcesséderemplircettefonctionpourelle.Sic'étaitlemoyenqu'ilavaittrouvépourlaconvaincred'avoird'autresenfants,songea-t-elleensouriant,iln'auraitpasdûsedonnercettepeine...

Cen'étaitquejusticequ'elleluirendeunpeulapareille.

Décidéeàpasseràl'action,Rionnafitmonterdansleurchambrelaplusgrandecuvedisponibleetordonna aux femmesde cuisine de tenir prêts des seauxd'eau chaude pour la remplir quand sonmarirentrerait.

Cela fait, elle choisit un savon simple, nonparfumé, et s'assuraqu'elledisposait degrands lingespropres pour le sécher. Ensuite, elle demanda à Gannon de monter du bois. Il ne lui resta plus qu'àentretenirlefeudanslatre t̂àordonnerquelerepasdulairdetsabièresoientservisdansleurchambre.

Satisfaitedesesefforts,elledescenditattendreleretourdeCaelen.Unepetiteheureplustard,leshommesfirentleurentréepourlerepasdusoir.Aussitôtquelelairdapparut,elleseportaàsarencontre.

— J'ai demandé qu'on nous serve notre repas dans notre chambre, lui dit-elle d'un ton deconspiratrice.Suis-moilà-haut,quejepuissem'occuperdetoi.

Caelen luiadressaunregardétonnémais lasuivitdans l'escaliersansprotester. Ilscroisèrentdesservantesmuniesdeseaux.

—Qu'as-tudoncentête,femme?s'enquit-ilquandellelefitasseoirprèsdufeu.

D'unairamusé,illaregardaluiôterunebotteetdemanda:

—Onfêtequelquechose?Souriante,Rionnapassaàl'autrepied.

—Riendespécial.

Enentendantfrapperàlaporte,elleréponditd'entrer.Deuxservantesvinrentajouterlecontenudeleursseauxdanslacuvefumante.Tandisqu'elless'éclipsaient,Rionnavérifialatempératureenplongeantlesdoigtsdansl'eau.

—Jepensequec'estprêt,annonça-t-elle.

VoyantCaelencommenceràsedéshabillerlui-même,elleluiposalamainsurlebraspourl'arrêter.Puiselleluienlevasesvêtementsunàun,jusqu'àcequ'ilseretrouvenudevantelle.Elleluipritlamainetleguidajusqu'àlacuve.Ilenjambalerebordetpoussaunsoupird'aiseenselaissantglisserdansl'eauchaude.

Ellelelaissaprofiteruninstantdubain,lesyeuxclos,s'emparad'unboutdetoile,dupaindesavon,ets'agenouilladevantlacuve.Ilouvritlesyeuxetlaregardafairelorsqu'elleentrepritdeluinettoyerletorse.

—J'ignorecequej'aifaitpourmériterça,dit-il.Maistun'entendraspasuneplaintesortirdemeslèvres.

—Voilàdessemainesquetutravaillescommeundamnéenneprenantpassuffisammentderepos,répliqua-t-elledoucement.Tutepréoccupesdavantagedemonreposquedutien.Tuprendssoindemoietmedorlotes,maispersonnenefaitdemêmepourtoi.

Caelensemitàrire.

—Jesuisunguerrier,Rionna!Personnenesechargededorloterlesguerriers.

—Lafemmequetuvoisdevanttoiestdécidéeàs'encharger.Unesoiréeàtelaisserdorloterteferadubien.

Rionna se mit à lui laver le dos en longs effleurements sensuels. Sous sa peau, elle sentait sesmusclesjouer.Elleentenditsonsouffles'accélérer.

— Il me semble que tu pourrais bien avoir raison, murmura-t-il. J'aime beaucoup l'idée que mafemmeveilleàmesmoindresbesoinsdansl'intimitédenotrechambre.Celalaisselaporteouverteà...untasdepossibilitésréjouissantes.

Rionnasepenchaetlefittaired'unbaiser.Plongeantlamaindansl'eau,ellelaissasesdoigtscourirlelongdesonventre,jusqu'àsonsexebandé,qu'ellecaressadebasenhautenprécisant:

—Jedoism'assurerdebienlaverpartout.

—Jet'enprie,susurra-t-ilenluimordillantlalèvre.Surtout,n'oublierien...

Rionnasaisitunbrocd'eauchaudesurlesol.

—Penche-toienavant,ordonna-t-elle.Jevaistelaverlescheveux.

Elle adorait laisser courir ses doigts dans l'épaisse chevelure de sonmari. Elle savonna et rinçasoigneusementleslonguesmèchesnoires,sanssepriverdeluimasserlecuirchevelu.

—Tesmainssontmagiques,femme...approuva-t-il.

Rionnaseredressaetallachercherdequoilesécher.

—Situveuxbienallerteplacerprèsdufeu,suggéra-t-elle,jevaistesécher.

—Jenemanqueraispourrienaumondel'opportunitédesentirencoretesmainssurmoncorps.

Caelenselevaetl'eauruisselalelongdesondospuissant,desesfessesfermes,desesjambes.Ilsortitdelacuveetseretournapourluifaireface.Rionnanepouvaitdétacherlesyeuxdesoncorps.Illuisemblaitqu'elleneselasseraitjamaisd'admirercethomme,mêmelorsqu'ilsseraientvieuxtouslesdeux.Illafascinaitetséduisaittoutcequ'ilyavaitdefémininenelle.

—Situcontinuesàmeregardercommeça,prévint-ild'unevoixsourde,tuvasteretrouversurledosetmoientretesjambesenunriendetemps.

En lui souriant, elle le rejoignit et entreprit de le sécher. Debout sur la pointe des pieds, ellefrictionnasescheveuxdanslatoile,etlorsqu'ilsfurentsecs,ellepassaàlapoitrine.

Elleétaitsincèreenaffirmantquecesoirellevoulaitledorloter,maiselleenéprouvaitelle-mêmetantdeplaisirqu'ellesesentaitpresquecoupable.

Lehautducorpsétantsec,ellesemitàgenouxetcommençaàessuyerseshanches,sescuissesetlebasdeses jambes.Sciemment,elle laissadecôtésonentrejambe,préférant fairedurercette formedetortureparticulière.

Puis,cela fait,ellese redressa,de tellesortequeses lèvresn'étaientplusqu'àunsouffledusexedressédeCaelen.Ellecherchasonregard:

— Dis-moi... es-tu trop affamé pour attendre ton repas plus longtemps, ou préfères-tu que jem'occupedetoidèsmaintenant?

SapetiteprovocationfitbrillerleregarddeCaelen,quiglissalesdoigtsdanssescheveuxetl'attiravivementverslui,amenantlapointedesonsexeaucontactdeseslèvres.

— Je pourrai survivre à la faim, répondit-il. Rionna referma ses lèvres autour de lui et le pritprofondémentenelle.Caelenpoussaunrâle.

—Ah,femme...Taboucheestleplusdouxdesplaisirsqu'ilm'aitétédonnédeconnaître.

Sesdoigtssecrispèrentdanssescheveux,maisaussitôtillâchaprise,commes'ils'inquiétaitdelabrusquer.Rionna,cettefois,n'étaitpasdécidéeàprendresontemps.S'aidantdesesdoigts,elles'acharna

àlerendrefoudeplaisirjusqu'àceque,n'ytenantplus,sonmariexplosedanssabouchedansungrandcri.

Quandtoutfutterminé,ilsepenchaetl'aidaàserelever.Elleluitenditsonpantalon:

—Viensjusqu'aulit,jevaistebrosserlescheveux.Notrerepasnevapastarderàarriver.

Perchéeauborddulit,Rionnapositionnasonmari,assisparterre,entresesgenoux.Patiemmentetaveclaplusgrandedouceur,elleentrepritdeluidémêlerlescheveux.

—Qu'est-cequimevautcettedémonstrationd'affection,femme?demanda-t-il.

—Nem'as-tupasfaitcomprendrequedetellesdémonstrationsdevaientêtreréservéesàl'intimitédenotrechambre?répliqua-t-elled'unairpincé.

Caelenéclataderire.

—J'espèrebien ! s'amusa-t-il. J'adore tevoir,àgenouxdevantmoi,prendremonmembredans tabouche,maisuntelspectacleauraitdequoisouleveruneémeuteparmimeshommes.

QuelquescoupsfrappésàlaporteempêchèrentRionnadeluirépondre.

—CedoitêtreSarahavecnotrerepas,annonça-t-elleenselevantpourallerouvrir.Nebougepas.

Elle laissa Sarah dans le corridor et fit plusieurs voyages pour apporter la nourriture dans lachambre.

UnefoislaportereferméeetSarahrepartie,elleemplitungobeletdebièreetleluitendit.Caelenledégustatoutenlaregardantluiprépareruntranchoir.Enrevenantseblottircontrelui,Rionnafutsecouéeparunfrisson.Elleavaitmouillésesvêtements,cequevérifiaCaelenenposantsamainsursamanche.

—Tuasfroid.Ettuesmouillée.

—Justeunfrisson,net'inquiètepas.Lefeum'aurabienviteréchauffée.

Sanstenircomptedesaréponse,Caelensedébarrassadutranchoirenleposantsurlelit.Puisilseredressaettenditlesmainspourl'aideràfairedemême.Inversantlesrôles,illadéshabillasanscesserdeladévorerdesyeux.

—Tapeaubrilled'unéclatmerveilleuxà la lumièrede l'âtre... chuchota-t-il. J'aimerais tegarderainsipourlerestedelasoirée,maisilnefaitpasassezchaud.

AprèsavoirétéchercherlacapedeRionnaposéesuruncoffre,illaluipassaautourdesépaulesetserassitaupieddulit.Maisplutôtquedelaissersafemmeprendreplaceàsoncôté,illafits'asseoirfaceàlui,danssongiron,enexpliquant:

—Ilfaittropfroidparterre.Tuserasmieuxici.

Souslacape,CaelenposalamainsurleventrerenflédeRionnaetdemanda:

—Commentseportenotreenfant,aujourd'hui?

—Jenel'aipasencoresentibouger,maisd'aprèsSarahcelanesauraittarder.Elleditqu'étantdonnémafaiblecorpulence,celaseproduiraplusvite.

—Pastropfaible,j'espère...répliqua-t-ilenfronçantlessourcils.Ilestvraiquetuparaisbienfrêlepourpouvoirporterunenfant.

—Tut'inquiètestrop,protesta-t-elle.Toutirabien.

Rionna récupéra le tranchoir garni depain, de fromageet deviande, et le posa sur le sol.Elleychoisit une petite tranche de rôti qu'elle présenta devant la bouche de sonmari.En sentant ses lèvreseffleurersesdoigts,unnouveaufrissonlasecoua.

—Peut-onrêvermeilleurrepas?demanda-t-ild'unevoixrauquededésir.Offertdelamaind'unedéessenuequimechevauche...Jedoisêtrearrivéauparadis.

IlétaittentantpourRionnadecéderàl'enviedesepencherversluietl'embrassertoutsonsoûl,maiselle l'avaitdéjà suffisammentprivédeson repas.Alternantentre lepain, laviandeet le fromage,ellecontinuadelenourrirainsi.

Caelenneluifacilitapaslatâcheennecessantdelaissercourirsouslacapesesmainssursapeau.Illuicaressalesépaules,ledos,puistitillasesseinsl'unaprèsl'autre.

—Jedoisteprévenird'unechose,susurra-t-il.Quandcepetitnumérodeséductionseraterminé,jenepourraimeretenirtrèslongtemps.Ilfaudraquetusoismienne,femme,maisjecrainsderépandremasemenceaupremiercoupdereins...

Rionnapartitd'ungrandrire.

—Cettesoiréet'appartient,chermari.Jesuistouteàtoi,commeilteplaira.

—Alorsenlèvecepantalontoutdesuite.S'ilfautquetumechevauches,quecesoitempaléesurmoi!

Rionnas'empressadeluidonnersatisfaction,carsesparolesavaientalluméunincendieravageurenelle.Caelenempoignaseshanchespourlaguiderettousdeuxexprimèrentleurcontentementquandillapénétra.Lavoyants'apprêteràalleretvenirau-dessusdelui,illaretintfermement.

—Nebougepas!Donne-moilerestedemonrepas.Chaquefoisqu'elletendaitlebraspourprendresur

letranchoirunmorceaudenourriture,Rionnasentaitsesmusclesinternesserrerplusétroitementcepieudechairfichéenelle,quisemblaitgrossiraufuretàmesure.

—Tum'enserrescommeunpoingdevelours...lâcha-t-ildansunsouffle.

Elle se débarrassa du dernier bout de pain qu'elle comptait lui offrir quand il se précipita sur sabouche.

Ellesentit sespaumesvenircaresserseshanches,avantdes'ancreràses fesses.Sanseffort, il lasoulevaetlalaissaredescendrelentement.

—C'esttropbon!gémit-il.Impossibledemeretenirpluslongtemps...

Avecurgence,ilsoulevaunedernièrefoissonbassin.Rionnasentitsasemenceserépandreetsonsexesecabrerenelle.Puissesmainsquittèrentsesfessesetillaserradanssesbras,luicaressantledos.

Quelquesinstantsplustard,quandileutreprissesesprits,CaelensoulevaRionnaetselevapourladéposersur le lit. Ilsseblottirentconfortablementdans lesfourrures, lesmembresemmêlés.Après luiavoirembrassélesommetducrâne,ilsoupirad'aise.

Rionnasouritensavourantcettejusterécompensedesesefforts.

—J'ignorecequim'avaluunteltraitement,fit-ild'untonléger,maisn'hésitepasàmeledire,pourquejepuisserecommenceràl'avenir.

Rionna le serra fort dans ses bras et déposa un baiser à la naissance de son cou. Puis, jouantparesseusementavecsesmèchesbrunes,l'enviesoudaineluivintd'ensavoirplussurlui.

—Qu’écris-tudonc,danstouscesrouleaux?

Caelens'écartad'elleet ladévisagea,manifestementsurprisparsaquestion.Ilparaissaitmêmeunpeu...embarrassé.

—Mespensées,répondit-ilenfin.Celam'aideàmieuxlesordonner,quandjelesécris.

—C'estdoncunpeul'histoiredetavie,aujourlejour.

—D'unecertainemanière,oui.Jem'exprimemieuxàtraversl'écriturequeparlaparole.Jen'aipasbeaucoupd'éloquence.Jen'aimepastropparler...

—Paspossible...plaisanta-t-elle.Jen'avaispasremarqué.

Caelenluidonnaunepetitetapesurlesfessesetajouta:

—Jefaisçadepuisque,toutpetit,j'aiapprisàlireetàécrire.Monpèreétaitunlettré,etilatenuàcequesesfilslesoientaussi.Ildisaitsouventquel'intelligencesertdavantageunguerrierquesonépée.

—C'étaitunsage,commentaRionna.

—Eneffet,approuvaCaelen.Etc'étaitungrandlaird,trèsaimédesonclan.

Rionnaregardasonmaridanslesyeuxetcompritquelesdémonsdesonpassérevenaientlehanter.

Elleregrettaaussitôtdel'avoirincitéàévoquerlesouvenirdesonpère,carilnepouvaitqu'êtreliéàceluidelatrahisond'Elsepeth.Mais,d'unautrecôté,peut-êtrelefaitd'enparlerl'apaiserait-il.

—Parle-moid'Elsepeth...Caelenseraiditentresesbras.

—Iln'yarienàendire,maugréa-t-il.

—Pasd'accord.Ellet'arenduplusamer,plusdur.Etcefaisant,ellem'avoléquelquechose.

Unecertaineconfusionembrumasonregard.

—Dequoiest-cequetuparles?Rionnaluicaressalajoue.

—Detoncœur.Ilnepeutêtreàmoitantquecettefemmeyoccupeencoreuneplace.

—C'estfaux!protesta-t-ilvivement.

—C'estvrai!rétorqua-t-elle.Quandellet'atrahi,tuaspréférécondamnercettepartdetoncœurquetuluiavaisofferteettut'esjurédeneplusjamaisl'offriràpersonne.Cequiestinjustepourmoi,monchermari.Ellem'aprivéedecequimerevientlégitimement,etj'enaiassezd'attendre.

Caelenparaissaitplusestomaquéqu'encolère.

—Tesattentessontdéraisonnables,marmonna-t-il.Rionnafitclaquersalangue.

— Est-il déraisonnable pour une femme d'espérer avoir une place dans le cœur de son mari ?Accepterais-tu,toi,qu'unepartdemoncœursoitoccupéeparunautrehommeetquetunepuissesyavoiraccès?

Caelengrimaça.

—Tut'enfaistroppourça,Rionna.Elsepethfaitpartiedemonpassé.Toi,tuesmonavenir.L'unetl'autren'ontrienàvoir.

—Alorsparle-moid'elle...leprovoqua-t-elle.Siellenereprésenteaucunemenacepourtoi,qu'est-cequit'empêched'enparler?

Caelen soupira et passa une main nerveuse dans ses cheveux, avant de rouler sur le dos et des'abîmerdanslacontemplationduplafond.Rionnaattendit,immobile.

—J'étaisunjeunefou,confia-t-ilenfinàmi-voix.Elleétaitdequelquesannéesplusvieillequemoi.Et elle était beaucoup plus expérimentée. Avant elle... je n'avais connu aucune femme. Je me suisconvaincuquej'étaisamoureux.Jevoyaisnotreavenirtouttracé.J'avaisl'intentiondel'épouser,mêmesijen'avaisrienàoffriràunefemme.J'étaisletroisièmefilsdulaird.Notreclann'étaitpaspauvre,maisiln'étaitpasrichenonplus.J'étaisdécidéàallerdemandersamainàsoncousin,DuncanCameron.

Rionna sentit son cœur se serrer. L'histoire lui était déjà en grande partie connue,mais elle n'enappréhendaitpasmoinsledénouementinéluctable.

—Monpèrenousaenvoyés,mesdeuxfrèresetmoi,négocierunmarchéavecunclanvoisin.Ennotre absence, Elsepeth a drogué la bière de la garde et a ouvert les portes du château pour que leshommes deCameron puissent s'y glisser au cœur de la nuit.Ce fut un bain de sang.Notre clan a étéécrasésouslenombre.Ilestvraiquenousn'étionspasalorsaussibienentraînésqu'aujourd'hui.

Caelendéglutitpéniblementavantdepoursuivre:

—Anotreretour,nousavonsretrouvélecadavredenotrepère.Lafemmed'Ewanavaitétéviolée,puiségorgée.Sonfilsn'adûlaviesauvequ'àlaprésenced'espritdequelquesservantesquil'ontcaché.Latraîtrised'Elsepethm'aétérévéléeparlessurvivants...maisjen'aipasvouluycroire.

Lahonteetledégoûtdelui-mêmesubmergeaientàprésentCaelen.

—Onm'a pourtant donné des preuves irréfutables de sa culpabilité, poursuivit-il en baissant lesyeux.Moncœurmesoufflaitqu'ellenepouvaitm'avoirtrahi.Jemesuislancéàsarecherche,décidéàentendresaversiondesfaits.

Rionna laissasonsouffle fuser lentementdeses lèvres.Cettepartie-làde l'histoire,ellene l'avaitpasentendue.

—Quandjel'airetrouvée,elles'estmiseàrire.Ellen'amêmepascherchéànier.Elles'estmoquéedemacrédulité,etquandjeluiaitournéledospourm'enaller...ellem'apoignardé.

—Delàtevienttacicatricesousl'omoplate,conclutRionna.

—Oui.Cettemarque-là,jenelaportepasfièrement.Ellemerappellecommentj'aipulaisserunefemmequejecroyaisaimerdétruiremonclan.

—Qu'est-elledevenue?

—Jel'ignore.Etjem'enfiche.Lejourvenu,ellepaierapourtoussespéchés,commejepaieraipourlesmiens.

—Nepenses-tupasquetuaslargementrachetétesfautes?plaidaRionna.Tonclans'estreconstruit,ilestprospère.Vousavezconcluunealliancequivapermettredemettreunfreinàl'ambitiondémesuréedeDuncanCameron.

—Riendecequejepourraifairenemerendramonpère.J'aiapprisunegrandeleçon,cejour-là.Une leçonque je ne risquepas d'oublier. J'ai laissémon cœur ignorer des preuvesquema raisonmedictaitdeprendreenconsidération.Plusjamaisjenelaisserailapassionmemasquerl'évidence.

Rionna se rembrunit et laissa samain glisser le longdu torse deCaelen. Il paraissait si froid, sidétachédetout...Àcetinstant,ilneressemblaitenrienauguerrierbourrumaischaleureuxqu'elleavaitapprisàaimer.

Pourlapremièrefoisdepuisleurmariage,ellesedemandasiElsepethn'avaitpasréussiàdétruiredemanièreirrémédiablelecœurdesonmari.

Caelenpritsamaindanslasienneetlaserra.Unsilencepesantétaitretombé.Pluselleréfléchissaitàcequ'ilvenaitdedire,plusluiapparaissaitunefailledanssonrécit.

—Caelen?

—Oui.

—PourquelleraisonCamerondéteste-t-ilvotreclanaupointdes'enêtreprisainsiàlui?Quelbutpoursuivait-il?Ilnes'estpasemparédevosterres.Aprèsl'attaque,ilestpartiennelaissantqueruinesderrièrelui.

Caelen inspira longuement. Rionna vit sa poitrine se soulever progressivement, puis redescendred'uncoupquandilvidasespoumons.

—Jen'en sais rien, répondit-il.C'est quelquechoseque jen'ai jamais compris.C'est commes'ilavaitvouludélivrerunmessage,maisjenevoispasdequoiilpeuts'agir.Nousétionsunclanpacifique.Nousn'étionsenguerrecontrepersonne.Monpèren'étaitpashommeàorganiserdesraids.Celamerendmaladedesavoirqu'ilestmortalorsqu'iln'ajamaisfaitdemalàpersonne.

Rionnasedressasuruncoudedemanièreàpouvoirfixersonmaridroitdanslesyeux.

—JenesuispasElsepeth,Caelen.J'aibesoinque tuenprennesbienconscience.Jamais jene tetrahirai.Tum'entends?Jamais!

Unlongmoment,ilsoutintsonregardsansunmot,puisill'attiraversluipourunbaiser.

—Jelesais,Rionna...dit-il.Oui,jelesais.

28Lemoisdemaivenu,letempsdemeuraexécrable.Onauraitditquel'hivervoulaitserattraperpour

lebeautempsqu'ilavaitfaitenjanvierenmordantsurleprintemps.

Les réservesdenourritureduclanMcDonaldavaient fondu,et leshommesnepurent semettreenchassedurantquinzejoursàcaused'uneinterminabletempêtedeneige.

Toutlemondeétaitcontraintderesteràl'intérieur,oùl'onentretenaitdegrandsfeuxpourcombattrelefroid.Caelenbouillaitd'impatience.Ilattendaittoutautantleretourd'untempsplusclémentquedesnouvellesd'Ewan.

Àlafindelatroisièmesemainedemai,l'accalmievintenfin.Unmessagerd'Ewanarrivaauchâteau.LeretouràNeamhAlainns'étaitparfaitementpasséetdesplanspourlancerlabataillecontreCameronétaientenbonnevoie.

Endépitdecesnouvelles,Caelendemeuraagité.Aufuretàmesurequelesjourspassèrent,ildevintrenfermé,silencieux.Finalement,lorsquelerestedustockdeviandeeutétédistribué,lelairdréunitsongroupedechasseursetleurannonçaqu'ilsallaientrapporterlemaximumdegibierdanslecourtlapsdetempsqu'illeurrestaitavantlabataille.

Lanervositéduchefayantgagnéseshommes,unechasseétaitexactementcequ'il fallaitàchacunpourretrouverlapaixdel'espritavantd'alleraucombat.

Lejourvenu,Caelenfitsesadieuxdanslagrandesalle.Gannonsetrouvaitàsagauche.Del'autrecôté,Rionnaavaitentremêlésesdoigtsauxsiensetlesserraitfort.

—Je teconfie lasécuritéduchâteau,dit-ilàGannon.Jen'attendspasdenouvellesd'Ewanavantquelques jours,mais si sonmessagerarrive,envoie toutdesuitequelqu'unmechercher.Nousnenouséloigneronspastrop,cettefois.Etsurtout,veillebiensurmafemme.

Gannonacquiesçad'unhochementdetête.

—Naturellement,laird...répondit-il.Quelachassesoitbonne!

LebrasdroitdeCaelen s'écarta, le laissant seul avecRionna.Elle l'enlaçaet le serra fort contreelle, sans se soucier qu'on puisse les voir. Pour une fois, son mari aurait à supporter quelquesdémonstrationsd'affectionendehorsdeleurchambreàcoucher...

Mais à sagrande surprise, loindemettreun termeà leur étreinte, il laprolongeaen l'embrassantavecpassion.Etquandleurslèvresseséparèrent,illaissasesdoigtseffleurertendrementsajoue.

—Jevoisde l'inquiétudedans tesyeux,femme.Cen'estbonnipour toinipour lebébé.Tout irabien,jetelejure.Cejourquiapproche,nousl'attendonsdepuissilongtempsqu'ilmetardeàprésentqu'ilarrive.

—Oui,jelesaisbien,répondit-elle.J'aitouteconfiancequetoiettesfrèresreviendrezvictorieuxdecetteguerrecontreCameron.

Àcesmots,unelueurdesatisfactionbrilladanslesyeuxdeCaelen.Aprèsluiavoirdonnéundernierbaiser,iltournalestalonspourrejoindredanslacourlegroupedechasseursquil'attendait.

Rionnaleregardasortirensoupirant.Lessemainesàvenirmettraientsoncourageàrudeépreuve.Àl'abri desmurailles du château, elle en serait réduite à guetter l'horizon en se rongeant les sangs dansl'attented'unmessager.

Lelendemain,Jamierevintauchâteauporteurd'unebelleprisedechasse.IlsaluaGannon,avantderejoindreRionnaquil'attendaitimpatiemmentàl'entréeduchâteau.

—Lelairdm'ademandédevoustransmettreunmessage,milady...annonça-t-il. Ilm'aditdevousdirequelachasseesttrèsfructueuseetqu'ilseraderetourdèsdemainsoir.

Rionnaleremerciad'ungrandsourire.

—Voilàdesnouvellesquifontplaisiràentendre,Jamie.

Puisque Ewan ne s'était toujours pas manifesté, elle pouvait s'attendre à passer quelques jourssupplémentairesavecsonmariavantqu'ilparteàlaguerre.CettenouvelleluiréjouitlecœuretatténuagrandementlamigrainequiluivrillaitlecrânedepuisledépartdeCaelen.

L'après-midifutoccupéàdébiteretpréparerlaviandeapportéeparJamie,cequiamenaRionnaàdécouvrirunaspectdéplaisantdesacondition.Apartunpeudefatigueendébutdegrossesse,ellen'avaitsouffertjusque-làd'aucundecespetitstracasqueconnaissentlesfemmesenceintes.Pourtant,dèsqu'ellese fut approchée de la carcasse du cerf, l'odeur du sang et de la viande crue lui retourna violemmentl'estomac.

Ellevomitdevanttoutlemondedanslaneige.Gannonlaconduisitavecprévenanceàl'extrémitédelacour,làoùellepouvaitapercevoirlelochets'emplirlespoumonsd'airfrais.

—C'esttellementhumiliant...gémit-elle.

—Absolumentpas,assuraGannonensouriant.JecroismesouvenirqueladyMcCabeavomidepuisl'instantoùelleaapprisqu'elleétaitenceintejusqu'aujourdesadélivrance.Cormacetmoidevionssanscesseluitrouverdescoinsdiscretspour...

Un cri poussé par le guetteur l'interrompit. Ils se retournèrent au moment où Simon, le visageensanglanté, accroché à sa monture, pénétrait dans la cour. La bête, couverte d'écume, donnaitl'impressiond'avoirétépousséeàfonddetrain.

Dèsquel'étaloneutstoppésacourse,Simonglissadesaselleets'étaladanslaneige.

Submergéeparlapeur,Rionnas'élança.EllefutlapremièreàrejoindreSimonetàs'agenouilleràcôtédelui.Gannonl'aidaàleretournersurledos.

Le vieil homme était à peine conscient. Son sang en s'écoulant déposait sur la neige une tache

écarlate.Uneplaieprofondeluibarraitlecou.Sonépaulesemblaitsiprofondémententailléequec'étaitàpeinesisonbrastenaitencore.

Ilclignasesyeuxgonflésetseslèvress'entrouvrirentàpeinequandilessayadeparler.

—Non,protestaRionnaenretenantseslarmes.Neparlepas,Simon.Restetranquille,letempsquenousarrêtionsl'hémorragie.

—Trop tard,milady...parvint-il àmurmurer. Jedoisvousdire... c'est important.Uneembuscade.Uneflècheaatteintlelairddansledos.Ilsontattenduquenoussoyonspassés...pournousattaquerpar-derrière.

—Oh,Seigneur,non!gémit-elle.Caelen?Est-iltoujoursvivant?Oùest-il?Oùsontlesautres?

—Arienestmort,annonçaSimon.

—Père!s'écriaJamieenlesrejoignant.

Il tomba à genoux et souleva la tête de Simon pour la reposer contre ses jambes jointes avantd'ajouter:

—Qu'est-cequis'estpassé?

—Ducalme,mongarçon...intervintGannon.Ilestentraindenousledire.

Simonpassalalanguesurseslèvressèches.

—Lelairdesttombédecheval,précisa-t-il.Sonné,maisvivant.Ilsl'ont...emporté.

—Qui ça ? le pressaRionna.Qui vous a attaqués ? Simon posa les yeux sur elle, et dans leursprofondeursellevitflamberuneétincelledecolère.

—Votrepère...milady. Il était avecdeshommes... deDuncanCameron.C'est à lui qu'ils vont lelivrer.

29—Sivous imaginezque jevaisvouspermettredequittercechâteau,vousvous trompez!prévint

GannonenregardantRionnafairelescentpasdanslagrandesalle.

Elletenaitàlamainlerouleaurevêtudusceaud'EwanMcCabeetdeceluiduroi.Lemessageétaitarrivé une heure à peine après que Simon fut revenu, grièvement blessé, leur annoncer la capture deCaelen.

EllesetournaversGannonetargumentaavecferveur:

— Je te demande d'y réfléchir sereinement. C'est la meilleure solution. Nous ne pouvons pasattendre.Cameronva tuerCaelen.Et si lui ne le fait pas,monpère s'en chargera.Car c'est lui, aprèss'êtrealliéaudiable,quiestderrièretoutcela.Ilm'afaitpartdesesplans,maisjel'aiprispourunvieuxfou.Aprèsmonmariage,ilavouluquejemejoigneàluidemanièreàdébarrassernotreclandeCaelen.Jesuispersuadéequ'iln'avaitmêmepasl'intentiondecédersontitreàAlariclorsqu'ilétaitprévuquejel'épouse. Il l'aurait fait assassiner, en faisant passer celapourun accident.Ewann'aurait rienpu fairepourbriser l'alliancedumomentque j'étaisenceinte. Iln'auraitpasétéenmesuredeprouverquemonpèreavaitordonnélamortdesonfrère.

—C'estunplanbiencompliquéquevousévoquezlà,fitvaloirGannonenfronçantlessourcils.

—Situyréfléchisbien,celatombesouslesens,connaissantmonpère.Nousnepouvonsattendrequ'EwansoitenmesuredelancersonattaquecontreCameron.IlfautqueturejoignesNeamhAlainnaussivitequepossibleetquetuluifassespartdemonprojet.J'ignorelateneurdecemessage.Jenepeuxenbriserlessceauxpourmelefaireliresansruinermonplan.Maisquellesquesoientlesinstructionsqu'ilcontient,Ewandoitchangerdetactiquesinousvoulonsgarderl'avantagedelasurprise.

Gannonsecoualatêteavecvéhémence.

—Jenepeuxpasvous laisseryaller seule,milady... s'entêta-t-il.Caelenm'ouvrirait leventre etoffriraitmestripesauxloupssijevouslaissaisfaire.

UncrideragemontadeslèvresdeRionna.Elleseulepouvaitàprésentsauverlaviedesonmari.

—Vas-tulelaissermourirparcequetupréfèresattendrequesesfrèresaienteuletempsdelancerleur assaut contre Cameron ? T'imagines-tu vraiment que Caelen sera encore en vie quand cela seproduira?Réfléchis!C'estunhommeblesséquemonpèreetseshommesontemmenéaveceux.Cequivaralentirleurallure.Sijeparsmaintenantetquejecoupeàtraverslacampagne,jepeuxparveniràlaforteressedeCameronpeuaprèsleurretour,avantqu'ilsaientdécidédusortdeCaelen.

Gannonpassaunemainnerveusedanssescheveuxetsedétournapourprotesterd'unevoixsourde:

—Ce que vousme demandez là est impossible, milady. Comment pourrais-je vous laisser vouslivrerseuleàl'ennemietallerpendantcetempsquérirl'aided'Ewan?Commentpourrais-jemeprésenter

devantCaelens'ilvousarrivaitquoiquecesoit,àvousetàvotreenfant?Vouslesous-estimez.Ilestplus fort et résistant que vous ne le pensez.Qu'il ait reçu une flèche dans le dos ne veut rien dire. Ilsurvivra.Ilatropàperdrepournepassebattre.

RionnarejoignitGannonetlepritparlebraspourl'obligeràlaregarderdanslesyeux.

— Les guerriers de mon clan me suivront, dit-elle. Mais moi seule entrerai dans le château deCameron.Ilestimportantqu'ils'imaginequejesuisvenueseule.Toutreposesurmacapacitéàluifairecroirecequejeveuxluifairecroire.Jedoisgagnerdutempspourpermettrequ'Ewannousrejoigne.Jenetedemandepastapermission,Gannon.Cequejeréclame,c'esttonaide.IlfautquetuaillestrouverEwan.Sij'envoieundemeshommes,ils'imagineraquec'estunpiège.Toi,iltecroira.Ilaconfianceentoi.Netrahispascetteconfiance,Gannon.Monenfantetmoicomptonssurtoipournousaideràsauvermonmari.

—Vousnejouezpasfranc-jeu!protesta-t-ild'unairdégoûté.

—Riennepeutm'arrêterquandilyvadelaviedemonmari!répondit-elled'untonfarouche.Jel'aime,etjenelelaisseraipasmourirsijepeuxfairequelquechosepourempêcherça.Jesuisprêteàmebattrecontremonpère,etcontreCameron,etcontretoutesonarmées'illefaut.

L'expressiondeGannonseradoucit.Illuitouchalebrasenungestederéconfort.

— Caelen a bien de la chance. Il n'est pas si fréquent qu'un homme épouse une femme prête àsacrifiersaviepoursauverlasienne.

—Alorstuesd'accord?TuesprêtàpartirpourNeamhAlainn?

Gannonsignasaredditiondansunsoupir.

—Oui,jevaislefaire.

À sagrande surprise,Rionna lui sauta aucouetdéposaunbaiser sur sa joue.Unpeugêné, il selibéradesonétreinteetajouta,levisagesombre:

—J'espèrequevousmettrezautantdefougueàmedéfendre...CarquandCaelenapprendracequejevousaiautoriséeàfaire,jenedonnepascherdemapeau.

—Va,maintenant...luidit-ellesimplement.Jevaisannoncerauxhommescequej'attendsd'eux.

Rionnaobservaitnerveusementlesguerriersrassemblésdevantelle.Lalumièredestorcheséclairaitleursvisages fermés,que l'onauraitdits taillésà la serpe.Gannonétaitdéjàparti.PendantqueSarahpréparait le sac qu'elle allait emporter, il ne lui restait plus qu'à mettre lesmembres de son clan aucourantdelasituation.

—Simonsurvivra-t-il?

Toutobnubiléequ'elle étaitpar l'ampleurde la tâchequi l'attendait, ellen'aurait sudirequi avaitposélaquestion.

—Jen'ensais rien, répondit-ellehonnêtement. Il a reçu tous les soinsnécessaires.SonsortestàprésententrelesmainsdeDieu.

—Quiafaitça,milady?

Rionnainspiraàfondpoursedonnerducourage.

— C'est mon père, votre précédent laird, qui a fait cela. Il s'est allié avec Duncan Cameron etchercheàdétruiremonmaripourregagnersonpouvoirsurleclan.

Elle retint son souffle, dans l'attente de leur réaction. Il était tout à fait possible qu'un telretournementdesituationnesoitpaspourleurdéplaire.Certes,Caelenavaitréussiàgagnerleurrespect,maisellen'auraitpasjuréquesil'occasionleurenétaitofferte,ilsn'iraientpasjusqu'àsedétournerdelui.

—Qu'allons-nousfaire?demandaSeamus,sesbrasénormescroiséssursonventre.Nousn'allonstoutdemêmepaslaisserimpunieunetelleinsulteànotrelaird?

Rionnadutseretenirdeserrerlegéantdanssesbras.

—Nousallonschevaucherleplusvitepossiblejusqu'auxterresdeCameron.GannonestdéjàpartipourNeamhAlainnafind'informerEwanMcCabedelasituation.QuandnousauronsatteintlaforteressedeCameron,vousresterezcachésenattendantmonordred'attaquer.

Desmurmuress'élevèrent.Seamuss'étonna:

—Quecomptez-vousfaire,milady?

—Sauvermonmari!répondit-elled'untonsansréplique.Laquestionquejevousposeestcelle-ci:êtes-vousprêtsàmesuivrepoursauvervotrelaird?

Seamuss’éclaircitlavoix.

—Moi,jevoussuis,milady.

L'unaprèsl'autre,leshommess'avancèrentàleurtourendéclarantleurintentiondefairedemêmeetd'aiderRionnaàréalisersonplan.

—Alors,nousdevonsnousmettreensellesanstarder,conclut-elle.

30Caelenpoussaunjuronenheurtantlesol.Unedouleuratroceexplosadanssonépaule,sifortequ'il

dutfermerlesyeuxetserrerlesdentspournepashurler.

Ilavaitlesmainsliéesdansledos,cequiaccentuaitencorelasouffrance.GregorMcDonaldavaitarrachélaflèchesansaucuneprécaution,etCaelenavaitsaignéduranttoutlevoyagejusqu'àlaforteressedeCameron.

—JevousramèneCaelenMcCabe,lairdCameron!lançaGregord'unevoixforte.

Caelenouvritlesyeuxetdécouvritsonennemiàquelquespasdelà.Legoûtdelabileluiinondalagorge,siforteétaitlahainequil'assaillait.Direqu'ilétaitsiprochemaisqu'ilétaitincapabledeluifairelemoindremal,affaléetblesséàsespieds...

—Vousyêtesdoncparvenu ! se réjouitCameron. Il rejoignitCaelenetdécochauncoupdepieddanssonépauleblessée.Caelengrimaça,maisparvintànepasgémir.Enlefixantdroitdanslesyeux,ilnecachaenrienleméprisqu'ilavaitpoursontortionnaire.

— Tu aimerais bien me tuer, pas vrai ? commenta celui-ci. Tu dois me haïr davantage encorequ'aucundetesfrères.C'esttasottisequiacausélaruinedetonclan.Macousineestbienbelle,n'est-cepas?Voilàunmomentquejenel'aipasrevue.Elledoitêtreentraind'écarterlescuisses,quelquepart,pourunautreidiotdanstongenre.

Pour toute réponse, Caelen soutint son regard sans ciller, si bien que Cameron finit par s'agiternerveusementetparluidécocherunnouveaucoupdepied.

—Jemedemandaiscequ'EwanMcCabeferaits'ildevaitchoisirentreprotégersafillechérieetsafemmeadoréeetvenirsauversonfrère.Dis-moi,Caelen...queleffetçatefera,d'êtreunenouvellefoislacausedelapertedetoutcequiluiestcher?

Camerons'agenouillaàsoncôté, luiempoignalescheveuxet luisoulevala têtedemanièreàêtrepresquenezànezaveclui.

—Rassure-toi, iln'aurapasàchoisir, reprit-il.Parceque j'aibien l'intentionde luiprendreet safamilleet son frère.Tun'asaucune importanceàmesyeux.Tamortme laissera totalement indifférent.Ensuite,jemeferaiunejoiededétruiretonclanetceroiauquelvousêtessiloyaux.

Endécouvrantdanssonregardlahainequil'animait,laquestionqueluiavaitposéeRionnarevintàl'espritdeCaelen.

—Pourquoi?demanda-t-il.Pourquoifais-tutoutça?Puisquetuasl'intentiondemetuer,dis-moipour quelle raison tu as failli détruiremon clan il y a huit ans de cela.Nousne représentions aucunemenacepourtoi.

Cameronseredressaetreculad'unpaspourluirépondre.

—Tun'avaisjamaisentenduparlerdemoiavantcejour,pasvrai?

Ilsecoualatêted'unairdégoûtéetenchaîna:

—Tun'espasleseulàêtremotivéparlahaine,Caelen.Tonpèreapriscequidevaitêtreàmoi.Jeluiairendulafaveur.

—Tudéraisonnes!répliquaCaelend'unevoixrauque.Monpèreétaitunhommepacifique.Iln'étaitenguerrecontrepersonne.Iln'auraitpasusédeviolencesansêtreprovoqué.

CameronécrasalagorgedeCaelensoussabotte,leclouantausol.

—Biensûr...railla-t-il.Unhommepacifique.Veux-tusavoirpourquoi?C'estaprèslamortdemonpèrequ'ill'estdevenu,tellementilsesentaitcoupable.Ilafaitlesermentsursatombedeneplusjamaisbrandirunearme.Jelesais:j'yétais...J'aitoutentendu:sonvœudeneplusfaireusagedelaviolence,sesexcusesembarrasséesàmamère.Etenrepartant,ilaétéjusqu'àmecaresserlecrâne,commesicelapouvaitmeconsoleralorsquemonpèrereposaitparsafautesixpiedssousterre.

—Tumens!s'exclamaCaelen.Monpèren'ajamaisparlédetoi,nidetonpère.

—Tonpèreétaitunlâche.Ilcombattaitauxcôtésdumien,etlorsquemonpèreesttombédecheval,ill'aabandonnéderrièreluietl'alaissémourir.Justeavantquetonpèrepoussesonderniersouffle,jeluiairappelélegaminàquiilavaitcaressélescheveuxenquittantlecimetière.Sais-tuquellesontétésesdernièresparoles?

Caelendéglutitpéniblement,sansparveniràfairepasserlaboulederagequiluibloquaitlagorge.Cameronsepenchaetluimurmuraàl'oreille:

—Ilarépétéqu'ilétaitdésolé,etpuisilm'asuppliéd'épargnerlaviedesonpetit-fils.

—C'estpourcetteraisonqu'àlaplace,tuasvioléetmassacrésamère!

—Sij'avaistrouvélemouflet,jel'auraisembrochésurmonépée.Monseulregret,c'estquetoiettes frèresn'ayezpasétéprésentsce jour-là.C'est avec laplusgrande joieque j'auraisabattu jusqu'audernierdesMcCabe!

—Jeteretrouveraienenferpourtefairepayerça!juraCaelenentresesdents.

Sansluirépondre,Cameronserelevaetfitunsignedelamainàseshommesenleurordonnant:

—Conduisez-leaucachot!Savuem'insupporte.Letuertoutdesuiteseraittropmiséricordieux.Jeveuxqu'ilsouffreaussilongtempsquemonpèreasouffertquandils'estvidélentementdesonsangsurcechampdebataille.

TroisdeshommesdeCameronramassèrentCaelensansdouceuretl'entraînèrentjusqu'àunescalierenpierres'enfonçantdanslesténèbres.Unquatrièmelesprécédait,munid'unetorche.

Aubasdesmarches,un trounoir s'ouvraitdans le sol,dans lequelon le jeta sansménagement. Ilchutalourdementsursonépauleblessée.Cettefois,ilneputreteniruncritantladouleurluiparalysaitlebras,jusqu'àsamainqu'ilnesentaitplus.

Caeleninspiraàfondplusieursfois,luttantpournepass'évanouir.Legoûtdusangquienvahissaitsaboucheluifitcomprendrequ'ils'étaitfendulalèvreenlamordant.

Pourconjurerlasouffrance,allongédanslenoirdansuntrouhumideetpuant,ilévoquamentalementlevisagesouriantdeRionna.

—Puisses-tulaprotéger,Ewan...murmura-t-il.Carj'aimanquéàtousmesdevoirsenverselle.Etenverstoiaussi.

Rionnaordonnaauxguerriersdesoncland'encerclerlaforteressedeDuncanCameronetderestercachésjusqu'àcequ'ellelancel'ordred'attaquer.SiDieuétaitdeleurcôté,EwanMcCabearriveraitavecdeprécieuxrenfortsavantl'assaut.Danslecascontraire,ilsnepourraientcompterquesureux-mêmes.

Mentalement,elle récitauneprièrepouravoir la forcede fairecequidevaitêtre fait. Ilallait luifalloir se montrer convaincante. Sans quoi, non seulement elle ne sauverait pas son mari, mais ellerisqueraitdemouriraveclui.

Guidant son cheval épuisé, elle le fit avancer, le cœur battant, hors du couvert de la forêt, sur lecheminmenantaupont-levis.

La place forte était une imposante construction de pierre, de bois et de métal. En découvrant lahauteur de la muraille, Rionna se demanda si ses hommes seraient capables de l'escalader assezrapidementpouréviterdesefairerepérer.

Il fallait à tout prix que son plan réussisse. SiDieu était réellement du côté des justes, son clanl'emporteraitcejour-làetellepourraitrentrerchezelleavecsonmari.

Leguetteurluiordonnadedéclinersonidentitéenlavoyants'arrêterdevantlaporte.Rionnarepéraenhautdelamurailletroisarbalètespointéessurelle.

Aprèsavoirbaissésacapuche,ellerépondit:

—JesuisRionnaMcDonaldetjevoudraisparleràmonpère,GregorMcDonald.

Unlongsilences'ensuivit,puisDuncanCameronlui-mêmefitsonapparitionsurlepostedeguet,lepèredeRionnaàsoncôté.

—Dites-moi,Rionna...lançalemaîtredeslieux.Êtes-vousvenuemesupplierd'épargnerlaviedevotremari?

Ellepritsoindesoutenirsonregardavecmorgue.

—Je suis venuevérifier si ce quem'ont ditmeshommes est vrai, répliqua-t-elle avecunemouedégoûtée.Etsic'est lecas,simonpèreabienréussiàcauser lapertedeCaelenMcCabe, jeréclamepourmoi-mêmel'honneurdelemettreàmort,s'iln'estpasdéjàpassédevieàtrépas.

Cameronmanifesta sa surprise enarquantun sourcil.Rionna retint son souffle.Sepouvait-il qu'ilsoitdéjàtroptard?Elleetseshommes,aprèsavoirchevauchéàbrideabattue,avaientpourtantréussiàtrouverunepistefraîchequilesavaitmenésdroitauchâteau.

—Qu'onouvre laporte !ordonnaenfinCameron.Quelques instantsplus tard,dansunconcertdecraquements de bois et de grincements demétal, la lourdeporte s'entrouvrit.Rionna attendit qu'on luidonnelapermissiond'entrer.

Bientôt,CameronetGregorMcDonald la rejoignirent sur lepont-levis, accompagnésd'unhommequiaidaRionnaàdescendredecheval.Quandsespiedstouchèrentterre,ellesentitsesjambesmanquersedérobersouselle.Al'hommequil'avaitaidée,elleremitlesrênesdesamonture.

—C'estunconteintéressantquevousnousavezoffert là, jeunedame! lançaCameronenscrutantattentivementsonvisage.Vousavezréussiàcaptermonattention.

Rionna jetauncoupd'œilàsonpèreet sedemandas'ilprendraitpartiensa faveur.Levisagedemarbre,ilsoutintsonregardsanscilleretsanschercheràdissimulersaméfiance.

—Est-ildéjàmort?demanda-t-elle.

EnvoyantCameronsecouernégativementlatête,Rionnaréprimaunsoupirdesoulagement.

—Non.Pasencore.Ilyapeudetempsqu'ilestici.Aufait...commentsefait-ilquevousnousayezsirapidementrejoints?

—Lorsquemeshommesm'ontrapportécequis'étaitpassé,j'airefusédecroireenmabonnefortunetantquejen'auraispaseuconfirmationdemespropresyeuxdelachutedemonmari.S'ilestvraiquemonpèrearéussiàcapturerCaelenMcCabe,alorscesontmesremerciementsquejedoisluioffrir.

Gregorsortitdesaréservepourdemander:

—Qu'est-cequecetteabsurdité,fille?Camerondressaunemaindevantlui.

—Iln'yaqu'unmoyenderésoudrecetteénigme,dit-il.Suivez-nous,Rionna. Il fait froid,etvousavezfaitunlongvoyage.

GlissantsonbrassousceluiqueluioffraitobligeammentCameron,Rionnaréponditensouriant:

—Jevousremercie, lairdCameron.Ilestvraiquejesuisunpeufatiguée,maismonsoulagementétaitsigrandquejen'aipufairehalteavantd'avoirtrouvéasilechezvous.

—Asile? répéta-t-il.Machèrepetite...qu'est-cequipourraitvouspousseràchercherasilechezmoi?s'enquit-ilenluifaisanttraverserlacouretgravirlesmarchesduchâteau.

A l'intérieur, Rionna se sentit assaillie par une vague d'air chaud et empuanti. Elle retint sarespirationetluttadésespérémentcontrelanauséequ'ellesentaitmonter.

Satuniquemasquaitlerenflementdesonventre.Ellen'étaitheureusementpassuffisammentavancéedans sa grossesse pour que celle-ci se remarque immanquablement. La dernière chose dont elle avait

envie,c'étaitbienderévéleràsesennemisqu'elleportaitl'enfantdeCaelen.

—Oui,l'asile...acquiesça-t-elle.Pensez-vousquejeseraiàl'abridelavengeanced'EwanMcCabe,quandilsauraqu'unMcDonaldacausélapertedesonfrère?

—Pourquoisouhaitez-voustuervotremari?demandaCamerontoutàtrac.

D'ungeste,ill'invitaàs'asseoirsurl'undessiègesdisposésdevantuneénormecheminée,etcefutavecgrandplaisirqu'ellelefit.

—Est-ceimportant?répliqua-t-elle.

—Jetrouvebizarrequevousayezpulaisserenpleinhiverlaprotectiondevotreclanàseulefindepouvoirtuerunhommecondamnéparavance.

—Je ledéteste!déclara-t-ellesèchement.Jedéteste tous lesMcCabe.Ilsontfouléauxpieds lesdroitsdemonclan.Ilestvraiquejen'étaispassatisfaitedel'attitudedemonpèreentantquelaird,maisaumoinsc'étaitunMcDonald.J'aiétéhumiliéeparlesfrèresMcCabeàlamoindreoccasion.Sivousnem'autorisezpasàlemettreàmort, jedemandeaumoinsàpouvoirassisterà l'exécution.Et jeréclameégalementvotreprotectiontantqueleconflitavecleclanMcCabeneserapasréglé.

Lesyeuxmi-clos,Cameronladévisageaunmoment,avantdehocherlatête.

—Vousêtesunedrôledefemme,RionnaMcDonald,murmura-t-ilenfin.Oudevrais-jedireRionnaMcCabe?

Rionna se dressa d'un bond, dégaina son épée et la pointa surCameron, en une démonstration debravouredontelleespéraitqu'elleachèveraitdeleconvaincredesabonnefoi.

—Jenemelaisseraipasappelerainsi!s'écria-t-elle.

Cameronrepoussalapointedesonépéecommes'ilnes'agissaitqued'unemoucheimportune.

—Etmoi,rétorqua-t-il,jenetoléreraipasqu'unefemmememenacedesonépéesousmonpropretoit.

D'un coup dementon, il l'invita sèchement à se rasseoir, puis il échangea un regard avecGregorMcDonaldavantd'ajouter:

—Comme je vous le disais, vousm'avez rendu curieux,Rionna.Qu'a donc bien pu faireCaelenMcCabepoursusciteruntelcourroux?

Elle jeta un coup d'œil à son père, sachant que de sa réponse dépendrait la crédibilité qu'ilaccorderaitàsonhistoire.

— Il a insisté pour que je m'habille et me conduise comme une femme, répondit-elle d'un tonmaussade.Ilm'aconfisquémonépée.Ilm'ahumiliéeàlamoindreoccasion.Ila...violemmentabusédemoi.

CameronricanaetlançaaupèredeRionna:

—Quelgenredefemmeavez-vousdoncélevélà,Gregor?

— Depuis qu'elle est toute petite, elle s'imagine être un garçon, répliqua-t-il avec une moueméprisante.Riendecequej'aipudireoufairenel'aconvaincuedes'habilleretdesecomportercommeelleledevrait.Ellen'enfaitqu'àsatête.Voilàdesannéesquejem'ensuislavélesmains.Ilestprobablequ'ellen'apassupportéquesonmaricoucheavecelle.

Les yeux deCameron s'attardèrent sur les formes deRionna d'unemanière qui lui fit se féliciterd'avoirbandésesseins.

Néanmoins,ellevitflamberdanssonregardunelueurdeconcupiscencequiluiarrachaunfrisson.Malgré - oupeut-être à causede - sonmanquede féminité apparente, ce type la regardait comme s'ill'auraitvolontiersbousculéesurlesolpourunrutaussirapidequesauvage.Oupeut-êtrenelaconvoitait-ilqueparcequ'elleétaitlafemmedeCaelen?

Aulieudecela,ilappelaundeseshommesd'ungestedelamainetordonna:

—Quel'onailletirerCaelenMcCabedesoncachot.Safemmedésireunepetiteréuniondefamille.

Acesmots,Rionnasentitlapeurlaparalyser.Elleallaitdevoirimproviserpourprouversasincéritéauxdeuxhommes.Il luiencoûteraiténormément,maisellen'avaitpaslechoix.Jamaisellen'avaitétéconfrontéeàunteldéfi.CarelleallaitégalementdevoirconvaincreCaelenqu'ellelehaïssaitetvoulaitsamort...

En attendant la confrontation redoutée, elle fit de sonmieux pour se préparer à la vision que luioffriraitsonmari.Ellesavaitqu'ilétaitblessé.Ilétaitpeut-êtremêmeàl'articledelamort.Mais,quelquefûtsonétat,ellenedevaitpasréagircommeunefemmeaimante.

Au point où elle en était,même si elle parvenait à donner le change,Rionna se serait volontierslaissée aller à pleurer. Outre qu'elle était au-delà de l'épuisement physique, elle se sentait terrifiéecommeellenel'avaitjamaisété.

LorsqueenfinCaelenfutintroduitdanslapièce,iltombaàgenoux,têtebasse,lesmainsentravéesdansledos.Elleselevavivementettraversalapièce.Maisavantqu'elleaiteuletempsdelerejoindre,illevalatêteetleursregardssecroisèrent.

La surprise et l'incompréhension ledisputèrent sur sonvisage. Il entrouvrit la bouche, comme s'ilallaitsemettreàparler,aussidut-elleserésoudreàlefairetaire.

Prenantsonélan,ellelegiflaaussifortqu'elleleput.

31LaviolencedelagiflefuttellequelatêtedeCaelenpartitsurlecôté.Lentement,illatournapour

faire de nouveau face à sa femme. Sa femme ? Elle se tenait devant lui, les yeux emplis de haine.CameronetGregor,surlecôté,laregardaientfaire,vaguementamusés.

—Tuesdevenuefolle?demanda-t-il.Qu'est-cequetufais?

—Jesuisvenuetevoircrever!lança-t-elleavecrage.SiDieulepermet,etavecl'autorisationdelairdCameron,jetedonneraimoi-mêmelecoupdegrâce.Riennemeferaplusplaisirqued'êtreenfindébarrasséedetoi,CaelenMcCabe!

Caelen comprenait parfaitement ce qu'elle lui disait.La fureur qui étincelait dans son regard étaitbienréelle.Pourtant,toutcelan'avaitaucunsens.Unesourdeappréhensionnaquitenlui,etsefitbientôtplusdouloureusequesablessureaudos.

Était-ilpossiblequetoutrecommence?L'histoirepouvait-ellebégayerdemanièreaussigrossière?

DuncanCameronseglissaderrièreRionnaetluiposaunemainsurl'épaule.

—Ta femme est venue te rendre visite, dit-il. N'est-ce pas attentionné de sa part ? Elle affirmen'avoird'autreenviequededevenirtonbourreau.Qu'enpenses-tu?

Sansluilaisserletempsderépondre-qu'aurait-ilpurépondreàcela?-CameronfitpivoterRionnasurelle-même,lapritdanssesbrasetl'embrassasauvagement.

Une rage froide anesthésia aussitôtCaelen. Il ne sentait plus sa blessure. Intérieurement, il n'étaitplusquefureur.Sonespritencoreembrouillél'empêchaitdesaisirtouslesdétails,maisindéniablement,letableauqu'ilavaitdevantluiétaitceluidelatrahison.

Encoreunefois.

RionnasedétournavivementdeCameron, lefrappaauvisageaussiviolemmentqu'elle l'avait faitpourluiettenditlamainverslapoignéedesonépée.Cameronl'empêchadeladégainerenluisaisissantlepoignet.

—J'aidéjàdûlaisserunhommeabuserdemoi!s'écria-t-elle.Jenelaisseraipasunautrefairedemême!

—Quoi!s'exclamaCaelen,incrédule.C'estainsique...

Il ne put achever sa phrase. Sa femme posa sur lui ses beaux yeux d'ambre, qui crachaient deséclairs.EllereportasonattentionsurCameronetluidécochaunpetitcoupdepoingdanslebras.

—Vousavezvoulumetester!lança-t-elled'untonaccusateur.Vousdoutiezdemoi.Vousdoutiezque

j'étaisbienicipourréclamerlatêtedeceMcCabe!

Rionnaselibéradesapoigneettiradesplisdesacapeunrouleaudeparchemin.Delàoùilétait,Caelenreconnutparfaitement lesdeuxsceauxdont ilétaitparé.Lepremierétaitceluidesonfrère.Lesecond,celuiduroi.

—Entémoignagedemaloyauté,jevousaiapportéceci,dit-elle.C'estunmessaged'EwanMcCabedestinéàmonmari,quiestarrivéavantmondépart.Ildoitcontenirtousleursplansdebataille.Vousledonnerais-je,sijen'étaispasdebonnefoi?

—Non!hurlaCaelen.

Iltentadebondirpoursesaisirdudocument,maisdeuxhommesdeCameronl'enempêchèrent.Ilsetorditetluttapourleuréchapper,envain.

Cameron prit le rouleau et l'examina en détail. Sans un mot, il brisa les sceaux et déroula leparchemin.Illuifallutplusieursminutespourlireentièrementledocument.Quandcefutfait,ill'enrouladenouveauetconsidéraCaelenfroidement.

—Ilsemblebienquetafemmeettonclanneveulentplusdetoi,McCabe!

LesnarinesdeCaelenpalpitèrent.Unemoueméprisanteretroussaseslèvres.

—Jen'aiplusdefemmenideclan,annonça-t-il.JesuisetresteraiunMcCabe!

—Jen'aiaucundésird'êtrepluslongtempsenprésencedecetristesire,déclaraRionnad'unevoixtoutaussiglaciale.Vouspouvezleramenerdansletroud'oùvousl'aveztiré.

—Ilyaencorelesujetdesonexécutionàdiscuter...protestaCameron.S'ilfautencroirelemessagequevousm'avezremis,laguerreestimminente.J'avaisespéréunpeuplusd'originalitédelapartd'EwanMcCabeetduroi,maisilsemblebienqu'ilspréfèrentl'attaquefrontale.Jevouslaisselajournéepourvous préparer, milady. Il mourra au petit matin. Ensuite, je devrai dresser mes propres plans pourcontrecarrerceuxdeMcCabe.

Rionnadégaina sonépéeet rejoignit lentementCaelen. Il refusadecroiser son regard.Sonespritétaitunetellemassederageetdeconfusionqu'ilnepouvaits'yrésoudre.

Quandellefutdevantlui,elleluisoulevalementondelapointedesonarme.

—Jepourraistetuersur-le-champ,dit-elled'unevoixdénuéed'émotion.Maisceseraittroprapide.

Aucuneexpressionsursonvisage.Rienquiauraitputrahirsespensées.Elleauraitparlédelapluieetdubeautempsaveclemêmedétachement.Sonattitudeluiglaçaitlesang.Jamaisilnel'avaitvuesouscejour.

—Pourquoi?demanda-t-ild'unevoixrauque.Cen'estpasseulementmoiquetutrahis,c'estaussicellesquetuappelaistesamies.TutrahisKeeley,tutrahisMairin,quin'aétéquebontéavectoi,etsafille,quin'estqu'innocence.

Rionnadirigeasalameversl'entrejambedeCaelenetrétorquasèchement:

—Silence,oujetecoupelesboursespourennourrirleschiens!

Comme s'il lui était impossible de supporter sa vue une seconde de plus, elle se détournabrusquement.Àsagrandehonte,Caeleneutenviedelarappeler.Ilfermalesyeux.Manifestement,ilétaitcertainesleçonsqu'iln'apprendraitjamais...

—Qu'onlebrûleàlapremièreheuredujour!lança-t-elled'untonnégligent.C'estunefindignedelui.

MêmeCameronparutébranlépartantd'inhumanité.Mais,sitôtaprès,unelueurd'admirationflambaaufonddesesyeux.Caelenauraitpuenrire,s'iln'avaitétéplongédansunteldésarroi.Manifestement,cesdeux-làfaisaientlapaire...

—Fortbien,milady...conclut-ilbenoîtement.Qu'ilensoitfaitainsi.

D'ungeste,ilordonnaàseshommesd'emmenerCaelen,puisilsetournaversRionna.

—Voudriez-vousvousrafraîchir,machère?Vousavezfaitunlongvoyagepournousrejoindre.

Tandisqu'onl'entraînaitsansménagement,Caelenvitsafemmesourireaimablementàl'hommequ'ildétestaitleplusaumonde.

Rionnareleva la têteauderniermoment.Leursregardssecroisèrent.Dans lesien, ileut le tempsd'apercevoiruneombrequiobscurcissaitsesbeauxyeux.

Deboutdevantlafenêtredesachambre,Rionnaobservaitsanslevoirlepaysagecouvertdeneige.Elleétaitmortedefatigue,maiscertainedenepouvoirfermerl'œildelanuit.Commentaurait-ellepuyparvenir,alorsquesonmaricroupissaitaufonddequelquecachotdecechâteau?

Fermant les yeux, elle revit clairement son visage tordu par la haine. Il était passé parl'incompréhension,puisparlacolère,avantdeserésigneràl'idéequ'elleaitpuletrahir.Plusquejamais,elle se sentait condamnée à réussir. Elle n'accepterait pas que Caelen puisse quitter ce monde enemportantd'ellecetteimage.

À deux mains, elle massa doucement son ventre. Soudain, elle sursauta en percevant untressaillementdanslecreuxdesapaume.Encomprenantquesonbébévenaitdemanifestersaprésence,ellesentitdeslarmesluimonterauxyeux.Cetenfantànaître-leurenfant-luisignifiait-ilainsiquesonpèredevaitêtresauvéàtoutprix?

— Tu es mon avenir, CaelenMcCabe... murmura-t-elle avec ferveur. L'avenir de tout mon clan.L'avenirdenotrefils,oudenotrefille.Jenetelaisseraipasmourir.

Rionnaallas'asseoirauborddesonlit.Cameronavaitprisdesdispositionspourqu'onl'accueilledignement. Il avaitmêmedemandéqu'on allumeun feudans la cheminée.Dèsqu'elle s'était retrouvéeseule,cependant,elleavaitbarricadésaporteavecunelourdechaise.

Elle ne voulait prendre aucun risque. Cameron était un sinistre individu, ayant pour habitude de

prendre de force tout ce qui lui plaisait. Elle n'imaginait pas une seconde que c'était sa beauté quil'intéressait en elle. Elle avait pris la précaution de paraître aussi peu désirable que possible enendossantsonapparencedegarçonmanqué,maisellen'enavaitpasmoinssurprisdanssonregardunelueurd'intérêt.

Touthabillée,elleseforçaàs'allongersurlelitetàfermerlesyeuxpourquelquesminutesderepos.

A l'instantmême, seshommesdevaient être en traindeprendrepositionautourde lamuraille. Ilsn'attendaientplusqu'unsignaldesapartpourentrerenaction.

Ainsi Rionna passa-t-elle la nuit, alternant moments de repos et déambulation anxieuse dans lachambre.Enfin,quandonvintaupetitmatincogneràsaporte,ellepritgardedefairecommesielleseréveillait.

—Uninstant!cria-t-elle.Jefinisdem'habiller.Rionnadérangealesfourruressurlelitetrejetasescheveuxsuruneépaule.Enallantouvrir,ellecommençaàlestresser.

Sansbruit,elledéplaçalachaise.Ouvrantsaporte,elledécouvritsonpère,danslecouloir.

—Lelairdtedemandededescendre,annonça-t-ilfroidement.

Elleluiréponditd'unhochementdetêteetattenditqu'illaprécèdedanslecouloir,maisilparaissaithésiter.Enfin,ilsedécidaàdemander:

—Qu'aréellementfaitMcCabepourtefairechangerd'avis?Tut'esdétournéedemoipourterangerderrièreluiet,d'unseulcoup,tevoilàdécidéeàm'accepterpourlaird?

Plutôtquedeprendrelerisquedeluimentir,Rionnaoptapourunedemi-vérité.

—Jenet'acceptepaspluspourlairdquelui.Choisirentretoietlui,c'estchoisirentrelemoindrededeuxmaux.

UnesoudainefureurfitétincelerleregarddeGregorMcDonald.

—Tun'aspaschangé!lança-t-ilsèchement.Tun'astoujourspasapprisàsurveillertalangueetàt'adresserdemanièrepolicéeàceuxquitesontsupérieurs.

—Jenevoisicipersonnequimesoitsupérieur.Etsitupensespouvoirmefrapperdenouveau,jeteconseilled'y réfléchiràdeux fois.LesMcDonaldpourraientavoirà sechercherunnouveau lairddèsaujourd'hui.

—Tuneperdsrienpourattendre.

Rionnahaussalesépaulespourluisignifierlepeudecasqu'ellefaisaitdecettemenace.

Enpénétrantdanslacouràsasuite,elleserraétroitementlespansdesacapepoursegarderdufroidmatinal.SoncœurcognaplusfortdanssapoitrinequandelledécouvritÇaelen,déjàattachéàunbûcherdresséaucentredelacour.

Ilparaissaitplushagardetdéfaitquelaveille.Denouveauxbleusmarquaientsonvisage,etlesangcoulaitenabondancedesablessure.

Lesdentsserrées,Rionnaluttapourretenirdeslarmesderageetdefrustration.Àcetteminute,ellehaïssait Cameron et son père. Il aurait été si simple de dégainer son épée et demettre un terme à lamisérableviedel'auteurdesesjours...Maisilluifallaitsemontrerpatiente,sansquoisonmariseraittuéavantmêmequesonpèreaittouchélesol.

Cameronsetenaitàquelquespasdubûcher,entourédeseshommes,tousmunisdetorches.Quandellel'eutrejoint,ilenprituneetlaluitendit.

—Àvousl'honneur,dit-il.Maisfaitesvite.Jedétestel'odeurdelachairbrûlée.

Rionnasaisitlatorched'unemaintremblanteetsetournaverssonmari.Ens'avançantd'unpasverslui,elleinspiraàfondpourseprépareràcequil'attendait.

Leurs regards se rencontrèrent. Ses pâles yeux verts étaient absents. La douleur semblait l'égarer.Rionnasesentitgagnéeparl'appréhension.S'ilétaitunjouroùelleavaitbesoinqueCaelenaittoussesesprits,c'étaitbiencelui-ci...

32Caelen regardaRionna prendre la torche desmains deCameron.Malgré tous ses efforts pour la

combattre, la douleur était en train de l'anéantir.Des frissons le secouaient. Il était brûlant de fièvre.Pourtant,ilparvintàsoutenirsanscillerleregardquesafemmeposaitsurlui.

Quelquechosel'avaittracassétoutelanuittandisqu'ilgisait,rouléenboule,aufonddesoncachot.Undoutequiletaraudaitdepuisqu'enlaquittant,laveilleausoir,ilavaitvuuneombrevoilersesyeux.

Etàprésent,alorsquesadernièreheuresemblaitvenue, ilnepouvaitsedéfairedel'intuitionquequelquechoseclochait.IlneparvenaitpasàcroirequeRionnal'aittrahifroidement.

Ensongeantauxquelquesmoisqu'ilsavaientpassésensemble,ilnepouvaittoutsimplementaccepterqu'elleaitpuseretournercontrelui.Celan'avaitaucunsens.Ellehaïssaitsonpère.Elleavaitpeurdelui.Pourquoiaurait-elleétésejeterdanssesbrasetluioffrirsonclansurunplateau?

ElleavaitprislepartidesMcCabeensedressantcontreGregorMcDonald,aurisquedes'aliénertouslessiens.Unefemmepouvait-ellemeneràcepointundoublejeuetmentirentoutettoutletempsavecautantd'aplomb?

Non,celaluiparaissaitimpossible.Cettefois,soncœurneluimentaitpas.Aurisquedesavie,ilétaitprêtàenprendrelepari.

Cequisignifiaitquesafemmes'étaitmisedansunesituationtrèsdangereuse,etqu'ilnepouvaitrienfairepourlaprotéger.

Quelbutpoursuivait-elle?Qu'espérait-elled'unetellemascarade?

Aprèsavoirprislatorche,elleglissadiscrètementlamainsoussacape.Et,danssesyeux,Caelenlutunesupplique:elleluiréclamaitsonaideetespéraitqu'ilcomprendrait.Soncœursemitàbattreplusfort,dansl'attentedecequiallaitsuivre.

IlauraitvoulucrieràRionnaderenoncer,denepasmettresavieetcelledeleurenfantendangerpoursauverlasienne.Iln'enfitrien,carcelan'auraitfaitquelacondamner.

C'estalorsque,vivecommel'éclair,Rionnasedécidaàfrapper.Pivotantbrusquement,ellejetalatorche à la figure deCameron, qui hurla de douleur et d'épouvante. Enmême temps,Rionna lança unvibrantcrideguerre.

Puis, dégainant son épée, elle se débarrassa de sa cape et escalada le bûcher. Caelen vit alors,incrédule,lesguerriersduclanMcDonaldselaisserdescendrelelongdelamuraille.Enprenanttouslesrisques,lafemmeetleclanqu'ilvenaitderenierétaientvenuslesauver.

—Es-tuenétatdetebattre?luidemandasonépouseentranchantrapidementsesliens.

—Oui!assura-t-il,revigoré.

Caelenn'étaitpasencoreà l'articlede lamort,et ilauraitpréférésedamnerplutôtquede laisserRionnarisquersaviepourluisansrienfaire.

Elle disparut avant qu'il ait achevé de se débarrasser des cordes qui l'entravaient. À quelquedistancedelà,illavitengagéedansunduel.Maisavantqu'ilaitpubondirpourluivenirenaide,ilévitadejustesseunelamequifaillitluitrancherlatête.

L'urgence était pour lui de trouver une épée.De nouveau, il lui fallut feinter lorsqu'un hommedeCameronmanquadepeusonvisage.Pliéendeux,ilfonçadanslesjambesdel'hommeetlefit tomberavecluiàterre.

Son épée atterrit unpeuplus loin.Caelen écrasa sonpoingdans la figuredu soldat, dont le sangrougitlaneige.Roulantsurlui-même,Caelens'emparadel'armeetlabranditpourseprotéger,àl'instantoùunautreassaillantallaitl'atteindre.

De nouveau, il roula sur lui-même, faisant décrire à son arme un arc de cercle qui lui permit defaucherlesjambesdesonadversaire.Libredeseredresser,Caelenbonditsursespieds.Ladouleuretlafièvre n'étaient plus que souvenirs. Rien d'autre n'occupait son esprit que retrouver sa femme pour laprotéger,etDuncanCameronpourletuer.

Sanscesserdesebattre,ilserapprochadelamurailleenobservantautourdeluilatournurepriseparlesévénements.Cequ'ildécouvritluiserralecœur.

LesguerriersduclanMcDonald,mêmes'ilssebattaienthabilementetaveccourage,commençaientàcédersouslenombre.

Enfin,Caelen aperçutRionna dans lamêlée. Plus déchaînée que jamais, elle acculait un de leursennemis contre le mur d'enceinte. Elle s’en débarrassa rapidement en lui plantant son épée dans lapoitrine,etseretournajusteàtempspourparerlecoupportéparunautre.

Leproblèmeétaitbienlà:pourchaquepartisandeCameronquitombait,unautreprenaitsaplace.

Caelenmanœuvrait pour rejoindre sa femme à travers la cohue lorsqu'un second cri de guerre àglacerlesangretentit.Celui-ci,illeconnaissaitsibienqu'ilfaillittomberàgenouxdesoulagement.

Puisantdanssesdernièresforces,ilrenversalatêteenarrièreetpoussaenréponseuncriidentique.PuisilannonçaauxMcDonaldquil'entouraient:

—Lesrenfortsarrivent!Tenezbon!

Caelenpivotajusteàtempspourvoirsesdeuxfrèresfranchirlaported'accèsdelaforteresseàlatêtede leurs troupes.DescentainesdeguerriersMcCabe lancèrent lacharge. Jamais iln'avait rienvud'aussibeau.

Ce revirementde situation fit basculer le rapportde forces en faveurdesMcDonald.Alorsqu'ilsparaissaientauparavanthagardsetàdeuxdoigtsdesuccombersouslenombre,ilsretrouvèrentvigueuretcourage.

Ewan,quiavait lepremierfaitsonentréedanslacour,glissabientôtdesonchevalàdeuxpasdeCaelen,l'épéeaupoing.Peuaprès,Alariclerejoignit,sibienqu'ilseretrouvaflanquédesesdeuxfrères.

—Commentçava?s'inquiétaEwanenexaminantavecinquiétudelesangquipoissait leflancdeCaelen.

—Jesurvivrai,répondit-il.

Ensemble,lesfrèresMcCabesefrayèrentàcoupsd'épéeunchemindanslamassedeshommesdeCameron. Ils sebattaientavecunedéterminationnourriede la rageetde l'espritdevengeancequi lesanimaient.

—OùestRionna?demandaAlariclorsqu'ilsparvinrentaucentredelacour.

Caelenbalayalechampdebatailleduregard,avantdesedébarrasserd'unadversairequicherchaitàletranspercerdesonépée.

—Jel'ignore,avoua-t-il.Jel'aiperduedevuequandvousavezfaitvotreentrée.

—Ta femmeest incroyable ! lançaEwanenpourfendantunnouvel ennemi.Elledoit être laplusfolle,laplusexaspérante,lapluscourageusedesfemmesquej'aiejamaisrencontrées...

—Oui,elleesttoutcela!reconnutfièrementCaelen.Etelleestàmoi...

—OùestCameron?criaEwan.Jenelaisseraipascebâtardm'échapperdenouveau.

—Rionna luia lancéune torcheenpleinvisage, racontaCaelen.Jen'aiplusvucesalauddepuisqu'ellem'alibéré.

Unenouvellevagued'assaillants les réduisit au silence. Ils arrivaientdepartout à la fois.Caelendevaitmobilisertoutesaforcedecaractèrepourignorerladouleuretseconcentrersurlecombat.

Cen'étaitpaslesortdeDuncanCameronquilesouciait,maisplutôtceluidesonépouse.

—Ilsdétalent!annonçasoudainHughMcDonald.Serrezlesrangs!Neleslaissezpass'enfuir!

Lacourétaitjonchéedecadavresetlemanteauneigeux,d'uneblancheurvirginaleàl'origine,étaitmaculéderouge.

Les rangs ennemis s'étaient suffisamment éclaircis pour offrir à Caelen une vue plus dégagée.Désespérément,ilcherchaitsafemmeduregard.Etlorsqu'ilfinitparlatrouver,sonsangsefigeadanssesveines.

Elleaffrontaitsonpère,etcelui-cisedéfendaitaveclafougued'unhommequisentlamortproche.Contresaproprefille,ilsebattaitavecl'énergiedudésespoir.

Rionna, elle aussi, se battait vaillamment, contrant chaque attaquede son adversaire. Il paraissaitpourtantévidentquepluslecombatdurait,plussesforcesallaientens'amenuisant.

Caelensemitàcourirdanssadirection,auméprisdeladouleurquil'assaillait.IlavaitfranchilamoitiédeladistancequilesséparaitquandilrepéraDuncanCameron.

Commelecouardqu'ilétait,celui-ciétaitalléchercher refugederrièreuncordondeseshommes.Maisdésormais,nombred'entreeuxavaientpérietilseretrouvaitvulnérable.

Le côté gauche de son visage n'était plus qu'un amas de chairs boursouflées, noircies etsanguinolentes. Avec sa torche, Rionna avait fait mouche... Armé d'une dague dans une main, ilbrandissaituneépéedansl'autre.

SanslaisserletempsàCaelenderéagir,CameronvisaRionnaetlançasadaguesurelle.

—Non!hurlaCaelen.

Troptard.Cameronsavaitviser,etsonarmesefichadansl'omoplatedroitedeRionna.Ellevacilla,parvintàparerunenouvelleattaquedesonpère,puiselledutmettreungenouàterre.

Profitantdelasituation,Gregorbrandissaitsonépéeàdeuxmainspourlecoupdegrâcelorsqu'uneflèchevintlefrapperenpleinepoitrine.Caelenneseretournamêmepaspourvoirquil'avaitdécochée.SeulluiimportaitlesortdeRionna.

Une rage telle qu'il n'en avait jamais connu décupla ses forces. Hurlant le nom de Cameron, ils'élançapourlerejoindre.

Leursépéess'abattirentl'unecontrel'autredansunchocretentissant.

CaelensebattaitcommeunpossédémaisCameron,telGregoravantlui,sedémenaitcommeunbeaudiable,sentantsafinprochaine.Iln'yavaitplusaucunetraced'arroganceenlui.

Affaibli par la fièvre, le sang perdu et la férocité de la bataille, Caelen dut reculer devant sonadversaire.Lefracasmétalliquedesépéess'entrechoquantemplissaitsesoreilles.Autourdelui,l'odeurdelamorts'élevait,tenaceetécœurante.

Malgrésacouardise,ildevaitreconnaîtrequeCameronétaitunguerrierentraîné.Unenouvellefois,Caelenfutcontraintdereculersoussesassauts.

Sonépauleluifaisaitsouffrirlemartyreetl'épuisementlegagnaitpeuàpeu.Illuifallaitenterminerrapidement,souspeined'yrester.Sesfrèresétaientoccupésavecleurspropresadversairesdeleurcôté.Nulnepouvaitl'aider.

Caelen chancela sur ses jambes après avoir paré de justesse un nouveau coup. En le voyant seprépareràcontre-attaquer,Cameronélevasonarmeau-dessusdesa tête, levisage torduparun rictushaineux.Maisavantqu'ilaitpusemettreenmarche...ilsefigea,transpercéparuneépée.

Celle-ciluiavaitétéenfoncéedansledos,ressortantparleventre,lapointerougiedesonsang.Lesyeuxécarquillésparlasurprise,Cameronsentitlamortvenir,inscritesursestraits.

Ses jambescédèrent. Il tombaàgenouxsur lesol,avantdes'effondrercommeunemasse, faceenavant.

En s'écroulant, il avait révélé peu à peu, derrière lui, Rionna qui venait de lui ôter la vie. Pâlecommelamort,elles'agrippaitàlapoignéedesonépéeàdeuxmains,commesielleseulel'empêchaitencorede tomber.Danssonregard,Caelendécouvrit lamêmefixitévitreusequecellequiavaitgagnéceuxdeCameronlorsdesonderniersouffle.

—Ilneméritaitpasdemourirdansl'honneur,murmura-t-elled'unevoixàpeineaudible.Iln'enavaitpas.

Ellefitunpasenavant,vacilla,enrisquaunautre,puiss'effondraàgenouxdanslaneige.Épouvanté,Caelenneparvenaitpasàdétacherlesyeuxdusangquipoissaitsatunique.

—Rionna!s'écria-t-il.

Laissanttombersonépée,ilseprécipitaverselleetlarattrapadejustessedanssesbras.Illaserracontreluienl'inclinantsurlecôté,demanièreànepasheurterladaguequisaillaitdanssondos.

—Dieumerci!gémit-elle.Je...m'inquiétaistant.Jet'aiperdudevue...pendantlabataille.J'avaispeurque...

Elleneputendiredavantage.Sesyeux,d'habitudesivifsetlumineux,paraissaientéteints.Leurbellecouleurd'ambres'était ternie.Unegrimacededouleurpassasursonvisage.Caelenvitavecépouvantesespaupièresretomber.

D'unemaintremblante,illuicaressalajoue,leslèvres.

—Nemeurspas,Rionna!gémit-ild'unevoixbrisée.Tum'entends?Net'avisepasdemourirdansmesbras!Tuvasvivre, jetel'ordonne!Oh,Seigneur!S'il teplaît,nemeurspas.Tunepeuxpasmequitter...j'aitantbesoindetoi!

Caelencommençaàlabercertendrement,ensebalançantd'avantenarrière.Sigrandeétaitsapeinequ'ilneparvenaitplusàreprendresonsouffle.

—Jet'aime!lança-t-ildansuncri.Cen'estpasvraiquejet'aiprivéed'unepartdemoncœurquit'étaitinterdite.Toutmoncœurt'appartient,femme!Ilesttoutàtoi...Jenetel'aipasdonné:c'esttoiquimel'aspris,dèsledébut.

Il lui caressa de nouveau la joue, priant pour qu'elle ouvre les yeux. Et comme si elle avait puentendre sa prière muette, Rionna battit des paupières, même s'il était évident qu'il lui en coûtaitbeaucoup.

—Heureusedel'apprendre...cherépoux,dit-elleavecunpâlesourire.Envérité...jecommençaisàdésespérerd'entendreunjour...cesmotsquej'attendaistant.

—Siturestesavecmoi,tulesentendraschaquejour,jusqu'ànotrederniersouffle!promit-ilavecferveur.Ah,femme...Dieum'esttémoinquejeneteméritepas,maisjet'aimeàcausedeceladavantageencore,etjeneveuxpluspasserunjoursanstoi.

—Quel couple nous faisons ! eut-elle la force de s'amuser. Brisés, blessés, ensanglantés... tropfaiblespournousaider l'un l'autre.Nousallonsdevoirnous résoudreàmourirensemble ici,car jene

pourraipasteporter.

L'humourperceptibledans le tondesavoixeut raisonde lapudeurdeCaelen.Lagorgenouée, ilsentitsesyeuxs'embueretneputrienfairepourempêcherseslarmesdecouler.

—Hélas,femme...tupourraisbienêtredanslevrai.Prionspourquemesfrèressedécidentàarriveretnous transportentsurnotre litdesouffrances.Carsi tu t'imaginesque tuauras le tienpour toiseule,laisse-moitedirequetutetrompes!

—Jen'aijamaisrienvud'aussipitoyable...Qu'endis-tu,Alaric?

Caelenredressalatêteetdécouvritsesdeuxfrèresdeboutdevanteux.L'inquiétudeselisaitsurleursvisages,même si Ewan avait préféré plaisanter plutôt que de laisser sa crainte transparaître dans sesparoles.

—M'est avisque lemariageaquelquepeu ramolli notre frère, renchéritAlaric. Il a falluqu'unefaiblefemmevienneluisauverlamise.

—Viensdoncici,ettuverrassijesuisfaible!maugréaRionna.

Caelennesuts'ildevaitenrireouenpleurer.Fautedepouvoirsedécider,ilenfouitsonvisagedanslescheveuxdesafemme.Destremblementsirrépressiblessecouaientsoncorps.Ilvenaitseulementderéaliseràquelpointilavaitétéprochedelaperdre,etcombientoutrisquen'étaitpasencoreécarté.

—Commentva-t-elle?s'enquitGannon,quivenaitdelesrejoindreencourant.

—Gannon!s'exclamaRionnafaiblement.Siheureuse...quevousayezréussi.Jevousdois...toutemagratitude.Nousn'yserionspasarrivéssansvous.

ToutcommeCaelen,Gannonsemblaitéperdud'admiration,defrayeur,etd’étonnement.

—Non,milady... répondit-il. Je ne doute pas que vous et vos hommes seriez parvenus à vaincreseulslagarnisondeCameronetàramenerlelairdcheznous.

Ils'accroupitàcôtéd'elleetpoursuivit:

— En vérité, milady, je dois avouer que je n'ai jamais rencontré de femme aussi téméraire etcourageusequevous.Jevoussuisreconnaissantd'avoirsauvélaviedenotrelaird,carjemesuishabituéauxgrognementsdecetoursgrincheux.

—Oursgrincheux...répétaRionnaensouriant.C'esttoutàfaitlui.Maisàprésent,jevaistravailleràchangerça.

Unenouvellegrimacededouleurtorditsonvisage.Ewanposalamainsurl'épauledesonfrère:

—Tu vas devoir la lâcher,Caelen.LaisseAlaric la porter à l'intérieur. La bataille est terminée.Cameronestmort,et lesquelqueshommesquiluisontrestésfidèlessontenfuite.Ilfautàprésentquenousnousoccupionsdevosblessures.

—Caelen?murmuraRionna.

Ilbaissalatêtepourlaregarder,éloignantunemèchedecheveuxdesonvisage.

—Oui,femme?

Sesyeuxvaguesrencontrèrentlessiens.Elles'humectaleslèvres.

—Ilsemblequej'aieunedagueplantéedansledos.Pourrais-tul'enleverpourmoi?

33—Situnemelaissespastesoigner,tuvasmourir,etalorstuneserasplusd'aucuneutilitéàRionna

!s'exclamaEwan,aucombledel'exaspération.

Caelen rendit à son frère le regardnoirquecelui-ci lui lançait.L'impatience le faisait écumerderage.

—Tudevraisplutôtt'occuperd'elle!fulmina-t-il.C'estellequiabesoind'êtresoignéeenpriorité.Siellemeurtparcequenousrestonslàànousdisputer,jeferaideMairinuneveuve,tupeuxmecroire!

Ewansoupiralonguementavantdedécréter:

—Sijedoism'asseoirsurtoipourqu'Alaricpuissenettoyertaplaie,jen'hésiteraipasàlefaire!Plusvitetuserassoigné,plusvitenousnousoccuperonsd'elle.

Caelenproféraunebordéedejurons.

—Etsi tuétaisàmaplace? reprit-il.EtsiMairinétaità laplacedeRionna?Tu insisterais toiaussipourquel'ons'occuped'elled'abord!

—GannontientcompagnieàRionna.Ilmeferaappelers'ilabesoind'aide.Sablessureàelleesttoute fraîche. La tienne ne l'est pas et commence à suppurer. Bon sang ! Fais-toi une raison et nouspourronsenfinnousoccuperdeRionna.

CedernierargumenteutraisondelarésistancedeCaelen.Illuitardaitplusquetoutdelaretrouver.Lesouvenirdesparolesduresqu'ilavaiteuesàsonégardlorsqu'ils'étaitcrutrahilehantait.Iltenaitàtenterdeleseffacerdelamémoiredesafemme.

—Tuesbrûlant de fièvre, constataEwanquandCaelen se fut allongédansunedes chambresduchâteau.Tutefaisunsangd'encrepourRionna,maistuesplussérieusementblesséqu'elle.

—Elleestenceinte,confia-t-ilàmi-voix.Jenepensepasquetuétaisaucourant?Elleestvenuemesauveraupérildesaviealorsqu'elleportenotreenfantdanssonventre...Elleadûchevaucheràbrideabattuepourarriverici.SeigneurDieu,Ewan...çamedonneenviedepleurercommeunbébé.

—Oui,jetecomprends.MaisRionnaestunefemmesolideetellesaitcequ'elleveut.Jenelavoispasrenoncersanscombattre.Ellearemuécieletterrepourtesauver,etilnes'agissaitpasd'allercontresavolonté!QuandGannonestarrivéàNeamhAlainn,c'estquasimentunultimatumdesapartqu'ilnousadélivré,àmoietauroi.

—Elle est incomparable...murmuraCaelen. Et dire que je n'ai pas su l'apprécier pour le trésorqu'elleest!Jen'avaisqu'unechoseentête:lachangerpourlamodelerselonl'imagequejemefaisaisd'unefemmedelaird.

Ewanpouffaderire.

—J'imaginequ'ellene s'est pas laissé faire.Caelen lui répondit d'un sourire enjoué,qui se figealorsquesonfrèrecommençaànettoyersaplaie.

—Unelouveenfurie...commenta-t-ilaffectueusement.Cettefemmealefeudanslesang.Je...

Ilseretintdeconclure.Cesmots-là,c'étaitàellequ'ildevaitlesadresser.Elleavaittantcombattupourlesentendre...Et,foideHighlander,ellelesentendrait!

—Parle-moideNeamhAlainn...gémitCaelen,lesdentsserrées.

Ladouleurlesubmergeait.

—C'estl'endroitleplusmerveilleuxquej'aiejamaisvu,répondittranquillementEwan.Lechâteauaétéconstruitilyaplusd'unsiècle,maisilparaîtcommeneuf.Leshommesdurois'ensontbienoccupésdepuislamortd'Alexander.C'estunbelhéritage,pourMairinetpournotrefille.

— Les soupirants vont s'agglutiner autour d'Isabel comme des mouches, fit remarquer Caelen.Commeilsl'ontfaitpoursamère.Unbelhéritage,certes,maisaussiunelourdechargepourcettepetite.

—Ellebénéficierad'uneprotectionquesamèren'apaseue. Jusqu'à sonmariage,Mairinadûsedébrouiller seule. Je veillerai jalousement sur elle jusqu'à ce qu'elle soit apte à décider qui elle veutépouser.

LafarouchedéterminationdesonfrèrefitsourireCaelen.

—Lavoilàdoncbienarméepouraffronterl'existence.

—Oui. Elle aura tout ce que samère n'a pas eu. Jamais elle ne se sentira aussi désespérée queMairinapul'être,ouforcéedechoisirentrelemoindrededeuxmaux.

Aprèsyavoirréfléchiuninstant,Caelenajouta:

—Finalement,nousavonstouslestroisamenédesfemmesexceptionnellesauseinduclanMcCabe.Nuldoutequenousélèveronsdepetitsguerriersquibénéficierontdelavivacitéetdel'intelligencedeleursmères...Ewaneutunrireamusé.

—Tupeuxprendrelepari,eneffet.Caelengrimaçadedouleur.

—Bonsang,Ewan!gémit-ilentresesdents.Tun'aspasbientôtfini?

—Ilfautrecoudre,alorstuvasresterbientranquillementallongésansriendire.Sinon,jemechargedetefairetaire.

—Ferme-laetcontente-toid'enterminerauplusvite!Jenevoudraispasqu'elles'imaginelepireennemevoyantpasarriver.

—J'aienvoyéAlaricluidirequetumenaceslaterreentière,commed'habitude.Siellenecomprend

pasavecçaquetoutvabienpourtoi...

—Méfie-toi...jepourraismefâcher.

—Tupourraisessayer.Tuesaussifaiblequ'unchatonàl'heurequ'ilest.Mêmeavecunedaguedansledos,Rionnatriompheraitdetoi.

EntendrementionnerlenomdesafemmesuffitàramenerCaelenàdemeilleuresdispositions.

—Ellemestupéfie,Ewan!confia-t-ildansunmurmure.J'ignoremêmecommentmeconduireavecelle.Commentsurmonterlefaitqu'elleaitpurisquersaviepourmoi?

—Tuauraisfaitlamêmechosepourelle,constatasonfrère.Maiscelan'enlèverienàsesmérites.Jen'enconnaisaucunequiluiressemble.Onadûcasserlemoulequandelleestnée.LabénédictiondeDieuestsurtoi,Caelen.J'espèrequetut'enrendscompte.

—Crois-moi,jenerisquepasdel'oublier...

—Voilà!lançaenfinEwanenseredressant.Laplaieestrecousueetelleacessédesaigner.

Caelenfitunetentativepourseredresser,maisretombasurleflanc.Saforcesemblaitl'avoirquitté.Sesmusclesnerépondaientplus.Ilsesentaitsifaiblequ'ilpouvaitàpeinebougerlebras.

Enproféranttoutbasunjuron,ilfitunenouvelletentativeets'emporta:

—Maisaide-moi,bonsang!

—Jet'aideraiàallerjusqu'àlachambredeRionnasitumeprometsderesterensuitecouché.

—Jenemarchandepasquand il s'agitdeRionna, répliqua-t-il sèchement.Etdorénavant, jene laquitteraiplusd'unesemelle.

Sanss'énerver,Ewanargumentapatiemment:

—Tuesgrièvementblessé.Situnetesoignespascorrectement,c'esttaviequiestenjeu.

—Aide-moiàmelever!lançaCaelenpourtouteréponse.

Ewansecoualatêteavecdécouragementetl'aidaàsedressersursonséant.

—Jejuren'avoiraucuneidéedequellesboursestuaspujaillir!s'emporta-t-il.Onadûtedéposerdevantlechâteaualorsquetuétaisencorebébé...

Caelenserembrunitenlaissantsonfrèrel'aideràselever.LesrévélationsdeCameronconcernantleurpèreflottaientdanssonespritembrumé.Sansdoutenesaurait-iljamaiss'ilfallaitleuraccorderlemoindrecrédit.Quoiqu'ilensoit,iln'étaitpasdécidéàpartageravecsesfrèrescetteinformation.Inutiledeplanterlagraineempoisonnéedudoutedansleuresprit.Cameronn'avaitvécupendantdesdécenniesqu'aiguillonnéparledarddelahaine.Aufinal,celaneluiavaitrapportéqueledéshonneur.

—C'estterminé,Ewan...constata-t-iltandisquecelui-cil'aidaitàremonteruncouloir.Enfin,aprèshuitannées,c'enestfinidelamenacereprésentéeparCameron.Ilestmort,etaucundenoustroisn'estparvenuàluidonnerlecoupdegrâce.

—C'estvrai,reconnutsonfrère.Notrepèrepeutreposerenpaix.Ilaétévengé.

—Ilnes'agissaitpasuniquementd'unevengeance,rectifiaCaelen.Ils'agissaitderétablirlajusticeetl'équité.

Lessourcilsfroncés,Ewanluijetauncoupd'œil.

—J'aiunedetteénormeenverstafemme,dontjenepourraijamaism'acquitter.Ellen'apasfaitquetesauverlavie,elleaaussituél'hommequiafaittantdemalàmafemmeetquimenaçaitlaviedemafille.

—Ilsemblequenoussoyonsnombreuxàluidevoirbeaucoup.

Ewans'étaitarrêtédevantuneporteàlaquelleilfrappadoucement.Sansattendrederéponse,Caelenl'ouvrit.Soncœurmarquaunepauselorsqu'ildécouvritRionnaàplatventresurunlit,latêtetournéesurlecôtéetlesyeuxclos.

Gannon,assisàsonchevet,dressalamaindevantlui.

— Elle s'est évanouie il y a quelques instants, expliqua-t-il. Mais elle respire. La douleur étaitdevenuetropforte.

—Onnepeutpasluidonnerunepotion?demandaCaelen.Iln'yapasdeguérisseuse,dansceclan?Jenesupportepasqu'ellesouffreinutilement.

—Calme-toi,intervintAlaric.Tunevoudraispasl'effrayersielleseréveille,n'est-cepas?Nousavonsréussiàlaconvaincrequec'estuneblessuremineureetqu'iln'yapasàs'inquiéter.Elleestplusinquiètepourtoiquepourelle,etilvautmieuxqu'ilensoitainsi.Celaluidonneunmotifsupplémentairedesebattre.

Enluttantcontreladouleuretlafaiblessedueàlafièvre,Caelenmarchajusqu'auborddulit.

—Cettedagueestprofondémentenfoncée,Ewan...

—Oui,admitsonfrère.L'hémorragierisqued'êtreimportanteunefoisquenousl'auronsretirée.Ilnousfaudratravaillervitepourlajuguleretrecoudrelaplaie.

—C'estunebattante!constatafièrementGannon.Ellesurvivra!

Caelenne l'avait jamais vue aussi pâle.Penché au-dessusdeRionna, il serrait les poings commepourconjurersonimpuissance.

—Ya-t-ileud'autressaignements?demanda-t-ilavecappréhension.Elleestenceinte...

Alaricsecouanégativementlatête.

—Pasquejesache.Ellenes'estpasplaintededouleursauventre.Justedansledos.

—Allonge-toisurlelitavantdetomberparterre!conseillaEwan.

On frappa à la porte. Alaric et Gannon dégainèrent immédiatement leurs épées. Ce derniers'empressad'allerouvrir.Quandilsutdequiils'agissait,illaissaentrerdanslapièceunevieillefemmeauxcheveuxblancs.

— Désolée de vous déranger, laird McCabe... dit-elle. On m'a dit que vous aviez besoin d'uneguérisseuse.

Ewanlatoisasévèrementavantdedemander:

—As-tulescapacitésrequises?Piquéeauvif,lavieillardeseredressa.

—J'étaisverséedanslesartsdelaguérisonavantmêmequetupoussestonpremiercri,mongarçon!

— J'ai besoin d'une potion contre la douleur, reprit Ewan sans s'offusquer. Et d'un cataplasmecicatrisantàposersurlaplaiequandelleserarecousue.

—Oui,répondit-elleenhochantlatête.J'aitoutcela.Avez-vousbesoindemoipourrecoudre?Jesuisvieille,maismamainestsûreetn'apasfailliuneseulefoisensoixanteannéesdeservice.

—Pasquestion!intervintCaelenensetournantverssonfrère.C'esttoiquileferas.

Ewanacquiesçaetcongédialavieillefemmed'ungestedelamain.

—Vamecherchercequejet'aidemandé.Elles'éclipsasanspipermot.

—Jevaisavoirbesoind'aidepourretirercettedague,reconnutEwanengrimaçant.Ilfaudraagirviteetfairecesserl'écoulementdesang.Caelen,allonge-toifaceàelle.Sielleseréveille,celadevraitlacalmerdetedécouvrirlà.

Caelenpritappuisurlelitetselaissaglisserdoucementenpositionallongée.Ilétaitplusquetemps: ses dernières forces étaient en train de le trahir. Soulevant samain, il la plaçaderrière la nuquedeRionnaetcaressadesmèchesdecheveuxmaculéesdesangséché.

—Quandtuirasmieux,murmura-t-iltoutprèsdesonoreille,jetedonneraiunbain,commetul'asfait pourmoi.Nousprendronsplaceprès du feu, et je te brosserai les cheveux après les avoir lavés.Ensuite,jetenourriraidemapropremain.Etpuisjetelirailecontenudecesrouleauxquit'intriguent:touteslespenséesquimesontvenuesàl'espritdepuislapremièrefoisquej'aiposélesyeuxsurtoi.

Samaindérivajusqu'àlajouedeRionna,qu'iltentaenvainderéchauffersoussapaume.Elleétaitsipâle...

—Ajouteduboisdanslefeu,ordonna-t-ilàGannon.Jenevoudraispasqu'enpluselleattrapefroid.

—Tuvasplacer tesmainsdepartetd'autrede ladague,expliquaEwanàAlaric.Jeveuxque tu

appuies très fortquand je tirerai sur lemanchepour ladéloger.Dèsquecesera fait,presse tesmainsfermementenrefermantleslèvresdelaplaie.

Alaric lui fit comprendred'unhochementde têtequ'il avait compris.Caelen se rapprochaencore,jusqu'àcequeseslèvresnesoientplusqu'àunsouffledelatempedeRionna.

—Soisbrave,murmura-t-il.Aussibravequetul'asétécesdernièresheures.Jesuislà,prèsdetoi.Jenetelaisseraipas.

Quand tousdeuxfurentenplace,Ewanfitunsignede têteàAlaricpour luisignifier ledébutdesopérations.Puis,progressivement,iltirasurladague,faisantsursauterRionna.Sesyeuxs'ouvrirentd'uncoup,emplisdepanique.Ellepoussauncriettentadesedébattre.

Enfin, la lame se délogea de sa chair,maculée de sang.Alaric referma lesmains sur la plaie ens'efforçantdenepasselaisserdésarçonnerparlessoubresautsdeRionna.

Caelenfitdesonmieuxpourl'apaiser.

—Tiens-toitranquille,madouce...Nousessayonsseulementdet'aider.C'estEwan,monfrère,quivientderetirercettedaguedanstondos.

EmpoignantlatuniquedeRionnaàdeuxmains,Ewanlafenditafindedénudersondos.Envoyantlesang sourdre en abondance entre les doigts d'Alaric,Caelen ferma brièvement les yeux. Son frère dutappuyerplusfortencore,carRionnasemitàgémirdouloureusement.

Ne sachant que faire d'autre,Caelen prit lamain de sa femmedans la sienne. Il sentit ses ongless'enfoncerdanssachair.

—Çabrûle!seplaignit-elle.Oh,Seigneur!Cequeçabrûle!

—Jesais,femme...Ceserabientôtfini,jetelejure.Respirefort.Regarde-moietnepenseàriend'autre.

Lesyeuxécarquillés,égaréeparladouleuretlapanique,Rionnaluiobéit.

—Ewanestentrainderecoudrelaplaie,expliquacalmementCaelen.Jeveuxquetuteconcentressurmoi.Nepenseplusàladouleuretimaginequetutiensnotreenfantdanstesbras.

Celaparutlacalmer.Unpeudesérénitétransparutbrièvementsursonvisage.

L'heurequi suivit futpourCaelenuneépreuved'endurance.Affaiblipar sapropreblessureautantque par la fièvre, lui-même en proie à de terribles douleurs, il dut calmerRionna pour chaque pointqu'Ewan lui fit à vif dans le dos. Quand elle paraissait ne pouvoir en supporter davantage, il luiembrassaitfiévreusementlevisageetluiparlaitdeleurenfant.Quandelleétaitsurlepointdes'évanouir,illuicaressaitlajoueenluidisantqu'ill'aimait.

LorsqueenfinEwaneutterminé,Caelenperditlui-mêmeconnaissance.

Ens'écartantdulit,Ewansoupiralonguementetessuyad'unreversdemainlasueurquiperlaitàson

front.

—C'estfini,annonça-t-ild'unevoixlasse.J'aifaitdemonmieux.Àprésent,saguérisonestentrelesmainsdeDieu.

Caelenneluiréponditpas.

—Caelen?

Penchéau-dessusde lui,Ewanconstataque son frère s'était laisséglisserdans l'inconscience.Enredressantlatête,ildévisageaalternativementAlaricetGannon.

—Jesuisinquietpoureuxdeux.Leursblessuressontgravesetilsontperdubeaucoupdesang.Maisc'estCaelenquiestrestélepluslongtempssanssoins.Cettefièvreetcettesuppurationnemedisentrienquivaille.

—Qu'allons-nousfaire?demandaGannon.

—LesramenercheznousetprierpourqueDieusemontremiséricordieux.

34Rionnas'éveillaenproieàunedouleurintense.Toutsoncorpsluisemblaitmeurtri.Elles'ysentaità

l'étroit,commedansunvêtementtroppetit.Soussalangue,seslèvresétaientsèchesetcraquelées.Elleauraitdonnén'importequoipourunverred'eau.

—Ah,tuesréveillée...constataunedoucevoix.

—Seigneur!Jesuismorte,n'est-cepas?Unpetitrires'ensuivit,puis:

—Pourquoit'imagines-tuunechosepareille?

—Parcequevousavezunevoixd'ange.Rionnaparvintàentrouvrirunœil.Commentsefaisait-ilqu'unechoseaussisimplesoitaussidouloureuse?

—Keeley?s’étonna-t-elleendécouvrantlevisagedesonamiepenchésurelle.

Nonsansunecertaineconfusion,elleconstataqu'elleignoraitcomplètementoùellesetrouvait.D'uncoupd'œil,elledécouvritautourd'ellelesmursdesonanciennechambre,danslaforteressedesonclan.

—Oui,jesuislà,réponditKeeley.Commentpourrais-jenepasyêtre,alorsqueceuxquej'aimeontbesoindemestalents?

Keeleys'assitauborddulitetluitenditungobelet.

—Veux-tuboireunpeu?reprit-elle.

—S'ilmefallaitchoisir...jepréféreraisboirequerespirer.

Rionna laissa avec délice l'eau fraîche humecter ses lèvres et dévaler sa gorge. Quand elle eutterminé,elleserenfonçadansl'oreilleretfermalesyeuxpourluttercontrelanauséequimenaçaitdeluifairerendrelepeuqu'elleavaitbu.

—Pourquoisuis-jeici?demanda-t-elle.

Lefaitdenepassetrouverdanslachambrequ'ellepartageaitavecCaelenl'inquiétait.Keeleyposasamainfraîchesursonfront.

—Jevoulaispourtoiunepiècesansfenêtre.Tuesrestéebrûlantedefièvrependantdesjoursetdesjours.Jevoulaist'éviterlescourantsd'air,maisilfallaitaussiunepiècesanscheminéepourquetun'aiespastropchaud.

—Jenecomprendsrienàcequetumeracontes,avoua-t-elled'unevoixlasse.Maisjem'enfiche.

Enrouvrantlesyeux,Rionnavitquesonamieluisouriaitavecindulgence.

—OùestCaelen?questionna-t-elle soudain.C'était celaqui la tracassaitdepuis son réveil.Ellevenaitseulementdeparveniràleformuler.

—Iln'estpasencoreréveillé, réponditKeeley.Rionnaluttapourseredresseret faillit tournerdel'œilquandunedouleurinsupportableluitransperçaledos.

—Depuiscombiendetempssuis-jeallongéelà?s'enquit-elled'unevoixrauque.

Keeleyluttaitenvainpourl'inciteràserecoucher.

—Levoyagejusqu'iciadurédeuxjours,expliqua-t-elle.Etvoilàunesemainequetutedébatsaveccettefièvrequineveutpastomber.

Rionnasentitlapaniqueluibloquerlagorge.Mobilisanttoutessesforces,elleparvintàrepousserKeeleyetàselever.

—Oùest-il?demanda-t-elleenseprécipitantverslaporte.

—Oùestqui?répliquaKeeleyd'unaircontrarié.Rionna,retourneimmédiatementtecoucher!Tuestropfaiblepourteleverettuasencoredelafièvre.

—Caelen!réponditRionnaenouvrantlaporte.Oùest-il?

—Danssachambre,naturellement.Revienstoutdesuite,Rionna!Tun'asriend'autresurtoiquetachemise.

Sanstenircomptedel'avertissement,Rionnalongealecorridor,àl'extrémitéduquelelletournapourgagnerceluidanslequels'ouvraitlaportedeleurchambre.Devantcelle-ci,elletombasurGannonquimontaitlagarde,etilneparutpasravideladécouvrir.

—DouxJésus,milady!s’écria-t-ilenseprécipitantpourlareteniravantquesesjambesnecèdentsouselle.Àquoipensez-vousdonc?Quefaites-vousici?

VoyantRionnasedébattrepourluiéchapper,Keeleyvintprêtermain-forteàGannon.

—Laissez-moi tranquille!s'impatienta-t-elleenluttantdeplusbellepourse libérer.Jeveuxvoirmonmari!

Gannonselaissaattendriretluientouralesépaulesd'unbras.

—Jevouslaisseentreruninstant,dit-il.Maisilfautmepromettrequ'ensuite,vousretournerezvouscoucher.Saufvotrerespect,vousavezl'airplusmortequevive,tellequejevousvois.

—Mercibeaucoup,maugréaRionna.Onpeutdirequetusaisparlerauxfemmes,Gannon.

Résignéeàl'inévitable,Keeleyajouta:

—Jet'attendsici,Rionna.Maissiturestesdanscettechambretroplongtemps,tupeuxcomptersurmoipourvenirtechercher!

Sansdemandersonreste,Rionnas'empressad'entreretderefermerderrièreelle.

Aprèss'êtrereposéeuninstantcontrelevantail,elleeutàpeinelaforcedesetraînerjusqu'aulit.Avantquesesjambesnelatrahissent,elleseperchaaubordetposalesyeuxsurlevisagedeCaelen.Lefrontlisse,leslèvresdétendues,leteintfrais,ilsemblaitdormirenpaix.

Rionnasentitlacolèrefondresurelletelunrapacesursaproie.Ellesepenchaetluiglissadanslecreuxdel'oreille:

—Écoute-moi,chermari,etécoute-moibien!Jenetepermetspasdemourir!Pasaprèstoutcequej'aifaitpourtesauver!C'estainsiquetucomptesmemontrertagratitude?Enmourantmalgrétout,alorsquej'aitoutfaitpourempêcherça?C'estunehonte,m'entends-tu?Unehonte!

Entresesmains,ellepritsatêteetajouta,plusprèsdesonoreilleencore:

—Tuvastebattre!Jet'interdisderenoncersifacilement.Dieun'estpasprêtàt'accueillir,parcequejen'enaipasterminéavectoi...Tuvasteréveillerettuvasm'offrirlesparolesquej'attendsdepuissi longtemps !Medireque tum'aimes surun champdebataille alorsquenous sommes tous lesdeuxmourants,çanecomptepas!Tuvasdoncmedirequetum'aimesenycroyantvraiment,sinonjejuredet'enterrerenterrenonconsacréepourt'obligeràhanteravecmoicechâteaupourl'éternité!

Àsagrandestupeur,Caelenouvritlesyeuxetunmerveilleuxsouriresepeignitsurseslèvres.Danssesbeauxyeuxvertsquilafixaientavecadoration,ellevitflamberunelueurdemalicequandilchuchota:

—Jet'aime,Rionna...

Lajeunefemmesentitleslarmesdévalersesjoues.Sonsoulagementétaittelqu'illasuffoquait.Ellesesentitchanceler,etlesmainsfortesdeCaelenluiagrippèrentlesbraspourlaretenir.Lentement,illafits'allongerprèsdeluietlaserradanssesbras.

—Est-cepourçaquetumeréveillessibrutalement,femme?s'enquit-ildoucement.Pourm'extirperdesparolesquejemeursd'enviedeprononcer?Voilàdesjoursquejetelesrépète,maisj'aifiniparmelasserdelesdireàunefemmequinelesentendpas.

Rionnasereculapourledévisagersévèrement.

—Quoi!s'insurgea-t-elle.Mais...Keeleym'aditquetun'étaispasencoreréveillé.

—Ellenementaitpas,répondit-ild'untongoguenard.Ilestvraiquejen'aiacceptéquetardcettenuit d'allerme coucher, et je ne l'ai fait que parce queGannon amenacé dem'assommer.Autrement,crois-moi,jen'auraispasquittétonchevet.

Les larmes de Rionna redoublèrent. Elle se laissa glisser contre lui et se blottit amoureusementcontresontorse.

—Tun'étaisdoncpasàl'articledelamort,constata-t-elleavecsoulagement.Toutvas'arranger.Tunevaspasmourir...

—Jen'aiaucuneintentiondetequittersivite,femme.

Ils'écartapourladévisageravecinquiétudeetreprit:

—Toi,enrevanche,tunesemblespasêtreaumeilleurdetaforme.Tun'auraispasdûquittertonlit.

Ilencadrasonvisageentresesmainspourajouterdansunmurmure:

—Commecelateressemblebiendejaillirdetonlitdesouffrancepourm'exhorteràvivre!Tum'asfaitpeur,femme.Voilàdesjoursquejemerongelessangspourtoi.Jeviensdevivrelasemainelapluslonguedemonexistence.

— Je ne retournerai pas dans cette chambre, décida-t-elle d'un ton boudeur. Quand je me suisréveillée, j'aieupeurdet'avoirfâché,encoreunefois,etd'avoirétébanniedetonlit.Jeneveuxplusjamaisvivreça!

LeregarddeCaelensefitplus tendre. Ilsepoussaafinde lui fairede laplacedans le lit.Aprèsl'avoir installée plus confortablement contre lui, il referma les fourrures autour d'eux.Dans le dos deRionna, ladouleurqu'elleavaitdélibérémentoubliéesemanifestaitdenouveau.Maiscommentaurait-ellepus'ensoucier,alorsquelemariqu'elleavaitimaginépresquemortlacouvaitduregard,avectoutl'amourdumondedanslesyeux?

—Jejurequenousneseronsplusjamaisséparés!promit-ild'untonferme.Bonsang,Rionna!Tum'asfaitvieillirdedixansenunesemaine.J'étaisfoud'inquiétude,pourtoi,pourlebébé...

Soudainrattrapéeparlapanique,Rionnaécarquillalesyeuxetportalesmainsàsonventre.Enlesserrantsouslessiennes,Caelensechargeadelarassurer.

—Oui,notreenfantesttoujourslà,dit-iltoutbas.Bienàl'abridansleventredesamère.Etjenedoutepasuninstantqu'ilouelleauraautantdecourageetdedéterminationqu'elle.

—Raconte-moicequis'estpassé,luidemanda-t-elle.Toutestsifloudansmatête.Jenemerappellepasgrand-chosedecettebataille.J'aieusipeur...

Caelenrepoussasescheveuxetluiembrassalefront.

—Tuasétémagnifique,répondit-ild'unevoixchargéed'émotion.Tum'assauvélavie.Jamaisjenepourraioublierça.Tuasmenénotreclanà labataille.Tuesdevenue laplus farouchedesprincessesguerrièresquiaientjamaisexisté.

Rionnafronçalessourcilsetl'examinad'unairsuspicieux.

—Oùas-tuentenduparlerdeça?s'étonna-t-elle.Caelenluisourit.

— Pendant que nous attendions que tu te réveilles, Keeleym'a raconté vos jeux et vos rêves depetites filles. Oui, Rionna... tu es devenue ma princesse guerrière. J'ai honte, à présent, d'avoir silongtempscherchéàfairedetoiquelqu'und'autre.

Cetteconfessionluiarrachaunegrimacededépit,avantqu'iln'enchaîne:

—Maiscelanem'apasempêchédetedésirerdèslepremierjour,quandjet'aidécouvertedansceshabitsd'homme,entraindemanieruneépéeavecautantd'habiletéquen'importequelguerrier.

— Ce qui signifie que tu vas me laisser combattre à tes côtés ? demanda-t-elle en haussant unsourcil.

Caelen se pencha pour l'embrasser. Elle sentit son souffle lui caresser les lèvres avant qu'il nerépondeenfin:

—Jenetementiraipas.Monpluscherdésirestdetegarderici,sousmaprotection.Jesuismortmillefoisenteregardantprendrepartàcettebataille.Ilyavaitenmoideuxhommesauxtempéramentsopposés.Lepremierétaitsifierdetoiqu'ilauraitcriéaumondeentier:«Regardez-la!C'estmafemme!»Le secondauraitvoulu t'extraire auplusvitedecechampdebataille et tegarder à l'écartde toutdanger.Toutcequejepeuxtepromettre,c'estdeneplusmemontreraussirigideàl'avenir.Maisjenepeuxaccepternonplusquetumettes tavieenpérilcommetu l'asfait.Rionnaacquiesçad'unsignedetête.

— Il me suffit que tu m'aimes et m'acceptes telle que je suis, dit-elle en lui posant la main surl'épaule.

—Jet'aimerai.C'estlaseulepromessequejepeuxtefaire.Laseulequejepourraitenir.Jet'aimeraijusqu'àmonderniersouffle,etsansdoutemêmeaprès.Tum'étaisdestinée.Jenepeuximaginermeilleureépousequetoi.

La porte s'entrouvrit. Keeley se précipita dans la chambre, Gannon sur ses talons. Derrière eux,AlaricetEwanentrèrentaussi.

—Tuesdéjàrestéetroplongtemps!tempêtaKeeley.Ilestplusquetempsderegagnertonlit.

Caelensetournaverselleetluiditdansunsourire:

—Elleresteraici,oùestsaplace.Safièvreesttombée.

Ewantraversalapièceets'arrêtaauborddulit.

—C'estungrandsoulagementpourmoid'apprendrequevousêtesréveillée,Rionna.Jepeuxainsivousexprimermaplusprofondegratitudeavantd'allerrejoindreMairinetIsabel.

Rionnafronçalessourcilssanscomprendre.

—Elleneréalisepasencoretoutcequ'elleaaccompli,expliquaCaelenenriant.Danssonesprit,toutcequicompte,c'estqu'ellearéussiàsauverd'unemortcertainesonbonàriendemari.

—Jedoiségalementvousremercierd'avoirsauvémonfrère,ajoutal'aînédesMcCabe.Ilpeutdetempsàautreseconduireenoursmalléché,maisjen'aijamaisrencontréd'hommeplusvaleureuxetplusloyalquelui.

Toutsourire,RionnaécoutaEwanpoursuivre:

— Et même si j'aurais apprécié me charger moi-même de la besogne, je dois également vousremercier d'avoir débarrassé lemondedeDuncanCameron.La rébellion fomentéeparMalcolmest àprésent morte dans l'œuf. Il n'aura ni les ressources ni les soutiens nécessaires pour revendiquer lacouronne.Enfait,c'esttoutel'Ecossequivousestredevableaujourd'hui.

—J'aimeraispouvoirdirequej'étaismotivéepartoutcelaenplongeantmonépéedanslecorpsdeCameron,réponditRionna.Maisilestvraiquemonseulbutétaitalorsdel'empêcherdetuermonmari.

Toussemirentàrire.Caelenlaserracontreluidemanièrepossessiveetluiembrassalefront.

—Tuvasdormir,àprésent...murmura-t-il.Ici,dansmesbras,oùjevoussauraiàl'abri,toietnotrebébé.

Rionnasoupiradebonheuretfermalesyeux.

—D'accord,dit-elledansunsouffle.Celatombebien:iln'yaaucunautreendroitaumondeoùjepréféreraismetrouver.

Sansquittersafemmedesyeux,Caelenintimad'ungesteàleursvisiteursl'ordredeleslaisser.

Leregardbrouillédelarmes,Keeleyreculalentementjusqu'àlaporte.Alariclarejoignitetlaserratendrementcontrelui.

EwanetGannons'attardèrentuninstantpourjeterundernierregardauxamoureuxserrésl'uncontrel'autredanslelit.Unsourireattendris'attardaitsurleurslèvresquandilsrefermèrentfinalementlaportederrièreeux.

35—Aïe!sécriaRionna.

Enmettantenplaceunenouvelleaiguilledanssescheveux,Mairinl'avaitégratignée.Elletenditlamainpourmassersoncuirchevelu,maisKeeleyl'enempêchaenluiassenantunepetitetape.

—Aujourd'hui,ilestimportantquetonapparencesoitparfaite!assuraMairin.

—Jenevoispaspourquoi,maugréaRionna.Sileroitienttantàmeremercier,uneaudienceprivéeauraitétésuffisante.Tousceschichismerendentnerveuse.

KeeleyetMairinéchangèrentunregardentenduquecaptaRionna.

—Quesepasse-t-il,ici?s'agaça-t-elle.Quellefarcem'avez-vousencorepréparée,touteslesdeux?

Keeleylevalesyeuxauplafond.

— Nous tenons juste à ce que tu paraisses à ton avantage devant le roi. Tu sors d'une longueconvalescence. Il fait un tempsmagnifique aujourd'hui. Tu vas devoir rivaliser avec le soleil...Alorsautantmettretouslesatoutsdetoncôté.

— Tu as la langue bien pendue, dis-moi, Keeley McCabe. Mais je vois où tu veux en venir :détournermessoupçonsparlaflatterie.

Mairinsemitàrire.

—Rionna,laissez-vousfaire!lapria-t-elleens’écartantd'unpas.Etlaissez-nousvousadmirer...

Sousleregardcritiquedesesdeuxamies,Rionnapassaunemainnerveusesursonventre.KeeleyetMairin avaient retouché la taille de sa robe afin demasquer autant que possible son état. Elle devaitreconnaîtrequ'ellesavaientbientravaillé.

Letissucouleurambres'ornaitdebroderiesaufild'or.Jamaisellen'avaitrienportéd'aussiélégant,etmêmesiellerouspétaitunpeuparprincipe,ellesouhaitaitelleaussiparaîtreaussibellequepossible.Ellevoulaitqu'enladécouvrant,sonmarinepuisseposerlesyeuxailleursquesurelle.Cen'étaitnilaprésence du roi qui l'intimidait, ni celle de son clan au grand complet,mais uniquement le regard del'hommequ'elleaimait.

—C'estl'heure!annonçaMairinavecunpetitfrissond'excitation.

—L'heuredequoi?grommelaRionna,exaspérée.Vousdeux,vousmecachezdécidémentquelquechose!

Avecunsouriremystérieux,Keeleyglissasonbrassouslesienetl'entraînahorsdelachambreen

expliquant:

—Noussommescenséesteconduirejusqu'aubalconquidominelacourduchâteau.

Sans lui laisser le temps de réaliser ce qui lui arrivait, Mairin imita Keeley et toutes troisparcoururentensilencelescorridorsmenantaubalcon.

Endébouchantsurcelui-ci,Rionnadutfermerlesyeux,tantlesoleiléclatantl'éblouissait.Sachaudecaressesursapeauluiarrachaunsoupirdebien-être.Elleinspiraàfondetsegorgeadesdoucesodeursduprintemps.Celui-ciavaitfinipars'imposersurles

Highlands.Lanaturesemblaitpresséederattrapersonretarddansuneexplosiondevégétationetdecouleurs.

Ouvrantlesyeux,ellelaissasonregardcourirsurtoutleclanMcDonaldrassembléencontrebas.Surladroite,lesdeuxfrèresdeCaelenencadraientleroi,assissuruntrônedefortune,entourédesagarde.

Afindefairepartdesasurpriseàsesdeuxamies,Rionnaseretournamaisvitquecelles-cil'avaientlaisséeseule.Elle reportasonattentionsurcequi sepassaitdans lacour,à tempspourvoir sonmarivenirsepositionnerdevantlegroupedeseshommesalignés.

Maisens'immobilisant,cenefutniverseuxniversleroiqu'ilsetourna.Pivotantsursestalons,illevalatêteetdèslors,iln'eutplusd'yeuxquepourelle.Ungrandsilencesefitdanslacour.Lesmainsappuyées sur la rambarde,Rionna déglutit péniblement;, soudain nerveuse, ne sachant ce qui allait seproduire.

Alors,lavoixclaireetbientimbréedesonmaris'éleva.

—RionnaMcDonald,jemetiensaujourd'huidevanttoiparceque,endesheuresdramatiquespournotreclan,tuassurassemblerceshommespourmesauverlaviedansunemanœuvrefolleetbrillanteàlafois.Tuasrisquétavieparamourpourmoi.Jenepeuxterendrelapareillepourteprouveràquelpointjet'aime.Tum'asditplusieursfoisquetuattendaisdemoiquejeprononcelesmotsqu'iltetarded'entendre, et que je te donne cette partie demon cœur dont tu assures que je t'ai privée.Mais à cetinstant,femme,jepeuxt'assurerqu'aucunepartiedemoncœurn'ajamaisétéàl'abridetoi.

Appuyéeàlarambarde,Rionnasepenchapournerienraterdudiscourssibouleversantdesonmari.

—Non,mongesten'estpasaussigrand,reprit-il.Tuétaisprêteàsacrifierjusqu'àtavieparcequetumeconsidéraiscommetien.J'aiautrefoiscommisl'erreurdevouloirtechanger.J'aitentédetransformerunefemmeintrépideetcourageuseenladyeffacéeetpourvuedebonnesmanières.C'estuneerreurquejene commettrai plus. Et aujourd'hui, je t'offre solennellement ces paroles que tu attends depuis silongtemps.

Caelenmarquaunepause.Lesilenceétaitsicompletdanslacourqu'onauraitentenduunemouchevoler.

—Je t'aime,mafemmeadorée.Je t'aime,maprincesseguerrière !Je leproclameenprésencedemonroi,demesfrères,demonclan,denotreclan...pourquetusachesàquelpointl'hommequetuvoisdevanttoit'aimeetàquelpointilestfoudetoi.

Untonnerredevivatsetd'applaudissementsmontadelafoule.Lesguerriersbrandirentleursépées.Descrisetdessiffletsd'allégresses'élevèrent jusqu'àRionna.Lesyeuxembués,ellepressasonpoingcontresabouche,afindenepasseridiculiserenfondantenlarmes.

—Jet'aimemoiaussi,monguerrierdemari...murmura-t-elletoutbas.

Danslacourencontrebas,Caelenréclamalesilenceenlevantlesbras.

—J'aiégalementtenuàcequemafamilleetmonroisoientprésentspourrectifieruntort,déclara-t-ilensetournantcettefoisverslesmembresduclan.LesMcDonaldméritentqueleurnomseperpétue.C'estunenobleetcourageuseactionqu'ilsontaccomplieenselançantà larescoussed'unlairdquineportaitpasleurnom,auserviced'unroiquiavaitdiviséleurclan.

Lentement, il chercha de nouveau le regard de Rionna. Dans ses yeux, l'amour qu'il lui portaitsemblaitunfeudévorant.

— Désormais, reprit-il en élevant la voix, je ne répondrai plus au nom de Caelen McCabe. Acompter de ce jour, je prends avec joie et fierté celui deCaelenMcDonald ! Puisse notre clan vivrelongtemps,etpuisselesouvenirdecejouroùuneprincesseguerrièrel'amenéaucombatseperpétuerdanstouteslesmémoires!

Rionna en resta bouche bée. Un silence parfait était retombé dans la cour, où tous les guerriersobservaient leur lairdavec stupéfaction.Certaines femmesportèrent leursmainsà labouche, lesveuxécarquillés.D'autrespleuraientouvertementets'essuyaientlesyeuxavecleurstabliers.

Ewan regardait son frère avec fierté.Mairin, qui l'avait rejoint, sécha ses larmes d'un revers demain.

Remisedesastupeur,Rionnatournalestalonsetempoignasesjupes.Ellevolabienplusqu'ellenecourutàtraverslechâteaupourrejoindresonépouxdanslacour.Avantdeluisauteraucoudevanttoutlemonde,ellehésitauninstant.

—Situattendsunesecondedeplus,laprévintCaelenàmi-voix,jeteculbutesanshésitersurlesol!

Avecuncride joie,Rionnase jetadanssesbraspourunbaiserdontonparleraitauseinduclanMcDonaldpendantdesannéesencore.

Sansque leurs lèvres se séparent, il la soulevade terre et la fit tournoyer.Autour d'eux, la foules'étaitrassembléeetlesapplaudissaitàtoutrompre.EtlorsqueenfinCaelensedécidaàreposerRionnaàterre,illagardaserréecontrelui.

—Jet'aime,maprincesseguerrière,dit-ilenlafixantaufonddesyeux.Iln'yapasuneparcelledemoncœuroudemonâmequinet'appartiennepas.

—Jesuisheureusedel'entendre,CaelenMcDonald,carjesuisunefemmepossessive,etjenemesatisferaisderiend'autrequedelatotalitédetoi.

Avecunsourireradieux,Caelensepenchaversellepourl'embrasserdenouveau.

—Tuesunepetitegourmande,susurra-t-il.J'aimeça.

ÉpilogueCaelenpénétradanslachambre,sonfilsnouveau-nédanslesbras.Àquelquespasdelà,dansleur

lit,Rionnadormait,épuiséeparl'accouchement.

Prudemment, pour ne pas la réveiller, il déposa le bébé endormi près d'elle et se redressa pouradmirercequ'ilpossédaitdeplusprécieuxaumonde.

Lafête,enbas,battaitsonplein.Sesfrèresetleursfemmesavaientfaitlevoyagepoursejoindreàl'allégressegénérale.

Caelenauraitpulesrejoindresanstarder,maisilpréféraallers'installeràsonbureau.Aprèsavoirdérouléunparchemin,tailléuneplume,trempélapointedansl'encrier,ils'apprêtaàécrire.

Commeill'avaitaffirméàRionna,ilmanquaitd'éloquenceets'exprimaitsouventmieuxparécritqueparlaparole.Etencejouroùsoncœurdébordaitd'allégresse,iln'auraitputrouvermeilleurmoyenpourl'exprimer.

Enhautdelafeuille,ilinscrivitl'annéeetlejour,carcelui-ciétaitàmarquerd'unepierreblanche.

Maisc'étaitsurtoutàsafemmequ'ilpensaitencontemplantlaflammedelachandellepourchercherl'inspiration.Etlorsquecelle-cifinitparlevisiter,ilcommençaàécrirecommeunforcené.

Quandileutdéposéledernierpointaubasdeladernièrephrase,ilrépanditunvoiledesablepoursécherl'encreetrelutunedernièrefoiscequ'ilvenaitd'écrire.

Ce jourresteraà jamaisdansmamémoire.Jem'inquiétaisunpeudesavoirqueRionna luttaitpour donner naissance à notre premier enfant, mais je n'aurais pas dû m'en faire. Ma princesseguerrièrealivrécombateta triomphé,commetoujours...Jedoisreconnaîtrequecefilsqu'ellem'atendufièrementestunemerveille.Ellem'ainforméqueparcequ'ellel'avaitdécidé,ilauraitmesyeuxvertsetmescheveuxnoirs.Jen 'aipasosé lacontredire,carchacunsaitdansnotreclanquejenepeuxrienluirefuser.

Elle se repose à présent, et je ne peux m’empêcher de l'admirer en écrivant ces lignes et dem'émerveiller du miracle quelle représente. Je n'oublierai jamais ce jour où je l'ai vue pour lapremière fois : elle m'avait fasciné avec ses habits d'homme et cette épée qu'elle maniait avec ladextéritéd'unguerrierexpérimenté,unelueurdedéfiaufonddesesbeauxyeux.Elleacrulongtempsquejel'avaisprivéed'unepartiedemoncœurparcequ'uneautreyavaitplantésesgriffes.J'espèreêtre parvenu à la détromper car à la vérité, dès ce premier instant, mon cœur lui a tout entierappartenu.

Ah, femme... je pense que je t'ai toujours aimée. Pour te dire la vérité, aujourd'hui il m'estimpossibledemesouvenird'untempsoùjenet'aimaispas.

CaelenMcDonald,lairdduclanMcDonald