RSLN #6 - Le temps de l'hypercitoyen !

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REGARDS SUR LE NUMÉRIQUE DÉCEMBRE 2009 Le temps de l’hypercitoyen Web et réseaux sociaux ont ouvert en grand les portes du débat public. Une nouvelle démocratie est-elle en train de naître ? Enquête. SPÉCIAL Interview exclusive avec Howard Dean, l’artisan de la victoire de Barack Obama. < grand angle > L’entreprise à l’heure des réseaux sociaux

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Blogs, forums de discussion, réseaux sociaux… L’Homo numericus écrit, revendique, se mobilise, partage ses révoltes, ses combats, ses enthousiasmes. Depuis dix ans, Internet n’en finit plus d’élargir l’espace public. Au milieu de ce mouvement, des initiatives signent de vrais changements dans les pratiques démocratiques. Que ce soit à l’échelle des États-Unis avec l’élection de Barack Obama ou à l’échelle microlocale avec une montée en puissance des politiques participatives, quelle démocratie est en train de naître de cette nouvelle agora ? Quelles évolutions traduit-elle dans notre rapport à la chose publique ? Enquête sur l’affirmation du phénomène e-démocratique.

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numériqueDÉCeMBre 2009

Le temps de l’hypercitoyen

Web et réseaux sociaux ont ouvert en grand les portes du débat public. Une nouvelle démocratie est-elle en train de naître ? Enquête.SPÉCIAL Interview exclusive avec Howard Dean, l’artisan de la victoire de Barack Obama.

< grand angle >

L’entreprise à l’heure des réseaux sociaux

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rendez-vous

Itinéraire d’un enfant du webLouis van Proosdij, 41 ans, entrepreneur dans l’âme et passionné par l’écosystème numérique français. Il est l’instigateur de l’Open Coffee Club de Paris, un espace de rencontres entre investisseurs, créateurs de start-up et journalistes.

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L’entreprise à l’heure des réseaux sociaux

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Les technologies 2.0 font leur apparition en entreprise poussées par une jeune génération férue d’outils technologiques. Leur utilisation, encore émergente, dessine de nouvelles façons de travailler, plus collaboratives et décloisonnées.

regards sur le numériqueMagazine trimestriel gratuit

www.regardsurlenumerique.frMicrosoft France SAS au capital de 4 240 000 euros, 39 quai du Président-Roosevelt92130 Issy-les-Moulineaux

Directeur de la publication Éric BoustoullerDirecteur de la rédaction Marc MosséDirectrice déléguée Constance Parodirédactrice en chef Mélanie [email protected]

Conception éditoriale Comfluence — 34 rue du Faubourg Saint Honoré — 75008 Paris

Conception et réalisation graphiqueJBA — 2 rue des Francs-Bourgeois — 75003 Paris — [email protected] artistique Virginie Kahn

ont collaboré à ce numéroDelphine Barbier Sainte Marie, Alice Gracel, Caroline Marcelin, Alexandra de Panafieu, Anne Rivière, Marie-Laure Sers.

remerciementsFront Design, Shilpa Gupta

Photos non créditéesdroits réservés

ImprimeriePoint 44 — ZA des Nations 342 rue du Professeur-P.-Milliez 94500 Champigny-sur-MarneDocument imprimé sur papier issu de forêts gérées durablement, avec des encres végétales. Point 44 est titulaire de la marque Imprim’Vert® qui distingue les entreprises de l’industrie graphique soucieuses de la gestion environnementale de leur activité.

Les opinions exprimées dans ce magazine n’engagent que leurs auteurs et ne reflètent pas nécessairement celles de Microsoft.

Conformément à la loi « Informatique et Libertés », toute personne ne désirant plus recevoir le magazine peut en informer la rédaction ([email protected]) qui annulera immédiatement son abonnement.

Dépôt légal à parution.

Par son utilisation novatrice d’Internet et des réseaux sociaux, l’élection de Barack Obama a marqué un tournant dans l’histoire de nos démocra-ties : mobilisation militante exceptionnellement puissante et structurée, taux de participation historique, rajeunis-sement de l’électorat... Pour la première fois et avec une telle ampleur, Internet a constitué un outil révolutionnaire tant de mobilisation que de communication politique. Au-delà de ce constat, RSLN a voulu s’interroger sur les mutations que les nouvelles technologies apportaient à la vie démocratique ; mutations profondes ou d’apparence ? Le web accroît la transparence de la vie politique, accélère l’échange d’informations utiles à la décision, raccourcit le temps des réponses, renouvelle le champ des possibles faisant de cha-cun d’entre nous un expert en puissance. Une partie du débat public s’est déplacée en ligne, en sorte que le citoyen numéri-que, connecté et averti, s’exprime et s’affirme face au politique. Faut-il, pour autant, en conclure que l’e-démocratie est en marche et impose un nouveau paradigme de la vie publique ? L’échelon local donne, à cet égard, quelques indices. De nom-breuses mairies et collectivités locales organisent, sur Inter-net, le débat avec les citoyens, recueillent leurs avis et ren-dent compte de leurs actions. Conditionnant par là même une transformation du rôle de l’élu qui accepte un contrôle renforcé et continu de ses actes. Les scénarii les plus optimistes ne doi-vent cependant pas faire l’impasse sur une interrogation sim-ple : Internet permet-il aux désintéressés de la chose publique de se la réapproprier ou bien n’est-il qu’un espace d’expression supplémentaire pour les citoyens déjà engagés ? Que le web permette de réintégrer dans l’espace public tous ceux qui, tou-jours trop nombreux, manifestent leur désenchantement du politique, et ses promesses seront tenues au-delà des attentes. La rédaction [email protected]

Initiative de Microsoft France, Regards sur le numérique est un magazine trimestriel de décryptage des enjeux culturels, économiques et sociaux du numérique. Conçu comme un laboratoire d’idées ouvert à tous, il cherche à croiser les regards et les perspectives sur ce nouveau monde dans lequel nous avançons à vive allure. Le titre 3.2 (prononcer « trois point deux »), qui fait suite à 2.1, 2.2… parus de novembre 2007 à janvier 2009, est d’abord un clin d’œil aux expressions « Web 2.0 » et, désormais, « 3.0 », utilisées pour désigner les vagues d’innovations successives qui renouvellent régulièrement Internet. C’est aussi un second clin d’œil au jargon informatique utilisé pour distinguer les versions successives des logiciels.

À partir du 15 décembre, Regards sur le numérique se décline également en ligne. Au menu : un blog nourri par de nombreux contributeurs, une rubrique de débat sur des questions d’actualité, une rubrique d’art numérique, une revue du web quotidienne. Rendez-vous sur www.RSLNmag.fr !

Éditorial~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~_•

Depuis dix ans, Internet n’en finit pas d’élargir l’espace public. L’Homo numericus s’est emparé de ce tableau noir et invente un nouveau rapport entre le politique et le citoyen. enquête sur l’avènement de l’hypercitoyen.

SPÉCIAL Dans une interview exclusive, Howard Dean tire les leçons de la victoire d’obama.

5 la vie numérique en bref, l’actualité

de la société numérique

10 Panoramiques Tour du monde

de la création numérique

38 rePères Les indicateurs de 3.2

39 lu La sélection livres de 3.2

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le temps de l’hypercitoyen

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NUMÉRIQUEDÉCEMBRE 2009

Le temps de l’hypercitoyen

Web et réseaux sociaux ont ouvert en grand les portes du débat public. Une nouvelle démocratie est-elle en train de naître ? Enquête.SPÉCIAL Interview exclusive avec Howard Dean, l’artisan de la victoire de Barack Obama.

< GRAND ANGLE >

L’entreprise à l’heure des réseaux sociaux

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EA« Le télétravail représente une opportunité de création de nouveaux emplois : près de 400 000 à court terme. »

Télétravail, le travail en mobilité

A pparu tardivement en France, le télétravail reste aujourd’hui mal aimé et mal compris. Dans l’esprit de nos concitoyens, il s’appa-rente exclusivement à du travail à domicile, un mode de travail pourtant extrêmement minoritaire puisqu’il concerne moins de 1 % des salariés. En réalité, le télétravail cor-respond surtout aujourd’hui à l’exercice de

son activité professionnelle en mobilité. Le télétravailleur circule et, grâce aux nouvelles technologies, travaille en avion, dans le TGV, à son bureau ou encore à son domi-cile : en somme, c’est le travailleur de demain.

La France souffre encore d’un certain décalage. On compte 13 % de télétravailleurs en Europe et 25 % aux États-Unis contre seulement 7 % en France. Alors, pourquoi cette réticence ? En premier lieu, l’équipement tardif en matériel informatique des Français a ralenti le développement et l’apprentissage des technologies de l’information et de la communication. Notre retard tient également à un frein culturel : chefs d’entreprise et syndicats sont majoritairement peu préparés aux nouvelles formes d’organisation et de management qu’implique le télétravail et lui attribuent le risque d’une dilution des responsabilités et de moindres garanties sur les emplois. Nous sommes enfin parmi les derniers États membres de l’Union européenne à avoir retrans-crit dans le droit français l’accord-cadre européen du 16 juillet 2002 sur le télétravail.

Pourtant, avec l’essor des technologies numériques, le télétravail correspond à une évolution inéluctable et nous nous dirigeons vers une mobilité de travail accrue. Malgré les craintes que nourrissent encore à son égard les entreprises et les salariés, le télétravail, c’est indéniable, présente d’immenses avantages : en contribuant à renforcer l’équilibre vie personnelle-vie professionnelle, en réduisant les temps de trajet domi-cile-travail, en diminuant le stress, en améliorant les performances. En outre, intégré au code du travail, il offre au salarié un socle de garanties : forme de travail basée sur le volontariat, il repose sur un principe de réversibilité et doit être mis en place dans un système gagnant-gagnant pour l’employeur et l’employé.

Une personne en situation de télétravail bénéficie du même droit que les salariés en entreprise… parce que justement, c’est un salarié normal !

Pour favoriser son déploiement, rassurer les entre-prises et garantir de bonnes conditions de travail aux salariés, je suis convaincu qu’il ne faut pas laisser iso-lés les travailleurs en mobilité mais qu’il faut créer des télécentres pour les accueillir. Véritables plates-formes dédiées à la technologie et gérées par des animateurs, elles offrent au télétravailleur un bureau où il peut se « poser » à distance. De plus, l’ouverture de tels espaces se ferait prioritairement dans les régions, ce qui, combiné à un dispositif de défiscalisation et d’exonération de charges sociales ad hoc, encouragerait les entreprises à créer des postes de télétravail dans les communes rurales. Tout ceci nous place aujourd’hui face à une opportunité unique de décloisonnement des territoires ruraux et surtout de création de nouveaux emplois : près de 400 000 à court terme !

Il faut toutefois encore régler plusieurs questions essentielles : quelle responsabilité en cas d’accident du travail ? Comment configurer le lieu de travail ? Com-ment la médecine du travail peut-elle intervenir ? Nous avons donc, plus que jamais, besoin de débattre sur ce sujet : la discussion parlementaire permettra d’éclaircir notre conception actuelle du télétravail et de nous demander quelles garanties supplémentaires apporter au télétravailleur. Mais il ne faut pas perdre de temps. Au moment où se pose de manière criante la probléma-tique de l’emploi, en plein Grenelle de l’environnement, le télétravail nous propose une forme d’organisation de l’entreprise qui est pionnière. Il est temps que nous réalisions que le télétravail peut être un vivier inespéré pour la création d’emplois. ■

¦140000 c’est le nombre record de votants à la question du jour posée le 19 novembre par MSN et M6

pour le 12:45 de la chaîne, sur la qualification de la France à la Coupe du monde de football. ¦ En moyenne, 55 000 internautes, soit le plus grand nombre de votants sur un site d’information

en France, participent à ce sondage quotidien.

« Be a Martian » (« Devenez un Martien ») propose depuis peu la Nasa aux internau-tes passionnés d’astronomie. Objectif : aider l’institution à améliorer sa connaissance de la planète Mars, sur le principe du crowd-sourcing qui fait réaliser à une communauté d’individus un ensemble de petites tâches qu’un humain ou un ordinateur ne pourrait accomplir seul. Sur un site web aux allu-res de jeu vidéo, tous les mordus de l’es-pace vont ainsi pouvoir donner un sérieux coup de main aux chercheurs de la Nasa en accélérant l’analyse des millions d’ima-ges enregistrées par les différentes sondes envoyées sur la planète rouge. Deux tâches sont proposées aux volontaires. Pour la pre-mière, dont l’objectif est de cartographier la planète, les internautes doivent assembler, comme dans un puzzle, différentes photo-graphies sur un fond de carte existant pour faire correspondre les détails du relief du paysage. La seconde consiste à compter le nombre de cratères à la surface de la planète rouge pour aider à déterminer leur datation. Pour les moins minutieux, le site offre surtout l’occasion d’une jolie promenade sur Mars, à la découverte d’images et de vidéos inédites.http://beamartian.jpl.nasa.gov/

Tous Martiens !

4Le regArD De…

5LA vIe numÉrIque

4Le regArD De…

5LA vIe numÉrIque

Pierre morel-À-l’huissier_Député De la lozère

« regards sur le numérique » lance son bloGÀ partir du 15 décembre, votre magazine « Regards sur le numérique » se décline en ligne.

Laboratoire de réflexion et d’expérimentation sur les nouveaux enjeux du monde numérique, le site RSLNmag.fr vous proposera de suivre pas à pas le travail d’enquête des journalistes de l’édition papier et d’y apporter vos commentaires et contributions. Également au menu, les billets de notre rédacteur en chef web et sa revue quotidienne des meilleurs morceaux de la blogosphère, des

questions d’actualité soumises aux regards aiguisés d’un panel d’experts et de l’art numérique à profusion. rendez-vous sur www.rSLnmag.fr !

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Nom de code : projet Natal. Sortie prévue : automne 2010. Microsoft invente une nouvelle façon de jouer aux jeux vidéo, sans manette, à partir de la console Xbox.Intégrés à la console, une caméra permet la reconnais-sance faciale, un capteur de

profondeur reproduit en 3D la pièce dans laquelle se situe le joueur et un micro multicouche enregistre les voix des joueurs, en extrayant le bruit ambiant.Résultat : le joueur interagit avec son alias à l’écran, qui reproduit, de manière extrême- ment réaliste, tous ses mouve-

ments, obéissant au geste et à la voix. Le projet Natal peut même détecter les change-ments d’émotion dans la voix du joueur !Une révolution du jeu vidéo sortie tout droit des laboratoi-res de Microsoft Research de Cambridge, au Royaume-Uni.

projet natal

Quand le jeu vous projette

pÉDaGoGIe

le mélange gagnantLes élèves, dont les cours combi-nent méthodes traditionnelles et enseignement en ligne, obtiennent de meilleurs résultats que ceux qui sont cantonnés à l’un ou à l’autre. C’est le résultat d’une étude que vient de publier le ministère amé-ricain de l’Éducation.Ses auteurs, membres de SRI Inter-national (ex Stanford Research Ins-titute), ont recensé 1 132 études menées entre 1996 et 2008 sur différents programmes éducatifs américains conduits intégralement ou partiellement sur Internet, et en ont analysé dans le détail 99.

Une grande interactivitéLes élèves sous-diplômés ou adul-tes seraient les plus réceptifs à ces nouvelles méthodes mixtes d’en-seignement.Et cela d’autant plus que les outils technologiques sont véritablement intégrés à la dynamique pédago- gique (outils collaboratifs, mes-sagerie instantanée, vidéo…) et invitent les élèves à interagir avec leur professeur, au-delà de la tradi-tionnelle posture d’écoutant.

15 nouvelles DÉMarches aDMInIstratIves sur InternetS’inscrire sur les listes électorales (2 millions de personnes sont concernées chaque année), remplacer sa carte d’identité, son passeport ou son permis de conduire en cas de perte, recenser les jeunes de plus de 16 ans, ou encore faire des demandes d’allocations pour des personnes handicapées… Voilà quelques-unes des nouvelles démarches que les Français peuvent désormais faire sur Internet sur le site https://mon.service-public.fr

< les favoris de >

France info La nouvelle version du site est parfaitement réussie. La navigation y est intuitive et il est très facile de retrouver l’intégralité des chroniques de la station et l’interview de l’édition matinale. À souligner : la mise en page originale qui offre une vision panoptique de l’actualité !

“ www.franceinfo.fr

Facebook Comme de nombreux internautes, Facebook a bouleversé la manière dont je communique avec mes amis. Mais c’est également une source d’information très utile pour l’ensemble des journalistes. Je suis ainsi inscrite à un nombre incroyable de groupes, pour suivre les principaux débats d’actualité.

“ www.facebook.fr

Terres de charme Quand j’ai envie de m’évader du travail, quand le temps est trop maussade, je me rends sur le site Terres de charme. Les photographies me font instantanément voyager ; en un clic, je me retrouve aux Seychelles ou en Afrique du Sud. J’aime flâner sur ce site et préparer un voyage à l’étranger, que je ne fais, au final, jamais ! “ www.terresdecharme.com

Le web en voL’ICANN, organisme américain chargé de la régulation d’Internet, vient d’officialiser l’introduction des « noms de domaines internationalisés ». À partir de 2010, les pays pourront créer des adresses web en chinois, arabe, hindi… et plus seulement dans l’alphabet latin. Une évolution logique quand on estime que, sur 1,6 milliard d’internautes, plus de la moitié utilise un alphabet non latin.

presse en lIGne

le modèle payant revient en forcePayant, gratuit, mix des deux, la presse tradi-tionnelle tâtonne encore dans sa recherche du bon modèle économique en ligne. Après le passage au tout-gratuit des éditions web de grands titres comme le New York Times il y a deux ans, c’est désormais le modèle payant qui séduit les éditeurs.À l’instar du Wall Street Journal, l’autre titre phare et seul site payant du groupe News Cor-

poration de Rupert Murdoch, le Times vient ainsi d’annoncer que son édition Internet deviendrait payante dès le printemps 2010. Pour son rédacteur en chef James Harding, au-delà de la simple recherche de rentabilité, il s’agit avant tout de « s’attaquer à la culture du gratuit. Nous l’avons vue quasiment détruire l’industrie musicale, explique-t-il. Nous ne pouvons pas nous permettre en tant qu’entreprise ou société

que la même chose arrive pour l’information. » En France également, plusieurs titres phares de la presse se convertissent au modèle payant. Dans sa nouvelle formule web, lancée en sep-tembre dernier, Libération a ainsi enrichi son volet payant et réduit le volume des contenus gratuits. Le Figaro et L’Express réfléchiraient également à l’intégration, courant 2010, d’un espace payant sur leurs sites respectifs.

¦+30 % C’est le bond réalisé par les ventes sur Internet, en France, au troisième trimestre 2009, par rapport au troisième trimestre 2008. ¦

Source : Fédération du e-commerce et de la vente à distance (Fevad) et Médiamétrie.

6LA VIE NUMÉRIqUE

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JOURNALIStE Et CO-PRÉSENtAtRICE DU FORUM DE L’INFO, DU LUNDI AU VENDREDI DE 12H à 14H, SUR I tÉLÉ ©

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Quatorze lycées danois mènent depuis la rentrée une expé-rience pilote inédite : les élèves de dernière année de lycée peuvent se connecter à Internet pendant leurs examens.Moyennant quelques règles du jeu, toutefois. Si la communica-tion avec d’autres lycéens ou toute personne de l’extérieur est interdite, tous les sites web, en revanche, sont autorisés.Pour parer à tout risque de pla-giat, les correcteurs sont habi-

lités à rapprocher l’historique des sites consultés de la copie rendue par l’élève et, en cas de fraude, exclure ce dernier de l’établissement.Encore au stade expérimental, cette mesure devrait être géné-ralisée à l’ensemble des éco-les du pays dès 2011, si l’essai s’avère concluant.

Une évolution naturelleUne évolution naturelle dans un pays où les élèves peuvent,

depuis plus de dix ans, rendre leurs devoirs et même effectuer leurs contrôles directement sur ordinateur. « Si nous vou-lons être une école moderne et apprendre aux élèves des choses pertinentes pour leur vie, nous devons leur expliquer comment utiliser Internet », souligne, au journaliste de la BBC, Sanne Yde Schmidt, res-ponsable du projet dans l’un des établissements pilote, le lycée Greve, à Copenhague.

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Passe ton bac d’abord… sur Internet !

troIs QuestIons À MaGalI cIprIanIDirectrice d’Adage, cabinet d’études qualitatives, Magali Cipriani a mené pour Microsoft une étude sur les perceptions par les parents des pratiques numériques de leurs enfants. De cette réflexion est né le site www.cestplusnet.fr, premier guide interactif dédié aux parents.

l’e-parentalité ou une nouvelle facette du métier de parentsL’étude que vous avez dirigée montre l’ambivalence des parents face à la question des dangers associés à l’usage d’Internet.L’ambivalence se joue sur deux injonc-tions : l’impossibilité de couper son enfant de l’ouverture au monde qu’offre Internet, devenu un outil indispensable socialement ; et l’impératif de le proté-ger des dangers qui y sont associés. Des dangers dont les parents n’ont d’ailleurs qu’une vision parcellaire. Pour leur enfant de moins de 10 ans, les parents ont l’image du prédateur qui va rompre une bulle protectrice. Pour les plus de 10 ans, ils craignent, au contraire, qu’il se fasse happer par un ailleurs et soit entraîné dans des pratiques addictives. Le danger, pour eux, vient toujours de l’extérieur.

Comment réagissent-ils par rapport aux logiciels de contrôle parental ?Chez ceux qui nourrissent le plus de fantasmes à l’égard des dangers d’In-ternet, on trouve les plus « contrôlants » qui installent l’outil comme un bouclier. A l’autre bout, il y a les non-utilisateurs convaincus qui opposent un refus idéo-logique à tout frein, estimant que « c’est comme ça qu’on grandit ». La majo-rité des parents évolue entre ces deux extrêmes. On trouve les « abandonnis-tes » qui ont installé un contrôle paren-

tal mais qui y ont renoncé après des difficultés techniques de navigation et par manque d’information ; ceux qui ne sont ni utilisateurs ni réfractaires ; et les utilisateurs désimpliqués qui ont activé le contrôle parental sans en connaître les fonctionnalités précises. La majorité d’entre eux se sont déclarés intéressés mais gênés par la mise en œuvre de cet outil. Ce qui nous a amenés à nous poser la question d’un apprentissage dédié aux parents.

Justement, vous parlez de l’avènement d’une e-parentalité.Un parent qui n’a pas d’information est disqualifié. Il a du mal à imaginer les dangers réels et à amorcer un dialogue crédible avec son enfant. Nous sommes en effet la première génération à devoir tout (ré)inventer dans notre métier de parents et, notamment, avec les nou-velles technologies. Avoir accès, de la maison, au monde entier de façon quasi illimitée nous force à y intégrer une nou-velle facette. Le contrôle parental ne remplace pas leur propre vigilance. Il s’agit de trouver le bon équilibre entre la posture qui consisterait à les culpa-biliser et celle qui les transformerait en « flics ». ll faut les guider pour les rendre qualifiés. Pour cela, ils ont besoin d’être accompagnés dans l’éducation à l’e-parentalité, un nouveau versant de la parentalité.

HbO Lance la série en kiTLe webfilm est en train de gagner ses lettres de noblesse. La chaîne américaine HBO, qui produit et diffuse les séries télévisées parmi les plus innovantes du paysage audiovisuel, vient de lancer en ligne une websérie des plus prometteuses. Conçue spécialement pour Internet, HBOImagine propose une nouvelle construction narrative. Comme dans un jeu vidéo, l’internaute est invité à reconstituer la trame de la série, en navigant à travers des séquences filmées, retraçant les histoires et points de vue des personnages. Si le scénario n’est guère original (drames conjugaux, corruption, attentats…), la reconstitution de l’intrigue n’est, pour autant, pas des plus aisées. Avis aux détectives amateurs !http://hboimagine.com

Le prix Microsoft 2009 de la Royal Society et de l’Académie des Sciences, d’un montant de 250 000 euros, a été remis à Peer Bork, directeur de recherche à l’European Molecu-lar Biology Laboratory (EMBL) à Heidelberg (Allemagne).Ce prix récompense chaque année des scien-tifiques européens qui ont contribué de façon majeure aux progrès de la science grâce à l’informatique.Considéré comme un pionnier de la bio-infor-matique, Peer Bork est récompensé pour ses recherches sur les relations entre le micro-biome humain – la communauté de tous les micro-organismes qui vivent dans et autour du corps humain –, et plusieurs caractéristi-ques individuelles (l’âge, l’héritage ethnique, l’état de santé, les habitudes alimentaires, certains traits génétiques).Ses travaux ont également contribué à propo-ser une nouvelle représentation de l’arbre de la vie (cf. illustration), qui reconstitue le che-minement biologique des espèces vivantes présentes aujourd’hui sur la Terre.

peer Bork, pionnier de la bio-informatique, au firmament de la science

¦14 millions, c’est le nombre de vidéos vues pour le seul mois de septembre sur M6 Replay, le service de catch-up TV (télévision de rattrapage) de M6, qui permet

de visionner en streaming une partie des programmes diffusés dans la semaine. Le rattrapage serait-il le second souffle de la télévision ? ¦ Source : M6.

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FRONT DESIgN_SUèDECollectif de designers suédoises basées à Stockholm, Front Design propose une approche révolutionnaire de la création de meubles. Les quatre artistes dessinent dans l’air les meubles qu’elles imaginent. Grâce à des capteurs placés sur leurs mains, leurs mouvements sont alors convertis par ordinateur en un modèle numérique en trois dimensions envoyé ensuite à une machine qui le transforme en prototype de résine.Cette combinaison audacieuse de la « motion capture» et de la stéréolithographie, technique de prototypage rapide, permet aux artistes de voir prendre corps instantanément ce qu’elles ont imaginé et créé du bout des doigts. “ http://www.frontdesign.com ~~~~~~~~~ _•Distribué par Friedman Benda Gallery in New York. “ www.friedmanbenda.com

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Les 1 001 facettes de la « motion capture »~~~~~ _•La rédaction vous invite à découvrir trois déclinai-sons originales de la « motion capture », une tech-nique qui permet, grâce à des capteurs placés sur le corps humain, d’enregistrer les mouvements et de les convertir en modèle numérique. traditionnellement

utilisée pour la création animée, la « motion capture » trouve aujourd’hui des applications inattendues, de la création de meubles avec le collectif suédois Front Design aux installations interactives avec la jeune artiste indienne Shilpa Gupta.

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LA NUIT DES ENFANTS ROIS_FRANCEClassique de la science-fiction française, La Nuit des enfants rois, chef-d’œuvre de Bernard Lenteric, publié en 1981, ne pouvait connaître au cinéma qu’une adaptation révolutionnaire. Antoine Charreyron, jeune réalisateur français de courts métrages d’animation, issu de l’univers du jeu vidéo, relève le pari en transposant le livre dans un univers animé inédit, dont le décor évolue en fonction de l’état émotionnel des personnages.Pour retranscrire les attitudes et expressions de chaque comédien, le réalisateur a choisi la « motion capture ». Si cette technique a déjà été utilisée dans plusieurs films comme Le Seigneur des anneaux, Shrek ou Renaissance, Antoine Charreyron a fait ici appel à une technologie spé-cifique pour exprimer le plus finement possible les émotions du visage des personnages – un brevet a même été déposé pour la capture des mouvements de l’œil. Après avoir été enregistrés, le moindre battement de paupière, les gestes les plus subtils sont ainsi transférés sur les person-nages 3D qui se meuvent avec un réalisme incomparable. Rendez-vous dans les salles obscures à l’automne 2010 pour découvrir un nouveau genre de cinéma ! ~~~~~~~~~ _•

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< installation >

SHILPA gUPTA_INDEInvitée par le musée d’Art contemporain du Val-de-Marne, Shilpa Gupta, artiste indienne née en 1976, a conçu une œuvre interactive destinée à bousculer les réflexes contemplatifs du public.Intitulée Untitled, cette installation propose de prendre part à un jeu d’ombres et de lumières dont le spectateur devient acteur. L’action se déroule dans une salle fermée qui peut accueillir jusqu’à sept personnes. Sur un mur blanc, l’image de chacun des participants est projetée grâce à des capteurs de mouvements qui enregistrent leurs gestes et un logiciel qui les détoure. Petit à petit, le mur est également envahi d’objets divers (une corde, des instruments de musique…) sous lesquels les silhouettes du public se retrouvent enfouies. La volonté de l’artiste : symboliser de manière ludique la course à la consommation dont nous sommes à la fois acteurs et victimes.“ www.flyinthe.net/~~~~~~~~~ _•

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Blogs, forums de discussion, réseaux sociaux… L’Homo numericus écrit, revendique, se mobilise, partage ses révoltes, ses combats, ses enthousiasmes. Depuis dix ans, Internet n’en finit plus d’élargir l’espace public. Au milieu de ce mouvement, des initiatives signent de vrais changements dans les pratiques démocratiques. Que ce soit à l’échelle des États-Unis avec l’élection de Barack Obama ou à l’échelle microlocale avec une montée en puissance des politiques participatives, quelle démocratie est en train de naître de cette nouvelle agora ? Quelles évolutions traduit-elle dans notre rapport à la chose publique ? Enquête sur l’affirmation du phénomène e-démocratique.EnquêtE : AlicE GrAcEl. illustrAtions : GiAnpAolo pAGni

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4novembre 2008 : B a r a c k O b a m a devient le premier président noir des États-Unis. Histori-que, l’élection l’est à plus d’un titre. De l’avis de tous les observateurs, la cam-pa gne électorale du

nou veau président marque un tour nant dans notre vie politique. Deux millions d’activis-tes inscrits sur le site My.BarackObama.com, une présence massive sur toutes les plates-formes hyperconnectées (MSN, MySpace, Facebook*, Twitter*), des milliers de réunions de mobilisation organisées spontanément à travers les États-Unis… et, au final, 170 millions de dollars récoltés grâce aux levées de fonds sur Internet, un taux de participation record (63 %) et près de 13 millions de participants à la campa-gne. Le fantasme absolu de tout homme politique. À l’heure où les partis politiques français affûtent leurs armes sur Internet en vue de l’élection présidentielle de 2012, quelles leçons vont-ils en tirer ? Si les Amé-ricains semblent s’être réconciliés avec la politique, comment en France s’inspirer de ce grand mouvement de revitalisation démocratique ? Au-delà de l’efficacité élec-torale, Internet peut-il devenir un outil de dynamisation du lien entre les citoyens et leurs représentants ou est-ce une simple illusion de la média-sphère ? Cela favorise-

t-il l’implication de ceux qui sont déjà mobilisés ou cela permet-il à ceux qui se sont éloignés de la chose publique de se réinvestir ?

les frAnçAis conquis PAr le web 2.0

En France, depuis quelques années, on assiste à une explosion des réseaux sociaux, des forums* et des blogs*, com munément appelés web social* ou web 2.0. Aujourd’hui, il existerait environ 100 000 blogs réguliè-rement mis à jour1. Sur les deux tiers d’inter-nautes français, 58 % participent à des blogs, forums et réseaux sociaux 2. Ce qui place la France dans la moyenne européenne, mais loin derrière la Corée du Sud et les États-Unis, où respectivement 93 % et deux tiers des internautes y sont actifs 3.

Devenus des adeptes du web 2.0, les internautes français utilisent en masse ces outils pour exprimer leurs opinions, faire passer des informations et débattre en ligne. « Les conversa tions au sein du web social se dérou lent sur des médias – blogs type Skyblog, presse en ligne –, dans des zones de discussion – forums, nano-conversations de type Twitter* – ou des espaces d’interac-tion et de mobilisation – réseaux sociaux du type Facebook, MySpace, site d’échanges de vidéos tel Dailymotion, etc. », explique Anthony Hamelle, dirigeant de la société

1.Source : Linkfluence. 2. Source : ibid. 3. Source : Forrester.com

Le blog n’est pas un espace médiatique. On vient y chercher un contenu de référence pour se forger sa propre opinion.

Linkfluence, spécialisée dans le web 2.0. L’ensemble de ces outils crée un espace ouvert et collaboratif, sorte de gigantesque agora nourrie par les échanges sans cesse renouvelés de millions d’individus à travers la planète. La multiplication de ces plates-formes semble donner une audience poten-tiellement illimitée à ces voix.

Mais comment circulent les idées sur ce vaste espace ? Prenons l’exemple des blogs. « La blogalaxie marche à la socia bi-lité », explique Nicolas Vanbremeersch, ancien blogueur politique, connu sous le nom de Versac et fondateur de Spintank, une agence de communication. « Ils sont tenus par des individus qui commentent tel ou tel événement auprès d’un petit réseau. » Dans l’univers des blogs, chacun se fait une réputation, noue des amitiés ; bref, on socia-bilise. « Pour établir sa légitimité en ligne, ce qui compte, c’est également la capacité à filtrer de l’information », complète la socio-logue Sophie Pène. « Dans un monde de plus en plus complexe, poursuit-elle, être d’ac-cord ou pas ne veut plus rien dire. Il n’y a pas d’adhésion sans travail d’expertise préa lable. » Au départ,

BLOg

Site Internet rédigé comme un carnet de bord ou un journal intime (certains disent « extime »), constitué de billets agglomérés au fil du temps, souvent classés du plus récent au plus ancien.

E-gOUVERNEMENT

Désigne l’utilisation par les administrations publiques des technologies de l’information et de la communication (TIC) pour rendre les services publics plus accessibles et plus performants.

FACEBOOK

Site de réseau social créé en 2004 pour les étudiants de l’université de Harvard et étendu au grand public en 2006. En septembre 2009, il rassemblait plus de 300 millions de membres (source : Facebook).

FORUM INTERNET

Site d’échanges et de débats en ligne sur lequel les discussions prennent la forme d’un fil de courts messages à publication instantanée ou différée.

TROLL

Expression qui désigne un provocateur sur Internet, dont le but est de créer la polémique au sein des espaces de discussion en ligne en n’étant jamais d’accord, attaquant sur la forme, pratiquant le hors sujet…

TWITTER

Outil de microblogging permettant d’envoyer à son réseau des messages courts, les tweets, décrivant l’action ou la pensée du moment.

TWEETS

De l’anglais tweets signifiant gazouillis. Messages courts envoyés depuis la plate-forme Twitter (maximum 140 signes).

WEB SOCIAL OU WEB 2.0

Expression qui décrit l’évolution d’Internet vers une plus grande ouverture à l’utilisateur, qui devient actif et créateur de contenus.

WIKI

Espace de travail partagé sur lequel les contenus peuvent s’élaborer à plusieurs mains.

*Glossaire

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donc, le blog n’est pas un espace médiatique. On vient y chercher un contenu de référence pour se forger sa propre opi-nion. Au-delà d’une expertise reconnue ou d’une notoriété, on vient découvrir une vision personnelle, un regard neuf, original, complémentaire ou en réaction aux médias traditionnels.

Cet ensemble d’expertises spontanées, cette galaxie de nouveaux espaces d’infor-mations et d’échanges constituent l’épine dorsale du web influent. « Le web influent est animé par les passions et centres d’in-térêt de millions d’individus, il est doté de ses propres leaders et ne s’endort jamais », souligne Anthony Hamelle.

L’espace du web se découpe en ter-ritoires d’opinions : en France, il existe aujourd’hui 150 communautés d’intérêts différents – de l’économie au sport, en pas-sant par l’automobile ou la cosmétique. Ces communautés ne sont pas forcément reliées, ni politisées, à l’instar des milliers de blogs consacrés à la cuisine ou à la voile. Sur les 100 000 blogs actifs en France, on dénombre seulement quelques milliers de sites qui se répartissent par affinités par-

4. Source : www.observatoire-presidentielles.fr 5. http://maitre-eolas.fr/ 6. http://econoclaste.org.free.fr/dotclear/

Ces espaces d’expression innovants consacrent aujourd’hui une nouvelle forme de démocratie participative.

tisanes 4. Les internautes français privilé-gient les communautés « expertes » : 100 à 200 sites d’éditorialistes commentent les sujets du moment, certains sous l’angle du droit tel le site de Me Eolas, qui compte 15 000 visiteurs par mois 5 ; d’autres sous celui de l’économie comme les blogueurs d’Econoclaste 6.

un engAgement Politique en quelques clics

De l’avis des observateurs, Internet et ces espaces d’expression innovants consa-crent aujourd’hui une nouvelle forme de démocratie participative. D’abord, parce qu’ils baissent les droits d’entrée,

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aux États-Unis restera comme un modèle du genre. On accède aux informations publiques ou aux pro-grammes politiques comme jamais dans l’histoire tandis que les relais d’opinion se sont multipliés, notam-ment avec les blogs et les réseaux sociaux.

Nous avons assisté à ces évolu-tions sans grande surprise car cela était annoncé par les spécialistes du sujet qui ont participé au Forum mon-dial de l’e-démocratie dès l’an 2000. Notamment Phil Noble, le fondateur de PoliticsOnline, qui est venu, cha-que année, nous expliquer la révolu-tion numérique en marche. L’élection de Barack Obama a confirmé sa thèse : l’Internet a changé la politique.

quelles tendances se dessinent pour les années à venir ? Allons-nous assister à l’avènement de l’hypercitoyen ?

L’utilisation des technologies de l’information et de la communica-tion, de l’email aux réseaux sociaux comme Facebook ou Twitter, en pas-sant par le téléphone mobile, a fait ses preuves. La démocratie a pro-gressé, en renforçant la transparence des décisions politiques, l’accès aux informations et en permettant à tout citoyen de s’investir au service de ses idées. De nouvelles pratiques poli-tiques apparaissent à l’ère numéri-que.

Jamais la possibilité de s’expri-mer n’aura été si facile. L’imprimerie a permis aux gens de lire, l’Internet leur permet d’écrire. En même temps,

jamais le risque de voir la démocra-tie d’opinion dominer les débats publics n’aura été si vif. La démocra-tie d’opinion puise sa légitimité dans le nombre et s’oppose à la démocratie fondée sur une légitimité institution-nelle organisée autour de l’élection des représentants du peuple.

Les hommes politiques sont-ils élus à partir de convictions qu’ils ont su défendre ou doivent-ils faire valider en temps réel les décisions à engager ? Le citoyen devient ici le meilleur expert, son avis s’impose-t-il ? Ce sont des questions légitimes que tout citoyen doit se poser.

Au niveau plus local de votre commune, comment les rapports citoyens-élus ont-ils évolué depuis le lancement des premières initiatives de démocratie participative ?

Nous n’avons pas attendu, à Issy-les-Moulineaux, l’Internet pour faire de la démocratie participative. Nous avons mis en place, dans les années 1980, des organes de consultation représentatifs comme le conseil des jeunes, le conseil des aînés, les conseils de quartier ou le conseil éco-nomique et social.

De même, aucun projet ne voit le jour sans avoir été présenté à la popu-lation lors de réunions publiques. Le web a facilité la diffusion et le partage des informations sur nos projets. Les échanges avec la population, qu’ils soient physiques ou électroniques, restent la base de la démocratie locale. ■

La ville d’Issy-les-moulineaux vient d’organiser la dixième édition du Forum mondial de l’e-démocratie. quels enseignements pour la cyber-démocratie peut-on tirer de ces dix dernières années ?

L’actualité montre tous les jours que l’usage des TIC, de l’email à Facebook, en passant par le mobile, pèse sur les événements. De nouvel-les pratiques politiques sont appa-rues, et l’élection de Barack Obama

« Avec Internet, la démocratie a progressé en renforçant la transparence des décisions politiques »

Trois questions à… André Santini

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André Santini, ancien ministre,député des Hauts- de-Seineet maire d’Issy-les-Moulineaux.

1 ÊTRE À L’éCOUTE« Il s’agit d’une première étape essentielle. Il faut

écouter les personnes qui parlent de vous et de vos sujets sur Internet. Soyez curieux des autres et de ce qu’ils peuvent vous apporter, de leur envie de partager avec vous des remarques, des propositions, des idées. Mais gardez l’esprit lucide sur ce qu’ils disent et ce qu’ils attendent de vous en retour. Il faut aussi accepter l’échange, le dialogue, rebondir sur les commentaires que les internautes vont laisser, leur donner la preuve qu’on les

écoute. En un mot, savoir être empathique sans jamais oublier votre objectif.Cela vous aidera à définir votre stratégie online. »

2 TENIR SES PROMESSES« Rien de bien

révolutionnaire avec ce conseil ! Mais il s’agit surtout de prouver qu’on tient ses promesses. Si vous ouvrez un compte sur Twitter, il faut donner des signes tangibles que vous allez twitter à intervalles réguliers. Si vous ne le faites qu’une fois de temps en temps, vous perdez en crédibilité. »

3 ÊTRE SINCèRE« Il ne faut pas hésiter à dire qu’on n’écrit pas

l’intégralité des contenus de son blog, qu’on n’anime pas tout seul sa page Facebook. D’ailleurs, les internautes n’en attendent pas tant ! La sincérité, c’est d’expliquer qu’une équipe est à ses côtés. »

4 SE PLACER DANS UNE LOgIqUE D’APPRENTISSAgE

« L’humilité par rapport à l’outil permet d’en appréhender au fur et à mesure toutes les composantes. Vous n’êtes pas obligé de faire, dès le départ, le choix du tout-participatif.

Dans un premier temps, rendre compte de son action, mettre à la disposition des internautes les données nécessaires à la compréhension de ses décisions, c’est un très bon début ! »

5 S’INVESTIR PERSONNELLE- MENT

« Sur le web communautaire, le gain est proportionnel à l’investissement personnel. Ce qui, au final, n’est pas très compliqué. Ne pas se placer dans une logique d’émission de contenus mais devenir son propre média pour capter l’attention. Et apprendre à rendre public ce que vous faites. »

les cinq conseils AU politiqUe 2.0 déBUtAntRegards sur le numérique a demandé à nicolas Vanbremeersch, fondateur de l’agence Spintank, d’indiquer les cinq conseils clés à suivre pour tout candidat à la politique avant de se lancer dans l’aventure du web 2.0.

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3.2_regarDs sur le nuMÉrique 3.2_regarDs sur le nuMÉrique

La participation des citoyens à l’action publique contraint les élus à ne plus se cantonner à un rôle de décideur qui impose.

à savoir le coût et les efforts que nécessite la participation politique. Aupa-ravant, celle-ci, même en période élec-torale, exigeait un niveau d’engagement personnel élevé. Aujourd’hui, Internet permet de valoriser et de faire adhérer, en quelques clics et sans sortir de chez soi, une foule d’anonymes à des causes et des groupes pas forcément puissants ni connus du grand public au départ. « La cause en ligne fonctionne sur le même principe que le Téléthon, analyse Sophie Pène, elle sus-cite une mobilisation ponctuelle, pour une action collective rapide. »

Cette faculté d’adhésion accélérée est également démultipliée par les réseaux sociaux de type Facebook ou Twitter, qui permettent de créer des groupes théma-tiques auxquels on peut très facilement s’inscrire (et dont on peut tout aussi facile-ment se désinscrire), d’alerter l’ensemble des membres du groupe sur l’agenda, de structurer les actions – un outil infiniment plus pratique que les mailing-lists à l’aveu-gle. En réaction à la loi Hadopi, un véritable raz-de-marée de micro-réactions a déferlé sur le site Twitter, jusqu’à 500 tweets* par heure sur certains fils d’actualité. « Twitter, c’est l’opinion en morse », résume, ironique, Sophie Pène. « Mais du coup, les citoyens interviennent spontanément et facilement sur des débats d’actualité. »

une relAtion élu-citoyen trAnsformée

Les institutions commencent à prendre conscience de cette ébullition citoyenne en ligne et, petit à petit, elles se prêtent au jeu du participatif. La ville de Fontenay-sous-Bois a ainsi délégué aux Fontenaysiens la gestion de certains forums (faire découvrir la ville aux nouveaux habitants, compiler les bonnes adresses, etc.). Résultat : avec plus de 2 000 contributeurs réguliers, ces forums made in Fontenay sont parmi les plus populaires de France.

À Issy-les-Moulineaux, la municipa-lité, pionnière en matière d’e-démocra-tie, a lancé en janvier dernier, l’i-Folio, « le

premier réseau local de débat participatif sur Internet », pour faciliter et organiser le dialogue entre les habitants et les élus. Chaque mois, la mairie lance un appel aux contributions des citoyens sur un sujet d’actualité de la commune. Parmi le large spectre de thématiques abordées – des problématiques d’aménagement urbain aux choix budgétaires de la ville en pas-sant par les animations culturelles qu’elle organise –, ce sont les sujets qui concer-nent la vie quotidienne, qui suscitent le plus d’intérêt. La ville est engagée dans

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la Thèse deS cOmmunautéS d’intéRêtTout commence en 2001 par la publica-tion de Republic.com 1 par Cass Sunstein qui s’élève, dans son ouvrage, contre l’idée selon laquelle le web 2.0 favoriserait le débat public. Pour ce professeur de droit à Harvard, sur les forums de discussion et les blogs, les débats politiques se dérouleraient en réalité uniquement entre des person-nes dont les opinions sont voisines. On s’y regrouperait par affinités, par mimétisme.

Une thèse partagée par Jean-Louis Missika, sociologue des médias, qui parle de « multiplication des mondes propres 2 », les blogs entretenant l’illusion de parler à tous quand, au final, leurs auteurs se

parlent surtout à eux-mêmes au sein d’une bulle relativement réduite. Or, pour ce dernier, l’exposition aux points de vue contradictoires constitue « la condition sine qua non de la vie démocratique, l’ex-position à l’opinion adverse jouant un rôle de modération de sa propre opinion 3 ».

Pour Cass Sunstein, la création de ces « cocons d’information » encourage la polarisation des opinions et le durcisse-ment des positions des gens qui les com-posent, au-delà parfois même de ce qu’ils étaient prêts à penser au départ.

Sur Internet, les débats ne réunissent-ils pas que des participants dont les opinions sont proches ? Ou à l’inverse permettent-ils la rencontre des contraires ? Et si Internet favorisait l’expression des opinions extrêmes ? Autant de questions qui passionnent chercheurs français et anglo-saxons.

verS L’ATomISATIon de L’eSpace pubLic ?une chambre d’écho pOuR tOuS LeS extRémiSmeSCette radicalisation des opinions menace l’expression argumentée des points de vue contradictoires sur Internet. Les forums constitueraient le siège de guerres d’injures où les internautes défendent vio-lemment des opinions dont ils ne veulent plus démordre. Un phénomène encou-ragé, selon Sherry Turkle, sociologue et psychologue au MIT, par l’anonymat que confère Internet, qui permet de se créer une ou plusieurs identités virtuelles dis-tinctes de son identité réelle.

Il n’y a qu’à penser à la récente escalade de haine sur Internet, en janvier dernier, à la suite des affrontements à Gaza, entre pro-israéliens et pro-palestiniens – nourrie par des « commandos d’internautes » qui venaient fausser le débat en plaçant, au gré des forums, des attaques au vitriol contre les uns et les autres. Les sites de Libération, de LCI et de 20 Minutes ont même décidé de fermer leurs commentaires.

Ces mouvements extrêmes bénéfi-cient également, sur le web, d’une sur-représentation par rapport à l’état de leurs

véritables forces par ti sanes. Internet a, par exemple, facilité la large diffusion des thè-ses conspi ra tionnistes après les attentats du 11 septembre 2001.

« Faux problème » pour Isabelle Falque Pierrotin, présidente du Forum des droits sur Internet, parlant de l’idée d’un web qui offre « une garantie démocratique ». Bien sûr, « Internet propose des lieux où l’on croise des arguments, où surgit la contradiction. Mais ce ne sont pas néces-sairement des lieux qui dégagent démo-cratiquement des majorités. Le but de ces espaces n’est pas de se substituer au vote qui se déroule à l’Assemblée ».

le conTrôle du RéSeau SuR Le ROiPatrice Flichy, sociologue, résume : « Le web offre de réelles opportunités pour de nouvelles formes démocratiques, multiples et réticulaires, où le citoyen ne se contente pas d’élire ses représentants, mais où il peut débattre, surveiller et évaluer leurs actions .4 »

Un bémol tout de même aux partisans d’un web à l’image d’une agora idéa lisée : la sociologue Sophie Pène, qui propose une approche plus fine des débats se déroulant

en ligne, après avoir analysé, à l’occasion de la dernière campagne présidentielle française, près d’une centaine de blogs actifs, relève une nuance décisive. « La représentation rénovée que les blogs proposent aujourd’hui est beaucoup plus imprégnée par le modèle de la consomma-tion que par celui du débat.5 »

En clair, l’électeur devient un « con-som m’acteur » de la politique. Et la trans-parence induite par ces blogs, qui sus-cite un contrôle permanent de l’action politique, porte davantage, au final, sur la morale personnelle de l’élu (sincérité, constance, cohérence, transparence…) que sur la simple évaluation concrète de son programme. « Le mythe de la transpa-rence et la chasse à l’obscurité de l’incons-cient sont concrétisés par une myriade de citoyens contrôleurs qui renversent l’exercice de la discipline : le contrôle du roi sur le peuple se retourne en pouvoir du réseau sur le roi .6 » ■

une démarche de participation citoyenne depuis plus d’une décennie et l’i-Folio vient compléter un arsenal consultatif déjà fourni. Le conseil municipal est interactif depuis 1997. Pour permettre à tout habi-tant qui le désire de donner son avis, un panel citoyen en ligne a été créé. Géré par un institut indépendant et consulté trois à quatre fois par an sur des sujets d’intérêt local, il sert d’outil d’aide à la décision pour les élus. Depuis avril 2002, les conseils de quartier sont même élus sur Internet pour encourager à la fois

4. In « Internet, un outil de la démocratie ? »,Patrice Flichy, www.laviedesidees.fr, 14 janvier 2008. 5. In « Bloguer la politique », Sophie Pène, Communication & langages no 151, mars 2007.6. Ibid.

1. Princeton University Press, Princeton, 2001. Une nouvelle version mise à jour intitulée Republic.com 2.0 a été publiée en 2007. 2. La Fin de la télévision, Seuil, 2006. 3. Ibid.

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22LE tEMPS DE L’HyPERCItOyEN LE tEMPS DE L’HyPERCItOyEN

23LE PHÉNOMÈNE E-DÉMOCRAtIE

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La paROLe à tOuS aux ulis« Depuis 2008, la démocratie participa-tive a été placée au cœur du mandat de la nouvelle administration dirigée par Maud Olivier », explique Patrice Pierre, directeur adjoint à la Communication de la Mairie. « Avec la web TV des Ulis, l’idée est que tout le monde puisse don-ner son opinion, les contents comme les mécontents, et agir concrètement sur la vie de la cité. » Chiche ! La web TV recueille, via des micros-trottoirs, l’avis des habitants « même si ça ne plaît pas toujours à la municipalité », précise Patrice Pierre. Car, il s’agit ici de chasser la langue de bois et de donner la libre parole aux Ulissiens. « C’est une condi-tion sine qua non pour faire fonctionner la démocratie participative. »

Chaque mois, le site Internet de la Mairie accueille d’ailleurs plus de 15 000 nouveaux visiteurs et la web TV serait en huitième position des pages les plus consultées. « Un score non négli-geable pour une ville de 25 000 habi-tants », note Benoît Godefert, en charge du développement au service informati-que de la Mairie. ■ CAROLINE MARCELIN

éPinal à L’aVant-gaRdeEn 1997, dès son arrivée à la Mairie d’Épinal, Michel Heinrich crée une délé-gation à la communication multimédia, et décide qu’il faut « devancer l’arrivée des nouvelles technologies ». Dix ans plus tard, le bilan de la Ville est éloquent. En matière d’e-administration, plus

d’une démarche sur deux (fiche d’état civil, certificat de naissance, etc.) est faite sur Internet. Le service de l’état civil s’est même doté d’un logiciel mai-son. « Certes, en raison d’un dispositif juridique, la dématérialisation de la pro-cédure n’est pas totale », reconnaît le maire, « l’envoi des demandes ne peut encore se faire que par la poste. Mais elle est en bonne voie. »

En matière d’e-gouvernance, le site de la Mairie a ouvert un « Portail des quartiers » pour permettre aux mem-bres des comités d’intérêt, ces conseils de quartier qui fédèrent les habitants, de débattre de toutes les questions de démocratie locale, des besoins en équipement à la gestion des travaux de voirie. En outre, aujourd’hui, tous les comptes rendus des conseils munici-paux sont en ligne et les citoyens sont invités à réagir. « Il existe une vraie dif-férence entre l’email et le courrier », note à ce propos Michel Heinrich. « L’email est souvent plus agressif, car il résulte d’une réaction spontanée. Du coup, il nous donne une bonne idée du niveau de passion suscitée par telle ou telle question. » Prochaine étape : connecter toute la ville d’Épinal au très haut débit. Un pas de plus vers le tout-numérique. ■ ALICE gRACEL

bruGes : deS éLuS cOnnectéS en peRmanenceBruges, près de Bordeaux, n’a cessé de s’agrandir au cours des dix dernières

Sur LA voIe Du numÉrIqueLes Ulis, Épinal et Bruges, trois cités qui se sont mises à l’heure numérique avec un seul impératif : le service rendu à leurs administrés.

années. La présence d’une zone de fret international et l’actuelle concrétisation d’une zone d’aménagement concerté ont contribué à son expansion territo-riale et démographique (+ 2 500 habi-tants en trois ans).

Les services de la Ville se sont alors retrouvés disséminés sur des sites éloignés, ce qui a considérable ment compliqué leur communication et leur efficacité. « Le premier objectif a donc été de raccorder ces sites entre eux par

la mise en place d’un réseau Intranet », explique Pierre Traverso, directeur des services informatiques de la Mairie.

Créé il y a trois ans, il a notamment permis de fédérer les répertoires bureau-tiques et a ouvert des passerelles entre les services. Chacun des 400 agents de la Mairie accède désormais, en tout lieu, à l’ensemble de ses outils personnels via sa boîte mail et son téléphone mobile. À titre d’exemple, quand Bernard Seu-rot, le maire de la ville, est en Espagne

pour un comité de jumelage, il reçoit, en temps réel les messages et demandes de rendez-vous.

Partout où il se trouve, il reste ainsi connecté avec son administration et les citoyens de sa commune. « Tout cela peut ,de prime abord, avoir un petit côté gadget mais, en réalité, ces outils sont essentiels. Ils permettent de mieux travailler au service des administrés », conclut Pierre Traverso. ■

CAROLINE MARCELIN

les candidatures et la participation. Six ans plus tard, les résultats sont au ren-dez-vous. Le dernier scrutin, organisé en décembre 2008, a mobilisé 16 % d’électeurs supplémentaires par rapport aux précé-dentes élections en 2005. 71 % des inscrits ont d’ailleurs participé au vote, contre 61 % trois ans plus tôt.

Participer, faire participer : c’est tout l’enjeu de la démocratie de proximité qui se pose avec l’e-gouvernance. Les élus ont bien compris que les TIC s’imposent comme le meilleur moyen de rendre compte de leur action et d’évoluer vers plus de transpa-rence. Mettre en ligne l’ordre du jour du conseil municipal, par exemple, génère ins-tantanément une montagne de mails de la part de citoyens pressés de s’exprimer. « L’interactivité est un choix politique, qui implique une action conjointe avec les citoyens », souligne Florence Durand- Tornare, déléguée de l’association Villes Internet. « Les élus doivent désormais en tenir compte et structurer l’interactivité autour de leur prise de décision, notamment du suivi de la politique publique locale. » C’est la relation élu-citoyen qui s’en trouve transformée. La participation des uns à l’ac-tion publique contraint les autres à ne plus se cantonner à un rôle de décideur qui impose. Pour Sophie Pène, il faut y voir le symptôme d’une crise de la représentation : « Les électeurs demandent que les élus res-tent dans un dialogue continu avec eux et agissent en interagissant. La confiance n’est plus une délé gation. Elle repose sur la preuve négociée au jour le jour que le projet politique se remodèle en phase avec le point de vue des électeurs 7. »

Une nouvelle dynamique perceptible sur le terrain le plus modeste de la démo cra tie : dans les conseils de quartier, l’ordre du jour est mis en ligne, la réunion se fait en direct sur un écran interactif et, à l’issue du débat, la décision est inscrite de manière collec-tive. Le web permet de

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7. In « Bloguer la politique », Communication & Langages no 151, mars 2007.

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« Le web devient une permanence virtuelle où l’on discute, où l’on s’organise en réseau. »Nicolas VaNbremeersch, foNdateur de spiNtaNk.

>>> fixer et de tracer ce débat : on marque des temps d’arrêt, on rouvre la discussion, on évolue, on change d’avis… Conséquence logique,« aujourd’hui, à la suite d’une déci-sion publique dans un conseil municipal, les citoyens ont les moyens de suivre sa mise en œuvre, voire d’imposer une forme de coaction », s’enthousiasme Florence Durand-Tornare.

un citoyen mieux informé et Plus offensif

Illustration de cette nouvelle e-démocratie ? En 2003, l’Atrébatie, une communauté de communes du Nord-Pas-de-Calais, a lancé un projet d’installation d’éoliennes. Malgré l’organisation de réunions avec les habi-tants pour les associer à la prise de décision, le projet a rencontré de vives résistances de la population locale. La collectivité a donc créé une nouvelle série de dix ateliers, précédés de la mise en ligne d’un dossier complet, reprenant les enjeux du débat, avec les arguments des pour et des contre. L’objectif était de permettre aux gens de réfléchir aux questions qu’ils souhaitaient voir abordées, de sélectionner et hiérarchi-ser les enjeux et, surtout, de continuer de débattre. Un pari osé mais gagnant. Les habitants des villages les plus éloignés et ceux qui n’avaient pas l’habitude de pren-dre la parole ont fini par se prendre au jeu. Résultat : le projet initial a été modifié en fonction de leurs remarques, les éoliennes n’ont pas été placées au même endroit et tournent sur des timings ajustés.

« Avec Internet, analyse Florence Durand-Tornare, chaque citoyen peut

désormais forger son opinion à partir d’un dossier complet où il puisera les divers points de vue (élus, experts, associations…) et la confronter à celle de ses concitoyens avec un niveau égal de connaissance pour peser sur les décisions. On retrouve bien là le rôle initial du politique qui n’est pas de créer du consensus mais de gérer le dis-sensus. »

vers un nouveAu PArAdigme de lA vie Politique ?

On parle ainsi d’un « avant » et d’un « après » l’élection d’Obama comme si la vie démo-cratique se réinventait. Aux États-Unis, la campagne du nouveau président a en effet marqué un tournant décisif. Conscient de l’immense pouvoir de mobilisation du web, Barack Obama en a fait l’épine dorsale de sa campagne électorale. « Cela nous a appris une chose, résume Nicolas Vanbremeersch, on peut mobiliser des milliers de militants et leur passer des ordres, à condition d’opter pour une approche personnalisée, d’utiliser chacun selon son profil. »

Sur le site MyBO.com, chaque militant pouvait ainsi choisir, en fonction de ses envies et de ses compétences, les outils dont il avait besoin pour mener la campagne sur le terrain. Chacun était même encouragé à valoriser ses « exploits » : « J’ai passé 200 coups de fil en quatre jours ! », pouvait-on lire sur le site. La logique d’émulation a été pous-sée à son paroxysme. Dans le même temps, le Parti démocrate a largement encouragé l’autonomie des militants, au détriment d’un encadrement plus classique. « Il n’y a qu’à penser au cas d’Adam Barr, qui a monté le groupe pro-Obama de Washington, s’en-thousiasme Nicolas Vanbremeersch. À 24 ans, il a coordonné l’action militante de 25 000 personnes alors qu’il n’avait qu’un contact limité avec le siège ! »

La campagne de Barack Obama a donc inauguré un système ouvert, où les mili-tants se mobilisent à la carte, plutôt que d’adhérer en bloc. Et elle a permis à chaque électeur, à chaque militant de croire que la victoire s’était construite grâce à lui.

Depuis son arrivée à la Maison-Blanche, Obama continue sur sa lancée : « Il a réussi à transformer ses 13 millions de partici-pants à la campagne en militants actifs, en lançant Organizing for America », un site aussi célèbre que le précédent, souligne Olivier Ferrand, directeur de la mission Terra Nova, qui a analysé la campagne américaine 8.

Des millions de sympathisants sur les-quels Barack Obama s’est de nouveau appuyé pour convaincre du bien-fondé de sa réforme de l’assurance-maladie. Barack Obama et Joe Biden ont ainsi lancé, le 20 octobre dernier, sur la plate-forme Orga-nizing for America, une campagne de mobi-lisation pour encourager leurs partisans à téléphoner aux membres du Congrès et pousser ceux-ci à voter pour le projet. Comme pour la campagne électorale, tou-tes les informations pratiques destinées à faciliter le travail des sympathisants ont été mises en ligne. On y retrouve le nom et les coordonnées téléphoniques de leurs repré-sentants et de leurs sénateurs en saisissant tout simplement un code postal ; une fois l’appel passé, ils informent le site, ce qui permet de suivre la progression de l’action. Résultat : plus de 330 000 appels passés les premières 24 heures.

les PArtis Politiques frAnçAis PréPArent le terrAin Pour 2012

En France, « les partis politiques commen-cent à comprendre qu’il faut se rapprocher des pratiques sociales en ligne des indivi-dus », analyse Nicolas Vanbremeersch. En vue de l’élection présidentielle de 2012, ils affûtent leurs armes sur Internet et tentent d’adapter le modèle MyBO. Cela donne Les Créateurs de possibles pour l’UMP, la Coopol pour le Parti socialiste, Lesdémocrates.fr pour le Modem.

À l’instar de celle de 2004 aux États-Unis, la campagne

8. Pour consulter l’intégralité du rapport d’analyse de la mission Terra Nova : www.tnova.fr

Suite page 28 >>>

26LE tEMPS DE L’HyPERCItOyEN LE tEMPS DE L’HyPERCItOyEN

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Page 15: RSLN #6 - Le temps de l'hypercitoyen !

3.2_regarDs sur le nuMÉrique 3.2_regarDs sur le nuMÉrique

En dix ans, ce bourg de 3 500 habitants est devenu une référence européenne en matière d’e-gouvernance et d’e-administration. Portrait d’une ville résolument tournée vers l’avenir. reportage : alice gracel.

Jun La démOcRatie VeRSiOn digitaLe

< idees d'ailleurs >c’est une ville aux faux airs

de paradis. Un petit bourg à taille humaine, perché

sur des coteaux plantés d’oliviers, avec les cimes de la Sierra Nevada à l’horizon et Grenade à ses pieds. Pourtant, Jun ne s’est pas contenté de prospérer tranquillement, com me d’autres banlieues satellites de la ville de l’Alhambra. Depuis dix ans, cette petite municipalité s’est transformée en modèle européen, voire mondial, en matière d’e-démocratie.

L’homme par qui cette métamor-phose est arrivée, c’est José Antonio Rodríguez Salas, un quadragénaire hyperactif, au physique de jeune pre-mier, maire de la ville depuis 1999. Dès son élection, il n’a qu’une idée en tête : garantir à ses administrés le droit à Internet pour tous. À son équipe municipale, il fixe un but à atteindre de toute urgence : optimi-ser l’efficacité administrative.

Deux ans plus tard à peine, en juin 2001, celui que ses administrés n’appellent déjà plus que « José Antonio » organise sa première assemblée plénière de la mairie via Internet. Les détracteurs du jeune maire crient à la propagande et au gadget. Mais les habitants de Jun adorent, suivent et participent. Dans la foulée, la mairie met en place une technologie, baptisée PoliciaNet, qui a instantanément remporté un franc succès. Ce système permet en effet aux citoyens de signaler à la police, par email et SMS, tout incident de voirie ou encore de stationnement que les autorités s’engagent à résou-dre en moins de 24 heures.

En 2004, à l’occasion des élec-tions nationales, la municipalité met en place un système de signa-tures électroniques à la confiden-tialité totalement garantie. Les habitants peuvent voter en ligne et depuis leur téléphone portable. Plus de 600 citoyens optent pour cette méthode, et le niveau de participation aux élections bat tous les records. José Antonio Rodriguez savoure sa victoire. Il a atteint son but : créer une « télédémocratie active, qui puisse garantir aux citoyens un contrôle sur l’évolution de la démocratie locale, en diminuant les intermédiaires et en augmentant l’efficacité ».

À l’écoute des Administrés

Aujourd’hui, la ville de Jun s’est impo-sée comme une référence en matière d’e-démocratie. Elle s’est dotée d’un centre de plus de 80 ordinateurs en libre accès, et le wifi est accessible dans les moindres recoins de la ville. Les habitants peuvent consulter, sur le site de la Mairie, l’intégralité des déci-sions prises par l’équipe municipale. Ils ont d’ailleurs pris l’habitude de dialo-guer avec les élus, qui ont l’obligation de répondre dans les 24 heures à toute pétition déposée via Internet. Chaque citoyen peut également s’abonner à un système d’alertes par SMS en choi-sissant parmi cinq niveaux, du niveau 1 pour les catastrophes naturelles au niveau 5 pour les dernières actualités de l’emploi dans la région.

Dans la gestion des démarches quotidiennes des habitants de la ville, les progrès sont impressionnants.

Le maire a reçu le prix national du meilleur blog de l’année, qui a récompensé de longues années d’efforts, de dialogue et de transparence.

À titre d’exemple, l’intégralité des dossiers médicaux des 3 500 citoyens de Jun a été numérisée et l’ordon-nance électronique est devenue la norme. Résultat : la fréquentation des centres de soin a chuté de 40 % parce que les patients n’ont plus besoin de se déplacer pour un simple renouvel-lement de prescriptions.

une exPérience en voie d’exPortAtion

Quelles sont les prochaines étapes en 2009 pour Jun ? D’abord, la mise en place du projet européen Global Cities Dialogue, dont le principe repose sur l’idée que les Villes ont un rôle à jouer dans la société de l’information. Proches des citoyens, réactives à leurs préoccupations, elles sont le premier maillon de l’e-démocratie de demain. L’initiative promeut ainsi le dialogue entre les habitants de villes innovantes en matière de démocratie participative, comme Issy-les-Moulineaux, Milan Segrate ou encore Helsinki.

En mars dernier, José Antonio Rodríguez Salas a également reçu le prix national du meilleur blog de l’année, qui a récompensé de lon-gues années d’efforts de dialogue et de transparence. En ligne, il affiche d’ailleurs sa grande fierté : « Nom-breux sont ceux qui ont taxé notre manière de gouverner de populiste, nombreux sont ceux qui nous ont tout simplement ignorés. Mais je vous dis une chose : aujourd’hui, à Jun, nous subissons peut-être la crise économique, mais jamais nous ne connaîtrons la crise des idées. » ■

en savoir plus“www.granadablogs. com/joseantonio rodriguezsalas/

>>> présidentielle française de 2007 a servi de cyber-laboratoire. Sur Désirs d’ave-nir, Ségolène Royal revendiquait la partici-pation – chacun étant invité à « construire » son projet pour la France. Résultat : 100 000 à 150 000 personnes mobilisées… Mais une vraie difficulté à transformer les sympathi-sants en militants.

Sarkozy.fr, plutôt traditionnel, propo-sait une vitrine politique qui s’adressait à son cœur de cible, plus âgé. En revanche, ses supporters recevaient chaque jour des consignes pour organiser l’action militante en ligne : poster un commentaire sur tel forum, transmettre une vidéo etc. Web-par-tage d’un côté, web-combat de l’autre.

l’enjeu : recruter des militAnts

Aujourd’hui, le Parti socialiste et l’UMP expérimentent deux projets communautai-res d’inspiration différente. Avec les Créa-teurs de possibles, l’UMP souhaite encou-rager l’implication de chacun dans la vie politique, en lui fournissant les outils pour le faire (comment organiser un groupe de discussion, planifier des réunions, envoyer des courriers aux élus, rédiger et faire signer une pétition…). L’objectif ? Rassembler une base de sympathisants et les transformer le moment venu en militants. A contrario, le Parti socialiste propose avec la Coopol d’organiser la vie militante et de faciliter les débats au sein des différentes fédéra-tions et sections du Parti. L’ouverture hors des frontières étant prévue dans un second temps.

Les partis l’ont bien compris : « Le web n’est plus un simple média de com-munication politique, souligne Nicolas Vanbremeersch. Il devient un espace public, une permanence virtuelle où l’on discute, où l’on s’organise en réseau. À terme, c’est ici qu’on ira puiser des mili-tants, et qu’on les autonomisera dans leur rapport au militantisme. »

La France à l’heure de l’e-démocratie ? « Il y a une aspiration des Français à parti-ciper plus directement à la vie politique »,

note Isabelle Falque Pierrotin, présidente du Forum des droits sur Internet. « Mais notre pays est marqué par une tradition étatiste forte, qui impose un fonctionnement hiérar-chique et vertical. »

Pourtant, l’heure est à la négociation. « Les TIC offrent au citoyen des moyens d’évasion à la contrainte publique consi-dérables », insiste encore Isabelle Falque Pierrotin, qui estime que « les décideurs sont obligés d’écouter, et d’ajuster la décision. Malgré les réticences, il faudra qu’on s’y mette » !

vers une Autre forme de démocrAtie ?

Est-ce l’avènement de nouvelles pratiques du débat public ? « C’est excellent pour la démocratie, analyse Olivier Ferrand, de Terra Nova. Chacun peut devenir acteur de la politique. J’ai été élu à la mairie de Thuir dans les Pyrénées-Orientales. On est de plus en plus sous le contrôle de l’électorat, le rôle de l’élu se transforme. Plus qu’un décideur, l’élu devient un responsable de la mise en œuvre. »

Serions-nous donc en train de marcher à grands pas vers une autre forme de démo-cratie ? Certains en sont déjà convaincus. « La démocratie représentative corres-pond à un moment nécessaire de notre histoire politique, explique Olivier Ferrand. Aujourd’hui, la population a gagné en matu-rité. Elle veut participer directement et ne plus simplement déléguer. »

La question est de savoir si la montée en puissance de l’expertise partagée et d’une capacité de décryptage citoyenne toujours plus grande, soutenues par une myriade d’outils technologiques, peut recréer une agora athénienne à l’échelle d’un pays, une nouvelle forme de démocratie continue. Ou bien de savoir si cela renforcera seulement les moyens d’expression de ceux qui sont déjà les mieux insérés dans les sociabilités classiques.

Un premier rendez-vous dans moins de trois ans, rien à l’échelle de l’homme, une galaxie à l’échelle d’Internet. ■

28LE tEMPS DE L’HyPERCItOyEN_idées d’ailleurs idées d’ailleurs_LE tEMPS DE L’HyPERCItOyEN

29

MER MÉDITERRANÉE

OCÉAN ATLANTIQUE

MADRIDSARAGOSSE

BARCELONE

VALENCE

CARTHAGÈNEMALAGA

SÉVILLE

TANGER

GRENADE

ESPAGNE

PORTUGAL FRANCE

Page 16: RSLN #6 - Le temps de l'hypercitoyen !

3.2_regarDs sur le nuMÉrique 3.2_regarDs sur le nuMÉrique

« Internet est l’invention la plus bénéfique pour la démocratie depuis l’imprimerie »

c’est durant la campagne présidentielle américaine de 2004 qu’est apparu le pouvoir d’internet pour la première fois. howard dean, candidat aux primaires démocrates, a été le premier homme politique à utiliser le web pour battre le rappel de ses troupes et lever des fonds. Aujourd’hui, ce pionnier de l’e-démocratie est considéré comme un des architectes de la victoire de barack obama. Pour regards sur le numérique, il revient sur le succès de cette campagne.

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en 2004, vous avez été le premier homme politique à donner à Internet un rôle central dans une campagne électorale. Comment cette idée vous est-elle venue ?

En réalité, je n’ai fait que m’approprier un outil incroyablement innovant. En 2004, j’ai commencé ma campagne pour les primaires démocrates dans un État, le Vermont, d’à peine 600 000 habitants et avec 160 000 dol-lars sur mon compte en banque. Autant dire une misère selon les standards américains. En revanche, le message que je faisais pas-ser était très puissant : « Chacun d’entre vous compte et, ensemble, nous pouvons faire changer ce pays. » Alors, les gens ont commencé à s’organiser à travers tous les États-Unis, grâce à un outil – Meet Up – qui permettait d’organiser virtuellement des réu-nions et d’échanger des informations.

Dans mon équipe, nous avons observé de très près cette mobilisation et nous avons compris qu’Internet était appelé à jouer un rôle croissant et à fédérer en ligne les idées et les volontés. Ensuite, tout ce que nous avons eu à faire, c’était de centraliser les

HowArD DeAn, pRéSident éméRite du paRti démOcRate améRicain

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informations et les bonnes volontés – et de les transformer en réseau national. Le voilà, notre véritable outil de campagne ! En tant que candidat, je n’aurais pas pu me passer de cette base exceptionnelle.

Pourquoi avez-vous échoué, là où Barack obama a réussi ?

C’est une question complexe. Pour com-mencer, nous étions en avance sur notre temps : une grande partie des idées que nous défendions à l’époque, comme le retrait des troupes américaines d’Irak, n’étaient pas majoritairement partagées aux États-Unis. Ensuite, entre les deux campagnes, sont apparus les réseaux sociaux – et Barack Obama a su les utiliser avec brio. Vous savez, à l’époque, en 2003, nous avions embauché Joe Rospars pour qu’il s’occupe de notre stratégie en ligne et de nos militants. Un an plus tard, il nous quittait pour créer Blue State Digital, une célèbre entreprise de conseil en stratégie en ligne… puisqu’Obama a fait appel à ses services pour les primaires en 2008 ! Enfin, en 2004, seulement 20 % des moins de 35 ans avaient voté.

Or, en quatre ans, toute l’équation politi-que a été chamboulée : en 2008, il y a eu plus d’électeurs de moins de 35 ans que d’élec-teurs de plus de 65 ans. Barack Obama s’est imposé comme le candidat de sa généra-tion, une génération multiculturelle, une génération qui cherche le consensus, et non pas la contestation – comme la génération de 1968. C’est le John F. Kennedy des jeunes d’aujourd’hui. Dernier point : il faut l’avouer, le candidat Obama était bien plus discipliné que nous ! Sa campagne était sans conteste l’une des mieux organisées qu’on ait vues aux États-Unis.

Comment Barack obama compte-t-il utiliser Internet et les réseaux sociaux pendant son mandat ?

L’équipe d’Obama les utilise déjà très, très efficacement. Notamment pour met-tre en place, organiser et faire évoluer leur plate-forme de militants. Ils mobilisent les réseaux sociaux pour influencer le Congrès et ça, c’est fondamental aujourd’hui. Je pense que le Parti démocrate va devenir un parti beaucoup plus puissant, parce qu’il

a compris qu’il ne suffit plus de parler de politique pour être élu aujourd’hui.

Il s’agit surtout de défi-nir, avec les électeurs, com-ment on s’apprête à gou-verner. Qu’ils soient partie prenante du processus de décision, concrètement.

Comment imaginez-vous l’avenir de l’e-démocratie ?

Je ne pense pas pouvoir vous répondre. Rappelez-vous que Facebook n’existait pas il y a seulement quatre ans et pensez au rôle crucial que ce site a joué dans la victoire de Barack Obama ! À mon avis, seuls quelques cerveaux de la Silicon Valley ou quelques étudiants dans nos universités sont capa-bles de dire quelle sera la prochaine grande innovation.

En revanche, ce que je peux vous dire avec certitude, c’est qu’Internet va devenir de plus en plus puissant. C’est l’invention la plus bénéfique pour la démocratie depuis

celle de l’impri merie de Gütenberg, il y a plus de 500 ans. Et tout comme l’imprimerie, elle permet aux gens qui n’ont norma-lement pas d’accès à l’in-formation de pouvoir l’ob-tenir et s’en servir.

Ce sont les régimes dictatoriaux qui doivent s’en méfier le plus, d’ail-leurs : il n’y a pas qu’aux États-Unis ou en France

que l’on peut pousser le gouvernement au changement. Des pays comme la Chine ou l’Iran sont confrontés aujourd’hui à un dilemme : s’ils régentent Internet et s’ils n’autorisent pas un certain degré de liberté, ils vont freiner la croissance de leur écono-mie. Ils doivent donc choisir entre se moderniser, et donner plus de pouvoir aux citoyens, ou se résigner à rester des pays en voie de développement ad vitam aeter-nam. Imaginez les conséquences de l’ex-pansion d’Internet pour nos démocraties ! ■ PROPOS RECUEILLIS PAR MéLANIE DABOUDET

30LE tEMPS DE L’HyPERCItOyEN

howArd deAn en quelques dAtes

• 1978-1991 : exerce la profession de médecin dans le Vermont

• 1986 : élu gouverneur adjoint du Vermont

• 1991-2003 : gouverneur du Vermont

• 2004 : candidat aux primaires démocrates des élections présidentielles américaines

• 2005-2009 : président du parti démocrate américain

« il ne suffit plus de parler de politique pour être élu, il faut définir avec les électeurs comment on s’apprête à gouverner. »

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3.2_regarDs sur le nuMÉrique 3.2_regarDs sur le nuMÉrique

largement adoptées par le grand public, les technologies 2.0 font leur apparition en entreprise poussées par une jeune génération férue d‘outils technologiques. leur utilisation, encore émergente, dessine de nouvelles façons de travailler, plus collaboratives et décloisonnées.reportage : mathilde Vallée. photographies : bruNo clergue.

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réseaux sociaux, blogs, messagerie instan-tanée…, les outils 2.0, massivement adoptés par les internautes, font aujourd’hui leur appa-rition en entreprise, encouragés par les employés qui les utilisent régulièrement à leur domicile. C’est ce que révèle une enquête menée à l’ini-tiative de Microsoft par quatre instituts d’étu-des qui ont travaillé sur « La référence des usa-ges en entreprise1 ». L’étude consistait à faire l’analyse des usages professionnels des tech-nologies de l’information et de la communica-

1. Commandée par Microsoft France, cette étude apporte une cartographie complète des usages des TIC dans le monde professionnel en France quels que soient les types d’organisation, leur taille et les catégories professionnelles. Elle a été réalisée, sur une période de dix mois, de septem-bre 2008 à juin 2009, auprès d’un échantillon de 1 011 per-sonnes utilisant un ordinateur au travail et nourrie de quatre étapes complémentaires, res pec tivement dirigées par les sociétés Eranos, Added Value, Ifop et BearingPoint. Les résultats sont dispo nibles sur le site www.aucentre-desusages.com (rubrique « Café des usages »). 2. Espaces de travail partagés.

tion. L’émergence dans le monde professionnel de moyens de communiquer plus informels n’est pas anodine, loin de là. Les nouveaux usa-ges qui apparaissent transforment les modes opératoires au sein de l’entreprise, vers plus de collaboration et moins de hiérarchisation. Même si la percée est encore timide, le phéno-mène préfigure un changement radical.

nouveAux outils, nouveAux usAges

L’étude permet de dresser une véritable car-tographie des usages professionnels de ces nouvelles technologies. Près de la moitié de la population active, soit près de 12 millions de per-

sonnes, travaille désormais sur un ordinateur. Au quotidien, les outils les plus utilisés sont sans surprise le téléphone (97 % des personnes interrogées), l’e-mail (96 %), les moteurs de recherche Internet (93 %) ou encore le traite-ment de texte (89 %). Sous la pression de ce qui se passe déjà dans des foyers bien équipés et celle de la nouvelle génération, pétrie de culture 2.0, les messageries instantanées, réseaux sociaux, blogs et autres wikis2 intè-grent peu à peu le monde de l’entreprise. Déjà 36 % des salariés déclarent utiliser les

< generation tecHno >~~~~~~~~~~~~~~~~ _•

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douze millions de personnes, soit près de la moitié de la population active française, travaillent sur ordinateur.

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grAnD AngLe32 33

GRAND ANGLE

l’entreprise à l’heure des réseaux sociauxl’entreprise à l’heure des réseaux sociaux

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3.2_regarDs sur le nuMÉrique 3.2_regarDs sur le nuMÉrique

mes sa geries instantanées souvent ou de temps en temps, 16 % d’entre eux un réseau social, 13 % un blog, 11 % des wikis.

Même si leur usage reste minoritaire, la tendance semble lancée. Désormais, pour s’informer, de plus en plus de salariés, parmi les plus jeunes, choisissent de s’abonner aux flux RSS de blogs ou à des fils d’actualité sur Twitter et délaissent l’Intranet de leur entre-prise, « devenu obsolète » d’après Michaël Eude, d’Added Value, responsable du volet qualitatif de l’étude : « On n’y trouve d’ailleurs souvent plus que quelques petites annonces et des for-mulaires de RTT. »

Pour le sociologue Stéphane Hugon, de la société Eranos, « le développement des outils 2.0 a surtout révélé un changement de culture

lié à l’arrivée sur le marché de l’emploi d’une génération qui a un tout autre rapport à l’entre-prise ». Cette génération, née avec les nouvelles technologies, n’entend pas renoncer à ses habi-tudes numériques en entreprise et veut pouvoir accéder aux outils dont elle se sert chez elle. Les responsables informatiques interrogés par le cabinet Added Value constatent à l’unisson : « Ils veulent tous des écrans plats comme à la maison », « ils utilisent des softs qui viennent du web, tout ce qui est réseau social », « ils sont avec leur casque de MP3, en train d’envoyer des SMS, de passer des coups de fil, de checker leur Facebook tout en travaillant ».

Or, une fois passé le seuil de l’entreprise, il est fréquent de se trouver privé des nouveaux outils technologiques. Craignant la diffusion

d’informations confidentielles, ou par peur d’un empiétement de la sphère personnelle sur la sphère professionnelle, « certaines entreprises ferment les accès à Internet ou n’autorisent les employés à se connecter qu’à certaines heures. Quelques banques proscrivent même l’usage de l’e-mail par leurs conseillers, souligne Michaël Eude. Mais la majorité d’entre elles ont plutôt tendance à être techno-passives : elles ne contrôlent pas vraiment l’usage des outils comme les blogs ou les wikis mais ne consa-crent pas pour autant un budget à leur déve-loppement ».

Seule une minorité d’entreprises a engagé une démarche proactive, structurant tout ou partie de son activité autour de ces outils par-ticipatifs (cf. ci-dessus, notre reportage chez Nordaq Fresh, à Aix-en-Provence).

l’Arrivée du « ludens »

Le changement que les entreprises connais-sent aujourd’hui, Eranos le décrit comme le passage de l’Homo faber à l’Homo ludens. Le

faber, autrement dit le sachant, le méthodique, celui qui valorise l’expertise, le faire et le tra-vail individuel. A contrario, le ludens, associé à la figure de l’apprenant, de l’intuitif, est « très présent d’une façon générale chez les moins de 30 ans », précise Stéphane Hugon, et se réalise dans la relation à autrui. Les logiques collabo-ratives lui sont totalement naturelles.

Le ludens pousse à leur adoption au sein de l’entreprise, obligeant les organisations à s’adapter, à mettre l’accent sur le travail collectif et l’horizontalité des échanges, à décloisonner davantage les services et les hiérarchies. Parce que, pour la génération de ludens, la dimension collaborative est perçue comme une véritable source d’enrichissement des compétences pro-fessionnelles et d’optimisation du lien social.

de lA collAborAtion À lA cooPérAtion

Au sein des différents usages collaboratifs, on assiste au développement de la coopération, c’est-à-dire l’élaboration d’un contenu avec

des personnes aux expertises différentes des siennes. Favorisée par l’arrivée conjointe en entreprise des outils 2.0 et des ludens, elle est appelée à se développer de plus en plus dans les années à venir.

Aujourd’hui, seuls 7 % des salariés sont concernés par un mode de travail en coopé-ration tous les jours ou presque, soit environ 800 000 personnes. Dilution des responsabi-lités, perte de contrôle, problème de sécurité informatique ou encore crainte de se faire voler ses idées…, de nombreux freins dans l’entre-prise subsistent encore. « Il est donc essentiel de mettre en œuvre un accompagnement au changement, conclut Michaël Eude. Car les outils 2.0 permettent de favoriser la cohésion d’équipe sans forcément organiser de réunion,

de développer les idées en créant un espace de communauté de travail en ligne, d’améliorer la circulation de l’information et la transpa-rence. »

Le travail collaboratif constitue pour l’entreprise une opportunité, non seulement d’optimiser les ressources (données, connais-sances, expertises…) en les partageant, mais aussi d’innover en favorisant les échanges entre personnes qui n’en avaient pas l’habitude et de générer ainsi des idées nouvelles.

Cette façon inédite de travailler va, on l’aura compris, à l’encontre d’un système d’organi-sation humaine cloisonné, fortement hiérar-chisé, aux frontières marquées. Elle plaide pour l’ouverture, le partage, la mixité, la fluidité. Une image du monde de demain ? ■

36 % des salariés utilisent souvent ou de temps en temps les messageries instantanées.

7 % des salariés, soit 800 000 personnes en france, travaillent en mode coopératif.

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34 35GRAND ANGLEGRAND ANGLE

Le CHoIx D’une orgAnISATIon SouPLeNordaq Fresh propose aux restaurateurs de fabri-quer, au sein de leur établissement, de l’eau de boisson à partir de l’eau de ville. Pour commerciali-ser l’eau Fresh, Jean-Matthieu de Rigaud, directeur fondateur, a fait le choix d’une organisation éclatée : le siège social est à Aix, les commerciaux et les sous-traitants techniques sont répartis sur l’ensem-ble du territoire. Pour animer toutes ces équipes, les coordonner et assurer une bonne diffusion de l’information, l’entreprise a misé sur une solution collaborative qui offre une plate-forme de travail commune à tous les partenaires de l’entreprise : les collaborateurs bien sûr mais aussi les sous-traitants et, à terme, les clients.

mAnAger DeS ÉquIPeS ÉCLATÉeSAvec l’aide d’Hommes & Process, cabinet de conseil qui accompa-gne les entreprises et les administrations dans tous les aspects liés au travail collaboratif, Nordaq Fresh a choisi de mettre en place une plate-forme technologique spécifique pour faciliter le travail en équipe et le management des collaborateurs répar-tis sur l’ensemble du territoire. Travail à plusieurs mains sur un même document, partage des agendas, forum d’échanges ou encore messagerie instantanée sont quelques-unes des caractéristiques de l’outil qui ont convaincu Jean-Matthieu de Rigaud. « Désormais, je sais qui est connecté, qui fait quoi, qui lit mes messages ; je peux gérer en quelques clics entre 20 et 30 interlocuteurs internes et externes. »

PLuS D’AuTonomIe, PLuS De TemPSPour Jean-Matthieu de Rigaud, « la plate-forme collaborative que nous avons mise en place permet à la fois une grande liberté et un gain de temps précieux ». Une grande liberté puisque les col-laborateurs gèrent leur emploi du temps, peuvent travailler à distance tout en étant suivis sur la plate-forme. Un gain de temps précieux car tous les documents sont archivés et partagés sur la plate-forme et qu’il est possible pour tous de les modifier en ligne. Un espace sécurisé est dédié aux commerciaux, sur lequel sont hébergés leur reporting d’acti-vité, le suivi technique de leurs dossiers, leurs feuilles de salaire, notes de frais ou encore calculs de primes.

REPORTAGE

nordaq Fresh, le choix du 100 % collaboratifCréé il y a deux ans, à Aix-en-Provence, Nordaq Fresh est une start-up de cinq salariés, en pleine expansion dans le secteur de l’hôtellerie- restauration. Son directeur fondateur a tout misé sur le collaboratif.

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36renDez-vouS

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41 ans, Louis van Proosdij a passé plus de la moitié de sa vie à créer dans l’univers du numérique. Il se définit d’ailleurs comme « un enfant de la toute première génération ». Celle qui, en France, découvre les ordina-teurs à la fin des années 1970, les tout pre-miers réseaux au début des années 1980,

le Minitel en 1982 ; celle qui voit s’ouvrir à elle « l’infini des possibles » lorsqu’Internet déferle sur les ordina-teurs, en 1993. Happé par cet univers, il montera en une vingtaine d’années deux entreprises, l’une spécialisée dans le jeu vidéo, et l’autre, actuellement en plein essor, qui propose de révolutionner la télévision numérique. Il accompagnera l’entrée en Bourse d’une troisième société, et aidera plusieurs start-up à bien se lancer dans l’arène. Mémoire vivante du numérique français, il fait partie de ces personnes qui maîtrisent parfaitement les technologies qu’ils ont vu naître et qu’ils réussissent toujours à anticiper.

L’Open Coffee Club, bouillon de culture webFort de son expérience, il décide en mars 2007 de lancer l’Open Coffee Club de Paris, un lieu de rencontres informelles, « véritable bouillon de culture web », qui réunit créateurs de start-up, investisseurs et journalis-tes. « C’est un concept pur, une unité de temps et de lieu. L’idée est qu’un entrepreneur puisse rencontrer un investisseur sans transpirer d’angoisse », explique-t-il. Aujourd’hui, l’Open Coffee Club compte plus d’un millier de membres. Chaque jeudi de 10 h 00 à 12 h 30,

À entre 20 et 80 personnes se retrouvent au café Elgi, rue Saint-Marc à Paris, pour discuter « projets ». Lorsqu’on évoque cette initiative, il s’empresse de rappeler que l’idée fut d’abord lancée à Londres en février 2007, qu’il n’a fait que la transposer à Paris, qu’aujourd’hui, le mouvement vit de lui-même, qu’il n’est pas aussi pré-sent qu’il le souhaiterait…

Louis van Proosdij n’aime pas se mettre en avant. Il le dit d’ailleurs sans détour : « Je ne cherche pas à être visible. » Il laisse volontiers la place à d’autres membres du club qui, à son sens, sont plus doués que lui pour représenter le monde du numérique. Louis, pour sa part, se contente de « contribuer modestement à l’éco-système ». À son sens, il est impératif de multiplier les initiatives qui permettront d’instaurer un climat favo-rable à la création, d’encourager, en France, la diffusion d’une « culture d’amorçage des jeunes pousses », qui fait encore défaut. Car d’un côté les investisseurs, plutôt frileux, ne jouent pas toujours le jeu ; de l’autre, les systèmes de financement publics s’avèrent com-plexes et difficilement accessibles. Grâce à l’Open Coffee, plusieurs jeunes créatifs ont réussi à tenter leur chance sur le marché.

Depuis octobre 2008, le concept s’est par ailleurs associé au programme BizSpark de Microsoft. Ce der-nier offre à n’importe quelle start-up, y compris non structurée, un accès gratuit à l’ensemble des logiciels de développement et de production de l’entreprise, lui ouvre les portes d’un réseau de partenaires (business angels, incubateurs…) et lui donne plus de visibilité

grâce à son inscription sur un portail mondial. Louis ne cache pas son enthousiasme : « C’est un système hyper innovant et très intelligent. On est en train de revivre ce qu’on a vécu au tout début d’Internet, lorsque rien n’était encore structuré. Avec de tels outils, tout devient possible pour les jeunes créatifs. »

Du bricolage au web-entrepreuriatCar c’est précisément la façon dont les gens s’approprient les nouvelles technologies pour donner libre cours à leur imagination qui, aujourd’hui, l’étonne encore dans l’uni-vers du numérique. « Jeune, j’aurais rêvé accéder à un tel programme », poursuit-il. Dès l’âge de 12 ans, fasciné par l’électronique, il passait son temps à « bidouiller » : « Je m’achetais des transistors, des fers à souder, des plaques et de l’acide pour fabriquer des circuits imprimés. » Fils unique, il s’inventait, seul dans son coin, des jeux et des mondes imaginaires. C’est d’ailleurs à cet esprit ludique qu’il doit son envie d’entreprendre : « Les entrepreneurs sont en réalité de grands enfants », affirme-t-il. En 1985, à 17 ans, il envisage de créer un nouveau service Minitel dédié aux utilisateurs de Mac. Il voit alors dans l’informati-que l’échappatoire à l’ennui profond dans lequel l’école l’a toujours plongé. Mais ses parents mettent un coup d’arrêt à l’euphorie créatrice et lui assènent de « passer son bac d’abord ». Se pliant à leurs exigences, il tente d’entrer dans une classe préparatoire pour intégrer une école d’ingénieurs. Mais il est rejeté. En cause : sa tétraplégie survenue à l’âge de 16 ans, à la suite d’un accident.

C’est seulement à cette étape de son parcours que Louis évoque son handicap. Pour le reste, il semble le relé-guer à un simple élément constitutif de sa vie, sans jamais lui accorder ouvertement une place centrale. Et lorsqu’on s’étonne de sa combativité, il répond : « Je n’avais pas le

choix. De toute façon, dans pareil cas, soit on arrête tout, soit on s’en sert pour avancer. »

Il montera finalement sa première entreprise, Brain-storm Software après trois années de fac de sciences. L’aventure durera huit ans au cours desquels il dévelop-pera des logiciels et des jeux vidéo et travaillera, entre autres, pour Infogrames, Disney et Apple. Il choisira de rester à l’écart de la bulle Internet tout au long de l’année 1998. « Nous étions en plein Far West financier et je trou-vais ce phénomène assez malsain. J’en ai donc profité pour me ressourcer », explique-t-il.

En 2003, après avoir siégé au directoire de Cryo Networks, l’une des premières sociétés françaises à se positionner sur le marché de la 3D en ligne, il prendra de nouveau une année sabbatique pour imaginer le concept sur lequel il s’investit aujourd’hui à 100 % avec quatre autres personnes : Fair Play Interactive TV. Il s’agit d’une plate-forme de diffusion audiovisuelle, sur IPTV1, qui permet aux professionnels de créer des chaînes de télévision 100 % personnalisées, s’adaptant aux goûts et à l’humeur de chaque spectateur qui « peut se balader dans le contenu de la chaîne » avec la télécommande de sa box ADSL ou câble. L’idée est tout simplement géniale et démonstration faite, le pilote fonctionne à merveille. Malgré un climat économique, pour l’heure, peu favo-rable à l’investissement, il reste optimiste quant aux chances de leur produit qui a déjà séduit trois opérateurs du marché. Et de conclure, avec un large sourire, que l’enjeu en vaut déjà la chandelle puisqu’il est avant tout question de vivre « une formidable aventure humaine ». ■ CAROLINE MARCELIN

ITInÉrAIreD’un enFAnT Du weB

louis vAn Proosdij, 41 ans, entrepreneur dans l’âme et passionné par l’écosystème numérique français. il est l’instigateur de l’Open coffee club de paris, un espace de rencontres entre investisseurs, créateurs de start-up et journalistes.< portrait >~~~~~~~~~~~~~~~~ _•

1. Par IPTV, Internet Protocol Television, on entend la diffusion de programmes télévisés via les réseaux de télécommunication utilisant le protocole Internet.

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en quelques dAtes

1967 : naissance à Paris

1989-1997 : président-directeur général de Brainstorm Software

1998 : année sabbatique et business angel

1999-2002 : directeur de production et membre du Comité de direction de Cryo Networks

2003-2007 : consultant indépendant

Mars 2007 : lancement de l’Open Coffee Club de Paris

Depuis 2008 : président-directeur général de Fair Play Interactive TV

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3.2_regarDs sur le nuMÉrique 3.2_regarDs sur le nuMÉrique

0 20 40 60 80 100

0 20 40 60 80 100

� ÉQUIPÉS D'UN ORDINATEUR

PART DES FOYERS FRANÇAIS

� DISPOSANT D'UN APPAREIL PHOTO NUMÉRIQUE

� DISPOSANT D'UN ACCÈS INTERNET

� DISPOSANT D'UNE CONNEXION INTERNET HAUT DÉBIT

� DISPOSANT D'UN LECTEUR MP3/MP4 PORTABLE

� UTILISANT LA TECHNOLOGIE DE VOIX SUR IP

� DISPOSANT D'UNE CONSOLE DE JEUX VIDÉO DE SALON

2e trimestre 2008 2e trimestre 2009

Source : La Référence des Équipements Multimédia, GfK-Médiamétrie, 2e trimestre 2009

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Hommes femmes 11-15 ans 16-24 ans 25-34 ans 35-49 ans 50-64 ans 65 ans et plus CSP+ CSP- Retraités Étudiants

Profil des internautes* français

La pénétration d'Internet par profil

3e trimestre 2006 3e trimestre 2007

PAR SEXE PAR ÂGEPAR CATÉGORIE SOCIO-PROFESSIONNELLE

Source : Observatoire des usages de l'internet, Médiamétrie, septembre 2007

*On considère comme «internaute» toute personne de plus de 11 ans s'étant connectée au moins une fois au cours du dernier mois.

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Profil des internautes* français

Hommes femmes

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PAR CATÉGORIES SOCIAUX-PROFESSIONNELLES

3e trimestre 2006 3e trimestre 2007 Source : Observatoire des usages de l'internet, Médiamétrie, septembre 2007

*On considère comme «internaute» toute personne de plus de 11 ans s'étant connectée au moins une fois au cours du dernier mois.

CSP+ CSP-11-15 ans 16-24 ans 25-34 ans 35-49 ans 50-64 ans 65 ans et plusHommes Femmes

2e trimestre 2008 2e trimestre 2009

Source : L'Observatoire des Usages Internet, Médiamétrie, 2e trimestre 2009

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Au deuxième trimestre 2009, 62,5 % des Français sont des internautes.*

L’équipement numérique des foyers français

Près de 16,5 millions de foyers français disposent désormais d’un accès à Internet (+17 % en un an). La pénétration du haut débit se poursuit également à un rythme soutenu et concerne 57 % des foyers, soit une croissance de 17 % par rapport au deuxième trimestre 2008. Avec plus 11,7 millions de foyers qui l’utilisent, la téléphonie sur IP connaît la progression la plus forte (+29 % par rapport à l’année dernière).

Les deux tiers des foyers français sont désormais équipés d’un ordinateur.

* On considère comme « internaute » toute personne de plus de 11 ans s’étant connectée au moins une fois au cours du dernier mois.

PROSPECtIVE

Tu vIenS ?un appeL à La cO-cOnStRuctiOn pOLitique

« T u viens ? » est avant tout un exercice de prospective politi-que. En abordant les thèmes qui lui sont chers, l’écologie, la place des femmes en politique, l’évolution de la société avec

les nouvelles technologies, Nathalie Kosciusko-Morizet, secrétaire d’État à l’Économie numérique, dessine les contours du monde de demain et aborde les défis auxquels il devra faire face : les conséquences de la crise économique actuelle, la conversion écologique de la société, les questions soulevées par l’adoption massive des nouvelles technologies (fracture numérique, identité numérique, gouvernance d’Internet…). « Tu viens ? » est une invitation à la réflexion, à la construction collective d’un futur dans lequel la « rencontre [de l’écologie et du numérique] est la clé de notre avenir industriel ». Pour y parvenir, l’auteure revalorise le rôle des prophètes et encourage le lecteur à identifier les « crapauds fous » – expression empruntée à Pierre de la Coste, spécialiste des nouvelles technologies et notamment co-fondateur de la fête de l’Internet –, pour désigner ceux qui sortent des sentiers battus et qui pourraient montrer de nouveaux chemins innovants à suivre.Mais l’originalité de l’ouvrage tient surtout à l’invite que l’auteure adresse à l’ensemble de ses lecteurs : poursuivre la construction de l’ouvrage en ligne sur le site Internet www.tuviens.fr, ouvert jusqu’à la fin du mois de février 2010, avec la promesse suivante : « Les contributions les plus riches seront rassemblées dans un nouvel ouvrage, collectif. Nous aurons alors écrit ensemble le premier livre politique web 2.0. »

Nathalie Kosciusko-Morizet, Tu viens ?, gallimard, 175 pages, 12,90 €

L’OpiniOn pubLique en RéSeauRédigé à la manière d’un billet de blog, « De la démocratie numérique » est un parcours éclairé à travers la nébuleuse des réseaux sociaux, blogs et autres forums de discussion qui composent la nouvelle dimension de l’espace

public. Nicolas Vanbremeersch, l’un des pionniers du blog politique en France, y livre en praticien son analyse de ce web social « poumon d’Internet », disposant de ses propres codes, hébergeant de nouveaux modes de circulation des idées et des informations, extension en ligne de l’espace public. quelles conséquences pour l’expression démocratique et le débat public ?

Assiste-t-on à l’émergence du citoyen numérique ? Comment les partis politiques vont-ils s’adapter à cette nouvelle donne ? L’auteur aborde toutes ces questions d’un point de vue à la fois théorique, en livrant une synthèse instructive des débats d’idées sur le sujet, et empirique à travers nombre d’exemples concrets. Un précis complet et accessible pour faire le tour du sujet.Nicolas Vanbremeersch, De la démocratie numérique, Seuil, 104 pages, 14 €

dicO du webÇa a l’air tout bête, un glossaire du web, mais comme les idées les plus simples sont souvent les meilleures, voici un petit format poche qui recense tous les mots de cette novlangue, celle utilisée par les jeunes, les technophiles et les professionnels des réseaux. On y trouve de tout : des classiques « ADSL », « jeu vidéo » ou « wifi »

aux expressions pour initiés telles que « Anything, anytime, anywhere, any device » (« tout ce que je veux, à n’importe quelle heure, où je veux et sur n’importe quel appareil »), nouvel impératif catégorique des générations portées par le numérique, ou encore « hulu » (plateforme américaine de contenus vidéos qui compte 35 millions de visiteurs par mois) et autre « widget ». Une petite bible pour devenir bilingue en numérique avec le risque, selon l’aveu même de l’auteur Eric Scherer, directeur de la stratégie et des relations extérieures à l’AFP, qu’elle devienne obsolète dès sa publication, tant la révolution numérique ne cesse de se renouveler.Eric Scherer, La Révolution numérique, glossaire, Dalloz, 195 pages, 3 €

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POUR QUE LES « ENFANTS DU NET » RESTENT DES ENFANTS

DONNONS À NOS ENFANTS LES BONS GESTES POUR APPRIVOISER LE WEB

Parce que la sécurité des enfants sur Internet est une préoccu-pation majeure des parents, Microsoft France a réuni l’ensemble des acteurs de la protection de l’enfance pour réfl échir avec eux à un outil de prévention effi cace.

Fruit de ce travail, le site CestPlusNet.fr a été conçu spécialement à l’attention des parents. Il leur offre des parcours de formation interactifs et ludiques, couvrant tous les usages numériques des « enfants du Net » (surf, jeux vidéo en ligne, chat, blogs, email, etc.), pour leur donner les bons réfl exes de prévention et leur apprendre à éviter les risques.www.cestplusnet.fr

FAITES LE POINT SUR LA VIE NUMÉRIQUE DE VOS ENFANTS

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* Laugh Out Loud : Mort de rire.

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