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LA REVUE DU PRATICIEN VOL. 6020 janvier 201014

CHONDROCALCINOSELa chondrocalcinose articulaire se définit par la présence au sein des cartilagesarticulaires de pyrophosphate de calcium dihydraté. Fréquemment asymptomatique, elle peut être à l’origine d’arthrites aiguës, notamment aux genoux et aux poignets,d’arthrite chronique ou d’une arthropathie souvent diffuse et invalidante. Les formessporadiques ou idiopathiques sont la grande majorité, et leur fréquence augmentelinéairement avec l’âge. Avant 60 ans, la chondrocalcinose est rare et sa découvertedoit faire rechercher une forme familiale ou une maladie associée.

Le terme chondrocalcinose articu-laire désigne stricto sensu une cal-cification des cartilages articulai-

res. Plus globalement, il est habituel dedésigner sous ce terme les calcificationsdues à l’incrustation des cartilages articu-laires ou des fibrocartilages par du pyro-phosphate de calcium dihydraté, et vuesen radiographie standard.1 Ces dépôtssont en fait souvent mixtes, associantphosphate de calcium et pyrophosphatede calcium. De plus, des images de chon-drocalcinose peuvent s’observer endehors de dépôts de pyrophosphate decalcium. C’est le cas des dépôts cartilagi-neux d’oxalate de calcium, observés chezles rares patients atteints d’oxalose primi-tive ou secondaire.

La fréquence des dépôts de pyro-phosphate de calcium dans les fibrocarti-lages et au tiers moyen et superficiel descartilages articulaires, responsables desimages radiologiques de chondrocalci-nose, augmente avec l’âge. Avant 60 ans,la chondrocalcinose est rare, et sa décou-verte doit faire rechercher une formefamiliale ou secondaire à une hyperpara-thyroïdie, à une hémochromatose, ou à

une fuite urinaire en magnésium notam-ment. Après 60 ans, la fréquence de lachondrocalcinose idiopathique peut êtreestimée à environ 1 à 2 % chez les sujetsde 60 à 70 ans, 6 à 8 % entre 70 et 80 ans,et 20 à 30 % après 80 ans ; elle dépasse30 % après 90 ans.2-5

Aspects cliniques

Forme asymptomatique

La chondrocalcinose est très souventasymptomatique et d’expression pure-ment radiographique. Cette forme de lamaladie est probablement la plus fré-quente.

Arthrite aiguë ou pseudo-goutte

Les microcristaux de pyrophosphate decalcium peuvent être à l’origine d’arthritesaiguës, déclenchées par leur chute dans lacavité articulaire. Dans la populationgénérale, ces crises de pseudo-gouttesemblent environ deux fois moins fré-quentes que les accès goutteux. Mais chezles sujets âgés, la chondrocalcinose est lacause la plus fréquente d’arthrite aiguë.Les accès sont parfois déclenchés par un

traumatisme, par diverses maladiesaiguës dont l’infarctus du myocarde oupar des interventions chirurgicales localesou générales, et notamment par la chirur-gie parathyroïdienne.1 Il faut aussi citerquelques faits cliniques rapportant ledéclenchement d’accès pseudo-goutteuxau décours de perfusions de bisphospho-nates,6 de lavages articulaires 7 ou d’injec-tions intra-articulaires de hyaluronane.8

L’accès est habituellement mono-articu-laire et touche souvent le genou et le poi-gnet (fig. 1). Plus rarement, il s’agit d’uneoligoarthrite. L’inflammation articulairecède habituellement en quelques jours etencore plus rapidement sous traitement(v. infra).

Pascal Richette, Thomas BardinUniversité Paris-7, UFR médicale, AP-HP, hôpital Lariboisière, Fédération de rhumatologie, 75475 Paris Cedex 10. [email protected]

Monoarthrite chondrocalcinosique du poignet chez une femme de 74 ans.FIGURE 1

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Arthrite chronique

Parfois, la chondrocalcinose prend laforme d’une polyarthrite chronique, etpeut simuler une polyarthrite rhuma-toïde. L’âge des patients, en règle géné-rale élevé, l’existence d’antécédentsd’accès aigus évocateurs d’une patho -logie microcristalline, le caractère volon-tiers fluctuant et non synchrone desdiverses atteintes articulaires doiventfaire évoquer le diagnostic. Les radiogra-phies mettent habituellement en évi-dence les calcifications cartilagineuses ;elles montrent aussi l’absence d’ostéopo-rose sous-chondrale, souvent remplacéepar une ostéocondensation parfois par-semée de géodes et parfois associée àune ostéophytose alors que les érosionstypiques de la polyarthrite rhumatoïdesont absentes. Mais le diagnostic peutêtre difficile, d’autant plus qu’il existegénéralement un syndrome inflamma-toire biologique important et que lesérum de patients âgés peut contenir desfacteurs rhumatoïdes, cependant habi-tuellement à faibles doses.

L’arthrite chronique à cristaux de pyro-phosphate de calcium peut aussi pren-dre une forme rhizomélique, touchantles épaules et la racine des cuisses,mimant ainsi une pseudo-polyarthriterhizomélique.9

Arthropathie dégénérative

Les arthropathies dégénératives de lachondrocalcinose sont à l’origine de dou-leurs de fonction. Leur fréquence aug-mente avec l’âge. Radiologiquement, cesarthropathies ressemblent à l’arthrose,car au pincement de l’interligne s’associeune ostéo-sclérose sous-chondrale et uneostéophytose. Les géodes sous-chondra-les sont fréquentes, qui peuvent prendrel’aspect de microgéodes multiples parse-mant les zones d’ostéosclérose sous-chondrale, ou être très volumineuses.

Ces arthropathies chroniques touchentles genoux et les hanches, où le pince-ment peut être supéro-interne ou axial,pseudocoxitique. Elles peuvent aussi tou-cher des articulations habituellement

épargnées par l’arthrose : chevilles, épau-les, poignets, articulations métacarpo-phalangiennes. La chondrocalcinose estaussi une cause fréquente d’arthrosegléno-humérale centrée, qui doit fairerechercher des dépôts de pyrophosphatemême lorsqu’ils ne sont pas visibles loca-lement. Aux carpes, l’atteinte de lascapho-trapézienne est caractérisée parun pincement de l’interligne, une ostéo-condensation sous-chondrale et uneostéophytose peu développée. Cetteatteinte isolée sans atteinte de la trapézo-métacarpienne est évocatrice de la chon-drocalcinose.10 Les articulations méta -carpophalangiennes, surtout la deuxièmeet la troisième, sont assez souvent attein-tes. L’existence d’une condensation sous-chondrale souvent parsemée de micro-géodes et d’une ostéophytose enhameçon est évocatrice d’arthropathiemétabolique (chondrocalcinose, hémo-chromatose).

Cette arthropathie dégénérative peuts’accompagner de lésions structuralessévères. Les arthropathies destructricesde la chondrocalcinose, notamment à lahanche, peuvent être d’évolution rapide,et le tableau clinique peut se rapprocherdes arthroses destructrices rapides.11 Lesarthropathies destructrices de la chon-drocalcinose touchent surtout le sujetâgé et ont une nette prédominance fémi-nine. Elles sont souvent multiples et peu-vent être à l’origine d’une invaliditéimportante. Les genoux, les épaules, leshanches et les poignets sont les articula-tions le plus souvent touchées.

Au genou, l’atteinte fémoro-tibiale estsouvent responsable de désaxationsimportantes. Radiologiquement, la dispa-rition de l’interligne est associée à unremodelage des surfaces articulaires : lecondyle fémoral vientsouvent s’encastrer dansun plateau tibial effondré.L’os épiphysaire apparaîtcondensé, avec souventd’importantes géodessous-chondrales. L’at-teinte fémoro-patellaireest mieux tolérée lors-

qu’elle est isolée. Radiologiquement, elleréalise typiquement un remodelage réci-proque et engrené des surfaces condylien-nes et rotuliennes, prédominant souventsur le versant externe, qui est très évoca-teur de la chondrocalcinose. Une érosionfémorale sus-condylienne peut aussi êtreobservée, qui peut d’ailleurs survenir isolé-ment en l’absence d’arthropathie destruc-trice du genou.

L’atteinte du poignet peut se traduirepar des images de nécrose du semi-lunaire et du scaphoïde dont les surfacesarticulaires s’effondrent. On observe aussisouvent une incrustation du scaphoïdeou du semi-lunaire dans le radius et d’im-portantes géodes du carpe et de l’extré-mité inférieure du radius. L’atteinte élec-

tive de l’interligne entre leradius et le scaphoïdesans pincement radio-lunaire est assez caracté-ristique. Il s’y associe fré-quemment un pincemententre le semi-lunaire etles os de la 2e rangée ducarpe, l’ensemble réali-

Examen en lumière ordinaire duliquide synovial. Grossissement � 400. Présencede cristaux de pyrophosphate de calcium en formede parallélépipèdes et de bâtonnets.

FIGURE 2

images

Regardez sur www.larevuedupraticien.frla photothèque « Chondrocalcinose »

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LA REVUE DU PRATICIEN VOL. 6020 janvier 201016

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sant une disjonction scapho-lunaire avecaspect d’instabilité dorsale.12

Des hémarthroses, parfois récidivan-tes, peuvent venir compliquer le coursdes arthropathies dégénératives ou des-tructrices de la chondrocalcinose. Elless’observent surtout au genou et à l’é-paule, où elles s’accompagnent volon-tiers d’une ecchymose marquée. Lachondrocalcinose est l’une des causesdes épaules séniles hémorragiques.13

Diagnostic

Le diagnostic d’arthropathie chondro-calcinosique repose sur la mise en évi-dence des microcristaux de pyro-phosphate de calcium dihydraté dans leliquide articulaire ou sur la démonstra-tion radiographique de l’incrustation cal-cique du cartilage. L’examen du liquidearticulaire au microscope à lumière pola-risée compensée suffit en pratique cli-nique à un diagnostic de très forte proba-bilité lorsqu’il met en évidence desmicrocristaux rectangulaires à biréfrin-gence positive (fig. 2).

Bien que les images d’incrustation cal-cique du cartilage ne soient pas toujoursdues à des dépôts de pyrophosphate decalcium dihydraté, leur présence suffit àun diagnostic de forte probabilité en pra-

tique clinique. Les clichés les plus utiles àla mise en évidence des calcificationscartilagineuses sont les radiographiesdes genoux (fig. 3), du bassin, des poi-gnets (fig. 4) et des épaules (fig. 5). Auxgenoux, les dépôts cristallins de pyro-phosphate de calcium dans les cartilagesarticulaires sont responsables d’imageslinéaires parfois finement granuleuses,parallèles aux extrémités osseuses. Lesdépôts méniscaux se traduisent par desopacités triangulaires dont la base esttournée vers l’extérieur de l’articulationet qui peuvent être internes ou externes.Les radiographies des genoux mettent enévidence ces dépôts cartilagineux ouméniscaux chez 85 à 90 % des patientsatteints de chondrocalcinose selon lesséries.1 La radiographie du bassin peutmontrer une incrustation du fibrocarti-lage pubien sous la forme d’une opacitéverticale restant à distance des deux ber-ges de la symphyse. La calcification descartilages coxo-fémoraux est plus rare.Le bourrelet cotyloïdien peut être lesiège d’une calcification triangulaire.Aux poignets, les dépôts les plus clas-siques siègent dans le ligament triangu-laire du carpe se projetant sous la têtecubitale. Les articulations du carpe peu-vent être aussi intéressées, notammentl’interligne entre le pyramidal et le semi-

lunaire où la chondrocalcinose sembleparticulièrement fréquente.

Enfin, les clichés des épaules peuventmontrer un liseré opaque doublant lescontours de la tête humérale et cor-respondant à l’incrustation calcique ducartilage articulaire. Le cartilage et lebourrelet glénoïdiens peuvent aussi êtrecalcifiés.

Cadre nosologique

Les formes sporadiques ou idiopa-thiques représentent la grande majoritédes chondrocalcinoses.14 Leur fréquenceaugmente linéairement avec l’âge, et leurprévalence peut atteindre 20 % au-delàde 80 ans.2, 3

Une chondrocalcinose floride, ou sur-venant chez un sujet de moins de 60 ans,doit impérativement faire rechercherune forme familiale ou une maladie asso-ciée. Les trois pathologies pour lesquel-les un lien de causalité avec la chondro-calcinose est bien définie sont leshypomagnésémies, les hyperparathyroï-dies et l’hémochromatose génétique.15

Les exceptionnelles formes familiales,liées à des mutations activatrices dans legène ANK qui code un transporteur depyrophosphate,16 ne sont pas abordéesici.

Radiographie standard. Chondrocalcinose du genou.Présence de calcifications évocatrices dans les cartilages et les fibrocartilages(ménisques).

FIGURE 3 Radiographie standard. Chondrocalcinose du poignet.Dépôts de pyrophosphate de calcium dans le ligament triangulaire du carpe(flèche), et entre le pyramidal et le semi-lunaire (flèche).

FIGURE 4

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Hypomagnésémie

L’association chez un même patientd’une chondrocalcinose et d’une hypo-magnésémie a été rapportée à de nom-breuses reprises, le plus souvent aucours du syndrome de Gitelman, qui estune tubulopathie d’origine génétique liéeà une mutation inactivatrice dans le gèneSLC12A3 codant un cotransporteur(NCCT) NaCl.17 Les manifestations cli-niques décrites sont celles d’une arthro-pathie à pyrophosphate de calcium,c’est-à-dire accès aigus pseudo-goutteuxet arthropathies destructrices.18, 19

De façon anecdotique, une chondrocalci-nose associée à une hypomagnésémie liée àla prise de tacrolimus,20 ou au cours d’unemalabsorption isolée du magnésium,21 a étérapportée. Enfin, il a récemment étédémontré que la prise de diurétiques,cause classique d’hypomagnésémie, est unfacteur de risque de chondrocalcinose.3 Lelien entre hypomagnésémie chronique etchondrocalcinose, suspecté par ces don-nées observationnelles,22 a été confirmépar une étude cas-contrôle récente.23

Les mécanismes moléculaires qui lientl’hypomagnésémie à la chondrocalcinose

ne sont pas parfaitement connus. Lemagnésium est un cofacteur des pyro-phosphatases, comme la phosphatasealcaline qui permet la conversion dupyrophosphate inorganique en ortho-phosphate. Le magnésium augmenteaussi la solubilité des cristaux de pyro-phosphate de calcium. Une hypomagné-sémie peut donc favoriser le dévelop -pement d’une chondrocalcinose enaugmentant les concentrations intra-arti-culaires de pyrophosphate inorganique eten réduisant la dissolution naturelle descristaux de pyrophosphate de calcium.19

Hyperparathyroïdies primitives et secondaires

La prévalence de la chondrocalcinoseau cours de l’hyperparathyroïdie primi-tive est en moyenne de 21 %, avec desvaleurs extrêmes de 8 à 57 %.24 Cettedivergence s’explique en partie par unrecrutement différent des patients selonles études. Deux études ont comparé laprévalence de la chondrocalcinose chezdes patients ayant une hyperparathyroï-die primitive et dans une populationcontrôle appariée par âge et par sexe : 25, 26

si les calcifications de pyrophosphate decalcium sont effectivement plus fréquen-tes chez les patients ayant une hyperpa-rathyroïdie, la différence est surtoutmarquée chez les patients de moins de70 ans. Les patients ayant une hyperpa-rathyroïdie et une chondrocalcinose sontle plus souvent des femmes et sont engénéral plus âgés que les patients indem-nes de chondrocalcinose.

Certains auteurs ont insisté sur ladurée de l’exposition à l’hypercalcémie,l’hyperparathormonémie, sur la pré-sence de signes osseux et l’élévation desphosphatases alcalines comme facteursde risque de chondrocalcinose. Cepen-dant, ces liens n’ont jamais été confirmésdans d’autres études et ne doivent doncpas être retenus.24

Toutes les causes d’hyperparathyroïdieprimitive ainsi que les formes secondai-res peuvent s’accompagner de chondro-calcinose. Il semble en revanche que leshyperparathyroïdies secondaires soient

beaucoup plus rarement associées auxdépôts de pyrophosphate de calcium.Cela s’explique, pour certains auteurs,par l’absence d’hypercalcémie chro-nique.24

Plusieurs hypothèses ont été avancéessur les mécanismes par lesquels l’hyper-parathyroïdie favorise les dépôts de pyro-phosphate de calcium : l’hypercalcémiepourrait augmenter le produit pyro-phosphocalcique extracellulaire et inhi-ber la phosphatase alcaline chondro -cytaire. L’hormone parathyroïdiennepourrait aussi être à l’origine d’une accu-mulation de pyrophosphates dans ses cel-lules cibles.24

Le traitement chirurgical de l’hyperpa-rathyroïdie ne permet pas habituelle-ment la régression des calcificationsradiologiques, malgré la normalisation dela calcémie. La parathyroïdectomie peutmême s’accompagner d’accès pseudo-goutteux. La chute rapide de la calcémieen serait la cause, en diminuant le pro-duit de solubilité pyrophosphaté et enfavorisant la chute des cristaux dans lacavité articulaire.24

Hémochromatose

En Europe du Nord, les hémochroma-toses* sont dans la grande majorité descas génétiques et de type 1 (HFE1). Lesmutations dans le gène codant HFE1sont à l’origine d’une perte du contrôlede l’absorption du fer alimentaire auniveau du duodénum et du jéjunum pro-ximal. Cette hyperabsorption a pourconséquence une augmentation du coef-ficient de saturation de la transferrine,puis une augmentation de la concentra-tion sérique de la ferritine, puis uneaccumulation progressive de fer dans lesdifférents tissus de l’organisme. L’at-teinte articulaire est la complication quialtère le plus la qualité de vie des patientshémochromatosiques.27 Elle est présenteselon les séries dans 50 à 70 % des cas, etamène au diagnostic dans environ 20 %

* Voir la monographie de La Revue du Praticien,« Surcharges en fer ». Rev Prat 2006;56:2109-48.

Radiographie standard.Chondrocalcinose des épaules. Fin dépôt depyrophosphate de calcium au pourtour de la têtehumérale (flèche).

FIGURE 5

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des cas.27, 28 La série la plus importanterapporte une prévalence de chondrocal-cinose de 38 % chez les patients ayantl’homozygotie C282Y et de 21 % chez leshétérozygotes.28 Cette étude a mis en évi-dence une corrélation significative entrela présence d’une chondrocalcinose,l’âge des patients, la concentration deferritine et les taux sériques du fragment44-68 de la parathormone.

La pathogénie de la chondrocalcinoseet des atteintes ostéochondrales de l’hé-mochromatose est peu connue. En effet,l’hypothèse d’un rôle princeps de la sur-charge en fer s’accorde mal avec l’ab-sence de corrélation fréquemment rap-portée entre l’intensité de la surchargeferrique et la fréquence des atteintesarticulaires ou la présence d’une chon-drocalcinose. In vitro, le fer inhibe l’acti-vité des pyrophosphatases comme laphosphatase alcaline. Une surcharge enfer pourrait donc favoriser le développe-ment d’une chondrocalcinose en aug-mentant les concentrations intra-articu-laires de cristaux de pyrophosphate decalcium. Les saignées n’améliorent pasou peu les symptômes des arthropathieset ne modifient pas les calcificationsradiologiques.

Chondrocalcinose post-traumatique

L’apparition de cristaux de pyro-phosphate de calcium au décours d’untraumatisme chondral, chirurgical ounon, est relativement bien documentée.Cela a été en particulier observé audécours de méniscectomies, ou aprèstraitement chirurgical d’ostéochondritedu genou.29 Ainsi, une chondrocalcinosea été mise en évidence dans 20 % des casde genoux méniscectomisés 25 ans aupa-ravant, contre 4 % du côté opposé, nonopéré.29 L’altération des protéoglycanesmatriciels, inhibiteurs de la minéralisa-tion, est peut-être à l’origine de cesdépôts de pyrophosphate de calcium.

Autres associations

Les autres pathologies pour lesquellesune association avec la chondrocalcinose

a été rapportée sont l’hypophosphatasie,l’ochronose, la maladie de Wilson, lagoutte et les hypercalcémies familialeshypocalciuriques. En revanche, plu-sieurs études ont écarté l’hypothèse d’unlien de causalité entre chondrocalcinoseet diabète ou hypothyroïdie.30

Traitement

Le traitement des arthropathies chon-drocalcinosiques est essentiellementsymptomatique. Les accès aigus sontécourtés par l’évacuation du liquidesynovial et la prise précautionneused’anti-inflammatoires non stéroïdiens.En cas de contre-indication, une injec-tion cortisonique intra-articulaire ou unecortisonothérapie parentérale peuventêtre efficaces. L’efficacité de la colchicinen’a été démontrée que pour la voie intra-veineuse, mais cette forme n’est plusdisponible en France. Une étude nord-américaine contrôlée a montré que la col-chicine donnée par voie orale à la dose de1,2 mg/j permettait, en revanche, unediminution de la fréquence des crises, etce traitement peut donc être intéressantdans la prévention des arthrites aiguësrécidivantes.31

L’effet d’une supplémentation enmagnésium chez des patients ayant unechondrocalcinose est peu connu. Chezcertains patients carencés, la prise demagnésium a permis de diminuer la fré-quence des accès pseudo-goutteux et destabiliser, voire de diminuer les calcifi -cations radiologiques de la chondro -calcinose.32

Les polyarthrites chroniques relèventdes anti-inflammatoires non stéroïdiens.La prednisone à petite dose peut aussiêtre proposée mais induit un risque dedépendance. De rares études suggèrentl’efficacité du méthotrexate ou du pla-quénil dans cette forme de la maladie.33, 34

Les synoviorthèses isotopiques peu-vent être utiles dans les formes chro-niques et dans les hémarthroses récidi-vantes. Le traitement des arthropathiesdégénératives, des arthropathies des-tructrices et des hémarthroses récidi-

vantes malgré les synoviorthèses faitessentiellement appel à la chirurgieprothétique.

Conclusion

La chondrocalcinose est une patho -logie que l’on rencontre fréquemment enrhumatologie, en particulier chez lessujets âgés. En dehors des rares formeschroniques et invalidantes, sa prise encharge ne pose pas de problèmes théra-peutiques particuliers. Sur un plan noso-logique, il faut insister sur la nécessité derechercher une maladie associée chez lessujets de moins de 60 ans. •

SUMMARY ChondrocalcinosisChondrocalcinosis refers to deposition of calcium

pyrophosphate crystals within cartilage or fibrocartilage, as

visualised on plain radiograph. Clinical features of

chondrocalcinosis are various. The two common

presentations of chondrocalcinosis are acute synovitis

(pseudogout) and chronic arthritis, which can lead to a

severe disability. Sporadic form of the disease is by far the

most frequent. Aging is the main risk factor for the

occurrence of sporadic chondrocalcinosis. Prevalence of

chondrocalcinosis varies from 7 to 10% in people aged

around 60 years old. A primary metabolic disorder or

famil ial predisposit ion should be considered if

chondrocalcinosis occurs in patients younger than 60

years. There is good evidence that hereditary

hemochromatosis, hyperparathyroidism and

hypomagnesemia are metabolic disorders that predispose

to secondary chondrocalcinosis.

RÉSUMÉ ChondrocalcinoseLa chondrocalcinose art iculaire est la traduction

radiologique de la présence, au sein des cartilages

art iculaires et des f ibrocart i lages, de cristaux de

pyrophosphate de calcium dihydraté. Les manifestations

cliniques de la chondrocalcinose sont diverses. Ce sont

essentiellement des arthrites aiguës (pseudo-goutte) et une

arthropathie chronique, mécanique ou inflammatoire,

pouvant être à l’origine d’un handicap sévère. Les formes

sporadiques ou idiopathiques représentent la grande

majorité des chondrocalcinoses. L’âge est le principal

facteur de risque, et la prévalence de la chondrocalcinose

est de 7 à 10 % chez les sujets de 60 ans. Avant 60 ans,

la mise en évidence d’une chondrocalcinose doit faire

rechercher une forme familiale ou une maladie associée.

Les trois pathologies pour lesquelles un lien de causalité

avec la chondrocalcinose est bien défini sont les

hypomagnésémies, les hyperparathyroïdies et

l’hémochromatose génétique.

Les auteurs déclarent n’avoir aucun conflit d’intérêtsconcernant les données publiées dans cet article.

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