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L’École des lettres 2016-2017, n° 4 47 Roms, Tsiganes, gitans, manouches, romanichels, gens du voyage... Derrière tous ces vocables se cache une même réalité, à savoir des populations rejetées, que l’on peut regrouper sous le nom générique de « Tsiganes ». Les origines des Tsiganes sont incertaines. Leurs racines indiennes sont fréquemment avancées comme un fait historique acquis. En effet, le socle commun des Tsiganes est la « romani chib » (langue romani ou romanès). Or, les linguistes ont montré une parenté du romani avec le sanskrit. Des Tsiganes se seraient ainsi enfuis, pour des raisons inconnues, du Penjab entre le IV e et le X e siècle, et auraient traversé la Perse avant de rejoindre l’Europe au XIV e siècle. Néanmoins, il apparaît que cette ori- gine indienne n’est pas unique: des populations se sont agrégées, des mélanges se sont formés... Une présence ancienne en Europe Les Tsiganes se sont ensuite disper- sés en Europe depuis les Balkans, à partir du XV e siècle. Le terme qui les a progressivement désignés en Europe de l’Est est celui de « Rom », qui signi- fie « homme » en romani chib. Ils ont alors parfois fait l’objet de disposi- tions bienveillantes, telle la lettre de Roms, Tsiganes, gitans, manouches et gens du voyage Une perspective historique Une roulotte gitane dans le Nottinghamshire, en 2004 © DR

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Roms, Tsiganes, gitans, manouches,romanichels, gens du voyage... Derrièretous ces vocables se cache une mêmeréalité, à savoir des populations rejetées,que l’on peut regrouper sous le nomgénérique de «Tsiganes ». Les originesdes Tsiganes sont incertaines. Leursracines indiennes sont fréquemmentavancées comme un fait historiqueacquis. En effet, le socle commun desTsiganes est la « romani chib» (langue

romani ou romanès). Or, les linguistesont montré une parenté du romani avecle sanskrit. Des Tsiganes se seraientainsi enfuis, pour des raisons inconnues,du Penjab entre le IV e et le X e siècle, etauraient traversé la Perse avant derejoindre l’Europe au XIV e siècle.Néanmoins, il apparaît que cette ori-gine indienne n’est pas unique : despopulations se sont agrégées, desmélanges se sont formés...

Une présence ancienneen Europe

Les Tsiganes se sont ensuite disper-sés en Europe depuis les Balkans, àpartir du XVe siècle. Le terme qui les a progressivement désignés en Europede l’Est est celui de «Rom», qui signi-fie «homme» en romani chib. Ils ont alors parfois fait l’objet de disposi-tions bienveillantes, telle la lettre de

Roms, Tsiganes, gitans, manoucheset gens du voyage

Une perspective historique

Une roulotte gitane dans le Nottinghamshire,en 2004 © DR

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protection que Sigismond de Luxem-bourg, roi de Bohême, accorde en1423 à ceux qui se trouvent sur sonterritoire. De cette mesure découlel’appellation de «Bohémiens » parlaquelle on les désigne parfois. Ilsexercent alors différents métiers d’ar-tisanat, de commerce, ou rejoignentles rangs de l’armée.

Mais la réglementation à leur égardest souvent répressive : c’est à cettepériode qu’on les considère commedes intouchables, des athingani, d’où estissu le mot «Tsigane». Ainsi, enEspagne, à partir de 1560 il leur estinterdit de se déplacer à plus de deuxet, à compter de 1749, ils font l’objetde rafles les conduisant aux galères oudans des camps d’internement où ilssont nombreux à périr. Dans l’Empireaustro-hongrois, on les sédentarise deforce dès 1768 pour tenter de les assi-miler, de faire d’eux de «nouveauxHongrois ». En Moldavie et enValachie, ils sont réduits en esclavage etvictimes de sévices publics. Ces

mesures répressives en Europe orien-tale, qui font des Tsiganes des boucsémissaires, prennent prétexte de lalutte contre l’Empire ottoman, aveclequel les tensions frontalières sontvives. Il faut attendre 1855 – à la suitedu «printemps des peuples » de 1848 –pour que leur esclavage soit aboli. Leursituation n’est guère plus enviable enItalie et en Allemagne où, considéréscomme des indésirables, ils sont égale-ment persécutés, voire exécutés.

En France, ils étaient appelés «Égyp-tiens» sous l’Ancien Régime, termequi a donné gitano en espagnol, gitan enfrançais et gypsy en anglais. LesTsiganes étaient alors considérés avecune relative bienveillance, due à l’exo-tisme de leurs tenues et de leurs pra-tiques divinatoires. Témoin la manièredont, au XIXe siècle, Victor Hugo prendEsmeralda pour personnage féminincentral de Notre-Dame de Paris, et lespoètes, tel Arthur Rimbaud, fontvolontiers l’éloge de la vie de bohème.

Cependant, les Tsiganes sont aussivisés, dès les XVIe et XVIIe siècles, pardes mesures contre le vagabondagequi peuvent les conduire aux galèresou à l’internement. Certains sontmême envoyés en exil en Amérique.Dans la période contemporaine, ledécret du 20 mars 1895 ordonne leurdénombrement au même titre que les vagabonds. Plus tard, la loi du 16 juillet 1912 exigera qu’ils soientporteurs d’un carnet anthropomé-trique recensant leurs caractéristiquesphysiologiques.

Un extrait du carnet anthropométriquede François Hoffmann, musicien

© Mémorial des nomades de France

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Il faut dire que la IIIe République,dans sa volonté centralisatrice et assimilatrice, cible les nomades,cherche à fixer les populations, àmieux les surveiller et contrôler,comme l’ont montré, notamment,Michel Foucault, Gilles Deleuze etFélix Guattari1. Les autorités fran-çaises recensent alors vingt-cinq milleTsiganes qu’elles considèrent comme«dangereux » pour l’ordre public pourcause de «déprédations » et de vols.

Le génocide

En Allemagne et en Autriche-Hongrie, depuis le XIXe siècle, ondénombre aussi les Tsiganes. Afin demieux les contrôler, notamment parle relevé systématique de leurs

empreintes digitales, l’Allemagne meten place, à partir de 1899, une « cen-trale tsigane » qui poursuivra ses acti-vités jusque sous le IIIe Reich. Maisles contrôles et les discriminations quiles visent ne sont pas seulement dus,comme en France, à leur nomadisme :à l’instar des Juifs, ils sont aussi cibléspar des mesures de différenciationraciale qui les excluent des minoritésnationales.

De ce point de vue, les lois deNuremberg adoptées en septembre1935 par les nazis ne font qu’ampli-fier un processus déjà à l’œuvre. Les

1. Michel Foucault, Surveiller et punir. Nais-sance de la prison, Gallimard, «Tel », 1993(1975) ; Gilles Deleuze & Félix Guattari, Milleplateaux. Capitalisme et schizophrénie II, Minuit,«Critique », 1980.

À Asperg, le 22 mai 1940, les Tsiganes sont regroupés en vue de leur déportation© Archives fédérales (Bundesarchiv) allemandes

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Tsiganes y sont tenus pour « aso-ciaux », « délinquants » ou « criminels ».Le critère d’asociabilité tient à la dif-ficulté de les rejeter pour nomadismecar ils sont alors plutôt sédentarisés etintégrés. Un nouveau pas est franchien 1937, lorsqu’ils sont classés enfonction de leur pureté au regard dela « race aryenne » : 90% d’entre euxsont considérés comme impurs, cequi justifie leur déportation dans descamps de travail, la stérilisation desfemmes et l’« euthanasie » des « anor-maux», à partir de 1938. La déporta-tion dans les camps d’exterminationcommencera à partir de 1941.

À Auschwitz-Birkenau, par exemple,à partir de février 1943, les Tsiganessont enfermés dans le «camp desfamilles», la partie la plus proche descrématoires. Quinze à vingt mille per-sonnes, selon les périodes, y viventdans trente-deux baraquements, soitentre quatre cent soixante-dix et sixcent vingt-cinq individus par baraque.Ils s’y entassent dans des conditionssanitaires déplorables, dorment dansdes châlits, souffrent du froid, de lafaim et des nombreuses maladies quicirculent au sein du camp, comme letyphus (qui sévit notamment en mars1943) et le noma (une infection fou-droyante due à la malnutrition quifrappe les enfants tsiganes).

Leurs conditions de survie dans lescamps diffèrent donc très peu decelles des Juifs. Seules différences, lesTsiganes peuvent conserver leursvêtements, parfois leurs cheveux, et,

surtout, les membres d’une mêmefamille ne sont pas séparés ; même sicertains ne peuvent pas travailler, ilsne sont pas immédiatement conduitsdans les chambres à gaz, contraire-ment aux Juifs. Cette différence detraitement, les Tsiganes la doivent auxmultiples expérimentations biolo-giques menées par le tristementcélèbre docteur Mengele, médecin-chef du « camp des familles ». Il s’ylivre notamment à des expériencessur les jumeaux, prélève les yeux deses « patients », leur injecte des mala-dies, stérilise les femmes à l’aide deproduits corrosifs, etc. Les enfantssont considérés comme du «matérielde guerre », ainsi qu’il est indiqué surleurs habits.

En mai 1944, les Tsiganes d’Ausch-witz tentent de se révolter et affron-tent les SS à l’aide d’outils et d’usten-siles divers. Les nazis parviennent à lesamadouer avec de la nourriture et enprétendant les changer de camp. Troismille personnes sont immédiatementgazées, de même que les derniersconvois arrivant à Auschwitz à partird’octobre 1944. Au total, près detrente mille Tsiganes, parmi lesquelsplus d’un tiers d’enfants, ont étéinternés à Auschwitz – seuls troismille ont survécu...

Cette population subit égalementdes massacres similaires à la « Shoahpar balles » perpétrée par les Einsatz-gruppen, dont le rôle est d’exécutersur place les « indésirables ». Ces unitésmobiles suivent l’avancée de la

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Wehrmacht sur le frontde l’Est : ainsi, la moitiédes Tsiganes de Let-tonie sera exécutée, et90 à 95% des Tsiganesestoniens. Les autori-tés locales contribuentparfois largement auxtueries et aux dépor-tations, à l’exemple de la Roumanie fasciste dirigée par le généralAntonescu, qui déportevingt-cinq mille Tsi-ganes roumains enTransnistrie (provincerusse qu’il annexe en 1941). La parti-cipation des autorités locales auxmassacres sera la même ailleurs enEurope orientale.

En France, la répression des Tsi-ganes date d’avant Vichy. Dès 1932, iln’ont pas le droit de circuler et, à par-tir de 1939, certains départementsleur sont interdits. Un nouveau pas,capital, est franchi le 6 avril 1940,quelques semaines avant la débâcle etla mise en place du régime de Vichy,avec un décret généralisant leur inter-nement. De ce point de vue, leursituation est comparable à celle desrépublicains espagnols lors de laRetirada, qui sont internés dès leurarrivée en France : l’État français n’adonc fait que poursuivre et amplifierce qui existait déjà...

Pendant la Seconde Guerre mon-diale, six mille cinq cents Tsiganes,quasi exclusivement des Français,

dont environ 40% d’enfants, sontenfermés dans trente camps. Lagrande majorité d’entre eux se trouveen zone occupée, mais cinq sont enzone libre, sous l’autorité du gouver-nement de Vichy.

Contrairement aux Juifs, lesTsiganes internés en France ne sontpas déportés vers le Reich allemand.Mais leurs conditions de vie dans lescamps français ne sont guèreenviables : soins quasi inexistants,nourriture très insuffisante, état sani-taire exécrable – une centaine d’entreeux meurent dans ces camps.

La fin de la guerre ne signe pas la fin de leur internement, le décretd’avril 1940 n’ayant pas été abrogé.En mai 1945 (avant la capitula-tion allemande), neuf cent vingt-trois Tsiganes sont toujours internés,et il en reste encore quatre cent cinquante-cinq dans les camps en

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Des enfants tsiganes jouant devant un baraquement du camp de Jargeau© Cercil (Centre d’étude et de recherchesur les camps d’internement du Loiret)

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décembre de la même année. Lesderniers seront libérés le 1er juin 1946du camp des Alliers, en Charente.

La population française s’est mon-trée très largement indifférente ausort des Tsiganes. Pour preuve, la loide 1912 exigeant le port du carnetanthropométrique ne sera modifiéequ’en 1969. Il a heureusement existédes figures de « Justes » pendant laSeconde Guerre mondiale, commel’a rappelé le président FrançoisHollande dans son discours du 29 octobre 2016, à l’occasion del’hommage national aux nomadesinternés en France : par exemple, lepère Fleury, à Poitiers, et l’abbé Jollec,à Montreuil-Bellay, où se trouvait leplus grand camp de Tsiganes.

La mémoire de ces internementsest longtemps demeurée taboue, toutcomme celle des déportations juivespar le régime de Vichy, qui ne futmise au jour qu’en 1972 par l’his-torien américain Robert Paxton2.

Seulement, concernant les Tsiganes,le tabou a perduré bien au-delà. Cettepolitique d’internement a provoquéleur défiance à l’égard des gadjé (lesnon-Tsiganes) qui les ont mis dansdes camps et, souvent, dénoncés.

Après la guerre

En Europe de l’Est, les gouver-nements communistes ont cherché à sédentariser les Tsiganes par lacontrainte. Ce fut le cas en Tché-coslovaquie (1958), en Hongrie, enPologne (1964, sédentarisation obliga-toire), en Yougoslavie, en Roumanie(1977). Pour certains, être placés dansdes logements décents a représenté unmieux-être qui les amène aujourd’huià regretter le régime communiste.Mais, en majorité, ils ont été reléguésen périphérie des villes, ce qui aaccentué leur marginalisation.

La politique de sédentarisation visaitaussi à les assimiler, ce qui a conduit, laplupart du temps, à un phénomène dedéculturation sans pour autant favori-ser leur insertion sociale. C’est pour-quoi, à la chute des régimes commu-nistes, le mouvement migratoire versles pays d’Europe de l’Ouest, etnotamment vers l’Allemagne, s’estrenforcé.

L’Europe a pris en compte la ques-tion tsigane à la suite de l’effondre-ment du bloc de l’Est, mais aussi dufait de l’organisation progressive desTsiganes. En 1971 s’est déroulé le

2. Robert Paxton, La France de Vichy.1940-1944, Seuil, «Points Histoire », 1994(1972).

Le drapeau rom

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premier Congrès international desRoms, qui a créé l’Union romaniinternationale : elle s’est choisi pouremblème une roue rouge sur fondbleu et vert, et pour hymne GelemGelem (J’ai marché, j’ai marché).

En 1978, l’Union romani interna-tionale a pu obtenir un rôle consul-tatif à l’ONU et au Conseil del’Europe. Ses militants réclamentaujourd’hui que les Roms soientreconnus comme une nation à partentière, sans pour autant qu’elle soitorganisée sous la forme d’un État. Ilss’appuient sur un réseau importantd’associations, d’ONG et de partispolitiques dans les pays d’Europe del’Est.

En Europe de l’Ouest, ce tissuassociatif est moins important. EnFrance, la Fédération nationale desactions solidaires avec les Tsiganes etgens du voyage (Fnasat) permet deregrouper les associations en lien avecles Tsiganes, mais il ne s’agit pasnécessairement d’associations tsiganes.En revanche, la culture tsigane estvalorisée, comme en témoignent unedouzaine de festivals annuels, parmilesquels «Welcome in Tziganie » dansle Gers, « Itinérances tsiganes » à Lyon,ou le festival Django Reinhardt àSamois-sur-Seine. La musique est eneffet un puissant vecteur de diffusiondes cultures tsiganes, depuis DjangoReinhardt jusqu’aux très populairesGipsy Kings. Plus récemment, elle aégalement été portée par des gadjécomme Thomas Dutronc.

Au cinéma, Emir Kusturica a éga-lement permis de faire connaîtrecette culture, en particulier avec sonfilm Le Temps des Gitans (prix de lamise en scène au festival de Cannes1989). La bande-son est due à GoranBregovic, que l’on retrouve dansArizona Dream (1993) et dans le polé-mique Underground (1995), du mêmeréalisateur. Ce dernier a formé sonpropre groupe de punk rock tsigane :«The No Smoking Orchestra ». En France, Tony Gatlif porte lui aussila culture tsigane avec des filmscomme Gadjo dilo (1997) et Liberté(2009), lequel évoque les interne-ments pendant la Seconde Guerremondiale. Notons encore Khamsa, deKarim Dridi (2008), qui racontel’histoire d’un jeune gitan de onzeans dans le camp de Mirabeau, aunord de Marseille.

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Dans le domaine de la poésie et duroman, outre Le Fils de l’Ursari, deXavier-Laurent Petit (voir pp. 31-40),citons, de Sandra Jayat, Herbesmanouches, un recueil de poèmes (édi-tions du Vieux-Colombier, 1961), LaLongue Route d’une Zingarina, unroman pour la jeunesse (Bordas,1978), et La Zingarina ou l’Herbe sau-vage (Max Milo, 2010), un récit auto-biographique sur safuite pour échapperà un mariage forcé.

Matéo Maximoff(1917-1999) compteaussi parmi les écri-vains tsiganes fran-çais connus, notam-ment pour LesUrsitory (Flamma-rion, 1946) et pourLe Prix de la liberté(Wallâda, 1996), quiévoque la révolte desesclaves tsiganes enEurope de l’Est.

Signalons encoreJan Yoors (1922-1977), qui publia untémoignage à valeur ethnologique,Tsiganes. Sur la route avec les RomLovara (1967, publié en français auxéditions Phébus en 1990).

Dans La Croisée des chemins. LaGuerre secrète des Tsiganes, 1940-1944,il revint sur son action dans laRésistance et, plus largement, sur la Résistance des Tsiganes au cours de la Seconde Guerre mondiale(Phébus, 1992).

La situation actuelle

En dépit de la valorisation de leurculture, les Tsiganes n’en continuentpas moins d’être victimes de discri-minations, et ce, tout particulière-ment dans les pays d’Europe de l’Est.

En Hongrie, le Fidesz, le parti deViktor Orban, au pouvoir, et surtout

le parti ultranationa-liste Jobbik prennentles Roms pour cible.

En Républiquetchèque, les mou-vements d’extrêmedroite militent enfaveur du rapatrie-ment volontaire desRoms en Inde.

En Bulgarie, VolenSiderov, le présidentdu parti d’extrêmedroite Ataka, décla-rait, au moment del’ascension de cedernier, dans les

années 2000, que les Roms symbo-lisent le «parasitisme social », c’est pour-quoi « il faut les envoyer en prison ou enfaire du savon ».

Dans ces pays, le sentiment anti-tsigane est vivace : en Républiquetchèque, 83% de la population consi-dère les Tsiganes comme des aso-ciaux.

Ce rejet massif les conduit à migrervers les pays d’Europe de l’Ouest.Dans les années 1990, c’étaient des

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Roms de Bosnie-Herzégovine et duKosovo qui fuyaient les guerres del’ex-Yougoslavie.

Depuis les années 2000, il s’agitsurtout de Roms de Roumanie et deBulgarie, qui partent essentiellementvers l’Allemagne, l’Italie, la France,l’Espagne et la Grande-Bretagne. Cesmigrations entraînent dans les socié-tés d’accueil des mouvements d’ex-clusion relayés et, parfois, amplifiéspar les hommes politiques.

En France, la fin des années 2000 avu la destruction des habitats précairesdes Roms en marge des villes (« campsde Roms» et autres bidonvilles) etl’expulsion de leurs occupants.

Ainsi, la présidence de FrançoisHollande a été marquée par l’« af-faire Leonarda » : en 2013, LeonardaDibrani, quinze ans, est expulsée avecsa famille vers le Kosovo. Leonarda estscolarisée en classe de troisième, et lesoutien de ses camarades et profes-seurs fait naître une polémique.François Hollande annonce alors

autoriser le retour de Leonarda, maisd’elle seule, sans sa famille, et s’exposeau refus catégorique de la jeune fille, ce qui alimente encore la polé-mique.

Le sentiment anti-tsigane estensuite devenu moins perceptible, dufait de la « crise des migrants » qui afocalisé le débat sur l’arrivée enEurope des réfugiés syriens.

La fin de la présidence de FrançoisHollande s’est au contraire distinguéepar une ouverture en faveur desTsiganes.

Le 29 octobre 2016, lors de l’hom-mage national aux nomades internésen France, il a reconnu le rôle de laRépublique dans ces internements.Quelques jours plus tard, le 9 novembre 2016, Alexandre Roma-nès, poète et créateur du célèbrecirque Romanès, s’est vu remettre laLégion d’honneur par la ministre dela Culture Audrey Azoulay.

Ces deux gestes ne bouleverserontcertainement pas les représentationsnégatives sur les Tsiganes, mais, s’ilssont suivis d’autres initiatives com-parables, peut-être contribueront-ils à amender les politiques conduites àleur égard. Même si les hommes quiles mènent sont toujours sensiblesaux vicissitudes et aux majorités élec-torales...

TRAMOR QUEMENEUR,chercheur post-doctorant

à l’université de Coimbra, Portugal

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Volen Siderov, leader du partid’extrême droite bulgare Ataka

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«En choisissant de s’intéresser à cette icône longtemps restéedans l’ombre de Martin Luther King [...], Rue de Sèvres a opté

pour un angle audacieux et inédit. Qui s’en plaindrait ? »Patrice Gentilhomme, janvier 2014, www.actuabd.com

«Pédagogique, émouvante et instructive, la trilogie Wake Up Americaest surtout essentielle pour éclairer un des pans les plus sombres de l’histoire

américaine. Ce n’est d’ailleurs pas pour rien qu’elle a remportéle National Book Award 2016 (catégorie Littérature jeunesse).

Une lecture indispensable, qu’on se le dise ! »«D’une berge à l’autre », mars 2017, litterature-a-blog.blogspot.fr

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