ROBERT DILIGENT RACONTE RTL-TV

COLLECTION « Humour quand tu nous tiens ! »

Philippe Ragueneau HUMEURS ET HUMOUR DU GÉNÉRAL

Claude Dufresne HUMEURS ET HUMOUR DE TRISTAN

BERNARD (Prix de l'Humour)

Claude Sylvain HUMEURS ET HUMOUR D'ALEXANDRE DUMAS

Roland Ribet L'IMPRESARIO IMPERTINENT

La photographie de couverture est de Charles Spitaly

Robert Diligent

ROBERT DILIGENT RACONTE R T L - T V

J A C Q U E S

GRANCHER EDITEUR

ISBN 2733904272 © 1993 by Jacques Grancher, Editeur

A Dundee

Arthur Duprez, représentant en mercerie bonneterie Luxembourg Dommeldange,

à Monsieur Diligent RTL. Monsieur, Concerne votre émission « I comme...» du 19.1.1985.

Cette émission était le comble de l'indécence, immorale, impie, et d'une incongruité criant vengeance au ciel... il faut être la dernière des crapules pour dépraver la jeunesse comme vous le faites.

Il y a, à mes yeux, trois catégories d'hommes : - les hommes d'intelligence et d'esprit ; - les hommes bons et de coeur ; - les hommes vulgaires, canailles et immoraux... à vous

de choisir votre catégorie... moi je vous ai déjà classé. Que ces chômeurs dépravés en Écosse passent leur diman- che matin à des jeux érotiques et des strip-tease mixtes sont leurs affaires mais ne vous donnent pas le droit de faire passer ces films pornographiques à 19 heures où le pro- gramme TV est regardé en famille et par des enfants en bas âge.

Je n'ai pas à vous juger mais vous l'êtes déjà par le Christ « Mais quiconque scandalise un de ces petits... il est préférable pour lui qu'on lui suspende une meule d'âne au cou... » Mat. 12-6

Je ne sais pas si vous avez des enfant mais cela double- rait votre responsabilité.

Votre conduite est I comme Ignoble. L'homme de la rue

Arthur Duprez

Mme Pire-Jaumotte, Rixensart, (Belgique)

à Monsieur Robert Diligent RTL. 24 janvier 1984

Cher monsieur Diligent, J 'ai suivi avec très grand plaisir les émissions du 3 0 anni- versaire de RTL.

Toutes mes félicitations à RTL à cette occasion pour le programme d'anniversaire mais surtout pour l'esprit habi- tuel de RTL, fait d'objectivité et de volonté d'optimisme. Mais il y a déjà un bon bout de temps que j'hésite à vous écrire, à vous personnellement.

Voici: il y a deux ans, le soir du 31 décembre 1982, mon mari rentrait chez nous, ayant terminé son dernier jour de travail au bureau.

A 61 ans, il prenait sa pension. « Pour être sûr d'en profiter», disait-il. Ravi, il me rapportait une branche d'orchidées. Nous avons passé un petit réveillon tout calme et tout

intime. Puis, fatigués tous les deux, nous nous sommes couchés à

minuit et quart. A minuit et demi commençait l'infarctus qui me l'a enle-

vé le 10 février suivant. Rassurez-vous, je ne vous écris pas pour vous raconter

mes malheurs.

Mon mari n'a été hospitalisé que le 6 janvier. Le 4 ou le 5, à l'heure du journal télévisé, il m'a demandé

d'ouvrir la TV qui se trouve au salon. - Mais tu ne peux pas te lever.

1. En France, on dit «sa retraite».

- Je sais, m'a-t-il dit, mais même si je ne comprends pas bien ce qu'il dit, je veux entendre la voix de Robert Dili- gent. Je l'aime bien.

C'est la dernière fois qu'il a entendu la TV. Merci pour ce plaisir que vous lui avez donné sans le

savoir. Et c'est pour moi un souvenir réveillé chaque fois que je

regarde vos émissions. Avec toute l'amitié d'une fidèle téléspectatrice.

Les présentations étant faites et ces deux lettres me décrivant parfaitement, on peut commencer.

«I comme»: magazine d'informations créé en 1983. «I comme»: Informations, Images, Interviews. «I comme»: Insolite, Inattention, Inédit, Incroyable, etc.

Il y a d'abord eu Radio-Luxembourg qui, pendant des années, réveillait chaque matin ses auditeurs avec le célèbre refrain :

« Bonjour, bonjour amis fidèles, « C'est Luxembourg qui vous appelle ». Puis est née Télé-Luxembourg, les deux formant

ensuite RTL.

RTL c'est aujourd'hui la première Radio en Fran- ce, régulièrement en tête des sondages. C'est aussi plusieurs chaînes de télévision que peuvent regarder les Français, les Belges, les Allemands, les Hollandais et les Luxembourgeois. Un groupe important, un bloc impressionnant, des centaines de collaborateurs, animateurs, programmateurs, journalistes, camera- men, techniciens etc. Des millions de téléspectateurs à travers une bonne partie de l'Europe... et, à l'ori- gine, une petite, toute petite station, Télé-Luxem- bourg, dont la zone de diffusion était constituée par le Grand-Duché, la Lorraine et le sud de la Belgique. Quelques milliers de téléspectateurs et une poignée de

personnes pour leur offrir chaque jour un pro- gramme.

Cette télé, la façon dont elle fonctionnait avec son effectif réduit et ses ressources très limitées, il est diffi- cile de l'imaginer maintenant.

Bon, d'accord, on ne va pas jouer les glorieux an- ciens combattants car la plupart des grandes entrepri- ses ont eu, elles aussi, de modestes départs. Mais peu, au cours des dernières décennies, ont progressé de façon aussi spectaculaire que la télévision.

Et cela grâce aux extraordinaires progrès de la tech- nique et aux moyens colossaux dont disposent les chaî- nes les plus puissantes.

Nous ne nous étonnons pas de voir et d'entendre quelqu'un nous parler en direct d'un bout ou l'autre de la planète... et même de la Lune... d'assister quasi- ment aussi bien au déroulement d'un conflit qu'à celui d'un match de football... d'être au cœur d'un événe- ment et de le vivre en même temps que ses protagonis- tes.

Lieux communs que tout cela ! Oui, bien sûr... lieux communs aussi de s'exclamer « Quel chemin parcouru depuis les débuts de la Télévision ! »

Mais là, attention: il convient de parler de ce que l'on connaît ou, comme l'on dit familièrement, «faut savoir de quoi on cause ».

Pensant être dans ce cas, je vais vous raconter ce qu'était alors la télé dans ma partie, c'est-à-dire l'infor- mation. Ne vous attendez pas à de savants propos, des pensées profondes ou des réflexions sentencieuses. Je vais vous conter l'histoire d'une minuscule équipe

dont les membres faisaient très sérieusement leur tra- vail tout en ne se prenant pas au sérieux.

De méchantes langues diraient que, sur bien des chaînes, à présent ce serait plutôt le contraire ! Mais, à l'époque :

... telle était la télé.

Et d'abord, à quoi ça peut tenir, une carrière à la télévision ! Pour moi, la route menant à Luxembourg passait par un escalier à Lille. Jacques Navadic le des- cendait, je le montais. Nous travaillions dans le même immeuble, lui dans un quotidien, Nord Éclair, moi dans le magazine Nord France, appartenant à ce quo- tidien. Mais Jacques produisait aussi avec Thérèse Leduc une émission de variétés à Télé-Lille, première et à l'époque seule station régionale de l'O.R.T.F. Il était en outre responsable d'une émission de petits reportages régionaux dont il confiait les commentaires à des journalistes de la Presse écrite. J'en avais quel- quefois ma part. Comme c'était convenablement payé, j'en étais très satisfait tout en déplorant que mon im- mense talent ne serve qu'à rendre compte d'un banquet annuel de sapeurs-pompiers, la construction d'une dé- viation d'autoroute ou du départ à la retraite d'un sous-chef de bureau de Poste.

Et voilà que Jacques est approché par des représen- tants de Radio-Luxembourg pour créer le service des informations de Télé-Luxembourg dont la naissance était toute proche.

Et voilà que j'en entends parler.

Et voilà que je le croise dans cet escalier alors que nous restions parfois plusieurs semaines sans nous ren- contrer (déjà à cette époque, nous ne fréquentions pas les mêmes bistrots).

J'attaquai subtilement en lui disant qu'il avait une bien jolie cravate. Il me répondit que ce n'était pas une cravate mais un foulard. Jugeant imprudent de me pâmer sur la couleur de sa chemise ou la marque de ses chaussures, je renonçai à tout autre finasserie bas- sement flatteuse pour lui demander :

- Il paraît que tu vas créer une télévision à Luxem- bourg ?

- Oui, ce sera en septembre. - Eh bien, si tu as besoin de quelqu'un, ça m'inté-

resse. - Ça tombe bien, je dois emmener avec moi un jour-

naliste. J'ai déjà des candidats, je t'ajoute à la liste, mais c'est la direction de Radio-Luxembourg qui déci- dera.

Quelques semaines plus tard, cette direction mon- trait son bon sens en prenant la bonne mais aussi, à mon avis, la seule décision qui s'imposait. Et le 31 août nous prenions, Jacques et moi, la route de Luxem- bourg. On nous avait affirmé que nous y resterions deux ans au maximum, deux ans au bout desquels nous nous installerions à Paris, Télé-Luxembourg de- vant alors être en mesure d'être diffusée à travers toute la France.

C'était en 1955. En 1988, nous étions toujours à Luxembourg. Après 33 ans de réflexions, j'en ai conclu que cela ne

c'était pas passé comme l'avaient prévu les créateurs de la Station.

J'ai toujours aimé terminer le «Journal» sur une note gaie, un fait divers amusant ou une plaisanterie sur la speakerine qui me succédait pour annoncer la suite du programme.

A une certaine époque, elle se tenait dans le même studio que nous. Avec la belle et souriante Marylène, la jolie et pétillante Michèle Etzel était l'une de mes cibles préférées et consentantes. C'était un plaisir d'en- tendre ses éclats de rire avant qu'apparaisse le géné- rique final. Bref, certains soirs, on s'amusait vraiment beaucoup.

A cette même époque, un matin, ma secrétaire me passe le téléphone en m'indiquant :

- C'est une dame qui vous demande de Bruxelles et ne veut pas dire qui elle est.

Et j'entends ceci : - Monsieur Diligent, peu importe mon nom et voici

pourquoi je vous appelle. Je traverse en ce moment une période très pénible. Hier, c'était vraiment le trou noir, j'avais un cafard monstre, mais, à la fin de votre

«Journal», vous m'avez tellement fait rire que vous avez sauvé ma soirée. Je voulais tout simplement vous dire : « Merci ».

Et elle a raccroché. Rien que pour cela, cela valait la peine d'inventer la

Télé.