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Dr Wilbert Kreiss RÉJOUISSEZ-VOUS DANS LE SEIGNEUR COMMENTAIRE DE L'ÉPÎTRE DE PAUL AUX PHILIPPIENS © CENTRE DE DOCUMENTATION ET D’ÉTUDE CHRÉTIENNE Sherbrooke, 2009

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Dr Wilbert Kreiss

RÉJOUISSEZ-VOUS

DANS

LE SEIGNEUR

COMMENTAIRE DE L'ÉPÎTRE DE PAUL

AUX

PHILIPPIENS

© CENTRE DE DOCUMENTATION ET D’ÉTUDE CHRÉTIENNE

Sherbrooke, 2009

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TABLE DES MATIÈRES

Introduction

Salutation (1:1.2)

Action de grâces et prière (1:3-11)

Nouvelles de la prison (1:12-26)

Une exhortation: Menez une vie digne de l'Evangile (1:27-2:18)

Les actions de Paul en faveur des Philippiens (2:19-3:1)

La vie du chrétien: sa foi, son combat, son espérance (3:2-4:1)

La vie de paix, une vie de plénitude bienfaisante (4:2-9)

Remerciements pour les dons des Philippiens (4:10-19)

Conclusion (4:20-23)

Thèmes de réflexion

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RÉJOUISSEZ-VOUS

DANS

LE SEIGNEUR

COMMENTAIRE DE L'ÉPÎTRE DE PAUL

AUX

PHILIPPIENS

Wilbert Kreiss

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Préface

Ce commentaire de l'épître de Paul aux Philippiens n'est pas un ouvrage

scientifique, comme le montre à lui seul le format. Ceux qui le lisent dans l'espoir d'y

trouver réponse à toutes les questions historiques, linguistiques, théologiques et

autres resteront sur leur faim. Pour la calmer, il leur faudra consulter d'autres

ouvrages, dix fois plus volumineux, et qui ne sont pas nécessairement plus difficiles à

rédiger qu'un modeste commentaire. Tant mieux, si on appelle cela de la

vulgarisation. C'est quelque chose dont l'Eglise aurait beaucoup besoin. Très

exceptionnellement et seulement lorsque cela contribuait à une meilleure

compréhension du texte ou aidait à mieux en saisir une nuance, je me suis référé à

l'original grec que j'ai toujours eu devant les yeux en écrivant ces lignes.

Cette explication de l'épître aux Philippiens s'adresse à tous ceux qui aiment la

Parole de Dieu et veulent mieux la comprendre pour mieux en saisir les richesses,

mais aussi à tous ceux qui se préparent à un ministère dans l'Eglise, qui ont ou

aimeraient avoir une responsabilité dans l'enseignement et la catéchèse. A ceux

notamment qui sont appelés à prêcher ou à animer un cercle biblique. Elle s'efforce

de dégager les grandes vérités de la foi chrétienne et les grandes exhortations à la

"sainteté" articulées par l'apôtre. Le commentaire peut se lire en plusieurs tranches,

suivie chacune de questions de révision et d'exercices qui permettent au lecteur de

faire le point et de vérifier qu'il a bien capté le message de l'apôtre. Il me paraît

indispensable de répondre à ces questions et de faire ces exercices. C'est aussi, après

la lecture d'un commentaire fait par un autre, une façon de s'exprimer avec ses

propres mots.

Pourquoi l'épître aux Philippiens? Parce que c'est l'une de mes préférées. Elle m'a

beaucoup apporté personnellement, et je la trouve tout simplement extraordinaire.

Dieu voulant et je le lui demande humblement, j'arriverai à partager ma joie avec

ceux qui prennent la peine de lire ces lignes. Oui, ma joie, l'épître de Paul aux

Philippiens est en effet communément appelée "l'épître de la joie", et elle mérite

cette distinction.

Châtenay-Malabry,

décembre 1992

W. Kreiss

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Philippiens

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Introduction

La ville de Philippes:

L'épître est adressée aux chrétiens de Philippes. C'était une ville de l'antique

Macédoine qui avait pour capitale Thessalonique. Elle s'appelait d'abord Krénidès.

Mais en 356 avant J.-C., le roi Philippe II de Macédoine, père du fameux Alexandre le

Grand, conquit toute la région, s'empara de la ville, l'agrandit, la fortifia et lui donna

son nom. Plus tard, la Macédoine tomba aux mains des Romains. Puis une bataille s'y

déroula en 42 avant J.-C. En souvenir de la victoire remportée sur Brutus et Cassius

et, plus tard, sur Antoine, Octave, devenu l'empereur César Auguste, fit de Philippes

une colonie romaine, Colonia Julia Philippensis (Actes 16:12). Elle jouissait à ce titre

du jus italicum, c'est-à-dire des privilèges suivants: le droit de se gouverner

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Philippiens

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elle-même et d'élire son sénat et ses magistrats, l'exemption du tribut et de certains

impôts, le droit de propriété, et celui de posséder son enceinte sacrée et son capitole.

La ville occupait un point stratégique. C'était le premier port où on débarquait en

Macédoine, quand on venait par la mer. Il y avait là une forte proportion de Romains

à qui Octave avait octroyé des terres, classe dominante de la cité parlant le latin, de

nombreux Grecs, une majorité d'indigènes d'origine thrace et une minorité, sans

doute assez petite, de Juifs. On y vénérait les dieux romains, en particulier la triade

capitoline composée de Jupiter, Junon et Minerve, les dieux de la Thrace, des dieux

grecs et même des divinités orientales telle que Isis, protectrice de la ville. Enfin, on y

pratiquait le culte impérial. Les fouilles archéologiques ont mis à jour des temples et

des monuments dédiés aux empereurs déifiés de Rome. Quant aux Juifs, ils se

réunissaient le jour du sabbat en dehors des enceintes de la ville (Actes 16:13), car

les cultes étrangers n'étaient pas tolérés intra muros.

L'Eglise de Philippes:

Entre 49 et 52, l'apôtre Paul accomplit son deuxième voyage missionnaire qui le

conduisit pour la première fois sur le continent européen. Il avait projeté de rester en

Asie Mineure, mais dans la fameuse vision du Macédonien, le Saint-Esprit lui

enjoignit de se rendre en Europe (Actes 16:6-10). Il s'arrêta d'abord à Philippes,

première ville se situant sur son passage, y convertit Lydie, la marchande de

pourpre, et y fonda une Eglise. Il y connut aussi des tribulations et fut emprisonné

avec son compagnon Silas. C'est là qu'eut lieu le célèbre épisode de sa libération et de

la conversion du "geôlier de Philippes" (Actes 16:25-34). Lydie et le directeur du

pénitentiaire de Philippes furent ainsi les premiers fruits de la mission parmi les

païens (Actes 16:14). Il y en eut d'autres. Tous les noms cités dans l'épître sont en

effet d'origine grecque ou romaine. Ailleurs l'apôtre parle des chrétiens de la

Macédoine et de l'Achaïe comme d'anciens païens (Romains 15:26.27). Il est vrai que

Paul commença à annoncer l'Evangile parmi les Juifs, mais ils n'étaient pas

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nombreux à Philippes. Et d'autre part, il se devait d'annoncer le salut aux païens.

C'était sa mission propre.

On ne sait pas combien de temps l'apôtre séjourna à Philippes. Mais des liens

durables se tissèrent entre lui et ceux qu'il y avait amenés au Christ. Il avait pour eux

une affection particulière (Philippiens 1:8; 2:12; 4:1), et eux-mêmes ont plusieurs

fois subvenu à ses besoins (Philippiens 4:15.16; Actes 18:5; 2 Corinthiens 11:6). Il lui

est arrivé plusieurs fois de passer chez eux pour leur rendre visite notamment au

cours de son troisième voyage missionnaire (Actes 20:1-6).

L'épître aux Philippiens est une "épître de la captivité". L'apôtre l'écrivit alors qu'il

était en prison. Il s'agit de sa première détention à Rome qui dura de 59 à 61. On

pense généralement que l'épître fut écrite au début de l'an 61. Le procès de Paul est

en cours et il semble s'attendre à une libération prochaine (1:25; 2:24), en attendant

un nouvel emprisonnement qui, cette fois, le conduira à la mort.

Bien qu'il soit en prison, son épître aux chrétiens de Philippes respire la joie. Tout y

est calme, sérénité et paix. Même la perspective de la mort ne le trouble pas. Il est

heureux, et demande aux Philippiens de se réjouir avec lui (1:22.23; 2:17.18). La

lettre a amplement mérité son titre d'épître de la joie (2:28.29; 3:1; 4:1.4.10). Tout y

est par ailleurs axé sur "les choses les meilleures". L'emprisonnement de l'apôtre a

été une bénédiction, quelque chose de meilleur que la liberté (1:12-14). Partir et être

avec le Christ est meilleur que rester sur terre (1:21-23). Croire en Christ, c'est bien,

mais souffrir pour lui, c'est encore mieux (1:29.30). L'humilité sur les traces du

Christ mène à la gloire (2:5-11). Courir, c'est bien, mais achever la course, c'est mieux

(2:16-18). Tout est boue comparé à la connaissance de Jésus-Christ (3:4-8). Notre

corps humilié sera glorifié (3:21-4:1). Au milieu de l'humiliation, de la disette, de la

détresse, le Christ est notre force et notre richesse (4:11-14). Dieu pourvoit à tous

nos besoins (4:19).

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Le plan de l'épître:

Tout en sachant qu'on peut aussi la découper autrement et énoncer ses grands

thèmes avec d'autres mots, nous discernons dans l'épître le plan suivant:

Salutation (1:1.2)

Action de grâces et prière (1:3-11)

Nouvelles de la prison (1:12-26)

Une exhortation: Menez une vie digne de l'Evangile (1:27-2:18).

Les actions de Paul en faveur des Philippiens (2:19-3:1)

La vie du chrétien: sa foi, son combat, son espérance (3:2-4:1)

La vie de paix, une vie de plénitude bienfaisante (4:2-9)

Remerciements pour les dons des Philippiens (4:10-19)

Conclusion (4:20-23)

___________

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SALUTATION

(1:1.2)

"Paul et Timothée, serviteurs de Jésus-Christ, à tous les saints en

Jésus-Christ qui sont à Philippes, aux évêques et aux diacres: Que la grâce et

la paix vous soient données de la part de Dieu notre Père et de notre

Seigneur Jésus-Christ!" (1:1.2).

Timothée:

Veuillez vérifier dans un dictionnaire biblique ou à l'aide d'une concordance ce qu'on sait

de cet homme, de ses liens avec l'apôtre et du rôle qu'il a joué dans l'histoire de la jeune

Eglise de l'époque.

Paul se présente avec Timothée comme l'auteur de la lettre. En fait, il est le seul à l'avoir

écrite, car il parlera toujours à

jeune collaborateur. Peut-être lui a-t-il servi de secrétaire. Quoi qu'il en soit, c'est son

compagnon de travail bien-aimé. Il est, comme lui, "serviteur de Jésus-Christ".

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Serviteur:

Tous les chrétiens sont serviteurs de Dieu (Matthieu 24:45.46; 25:21), mais les

patriarches, prophètes, apôtres et ministres de l'Eglise le sont d'une façon particulière (2

Rois 14:25; Psaume 105:6; Jérémie 7:25; Ezéchiel 38:17; Matthieu 21:34; 1 Corinthiens

3:5; 4:1).

Le prédicateur de l'Evangile est serviteur de Dieu ou du Christ. Expliquez ce que cela

représente 1) dans ses rapports avec Dieu, 2) dans ses rapports avec les membres de

l'Eglise. Qu'est-ce que cela évoque pour vous, au niveau de la soumission, de l'autorité, du

devoir de fidélité, de la confiance, des comptes à rendre, de la récompense éventuelle?

Saints:

Les chrétiens de Philippes sont des saints. Et l'apôtre précise: des saints "en Jésus-Christ".

Pourquoi des saints, et pourquoi en Jésus-Christ? Le titre était couramment donné aux

chrétiens (Actes 9:13; Colossiens 1:2). Il se fonde sur la prière du Christ: "Sanctifie-les par

ta vérité, ta parole est la vérité" (Jean 17:17). Jésus du reste dit de lui-même qu'il se

"sanctifie" pour les siens (Jean 17:19).

Il sera bon ici de relire le chapitre sur la doctrine de la sanctification. Un bref rappel: La

Bible appelle saint ce qui appartient à Dieu, qui lui est consacré. Cela concernait dans

l'Ancien Testament certains lieux, les ustensiles du temple "consacrés" au culte, les

victimes offertes à Dieu, les prêtres à son service, et d'une façon plus générale, tous les

croyants, le peuple d'Israël lui-même (Exode 3:5; 22:31; Lévitique 11:44; 19:2; 20:7.26;

21:8).

Le chrétien est un saint, parce que consacré à son Dieu depuis le moment de son Baptême.

Il est saint aussi parce que le pardon du Christ l'a purifié de ses péchés et recouvert de la

justice de son Sauveur (doctrine de la justification). Un peu plus loin, l'apôtre dira qu'il

veut gagner le Christ et être trouvé en lui, recouvert de la justice parfaite qui vient de Dieu

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par la foi (Philippiens 3:8.9). Le chrétien est saint enfin parce qu'il marche sur le chemin

de la sainteté. Il recherche la sainteté qui est agréable à Dieu et que le Seigneur attend de

lui (doctrine de la sanctification). Il n'a pas besoin d'être canonisé par l'Eglise pour être un

saint. Le titre n'appartient pas à une petite élite de super-chrétiens. Tout croyant l'est

parce que son Dieu l'a adopté, pardonné et sauvé. Le Christ, dit l'apôtre, a été fait pour

nous "sagesse, justice, sanctification et rédemption" (1 Corinthiens 1:30).

La Bible elle-même nous invite à dire aux chrétiens qu'ils sont des saints. Cherchez des

textes dans la Bible et montrez l'enseignement, les consolations et les exhortations qu'on

peut tirer de cela.

Evêques et diacres:

Un coup d'oeil dans la dogmatique s'impose: cf. dans la doctrine de l'Eglise, le chapitre sur

le ministère. L'évêque était dans l'Eglise de l'époque un ancien à qui on avait confié

l'exercice du ministère de la Parole et des sacrements. C'était ce qu'on a coutume

d'appeler un pasteur de paroisse. L'apôtre Paul avait pour habitude d'en établir dans les

paroisses qu'il avait fondées au cours d'une cérémonie où on leur imposait les mains. Le

ministère de ces hommes, triés sur le volet et de qui on exigeait des qualités bien précises

(1 Timothée 3:1-10), était, au même titre que celui des apôtres, d'institution divine (Actes

20:28).

Quant aux diacres, c'étaient des assistants des évêques. Ils étaient désignés à l'origine

pour les décharger de tâches administratives et caritatives (secours aux pauvres).

Cependant certains d'entre eux, comme Etienne et Philippe, prêchaient publiquement.

Plus tard, on leur confia certaines des responsabilités normalement exercées par les

pasteurs (catéchèse, visites, apporter la communion aux malades, etc.).

"Saints", "évêques" et "diacres". Les trois catégories sont nommées dans notre texte.

L'Eglise est faite à la fois de fidèles et de ministres. Il n'y aurait pas de fidèles, s'il n'y avait

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pas de ministres annonçant l'Evangile. Inversement, il n'y aurait pas de ministres sans

fidèles. Où Dieu irait-il les chercher? Les deux ne s'opposent pas, mais se complètent.

Un petit détail: les "saints" sont nommés avant les évêques et les diacres. Une leçon

d'humilité pour ces derniers!

Que la grâce et la paix...:

Quand deux Grecs se croisaient dans la rue, ils se disaient: "chaïre", ce qui signifie "sois

heureux" (de ce mot provient le terme grec traduit par "grâce"). Quand deux Juifs se

rencontraient, ils se disaient (et se disent encore): "shalom", ce qui signifie "paix". Et

quand deux Français se saluent, ils se disent: "bonjour".

"Que la grâce et la paix...". Paul combine le bonjour grec et celui des Juifs. Mais pour lui,

"grâce" et "paix", c'est beaucoup plus qu'un simple bonjour. Ce sont les deux grands

bienfaits que Jésus est venu apporter aux hommes et que leur communique le Saint-Esprit

dans la prédication de l'Evangile. La grâce est la miséricorde infinie qui leur est faite en

Christ et qui culmine dans le pardon et le salut obtenus par la foi (voir dans la dogmatique,

le chapitre sur la justification). La paix est ce sentiment qu'éprouve le pécheur qui se sait

pardonné. Dieu est en paix avec lui et il l'est avec Dieu. Il est aussi en paix avec lui-même

(un bien rare et si précieux qu'on trouve auprès de Jésus) et en paix avec son prochain.

"Que la grâce et la paix...". C'est le rappel des magnifiques bénédictions que nous recevons

en Christ. Les chrétiens sont des gens comblés et heureux. Et ce qu'ils possèdent depuis le

moment de leur Baptême, ils sont invités à le posséder toujours davantage, à le saisir et à

le vivre toujours plus fort, d'où le voeu de l'apôtre: "Que la grâce et le paix...". Cela vient de

Dieu, bien entendu, mais aussi du "Seigneur Jésus-Christ". Sans lui, sans son sacrifice, sa

mort et sa résurrection, il n'y aurait pour nous ni grâce ni paix. Il est bon de s'en souvenir!

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ACTION DE GRACES ET PRIERE

(1:3-11)

"Je rends grâces à mon Dieu de tout le souvenir que je garde de vous, ne

cessant, dans toutes mes prières pour vous tous, de manifester ma joie au

sujet de la part que vous prenez à l'Evangile, depuis le premier jour

jusqu'à maintenant. Je suis persuadé que celui qui a commencé en vous

cette bonne oeuvre la rendra parfaite pour le jour de Jésus-Christ. Il est

juste que je pense ainsi de vous tous, parce que je vous porte dans mon

coeur, soit dans mes liens, soit dans la défense et la confirmation de

l'Evangile, vous qui tous participez à la même grâce que moi. Car Dieu

m'est témoin que je vous chéris tous avec la tendresse de Jésus-Christ. Et

ce que je demande dans mes prières, c'est que votre amour augmente de

plus en plus en connaissance et en pleine intelligence, pour le

discernement des choses les meilleures, afin que vous soyez purs et

irréprochables pour le jour de Christ, remplis du fruit

de justice qui est par Jésus-Christ, à la gloire et à la louange de Dieu"

(1:1-11).

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Philippiens

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Vient maintenant une action de grâces, suivie d'une prière. L'apôtre exprime à Dieu sa joie

et sa reconnaissance. C'est la première chose qu'il fait, après avoir salué ses lecteurs.

Question: Et nous, où en sommes-nous avec nos actions de grâces et nos louanges?

Qu'avons-nous à dire à Dieu pour tout le bien qu'il nous fait? Ou qu'il fait aux autres? Car,

on l'aura remarqué, Paul ne s'attribue aucun mérite, c'est Dieu qu'il loue pour ce que sont

devenus les Philippiens.

Je rends grâces à mon Dieu:

Paul rend grâces et loue. On aurait envie de dire: Enfin un pasteur heureux, content de ses

paroissiens, et qui le dit non seulement à Dieu, mais aussi à ses ouailles! Un pasteur qui ne

se plaint pas seulement, qui ne gémit pas à cause des difficultés de son ministère et de

l'ingratitude ou de la tiédeur de ses fidèles, mais qui remercie le Seigneur pour les joies

vécues et qui, lorsqu'il voit sa paroisse grandir dans la foi et l'amour, pense à le lui dire.

Est-ce à dire que Philippes était une paroisse exceptionnelle, la perle rare dont tout

pasteur voudrait pouvoir prendre soin, ou que Paul a été un pasteur unique en son genre,

comme l'Eglise en produit deux ou trois par siècle? Qu'il a eu de la chance d'avoir une telle

paroisse, ou sa paroisse d'avoir un tel pasteur, le meilleur de l'époque, un surdoué du

ministère? Non, je ne le pense pas. D'autres textes du Nouveau Testament révèlent les

faiblesses du grand homme qu'il a été, et l'épître aux Philippiens montre que dans l'Eglise

de cette ville tout n'était pas pour le mieux dans le meilleur des mondes.

La reconnaissance de Paul est tellement réelle et sincère que les mots se bousculent

(V.3-5, où le V.4 est une sorte de parenthèse). Mais passons sur les détails pour en arriver

tout de suite à la chose la plus importante. Pour quoi l'apôtre rend-il grâces à Dieu?

Qu'est-ce qui l'incite à le remercier? Réponse:

La part que vous prenez à l'Evangile:

Le mot grec traduit ainsi (koinônia) exprime la participation à quelque chose, le fait qu'on

y a part et qu'on en bénéficie. Pris dans ce sens, l'apôtre remercie Dieu de ce que par la

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Philippiens

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conversion et la foi en Jésus, les chrétiens de Philippes ont part aux promesses et

bénédictions de l'Evangile, à tout ce qu'il offre à ceux qui le reçoivent d'un coeur croyant

(grâce, pardon, paix, joie, espérance, salut, etc.). Et un prédicateur a de quoi remercier

Dieu, quand il constate que l'Evangile prêché par lui a porté des fruits, qu'il s'est manifesté

comme une puissance de salut, amenant des pécheurs à Jésus-Christ.

Mais si on traduit comme Segond ou la TOB par "la part que vous prenez à l'Evangile", on

laisse entendre que Paul remercie Dieu de ce que les Philippiens ont pris part à l'annonce

de l'Evangile, donc à l'évangélisation. C'est encore plus clair dans la Bible du Semeur: "Je

remercie Dieu car... par le soutien que vous m'avez apporté, vous avez contribué à

l'annonce de la Bonne Nouvelle". Dans ce cas, l'apôtre n'y va pas par quatre chemins. Il

parle gros sous et en remercie le Seigneur, et si la première interprétation est biblique et

belle, il se pourrait que cette deuxième corresponde mieux à ce que l'apôtre veut exprimer

ici. Signalons que dans Romains 15:26 et 2 Corinthiens 9:13 où il est également question

d'argent, il emploie en grec le même mot koinônia. Et puis, c'est vrai, dans notre épître, il

ne cache pas la joie qu'il a éprouvée quand on lui a remis de l'argent de la part des

Philippiens (4:14-16). Toute aide matérielle donnée à un prédicateur lui permet de

prêcher l'Evangile et d'accomplir sa mission. C'est une participation active à cette mission.

Les dons des chrétiens ne devraient jamais être la seule façon pour eux d'y participer, car

il leur est aussi demandé de témoigner personnellement, mais celui qui ne donne pas pour

la mission ou qui donne chichement

montre qu'il lui importe peu que l'Evangile soit annoncé.

Alors si l'idée nous prenait de dire à l'apôtre: "C'est donc si important, cette histoire

d'argent, pour que tu la mentionnes comme cela, tout de suite, avant de parler d'autre

chose?", il nous répondrait sans doute: "Oui, et pour deux raisons: 1) On ne prêche pas

l'Evangile sans dépenser de l'argent. 2) Quand on donne de l'argent pour que l'Evangile

soit prêché, on montre qu'on a le coeur au bon endroit". Petite question que tout chrétien

devrait se poser et que son pasteur peut l'aider à se poser: Sait-il que Dieu a besoin de son

argent pour annoncer le salut au monde? Sait-il aussi que ce même Dieu voit dans sa

cotisation, si modeste soit-elle, un baromètre de sa foi et de l'intérêt qu'il porte à

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Philippiens

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l'Evangile?

Paul souligne aussi la constance des Philippiens: "depuis le premier jour jusqu'à

maintenant". C'est ce qui fait la force d'une Eglise: la générosité qui n'est pas du genre feu

de paille, mais constante, persévérante, régulière, quelque chose sur quoi l'Eglise peut

compter et qui lui permet d'évaluer les recettes à venir et de planifier les dépenses.

L'apôtre a parlé du passé et du présent. Il évoque maintenant l'avenir:

Je suis persuadé que celui qui a commencé en vous cette bonne oeuvre la rendra

parfaite pour le jour de Jésus-Christ:

Soli Deo gloria! C'est le Seigneur qui fait tout cela: "Celui qui a commencé en vous cette

bonne oeuvre la rendra parfaite". Les Philippiens participent à l'Evangile, ont part à tous

ses bienfaits et montrent leur foi en Christ et leur amour pour la mission par leurs dons en

argent. Dieu a commencé cela en eux et c'est lui qui l'achèvera. En d'autres termes: tout, le

début et la fin, la conversion et la persévérance, la foi en Christ et la sanctification, est son

oeuvre. Sans lui nous ne pouvons rien faire. Trouvez dans la Bible quelques textes qui

l'affirment et consultez pour cela les chapitres de la dogmatique consacrés à la

sanctification et la persévérance.

Le jour de Jésus-Christ:

L'oeuvre du salut sera accomplie ce jour-là. Pas avant! C'est le dernier jour, bien sûr. Ce

que l'Ancien Testament appelle le "jour de l'Eternel", jour terrible et redoutable (Esaïe

24:21-23; 25:8.9; Jérémie 33:15.16, etc.), et que l'apôtre appelle le "jour de Jésus-Christ".

Essayez d'expliquer pourquoi c'est le jour du Christ et pourquoi, bien que ce jour-là il

vienne juger les vivants et les morts, c'est un jour de joie et de bonheur. Trouvez le texte

où Jésus invite les siens à la joie, leur demande de lever leurs têtes, car leur "délivrance

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Philippiens

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approche".

Je vous porte tous dans mon coeur... Je vous chéris avec la tendresse de Jésus-Christ:

Rarement l'apôtre a été aussi expansif. Il laisse parler son coeur et recourt même à un

serment ("Dieu m'est témoin que") pour assurer les Philippiens de sa "tendresse", ou

plutôt de "la tendresse de Jésus-Christ". Cet amour lui vient du Christ. Ce n'est pas

l'affection naturelle qu'on peut ressentir pour des gens avec qui on a des atomes crochus,

mais un fruit de la foi, une oeuvre du Saint-Esprit. Et si les pasteurs disaient de temps en

temps à leur paroisse et à leurs fidèles qu'ils les chérissent et les aiment? Pas pour verser

dans la sensiblerie (qui voudrait reprocher cela à Paul?), mais tout simplement parce que

c'est vrai? Un mari qui aime sa femme le lui dit ou le lui montre de temps en temps, sinon

elle est en droit d'en douter. Alors pourquoi le berger ne dirait-il pas de temps en temps à

son troupeau qu'il l'aime?

Paul est en prison. C'est ce qui explique peut-être pourquoi il se livre à des confidences

plus qu'il ne le fait lorsqu'il est en pleine action. C'est "juste", précise-t-il, et il explique

pourquoi: il les porte dans son coeur. Et pourquoi les porte-t-il dans son coeur? Parce

qu'ils participent à "la même grâce" que lui. Il vivent de la même miséricorde divine et du

même pardon, sont revêtus du même Christ et de sa justice parfaite, ont la même foi et la

même espérance dans le coeur, marchent sur le même chemin et se dirigent vers le même

but. Voilà bien des choses possédées en commun, et des choses importantes, capitales.

C'est plus fort que le lien du sang, de la langue, de la culture. Quand on a tout cela en

commun, il y a là de quoi s'aimer et se chérir. C'est en le rappelant aux chrétiens qu'on les

exhorte à l'amour et à la sanctification.

Paul est heureux, malgré la prison et les chaînes. Il a appris à transcender ses souffrances

personnelles et à se réjouir de ses tribulations. Elles servent en effet à la "défense" et la

"confirmation" de l'Evangile. C'est pour l'Evangile qu'il est en prison. C'est donc l'Evangile

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qu'il aura à défendre devant ses juges. Et cela, l'apôtre s'en réjouit. Attention: Il ne prétend

pas convertir les juges, les huissiers, les gardiens de prison et les bourreaux. C'est de

toutes façons l'oeuvre du Seigneur et pas la sienne. Mais tous ces gens sauront pourquoi il

est dans les chaînes, pour quel Maître il encourt ses tribulations et subira la mort. Au

moins auront-ils entendu l'Evangile et leur aura-t-on parlé de Jésus-Christ. C'est la seule

chose qui compte. Nous ne sommes pas chargés de sauver le monde, mais de lui annoncer

que Dieu veut le sauver. A chacun sa mission: à nous la nôtre, au Saint-Esprit la sienne!

Faisons notre travail, il saura faire le sien! Alors Paul n'attend que l'occasion de

comparaître devant les magistrats de l'empereur. Tout le reste, la privation de liberté, le

dénuement, la maigre pitance à laquelle il a droit et que les Philippiens ont voulu

améliorer par leurs dons, l'humiliation et peut-être la mort prochaine, devient accessoire.

"Je vous chéris tous avec la tendresse de Jésus-Christ". N'a-t-il pas écrit ailleurs : "Ce n'est

plus moi qui vis, c'est Christ qui vit en moi" (Galates 2:20)? Dans ce cas, c'est le propre

coeur de Jésus qui bat dans la poitrine de l'apôtre, et si cela est vrai, il ne peut qu'aimer les

Philippiens comme Jésus les aime. Il est pour eux le miroir de l'amour du Christ.

L'action de grâces était devenue protestation d'amitié. Elle devient maintenant

intercession. Il "demande" quelque chose à Dieu: que l'amour des Philippiens "augmente

de plus en plus". Il est là et a déjà porté des fruits. Paul souhaite qu'il abonde de plus en

plus, qu'ils fassent encore des progrès. Qu'il devienne encore plus fort, mais aussi plus

pur, plus vrai. Pour cela il faut qu'il augmente "en connaissance et en pleine intelligence".

Pour que l'amour soit vraiment chrétien et qu'il grandisse, il faut qu'il plonge ses racines

dans une connaissance de plus en plus grande des merveilleuses vérités de l'Evangile et

dans l'intelligence de ces vérités. Il faut que les Philippiens comprennent toujours mieux à

quel point Dieu les aime en Jésus-Christ, et qu'ils en fassent l'expérience dans la vie de

tous les jours. Alors leur foi grandira, et avec leur foi, l'amour.

Pour le discernement les choses les meilleures:

L'apôtre utilise un mot qui signifie en réalité "tester", "vérifier". On teste l'or ou l'argent,

pour savoir s'il est pur. C'est ainsi que les chrétiens sont appelés à tester toutes choses

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Philippiens

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pour découvrir quelles sont les meilleures, faire la différence entre le bien et le mal, entre

ce qui est utile et ce qui ne l'est pas, ce qui contribue au salut et ce qui lui nuit. Et pour

cela, il faut de la connaissance et de l'intelligence, des aptitudes qu'on n'acquiert pas au

lycée ou à l'université, à force de décrocher des diplômes, mais à l'école de Jésus-Christ.

Une fois de plus, l'apôtre dirige nos regards vers le "jour de Christ" (V.10). Eh oui, tout se

décidera ce jour-là. Paul veut que nous portions pour ce jour beaucoup de fruits, tel un

bon arbre (Matthieu 7:17-19; Jean 15:5), que nous en apportions une corbeille pleine à

celui qui nous a tant aimés.

Purs et irréprochables:

Jésus veut, au dernier jour, présenter son Eglise à Dieu comme une épouse pure,

irréprochable, "glorieuse, sans tache, ni ride, ni rien de semblable, mais sainte et

irréprochable" (Ephésiens 5:27).

A la gloire et à la louange de Dieu:

Encore une fois: Soli Deo gloria! Dans tout ce qu'il fait, Dieu veut glorifier son nom. Tout,

notre rédemption par le Christ, notre conversion, notre salut par la foi, notre marche avec

le Seigneur, notre sanctification et notre persévérance, doit contribuer à sa louange et sa

gloire (Ephésiens 1:6.12.14). Y compris les fruits que nous portons: "Si vous portez du

fruit, c'est ainsi que mon Père sera glorifié et que vous serez mes disciples" (Jean 15:8).

L'action de grâces devient ainsi doxologie. Cf. par exemple Ephésiens 1:14. Essayez d'en

trouver encore quelques autres dans le Nouveau Testament. Le but ultime de la vie de tout

chrétien doit être de célébrer le nom de son Dieu, de le louer, de l'exalter et de le glorifier.

Ici-bas, du mieux qu'il peut, et un jour dans l'éternité, de façon parfaite, avec tous les anges

et les bienheureux. Le Seigneur a réellement droit à cela.

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Philippiens

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Questions de révision et exercices:

1) Expliquez le V. 2.

2) Qu'est-ce qui fait dans les V.3-11 la joie de l'apôtre Paul?

3) Montrez le rapport entre l'amour et la connaissance ou

l'intelligence (V.9).

4) Pourquoi le dernier jour est-il appelé le "jour du Christ"? Si c'est

parce que Jésus-Christ reviendra juger les vivants et les morts,

expliquez pourquoi ce sera lui plutôt que son Père ou le

Saint-Esprit.

5) Voici une disposition pour une prédication sur les V.1-11.

Bâtissez sur elle un plan de sermon avec ses différents sous-points

et les principales idées que vous développeriez, si vous aviez à

prêcher:

La prière d'un pasteur

1) Le merci qu'il dit à Dieu.

2) Les demandes qu'il lui adresse.

__________

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NOUVELLES DE LA PRISON

(1:12-26)

"Je veux que vous sachiez, frères, que ce qui m'est arrivé a plutôt

contribué aux progrès de l'Evangile. En effet, dans tout le prétoire et

partout ailleurs, nul n'ignore que c'est pour Christ que je suis dans les

liens, et la plupart des frères dans le Seigneur, encouragés par mes liens,

ont plus d'assurance pour annoncer sans crainte la parole. Quelques-uns,

il est vrai, prêchent Christ par envie et par esprit de dispute; mais

d'autres le prêchent avec des dispositions bienveillantes. Ceux-ci agissent

par amour, sachant que je suis établi pour la défense de l'Evangile, tandis

que ceux-là, animés d'un esprit de dispute, annoncent Christ dans des

intentions qui ne sont pas pures et avec la pensée de me susciter quelque

affliction dans mes liens. Qu'importe? De toute manière, que ce soit pour

l'apparence, que ce soit sincèrement, Christ n'est pas moins annoncé: je

m'en réjouis, et je m'en réjouirai encore. Car je sais que cela tournera à

mon salut, grâce à vos prières et à l'assistance de l'Esprit de Jésus-Christ;

selon ma ferme attente et mon espérance, je n'aurai honte de rien, mais

maintenant comme toujours, Christ sera glorifié dans mon corps avec une

pleine assurance, soit par ma vie, soit par ma mort; car Christ est ma vie,

et mourir m'est un gain. Mais s'il est utile pour mon oeuvre que je vive

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dans la chair, je ne saurais dire ce que je dois préférer. Je suis pressé des

deux côtés: J'ai le désir de m'en aller et d'être avec Christ, ce qui est de

beaucoup le meilleur; mais à cause de vous il est plus nécessaire que je

demeure dans la chair. Et je suis persuadé, je sais que je demeurerai et

que je resterai avec vous tous, pour votre avancement et pour votre joie

dans la foi, afin que, par mon retour auprès de vous, vous ayez en moi un

abondant sujet de vous glorifier en Jésus-Christ" (V. 12-26).

Voici une série de nouvelles en provenance de la prison. Elles sont importantes et

réjouissantes. On comprend que l'apôtre ait hâte de les donner à ses lecteurs. Et la

meilleure est que l'Evangile se répand, à Rome comme ailleurs. A l'heure où il écrit sa

lettre aux Philippiens, règne l'un des pires empereurs que Rome ait connus, Néron,

grand persécuteur des chrétiens. Il est monté sur le trône après que Claudius eut été

empoisonné (13 octobre 54) et y restera jusqu'à son suicide en 68.

Ce qui m'est arrivé:

Le procès de l'apôtre était en cours. Paul avait fait appel à l'empereur. Sans doute

une première audition avait-t-elle eu lieu, ce qui lui permit d'expliquer devant le

tribunal pourquoi il était en prison à Rome, alors qu'il n'avait commis aucun forfait

justifiant son arrestation. Il n'est pas un criminel de droit commun. La seule raison

pour laquelle il se trouve à Rome est que les Juifs lui reprochaient de répandre les

fausses doctrines d'un certain Jésus de Nazareth et qu'en

tant que citoyen de Rome, il a demandé à comparaître devant l'empereur. Le nom du

Christ a été ainsi prononcé et son message annoncé devant la plus haute instance

judiciaire de l'empire. Loin de nuire à la prédication de l'Evangile en haut lieu, le

procès la rendait possible.

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Philippiens

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Prétoire:

Le mot peut avoir deux sens. Il désignait normalement la caserne où logeaient les

soldats de la cohorte prétorienne formant la garde de l'empereur. Ils devaient être

chargés à tour de rôle de la surveillance de l'apôtre (Actes 28:16; Philippiens 4:22).

Mais le terme peut désigner aussi la cohorte elle-même, régiment d'élite doté de

privilèges particuliers, recevant notamment une solde double et ayant rang de

centurions. Ce qui réjouit l'apôtre, c'est que non seulement les juges et les avocats,

mais aussi tous ces militaires ont entendu parler du Christ. L'apôtre n'était pas

homme à se taire. On l'imagine facilement parler du Christ aux soldats qui se

relayaient pour le garder. Jésus a pu devenir ainsi un véritable sujet de conversation

dans les murs de cette caserne.

Frères dans le Seigneur:

C'est ainsi que l'apôtre appelle les chrétiens habitant à Rome. Expliquez la portée de

ce titre, en montrant en quoi les croyants sont frères et ce que le Christ vient faire

là-dedans.

Il y avait à Rome une Eglise à laquelle Paul avait envoyé, quatre ans plus tôt, son

épître aux Romains. Dans Romains 16:3-16 il y salue des membres qu'il connaissait

sans doute personnellement. On pense aussi que l'épître aux Hébreux a été rédigée à

l'intention de Juifs romains convertis au christianisme. Signalons au passage qu'il y

avait à l'époque sept synagogues dans la capitale de l'empire, ce qui permet

d'affirmer qu'une importante colonie de Juifs y vivait. Paul avait, dès son arrivée à

Rome, fait de la mission parmi eux (Actes 28:24). Eh bien, après un premier moment

de découragement, tous ces chrétiens ont été fortifiés dans la foi et encouragés à

témoigner, et l'emprisonnement de l'apôtre n'a fait que contribuer à la propagation

de l'Evangile dans cette ville païenne. Loin de freiner l'évangélisation, il n'a fait que

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l'accélérer. Alors Dieu savait ce qu'il faisait en permettant que son ambassadeur soit

incarcéré. Tout dans l'histoire de ce monde doit contribuer à l'édification de son

Eglise, et il sait même se servir pour cela d'empereurs, de juges et de soldats.

Bien sûr, tout cela ne va pas sans risques, et l'histoire le prouvera. Paul sera

condamné au terme d'un deuxième emprisonnement et exécuté, puis une série de

persécutions s'abattront sur l'Eglise de Rome. Mais personne n'y songe en ce

moment. Les croyants, l'apôtre en tête, connaissent une période de ferveur, de zèle et

d'euphorie. Paul ne peut que s'en réjouir (V.12-14).

Envie, esprit de dispute:

Hélas, il n'y a pas que des sujets de joie à Rome. On y prêche le Christ, mais ceux qui

le font ne le font pas tous avec de bonnes dispositions. On a pensé qu'il s'agissait de

faux docteurs, d'hérétiques ou de prédicateurs judaïsants cherchant à imposer aux

chrétiens le joug de la loi de Moïse (circoncision, sabbat, cérémonies diverses,

distinction entre aliments purs et impurs, etc.). Cependant Paul ne dit pas cela, et si

ces gens avaient répandu de fausses doctrines, il ne se serait certainement pas réjoui

de constater qu'ils prêchaient le Christ. Il ne transige pas avec l'erreur et tout ce qui

peut porter atteinte à l'Evangile du Christ (Galates 1:6-9). La seule chose qu'il leur

reproche, ce sont les mauvais sentiments qui les animent, la jalousie et l'esprit de

dispute.

On devait à Rome être jaloux de l'apôtre et de ses succès. Alors certains, faisant

preuve d'une ambition qui n'a pas sa place dans l'Eglise, voulaient faire mieux que lui

et au besoin le dénigraient, créant dans l'Eglise des factions semblables à celles de

Corinthe, mais en plus grave encore. Imaginant Paul animé des mêmes sentiments

qu'eux, ils cherchaient à lui susciter quelque affliction dans ses liens (Segond), à

rendre sa captivité encore plus pénible (TOB, Bible du Semeur) (V.15.17). C'étaient

beaucoup plus de faux frères que de faux docteurs.

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D'autres, au contraire, agissent par amour, sachant que l'apôtre a été "établi pour la

défense de l'Evangile" (V.16). Ces gens-là ont compris pourquoi il est en prison,

pourquoi Dieu l'a fait venir ici, quels sont les desseins divins concernant le sort qui

attend son serviteur, la raison d'être de ce procès. Et loin d'entrer en compétition

avec lui, ils redoublent d'amour et de zèle pour l'Evangile. Encouragés par la

constance et la fermeté de l'apôtre, ils apportent leur part à l'évangélisation de la

ville.

Paul pourrait s'indigner. La bassesse de tels sentiments pourrait le révolter. Au lieu

de cela, il se réjouit. Qu'importent les mauvais motifs animant les uns et les autres,

l'essentiel est que l'Evangile soit annoncé, que le Christ soit connu, que la lumière du

salut brille à Rome (V.18). Encore une fois, il ne s'agit certainement pas de faux

docteurs, et tout ce que dans son commentaire de l'épître aux Philippiens Alphonse

Maillot pense pouvoir dire, sur la base de ce texte, de la légitimité du pluralisme dans

l'Eglise, est déplacé. Paul n'a jamais plaidé pour le pluralisme doctrinal, dans aucune

de ses lettres. Il raisonne et agit autrement, quand il a affaire à des gens qui

n'enseignent pas la vérité, et il serait très facile de le montrer. Alors de grâce, ne

faisons pas de ce texte un exemple de tolérance théologique, un encouragement à

tolérer dans l'Eglise les divergences doctrinales et le pluralisme en matière

d'enseignement. Il faudrait des textes plus convaincants que celui-là!

Dans les versets qui suivent, saint Paul exprime son désir de glorifier et de magnifier

le Christ, quelle que soit l'issue de son procès. C'est sa seule hantise. Qu'il puisse

continuer de vivre ou qu'il meure, peu importe en fin de compte, pourvu que

Jésus-Christ soit connu, cru, confessé et exalté.

Si, il y a encore une chose qui compte énormément pour lui, qui lui tient très à coeur,

son salut personnel. L'apôtre veut être sauvé et voir un jour Jésus face à face. Eh bien,

son sort présent contribuera à son salut. Dieu lui donnera la grâce de ne pas le renier

devant ses juges et de confesser son nom. La vie éternelle sera le prix de sa

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Philippiens

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persévérance dans la persécution. Et comme toujours, Paul va jusqu'au fond de sa

pensée: Il n'a pas en lui-même les moyens d'une telle constance, d'une fidélité sans

faille. Dieu seul peut lui accorder ce cadeau, et il le fera grâce aux prières des

Philippiens sur lesquelles il sait pouvoir compter, et à "l'assistance de l'Esprit de

Jésus-Christ" (V.19). De même qu'il prie pour les chrétiens de Philippes (1:3-11), il

sait que ceux-ci intercèdent pour lui. C'est beau, cela. Puissent tous les pasteurs du

monde prier sans cesse pour leurs paroisses et celles-ci intercéder toujours pour

leurs bergers! L'Eglise en sortira plus forte, plus grande et plus heureuse.

Paul n'espère qu'une chose: n'avoir pas à rougir de honte, ne pas avoir honte du

Christ et de son Evangile, ne pas le renier à l'heure où Dieu attend de lui le

témoignage pour lequel il l'a conduit à Rome. Ce serait un déshonneur pour Jésus, si

son témoin le plus ardent refaisait ce que Simon Pierre avait fait en son temps et le

reniait devant ses juges. Au lieu de cela, il faut qu'il soit glorifié. Oh, ce n'est pas Paul

qui le glorifiera. Seul Dieu peut le faire, c'est pourquoi l'apôtre utilise un passif:

"Christ sera glorifié". Et pour ce faire, Dieu a le choix entre deux solutions: la vie et la

mort de l'apôtre (V.20). L'une et l'autre contribueront à exalter le Christ. La mort,

parce que le martyre est le plus beau culte qu'on puisse lui rendre, le plus beau Te

Deum qu'on puisse lui chanter; la vie, parce que quiconque connaît Paul sait ce qu'il

fera, si Dieu lui donne la grâce de vivre encore: il l'emploiera à prêcher, témoigner,

annoncer le Christ, le faire connaître au monde, dans les chaînes ou en liberté, dans

les murs d'une caserne ou sur les chemins de ce monde. Ailleurs il forme même le

voeu de se rendre en Espagne, car là-bas on ne sait pas encore qui est Jésus (Romains

15:24.28).

Christ est ma vie, et mourir m'est un gain:

Christ est ma vie. Rien de plus biblique! N'a-t-il pas dit qu'il était le chemin, la vérité

et la vie, la résurrection et la vie, que quiconque croit en lui vivra quand même il

serait mort, et que celui qui vit et croit en lui ne mourra jamais? C'est vrai et

tellement beau.

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Mais ce n'est pas ce que Paul veut dire ici. La syntaxe de cette phrase exige qu'on la

traduise autrement. Au lieu de "Christ est ma vie", on fera mieux de traduire par:

"Pour moi, vivre, c'est Christ" (TOB), ou: "Pour moi, en effet, la vie, c'est le Christ"

(Bible du Semeur). C'est autre chose, mais c'est tout aussi biblique. En disant que ma

vie, c'est le Christ, je confesse qu'il est ma raison de vivre, que je vis pour lui, que

mon existence tout entière lui appartient. C'est ce que veut dire l'apôtre. Si ses juges

l'acquittent ou prononcent un non-lieu, si donc la grâce lui est donnée de continuer

de vivre, il fera ce qu'il a toujours fait: il vivra pour le Christ, ira le prêcher partout. Et

c'est très bien, comme cela. C'est une raison suffisante pour vivre.

Mais si Dieu en a décidé autrement, s'il a décidé que le moment est venu pour lui de

mourir, parce qu'il a assez servi son Maître, assez vécu, peiné et souffert, c'est tout

aussi bien. En effet, la mort est pour l'apôtre un gain. Il y gagne à mourir, puisque

celui qui croit en Jésus ne mourra jamais, parce qu'il est passé de la mort à la vie. On

y gagne à aller voir face-à-face celui en qui on a cru. La mort ne sépare pas du Christ,

mais permet d'aller chez lui (V.23; 2 Corinthiens 5:1-9). Ce n'est plus une mort, mais

un sommeil du corps en attendant sa résurrection. Cette mort n'est plus un ennemi,

mais une amie. Y a-t-il pour un chrétien une plus grande grâce que celle-là?

Paul y gagne à mourir. Mais l'Evangile y gagne à ce qu'il reste en vie. Alors l'apôtre ne

sait que choisir. Il est "pressé des deux côtés". Pour ce qui le concerne, il vaudrait

mieux qu'il meure. Mais s'il songe à l'Evangile et à ses enfants dans la foi, à tous ceux

qu'il a conduits au Christ et en particulier aux chrétiens de Philippes, il vaut mieux

qu'il "demeure dans la chair" (V.22-24). Il ne sait que choisir et renonce donc à le

faire. Qu'un autre choisisse pour lui. D'ailleurs il le fera, car l'homme propose, mais

Dieu dispose. Et c'est très bien comme ça.

Je suis persuadé, je sais que je demeurerai:

Pour lui-même, Paul ne sait que choisir. Par contre, il sait quel serait le bon choix

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Philippiens

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pour les chrétiens de Philippes. Pour eux, pour leur "avancement" et leur "joie dans

la foi" (encore une fois la joie!), il serait important qu'il reste en vie et qu'il soit

relâché. Suffisamment important pour que Dieu décide dans ce sens.

Sont donc en jeu le salut personnel de Paul et celui des Philippiens. Pour Dieu le

choix est clair, et Paul a deviné juste. Il restera en vie, et en plus retrouvera la liberté.

Comment pourrait-il être apôtre, s'il restait en prison? Un apôtre n'est-il pas par

définition un homme libre comme un oiseau, allant partout où le Seigneur a besoin

de lui? Plus tard, il retournera en prison, et cette fois-ci ce sera pour mourir. Chaque

chose en son temps! Parlant de son

deuxième emprisonnement, Paul utilise un ton tout à fait différent, son style se fait

beaucoup plus pathétique, car il en connaît l'issue, tragique aux yeux des hommes,

heureuse et glorieuse pour lui (2 Timothée 4:6-8).

Les Philippiens grandiront encore dans la foi et la joie. Ainsi Paul sera leur sujet de

gloire. Mais encore une fois: "en Jésus-Christ". "Que celui qui se glorifie se glorifie

dans le Seigneur" (1 Corinthiens 1:31). "Nous nous glorifions en Dieu par notre

Seigneur Jésus-Christ" (Romains 5:11). Cf. encore Philippiens 3:3. La première place

revient toujours à Jésus-Christ. Tout est grâce du Christ: le pardon, l'avancement

dans la foi, la joie du chrétien, la libération de Paul, le salut final de ceux qui

appartiennent à Dieu, fidèles ou apôtres.

_____________________

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Philippiens

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Questions de révision et exercices:

1) Quel est le sens profond que l'apôtre Paul donne à son

emprisonnement et son procès? Quelles leçons pouvons-nous en

tirer concernant notre vie de tous les jours?

2) Expliquez pourquoi les hommes dont l'apôtre parle dans les

V.15-18 ne sont pas des faux docteurs, et montrez à l'aide de textes

comment il a l'habitude de se comporter à l'égard de ces derniers.

3) Peut-on dire que l'Evangile sauve des hommes, s'il est prêché

dans un esprit de dispute, avec des motivations impures? Son

efficacité ne dépend-elle pas des dispositions de ceux qui

l'annoncent?

4) Une question de dogmatique à propos des V.21-23: L'apôtre Paul

affirme qu'en mourant il va rejoindre le Christ. Relisez le chapitre

de la dogmatique sur l'état intermédiaire entre la mort et la

résurrection et trouvez quelques textes bibliques affirmant que dès

l'instant de sa mort, le croyant est sauvé et l'incrédule condamné.

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Philippiens

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EXHORTATION A UNE VIE DIGNE

DE L'EVANGILE

(1:27-2:18)

L'unité de l'Esprit:

"Seulement, conduisez-vous d'une manière digne de l'Evangile de Christ,

afin que, soit que je vienne vous voir, soit que je reste absent, j'entende

dire de vous que vous demeurez fermes dans un même esprit,

combattant d'une même âme pour la foi de l'Evangile, sans vous laisser

aucunement effrayer par les adversaires, ce qui est pour eux une preuve

de perdition, mais pour vous de salut. Et cela vient de Dieu, car il vous a

fait la grâce, par rapport à Christ, non seulement de croire en lui, mais

encore de souffrir pour lui, en soutenant le même combat que vous

m'avez vu soutenir et que vous apprenez maintenant que je soutiens"

(1:27-30).

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Philippiens

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L'apôtre demande maintenant à ses lecteurs de Philippes de se conduire

chrétiennement, c'est-à-dire d'être en toutes circonstances à la hauteur de leur foi et

de leur espérance.

D'une manière digne de l'Evangile de Christ:

L'Evangile n'est pas une Loi avec ses préceptes et ses clauses, nous imposant une

norme de conduite. C'est la bonne nouvelle du salut en Jésus-Christ. Il ne prescrit

rien, mais promet des choses merveilleuses, des grâces et des bénédictions

extraordinaires. Vivre d'une manière digne de l'Evangile signifie donc mener une vie

qui soit à la hauteur des promesses de pardon et de salut qui y sont faites. La vie des

chrétiens doit être le reflet de ce que l'Evangile a fait d'eux, le reflet de leur statut

d'élus, de "saints", de pécheurs rachetés, d'enfants de Dieu et d'héritiers de la vie

éternelle.

Paul demande aux chrétiens de Philippes d'être "fermes dans un même esprit" et de

combattre "d'une même âme" pour la foi de l'Evangile. C'est un appel à l'unité, au

consensus, à la communion spirituelle la plus profonde. Qu'ils s'attellent d'un même

coeur à une même tâche, et combattent comme un seul homme. On nous dit des

premiers chrétiens de Jérusalem que "la multitude de ceux qui avaient cru n'était

qu'un coeur et qu'une âme" (Actes 4:32). Paul rappelle ailleurs qu'il y a "un seul

corps et un seul Esprit, comme aussi vous avez été appelés à une seule espérance par

votre vocation. Il y a un seul Seigneur, une seule foi, un seul baptême, un seul Dieu et

Père de tous, qui est au-dessus de tous et parmi tous et en tous"

(Ephésiens 4:4-6).

Les chrétiens sont tous unis par la foi en un même Seigneur et Sauveur. Qu'ils vivent

cette unité, qu'ils la mettent en pratique et fassent tout pour la préserver! Et de

rappeler que la vie chrétienne est un combat, un combat pour "la foi de l'Evangile",

c'est-à-dire pour les grandioses vérités révélées en lui. C'est "la foi transmise aux

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Philippiens

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saints une fois pour toutes" (Jude 3), pour laquelle il faut se battre, car elle a tant

d'ennemis dans ce monde et jusque dans l'Eglise. Ce n'est que lorsqu'il arrive au

terme de sa vie qu'un chrétien peut dire avec l'apôtre qu'il a combattu le bon combat

de la foi, qu'il a achevé la course et que la couronne de vie l'attend dans le ciel (2

Timothée 4:7). Il faut se battre jusqu'au bout pour vaincre.

Ce faisant, les croyants sont encouragés à ne pas craindre leurs adversaires, ceux qui

peuvent tuer le corps mais qui ne peuvent pas tuer l'âme (Matthieu 10:28). Le

combat même que ces derniers mènent contre l'Evangile est la preuve qu'ils sont sur

le chemin de la perdition, et pour les chrétiens le gage du salut qui les attend. Il existe

une perdition éternelle et un salut éternel. Dieu n'a prédestiné aucun homme à être

éternellement condamné, mais veut les sauver tous. Mais il est vrai que tous ceux qui

méprisent, rejettent l'Evangile et luttent contre lui périront éternellement, tout

comme le bon combat mené par les chrétiens est le témoignage visible de leur

appartenance au Christ.

La grâce... de croire..., de souffrir...:

Le croyant bénéficie d'une double grâce. Dieu lui fait la grâce de croire en Christ et de

souffrir pour lui. La "grâce de croire": la foi en effet est un don de Dieu. "Je crois que

je ne puis par ma raison et mes propres forces croire en Jésus-Christ, mon Seigneur,

ni aller à lui" (Luther, Petit Catéchisme). La foi du coeur, celle qui a fait l'expérience

de la puissance de l'Evangile, qui a découvert en Christ le Sauveur du monde et qui

saisit ses grâces est l'oeuvre du Seigneur. L'Evangile en effet est scandale et folie (1

Corinthiens 1:18.23), quelque chose que l'homme naturel ne peut pas comprendre (1

Corinthiens 2:14), un mystère inaccessible au coeur humain. Il faut, pour le croire,

être régénéré par le Saint-Esprit. Si à l'heure présente nous croyons en Jésus-Christ,

nous le devons à Dieu seul qui a eu pitié de nous et a illuminé nos coeurs. Cf.

l'affirmation du monergisme divin dans la doctrine de la conversion.

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Philippiens

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Mais c'est aussi une grâce de souffrir pour le Christ. Cela aussi, c'est insensé et

scandaleux. Mais biblique! Les souffrances qu'un chrétien endure à cause du Christ

viennent de Dieu. Elles ont pour cause sa foi en Jésus et la haine du monde. Elles

peuvent donc être une grâce. J'ai bien dit "elles peuvent", car en elles-mêmes elles ne

sont pas cela, mais plutôt une calamité, une source de tristesse, de larmes, de

craintes. Mais le Christ pour lequel le chrétien supporte les souffrances et l'espérance

qui y est attachée en font une grâce. Elles sont alors la pierre de touche de la sincérité

de nos convictions, le gage irréfutable de notre appartenance au Seigneur, et en

même temps génératrices de persévérance et d'espérance (Romains 5:1-5). Le

chrétien ne recherche pas les souffrances; il n'est pas masochiste. Mais il ne les fuit

pas non plus. Il sait pourquoi elles sont là, les bénédictions que Dieu peut leur faire

produire dans sa vie, les forces qu'il recevra pour les supporter avec foi, et la

récompense qui l'attend dans le ciel.

Le même combat que vous m'avez vu soutenir:

Paul fait peut-être allusion à ce qu'il a enduré à Philippes. Il avait chassé l'esprit

impur qui habitait dans le coeur d'une voyante, privant ses maîtres d'une importante

source de gains, à la suite de quoi on l'avait jeté en prison (Actes 16:16-24; 1

Thessaloniciens 2:2). Cela, les

chrétiens de Philippes l'avaient vu ou en avaient entendu parler. Mais ce n'était

qu'un épisode dans la lutte acharnée que l'apôtre menait contre les puissances du

mensonge et du mal qui règnent dans ce monde et s'opposent à l'Evangile libérateur

du Christ.

Les Philippiens, précise Paul, endurent les mêmes souffrances que l'apôtre. Un peu

moins que lui, mais les mêmes. Ce n'est pas un détail, mais l'affirmation qu'ils

mènent le même combat que lui, parce qu'ils ont dans le ciel le même Maître et dans

le coeur la même foi que lui. Et bien sûr, dans l'éternité, une même couronne qui les

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Philippiens

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attend. Autant de raisons pour ne pas se relâcher, mais persévérer avec courage, en

n'oubliant pas que c'est au prix d'un combat réel et constant qu'on parvient au salut,

qu'on soit apôtre ou non. Alors, si déjà nous sommes unis dans la foi, soyons-le aussi

dans le combat, pour l'être un jour dans la même victoire!

__________

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Philippiens

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L'humilité et la modestie:

"Si donc il y a quelque consolation en Christ, s'il y a quelque soulagement

dans l'amour, s'il y a quelque communion d'esprit, s'il y a quelque

compassion et quelque miséricorde, rendez ma joie parfaite, ayant un

même sentiment, un même amour, une même âme, une même pensée. Ne

faites rien par esprit de parti ou par vaine gloire, mais que l'humilité vous

fasse regarder les uns les autres comme étant au-dessus de vous-mêmes.

Que chacun de vous, au lieu de considérer ses propres intérêts, considère

aussi ceux des autres. Ayez en vous les sentiments qui étaient en

Jésus-Christ: existant en forme de Dieu, il n'a point regardé son égalité

avec Dieu comme une proie à arracher, mais il s'est dépouillé lui-même,

en prenant une forme de serviteur, en devenant semblable aux hommes;

et il a paru comme un vrai homme, il s'est humilié lui-même, se rendant

obéissant jusqu'à la mort, même jusqu'à la mort de la croix. C'est

pourquoi aussi Dieu l'a souverainement élevé et lui a donné le nom qui

est au-dessus de tout nom, afin qu'au nom de Jésus tout genou fléchisse

dans les cieux, sur la terre et sous la terre, et que toute langue confesse

que Jésus-Christ est Seigneur, à la gloire de Dieu le Père" (2:1-11).

Passons sur certaines questions de syntaxe soulevées par les premiers versets de ce

deuxième chapitre de l'épître. Elles sont pour les spécialistes et n'apportent pas

grand-chose à la compréhension du texte. L'apôtre Paul, ayant exhorté ses lecteurs à

l'unité de l'esprit, les invite à la modestie et l'humilité, en leur donnant un exemple

grandiose, Jésus-Christ.

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Philippiens

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Consolation..., soulagement dans l'amour..., communion d'esprit...,

compassion..., miséricorde:

Paul, le père spirituel de l'Eglise de Philippes, semble inquiet. Sans doute a-t-il eu

vent de quelques divisions qui la secouent et la menacent. Alors il met tout en oeuvre

pour lutter contre cela. Il a déjà exhorté à l'unité de l'esprit (1:27-30). Il faut y ajouter

maintenant une notion supplémentaire, la modestie et l'humilité. Il fait donc appel

aux sentiments chrétiens les plus nobles: consolation (la traduction "exhortation"

serait sans doute préférable), amour qui soulage au lieu de diviser, communion

d'esprit, compassion et miséricorde.

L'apôtre s'exprime au conditionnel: "Si tout cela existe", et il sait que cela existe à

Philippes. Sinon comment aurait-il pu écrire les premiers versets de l'épître? Mais si

tout cela existe, il faut en accepter la conclusion qui s'impose. Il faut vivre dans l'unité

et la communion les plus étroites et mettre fin à toute dissension. "Sinon il faudra

quand même que vous vous interrogiez sur votre relation avec Dieu!" "Rendez ma

joie parfaite", mettez le comble à ma joie (encore elle!). Le ton reste affectueux et

paternel. Paul pourrait être ferme et dur, faire preuve d'autorité, exiger l'obéissance.

Il préfère faire appel à leurs sentiments, leur parler comme un père le fait à ses

enfants.

"Un même sentiment, un même amour, une même âme, une même pensée". Les

membres d'une Eglise sont très différents les uns des autres. Ils diffèrent par le sexe,

l'âge, la condition sociale, l'éducation, l'expérience, les goûts, bien souvent la race,

l'origine ethnique, la langue, la culture, l'origine religieuse, et tant d'autres choses

encore. Tout cela pourrait être dans l'Eglise le ferment d'une belle pagaille, la source

de querelles, de divisions, de mésententes, de rivalités et de jalousies sans fin. Mais il

ne faut pas qu'il en soit ainsi dans l'Eglise de Dieu, car par-delà toutes ces différences,

les chrétiens sont unis par "un même sentiment, un même amour, une même âme,

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une même pensée". C'est là le ciment qui les relie les uns aux autres.

Pas "d'esprit de parti" (2:3), de rivalité semblable à celle rencontrée à Rome (1:17).

Mais pas non plus de "vaine gloire" (2:3). Et c'est de cela que l'apôtre va parler

maintenant. Il va exhorter à la modestie et l'humilité. Cette humilité qui en grec

profane était synonyme de bassesse inspirant dédain et mépris, est dans la théologie

du Christ et de ses apôtres une vertu. Une des plus belles, car une des plus

précieuses. Mais aussi une des plus rares.

Une des plus précieuses. Elle seule, conjuguée à l'amour, permet de combattre les

divisions et de surmonter les querelles. Et sans pour autant inspirer le dédain et le

mépris! Vivre dans l'humilité, ce n'est pas faire preuve de faiblesse, c'est au contraire

déployer une grande force. Ce n'est pas capituler, mais vaincre. "Que l'humilité vous

fasse regarder les autres comme étant au-dessus de vous-mêmes". Agir ainsi, ce n'est

pas me rabaisser, au nom d'un complexe d'infériorité, mais c'est élever l'autre. Ce

n'est pas me dénigrer de façon morbide, mais estimer l'autre à sa juste valeur.

Pour ce faire, il faut savoir se libérer de soi-même, ne plus être son propre esclave, ne

plus s'idolâtrer, rompre les chaînes du nombrilisme, de l'égoïsme et de

l'égocentrisme, ne pas se braquer sur ses propres intérêts, mais considérer aussi

ceux des autres (V.4). Et cela ne peut être que le fruit d'un véritable travail intérieur

accompli par l'Esprit de Dieu. L'humilité est si difficile à apprendre, et la fausse

humilité a si vite fait d'engendrer amertume et... orgueil! Cela ne peut s'apprendre

qu'à l'école d'un autre, Jésus-Christ. C'est vers lui qu'il faut élever les regards. En

disant: "Jésus-Christ est Seigneur", les chrétiens font un acte d'allégeance. Ils se

soumettent à lui dans l'humilité et l'obéissance. Dire: "Jésus-Christ est Seigneur",

c'est se soumettre à celui qui s'est lui-même soumis à Dieu et marcher sur ses traces.

Et nous voici prêts à aborder un des plus beaux textes du Nouveau Testament, un

véritable hymne au Christ. Ayant appelé ses lecteurs à une humilité semblable à la

sienne, l'apôtre se lance dans tout un exposé doctrinal. Il a l'habitude de ce genre de

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digressions (1 Corinthiens 13; Ephésiens 5:22-29), et ce n'est pas de l'étourderie, car

il revient immanquablement à son sujet. On pense généralement que les versets 5 à

11 sont un cantique que Paul aurait emprunté à la liturgie chrétienne de son époque.

Dès lors, ces paroles ne sont pas de lui, mais, inspiré par le Saint-Esprit, il les a

insérées dans son épître. C'est la structure même du texte qui voudrait cela.

Pourquoi pas? Il existe encore d'autres textes qu'on a tendance à considérer comme

des emprunts liturgiques ou hymnologiques (1 Timothée 4:16; Ephésiens 1:3-14;

Colossiens 1:13-20).

L'hymne a deux strophes. L'une chante l'humiliation, l'abaissement de Jésus (V.5-8),

l'autre confesse sa glorification et son exaltation à la droite du Père (V.9-11). C'est

par définition le fondement biblique de la doctrine des deux états du Christ.

L'apôtre demande aux chrétiens d'avoir les mêmes sentiments que Jésus-Christ

(V.5). C'est logique et normal. On ne peut pas être chrétien et donc porter le nom du

Christ, si on est animé d'autres sentiments et qu'on a une autre mentalité que lui, si

on a un coeur différent du sien et qu'on aspire à d'autres choses. Alors que dit

l'apôtre de Jésus, et en quoi celui-ci est-il pour nous un modèle d'humilité?

Forme de Dieu..., égalité avec Dieu:

Jésus était en forme de Dieu (Segond), de condition divine (TOB, Bible du Semeur).

Cela signifie non seulement qu'il était Dieu, mais qu'il se comportait aussi comme

Dieu. On peut être roi sans vivre comme un roi, sans occuper le rang d'un monarque.

C'est par exemple le cas d'un roi en exil ou d'un roi qui, pour une raison ou une autre,

renonce momentanément à l'exercice de son pouvoir. C'est très exactement ce qu'a

fait Jésus. Il "existait en forme de Dieu". Avant de s'incarner pour notre salut, il

régnait dans le ciel, couvert de majesté et de gloire, au même titre que son Père. Il

était égal à Dieu, et il l'est toujours resté, même à Bethléhem et à Golgotha, mais il n'a

pas voulu s'en prévaloir. Il n'a pas regardé cela "comme une proie à arracher"

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Philippiens

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(Segond, TOB), comme quelque chose dont il aurait pu profiter (Bible du Semeur).

Paul emploie une image que toutes les traductions ne rendent pas: Jésus, dit-il, ne

s'est pas comporté comme un héros qui revient du combat et qui brandit ses

trophées pour susciter l'admiration et déclencher les applaudissements. Ce n'était

pas son genre... Il était Dieu, même au plus profond de son abaissement, mais il n'en a

pas fait étalage. Il n'a pas paradé avec sa divinité. Il aurait pu le faire, mais il n'était

pas venu pour cela sur terre. Bien au contraire!

Dépouillé..., forme de serviteur..., semblable aux hommes..., vrai homme...,

humilié..., obéissant jusqu'à la mort:

Voilà ce qu'il a fait. C'est tout le contraire de ce qu'il était dans le ciel. De riche qu'il

était, il s'est vraiment fait pauvre, pour nous enrichir par sa pauvreté (2 Corinthiens

8:9). Il a échangé la "forme de Dieu" contre une "forme de serviteur", c'est-à-dire sa

condition et son rang divins contre la condition et le rang d'un serviteur. D'un

esclave, faudrait-il dire. Il s'est "dépouillé" (littéralement "vidé") non pas de sa

divinité, mais de ses prérogatives divines, de son statut de Fils de Dieu. Il s'est

comporté non pas comme le Créateur du ciel et de la terre, mais comme une

créature; non pas comme Dieu, mais comme un homme. Lui qui était Dieu et qui l'est

toujours resté, avait les apparences et l'allure d'un homme. Il était né d'une femme,

dans une étable, a grandi comme tout enfant, vécu comme un S.D.F. (sans domicile

fixe), mangé et bu, mais aussi connu la faim et la soif. Il dormait, mais n'avait pas

toujours où reposer sa tête. Il a vécu tristesses, peines et déceptions. Il a pleuré, gémi

et tremblé de peur. Si on excepte l'autorité majestueuse avec laquelle il enseignait,

ses miracles et la transfiguration, il avait tout

d'un homme, et rien ne le distinguait de ses semblables. Si, une chose: il était né sans

péché et n'en a jamais commis! Mais à part cela, il était difficile, quand on le voyait et

l'écoutait, de déceler en lui autre chose qu'un homme.

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Pire: Il s'est comporté comme un serviteur, a été humble et obéissant comme un

esclave. Et cela jusqu'à la mort. Et pas n'importe laquelle: la mort de la croix. Le

supplice atroce réservé aux esclaves. Rejeté par son propre peuple qu'il n'a fait

qu'aimer et servir pendant tout son séjour dans ce monde, faussement accusé de

sédition, condamné soi-disant comme blasphémateur, objet de la haine et de la risée

de tous, juifs et païens, Jésus a achevé sa carrière sur une croix, entre deux brigands.

Et pourtant il était jusque dans son agonie le "prince de la vie" (Actes 3:15). Voilà

jusqu'au il est allé dans son humilité, dans son renoncement à lui-même et sa volonté

de servir et de sauver ses frères.

Souverainement élevé..., le nom qui est au-dessus de tout nom..., que tout

genou fléchisse... Seigneur...:

Dieu lui a tout restitué, lui a rendu tout ce qu'il possédait, la gloire qu'il avait auprès

de lui, avant que le monde fût (Jean 17:5), sa majesté, son rang et son statut de Fils de

Dieu. Mieux que cela: Il l'a souverainement élevé, élevé et assis à sa droite,

"au-dessus de toute domination, de toute autorité, de toute puissance, de toute

dignité et de tout nom qui peut être nommé non seulement dans le siècle présent,

mais encore dans le siècle à venir" (Ephésiens 1:20.21). Il a mis toutes choses sous

ses pieds (1 Corinthiens 15:24-27; Hébreux 2:8.9). Il a fait de lui son "lieu-tenant",

celui à qui il a confié le gouvernement de toutes choses, du ciel et de la terre, et, bien

sûr, de l'Eglise. "Afin qu'au nom de Jésus tout genou fléchisse... et que toute langue

confesse que Jésus-Christ est Seigneur".

Jésus est Seigneur. Or Jésus signifie "Sauveur". Dieu a donc fait du Sauveur du monde

le Seigneur du monde. C'est beau, cela, et si consolant. Celui qui tient toutes choses

dans ses mains est celui-là même qui a versé son sang en rançon pour les péchés du

monde. Celui qui nous gouverne est celui qui nous a sauvés. Le Tout-Puissant qui est

le maître de nos vies est le Miséricordieux qui a donné la sienne pour que nous

vivions.

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Dans les cieux, sur la terre et sous la terre:

Le monde entier doit le savoir. Fléchir les genoux et confesser: les deux actes se

complètent. En fléchissant les genoux devant quelqu'un, on reconnaît sa

souveraineté. En confessant, on la proclame. "Dans les cieux": qui ne songerait aux

anges et aux bienheureux, c'est-à-dire à tous les chrétiens qui sont déjà là-haut,

autour du trône de Dieu et de l'Agneau? "Sur la terre": ce sont les hommes, bien sûr.

A l'heure actuelle, les croyants, car eux seuls confessent que Jésus est Seigneur. Mais

un jour ce seront tous les hommes, les vivants et les morts que le Christ viendra

juger, car tous, y compris les incroyants, les mécréants, les blasphémateurs, tous

ceux qui ont voulu vivre sans lui et se sont moqués de lui, devront confesser qu'il est

Seigneur. Mais pour eux, ce sera trop tard. Ils s'en mordront les doigts et connaîtront

des remords éternels.

"Sous la terre": les démons, sans doute, et tous les damnés. Un peu gênant quand

même, parce que l'enfer n'est pas "en bas", "sous la terre", même si nous disons dans

le Credo que Jésus-Christ y est "descendu". Il est vrai aussi que le ciel n'est pas "en

haut", au-dessus de la terre, mais tout au plus autour d'elle, et pourtant on a

l'habitude de parler ainsi, de dire que Jésus est "monté" au ciel, et on en a le droit.

Tout est relatif. Mais il se pourrait tout aussi bien

que l'expression "dans les cieux, sur la terre et sous la terre" soit tout simplement

une façon de dire "tout". Toutes les créatures, sans exception aucune. Les uns

confesseront la seigneurie de Jésus de bon gré, les autres à contre-coeur. Mais ils le

feront quand même, et ce sera tant pis pour eux, car Jésus voulait qu'ils le fassent de

bon coeur et le leur a suffisamment dit, quand ils étaient encore de ce monde.

Tout cela, bien sûr, "à la gloire de Dieu le Père". Ad majorem Dei gloriam, comme

toujours. Le salut que Jésus est venu apporter au monde au prix de son abaissement,

de son humiliation et de son obéissance jusqu'à la mort sur la croix, et la seigneurie

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Philippiens

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sur toutes choses que son Père lui a confiée n'ont qu'un but: glorifier l'immense

amour de Dieu, tout en exaltant sa justice.

Un coup d'oeil dans le chapitre que la dogmatique consacre aux "deux états du

Christ" sera utile. Il rappellera que son abaissement consista en ce qu'il a renoncé,

depuis son incarnation jusqu'à sa mort, à l'usage plein et majestueux de sa gloire

divine et des attributs qui la révèlent. Tout cela pour pouvoir nous sauver, car

autrement, il n'aurait pas pu prendre notre place dans le jugement divin, se charger

de nos péchés et les expier, et nul n'aurait pu le faire mourir. Mais cela signifie aussi

que la glorification lui a rendu l'usage de tout ce à quoi il avait renoncé, et qu'il utilise

maintenant ses attributs divins et exerce sa souveraineté divine avec majesté et

éclat. Et en dogmatique on précise: selon sa nature humaine, car c'est le

Dieu-Homme qui a été élevé à la droite de son Père. Sa nature humaine participe

donc à sa gloire. Il n'avait pas cessé d'être Dieu en venant sur terre. Heureusement

pour nous! Il n'a pas non plus cessé d'être homme en allant au ciel. Et là aussi,

heureusement pour nous! Celui qui est monté au ciel pour gouverner toutes choses

est notre frère qui nous y prépare une place.

L'apôtre voulait faire de l'éthique et a fini par faire de la dogmatique. Il voulait

exhorter à l'humilité et a fait un magistral cours de christologie. En réalité, il a fait les

deux. Cela montre combien doctrine et éthique sont imbriquées l'une dans l'autre,

combien la foi et la vie chrétiennes se tiennent. Nous en conclurons qu'il n'y a pas de

bonne éthique sans bonne dogmatique, et qu'inversement toute bonne dogmatique

débouche sur une bonne éthique. Pour dire les choses plus simplement: il n'y a pas

de foi chrétienne sans les fruits de la foi!

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Les serviteurs obéissants:

"Ainsi, mes bien-aimés, comme vous avez toujours obéi, travaillez à votre

salut avec crainte et tremblement, non seulement comme en ma

présence, mais bien plus encore maintenant que je suis absent, car c'est

Dieu qui produit en vous le vouloir et le faire, selon son bon plaisir. Faites

toutes choses sans murmures ni hésitations, afin que vous soyez

irréprochables et purs, des enfants de Dieu irréprochables au milieu

d'une génération perverse et corrompue, parmi laquelle vous brillez

comme des flambeaux dans le monde, portant la parole de Dieu. Et je

pourrai me glorifier, au jour de Christ, de n'avoir pas couru en vain ni

travaillé en vain. Et même si je sers de libation pour le sacrifice et pour le

service de votre foi, je m'en réjouis, et je me réjouis avec vous. Vous aussi,

réjouissez-vous de même, et réjouissez-vous avec moi" (2:12-18).

Bien-aimés:

Le mot exprime toute l'affection que l'apôtre porte aux chrétiens de Philippes. Et

sans doute aussi les sentiments paternels qu'il éprouve pour eux. Il évoque en effet

leur obéissance, leur rend ce témoignage qu'ils ont toujours obéi. A qui? Au Christ,

bien sûr, mais au Christ parlant par Paul, et donc aussi à l'apôtre, leur père spirituel.

Travaillez à votre salut avec crainte et tremblement:

Deux affirmations insolites: il faut travailler à son salut, et il faut le faire avec crainte

et tremblement. Le salut qui est un don gratuit de Dieu, quelque chose qui ne se

mérite en aucune façon, n'est obtenu qu'au prix d'un travail et d'un travail acharné!

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D'un combat, dit la Bible ailleurs. Tel que Dieu l'offre en Jésus-Christ au pécheur

repentant et croyant, il est parfait et n'a pas besoin d'être complété par des oeuvres.

Par contre, il a besoin de ne pas être perdu, besoin d'être préservé. Et pour cela, il

faut que le croyant veille à fortifier sa foi par le recours constant aux moyens de

grâce que sont la Parole et les sacrements. C'est là qu'il trouve la volonté, le courage,

les forces et l'endurance nécessaires pour persévérer jusqu'à la fin, surmonter toutes

les tentations, se relever après chaque chute, renoncer au mal, rester fidèle et

parvenir au but. La grâce est bon marché, et le salut gratuit? Certes, et il faut en

remercier le Seigneur, mais seul celui qui n'a pas fait l'expérience de cette grâce en

conclura que le chemin du ciel est facile.

L'apôtre n'hésite pas à parler de "crainte et tremblement". Il ne s'agit pas de la peur

servile, de la crainte de l'esclave qui redoute les coups, car l'amour n'est pas dans la

crainte, mais la bannit (1 Jean 4:18). Non, il est question de cette autre crainte dont la

Bible parle si souvent et qui n'est autre chose que l'immense respect filial que le

chrétien éprouve pour son Dieu, mélange de vénération, de gratitude et d'amour.

Gracié, aimé, sauvé, le croyant veut tout faire pour ne pas attrister son Seigneur, ne

pas lui déplaire, et en même temps ne pas mettre son salut en danger. Il ne doute

pas de ce salut. Au contraire, il en est assuré, mais il sait qu'il ne le goûtera que s'il

persévère jusqu'à la fin dans la repentance, la foi et la sainteté. Et cela dans un

monde hostile et dangereux, et avec un coeur qui est lui-même tortueux et toujours

enclin à l'incrédulité et au mal.

Dieu produit le vouloir et le faire:

Cette phrase rappelle, si besoin était, que le salut, malgré les efforts, le travail et le

combat du chrétien, est un don gratuit de Dieu. C'est l'une des affirmations bibliques

les plus claires du monergisme divin. "Sans moi, vous ne pouvez rien faire", disait

Jésus (Jean 15:5), et Paul vient d'écrire que croire et... souffrir sont une grâce de Dieu

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Philippiens

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(1:29). Lui seul donne à l'homme un coeur nouveau et le lui préserve. Il accorde la foi

et la persévérance. Il est l'Alpha et l'Omega, le commencement et la fin de la foi. Sans

lui, aucun pécheur ne parvient à la foi, et sans lui aucun croyant n'accède au salut.

Aussi est-ce vers lui qu'il faut se tourner, si on veut grandir dans la foi et la piété, se

relever quand on est tombé, trouver force et courage pour poursuivre la route et le

combat. Dieu produit le vouloir et le faire, et il a pour cela des moyens qu'il met à

notre disposition, les moyens de grâce ou de salut que sont l'Evangile et les

sacrements. Alors, quand d'aucuns disent: " Je crois, mais je ne pratique pas", ce qui

veut dire: "Je crois, mais je n'écoute pas l'Evangile et je me passe de communier au

corps et au sang de Jésus", on peut être sûr qu'ils ne savent pas ce qu'est la foi.

Selon son bon plaisir:

C'est ce qui pousse le Seigneur à agir ainsi. Il ne doit ses grâces, sa bienveillance, sa

sollicitude à personne. Son "bon plaisir", c'est-à-dire sa volonté souveraine qui n'est

déterminée que par les sentiments qu'il éprouve pour les hommes, est sa seule

raison d'agir. Cf. l'emploi du même terme dans Ephésiens 1:5.9. Il n'y a décidément

aucune place dans la doctrine chrétienne pour le synergisme. Un bon conseil:

Rappelez-vous ce qu'enseigne à ce sujet l'Eglise luthérienne en relisant l'Article II de

la Formule de Concorde.

Paul vient d'exhorter à l'obéissance, laquelle va rarement sans murmures. En tout

cas, quand on a affaire à des maîtres humains, lunatiques, grognons et parfois

injustes. Ce n'est pas le cas pour les chrétiens de Philippes. Leur Maître est le

Seigneur (Paul est tout au plus son contre-maître), et celui-ci est bon et

miséricordieux. Alors les "murmures" et "hésitations" sont non seulement déplacés,

mais une insulte à Dieu. Quant au souci de l'apôtre, il est toujours le même:

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Philippiens

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Irréprochables et purs..., brillez comme des flambeaux:

Cf. 1:10.11.20.27; 2:11. Il faut que le nom de Dieu soit glorifié, et pour cela l'Eglise qui

invoque ce nom doit être irréprochable et pure, à la hauteur de la vocation admirable

qui lui a été adressée, vivant d'une "manière digne de l'Evangile" (1:27). Jésus veut la

présenter à Dieu sans tache, ni ride, ni rien de semblable (Ephésiens 5:27).

Brillez comme des flambeaux:

Les chrétiens vivent au milieu d'une "génération perverse et corrompue". Ils ne

doivent pas se conformer au siècle présent (Romains 12:2), au monde qui se

corrompt dans le mal et l'injustice. Ils sont appelés à être dans ce monde plongé dans

les ténèbres de l'ignorance et du péché des flambeaux. Qu'ils ne mettent pas leur

lumière sous le boisseau, mais sur le chandelier, pour qu'elle brille au loin et que les

hommes voient leurs bonnes oeuvres et glorifient leur Père qui est dans les cieux

(Matthieu 5:15.16). C'est leur vocation véritable. Appelés au salut, ils le sont aussi

pour glorifier leur Dieu et leur Sauveur.

Portant la parole de vie:

En agissant ainsi, ils seront des témoins. Le flambeau qu'ils portent est la "parole de

vie", qui procure la vie éternelle (Jean 6:63), la "parole vivante et permanente de

Dieu" qui, telle une semence incorruptible, régénère et sauve les pécheurs (1 Pierre

1:23). L'Evangile est puissance de salut pour quiconque croit (Romains 1:16.17). Et il

n'y a de vie qu'en lui, car le Christ, seul auteur de la vie, n'est annoncé que là. C'est

par l'Evangile que Dieu "produit le vouloir et le faire selon son bon plaisir" (V.13).

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Je pourrai me glorifier:

Paul se contredit-il? Ne sait-il pas ce qu'il veut? Cherche-t-il la gloire de Dieu ou la

sienne? Bien sûr, il ne songe qu'à celle de Dieu. Mais il a des comptes à lui rendre.

C'est Dieu qui lui a confié l'apostolat. C'est devant lui qu'il devra se justifier. S'il veut

entrer dans la gloire de son Sauveur, il faut qu'il reçoive le témoignage qu'il a été un

"bon et fidèle serviteur" (Luc 19:17). Pour cela, il lui faut prouver qu'il a travaillé et

bien travaillé. Il veut que les Philippiens soient sauvés un jour. Mais il veut l'être, lui

aussi. En plus, il a beaucoup couru, lutté, combattu, souffert et enduré. Et ce n'est pas

fini. Alors il ne voudrait pas que ce soit pour rien. C'est le voeu de tout pasteur.

Libation:

La libation, à la différence du sacrifice animal qui consistait à égorger et immoler une

bête, était l'effusion d'un liquide avec l'offrande de fleur de farine qui accompagnait

les holocaustes. Il s'agissait de vin, fruit de la terre, qu'on répandait à côté de l'autel

(Nombres 15:5-7). Paul sert de libation. Il s'offre lui-même, se consacre et se sacrifie

à Dieu. Au sens figuré, avant de le faire au sens propre, car l'évocation de la libation

est sans doute une allusion au martyre qui l'attend.

"Pour le sacrifice et le service (littéralement: la liturgie) de votre foi": la foi est ce que

les croyants de Philippes apportent à Dieu en sacrifice. Et ce qui rend ce sacrifice

possible, c'est la libation à laquelle l'apôtre a procédé, quand il était à Philippes, et à

laquelle il procède encore. Cela le réjouit, et il sait qu'il n'est pas le seul à le faire: les

Philippiens se réjouissent avec lui. Ils partagent sa joie comme il prend part à la leur.

Leur joie est commune. Ses enfants spirituels sont heureux de croire, et Paul l'est

aussi, quand il songe à eux. Inversement, il se réjouit à l'idée qu'il va peut-être

bientôt par la mort rejoindre son Maître bien-aimé, et exprime le désir que les

Philippiens s'en réjouissent également. Il doit en être ainsi dans l'Eglise chrétienne

où on se réjouit avec ceux qui se réjouissent et pleure avec ceux qui pleurent

(Romains 12:15).

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Philippiens

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Questions de révision et exercices:

Philippiens 1:27-2:11:

1) Quels arguments l'apôtre Paul utilise-t-il dans les V.27-30 pour exhorter les

chrétiens de Philippes à combattre et à souffrir avec courage?

2) Dans 2:1-4, l'apôtre parle d'unité et de communion fraternelle. Pourquoi le fait-il?

Qu'est-ce qui peut inciter un pasteur aujourd'hui à le faire, et cela vous paraît-il

important?

3) Jésus-Christ est Sauveur. Il est aussi un modèle à imiter, comme le montre 2:5-11.

Trouvez d'autres textes de la Bible exhortant les chrétiens à imiter du Christ.

4) Formulez avec vos propres mots, et sans relire les explications ci-dessus,

l'enseignement doctrinal de 2:5-11 sur Jésus-Christ.

5) Vous fondant sur 2:5-11, construisez un plan de sermon sur le thème suivant: "Sur

les traces du Christ, de l'humiliation à la gloire!"

Philippiens 2:12-18:

1) Que signifie "travailler à son salut", et pourquoi faut-il le faire "avec crainte et

tremblement"?

2) Dans 2:16, l'apôtre parle du "jour de Christ". Relevez tous les textes de l'épître aux

Philippiens où il est question de ce jour et dégagez l'enseignement ou les

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Philippiens

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exhortations qu'ils contiennent.

3) Dans 2:17, Paul dit qu'il sert de libation, et dans Colossiens 1:24, il affirme achever

ce qui manque aux souffrances du Christ. Quel est le sens de ces paroles? Peut-on

dire qu'il participe avec le Christ à la rédemption du monde, et si oui, dans quelle

mesure le fait-il?

4) Quelles sont les grandes exhortations prodiguées par l'apôtre dans toute cette

section (2:1-18)?

__________

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ACTIONS DE PAUL EN FAVEUR DES PHILIPPIENS

(2:19-3:1)

"J'espère dans le Seigneur vous envoyer bientôt Timothée, afin d'être

encouragé moi-même en apprenant ce qui vous concerne. Car je n'ai

personne ici qui partage mes sentiments, pour prendre sincèrement à

coeur votre situation. Tous, en effet, cherchent leurs propres intérêts et

non ceux de Jésus-Christ. Vous savez qu'il a été mis à l'épreuve, en se

consacrant au service de l'Evangile avec moi, comme un enfant avec son

père. J'espère donc vous l'envoyer dès que j'apercevrai l'issue de l'état où

je suis, et j'ai cette confiance dans le Seigneur que moi aussi j'irai bientôt.

J'ai estimé nécessaire de vous envoyer mon frère Epaphrodite, mon

compagnon d'oeuvre et de combat, par qui vous m'avez fait parvenir de

quoi pourvoir à mes besoins. Car il désirait vous voir tous, et il était fort

en peine de ce que vous aviez appris sa maladie. Il a été malade, en effet,

et tout près de la mort, mais Dieu a eu pitié de lui, et non seulement de

lui, mais aussi de moi, afin que je n'aie pas tristesse sur tristesse. Je l'ai

donc envoyé avec d'autant plus d'empressement, afin que vous vous

réjouissiez de le revoir et que je sois moi-même moins triste. Recevez-le

donc dans le Seigneur avec une joie entière et honorez de tels hommes,

car c'est pour l'oeuvre de Christ qu'il a été près de la mort, ayant exposé

sa vie afin de suppléer à votre absence, dans le service que vous me

rendiez. Au reste, mes frères, réjouissez-vous dans le Seigneur. Je ne me

lasse point de vous écrire les mêmes choses, et pour vous cela est

salutaire" (2:19-3:1).

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Cette péricope qui n'est pas d'une grande importance doctrinale a cependant son intérêt.

L'apôtre qui y parle de ce qu'il compte faire en faveur des Philippiens, nous donne

quelques indications sur certains de ses collaborateurs, sur ses projets d'avenir et sur la

nécessité de tout remettre entre les mains de Dieu. Un diacre ou un simple fidèle est

malade, un apôtre s'en préoccupe, une quête a été faite et l'argent est bien arrivé à

destination. Ce sont des considérations somme toute assez terre à terre. Mais la vie de

l'Eglise, c'est aussi cela, et cela mérite aussi qu'on en parle. L'apôtre en tout cas le fait, et

avec beaucoup de dignité et de sensibilité, le tout sanctifié par la foi.

Timothée:

Cf. 1:1. Consulter au sujet de cet homme un dictionnaire biblique montrant le rôle joué par

lui dans l'histoire de l'Eglise apostolique et les liens qui l'unissaient à Paul.

L'apôtre a été inquiété par ce qu'Epaphrodite (V.25) lui a dit de la situation de l'Eglise de

Philippes et a besoin d'être tranquillisé et réconforté (V.19). Il n'a donc qu'une hâte,

maintenant que cet homme est reparti, c'est de leur envoyer Timothée, en attendant de

pouvoir lui-même se rendre à Philippes.

Il s'agit de redresser la situation. Et comme Timothée n'a pas auprès des Philippiens la

même autorité que lui, il prend soin de le recommander. Il le leur enverra bientôt

(V.19.23). A condition, bien sûr, que le Seigneur le veuille, car c'est "dans le Seigneur

Jésus" qu'il compte le leur envoyer. Au stade où il en est, Paul a appris à ne pas former de

projets personnels, mais à tout remettre entre les mains de Dieu.

Cependant la situation est assez grave pour que l'apôtre accepte de se priver de la

présence de ce jeune compagnon de service, et cela bien qu'il lui en pèse. Timothée est le

seul à partager ses sentiments et il ne peut guère compter sur les autres (V.20.21). Ce n'est

pas très flatteur pour les chrétiens de Rome et leurs pasteurs. Paul avait constaté qu'on y

prêchait le Christ et que tous ne le faisaient pas avec des motifs purs (1:13-18). Pourtant,

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Timothée est le seul à partager sa sollicitude pour les Philippiens, ce qui permet sans

doute de conclure que les autres étaient un tantinet égoïstes, qu'ils travaillaient pour leur

"propre clocher", avaient une vision trop étroite de l'Eglise chrétienne et ne se souciaient

guère de leurs frères et soeurs dans la foi ailleurs dans le monde. Pas si rare que cela dans

la chrétienté, mais grave lacune à corriger!

La foi de Timothée, au contraire, a été testée. Il a été un fidèle compagnon de travail de

l'apôtre (V.22). D'ailleurs, les Philippiens ont dû s'en rendre compte, car il semble bien

que Timothée ait été de ce deuxième voyage missionnaire et qu'il ait séjourné avec Paul à

Philippes. Celui-ci aime bien se présenter comme le père spirituel de ceux qu'il a conduits

au Christ ou fortifiés dans la foi (1 Corinthiens 4:14-17; Galates 4:19; 1 Thessaloniciens

2:11; Philémon 10), mais c'est particulièrement vrai de Timothée, homme doux et,

semble-t-il, assez timide (1 Timothée 4:12; 2 Timothée 1:6-8; 1 Corinthiens 16:10),

entièrement dévoué à l'apôtre, l'accompagnant dans ses déplacements ou s'acquittant

fidèlement des missions qu'on lui confie.

Mais tant qu'il n'est pas au clair au sujet du procès qu'on lui fait et de l'avenir qui l'attend,

il ne veut pas se séparer de lui (V.23). Il compte sur sa libération prochaine (V.24; cf.

1:23-25), mais il est encore trop tôt pour lui de se séparer de son précieux compagnon.

Epaphrodite:

Nous ne savons de cet homme que ce que Paul en dit ici. C'était un chrétien (peut-être un

diacre) que les Philippiens avaient dépêché à Rome pour apporter à l'apôtre une aide

financière et qui l'avait sans doute renseigné sur la situation dans leur Eglise. Il semble

que Paul le renvoie plus tôt que prévu (V.25). Les Philippiens auraient peut-être voulu

qu'il reste un certain temps auprès de l'apôtre et l'assiste dans sa détention. Mais il a

accompli sa mission, et il vaut sans doute mieux qu'il reparte, d'autant plus que Paul va lui

confier sa lettre aux Philippiens, et celle-là doit partir sans tarder.

Nous ne savons pas grand-chose d'Epaphrodite, et pourtant le texte nous brosse de lui un

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tableau relativement complet et de plus élogieux. Plusieurs termes décrivent cet homme

fidèle et précieux. Paul le nomme son frère, son compagnon d'oeuvre et de combat. Quant

aux Philippiens, il a été leur "apôtre" et leur "liturge" (transcription des mots grecs

utilisés). Ce dernier terme désignait dans le grec profane celui qui était chargé d'un

service public. Paul le fait-il exprès? En tout cas il mêle argent et liturgie. C'est ce que nous

faisons aussi au moment de l'offrande. Elle est une partie de la liturgie de l'Eglise. Les

comptes dans l'Eglise, c'est liturgique. La collecte est un élément du culte, et le trésorier

est un liturge du Seigneur! Et quand c'est un bon trésorier, il est un don du Seigneur et

accomplit "l'oeuvre de Christ". Epaphrodite avait été investi par les Philippiens d'une

importante mission dont il s'était fidèlement acquitté. Il était donc normal qu'il rentre

chez lui. Et cela d'autant plus qu'il avait été gravement malade, à deux pas de la mort.

"Il désirait vous voir tous": Simple sollicitude pour ses frères dans la foi, ou le

pressentiment que ses jours étaient comptés et le désir de mourir non pas dans cette

Rome lointaine où il n'avait aucune attache, mais chez lui, au milieu des siens? Nous

pencherons pour cette deuxième explication. Elle permet de comprendre pourquoi Paul

renonce à le garder plus longtemps auprès de lui et s'empresse de le renvoyer à Philippes.

Décidément, saint Paul est un homme de coeur, profondément humain, qui comprend les

problèmes des autres et sait accéder à leurs désirs secrets, et non pas un stoïcien dur et

insensible, du genre: "Accepte ton destin sans te plaindre, et s'il faut mourir, peu

importent le lieu et les circonstances. Fais face et cesse de pleurnicher!" La foi chrétienne

qui n'est pas résignation, mais confiance en Dieu, a de la place pour le chagrin, la

sensibilité et l'envie de revoir les siens.

Du reste, Dieu a eu pitié d'Epaphrodite et en même temps de l'apôtre. Il a exaucé leurs

prières. Epaphrodite n'est pas mort, mais a retrouvé la santé. Bien qu'il eût voulu le leur

cacher (V.26), les Philippiens avaient appris qu'il était tombé malade. Il était donc temps

qu'il rentre pour les tranquilliser (V.28). Quant à eux, surpris peut-être de le voir rentrer si

tôt, alors qu'ils auraient voulu qu'il reste un peu auprès de Paul, il convenait qu'ils

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l'accueillent avec joie, sans lui faire le moindre reproche (V.28). C'est ce que méritent tous

ceux qui se dévouent dans "l'oeuvre du Christ" (V.29).

"L'oeuvre du Christ", alors qu'Epaphrodite n'a fait qu'apporter à Paul de l'argent ou des

dons en nature? Oui, cela aussi, c'est l'oeuvre du Christ. Il faut que ceux qui entendent

l'Evangile partagent avec ceux qui le leur annoncent. L'Eglise se doit de soutenir et

d'assister ses ministres, et quand elle le fait, elle fait la volonté et l'oeuvre du Christ.

Cette section de l'épître s'achève sur une nouvelle exhortation à la joie. Malgré les

préoccupations, grandes et petites, de tous les jours, les soucis voire les déceptions que

suscite la vie quotidienne et qui n'épargnent pas non plus l'Eglise, les chrétiens ont toutes

les raisons du monde d'être heureux. Les grâces sont plus grandes et plus nombreuses

que les épreuves. Quant à ces dernières, elles sont sanctifiées par le Seigneur et donc

elles-mêmes un sujet de joie. Il faut le dire, parce que c'est vrai et que l'exhortation à la

joie est salutaire (3:1). Il est plus facile d'être triste que d'être joyeux, de faire triste mine

que de rayonner d'espérance, de culpabiliser que d'avoir la conscience en paix dans la

certitude du salut. La joie est un art, et il n'est pas facile. Mais il s'apprend. Et puis, comme

le dit l'apôtre, c'est salutaire. La joie en effet, à la différence de la tristesse et de

l'abattement qui paralysent et réduisent à l'inactivité, donne de l'énergie, de la volonté,

l'envie d'agir, de louer et de témoigner. Alors vive la joie!

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Questions de révision et exercices:

1) En vous fondant sur ce texte (2:19-3:1), faites le portrait de

Timothée, d'Epaphrodite et de Paul.

2) Epaphrodite s'est dévoué pour apporter à l'apôtre les dons que

lui destinaient les chrétiens de Philippes. Nous avons affirmé, sans

le prouver, que c'était "l'oeuvre du Christ". Pouvez-vous en apporter

la preuve et expliquer cela avec vos propres mots?

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LA VIE DU CHRÉTIEN

SA FOI, SON COMBAT, SON ESPÉRANCE

(3:2-4:1)

Le ton change maintenant, et très vite. Cette fois-ci, c'est la vérité de l'Evangile qui

est en jeu, et là, Paul ne peut pas rester calme ni transiger. Il va s'en prendre à une

théologie dangereuse qui a toujours menacé l'Eglise chrétienne, et cela dès le

commencement: le légalisme qui annonce la justice et le salut par les oeuvres,

comme si Jésus n'avait pas racheté les hommes, et méprise de la sorte la croix du

Christ. C'est une insulte faite au Sauveur du monde, et cela ne passe pas chez Paul.

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La foi du chrétien:

"Prenez garde aux chiens, prenez garde aux mauvais ouvriers, prenez

garde aux faux circoncis. Car les circoncis, c'est nous, qui rendons à Dieu

notre culte par l'Esprit de Dieu, qui nous glorifions en Jésus-Christ et qui

ne mettons point notre confiance en la chair. Moi aussi, cependant,

j'aurais sujet de mettre ma confiance en la chair. Si quelqu'un croit

pouvoir se confier en la chair, je le puis bien davantage, moi, circoncis le

huitième jour, de la race d'Israël, de la tribu de Benjamin, Hébreu né

d'Hébreux; quant à la loi, pharisien; quant au zèle, persécuteur de

l'Eglise; irréprochable à l'égard de la justice de la loi. Mais ces choses qui

étaient pour moi des gains, je les ai regardées comme une perte, à cause

de Christ. Et même je regarde toutes choses comme une perte, à cause de

l'excellence de la connaissance de Jésus-Christ mon Seigneur, pour lequel

j'ai renoncé à tout. Je les regarde comme de la boue, afin de gagner Christ

et d'être trouvé en lui, non avec ma justice, celle qui vient de la loi, mais

avec celle qui s'obtient par la foi en Jésus-Christ, la justice qui vient de

Dieu par la foi. Ainsi je connaîtrai Christ et la puissance de sa résurrection

et la communion de ses souffrances, en devenant conforme à lui dans sa

mort, pour parvenir, si je puis, à la résurrection d'entre les morts"

(3:2-11).

Chiens..., mauvais ouvriers,..., faux circoncis:

Cette fois-ci, l'apôtre n'y va pas avec le dos de la cuillère. Il ne fait pas dans la

dentelle. Jamais d'ailleurs, quand il est question de doctrine (cf. Galates, 1

Corinthiens, 2 Timothée, etc.)! Trois

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Philippiens

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qualificatifs décrivent une même catégorie d'hommes, et comme ce sont des

circoncis, quoique des faux, il ne peut s'agir que de Juifs. Les chiens étaient

généralement considérés par les Israélites comme des animaux impurs. Traiter

quelqu'un de chien était une insulte qu'on réservait aux païens idolâtres. Paul

l'utilise à l'encontre de docteurs judaïsants qui, avec leur doctrine, ne valent pas

mieux que les païens. Ils offensent Dieu autant qu'eux. A l'époque et dans ce coin du

monde, il n'y avait pas de toutous domestiques, compagnons fidèles faisant la joie de

leurs maîtres, mais les chiens étaient généralement des animaux sauvages rôdant

dans les rues, terrorisant les passants et vivant de pillage. Ils avaient pratiquement

les moeurs des loups auxquels la Bible compare les faux docteurs (Matthieu 7:15;

Actes 20:29).

"Prenez garde aux chiens!" Ce n'est pas tant une injure qu'une caractérisation

authentique des faux docteurs qui cherchent à s'introduire dans l'Eglise de Philippes

et menacent de détruire ce que l'apôtre avait bâti au prix de tant de peines et de

fatigues et avec tant de soin et de fidélité. Ce sont aussi de "mauvais ouvriers", qui

travaillent mal et sabotent le travail des autres, des gens malhonnêtes et des escrocs.

Dans 2 Corinthiens 11:13, Paul appelle ces gens "de faux apôtres, des ouvriers

trompeurs, déguisés en apôtres de Christ".

"Faux circoncis". Des "mutilés", selon une traduction littérale. La circoncision,

instituée par Dieu (Genèse 17), était le signe visible de l'alliance conclue par lui. Elle

exprimait donc une réalité grandiose, certifiait à l'Israélite qu'il était membre du

peuple de Dieu, au bénéfice des bénédictions divines, et notamment du pardon et du

salut promis. Mais les faux docteurs visés par l'apôtre sont de faux circoncis. Leur

circoncision est tout sauf ce que voulait le Seigneur. Elle n'est absolument pas pour

eux le signe visible et le garant des grâces divines. Ce sont des "mutilés". Ils se

mutilent intérieurement, comme le font les païens dans l'espoir de s'attirer les

faveurs de leurs dieux (Lévitique 21:5; Osée 7:14, et les prêtres de Baal sur le Mont

Carmel). Leur doctrine est aussi fausse que leur circoncision.

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La vraie circoncision en effet, dont l'Ancien Testament parlait déjà et que la

circoncision de la chair ne faisait que préfigurer, est celle du coeur (Lévitique 26:41;

Deutéronome 10:16; 30:6; Ezéchiel 44:7), des oreilles (Jérémie 6:10) et des lèvres

(Ezéchiel 6:12.30). Cette circoncision-là, toute intérieure et spirituelle, n'exige pas

l'ablation du prépuce. Saint Paul est très clair à ce sujet, quand, s'adressant aux Juifs,

il écrit: "La circoncision est utile, si tu mets en pratique la loi; mais si tu transgresses

la loi, ta circoncision devient incirconcision. Si donc l'incirconcis observe les

commandements de la loi, son incirconcision ne sera-t-elle pas tenue pour

circoncision?" (Romains 2:25.26). C'est la "circoncision de Christ", qui n'a pas été

faite par la main et qui consiste dans le "dépouillement du corps de la chair"

(Colossiens 2:11). Cette circoncision spirituelle de la nouvelle alliance, qui remplace

l'ancienne circoncision de la chair, est le changement radical du coeur, la repentance

avec les fruits qu'elle porte. Aussi les païens convertis à Jésus-Christ sont-ils, sans

qu'ils soient circoncis dans la chair, fils d'Abraham (Galates 3:7), l'Israël selon l'Esprit

(Galates 6:16) et les héritiers de Dieu (Galates 3:18.29; 4:1.7; Romains 8:17).

Ainsi les vrais circoncis sont les croyants, qu'ils soient Juifs ou païens d'origine, car,

loin de se confier dans la chair comme le faisaient ces docteurs judaïsants si fiers de

leur circoncision charnelle, ils rendent à Dieu un culte "par l'Esprit de Dieu". Le

Saint-Esprit qui les a régénérés et appelés à la foi habite dans leurs coeurs. Aussi le

culte qu'ils rendent au Seigneur est-il un culte en esprit et en vérité, agréable à Dieu

et béni. D'autre part, ils se glorifient "en Jésus-Christ". Lui seul est leur gloire

(Romains 5:11; 1 Corinthiens 1:31; 2 Corinthiens 10:17; Galates 6:14; Philippiens

1:26). Le croyant n'a aucun sujet de gloire personnelle. Privé de justice et de sainteté,

il ne peut se glorifier qu'en Christ, source de toute justice et sainteté, auteur du

pardon et du salut. Et quand on se glorifie en Christ, on ne met pas sa confiance en la

chair. Quand on est sous la grâce et qu'on vit des promesses de l'Evangile, on ne

cherche

plus le salut dans l'accomplissement des oeuvres de la Loi. On a renoncé une fois

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pour toutes à ce chemin du salut qui mène dans une impasse (en fait, en enfer). On

n'a plus confiance en sa chair.

Le meilleur exemple? L'apôtre lui-même. Il n'a rien à envier à ces docteurs judaïsants

qui menacent l'Eglise. Pour ce qui est des avantages charnels, ceux précisément dont

ils sont si fiers, ils ne lui vont même pas jusqu'à la cheville, et pourtant Paul ne s'y fie

pas le moins du monde, mais a appris à mettre toute sa confiance dans le Christ. En

quelques phrases lapidaires, il explique ce qu'il aurait pu faire et qu'il n'a pas fait

(V.4).

Circoncis le huitième jour, de la race d'Israël, de la tribu de Benjamin, Hébreu

né d'Hébreux; quant à la loi, pharisien:

"Circoncis le huitième jour". Paul est un circoncis. Il en porte la marque dans la chair.

Non pas circoncis à un âge avancé, comme ces prosélytes païens qui se tournaient

vers le Dieu d'Israël, mais le huitième jour. Donc un vrai Juif. Ses parents ont agi

scrupuleusement conformément à la Loi.

"De la race d'Israël". Encore une fois: non pas un païen intégré au peuple d'Israël, à la

suite d'une conversion ou au hasard de quelque péripétie militaire ou politique, mais

un Juif. Et un Juif à part entière. Pour être citoyen de l'actuel Israël, la constitution de

ce pays exige qu'on ait pour mère une Juive. On peut donc descendre d'un père païen,

être un demi-Juif et avoir la nationalité israélienne. Paul, lui, est tout entier, jusque

dans les moindres cellules de son anatomie, de la race d'Israël, Juif à part entière, de

père et de mère. Tous ses compatriotes ne pouvaient pas en dire autant. Ni à

l'époque, ni aujourd'hui.

"De la tribu de Benjamin". Il connaît ses origines précises et peut prouver d'où il

vient. Sans doute possède-t-on dans sa famille un arbre généalogique. De plus, il

n'appartient pas à une quelconque tribu d'Israël, mais à celle de Benjamin. L'une des

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plus glorieuses. Celle dont était issu le roi Saül, ce qui n'est peut-être pas tellement

une référence. Celle en tout cas qui est restée fidèle à la dynastie de David.

"Hébreu né d'Hébreux". Non seulement un pur-sang, qui n'a pas une goutte de sang

païen dans les veines, mais encore un de ces Juifs qui ont résisté à l'hellénisation. Pas

un "collabo" comme les sadducéens ou les hérodiens, ni en ce qui concerne la

religion, l'idéologie et la culture, ni sur le plan politique. Dans sa famille expatriée à

Tarse en Cilicie, on voulait, dans un environnement païen, rester fidèle au patrimoine

et aux véritables richesses d'Israël. C'est pourquoi, à la différence d'autres Juifs qui

avaient adopté le grec (Luc 23:38; Actes 21:40; 22:2.14), on y parlait l'hébreu de père

en fils.

"Pharisien": Ce serait une bonne occasion de relire ce qu'un bon dictionnaire ou une

encyclopédie biblique dit des membres de cette secte, la plus stricte parmi les Juifs

de l'époque, successeurs des anciens "chassidim", c'est-à-dire des purs. On professait

chez eux l'attachement le plus rigoureux à la Loi (Actes 26:5), protestant contre le

libéralisme et le syncrétisme des sadducéens. Fils de pharisien, Paul était lui-même

un pharisien (Actes 23:6; 26:5) et jouissait à ce titre de l'estime de ses compatriotes

et coreligionnaires. Et ce qui ne gâtait rien, il était disciple de Gamaliel (Actes 22:3),

lequel était le petit-fils du célèbre rabbin Hillel. De solides références que beaucoup

de Juifs auraient pu lui envier!

Persécuteur de l'Eglise..., irréprochable à l'égard de la justice de la loi:

Côté zèle, Paul faisait ce qu'il fallait (Galates 1:14). Il poussait ce zèle jusqu'à

persécuter les chrétiens, n'hésitant pas à les emprisonner voire à les faire exécuter.

Avec la meilleure conscience du monde. Il pensait en effet rendre un culte de Dieu,

convaincu qu'il était que les chrétiens se livraient à de l'idolâtrie en croyant en la

divinité de Jésus, et qu'ils foulaient aux pieds Moïse.

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Le catalogue des avantages charnels, des prérogatives dont il pourrait tirer gloire

suit ainsi une courbe ascendante. Rien n'y manque. A tel point que Paul était

"irréprochable à l'égard de la justice de la loi". Aucune faille, aucune lacune! On ne

pouvait rien lui reprocher. Selon les critères de la Loi, il était sans défaut. Ses trois

premiers atouts, il les avait hérités de ses parents. Tant mieux pour lui! Mais les trois

suivants, il les avait acquis par son travail et ses efforts personnels. C'étaient, avant

que Thomas d'Aquin et ses collègues de la scolastique ne forgent le terme, des

oeuvres surérogatoires! Paul en avait fait plus qu'il ne fallait. Du moins, il le croyait à

l'époque!

Des gains... une perte, à cause du Christ:

Un grand tournant a marqué la vie de Paul. Avant l'épisode sur le chemin de Damas

et sa rencontre avec celui qui, ce jour-là, s'est mis en travers de sa route, toutes ces

choses étaient pour lui des gains. Un gain fictif, car il pensait ainsi faire son salut, et

un gain réel, car elles lui permettaient de récolter l'estime et l'admiration de son

peuple. Mais depuis qu'il a découvert le Christ, il a compris qu'il avait fait fausse

route, qu'il avait comptabilisé et thésaurisé des trésors qui n'en étaient pas. C'était

de la mauvaise monnaie, de la "monnaie de singe", qui n'est pas cotée chez Dieu. Des

valeurs qui n'en sont qu'aux yeux des hommes, mais qui ne comptent pas à la banque

du Seigneur. Il croyait gagner. Il comprend maintenant que tout cela était en pure

perte.

"A cause de Christ..., à cause de l'excellence de la connaissance de Jésus-Christ mon

Seigneur". Jésus est devenu son Seigneur. Il le connaît maintenant, alors

qu'auparavant il avait agi par ignorance (1 Timothée 1:13), et ce qu'il sait de lui est

excellent. Tellement excellent que, depuis ce jour, dans la mesure en tout cas où il

n'est pas en prison, il passe son temps à aller de synagogue en synagogue pour parler

de lui à ses compatriotes. Jadis il les surpassait par son zèle. Maintenant il les

surpasse d'une toute autre façon: il sait quelque chose de merveilleux. Dès lors, tout

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sombre dans le néant, perd sa valeur, est réduit à rien. "La vie éternelle, disait Jésus à

son Père, c'est qu'ils te connaissent, toi le seul vrai Dieu, et celui que tu as envoyé,

Jésus-Christ" (Jean 17:3). Connaissance excellente, puisqu'elle sauve! Paul a renoncé

à tout pour avoir la vie éternelle en Jésus-Christ.

De la boue:

Le mot grec désigne les miettes qu'on balaye de la table, les déchets qu'on jette à la

poubelle, puis les immondices, les excréments. La politesse seule nous empêche

d'employer ici le mot de Cambronne, car c'est de cela qu'il s'agit, mais aucune

traduction n'a eu le courage de l'utiliser.

Afin de gagner Christ et d'être trouvé en lui:

Gagner le Christ, c'est être trouvé en lui, le revêtir (Galates 3:27), être couvert de sa

justice et de son innocence, enveloppé dans son salut. Cf. tous les textes de la Bible

qui parlent du manteau de la justice ou du salut, de la robe blanche lavée dans le sang

de l'Agneau. Paul ne veut plus être trouvé par Dieu revêtu de sa propre justice.

Comment subsisterait-il devant lui? Elle n'est que "perte", "boue", un "vêtement

souillé" (Esaïe 64:5), de la "m....". La Loi ne peut sauver que celui qui l'accomplit

parfaitement. Par contre, elle maudit ceux qui la transgressent (Galates 3:10). Elle

ferme toute bouche et déclare le monde entier coupable devant Dieu (Romains 3:19).

Même son zèle de pharisien n'aurait pu sauver Paul. Un pharisien est un malade qui

s'ignore, un aveugle qui prétend conduire les autres, un pécheur qui nie l'évidence,

un propre-juste qui n'est pas justifié (Luc 18:14).

Au lieu de chercher le salut dans sa justice, "celle qui vient de la loi", Paul a voulu être

trouvé en Christ, revêtu de la justice "qui s'obtient par la foi en Christ, la justice qui

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vient de Dieu par la foi". C'est la justice révélée dans l'Evangile, justice de Dieu "par la

foi et pour la foi" (Romains 1:16.17). Une justice qui n'est pas l'oeuvre de l'homme,

mais le don gratuit de Dieu, celle par laquelle on est gratuitement justifié (Romains

3:21-26), la justice qui est imputée au croyant (Romains 4:4-8). Offerte dans

l'Evangile comme un don immérité, elle est reçue, saisie, appréhendée par la foi.

Voilà le Sauveur et la justice découverts par Paul. Ils ont tout changé dans sa vie.

Connaître la puissance de sa résurrection et la communion de ses souffrances:

Connaître le Christ, c'est le reconnaître et l'expérimenter comme l'unique auteur du

salut. C'est donc aussi connaître "la puissance de sa résurrection". Il "a été livré pour

nos offenses et est ressuscité pour notre justification" (Romains 4:25). Par sa

résurrection d'entre les morts, il a été déclaré Seigneur et Christ (Actes 2:36). Il est

devenu Prince de la vie, le premier-né d'entre les morts, celui qui est pour tous ceux

qui croient en lui la résurrection et la vie, en qui les croyants triomphent de la mort

et ressusciteront un jour pour la vie éternelle.

Mais Paul n'y est pas encore. Avant de connaître la puissance de la résurrection du

Christ, il connaît la "communion de ses souffrances". La vie chrétienne est une

marche sur les traces de Jésus. Une montée vers la gloire, mais précédée d'une

descente dans la souffrance. Toute la Bible est là pour l'enseigner (Matthieu 5:11.12;

20:22; Jean 5:19-21; Romains 8:17; 2 Corinthiens 1:5; 4:10; Colossiens 1:24;

Philippiens 1:29; 1 Pierre 4:13). Cette communion aux souffrances du Christ peut

aller et va chez Paul si loin qu'il devient "conforme à lui dans sa mort". Le chrétien

souffre, et dans le cas de l'apôtre et de tant d'autres martyrs, meurt comme le Christ,

parce que, comme lui, il rend témoignage à la vérité, annonce la lumière à un monde

qui préfère les ténèbres à la lumière (Jean 3:19). Seule différence, mais elle est de

taille: les souffrances et la mort du chrétien, fût-il martyr, n'ont pas de valeur

rédemptrice. Elles n'expient rien, ne réconcilient pas avec Dieu et ne sauvent pas.

Cela dit, elles sont une grâce, comme il l'a affirmé plus haut (1:29).

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Cependant, la souffrance, comme chez Jésus, n'a pas le dernier mot dans la vie du

chrétien. Il est appelé à parvenir à "la résurrection d'entre les morts". Les souffrances

du temps présent préludent à la gloire à venir. "Si nous sommes enfants, nous

sommes aussi héritiers, héritiers de Dieu et cohéritiers de Christ, si toutefois nous

souffrons avec lui, afin d'être glorifiés avec lui" (Romains 8:17). "Réjouissez-vous... de

la part que vous avez aux souffrances de Christ, afin que vous soyez aussi dans la joie

et dans l'allégresse, lorsque sa gloire apparaîtra" (1

Pierre 4:13).

"Pour parvenir, si je puis, à la résurrection d'entre les morts. "Si je puis". On a

l'impression que l'apôtre n'est pas sûr de son affaire, pas sûr qu'il y ait une

résurrection des morts, ou pas sûr de ressusciter un jour pour la gloire éternelle. Ce

n'est pas possible. Il est l'apôtre de la certitude du salut, et il n'y a dans sa théologie

aucune trace pour le doute. La seule incertitude pour lui concerne la façon dont il

parviendra à la résurrection. Aussi la traduction de Segond n'est-elle pas correcte.

Pas plus que celle de la TOB. La Bible du Semeur a traduit autrement: "afin de

parvenir, quel qu'en soit le chemin, à la résurrection d'entre les morts". Bravo! C'est

le sens de l'adverbe grec utilisé par l'apôtre. Il sait qu'il va mourir et qu'il

ressuscitera un jour. Mais il ne sait pas quand ni comment il quittera ce monde.

Sera-ce en martyr, dans un avenir tout proche, ou plus tard, rassasié de jours et

mourant de mort naturelle? Au Seigneur d'en décider. L'essentiel pour lui est de

savoir où il va. Et là, pas de problème, le Christ est là! Paul connaît trop bien son

Seigneur. N'a-t-il pas écrit aux Philippiens que Dieu qui commence chez les siens la

bonne oeuvre du salut la rend parfaite pour le jour de Jésus-Christ (1:6)?

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Questions de révision et exercices:

1) Tout le monde ne s'appelle pas Paul et ne peut pas s'exprimer

comme lui (V.4-11). Que diriez-vous à sa place? Quels sont les

"gains" dans votre vie dont vous diriez: "Je les considère comme une

perte et comme de la boue, afin de gagner le Christ et d'être sauvé

par lui"?

2) Cherchez à l'aide d'une concordance les textes bibliques parlant

du pardon et du salut comme d'une robe pure ou d'un manteau

dont Dieu revêt ceux qui croient en son Fils.

3) Indiquez au moins trois différences entre la "justice de la loi" et la

"justice qui s'obtient par la foi".

4) L'apôtre parle dans les V.8.9 de connaissance et de foi, et Jésus

dit que la vie éternelle consiste à le connaître (Jean 17:3). Question:

Qu'est-ce qui sauve, la connaissance ou la foi?

5) Pensez-vous que des textes comme Genèse 4:1; Luc 1:34; Nahum

1:7; Jean 10:4.14.15 et 2 Timothée 2:19 emploient le verbe

"connaître" dans un sens particulier, différent de celui dont nous

avons l'habitude en français? Si oui, lequel?

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Le combat du chrétien:

"Ce n'est pas que j'aie déjà remporté le prix ou que j'aie déjà atteint la

perfection; mais je cours pour tâcher de le saisir, puisque moi aussi j'ai

été saisi par Jésus-Christ. Frères, je ne pense pas l'avoir saisi, mais je fais

une chose: oubliant ce qui est en arrière et me portant vers ce qui est en

avant, je cours vers le but, pour remporter le prix de la vocation céleste

de Dieu en Jésus-Christ. Nous tous donc qui sommes des hommes faits,

ayons cette même pensée; et si vous êtes en quelque point d'un autre

avis, Dieu vous éclairera aussi là-dessus. Seulement, au point où nous

sommes parvenus, marchons d'un même pas" (3:12-16).

Prix..., perfection:

Le but est glorieux: gagner le Christ, être recouvert de sa justice, afin de "parvenir à la

résurrection d'entre les morts". Mais Paul n'y est pas encore, et nous qui lisons et

étudions son épître, pas davantage. Il s'agit pour l'instant de lutter, de mener le bon

combat de la foi pour ne pas perdre le prix qui nous est promis.

Paul parle de perfection. Je ne pense pas qu'il songe à la perfection morale que

personne ne peut atteindre dans ce monde, à la perfection au sens absolu, excluant

tout péché. Dieu avait créé l'homme à son image, dans une justice et une sainteté

parfaites. Cette image, l'homme l'a perdue par la chute, mais le chrétien régénéré par

le Saint-Esprit la retrouve progressivement, au fur et à mesure qu'il le renouvelle et

le transforme intérieurement, lui donnant la force de lutter contre le péché et de

vivre saintement. Cependant, il ne la retrouvera intégralement que lorsqu'il aura été

entièrement délivré du mal, c'est-à-dire dans l'éternité. L'apôtre songe sans doute

davantage à la maturité spirituelle (cf. au V.15 l'expression "hommes faits",

provenant de la même racine grecque que le mot traduit par "perfection"). Certains

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Philippiens devaient imaginer qu'il était parvenu à la perfection, lui qui avait fait

preuve de tant de fidélité dans son apostolat, et au prix de tant de souffrances. Ils

devaient le prendre pour le symbole du chrétien accompli, sûr de gagner, qui ne

risque plus de perdre et qui peut donc relâcher ses efforts et dès maintenant se

reposer sur ses lauriers. Si tel est le cas, ils se trompent. Mais l'apôtre s'en prend

aussi à tous ces chrétiens qui croient avoir atteint le but, les chrétiens "arrivés", qui

n'ont plus rien à apprendre, qui n'ont besoin ni de la Parole de Dieu ni de la Sainte

Cène, ni d'une paroisse, ni d'un pasteur, qui se croient déjà au ciel. Non, nous n'avons

pas encore vaincu. Pour l'instant, rien n'est joué!

Paul lui-même, au lieu de se bercer d'une telle illusion, fait tout le contraire.

Semblable au coureur dans le stade, il fixe du regard le prix qui l'attend au bout de la

piste, bande tous ses muscles et fait tout pour y parvenir. Semblable au laboureur qui

a mis la main à la charrue, il ne regarde pas en arrière (Luc 9:62), oublie tout ce dont

il s'était enorgueilli avant sa conversion, ne compte plus sur tout ce qui n'est que

"perte" et "boue". Au lieu de cela, il se porte "vers ce qui est en avant". Saisi par le

Christ, il veut rejoindre son Seigneur dans le ciel. Il aspire au salut et à la gloire qui

l'attendent là-haut. Participant à ses souffrances (V.10), il aura part aussi à sa

résurrection. C'est la seule chose qui compte encore dans sa vie, le moteur de toute

son existence de chrétien et d'apôtre. Oublier ce qu'il avait fait avant, quand il vivait

encore dans l'ignorance et les ténèbres de l'erreur, et tout faire pour être trouvé en

Christ et avoir part à sa victoire. C'est la bonne part qu'à l'exemple de Marie de

Béthanie il a choisie une fois pour toutes et à laquelle rien ne le fera renoncer.

Et pourquoi veut-il saisir le Christ? Parce que, dit-il, "moi aussi j'ai été saisi par

Jésus-Christ". Le Christ avait mis la main sur lui, sur le chemin de Damas. C'est là qu'il

s'était emparé de ce

blasphémateur et persécuteur, pour en faire son témoin et son apôtre. Il a pris

possession de lui, une fois pour toutes. Au tour de Paul maintenant de s'emparer du

Christ, de sa victoire et de sa gloire. Le saisi saisira à son tour!

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Le prix de la vocation céleste:

C'est à cela que l'apôtre a été appelé. Notez les précisions: cet appel lui est venu du

ciel, de la part de Dieu et a eu lieu en Jésus-Christ (V.14). Paul ne s'est fait ni chrétien

ni apôtre. C'est le ciel qui en a décidé ainsi; c'est l'oeuvre de Dieu. Et cet appel a lieu

en Jésus-Christ. C'est en cela que le christianisme diffère du judaïsme pharisaïque et

de toutes les doctrines païennes: Dieu nous appelle au salut non en raison de notre

dignité, de nos oeuvres et de nos mérites, mais en Christ mort et ressuscité pour le

salut du monde. Il nous appelle à un salut que nous n'avons ni à mériter ni à inventer,

mais que Jésus nous a acquis. Dieu nous appelle donc à la foi en son Fils, nous invite à

le reconnaître et le recevoir dans nos vies comme notre Sauveur.

Hommes faits:

La TOB a traduit par "parfaits", ce qui est ambigu. La Bible du Semeur fait mieux en

traduisant par "spirituellement adultes". Encore une fois, il ne s'agit pas de

perfection morale excluant le péché et toute forme de faiblesse. On retrouve le terme

dans 1 Corinthiens 2:6 et dans 1 Corinthiens 14:20 où il trouve une explication:

"Pour la méchanceté, soyez des enfants et, à l'égard du jugement, soyez des hommes

faits". Voilà, qui mieux que Paul pouvait nous expliquer dans quel sens il utilise ce

mot? Cf. encore Ephésiens 4:13; Colossiens 1:28; 4:12; Hébreux 5:14. L'homme fait,

c'est le contraire du bébé, du nourrisson si faible, si fragile, incapable de se diriger, de

se prendre en charge, qui a encore tout à apprendre. C'est l'adulte. C'est en adultes

que l'apôtre traite les chrétiens de Philippes. Adultes dans la foi, bien sûr. Depuis

qu'il leur a annoncé l'Evangile pour la première fois, ils ont eu le temps de

s'enraciner dans la Parole de Dieu, de grandir, de s'affermir dans la connaissance, la

foi et la piété. Eh bien, puisqu'ils sont grands et matures, qu'ils aient tous cette même

pensée! Qu'ils pensent la même chose que l'apôtre. Qu'ils agissent comme lui et

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déploient tous leurs efforts et leur énergie à remporter le prix de leur vocation.

Et "si vous êtes en quelque point d'un autre avis...". Après tout, les chrétiens ont tous

leurs moments de faiblesse, leurs doutes, leurs incertitudes, et ils n'ont pas tous fait,

au même degré que l'apôtre Paul, l'expérience bouleversante de la grâce. Ils n'ont

donc pas tous son degré de clairvoyance dans la distinction correcte de la Loi et de

l'Evangile. Si tel est le cas, si jamais l'un ou l'autre des chrétiens de Philippes devait

être d'un autre avis que lui, Dieu l'éclairera.

Paul sait attendre que ses lecteurs aient surmonté leur ignorance ou leur manque

d'expérience. La patience est l'une des marques de son apostolat. A condition qu'il ait

affaire à de la faiblesse et non à de la mauvaise volonté, et qu'on fasse preuve de

bonnes dispositions! Il leur demande donc de "marcher d'un même pas" (traduction

d'un terme militaire qui signifie "marcher au pas", "défiler"), en cadence, unis dans

une même foi, au-devant du même but. Si jamais ils devaient ne pas voir le

bien-fondé de tout ce qu'il vient de leur exposer, qu'ils surmontent leur ignorance ou

leurs hésitations en marchant ensemble, sur une même ligne, en obéissant à un

même appel.

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L'espérance du chrétien:

"Soyez tous mes imitateurs, frères, et portez les regards sur ceux qui

marchent selon le modèle que vous avez en nous. Car il en est plusieurs

qui marchent en ennemis de la croix de Christ, je vous en ai souvent

parlé, et j'en parle maintenant encore en pleurant. Leur fin sera la

perdition: ils ont pour dieu leur ventre, ils mettent leur gloire dans ce qui

fait leur honte, ils ne pensent qu'aux choses de la terre. Mais nous, nous

sommes concitoyens des cieux, d'où nous attendons aussi comme

Sauveur le Seigneur Jésus-Christ qui transformera le corps de notre

humiliation, en le rendant semblable au corps de sa gloire, par le pouvoir

qu'il a de s'assujettir toutes choses. C'est pourquoi, mes bien-aimés et

très chers frères, vous qui êtes ma joie et ma couronne, demeurez ainsi

fermes dans le Seigneur, mes bien-aimés" (3:17-4:1).

Mes imitateurs:

D'aucuns diront sans doute: "Décidément, Paul ne se prend pas pour... Ne ferait-il pas

mieux de dire aux gens d'imiter le Christ?" Soit dit en passant, il le fait; il l'a même fait

dans cette épître (2:5). Et puis, que demande-t-il finalement? Non pas qu'on le

prenne pour modèle de sainteté, mais simplement qu'on imite son refus de placer sa

confiance en sa chair, dans ses oeuvres et sa dignité. Pour dire les choses autrement:

"Imitez-moi en ce que je ne me prends pas pour un saint ou un ange, mais cherche

pardon, justice et salut auprès de Jésus-Christ. Et puis imitez-moi en ce que je ne me

crois pas déjà arrivé, mais continue de lutter et de me battre pour être sauvé". Qui

pourrait le lui reprocher? Et n'est-il pas en cela un bon modèle?

Le texte original dit: "Continuez d'être mes imitateurs". Les Philippiens l'ont été

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jusqu'à présent. Qu'ils ne se relâchent pas et continuent de l'être. Et qu'ils le fassent

d'autant plus qu'ils sont les frères de l'apôtre, et des frères "bien-aimés et très chers"

(4:1). Vain orgueil? Non! L'apôtre sait dire cela avec beaucoup d'humilité, lui qui

n'est pas digne d'être appelé apôtre, ni même de porter le doux nom du Christ, qui ne

vit que de miséricorde et de grâce et qui doit justement à cause de cela "servir

d'exemple à ceux qui croiraient en Jésus pour la vie éternelle" (1 Timothée 1:12-16).

Il n'est en rien meilleur que les autres, et il le dit, car il invite les Philippiens à en

imiter d'autres encore, "ceux qui marchent selon le modèle que vous avez en nous".

Qu'ils les imitent eux aussi.

Il faut savoir choisir ses modèles, surtout quand beaucoup de gens se présentent en

exemples à suivre. Il est des "modèles" en effet qui font pleurer l'apôtre chaque fois

qu'il parle d'eux, et pourtant il doit le faire toujours à nouveau, tant le danger qu'ils

représentent est grand.

Ennemis de la croix de Christ..., leur fin sera la perdition:

L'apôtre précise encore qu'ils ont pour dieu leur ventre, qu'ils mettent leur gloire

dans ce qui fait leur honte et n'aspirent qu'aux choses de la terre. Le diagnostic est

terrible. De qui s'agit-il? Certains commentateurs ont pensé que l'apôtre avait en vue

maintenant non plus des docteurs judaïsants légalistes qui, eux, ne rigolaient pas

avec la loi et la morale, mais des épicuriens, des libertins, incitant à la débauche, aux

plaisirs de ce monde, à la satisfaction de son "ventre", et méprisant l'Evangile du

Christ crucifié. D'autres ont objecté qu'il serait quand même surprenant qu'il passe à

une autre catégorie de faux docteurs et dénonce leurs agissements sans les

introduire, sans dire de qui il parle. Peut-être, mais il conviendrait de préciser que les

chrétiens de Philippes pouvaient parfaitement être au courant et connaître les gens

visés par

l'apôtre, sans qu'il ait besoin de les identifier davantage.

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L'incertitude demeure. Je pencherai personnellement pour la première explication,

mais j'admets tout à fait qu'on soit d'un autre avis. Il me semble que des docteurs

judaïsants méconnaissant la gratuité du salut offert par l'Evangile et voulant imposer

le joug de la Loi méritent davantage que des libertins païens le qualificatif d'ennemis

de la croix du Christ. Cette explication s'harmonise aussi mieux avec les premiers

versets du chapitre dénonçant les opposants judéo-chrétiens. Christ ne sert à rien et

on est séparé de lui, déchu de la grâce, si on se fait circoncire et qu'on se place à

nouveau sous le joug de la Loi (Galates 5:2-4). On anéantit son sacrifice rédempteur

en introduisant l'observance de la Loi et les oeuvres humaines dans la doctrine du

salut.

Aussi la fin de ces hommes et de ceux qui les suivent est-elle la "perdition". Séparés

du Christ, déchus de la grâce, ils sont privés du pardon et du salut. A noter au passage

que l'expression "avoir pour dieu son ventre" ou "servir son ventre" ne désigne pas

nécessairement une vie de débauche. C'est ce que font selon l'apôtre Paul les faux

docteurs qui suivent les pensées de leur coeur et suscitent des divisions dans l'Eglise

(Romains 16:18). Petite précision: le ventre était chez les Juifs, plus que le coeur, le

siège des émotions et des sentiments les plus intériorisés de l'homme.

La gloire de ces hommes est dans ce qui fait leur honte, alors que Paul ne se glorifie

que "de la croix de notre Seigneur Jésus-Christ" (Galates 6:14). Tout lui est perte et

boue pour gagner le Christ et être trouvé en lui.

Concitoyens des cieux:

Littéralement: "Notre citoyenneté est dans les cieux". La nationalité des chrétiens est

céleste. Ils ont "reçu l'adoption" en Jésus-Christ (Galates 4:5), sont devenus par la foi

en lui "fils de Dieu" (Galates 3:26). Du coup, ils sont "héritiers de Dieu et cohéritiers

de Christ" (Romains 8:17). C'est là-haut, dans le ciel, qu'est leur patrie. Ils constituent

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une communauté de citoyens célestes. L'opposition avec les faux docteurs qui "ont

pour dieu leur ventre" et "ne pensent qu'aux choses de la terre" est évidente.

Sauveur...Seigneur:

C'est du ciel que les chrétiens attendent Jésus-Christ. C'est de là en effet qu'il

reviendra pour juger les vivants et les morts. Ils attendent celui qui est Seigneur,

celui à qui Dieu a remis le gouvernement de toutes choses. Mais ils l'attendent

comme Sauveur. Ils l'attendent donc sans peur, dans la joie et l'espérance. Sauveur, il

l'est parce qu'il est venu apporter aux hommes la grâce et qu'il a accompli le sacrifice

rédempteur qui délivre les croyants du péché. Mais Sauveur, il l'est aussi parce qu'il

reviendra leur apporter la délivrance finale, les délivrer des liens de la mort.

Il transformera le corps de notre humiliation:

La résurrection est une transformation. Nous croyons en une résurrection

corporelle. Les tombes s'ouvriront et les morts en sortiront. Mais les croyants seront

transformés, "glorifiés" avec le Christ (Romains 8:17). Aussi attendent-ils la

"rédemption" de leur corps (Romains 8:23). Corruptible, il ressuscitera

incorruptible. Mortel, il ressuscitera immortel. Faible, il

ressuscitera avec force (1 Corinthiens 15:42-54).

Le corps du chrétien ressuscité sera "semblable au corps de sa gloire", tel qu'il

apparut aux disciples au moment de la transfiguration, aux gardes qui surveillaient

sa tombe, au matin de la résurrection, ou à Paul sur le chemin de Damas. La tombe du

Christ s'est vidée. Il est ressuscité avec son corps, un corps glorifié bien sûr, mais son

vrai corps, celui-là même qui avait été descendu de la croix. Et c'est avec ce corps

qu'il est monté au ciel. Le nier, c'est nier une affirmation fondamentale de la Bible.

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Mais si Jésus est corporellement ressuscité et monté au ciel, il n'existe aucune raison

pour que nous ne ressuscitions et ne montions pas au ciel de la même façon. Jésus

accomplira ce miracle "par le pouvoir qu'il a de s'assujettir toutes choses". Croire en

la résurrection corporelle n'est pas plus insensé que de croire en l'incarnation, la

naissance virginale ou la mort rédemptrice du Fils de Dieu! Telle est la "puissance de

la résurrection" à laquelle l'apôtre veut avoir part et qui est promise à tous les

croyants.

Vient enfin la conclusion, magnifique, de tout ce chapitre, l'exhortation finale qui se

fonde sur l'espérance bienheureuse attachée à l'appel des chrétiens (4:1):

Mes bien-aimés et très chers frères..., ma joie et ma couronne:

Rares sont les textes où saint Paul épanche son coeur comme il le fait ici. Il ne trouve

pas assez de mots pour dire ce qu'il ressent. Il les aime comme un père aime ses

enfants, et ils sont sa joie et sa couronne. Cf. encore 1 Thessaloniciens 2:19.20 où

Paul s'exprime de la même façon. Ils sont sa joie, car son plus grand bonheur est de

conduire des hommes au Christ et de les sauver ainsi pour l'éternité. Sa couronne,

car Dieu lui a donné ces hommes comme une couronne de victoire, la récompense

d'un dur labeur, l'attestation qu'il n'a pas peiné, combattu et souffert en vain. Alors

l'apôtre souhaite aux chrétiens de Philippes ce qu'un père peut souhaiter de mieux à

ses enfants. Il veut les voir sauvés un jour. Pour ce faire, il faut qu'ils "demeurent

fermes dans le Seigneur". Et en particulier qu'ils ne se laissent pas égarer par de faux

docteurs. C'est au prix de la constance et d'une fidélité sans faille qu'ils seront sauvés.

Le jeu en vaut la chandelle!

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Questions de révision et exercices:

Philippiens 3:12-16:

1) En quoi la vie chrétienne est-elle un combat, une épreuve

sportive, un marathon? Connaissez-vous d'autres textes de la Bible

la comparant à cela?

2) Que signifient les expressions "être saisi par Christ" et "saisir

Christ"?

Philippiens 3:17-4:1:

1) En quoi l'apôtre demande-t-il à ses lecteurs de l'imiter?

2) Comment se comporte-t-on en "ennemi de la croix de Christ"? Y

a-t-il à votre avis plusieurs façons de le faire?

3) En quoi consistera la résurrection des chrétiens?

4) Bâtissez un plan de sermon sur les V.3:20-4:1.

5) Quelles leçons un pasteur peut-il tirer du V.4:1?

__________

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LA VIE DE PAIX

UNE VIE DE PLÉNITUDE BIENFAISANTE

(4:2-9)

"J'exhorte Evodie et j'exhorte Syntyche à être d'un même sentiment dans

le Seigneur. Et toi aussi, fidèle collègue, oui, je te prie de les aider, elles

qui ont combattu pour l'Evangile avec moi et avec Clément et mes autres

compagnons d'oeuvre, dont les noms sont dans le livre de vie.

Réjouissez-vous toujours dans le Seigneur; je le répète, réjouissez-vous.

Que votre douceur soit connue de tous les hommes. Le Seigneur est

proche. Ne vous inquiétez de rien, mais en toutes choses faites connaître

vos besoins à Dieu par des prières et des supplications, avec des actions

de grâces. Et la paix de Dieu, qui surpasse toute intelligence, gardera vos

coeurs et vos pensées en Jésus-Christ. Au reste, frères, que tout ce qui est

vrai, tout ce qui est honorable, tout ce qui est juste, tout ce qui est pur,

tout ce qui est aimable, tout ce qui mérite l'approbation, ce qui est

vertueux et digne de louange, soit l'objet de vos pensées. Ce que vous avez

appris, reçu et entendu de moi, et ce que vous avez vu en moi,

pratiquez-le. Et le Dieu de paix sera avec vous" (4:2-9).

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Evodie..., Syntyche:

Deux femmes dont nous ne savons que ce que les versets 2 et 3 de ce chapitre

veulent bien nous en dire. Autrement dit, pas grand-chose. L'apôtre leur donne un

bon point et un mauvais point. Le bon point est qu'elles ont combattu avec lui pour

l'Evangile. Peut-être comme diaconesses, mais le texte ne le dit pas, en tout cas

comme membres fidèles de l'Eglise et témoins zélés et ardents du Christ. Des

chrétiens comme Evodie et Syntyche, il y en a toujours eu dans l'Eglise, mais ils ne

sont pas si nombreux que cela. Les pasteurs rêvent d'en avoir un peu plus. Alors on

comprend que Paul leur fasse un compliment en passant.

Le mauvais point, c'est qu'elles se sont manifestement querellées, qu'il y a eu une

dissension entre elles. Pas très grave, parce que Paul ne s'y attarde pas, mais elle a dû

durer un certain temps, sinon Epaphrodite ne lui en aurait pas parlé et lui-même

n'en ferait pas mention. On notera aussi qu'il ne prend pas position. Comment le

pourrait-il, puisqu'il n'a pas été là pour voir ce qui s'est passé? Alors il demande à un

homme qu'il appelle son "fidèle collègue" de les aider à régler leur différend. Pas

grave, peut-être, mais Paul, comme il l'a déjà fait savoir aux Philippiens (1:15-17.27;

2:1-4) et comme il l'écrit dans pratiquement toutes ses épîtres, n'aime

pas les tensions et les dissensions dans l'Eglise.

Fidèle collègue:

Sans doute un des responsables de l'Eglise de Philippes, un des évêques ou diacres

mentionnés dans 1:1. Certains commentateurs ont pensé que le mot grec traduit par

"collègue" était peut-être en réalité un nom propre. Il signifie littéralement "celui qui

porte le même joug". Il faut noter cependant que si l'apôtre parle souvent de

compagnons de travail ou de combat, il n'emploie pas ailleurs ce mot pour désigner

un serviteur de l'Eglise. Certains sont allés jusqu'à émettre l'hypothèse que cet

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Philippiens

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inconnu n'était pas si inconnu ou plutôt si inconnue que cela, puisqu'il s'agissait de

sa femme que Paul aurait laissée à Philippes! On a envie de dire: "N'importe quoi!" Le

mystère demeure et cette personne restera toujours pour nous dans l'anonymat.

Soyons assez humbles pour l'admettre et reconnaissons aussi qu'il existe dans la

Bible des problèmes plus importants que celui-là!

Compagnons d'oeuvre:

L'apôtre nomme d'abord un certain Clément. Certainement un autre responsable de

l'Eglise, un des premiers convertis de Philippes qui a eu à coeur de l'aider ensuite à

répandre l'Evangile et à implanter l'Eglise dans cette ville. Il s'agit peut-être de celui

qui est entré dans l'histoire de l'Eglise sous l'appellation "Clément de Rome", évêque,

c'est-à-dire pasteur à Rome et auteur d'une lettre à l'Eglise de Corinthe qui a joui

d'une certaine autorité dans l'Eglise de l'époque. Ce n'est qu'une hypothèse. Et puis il

y a tous les autres "compagnons d'oeuvre" de Paul, tous ceux qui, gagnés par le

Christ, l'ont aidé par leur témoignage à le faire connaître autour d'eux et qui sont

devenus en quelque sorte les successeurs de l'apôtre à Philippes.

Le livre de vie:

L'expression vient de l'Ancien Testament (Exode 32:32; Psaume 69:29; Jérémie

17:13; Daniel 12:1). On la retrouve dans l'Apocalypse (Apocalypse 3:5; 13:8; 20:12;

21:27). C'est le registre céleste sur lequel figurent les noms de tous les enfants de

Dieu. Ils sont citoyens du ciel, et cela est noté quelque part, comme dans tout Etat qui

se respecte. C'est une image, bien sûr. C'est de toute éternité que Dieu a inscrit les

noms des siens dans ce livre que l'Apocalypse appelle le "livre de vie de l'agneau qui

a été immolé dès la fondation du monde" (Apocalypse 13:8). C'est donc le registre

des élus, le livret de famille du Seigneur. L'encre en est indélébile. Aussi vrai que

personne ne peut arracher les brebis de la main du Bon Berger, personne n'a accès à

ce livre pour en rayer des noms. Aussi longtemps que les enfants de Dieu lui restent

fidèles, leurs noms y sont inscrits.

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Réjouissez-vous:

Après les recommandations des versets précédents, l'apôtre revient sans transition à

ce qu'on peut considérer comme le thème principal de sa lettre aux Philippiens:

l'appel à la joie. La joie "dans le Seigneur", car elle seule est vraie et durable. Fondée

sur l'amour de Dieu manifesté en Jésus-Christ, elle demeure éternellement. Un peu

comme la paix dont l'apôtre parle aussi si souvent. "Je le répète, réjouissez-vous!" Cf.

la même répétition dans Philippiens 3:1. Il y a de ces choses que Paul aime à répéter,

que Jésus a été crucifié pour notre salut (1 Corinthiens 2:2), que le chrétien est un

homme heureux (Philippiens 3:1; 4;4), mais aussi qu'il faut se

méfier des faux docteurs (Galates 1:9).

La joie chrétienne est un don précieux. Elle aide notamment à surmonter les

épreuves et les tentations. Le soleil de la grâce luit en permanence pour le croyant,

même aux heures difficiles et sombres de la vie. Cette permanence est affirmée par

l'adverbe "toujours": "Réjouissez-vous toujours!" Dans une autre épître, saint Paul

nous dit comment la joie chrétienne se manifeste: "Entretenez-vous par des

psaumes, par des hymnes, par des cantiques spirituels, chantant et célébrant de tout

votre coeur les louanges du Seigneur. Rendez continuellement grâces à Dieu le Père

pour toutes choses, au nom de notre Seigneur Jésus-Christ" (Ephésiens 5:19.20).

Douceur:

C'est la traduction de Segond. La TOB a opté pour le mot "bonté", la Bible du Semeur

pour l'expression "amabilité". Ce sont presque des synonymes, mais chaque terme a

son petit parfum particulier. L'apôtre veut caractériser les relations que les chrétiens

entretiennent les uns avec les autres. Elles sont faites de douceur, de bonté ou

d'amabilité. C'est le contraire de la dureté et de l'intransigeance. Le mot grec traduit

exprime quelque chose comme l'aptitude à renoncer à son bon droit. Le propre du

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Philippiens

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chrétien est de savoir mettre de l'eau dans son vin. S'il est à cheval sur tout ce qui

touche à la vérité et sur les principes de la morale, il sait ne pas l'être quand il y a va

de son bon droit personnel. Il est animé par un esprit de conciliation, dût-il y laisser

quelques plumes. La bonté, l'amour, l'union, la paix sont à ses yeux des valeurs plus

importantes que la justice et le droit. En tout cas en ce qui concerne ses relations

avec autrui. Il a pour cela un bon modèle: Jésus-Christ qui, en songeant à ses

bourreaux, n'a pas exigé que justice soit faite, mais imploré son Père pour qu'il leur

pardonne.

Et pourquoi cet appel à la joie et à la douceur? Parce que "le Seigneur est proche". Il

revient bientôt. L'apôtre a-t-il cru un moment que Jésus allait revenir incessamment,

de son vivant, pour changer d'opinion en vieillissant? Certains le prétendent. Je

n'arrive pas à m'en convaincre. Non pas parce que cela reviendrait à attribuer au

grand saint Paul des hésitations et des incertitudes. Pourquoi pas? Paul ne savait pas

tout, mais ne connaissait que ce que le Seigneur voulait bien lui révéler, et il n'a pas

voulu lui dire la date du jour "J". Si je n'arrive pas à m'en convaincre, c'est parce que

Paul était bien placé pour savoir qu'il fallait qu'auparavant l'Evangile soit annoncé au

monde entier. Il savait ce que le Christ avait dit aux apôtres avant de remonter au ciel

(Matthieu 28:18-20) et se souvenait de ce qu'il lui avait dit personnellement (Actes

26:15-18). Une seule chose compte en fin de compte: c'est de vivre dans l'attente

constante du retour de Jésus.

Il est vrai que cela fera bientôt deux mille ans que les chrétiens l'attendent. Alors,

viendra ou ne viendra pas? Viendra, bien sûr, et 2 Pierre 3:8-10 nous dit pourquoi il

n'est pas déjà venu. C'est peut-être une raison de plus pour remercier le Seigneur. Il

veut sauver beaucoup d'hommes. Aussi nous qui sommes en train d'étudier cette

belle épître, et s'il était déjà venu, il serait peut-être venu trop tôt pour nous. Trop tôt

pour nous sauver. Mais Jésus reviendra. En attendant ce beau jour, jour de

résurrection (3:11) et de glorification (3:20.21), le chrétien vit le coeur rempli de joie

et de douceur. Ce serait grave, s'il nous disait ce jour-là: "Retirez-vous de moi, je ne

vous connais pas. J'ai été doux et vous ne l'avez pas été!"

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Ne vous inquiétez de rien:

C'est une exhortation à la paix intérieure et à la prière. Les deux vont d'ailleurs

toujours ensemble. Ne pas s'inquiéter, c'est avoir la paix dans le coeur, et ce n'est

possible que si on

sait qu'un autre, le Seigneur lui-même, s'inquiète pour vous. L'apôtre exhorte donc

les chrétiens à lui faire connaître leurs besoins. Pierre dit la même chose, quand il les

invite à se décharger sur lui de tous leurs soucis, car lui-même prend soin d'eux (1

Pierre 5:7). Et qui l'a dit mieux que Jésus dans le texte admirable de Matthieu

6:25-34, qu'il faudrait relire ici à tout prix?

L'apôtre sait de quoi il parle. Il sait ce que s'inquiéter veut dire et est bien placé pour

le savoir. N'est-il pas en prison, une fois de plus, après Philippes et Césarée, et cette

fois à quelques pas de l'empereur qui ne doit pas avoir de sympathie particulière

pour lui? Et n'a-t-il pas connu déjà bien des sévices, des brimades et des épreuves

(faim, soif, froid et nudité, flagellation, lapidation et naufrage)? Cf. 2 Corinthiens

11:22-33. Une seule solution, quand le coeur est inquiet parce que l'avenir sombre:

"faire connaître" ses besoins à Dieu. "Demander", "chercher", "frapper", dans le

vocabulaire de Jésus (Matthieu 7:7.8). La prière du chrétien est demande,

imploration, supplication, quelquefois soupir et gémissement. Mais elle est aussi

"action de grâces". Le chrétien remercie toujours le Seigneur, pour les exaucements

accordés précédemment, et pour celui qui le sera maintenant, car il n'en doute pas.

La paix de Dieu:

C'est comme cela, en priant, qu'on la garde ou qu'on la retrouve. L'apôtre précise

qu'elle vient de Dieu et qu'elle passe par Jésus-Christ. Ce n'est pas seulement cette

paix que le chrétien ressent dans le coeur et qu'il ressent d'ailleurs plus ou moins,

selon les temps et les circonstances, mais c'est aussi et avant cela la paix que Dieu lui

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offre en Christ, celle que les anges ont chantée à Bethléhem et qui a été faite à

Golgotha, quand Jésus a réconcilié le monde avec Dieu. On appelle cela en théologie

la paix objective. Elle garde les coeurs et les pensées des chrétiens en Jésus-Christ, dit

Paul. Et il ajoute qu'elle "surpasse toute intelligence". Elle ne s'explique pas. C'est

incroyable, ce qu'elle peut faire. Cela dépasse toute imagination. L'attitude de

l'apôtre au milieu de ses tribulations en est un bon exemple. Celle des martyrs de

tous les temps aussi. Et celle des chrétiens également. Ils savent étonner le monde

par la façon dont ils affrontent les épreuves, par leur courage, leur confiance et leur

paix intérieure. Certes, ils ne le font pas tous de la même façon, et il y a aussi des

chrétiens qui, dans la souffrance, déshonorent Dieu plus qu'ils ne l'honorent. Mais il

existe des exemples lumineux, et plutôt que de jeter la pierre à ceux qui le sont

moins, je préfère demander au Seigneur de me donner assez de paix pour en être un,

quand viendra pour ma foi l'heure du test.

Au reste...:

La joie, la douceur, la paix. Oui, mais là ne s'arrêtent pas les obligations du chrétien.

L'apôtre "pousse le bouchon plus loin". Il y a encore tout le "reste", c'est-à-dire tout

ce qui est "convenable", "juste", "pur", "aimable", "vertueux", qui "mérite

l'approbation", qui est "digne de louange" (V.8.9). La liste ne se veut certainement

pas exhaustive, mais il faut bien qu'elle s'arrête quelque part! Tout cela, les

Philippiens l'ont appris auprès de Paul, ils l'ont "reçu et entendu" de lui. Il a dû leur

en donner l'exemple, et c'est sans doute aussi en cela qu'ils étaient appelés à être ses

imitateurs (3:17). Eh bien, que ce soit l'objet de leurs pensées, qu'ils le mettent en

pratique.

Pour donner plus de poids à son exhortation, saint Paul y attache une belle

promesse: "Le Dieu de paix sera avec vous". Il sera près d'eux. Ils ne seront jamais

seuls, mais Dieu se tiendra à leur côté. Et, comme le disait ce croyant, "quand on a

Dieu de son côté, on est toujours dans la

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Philippiens

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majorité". Le "Dieu de paix"... Deux versets plus haut, Paul parlait de la "paix de

Dieu". La paix! Tout tourne autour d'elle. Celle que Jésus a acquise en agonisant sur la

croix. Non pas un armistice, une cessation provisoire des hostilités ni même une

coexistence pacifique, mais la paix totale, celle qu'il donne aux siens et qu'il ne donne

pas comme le monde donne, qui permet à leur coeur de ne pas se troubler ni de

s'alarmer (Jean 14:27). "La paix soit avec vous!" La première chose que le Ressuscité

dit aux disciples en les revoyant et qu'il ne cesse de leur répéter (Luc 24:36; Jean

20:19.21.26).

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Questions de révision et exercices:

1) Trouvez des textes dans les épîtres de Paul montrant qu'il

déteste les dissensions dans l'Eglise et dites quelles raisons il peut

avoir pour cela.

2) Quelle consolation trouve-t-on dans l'image du "livre de vie"?

3) Décrivez l'assortiment de fleurs que constituent les vertus

chrétiennes énumérées dans 4:4-9, et montrez leur raison d'être et

leur importance.

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Philippiens

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REMERCIEMENTS POUR LES DONS DES

PHILIPPIENS

(4:10-19)

"J'ai éprouvé une grande joie dans le Seigneur de ce que vous avez pu

enfin renouveler l'expression de vos sentiments pour moi. Vous y pensiez

bien, mais l'occasion vous manquait. Ce n'est pas en vue de mes besoins

que je dis cela, car j'ai appris à être content dans l'état où je me trouve. Je

sais vivre dans l'humiliation, et je sais vivre dans l'abondance. En tout et

partout j'ai appris à être rassasié et à avoir faim, à être dans l'abondance

et à être dans la disette. Je puis tout par celui qui me fortifie. Cependant

vous avez bien fait de prendre part à ma détresse. Vous le savez

vous-mêmes, Philippiens, au commencement de la prédication de

l'Evangile, lorsque je partis de la Macédoine, aucune Eglise n'entra en

compte avec moi pour ce qu'elle donnait et recevait. Vous fûtes les seuls à

le faire, car vous m'avez envoyé déjà à Thessalonique, et à deux reprises,

de quoi pourvoir à mes besoins. Ce n'est pas que je recherche les dons,

mais je recherche le fruit qui abonde pour votre compte. J'ai tout reçu, et

je suis dans l'abondance. J'ai été comblé de biens, en recevant par

Epaphrodite ce qui vient de vous comme un parfum de bonne odeur, un

sacrifice que Dieu accepte et qui lui est agréable. Et mon Dieu pourvoira à

tous vos besoins selon sa richesse, avec gloire, en Jésus-Christ" (4:10-19).

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Philippiens

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L'apôtre Paul attend d'être arrivé à la fin de son épître pour remercier les Philippiens

pour les dons reçus. Ses remerciements ne sont pas la raison pour laquelle il leur

envoie cette lettre. Il a des choses plus importantes que cela à leur écrire. D'ailleurs

on a l'impression qu'il est un peu gêné, qu'il attend le dernier moment pour le faire.

C'est tout juste s'il ne s'excuse pas d'avoir accepté ces dons et s'il ne démontre pas

aux Philippiens qu'ils étaient en fait inutiles, qu'il aurait très bien pu s'en passer! Des

commentateurs ont parlé de "gratitude ingrate". Nous n'irons pas aussi loin.

Mais il est vrai que Paul n'avait pas l'habitude des dons et ne les souhaitait pas (1

Corinthiens 9:15-18). Dans notre texte, il insiste sur son indépendance par rapport

aux biens de ce monde. Il apprécie le dévouement des Philippiens, mais le reçoit plus

comme une participation de leur part à l'Evangile que comme un geste destiné à lui

rendre la vie plus agréable. D'ailleurs il le précise, en disant qu'il a éprouvé une

grande joie "dans le Seigneur". On l'aura noté: au lieu de dire merci, il parle de sa joie.

Des liens très particuliers l'unissent à l'Eglise de Philippes. Elle lui est chère entre

toutes, et il se sait aimé d'elle. Aussi voit-il dans les dons qu'on lui a apportés

l'expression de toute leur affection.

C'est à ce titre-là que leurs dons l'ont réjoui, et il sait très bien qu'ils lui seraient

parvenus depuis longtemps, si les Philippiens en avaient eu l'occasion. Vient ensuite

un beau texte où l'apôtre se situe par rapport aux biens de ce monde.

J'ai appris à être content:

Paul utilise ici le terme grec qui a donné en français le mot "autarcie". Il a appris à

vivre dans l'autarcie, c'est-à-dire à se suffire à lui-même. Ce terme faisait partie du

vocabulaire des philosophes stoïciens qui appelaient les gens au contentement. Mais

alors que le sage devait trouver en lui-même les ressources spirituelles lui

permettant de faire face aux aléas et aux difficultés de la vie, Paul affirme puiser sa

force en Dieu: "Je puis tout par celui qui me fortifie". C'est lui qui lui en a accordé le

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Philippiens

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don (2 Corinthiens 3:5). La différence est énorme!

L'apôtre oppose humiliation et abondance, dénuement et prospérité, faim et satiété.

Il a appris l'un et l'autre, sait vivre entouré de biens, mais aussi dans l'indigence et les

privations. En un mot, il a appris à se contenter de ce qu'il avait, comme il l'écrit

ailleurs: "C'est une grande source de gain que la piété avec le contentement, car nous

n'avons rien apporté dans le monde, et il est évident que nous n'en pouvons rien

emporter. Si donc nous avons la nourriture et le vêtement, cela nous suffira" (1

Timothée 6:6-8). Paul sait tout accepter; il sait supporter et même dépasser toutes

les situations, car il l'a appris. Dieu le lui a enseigné dans son école et lui en donne les

forces. C'est lui qui le "fortifie".

L'apôtre en vient maintenant au vrai sens du don que lui ont fait les Philippiens. C'est

une participation à sa "détresse", à ce combat douloureux qu'il mène pour instaurer,

dans un monde hostile à l'Evangile, le règne du Christ dans les coeurs. Le don reçu

ne lui fait pas plaisir parce qu'il lui permettrait de satisfaire des besoins et de

résoudre des problèmes personnels, mais parce qu'il est l'expression visible de la

communion des Philippiens à son apostolat, sa mission et son combat.

Au commencement de la prédication de l'Evangile:

Soit dix ans plus tôt, quand Paul, ayant évangélisé les villes de la Macédoine, dut

quitter Thessalonique nuitamment. A la suite d'une émeute fomentée par les Juifs,

des frères le firent partir avec Silas pour Bérée (Actes 17:5-15). De là il se rendit à

Athènes, puis à Corinthe. Mais dès son arrivée à Thessalonique, alors que l'Eglise de

Philippes était fraîchement fondée et encore toute jeune dans la foi, les frères lui

avaient envoyé à deux reprises un don (V.16), et un autre lui était parvenu à Corinthe

(2 Corinthiens 11:9).

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Philippiens

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N'entra en compte avec moi:

La TOB traduit: "ne m'a fait une part dans un compte de doit et avoir", ce qui pour

quelqu'un comme moi qui n'y connaît pas grand-chose en transactions commerciales

est plutôt de l'hébreu. La Bible du Semeur propose la traduction suivante: "n'est

entrée avec moi dans un échange réciproque de biens matériels et spirituels". C'est

plus qu'une traduction; c'est déjà une explication, mais elle a le double mérite d'être

simple et juste. C'est bien de cela qu'il s'agit. Utilisant le jargon financier de l'époque,

l'apôtre rappelle aux Philippiens qu'ils sont ses partenaires, liés à lui par un contrat.

Il existe entre eux une relation réciproque de crédit et de débit, d'avoir et de dettes.

Paul leur avait dispensé les dons spirituels de l'Evangile, et ils lui avaient fait

parvenir des biens matériels. . C'est normal, humainement juste et équitable, et

Dieu le veut. Il y a eu échange de biens; simplement les uns étaient spirituels et les

autres matériels (1 Corinthiens 9:11). Ceux qui annoncent l'Evangile doivent pouvoir

en vivre (1 Corinthiens 9:13.14). Telle est la volonté du Seigneur.

Cela dit, si l'apôtre loue l'Eglise de Philippes, il n'en blâme pas pour autant les autres

qui n'ont pas agi comme elle. Il refusait d'être rémunéré, pour que personne ne

puisse dire de lui, qui n'avait pas côtoyé le Christ quand il était sur terre, qu'il s'est

fait apôtre pour gagner beaucoup d'argent. Aujourd'hui, il n'aurait aucune crainte à

avoir, à ce sujet, mais il n'en allait manifestement pas de même à l'époque. Paul se

serait aussi fort bien passé du don qui lui était venu de Philippes, mais il n'aurait pas

pu le refuser sans offenser les donateurs. Il n'avait jamais mendié quoi que ce fût,

mais ne pouvait pas rejeter ce fruit de la foi, ce gage de gratitude et cette expression

de l'amour chrétien.

Ce n'est donc pas ce qu'on lui donne qui intéresse l'apôtre, mais le fait de donner, et

pour quoi, et pour qui. Et ce "qui", c'est Jésus. C'est la reconnaissance et l'amour pour

le Christ qui l'intéressent. Ce n'est pas à l'apôtre qu'on donne, mais à son Maître,

Jésus-Christ. Du même coup, l'apôtre n'est pas lié par le don reçu. L'argent qu'on lui a

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Philippiens

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envoyé ne le paralyse pas. Il ne doit rien aux Philippiens. Ils ont été généreux, et c'est

bien, mais lui reste libre. Il leur écrit donc: "Ce n'est pas que je recherche les dons,

mais je recherche le fruit qui abonde pour votre compte" (V.17). Paul semble songer

au jour du jugement et aux comptes que les chrétiens de Philippes devront rendre à

Jésus-Christ (Matthieu 25:19; Luc 19:15). Il souhaite qu'ils soient trouvés fidèles,

identifiés comme des économes qui ont bien travaillé et fait fructifier ce qui leur

avait été confié.

J'ai tout reçu:

Il manque dans cette traduction, ainsi que dans celle de la TOB, une petite nuance

intéressante rendue par la Bible du Semeur: "J'atteste par cette lettre avoir reçu tous

vos dons". Le verbe utilisé par l'apôtre est encore un de ces termes techniques de la

langue des banquiers, des brasseurs d'affaires et des comptables. Il affirme que

l'apôtre donne quittance à ses débiteurs, les Philippiens. L'apôtre atteste avoir reçu

ce qu'ils lui destinaient.

Quant au complément "tout", il lui permet de dire qu'il est riche et "dans

l'abondance". N'exagérerait-il pas un peu? L'argent est bien utile, dans ce bas monde.

Surtout en prison, où il permet d'améliorer l'ordinaire, de remplir la gamelle, de

donner de temps en temps un bakchich au gardien pour être un peu mieux traité et

avoir un peu plus de liberté! Faut-il que Paul ait su se contenter de peu pour

s'exprimer ainsi! Nous avons certainement cent fois plus que lui et sans doute

pensons-nous ne pas en avoir assez. Comme quoi tout est relatif et dépend des

critères qu'on emploie et du coeur qu'on a dans la poitrine... En ce qui me concerne,

cela me fait honte, et j'ai certainement de bonnes raisons d'imiter l'apôtre (V.17). En

cela, comme en beaucoup d'autres choses.

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Philippiens

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Parfum de bonne odeur..., sacrifice:

Voilà ce qu'est l'offrande chrétienne et ce qui fait que Paul s'en réjouit. Il écrit aux

Ephésiens que "Christ s'est livré lui-même à Dieu comme une offrande et un sacrifice

de bonne odeur" (Ephésiens 5:2). Aux chrétiens d'apporter le leur, un sacrifice qui

soit lui aussi "vivant, saint, agréable à Dieu" (Romains 12:1), parce que l'expression

de leur foi et de leur adoration. Le mot est, bien sûr, emprunté au rituel sacrificiel de

l'ancienne alliance (Lévitique 26:31; Psaume 5:16.17; Amos 5:21.22). Ce qui rendait

les sacrifices des croyants de l'ancienne alliance

agréables à Dieu et en faisait un parfum de bonne odeur, ce n'était pas le simple fait

qu'ils étaient apportés à Dieu, car il est des sacrifices qu'il a en horreur (Esaïe

1:10-17), mais ce qu'ils exprimaient, ce qu'ils voulaient dire au Seigneur. Il en va du

sacrifice comme de la prière. Nous savons quand elle plaît au Seigneur et aussi quand

il la rejette. Souvenons-nous de Caïn et d'Abel. Cela dit, toutes les oeuvres

chrétiennes faites dans la foi, et pas seulement les dons en argent, sont autant de

sacrifices qui lui font plaisir.

Mon Dieu pourvoira à tous vos besoins:

Dieu n'est pas ingrat. Il rend au centuple à ceux qui lui donnent: "Celui qui a pitié du

pauvre prête à l'Eternel qui lui rendra selon son oeuvre" (Proverbes 19:17; Matthieu

19:29; Marc 10:30).

"Tous vos besoins". Peut-être pas tout ce que vous souhaitez, mais tous vos besoins.

En tout cas ce que le Seigneur considère comme vos besoins, matériels et spirituels.

Et il le fera "selon sa richesse". Non pas au goutte-à-goutte, mais abondamment. Il est

généreux et en a les moyens. Que sont nos pauvres dons comparés aux richesses

dont il veut nous combler? Et tout cela, bien sûr, "en Jésus-Christ". Il ne nous doit

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rien, mais est prêt à tout nous offrir en Christ qui nous a réconciliés avec lui et nous a

donné accès au trône de sa grâce.

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Philippiens

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CONCLUSION

(4:20-23)

"A notre Dieu et Père soit la gloire aux siècles des siècles! Amen! Saluez

tous les saints en Jésus-Christ. Les frères qui sont avec moi vous saluent.

Tous les saints vous saluent, et principalement ceux de la maison de

César. Que la grâce du Seigneur Jésus-Christ soit avec votre esprit!"

(4:20-23).

"A notre Dieu... aux siècles des siècles! Amen!" Une belle doxologie qui se raccroche

peut-être davantage à ce qui précède qu'à ce qui suit. Mais peu importe finalement!

Tout ce que l'apôtre vient d'évoquer et d'écrire est tellement beau que le Seigneur

doit en être loué.

Dieu est glorieux en lui-même et n'a pas besoin de nous pour l'être, comme son nom

est saint en lui-même, que nous le sanctifiions ou non. Mais il veut être glorifié. Et le

chrétien ne demande pas mieux. Il est d'accord pour le faire. Ou alors il n'a rien

compris à l'Evangile. Mais dans ce cas, il n'est pas un chrétien... Le croyant ne peut

que dire avec l'apôtre: "Amen!", "c'est ce que je crois fermement", "c'est tout à fait

vrai!" Il ne peut qu'exprimer sa foi et sa certitude que le Père céleste accepte ses

louanges et qu'elles contribuent à le glorifier "aux siècles des siècles". Donc en

éternité.

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Philippiens

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Enfin, pour terminer, quelques salutations. Pour une fois, Paul ne nomme personne,

mais y englobe tout le monde. Il salue "tous les saints en Jésus-Christ" qui sont à

Philippes, et les salue de la part de "tous les saints" de Rome et surtout ceux qui

vivent dans son entourage. En Christ, mais rien qu'en Christ, les croyants sont des

saints. Entièrement pécheurs et entièrement saints. Rappelons-nous Philippiens 1:1,

et surtout Philippiens 3:4-11. Parmi les "saints" de Rome, il y a "ceux de la maison de

César", "ceux qui sont au service de l'empereur" (Bible du Semeur). Eux en

particulier saluent les Philippiens, peut-être parce qu'ils peuvent plus facilement que

les autres chrétiens de Rome côtoyer l'apôtre. Il ne s'agit pas des membres de la

garde prétorienne chargés de le surveiller (1:13), mais de gens appartenant à la

maisonnée et la cour de l'empereur. Personnel divers, fonctionnaires, serviteurs et

esclaves impériaux, d'origine juive ou païenne, mais figurant parmi les "saints",

convertis à Jésus-Christ, justifiés et sauvés, inscrits dans le livre de la vie (4:3).

Et Paul finit son épître comme il l'avait commencée, en souhaitant à ses lecteurs la

"grâce du Seigneur Jésus-Christ", cet amour, cette miséricorde gratuite et parfaite

que Dieu porte aux hommes en son Fils Jésus et qui est pour eux source de pardon,

de salut, de piété, d'espérance et de paix. Et aussi, ne l'oublions pas, car elle est au

centre de l'épître, de joie. Sans elle, les chrétiens ne seraient rien de ce qu'ils sont.

Grâce à elle, ils sont les plus heureux des hommes.

Ainsi prend fin une des plus belles lettres de l'apôtre Paul et un des plus beaux écrits

de toute la Bible, une épître riche en enseignement et en exhortations, regorgeante

de joie et qui dévoile, plus que toute autre, l'affection sincère que saint Paul portait à

l'Eglise de Philippes. Un joyau authentique parmi les livres sacrés que Dieu a donnés

à son peuple. C'est ce que je ressens en tout cas, et tant mieux si j'ai pu inoculer au

lecteur un peu de l'admiration que j'ai pour ces belles pages.

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Philippiens

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Questions de révision et exercices:

1) Dégagez des V.10-14.18 une leçon sur le contentement. En quoi

consiste-t-il, d'où vient-il et qu'apporte-t-il au chrétien?

2) Quel est l'enseignement de Paul sur les dons dans l'Eglise?

3) Que peut-on lire dans les V.10-23 (y compris entre les lignes) sur

le caractère de l'apôtre?

4) Comment l'épître aux Philippiens contribue-t-elle à glorifier Dieu

(V.20)?

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Philippiens

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THÈMES DE REFLEXION

Arrivé à la fin de ce commentaire de l'épître aux Philippiens, nous vous proposons

quelques thèmes de réflexion vous permettant de faire un peu une synthèse de

l'enseignement de l'apôtre, tout en vous livrant à une recherche et une réflexion

personnelles.

1) Quelles sont les grandes affirmations doctrinales de cette épître

et les raisons pour lesquelles l'apôtre les développe?

2) Quelles sont les grandes exhortations à la sanctification, les

circonstances qui les ont motivées et les perspectives dans

lesquelles elles sont énoncées?

3) Quels sont la place et le rôle de l'eschatologie (doctrine des

choses dernières, entre autres du retour du Christ, de la

résurrection et du jugement) dans l'enseignement de l'épître?

4) Qu'est-ce qui distingue cette épître des autres lettres de l'apôtre

Paul?

5) Trouvez dans l'épître tous les textes où il est question de joie, et

dites pour chacun d'entre eux pourquoi l'apôtre en parle.

6) Brossez, sur la base de cette épître, un tableau de la vie

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Philippiens

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chrétienne, et énumérez-en inversement les aspects que l'apôtre

n'y aborde pas.

7) A quoi avez-vous été particulièrement sensible en étudiant cet

écrit du Nouveau Testament?

8) L'épître aux Philippiens vous a-t-elle permis de découvrir une

vérité que vous ignoriez ou d'en approfondir une autre et de la

mieux comprendre?

9) Enonce-t-elle des vérités (doctrines ou exhortations) qui vous

paraissent quelque peu négligées dans l'enseignement de l'Eglise et

dont vous aimeriez qu'on parle plus souvent?

__________