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RISQUES PSYCHOSOCIAUX : COMMENT AGIR ENSEMBLE ? SYNTHèSE DIRECCTE D’ILE-DE-FRANCE Direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi

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Risques psychosociaux : comment agiR ensemble ?

synthèse

DiReccte D’ile-De-FRanceDirection régionale des entreprises, de la concurrence,

de la consommation, du travail et de l’emploi

2 Colloque - Risques psychosociaux : Comment agir ensemble ?

intRoDuction

Intervenant : Laurent Vilboeuf, Directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi d’Ile-de-France

Laurent Vilboeuf a rappelé que ce colloque s’inscrit dans la continuité des quatre précédents organisés depuis 2010. L’objectif est d’apporter des solutions de prévention concrètes dans les entreprises en facilitant l’articulation entre les différents acteurs.

Depuis plusieurs années, la Direccte anime un groupe de travail, composé de représentants du personnel, de médecins du travail, de préventeurs, de délégués syndicaux, de représentants de la Cramif et de l’Inspection du travail, qui mène une réflexion sur les coopérations dans et hors de l’entreprise en matière de risques psychosociaux et également sur les outils disponibles ou à développer.

En 2010, le colloque était consacré aux acteurs de la prévention des risques, puis à l’expertise CHSCT en 2011 et aux risques psychosociaux en général en 2012. Dès le premier colloque, l’objectif était de rechercher des solutions collectives. En 2013, des retours d’expérience en entreprise avaient démontré qu’une action est possible en matière de prévention, que des solutions existent.

Le thème du colloque 2015 est la complémentarité des interventions des différents acteurs, la coopération entre les représentants du personnel et les intervenants extérieurs. L’actualité collective est marquée par l’élaboration du troisième Plan santé travail. La prise en compte des risques psychosociaux est en l’occurrence une priorité dans les risques identifiés, aux côtés des Cancérigène, Mutagène et Repro-toxique (CMR), des troubles musculo-squelettiques (TMS), des chutes de hauteur et des risques multifactoriels. L’un des sujets de préoccupation est l’application réelle du droit dans les PME et les TPE.

L’amélioration des conditions de travail est par ailleurs une condition du maintien dans l’emploi du salarié et de la performance globale de l’entreprise. En Ile-de-France, la structure des emplois et l’organisation du travail exposent davantage les salariés franciliens au débordement de la vie professionnelle sur la vie privée, d’où un accroissement des problématiques liées aux risques psychosociaux.

Pour l’année à venir, la Direccte d’Île-de-France invitera tous les acteurs à adopter une approche volontariste dans les actions à mener sur la prévention des risques psychosociaux, ce qui suppose de travailler sur les outils disponibles et les actions collectives.

les Rps, Résultats De l’enquête sumeR

Sarah Memmi, chargée d’études à la Dares, a présenté un éclairage à partir de l’enquête Sumer 2010, « Surveillance médicale des expositions des salariés aux risques professionnels », réalisée par la Dares et l’Inspection Médicale du Travail (DGT). Les objectifs de l’enquête étaient de :• contribuer à l’amélioration de la santé des salariés et

de la prévention par la connaissance des expositions professionnelles ;

• décrire les expositions des salariés selon leurs caracté-ristiques, les caractéristiques de l’établissement ;

• suivre ces expositions au fil du temps (1994, 2003, 2010).

En 2010, avaient participé :• 2 400 médecins du travail volontaires portant un avis

d’expert sur les expositions ;• 48 000 salariés (du privé + fonction publique territoriale

(FPT), fonction publique hospitalière (FPH) et une partie de la fonction publique d’Etat (FPE)).

Deux questionnaires avaient été soumis, l’un administré par le médecin lors de l’examen périodique, l’autre auto-administré dans la salle d’attente.

La mesure de la « tension au travail », ou job strain, a été réalisée à partir du questionnaire de Karasek, lequel

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montre que cette tension est liée à une forte demande psychologique, une faible latitude décisionnelle et aggravé par un faible soutien social.

La mesure de la « faible reconnaissance » a quant à elle été réalisée à partir de la méthode Siegrist, qui couvre des dimensions plus larges du contexte socio-économique et questionne les efforts consentis par le salarié et la récompense attendue en retour.

Il apparait que la latitude décisionnelle est plus faible pour les femmes. Le pourcentage d’hommes et de femmes qui déclarent un manque de reconnaissance est cependant relativement identique (49 %). Le sentiment de perspective de promotion faible et de forte instabilité de l’emploi est également identique pour les hommes et les femmes. En revanche, les hommes déclarent plus souvent une faible estime que les femmes.

Par catégorie socio-professionnelle (CSP), il apparait que les employés administratifs sont doublement exposés, tant à la tension au travail qu’au manque de reconnaissance. La fonction publique est également un secteur particulièrement concerné par les risques psychosociaux (manque de reconnaissance au travail et tension au travail). Il apparait en outre que le travail avec le public est source de tension au travail.

Nicolas Sandret, médecin expert à la Dares, s’est penché sur l’organisation du travail comme déterminant majeur des risques psychosociaux (RPS). Les femmes sont 21 % de plus à être exposées aux risques psychosociaux que les hommes, toutes choses égales par ailleurs. Le manque de reconnaissance est en revanche égal entre

hommes et femmes. Plus l’établissement est grand, plus le job strain est élevé. Il en va de même pour le manque de reconnaissance.

S’agissant de l’organisation du travail, il apparait que le fait de subir au moins trois contraintes de rythme et ne pas avoir d’informations claires et suffisantes pour réaliser son travail multiplie par deux le job strain et le manque de reconnaissance.

L’étude a par ailleurs montré que les salariés les plus exposés au job strain et/ou au manque de reconnaissance se déclarent en moins bonne santé que les autres. En outre, les symptômes anxieux et le job strain présentent un lien plus fort chez les femmes que chez les hommes. En revanche, la tension au travail ou le manque de reconnaissance augmentent le risque de déclarer un accident du travail pour les deux sexes. Chez les hommes, l’absentéisme et le déficit de reconnaissance sont fortement liés.

En conclusion, les résultats de Sumer 2010 mettent en évidence : • les disparités entre hommes et femmes face aux RPS ;• le rôle majeur de l’organisation du travail sur les RPS ;• la relation entre les RPS et la santé des salariés.

Pour améliorer la prévention, il est par conséquent nécessaire de comprendre la façon dont s’organise le travail en tenant compte aussi des disparités genrées en milieu professionnel.

La prochaine collecte Sumer débutera en mars 2016.

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evolutions RéglementaiRes et juRispRuDentielles suR les Rps, applications pRatiques

Martial Antzenberger, Inspecteur du travail, a rappelé que la médecine du travail a été réformée par la loi du 20 juillet 2011 et les décrets du 30 janvier 2012 et du 11 juillet 2014.

Dorénavant, le comité d’entreprise (CE) peut s’opposer sur le choix du service et la mission du médecin du travail inclut la santé mentale.

S’agissant des inaptitudes, le médecin du travail est habilité à proposer des mesures individuelles telles que des mutations ou transformations de postes.

Didier Ermakoff, Contrôleur du travail et formateur régional sur les RPS, a présenté plusieurs jurisprudences récentes relatives à la médecine du travail :• le refus du poste de reclassement ne constitue pas une

cause réelle et sérieuse de licenciement, dans le cas d’une inaptitude d’origine non professionnelle, même si la modification ne concerne que les conditions de travail ;

• un non-renouvellement de CDD au motif que l’avis d’aptitude comporte des restrictions est discriminatoire ;

• le droit au secret médical est par ailleurs reconnu par le juge européen ;

• il revient au salarié classé en invalidité 2e catégorie de se manifester auprès de son employeur, afin de manifester son intention de reprendre le travail ou de solliciter une visite de reprise ;

• seules les recherches de reclassement compatibles avec les conclusions du médecin du travail rendues après la visite de reprise peuvent être prises en compte pour apprécier le respect par l’employeur de son obligation de reclassement ;

• en 2016, l’inaptitude dispensera l’employeur de rechercher un reclassement si le médecin du travail estime que le maintien du salarié dans l’entreprise lui est préjudiciable ;

• le service de santé au travail au travail interentreprises peut être condamné à verser des dommages et intérêts à un employeur en cas de dysfonctionnements relatifs aux visites médicales. ;

• un salarié déclaré apte avec réserves peut signer une rupture conventionnelle ;

• l’obligation d’organiser la seconde visite d’inaptitude dans les quinze jours suite à une visite de reprise est suspendue en cas d’hospitalisation du salarié.

Concernant l’état de santé du salarié, les seuls certificats médicaux ne suffisent pas à établir un harcèlement moral. En revanche, la simple possibilité d’une dégradation des conditions de travail suffit à caractériser le délit de harcèlement moral. Enfin, un salarié n’a pas à prouver le lien entre la détérioration de son état de santé et la dégradation de ses conditions de travail.

Sur le plan de l’état de santé, de la rémunération et des indemnités, le salarié classé en invalidité suite à un harcèlement moral a droit au paiement de son salaire par son employeur pour la période couvrant la mise en invalidité à la date de résiliation du contrat.

En revanche, le salarié licencié peut être privé de certaines indemnités en cas de refus de la proposition de reclassement, même si l’employeur n’a pas noté le caractère abusif du refus dans la lettre de licenciement.

Après avoir rappelé les missions du CHSCT, Martial Antzenberger a évoqué plusieurs jurisprudences récentes concernant cette instance et son champ d’action :• la nécessité de consulter le CHSCT pour la mise en

place d’entretiens professionnels ;• l’évaluation des RPS lors d’un plan de sauvegarde de

l’emploi (PSE) ;• possibilité de réclamer une suspension en référé d’un

projet de réorganisation d’un service si l’instance n’a pas été suffisamment informée ;

• pour faire appel à un expert agréé en cas de risque grave constaté dans l’établissement, le CHSCT doit fournir des éléments précis et avérés sur l’imminence et la gravité du danger.

S’agissant des Délégués du personnel, Didier Ermakoffa fait part des jurisprudences récentes suivantes :• l’avis des délégués du personnel sur le reclassement du

salarié (en cas d’inaptitude suite à accident du travail (AT) ou maladie professionnelle (MP)) doit être recueilli après l’avis d’inaptitude et avant la proposition au salarié d’un poste de reclassement ;

• l’entreprise est civilement responsable du harcèlement moral commis par un salarié, même à l’occasion de l’exercice de son mandat syndical.

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Enfin, Martial Antzenberger a abordé la question de l’inaptitude, du harcèlement et de la décision administrative. L’avis du médecin du travail et la décision

de l’inspecteur du travail en cas de contestation de l’avis médical doivent en l’occurrence être suffisamment motivés.

Reconnaissance De l’oRigine pRoFessionnelle en acciDent Du tRavail ou malaDie pRoFessionnelle ? etat Des lieux et analyse De situations

Marie Pascual, médecin du travail, a rappelé que les psychopathologies professionnelles en lien avec le travail ne sont pas inscrites dans un tableau de maladie professionnelle. Celles-ci relèvent du système complémentaire : les dossiers sont examinés par les comités régionaux de reconnaissance des maladies professionnelles (Crrmp), lesquelles doivent ensuite se prononcer sur l’existence ou non du « lien essentiel et direct » entre l’atteinte à la santé et les conditions de travail.

Un groupe de travail de la commission des maladies professionnelles du Coct (Conseil d’Orientation des Conditions de Travail) a abouti en 2012 à deux avancées significatives :• la fixation d’un taux d’incapacité permanente (IP)

« prévisible » ;• un premier rapport établissant des

recommandations pour la reconnaissance par les Crrmp des pathologies psychiques d’origine professionnelle.

L’accès au Crrmp nécessite que le taux d’IP soit évalué à au moins 25 % par le médecin-conseil. Ce taux est en principe fixé lorsque la maladie est stabilisée.

Pour les atteintes psychiques, le médecin-conseil doit évaluer un taux d’IP « prévisible » au moment de la déclaration, alors que la maladie est évolutive. Le taux d’IP définitif sera fixé au moment de la consolidation. Il pourra être inférieur à 25 %.

Le groupe de travail a présenté dans un premier rap-port trois types de pathologies psychiques suscepti-bles d’être reconnues d’origine professionnelle :• les troubles dépressifs ;• les états de stress post-traumatiques ;• les troubles anxieux.

Le rapport présente en outre les critères de gravité permettant d’évaluer le taux d’IP et des éléments concernant les facteurs professionnels d’exposition au risque.

Un deuxième rapport de 2014 énonce des recommandations concernant le recueil des éléments relatifs à l’exposition.

Patrice Chrétien, ingénieur conseil à la Cramif, a pour sa part constaté que de 2003 à 2008, entre 50 et 100 dossiers étaient soumis aux Crrmp, avant une augmentation significative à compter de 2008 (512 en 2013). Le taux d’acceptation par les Crrmp est passé de 40 % en 2012 à 49 % en 2014. Les dépressions ont représenté 73 % des avis favorables. Le nombre de demandes de reconnaissance d’une affection psychique au titre d’une maladie professionnelle a été multiplié par 3,1 au plan national entre 2012 et 2014.

En Ile-de-France (régime général), le nombre d’accords est passé de 52 % à 60 % entre 2012 et 2014. Le nombre de demandes de reconnaissance d’une affection psychique au titre d’une maladie professionnelle a été multiplié par 4,1 entre 2012 et 2014.

Marie Pascual s’est pour sa part interrogée sur la pertinence de faire une déclaration de maladie professionnelle par rapport à l’accident du travail. Théoriquement, la reconnaissance permet une meilleure indemnisation, la réparation de l’IP résiduelle et une meilleure protection pour le maintien dans l’emploi.

Sur le plan collectif, la reconnaissance en MP assure la visibilité du risque dans l’entreprise ; elle a un effet en retour sur la prévention, dans la mesure où ce sont les entreprises qui supportent entièrement le coût de

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la MP. Le CHSCT lance quant à lui une enquête en cas de maladie professionnelle et la question du risque et de ses conséquences est débattue dans l’entreprise.

Toutefois, dans la pratique, la démarche est compliquée et longue et il est utile, voire nécessaire, que la personne concernée soit accompagnée.

Dans certains cas, la couverture maladie peut être plus favorable : si le handicap résiduel est important la pension d’invalidité offre une meilleure protection que la rente de maladie professionnelle. Cette question est à considérer au cas par cas, en fonction de l’âge et du pronostic professionnel.

Il convient en outre de bien évaluer avec la personne l’intérêt qu’elle a à agir. Quoi qu’il en soit, il est essentiel que la personne soit bien informée. La préparation du dossier sur les conditions d’exposition au risque est un élément déterminant. Il importe enfin de ne pas négliger l’intérêt collectif de la reconnaissance des atteintes psychiques professionnelles dans l’entreprise et plus largement dans le débat social.

Jean-Louis Osvath, inspecteur du travail, a soulevé la question de l’intérêt d’effectuer une demande de déclaration en AT lorsque le salarié est en arrêt de travail dans le cadre d’un « traumatisme psychologique » dont on peut penser qu’il a un lien avec son travail. Le travail étant à l’origine de la pathologie, il revient donc à l’employeur de rendre des comptes. Il ne s’agit dès lors plus d’un problème individuel, mais d’un problème collectif, qui renvoie à la responsabilité de l’employeur en matière de santé et de sécurité au travail.

De plus, l’arrêt en AT emporte quelques conséquences directes pour le salarié par rapport à l’arrêt maladie : pas de jours de carence, dispense d’avance de frais, interdiction de licencier (sauf faute grave), rente possible.

Il conviendra alors de rechercher les causes de l’accident, d’invoquer la responsabilité de l’employeur et interroger l’organisation du travail.

En pratique, la victime d’un accident du travail doit, dans la journée où l’accident s’est produit ou au plus

tard dans les 24 heures, en informer l’employeur. En cas de carence de l’employeur, la déclaration peut être effectuée par la victime ou ses représentants jusqu’à l’expiration de la deuxième année qui suit l’accident.

Pour sa part, l’employeur a l’obligation de déclarer l’accident auprès de la Cpam sous peine de sanction pénale ; l’inspecteur du travail est quant à lui habilité à constater les infractions. En revanche, l’employeur n’est pas compétent pour définir s’il s’agit ou non d’un accident du travail ; cela relève de la Cpam. Il peut cependant émettre des réserves.

Légalement, dès lors que l’accident survient au temps et au lieu de travail, l’accident est imputable au travail (présomption d’imputabilité).

Néanmoins, le salarié qui demande une déclaration d’AT à son employeur peut craindre de s’exposer. De plus, il n’a pas l’obligation de le faire. La Sécurité sociale ne reconnaît pas pour autant l’accident du travail immédiatement.

La définition de l’accident du travail est la suivante (article L411-1 du Code de la Sécurité sociale) : « Est considéré comme accident du travail, quelle qu’en soit la cause, l’accident survenu par le fait ou à l’occasion du travail à toute personne salariée ou travaillant, à quelque titre ou en quelque lieu que ce soit, pour un ou plusieurs employeurs ou chefs d’entreprise.» La jurisprudence a précisé les contours de cette définition. Ainsi, l’accident du travail suppose la réunion des éléments suivants : • un fait accidentel, qui peut être constitué d’une

série d’évènements survenus à une date certaine ;• une lésion (élargie à toute atteinte à l’intégrité de

la personne) ;• un accident survenu par le fait ou à l’occasion du

travail ;• un lien de causalité entre l’accident et le dommage

subi ;• la soudaineté (différence avec caractère lent et

évolutif de la maladie professionnelle).

Comme pour tout AT, il est nécessaire de réunir la Déclaration d’accident du travail et le Certificat médical initial (descriptif des lésions). Le fait générateur d’un trouble psychosocial doit se définir par un évènement soudain, c’est-à-dire daté, et précis.

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temps D’échange

Un avocat a évoqué la possibilité d’obtenir en référé une mesure provisoire, à savoir la mise en inactivité du salarié. Cela n’empêche pas ce dernier de demander aux prud’hommes ou en appel la nullité du licenciement (arrêt du 9 décembre 2014 16-045). Il s’est en outre interrogé sur l’inexistence en France, à l’inverse du Canada ou de la Belgique par exemple, du métier de conseiller en prévention, indépendant, qui aurait une compétence et une accessibilité dans l’entreprise.

Martial Antzenberger a rappelé qu’une personne compétente en prévention doit être désignée dans toutes les entreprises.

Un participant s’est interrogé sur le nombre d’avis défavorables aux déclarations d’AT.

Marie Pascual a indiqué que les éléments sur les affections psychiques ne sont pas disponibles. Il est

possible de penser que les dossiers conduits par les victimes seules n’aboutissent pas, faute d’éléments factuels, de témoignages, etc.

Une avocate a soulevé la question du harcèlement sexuel, qui selon elle n’est pas suffisamment prise en compte dans le cadre de la prévention. Les propos à connotations sexuelles sont en effet assimilés à du harcèlement, ce que beaucoup de salariés ignorent.

Jean-Louis Osvath a expliqué que le harcèlement sexuel diffère du harcèlement moral sur le plan juridique. Dans le premier cas se pose la question de la preuve, dans la mesure où il s’agit en pratique d’une parole contre une autre parole.

Didier Emarkoff a précisé que la loi Rebsamen a ajouté aux dispositions actuelles le principe selon lequel nul ne doit être soumis à des agissements sexistes dans l’entreprise.

le RappoRt annuel, un exemple D’inteRvention Du méDecin Du tRavail en lien avec le chsct

Olivia Hicks-Garcia, médecin du travail, a évoqué le rapport annuel à travers l’exemple d’une agence sanitaire. Les salariés de cette agence présentaient un niveau de stress très élevé. Des groupes de paroles ont été proposés, mais n’ont pas été mis en œuvre, car une prochaine réorganisation des services était censée résoudre le problème du stress. En 2008, une formation sur le stress a été organisée et un « groupe stress » a été constitué.

Le lendemain de la remise de son rapport annuel 2011, Olivia Hicks-Garcia a été convoquée par la Direction à un entretien très virulent au cours duquel elle a été accusée d’être responsable du stress dans l’agence. La Direction lui a demandé de réécrire son rapport avant sa présentation en CHSCT, ce qu’elle a refusé. La Direction, au lieu de s’emparer du problème des RPS, a décidé de changer de médecin du travail, avant de faire marche arrière face au mécontentement des salariés.

Mathilde Pascal, ancienne représentante du personnel au CHSCT, est revenue sur la mobilisation des salariés en soutien au médecin du travail. Le stress au travail était très élevé. Les représentants du personnel étaient totalement démunis face à l’état d’anxiété des salariés, la Direction et l’encadrement imputant la souffrance des salariés à des raisons d’ordre privé et non professionnel. Le rapport 2011 du médecin du travail a permis d’identifier précisément les RPS. La Direction a affirmé que la cause était entièrement due au médecin du travail. Les représentants du personnel ont jugé cette accusation injuste et ont dénoncé le mépris de la Direction vis-à-vis du médecin du travail et du CHSCT. Au cours de l’été, la Direction a envoyé une note expliquant que le service de santé au travail serait réorganisé. Le CHSCT a alors convoqué le personnel à une Assemblée Générale, qui a décidé de refuser cette réorganisation. Les

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représentants du personnel ont ensuite mené différentes actions (port d’un badge « touche pas à mon médecin du travail », signature de pétitions, etc.). Cette mobilisation a permis de libérer la parole des représentants du personnel sur le sujet des RPS. Des outils ont ainsi été mis en place : accès à des formations sur les risques psychosociaux, constitution d’une cellule de prévention des risques psychosociaux, formation des managers, rédaction d’une charte des

relations au travail, mise en place d’un numéro vert d’appel d’un psychologue du travail. Pour autant, les problèmes demeurent et le niveau de souffrance des salariés persiste.

Hélène Garrabe, Médecin Inspecteur Régional, Direccte Ile-de-France, a souligné l’importance de la coopération entre les représentants du personnel et le médecin du travail.

temps D’échange

Un membre de CHSCT a évoqué la situation du service de santé au travail (SST) de son entreprise, dont le poste d’infirmière a été supprimé si bien que le médecin du travail est proche de l’épuisement professionnel. L’intention de l’entreprise de nuire à l’efficacité du SST ne peut toutefois pas être prouvée. Aussi, les représentants du personnel s’apprêtent-ils à lancer un droit d’alerte sur un danger grave et imminent concernant le médecin du travail lui-même.

Hélène Garrabe a soulevé en réponse la question des ressources du SST. Olivia Hicks-Garcia a souligné l’importance de l’aide du médecin inspecteur lorsque le médecin du travail est en difficulté vis-à-vis de l’employeur.

Une participante a demandé pourquoi le CHSCT n’avait pas recouru au droit d’alerte.

Mathilde Pascal lui a expliqué que le CHSCT avait été mis en place tardivement et n’était pas informé de tous ses droits. Depuis, des AT ont été déclarés, des expertises ont été lancées dans certains services, etc. La difficulté est que les salariés refusent que leur souffrance soit relayée.

Un participant s’est interrogé sur les moyens dissuasifs disponibles pour rappeler aux entreprises l’existence de limites à ne pas franchir.

Nicolas BESSOT, Chef du service santé sécurité au travail Direccte Ile-de-France, a confirmé l’existence d’outils, parmi lesquels la mise en demeure du Direccte. En tout état de cause, il importe que les différents acteurs mobilisent collectivement leurs outils respectifs pour agir efficacement.

un tRavail conjoint De la DiReccte, De la cRamiF et Des seRvices De santé au tRavail pouR la pRévention Des Rps : les contRats pluRiannuels D’objectiFs et De moyens (cpom)

Hélène Garrabe a rappelé que la loi du 20 juillet 2011 et ses décrets d’application modifient de façon importante l’approche de la santé au travail. Les missions des SST sont de :• conduire des actions de santé au travail (prévention) ;• conseiller les employeurs, les travailleurs et leurs

représentants ;

• assurer la surveillance de l’état de santé des travailleurs en fonction des risques, de la pénibilité et de leur âge, de participer au suivi et de contribuer à la traçabilité des expositions.

Il s’agit donc d’une mission globale.

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La loi introduit en outre une obligation de pluridisciplinarité des équipes de santé au travail et fixe des priorités : • en fonction de la politique nationale et de son volet

régional (PRST) et en fonction des réalités locales ;• dans le cadre d’un Cpom conclu entre l’autorité

administrative et les organismes de Sécurité sociale compétents ;

• après avis des organisations d’employeurs, des organisations syndicales de salariés représentatives au niveau national et des agences régionales de santé.

Le décret 2012-137 fixe quant à lui les modalités de la contractualisation entre le service de santé au travail, la DIRECCTE et la CRAMIF, après avis du Crprp, ainsi que les actions du Cpom.

Les contrats pluriannuels d’objectifs et de moyens (CPOM) concernent uniquement les services interentreprises de santé au travail (Sist). En Ile-de-France, 26 SIST suivent 3,25 millions de salariés. En pratique, chaque région est autonome. Le Cpom est signé après obtention par le Service Interentreprises de Santé au Travail (SIST) de l’agrément délivré par la Direccte pour une durée de 5 ans.Patrice Chretien, Ingénieur-conseil à la Cramif, est revenu sur les travaux préparatoires de la Cramif et de la Direccte en 2012-2013.

En Ile-de-France, les Cpom doivent comprendre trois volets :• Volet 1 : au minimum deux des six programmes

d’actions régionaux « socles communs » de prévention des risques professionnels ;

• Volet 2 : au moins un programme local d’actions spécifiques parmi les risques et secteurs prioritaires au plan régional ;

• Volet 3 : programme(s) d’actions mutualisé(s) entre plusieurs Sist (sur la base du volontariat).

Hélène Garrabe a indiqué que le premier objectif concerne les ressources en interne pour le Sist en matière de RPS, l’élaboration des stratégies d’actions vers les entreprises et leur mise en œuvre.

Le second objectif porte sur l’accompagnement des entreprises pour définir puis mettre en œuvre des actions de prévention primaire.

Le dispositif est animé par la Direccte et la Cramif via des rencontres avec l’ensemble des référents des Sist ayant retenu le programme RPS. Les premiers bilans annuels 2015 seront réalisés par les Sist individuellement, la Direccte et la Cramif prenant en charge les bilans régionaux annuels.

equipe pluRiDisciplinaiRe : comment tRavailleR ensemble ?

Nicolas Bohin, médecin du travail, a présenté l’action de l’Acms, qui couvre 50 secteurs en Ile-de-France et travaille en pluridisciplinarité. Le suivi individuel est assuré par le médecin du travail et l’infirmière. Au niveau individuel, après accord explicite du salarié, le médecin du travail peut intervenir auprès de l’entreprise et peut le cas échéant solliciter les partenaires sociaux. Les psychologues n’interviennent pas directement, mais peuvent faire part de leur avis lors des réunions pluridisciplinaires.

Sur le plan collectif, lorsque plusieurs salariés en souffrance sont identifiés dans un même service, il peut être pertinent de faire intervenir le psychologue du travail dans le service concerné. Les ergonomes peuvent également identifier des problèmes relevant de risques psychosociaux. L’employeur ou des représentants du

CHSCT peuvent en outre solliciter l’Acms sur le thème des RPS.

Dominique Bruneau, psychologue du travail, a partagé deux expériences. La première est une demande d’aide adressée au médecin du travail par un salarié d’une plateforme logistique. Il s’agit d’une activité qui requiertdes compétences linguistiques et réglementaires. Les salariés concernés ont tous une ancienneté importante et ont tous le sentiment d’une dévalorisation de leurs compétences et de leur expertise. Deux psychologues sont intervenus pour identifier les sources de tensions et proposer des pistes d’amélioration. Un rapport écrit a été rédigé et présenté à un comité RPS. Les salariés ont, à la lecture du rapport, pu réinvestir leur activité et ressouder le collectif. La Direction a de son côté pu comprendre la nature du

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problème et trouver des réponses adaptées. Le succès de cette intervention est à mettre en lien avec l’implication de la Direction, la crédibilité du médecin du travail, l’action conjuguée de ce dernier avec le psychologue du travail et l’implication des acteurs internes. La seconde intervention est une action collective menée dans de grandes entreprises du tertiaire. L’objectif était de réunir des directions et des représentants du personnel pour parler des RPS, montrer la diversité

des compétences au sein du SST et de permettre des échanges informels. L’objectif était de passer d’une vision surplombante à une relation de conseil, une position d’interlocuteur, avec le souci d’adapter les actions aux besoins des adhérents. L’objectif était également de passer d’un modèle entreprise par entreprise à un modèle plus collectif. la démarche a permis une modification de l’image du Sist aux yeux des adhérents.

le secRet, le méDecin Du tRavail et le collectiF méDical

Gérard Lucas, médecin du travail dans la fonction publique d’Etat, a présenté plusieurs cas concrets qui illustrent la question du secret médical et du partenariat pour le lien santé-travail.

Dans une fonction régalienne pour l’industrie, un agent en conflit est passé à l’acte agressif verbalement puis même physiquement contre son hiérarchique. La rédaction de procès verbaux menant à des sanctions pour les petits industriels devenait insupportable pour l’agent qui pensait pouvoir aider les petites entreprises de façon « plus humaniste ». C’était évidemment une souffrance psychique au travail. Mais sans aucune transgression du secret médical, le médecin du travail a permis aux partenaires, chefs de services et collectif des collègues, de prendre la main an traitant du conflit de valeur.

Une ingénieure de recherche s’est retrouvée trois fois en 3 ans en arrêt de travail prolongé pour dépression. C’était à chaque fois dans le cadre d’un surinvestissement sur des activités transversales d’organisation dans l’institut en pleine réorganisation qu’elle décompensait. Le risque psychosocial d’hypersollicitation au travail et de manque de reconnaissance a été l’élément de l’échange pour sa réinsertion sans débordement. C’est elle qui, en demandant une reconnaissance en maladie professionnelle, a choisi d’exposer une lecture de sa pathologie à la commission de réforme. Une responsable de maintenance informatique s’était automutilée sur le lieu du travail suite à un conflit récidivant avec ses subordonnés anciens collègues. Sans dévoiler l’automutilation, la mise à plat

d’anomalies relationnelles impactant le risque psycho social émotionnel a permis de mettre en débat des principes de respect où elle a pu retrouvé sa mission de responsabilité.

Les arrêts du travail des secrétaires administratives d’une grande administration étaient en augmentation pour des pathologies très diverses. Les médecins du travail se sont interrogés sur les raisons de ces arrêts et des dépressions, dont les secrétaires étaient victimes. Il est apparu que celles-ci avaient peu à peu perdu, du fait de la numérisation, le support de l’écrit et donc le lien avec l’équipe de travail ce qui revenait in fine à remettre en cause le sens de leur travail. Il convenait donc de réimaginer le rôle de chacune de ces secrétaires et de s’interroger sur la nature de leur travail.

Dans toutes ces situations, ce n’est pas la connaissance du secret médical qui a permis la résolution des situations de souffrances et l’amélioration des conditions relationnelles et organisationnelles de travail, mais la mise en évidence explicite de risques psychosociaux qui n’étaient pas ou mal pris en compte. La déclinaison des six catégories de risques psychosociaux élaborés en 2010 par les chercheurs de la Dares et promus par l’Inrs sont des outils remarquables pour le traitement de pratiquement toutes les souffrances au travail en partenariat, où la suestion du secret médical et de l’intime n’est plus la question préoccupante. (exigences du travail, exigences émotionnelle, marge de manœuvre ou autonomie, soutien social et reconnaissance, sens du travail et conflit de valeur, insécurité de l’emploi et du travail.

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temps D’échange

Secrétaire du CHSCT a souligné que les cadres sont particulièrement exposés, dans la mesure où il leur est demandé toujours plus de productivité, alors qu’ils ont dans les faits peu de marge de manœuvre et se retrouvent responsables de situations sur lesquelles ils n’ont pas prise.

Un participant s’est interrogé sur la place des représentants syndicaux dans les Cpom.

Patrice Chrétien a confirmé la présence des partenaires sociaux dans les instances des SIST.

Nicolas Bessot a cependant admis que le rôle des représentants du personnel dans les SST n’est pas suffisamment connu et doit faire l’objet d’une information.

Patrice Chrétien a précisé que les bilans annuels seront transmis aux instances du SIST.

Une participante a par ailleurs soulevé la question des nombreux salariés qui s’arrêtent sans pour autant consulter leur médecin traitant. Dans quelle mesure les médecins de ville sont-ils sensibilisés à cette question ?

Gérard Lucas a expliqué que les médecins du travail sont en pratique hors du système de soin et de santé. La médecine du travail n’est en effet pas gérée par le ministère de la Santé. La santé au travail doit donc être prise en compte par l’ensemble du système de soin de santé.

Un médecin psychiatre a souligné la part du travail dans l’identité personnelle de ses patients. Le travail a une dimension thérapeutique et lorsque l’environnement de travail dysfonctionne, les pathologies apparaissent.

Une participante a constaté que des salariés équilibrés et épanouis, mis dans certaines situations de travail, peuvent décompenser et passer à l’acte. Or l’employeur a tendance à renvoyer l’origine du problème à des causes personnelles et non à l’organisation du travail.

Une participante est pour sa part revenue sur la formation des médecins traitants, lesquels ne connaissent pas la santé au travail, la médecine du travail, ni le travail. Un volet formation des internes s’avère donc très important s’agissant des risques psychosociaux et du travail.

Une participante a rappelé que le médecin du travail doit proposer des reconversions en cas d’inaptitude. Quels sont les moyens dont le médecin du travail dispose pour bien connaitre les métiers, afin de proposer des mutations et des mobilités professionnelles ?

Gérard Lucas a estimé que la connaissance du terrain est en effet très importante. Le médecin du travail doit certes mieux connaitre le travail, mais surtout aider le salarié concerné à se réapproprier le travail.

Une assistante sociale et permanente syndicale a expliqué être intervenue pour un salarié devant passer en conseil de discipline. Elle s’est aperçue que ce salarié n’avait fait appel à aucune aide. Elle a émis l’hypothèse que ce salarié était atteint d’autisme. Aussi a-t-elle signalé ce cas à la médecine du travail, qui ne lui a pas répondu. Elle s’est alors adressée à un médecin qui a établi un diagnostic, lequel a abouti à la reconnaissance de travailleur handicapé. Il serait donc souhaitable de repérer au niveau national ces situations qui n’ont pas été diagnostiquées.

12 Colloque - Risques psychosociaux : Comment agir ensemble ?

cas D’entRepRises

analyse D’un seRvice apRès-vente De la Fnac

José Da Silva et Louis Landa, membres du CHSCT de la Fnac Forum, sont revenus sur le dossier de la Fnac qui avait été présenté lors du précédent colloque.

Fin 2009, la Fnac Paris avait déclenché un PSE prévoyant la suppression de 200 postes à Paris, dont un total de 21 postes à la Fnac Forum des Halles. A cette occasion, un accord, pour une durée indéterminée, a été signé entre la direction et les syndicats représentatifs, dans lequel la direction s’engageait à respecter l’organisation cible et, le cas échéant, à combler tout déficit de personnel.

A ce jour, 55 postes n’ont pas été remplacés. Cette situation génère un accroissement de l’intensité de travail et les ajustements organisationnels de l’entreprise deviennent permanents.

Le SAV a été concerné par la compression du personnel et les conditions de travail se sont davantage dégradées à la suite du changement soudain d’un logiciel de gestion de la clientèle. Ni le responsable du SAV ni le directeur du magasin n’en avaient été informés. Les arrêts de travail

se sont multipliés et la Direction a fait appel à un cabinet privé pour vérifier la véracité de ceux-ci.

Le CHSCT a analysé les conditions de travail du SAV et une nouvelle organisation du travail a été mise à l’essai. La direction a tardé à apporter les conditions nécessaires à son bon fonctionnement, notamment le remplacement des postes supprimés et la révision du parc informatique. Les burn-out, les dépressions, les longs arrêts maladie, etc., se sont ainsi multipliés. Les salariés se sont alors mobilisés (pétitions, réunions, débrayages, courriers aux clients).

Il s’avère que les procédures du SAV sont souvent contradictoires, de plus en plus complexes et souvent absentes des outils informatiques. De plus, les conditions d’application des assurances et extensions de garantie vendues avec les produits manquent singulièrement de clarté. Les conditions de remboursements sont également obscures. Les clients du site internet Fnac.com ne sont pas informés qu’ils achètent à d’autres vendeurs utilisateurs de ce site. Au final, les salariés sont dans l’impossibilité de réaliser leur travail correctement et sereinement.

un outil pouR DialogueR suR les Rps avec le méDecin Du tRavail paR un oRganisme De contRôle

Laurent-René Lamartinie et Jean-Marc Martinez, d’un Organisme de contrôle et de certification de taille internationale, ont présenté leur outil de dialogue. Fin 2009, le CHSCT de leur entreprise a interpelé la Direction pour qu’elle mette en place un accord sur les risques psychosociaux. En 2011, une expertise a été lancée à l’initiative de la Direction, laquelle a mis en évidence des facteurs de risque. La Direction a alors lancé un projet d’efficacité managériale sur la période 2012-2015 pour améliorer la communication et le niveau de dialogue. Le CHSCT a déclenché une seconde expertise, qui a conclu que le lean management n’était pas adapté à l’entreprise. Une négociation a alors été ouverte et un accord rédigé sur la prévention des risques psychosociaux ; l’accord n’a pas été signé à ce jour.

Le CHSCT s’était parallèlement interrogé sur la recherche d’actions à mettre en œuvre pour prévenir les burn-out et les situations de mal-être chez les salariés. La médecine

du travail et l’inspection du travail ont notamment été mobilisées pour mettre en place un plan d’action.

Un outil a été mis en place pour mettre en place un dialogue avec le médecin du travail. Ce dernier renseigne en pratique des indicateurs dans le domaine des risques psychosociaux au niveau collectif. Trois domaines ont été retenus : • le vécu du travail et la satisfaction que le personnel y trouve ;• les signes précurseurs d’une souffrance mentale liée

au travail ;• ressenti du salarié par rapport à sa vision de l’évolution

de l’entreprise ; • l’organisation du travail.

L’objectif de cet outil répond au souhait des instances de pouvoir travailler en commun avec le médecin du travail dans la recherche de l’amélioration de la qualité de vie au travail dans l’entreprise.

13 Colloque - Risques psychosociaux : Comment agir ensemble ?

un guiDe à l’usage Des militants qui Reçoivent Des peRsonnes en DiFFiculté au tRavail

Jocelyne Chabert, conseillère confédérale à la Cgt, a présenté un guide de l’accompagnement syndical. Il s’agit d’aider les salariés en difficulté au travail à retrouver du pouvoir d’agir grâce au soutien collectif et à renforcer le syndicat en construisant du lien social.

Ce guide est une publication confédérale qui est destinée à outiller les militants confrontés à la détresse de salariés victimes du « mal-travail ».

Sans se substituer au rôle des professionnels de l’écoute et du soin, ces militants ont un travail réel à accomplir auprès de ces salariés qui appellent à l’aide :• Accompagnement fraternel ;• Défense et restauration des droits ;• Renforcement du lien collectif et donc du syndicat ;• Réparation mais surtout prévention des risques

liés à l’organisation du travail, car il ne s’agit pas d’accompagner les salariés pour qu’ils supportent mieux ce qui leur arrive, mais bien de les aider à combattre une situation délétère et de retrouver leur pouvoir d’agir.

Le guide propose une démarche « pas à pas ». C’est un partage de savoir-faire vivants qui ont fait la preuve de leur efficacité dans des situations réelles.

La première étape consiste à :• se protéger ;• écouter ;• détecter s’il y aura matière à déclarer un accident

du travail ;• informer sur les obligations légales de l’employeur ;• informer la personne sur ses droits ;• déculpabiliser ;• rompre l’isolement ;• accompagner aux entretiens ;• informer sur les possibilités de prendre un peu de

recul temporairement ;• protéger en documentant.

La seconde étape consiste à :• informer sur les droits protecteurs : la déclaration

en accident du travail ou maladie professionnelle ;• proposer une consultation spécialisée ;• solliciter un coup de main : ce point est très

important, il permet d’aider la personne à passer du statut de victime à celui d’aidant. En particulier on peut lui proposer de nous accompagner quand on recevra une nouvelle personne en souffrance. Le partage d’expériences, le fait de comprendre qu’on n’est pas seul(e) à subir une situation, sont extrêmement gratifiants pour des salariés en détresse.

technique De l’aRbRe Des causes en situation De Rps

Pascal Vitte, membre de la Commission « conditions de travail » de Solidaires, syndicaliste et secrétaire de CHSCT, est revenu sur son expérience à France Télécom, dans un centre d’appels technique. Un CHSCT extraordinaire avait été demandé à la suite de plusieurs incidents. Une résolution avait été votée, actant le principe du pouvoir d’enquête et d’analyse du CHSCT. L’objectif était d’appliquer la technique de l’arbre des causes en interrogeant les victimes de souffrance au travail. Les entretiens duraient en moyenne trois heures et demie.

La technique de l’arbre des causes est au départ conçue pour les risques physiques. Dans le cas des risques psychosociaux, l’Employeur a fait valoir des oppositions de principes, dans la mesure où les risques psychosociaux sont subjectifs, à l’inverse des accidents physiques. Les représentants du personnel ont rétorqué que l’arbre des causes pouvait au contraire permettre d’identifier la source des souffrances des salariés. Les représentants du personnel ont mis en évidence qu’une part des risques psychosociaux est liée à des problèmes personnels et qu’une autre partie relève de l’organisation du travail.

14 Colloque - Risques psychosociaux : Comment agir ensemble ?

Il revient en l’occurrence à l’employeur de s’attaquer aux risques psychosociaux issus de l’organisation du travail.

Il est apparu que les cinq salariés concernés avaient des problèmes personnels, avaient été « restructurés », subissaient un mode de

management inadapté et étaient en situation de tension au travail.

Un certain nombre d’avancées ont été obtenues, notamment grâce au travail des représentants du personnel et à la médiatisation des suicides chez France Télécom l’année suivante.

l’analyse Du gRanD témoin

Thomas Coutrot, chef du département des conditions de travail et de santé à la DARES, a dans un premier temps invité les participants à réagir aux présentations des différents intervenants.

Un intervenant a soulevé la question du médecin du travail salarié de l’entreprise dans laquelle il exerce et par conséquent de la marge d’action de celui-ci.

Un autre intervenant a suggéré d’aider les élus à exploiter les évolutions jurisprudentielles.

Un intervenant a quant à lui souligné que de grands progrès ont été accomplis pour constater les risques psychosociaux et en identifier les causes. Toutefois, le taux de chômage est aujourd’hui tel que la perte de l’emploi est vécue comme une véritable menace et constitue en soi un risque psychosocial. Une meilleure situation de l’emploi permettrait donc de lutter contre les risques psychosociaux.

Une participante a regretté que les actions de prévention n’aient pas été davantage débattues. Elle souligne la nécessité de dialoguer avec les salariés avant que ces risques ne surviennent.

Un participant a proposé que le thème de la responsabilité de la mondialisation dans la souffrance au travail soit à l’avenir abordé. Il est également souhaitable de se pencher sur le rapport entre travail réel et travail prescrit.

Thomas Coutrot a reconnu que la mondialisation, qui implique de rester compétitif et donc d’augmenter les objectifs et de réduire les moyens, ainsi que le chômage de masse, exerce une pression sur les salariés. De plus, toutes les méthodes de management ne sont pas toujours optimales sur le plan de la rentabilité et de la compétitivité.

La mise en débat du travail à l’initiative des SST est une initiative intéressante. Le travail du médecin du travail est certes de traiter des cas individuels, mais il revient également à questionner les normes des collectifs de travail. Les outils de dialogue avec les médecins du travail sont, dans ce contexte, utiles et pertinents.

Si la déclaration de maladie professionnelle aboutit difficilement, la jurisprudence ouvre en revanche des espaces de reconnaissance d’accidents du travail.

Thomas Coutrot a en outre souligné le rôle massif des risques psychosociaux dans des phénomènes aussi couteux que l’absentéisme, tant pour les entreprises que pour le régime de santé.

De nombreuses souffrances et pathologies psychiques sont à mettre en regard de l’organisation du travail. L’insécurité socio-économique est également source de risques psychosociaux. La Cour de cassation a ainsi conclu que la possibilité d’une dégradation future des conditions de travail est susceptible d’être qualifiée de harcèlement moral.

Service communication de la Direccte d’Ile-de-France Novembre 2015. Synthèse réalisée par ABreport Mise en page par Emmanuelle Seguin