Rimbaud retouché : Mariam

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1 Jacques Desse Rimbaud retouché : LE PORTRAIT DE MARIAM, LA COMPAGNE ABYSSINE DE RIMBAUD Archives Georges Révoil. Collection particulière Selon divers témoignages, Rimbaud vécut vers 1883 avec une jeune femme abyssine, prénommée Mariam. Les sources sont en revanche quelque peu contradictoires sur la datation et la forme de cette relation (histoire d’amour ? Concubinage « utilitaire » de type colonial ?). Il demeure que Mariam est la seule liaison féminine attestée dans la vie de Rimbaud. Cette femme fascine donc quelque peu, et son existence a donné lieu à divers fantasmes et rumeurs (entre autres, Rimbaud aurait-il eu un fils caché… ?) 1 . 1 Le sujet de cette étude n’étant pas « Mariam » elle-même mais son portrait, nous n’aborderons pas la question de l’existence de cette relation, de sa datation, les contradictions des témoignages à ce sujet, ou la possibilité que soient confondues plusieurs femmes… Ni sa mythologie : « Elle était jolie, douce et craintive, elle portait une robe droite de cotonnade et sur la tête une écharpe à raies de couleur dont elle voilait à demi son visage… » (M.-Y. Melera, Rimbaud, 1930, p. 196) ; « tous l’admirent [Rimbaud, Bardey, Ilg, Rosa…], s’ils ne la convoitent secrètement, l’Abyssine sans nom, à la peau rouge… » (Alain Borer, Rimbaud d’Arabie, Seuil, 1991, p. 57).

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Etude sur les photographies supposées représenter Mariam, compagne abyssine d'Arthur Rimbaud au débur des années 1880 : histoire ou mythe ?

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Jacques Desse

Rimbaud retouché : LE PORTRAIT DE MARIAM, LA COMPAGNE ABYSSINE DE RIMBAUD

Archives Georges Révoil. Collection particulière

Selon divers témoignages, Rimbaud vécut vers 1883 avec une jeune

femme abyssine, prénommée Mariam. Les sources sont en revanche quelque peu

contradictoires sur la datation et la forme de cette relation (histoire d’amour ? Concubinage « utilitaire » de type colonial ?). Il demeure que Mariam est la seule

liaison féminine attestée dans la vie de Rimbaud. Cette femme fascine donc quelque peu, et son existence a donné lieu à divers fantasmes et rumeurs (entre autres, Rimbaud aurait-il eu un fils caché… ?) 1.

1 Le sujet de cette étude n’étant pas « Mariam » elle-même mais son portrait, nous n’aborderons

pas la question de l’existence de cette relation, de sa datation, les contradictions des témoignages à ce sujet, ou la possibilité que soient confondues plusieurs femmes… Ni sa mythologie : « Elle était jolie, douce et craintive, elle portait une robe droite de cotonnade et sur la tête une écharpe à raies de couleur dont elle voilait à demi son visage… » (M.-Y. Melera, Rimbaud, 1930, p. 196) ;

« tous l’admirent [Rimbaud, Bardey, Ilg, Rosa…], s’ils ne la convoitent secrètement, l’Abyssine sans nom, à la peau rouge… » (Alain Borer, Rimbaud d’Arabie, Seuil, 1991, p. 57).

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En 1913, alors que le nom de Rimbaud était devenu célèbre, Ottorino Rosa, un commerçant-explorateur italien ayant vécu à Aden et en Abyssinie,

publia le portrait photographique d’une « donna abissina », avec le commentaire « Cette femme vivait en 1882 avec le génial poète Arthur Rimbaud ». L’image est d’autant plus « séduisante » que cette jeune femme, qui est bien une

chrétienne d’Abyssinie 2, présente un aspect assez androgyne - au point que l’on a pu se demander s’il s’agit bien d’une femme et pas d’un adolescent -. De plus,

le hasard a voulu que cette image rappelle opportunément celle du jeune Rimbaud, posant légèrement de trois-quarts dans l’atelier de Carjat, surtout dans les versions un peu recadrées publiées jusqu’ici…

A gauche : le portrait dans le livre de Rosa (on remarquera la curieuse étiquette portant un n°). A droite : Wikimedia : « Mariam (ca 1860 - ?) compagna etiopica di Arthur Rimbaud. [….]

Data 1884-1886 [sic] »

La fortune de cette image est d’ailleurs récente. Réapparue dans un

magazine italien en 1970, elle ne fut publiée en France qu’en 1972 (par Pierre

Petitfils, dans sa revue Etudes rimbaldiennes), et ne figura dans un ouvrage grand public qu’en 1991, semble-t-il (Alain Borer, Rimbaud d’Arabie) 3.

La seule description physique de cette compagne n’est d’ailleurs pas très

compatible avec l’image : « je lui trouvais la figure tout à fait européenne »

(Françoise Grisard, 1897). Pierre Petitfils avait d’ailleurs souligné qu’il n’existait pas de preuve que cette femme soit bien la compagne de Rimbaud 4. Cette

absence de certitude n’empêcha pas ce portrait de faire son chemin, et même de devenir le portrait de la compagne de Rimbaud. Il est vrai qu’entre-temps le besoin d’images s’était considérablement accru, et - s’il nous est permis d’être un

peu cynique ou trop réaliste - qu’en matière d’iconographie rimbaldienne le plus sûr critère d’authenticité est que le document soit présent depuis longtemps et

souvent reproduit…

2 Selon M. José-Marie Bel (Espace Reine de Saba), grand connaisseur de ces régions.

3 Cf. Olivier Bivort, Steve Murphy, Rimbaud, Publications autour d'un centenaire, Rosenberg & Sellier, 1994.

4 Petitfils, Rimbaud, Julliard, 1982, p. 313.

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Découvrant une autre variante, certains ont même cru y reconnaître la sœur de Mariam (Rosa indique en effet qu’elle avait une sœur, et que Rimbaud

et lui-même se les étaient « partagées », en quelque sorte, avant de s’en « débarrasser » 5). Mais il est difficile de déterminer s’il s’agit de la même femme ou d’une éventuelle sœur.

Fonds César Tian © Musée Rimbaud 6

On connait à ce jour cinq exemplaires de cette photo, dans ses trois

variantes : un reproduit par Ottorino Rosa, un dans le fonds César Tian (personnalité d’Aden proche de Rimbaud), deux dans l’album photo d’Alfred

Bardey (l’employeur de Rimbaud 7), et un que nous en avons retrouvé dans les archives de l’explorateur Georges Révoil (probable auteur des deux photos connues de Rimbaud à Aden). En revanche, pas de photo de Mariam (pas de

photos du tout, d’ailleurs), dans les papiers ramenés par Rimbaud lors de son rapatriement en France.

5 O. Rosa : « Moi-même dans ce temps-là, je gardais la sœur, dont je me suis débarrassé après quelques semaines ». En 1884, Mgr Taurin, évêque d’Harar, fit envoyer à Aden une « femme abyssine, Mariam, laissée par M. Rambaut [sic] ». Et Rimbaud écrira à Franzoj, en septembre

1885 : « J'ai renvoyé cette femme sans rémission. Je lui donnerai quelques thalers et elle partira s'embarquer par le boutre qui se trouve à Rasali pour Obock, où elle ira où elle veut. J'ai eu assez de cette mascarade devant moi. Je n'aurais pas été assez bête pour l'apporter du Choa, je ne le serai pas assez pour me charger de l'y remporter. »

6 Le second portrait a été retrouvé et publié pour la première fois par Jean-Jacques Lefrère, Steve

Murphy, Michel Pierssens et Pierre Leroy, Nouveaux documents sur Rimbaud, Histoires littéraires & Du Lérot, 2001.

7 Cette archive a été déposée en 2010 au Musée Arthur-Rimbaud de Charleville-Mézières par les descendants d’Alfred Bardey. De nombreuses photographies de ce fonds sont reproduites dans un

beau port-folio figurant dans la réédition des souvenirs de Bardey (Barr-Adjam, L’Archange minotaure, 2010).

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Cela devrait faire poser une première question : Rimbaud était-il du genre à offrir la photo de sa compagne ou petite amie à ses relations, dont des gens

qu’il a dû peu fréquenter, comme Rosa ? Cela ne « colle » pas trop avec ce que l’on connaît du caractère du poète. A vrai dire, tous les amateurs de Rimbaud savent que c’est même fort improbable... S’il on admet un tel « attendris-

sement » de Rimbaud, qui officialisait ainsi cette relation, pourquoi n’a-t-il pas envoyé cette photo à sa famille, et n’a-t-il jamais fait mention de cette union

dans sa correspondance ? 8 On se demande également pourquoi, si Rimbaud a conduit sa compagne chez le photographe local, il n’en a pas profité pour se faire tirer le portrait, d’autant plus qu’il envoya dans la même période des

autoportraits – techniquement ratés – à sa famille…

Deuxième question : les exemplaires connus de cette photo ne se trouvent pas dans des archives personnelles, comprenant des photos de personnes que leurs possesseurs ont connues, mais dans des ensembles de photos

exclusivement « touristiques » ou ethnologiques. On pouvait en effet acheter à l’époque, à Aden comme dans les autres villes du globe, des photos typiques

dans de nombreuses boutiques de « souvenirs ». Que ce soit à Aden, à Rome, à Bagnères-de-Bigorre ou à Saïgon, on trouvait les sempiternelles vues de paysages ou monuments incontournables, et des « types » des populations

locales, portant leurs costumes « folkloriques ». Ces petites images au format « carte de visite » étaient généralement contrecollées sur un carton portant le

nom du photographe. Pourquoi « Mariam » se trouve-t-elle au milieu de ces types d’Aden, entre le guerrier somali et le marchand juif de plumes d’autruche ???

Si cette photo représente Mariam, pourquoi figure-t-elle dans les archives

de Georges Révoil avec la mention « Abyssin – Physique typique et costume national » ? Soit c’est Rimbaud qui lui a donné ce portrait, et Révoil savait que

c’était la compagne du contremaître de la maison Bardey, pas un « Abyssin en costume national ». Soit elle était pour Révoil une personne inconnue, ce qui est surprenant puisque Révoil a côtoyé Rimbaud, en particulier en 1883, période à

laquelle Rimbaud aurait vécu avec Mariam 9. Et si Révoil ne connaissait pas Mariam, que fait sa photo dans ses papiers ?

Verso de l’exemplaire Révoil

8 Certes la « mother » n’aurait peut-être pas apprécié l’arrivée d’une étrange étrangère dans sa famille. Mais elle devait rêver de voir son fils rebelle se caser, la dulcinée était chrétienne, et de telles unions étaient courantes chez les expatriés français à cette époque.

9 Cf. J. Desse, « Rimbaud ‘aux enfants d’Edouard’ : le témoignage de Gabriel Ferrand » (http://issuu.com/libraires-associes/docs/rimbaud-ferrand).

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De même, pourquoi, puisque Bardey possédait deux photos de Mariam, ne les a-t-il jamais montrées ni mentionnées, alors qu’il a témoigné sur cette

relation de Rimbaud (même la femme de chambre de son épouse a été interrogée à ce propos), et qu’il cherchait à « dédouaner » son ex-employé des infamants soupçons d’homosexualité qui pesaient sur lui ? 10

« Mariam » en couverture de la réédition de Barr-Adjam, 2010 11

A Aden, à cette époque, de tels clichés avaient été produits par un Français, Charles Nedey, qui les commercialisait dans la boutique de l’hôtel dont il était le gérant - le second hôtel d’Aden, l’Hôtel de l’Europe -. Nous avons établi

que la plupart, au moins, des portraits figurant dans les fonds Tian et Bardey sont l’œuvre de Nedey et que certains ont été publiés dans les années 1870 12.

10 Cette photo tombait à pic, en effet, pour les rimbaldiens tenant, dans la lignée d’Isabelle Rimbaud, Berrichon et Paul Claudel, à faire de Rimbaud un hétérosexuel bon teint et catholique.

11 L’éditeur de ce livre a fait sa promotion sans trop s’embarrasser de nuances : « Cet ouvrage de référence est réédité avec les photos inédites de l’album d’Alfred Bardey (un portrait a pu être

identifié : il s’agit de Mariam, la compagne abyssine de Rimbaud). »

12 Cf. Alban Caussé et Jacques Desse, « Charles Nedey, un hôtelier photographe à Aden » (http://www.issuu.com/libraires-associes/docs/charles-nedey). Né en 1828, Nedey fut photographe à Alexandrie dans les années 1860, avant de s’installer à Aden (vers 1870-72), où il sera actif jusque

vers 1878-79. Nedey sera le beau-père de Georges Bidault de Glatigné, qui deviendra lui-même un grand photographe, proche de Rimbaud.

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Fonds César Tian © Musée Arthur-Rimbaud. A droite : gravure d’après la même photo (Zeitschrift fur Ethnologie, 1875).

Nous avons retrouvé depuis, dans les collections du Getty Museum, des

« types d’Aden » montés sur le carton de Nedey, ce qui confirme que Nedey en

est bien l’auteur.

© J. Paul Getty Museum

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Type d’Aden par Charles Nedey © J. Paul Getty Museum 13

13 Ironie de l’histoire, le carton utilisé par Nedey est très similaire à celui du portrait de Rimbaud

par Carjat. Il est même identique au support utilisé par Carjat vers 1875 (coins arrondis et filet doré en encadrement).

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Le dignitaire en turban qui figure dans cet ensemble, « Palde Mohamed »14, est probablement le sultan d’Aden (résidant à Lahedj) ; il apparaît

sur une autre photo connue, datant de 1875.

On reconnaît le dispositif et des accessoires qui figurent dans de nombreux clichés des fonds Tian, Bardey et Révoil, comme le guéridon ci-dessous.

Getty Fonds Tian

14 La même photo figurait dans une petite série vendue par Christie’s en 1998 : « Seven cartes-de-visite, photographer's printed credit Charles Nedey. Aden (Arabie) on mount, identified in pencil

and with photographer's credit in gilt on verso : Portraits of Sultan [?P]alde Mohamed, a Calvary officer, a 'Soumally Warrior', a 'Jew Merchant', a Soumally woman and boy and an Arab woman. »

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On retrouve de telles images, au décor caractéristiques, dans les archives de voyageurs, comme celles-ci-dessous, provenant d’Italie 15:

« Donna abissina (amarica) residente in Aden » / « Donna Galla residente in Aden »

« Donna abissina (tigrina) residente in Aden » 16

15 Ces images ont été publiées sur Internet, avec une attribution erronée à Luigi Naretti, le premier

photographe de l’Erytrée (http://www.schiavieservi.com/2011/07/corpi-di-donne-nel-colonialismo.html). Ces photos figuraient peut-être dans les archives de Naretti, d’où la confusion, mais ce n’est certainement pas lui qui en est l’auteur…

16 On remarquera que la jeune femme à droite ressemble fort à la présumée Mariam, même si

cette mauvaise reproduction ne permet pas de s’avancer plus avant.

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Les photos de Nedey retrouvées dans les archives de voyageurs sont fréquemment mal attribuées et datées de façon fantaisiste. Ainsi, des images

figurant dans les papiers de William Louis Abbott, conservées au National Anthropological Archives (Smithsonian Institution), lui sont attribuées et datées de 1894, alors qu’elles sont manifestement plus anciennes. Il s’agit simplement

d’images acquises par Abbott à l’occasion de l’un de ses voyages, et attribuables, une nouvelle fois, à Nedey. L’opération photographique demeurait à l’époque très

délicate, surtout sous ces climats, et les voyageurs n’avaient pas forcément de modèles « typiques » sous la main. Ils achetaient donc des photos souvenirs, même lorsqu’ils étaient eux-mêmes munis d’un équipement photographique.

National Anthropological Archives (Smithsonian Institution)

On ne sera pas surpris que certaines des photographies « par Abbott » se retrouvent dans d’autres fonds, comme la collection Tian du Musée Rimbaud 17:

« Abbott » (Smithsonian Institution) / Fonds Tian

17 On remarque un pied derrière le personnage. Il est évident que les voyageurs ne se promenaient pas avec de tels supports dans leurs bagages. Cet accessoire est typique de la photographie de studio avant les années 1880 (par la suite, avec l’avènement du gélatino-bromure d’argent, le

temps de pose étant devenu très bref il n’était plus nécessaire de maintenir les sujets pour éviter qu’ils ne bougent).

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Deux autres photos d’Aden conservées à la Smithsonian sont très intéressantes car elles portent au dos la date de leur acquisition : « 1871 ». On

ne peut attribuer ces images, mais le style et le dispositif sont très proches de ceux de Nedey, et typiques de cette époque 18.

Smithsonian Institution

Des photos de types d’Aden par Nedey, ou du moins qui lui sont

attribuables, apparaissent régulièrement sur le marché, preuve de leur large diffusion à l’époque.

18 Si ces images étaient de Nedey, elles dateraient des premiers temps de son activité à Aden, puisque l’on connait des photographies réalisées par lui à Alexandrie en 1869 (portrait de Stanley), et qu’il est arrivé à Aden, comme Tian, après l’ouverture du canal de Suez en 1869. Nous ne connaissons de traces de sa présence à Aden qu’à partir de 1872. Cependant, il n’est pas

impossible que Nedey ait réalisé et commercialisé des photos d’Aden avant de s’y installer de manière permanente.

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Partie d’un ensemble de types d’Aden par Nedey (Collection Jean-Paul Morin, 2e vente, PBA Auctions, 7 mars 2012, lot 236)

Planche de types d’Aden (Krul Antiquarian Books, 2012)

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Planche Krul Antiquarian Books

Fonds Tian (Musée Artur Rimbaud)

La photo de Mariam doit donc être replacée dans la série des types d’Aden, probablement tous par Nedey, où réapparaît d’ailleurs la toile aux rayures en biais régulièrement utilisée comme fond par le photographe.

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Types d’Aden. Fonds César Tian © Musée Arthur Rimbaud, Charleville-Mézières 19

19 La plupart de ces clichés se retrouvent dans l’album de Bardey (voir Barr-Adjam, réédition 2010). Nombre d’entre eux, de l’album Tian, sont reproduits par Cl. Jeancolas, Passion Rimbaud, Textuel, 1998.

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Dans l’album de Bardey, comme dans l’album de Tian, ces portraits encadrent des vues touristiques d’Aden, parfois identiques dans les deux albums.

Vu la composition très similaire des albums de Tian et de Bardey, et l’absence totale de clichés personnels dans ces ensembles, on peut même se demander s’ils n’ont pas été achetés tout montés 20.

Pages de l’album de Bardey (Musée Arthur Rimbaud)

Page de l’album de Tian (Musée Arthur Rimbaud)

20 C’était une pratique courante, même à l’époque des albums des vues lithographiées : le client choisissait les images qui lui plaisaient, qui étaient ensuite rassemblées dans un album. L’album de Bardey porte un titre frappé à l’or (« Aden (Arabie) – 1882 »). Cela est curieux : rares sont les particuliers qui portaient leurs albums photos chez le doreur pour faire y faire apposer un titre… En

revanche, on remarque que cet album constitué dans une colonie anglaise porte un titre en français : aurait-il été acquis auprès d’un photographe français d’Aden ?

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Page d’un album « Souvenir de Cochinchine », vers 1870 21

On pourrait multiplier les exemples qui prouvent que ces clichés ne sont

que des sortes de « cartes postales » avant l’heure. On remarque d’ailleurs des variantes, analogues à celles des photos de « Mariam », ce qui montre que les acheteurs avaient un large choix et que le photographe diffusait des séries.

Planche Antiquariat Krul / Fonds Tian

21 Source BnF / Gallica (http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b8451486n/f22.item).

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Il existe des photos similaires d’Aden, sur des cartons au nom d’un commerçant indien, B. Sorabjee 22. Il est possible, sans aucune certitude à ce

stade, qu’il ait diffusé des clichés de Nedey. C’était une pratique courante chez les photographes commerciaux du XIXe, qu’il s’agisse d’édition sous le nom du photographe qui les diffusait (même s’il n’en n’était pas l’auteur), ou de reprise

de fonds après arrêt de l’activité du premier.

Photos B. Sorabjee - Museum Volkenkunde (Leiden)

22 Il pourrait s’agir de Bujorjee Sorabjee. Peut-être de la même famille que Sorabjee Cowasjee, important notable d’Aden, qui fut propriétaire de l’hôtel tenu par Nedey ? Les photos et cartes postales de la région signées « IBS » n’ont rien à voir avec celles-ci et sont beaucoup plus tardives.

Il s’agit de I. Benghiat & Son, qui commercialisaient leurs images… dans la boutique de l’Hôtel de l’Europe, autrefois tenue par Nedey.

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On pourrait imaginer que Mariam ait posé pour Nedey. Après tout, la communauté française d’Aden étant minuscule, Rimbaud et Nedey pouvaient se

connaître. Mais cela ne tient pas debout : les portraits photographiques de Nedey ont été réalisés dans les années 1870, bien avant l’arrivée de Rimbaud dans la région 23. Reste une hypothèse : que Mariam ait posé pour Nedey dans les

années 1870, avant de devenir la compagne de Rimbaud dans les années 1880. Cela paraît un peu tiré par les cheveux, et, dans ce cas, la Mariam qu’aurait

connu Rimbaud aurait été âgée de près de 10 ans de plus que sur la photo…

Le responsable de de la réédition de Barr-Adjam imagine, à propos des personnages qui apparaissent dans ces clichés :

Bardey et Rimbaud durent en côtoyer certains : […dont] ces femmes hindoues, les

mêmes peut-être qui triaient le café dans les ateliers surchauffés que dirigeait

Arthur […]. Seul le portrait de cette jeune femme abyssine que connut intimement

Arthur nous est moins anonyme, puisque nous pouvons maintenant [sic] lui

donner un nom : Mariam. On peut maintenant s’enchanter à donner à ces visages

ces noms qu’on croise dans le livre d’Alfred […] : Medjee Chapsee, l’hindou ;

Almass, l’esclave abyssin affranchi […], ou Ali Chemmak, ce magasinier qui frappa

Arthur à la figure…

« S’enchanter », c’est bien le mot. En cherchant bien, on doit aussi pouvoir

trouver Djami, le domestique cher au cœur de Rimbaud… Celui-ci par exemple aurait le physique et l’allure de l’emploi :

Fonds Tian 24

23 Lorsque Rimbaud se met en tête de réaliser des photos similaires à celles des photographes d’Aden, au Choa, « où ça me rapportera une petite fortune, en peu de temps » ; lorsqu’il parle d’en

constituer un « curieux album », comme venait de le faire Révoil et comme le projettera Bidault de Glatigné, il ne fait que rééditer des pratiques d’autres expatriés. De même que dans ses projets d’explorateur, de correspondant de presse, de trafiquant d’armes, de mariage et de paternité, ce qui est remarquable, c’est la banalité de l’ambition : Rimbaud ne fait qu’imiter des exemples qu’il avait sous les yeux, et ses mirifiques projets ne seront qu’autant d’échecs. Il est étonnant de voir à quel point un homme aussi génial a pu manquer – en l’occurrence – d’idées et de suite dans les idées.

24 De même que la photo de Mariam était opportune pour les tenants d’un Rimbaud hétérosexuel, celle-ci tomberait à pic pour ceux qui veulent faire de Rimbaud un « gay » avant l’heure, et à inscrire ce fait dans le marbre des manuels d’histoire... De manière complètement anhistorique, puisque l’homosexualité telle que nous l’entendons aujourd’hui n’existait pas au XIXe siècle

(l’opposition hétéro/homosexualité, la constitution de l’homosexualité comme une identité sociale distincte sont relativement récentes ; les « gays » célèbres, jusqu’au milieu du XXe siècle, étaient quasiment tous mariés ou pères de famille, y compris les plus emblématiques : Wilde, Verlaine,

Gide…). De plus il y a une outrecuidance assez scandaleuse à vouloir enfermer un individu, a fortiori une personnalité aussi complexe que Rimbaud, dans une telle case identitaire : avoir des relations sexuelles ou amoureuses avec des personnes du même sexe n’implique pas forcément que l’on soit ou que l’on se définisse comme homosexuel... (Inversement, il est clair que « l’oubli »

de la mention de telles amours dans la biographie de personnages célèbres est une falsification de l’Histoire).

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En voici un autre, présenté comme « Portrait taken by Rimbaud » dans la « Maison d’Arthur Rimbaud » à Harar (il ressemble même à « Mariam » : serait-

ce son frère, ou bien… sa sœur, travestie ?!?).

http://johninsomaliland.wordpress.com/2012/03/02/berbera-and-harar-round-ii/

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Certains sont allés jusqu’à affirmer que la photographie de Mariam pourrait elle aussi avoir été prise par Rimbaud lui-même : elle constituerait « le portrait

de lui le plus rapproché, le plus travaillé peut-être » 25. Rimbaud, qui avait tous les talents, devient ainsi photographe de studio : on l’imagine dans son laboratoire, Mariam tendrement penchée à son côté dans l’obscurité, observant

la lente révélation de l’image…

Or il n’y a pas de mystère, même si cela est un peu décevant : il est impossible que ce cliché soit l’œuvre de Rimbaud, et il existe fort peu de chances pour que la personne qui apparaît ici soit Mariam. Ottorino Rosa a certainement

pris quelques libertés, pour se faire valoir, après avoir appris que ce Français qu’il avait croisé outre-mer était une célébrité. Et puis, une Ethiopienne ou une

autre, cela ne portait guère à conséquence, surtout dans un livre publié en Italie trente ans après les faits, vingt ans après la mort de Rimbaud…

Prenons les paris : de nouveaux exemplaires de cette photographie apparaîtront certainement dans l’avenir, au hasard des ventes ou à la faveur de

la numérisation des fonds d’archives. Il est même parfaitement possible que cette photo ait été publiée dans quelque revue ou ouvrage allemands, qui ont souvent reproduit des photos de Nedey, de même que nous ne serions pas

surpris qu’elle figure dans les fonds du Berliner Gesellschaft für Anthropologie, qui paraît conserver des photographies « anthropologiques » de Nedey. Ces

exemplaires ne viendront donc pas forcément de personnes ayant connu Rimbaud. Et il n’y aurait rien d’extraordinaire à ce qu’une indication de date achève de confirmer que ce cliché a été réalisé bien avant les romantiques

aventures d’Arthur et Mariam…

Le plus étonnant, en fin de compte, c’est que personne n’ait paru remarquer l’improbabilité qu’il avait à ce que cette photo représente vraiment

Mariam (pourquoi par exemple Rosa aurait-il possédé et conservé trente ans la photo de la sœur d’une fille d’Abyssinie qu’il fréquenta quelque temps avant de s’en « débarrasser » ?). Mais il existe de nombreuses autres invraisemblances

qui devraient sauter aux yeux dans les faits admis concernant Rimbaud, tout particulièrement en ce qui concerne son iconographie. Un seul exemple : un

portrait célèbre de Rimbaud, dessiné par sa sœur Isabelle, le représente peu avant sa mort. Singulière coïncidence, Rimbaud y arbore, en 1891, en France, le même calot que celui qu’il portait dans l’un des autoportraits photographiques

d’Afrique en 1883, et son port de tête y est identique…

Une photo représentant les trieuses de café sous les arcades de la maison Tian à Aden, a elle-même été promue au rang de « photographie de Rimbaud » par des universitaires. Ce cliché figurait dans un ensemble de plusieurs dizaines

ayant appartenu à César Tian, dont pas un autre n’a été soupçonné d’avoir été réalisé par Rimbaud 26. Il date de bien avant l’époque où Rimbaud a travaillé

avec Tian, probablement d’avant même que Rimbaud ne possède un appareil

25 P.-E. Boudou, « Les merveilleuses images », in Brunel, Letourneux, Boudou, Rimbaud, Ministère des Affaires étrangères, 2004, p. 132 (http://www.institutfrancais.com/adpf-publi/folio/textes/rimbaud.pdf).

Cette histoire (parler d’hypothèse impliquerait qu’elle ait le moindre début de fondement) est reprise par Giovanni Dotoli, « Rimbaud photographe africain », in Ellison, Heyndels, Les Afriques de Rimbaud, Schena editore / P.U. Paris-Sorbonne, 2006, p. 160.

26 Cet ensemble découvert par Arnaud Delas et acquis par Pierre Leroy avant d’être revendu chez

Sotheby’s, a un cheminement distinct de celui de l’album souvenir de Tian conservé par le musée Arthur-Rimbaud.

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photographique 27. Il n’y a absolument aucun indice qui permette de soupçonner que Rimbaud puisse en être l’auteur, bien au contraire (un lycéen qui se

permettrait une telle affirmation gratuite se ferait retoquer en rouge par son professeur...).

« Merveilleuses images » : trieuses de café indiennes à Aden

A gauche : archives Tian, ex-collection Leroy. A droite : Ch. Nedey ou G. Révoil ? Trieuse de café

(Aden ? Maison Tian ? Vers 1870-80) – Archives G. Révoil © Collection particulière

Ce qui est intéressant, c’est la démarche qui conduit à l’élaboration de tels

mensonges, à la construction de tels mythes. En l’occurrence, une espèce de nécessité logique : pour pouvoir gloser sur Rimbaud photographe, et oser des

affirmations comme « ce regard nécessairement tourné vers l’autre prouve une ouverture nouvelle de Rimbaud, une pertinence et une attention qui ne lui sont plus exclusivement consacrées », il faut disposer d’un corpus. Or il subsiste

seulement huit photos, assez quelconques, réalisées par Rimbaud 28 : c’est « court » pour échafauder une théorie sur son œuvre photographique. Pour

justifier l’étude et l’argumentation, ce corpus est légèrement agrandi ; on fait « comme si » d’autres photos pouvaient être attribuées à Rimbaud. Ce glissement, sans doute plus « nécessaire » que volontaire, aboutit à instaurer

une nouvelle réalité, de nouveaux documents. La thèse génère l’image qui la « justifie » (dans un autre domaine on appellerait cela une preuve fabriquée).

L’un de ces spécialistes, pour gloser sur le rapport – assez ténu – entre Rimbaud et la photographie, va jusqu’à se référer une pseudo-carte postale de Rimbaud à Delahaye, dont tout le monde sait qu’il s’agit d’un faux grossier et ridicule forgé

27 M. Jeancolas le date de « vers 1882 » (L’Afrique de Rimbaud, Textuel, 1999, p. 19) ; « vers

1880 » avancent plus prudemment MM. Leroy et Lefrère (Rimbaud à Aden, Fayard, 2001, p. 114).

28 Les trois autoportraits, Sotiro, le marchand de daboulas, le cavalier, la coupole, le marché de Harar. La photo de l’autruche devant la maison de Rimbaud lui est parfois attribuée, de manière arbitraire. Cette image qui a elle aussi été révélée par Rosa pose d’ailleurs quelques problèmes : il

en existe une deuxième version (dont la source nous est inconnue), qui ne provient pas du livre de Rosa.

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dans les années 1930 29. L’histoire de l’iconographie de Rimbaud abonde en errances de ce genre.

Mais de telles inventions ne sont pas rares, nos têtes en sont envahies.

Ainsi, on connaît plusieurs photos de Nino Cesarini, le mythique amant de

Jacques d’Adelswärd-Fersen (« l’Oscar Wilde français » - toutes proportions gardées), par Wilhelm von Plüschow. Or ces photos ont étés réalisées alors que

Nino, qui est né fin 1889, avait douze ou treize ans… (l’une d’entre elles a été publiée en 1902). Ce n’est donc pas lui et ce ne peut être lui.

Fersen et « Nino » exposés dans la demeure de Fersen (villa Lysis à Capri)

Quelle importance, après tout ? Ces mythes iconographiques viennent

combler un manque – comme si l’image était le support sine qua non de l’imaginaire…-. Nous avons envie, voire besoin, d’avoir des représentations de

ces personnages, et des représentations propres à supporter le fantasme, pas des images décevantes, briseuses de rêves. Que les photographies qui circulent représentent en réalité quelqu’un d’autre, cela ne fait de tort à personne, et

convient à tout le monde. L’exemple a d’ailleurs été donné par les grandes religions pourvoyeuses d’icônes et d’idoles, par exemple avec l’invention des

visages du Bouddha 30, de Jésus-Christ, de la Vierge ou de Mahomet… 31.

29 G. Dotoli, « L’appareil photographique », Rimbaud ingénieur, p. 135. A la décharge de M. Dotoli, il faut reconnaître que nombreux rimbaldiens, et non des moindres, continuent à se référer à cette carte postale, alors qu’ils ont été informés qu’il s’agissait d’un faux depuis 1986, par un article de Paul Gribaudo paru dans la revue rimbaldienne Parade sauvage (le support employé n’existait pas à l’époque de Rimbaud…).

30 « La production des premières images anthropomorphiques du Bouddha et les premières tentatives d’un récit quasi historique de sa vie semblent contemporaines […]. Il n’est pas facile d’expliquer la naissance de cette volonté de posséder une image manifestée du Bouddha ainsi qu’une biographie complète alors que, pendant plus de cinq siècles, le besoin ne s’en était pas fait sentir. » Michel Henri Dufour, Le véritable visage de Bouddha, 2000.

(http://www.buddhaline.net/Le-veritable-visage-de-Bouddha).

31 De même, de nos jours, des chiites iraniens vénèrent une représentation du prophète Mahomet qui est à l’origine une photographie érotico-colonialiste des années 1900. Cf. Pierre Centlivres et Micheline Centlivres-Demont, « Une étrange rencontre : la photographie orientaliste de Lehnert et

Landrock et l'image iranienne du prophète Mahomet », Etudes photographiques, 2005. (http://etudesphotographiques.revues.org/index747.html).

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Ces aimables fictions sont comme des jeux d’enfants : « toi tu serais un cow-boy et moi un indien ». Il reste que les enfants ont un grand avantage sur

nous, les adultes : ils ne croient pas à leurs déguisements, et ne confondent pas, en l’occurrence, fiction et réalité, jeu de rôle et science historique ou récit biographique… Les enfants ne se querellent pas et ne se massacrent pas à

propos d’images, ce que les adultes font au moins depuis l’Egypte antique, et de plus belle de nos jours.

Des scientifiques américains ont récemment reconstitué en 3D le visage du

Saint suaire de Turin. Ce visage, tel qu’il apparaît dans le documentaire consacré

à cette expérience, est merveilleusement conforme à celui des représentations traditionnelles du Christ. Or, même si l’on imagine que l’homme du suaire soit

Jésus, la probabilité que ce sémite vivant il y a 2000 ans ressemble au visage qu’ont imaginé des artistes d’autres zones géographiques plusieurs centaines d’années plus tard est à peu près nulle. En d’autres termes, cette reconstitution

n’est que la projection tridimensionnelle… d’un fantasme ou d’un archétype. On remarque d’ailleurs que l’arrête très large du nez de l’homme du suaire s’est au

final miraculeusement affinée, de même que le documentaire se garde bien d’insister sur le profil (l’homme paraît avoir eu une mâchoire inférieure rentrée, fuyante, ni canonique ni sexy !)… Il s’agit même d’une réactualisation de l’icône,

puisque le visage traditionnel du Christ est légèrement adapté aux critères de notre temps : l’homme a été arbitrairement doté d’yeux foncés et de cheveux

noirs, comme nous nous attendrions à les rencontrer chez un Hébreu (alors qu’un Flamand du XVe siècle n’aurait eu aucun mal à l’imaginer blond). L’expérience eut été beaucoup plus amusante si – en rupture avec le sens

commun – ces scientifiques en avaient fait un flamboyant rouquin ! Mais il ne faut pas rêver…

Une image ne peut être admise – et sera d’autant plus facilement admise–

que dans la mesure où elle donne figure à nos préjugés. Il faut reconnaître qu’à cet égard Ottorino Rosa avait réalisé un bon casting, parmi les clichés dont il disposait… 32

Linceul de Turin : au centre le profil généré automatiquement, à droite la reconstitution finale.

http://www.dailymotion.com/video/xig8y7_l-homme-du-suaire-de-turin-en-3d-partie-2-3-de-3_tech#.UQ6TRWeS-Sg

32 Toute observation ou complément d’information est le bienvenu : j.desse@ orange.fr