Revue socialiste n°58

download Revue socialiste n°58

of 47

Transcript of Revue socialiste n°58

  • 8/9/2019 Revue socialiste n°58

    1/189

  • 8/9/2019 Revue socialiste n°58

    2/189

  • 8/9/2019 Revue socialiste n°58

    3/189

    la revue socialiste  58 

    sommaire

    édito

    - Alain Bergounioux La démocratie sociale, évidemment ............................................................................................................................................................................................ p. 03

    le dossier

    - Henri RouilleaultLa démocratie sociale, aujourd’hui ............................................................................................................................................................................................... p. 07

    - Patrick PierronLa négociation, socle du dialogue social à la française ? ....................................................................................................................................... p. 27

    - Etienne BoyerLe dialogue social dans l’entreprise, réalités, difficultés, potentialités ..................................................................................................... p. 35

    - Michel OfferléPatrons, patronat(s), Patronat : Combien de divisions ? ......................................................................................................................................... p. 41

    - Guy GrouxLa CGT ou le règne des incertitudes .............................................................................................................................................................................................. p. 51

    - Frank GeorgiLes métamorphoses de la CFDT : « s’adapter » pour « transformer » (1964-2014) .................................................................... p . 59

    - Jean-Pierre YonnetL’UNSA, une trajectoire autonome ................................................................................................................................................................................................ p. 69

    - Dominique AndolfattoForce ouvrière vs « démocratie sociale » ................................................................................................................................................................................ p. 77

    - Ismael FerhatOù en est le syndicalisme enseignant français ? ............................................................................................................................................................ p. 89

    - Philippe Pochet et Christophe DegryseDialogue social européen : la dernière chance ? ............................................................................................................................................................. p. 95

    - Florent Le BotLe travail n’est pas une marchandise - Les chaussures Jallatte dans la mondialisation ................................................. p. 105

    - Michel WieviorkaReverrons-nous des mouvements sociaux ? .................................................................................................................................................................. p. 115

     grand texte

    - Albert GazierTémoignage sur les grèves de 1936 .......................................................................................................................................................................................... p. 123

    le débat

    - Benjamin StoraUnité et diversité françaises ............................................................................................................................................................................................................... p. 131

  • 8/9/2019 Revue socialiste n°58

    4/189

    à propos de… Michel Eltchaninoff, Dans la tête de Vladimir Poutine , 2015

    - Hélène FontanaudVoyage au pays des influences culturelles de Vladimir Poutine ................................................................................................................ p. 147

    - Philippine BrygoGéopolitique de la Russie ..................................................................................................................................................................................................................... p. 151

    actualités internationales

    - Jacques Huntzinger Géopolitique de la Méditerranée .................................................................................................................................................................................................. p. 157

    - Arthur Quesnay« Ces situations s’expliquent par la faiblesse des Etats après plusieurs décennies de dictatures » ... .... .... .... .... .... .... .... .... .. p. 181

  • 8/9/2019 Revue socialiste n°58

    5/189

    la revue socialiste  58 

    éditoAlain Bergounioux

     Directeur de La Revue socialiste.

    Et, encore, actuellement, l’échec de la

    négociation interprofessionnelle sur la

    modernisation du dialogue social a

    amené le ministère du Travail à présen-

    ter un projet de loi pour établir uncompromis que les syndicats et le patro-

    nat n’ont pas trouvé… D’un autre côté, la

    négociation est une réalité dans les

    branches professionnelles et les entre-

    prises. En 2014, le bilan des accords

    signés en montre un peu plus de 900,

    pour les premières, et 36 000, pour

    les secondes. Cette dualité ne date pasd’hier. L’histoire, avec les réalités du

    syndicalisme français et du monde

    patronal, a fait qu’à quelques exceptions

    près, les relations professionnelles ont

    toujours été un jeu triangulaire où l’Etat

    a été, plus ou moins fortement, présent.

    Cela différencie la scène sociale française

    des pays de culture social-démocrate où

    les compromis sociaux résultent, le plus

    souvent, d’une négociation directe entre

    patronat et syndicats.

    C’est un fait. Et cela ne changera guère

    dans les temps à venir. Car il faudrait,

    pour cela, qu’il y ait une unité dans les

    représentations des salariés et des

    patrons. Or, les syndicats n’ont pas la

    même vision des évolutions à mener 

    pour maintenir le modèle social français,et un « pôle réformiste » s’oppose à un

    « pôle contestataire ». Mais, les divisions

    patronales ne sont pas moindres entre

    organisations : le MEDEF, la CGPME et

    l’UPA et, au sein de chaque organisation.

    Le rôle de l’Etat, inévitable, contribue à

    D

    émocratie sociale ? Nous avons mis ce point d’interrogation au titre de la Revue, non

    pour faire un effet journalistique – ce n’est pas le style de la revue… - mais, pour mar-

    quer un paradoxe. Nous constatons d’abord un fait, la difficulté du dialogue social

    national. Chaque gouvernement socialiste l’a éprouvé, depuis 1981.

    La démocratie sociale, évidemment

  • 8/9/2019 Revue socialiste n°58

    6/189

    donner une importance réelle à la

    dimension politique des questions encause. Cela explique le contraste qui

    existe entre la politique sociale nationale

    et les réalités d’entreprises où les sections

    des « syndicats contestataires » ne sont

    pas les moins nombreuses à négocier et

    à conclure des accords. Le dossier de

    cette revue étudie les différentes facettes

    de la situation actuelle. Il le fait en établis-

    sant également un cadre d’interprétation

    général. Car, le syndicalisme s’inscrit

    dans un état de la société où il éprouve

    les mêmes difficultés que les partis poli-

    tiques, dans une société fragmentée et

    travaillée par les effets, à la fois, de la

    globalisation et de l’individualisation.

    L’article de Michel Wieviorka, de ce point

    de vue, présente des réflexions éclai-

    rantes, en analysant la nature actuelle du

    « mouvement social ».

    Les interrogations du présent ne doivent

    pas nous faire oublier la nécessité de

    continuer à rechercher les voies et les

    moyens de conforter la démocratie

    sociale. Les réformes réussies, en effet,

    ont besoin de s’enraciner dans la société.

    Le socialisme, originellement, a été une

    pensée du social qui ne se satisfaisait pas

    de la seule démocratie politique. Toute

    une partie de la gauche syndicale – et

    politique – a nourri l’ambition de recons-truire une société, à partir des réalités

    locales. « L’atelier sera un jour le gouver-

    nement », disaient les proudhoniens. Et,

    plus près de nous, l’autogestion a porté

    des espérances fortes. Mais, en même

    temps, depuis que le socialisme a été une

    force parlementaire, puis, plus encore, un

    parti de gouvernement, l’idée que l’Etatest l’instrument majeur pour réformer la

    société, l’a emporté dans les pratiques

    gouvernementales.

    L’équilibre entre le changement par la loi

    et par la négociation a donc toujours été

    4

     Alain Bergounioux - La démocratie sociale, évidemment 

     Le syndicalisme s’inscrit

    dans un état de la société où

    il éprouve les mêmes difficultés

    que les partis politiques, dans

    une société fragmentée

    et travaillée par les effets,

    à la fois, de la globalisationet de l’individualisation.

    « L’atelier sera un jour

    le gouvernement », disaientles proudhoniens. Et, plus près

    de nous, l’autogestion a porté 

    des espérances fortes.

  • 8/9/2019 Revue socialiste n°58

    7/189

    la revue socialiste  58 

    édito

    une préoccupation. Chaque moment de

    gouvernement par la gauche a été mar-qué par une volonté de faire progresser

    la démocratie sociale. Les lois Auroux,

    en 1982, ont été, de ce point de vue,

    emblématiques, avec l’espoir qu’une

    « obligation de négocier  » s’imposerait

    dans les entreprises. La réalité des rap-

    ports de force politiques et sociaux ne l’a

    pas permis, comme il était espéré. Mais,

    cette ambition est reprise régulièrement.

    Depuis 2012, nos gouvernements recher-

    chent, le plus possible, la conclusion

    d’accords majoritaires. Les grands

    accords interprofessionnels de 2013 ont

    été retranscrits, pour l’essentiel, dans la

    loi. Le projet de loi « relatif au dialoguesocial et à l’emploi », débattu ce prin-

    temps, crée, pour la première fois, une

    instance régionale représentative pour 

    les salariés des entreprises de moins de

    11 personnes – jusque-là, un désert syn-

    dical. Cela peut paraître modeste, mais

    c’est un pas de plus pour donner davan-

    tage de moyens à la démocratie sociale.La droite, elle, indique sa volonté de s’af-

    franchir, pour l’avenir, des règles du

    dialogue social.

    Nous pensons exactement le contraire.

    Non pas seulement parce que nous

    serions attachés à une histoire déjà

    longue, mais parce qu’une économie effi-cace, dès aujourd’hui, et plus encore

    demain, a plus besoin de coopération

    entre ces différents acteurs de l’économie

    que d’affrontements, par principe. Les

     valeurs et les pratiques de la social-

    démocratie, loin d’être obsolètes, comme

    le répètent les néo-libéraux, sont particu-

    lièrement adaptées à l’économie de la

    « troisième révolution industrielle » qui

    demande un réel partenariat dans le tra-

     vail. Nous sommes convaincus que la

    démocratie politique et la démocratie

    sociale ont besoin l’une de l’autre et queles problèmes actuels de la société fran-

    çaise doivent se résoudre, en prenant en

    compte ces deux dimensions.

     Nous sommes convaincus

    que la démocratie politique

    et la démocratie sociale ont 

    besoin l’une de l’autre et que

    les problèmes actuels

    de la société française doivent

    se résoudre, en prenant

    en compte ces deux dimensions.

  • 8/9/2019 Revue socialiste n°58

    8/189

    La légitimité des partenaires sociaux a été

    renforcée par la loi Larcher, en 2007, la

    réforme de la représentativité syndicale, en

    2008, puis, de la représentativité patronale,en 2014. La relation tripartite entre l’Etat,

    les organisations patronales et les confédé-

    rations syndicales reste néanmoins fragile,

    alors que notre pays traverse une grave

    crise depuis 2008 : triple déficit d’emploi,

    d’offre compétitive et des finances pu-

    bliques, insuffisance de la demande en

    Europe, montée de la défiance à l’égard despolitiques et, plus généralement, de toutes

    les institutions. On passe ici en revue

    les évolutions intervenues en matière de

    démocratie sociale sous la présidence de

    Nicolas Sarkozy, sous la première partie

    du quinquennat de François Hollande,

    et les chantiers en cours.

    DE LA LOI LARCHERÀ LA DÉNONCIATION

    DES CORPS INTERMÉDIAIRESPAR NICOLAS SARKOZY

    La loi Larcher de janvier 2007 a posé un

    cadre procédural pour la démocratie

    sociale, inspiré de ce qui existe pour l’éla-

    boration des directives européennes, enmatière sociale : la concertation avec les

    partenaires sociaux, avant toute réforme

    envisagée du droit du travail, et l’option,

    pour ceux-ci, de la négociation préalable.

    La démocratie sociale, aujourd’hui

    la revue socialiste  58 

    le dossier Henri Rouilleault

    Conseiller de Michel Rocard pour le travail et l’emploi (1989-91),

     Directeur général de l’ANACT (1991-2006),auteur de « Où va la démocratie sociale ? » (2010).

    L’articulation de la démocratie politique et de la démocratie sociale n’a jamaisété simple, en France1. Son enjeu est, en effet, de concilier deux légitimités : celledu Parlement, à qui il revient de « définir les principes fondamentaux du droit 

    du travail  » (article 34 de la Constitution) et celle des représentants des salariés etdes employeurs qui, en vertu de l’alinéa 8 du préambule de la Constitution de 1946, « parti- cipent  » à cette définition par le dialogue social sous ses différentes formes.

    1. Sur l’histoire tourmentée des relations entre l’Etat, le patronat et les syndicats, voir Henri Rouilleault, « Où va la démo-cratie sociale ? » (2010), Editions de l’Atelier.

  • 8/9/2019 Revue socialiste n°58

    9/189

    Ces dispositions faisaient suite à la crise

    du CPE : nommé deux ans avant la pré-

    sidentielle, pressé d’obtenir des résultats,

    et croyant faire ainsi baisser rapidement

    le chômage, Dominique de Villepin avait

    imposé, pour les chômeurs de longuedurée (CNE), puis, pour les jeunes (CPE),

    la possibilité de ne pas motiver un licen-

    ciement pendant deux ans. Il échoua sur 

    le CPE face à la mobilisation des jeunes

    et des salariés. Un an plus tard, la France

    fut condamnée sur le CNE par l’Organi-

    sation internationale du travail (OIT),

    la période d’essai pendant laquellel’employeur peut licencier sans motiver 

    sa décision doit être « d’une durée

    raisonnable »2.

    Le processus prévu par la loi Larcher, qui

    a été placé en tête du Code du travail lorsde sa recodification, est à l’expérience

    triplement exigeant pour les pouvoirs

    publics. En premier lieu, pour fonctionner 

    dans la durée, ce processus suppose im-

    plicitement qu’en cas d’Accord national

    interprofessionnel entre organisations

    professionnelles et confédérations syndi-

    cales, le gouvernement et le Parlement« s’autolimitent ». Le projet de loi gouver-

    nemental et les amendements parlemen-

    taires peuvent compléter, en tant que de

    besoin, la transposition des dispositions

    de l’ANI, lever ses ambiguïtés, veiller à la

    conformité aux normes internationales

    de droit du travail, mais doivent respecter l’équilibre trouvé par la négociation. Aller 

    au-delà, tentation permanente des majo-

    rités parlementaires successives, comme

    des organisations syndicales et profes-

    sionnelles non signataires et parfois si-

    gnataires, remet en cause la loyauté de la

    négociation paritaire et altère la qualité de

    la relation tripartite pendant la législature.En cas d’échec de la négociation, gouver-

    nement et Parlement sont, en revanche,

    moins contraints, mais ils doivent tenir 

    8

     Henri Rouilleault - La démocratie sociale, aujourd’hui 

    On revient plus loin sur la proposition récente de Pierre Gattaz de dénoncer la convention n° 158 de l’OIT, qui vise àcontourner cette condamnation.

     La loi Larcher de janvier 2007a posé un cadre procédural pour la démocratie sociale,inspiré de ce qui existe pour l’élaboration des directiveseuropéennes, en matière sociale :la concertation avec les partenaires sociaux, avant touteréforme envisagée du droit dutravail, et l’option, pour ceux-ci,

    de la négociation préalable.

  • 8/9/2019 Revue socialiste n°58

    10/189

    la revue socialiste  58 

    le dossier

    compte des positions exprimées dans la

    négociation et des convergences par-tielles intervenues.

    En deuxième lieu, le processus de la

    négociation paritaire préalable des par-

    tenaires sociaux ne peut fonctionner 

    quand la négociation comporte des en-

     jeux financiers importants pour l’Etat ou

    la Sécurité sociale3. Sauf à provoquer une

    crise grave comme Alain Juppé, à l’au-

    tomne 1995, une concertation préalable

    entre l’Etat et les partenaires sociaux doitimpérativement avoir lieu à la fois sur le

    diagnostic et sur différents scénarios

    d’évolution. L’insatisfaction engendréede façon récurrente par la seule concer-

    tation bilatérale et multilatérale, invite à

    envisager, à l’instar de ce qui se pratique

    chez plusieurs de nos partenaires euro-

    péens, la négociation et la signature

    d’accords tripartites, ce qui constituerait,

    en France, une novation majeure.

    En troisième lieu, l’attribution d’un rôle

    prénormatif aux organisations profes-

    sionnelles et aux confédérations syndi-

    cales pose la question de la représenta-

    tivité des organisations professionnelles

    et syndicales et de la légitimité des

    accords entre eux, dans un pays où pré-vaut le pluralisme patronal, le pluralisme

    syndical, une double représentation élue

    et désignée des salariés, et où, jusqu’à

    2008, la signature d’une seule organisa-

    tion syndicale suffisait à assurer la vali-

    dité d’un accord.

    Quant à la relation entre l’Etat et les par-tenaires sociaux, objet de cet article, le

    3. La gestion paritaire de l’Assurance-chômage et des caisses de retraites complémentaires fait exception, les conventionspluriannuelles étant négociées entre les partenaires sociaux et leurs effets étendus, par agréement de l’Etat. Une concer-tation globale quadripartite (intégrant les collectivités territoriales) est néanmoins souhaitable sur la couverture desdemandeurs d’emploi, respectivement par l’assurance-chômage, l’allocation de solidarité pour les fins de droits, le rSa,et les mesures jeunes, ou sur le taux de remplacement global du dernier salaire (en additionnant retraite de base etcomplémentaire). De même, l’ouverture des droits doit être coordonnée en matière de retraites et de formation profes-sionnelle.

     L’insatisfaction engendréede façon récurrente parla seule concertation bilatéraleet multilatérale, invite àenvisager, à l’instar de ce quise pratique chez plusieursde nos partenaires européens,la négociation et la signature

    d’accords tripartites, ce qui constituerait, en France,une novation majeure.

  • 8/9/2019 Revue socialiste n°58

    11/189

    10

     Henri Rouilleault - La démocratie sociale, aujourd’hui 

    4. Pour le reste, du Fouquet’s au paquet fiscal, ce quinquennat avait commencé de façon catastrophique.5. Voir infra sur cette question qui revient périodiquement dans l’actualité.6. Cette réforme laissait provisoirement de côté la question de la représentativité patronale et celle du financement des orga-

    nisations patronales et syndicales, revues à l’occasion de la loi de mai 2014. Plusieurs aspects de la représentativité syndicalerestent à préciser : représentation des salariés des TPE, représentativité générale des salariés totalisant secteur privé et fonc-tion publique, représentativité dans les territoires, représentation dans les organismes paritaires ou multipartites.

    7. CGT et CFDT avaient accepté que la durée effective du travail dans les entreprises puisse être modifiée par accord majo-ritaire d’entreprise.

    8. La France a toutefois moins eu recours à l’activité réduite de longue durée que l’Allemagne, qui a connu un recul duPIB plus important, sans recul de l’emploi contrairement à la France.

    quinquennat de Nicolas Sarkozy a plutôt

    bien commencé et très mal fini4

    . L’équilibrede l’ANI sur la modernisation du marché

    du travail de janvier 2008 a été respecté par 

    la loi de juin 2008, au prix de l’abandon de

    la promesse électorale du « contrat unique

    de travail », fusionnant CDD et CDI, rejeté à

    la fois par les organisations patronales et

    syndicales5. La réforme de la représentati-

    vité syndicale, par la loi d’août 2008, a trans-posé la position commune du Medef, de la

    CGPME, la CFDT et la CGT d’avril 2008, fai-

    sant légitimement de la mesure d’au-

    dience, par les élections professionnelles,

    un des critères de la représentativité syndi-

    cale et de la validité des accords avec le

    double seuil d’un minimum de 30 % pour les syndicats signataires et de moins de

    50 % pour les syndicats faisant opposition6.

    Un dérapage significatif est toutefois inter-

    venu alors : la réécriture complète du volet

    temps de travail, en dépit des avancées

    intervenues dans la négociation, sur

    ce point7 et d’une démarche conjointe

    auprès du Parlement de Laurence Parisot,

    François Chérèque et Bernard Thibaultpour demander le respect du compromis

    négocié à la majorité de l’époque. Puis,

    pendant la crise économique et financière

    de 2009, un réel dialogue tripartite, national

    et territorial, a permis d’éviter une partie des

    licenciements, en poussant les entreprises

    à conserver les compétences de leurs

    salariés et à développer le chômage partielet la formation8.

    La fin du quinquennat, en 2011-2012, a été

    marquée par une dénonciation frontale

    du « conservatisme des corps intermé-

    diaires »par Nicolas Sarkozy, au prétexte

    du refus des syndicats de faire des « ac-

    cords compétitivité emploi » une solutiongénérale et de la volonté de l’ensemble des

    partenaires sociaux de contrôler le mon-

    tant et l’usage de la part du financement

    de la formation des salariés allant aux

    demandeurs d’emploi pour répondre aux

    difficultés de recrutement et sécuriser les

    parcours professionnels.

  • 8/9/2019 Revue socialiste n°58

    12/189

    la revue socialiste  58 

    le dossier

    AVEC FRANÇOIS HOLLANDE,

    DE LINTENTION DE MISER SURLE DIALOGUE SOCIAL AUX ACTES

    François Hollande, lors de sa candidature

    à la primaire socialiste de 2011, a rappelé

    « qu’une réforme est mieux acceptée

    quand elle est négociée », et fait part de

    sa volonté de « laisser une plus grande

     place aux partenaires sociaux dans

    l’élaboration des normes sociales », « clarifier les responsabilités de chacun,

    respecter les acteurs sociaux, promouvoir 

    une culture de la négociation et du com-

     promis »9. Il a, dans ce cadre, annoncé une

    modification de la Constitution pour

    garantir une véritable autonomie aux

    partenaires sociaux, sur un périmètre àdéfinir et par accord majoritaire.

    Après son élection, un projet de loi

    constitutionnel a été présenté, en mars

    2013, par Jean-Marc Ayrault et Michel

    Sapin. Il porte sur le « dialogue social

     préalable à la loi » et élargit aux proposi-

    tions de loi d’origine parlementaire et aux

    ordonnances l’option de la négociation

    préalable posée par la loi Larcher pour 

    les projets de loi (d’origine gouvernemen-

    tale). Il maintient l’exception d’urgence10

    .Il ne reprend pas l’idée, peu praticable,

    d’une « répartition des tâches entre la loi

    et la démocratie sociale »11. Examiné

    en commission des Affaires sociales de

    l’Assemblée nationale, ce texte n’a, à ce

     jour, pas été soumis au Parlement. Son

    examen souhaitable, dans le cadre ou

    non d’une réforme constitutionnelle plus

    François Hollande, lors de sacandidature à la primaire

    socialiste de 2011, a rappelé « qu’une réforme est mieux

    acceptée quand elle est

    négociée », et fait part de savolonté de « laisser une plus

    grande place aux partenaires

    sociaux dans l’élaboration des

    normes sociales », « clarifier les

    responsabilités de chacun,respecter les acteurs sociaux,

    promouvoir une culture de la

    négociation et du compromis ».

    9. Le Monde, 14 juin 2011.10. Malgré le risque de dérives, comme en 2006, pour le CPE.11. La définition d’un périmètre normatif de la compétence exclusive des partenaires sociaux, revendication du Medef,

    au début des années 2000, lors de la « refondation sociale », que François Hollande avait repris dans l’article duMonde précité, supposerait de revenir sur le fait que, constitutionnellement, la loi définit « les principes fondamentaux du droit du travail, du droit syndical et du droit de la sécurité sociale ». Il est possible, en revanche, d’une part, d’ouvrir un rôle prénormatif aux partenaires sociaux, d’autre part, de recentrer la loi sur les principes fondamentaux, et derenvoyer davantage leur mise en œuvre à la négociation, en recourant, en tant que de besoin, à la technique des «décrets supplétifs ». Voir infra.

  • 8/9/2019 Revue socialiste n°58

    13/189

    large, conduirait les parlementaires à dé-

    battre d’un sujet sensible, mais essentiel :la nécessité de respecter l’équilibre trouvé

    par un accord majoritaire des parte-

    naires sociaux. Michel Sapin résume bien

    les termes du débat dans son livre-bilan :

    « Dans la démocratie française, rien n’est 

     supérieur à la loi… Le dialogue social à la

     française suppose le respect du contenu

    de l’accord… Confier une partie de ses res- ponsabilités à la démocratie sociale pose

     problème à la démocratie politique »12.

    A défaut que le principe du respect de

    l’équilibre de l’accord soit encore re-

    connu, il a prévalu dans la réalité. Les

    pouvoirs publics lors des « Conférencessociales » annuelles de 2012 et 2013 ont

    incité à la négociation interprofession-

    nelle sur l’emploi, puis, sur la formation

    professionnelle. Celle-ci a débouché sur 

    des accords innovants et majoritaires

    qui, après débat, ont été loyalement

    transposés. L’ANI sur la sécurisation de

    l’emploi de janvier 2013, transposé par laloi de juin 2013 13, crée les droits rechar-

    geables à l’assurance-chômage et une

    sur-cotisation pour les CDD, développe le

    dialogue social sur la stratégie de l’entre-prise et, en cas de plan social, complète

    l’obligation de consulter le CE par celle de

    négocier avec les syndicats. De même,

    l’ANI de décembre 2013, transposé par la

    loi de mars 2014, crée le compte person-

    nel formation, renforce les moyens de la

    formation des chômeurs, et passe de

    l’obligation de consulter à celle de négo-cier sur les orientations de formation de

    l’entreprise, en lien avec la gestion prévi-

    sionnelle des emplois et des compé-

    tences. Ces nouvelles règles contribuent

    à modifier les comportements des

    acteurs et auront des effets positifs,

    à moyen terme.

    La concertation sur les choix de politique

    économique du gouvernement a été et

    est plus problématique, entre suren-

    chères patronales et opposition frontale

    de la CGT et de FO. Pendant la campagne

    électorale, l’accent avait davantage été

    mis sur le chômage et sur le déficit et l’en-dettement public que sur l’affaiblisse-

    ment de notre industrie et le recul de

    12

     Henri Rouilleault - La démocratie sociale, aujourd’hui 

    12. Michel Sapin (2014), Chronique d’un ministre du travail par gros temps, Flammarion.13. L’Assemblée nationale, fort opportunément, n’a pas transposé la qualification, par l’ANI, de « licenciement non éco-

    nomique » le refus de suivre un accord majoritaire de mobilité, cette disposition étant contraire à la convention OITsur le licenciement.

  • 8/9/2019 Revue socialiste n°58

    14/189

    la revue socialiste  58 

    le dossier

    notre commerce extérieur, qui, équilibré

    en 2002, était devenu déficitaire de 3,5points de PIB, dix ans plus tard. Face au

    recul de la compétitivité, des marges et

    de l’investissement des entreprises, lespouvoirs publics ont répondu, avec le

    CICE, fin 2012, puis, le « pacte de respon-

    sabilité », en janvier 2014, par un effort

    sans précédent en faveur des entreprises

    (41 Md€ au total). Il s’agit d’un tournant

    majeur de politique économique pour

    la gauche qui, par tradition, souligne

    davantage les facteurs hors coût de lacompétitivité - innovation, qualité, forma-

    tion et mobilité - que ses facteurs coûts

    (dont le coût du travail). Si, a priori,

    les profits d’aujourd’hui favorisent les

    investissements de demain et les em-

    plois d’après-demain, ce processus n’arien d’automatique, contrairement à ce

    qu’affirme le « théorème de Schmidt » 14.

    Des contreparties sont nécessaires au

    plan macroéconomique pour que le fi-

    nancement par la baisse des dépenses

    publiques des aides aux entreprises ne

    pèse pas à l’excès sur la croissance, et

    pour éviter que l’accroissement desmarges aille aux dividendes plutôt qu’à

    l’investissement. La différentiation souvent

    promise de l’impôt sur les sociétés, selon

    que les bénéfices sont ou non réinvestis,

    serait, à cet égard, un excellent signal. D‘au-

    tres contreparties sont nécessaires au plan

    des branches et des entreprises pour favo-riser l’investissement, la formation et l’em-

    ploi, en fonction de la diversité des

    situations. Chez la plupart de nos parte-

    naires européens, un effort aussi massif 

    aurait conduit à la négociation et à la

    signature d’un accord tripartite gouver-

    nement, patronat, syndicats, mettant en

    place un processus de négociations décen-tralisées. Si le relevé de conclusions inter-

    professionnel de mars 2014, signé côté

    syndical par la CFDT, la CFTC et la CGC, a

    permis de premiers accords de branche, le

    14. “Théorème” énoncé par le Chancelier allemand, en novembre 1974, lors de la crise consécutive au premier choc pétrolier.

     Des contreparties sontnécessaires au planmacroéconomique pour quele financement par la baissedes dépenses publiques des

    aides aux entreprises ne pèse pas à l’excès sur la croissance,et pour éviter que l’accroissement des marges aille aux dividendes plutôt qu’à l’investissement.

  • 8/9/2019 Revue socialiste n°58

    15/189

    gouvernement est légitime à demander 

    des contreparties. L’absence d’accord tri-partitenégocié et signé autorise les sur-

    enchères permanentes du patronat, en

    matière fiscale comme sociale. Le gouver-

    nement, après avoir programmé un effort

    sans précédent en faveur des entreprises

    (2 points de PIB), est alors conduit à criti-

    quer « le patronat qui ne joue pas le jeu »,

    voire à affirmer maladroitement « qu’il y aun problème Gattaz » 15. La mise en œuvre

    du CICE, puis, du « pacte de responsabilité

    », aurait du être consolidée par la négocia-

    tion d’un pacte tripartite, conditionnant à la

    négociation de branche et d’entreprise les

    crédits d’impôt et baisses de cotisations an-

    noncées. A deux ans de la fin du quinquen-nat, et après l’échec de la négociation sur la

    modernisation du dialogue social, une telle

    négociation est devenue difficilement pra-

    ticable. Réduire l’effort annoncé en faveur 

    des entreprises de 40 à 20 Md€, comme

    parfois proposé, serait, en revanche, une er-

    reur qui conduirait à une situation de blo-

    cage avec le patronat et accroîtrait notreproblème de compétitivité.

    L’insuffisance de la concertation et de

    la négociation tripartite sur la politique

    économique et son impact sur la compé-

    titivité, l’investissement et l’emploi a,par ailleurs, montré les limites de la for-

    mule des grandes conférences sociales

    annuelles. CGT et FO se sont abstenues de

    participer à celle de juillet 2014, et d’autres

    formes sont désormais mises en œuvre

    pour définir l’agenda social tripartite

    et concerter, de façon tripartite, thème

    par thème.

    LÉCHEC DE LA NÉGOCIATIONSUR LA MODERNISATION

    DU DIALOGUE SOCIAL

    La négociation sur la « modernisation

    du dialogue social », ouverte à la suite

    de la Conférence sociale de 2014, vientd’échouer, en janvier 2015. Cette négocia-

    tion avait mal commencé. En proposant

    de remonter, voire de supprimer, les seuils

    sociaux, les organisations patronales

    donnent à tort à croire que le dialogue

    social est un obstacle à l’emploi. Beaucoup

    d’employeurs et de syndicalistes savent

    d’expérience qu’un dialogue social efficaceest facteur de compétitivité. Tous convien-

    nent que le dialogue social ne peut pren-

    dre la même forme dans les très petites

    entreprises, les moyennes entreprises et

    14

     Henri Rouilleault - La démocratie sociale, aujourd’hui 

    15. Stéphane Le Foll, porte-parole du gouvernement, 30 novembre 2014.

  • 8/9/2019 Revue socialiste n°58

    16/189

    la revue socialiste  58 

    le dossier

    les grands groupes. Et les interlocuteurs

    sociaux savent qu’il existe des seuilssociaux dans tous les pays développés,

    parfois inférieurs aux nôtres, comme en

    Allemagne (5 salariés pour un CE) ouen Suède (5 pour un CHSCT). Deux sujets

    principaux ont, cependant, été identifiés

    pour améliorer, par la négociation, l’effec-

    tivité et l’efficacité du dialogue social : la de-

    mande des organisations syndicales

    d’une représentation effective des salariés

    des petites entreprises16, et la demande

    patronale d’une réduction du mille-feuilledes instances représentatives par la mise

    en place d’une instance unique. Le constat

    est souvent fait que trop de formalismeconduit à privilégier le respect des formes,

    pour éviter les contentieux, sur la re-

    cherche d’un diagnostic partagé et d’un

    compromis entre les intérêts.

    A l’initiative du gouvernement, la négo-

    ciation interprofessionnelle s’est enga-

    gée sur ces sujets sensibles, amenant àrevisiter, par la négociation directe, entre

    les partenaires sociaux, des modes de

    représentation des lois intervenus res-

    pectivement, en 1936, pour les délégués

    du personnel, 1945, pour les comités

    d’entreprise, 1968, pour les délégués syn-

    dicaux, et l’alternance de 1981, pour leslois Auroux sur les CHSCT et la négocia-

    tion obligatoire… Les syndicats ont

    abordé cette négociation en ordre dis-

    persé, FO avec la même hostilité qu’aux

    lois Auroux et à la réforme de la repré-

    sentativité, la CFDT cherchant de réelles

    avancées sociales, et la CGT étant fragili-

    sée par ses clivages politiques et la suc-cession de Bernard Thibault17.

    16. A ce jour, dans les entreprises de 10 salariés et moins et dans les trois quarts des cas entre 10 et 20 salariés, un salariéne peut voter pour un représentant et ne peut voter que pour désigner un juge prud’hommes !

    17. Après avoir réussi à maintenir la CGT comme première organisation syndicale dans le privé, dans les entreprisespubliques et la fonction publique, au moment où le Parti communiste s’effondrait, Bernard Thibault a raté sa suc-cession. Situation fréquente chez les dirigeants syndicaux, comme chez les dirigeants politiques et les dirigeantspatronaux.

     En proposant de remonter, voirede supprimer, les seuils sociaux,les organisations patronalesdonnent à tort à croire quele dialogue social est un

    obstacle à l’emploi. Beaucoupd’employeurs et de syndicalistessavent d’expérience qu’undialogue social efficaceest facteur de compétitivité.

  • 8/9/2019 Revue socialiste n°58

    17/189

    La négociation sur la représentation des

    salariés des TPE, a pris du temps à dé-marrer, du fait de l’opposition de la

    CGPME et d’une partie du Medef à toute

    interférence syndicale avec le dialogue

    direct entre le chef d’entreprise et ses sa-

    lariés. Cette hostilité avait été patente lors

    des sept années de bataille juridique du

    Medef et de la CGPME contre l’accord de

    2001, entre l’UPA et les confédérations

    syndicales mettant en place, dans l’arti-

    sanat, un financement du dialogue social

    par une cotisation de 0,15 % et des com-

    missions paritaires territoriales au ni-veau régional. Elle a fait également

    échouer, en 2009, la négociation sur la

    représentativité syndicale dans les entre-

    prises de 10 salariés et moins, les élec-

    tions de représentativité pour les salariés

    concernés se déroulant, de ce fait, en2012 sur sigle et pas sur liste nominative.

    On maintenait, ainsi, un archaïsme, l’ab-

    sence de représentation des salariés des

    TPE, alors que leur droit à la représenta-

    tion est posé par le préambule de la

    Constitution pour tous les salariés. La né-

    gociation s’est ensuite enfin engagée sur 

    la base d’un texte rédigé par le Medef etl’UPA, mais sans la CGPME. Celui-ci pro-

    posait de distinguer trois cas, celui des

    branches ayant déjà mis en place des ins-

    tances paritaires territoriales de représen-

    tation, comme l’artisanat et l’agriculture,

    celui des branches qui parviendraient,

    prochainement, à un accord sur le sujet,et « en voiture balai » pour les autres des

    commissions interprofessionnelles régio-

    nales18 pour les salariés des TPE. Au mo-

    ment où la négociation s’est arrêtée, à la

    demande des employeurs, plusieurs pro-

    blèmes restaient pendants ; la désigna-

    tion de représentants élus, eux-mêmes

    salariés des TPE, restait une simple option ;l’accès à l’entreprise leur était, a priori re-

    fusé, même en cas d’accord de l’em-

    ployeur ; le lien avec les élections de

    représentativité n’était pas explicité.

    16

     Henri Rouilleault - La démocratie sociale, aujourd’hui 

    18. Périmètre trop large, notamment, au moment où l ’on passe de 22 à 13 régions, en Métropole.

     La négociation surla représentation des salariésdes TPE, a pris du tempsà démarrer, du fait del’opposition de la CGPME et 

    d’une partie du MEDEF à touteinterférence syndicale avecle dialogue direct entre le chef d’entreprise et ses salariés.

  • 8/9/2019 Revue socialiste n°58

    18/189

    la revue socialiste  58 

    le dossier

    La négociation sur la simplification du

    millefeuille des instances représentativesdu personnel, a également avancé sans

    parvenir à un point d’équilibre. L’exis-

    tence légitime, dans les grandes et

    moyennes entreprises, de trois niveaux

    de dialogue social, l’entreprise, ses éta-

    blissements et son groupe d’apparte-

    nance, combinée aux seuils de 50

    salariés, pour les CE et les CHSCT et de 11pour les DP, et au fréquent cumul des

    mandats, conduit trop souvent à un dia-

    logue formel et répétitif pour éviter tout

    risque de délit d’entrave. Un dialogue so-

    cial moins formel, plus stratégique, est

    souhaitable pour mieux parvenir à l’équi-

    libre des intérêts. A l’initiative du Centredes jeunes dirigeants (CJD) existe, depuis

    1993, et s’étend, progressivement, la for-

    mule optionnelle de la Délégation unique

    du personnel fusionnant DP et CE en-

    deçà de 200 salariés. Le Medef, reprenant

    une proposition de l’Association natio-

    nale des DRH, a proposé la mise en place

    d’une instance unique baptisée « conseild’entreprise », qui fusionnerait CE, DP et

    CHSCT, sauf accord d’entreprise choisis-

    sant un autre mode d’organisation du

    dialogue social. Par ailleurs, le fait que les

    délégués syndicaux, élus ou non, soient

    membres du conseil d’entreprise19

    , per-mettrait de mieux articuler information,

    consultation et négociation, ce qui est

    souhaitable, car il n’y a pas de consulta-

    tion sérieuse du CE si rien ne peut bouger 

    dans les propositions patronales, et pas

    de bonne négociation sans partage préa-

    lable de l’information avec les délégués

    syndicaux. Avec l’intégration du CHSCTau sein du « conseil d’entreprise »,

    le risque était, en revanche, de réduire la

    place du dialogue social sur les condi-

    tions de réalisation du travail et l’impact

    des projets de changement, risque para-

    doxal quand monte, dans beaucoup

    d’entreprises, le débat sur les risquespsychosociaux au travail. Au moment

    où la négociation s’est arrêtée, dans les

    dernières propositions patronales, une

    commission HSCT du conseil d’entreprise

    était prévue au-delà de 300 salariés,

    mais elle n’était qu’optionnelle entre 50 et

    300, sans même que soient prévues des

    réunions dédiées en présence, commeactuellement au CHSCT, du médecin du

    travail et, en tant que de besoin, des re-

    présentants de la CARSAT et de l’inspec-

    tion du travail. Les positions étaient, dès

    19. Ce qui entrainera, comme souhaitable, la fusion des rôles de délégué syndical et de représentant syndical au CE.

  • 8/9/2019 Revue socialiste n°58

    19/189

    lors, trop éloignées entre patronat et syn-

    dicats pour qu’on parvienne à un accordmajoritaire, d’autant que CGC, CFTC et

    CFDT, qui représentent 51 % des salariés

    du privé, n’avaient pas harmonisé leurs

    points de vue sur la façon de combiner 

    dialogue social stratégique et dialogue

    social de proximité.

    DES CHANTIERSPOUR LA SECONDE PARTIE

    DU QUINQUENNAT

    Au cours de l’année 2014, après la défaite

    de la gauche aux municipales et la nomi-

    nation de Manuel Valls comme Premier 

    ministre, la communication gouverne-

    mentale change avec le «  j’aime l’entre- prise » à l’université d’été du Medef 20. La

    gravité de la situation économique du

    pays est enfin assumée, après que le pari

    inconsidéré de la baisse du chômage, fin

    2013, a échoué21. La politique écono-

    mique en faveur des entreprises est

    confirmée. Le désaccord devient plus

    explicite avec le courant, dominant au

    sein de l’Union européenne, focalisé à

    l’accès sur la réduction des déficits pu-blics. Les enjeux de politique écono-

    mique européenne sont désormais le

    calendrier de cette réduction, par ailleurs

    nécessaire, le financement du plan Juncker de 350 Md€ pour la relance des

    investissements, et, plus récemment, la

    négociation avec le nouveau gouverne-

    ment grec pour mettre fin à une « austé-

    rité sans fin » et renégocier la dette de ce

    pays, dans des conditions acceptables.

    Parfois présentés sous le label confus de

    18

     Henri Rouilleault - La démocratie sociale, aujourd’hui 

    20. Ce propos, repris à la City de Londres (« I am pro-business »), sort des ambiguïtés du « mon ennemi, c’est la finance »qui désignait, selon les auditeurs la spéculation financière, les banques, ou les entreprises. Il en introduit d’autres :est-ce un soutien aux seuls chefs d’entreprise ou à tous les acteurs de l’entreprise ? Le discours de Manuel Valls, au50e anniversaire de la CFDT, en novembre 2014, conforte la seconde hypothèse : « En France, pendant longtemps on s’est méfié des syndicats… Nous avons besoin de syndicats forts, de syndicalistes qui s’engagent, les plus lucides desemployeurs le savent bien ».

    21. Il faut un minimum de 1,5 % par an de croissance du PIB pour que le chômage baisse.

     Parfois présentés sousle label confus de « réformes

    structurelles », différentssujets relatifs à la stimulation

    de l’activité, au travailet à l’emploi sont discutés,

    en France, et pour certains portés ou susceptibles d’être portés à l’agenda tripartite.

  • 8/9/2019 Revue socialiste n°58

    20/189

    la revue socialiste  58 

    le dossier

    « réformes structurelles »22, différents

    sujets relatifs à la stimulation de l’activité,au travail et à l’emploi sont discutés, en

    France, et pour certains portés ou sus-

    ceptibles d’être portés à l’agenda tripar-

    tite : seuils sociaux, travail le dimanche,

    contrat de travail, 35 heures, simplifica-

    tion du Code du travail, assurance-chô-

    mage. Après avoir évoqué les suites de la

    négociation sur le dialogue social, onpassera en revue ces différents sujets,

    sous l’angle du présent article - l’articula-

    tion de la démocratie politique et de la

    démocratie sociale -, et en étant conscient

    du fait que chaque fin de quinquennat

    fait courir, faute de temps pour les poli-

    tiques, le risque d’une rupture de mé-thode avec les partenaires sociaux.

    Après l’échec de la négociation de l’ANI,

    les consultations bilatérales menées

    par le ministre du Travail, François

    Rebsamen, et une réunion tripartite, à

    Matignon, a été adopté, le 22 avril, en

    Conseil des ministres, un projet de loi sur la modernisation du dialogue social,

    dont l’examen va commencer au Parle-

    ment. Deux écueils sont à éviter pour le

    gouvernement et sa majorité : se satis-

    faire du  statu quo ou tenter d’imposer,

    sur tous les sujets, un équilibre que lespartenaires sociaux n’ont pas su trouver.

    Le projet de loi consolide l’acquis de la

    négociation sur la représentation des sa-

    lariés des TPE et sur le regroupement des

    consultations et négociations obliga-

    toires, et étend la Délégation unique du

    personnel jusqu’à 300 salariés, en l’élar-

    gissant au CHSCT. On pourrait envisager,par amendement parlementaire, que les

    partenaires sociaux puissent mettre en

    place des commissions territoriales pour 

    les salariés des TPE sur un périmètre plus

    restreint, que la désignation des repré-

    sentants syndicaux soit nominative, et

    que l’accès à l’entreprise d’un binôme dereprésentants, patronal et syndical, soit

    possible, avec l’accord du chef d’entre-

    prise23. Quant à la DUP, il est nécessaire

    que soit prévu, dès 50 salariés, la mise

    en place d’une commission hygiène,

    sécurité, conditions de travail ou, à

    défaut, des réunions dédiées à ces ques-

    tions. La possibilité, au-delà d’expérimen-ter de nouvelles modalités d’organisation

    du dialogue social dans les entreprises,

    par accord majoritaire, comme le pro-

    pose la CFDT, serait, par ailleurs, utile,

    22. Il y a des réformes justes et des réformes injustes, des réformes efficaces et des réformes inefficaces…23. Cette formule, expérimentée à la Martinique, permet des médiations qui évitent la formation de contentieux inutiles.

  • 8/9/2019 Revue socialiste n°58

    21/189

    sous réserve d’une évaluation ultérieure.

    La négociation a, d’autre part, confirmé

    la nécessité que les partenaires sociaux

    modernisent les modalités de négocia-

    tion interprofessionnelle : partir des ob- jectifs, choisir un lieu de négociation

    neutre, ne pas partir systématiquement

    du texte des employeurs, mieux équili-

    brer les temps « on » et « off », éviter les

    séances de nuit…

    Trop souvent réduit médiatiquement au

    travail le dimanche, question qui diviseen leur sein à la fois les organisations

    patronales, les organisations syndicales

    et les partis de droite et de gauche,le volet travail de la loi Macron com-

    porte24 39 pages sur 244 - réforme des

    prud’hommes, concurrence sociale illé-

    gale, ordre des licenciements, champ de

    l’obligation de reclassement des licenciés

    économiques… Certains sujets auraient

    pu faire l’objet de l’option de la négocia-

    tion préalable prévue par la loi Larcher,mais il y a eu peu de demandes en ce

    sens des partenaires sociaux - à l’excep-

    tion de la CFDT sur le travail le dimanche.

    La réforme des prud’hommes a été

    précédée de la consultation du Conseil

    supérieur de la prud’hommie25, les dispo-

    sitions emploi de la consultation duCNEFOP et de la CNNC, les évolutions du

    travail le dimanche du rapport Bailly,

    remis en décembre 2013, et l’ensemble du

    volet travail de la loi Macron de concerta-

    tions bilatérales au ministère du Travail…

    Etendre les dérogations au repos domi-

    nical, ce n’est pas « changer de modèle desociété », mais répondre au développe-

    20

     Henri Rouilleault - La démocratie sociale, aujourd’hui 

    24. Après adoption du texte, en première lecture, à l’Assemblée nationale, en application de l’article 49-3 engagé par legouvernement, après que l’ancien ministre, Benoit Hamon, a annoncé son intention de voter contre la loi Macron,en dépit de l’important travail parlementaire d’amendement réalisé et la possibilité de poursuivre ce travail enseconde lecture.

    25. Où le texte a été rejeté, à l’unanimité, par les partenaires sociaux pour protester contre l’insuffisance de moyens decette juridiction, à l’origine de l’accroissement de ses délais.

     La négociation confirmé

    la nécessité que les partenairessociaux modernisent lesmodalités de négociationinterprofessionnelle : partirdes objectifs, choisir un lieude négociation neutre,ne pas partir systématiquement du texte des employeurs,mieux équilibrer les temps

    « on » et « off », éviterles séances de nuit…

  • 8/9/2019 Revue socialiste n°58

    22/189

    la revue socialiste  58 

    le dossier

    ment de e-commerce, renforcer l’attracti-

    vité touristique de la capitale, prendreen compte l’évolution de certains besoins

    sociaux26, et simplifier la réglementation

    pour mieux en assurer l’effectivité… Le

    faire en subordonnant le travail le

    dimanche au volontariat et à l’existence

    de contreparties - majoration de rémuné-

    ration, repos compensateur… - définies

    par accord d’entreprise, de branche ou deterritoire27, est un choix social-démocrate,

    différent de celui de loi Maillé de 2009

    qui n’imposait pas de contreparties, et

    conforme à l’engagement de campagne

    de François Hollande28. Ce choix, «  pas

    d’accord, pas d’ouverture », est plus exi-

    geant que l’avant-projet de loi gouverne-mental qui prévoyait un seuil légal de

    compensation, en l’absence d’accord.

    Restait en débat le fait de savoir s’il devait

     y avoir un minimum légal à ces contre-

    parties, et s’il pouvait être commun

    à toutes les exceptions, le doublement

    de la rémunération, prévu pour les

    « dimanches du maire » et les zones tou-

    ristiques internationales, ne pouvant être

    généralisé sans dommage pour l’emploiaux commerces de détail ouverts le di-

    manche29. Une concertation plus appro-

    fondie des partenaires sociaux, sur ce

    point, aurait sans doute éclairé le travail

    parlementaire. Il en va de même pour 

    l’article 101 sur la solidarité du groupe en

    matière de reclassement des salariés

    d’une de ses filiales mise en reclasse-ment ou liquidation judiciaire.

    La question du contrat de travail est reve-

    nue dans l’actualité, d’une part, après les

    déclarations de Pierre Gattaz qui sou-

    haite la dénonciation, par la France, de la

    convention n° 158 de l’OIT, obligeant àmotiver un licenciement au-delà d’une

    période d’essai de durée raisonnable,

    d’autre part, à la suite de l’attribution du

    prix Nobel d’économie à Jean Tirolle, par-

    tisan du contrat unique. Les deux sujets

    sont différents. La demande de Pierre

    Gattaz est d’une exceptionnelle gravité :

    la France, qui joua un rôle-clé dans la

    26. En 2011, 29 % des salariés (hors fonctions publiques) ont travaillé le dimanche, régulièrement ou occasionnellement.27. Ce qui renforce la nécessité d’établir la représentativité syndicale également au plan territorial (régions et intercom-

    munalités).28. « Il faut trouver un équilibre entre les droits des salariés et le souci des commerçants de répondre à de nouvelles

     formes de concurrence », Etats Généraux du Commerce, février 2012.29. À ce jour, la rémunération du travail le dimanche est majorée de 30 %, par accord de branche dans la boulangerie,

    mais pas dans d’autres branches.

  • 8/9/2019 Revue socialiste n°58

    23/189

    fondation de l’OIT, après la Première

    Guerre mondiale, en assura longtempsla direction, et a toujours milité pour la

    ratification, par tous les pays, de ses

    conventions, ne peut en venir à faire

    comme d’autres du dumping social. La

    suppression du CNE, dans l’ANI de 2008,

    suite à la condamnation de la France

    s’inscrivait dans la démarche inverse.Quant au « contrat unique », c’est une

    mauvaise réponse à un vrai problème :

    le développement de la précarité, pour 

    quatre raisons. Juridique. Il est contraire

    au droit du travail international et euro-

    péen qui distingue CDI et CDD, et stipuleque le premier constitue le droit com-

    mun. Sociale. Les syndicats craignent

    qu’il se rapproche du CDD et le patronat

    du CDI, et ont ensemble convenu, dans

    l’ANI de 2008, d’écarter cette piste. Econo-

    mique. Le vrai bénéficiaire du contrat

    unique serait, après suppression du CDD,

    la branche de l’intérim. Pragmatique. Lesindemnités conventionnelles de licencie-

    ment sont déjà croissantes, avec l’ancien-

    neté. Reste le vrai sujet de la relation

    entre l’accord collectif et le contrat de

    travail individuel. Spécificité française,

    l’accord collectif ne prévaut, en effet, sur 

    le contrat individuel qu’au cas où cela estexplicitement prévu par la loi, comme

    pour les accords RTT de la loi Aubry II.

    Le débat sur les 35 heures est récurrent,

    depuis les lois Aubry de 1998 et 2000, et

    marqué par la confusion fréquente entre

    durée légale et durée effective du travail.

    Brièvement ré-ouvert par EmmanuelMacron, il a vite été refermé par Manuel

    Valls : « Nous ne reviendrons pas sur cette

    avancée et sur la durée légale du travail »30.

    De quoi parle-t-on, en effet ? La durée

    22

     Henri Rouilleault - La démocratie sociale, aujourd’hui 

    30. Manuel Valls au 50e anniversaire de la CFDT, op cit.

     La question du contratde travail est revenuedans l’actualité, d’une part,après les déclarations de

     Pierre Gattaz qui souhaitela dénonciation, par la France,de la convention n° 158de l’OIT, obligeant à motiverun licenciement au-delàd’une période d’essai de duréeraisonnable, d’autre part,à la suite de l’attributiondu prix Nobel d’économieà Jean Tirolle, partisandu contrat unique.

  • 8/9/2019 Revue socialiste n°58

    24/189

    la revue socialiste  58 

    le dossier

    31. On peut, toutefois, regretter l’absence de négociation d’un relevé de conclusions tripartite, à l’automne 1997, alors que Jean Gandois, président du CNPF, était ouvert à une obligation de négocier sur la RTT dans les branches et les entre-prises et à un suivi tripartite. Cela aurait évité bien des malentendus ultérieurs. Voir « Où va la démocratie sociale ? »,op cit.

    32. Comme dans l’automobile, secteur à l’activité particulièrement sensible à la conjoncture.33. Les aides publiques, conditionnées à la négociation d’accords majoritaires, sont ainsi un moyen puissant d’assurer 

    la tenue des objectifs des pouvoirs publics dans des conditions adaptées aux besoins différenciés des entreprises etdes salariés.

    34. En ce qui concerne la fonction publique, où la RTT est intervenue par décret et pas par accord. François Fillon souhaiteun retour à 39 heures de durée effective associé au non remplacement des départs en retraite. Il suffirait, juridique-ment, d’un décret de la droite revenue au pouvoir pour prendre cette mesure.

    légale du travail, passée de 39 à 35 heures,

    en 2000 - 2002 pour les TPE - n’est que lecompteur à partir duquel l’entreprise

    paye des heures supplémentaires. La

    durée effective du travail à temps com-

    plet des salariés, elle, est propre à chaque

    entreprise, et peut être inférieure, égale

    ou supérieure à la durée légale. Accroitre

    la durée légale du travail reviendrait à

    payer moins ceux qui font actuellementdes heures supplémentaires. La réduc-

    tion du temps de travail, sous le gouver-

    nement Jospin, qui fût à l’origine de la

    création d’environ 350 000 emplois,

    est intervenue par la négociation décen-

    tralisée31. Les aides de l’Etat (20 Md€),

    qui constituaient au plan macroécono-mique un à-valoir sur l’amélioration des

    comptes publics induite par les créations

    d’emploi, étant conditionnées à des

    accords majoritaires abaissant la durée

    effective, au plus, à 35 heures hebdoma-

    daires ou son équivalent annuel. Ces ac-

    cords ont porté également, selon les cas,

    sur l’embauche des salariés précaires, laréduction du temps partiel contraint, le

    décompte en jours des cadres, l’annuali-

    sation voire la pluriannualisation32 du

    temps de travail33… Le processus s’est

    arrêté, en 2003, dans les petites et très

    petites entreprises, quand François Fillon

    a supprimé la conditionnalité des exoné-

    rations de cotisations sociales à la RTT.Accroitre, de façon généralisée, la durée

    effective du travail supposerait une

    dénonciation des accords, que très peu

    d’employeurs souhaitent34  ; à l’inverse,

    relancer la baisse de la durée du travail

    pour créer des emplois supposerait à

    la fois de nouveaux efforts en matièred’organisation du temps de travail, de

    nouvelles aides publiques, et de gérer

    la hausse induite du SMIC dans les

    petites entreprises. Le plus réaliste, à ce

     jour, est de ne pas toucher à la durée

    légale du travail, et malgré les demandes

  • 8/9/2019 Revue socialiste n°58

    25/189

    patronales, de réserver les accords de

    maintien de l’emploi, comportant unehausse non compensée de la durée du

    travail, aux entreprises ou sites en diffi-

    culté, sous réserve que ces accords com-

    portent des contreparties en termes de

    volume d’activité, d’investissement et

    d’emploi. Le développement souhaitable

    de négociations collectives globales sur 

    les rémunérations, l’investissement, l’em-ploi, la formation et la durée effective

    du travail, comme ceux de Renault et

    de PSA, pose toutefois la question de

    l’assouplissement de la hiérarchie des

    normes, entre la loi, les trois niveaux

    de la négociation collective, et le contratde travail.

    Comme le soulignait récemment

    François Chérèque, l’enjeu, pour dévelop-

    per la négociation d’entreprise, n’est pas

    la hiérarchie des normes, mais leur 

    contenu, la loi allant bien souvent très

    au-delà de sa vocation constitutionnelleà « définir les principes fondamentaux

    du droit du travail ». Un travail tripartite

    minutieux serait souhaitable, du type de

    celui mené pour la recodification du

    Code du travail35, mais avec un enjeu plus

    sensible : recentrer la loi sur les principes

    fondamentaux et les principales me-sures d’ordre public social, et renvoyer

    le reste à des décrets supplétifs, c’est-

    à-dire valant, en l’absence d’autres dispo-

    sitions issues de la négociation sociale.

    C’était une des propositions faite en 2001,

    par le rapport du Plan sur l’évaluation du

    passage aux 35 heures36. Ce pourrait être

    un chantier à ouvrir, sans sous-estimer le temps nécessaire à sa réalisation.

    La démocratie sociale étant « la méthode

    voulue par le Président de la République »,

    24

     Henri Rouilleault - La démocratie sociale, aujourd’hui 

    35. Faisant rétroagir experts et partenaires sociaux.36. Réduction du temps de travail, les leçons de l’observation, Commissariat Général au Plan, Documentation Française.

     Le plus réaliste, à ce jour,est de ne pas toucher à la duréelégale du travail, et malgréles demandes patronales,de réserver les accordsde maintien de l’emploi,comportant une hausse noncompensée de la durée du travail,aux entreprises ou sitesen difficulté, sous réserveque ces accords comportentdes contreparties en termesde volume d’activité,d’investissement et d’emploi.

  • 8/9/2019 Revue socialiste n°58

    26/189

    la revue socialiste  58 

    le dossier

    « un marqueur du quinquennat 37, il est

    souhaitable, s’agissant de l’assurance-chômage, gérée par les partenaires

    sociaux, et dont la nouvelle convention

    biannuelle a pris effet pour deux ans,

    à partir du 1er  juillet 2014, d’en rester au

    calendrier de renégociation prévu, mais

    d’amorcer l’étude des scénarios d’évolu-

    tion. Avec l’emploi en ressources et le

    chômage en dépenses, l’assurance-chômage est la plus volatile de toutes

    les caisses sociales. Dès lors qu’elle ne fait

    pas de réserves quand le chômage

    baisse, mais réduit alors les cotisations

    patronales, le déficit va de soi quand le

    chômage augmente et que ce n’est alors

    pas le moment de baisser le montant etla durée d’indemnisation des chômeurs.

    L’expérience danoise de flexisécurité, et le

    cas, en France, des licenciés écono-

    miques en contrat de sécurisation pro-

    fessionnelle, invitent, au contraire, dans

    un souci d’efficacité à combiner forte

    indemnisation, accompagnement à la

    mobilité et formation des demandeursd’emploi. En revanche, les questions

    classiques du plafond d’indemnisation

    (et de cotisation) des cadres et de la

    dégressivité38

    des allocations se repose-ront pour la prochaine convention.

    La concertation paritaire et tripartite est

    à ré-ouvrir sur les différentes formes

    d’alternance39 - stages, apprentissage,

    contrats de qualification - pour les jeunes

    et les demandeurs d’emploi de longue

    durée, sur le service civique universel,

    et sur l’extension aux jeunes de la fusion

    du rSa et de la PPE, prévue dans le projetde loi Rebsamen. Il en va de même de

    l’évaluation en cours des ANI sur la

    37. Manuel Valls, 50e anniversaire de la CFDT, op cit.38. La dégressivité est forte quand le demandeur d’emploi, en fin de droits, passe à l’allocation forfaitaire de solidarité

    spécifique, mais n’intervient plus auparavant.39. En France, l’alternance concerne les moins qualifiés des jeunes et les élèves des grandes écoles, alors que cela devrait

    être un droit pour tous.

     L’expérience danoisede flexisécurité, et le cas,en France, des licenciés

    économiques en contrat desécurisation professionnelle,

    invitent dans un souci d’efficacité, à combiner

     forte indemnisation,accompagnement à la

    mobilité et formation desdemandeurs d’emploi.

  • 8/9/2019 Revue socialiste n°58

    27/189

    sécurisation de l’emploi40 et la formation

    professionnelle, et de l’évaluation, elleaussi en cours de l’impact du CICE et du

    pacte de compétitivité.

    CONCLUSION

    Alors que Nicolas Sarkozy, de retour à la

    présidence de l’UMP, réitère sa volonté de

    contourner les partenaires sociaux par le

    recours au référendum41, il est utile desouligner l’importance, à moyen terme,

    des acquis, en matière de sécurisation

    de l’emploi et de formation profession-

    nelle de la première partie du quinquen-

    nat de François Hollande, issus de la

    négociation interprofessionnelle et de

    la transposition des accords dans la loi.La poursuite de la montée du chômage

    a d’autres causes : les politiques macro-

    économiques, en Europe, l’état des

    comptes publics et la perte de compétiti-

    vité de la France, qui limitent les marges

    de manœuvre. Il est souhaitable de gar-

    der le cap d’une forte articulation entre

    démocratie politique et démocratiesociale. Le temps passé à la négociation

    paritaire et à la concertation tripartite,

    loin d’être du temps perdu, est du temps

    gagné, en matière de légitimité et de

    durabilité des réformes.

    26

     Henri Rouilleault - La démocratie sociale, aujourd’hui 

    40. Plusieurs questions sont à examiner : l’extension, à l’intérim, de la sur-cotisation des CDD à l’assurance-chômagepourrait être relancée par les syndicats, après le succès limité du CDI intérimaires.

    41. Discours de Lambersart, 21 septembre 2014.

  • 8/9/2019 Revue socialiste n°58

    28/189

    la revue socialiste  58 

    le dossier

    En premier lieu il est important de préci-

    ser comment et par qui est identifié un

    thème de négociation, que ce soit dans

    l’entreprise, dans la branche ou au niveau

    interprofessionnel. Le mécanisme est peu

    ou prou le même. Je vais essentiellementcentrer mon propos à partir de mon ex-

    périence de syndicaliste à la CFDT ayant

    négocié à tous les niveaux, et l’illustrer 

    d’exemples concrets.

    Tout commence au niveau de l’organisa-

    tion syndicale lors de la préparation de

    son congrès. Dans ce cadre, et en général

    tous les quatre ans, des textes d’orienta-tions sont soumis à discussions, débats

    et à la validation de l’ensemble des syn-

    dicats. Ces orientations sont précisées,

    complétées voire modifiées par le biais

    d’amendements. Une fois cette étape

    importante passée, les instances de

    l’organisation syndicale déclinent les

    orientations validées et donc les grands

    thèmes qui en découlent, et les intègrent

    dans un plan stratégique et dans un plan

    d’action avec des priorités d’actions et denégociations. Depuis 2012, une rencontre

    annuelle a été initiée par le gouverne-

    ment, appelée « conférence sociale ». Elle

    regroupe des experts, les organisations

    patronales et syndicales pour travailler 

    sur des thèmes afin d’élaborer une feuille

    C

    omment se passe une négociation d’entreprise, de branche ou interprofessionnelle ?

    Quelle est son efficacité ? Qui négocie ? Quelle analyse peut-on en tirer par retourd’expérience ?

    La négociation,socle du dialogue social à la française ?

    Patrick PIERRON Ancien secrétaire national de la CFDT.

     Depuis 2012, une rencontreannuelle a été initiée par

    le gouvernement, appelée« conférence sociale ».

     Elle regroupe des experts,les organisations patronales et 

    syndicales pour travailler sur desthèmes afin d’élaborer une feuille

    de route pour les années à venir.

  • 8/9/2019 Revue socialiste n°58

    29/189

    de route pour les années à venir. Les élé-

    ments qui ressortent de la conférence so-ciale annuelle sont pris en compte dans

    les discussions entre partenaires sociaux

    au moment du rendez-vous pour élabo-

    rer l’agenda social.

    Ce dernier fixe les sujets à négocier et les

    échéances souhaitées. Au niveau interpro-

    fessionnel, l’agenda social se construit lors

    d’une réunion avec l’ensemble des partiespatronales et syndicales représentatives.

    Lors des discussions, chacun exprime ses

    souhaits thématiques, et l’organisation

    syndicale pousse ses thèmes prioritaires

    de la discussion avec le patronat Un arbi-

    trage est fait en séance en vue de construire

    cet agenda. Bien entendu en amont decette étape, il y a des préparations souvent

    sous forme de bilatérales entre les organi-

    sations patronales et les organisations syn-

    dicales, entre chacun des partenaires

    sociaux et le ministère du travail dans le

    cadre de la conférence sociale mais aussi

    entre chacune des organisations syndi-

    cales, comme entre chacune des organi-sations patronales.

    Une fois l’agenda validé, chaque organi-

    sation partie prenante décide de la com-

    position de la délégation qui va négocier 

    sur chaque thème. En amont, comme

    c’est souvent le cas à la CFDT , ou conco-

    mitamment, un mandat est élaboré en

    interne et validé par les instances de l’or-ganisation. Il constitue la feuille de route

    des négociateurs. Ce mandat est construit

    en fonction de la déclinaison des orien-

    tations de congrès et donne des four-

    chettes qui permettent d’atteindre les ob-

     jectifs fixés par le congrès et les instances

    dirigeantes. Donc il y a des marges de

    manœuvres pour les négociateurs quiconnaissent les possibilités et les sou-

    plesses, mais aussi les incontournables

    et les éléments non négociables pour l’or-

    ganisation. On dit souvent que l’on définit

    une aire de jeu dans laquelle les acteurs

    peuvent évoluer positivement en vue de

    trouver un compromis. Afin de gagner en efficacité, en temps et en transparence,

    la CFDT rend public son mandat à l’ou-

    verture de la négociation. La plupart des

    autres organisations syndicales le font

    également. Toutefois je dois dire que cela

    est plus difficile pour les organisations

    patronales : cela impliquerait que le Medef,

    la CGPME et l’UPA se mettent d’accord sur un cadre commun et exigerait de cha-

    cune d’elles (en particulier du Medef ) une

    cohérence de positionnement interne,

    c’est-à-dire avec l’ensemble des fédéra-

    tions professionnelles qui la composent.

    On pourrait illustrer ce propos par la né-

    28

     Patrick Pierron - La négociation, socle du dialogue social à la française ?

  • 8/9/2019 Revue socialiste n°58

    30/189

    la revue socialiste  58 

    le dossier

    gociation sur la sécurisation des parcours

    professionnels de 2013. Rappelez-vousdes 4 à 5 premières séances de négocia-

    tion pour lesquelles où le Medef se pré-

    sentait avec des textes très caricaturaux

    qui tel le chiffon rouge faisait monter la

    pression sur les syndicats qui souhai-

    taient avancer. Cette posture patronale

    était un prétexte pour gagner du temps

    car le négociateur n’arrivait pas à avoir un mandat ni en interne de ses instances

    et encore moins des autres organisations

    patronales. D’ailleurs, et c’était une pre-

    mière, à l’issue de chaque séance, chaque

    représentant de chaque organisation

    patronale s’exprimait de son côté devant

    les médias. Cet élément est révélateur de

    la difficulté ; en effet, jusqu’alors seul le

    représentant du Medef s’exprimait au

    nom de l’ensemble des organisations

    patronales. D’ailleurs, le négociateur du

    Medef n’a jamais vraiment eu la main et

    le mandat. C’est pour cette raison quec’est Laurence Parisot qui, en dernier res-

    sort, a imposé cet accord à ses troupes.

    Les organisations syndicales ne sont évi-

    demment pas à l’abri de ce type de diffi-

    cultés, elles qui croisent la plupart du

    temps l’approche sectorielle et territoriale

    dans les instances dirigeantes. Néanmoins

    cela est plus rare, car elles bénéficient mesemble-t-il d’une culture plus prononcée

    de la synthèse en interne. Cependant, la

    culture de la posture systématique de la

    part de certaines parties prenantes de la

    négociation pousse à des positionne-

    ments bien souvent tactiques avec une

    pratique excessive ou exclusive du rapportde force tout au long du processus.

    Et puis il y a toujours un fond culturel,

    plus ou moins teinté d’idéologie, qui est

    fortement ancré chez certaines organisa-

    tions dans l’approche de certains sujets

    ou dans leur vision de la place de la né-

    gociation dans la démocratie sociale. Il

    s’agit plus précisément du refus d’uneconstruction de normes sociales qui

    pourraient être produites de façon auto-

    nome, notamment vis-à-vis du gouver-

    nement et du législateur (loi/contrat).

    Cette approche participe souvent à la diffi-

    culté de négocier dans notre pays.

     La culture de la posturesystématique de la partde certaines parties prenantesde la négociation pousseà des positionnements biensouvent tactiques avec une pratique excessive ou exclusivedu rapport de force toutau long du processus.

  • 8/9/2019 Revue socialiste n°58

    31/189

    Mais revenons au processus de négocia-

    tion…Tout au long d’une négociation, il y a des

    étapes qui alternent les plénières où

    toutes les parties prenantes sont pré-

    sentes et défendent leur point de vue

    durant la séance avec les bilatérales entre

    organisations, syndicales et patronales,

    mais aussi entre des organisations syn-

    dicales d’une part ou entre des organisa-tions patronales d’autre part. Ces rencon-

    tres servent à identifier des points de

    convergence, à cerner les points de diver-

    gences afin de trouver des voies de pas-

    sage pour construire des accords par 

    sous thèmes. Il est plus facile de rentrer 

    dans les détails des sujets lors de ces ren-contres que lors des plénières. Il peut éga-

    lement être décidé lors de la plénière de

    mettre en place un ou des groupes de

    travail pour approfondir des thématiques

    afin d’éclairer les négociateurs. C’est sou-

    vent le cas lorsqu’il y a besoin de diag-

    nostic ou de précisions techniques.

    Un des facteurs de réussite pour s’enga-ger sur un compromis en fin de négocia-

    tion réside dans la capacité de chaque

    organisation à faire le lien avec ses man-

    dants tout au long du processus. Ceci est

    très important si l’on veut éviter un déca-

    lage ou des incompréhensions entre les

    négociateurs qui ont « les mains dans le

    cambouis » et les structures qui les ontmandatées. Mais cela est aussi crucial

    pour valider les étapes et les avancées

    obtenues tout au long du processus et

    gagner en transparence avec ses équipes,

    les adhérents et les salariés. Cela a égale-

    ment le mérite de couper court à toutes

    les spéculations. Et enfin cela permet

    aussi de créer les conditions du rapportde force par la mobilisation des sections

    au cours du processus de négociation

    pour obtenir des avancées considérées

    comme importantes pour les salariés.

    A ce titre la communication auprès des

    équipes et des adhérents durant toute la

    négociation est primordiale : c ’est le gage

    d’une implication du plus grand nombredans ce processus. D’autre part, la com-

    munication externe, à destination du

    grand public doit être également claire

    et pédagogique. Elle participe aussi à la

    construction d’un plus large rapport de

    force et d’une acceptation sociale.

    30

     Patrick Pierron - La négociation, socle du dialogue social à la française ?

     La communication auprès deséquipes et des adhérents durant 

    toute la négociation est  primordiale : c’est le gage d’une

    implication du plus grand nombre dans ce processus.

  • 8/9/2019 Revue socialiste n°58

    32/189

    la revue socialiste  58 

    le dossier

    Une fois que les parties prenantes à la

    négociation estiment qu’elles ont étéau bout en termes de propositions en

    conformité avec leur mandat de départ,

    un projet d’accord est acté. Ce projet est

    soumis à la validation des instances qui

    ont donné le mandat. Un gros travail

    de valorisation de ce qui a été obtenu

    définitivement commence auprès des sa-

    lariés et auprès de l’opinion publique.Lorsque les organisations ont validé et

    signé le projet, une autre étape s’ouvre :

    il s’agit, et c’est une spécificité française,

    d’intégrer les clauses de l’accord dans la

    loi, donc dans le code du travail lorsque

    le sujet l’impose. C’est bien souvent un

    travail de l’ombre, au cours duquel les

    cabinets ministériels et les services de

    l’Etat concernés rencontrent à leur tour,

    souvent en bilatérale, les différentes par-

    ties prenantes de la négociation afin de

    traduire l’accord en un texte juridique,

    tout en conservant l’esprit et la lettre des

    négociateurs, mais surtout des signa-taires. Et là c’est une nouvelle aventure

    qui commence, moins visible mais ô

    combien importante. En effet, la loi et les

    décrets d’application qui en découleront

    seront les outils d’application du fruit de

    la négociation, qui permettront égale-

    ment une action en justice en cas de non

    estimé d’une partie des protagonistes. Lesdifférences d’interprétation du texte d’un

    négociateur à l’autre sont parfois surpre-

    nantes, alors même que l’encre n’est pas

    encore sèche.

    A ce stade, il me semble qu’il est possible

    de tirer quelques lignes directrices d’ana-

    lyse sur les difficultés rencontrées pour installer la négociation comme un élé-

    ment central de la démocratie sociale ba-

    sée sur une culture de l’engagement. Pour 

    réussir ce pari, il est nécessaire de créer 

    les conditions de la confiance, du respect

    et de l’écoute entre les parties qui négo-

    cient. Il faut nécessairement des organi-

    sations représentatives et structuréesdont la démocratie interne est bien huilée.

    Un autre élément réside dans la difficulté

    de trouver un cadre de négociation qui

    prenne en compte la diversité des entre-

    prises en fonction de leur taille ou de leur 

    secteur, sans pour autant vider le texte

     Lorsque les organisations ont validé et signé le projet, uneautre étape s’ouvre : il s’agit,et c’est une spécificité française,d’intégrer les clausesde l’accord dans la loi,donc dans le code du travail lorsque le sujet l’impose.

  • 8/9/2019 Revue socialiste n°58

    33/189

    négocié de toute ambition. Pour illustrer 

    ce point, on peut se poser la question desavoir par exemple si les seuils répondent

    encore aujourd’hui à cette probléma-

    tique, si la branche qui regroupe les

    entreprises d’un même secteur d’activité

    est le seul lieu pertinent pour décliner les

    accords interprofessionnels, ou si la filière

    qui intègre l’ensemble des entreprises

    tout secteur confondu intervenant dansla même chaîne de valeur ne serait pas

    un lieu plus pertinent ou du moins com-

    plémentaire en fonction des sujets ?

    Ne pourrait-on pas envisager par exem-

    ple des mécanismes renforçant la cohé-

    sion et la coopération entre les petites,

    moyennes et grandes entreprises avecune motivation commune, à savoir que

    la contractualisation d’accords soit au

    service de la valorisation du savoir-faire

    des salariés et de la valeur ajoutée que

    chaque entreprise amène dans la pro-

    duction d’un produit ou d’un service ? La

    négociation territoriale n’est-elle pas unmaillon supplémentaire à examiner au

    moment où une nouvelle carte territoriale

    est arrêtée et les compétences des terri-

    toires redéfinies pour compléter ce pro-

    cessus de négociation ? Mieux prendre

    en compte la proximité des entreprises

    et des salariés et de leur environnement

    d’implantation ? Mettre un lieu de pilo-tage de la négociation territoriale et de

    dialogue social à la maille des régions ? 

    Mais pour répondre à ces questions qui

    me semblent d’actualité surtout au re-

    gard de l’échec de la négociation sur le

    dialogue social, il faut avoir une volonté

    de créativité, l’envie de lancer des expéri-mentations pour rassurer et démontrer 

    que l’on peut diversifier les lieux de né-

    gociations et réussir à garder une cohé-

    rence et une cohésion d’ensemble. Les

    difficultés de mise en œuvre du pacte de

    responsabilité depuis l’annonce du pré-

    sident Hollande, tiennent pour beaucoup

    au fait que la méthode traditionnelle denégociation articulée en 3 niveaux (inter-

    professionnel/branche/entreprise) a été

    choisie. Face au contexte et au caractère

    d’urgence que nous connaissons

    aujourd’hui, n’aurait-il pas fallu un texte

    « cadre » national, négocié au niveau

    32

     Patrick Pierron - La négociation, socle du dialogue social à la française ?

     La négociation territorialen’est-elle pas un maillonsupplémentaire à examinerau moment où une nouvellecarte territoriale est arrêtée

    et les compétencesdes territoires redéfinies ?

  • 8/9/2019 Revue socialiste n°58

    34/189

    la revue socialiste  58 

    le dossier

    de l’interprofessionnel, qui définisse à

    grands traits les principaux enjeux de lapériode et les attendus de la démarche.

    Cette étape pouvait aller vite, 8 à 10 jours.

    Ensuite les négociations auraient dû être

    renvoyées directement dans les entre-

    prises, car c’est là que se trouvent les diffi-

    cultés spécifiques aux segments de mar-

    ché où l’entreprise officie. C’est aussi là

    que les salariés sont et vivent l’entrepriseau quotidien. Cela aurait eu pour consé-

    quence d’éviter notamment le blocage

    dans de nombreuses branches (dont la

    majorité ne fonctionne pas habituelle-

    ment). Si l’imagination sociale avait été

    au rendez-vous, la réactivité attendue et

    exigée face à la situation aurait proba-

    blement été à la hauteur.Innover demande de sortir du centra-

    lisme qui marque encore trop fortement

    notre pays et de dépasser les égoïsmes

    pour construire dans un esprit d’intérêt

    général. La reconnaissance de l’engage-

    ment comme de l’évaluation, de l’effica-

    cité de ce que l’on négocie, reste encore à

    construire dans notre pays pour asseoir ce pan de la démocratie sociale qu’est le

    dialogue social. Alors expérimentons et

    évaluons afin de relever les défis de de-

    main pour les salariés d’aujourd’hui mais

    aussi pour les nouvelles générations qui

    arrivent sur le marché du travail.

  • 8/9/2019 Revue socialiste n°58

    35/189

    la revue socialiste  58 

    le dossier

    Le nombre d’accords collectifs signés

    dans les entreprises a considérablementaugmenté dans les années 2000. En 2013,

    40 000 accords collectifs ont été recensés

    par le ministère du Travail, dont 39 000

    accords d’entreprise. Ce dernier chiffre est

    en augmentation de 300 %, par rapport à

    1998.Il est intéressant de noter que cette

    augmentation est en grande partie due

    au développement de la négociationdans les PME. La connaissance, par les

    partenaires sociaux, des réalités de l’en-

    treprise, enrichie par l’envie partagée

    de trouver des compromis constructifs

    permet de faire face aux évolutions

    conjoncturelles ou structurelles néces-

    saires au développement, parfois à la

    survie, des entreprises. C’est le pragma-tisme qui préside à l’élaboration et la

    mise en œuvre de ces compromis. Il est

    fréquent de voir les partenaires sociaux

    réussir à partager la vision de l’entreprise

    comme un collectif où se retrouvent,

    autour d’obj