Revue DMA – Temoins dans les Peripheries (Septembre - Octobre 2011)

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Revue des Filles de Marie Auxilitrice

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dma Revue des Filles

De Marie Auxiliatrice Via Ateneo Salésiano 81

000139 Roma

Tél. 06/87.274.1fax 06/87.13.23.06 e.mail : [email protected]

Directrice ResponsableMariagrazia Curti

Rédacteurs Giuseppina Teruggi Anna Rita Cristiano

Collaboratrices Tonny Aldana Julia Arciniegas Ŕ Mara Borsi Piera Cavaglià .

Maria Antonia ChinelloAnna Condò Emilia Di Massimo Dora Eylenstein

Laura Gaeta Bruna Grassini Maria Pia GiudiciPalma Lionetti

Anna Mariani Adriana Nepi Louise PasseroMaria Perentaler Paola Pignatelli Lucia M;Roces

Maria Rossi Loli Ruiz Perez

4EditorialLieux de frontièresde Giuseppina Teruggi

Dossier Témoins dans les banlieues

13 Premier Plan

14Pas à pasGestes d’humble amorevolezza

16Les racines du futurEvénements du centenaire

18Amour et Justice“…vous m’avez écouté”

20Fil d’ArianePatience et audace

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Bernadette SangmaMartha Seïde Traductrices

France : Anne-Marie Baud Japon : Province japonaise

Grande Bretagne : Louise Passero Pologne : Janina Stankiewicz

Portugal : Maria Aparecida Nunes Espagne : Amparo Contreras Alvarez

Allemagne: Prov.Autrichienne et Allemande

EDITION EXTRACOMMERCIALE Istituto Internazionale Maria Ausiliatrice Via Ateneo Salesiano 81, 00139 Roma

C.C.P.47272000 Reg. Trib. Di Roma n.13125 del 16-1-1970

Sped. abb. post Ŕart. 2, comma 20/c, Legge 662/96 Ŕ Filiale di Roma

N° 09-10-2011 Tipographia Istituto Salésiano Pio XI

Via Umbertide 11,00181 Roma

27 En recherche

28CultureDans la mosaïque de l’Europe

30PastoralementQuel chemin pour le bonheur ?

32Femmes sur le terrainFemmes sur les routes d’aujoud’hui

34Notre Terre

L’eau, un bien commun

35 Communiquer

36Témoins numériquesRoutes et sentiers

du continent numérique

38De personne à personneA la recherche du bonheur

40Vidéo Le discours d’un roi

42LivreDans la mer, il y a des crocodiles

44Lettre à

une amieLa magie desparoles

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Lieux de frontières Giuseppina Teruggi

Jeune étudiante, j‟ai été impressionnée et fascinée par l'expression d'une enseignante qui nous répétait : "La personne ne vit pas d‟un côté ou de l‟autre de ses limites, elle vit dans ses limites." Une vérité dense de sens. Une orientation pour un style de vie. Pour dépasser le mythe du "surhomme" pour être consciente de sa propre condition de créature. Limites, frontières, périphérie… Un reporter-écrivain du 20e siècle, Ryszard Kapucinski, des confins de sa Pologne, rêvait très loin. «Un mystère et un silence par lesquels j‟ai été attirée et intriguée, j‟étais toujours tentée de découvrir ce qui était au-delà. Je me deman-dais ce qu‟il essayait de trouver en passant une frontière…» Pour le grand écrivain polonais, les confins n‟étaient pas tant géographiques, qu‟un désir, un instinct, parfois une action. Le désir de dépasser la limite mais aussi d‟y demeurer. Ce numéro de la Revue propose quelques réflexions sur l‟être témoins dans les périphéries. Non seulement géographiques : mais celles qu‟expriment la minorité, espace de l‟essentiel, lieu de la pauvreté que personne n‟aime rejoindre. Aujourd‟hui, nous avons toujours plus de défis à vivre par les exigences d‟une vie religieuse qui soit crédible et signe de la radicalité : femme dont la vocation est de sortir des sécurités, des choix du confort. La profession pour notre temps est un style de vie qui accueille et accepte d‟entrer, non de façon résignée, mais consciente "dans le désert, là où il y n'a personne d‟autre ; dans

la périphérie, là où il y n'a aucun pouvoir ; dans les frontières, là où les risques de tout genre sont supérieurs. C‟est le style de vie religieuse qui fascine encore beaucoup, beaucoup de jeunes. Ceux qui sont fatigués de promesses vides, las de courir après les plaisirs et les succès. Une vie qui choisit d‟être : là parmi les gens, là où le besoin est urgent, où la joie n‟arrive pas. Placé à côté des derniers, hors de la popularité. C‟est une vie heureuse qui donne parfum et saveur, comme le “sel qui donne goût”. Nous senir interpellées par cette demande exige le courage de se décider :Cela me concerne ! Ne pas compter les années, le niveau de culture, le rôle. Don Bosco et Marie Mazarello continuent à nous conta-miner par la passion qui animait leur brûlant et qui les poussait vers les lieux de pauvretré, de‟abandon, des périphéries, des frontières. Aujourd‟hui, encore à travers le monde numérique, là nous trouvons, les jeunes, les habitants d‟un nouveau continent, inconnu et toujours à explorer. Témoins dans les frontièrees, les périphéries. Femmes toujours en voyage :grands voya-ges, petits voyages “tels ceux qui nous font allert de personne à personne, pour surmonbter les barrières et les limites.

[email protected]

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Témoins dans les périphéries

Graziella Curti , Maria Antonia Chinello

Confins. Marges. Frontières. Périphéries. Voilà des métaphores qui parlent de mobilité, déplacement, passage. La périphérie, entendue non comme une zone d’exclusion mais comme un domicile, un lieu d’humanisation et d’évangélisation. Témoins dans et des périphéries. Parce que «le Seigneur est avec les pauvres, avec les pauvres de cœur, avec les humbles et surtout avec celui qui aime et sait donner.» (Giovanni Battista Montini). Périphéries et périphérie Jamais comme aujourd‟hui, sur toutes les latitudes, les périphéries entourant les villes n‟ont été autant synonymes de violence, colère, dégradation. Elles explosent et implosent, s‟enflamment et font tache d‟huile. Les chroniques occupent les pages des quotidiens avec des analyses truffées Ŕdans la majeure partie des casŔ de catastrophismes simplistes et expéditifs : menace islamique, mort du multiculturalisme, révolte religieuse, convivia-lité impossible, et tant d‟autres encore. Images stéréotypées de mondes oubliés, mais plus proches qu‟on ne le pense. L‟actualité traite de drogue, criminalité, mais aussi de résistance et de résilience. En fait, les périphéries, pour qui prend soin d‟observer, sont des lieux d‟avenir, des labo-ratoires d‟initiatives, des coups d‟œil lancés qui vont au-delà des murs de divisions, de

séparations, des fils barbelés qui entourent les propriétés privées de la ville. Dans les périphéries, on invente, on change, on essaie de nouvelles formes de survivance. Face à la haine et à la violence, il existe des ferments de solidarité et de dignité. D‟espérance aussi.

Le père Kizito Sesana, combonien “citoyen” depuis de nombreuses années à Riruta, périphérie de Naïrobi, écrit : «La périphérie, pour qui croit et veut se laisser convertir, est la rencontre avec Dieu qui ne garde rien pour lui, qui vient du plus bas, qui te regarde avec les yeux des plus petits, te parle avec la voix des prostituées, te bénit par la voix du vieillard en train de mourir. Dans les périphéries, il y a celui qui n‟a rien à perdre, et qui joue toute sa vie sur un seul numéro, y mettant toute la persévérance et créativité qu‟il possède.» La Bonne Nouvelle aux carrefours des routes «Toi, le divin Voyageur, connaissant bien nos routes…». Jean Paul II, au cours de l‟année de l‟Eucharistie nous avait invités à prier ainsi, avec l‟invocation que les disciples d‟Emmaüs avaient adressée à l‟inconnu qui s‟était fait leur compa-gnon de voyage. Deux pèlerins et un Seigneur. En chemin. Notre Dieu ne se lasse pas de parcourir les routes des hommes. Dans son Evangile, Jean note que les disciples fixent leurs regards «sur Jésus qui passait.» Passer. Un verbe qui arrive jusqu‟à nous et qui indique les lieux de passage : le fleuve Jourdain,

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la maison, au-delà du temps, des murs de la ville…, parce que c‟est ainsi que le Christ entre en scène au cours d‟un après-midi ensoleillé. Il est “Celui qui vient”, qui chemine sur les routes de chacun d‟entre nous. Mais y a-t-il encore quelqu‟un qui Le montre? Qui scrute son passage ? Qui sème la nouvelle que, encore aujourd‟hui, il passe dans notre quotidien, le plus quotidien ? «Le Seigneur passe sur toutes -les routes, alors ne déprécions aucunes routes. Mais si notre regard est un regard superficiel, pressé, nous ne nous en apercevons pas. Et nous ne nous faisons pas illusion, ceci est une autre méprise possible, ne nous faisons pas illusion, nous n‟arriverons pas à connaître Dieu, si nous ne portons pas de regards pénétrants sur la vie. Si tu n‟es pas présent à la vie, tu n‟es pas présent aux autres, ni à Dieu» écrit don Angelo Casati, qui aime se définir “un curé de ville.” Le passage de Jésus appelle la question et l‟invitation : «Que cherchez-vous? Venez et voyez.» Du regard à la recherche, de l‟indica-tion à l‟écoute, de la sequela au demeurer.

Un itinéraire pour une vie consacrée mature, incarnée et prophétique, qui vit proche des misères des gens sans oublier de rester en relation avec Dieu. Une vie consacrée qui choisit de rester proche des laisser pour compte du monde : les femmes, les enfants, les anciens. Une vie religieuse qui, grâce à la radicalité de la sequela exprimée aussi dans l‟exercice des conseils évangéliques, est présente dans le désert, là où il n‟y a rien, dans la périphérie, là où il n‟y a aucun pouvoir mais seulement l‟impuissance, à la frontière, là où les risques en tout genre sont majeurs, où règne aussi l‟immobilisme qui devrait dénoncer avec énergie, les structures générant le mal, le péché. Il nous faut penser à de nouvelles et plus incisives formes de présence au milieu des gens, dans les quartiers, dans les endroits les plus abandonnés et les lieux où règnent de douloureuses dégradations humaines et

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morales, il nous faut aussi nous laisser ques-tionner par les situations que nous sommes appelées à rencontrer et choisir de vivre au milieu de ces minorités. A la lumière des grands changements actuels, nous ne pouvons pas continuer à épuiser nos forces, à penser exclusivement aux problé-matiques internes à notre Institut : si ces problèmes deviennent notre unique préoc-cupation, ils deviennent aussi “nos sables mouvants”.

«L‟homme Ŕécrit Silvano Fausti, bibliste et écrivainŔ doit se mouvoir, sinon il est voué à la mort. Il y a un vrai problème s‟il agit en fuyant ou en vagabondant sans but précis ou s‟il s‟engage dans une direction avec le désir de réaliser sa vie. «Si le but est ce dernier, il apprendra à recevoir le pain et à le rompre, «non en le prenant pour le posséder et en priver les autres ou pour les voler, mais en le prenant comme un don à partager.» Alors se décider pour la périphérie, ce n‟est pas seulement se déplacer du centre de la ville vers les zones les plus populaires : le mouvement nécessaire est de passer des lieux de pouvoir, de décision, aux lieux marginaux de partage et de communion. “Etre” au milieu des minorités évangéliques Le choix des minorités est une expérience pascale, un exode vital, une conversion voulue consciemment, et non une marche arrière soudaine. En cette période où, comme religieuses, nous courons le risque du découragement, parce que les heures paraissent longues, et la recherche et le rodage de nouveaux modèles d‟organi-sations et de gestion demandent de bonnes doses de patience et de fraternité. Nous nous demandons s‟il faut être mystiques ou prophétiques, si c‟est le moment de résister ou de se résigner face aux difficultés rencon-.

trées, au désenchantement, aux nombreux efforts de la lumière dans sa lutte contre les ténèbres. Ou encore s‟il faut passer de la chaleur des “serres” au froid des intempéries, de la clôture à la vie active, de la sécurité du manteau à la légèreté des sandales, qui prennent la poussière des routes. S‟arrêter à la périphérie, loin du centre, habiter là : ce n‟est pas tant ou seulement une option géopo-litique, mais plutôt un choix préférentiel, une occasion de connaître un milieu, de grandir personnellement. A ce propos, Dietrich Bonheoffer écrit : «Il est une expérience d‟une valeur exceptionnelle qui consiste à avoir enfin appris à regarder les grands événements de l‟histoire universelle à partir des réalités les plus terre à terre, du côté des exclus, des suspects, des maltraités, des impotents, des opprimés et des bafoués, en un mot, des personnes en souffrance.»

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A nous religieuses, il nous est demandé de comprendre le pourquoi de l‟option pour les minorités et de vivre les valeurs présentes dans les lieux de marginalité : «Qui vit une expérience religieuse devrait avoir claire-ment en tête ses valeurs. Etre où l‟on doit être, sans chercher à devenir ou à demeurer puissant dans la société, sans trembler si l‟on vient à être dépossédé. Etre dans le monde, sans appartenir au monde. Ce n‟est pas avec l‟ambition d‟un pouvoir qui s‟impose, qu‟on rendra service à celui en qui nous croyons. Et ce n‟est pas en voulant sauver sa personne qu‟on sauvera sa vie. Cependant, à ce stade il faut s‟inter-roger sur ce que signifie avoir la foi ou ne pas l‟avoir, croire en Dieu ou à autre chose, ou ne croire en rien du tout», écrit Gabriella Caramore, une journaliste italienne. Une séquence du splendide film de Xavier Beauvois, Des hommes et des dieux, présenté l‟année dernière, au festival de Cannes, où il a obtenu l‟approbation des critiques et du public et où il a remporté le Grand Prix du Jury et le Prix du Jury Œcuménique, nous vient en aide comme synthèse efficace de ce que veut dite, encore aujourd‟hui, choisir d‟être témoins dans les périphéries et dans les lieux margi-naux. Algérie, 1996. Huit moines trappistes français vivent dans le monastère de Tibhirine, dans les montagnes du Maghreb. Entourés de la population musulmane, ils vivent sereinement, et passent leurs jour-nées entrecoupées de prière, de travail dans les champs et d‟aide apportée aux

aux malades dans leur dispensaire ainsi que de distribution de vêtements aux plus déshérités qui viennent parfois de très loin. Le climat politique et social est tendu à cause de l‟aggravation des conflits entre les diffé-rentes factions de rebelles fondamentalistes islamiques et l‟armée algérienne. La tension et l‟incertitude sont palpables quand arrive la nouvelle de l‟assassinat d‟un groupe d‟ouvriers étrangers. A partir de ce moment les menaces deviennent vraiment sérieuses. Les autorités algériennes demandent de manière péremp-toire au Père Christian et à ses frères de partir, quitter le pays et rentrer en France. Plusieurs fois les moines se réunissent pour discuter et discerner sur ce qu‟ils doivent faire et ils en parlent aussi avec l‟imam du village, qui les interroge : «Mais pourquoi devriez-vous partir ? Vous êtes notre protection, parce que notre village a grandi avec le monastère. Nous sommes comme les oiseaux sur une branche.» Et une femme poursuit : «Nous sommes les oiseaux et vous la branche. Si vous partez, où est-ce que nous nous poserons ?» La décision finale prise est : celle de rester : «Notre mission ici est d‟être les frères de tous, rappelle Christian.» Et le Père Christophe, le plus jeune frère de la commu-nauté, après un discernement douloureux, illumine ses confrères sur le sens profond de leur choix de rester, jusqu‟au martyr si cela est nécessaire : «Que Dieu dresse sa table pour tous. Amis ou ennemis.» Une nuit, des inconnus pénètrent dans le monastère et enlèvent les moines. Deux resteront. Les sept autres n‟en reviendront jamais plus.

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La prophétie cachée

Dans les décennies passées, de nombreuses congrégations et instituts religieux, autant masculines que féminines, ont cherché à être présents et témoins dans les périphéries de l‟histoire et des villes. Une telle option a été prise en concertation, non sans difficulté et souffrance pour discerner le mieux possible à partir de la pluralité des choix qui se présentaient. On a affronté l‟inconnu de nouvelles missions apostoliques ; on a cherché et expérimenté de nouvelles formes de vie plus simples, avec des insertions dans des contextes sociaux difficiles, d‟extrême pauvreté morale, économique et sociale.

Le résultat, aussi pour notre Institut, a été la multiplication des petites communautés, surtout en milieu urbain, à la recherche de forme de vie plus fidèle à l‟Evangile et répondant aux “signes des temps” et aux “signes des lieux”, accompagnée par de douloureuses prises de conscience d‟être devenues comme chrétiennes (et religieuses), une minorité” au milieu d‟une société marquée par l‟indifférence. Aujourd‟hui, avec amertume, on constate que la vie religieuse n‟est pas toujours perçue dans sa particularité d‟être “la vie sage de l‟Evangile” et la possibilité d‟une sequela concrète du Seigneur Jésus pour toute la vie.

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Un vagabond de l’histoire

Ryszard Kapuscinski est un journaliste d‟origine polonaise décédé en 2007, qui a vu sa réputation grandir dans l‟histoire du journalisme du 19ème siècle par son travail de reporter en Afrique, en Amérique et en Asie. Il a porté un regard profond sur l‟être humain. Il désirait que les protagonistes de ses livres et de ses reportages soient au premier plan, tandis que lui se contentait de rester à l‟arrière-plan comme simple narrateur d‟histoires vécues au plus près. «En réalité rien ne m‟empêchait de choisir Ikoji, tranquille et luxueux quartier de riches nigériens, européens et diplomates. Mais il s‟agit d‟un lieu artificiel, trop exclusif, fermé et protégé. Je veux habiter dans une ville africaine, dans une rue africaine, dans une maison africaine, autrement comment puis-je connaître cette ville, ce continent ? […] Mais j‟avais décidé et je ne voulais pas entendre d‟autres avis. Peut-être aussi parce que j‟en voulais un peu à ceux qui à peine arrivés dans la ville, s‟installaient dans la “Petite Europe” ou dans la “Petite Amérique”, c‟est à dire les hôtels de luxe et repartaient, se vantant d‟être allés en Afrique, mais ils n‟avaient rien vu et pas approché du tout les réalités de l‟Afrique.» «Quand j‟ai commencé à parler de ces endroits où la majorité des gens vivaient dans la misère, je me suis rendu compte d‟avoir trouvé les thèmes auxquels je voulais me consacrer. J‟en parlais aussi pour des motifs éthiques, parce que les pauvres, habituellement, se taisent. La misère ne pleure pas, n‟a pas de voix. La misère souffre, mais en silence. La misère ne se rebelle pas. Les pauvres se révoltent quand ils espèrent pouvoir changer quelque chose. D‟habitude ils se trompent, mais seule l‟espérance est capable de décider les gens à agir […] Etant donné que ces gens ne réussiront jamais à se rebeller, il faut que quelqu‟un parle pour eux. C‟est une des obligations morales qui incombe à ceux qui s‟occupent de cette branche malheureuse de la famille humaine, composée de tant de nos frères et sœurs. Frères et sœurs qui, malheureusement, vivent dans la misère. Qui n‟ont pas les moyens de se faire entendre.»

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Enzo Bianchi, moine de la communauté de Bose, invite avec courage à se poser de simples questions pour vérifier où nous en sommes et où nous allons : «Au cours de ces décennies de renouvellement, la vie religieuse a-t-elle cherché à être ce que sa vocation lui demande, c'est-à-dire une mémoire vivante de l‟Evangile ? les A-t-elle cherché à être dans l‟Eglise, autant que cela puisse être possible à des hommes, l‟instance qui présente de manière limpide, la croix et son efficacité ? A-t-elle su préserver ce noyau essentiel qu‟est la sequela du Christ, en cherchant de vivre comme l‟homme Jésus a vécu? A-t-elle su, dans ce climat de sécularisation dominante, ne pas se séculariser et tenter quand même d‟entrer en communication avec l‟humanité nouvelle qui déjà apparaît à l‟horizon ?»

Questions inquiétantes et urgentes : la vie religieuse est-elle exégèse vivante de la vie de Jésus? Elle sera Seulement si elle vit de cette manière prophétique et porteuse d‟une parole à annoncer dans le contexte ecclésial et social actuel. Témoins vivants d’un amour sans limite Qu‟est ce que cela implique, pour nous FMA, de vivre dans l‟optique de la minorité, au milieu d‟une société blessée par les migrations, par la violence, par une économie en crise et un appauvrissement qui s‟étend de plus en plus, par la précarité et l‟incertitude du lendemain, surtout parmi les jeunes?

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Vivre le présent parce que tous les défis sont dans le présent et c‟est seulement dans la fidélité à ce présent que l‟on peut les affronter. Dans notre tradition il y a aussi ce continuel rappel du quotidien, qui est aussi une composante évangélique forte. Chaque jour nous disons : «Donne-nous aujourd‟hui notre pain quotidien», seulement celui du jour, et essentiellement. Patience comme passion, en alternative à la possession. C‟est un style de vie vraiment différent par rapport à celui de la société contemporaine marquée par le tout et le tout de suite, société où on ne sait plus attendre, où on s‟impose avec arrogance et arrivisme, où l‟on vit avec mille sécurités. Accepter de ne pas comprendre tout de suite. Se centrer sur l‟être, sur une présence attentive. Demeurer permet de faire croître un grand dynamisme. Qui sait s‟arrêter est capable de réfléchir, de patienter, d‟aller à la racine des choses, sans laisser s‟échapper les expérien-ces de la vie. Adopter un style de vie simple comme antidote à l‟idole de la facilité, qui fascine les jeunes générations, qui doit imprégner toute notre vie : depuis les projets personnels et communautaires jusqu‟à la prière; de l‟orga-nisation générale jusqu‟aux relations inter-personnelles. Passer de la facilité à la simplicité pour affronter les difficultés Le défi de la violence qui nous menace transversalement. Et pas seulement la violence absurde de la guerre préventive, mais celle présente dans les biotechnologies, le travail, le sport, la précipitation, la rapidité de l‟information, l‟économie libérale, la famille et les religions.

Etre attentives, c‟est à dire patientes dans la lecture des événements, devient un acte qui nous fait passer de spectatrices à protago-nistes. Si nous sommes éducatrices, nous sommes appelées à une nouvelle mission, à ne pas avancer dans l‟histoire de manière distraite, à interpréter, comme Marie, les événements, en se faisant aider aussi par des laïcs, en étudiant. Une particularité de celui qui est pauvre, est de demander de l‟aide, en premier à Dieu et puis à la communauté. Chaque événement est une annonciation et nous ne pouvons pas le laisser passer dans notre vie, en vain. Dieu se manifeste et nous parle à travers les événements. Jésus est présent au milieu de nous, dans la communauté, dans l‟histoire et spécialement dans le frère et la sœur les plus abandonnés. L‟Esprit habite en nous et nous conduit, du plus profond de notre cœur, à travers les routes royales et concrètes de notre vie. Ceci est notre manière d‟être au monde : le moi qui rencontre le tu, et le moi et le tu qui se frottent comme du bois et font du feu pour lutter contre la nuit. Parce que, comme le disait Teilhard de Chardin : «Tu veux trouver Dieu dans le royaume de Dieu ? Alors unis-toi profon-dément à la terre.» Ainsi donc, pour être fidèle à l‟éternité, au temps de Dieu, il nous faut être fidèle dans le quotidien de nos vies, au temps des hommes. [email protected] [email protected]

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Gestes d’humble tendresse

Monica Menegusi “Je voudrais vous accompagner en Amérique” est l‟expression simple et forte de Mère Mazzarello à ses filles qui partaient pour la troisième expédition missionnaire. Ce sont des paroles qui reflètent une maternité générée par l‟Esprit, consciente de sa médiation de communion, désireuse de renforcer les liens, avec la certitude de rester fondée dans la commune alliance avec le Dieu des rencontres. . Sur la photo avec les missionnaires de la troisième expédition, Mère Mazzarello tient la main de celle qui part comme responsable de l‟expédition. C‟est une main qui ne retient pas pour elle mais une main qui donne confiance, sécurité, courage. Dans ce “geste”, on peut lire une attitude maternelle de tendresse et de force, de proximité et de séparation, d‟accueil réciproque et d‟envie, comme de vouloir exprimer matériellement le “je t‟accompagnerai toujours” dans ses lettres. Mère Mazzarello ne pensant pas à sa santé, accompagne les missionnaires d‟abord à Turin et ensuite à Genève. Là, elle s‟embar-que et les accompagne à Marseille pour visiter les sœurs de St Cyr. A ceux qui cherchent à la dissuader de faire ce voyage étant donné ses mauvaises conditions de santé, elle répond :”Vous allez en Amérique, pourquoi ne pourrais-je vous accompagner une partie du chemin ? Laissez-moi le faire, ceci me console”. La Mère suit les sœurs une à une, les reçoit séparément, et laisse par écrit quelque souvenir spécial à celles qui le lui demandent

Les lettres 64, 65 et 66 montrent son cœur maternel tout donné pour ses filles. Les soeurs Giuseppina Paccotto, Ottavia Bussolino et Ernesta Farina désirent emporter avec elles les précieux conseils et la Mère les contente. La Mère, à travers un bref et systématique écrit, veut leur consigner quelques lignes essentielles avec lesquelles elles pourront continuer leur propre chemin de croissance. Pour elles ce sera un programme qui accom-pagnera toute leur vie. Sœur Giuseppina Paccoto appartient à la “communauté des origines”. Dans l‟histoire de l‟Institut un l‟exemple de familiarité morné-sienne est la façon avec laquelle Mère Mazzarello donne à Sœur Giuseppina la respon-sabilité de directrice, durant une récréation pendant qu‟elles jouent à cache-cache. En Janvier 1881, la Mère, qui déjà n‟est pas en bonne santé, appelle Sœur Giuseppina et lui propose de partir pour l‟Amérique en remplacement de Sœur Enrichetta Sorbone. Mère Mazzarello sait qu‟elle lui demande un grand sacrifice, avec cette séparation et pour lui faire comprendre que le départ ne peut être renvoyé, cherche à la consoler en lui disant que même si, elle restait à Mornèse, la sépa-ration serait aussi inévitable parce “qu‟elle” restait pour mourir. La confiance absolue en Jésus et Marie et travailler continuellement en leur présence, l‟attitude évangélique de l‟humilité et la vigilance sur elle-même et sur ceux qui lui seraient confiés, cultiver la transparence dans les relations interpersonnelles et la clarté dans

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les motivations, sont les recommandations que Mère Mazzarello donne à Sœur Giuseppina Paccotto dans la lettre n° 64. Sœur Ottavia Bussolino, était entrée dans l‟Institut en 1879. A Turin durant ses études elle nourrissait aussi le grand désir de partir pour les missions en Amérique. Elle resta un peu en Argentine et ensuite pendant 20 ans elle devra succéder comme Visitatrice à Mère Madeleine Martini ; Sœur Ottavia reçoit avec force et confiance le poids de cette responsabilité. La Mère lui écrit :” Ne te décourage pas face à aucune adversité ; reçois tout des mains de Jésus ; mets ta confiance en Lui... (lettre 65,1) Son impulsion authenti-quement missionnaire la pousse à s‟engager pour de nouvelles fondations dans d‟autres pays comme le Mexique, la Colombie, le Pérou et la Bolivie, où elle se distingue comme une femme au regard profond parce qu‟enraciné en Dieu, énergique et décidée, austère avec elle-même et dynamique.

Sœur Ernestina Farina, fait partie du premier groupe qui s‟embarque pour l‟Amérique du Sud : destination : la Boca Ŕ Buenos-Aires. Mère Mazzarello avec Mère Emilia Mosca, allèrent avec elle jusqu‟au bateau et ne la laissèrent que jusqu‟à ce qu‟elle soit partie après l‟avoir recommandée au commandant de bord.. Sœur Ernesta, en larmes, fit quelques boutades pour dédramatiser la douleur du départ et reçut un cadeau : ”La mère Ŕdit-elleŔ s‟est détachée de sa montre pour me la donner”. La vie de Sœur Ernesta ensuite sera traversée par la douleur. La preuve de la faiblesse physique la met à l‟école de l‟humilité que Mère Mazzarello lui avait recommandée : “fais en ton amie”. J‟embrasse la croix avec sérénité, et expérimente en ma personne les paroles prophétiques de la Mère :c‟est la main de Dieu qui travaille en vous. Sans Lui je ne suis capable que de mal faire. (lettre 66, 2). Au cours de sa vie salésienne elle laisse faire Dieu tant et si bien qu‟à la fin de sa vie elle pouvait dire : J‟ai le Seigneur avec moi et cela me suffit ! Mère Mazzarello, experte dans l‟art de tisser les liens, nous encourage à aller à l‟essentiel pour apprendre à nous faire confiance et à faire un espace humain à l‟autre, à prendre du temps pour susciter des rencontres, des lieux d‟écoute et de partage pour célébrer le quotidien et permettre une convivialité qui engendrera des liens libres et ouverts, profonds et stables, désintéressés et aimables, propres d‟un cœur de femme, de soeur et de mère. [email protected]

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Evénements du centenaire

Piera Cavaglià

23 juin 1911 A ce moment-là débutait dans le Diocèse d‟Acqui le processus de béatification de Marie-Dominique Mazzarello. Trente ans étaient passés depuis sa mort et l‟affection pour elle restait vive. Par dessus-tout le souvenir de ses vertus extraordinaires ne s‟affaiblissaient pas même avec le temps, au contraire... On recourait à elle avec confiance et on expérimentait l‟efficacité de sa protection. Surtout Mgr Giovanni Cagliero et don Giacomo Costamagna étaient fortement convaincus de sa sainteté. Même en dehors de l‟Institut la figure de Mère Mazzarello était aimée et admirée. Dans la circulaire du 15 novembre 1909, Mère Caterina Daghero communiquait que “par conseil autorisé“ on aurait débuté de suite la cause et envoyé un Formulaire prévu pour le recueil des informations. En 1910 arrivait à Nizza comme aûmonier des élèves et des pensionnaires, don Ferdinando Maccono qui avait reçu la mission de Don Rua d‟écrire un document biographique de Marie-D. Mazzarello en vue d‟introduire sa cause. Mère Daghero le 15 mai 1911 annonçait dans sa circulaire que la cause aurait débuté en cette année, trentième anniversaire de la mort de Mère Mazzarello. Le 23 juin 1911 dans le Diocèse d‟Acqui devait débuter l‟Instruction judiciaire. La circulaire du 24 juin 1911 communiquait la note à tout l‟Institut. Au début du mois d‟octobre la publica-

tion périodique informait l‟avancée de la Cause, donnait des relations de grâces et diffusait la connaissance de la Mère (cf CAPETTI G., il cammino dell‟Istituto III 61-63)

7 septembre 1911 L‟histoire de l‟approbation de l‟Institut Ŕ qui a son sommet avec l‟approbation pontificale du 7 septembre 1911 Ŕ comprend un laps de temps de 35 ans environ : du 23 janvier 1876, date de l‟approbation diocésaine des Constitutions de l‟Institut FMA de la part de l‟Evêque d‟Acqui, Mgr Giuseppe Maria Sciandra, au 7 sepembre 1911, date de l‟approbation pontificale définitive.

En 1876 l‟approbation diocésaine des Constitutions était pour don Bosco et pour l‟Institut des FMA une garantie de fécondité apostolique et d‟une plus vaste diffusion géographique du charisme. Au moment de l‟approbation, les FMA étaien 40, les Novices 43 et les maisons 2

Don Bosco considérait l‟Institut comme partie intégrante de la Congrégation salésienne, les FMA soeurs et filles d‟une grande famille, unies à lui et aux Salésiens dans un même engage-ment pour l‟éducation de la jeunesse.

Donc les FMA étaient jusqu‟en1911 une Congrégation de droit diocésain, mais annexée à celui du droit pontifical. Après les Normes de 1901 on distingue nettement l‟approbation pontificale de celle du droit diocésain.

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ANNEE LVII MENSUEL / MAI-JUIN 2011

L’approbation pontificale de l’Institut

“Un fait aussi important arrive, si on peut dire, presque par surprise “ (p.65)Soeur Giselda Capetti, dans un volume cité au chapitre sur l‟approbation pontificale, écrivait : On n‟avait présenté aucune demande au St. Siège, mais on attendait le document. Le Décret portait la date du 7 septembre 1911. Don Paolo Albera le communiqua à Mère Daghero avec la lettre du 1er janvier 1912 ( CF AGFMA 412.2/111).

Révérende Mère Générale,

La première lettre que j‟écris en 1912 est destinée à vous donner une note très consolante. Dans cette lettre vous trouverez le décret d’approbation définitive de la congrégation des filles de Marie Auxiliatrice. Pour la première fois que j‟ai eu entre les mains les Constitutions de votre Congrégation, j‟ai eu de la peine de ne pas vous trouver une parole d‟approbation. C‟est pourquoi il m‟a semblé opportun de demander à Rome un document qui, imprimé en tête du livre des Constitutions, puisse rassurer tout le monde mais spécialement les Evêques, que votre Institut est pleinement en règle. Ce document, j‟ai le plaisir de vous l‟envoyer aujourd‟hui même.Que le Seigneur fasse que les Filles de Marie Auxiliatrice conservent intact l‟esprit du Fondateur se montrant toujours plus digne de la confiance qu‟a placée en elles le Vicaire de J. C. et les Cardinaux qui composent la Sacrée Congrégation des religieux.. Maintenant (...) il n‟y a plus autre chose à faire que de suivre le chemin que l‟Eglise a tracé; (...) Je me recommande à vos ferventes prières et vous assure de tout mon respect; Affectueusement en Jésus et Marie Sac.P. Albera

Dans le texte du Décret on lit : “L‟Institut des FMA fut approuvé par le siège Apostolique de la même façon qu‟il aurait été promulgué comme décret de louange (Decretum laudis) et des autres décrets habituels qui, selon la presse de la Sacrée Congrégation, sont conférés...”(Decretum N. 5139/10 Ŕ 8septembre 1911).

Que la sainteté de Marie-Dominique aussi bien que l‟approbation pontificale de l‟Institut soient pour nous des événements de grâces qui projettent l‟Institut vers de vastes horizons ecclésiaux. La sainteté de la première FMA n‟est pas seulement un don pour nous, mais c‟est un patrimoine et une richesse de l‟Eglise.

Ainsi l‟approbation pontificale contribue à renforcer chez les éducatrices salésiennes la conscience de réaliser, dans le temps et dans l‟espace, la mission du Christ qui se prolonge dans son Corps mystique pour le salut du monde, en particulier des jeunes.

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dma damihianimas

“...vous m’avez écouté…” Martha Séïde

La mobilité humaine est un phénomène qui appartient à la nature de la personne et connaît depuis des millénaires l‟histoire de l‟humanité. Un tel phénomène, volontaire ou forcé, est tellement vaste et dramatique de nos jours que c‟est désormais un défi, un “ signe des temps” qui ne cesse de nous interpeller. Selon Gianni Nobili, missionnaire combonien, les flux migratoires sont aujourd‟hui un phénomène structurel, qui implique soit les Pays du Nord du Monde, soit ceux du Sud ; on déplace les personnes soit à l‟extérieur soit à l‟intérieur des continents et des Etats. Les causes des migrations sont variées : pauvreté économique, fuite de la guerre, de l‟injustice, des calamités naturelles, des pe-rsécutions ethniques, religieuses et politi-ques, désir d‟améliorer les propres conditions de vie, étude, travail, santé, affaires, touris-me, etc... D‟un côté la migration engendre appréhension et réaction de défense de la part des pays qui se voient “assaillis” par des forces incontrôlables. D‟autre part, les gens ont découvert que la rencontre entre les peuples et les cultures diverses peut devenir un fait positif pour tous.

L‟Eglise a toujours regardé dans les migrants l‟image du Christ, qui disait : “J‟étais étranger et vous m‟avez accueilli “ (Mt 25,35). Pour cela, interpellée par cette situation, elle continue à inviter les chrétiens à réserver un accueil qui soit expression de l‟amour envers Jésus-Christ lui-même (Erga migrantes 12).

Les faits parlent d’eux-mêmes Selon le programme de développement de l‟ONU la moblité humaine est vue comme la capacité des personnes de choisir la place où elles veulent résider. Une telle capacité représente une dimen-sion de la liberté humaine. Cette thèse se confirme quand elles considèrent quelques jugements estimés récents, selon lesquels, environ 700 millions de personnes dans le monde désirent émigrer de leur Pays d‟origine (Gallup 2010). Le phénomène migratoire a été de toujours une dynamique qui met en mouvement hommes et femmes vers la réalisation d‟eux-mêmes, vers l‟accomplissement de leur propre destin. Les expériences qui suivent sont un petit exemple d‟une liste innombrable d‟histoires qui illustrent bien cette réalité.

Je savais que j‟aurais passé au maximum une semaine au centre de Lampedusa (Italie), au lieu de trois mois raconte Mustafa, 35 ans, tunisien, charpentier et plombier. J‟ai vendu maison et biens mobiliers pour réunir les 2500 euros pour le voyage et confier ma femme et mes deux fils à un beau-frère, avec l‟espoir de trouver un travail en Italie. J‟ai tout perdu et risqué ma vie pour venir ici. L‟idée de devoir retourner est catastrophique.(cf http://www.storiemigranti.org). Comme à Comalapa (Mexique) il n‟y a plus de travail, les prix du café et du maïs ont grimpé et le gouvernement ne fait autre chose que promettre ; aucune industrie ne se développe et on ne s‟aperçoit pas que 2400 personnes partent vers les Etats-Unis ni non plus qu‟ils dépendent économi-quement des soldes qu‟ils nous envoient de là.” Ainsi Joaquin Lopez Lopez, mexicain, qui a tenté plusieurs fois de traverser la frontière (cf Comiato Chiapas).

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Je m‟appelle Cheikh Ndiaye Touré, sénéga-

laise, marchande ambulante. Nous avons

entrepris ce voyage à bord d‟une pirogue vers

les Iles Canaries (Espagne) avec le seul

objectif de trouver un travail qui améliorerait

nos conditions de vie. J‟ai payé 20 000 dolars

(740 euro) pour faire la traversée. Après 5

jours de voyage, nous avons été secoués par

un vent très violent qui a rendu notre route

impossible. Effrayés, nous avons contraint le

piroguier à changer de route. Notre espoir

s‟est volatilisé. Mais si l‟occasion se présente,

je retenterai l‟aventure. Ce ne sont pas d‟autres,

plus fortunés que nous, qui actuellement sont

en Espagne. Pourquoi pas moi ? ( Association France Presse). Aux sources de l’amour La réalité des migrations qui a marqué profondément l‟histoire d‟Israël et la première

communauté chrétienne trouve lumière en Jésus-Christ. Lui aussi a expérimenté la précarité d‟une condition de vie, qui n‟a pas

inspiré confiance sur les sécurités d‟une patrie ; Il naît et meurt comme un étranger. Pour Lui, le prochain est chaque personne en nécessité.

Les orientations pastorales pour les migrants dans l‟Eglise universelle et locale, invitent les

chrétiens à vivre l‟accueil et l‟hospitalité

envers l‟étranger, comme le disent les écrits

évangéliques : “Soyez attentionnés dans

l‟hospitalité” (Rm 12,13) Pratiquez l‟hospitalité

les uns envers les autres.(1 Pt 4,9) ;

“N‟oubliez pas l‟hospitalité ; quelques-uns en

la pratiquant ont accueilli sans le savoir” (Eb

13,2)

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ANNEE LVII MENSUEL / SEPTEMBRE-OCTOBRE 2011

Cela me concerne… Cela nous concerne

Le migrant est assoiffé de “ gestes “ qui lui font sentir qu‟il est accueilli, reconnu et valorisé comme personne. En réponse à cette demande, les personnes consacrées sont invitées à éduquer tout d‟abord les chrétiens à l‟accueil, à la solidarité et à l‟ouverture envers les étrangers, afin que les migrations deviennent une réalité toujours plus “significative” pour l‟Eglise, et que les fidèles puissent découvrir les graines du Verbe semées dans les diverses cultures et religions (cferga migrantes 96).

- Afin que la rencontre des divers peuples ne soient pas une occasion de tensions et de conflits, mais conduit à une harmonie conviviale, solidaire et humainement plus riche, une conversion de l‟esprit et du cœur est nécessaire.

- Si dans la vie de chaque jour nous savons accueillir l‟autre comme un don, les migrations seront aussi l‟occasion providentielle pour contribuer à construire une société plus juste, une communauté éducative plus accueillante et plus évangélique;

Comment vivons-nous l’accueil et la relation dans notre communauté éducative ?

- Le phénomène migratoire implique la nécessité d‟un engagement plus incisif pour réaliser les systèmes éducatifs et pastoraux en vue d‟une fondation à la “mondialité”, à l‟inter culturalité.

Quelles sont les expériences d’éducations interculturelles présentes dans notre communauté éducative ? Identifier quelques projets pour croître dans cet aspect.

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Patience et audace

Giuseppine Teruggi

“Il faut avoir le courage de recommencer toujours et encore”, déclarait Benoît XVI aux

journalistes durant le vol vers Chypre en 2010. S‟il y a un lien entre la patience, le courage,

l‟audace, c‟est l‟expérience qui le révèle, bien

mieux que ne le fait la parole. En témoignent tous les hommes et les femmes de tous âges et de tous temps. Ce sont ceux là même qui nous montrent le chemin. Mon nom est patience «On dit qu‟au paradis Dieu appelle chacun par

le nom d‟une vertu» écrivait le poètesse française Marie Noël (1883-1967) dans ses Notes intimes. «Il ne pourra m‟appeler

Espérance : je n‟ai vécu aucune joie sur la

terre ni au ciel. Ni Foi : je n‟en ai pas été

certaine. Ni Charité : j‟aime Dieu et mon

prochain avec parcimonie. Ni Générosité : j‟ai

tout compté, pesé, mesuré. Ni Zèle : je n‟ai

pas cherché à conquérir. Ni Pauvreté : je me complais dans mon bien être. Ni Humilité : je me complais dans mes pensées. Ni Sincérité : je ne suis pas sincère. Ni Science : je n‟ai pas

de mémoire. Ni Piété : je n‟ai pas d‟ardeur. Le

nom sera celui de l‟âne : Dieu m‟appellera

patience».

Aujourd‟hui la patience, mais aussi la

sagesse, la constance, ne sont pas à la mode. En réalité, ces vertus sont le fait de caractères grands et humbles, de ceux qui laissent une trace dans l‟histoire. Ces qualités ne sont

nullement populaires et ne sont pas le lot de tous. Chacun cependant est à même de se

former, de suivre une voie, d‟en faire un style

de vie, pour peu qu‟il y croie.

Notre société propose des modes, des rythmes de vie frénétiques : d‟une manière générale on

ne sait pas attendre, on veut tout “en temps

réel”, on s‟invective si dans une file l‟autre ne se

presse pas, on se lamente de “n‟avoir pas le

temps”. Réfléchir et surtout s‟imposer une

forme de patience peut paraître une furieuse extravagance pour celui qui n‟a pas grand

chose à faire. Pourtant un écrivain célèbre, Balzac, dans l‟un des trois contes des “Illusions

perdues” (1837-43) affirme : “La patience est, en effet, ce qui chez l'homme, ressemble le plus au procédé que la nature emploie dans ses créations”. Pendant la gestation, la mère attend 9 mois. Pour écrire un chef d‟œuvre, il faut des années; Pour construire une cathé-drale il faut des décennies. Pour modeler une personnalité réussie, il nous faut l‟existence tout

entière. Le sage connaît les rythmes et les temps de la vie, et cela engendre sérénité et confiance.

Les racines de l’audace

Enzo Bianchi donne cette définition de la patience : “une attention au temps de l‟autre, dans la pleine

conscience que le temps se vit au pluriel, avec les autres, faisant de ce temps une occasion de relation, de rencontre, d‟amour. C‟est pourquoi

peut être, à une époque fascinée par le «temps sans entraves», un discours sur la patience peut paraître aujourd‟hui hors de propos, ce qui le rend

d‟autant plus urgent et nécessaire.

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Nous sommes convaincus qu‟être patients ne

signifie pas être faibles, mais signifie que l‟on a découvert une nouvelle force intérieure. Il faut du courage et de la force pour savoir adopter une attitude calme et sereine face aux situations les plus variées, en particulier face aux imprévus et aux contretemps. Ou bien quand nous vivons la frustration de voir s‟évanouir des rêves long-temps caressés ou encore quand nous craignons de ne pouvoir accomplir de manière adéquate une obligation à laquelle nous tenons. Audace et courage Audace et courage agissent de telle sorte qu‟aucun danger ne nous effraie, que c‟est

sereinement que nous affrontons les risques, que ni les souffrances physiques ni les souffrances morales ne nous abattent et, plus généralement que nous savons regarder en face le danger, l‟incertitude ou l‟intimidation. L‟audace, c‟est le

courage et la promptitude à affronter les impré-vus ou les échecs en toute lucidité. La vie quotidienne est tissée de réalités triviales, d'une suite d'événements qui souvent mettent à l'épreuve notre résistance. L'aptitude à patienter permet de faire front avec lucidité et détermi-nation aux situations qui exigent une prise de décision. Et il faut patience et audace, aujourd'hui surtout, pour confronter la foi avec la raison et savoir répondre à ceux qui nous demandent quelles sont nos raisons de croire. Souvent on retient de la patience qu‟elle est une

vertu passive qui se traduit par une aptitude à attendre. En réalité, c‟est la capacité à savoir

gérer avec «art» nombre de situations variées sans perdre son calme ; c‟est le courage de

s‟observer soi-même avec ironie, de ne pas en attendre trop et de réussir à mettre en route sereinement un grand nombre d‟activités. Dans

la société chaotique où nous vivons, la patience est une valeur plus positive que jamais. Elle est signe de courage.

Un espace où s’entendre. Il est intéressant d‟observer comment les grandes religions peuvent établir une relation de complémentarité entre patience et audace. Cela permettrait de créer un socle commun de communication interreligieuse, aujour-d'hui essentielle. «Il y a le dessein de Dieu, auquel chacun appartient», affirme Gabriele Mandel, musulman et chercheur islamiste. «Dans le Coran il y a 99 noms de Dieu. Le dernier nom de Dieu est le Patient». L'impératif «Sois patient» est une constante dans l'Islam. Mais il est indubitable que la patience est l‟une des qualités essentielles

de l'être humain. Le Coran dit souvent : le vrai fidèle n'est pas celui qui prie tourné vers l‟Orient, ou vers l‟Occident, c‟est celui qui se

comporte bien, qui respecte ses engage-ments, qui ne lèse pas les autres, qui est patient. C‟est ainsi que la patience est la clé

de la sérénité». Force, résistance, mais non pas acceptation de l'injustice, l‟obéissance est la patience

selon l'acception juive pour le chef rabbin Laras, qui soutient : «En parlant de patience il me vient à l‟esprit une figure biblique

remarquable : Job. Le concept de patience n'est pas nécessairement lié à l‟acceptation passive et résignée de l‟adversité, au con-traire ; parfois, face à quelque chose d'injuste, on peut et on doit se révolter. Job est homme de foi, mais sa foi n‟est pas silence,

c‟est au contraire une foi qui réagit, au point

qu‟il se dispute avec Dieu. Puis, justement parce elle a été passée au crible de la raison, sa foi se renforce d‟autant». «Demain il fera meilleur qu'aujourd'hui» : c‟est la patience juive selon Riccardo Calimani, l'écrivain juif. Et cette patience est même probablement pour les Juifs, une méthode qui donne une impulsion définitive à leur vie.

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L‟impassibilité, la maîtrise de soi, la violence ne sont pas par contre les caractéristiques de la patience dans l'Hindouisme, alors que la bienveillance, la compassion, la tolérance sont prédominantes dans le Bouddhisme. «N'importe quelle action positive -affirme un célèbre texte du Bouddhisme- peut être anéantie par un seul moment de colère». Parmi tant de sentences de la pensée orientale, celle-ci souligne une manière d'être commune à notre propre culture. La colère est en effet, l‟une des racines du malheur, de la souffrance, de la discorde, de la violence. L'antidote contre la colère est la patience, qui n‟est pas passivité mais bien plutôt force et résolution du caractère. Pour le chrétien, la patience est liée à la foi : elle est persévérance, une foi qui dure dans le temps, l‟art d‟accueillir et de vivre des situations imparfaites. Greffée à la foi en Jésus, la patience devient «force dans la confrontation avec soi-même» (Thomas d‟Aquin), capacité à ne pas se laisser abattre par les difficultés, de «rester» dans le temps, de soutenir les autres et ce qu‟ils vivent. Patience, persévérance, audace sont étroite-ment liées. Traduire aujourd’hui une vertu antique Ils sont nombreux à retenir que la patience n‟est pas une vertu passive mais une attitude sage et constructive qui accompagne les pas de celui qui désire affronter la complexité de la vie. Sans aller au devant de continuelles frustrations. Il existe des indicateurs pour «être des personnes modernes et patientes aujourd‟hui», en ligne avec la réflexion de beaucoup de travaux de psychologie. J‟en énumère certains : Eviter les efforts inutiles : si la route que l‟on veut emprunter est impraticable, il est inutile de s‟entêter ; on ne ressentirait que de la frustration. Il vaut mieux s‟arrêter et attendre une meilleure opportunité. Ardeur et courage vont de pair mais pas quand l‟obstacle est infranchissable. Ne pas se fixer sur un seul objectif. Avoir un but dans la vie est indispensable. Entre le

départ et l‟arrivée, il y a beaucoup de chemin à parcourir et si l‟on est uniquement rivé sur le but final, on court le risque de perdre les occasions de choix qui peuvent se présenter au long du parcours. Ne pas être angoissé à l‟idée de faire un choix. Cela vaut surtout quand on entend s‟efforcer de faire coïncider au mieux tant d‟engagements quotidiens. En apprenant à gérer de concert des situations disparates et à donner la priorité à l‟essentiel, on apprend sûrement à devenir plus serein. Ne pas imaginer changer les gens. Espérer que les autres puissent changer est une attitude de patience passive et négative qui nous caractérise souvent. Il est sage par contre d‟accepter le fait que l‟autre ne deviendra jamais comme nous le souhaitons. Redécouvrir les côtés inédits de l‟autre. L'impatient est souvent une personne douée, qui sait obtenir ce qu'elle veut. Si cependant elle échoue, elle est vouée à la frustration et à l'échec chronique car elle voit l‟échec comme une défaite définitive. La patience est la capacité de se donner une seconde possibilité, en redécouvrant des capacités et des talents cachés. Vivre l'instant présent. Savoir assumer comme essentiel dans son existence le temps de l'autre, le temps de ceux qui nous sont confiés. Pour nous, ce sont surtout des jeunes. S‟en remettre avec pleine confiance à Dieu. Nous ne sommes pas des exécuteurs d‟ordre mais les explorateurs de voies qui mènent à la liberté, qui nous portent à une communion, qui nous conduisent les uns vers les autres et ensemble vers Dieu. Comme le dit Ermes Ronchi, cher-cheur de l‟ordre des Servants de Marie, «Dieu te confie à toi-même et à ta liberté, et il te soutient avec tous ses dons pour que tu saches discerner les voies à parcourir, et Il devient pour toi l‟embrasement du cœur, pour susciter la passion indispensable pour déplacer les pas de la fatigue, les sueurs du pèlerinage ». [email protected]

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Dans la mosaïque de l’Europe Mara Borsi

Interview de Sr Marisa Fasano (Italia), Inspection piémontaise, Sr Anna Gretkierewicz (Pologne) et Sr Horomsime Khachatrian (Arménie de la Georgie), Visitatoria de l’Europe de l’Est.

Quelle a été l’expérience pastorale la plus significative pour toi ? Sœur Marisa Pendant des années, j‟ai travaillé avec des jeunes de 14-15 ans à 20 ans et davantage, qui suivaient les cours dans le Centre de Formation Professionnelle où j‟ai été d‟abord formatrice puis responsable. J‟ai rencontré beaucoup de garçons et de filles qui cher-chaient à atteindre des objectifs clairement définis et qui étaient désireux de découvrir l‟avenir pour être constructeurs d‟une société meilleure pour tous. J‟ai aussi rencontré des filles et des garçons qui avaient “plus de difficultés”. Ils avaient rencontré tant de déboires dans leur vie que, souvent, ils arrivaient là après des échecs, avec le poids de problèmes trop lourds pour eux, manquant de confiance en eux et dans la vie, en plein désarroi, mais avec de nombreuses capacités et ressources, des rêves dont, souvent, ils n‟avaient pas conscience. Avec ces jeunes, nous avons cherché à réaliser un parcours de croissance, en plus de l‟acquisition de com-pétences professionnelles. Je dis bien “nous avons” parce que j‟ai toujours partagé cette mission avec une équipe de formateurs qui,

chaque jour, pariaient sur ces jeunes et se donnaient à fond pour “trouver” la meilleure façon de les rejoindre tous et chacun, là où ils en étaient. Bien plus que les paroles, nous l‟avons constaté, ce sont les faits : “être là”, rester avec eux, dans les moments libres ou obligés, au-delà des horaires et des programmes, s‟intéresser à chacun d‟eux, “unique et irremplaçable” ; croire que chacun d‟eux a en lui de grandes possibi-lités à découvrir et à mettre en valeur. Sr Anna Pour moi, l‟expérience la plus forte a été celle de Moscou (Russie). Quand j‟y suis arrivée, comme missionnaire, l‟unique Eglise catholique que le gouvernement devait restituer, était encore un bâtiment avec plusieurs étages et bureaux. La Sainte Messe était célébrée à l‟extérieur sur les marches de l‟édifice. Je peux témoigner de la lutte des catholiques pour récupérer du gouvernement la totalité de l‟édifice. Quand ce rêve s‟est réalisé, j‟ai eu une très grande émotion en voyant les gens, les larmes aux yeux, venir aider à rénover cet édifice. Aujourd‟hui, cette église est la Cathédrale de Moscou, rénovée, bien entretenue. Ces années passées à Moscou m‟ont apporté beaucoup de force et d‟assurance. Sr Horomsime J‟ai peu d‟années de profession, une expérience limitée : cela ne me permet pas de donner un avis, mais je suis enthou-siaste pour la mission salésienne.

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Quels défis, besoins, attentes, as-tu rencontrés dans la mission parmi ces jeunes ? Sœur Marisa Le défi quotidien, l‟appel constant pour nous, éducateurs et formateurs, c‟est de prendre appui sur le point accessible au bien en chacun, c‟est de valoriser le positif qu‟ils savent exprimer, c‟est de leur faire prendre conscience qu‟ils ont de la valeur. La complexité a été une constante : hétérogénéité des personnes et de leur problématique, la relation et la collabo-ration avec la famille de référence difficile à construire ou même inexistante, le manque de moyens pour faire face, de façon adaptée, aux problèmes de chacun. Ces dernières années, nos groupes sont devenus interculturels et interreligieux, d‟où l‟exigence de savoir concilier l‟accueil et le respect de la diversité. L‟attention à chaque personne : il faut savoir stimuler les plus capables et encourager les plus faibles, pour que les uns et les autres s‟adaptent mutuelle-ment et s‟entraident. Le manque de temps : au milieu de tant de choses à faire, nous sommes limités avec le risque de négliger les jeunes qui nous sont confiés, de ne pas réussir à leur donner ce dont ils ont besoin et ce qu‟ils attendent de nous. L‟aspiration, plus ou moins explicite en chacun des jeunes rencontrés, c‟est de pouvoir s‟insérer positivement dans la société et d‟être pleinement heureux, en découvrant un sens à sa vie et Celui qui peut lui donner pleinement son sens. Sr Anna J‟ai travaillé en Russie et en Géorgie. Dans ces pays, j‟ai vu que les jeunes désirent être libres, vivre avec dignité, avoir un travail correctement payé, sans être exploités, discriminés à cause de leur nationalité ou de leur religion. Les véritables défis pour la mission ce sont : la peur de l‟avenir, le manque de sens, l‟émigration, beaucoup de jeunes veulent partir pour avoir de meilleures conditions de vie.

Sr Horomsime Le premier défi à affronter, c‟est d‟orienter les jeunes dans leur recherche de liberté et dans la réalisation de leurs attentes. Il est indispensable, dans les Pays de l‟Ex-Union Soviétique, de contester la corruption, la pauvreté, la paralysie de beaucoup de projets d‟éducation, la bureaucratie.

Que vois-tu comme signes d’espérance dans la réalité que vivent les jeunes là où tu vis ? Sœur Marisa Il est certain que, dans chaque jeune, il y a un point accessible au bien, donc aussi dans la génération du 3e millénaire. Sœur Anna Ma raison d‟espérer, malgré les difficultés, ce sont des jeunes qui veulent connaître Jésus. Ils demandent à participer à des rencontres de formation : catéchèse, prière, école d‟animateurs. Quelques-uns, quand ils ont un peu de temps libre, viennent le passer chez nous, disant qu‟ils s‟y sentent bien et y sont heureux Sr Horomsime En fait, beaucoup de jeunes que je connais apprécient beaucoup les adultes capables de les éduquer. Cela me remplit de confiance. C‟est une“ chance” parce que c‟est un vrai changement. Beaucoup de jeunes émigrent à la recherche d‟une vie meilleure. Mais il y en a aussi qui revien-nent parce qu‟ils veulent partager avec leur compatriotes les richesses découvertes ailleurs.

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Mes chers enfants, de près ou de loin, je pense toujours à vous. J‟ai un seul désir, celui de vous voir heureux dans le temps et l‟éternité. Le bonheur des jeunes, c‟est le plus grand désir, la passion de Don Bosco. Un bonheur qui ne soit pas le fruit de mirages ou d‟éclairs, qui ne s‟achète pas, qui est à rechercher au fond de soi-même, à accueillir comme l‟appel pressant à “être davantage“, qui doit être conquis jour après jour avec patience et persévérance. Il a le goût du don et de l‟engagement, du progrès et de l‟émer-veillement.Il n‟y a pas de bonheur sans capacité de reconnaissance, de remerciement. Un bonheur qui ne s‟épuise pas en un instant, “tout, tout de suite”, dans un présent si vite passé qul n‟existe plus mais qui se déploie en un “présent”, dans l‟aujourd‟hui de Dieu qui est tout à la fois “temps et éternité”.

Une vie faite pour le bonheur Eduquer, pour Don Bosco, c‟est une véritable expérience spirituelle est conciliante s‟expri-mant dans un amour gratuit qui procède de la charité de Dieu, Lui qui est doux et patient, miséricordieux, qui fait confiance, prévient chaque créature par sa Providence ; qui l‟accompagne de sa présence, la sauve en lui donnant la vie, la recherche du bien des jeunes ; c‟est le désir qui guide et accompagne Don Bosco, qui le pousse à s‟interroger, à chercher la volonté de Dieu, à partager sa soif de Jésus pour les âmes “Da mihi animas cetera tolle”. Comme Don Bosco tout éducateur salésien a des yeux pour voir où en est le jeune, de la sagesse pour comprendre ce qu‟il lui faut de cœur pour découvrir en tous les germes du bien et de la patience pour réveiller en chacun cette aspiration au bonheur, qui ne sera seulement satisfaite lorsqu‟il aura découvert le ׆ .

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Sens de sa vie et rencontré l‟ami qui le comprend et l‟accueille en toute vérité et profondeur. Son nom est Jésus, son visage celui du Ressuscité, son cœur celui du Bon Pasteur qui connaît personnellement, aime, accompagne et soigne les blessures des jeunes et de l‟humanité d‟aujourd‟hui, là où se révèle le désir de l‟infini, la grandeur de l‟homme, mais où également on se heurte à des limites imprévues et imprévisibles. .

En 1855, Don Bosco emmène pour une promenade les jeunes de la „Générale‟, la prison des mineurs en ce temps là. Une journée dans les champs et les bois. Les jeunes, renonçant à l‟opportunité de fuir facilement, le soir retournent tous à la prison. Le ministre Rattazzi reçut Don Bosco pour un entretien et lui demanda d‟où lui venait un tel ascendant sur les jeunes. Il répondit : «Notre force est une force morale. A la différence de l‟Etat qui peut seulement commander et punir. Nous parlons surtout au cœur de la jeunesse. Et notre parole c‟est la Parole de Dieu. »

L‟essentiel, dans le système éducatif de Don Bosco c‟est la religion associée à la raison et à la douceur (amorevolezza), une religion où trouver les causes, le sens de la vie, de l‟éducation de toutes les petites et grandes choses que l‟on fait jour après jour. Cette religion guidée par la raison et non par des rites, sera simple, essentielle, joyeuse, respectueuse du vécu et du langage des jeunes. Elle doit conduire le jeune à entrevoir le mystère qui entoure sa vie, celles des autres, celle du monde qui l‟environne. Elle se résume en ces deux expressions : amour de Dieu, amour du prochain. Elle s‟exprime en une liturgie sobre, dynamique qui entraîne l‟esprit et le cœur, atteint toute la personne et se prolonge dans le vie vécue comme don et service.

Dominique Savio l‟a très bien compris : «Ici

nous faisons consister la sainteté dans le fait d‟êtrre toujours joyeux». Don Bosco souhaite aux jeunes Soyez joyeux, de ce bonheur qui englobe même les souffrances : un bout de paradis arrange tout.

L’annonce de Jésus Cœur de l’éducation de Don Bosco L‟intuition de Don Bosco est claire : l‟annonce de l‟Evangile, c‟est l‟actre le plus gratuit. Aimer quelqu‟un c‟est vouloir son bien, c‟est luii permettre de découvrir que l‟aspiration profonde d‟espérance et de sens qui parcourt son existence, ce besoin de réponse. Au milieu d‟une multitude de discours, Don Bosco offre aux jeunes la parole de Dieu en dialo-guant de façon contagieuse, entraînante. Une contagion de foi. Comme une bougie qui s‟allume quand on l‟approcher d‟une autre déjà allumée, ainsi le jeune allume sa foi à celle de ses éducateurs.

Le choix privilégié des jeunes, nous fait redécouvrir l‟urgence de parler de Jésus. Jésus est un ami important et nous sommes heureux d‟offrir à tous cette même amitié. Nous parlons de Jésus et nous voudrions que chaque jeune puisse le rencontrer au cœur de son existence.

On a écrit : Don Bosco, c‟est l‟union à Dieu, il vit son quotidien comme s‟il voyait l‟invisible En vérité, amener le jeune à rencontrer Jésus c‟est le cœur de l‟éducation salésienne, c‟est lui offrit des raisons d‟espérer dans le présent et la possibilité d‟envisager avec confiance son avenir [email protected]

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Femmes sur les routes d’aujourd’hui

Paola Pignateli, Bernadette Sangma

Des pas de femmes sur les routes d’aujourd’hui. D‟abord un souhait que nos lecteurs, nos lectrices prennent le temps de répondre à une question avant de poursuivre : en parcourant les routes actuelles sur les pas des femmes, quelles traces nous apparais-sent…? A la lecture des articles quotidiens ne vous semble-t-il pas que prévaut la tendance à souligner les situations qui présentent, comme des victimes, les femmes, les jeunes filles, les fillettes… ? Ce n‟est pourtant pas là toute la réalité ! Descendons donc sur les routes de chaque jour où se joue l‟existence de tant de femmes et jeunes filles pour écouter l‟histoire de ces vies qui émergent même de ruines humaines. Photographes pour la découverte de d’elles-mêmes C‟est l‟initiative d‟une organisation nommée Aawaz-e-Niswaan, située au seuil de la ville de Mumbzai ; L‟activité concerne seize femmes musulmanes. Des femmes qui, avant, ne savaient même pas tenir un appareil photographique, mais que l‟aventure enthousiasmante a trans-formée en apprenties rapides et douées. Parlant de la qualité de leurs photos, leur professeur, Sudhakar Olwe, dit qu‟aucune des

photographies n‟a besoin de retouche ni pour la forme, ni pour les couleurs. Encore plus impressionnante la manifestation de leur joie quand elles se révèlent à elles-mêmes. Parmi ces seize femmes, Rubeena, lorsqu‟enfin elle a

eu le courage de laisser son mari violent, elle alors retrouvée seule et déprimée. Pour elle, la photo-graphie a tenu le rôle de soutien. Elle avoue : «J‟ai pris un millier de photos en l‟espace de trois mois. Mon appareil était devenu ma voix et les photos ma parole». D‟accord avec ce que dit Rubeena, Nilofer Shaikh affirme que, pour elle, l‟art de la photographie «c‟est le lieu où elle est vraiment elle-même». Les photographies sont des fenêtres sur leur vie. Les images révèlent ce qu‟elles n‟ont jamais raconté de leur existence. «Personne ne nous demande comment apparaît la vie derrière la burkha. C‟est donc là une vraie chance pour présenter aux gens le monde comme nous le voyons» dit Shaikh. «Savoir photographier me donne confiance pour prendre les décisions qui me concernent» ajoute Rubeena, avec un sourire.

Du veuvage à la petite entreprise Il s‟agit d‟un groupe d‟auto-assistance promu par une ONG diocésaine appelée Bakdil dans la ville de Tura dans l‟Etat de Meghalaya, au nord-est de l‟Inde. Il se compose de onze femmes dont huit veuves. Leur douleur commune depuis la mort de leur mari devient la trame où s‟entrecroisent des fragments de leur vie, en leur donnant de nouvelles couleurs, des énergies et des buts renouvelés pour poursuivre le combat pour elles-mêmes et leurs enfants. Elles se rencontrent régulièrement pour programmer des activités ensemble qui vont de la vente de vêtements ou de volailles à la confection de plats, de boissons ou autres, selon la demande du marché local. En trois ans, le groupe a réussi à épargner une somme de 44.000 roupies (environ 1000 $ en

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plus de leur salaire mensuel de 1445 roupies (environ 33 $) sans compter les gains personnels des participantes qui augmentent grâce au crédit qu‟elles se font entre elles à tour de rôle.

Une ”Fée Turquoise” pour les prisons Cette fée est une dame qui s‟appelle Monica Cristina Gallo, Une femme de Santo Stefano Belbo, petit village perdu dans le nord de l‟Italie. Son projet concerne la prison “Le Vallette” de Turin. Il vise les prisonnières et leur capacité à retrouver leur féminité en donnant cours à leurs dons cachés pour faire, pour créer. Elle a imaginé “l‟Art du Siège” : un projet né de l‟exigence de sauvegarder et de mettre en valeur une partie du mobilier, qui traînait dans l‟ancienne prison “Le Nuove” de Turin, des-tiné à la casse : des fauteuils de cinéma… Chaque détenue a pu disposer d‟une série de quatre fauteuils. Grâce à un processus de création par le découpage, avec imagination et créativité, chacune a pu expérimenter des moyens à elle pour réaliser quelque chose qui réponde à ses propres souhaits artis-tiques. Une sorte de thérapie par l‟art, comme moyen de réhabilitation psychique et physi-que pour ces femmes qui ont su transformer de la marchandise de marché en œuvres d‟art personnelle. Des femmes qui, par leur participation, ont entamé un changement, même symbolique : une „re-construction‟, pas seulement de vieux fauteuils abandonnés, mais surtout d‟elles-mêmes ! Ainsi des sièges anciens ont trouvé une autre vie, celle de véritables œuvres d‟art et de „design‟ après leur exposition dans des lieux de prestige comme le Théâtre Royal, le Musée des Antiquités, le Palais Madame et le Cercle des Lecteurs ! Les femmes sont créatrices

Ces quelques histoires sont des fragments

d‟un grand univers de créations féminines. Gouttes dans un océan qui montrent les riches intuitions et l‟insondable capacité féminine pour trouver des réponses adaptées aux problèmes de leur vie, de celle de leur famille et de leur communauté. De belles histoires abondent partout !

Au niveau des idées, des concepts, des stra-tégies, on voit émerger l‟originalité de la pensée féminine capable de faire découvrir des aspects que l‟on n‟avait jamais étudié de créer du neuf.

En tant qu‟éducatrices et communuatés éduca-tives allons découvrir ces lignées de femmes qui ont enrichi l‟humanité avec leur “génie féminin”, comme le rappelleJean Paul II.

Connaître leur vie, leur exemple, peut être une précieuse ressource de laquelle s‟inspirer pour que naisse en nous, FMA, dans les jeunes filles et jeunes femmes une identité féminine, libre et créatrice, capable de donner des ailes pour atteindre les sommets d‟une humanisation pleinière, pour l‟homme comme pour la femme.

Allons-nous accueillir ce défi ? Ou bien donnerons-nous naissance à de subtils sentiments d‟inadaptation, d‟une humilité maladive, de réserve qui fait de nous des victimes avant même notre premier pas, notre première parole, notre premier geste ? Il ne s‟agit pas de se lancer dans des batailles pour défendre “l‟égalité des chances” ; les chances peuvent aussi demeurer “inégales” et variées dans un monde différent et pluriel, l‟important c‟est d‟être de plus en plujs conscient que “l‟opportunité” est un mot féminin et, qu‟en réalité, être femme c‟est bien, une opportunité ! [email protected]

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L’eau : un bien commun Anna Rita Cristaino

«L‟eau par sa nature même ne peut être traitée comme une simple marchandise parmi d‟autres. Son utilisation doit être raisonnée et solidaire» (Résumé de la Doctrine Sociale de l‟Eglise n° 485).

L‟eau est une ressource indispensable pour la vie et pourtant elle risque de devenir un bien toujours plus rare et plus cher. Déjà on l‟a baptisée or bleu et pétrole du XXIe siècle et elle risque de devenir l‟acteur principal d‟un business qui n‟apporterait des bénéfices financiers qu„à des multinationales, des sociétés ou des spéculateurs. Il y a dans le monde une véritable course à l‟eau. Bien que la superficie de la terre soit couverte à 71% d‟eau, il s‟agit de 97,5% d‟eau salée. L‟eau douce est retenue pour 68,9% dans les glaciers et les neiges éternelles, pour 29,9% dans le sous sol et à peine 0,3%se trouve dans les fleuves et les lacs, donc potentiellement disponible. Cela ne représente que 0,008% de l‟eau totale de la planète ; une quantité vraiment dérisoire et répartie de façon inégale sur la surface de la terre.Toujours plus rare et plus précieuse, l‟eau va devenir la source de conflits futurs dans le monde. Le 28 juillet 2010, l‟Assemblée des Nations Unies, à New York, a pris une déci-sion historique en approuvant une résolution qui reconnaît l‟accès à l‟eau potable et aux services d‟hygiène sanitaire comme l‟un des, droits humains fondamentaux». .

Les multinationales savent bien que le réchauffement de la planète amènera la fonte de névés et des glaciers et donc qu‟une bonne partie des sources d‟eau finiront par disparaître. C‟est pourquoi elles cherchent à mettre la main sur le plus possible d‟eau.

Le Père Alex Zanotelli, missionnaire combo-nien, qui se bat depuis toujours pour les droits des populations, surtout du Sud, quand on l‟a interrogé sur la question de la privatisation des sources d‟eau et de leur utilisation a dit : «Les victimes de la priva-tisation de l‟eau sont les classes sans pouvoir du Sud du Monde, surtout les pauvres. Si aujourd‟hui, nous avons des dizaines de millions de morts de faim, demain nous pourrions en avoir des cen-taines de millions à cause de la soif. Cela devient un problème éthique, moral et même spirituel. Saint Augustin disait que la pre-mière Bible que Dieu nous a donnée c‟est la Création. Il faut rendre à la terre et à l‟eauleur caractère sacré d‟autrefois. D‟où le rôle fondamental de la présence des religions. Nous avons une mission globale»

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Routes et sentiers du continent numérique

Lucy M. Roces

Quiconque a déjà conduit sur une route inconnue en suivant les indications du GPS, sait combien il est frustrant, parfois même déconcertant de se retrouver devant une voie fermée. On ne peut en sortir qu‟en faisant marche arrière alors que la voix du navigateur satellite s‟obstine à psamoldier l‟avertissement : “suivez le parcours !” De même il peut nous arriver de nous retrouver sur des sentiers inconnus et parfois inquiétants du continent numérique ; continent par ailleurs en perpétuel mouvement. Pour pénétrer de la meilleure manière possible sur ce territoire, il faut savoir quelles sont ses consignes à mettre en oeuvre, aptes à susciter l‟intérêt de la communauté ecclésiale. La «jeunesse» relative du Réseau ne permet pas de se référer à des théories ou à des pratiques éprouvées, il s‟agit par contre d‟avoir une attitude de recherche et d'expérimentation constantes, une souplesse qui permette d‟adapter en permanence non pas tant le message à transmettre que la manière de le transmettre et les stratégies à suivre. Les générations d‟adolescents et de jeunes vers qui nous sommes envoyées “habitent” naturellement sur ce nouveau continent. Benoît XVI l‟a bien compris, quand il affirme que les jeunes se trouvent “en symbiose avec ces nouveaux moyens de communication” et qu‟il leur revient en particulier la tâche d‟évangéliser le continent digital. Ils ne sont pas les seuls : comme adultes, nous nous trouvons face à une opportunité de taille, en matière d‟évangélisation et d‟éducation du “continent” plus salésien.

Nomades des temps et des espaces Pour les jeunes habitants du monde digital, il n'y a pas de séparation entre les deux mondes, le réel et le virtuel, mais il serait plus approprié de dire «dans» et «hors» du Réseau, parler de l‟«online » et de l‟«offline» de la connexion. Les jeunes générations évoluent dans un univers unique dont les medias sont un composant à part entière. Notre tâche par conséquent est de compren-dre «comment» ils évoluent dans cet univers, comment précisément ils mettent en acte des formes d'«adaptation créatrice» correspondant à leurs besoins, mais aussi quelles sont les limites et les ambiguïtés.

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Selon Chiara Giaccardi Ŕ docteur en sociologie de la communication de masse et auteur pour l‟Office national des Communications sociales de la Conférence Episcopale italienne, de deux recherches : Relations communicatives et affectives des jeunes dans le scénario numé-rique et l‟identité numérique : la construction de soi et des relations entre online et offline – il existe une “nette continuité entre les dime-sions offline et online de la relation : ce ne sont pas des mondes parallèles qui s‟élaborent dans une relation mutuelle problématique (relation de substitut, de substitution), mais il existe un seul espace réel d‟expérience avec des articulations variées, unifié par les habitudes et les relations”. Il en émerge une “individualité relationnelle” où l‟individu “n‟est pas intégral” ni absorbé dans le groupe, mais établit sa propre identité sur la relation, à travers une gestion mesurée de ses propres traces identitaires, dans les relations avec les autres”. L‟univers technologique ne détermine pas le mode des relations, c‟est plutôt la relation qui modèle l‟univers, en regroupant les divers espaces en un monde de relations. Une nouvelle manière d’“habiter la cité” Si du Réseau nous arrivent de bonnes nouvelle », nous pouvons nous demander quelles sont dans un contexte nouveau toujours en devenir, les con-

ditions pour un nouvel humanisme, pour des actions, des relations et des pratiques qui soient capables d‟enrichir notre humanité, qui promeu-vent la personne dans son intégrité, qui laissent un espace ouvert à la transcendance, faute de quoi l‟humanisme se déshumanise. Il faut dépasser la dichotomie qui définit le Réseau comme un monde individuel/collectif, publique/privé, particulier/universel. Par contre, on peut avoir une influence sur la disposition des jeunes à nouer des relations y compris dans un univers construit sur des échanges ainsi rédigés : «Ils y sont, ils sont ici, vous où êtes-vous ?». «Ni individu ni tribu, donc, mais des cercles qui se recoupent, des degrés de proximité dans un univers structurellement relationnel, où “être” signifie “être-avec” ». Pour ne pas être totalement noyé dans les procédures du système, il importe d‟avoir “un point de référence” extérieur au web, qui permette l'ouverture d'un espace de liberté, pour que le Réseau ne devienne pas un “repaire”, mais la voie à suivre de préférence, pour vivre l'altérité. Cette altérité qui seule, comme l‟écrit Lévinas, offre une possibilité de proximité et de fraternité.

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A la recherche du bonheur

Anna Rita Christiano

Voyager devrait tojoutrsêtre un acte d’humilité (Guido Piovene)

C‟est intéressant de passer quelques heures dans les gares, ou dans les aéroports. Heures d‟attente, qui semblent vides, où vous vivez un temps suspendu entre un passé Ŕce que j‟ai laissé, même si pour peu de temps- et un, non encore là, ma destination. Tout dans l‟intervalle, n‟est que kilomètres de routes, ponts, monts, collines, nuages. Tandis que nous attendons notre train ou notre avion, ces moments sont, pour nous, le moyen de communication le plus important capable de mettre en relation deux morceaux de notre terre, de notre monde, de notre vie. Il y a encore d‟autres moyens de transport : navires, autos, bicyclettes, motos… mais qui ne permettent pas l‟attente dans les gares ou les aéroports. Ceux sont des lieux qui n‟appartiennent à personne, ni qui part, ni à qui arrive. Des lieux où à la fois se passent des drames mais aussi des comédies. Rencontres heureuses et partages de douleurs. Morceaux de vie qui se croisent, rencontres attendues, adieux non programmés. Etre là, seul en attente de partir, Même quand le train ou l‟avion part avec un retard considérable, c‟est l‟occasion d‟observer, d‟entrer sans être vue dans la vie des autres, mais seulement en tant que spectateurs inoffensifs, sans prétention de protagonistes. Alors se lisent sur les visages des personnes qui remplissent les quais ou les salles d‟attentes toute la gamme des émotions que

chacun possède : l‟ennui, l‟espoir, la joie, le soulagement, l‟apathie, le regret, l‟amour, l‟affection, l‟amitié, la colère, la résignation, etc. Cette intersection des vies peu être aléatoire. Mais parfois, il semble que quelqu‟un est venu là juste pour nous rencontrer. Alors paroles, regards, heurts, deviennent dialogues, opportunités de connaissances et surtout de partages. La métaphore du voyage est toujours très fascinante. Surtout quand on est jeune, on s‟imagine que l‟on est libre de se déplacer d‟un endroit à l‟autre pour explorer des lieux inconnus, des cultures différentes, des personnes qui peuvent nous enrichir de leur vie. On laisse un lieu où l‟on croit comprendre tout ; où tous nous connaissent, où peu est laissé à l‟étonnement. On cherche un lieu où, au contraire, on peut recommencer. On arrête tout. On attend que le nouveau arrive. Chaque expérience de voyage est comme un tatouage dans notre vie. Il nous apporte quelque chose. Même les petits voyages entrepris par nécessité. Même ceux que l‟on fait chaque jour pour aller au travail .Ils sont toujours nouveaux et différents. Dans tout voyage, on peut croiser, dans un endroit parfait et défini, la vie d‟autrui. Chaque voyage me parle d‟un moment unique qui ne passera pas une seconde fois. La Bible aussi est riche de voyages. Exodes intérieurs et extérieurs de qui décide de laisser la sécurité pour l‟incertitude. Chemins de qui sait regarder vers l‟avenir, comme le prochain objectif à atteindre, ne s‟emparant pas de ceux déjà acquis. Et qui vit libre. Si on regarde la vie de tous les jours, on trouve beaucoup de petits voyages à entreprendre, même ceux de personne à personne.

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Paul le sait. Chaque jour, plusieurs fois par jour, il prend la route qui le conduit à rencontrer, à la gare, qui a décider d‟y rester pour y vivre. Parmi ceux qui n‟ont rien à laisser, mais n‟ont personnes vers qui aller. Paul traverse la vie. Beaucoup de ces personnes perdent le sens d‟appartenance à un lieu, elles ont perdu le sens d‟elles-mêmes. Elles ne sont ni partis ni arrivés. Elles ont décidé de rester à mi-parcours. Pour Elles les trains sont seulement une compagnie, des tôles qui se placent à des rythmes précis. Les personnes qui se pressent à monter ou à descendre, sont seulement des étrangers pour lesquels, eux sont invisibles. Paul, lui n‟est pas un étranger. Lui est une personne qui, chaque jour entreprend des voyages d‟amitié, à travers les sentiers qui mènent à l‟invisible, ou mieux … “ à ne pas te voir”, à…“te connaître”. Paul connaît presque tous par leur nom. Georges, ex-avocat, a fait faillite d‟un investisse-ment qui l‟a rempli de dettes et sa femme l‟a laissé. Marie ne se souvient plus du jour où elle a commencé à rester à la gare. Peut-être était-

elle là pour partir, mais a eu peur, et s‟arrêta. Puis il y a Jacques, Raphaël, Marc. Il y a celui qui s‟organise pour trouver quelque chose pour survivre ; Ceux qui tentent d‟oublier le monde et se mettent à l‟alcool ou à la drogue. Ce qui se lit de façon claire sur leur visage est la solitude. Là, se lit dans leur regard et se voit dans tous les plis de leur visage. Paul et avec lui, les autres bénévoles des nombreuses association catholiques ou non, qui prennent à cœur le sort de chacun d‟eux, chaque jour commence le voyage pour entrer dans des rainures de souffrances et d‟isole-ment, et chaque jour le dialogue est le même. “Encore aujourd‟hui tu es là ? ” …Encore aujourd‟hui je suis là”.

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Analyse de

Mariolina Perentaler

Une recherche fascinante sur le pouvoir Tom Hooper, 38 ans, metteur en scène anglais mais de mère australienne, a réalisé “ce film visuellement magnifique et noble “ avec l‟aide de grands acteurs, mais surtout grâce au superbe scénario écrit par David Seiddler âgé aujourd‟hui de 73 ans. Ce dernier est devenu bègue dès son enfance durant la guerre, et ses parents l‟ont encouragé à écouter les discours du roi, retransmis à la radio, pour lui servir d‟exemple et l‟aider à surmonter lui-même ce handicap. Après de longues recherches, au cours des années 90, il est parvenu à retrouver et à consulter le journal de Logue Ŕl‟ortho-phoniste mythique du roiŔ et il a demandé

à la reine mère l‟autorisation de faire un film sur cette histoire extraordinaire. “De grâce, pas tant que je suis en vie, car ce serait trop pénible pour moi” a répondu la reine, et Seidler, loyal sujet du roi, respecta cette volonté jusqu‟en 2002 où il a commencé à se mettre au travail. Le discours d‟un Roi est un film historique, très émouvant, d‟une grande élégance visuelle, mais surtout, c‟est une réflexion étonnante sur l‟outil que représente la voix et sur le pouvoir de la parole. “Le peuple a besoin de croire, de se fier à un guide”, déclare Bertie à l‟orthophoniste. Peu importe que cette confiance repose sur une réalité, il faut que le peuple y croie. Voici pourquoi le Roi -et tout dirigeantŔ doit veiller à ce qu‟il dit mais plus encore à le bien dire.

Appelé à devenir le roi George VI après l’abdication de son frère, il est terrorisé par dessus tout par la néces-sité de devoir exer-cer le pouvoir par le biais de la parole. Il est paralysé par l’angoisse lorsqu’il se retrouve der-rière le micro de

la dernière conquête technologique : la Radio, déjà souveraine incontournable. Cependant, la nécessité s’en faisant sentir de manière urgente, il est contraint de recourir malgré lui aux services d’un orthophoniste australien peu ordinaire, Lionel Logue.

La reconstitution de l’époque est exemplaire, les caractères et les comportements collent à la situation, le discours du roi conquiert, l’œuvre

est intelligente et touchante.

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DISQCOUR D’UN ROI

de Tom Hooper - Grande Bretagne 2011 Ce film a du succès pour de multiples raisons : l’œuvre est d’une rare beauté et d’une sensibilité encore plus rare. La critique le souligne unanimement et avec insistance, mettant en particulier l’accent sur trois points essentiels : le film passe avec art du drame à la comédie sans jamais oublier qu’il s’agit de l’évocation de faits réels. C’est un film historique sans les démonstrations pesantes et la complaisance qui caractérisent les grands films du genre ; il en résulte un exemple rare de légèreté et d’humanité au point que le spectateur en vient à la fin à applaudir. L’histoire, comme le montre le récit, se situe dans l’Angleterre des années trente du siècle dernier et concerne le prince Albert – Bertie, comme on l’appelle affectueu-sement dans sa famille– second fils du roi George V, et affecté et affligé depuis l’enfance d’une grave forme de bégaiement.

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Le récit se développe en fait à travers l‟évocation de deux des discours les plus

importants de Bertie. Le premier, filmé au début est un véritable désastre : il provoque la pitié et la déception parmi les sujets et aristocrates, parce que le roi ne réussit pas à le prononcer. Le second, par contre, avec l‟annonce au peuple de la guerre contre

l‟Allemagne, appartient à la séquence finale

qui monte en crescendo au point qu‟il

suscitera les applaudissements. Dans la même optique, le film prend tout son sens au cours d‟une scène où la famille

royale regarde un ciné-journal qui transmet des images d‟Adolf Hitler alors qu‟il harangue

la foule, naturellement en allemand. “Mais

que dit le Führer avec tant de fougue ?” demande au roi George la petite Elizabeth, qui a treize ans à l‟époque (qui règne

aujourd‟hui). “je ne comprends pas ce qu‟il

dit, -répond son pèreŔ mais il le dit bien.

Pourtant, le film de Tom Hopper et de David Seidler n‟est pas uniquement l‟histoire

magnifiquement réalisée tant sur le plan de l‟écriture que de la narration, d‟un homme

contraint à vaincre sa propre difficulté à s‟exprimer. L‟histoire n‟est pas non plus limitée au seul

récit de l‟amitié peu conventionnelle du roi

avec Legue, l‟orthophoniste qui parviendra à

l‟aider. Une autre histoire plus masquée s‟affirme en filigrane : s‟il est vrai que le

pouvoir s‟exerce par le contrôle politique de la

parole et de la mise en scène, il faut encore davantage que celui qui en dispose l‟exerce

dans le respect des sentiments humains fondamentaux : l‟amour conjugal, l‟amour des

enfants, l‟amour de ceux que l‟on est amené à

côtoyer avec confiance et humilité, tel Logue, même s‟ils sont dépourvus de tout titre

nobiliaire ou autre. Un beau film dont il faut profiter et dont il faut parler.

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POUR FAIRE PENSER

L’idée du film Une nation qui retrouve la voix”: le second fils du roi George V aurait voulu seulement rester muré dans le silence, faire oublier au monde qu’il avait lui aussi une voix. Malheureusement, le moment est venu où il faut faire usage de sa voix. Une nécessité acca-blante, tandis que son frère si communicatif fait publiquement part de sa décision d‟abdiquer, se jugeant incapable de se charger des affaires du pays. C‟est ainsi que le roi à la voix balbutiante par intermittence, devra “demander de l‟aide”. Il devra la demander et l‟accepter de l‟un quelconque de ses sujets pour que le traitement suivi l‟aide à développer ce qui, à la veille de la Seconde Guerre Mondiale, se révèle être la véritable “capacité”, la plus importante pour un représentant de la couronne : réussir à unir ses sujets avec la force de persuasion que donnent la voix et la parole : “le micro de la radio est comme l‟épée Excalibur, le sceptre et la couronne” Ŕ résume avec justesse la Revue du Cinéma Ŕ pour que le pouvoir s‟exerce, s‟exprime, se renforce à travers la communication directe et à distance.

Le rêve du film La capacité à se servir de la radio – comme chacun des outils médiatiques – pour la vérité et pour le bien, révélant la réalité humaine, concrète et aléatoire du pouvoir de tout “Roi”.. La radio contraint George VI à se révéler tel qu‟il est et à transformer profondément sa manière d‟être. En ce sens, la radio représente et encourage une révolution éthique forte et provocante, tant sur le plan de l‟image que sur le plan du rôle de la famille royale : “qui devient, après avoir été l‟expression mystique d‟un pouvoir semi-temporel, le symbole concret de l‟unité nationale mue par le devoir historique d‟être le point d‟ancrage d‟une nation qui souffre ”. Le film nous intéresse également du point de vue de la psychologie de ce “déplacement de la signification de l‟idée de souveraineté”, quand sont filmées dans leur quotidien les rechutes de Bertie, le “néo-monarque”. Hooper est attiré “par les failles de la sphère publique et les pièges de la sphère privée”, précise la critique, ce qui enrichit la fascination exercée par une mise en scène magistrale marquée par l‟émotion et la réflexion qui en font une leçon de cinéma d‟une humanité bouleversante. Le film nous fait sortir de la salle avec la sensation délicieuse d‟avoir passé deux heures merveilleuses à écouter une histoire fine et captivante, contée par un ami.

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Dans la mer, il y a des crocodiles

“La vérité, la voilà, c‟est que je ne m‟attendais pas à ce qu‟il parte pour de bon”.

C‟est ainsi que commence le livre de Fabio Geda qui raconte l‟histoire vraie d‟Enaiatollah Akbari, un jeune Afghan, que sa mère abandonne quand il a dix ans, mais c‟est un abandon qui est un acte d‟amour, le geste d‟une mère qui sait quel avenir attend son fils dans sa patrie. Elle tente alors d‟offrir à ce fils une vie de fuite vers l‟espérance. La faute d‟Enaiatollah est d‟être né au mauvais endroit au mauvais moment. Son pays, c‟est l‟Afghanistan, lui est un Hazara, ethnie haïe des Talibans mais aussi des Pachtounes. Un jour, les Pachtounes exigent d‟Enayatollah et de son frère qu‟ils travaillent pour eux comme esclaves afin de rembourser la marchandise perdue par leur père, lequel s‟est fait voler et tuer pendant son travail. La mère cherche à cacher ses enfants comme elle peut. Vient le moment où Enayatollah devient trop grand pour trouver refuge dans un trou creusé derrière la maison et sa mère comprend qu‟il n‟est plus temps, qu‟elle doit donner à cet enfant une raison de vivre, même si il doit s‟éloigner d”elle et de son pays. Pour lui commence une terrible odyssée au cours de laquelle l‟enfant se retrouve sans un dinar et sans avoir la moindre idée de ce qu‟il peut faire, hors une volonté désespérée de vivre et de rester fidèle à trois principes, règles de vie prodiguées par sa mère avant le retour de cette dernière en Afghanistan auprès de ses autres enfants : ne jamais faire usage de drogues, ne jamais frapper quelqu‟un avec une arme et ne pas voler, mais gagner sa vie en travaillant. Telles sont ces règles, qu‟Enayatollah, du haut de ses dix ans, s‟engagera à suivre et que, malgré les difficultés qu‟il aura à surmonter, il les observera toujours.

Ce sont des souvenirs terribles que l‟enfant garde en esprit, conséquences de la violence qui dominait tout autour de lui, dans son pays, violence qu‟il a vue de ses propres yeux, quand par exemple il a assisté au meurtre par les Talibans de son maître d‟école coupable d‟avoir refusé de fermer l‟école. Mais aucun découragement ne le saisit quand il décide d‟aller de l‟avant, d‟entreprendre une nouvelle vie, accomplissant les tâches les plus humbles et les plus fatigantes, avec toujours le sourire aux lèvres et la reconnaissance envers ceux qui lui donnent un grabat ou de quoi manger. Il développe des relations d‟amitié avec les autres enfants hazara également seuls, également contraints à vivre en travaillant. A la recherche d‟une situation meilleure, le voici

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en route pour le Pakistan et pour l‟Iran, qu‟il atteint de façon rocambolesque, car il a entendu dire qu‟il y a d‟autres possibilités de travail. Dès le début du livre nous entendons parler de traficants d‟hommes, des personnes qui se font donner de l‟argent (beaucoup d‟argent quand il s‟agit de gens désespérés) pour transporter les gens d‟un état à l‟autre.

En Iran, c‟est un travail dur, sur un chantier, qui l‟attend en compagnie d‟autres maçons tous clandestins comme lui et qui lui manifestent tous de l‟affection. Le lieu de travail devient sa maison et sa prison parce que personne n‟en sort par crainte d‟être pris par la police, ils font un tour uniquement pour aller chercher quelque chose à manger. Enayatollah devra affronter des épreuves, de la violence, celle des institutions, avec les coups donnés par la police, et il assistera ou vivra des scènes terribles que l‟on verra se répéter dans tous les pays qu‟il lui faudra traverser pour trouver un espace où vivre.

On ne peut jamais oublier que l‟histoire racontée dans ce livre est une histoire vraie et que le héros est un enfant : les épreuves qu‟il affronte sont si dramatiques que seuls quelques uns réussissent à les surmonter.

De l‟Iran à la Turquie, il s‟est frayé des chemins avec les moyens les plus disparates et avec le double risque d‟être découvert et renvoyé en arrière et d‟y perdre la vie. Puis, de la Turquie, c‟est le passage le plus difficile pour la Grèce: là, il a vraiment vécu la mort de près avec quelques autres enfants, compagnons d‟une traversée effroyable sur un canot pneumatique. Si les institutions se sont souvent montrées hostiles, certaines personnes ont, en revanche, montré de l‟humanité dans leur rencontre avec cet enfant éduqué, chétif et terriblement seul. Ce sont vraiment ces rencontres rares, mais essentielles qui ont permis à Enaiatollah d‟arriver enfin à Turin et de trouver une famille merveilleuse qui l‟a pris en affection. Enfin, il a compris qu‟il pouvait maintenant s‟arrêter et se construire un avenir. Ce qui frappe le lecteur, c‟est tout le chemin à parcourir pour obtenir un permis de séjour en tant que réfugié politique. Dans ce récit, Fabio Geda a su reccueillir les souvenirs du jeune héros et les restituer au lecteur avec une force narrative digne d‟un roman, en respectant le regard de l‟enfant et la vérité du récit. Celui-ci est concis et les images évoquées racontent encore les difficultés, la peur, l‟espérance, la souffrance, également la complexité d‟une situation vécue au delà de ce qu‟un être humain peut endurer. Le livre est une tentative éloquente et enthou-siamante d‟assemblage des pièces d‟une aventure personnelle, celle d‟Enaiatollah Akbari, pièces recueillies à travers les évènements dramatiques qui caractèrisent l‟histoire récente entre le Moyen Orient et l‟Occident.

Fragments de voix, de visages, d‟évènements disparus dans les strates d‟une mémoire de la vie en mouvement. Lors d‟un autre voyage, une carte à la main, Enaiatollah refait le parcours, alors qu‟il est si simple d‟oublier, et il poursuit son récit, il parle encore, il se parle surtout à lui même, mais en espérant que tous écoutent.

ANNEE LVII MENSUEL / SEPTEMBRE-OCTOBRE 2011

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dma damihianimas

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La magie des paroles

Nous parlons beaucoup Parfois trop et inutilement les unes et les autres. Sans amour. Quelle souffrance naît dans le cœur de certaines d‟entre nous, quand nous entendons des phrases, des jugements critiques que nous ne trouvons pas du tout justes et vrais dans la réalité et notre agir.

Lors d‟un changement de maison, une FMA a écrit : «J‟ai entendu dire que la nouvelle communauté savait déjà „quelque chose”, que mes limites, ma réputation m‟avaient déjà précédée, cela a vraiment rendu mon changement plus difficile, et m‟a paralysée… j‟aurai voulu repartir».

Don Bosco insistait beaucoup sur cet aspect de la communication :il affirmait que la médisance était le plus grand ennemi de la maison. Nous connaissons toutes ce qu‟il écrivait dans les Mémorie Biografiche :«Le mécontentement produit par la médisance et éloigne de la vie religieuse.» «Je veux que l‟on sache et retienne que par ces paroles de médisance, et je n‟entend pas seulement le fait de asser du sucre sur le dos des autres, mais que chaque discours, chaque mot, chaque parole où règne la médisance peut , en tout camarade amoindri le fruit de la parole de Dieu entendue (III,49).

Il est donc bon de réfléchir sur ces belles paroles de Ferdinand Ebner : «La parole juste est toujours celle qui dit l‟amour et qui a en soi le pouvoir de briser les murailles chinoises. Chaque aventure humaine sur la terre dépend alors du fait que les hommes sont rarement capables de prononcer une parole juste. S‟ils en étaient capables, ils épargneraient la disgrâce et la peine de la guerre. Il n‟existe pas de souffrances humaines qui ne puissent être évitées grâce à la parole juste, et il n‟existe pas dans les différents malheurs de cette vie, une consolation authentique, sinon celle qui vient de la parole juste. La parole dite sans amour est déjà un abus humain du don divin de la parole. La parole qui dit l‟amour est éternelle. L‟amour de Dieu qui a créé l‟homme au moyen de la parole, dans laquelle était la vie, pour lui redire, pour le racheter se fait “objectif”” dans la “parole ,expérimentable au moyen des sens ou historique par l‟incarnation de Jésus et à partir de la parole de l‟Evangile (F. Ebner).

Nous devons entendre l‟appel et le devoir de la «révolution humaine» : celle de l‟amour !Changer le monde c‟est se changer soi-même. Toutes les paroles sont inutiles si de ce soir, à demain soir nous sommes comme hier.Il est toujours nécessaire entre deux paroles de choisir la plus légère, la moins brutale, la plus chaste, la plus douce

Ton amie

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DOSSIER : Témoins d’espérance PREMIER PLAN: Pas à pas Côte à côte avec les jeunes

EN RECHERCHE : Femmes sur le terrain L’espérance est femme COMMUNIQUER : Témoins numériques Vin nouveau dans des outres neuves

NOUS FAISONS CONSISTER LA SAINTETE

DANS ÊTRE TOUJOURS JOYEUX

(DOMINIQUE SAVIO)

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SUR TA PAROLE