REVUE D'llISTO IRE ECCLÉSIASTIQUE

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LOUVAIN BUREAUX DE LA REVUE Bibliothèque de l'Université LEUVEN 1 c.- UNIVERSITÉ CATHOLIQUE DE LOUVAIN KATHOLIEKE UNIVERSITEIT TE LEUVEN DIRECTEURS: LEIDING: REVUE - D'llISTO IRE ECCLÉSIASTIQUE fondée par gesticht door A. CAUCHIE &; P. LADEUZE continuée par ooortçeze! door A •. DE MEYER R. AUBERT, J.-M. DE SMET, R. DRAGUET, L. GENICOT, S. HANSSENS, CH. TERLINDEN, A. VAN ROEY, H. WAGNON TOME LXIV - DEEL LXIV BUREAUX DE LA REVUE Universiteitsblbllotheek

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LOUVAINBUREAUX DE LA REVUEBibliothèque de l'Université

LEUVEN

1

c.-UNIVERSITÉ CATHOLIQUE

DE LOUVAINKATHOLIEKE UNIVERSITEIT

TE LEUVEN

DIRECTEURS: LEIDING:

REVUE-D'llISTO IRE ECCLÉSIASTIQUE

fondée par gesticht doorA. CAUCHIE &; P. LADEUZE

continuée par ooortçeze! doorA •. DE MEYER

R. AUBERT, J.-M. DE SMET, R. DRAGUET, L. GENICOT,S. HANSSENS, CH. TERLINDEN, A. VAN ROEY, H. WAGNON

TOME LXIV - DEEL LXIV

BUREAUX DE LA REVUEUniversiteitsblbllotheek

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L'HISTOIRE DE LA CURIE ROMAINE,PROBLÈME D'HISTOIRE DE L'ÉGLISE

L'histoire de la Curie romaine (1) couvre une période de près demille ans. Les événements ecclésiastiques, politiques, sociaux,culturels et religieux de ces neuf siècles ont profondément influencésa formation; mais, réciproquement, la Curie, en tant qu'ensembled'organes par lesquels les papes ont dirigé l'Église universelle etgouverné, jusqu'en 1870, l'État pontifical, a également contribuéà leur donner un visage particulier.Le terme de Curie apparaît pour la première fois dans les docu-

ments pontificaux en 1089, sous le pontificat d'Urbain II, dansle sens de « cour du pape,. (2). L'histoire de la Curie romaine necommence cependant pas à la fin du XIe s. Les institutions ne nais-sent généralement pas à un moment donné, mais au terme d'unelente Iormation. Lorsqu'elles sont désignées par leur nom dansles documents, une première phase de leur évolution s'est déjàclose et une autre, aux caractères différents, débute aussitôt.Ainsi le clergé romain avait il commencé, avant la fin du XIe S., àcéder la place qu'il occupait dans les évêchés suburbicaires, dansles églises de tituli et dans les diaconies romaines, à un clergéprovenant de toutes les parties de la chrétienté. En même temps,les fonctions de ces nouveaux évêques, prêtres et diacres cardinauxcessaient d'être principalement liturgiques et consistaient davan-tage dans la participation, aux côtés du pape, au gouvernementde J'Église universelle (3). L'origine de la Curie romaine est en

(1) Cet article reproduit le texte, muni de notes bibliographiques, de notreleçon Inaugurale, donnée le 15 février 1969, à la chaire d'Histoire de la Curieromaine, à la Faculté d'Histoire ecclésiastique de l'Université Grégorienne.(2) K. JORDAN, Die Entstehung der römischen Kurie, dans Zeitschrift der

Savigny-SUftung far Rechtsgeschichte, Kan. Abteilung, 1939, t. XXVIII,p. 97-152 (réimprimé sous le même titre à Darmstadt, 1962).(3) H. W. KLEWITZ, Die Entstehung des Kardinalkollegiums, dans Zeitschrift

der Savigny-Stiftung far Rechtsgeschichte, Kan. Abteilung, 1936, t, XXV,

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rapport étroit avec la formation du collège des cardinaux. Lorsquela structure collégiale de celui-ci devient une réalité vivante, lespremières institutions de la Curie conunencent aussi à prendre desformes concrètes.Le premier droit acquis par les cardinaux a trait à l'élection du

pape. Ensuite, leurs réunions autour du pape - les consistoires- remplacèrent lentement les synodes romains tandis que leuractivité consultative, judiciaire et diplomatique prenait une valeursans cesse croissante. Dans la Curie romaine, la rédaction dela correspondance et l'administration des finances sont les pre-mières activités qui ont été institutionalisées. C'est ainsi quela Chancellerie et la Chambre, constituées au XIIe s., sont les pre-miers organismes de la Curie. Un nouvel organe, le premier tribu-nal de la Curie romaine, vint s'y ajouter au siècle suivant: laPénitencerie, instituée pour alléger le travail croissant du consis-toire. Les tâches de ce dernier commencèrent cependant à êtreréduites non seulement pour le for interne, mais aussi pour le forexterne. L'affluence toujours plus grande des causes conduisitles papes, déjà au début du XIIIe S., à recourir à leurs chapelainspour les causes judiciaires. Tout d'abord, ils leur confièrent seule-

p. 115-221 (repris dans Reformpapsllum und Kardinalkolleg, Darmstadt, 1957) ;St. KUTTNER, Cardinalis. The history of a canonical concept, dans Traditio,1945, t. III, p. 129-214; M. ANDRIEU, L'origine du titre de Cardinal, dansMiscellanea Mereati, t. V (Studi e testi, 125), Cité du Vatican, 1946, p. 113-144.Cfr aussi J. B. SÄGMÜLLER, Die Tûliqkeit und Stellung der Kardinâle bisPapst Bonifaz VIII., Fribourg-en-Br., 1896; K. JORDAN, Das Eindringen desLehenswesens in das Rechtsleben der römischen Kurie, dans Archiv far Ur-kundenforschung, 1932, t. XII, p. 13-110 ; K. JORDAN, Die päpstliche Verwaltungim Zeitalter Gregors V11., dans Studi Gregoriani, t. I, Bologne, 1947, p. 111-135; R. ELZE, Das. sacrum palatium Lateranense • im 10. und 11. Jahrhundert,dans Studi Gregoriani, t. IV, Bologne, 1952, p, 27-54 ; J. SYDOW, Untersuchungenzur kurialen Verwaltungsgeschichte im Zeitalter des Reformpapsttums, dansDeutsches Archiv, 1954, t. XI, p. 18-73; J. SYDOW. Il • eonsistorium • dopo la.cisma del 1130, dans Rivista di storia della Chiesa in ltalia, 1955, t. IX, p.165-176 ; F. J. SCHMALE, Papsttum und Kurie zwischen Gregor V 11. und lnnocenz 11.,dans Historische Zeitschrift, 1961, t. CXCIII, p, 265-285; K. GANZER, DieEntwicklung de. auswdrtigen Kardinalais im hohen Mittelalter. Ein Beitragzur Geschichte des Kardinalkollegiums vom 11. bis 13. Jht (Bibi. des DeutschenHistorischen Instituts in Rom, 26), Tubingue, 1963; C. A. FÜRST. Cardinalis,Prolegomena zu einer Rechtsgeschichte des römischen Kardinalskollegiums,Munich, 1967 (voir aussi la recension de F. KEMPF, dans Archivum hisloriaeponli{iciae, 1968, t. VI, p, 452-457).

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ment la responsabilité des enquêtes, puis, au milieu du siècle,également la préparation des sentences. A la fin du XIIIe s., lescardinaux étaient de plus en plus tenus à l'écart des activitésjudiciaires. Un nouveau tribunal était en formation; il fut crééofficiellement sous le pontificat de Jean XXII, qui fixa le 16 sep-tembre 1331, le statut des audilores causarum sacri palatii apostolici.L' audientia est en effet le tribunal qui a pris, dans la suite, pourdes motifs encore controversés, le nom de Rote.Également entre le XIIIe et le XIVe S., l'effort se fait jour de libé-

rer de la procédure de la Chancellerie, devenue trop complexe, lacorrespondance plus personnelle et plus importante de la papauté.On constate la présence occasionnelle d'un secrétaire aux côtésdu pape, chargé des lettres plus réservées. Ce sont les tout premierssignes de vie d'un organisme qui deviendra, de nombreux sièclesplus tard, l'office certainement le plus important de la Curie romaine.Les premiers secrétaires du XIIIe s., encore anonymes et fort rares,font place, le siècle suivant, au corps autonome des secrétairesdu pape; ce dernier, entre le XIVe et le xve s., réunira l'élite cul-turelle des milieux pontificaux. Les secrétaires préparent la cor-respondance poIitico-ecclésiastique la plus importante. Au coursdu xve s., ce corps se divise en deux: en 1487, Innocent VIII in-stitue la Secrétairie apostolique et la charge de Secrétaire domes-tique. Comme la charge des secrétaires apostoliques est devenuevénale, les affaires les plus importantes pour l'Église et pour lafoi sont attribuées au secrétaire domestique. Durant le XVIe S., uneinstitution se développe autour de ce dernier, la Secrétairie secrète,au sein de laquelle les secrétaires vont ultérieurement se spécialiser.On y distingue les lettres latines des lettres vulgaires; la corres-pondance avec les princes se détache de celle qui est adressée àd'autres personnes. C'est ainsi qu'apparaissent, aux côtés duSecrétaire intime, le Secrétaire des brefs, le Secrétaire des brefsaux princes, le Secrétaire chargé des lettres latines, le Secrétairedes mémoriaux. La figure du cardinal-neveu, qui dirige souventles tractations diplomatiques, prend une forme toujours plusprécise.Au cours du XVIIe s., la Secrétairie apostolique disparaît, suppri-

mée par Innocent XI, et la Secrétairie secrète cède sa place à dif-férentes institutions. On forme, à partir de celle-ci, la Secrétairied'État, la Secrétairie des brefs, la Secrétairie des brefs aux princes,

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la Secrétairie des mémoriaux. Une longue ligne de développementa ainsi atteint son point culminant (1).

(1) Pour l'histoire des Secrétalrles, voir: R. ANCEL, La Secrétaireriepontificale sou, Paul IV, dans Revue des questions historiques, 1906, t. LXXIX,p. 408-470; P. O. VON TORNE, PIolomé Gallio, cardinal de COme. Élude surla Cour de Rome, sur la Secrétairerie pontificate et sur la politique .des papesau XVI's., Paris, 1907; P. RICHARD, Origines et développement de la Secrëtairied' ÉIat apostolique (141'1-1823), dans Revue d'histoire ecclésiastique, 1910, t. XI,p. 56-72, 505-529, 728-754; R. PARAYRE, La Secrétairie d'État du St-Siège,dans L'Université catholique, 1913, nouv. sér., t. LXXIII, p. 40-57, 138-151,328-337; t. LXXIV, p. 59-72, 115-127, 208-231; Z. KRISTEN, Intorno allapariecipazione personale di Clemente VII I al disbrigo della corrtspondenzapolitica (Contribulo alla storia della Segreteria di Stato pontificia), dans Bolleltl-no dell'lstituto storico cecoslovacco in Roma, 1937, t. l, p. 29-52; A. SERAFINI,Le origini della Pontificia Segreleria di Stato e la • Sapienti Consilio. delB. Plo X, dans Romana Curia a Bealo Pio X reformala, Rome, 1951, p. 167-239 ; A. KRAUS, Zur Geschichte des päpstlichen Slaalssekretariats, Quellenlageund Melhode, dans Jahresberichte der Görres-Gesellschaft, 1957, p. 5-15; In.,Das pl1pstliche SIaatssekretariat im Jahre 1623. Eine Denkschrift des aus-scheidenden Sostituto an den neuernannten Staatssekretär, dans RömischeQuartalschrift, 1957, t. LII, p. 93-122; In., Die Aufgaben eines Sekretl1rs zurZeit Urbans V II I., ibid., 1958, t. LIlI, p. 89-92; In., Amt und Stellung desKardinalnepoten zur Zeit Urbane VIII., ibid., p. 238-243; In., Die SekrettfrePius' 11. Ein Beitrag zur Entwicklungsgeschichte des pllpstlichen Sekretariats,lbld., p. 25-80; J. SEMMLER, Beltrlige zum Autbau des pëpstlicnen Staatssekreta-rials unter Paul V. (1605-1621), ibid., 1959, t. LIV, p, 40-80; J. HAMMERMAYER,Grundlinien der Entwicklung des pâpsilichen Staatssekretariats von Paul V.bis Innozenz X. (/605 bis 1655), ibid., 1960, t. LV, p. 157-202; A. KRAUS,Secretarius und Sekretariat, Der Ursprung der Institution des SIaalssekrelariatsund ihr Einfluss auf die Entwicklung moderner Regierungsformen in Europa,Ibid., p. 43-84 ; F. DÖRRER, Der Schriftverkehr zwischen dem pl1pstlichen Staats-sekretartat und der Apostolischen Nuntiatur Wien in der zweiten Hlllfte des18. Jhts. Erschliessungsplan. Kanzlei- und Aktenkundliehe Beobachtungen,dans Römische historische Mitteilungen, 1960{61, t. IV, p. 63-246; K. MÖRS-DORF, Der Kardinalsekretâr, Aufgabe und Werdegang seines Amtes, dans Archiv[ûr katholisches Kirchenrecht, 1962, t, CXXXI, p. 103-111; A. KRAUS, Dasplipstliche Staafssekretariat unter Urban VIII., 1623-1644 (Römische Quartal-sehrilt für christliche Altertumskunde und Kirchengeschichte, Supplementheft 29),Rome-FrIbourg-Vienne, 1964; L. P.{SZTOR, Contribute di un fondo miscellaneoall'arcbtuistiea e alla storla, L'Arm. LII dell'Arcbioio Segreto Vatieano, dansAnnali della Scuola speciale per archivisti e bibliotecari dell' Università diRoma, 1966, t. VI, p. 1-31. En ce qui concerne l'histoire de la Secrétalried'État au XIX· 8., cfr L. P.{sZTOR, Per la storia della Segreterla di Stato nel-"Ottocento. Lariforma del 1816, dans Mélanges Eugène Tisserant, t. V (Studi eteati, 235), Cité du Vatican, 1964, p. 210-272; ID., La riforma della Segreleriadi Stato di Gregorio X V I. Conir/buio alla sioria delle riforme nello Stalo

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Mais l'évolution des secrétairies ne constitue qu'un aspect del'histoire de la Curie romaine. Le XIVe S. a apporté encore d'autresinnovations que la création du corps des secrétaires du pape etdu tribunal de la Rote.' La forte fiscalité de la papauté d'Avignon,qui a rendu l'organisation de la Chambre apostolique plus complexe,a mis en mouvement des forces qui ont influencé fondamentalementl'histoire de la Curie. La vénalité des charges a donné à la Curieun corps de fonctionnaires qui n'étaient plus à la hauteur de leurfonction et préoccupés avant tout d'alourdir les taxes et d'augmenterles revenus de l'Église. Aussi, au XVIe S., l'activité de la Chancellerie,de la Pénitencerie et de la Daterie - cette dernière de fondati-on récente: elle succéda, dans l'expédition des suppliques, à laChancellerie, aux référendaires, aux Signatures, précisément audébut de ce siècle - suscita de fortes dissensions, et les exigencesde réforme se multiplièrent. Au cours du XVIe s., on n'aboutitcependant pas à une réforme administrative des organes existantsde la Curie, mais à l'institution d'une nouvelle structure de gou-vernement. Les affaires les plus importantes de la papauté, endehors des négociations diplomatiques et politiques confiées dé-sormais à la Secrétairie, passèrent de la compétence des consis-toires à celle d'un nouveau groupe d'organismes institués en 1588par Sixte-Quint, les Congrégations (1). Cette nouvelle organisationde la Curie romaine, qui correspond à de nouveaux rapports entrele pape et les cardinaux, est demeurée substantiellement identiquedurant les siècles ultérieurs: le nom des Congrégations a changéainsi que leurs compétences respectives, mais l'ensemble des organesde la Curie est resté composé de congrégations, d'offices et de tri-bunaux.

L'abolition de la charge de cardinal-neveu en 1692, les diversefforts des papes au cours du XVIIIe s. - surtout de Benoît XIV -pour rendre l'organisation curiale plus fonctionnelle, plus adaptéeaux exigences de l'époque, ensuite les vicissitudes napoléoniennesavec leur brusque intervention dans la vie et l'activité de l'Église,

ponti(icio, dans La Biblio(ilia, 1958, t, LX, p. 285-305; In., La Segreteriadl Stato dl Pio IX durante il triennio 1848-1850, dans Annali della Fondazio-ne italiana per la storia amministraliva, 1966, t. III, p. 308-365.(1) err V. MARTIN, Les Congrégations romaines (Bibliothèque catholique

des setenee« religieuses), Paris, 1930.

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constituent autant de chapitres de la longue histoire de la Curieromaine. La Restauration n'apporta pas une base nouvelle àl'organisation politico-administrative du St-Siège, mais elle enaméliora le fonctionnement interne. On remarque cependant laprésence de voix nouvelles, comme la Congrégation des Affairesecclésiastiques extraordinaires, chargée de questions aux répercus-sions principalement politiques; cette nouvelle congrégation s'ex-plique par la situation ecclésiastique assez grave, issue des boule-versements napoléoniens (1). Avec elle, la Curie comportait unorganisme nouveau qui, bien que dénommé congrégation, luiaussi, était nettement distinct des autres congrégations de la Curie.Il n'avait pas été institué, en effet, pour l'expédition d'affairesrelevant de l'administration courante dans un secteur déterminéde la vie de l'Église, mais comme un organe consultatif du St-Siège,L'on voit encore apparaître, au XIXe s., le désir d'entourer le papedes cardinaux, par-dessus les dicastères, pour toutes les affairesde gouvernement politico-ecclésiastique, mais cette tentative n'abou-tit pas à des résultats stables.

Sous le pontificat de Pie IX, la structure du gouvernement subitdes modifications notables. On voit apparaître les ministèrespontificaux et le Secrétaire d'État y fait figure de président duConseil. Une des caractéristiques principales de la diplomatiepontificale, le lien indissoluble dans les négociations diplomatiquesentre intérêts spirituels de l'Église et affaires relatives au pouvoirtemporel, commence alors à se défaire. En mai 1848, un ministèredes affaires extérieures séculières est institué, indépendammentde la Secrétairie d'État.

Enfin, les événements de 1870 rétrécirent le domaine de la com-pétence de la Curie romaine: les dicastères au service du pouvoirtemporel perdent leur raison d'être. Il en résulta la nécessité d'uneréorganisation de la Curie, mais celle-ci n'eut pas lieu immédiate-ment. Pie IX chercha à remédier à la situation par des retouchesde détail, par l'institution d'organes nouveaux. On aboutit ainsià des situations vraiment paradoxales: la Chambre, instituée auXIIe s. pour l'administration financière du St-Siège, se vit inter-dire, à la fin du XIXe s., toute ingérence dans les affaires de ce genre.

(1) err 1.. PÂSZTOR, La Congregazione degli Allari ecclesiastici slraordinaritra il181/. e ill850, dans Archivum hisioriae pontificiae, 1968, t. VI, p. 191-318.

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Sous S. Pie X, l'ensemble de la Curie romaine fit l'objet d'unerévision et d'une réforme, pour la première fois dans son histoire.Il s'agissait d'un réajustement destiné à mieux satisfaire des devoirsnouveaux. La Curie romaine, qui avait compris, durant huit siècles,tantôt la cour pontificale, tantôt l'ensemble des dicastères, secompose désormais uniquement de ces derniers. Pour pouvoirmieux remplir ses nouveaux devoirs, elle avait besoin d'une révisiongénérale.

Et l'histoire de la Curie romaine ne se termine pas en 1908, maisse prolonge jusqu'à nos jours. Au cours des soixante dernièresannées, elle a été réformée deux fois. La dernière réorganisation,réalisée par Paul VI avec la constitution Reqimini Ecclesiae Ro-manae (15 août 1967), est celle qui a, jusqu'à présent, étendu leplus le domaine de sa compétence. L'organisation précédente, quicomprenait des congrégations, tribunaux et offices compétentsdans divers secteurs du gouvernement de l'Église, a été enrichiepar Paul VI d'un nouvel ensemble de dicastères, Ceux-ci com-prennent les trois Secrétariats, - pour l'union des chrétiens, pourles non-chrétiens et pour les incroyants, - le Consilium de laidset la Commission pontificale d'études lustitia et Pax. Ces cinqorganismes sont en substance étrangers aux fonctions administra-tives. La Curie romaine pauline devient ainsi, grâce à l'héritagede Jean XXIII et du concile de Vatican II, non seulement l'ensembledes organes de gouvernement pontifical, mais encore un moyenpour l'Église de réaliser des objectifs pastoraux déterminés. Cettenouvelle conception de la Curie romaine apparaît également dansl'introduction des évêques au sein des congrégations et dans lesnouvelles dénominations de celles-ci, qui deviennent des orga-nes au service du clergé et du peuple: «pour les évêques »,«pour le clergé», «pour les religieux I), « pour l'évangélisation »,« pour l'éducation», et ainsi de suite.

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Tel est, réduit à ses traits les plus essentiels, le développement dela Curie romaine, depuis le pontificat d'Urbain II jusqu'à celui dePaul VI. Il s'agit d'une évolution très intéressante qui permet deparcourir près de mille ans d'histoire à un point de vue particu-lièrement fécond et précieux. Son étude constitue exactementl'objet de la discipline dénommée Histoire de la Curie romaine.

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Il ne s'agit cependant pas pour celle-ci de se borner à la simplereconstitution extérieure d'une structure administrative, ni d'unesimple étude institutionnelle. La Curie romaine est une partievitale de l'Église, en tant qu'ensemble des organismes par lesquelsle pape gouverne. Son histoire n'est vraiment significative quesi on l'examine à la lumière de l'histoire de l'Église; simultanément,elle offre pour la compréhension de cette dernière, une clef d'unevaleur non négligeable. Il s'agit, en fait, de deux domaines derecherches, non seulement étroitement liés entre eux, mais encoreinterdépendants, complémentaires: ils peuvent s'aider réciproque-ment par les résultats acquis et s'offrir, l'un à l'autre, des pointsde référence de grande importance.

Il faut cependant constater que l'histoire de la Curie romainen'est généralement pas incluse dans les divers domaines de recherchesauxquels l'attention des historiens de l'Église s'est attachée jusqu'àprésent.

Il y a, sans doute, diverses études sur la vie et les œuvres desreprésentants les plus illustres de la Curie, ainsi que sur quelques-uns de ses dicastères. Mais les tentatives d'en reconstruire l'his-toire interne font défaut, bien que ce soient des problèmes histori-ques importants que de préciser les cadres administratifs du gou-vernement pontifical et de faire revivre ce monde particulierd'hommes de loi, de diplomates, de théologiens, de cardinaux et declercs qui s'est formé autour des dicastères, Les exigences qui ontnécessité l'institution des différents organes; la provenance sociale,culturelle et religieuse des fonctionnaires de la Curie; l'accumula-tion des pouvoirs aux mains de certaines familles patriciennes; laparticipation des ordres religieux au gouvernement pontifical;la vénalité des offices; le genre de problèmes soumis à la Curie;son poids effectif durant les divers pontificats; son influence réellesur la vie de l'Église; voilà autant de questions qui attendent encoreque des historiens les résolvent. On relève déjà quelques tentativesdans ce sens, mais elles sont trop rares et trop isolées pour qu'onpuisse parler d'un véritable intérêt historique devant ces problèmes.Par ailleurs, il faut reconnaître de nombreuses et de multiples

lacunes, au plan de l'histoire même de la Curie romaine. Il n'existemême pas un manuel qui offre une information, exacte et com-plète, sur l'histoire de tous ses organismes.

Si l'on veut faire un bilan de l'historiographie de la Curie romaine,il faut distinguer avant tout deux directions de recherches. La

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première est celle de l'étude de la formation de chaque dicastère ;l'autre, celle du développement de la Curie elle-même dans son en-semble.

Dans le premier domaine, il y a un filon historiographique quicourt du XVIIe S. à nos jours, et qui correspond à un point de vueessentiellement juridique et pratique. Depuis la Relaiio Roma-nae Curiae [orensis eiusque tribunalium et congregationum que lecardinal De Luca a insérée en 1673 dans son Theatrum oerilalis etiusliliae, et à travers les diverses Praxis et Pratlica du XVIIIe s.,ce filon aboutit directement à cette riche efflorescence d'études àlaquelle a donné naissance la réforme de S. Pie X en 1908 (1).

(1) G. B. DE LUCA, Relalio Romanae Curiae [orensi» eiusque lribunaliumet eongregalionum, dans Thealrum oeritatis et iusliliae ... , Rome, 1673, Liber XV,pars II; 10., Il Cardinale della S. R. Chiesa Praiieo, dL. Nell'ozio Tusculanodella Primacera dell'anno 1675. Con aleuni squarci della relazione della Cortecirca le congregazioni e le earlehe cardinalizie, Rome, 1680 ; 10., Il Dottor Volgare,ovvero il Compendia di tuila la legge, civile, canonica, feudale e municipale nellecase più ricevuie in pratica del cardinale Giambaltisla De Luca e dal meäesimomoralizzalo in lingua italiana, t. I-IV, Florence, 1845 (cfr t. IV, p. 470-640 :Libro XV, parte III, Della relazione della Curia Romana [orense, non già dellaCarle); H. PLETTENBERG,S.J., Notitia congregationum et tribunalium CuriaeRotnanae, Hildesheim, 1693, 790 p. et index; P. A. DANIEL, Instituttones cano-nicae, civiles et eriminales cum receniiore praxi Romanae Curiae ad eorum [u-venum usum, qui post Theoriam Forensi exercilationi sun/ voca/uri, t. IV: Re-centior praxis Romanae Curiae, Rome, 1759, 416 p.: [VILLETTI), La Praiieadella Curia Romana che compreruie la giurisdizione dei tribunalt di Roma edella Stato e l'ordine giudiziario che in esst si osserva, Rome, 1781; 28 éd.,Rome, 1797 ; 3' éd., c divisa ln due tomi ed arrlcchlta dl nuove importantlsslmeosservazlonl e delle sostanzlaIlsslme varlazlonl che ha detta Pratlca subite dopola prima e seconda edizione t, 2 vol., Rome, 1815 ; J. H. BANGEN,Die RiJmische,Curie, ihre gegenwlirtige Zusammensetzung und ihr Geschlitfsgang, Munster1854; A. HAINE, Synopsis S.R.E. Cardinalium Congregationum, Louvaln-Bruxelles, 1857; ID., De la Cour romaine sous le pontificat de N.S. le PapePie IX, 2 vol., Louvain, 1859; D. Botnx, Tractaius de Curia Romana, seu decardinalibus, Romanis Congregationibus, legatis, nuniiis, oieoriis et protonotariisaposta licis, Paris, 1859; M. LEGA, Praelectiones in texturn lurls eanonici deiudiciis ecclesiaslicis in scholis Pont. Sem. Rom. habitas, t. 1-2 : De iudleiis ecole-siastieis eivilibus in specie et in primis de ordinatione Curiae Romanae, Rome,1898; Jules SIMIER, La Curie romaine. Notes historique& et canoniques d'aprêsla constitution Sapient! consilio et les aulres documents pontificaux, Paris,I.d. (1909); M. LEITNER, De Curia Romana, Rome, 1909; B. OJETTI, DeRomana Curia. Commenlarium in conslilutionem apostolicam ,Sapienlieonsilio t StU De Curiae Piana reformatione, Rome, 1910; F. M. CAPPELLO,De Curia Romana iuxta reformationem a Pio IX sapientissime indictam, t. I:

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Celle-ci comporte surtout des traités qui explicitent la situationcréée à la Curie par la constitution Sapienli consilio. Ces travauxont principalement leur valeur dans les parties où les auteurs ap-portent des informations tirées de leur expérience personnelle, surles pratiques curiales de leur temps. Mais ils ont également un défautconunun : I'exposé des périodes précédentes est basé, dans tous cestravaux, sans exception, sur l'examen exclusif des lois et contitu-tions pontificales qui définissent certes la structure et la compétencedes organismes à certains moments déterminés, mais ne fournissentpas de précisions sur l'évolution des dicastères. En outre, ces étudesn'envisagent même pas que les normes puissent ne pas être appli-quées. Il s'agit donc, en général, d'ouvrages rédigés sans aucunesensibilité aux problèmes historiques. Parfois on a l'impression queleurs auteurs n'en ont même pas soupçonné l'existence.Dans l'autre domaine de recherches, celui du développement

d'ensemble et du rôle effectif de la Curie, l'historiographie est encorepresque inexistante. Si l'on ouvre n'importe quel ouvrage surl'histoire de la Curie romaine, on y trouve un examen successif del'histoire de chaque dicastère, sans considération du problème del'ensemble. Et pourtant, si l'évolution des congrégations, parexemple, fournit la matière d'une série de chapitres importantsde l'histoire de l'Église, la réforme de Sixte-Quint, - née du besoin,ressenti à l'époque de la réforme catholique, de réorganiser l'activitédu consistoire en créant des organismes permanents pour l'expédi-tion d'affaires relevant autrefois de sa compétence, - représenteun problème historique qui n'est pas moins important.Nous ne possédons pas encore d'ouvrage qui examine le pro-

blême global de la politique administrative de la papauté. Nousignorons encore - à moins d'avoir effectué des recherches person-nelles - quelle était sous tel pontificat, par exemple au XVIIIe s.,la composition exacte de la Curie romaine et quelles étaient sesparticularités en comparaison avec les organisations étatiques

De Curia Romana • sede plena t, t. II: De Curia Romana • sede vacante t,

Rome-Ratisbonne etc.,1911 et 1913; A. MONIN, De Curia Romana, Louvain,1912; V. MARTIN, Les Congrégations romaines, Paris, 1930; ID., Les cardinauxet la Curie (Bibliothèque catholique des sciences religieuses), Paris, 1930;Romana Curia a Beato Pio X Sapienti Consilio reformata, Rome, 1951. En cequi concerne la période postérieure à 1908, cfr ehr. M. BERUTTI, De CuriaRomana. Notulae historico-exegetico-praclicae, Rome, 1952; N. DEL RE, La CuriaRomana. Lineamenii slorico-qiuriâiei, 20 éd., Rome, 1952.

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d'autres pays, ou encore conunent les affaires y étaient effective-ment traitées, question qu'il est d'autant plus licite de poser qu'ils'agit d'une administration où les compétences s'entremêlaienteffroyablement.

Ce qui fait complètement défaut, - et c'est le passif le plus signi-ficatif de notre bilan de l'historiographie, - c'est une reconstruc-tion soit de la vie et de l'activité de la Curie elle-même, soit de sesorganismes, basée sur l'unique source valable du point de vuehistorique, le matériel archivistique émanant de ces organismes.Ce défaut marque également les meilleurs travaux sur la Curie,tels que la Römische Curie de Bangen, les Praelectiones de Lega oules deux volumes plus récents de Victor Martin, Les cardinaux etla Curie et Les congrégations romaines.Cette lacune est d'autant plus significative que les archives de ces

organismes - constituant la partie de loin la plus importante des«Archives Secrètes» du Vatican - ont été, en général, beaucoupétudiées. Mais le plus souvent, les recherches s'arrêtaient exclusive-ment aux renseignements transmis par les documents, sans consi-dérer ces derniers comme le résultat d'un long processus auquel ontparticipé certains offices et certaines personnes, qui ont profondé-ment conditionné leur préparation.

Cette remarque nous amène à un nouvel ensemble de problèmes,à savoir aux principes méthodologiques sur la base desquels l'his-toire de la Curie romaine doit être étudiée.

** *Une histoire d'un office qui se veut précise, ne peut être écrite

qu'à partir d'enquêtes directes sur les documents émanant de cetoffice. Les archives ne sont pas comme une bibliothèque, un en-semble de livres organisé suivant les critères plus ou moins person-nels des bibliothécaires. Un fonds d'archives comprend l'ensembledes documents produits par l'activité d'un office, où chaque piècedoit occuper la place même qui lui fut assignée au moment de sanaissance au sein de I'office.

Si elles sont bien conservées, les archives respectent dans leurdisposition même le fonctionnement de l'office. Le fonds d'archivescomprend les actes qui témoignent de la genèse des décisions:depuis la minute ou le procès-verbal de la première réunion dediscussion collective, à travers les corrections et les diverses étapes

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intermédiaires, jusqu'à l'élaboration du texte définitif. On ytrouvera les réponses, les étapes successives des négociations.Chaque office revit dans ses documents. Les renseignements à tirerd'un examen de cette sorte ne sont pas seulement plus précis queceux qu'offre une lecture occasionnelle des documents, mais ils per-mettent surtout d'établir des rapports et des liens, c'est-à-dire deles situer historiquement. Il s'agit là d'une recherche passionnante,à mener à travers des analyses minutieuses et patientes, mais quipaie amplement la lenteur de l'examen par la nouveauté des résul-tats.Le chercheur commence ainsi à connaître le personnel de l'office,

il découvre les méthodes de travail de chaque membre, il se forgeune image précise de la compétence de l'organisme et du déroule-ment effectif de son travail. Ce sont, certes, des recherches minu-tieuses qui doivent aussi déterminer la structure et l'organisationde l'office, les diverses matières qui y sont étudiées, la répartitiondu travail, la procédure. Toutes ces acquisitions pourraient dif-ficilement être trouvées dans d'autres sources. Même des détailsminimes doivent être relevés et annotés: ils peuvent parfois ex-pliquer dans la suite des problèmes d'importance.

Ces recherches archivistiques ne peuvent cependant jamais êtredétachées d'une perspective historique, sous peine de devenir unpur jeu d'érudition abstraite. La reconstruction de l'activité d'undicastère sur la base de ses archives n'est pas seulement un pointd'arrivée, mais aussi un point de départ vers des problèmes pluslarges. L'étude précise et analytique de la vie et de l'activité d'undicastère offre, en fait, de très riches informations, et de premièremain, sur l'histoire de l'Église.

Un exemple illustrera la vérité de cette constatation. On neconnaissait que peu de choses certaines sur l'histoire interne etsur le fonctionnement de la Congrégation des Affaires ecclésiasti-ques extraordinaires au XIXe s. On la considérait cependant, dansla plupart des études historiques sur cette période, comme l'or-ganisme à travers lequel la papauté de la Restauration a menéprincipalement sa politique concordataire. En reconstituant sonactivité à partir de ses archives, on découvre que cette conceptionest erronée (1). La Congrégation, non seulement n'eut pas, durant

(1) Cfr L. PASZTOR, La Congregazione degli Altari ecoles, straordinari ..(cité p. 358, n, 1), p, 220-234.

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cette période, un poids prédominant dans les négociations con-cordataires, mais elle y demeura essentiellement étrangère: cen'est que son développement ultérieur qui a conduit à lui attri-buer, à ses débuts, une compétence qu'elle ne posséda que dans lasuite. Cette conclusion a déjà une certaine importance du pointde vue de la connaissance du fonctionnement de la Congrégation.Mais elle prend un relief plus grand encore lorsqu'on voit les juge-ments formulés par les historiens à propos de la mise en œuvre parle St-Siège de la politique concordataire sur la base des conceptionsecclésiologiques et politiques des membres de cette Congrégation.Par ailleurs, lorsqu'on a exclu la participation de cette Congrégationà ce genre de négociations, il est possible d'aller aussi plus loin.Des recherches dans les dossiers relatifs aux divers concordats fontapparaître les véritables canaux par lesquels ils furent élaborés.L'on découvre ainsi l'existence de toute une série de congrégationsparticulières et, plus encore, on vient à connaître le système degouvernement du cardinal Consalvi qui préférait recourir, pourl'expédition des affaires politico-ecclésiastiques, aux conseils decongrégations particulières, instituées dans ce but, plutôt qu'à ceuxde la Congrégation des Affaires ecclésiastiques extraordinaires.Pareille remarque permet d'ajouter de nouveaux éléments pourune meilleure compréhension de la politique de restauration du St-Siège, tout comme pour les vicissitudes subséquentes de la papauté.

C'est donc un enchaînement de résultats que l'on obtient à partirde recherches sur le matériel archivistique émané d'un dicastère,

Par ailleurs, les certitudes acquises par ce genre d'enquêtes doi-vent être enrichies par le recours à d'autres sources. Il est certaine-ment indispensable de connaître les dispositions pontificales qui pré-cisent les objectifs, la compétence et le personnel des offices. Lessoi-disant bullaires - soi-disant, parce qu'ils ne réunissent pas seule-ment des bulles, mais encore d'autres actes pontificaux - contien-nent diverses dispositions sur les organes de la Curie, fort impor-tantes dans la mesure où elles reflètent le statut des offices à unmoment donné de leur histoire. Mais il faut évidemment contrôlerdans quelle mesure ces dispositions légales ont été effectivementappliquées et pour quelle durée elles ont gardé leur validité.

D'autres sources subsidiaires sont à utiliser, comme les Notiziede Cracas, ancêtres de l'actuel Annuario pontiîicio. On y trouvela liste des membres des divers offices. Mais aussi les données tiréesde cette source doivent être vérifiées dans le matériel archivistique,

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parce que Cracas - outre le fait qu'il n'est pas toujours exact -donne le statut du personnel des dicastères au début de chaqueannée, laissant à découvrir les modifications intervenues au coursde celle-ci. Un exemple montrera le danger de prendre comme basepour l'histoire d'un dicastère le statut officiel de la hiérarchie curiale.Sous Léon XII, la Congrégation consultative occupe une placed'honneur dans les Notizie, juste après la Congrégation de l'Inquisi-tion. Il peut sembler licite dès lors de la considérer comme undicastère fort important. En fail, c'est une Congrégation éphémère,qui, créée en 1823, n'avait déjà plus depoids réel en 1826. Ellea cependant continué pendant des années à figurer dans les Noliziecorrune un organe particulièrement important.L'historien de la Curie romaine utilisera en outre toutes les

sources narratives que sa connaissance de l'histoire de l'Église luipermettra de trouver et qu'il sera désormais en mesure de lire avecun œil critique.On ne peut passer sous silence un autre aspect positif que la re-

cherche dans les archives de la Curie romaine apportera à tous leshistoriens de l'Église, la connaissance plus profonde du matérielarchivistique. Si l'histoire de la Curie romaine ouvre des horizonsnouveaux pour l'histoire de l'Église, elle constitue aussi une disci-pline auxiliaire de l'histoire. Sous cet aspect, sa contribution estdouble: elle oriente les recherches archivistiques et elle attire l'at-tention des historiens sur la prudence extrême avec laquelle il fautévaluer chaque document.L'histoire de la Curie romaine constitue donc un domaine qui

promet d'être particulièrement riche en découvertes suggestives etqui est encore largement disponible pour tous ceux qu'intéressentles problèmes d'histoire ecclésiastique.

Il faut souhaiter que le réveil que l'histoire de l'Église a connuindubitablement ces dernières années, s'étende aussi à l'histoire dela Curie romaine et que les nouvelles études dans ce domaine soientmenées avec la sensibilité historique et la rigueur méthodologiqueque le sujet exige.

Rome Lajos PASZTOR