REVUE DES REVUES DE LANGUE...

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R E V U E REVUES DE LANGUE FRANÇAISE par Aline Eisenegger Le Français aujourd'hui (ête ses vingt-cinq ans avec le n°100 de dé- cembre 1992. Une occasion pour dresser un bilan des vingt-cinq der- nières années de la littérature et de la presse pour la jeunesse, véritable lieu d'enjeu de luttes idéologiques. Jean Perrot dresse un bilan de ces « Combats culturels : vingt-cinq ans de manifestes pour grandir le livre de jeunesse » et on s'aperçoit qu'à travers l'évolution du livre de jeu- nesse on peut suivre les change- ments significatifs apparus dans notre société : internationalisation, renouvellement de la vision des contes, place de la petite fille, ou- verture aux autres cultures... Le numéro est par ailleurs consacré à « Ecole, langue et culture »... « La BD-jeunesse : évolution sans révolution », le point sur un genre toujours très apprécié des jeunes, mais peu novateur dans l'édition qui réimprime plus qu'elle ne crée. Un article d'Agnès Lagadie après An- goulême, dans Livres Jeunes Aujourd'hui, n°2, février 1993. Le n°135, février 1993, de Griffon est consacré à Jean-Hugues Mali- neau, poète, romancier, directeur de collection entre 1980 et 1984 (L'Ami de poche chez Casterman), bibliophile, imprimeur, autodidacte et... cuisinier averti! Enquête sur le partenariat entre le CDI du collège de Bonneuil-sur- Marne et la bibliothèque municipa- D E S le, une collaboration bénéfique quoique pas toujours évidente car les objectifs ne sont pas les mêmes, suivie de l'étude des réactions des collégiens face à six collections (Verte Aventure chez Hachette, Page blanche chez Gallimard, Médium à L'Ecole des loisirs, Les Uns et les Autres chez Syros et Cascade policier et Les Maîtres de l'aventure chez Rageot), un travail destiné à les amener à critiquer le livre sous toutes ses formes. Lecture Jeune, n°65, janvier 1993. Le traitement de texte et les mul- tiples ressources de l'informatique apportent une nouvelle jeunesse à l'écrit, tout en engageant une véri- table mutation culturelle. Témoi- gnages et suggestions pour « écrire avec l'ordinateur » à l'école dans le n°311, février 1993 des Cahiers pé- « Des élèves au musée, partager la culture », un dossier ouvert dans le n°16, décembre 1992 d'Éducation & pédagogies. Ces dix dernières années des services pédagogiques se R E V U E S sont eneffet progressivement mis en place dans les musées, pourtant le partenariat musée-école reste encore à construire. Un dossier que l'onpourra utile- ment compléter avec le n°l, 1993, du Bulletin des Bibliothèques de France, consacré aux bibliothèques d'art et aux services documentaires au sein d'organismes très divers : musées, fondations, centres cultu- rels, écoles d'art... « Femmes au travail, regards sur leur représentation dans le livre d'enfance et de jeunesse »; dans le n°97, décembre 1992 de Nous voulons lire ! Evelyne Brouzeng examine comment les albums et les documentaires pour la jeunesse parlent du rôle des femmes dans le monde du travail. Un état des lieux consternant ; depuis l'étude réalisée par Fulvia Rosenberg (La Famille dans ks Uvres pour enfants, Ecole des loisirs/Magnard, 1976) rien n'a changé !- ou si peu - Un avis partagé par Catherine Tillard qui analyse les albums et les romans sur ce thème et constate que « beaucoup d'auteurs pour enfants considèrent avant tout la femme comme mère de famille... [et qu']d faut être grand- mère pour devenir camionneur ou cosmonaute ! » Après plusieurs mois d'absence la revue Dire, revue du Conte et de l'Oralité, reparaît (nouvelle adres- se : 8, rue Albert Thuret - 94550 Chevilly-Larue). Nous nous en ré- jouissons. Le rédacteur en chef en est Henri Gougaud, le directeur de publication Olivier Poubelle. Dans le n°17, hiver 1993, ontrouve entre autres un article sur les loups, des interviews de conteurs, des nou- velles inédites, des informations... Bref nous retrouvons, et c'est tant N° 150 PRINTEMPS 1993/69

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REVUESDE LANGUEFRANÇAISEpar Aline Eisenegger

Le Français aujourd'hui (ête sesvingt-cinq ans avec le n°100 de dé-cembre 1992. Une occasion pourdresser un bilan des vingt-cinq der-nières années de la littérature et dela presse pour la jeunesse, véritablelieu d'enjeu de luttes idéologiques.Jean Perrot dresse un bilan de ces« Combats culturels : vingt-cinq ansde manifestes pour grandir le livrede jeunesse » et on s'aperçoit qu'àtravers l'évolution du livre de jeu-nesse on peut suivre les change-ments significatifs apparus dansnotre société : internationalisation,renouvellement de la vision descontes, place de la petite fille, ou-verture aux autres cultures... Lenuméro est par ailleurs consacré à« Ecole, langue et culture »...

« La BD-jeunesse : évolution sansrévolution », le point sur un genretoujours très apprécié des jeunes,mais peu novateur dans l'édition quiréimprime plus qu'elle ne crée. Unarticle d'Agnès Lagadie après An-goulême, dans Livres JeunesAujourd'hui, n°2, février 1993.

Le n°135, février 1993, de Griffonest consacré à Jean-Hugues Mali-neau, poète, romancier, directeurde collection entre 1980 et 1984(L'Ami de poche chez Casterman),bibliophile, imprimeur, autodidacteet... cuisinier averti!

Enquête sur le partenariat entre leCDI du collège de Bonneuil-sur-Marne et la bibliothèque municipa-

D E S

le, une collaboration bénéfiquequoique pas toujours évidente carles objectifs ne sont pas les mêmes,suivie de l'étude des réactions descollégiens face à six collections(Verte Aventure chez Hachette,Page blanche chez Gallimard,Médium à L'Ecole des loisirs, LesUns et les Autres chez Syros etCascade policier et Les Maîtres del'aventure chez Rageot), un travaildestiné à les amener à critiquer lelivre sous toutes ses formes. LectureJeune, n°65, janvier 1993.

Le traitement de texte et les mul-tiples ressources de l'informatiqueapportent une nouvelle jeunesse àl'écrit, tout en engageant une véri-table mutation culturelle. Témoi-gnages et suggestions pour « écrireavec l'ordinateur » à l'école dans len°311, février 1993 des Cahiers pé-

« Des élèves au musée, partager laculture », un dossier ouvert dans len°16, décembre 1992 d'Éducation& pédagogies. Ces dix dernièresannées des services pédagogiques se

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sont en effet progressivement mis enplace dans les musées, pourtant lepartenariat musée-école resteencore à construire.Un dossier que l'on pourra utile-ment compléter avec le n°l, 1993,du Bulletin des Bibliothèques deFrance, consacré aux bibliothèquesd'art et aux services documentairesau sein d'organismes très divers :musées, fondations, centres cultu-rels, écoles d'art...

« Femmes au travail, regards surleur représentation dans le livred'enfance et de jeunesse »; dans len°97, décembre 1992 de Nousvoulons lire ! Evelyne Brouzengexamine comment les albums et lesdocumentaires pour la jeunesseparlent du rôle des femmes dans lemonde du travail. Un état des lieuxconsternant ; depuis l'étude réaliséepar Fulvia Rosenberg (La Familledans ks Uvres pour enfants, Ecoledes loisirs/Magnard, 1976) rien n'achangé !- ou si peu - Un avispartagé par Catherine Tillard quianalyse les albums et les romans surce thème et constate que « beaucoupd'auteurs pour enfants considèrentavant tout la femme comme mère defamille... [et qu']d faut être grand-mère pour devenir camionneur oucosmonaute ! »

Après plusieurs mois d'absence larevue Dire, revue du Conte et del'Oralité, reparaît (nouvelle adres-se : 8, rue Albert Thuret - 94550Chevilly-Larue). Nous nous en ré-jouissons. Le rédacteur en chef enest Henri Gougaud, le directeur depublication Olivier Poubelle. Dansle n°17, hiver 1993, on trouve entreautres un article sur les loups, desinterviews de conteurs, des nou-velles inédites, des informations...Bref nous retrouvons, et c'est tant

N° 150 PRINTEMPS 1993/69

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mieux, les rubriques familièresd'une revue très appréciée.

Nouvelle maquette, nouvelle couver-ture et nouveau graphisme pourEnfant d'abord à partir du n°165,février 1993 : des changements pourrendre le contenu rédactionnel plusaccessible. Au sommaire : profes-sion, plasticien de crèche (concep-tion d'expositions, création delivres-jeux), un court article surAzouz Begag, « écrivain au pi-quet»...

« Les Bébés ont du génie », uneenquête parue dans le n°201, février1993, du Monde de l'éducation.Des psychologues, des psychiatres,des linguistes et d'autres spécialistesse sont penchés sur le bébé, et lesrésultats sont surprenants ! Mais,attention, nous dit Jean Epstein,aux risques de dérive, car « pourqu'un enfant apprenne, il faut sesoucier de son éveil sensoriel et desa maturité globale ».

Journaux pour enfants

Depuis février 1993 un nouveauPomme d'api est né : plus grand(même format que Youpi), plusaéré, plus moderne (le journal a 25ans), avec une nouvelle signalisationdes différentes rubriques (jeux, his-toire, conte, amuse-mots, à la dé-couverte...) et de plus nombreux« cadeaux » : un château-fort enfévrier, une horloge en mars. Lecontenu est mieux adapté aux petitsde la maternelle et les fidèles neseront pas trop déroutés puisque leshéros du journal, Ti-Michou etGros-Cachou, Petit Ours Brun etMinù Cracra n'ont pas déserté lespages. Bob Graham a créé une nou-velle bande dessinée, Zoé, et lesparents, qui ont toujours été des

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partenaires privilégiés, ont égale-ment droit à un nouveau Pommed ' ap i pa ren t s , plus grand ets'ouvrant d'avantage aux échanges.Ils ont, eux aussi, une page dedessin d'humour.

Dans Blaireau, n°60, février 1993,« La Course aux pantoufles », dePhilippe Dupasquier. Une amusantehistoire d'attrape-nigauds publici-taire dans laquelle beaucoup de fa-milles se reconnaîtront. Pour rire etréfléchir, à table, et en famille. Anoter que depuis janvier Petit-Blai-reau voyage à travers l'Europe etécrit ses impressions sur le paysvisité, le Danemark en mars.

Perlin annonce une nouvelleformule pour le printemps, à partirdu 20 mars : le semainier sera rem-placé par un « petit journal dePerlin et Pinpin », rendez-vousd'actualité de la semaine pour lesenfants de 5 à 8 ans. En attendanton peut s'amuser avec le dictionnai-re rigolo de la Petite bibliothèque dePerlin. Claude Morand y expb'queles expressions courantes comme« Pouce », « manger sur le pouce »et « se tourner les pouces », agréa-blement illustré par Paul Cox. n°7,13 février 1993.

LES MOTS EN l'AIR

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C'est Régine Pascale, à qui l'on doitdéjà de nombreuses histoires sur lesIndiens (Peu Renard, Bayard Edi-tions), qui raconte dans Je lis deshistoires vraies, n°4, janvier 1993,l'enfance de White, fds de QuanahParker, un grand chef Comanchequi a aidé sa tribu a s'adapter à lacivilisation blanche.

REVUESDE LANGUEANGLAISEpar Caroline Rives

1968 est passé depuis toujours, 1984depuis presque 10 ans, et l'on parleà nouveau de politique dans lesrevues anglo-saxonnes : après l'èredu cocooning, assiste-t'on au renou-veau d'une lecture contestataire deslivres pour enfants, ou s'agit-il desderniers soubresauts d'une vieillegarde gauchiste contre un BigBrother enfin sur le point d'arriverà ses fins ?

Books for keeps, dans son numéro79 de mars 1993 prend vigoureuse-ment position contre les listesd'auteurs recommandés (avec insis-tance) aux enseignants, par les pou-voirs publics anglais. Dans son édi-torial, Chris Powling défend lapluralité des lectures et la diversitéculturelle. Michael Rosen, dans unarticle véhément et passionné,s'élève contre la régression insidieu-se des outils de lecture pubb'que enAngleterre et le contrôle réaction-naire et réducteur des documentsproposés aux élèves. Il ne s'agit passeulement d'une insuffisance demoyens financiers, c'est un problè-me de société et un problème poli-tique : apprendre à utiliser dessources multiples, c'est apprendre

70 / LA REVUE DES LIVRES POUR ENFANTS

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que les vérités absolues n'existentpas, c'est savoir interroger le mondeet construire ses propres réponses.

La dimension politique des lecturesenfantines est affirmée avec forcedans The Lion and tlie Unicom,vol. 16, n°l de juin 1992, à traversun dossier copieux intitulé « Politi-cal correctness and culturalliteracy ». Le terme de « politicalcorrectness », difficile à traduire enfrançais (« politiquement cor-rect » ?) se réfère au combat menédans les années 70 pour promouvoirdes livres non sexistes, non racistes,mettant en valeur les cultures mino-ritaires. Il a été par la suite utiliséde façon négative et par dérision,par les tenants d'une cultureconservatrice. La rédaction de TheLion and the Unicorn défend avecvéhémence les valeurs qu'il re-couvre : les cultures minoritairesdoivent toujours trouver une ex-pression dans la littérature enfanti-ne ; la diversité des approches est lacondition de ce que les auteurs ap-pellent « cultural literacy »,connaissance des cultures diffé-rentes et des différents points devue. A travers l'évocation de par-cours personnels de lecture, àtravers des exemples (les réactionsvirulentes et complexes à Huckle-berry Finn, la censure du vocabulai-re des romans de Jane Yolen, etc.),à travers des prises de positionsmultiples, les auteurs s'engagent vi-goureusement dans un combatcontre la censure soft et la cultureunidimensionnelle.

Le même sujet est abordé dans leJournal of Youth Services in Li-braries, vol. 6, n°2, hiver 1993, àtravers le compte rendu de plusieurscommunications sur le multicultura-lisme dans les bibliothèques pour

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enfants et adolescents, au congrèsannuel de l'American Iibrary Asso-ciation à San Francisco en 1992.Phoebe Yeh analyse l'offre éditoria-le : si on trouve beaucoup de livresreprésentatifs des différentes cul-tures en direction des plus jeunes (etdans le domaine du conte tout parti-culièrement), ils se raréfient dans laproduction destinée aux adoles-cents. Par ailleurs, il est importantde se pencher sur le contenu de ceslivres : le multiculturalisme n'estpas l'introduction d'un quotad'enfants minoritaires-alihis dans lalittérature enfantine, ni l'additionde stéréotypes. Lynn Miller-Lach-mann s'interroge sur les publics dela littérature multiculturelle : leslivres concernant les cultures mino-ritaires s'adressent à la communau-té considérée mais peuvent aussiaider les différents groupes à mieuxse connaître. Judy Sasges demandeà ce que les livres qui mettent enscène des adolescents des minoritésne le fassent pas seulement à traversdes situations dramatiques (drogueet délinquance), mais les présententdans des contextes quotidiens etproposent des modèles positifsd'identification.

Signal n°70 de janvier 1993 préfèrese tourner vers le passé (maisn'éclaire-t'il pas toujours le pré-sent ?) pour évoquer l'histoire del'édition enfantine en Grande-Bre-

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i nos jours : on

y trouve des articles sur les lectures

d'enfance d'Isabel Quigly dans les

années 30 et d'Aidan Chambers

dans les années 40, les illustrateurs

des Puffin books dans les années 40,

l'expérience d'éditeur de David

Herbert chez Penguin et de Robert

Denniston chez Collins dans les

années 50, le parcours de Brock-

hampton Press dans les années 60.

ill. J. Griffiths pourPenguin Progress in : Signal 70,

January 93

A travers des angles d'attaque per-

sonnels, c'est toutes une évolution

qui est retracée.

Dans les deux dernières livraisons

du Horn Book, deux écrivains pour

la jeunesse se livrent à une intros-

pection sans complaisance sur les

raisons qui les poussent à écrire

pour les enfants.

Dans le numéro de novembre-dé-

cembre 1992, Susan Sharp s'inter-

roge sur la persistance insidieuse

d'un didactisme inconscient dans les

livres pour les enfants : les écrivains

pour enfants ne cherchent-ils pas à

gérer leurs angoisses personnelles en

imaginant dans les romans pour la

jeunesse des issues positives à des si-

tuations qui n'en ont pas eu dans

leur propre vie ?

Avi, auteur américain de livres pour

enfants, dans le numéro de janvier-

février 1993, pousse l'analyse plus

loin : la littérature enfantine, dit-il,

n'est pas réellement écrite pour les

enfants, mais produite par des

adultes à partir de l'idée qu'ils se

font de l'enfance, et elle transmet

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(dans des termes simplifiés) une ex-périence d'adultes. Mais écrire de lalittérature enfantine, c'est aussifaire appel à une part d'enfance, re-joindre un espace imaginaire deliberté où certains comportementstransgressifs sont admis, en conni-vence avec le lecteur. La littératureenfantine est pour beaucoup de ceuxqui l'écrivent un moyen de ne pasfaire le deuil de leurs illusions,d'évoquer un monde où le bien et lemal existent et où le bien triompheencore du mal : « Sauvez-nous,disons-nous aux enfants, sauvez-nous de ce que vous êtes en train dedevenir. Sauvez-nous de ce que nousvous apprenons à être. L'ironieultime, c'est que les thèmes de la lit-térature enfantine concernent laplupart du temps l'accession à l'âgeadulte. Ainsi, la littérature enfantineest un appel au secours des adultesaux enfants. » Les livres où l'enfantquitte le jardin d'Eden sans regret etsans remord (Huckleberry Finn,VAttrape-Cœur, Hurriet l'espion-ne...) sont peu nombreux et considé-rés avec méfiance par les adultes. Cesont peut-être pourtant ceux-là qiùapprennent le mieux à vivre.

The Lion and the Unicorn, n°2,vol. 16 de décembre 1992, aborde unsujet plus anodin, mais rarementévoqué dans les revues spécialisées,la place de la musique dans la fictionpour les enfants : on y trouve des ar-ticles sur les opéras de MauriceSendak, le travail d'illustration surdes recueils de chansons fait parBarbara Cooney, la musique dansLa Petite maison dans la prairie,voire des textes plus inattendus surla harpe dans la littérature enfantineou le rapport entre le sexe des prota-gonistes et la pratique d'un instru-ment dans les romans pour adoles-cents. Nouveau et intéressant.

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Enfin, comme d'habitude, on trouveau fil des pages des articles et des in-terviews qui permettent d'en savoirplus sur les écrivains et les illustra-teurs : dans le Horn Book de no-vembre-décembre 1992, VirginiaHamilton explique comment ses ori-gines familiales ont influencé sespratiques d'écriture. Issue d'unefamille de tradition orale dont l'his-toire était intimement liée à l'histoi-re américaine, elle a vécu comme undevoir moral sa vocation d'écrivain.Comme un jardinier qui sème lesgraines de la récolte précédente,l'écrivain hérite de la tradition pourlui donner un nouveau public, et leshistoires qu'il crée deviennent à leurtour les éléments d'une traditionnouvelle ; ce n'est pas par hasardque Virginia Hamilton accorde tantd'importance au fait d'être née dansun milieu rural.

Dans le Horn Book de janvier-février 1993, Lane Smith, l'illustra-teur de La Véritable histoire destrois petits cochons, publiée chezNathan, souligne l'influence ducinéma d'animation et en particulierde Tex Avery sur sa façon de conce-voir ce livre corrosif. Il déplorel'étroitesse d'esprit de ses contempo-rains dont certains ont voulu retirerdes bibliothèques son EalloweenAbc pour une prétendue incitationaux pratiques sataniques. Il déplore(avec un brin de mauvaise foi) que lacensure qui porte sur la littératureenfantine ne contribue pas à fairemonter les ventes : il ne peut pasvraiment comme il le prétend envierle sort de Salmann Rushdie !

Dans Books for keeps, n°79, mars1993, nous faisons plus ampleconnaissance avec Michael Morpur-go. Nous ne sommes pas surprisd'apprendre qu'un écrivain qui ma-

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nifeste dans ses livres un sentimentde la nature si juste et si profond,soit aussi à temps partiel éleveur demoutons. Mais ce qui est plus inat-tendu, c'est de savoir qu'il reçoit defaçon régulière dans son exploita-tion des groupes d'enfants qui ypassent une semaine dans des sortesde classes de nature-lecture où onapprend la vie. Une expérience per-sonnelle originale et intéressante.

On retrouve enfin Roald Dahl dansC h i l d r e n ' s L i t e r a t u r e inEducation, vol. 23, n°4 de dé-cembre 1992 où il fait l'objet dedeux art icles. Dieter Petzoldcherche à montrer que Matilda parson mélange de motifs inspirés duconte traditionnel et de réalismecontemporain se rattache à latradition romanesque inaugurée parCharles Dickens. Noriko ShimodaNetley se pose le problème de la tra-duction du même livre en japonais.Le style, proche du langage parlédans l'original, devient une foistraduit beaucoup plus formel et lelivre y perd son humour pourdevenir effrayant. Elle donne à cetteperte de sens un certain nombred'explications fort intéressantes,bien qu'assez complexes, qui vontde la difficulté de rendre compte enjaponais des différents points de vuede la narration en gardant le ton dutexte original, au fait que les nomsdes personnages ont perdu leur côtécomique en étant transcrits phonéti-quement. Les injures dahliennes, ri-golotes en anglais, deviennent beau-coup plus violentes en japonais, etl'école de la terrible Miss Trunch-bull, caricaturale pour un publicanglais, est malheureusement tropproche de la réalité scolaire japonai-se pour sembler complètement ima-ginaire.

72 / LA REVUE DES LIVRES POUR ENFANTS