RÉVOLUTION POSITIVE #8 -...

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PERSPECTIVES : Joël de Rosnay, Mathieu Baudin, Carine Dartiguepeyrou, Isabelle Lefort, Bénédicte Manier, Maëva Tordo, Guillaume Villemot POINTS DE VUE : Yacine Ait Kaci, Étienne-Armand Amato, Franck Ancel, Véronique Anger-De Friberg, Hervé Azoulay, Flavien Bazenet, Philippe Boisnard, Maxime Gueugneau, Étienne Krieger, Ariel Kyrou, Janique Laudouar, Éric Legale, Marie-Anne Mariot, Carlos Moreno, Dominique Sciamma, Hugo Verlinde (PRESQUE) FICTIONS : Jean-Jacques Birgé, Philippe Cayol, Philippe Chollet, Marta Grech, Yann Minh, Joël Valendoff RENCONTRE : Francis Demoz LES LIAISONS HEUREUSES : Les Liens qui libèrent Création et société numérique Mai 2015 RÉVOLUTION POSITIVE #8 www.cuberevue.com

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  • PERSPECTIVES :

    Jol de Rosnay, Mathieu Baudin, Carine Dartiguepeyrou, Isabelle Lefort, Bndicte Manier, Mava Tordo, Guillaume Villemot

    POINTS DE VUE :

    Yacine Ait Kaci, tienne-Armand Amato, Franck Ancel, Vronique Anger-De Friberg, Herv Azoulay, Flavien Bazenet, Philippe Boisnard, Maxime Gueugneau, tienne Krieger, Ariel Kyrou, Janique Laudouar, ric Legale, Marie-Anne Mariot, Carlos Moreno, Dominique Sciamma, Hugo Verlinde

    (PRESQUE) FICTIONS :

    Jean-Jacques Birg, Philippe Cayol, Philippe Chollet, Marta Grech, Yann Minh, Jol Valendoff

    RENCONTRE :

    Francis Demoz

    LES LIAISONS HEUREUSES :

    Les Liens qui librent

    Cration et socit numrique

    Mai 2015

    RVOLUTION POSITIVE #8

    www.cuberevue.com

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    La Revue du CubeParce qu lre du numrique, le mouvement, la porosit et le foisonnement recomposent le monde, la Revue du Cube entend croiser les regards de praticiens, dartistes, de chercheurs, de personnalits et dexperts venus dhorizons diffrents. Chaque numro sarticule autour dune thmatique qui traduit les tendances mergentes. Articles, points de vue, interviews, entretiens vido, dbats, empreintes sonores ou visuelles, toutes les formes dexpression ont droit de cit dans la Revue du Cube La Revue est dite par Le Cube, centre de cration numrique.Comit ditorial : Nils Aziosmanoff, Rmy HocheAvec la contribution de Carine Le Malet, Isabelle Simon-Gilbert, Hlne Gestinwww.cuberevue.com

    Le Cube, centre de cration numriquePionnier sur la scne culturelle numrique franaise, Le Cube est un lieu de rfrence pour lart et la cration numrique. Cest un espace ouvert tous, quel que soit son ge et sa pratique du numrique, pour dcouvrir, pratiquer, crer et changer tout au long de lanne, autour dateliers, de formations, dexpositions, de spectacles, de confrences et de rencontres avec les artistes et les acteurs du numrique. Le Cube organise tous les deux ans un festival international dart numrique, ainsi quun prix pour la jeune cration en art numrique. Depuis 2011, Il a galement lanc sa revue en ligne.

    Cr en 2001 linitiative de la Ville dIssy-les-Moulineaux, Le Cube est un espace de la Communaut dAgglomration Grand Paris Seine Ouest, gr et anim par lassociation ART3000. Il est prsid par Nils Aziosmanoff.

    Le Cube20 cours St Vincent, 92 130 Issy-les-Moulineaux01 58 88 3000 / [email protected]

    Cration et socit numrique

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    RVOLUTION POSITIVENils Aziosmanoff - dito 5

    PERSPECTIVESJol de Rosnay - Socit collaborative, cosystme numrique et rvolution positive : Pour un nouveau contrat social (adapt notre sicle) 9Mathieu Baudin - Hacker vaillant rien dimpossible 13Carine Dartiguepeyrou - Rvler les nergies cratives : un changement de paradigme culturel 15Isabelle Lefort - Nous ne sommes pas des Bisounours ! 18Bndicte Manier - Vers de nouveaux cosystmes 23Mava Tordo - Le bruit du cur 27Guillaume Villemot - Demain la Rvolution solidaire 30

    POINTS DE VUEYacine At Kaci - (R)VOLUTIONs POSITIVEs 35tienne-Armand Amato - Le jeu, lrotisme et lhumour, sources souterraines du rgime digital 38Franck Ancel - Scnographie date ou post-scnographie des datas 41Vronique Anger-De Friberg - Changer dre pour entrer dans le temps de la fraternit 43Herv Azoulay - Rvolution collaborative : nouvelle approche 46Flavien Bazenet - La politique peut-elle faire sa Rvolution positive ? 48Philippe Boisnard - Ontologie du numrique : la ruse de la nature 50Emmanuel Ferrand - Les paradoxes des rseaux 52Maxime Gueugneau - Le temps du rve 54tienne Krieger - Discours de la servitude numrique volontaire 56Ariel Kyrou - Pour la rvolution Marier la carpe technophile au lapin technophobe 58Janique Laudouar - Tout change : la nouvelle dmocratie est arrive 61ric Legale - Apprendre coder pour rester matre de son destin 64Marie-Anne Mariot - Il faut choisir : se reposer ou tre libre Thucydide 66Carlos Moreno - La rvolution positive de laltruit - Plaidoyer pour un humanisme numrique 69Dominique Sciamma - Sharing Politics , le pouvoir en partage 71Hugo Verlinde - toiles jumelles 73

    (PRESQUE) FICTIONSJean-Jacques Birg - Lextra ordinaire 79Philippe Cayol - Les aventures alatoires dun chevalier anonyme et tmraire, et ce quil en advint 81Marta Grech - Concept chef Recette de base de la rvolution positive 84Yann Minh - Meurtre en Extropia 86Jol Valendoff - Usage des effets indsirables 90Philippe Chollet - Rvolution 92

    RENCONTREFrancis Demoz - De llectricit pour tous ! 98

    LES LIAISONS HEUREUSESLes Liens qui Librent - Rsolutions citoyennes 104

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    dito

    Rvolution positive

    Nils Aziosmanoff

    Tout comme la construction du chemin de fer a permis lessor de lconomie industrielle au sicle dernier, les plateformes numriques constituent aujourdhui des externalits positives demprise plantaire. En sadressant directement des milliards dindividus, elles crent des gains dopportunit un niveau encore jamais atteint. Mais leur dploiement ncessite de gigantesques investissements en amont. Le seul cot de dploiement de lInternet de lnergie aux tats-Unis, qui pourrait permettre un accs gratuit llectricit, a t valu quelques 2000 milliards de dollars1. Un montant que ni les nergticiens ni les puissances publiques rendues exsangues par la crise ne peuvent financer.

    Grce leurs profits colossaux, les entreprises leaders du numrique tirent avantage de cette situation en dveloppant grand pas les nouvelles infrastructures du monde connect. Rpondant aux besoins croissants des usagers et des acteurs conomiques, elles deviennent de fait de vritables monopoles privs dintrt public. Car lre des pratiques collaboratives et de la big data, la multitude connecte devient le premier producteur de la richesse cre. Le nouveau paradigme conomique du 21e sicle nous fait passer de la production pour les masses la production par les masses . Ainsi par exemple, le monde de la sant se rinvente compltement autour dune mdecine prdictive, base sur la mutualisation et la corrlation des donnes personnelles. Particularits gntiques, pathologies, traitements mais aussi habitudes alimentaires, localisation ou activits, toutes ces informations sont automatiquement croises afin de dfinir le protocole de soin le plus adapt notre profil. Ces rsultats intressent dj les banques, les assurances ou encore lindustrie alimentaire qui souhaitent les exploiter pour leur propre compte. Parce quelles amliorent la personnalisation des services, ces pratiques rpondent une forte demande sociale et ne rencontrent que peu dobjection. Chacun saccommode doucement de lmergence dune socit de la sous veillance2 rgule par la big data, les algorithmes prdictifs et les machines qui pensent.

    Cette intgration verticale du consommateur en amont des processus de production rencontre un autre phnomne de grande ampleur : lautomatisation des tches grce au progrs spectaculaire de lintelligence artificielle, de la robotique, des technologies de la cognition et du calcul haute performance. Dici 20 ans, 40 70 % des emplois pourraient tre remplacs par des machines autonomes, linstar de la voiture sans pilote dj en test 1. La nouvelle socit au cot marginal zro, Jeremy Rifkin, ditions Les Liens qui Librent, 20142. Surveillance globale, ric Sadin, ditions Flammarion, 2009

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    chez les constructeurs automobiles, ou bien des gnrateurs automatiques de texte utiliss par de grands mdias.

    Dans un monde o les consommateurs infoproducteurs alimenteront de leurs donnes des units de fabrication dpourvues demploys, une hyper lite matrisant les hautes technologies pourrait concentrer toutes les richesses et faire fonctionner les principaux rouages de la socit. Cest pourquoi, linquitante perspective de voir apparatre de vritables entreprises tats rpondant leurs seuls intrts conomiques devient chaque jour un peu plus relle, avec notre placide consentement.

    Face cette vision Orwellienne, un autre monde merge. Ses adeptes misent sur les potentialits du numrique pour imaginer une socit productrice de valeur sociale forte. Un peu partout, leurs initiatives isoles se ramifient et se multiplient pour apporter des solutions concrtes la crise. Ils inventent des modles de consommation o lusage prime sur la proprit et renouvelle les formes de solidarit. En permettant chacun dlargir son horizon empathique grce aux dynamiques participatives, ils retissent les liens de confiance et de proximit au sein de communauts atomises par les nouveaux modes de vie urbains. Laltruisme rationnel3, devient la norme dune gnration qui adhre aux principes de lconomie positive 4. Soucieuse du bien commun et des gnrations futures, elle est prte sadonner une sobrit heureuse5 pour prserver la plante, et fait de la relation, de lducation, de linter crativit et du partage, le terreau fertile du renouveau.

    Forte de sa longue histoire en matire dentreprenariat social, la France pourrait bien prendre le leadership de cette mutation. Associations, coopratives, mutuelles ou socits dconomie mixte, plus dun million dorganismes dutilit sociale structurent depuis un sicle son paysage conomique et culturel. Ce remarquable acquis a fait dire lconomiste amricain Jeremy Rifkin, lors de sa venue au Cube, La rvolution collaborative mondiale commence en France ! .

    Souhaitons donc quune nouvelle nergie irrigue la socit toute entire afin que, face lhgmonie annonce des machines qui pensent, se mobilisent les forces cratives dune salutaire rvolution positive.

    3. Plaidoyer pour laltruisme, Mathieu Ricard, ditions du Nil, 20134. P+sitive Book, btissons une socit positive, Jacques Attali, ditions Flammarion, 20145. Vers la sobrit heureuse, Pierre Rabhi, ditions Actes Sud, 2013

    Nils Aziosmanoff : dito / La Revue du Cube #8

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    PERSPECTIVES

    Jol de Rosnay, Mathieu Baudin,

    Carine Dartiguepeyrou, Isabelle Lefort,

    Bndicte Manier, Mava Tordo,

    Guillaume Villemot

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    Parmi les changements les plus significatifs de limmersion dans lcosystme numrique, il faut noter la co-ducation, le partage intercratif et la personnalisation. Dsormais, cest labondance de varit et de diversit que le politique va devoir grer, lui qui stait habitu un univers rgit par les statistiques, les probabilits et les sondages dopinions. Ce dcalage des politiques face la nouvelle dmocratie des rseaux a t dcrit par Laure Belot, dans son remarquable livre, La Dconnexion des lites (ditions des Arnes, 2015). Lauteure souligne le foss entre pense et action politique traditionnelle et lmergence de la gnration du millenium lchelle internationale. Un tel dcalage est la consquence dun changement de paradigme et dun saut culturel. La pense cartsienne, analytique, linaire, squentielle et proportionnelle, partage par tant de dcideurs politiques et industriels, forms aux mathmatiques et au droit, appartient lancien paradigme. La culture de la complexit qui est partie intgrante du nouveau paradigme se rfre la pense systmique, au non linaire, au multidimensionnel et intgre la dynamique due aux effets damplification. Les caractristiques du nouvel espace conomique, social et culturel immatriel de lcosystme numrique, chappent aux analyses de ceux qui vivent et raisonnent sur les bases de lancien paradigme. Elles leur sont invisibles. Il existe donc aujourdhui deux cultures chez les dcideurs politiques et industriels. Un nouveau clivage culturel qui apparat souvent plus marqu que les traditionnels clivages politiques. Et il ne sagit pas seulement de foss entre les gnrations. Il sagit dune nouvelle approche de la complexit et de lenvironnement immatriel. Seule une telle approche multidimensionnelle permettra de jeter les bases et de co-construire la charte universelle dune rvolution positive.

    Lexemple le plus marqu du foss culturel li lessor de lcosystme numrique et de lInternet des objets connects, est celui de lconomie collaborative. Les critres de la socit industrialiste et de lconomie de march ne sappliquent plus face au prcariat et ses valeurs, aux freelancers (adeptes du travail intermittent) et luberisation du travail (gestion personnelle dun portefeuille dactivits placer en fonction de la demande). Et pourtant, croissance, emploi et activits non solvables pourraient tre complmentaires, condition de jeter un nouveau regard sur la situation actuelle.Le noyau dur de lconomie marchande traditionnelle assure pour un tat la collecte des impts et des taxes diverses, les prlvements sociaux destins la protection sociale et aux caisses de retraites. Les moteurs de la croissance sont la recherche, le dveloppement

    Socit collaborative, cosystme numrique et rvolution positive : Pour un nouveau contrat social (adapt notre sicle)

    Jol de RosnayScientifique, prospectiviste, confrencier et crivain

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    industriel et la diversit des marchs assurant le progrs conomique et le bien-tre social. La comptition, la concurrence, stimulent lconomie tandis que la croissance permet de crer les emplois ncessaires une saine conomie. Ce schma traditionnel est rest longtemps pertinent dans un univers matriel fond sur la production et la distribution dobjets manufacturs. Il nest plus adapt lcosystme numrique et donc la socit informationnelle. On atteint dans lconomie classique la loi des rendements dcroissants. Un accroissement considrable des efforts gouvernementaux et des investissements financiers, industriels et humains est ncessaire pour une augmentation marginale des bnfices, des parts de marchs ou de la comptitivit conomique. Un phnomne parfaitement dcrit dans le livre visionnaire de Jeremy Rifkin La nouvelle socit du cot marginal zro (ditions Les Liens qui Librent, 2014).

    Telle est la dure loi des trente dernires annes : laccroissement de productivit due lautomatisation, linformatique, la robotisation et, dsormais, lintelligence artificielle et la mobilit engendre par le smartphone, entrane lapparition de poches de chmage irrductibles. Les politiques de relance crent des effets pervers. Les moteurs sur lesquels agissent les gouvernements ne tournent pas en harmonie et souvent neutralisent leurs forces. Acclration de la croissance, relance de la consommation, incitations rduire lpargne, augmentations des salaires, stimulation des exportations, baisse des taux dintrts, travail le dimanche, rduction du temps de travail, amnagement de la fiscalit Des mesures spectaculaires, forte rsistance sociale mais aux rsultats modestes. Le noyau dur de lconomie classique nentre pas en expansion et la croissance de lemploi est fortement limite.Pourtant la sphre des activits est, elle, en constant dveloppement. Les innovations du numriques (produits, services ou start-ups) catalysent de nouveaux changes et dautres formes de transactions. Les rseaux de communication interpersonnels voient leur densit saccrotre, amplifiant les flux des changes immatriels. Ces nouvelles activits ne sont pas toujours solvables dans lconomie classique. Elles traduisent pourtant une forte demande socitale. Comment concilier le noyau dur de lconomie marchande, ne de la socit industrielle, et la sphre en expansion des activits immatrielles, lies la diversification et la complexification de lcosystme numrique ? Il faut repenser en profondeur la relation entre le temps et la nature du travail, pour un nouveau contrat social et la charte universelle dune rvolution positive.

    Le contrat de travail enferme aujourdhui la logique de croissance et dexpansion dans une matrice une dimension : temps contre salaire. Les rgles traditionnelles de lunit de lieu, de temps et de fonction bloquent lessor de lconomie du numrique. Mais si lon peut travailler distance, on peut aussi travailler en temps choisi, effectuer plusieurs tches de nature diffrente, simultanment ou squentiellement, voire de courte dure. Ce qua parfaitement compris la gnration des freelancers et des pratiquants de luberisation du travail. Travail choisi, temps choisi. Les outils modernes du numrique permettant de grer plus efficacement le temps et linformation. Les savoirs, eux, et donc les comptences, pouvant sobtenir online . On voit ainsi apparatre une nouvelle catgorie socio-conomique, de salaris libraux : tantt salaris employeurs multiples, tantt consultants, confrenciers ou enseignants, champions des tlactivits grce leurs outils de communication et de traitement de linformation. La

    Jol DE ROSNAY Socit collaborative, cosystme numrique et rvolution positive : Pour un nouveau contrat social (adapt notre sicle) / La Revue du Cube #8

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    puissance et la mmoire dun smartphone dpassent largement ceux des superordinateurs des annes 1980-1990.Les enqutes indiquent que les salaris sont ouverts des formes complmentaires de rmunration. une augmentation de salaire, certains prfreront une amlioration de la qualit de vie, une formation, une rduction du temps de travail, la cration dune pargne temps . Pour les jeunes de la gnration millenium , il sagira moins de chercher un emploi que de crer une activit . Davoir un rle plutt quun job . Pour les DRH, il ne sagira plus seulement de slectionner un(e) candidat(e) un poste en fonction de ses comptences et de sa correspondance un profil de poste pour lentreprise, mais former des personnes motives ayant dj acquis une certaine exprience par la coducation et la formation online. Les habitus des rseaux sociaux et des blogs pratiquent dj une nouvelle forme dconomie : le troc dinformations . Une cration originale (logiciel, texte, conseils, musique, graphisme, audiovisuel) est mise gratuitement la disposition des utilisateurs. En retour, les crateurs sont rmunrs en information plus haute valeur ajoute. La matrice traditionnelle slargit. Aux deux cases du contrat de travail, temps et salaire, viennent sajouter de nouvelles lignes et colonnes : information, valeurs, reconnaissance, temps Des cases nouvelles apparaissent et se remplissent.La sphre des activits rmunres par ces nouvelles formes dchange entre en expansion. Cest une des caractristiques fondamentales de la socit collaborative et de la co-conomie. Un phnomne parfaitement compris et intgrs par GAFA (Google, Apple, Facebook, Amazon), qui tire profit de ses propres consommacteurs pour crer de la valeur ajoute, revendue sous diffrentes formes dautres clients. Le systme est vertueux, car fonctionnant grce au win-win . Il ncessite peu dinvestissements si lon considre, en retour, la vitesse de la valorisation de lentreprise par ses stakeholders, et laccroissement de sa capitalisation boursire. Avec, videmment, le risque majeur de la constitution de nouveaux monopoles du numrique et des atteintes la vie prive. On assiste de nouvelles formes de troc, dchange marchandise, lessor du volontariat, du bnvolat, de lassistance humanitaire, des mouvements associatifs, des mutuelles. Ces activits crent du capital-temps dont on peut utiliser les intrts , et du capital-information qui permet, grce au temps investi, dacclrer et de rendre plus efficaces des processus de travail en quipe o de nombreux modules fonctionnent en parallle.

    Une des cls du dveloppement conomique de la socit du XXIe sicle se trouve sans doute en ce point prcis de transition : dans limpossibilit actuelle de faire crotre le noyau dur de lconomie classique, ne faudrait-il pas tenter de le faire crotre de lextrieur, aspir par une sphre dactivits en expansion, elle-mme cratrice indirecte demplois ? La densit des changes et des contacts dans lcosystme numrique ralise justement cette relation. On est loin des infrastructures lourdes de type autoroutes de linformation de la socit industrielle avec ses pages et son contrle de la circulation. On doit plutt adopter limage dun rseau de capillaires, de veines et dartres fortement ramifi et irriguant tous les aspects de la socit. Dans les systmes vivants, les artres nont pas prcd les capillaires. Cest lintgration des cellules en tissus, en organes et en organismes qui a rendu ncessaire laccroissement des dbits. Mais la fonction premire tait lirrigation des cellules, units de

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    base de la vie. LHomme et les contenus des messages qui donnent du sens son action sont au cur des rseaux de demain. Lemploi ne rsultera pas de mesures ponctuelles incompatibles les unes avec les autres. Mais dun changement des relations entre le temps, lespace et le travail. Cest--dire de lintroduction du nouveau paradigme dans une socit interactive et responsabilisante.

    La vision politique de la socit industrialiste est enferme dans une logique hrite du XIXe sicle : gestion de la raret, concentration sur les processus de production et de distribution, spcialisation des tches, contrle et programmation des activits. Aujourdhui, gestion de labondance (notamment de linformation), de lobsolescence, importance de la transaction, pilotage et catalyse sont les matres-mots de la socit collaborative informationnelle. Il convient de favoriser tout ce qui accrot la densit des interactions et des transactions : dsynchronisation des tches par le temps partiel, le temps partag, lpargne-temps, le temps choisi. Dlocalisation des activits par la rduction des cots de communication, la dmocratisation et la simplification de lusage des smartphones et des tablettes, la rorganisation des lieux de travail (bureaux mobiles, entreprises virtuelles). Diversification des fonctions, par laide aux entrepreneurs, la cration de ppinires dentreprises, les avantages accords aux salaris libraux, la rforme du contrat et du code du travail et des systmes de couverture sociale adapte ces nouveaux contrats de travail ou activits prcaires. Valorisation de lexprience des plus gs, afin quils puissent transmettre leurs connaissances par la co-ducation intergnrationnelle et rayonner longtemps. Une ncessit de la socit du numrique, avec retour au lien humain et au lien social. De telles mesures sont pratiquement loppos de celles mises en uvre aujourdhui. Il faut accepter la ralit : il ne sagit plus de crer des emplois ici et maintenant par mesures gouvernementales ou subventions. Mais plutt de crer des systmes qui favorisent lmergence demplois. Des emplois indirects qui se trouveront en dautres lieux, dans dautres temps, dans dautres fonctions et secteurs conomiques. Ce qui videmment est en contradiction avec la localisation de llectorat, la dure du mandat lectoral ou le versement local de taxes lies au travail en plus dtre en contradiction avec un systme conomique qui favorise la stabilit plus que la prcarit.

    Le dfi de la socit collaborative dans lcosystme numrique est quil remet en cause les politiques traditionnelles daide lemploi. Le politique ne doit plus craindre la diversit mais au contraire la favoriser. Il ne peut la contrler, mais peut en revanche catalyser lmergence des potentialits de chacun. Toute la question de la transition entre la socit industrielle et la socit informationnelle est contenue dans cette alternative : soit poursuivre lexercice (parfois solitaire) de lintelligence lective, soit favoriser la pratique solidaire de lintelligence collective. La complexit ne se rduit pas quelques lments simples par lanalyse cartsienne. Elle se construit au contraire par laction simultane de personnes responsables, informes et cratives. La russite de la rvolution positive , premire tape vers lmergence dun monde nouveau, se fera ce prix : celui de la responsabilisation des neurones du cerveau plantaire. Les acteurs personnaliss de la socit collaborative numrique de demain.

    Jol DE ROSNAY Socit collaborative, cosystme numrique et rvolution positive : Pour un nouveau contrat social (adapt notre sicle) / La Revue du Cube #8

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    Ce cri rsonne comme le bruit dune fort qui pousse, celle germinatoire dun nouveau monde qui sannonce.

    Dans une priode o les mots sont tous pigs, lests quils sont de lobsolescence dun monde qui ne veut pas finir, voir le verre moiti plein est dj en soi une forme de rsistance crative.

    Cest la dynamique des Conspirateurs positifs1, ces explorateurs du Monde qui vient. Pour eux, lavenir ne se prvoit pas, il se prpare. Bien intresss par ce dernier car cest l quils ont prvu de passer le restant de leurs jours.

    Rebelles, ils trouvent quil y a bien trop de chefs et pas assez dindiens, et se disent souvent que si le climat tait une banque, on laurait dj sauv.

    Intellectuels, ils aiment la controverse. Pour eux, construire les dsaccords est un sport collectif et la philosophie, une discipline de fond.

    Mme sils trouvent que vu du cosmos, parler de la Terre fait un peu provincial, non sans humour ils veulent sauver la plante car a priori, cest la seule qui a du chocolat.

    100% bio, le retour la terre et linspiration du vivant constituent pour eux une bonne partie de la solution. Aprs tout, avec 3,8 milliards dannes de R&D son actif, la nature a forcment des choses nous apprendre.

    Connects, ils dlaissent le pire to pire pour le partage sans modration, bien convaincus quun homme AZERTY en vaut deux.

    Romantiques, ils cultivent lart subtil de vivre la bonne heure. Ce qui ne les empchent pas de penser lavenir, car le bonheur est aussi dans laprs.

    1. Conspirateurs : www.conspirateurspositifs.org

    Hacker vaillant rien dimpossible

    Mathieu BaudinHistorien et prospectiviste, directeur de lInstitut des Futurs souhaitables

    http://www.conspirateurspositifs.org

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    Artistes de leurs destins, le futur est pour eux la dernire terre vierge qui reste explorer. Bien convaincus quun adulte cratif est un enfant qui a survcu, ils savent que ceux qui nont pas dimagination devront se contenter de la ralit.

    Happy-Culteurs, Change makers, Artisans du libre, Architectes dinvisibles, Free-Lifers, Objecteurs de croissance, Designers de monnaies, Bio-imitateurs, Transitionners, Symbionomistes, Stylistes 3D, Co-rvolutionnaires, ils crent des nouveaux mots pour des nouvelles ralits

    Optimistes offensifs, ils sont leurs propres terrains dexprimentations. Tentant de remplacer le mot2 crise par le mot mtamorphose dans ce quils lisent comme dans ce quils disent, ils ouvrent la pense de nouvelles opportunits.

    Une (r)volution potique quils portent intrinsque, tymologiquement con spirare en latin voulant dire respirer avec .

    Un bon dbut pour un nouveau souffle.

    2. Remplacer le mot crise par le mot mtamorphose , consigne : www.futurs-souhaitables.org/wp-

    content/uploads/2015/03/INTELLECTUEL-1.pdf

    Mathieu BAUDIN Hacker vaillant rien dimpossible / La Revue du Cube #8

    http://www.futurs-souhaitables.org/wp-content/uploads/2015/03/INTELLECTUEL-1.pdfhttp://www.futurs-souhaitables.org/wp-content/uploads/2015/03/INTELLECTUEL-1.pdfhttp://www.futurs-souhaitables.org/wp-content/uploads/2015/03/INTELLECTUEL-1.pdfhttp://www.futurs-souhaitables.org/conspirateurs-positifs/#quizz

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    Comment expliquer que de nouvelles expressions mergent et se manifestent dans tous les domaines, pas uniquement dans les mouvements dits sociaux ou alternatifs, mais aussi dans les milieux les plus traditionnels qui cherchent se rinventer ? Cest en cherchant rpondre cette question que nous sommes parvenus lide que derrire les mutations technologiques, cologiques, socioconomiques, se tissait une rvolution encore plus profonde, la mutation culturelle dfinie par nos systmes de valeurs et nos comportements. Face aux enjeux plantaires, il existe aujourdhui une minorit active de personnes qui cherchent inventer un monde nouveau plus juste et solidaire. Pour comprendre ce qui se trame derrire la rvolution positive, il faut comprendre le changement de paradigme culturel, ce qui relve non pas de lphmre mais dune transformation profonde de notre socit.

    De quoi parle-t-on ?La mtamorphose numrique1 rvolutionne la cration de valeur en donnant plus de poids la connaissance (transformation des donnes personnelles, le pouvoir nest plus dans le stock mais dans le partage de linformation, importance stratgique des moteurs de recherche et des algorithmes) et la communication (dans un monde dj surinform, le triptyque stratgique est celui de la contribution, attention et reconnaissance). Cette mtamorphose est porte par un changement de paradigme culturel qui cristallise un certain nombre de valeurs telles que le respect, la libert, ltre plutt que lavoir, laltruisme, le don, le partage, la conscience plantaire. Le levier individuel est celui de lmancipation. Une personne cherche avant tout se raliser, apprendre, progresser ; elle est prte beaucoup donner mais veut en change avoir le sentiment que son avis compte et dtre reconnue. Elle prend plaisir ce quelle fait et lorsquil ny a plus de plaisir, elle passe autre chose.

    Le second levier collectif est celui de linterdpendance. Il se caractrise par notre rapport lautre et la plante, par un champ de conscience plus largi o lempathie favorise le pouvoir daction, libre les nergies et la crativit. Dans ce type dchange, on donne sans forcment recevoir de lautre, on partage parce que lon voit grand et que lon sert un projet ambitieux, que lon a un rve qui porte. Dans le levier de linterdpendance, les changes se font entre personnes ou groupes autonomes, qui se connaissent, savent ce quils peuvent apporter et cherchent se relier dautres qui ont ce mme tat desprit.

    1. Voir ma contribution La mtamorphose numrique, vers une socit de la connaissance et de la coopration, sous la direction de Francis Jutand, ditions Alternatives, 2013.

    Rvler les nergies cratives : un changement de paradigme culturel

    Carine Dartiguepeyrou Prospectiviste, docteur en Sciences Politiques,prsidente dUniqueness

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    Le numrique joue un rle damplificateur aux actions en leur donnant une porte internationale. Il permet de cristalliser, de souder les relations et de les entretenir.

    Qui sont ces acteurs ?Le changement de paradigme culturel touche une minorit de personnes, que lon estime 30 % de la population. Il touche des personnes dges varis bien que nombre de digital natives se retrouvent dans le levier dmancipation. Le levier dinterdpendance est plus exigent, on le trouve chez les change makers, salaris qui veulent transformer leur organisation, crateurs dentreprises, leaders de mouvements associatifs, artistes engags ou encore entrepreneurs sociaux. Ces personnes se retrouvent dans tous les secteurs conomiques. Ils exprimentent et cherchent tablir de nouvelles manires de travailler, utilisant les tiers-lieux, travaillant aussi bien distance quen prsentiel, favorisant lusage du numrique pour faciliter la collaboration. Ils sont souvent lorigine de nouveaux modes de vie plus durables et sont soucieux de leur impact cologique. Ils voyagent et consomment plus de biens immatriels (livre, formation, sorties culturelles etc.) que de biens de consommation courante et matriel. Ils se retrouvent dans des valeurs de respect de la diffrence, pratique une spiritualit laque plutt quune religion. Ils ont une conscience plus forte des enjeux plantaires et de la ncessit dinventer de nouvelles formes de solidarit pour combattre laugmentation des ingalits sociales, la faim dans le monde, la spculation financire qui cannibalise la prosprit conomique, linaccessibilit des filles lducation dans certaines socits ou encore le non-respect des droits de lhomme et fondamentaux, etc. Bien que trs engags politiquement, ils ne se retrouvent pas dans les partis existants.

    On y retrouve les cratifs culturels, les bobos, les pionniers de lopen source, les promoteurs de lconomie collaborative, les leaders de Occupy Wall Street, les conspirateurs positifs, les Indignados, etc. tous ces courants trs divers que lon a qualifi de nouvelle avant-garde2. Il sagit bien dune minorit active qui exprime un changement de paradigme culturel, mais qui derrire ce ralliement une grande cause cache en fait des diversits dopinion et des priorits diffrentes.

    En quoi le phnomne est-il profond ?Dans cette nouvelle avant-garde, il existe deux expressions, lune plus tourne sur la personne, lautre plus tourne sur les autres. Dun ct, des personnes plus attaches se transformer elle-mme, dans une dmarche de profonde transformation personnelle voire spirituelle. Le film documentaire En qute de sens ralis par Nathanal Coste et Marc de la Mnardire est une bonne illustration de personnes qui se retrouvent dans lexpression de Gandhi Sois toi-mme le changement que tu veux voir advenir dans le monde .

    Dautres plus concernes par le fait de raliser ou dentreprendre, que cela soit une entreprise, une association, un mouvement, une cration artistique, un collectif. Ces personnes sont conscientes de la ncessit de raliser de nouvelles formes dorganisation et dexpressions de pouvoir pour faire advenir un nouveau monde plus juste et solidaire. Elles cherchent par le poids des rseaux sociaux et de la fibre citoyenne sortir des conformismes et instrumentalisations

    2. La nouvelle avant-garde, vers un changement de culture, sous la direction de Carine Dartiguepeyrou, LHarmattan, 2013.

    Carine DARTIGUEPEYROU Rvler les nergies cratives : un changement de paradigme culturel / La Revue du Cube #8

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    du monde actuel, peser dans les rapports de force et donner vie un autre monde plus juste et solidaire.

    De fait, lenjeu de cette nouvelle avant-garde est de rassembler les dynamiques la fois individuelles et collectives, de la recherche intrinsque de sens tout en dveloppant son altruisme et en cherchant inventer et construire avec dautres.

    Ce changement de paradigme culturel est important car il libre les nergies cratives, il permet dexprimenter, de faire bouger les lignes, de regarder plus loin et plus large. La rvolution positive, cest le pari quun autre monde est possible et que si on le donne voir, si on le partage il saura lemporter sur les forces mortifres.

    Carine DARTIGUEPEYROU Rvler les nergies cratives : un changement de paradigme culturel / La Revue du Cube #8

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    Le dner sannonait sous les meilleurs auspices. Nous tions une dizaine, toutes des personnes de qualit mondaine reprsentant les univers de la finance, des medias, des entreprises, de lart, tous occupant plus ou moins des postes responsabilits, impliqus par ce que la doxa considre comme des sujets importants. Les matres de maison pouvaient senorgueillir. Le dner en ville avait belle allure. Aprs les civilits dusage, la conversation se dliait. Mais, voil, jen ai appel au besoin de solidarit et la ncessit de prendre soin les uns des autres. Le couperet du ddain est tomb instantanment. Javais peine formul le nom de Thomas Piketty, que la sentence est tombe Nous ne sommes pas le monde des Bisounours ! . Et les uns et les autres de tourner le dos psychologiquement pour donner un nouvel lan la discussion en parlant des uvres exposes la FIAC.

    Cette situation, je lai rencontre mille fois. Je suis journaliste, je collabore La Tribune depuis 8 ans, la revue We Demain depuis trois ans et je chemine avec lquipe du Positive Economy Forum, initie par Jacques Attali depuis 2013. Je mintresse de prs aux sujets du dveloppement durable, de son impact social et environnemental. Mon champ dinvestigation est la ralit non la fiction. Mon mtier impose que je me maintienne juste distance pour observer et comprendre les forces en prsence et les enjeux. Lempathie est ncessaire, il faut embrasser son sujet sans se compromettre. Que rpondre une personne qui vous qualifie de Bisounours ?

    Tout dabord quil est facile et peu glorieux de tourner en drision un individu sous prtexte que lon ne partage pas ses ides. Il lest beaucoup moins de regarder la ralit en face et de laisser de ct ses certitudes pour se remettre en question.

    Il me suffit chaque matin de faire la revue de presse internationale, dexplorer ma liste de mails o affluent les communiqus pour vanter tel ou tel produit, minviter telle ou telle confrence pour changer le monde pour mesurer combien dsormais les questions sur le climat et limpact social innervent notre quotidien.

    Une rvolution invisible est en marcheLa crise est passe par l, les temps changent. Le succs international de lessai Le capital au XXIe sicle de Thomas Piketty, latteste. Dans le monde entier, des individus se lvent pour dnoncer et remettre en question les modes de fonctionnement qui avaient cours jusqualors.

    Nous ne sommes pas des Bisounours !

    Isabelle LefortJournaliste, directrice ditoriale du Positive Book

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    La peur et la misre attisent la haine et la folie terroriste de ractionnaires qui entendent faire rgner la barbarie et la terreur au nom dune interprtation dlirante et errone de la religion.

    De Tokyo So Paulo, Damas au Cap, Stockholm Berlin, Madrid Istanbul, la grande majorit des voix se dresse contre la menace de basculement du monde dans la barbarie. Ils se font entendre pour rclamer un nouvel ordre mondial. Utilis des fins pacifies, le numrique est un ssame pour la libert. Ici et l, la socit du bottom up sexprime sur les rseaux, change, partage, milite via les ptitions sur change.org, avaaz.org ou 350.org. Sur les rseaux, les entrepreneurs sociaux et les changemakers sorganisent sans attendre un blanc seing des autorits. Les jeunes, ceux que je nomme la gnration @perdue, ces femmes et hommes, sortis de leurs tudes en 2009, ils ont autour de 25 ans aujourdhui qui lon a dit tout de go vous navez pas davenir ont pris leur destin en mains. Linnovation et la cration sont leurs moteurs. Le coding, leur expression quotidienne, ils refaonnent le monde. Certains se runissent sous ltendard des Barbares, prenant la hussarde tel ou tel secteur pour mieux conduire lconomie disruptive, prner de nouveaux modles et mettre bas des rentes qui, depuis le XXe sicle, fructifient sur des schmas darrire garde.

    Dautres entendent donner du sens leur vie, avoir une dimension morale, thique et choisissent la voie du social business, de lconomie sociale et solidaire. Certains sont entrepreneurs sociaux, dautres bnvoles ou travaillent au sein dassociations, dONG ; tous sont des acteurs du changement, convaincus que cest en partageant, en faisant uvre de solidarit que le monde trouvera des solutions davenir.

    Le phnomne est plantaire. Que ce soit dans des pays mergents ou des rgions dveloppes, des individus sengagent et crent de nouveaux modles. Le foisonnement et leffervescence de ces initiatives sont tout bonnement fulgurants ; ils tmoignent dune ralit du monde qui jusqu peu nintressait pas les medias. Face aux mastodontes de lconomie classique dont les intrts premiers ne sont pas lpanouissement du bien social et la protection de la nature, face la dictature du court terme impose par la finance et les medias, la qute effrne de toujours plus de rentabilit souhaite par des investisseurs, individuels ou institutionnels, ces milliers dhommes et de femmes invitent une autre vision du vivre ensemble et de la possibilit de construire notre avenir.

    Vers une conomie positive la tte de PlaNet Finance, lorganisation de solidarit internationale quil a co-cr en 1998 avec Arnaud Ventura, Jacques Attali prne sous le concept daltruisme rationnel au service des gnrations futures lune des voies les plus porteuses pour comprendre et soutenir cet lan : lconomie positive.

    Le mouvement est n en 2012. Il a depuis port sa voix au travers du Positive Economy Forum au Havre et San Patrignano, en Italie, donn lieu la prsentation dun rapport et 45 propositions remis au prsident de la Rpublique, Franois Hollande, et nourrit diffrents crits dont lindice de lconomie positive et le Positive Book. Nous travaillons actuellement deux nouveaux ouvrages paratre lautomne 2015. Le groupe de rflexion invite des philosophes, des entrepreneurs, des changemakers, de Cynthia Fleury Maurice Levy, en passant par Arnaud Mourot dAshoka et Gilles Babinet rflchir ensemble sur les actions

    Isabelle LEFORT Nous ne sommes pas des Bisounours ! / La Revue du Cube #8

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    mener pour lintrt des gnrations futures. Laltruisme rationnel tant au cur mme de lconomie positive ; la condition premire de sa russite.

    Laltruisme rationnelLe mot mme daltruisme est rcent dans lhistoire. Il est n au XIXe sicle, en 1854, sous la plume dAuguste Comte dans son livre Catchisme positiviste. Le philosophe fondateur du positivisme dsigne par ce terme lattitude de bont, de gnrosit, dempathie qui dcoule de lattitude dun individu qui aime donner aux autres, faire du bien, sans attendre en retour mais qui trouve sa satisfaction dans lacte de donner. Cest une forme damour dsintress dautrui.Laltruisme rationnel affine le concept. Le biologiste Philippe Kourilsky parle mme daltruit pour qualifier la notion de devoir qui anime laltruisme rationnel. En termes non savants, on peut qualifier laltruisme rationnel dempathie rflchie. Lindividu qui le pratique sait quen tant altruiste, il contribue au bien commun. Cest un acte voulu. Laction peut tre motive pour amliorer le vivre ensemble, la socit, assurer la prosprit du march, lconomie, et contribuer lpanouissement individuel, pour soi.

    uvrer par laltruisme rationnel au service des gnrations futures au plan socital est une priorit pour nous permettre de solutionner les enjeux du bien vivre. une poque menace par la somalisation du monde o la communaut internationale est mise en danger par une poigne de fanatiques toujours plus puissants, difficiles cerner car ntant pas un adversaire institutionnel clairement identifi, qui manient les armes comme les cyber-attaques, trouver des solutions positives sur le long terme est essentiel pour tarir dfinitivement la source de la barbarie. La lutte contre la pauvret, lducation, laccs la sant, lnergie, lemploi demeurent les meilleurs remparts contre la violence. Les milliers de migrants qui frappent aux portes de lEurope lattestent ; imaginer que les problmes des uns des milliers de kilomtres ne nous concernent pas, nest que pure illusion. Plus que jamais, comme laffirment les membres minents de The Elders , le monde est un village global. Outre la misre, source premire des ingalits, terreau de toutes les violences, le rchauffement climatique va, dans les annes venir, inciter toujours plus dindividus quitter leur territoire en qute dun futur possible. Il est urgent de trouver des solutions positives long terme. Dj, linstauration des objectifs du millnaire tablis par les Nations Unies a contribu diminuer la pauvret globale ; mais cest nettement insuffisant. Ici et l, au Nigria, au Tchad, au Prou, au Mexique, en Inde, en Chine, en Espagne, en Grce, en gypte, des individus initient des projets positifs qui participent au maintien et laccomplissement du lien social. En Inde, Vandana Shiva milite pour la dfense des petits agriculteurs face aux gants que sont Monsanto et les groupes de lindustrie chimique. Au Cameroun, cest un tudiant, Arthur Zang qui a imagin un cardiopad qui permet aux personnes isoles les plus loignes des hpitaux de suivre le rythme des battements du cur et de prvenir une crise cardiaque. Partout, lintelligence humaine invente des solutions positives. Tous ne sont pas entendus, mais le rseau international des changemakers tisse sa toile. Et se propage grce au Net.

    De lintrt conomiqueLes acteurs conomiques ont de leur ct tout intrt contribuer leur succs. Si la majorit des multinationales et entrepreneurs ont jusqu peu song la seule russite de

    Isabelle LEFORT Nous ne sommes pas des Bisounours ! / La Revue du Cube #8

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    leur entreprise, les yeux rivs sur la ligne de rentabilit immdiate, de plus en plus de voix l encore slvent pour militer pour des actions de bon sens que lon peut qualifier daltruisme rationnel. Pourquoi ? Parce que le rgne des marchands darme ne peut durer. La majorit des entreprises ont besoin de paix sociale, donc de moins de pauvret et dingalit pour dployer leur march. Lagence de notation Standard & Poors a ainsi surpris son monde en annonant en dbut danne, que dsormais elle sanctionnerait dans ses notes les entreprises qui ne prendraient pas en considration leur impact social et environnemental. Philippe Lamberts, le vice-prsident du groupe cologiste au Parlement europen, qualifi dennemi public numro 1 de la City pour ses prises de position rclamant la moralisation du comportement des traders, a sans doute t le premier estomaqu de linitiative de la Rabobank, la plus grande banque nerlandaise qui a instaur une forme de serment dHippocrate pour ses 90 000 salaris. Ces derniers devant dsormais sengager toujours avoir un comportement thique, quils soient traders ou simple conseiller bancaire. La rvolution des mentalits est en route. Aprs linitiative de The B Team lance, voici quatre ans par Richard Branson et Jochen Zeitz, respectivement pdg de Virgin et de Puma, une cinquantaine de grandes entreprises ont lanc au dernier World Forum de Davos en fvrier, le mouvement We mean business qui milite pour linstauration dune conomie dcarbonne. chaque fois, les initiatives veulent mobiliser les acteurs dans loptique de replacer lentreprise dans son rle socital. Ce nest pas un hasard si aujourdhui, lorganisation Ashoka qui a constitu en 30 ans le premier rseau des entrepreneurs sociaux avec 3000 membres, investit dsormais les champs de la sant et de lducation. Lconomie dploie son succs dans une socit pacifie. La rvolution nergtique et numrique offre de formidables opportunits ; les futurs objets connects, sans parler de la rvolution quantique annonce bouleversent la donne. Tout nest pas rinventer mais presque. Chaque pan de nos activits doit tre pass au scanner de la transition. Cest un terrain daventure qui donne tout autant le vertige aux plus frileux quil fait pousser des ailes aux plus aventureux. Las Vegas, au dernier International Electronic Show, les 120 start-up de la French Tech ont impos leur extraordinaire vitalit et hiss la France au deuxime rang des pays les plus rcompenss. DERDF Cisco, en passant par les gants du numrique qui viennent recruter dans lHexagone, les entrepreneurs saluent la qualit de lenseignement de lingnierie et des mathmatiques et la capacit des universits franaises former des tudiants dans des domaines aussi pointus que la cryptographie et les algorithmes. Ne nous mprenons pas, il ne sagit pas de lancer un ridicule, vain et prtentieux cocorico. Mais bel et bien de reconnatre nos atouts dans un pays si souvent enclin la flagellation. L encore les jeunes gnrations aux commandes dans la French Tech nont cure des discours lancienne. Eux foncent et beaucoup pratiquent laltruisme rationnel comme ils respirent. Cela va de soi.

    Le baromtre de la performance des start-up du numrique, publi chaque anne, par France Numrique, dmontre que ces entreprises qui enregistrent + 40 % de croissance, + 30 % linternational et + 25 % daugmentation deffectifs tous les ans avec une majorit demplois crs pour des jeunes de 32 ans dge moyen, dont 90 % de CDI, sont trs loignes des structures traditionnelles, puisque dans leur trs grande majorit, elles sont fondes sur des partenariats et le partage des risques. Lcart salarial entre les dirigeants et les salaris est de 2,7 % seulement et 83 % de ces entreprises distribuent des stock options aux tiers de leurs salaris. Il sagit de projets communs o lon partage la valeur cre.

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    Au del mme de la russite du projet entrepreneurial, ce qui anime les entrepreneurs pratiquer laltruisme rationnel, partager, contribuer au bien commun rpond des aspirations individuelles. Cela peut sembler simpliste. Mais tous les changemakers vous le confirmeront de Pierre Rabhi Muhammad Yunus, cest satisfaisant de faire du bien autour de soi. Depuis les philosophes antiques, aux humanistes, Jean-Jacques Rousseau, Auguste Comte, Vladimir Jankelevich, les sages des religions pacifis, on sait que la bienveillance est le meilleur antidote contre laigreur et la vieillesse. tre altruiste contribue lpanouissement de ltre. Il se pratique dsormais en toute connaissance de cause. Comme un argument rationnel. Et fleurit sur le semis quil rpand.

    Dernier cas en date mis sur le devant de la scne mdiatique ? Dan Price. Le patron de Gravity Payment sest retrouv, sous les feux des projecteurs du monde entier, aprs avoir annonc, en plein dbat sur les ingalits aux tats-Unis, en particulier dans la ville de Seattle, quil allait rduire de 70 % son salaire pour que chacun de ses employs reoive 70 000 dollars de rmunration. Coup de pub ou sincre gnrosit ? Seul lavenir le dira. Pour lheure, il est amusant de lire dans le New York Times linterview de Dan Price expliquer Im a capitalist et affirmer que lentreprise est une aventure humaine. Ce dernier pisode illustre lpoque. Et le basculement de notre socit. Les ingalits ont atteint un paroxysme, nous ne pouvons poursuivre sur cette voie, au nom de la paix sociale. Pratiquer laltruisme rationnel est une question de survie collective et individuelle. Lanti-thse de limage enfantine des Bisounours ou du cynisme de quelques adultes ptris de leurs certitudes passistes.

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    Vers de nouveaux cosystmes

    Bndicte ManierJournaliste

    Une rvolution positive, ce serait quoi ? Rien de moins quune inversion de la plupart des paradigmes actuels, de nos logiques de prdation, de concurrence et de croissance sans limite. Un processus dampleur et de long terme, qui ncessitera de revoir entirement nos modes de vie. Mais depuis quelques annes, des actions de terrain ouvrent la voie de nouveaux cosystmes, qui sont autant de pistes prometteuses. Elles suivent globalement cinq axes.

    Rinitialiser notre contrat avec la plante En Amrique du Sud, la culture andine a une longue relation dchange, doffrande avec la Pachamama. Ce rapport instinctif avec la Terre-mre nest finalement quune profonde comprhension des conditions de survie de lhomme grce au milieu naturel. En Inde, Rajendra Singh, lhomme qui a transform un dsert du Rajasthan en oasis agricole, en construisant un vaste rseau de collecte de leau de pluie, a compris et rationnalis ce rapport. Dans sa rgion, chaque goutte deau utilise est rendue la terre , dit-il : leau prleve pour lagriculture ou la consommation est compense par un apport quivalent de pluie aux nappes phratiques. Lquilibre naturel nest jamais rompu.

    Aucune rvolution positive nest possible sans que lhomme ne sinscrive, comme le fait Rajendra Singh, dans un cosystme intelligent avec la biosphre, condition indispensable une rsilience mutuelle. Ce qui implique de nutiliser que des sources renouvelables dnergie, et de compenser intgralement chaque prlvement deau, de faune, de flore, par un renouvellement de ces ressources. Dj sorganisent au Kenya, en Inde et ailleurs, de vastes oprations citoyennes de plantation de forts : cest le dbut dun contrat renouvel avec la plante.

    Renchanter le local En quelques annes, la plante a vu sinstaller un mouvement mondial qui vise produire, transformer, changer, partager, rparer, recycler local. Une tendance porte par la gnration des Millennials, ces jeunes devenus adultes avec le nouveau sicle et qui sont certainement le pivot de la rvolution positive.

    Cette gnration a en effet intgr les atouts de la mondialisation (elle est historiquement la plus connecte, la plus informe, la plus consciente des enjeux plantaires), mais elle en a fait basculer les valeurs : elle est convaincue que lconomie ne peut plus reposer sur des

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    changes mondiaux insoutenables cologiquement et socialement, mais sur la renaissance dune conomie territoriale, appele trs justement community-scaled economy aux tats-Unis. Dans ce pays, cette gnration est donc en train de rinvestir les centres urbains loppos du modle banlieue-voitures de ses parents et elle revitalise lconomie de proximit, tout en dveloppant une mobilit durable (vlos, transports en commun). Portland ou Minneapolis par exemple, on voit dj des quartiers renatre grce lclosion de circuits alimentaires locaux ou de commerces grs en coopratives.

    Cette exigence de relocalisation dpasse la seule ncessit de rduire lempreinte carbone : elle relve dune logique de vie plus large qui, en valorisant les ressources humaines, sociales, culturelles dun territoire, cre des prosprits locales aux bnfices mesurables en termes de qualit de vie, de crativit et de vie dmocratique.

    Le renchantement du local passe aussi par linvestissement dans les agricultures biologiques, y compris dans les villes. Venue du Sud, lagriculture urbaine connat aujourdhui une expansion mondiale, qui fait merger des jardins partags dans toutes les mtropoles (800 jardins cultivs New York, un million de co-jardiniers aux tats-Unis), des fermes urbaines (Detroit, Rosario, Curitiba), des forts nourricires (Seattle, Boston), des serres sur les toits (Montral, New York, Londres) et des cultures dans tous les interstices du monde urbain : murs, cours, balcons, anciennes voies ferres... Et les quartiers de demain auront leurs fermes verticales, avec des projets Las Vegas, Duba ou Dongtan, la future ville cologique chinoise. Ces filires agro-alimentaires urbaines ne sont pas seulement prometteuses en termes demplois. Elles sont surtout vitales pour des villes en croissance rapide, qui nont aujourdhui que trois ou quatre jours en moyenne de stocks alimentaires, en raison de leur dpendance au ptrole.

    Favoriser les logiques de coopration La coopration est inne chez les espces vivantes, parce quelle est une condition de leur survie dans le milieu. Chez lanimal social quest lhomme, la concurrence est au contraire un acquis rcent, qui a favoris les comportements prdateurs et la fragmentation des socits en groupes toujours plus ingalitaires.

    Crer une conomie positive implique de revenir des processus coopratifs qui relvent dune logique de bien commun et de dpassement collectif. La crise de 2008 a au moins pour effet de doper les pratiques collaboratives, qui se multiplient aujourdhui partout dans le travail (coworking), la consommation, les transports (covoiturage), la finance (crowdfunding), la production alimentaire ou lhabitat. Quant la mutualisation des connaissances, porte par les supports numriques, elle prfigure elle seule un changement dre : elle promet damplifier les capacits humaines une chelle indite, comme en tmoignent dj la multiplication des technologies en open source, les outils denseignement en ligne ou les audits mondiaux de la biodiversit lancs par les alliances scientifiques-citoyens.

    Ces nouveaux cosystmes dchange, qui sorganisent en rseaux sectoriels et gographiques (comme les Sharing Cities), tmoignent lvidence de la recherche dun nouveau modle, dune nouvelle cohsion sociale. Aux tats-Unis, par exemple, il est tonnant de voir des coles, des hpitaux, des commerces ou des fournisseurs dnergies renouvelables se convertir en coopratives. Cette anne, la ville de New York va dailleurs consacrer un budget de 1,2

    Bndicte MANIER Vers de nouveaux cosystmes / La Revue du Cube #8

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    million de dollars aux coopratives, devenant une des collectivits qui investit le plus dans ce secteur. L encore, de nouvelles logiques mergent, dans des socits dsenchantes par les drives de Wall Street.

    Crer des synergies high-tech / low-tech Inverser les processus de destruction de la plante impose enfin de repenser la nature et lchelle de nos productions et de nos consommations. Rduire, dclrer, dcrotre et penser low-tech sont les matres-mots pour lavenir.

    loppos des logiques souvent mercantiles du high-tech, aux supports obsoltes et polluants, le low-tech rhabilite les techniques populaires et les matriaux simples et rparables. Mais loin de se combattre, low et high-tech produisent aujourdhui des interactions intelligentes, qui rendent le changement accessible au plus grand nombre.

    En Inde, des techniques cologiques low-tech (quipements solaires dirrigation et de purification deau, phyto-mdicaments, solutions agricoles...) sont dj diffuses dans 75 pays du Sud par des rseaux regroupant informaticiens, chercheurs, tudiants et fermiers. La start-up Digital Green, par exemple, fait profiter des centaines de milliers de paysans indiens et africains de solutions en agrocologie, en nutrition et en sant, grce 260.000 vidos diffuses en 20 langues par Internet mobile. Dici trois ans, elles auront amlior la vie dun million dagriculteurs thiopiens. En alliant laccessibilit du low-tech la puissance de diffusion du high-tech, la socit civile se montre aujourdhui mille fois plus efficace que les agences de dveloppement.

    En Afrique, le rseau Jerry Clan allie, lui aussi, low et high-tech : ces Fab-Labs de terrain fabriquent des ordinateurs en assemblant des pices recycles (carte mre, disque dur...) dans de vieux jerricans. En mariant le bricole it yourself et le do it together , il fabrique sans doute les ordinateurs les moins chers au monde, contribuant ainsi rduire la fracture numrique dans plusieurs pays subsahariens.

    Multiplier les logiques dempowerment Cette multiplication actuelle des solutions de terrain a au moins trois effets notables.

    Leur diffusion virale leur confre dabord une porte sans prcdent, de lordre de plusieurs millions de bnficiaires.

    Leur conception cooprative met aussi en place des systmes dintelligence collective des rseaux pensants , dit trs justement Patrick Viveret qui font de la socit civile du 21e sicle une actrice majeure du changement social : pragmatique, innovante, elle est dsormais trs en avance sur le monde politique.

    Enfin et surtout, ces solutions sont de formidables outils dempowerment, qui redonnent aux citoyens un pouvoir dagir, un levier pour changer lavenir. Lopen source, par exemple, met des technologies de pointe la porte de tous. Le solaire et lolien permettent des territoires entiers daccder lindpendance nergtique, et ouvrent des opportunits indites de dveloppement des territoires dfavoriss. Les makers se dotent de nouvelles capacits

    Bndicte MANIER Vers de nouveaux cosystmes / La Revue du Cube #8

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    productives. Des millions de connaissances se mondialisent. Le crowdfunding fait merger des initiatives qui nauraient pas trouv de financement ailleurs.

    Ces empowerments polymorphes, disperss, constituent sans aucun doute lamorce dune transition, dun changement global de paradigmes. Mais les transformer en une rvolution plus large ncessitera daller plus loin. Il faudra presser le bouton reset et repenser globalement un modle matrialiste vide de sens, pour le remplacer lchelle mondiale par des millions dcosystmes intelligents et de rseaux conomiques coopratifs, enfin centrs sur le mieux-vivre.

    Bndicte MANIER Vers de nouveaux cosystmes / La Revue du Cube #8

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    Jai le souvenir dune rdaction que javais eu faire, il y a plus de 15 ans, lorsque jtais au collge. Lintitul disait : Un extra-terrestre arrive sur Terre et dbarque Paris, racontez . Je me rappelle avoir t dsempare pour dcrire avec tonnement et navet ce qui me paraissait si quotidien. Aujourdhui aussi, le mot dordre est ce regard dcal pour enclencher linnovation, le changement, le re-nouveau. Les mthodologies se multiplient pour disrupter les anciens modles et penser outside-the-box . Mais aurions-nous besoin de nous efforcer penser en dehors de la bote si nous ny tions pas encore, si nous tions extra-box ? Puisquil nous faut imaginer un nouveau modle de socit, pourquoi ne pas solliciter ceux qui ne la connaissent pas encore trop bien ?

    Nos extra-terrestres, ce sont les tudiants. Ce sont eux que nous devrions encourager et questionner pour retrouver ltonnement, la curiosit et la crativit qui nous aidera identifier les leviers pour lmergence dun monde nouveau. Cest en cela que lunivers tudiant est fascinant. Parce quil est prcisment ce moment o lindividu oscille entre la bote et sa rinvention. De la mme faon que les entreprises ont lhabitude, lorsquelles accueillent un nouveau collaborateur, de lui demander de rdiger un rapport dtonnement sur leur organisation, nous devrions demander aux nouvelles gnrations de partager leur rapport dtonnement sur le monde dans lequel nous leur proposons de vivre et leur permettre de lamliorer ici et maintenant. Il est temps de compter sur la jeunesse, non pas seulement pour son nergie fougueuse, mais pour sa candeur quant ce que le monde doit tre afin de contrecarrer le formatage de formations qui portent intrinsquement les limites de linnovation tant recherche.

    Et les tudiants nattendent que cela ! Adolescents au cur de la crise financire de 2008, ils ont pleinement conscience des dfis que leur gnration va devoir relever et du dcalage acclr entre le contenu des formations qui leur sont proposes et la ralit de lincertitude de leur vie professionnelle. Alors, ils veulent contribuer ds prsent et trouver des alternatives durables et gnreuses pour changer le monde . En tmoigne le succs rapide dinitiatives telles que Ticket For

    Le bruit du cur

    Mava TordoCo-fondatrice du NOISE, directrice de lincubateur Blue Factory de ESCP Europe

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    Change1, un voyage de 10 jours pour rvler lentrepreneur social qui sommeille en chacun, de MakeSense2 qui permet chacun daider un porteur de projet engag ou dEnactus3 qui accompagne les tudiants entrepreneurs sociaux. Au NOISE4, une association dinnovation socitale multi-coles que jai cofonde, cest plus dun tiers de la nouvelle promotion dune cole de commerce qui a particip aux recrutements de la nouvelle quipe cette anne. Plus quune tendance, cest un vritable mouvement.

    Si lon osait prendre la mesure de cette nergie en puissance et du potentiel cratif des nouvelles gnrations, il serait alors possible dimaginer une ducation mme daccompagner lmergence dun monde nouveau. Mais par o commencer ? Face linconnu, si nous commencions tout simplement par leur faire confiance ces tudiants ? Par voir en eux, non pas seulement des pages blanches complter, mais plutt des kalidoscopes de possibles ? Cest un peu comme si, avec le temps, ils avaient t dbranchs, et quils attendaient quon leur redonne la permission doser.

    Il est temps de mettre en place des dispositifs dmancipation et dexpression au sein mme des tablissements denseignement. L o lhabitude est la transmission de mthodologies prtes--lemploi , il sagit douvrir des terrains dexploration, dincertitude et dambigut. L o lapprentissage se fait partir de cas prouvs, il sagit dy ajouter lexprimentation indite. En cela, lentrepreneuriat, qui arrive enfin au cur des enjeux stratgiques de certains tablissements, est un sujet idal. Car aucune mthodologie ne peut lenvelopper. tel point que les dbats acadmiques vont bon train quant la possibilit mme de pouvoir lenseigner. Enfin un sujet qui ne rentre pas dans une boite et commence incarner les frmissements du vivant, du rel, de la complexit. Et les tudiants sy prcipitent ! Depuis 2007, anne de la cration de la Chaire Entrepreneuriat de ESCP Europe5, le nombre dtudiants aspirants entrepreneurs est pass de 20 plus de 200 par an.

    Or, si lentrepreneuriat est si plbiscit par les tudiants, ce nest pas tant quils veulent tous monter leur boite , mais parce que ce type de formation intgre deux des trois composantes essentielles de leur aspiration : laction et limpact, soit la possibilit dtre acteur ici et maintenant, et de concrtement mesurer lenjeu de leurs tudes. Et pas besoin de grands programmes pour initier cette dynamique de manire transversale dans tout type de formation : commenons par crer, dans chaque tablissement, au mme titre quune bibliothque permet dtudier, une fabricathque ddie au passage laction !

    Enfin, indissociable de laction et de limpact, la troisime composante qui qualifie les aspirations de ces nouvelles gnrations est la recherche de sens. Et elles ne sont pas seules sur ce chemin. Je suis toujours stupfaite et ravie par le puissant enthousiasme qui les portent lorsquils dcouvrent les initiatives extraordinaires qui, de par le monde, sont dj dans cette dynamique dinnovation socitale. Lentrepreneuriat social, lconomie collaborative, la dmocratie participative, les modles dinnovation ouverte prendre connaissance de 1. Ticket For Change : http://www.ticketforchange.org/2. Make Sense : http://beta.makesense.org/3. Enactus : http://enactus.fr/4. NOISE Nouvel Observatoire de lInnovation Sociale et Environnemental http://www.the-noise.org/5. Chair Entrepreneuriat de ESCP Europe : http://www.chaireeee.eu/

    Mava TORDO Le bruit du cur / La Revue du Cube #8

    http://www.ticketforchange.org/http://beta.makesense.org/http://enactus.fr/http://www.the-noise.org/http://www.chaireeee.eu/

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    ces nouvelles tendances cre chez eux un dclic irrversible, comme autant de signes que lon pourrait faire autrement et mieux . Avis aux tablissements douvrir leurs tudiants sur ces nouveaux modles a plat !

    Nanmoins dans cette recherche de sens qui frmit en toute notre socit, le dfi est bien de ne pas remplacer un modle par un autre. Et malgr

    ce tableau enthousiaste, il reste que ces nouvelles gnrations en action ne sont pas pour autant encore libres dinventer des modles absolument nouveaux. En ralit, leur arrive luniversit, les tudiants, mme les plus engags, sont dj profondment empreints dune ducation balise depuis lenfance : tre le premier, faire mieux quun autre, russir, dpasser. Lentre dans le moule de ces valeurs, que nous ne souhaitons pas faire rimer avec le XXIe sicle, commence tt et se mle aux idaux humanistes pouvant aller parfois jusqu une comptition surprenante qui changera le plus le monde .

    La rvolution positive est un appel voluptueux ltudiant curieux qui se love en chacun de nous. cette partie qui refuse de se figer, qui stonne, joue, cr, apprend, offre, aime Et qui ne demande qu ce quon la laisse battre.

    Mava TORDO Le bruit du cur / La Revue du Cube #8

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    Demain la Rvolution solidaire

    Guillaume VillemotFondateur du Festival des Conversations,prsident de Bleu Blanc Zbre

    Faire confiance, redonner confiance, voil ce que nos mouvements citoyens veulent aujourdhui initier et mettre en place. La devise de notre rpublique pourrait se voir enrichir de ce si beau mot : Confiance. Mais un mot que nous avons abandonn pendant de nombreuses annes et que nous avons laiss port par une lite politique qui, en se professionnalisant, nous a cantonn dans un rle de spectateur de moins en moins acteur.

    La rvolution digitale que nous voyons arriver depuis plusieurs annes entre dsormais dans sa phase active. Pour la premire fois, nous commenons nous rendre compte que ce nest plus des politiques quil faut que nous attendions des solutions, mais que nous sommes collectivement une part de la solution.

    Il est intressant de constater comment, dans la dernire dcennie, le pouvoir des syndicats (en tout cas en France) sest rduit au profit du pouvoir des salaris eux-mmes, qui arrivent se mobiliser plus fort et plus efficacement que ne le font leur reprsentant. Pourquoi ? Mais simplement parce quils sont hors cadre et nattendent rien dun systme quils jugent bloqu et quils nont pas de rente perdre. Intressant galement de constater que ce sont les citoyens qui forcent les politiques prendre position quand des massacres tels que ceux perptus au Kenya se droulent ; quand nos politiques restent dsesprment silencieux, les citoyens se mobilisent en lanant des ptitions, en agissant sur les rseaux sociaux, en crant des codes visuels qui permettent de montrer son engagement par rapport cette cause. Et le politique ne peut que suivre et donc navoir quune image discrdite par rapport aux choix et aux positions des citoyens.

    Comment ne pas galement juger la posture des compagnies de Taxi qui suivent comme elles le peuvent le succs grandissant de UBER, en mesure aujourdhui de remettre en question une profession incapable de se renouveler. Les campagnes de publicit sur les portes des voitures de la G7 semblent bien drisoires et surtout bien dpasses.

    Nous sommes dfinitivement entrs dans le monde du CO latin, cest--dire du faire avec. Que ce soit le co-voiturage, le co-working, la co-habitation, la co-consommation nous avons dcid de prendre les choses en main. Et mme la conversation1, qui pendant si longtemps avait tendance disparatre, ne cesse de se renouveler et de senrichir de ce que le digital

    1. Festival des Conversations : http://festivaldesconversations.org/

    http://festivaldesconversations.org/

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    nous apporte. Les conversations permettent des changes diversifis en envahissant de nouveaux territoires tel que les rseaux sociaux, les forums et mme les jeux vido. Et cette conversation, cest bien ce besoin de faire avec, cest bien tre en mesure de se mobiliser sur un sujet ou une cause, cest la capacit de mobiliser pour changer le cours des choses.Mais qui dit conversation dit change et coute de lautre, qui dit conversation dit intgration des points de vue des autres et qui dit conversation implique faire confiance lautre.

    Dsormais, un certain nombre dentre nous ont compris quils pouvaient agir avec les autres et quensemble on pouvait obtenir des rsultats probants. Il nest plus temps de se lamenter sur le monde dans lequel nous vivons, en revanche, il est temps dagir pour le faire voluer. Cette prise de conscience ne se limite plus aux actions caritatives pour lesquelles nous avons toujours su nous mobiliser, mais touche tous les secteurs. De lducation (Zup de Co avec les tudiants des grandes coles qui viennent faire du soutien scolaire des collgiens dans des zones difficiles) au transport (BlablaCar, Wemoov), en passant par lalimentation (Les incroyables comestibles qui sont prsents dans dj plus de 150 villes en France pour nous permettre de collectivement cultiver et partager nos fruits et lgumes) ou encore le retour lemploi (Nos quartiers ont du Talent qui accompagne des jeunes des quartiers sensibles avec des parrains en entreprise pour les aider trouver un stage, un emploi).Mais la vraie rvolution, cest que nous pouvons dsormais avancer tous ensemble, que lon soit issu du monde associatif, du monde de lentreprise, du monde de lconomie social et solidaire. Dsormais, cest collectivement que nous apportons nos rponses aux problmes des franais, et cela de faon positive et enthousiaste.

    Le mouvement Bleu Blanc Zbre2, que nous avons cr avec Alexandre Jardin en Mars 2014, est lillustration de cette Rvolution Solidaire que nous pouvons appeler de nos vux et qui devient une ralit chaque jour plus forte. Pour la premire fois, en nous faisant confiance et en faisant confiance ceux qui font, nous arrivons changer les choses en incluant tout le monde. Une rvolution se met en place grce entre autre au digital qui nexclu pas la moiti de la population en la montrant du doigt, ou pire, en la massacrant comme les rvolutions lont fait jusqu prsent. Cette rvolution solidaire repose sur le partage des solutions mises en place par certains et qui peuvent, grce au digital et sa vitesse de propagation, tre reprises par dautres dans dautres territoires. Cette rvolution solidaire est aussi une rvolution transversale, capable dembarquer toutes les formes de solutions et de les faire progresser grce aux apports que les unes et les autres font.

    Mais que faites vous des politiques ? me direz vous les excluez-vous de votre systme ? . Non, nous avanons dune part avec les politiques, notamment les maires qui, sur le terrain, sont depuis toujours une porte de baffes de leurs lecteurs et sont donc confronts aux besoins de trouver et de mettre en place des solutions. Nous avanons avec les politiques parce quune socit sans politique est une dictature, mais notre rvolution solidaire va forcer les politiques changer en profondeur, se rvolutionner. Avec une cte de confiance dans lopinion publique franaise comprise entre 8 et 11 %, ils nont pas le choix, ils doivent eux aussi revoir leurs modles, ne plus promettre mais faire, ne plus penser aux prochaines lections mais agir pour apporter des solutions, car sinon les sanctions seront sans appel.2.

    Bleu Blanc Zbre : http://bleublanczebre.fr/

    Guillaume VILLEMOT Demain la Rvolution solidaire / La Revue du Cube #8

    http://bleublanczebre.fr/

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    Ces annes qui viennent de scouler nous redonnent confiance dans notre capacit faire collectivement et efficacement. La dernire prise de conscience que nous devons effectuer pour viter de sombrer dans des extrmismes catastrophiques, cest que notre action peut politiquement changer notre socit et donc, que nous avons la possibilit relle de faire voluer nos femmes et hommes politiques. L aussi, cest ensemble que nous russirons, en forant les politiques diriger notre pays avec la socit civile, plus en lui donnant lillusion de faire (en distribuant quelques mdailles et quelques portefeuilles factices), mais en agissant conjointement avec les solutions que nous, citoyens, avons mises en place et qui portent leurs fruits.Cest ainsi que nous redonnerons confiance aux franais et quils ne seront plus majoritairement abstentionnistes. Cest ainsi que cette confiance sera retrouve et partage par tous, cest ainsi que la Rvolution Solidaire deviendra une ralit laube de ce XXIe sicle qui portera tant de changements dans nos vies.Cest ainsi que cette rvolution solidaire est dj en marche et dfaut de nous promettre un grand soir, elle nous offre des tas de petits matins bien rels et positifs.

    Guillaume VILLEMOT Demain la Rvolution solidaire / La Revue du Cube #8

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    POINTS DE VUE

    Yacine Ait Kaci, tienne-Armand Amato, Franck Ancel,

    Vronique Anger-De Friberg, Herv Azoulay,

    Flavien Bazenet, Philippe Boisnard, Emmanuel Ferrand,

    Maxime Gueugneau, tienne Krieger, Ariel Kyrou,

    Janique Laudouar, ric Legale, Marie-Anne Mariot,

    Carlos Moreno, Dominique Sciamma, Hugo Verlinde

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    (R)VOLUTIONs POSITIVEs

    Yacine At Kaci aka YAK / Elyx - Artiste

    On pourrait trouver paradoxale la thmatique de la rvolution positive dans un environnement mdiatique marqu par lhorreur et une vie qui semble chaque jour plus difficile pour un nombre croissant de citoyens En fait, ce sont deux polarits qui se sont chacune radicalise , do ce concept de rvolution, car cest bien une force en mouvement, engage et rsolue. De mme que loptimisme soppose au pessimisme, lengagement des forces positives sest acclr en mme temps que celui des forces opposes, dans une arithmtique quasi-mathmatique. Ces deux forces ne sont pas en conflit lune avec lautre, elles sont les deux extrmits dun mme fil qui sest tendu de manire exponentielle, suivant la mme fameuse courbe de lacclration technologique, du climat et des missions de CO2, de laccroissement de la dmographie et des ingalits.

    Ces courbes nous indiquent une tendance et un mouvement : quelque chose va bientt se passer, ou est dj en train de se passer, et il y aura un avant et un aprs, un de ceux qui font lhistoire. Une rvolution ? Sans aucun doute. Et chacun participe ce mouvement en choisissant rsolument de quel ct faire pencher la balance. La ralit nest certes pas manichenne et

    videmment trs contraste. Il ne sagit pas l danalyser les diffrents scenarii prospectifs mais de rflchir son positionnement personnel pour valuer son impact et se comporter et agir en connaissance de cause.

    Avoir un impact positif, ce nest pas simplement avoir le moins dimpact ngatif possible. Lurgence a tellement t dpasse quil sagit aujourdhui de compenser les impacts de notre hritage. Cela induit des changements tellement radicaux que le terme de rvolution nest pas trop fort. Bonne nouvelle, cette rvolution porte bien son nom car elle porte dans sa forme et sa finalit, des systmes beaucoup plus quilibrs et justes pour chacun dentre nous, une organisation symbiotique pour reprendre le terme dIsabelle Delannoy. Les exemples sont chaque jour plus nombreux, de btiments qui produisent plus dnergie, de nourriture quils nen consomment, des villes intelligentes qui optimisent lnergie et dcuplent les liens sociaux, des organisations locales qui proposent un nouveau rapport la production industrielle, au

    Camille Desquenes

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    travail, lducation Des milliers dinitiatives un peu partout dans le monde, qui chacune na pas la prtention de le changer, mais simplement duvrer positivement petite chelle. En prenant un peu de recul, on saperoit que ces initiatives ne sont pas du tout anecdotiques. En France, la Fondation Nicolas Hulot regroupe un certain nombre de ces initiatives sur le site MyPositiveImpact.org, pour permettre de les faire connatre. Des mdias dun nouveau genre apparaissent sous la bannire de lImpact Journalism, une sorte de journalisme des bonnes nouvelles. En France encore, la revue WeDemain recense tous ces projets et nergies qui, chaque jour, font un peu plus pencher la balance vers le meilleur.

    En Amrique centrale, plusieurs pays viennent dannoncer utiliser 100 % dnergies renouvelables. La Chine a tellement investi dans les nergies renouvelables quen 2014, pour la premire fois depuis quelles sont mesures, les missions de gaz effet de serre ont stagn lchelle mondiale. Cest une tendance lourde qui nocculte pas les gigantesques dfis auxquels nous faisons face et lurgence, encore une fois, est dj derrire nous. Cest donc anim de cette double polarit de conscience des enjeux et de la faillite gnralise des modles traditionnels, de ce quon peut dj appeler le monde dhier et les formidables opportunits de sortie par le haut, entre rsilience, crativit et dfinition dun nouveau rapport au monde et lhumanit.

    titre personnel, cest en pleine conscience que jai choisi daccompagner humblement ce mouvement en crant Elyx et en partageant ses images positives sur les rseaux. Elyx est lexpression du regard denfant qui sommeille en chacun dentre nous, qui le relie au merveilleux et la posie du monde. Le but de ce projet est totalement inclusif, chacun peut se sentir concern car il ne vise personne en particulier : faire sourire est son but, faire corps autour de ce qui sactive consciemment ou inconsciemment lorsquon sourit. Lespace dexpression dElyx, cest la ville, le rel, le quotidien mais aussi et surtout les rseaux sociaux.

    Le maillage informationnel dInternet est en effet, lui aussi, pris dans cette polarit entre le pire et le meilleur. Et dailleurs, il participe des deux mouvements. Son ct positif est lincroyable fluide quil gnre entre les cellules de lhumanit pour en faire un tout, partage des expriences, viralisation de lducation, dmatrialisation de la valeur, conomie motionnelle Encore une fois, cest en pleine conscience des dangers et des drives que, rsolument, on peut choisir de faire pencher la balance en utilisant le potentiel emphatique, partager une pense positive, inspirer, rver et finalement construire ensemble.

    Yacine AT KACI (R)VOLUTIONs POSITIVEs / La Revue du Cube #8

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    Chacun a entre ses mains une capacit de dcision et daction. Limpact est rel. chacun de prendre le temps de rflchir la manire daccompagner ou non ce mouvement, en toute bienveillance et pleine conscience de sa responsabilit et de son empreinte sur le monde. La rvolution positive commence par une prise de conscience individuelle, un tat des lieux de son impact sur le monde, une rflexion mener sur ses capacits de changement et in fine, dcouvrir que ce qui est bon pour soi, est ce qui est bon pour la communaut et vice versa.

    Yacine AT KACI (R)VOLUTIONs POSITIVEs / La Revue du Cube #8

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    Senthousiasmer avec bienveillance, conviction et souplesse pour des causes, des ides, des valeurs qui nous transportent et sduisent. Se lancer corps perdu, au-del de soi-mme et de ses petits intrts dans des entreprises de construction, et non de destruction. Provoquer le changement, et non la colre ou le dsordre, pour inventer des ralits plurielles et des virtualits nouvelles. Voil un beau programme que chacun aimerait adopter ! Qui naimerait chanter quelques lendemains heureux sous le soleil du dveloppement personnel, des techniques contre le stress ou dune rconciliation avec les traditions philosophiques, ou quelques spiritualits ractives, moins que cela ne soit les nouveaux feux du numrique qui nous attirent, tels Icare sorti de son labyrinthe paternel ?

    Autant dinvitations qui ne nous parviennent que rarement. Quand bien mme, on craindrait alors faire face aux avances de fanatiques, de dangereux utopistes, voire danges des affaires volant au-devant dune nouvelle ide succs. Alors, comment aller contre-courant des lamentations et plaintes institues en rapport au monde, pour chapper aux regrets ? Comment avancer sur un chemin dvolution qui ne sappelle plus progrs ? Et pourquoi, dabord, devrait-on quitter notre confortable posture doloriste et dfaitiste qui justifie de ne pas agir ? Au mieux, la rengaine paranode des rsistants a-t-elle encore une aura hroque, et la colre des indigns au cur noble se fait-elle entendre. Les alertes des derniers jusquau-boutistes souhaitant un monde plus juste, plus ouvert, plus respectueux font la une des mdias de masse, lorsque les abus de la surveillance lectronique ont franchi les bornes et trouv un nouveau sauveur sacrifier. Envers eux tous, la tolrance a chang de camp. Elle a cess dtre cette belle acceptation de laltrit pour ne dsigner que la crispation devant ce quil nous faut tout de mme accepter, par dfaut et non engagement. De l dire que ce serait tellement mieux si tout pouvait correspondre nos rves dordre et de paix, certes au prix de quelques sacrifices dmocratiques, de renoncements civiques. Une concorde qui rimerait avec apathie, boulimie et lchet ? Mais la paix, la fin ! Laissez-nous tranquille avec toutes vos questionsRsolution positive, volution constructive, quand viendras-tu nous ravir, nous emporter de lautre ct du miroir ? Et bien, maintenant ! Il ny a qu prendre lascenseur qui nest plus social, mais existentiel, exprientiel, motionnel et cognitif. En rgime digital, que dautres qualifient de rvolution numrique, les rouages ne sont plus les engrenages mcaniques, mais des lignes de codes qui

    Le jeu, lrotisme et lhumour, sources souterraines du rgime digital

    tienne-Armand AmatoChercheur et enseignant,confrencier et consultant

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    nous tirent de la fange vers dautres cieux. Le moteur nen est plus lectrique, mais de recherche. Les filins dacier ont laiss place aux fibres de verre tissant leurs toiles multidimensionnelles. Les tages et sous-sols visiter sont indnombrables, essentiellement ranger en trois grands domaines jusqualors indicibles, que les cultures sculaires avaient mis en coupe rgle, soucieuses de conserver le contrle des peurs et frustrations, de maintenir les nergies en tension, de faire chanter les rves comme on ranonne les innocents. Dune part, le Jeu est sorti de son lit ! Il inonde selon les esprits chagrins, irrigue selon les plus optimistes, les fertiles territoires de notre imagination. Sil fut sacralis en France par Roger Caillois dans son ouvrage Les jeux et les hommes1, qui souhaitait le prserver de toute instrumentalisation et le maintenir en son pur royaume, le Jeu bat de plus en plus la chamade. Jeux vido, rseaux socioludiques, mini-nigmes, puzzles en ligne, univers persistants amusants captivent ou envoient au tapis les moins pulsionnels dentre nous, met en responsabilit les plus irresponsables, rend possible les erreurs, les essais, les envies, les situations les plus ralistes ou fantaisistes devenues enfin jouables et rejouables grce la simulation interactive ! De son ct, lrotisme, que certains requalifieront de sexe sous couvert dappeler un chat un chat, alors que dautres ne pourront voquer que lamour, sort des placards, des enfers, des recoins, des pulsions refoules, pour prendre toutes les directions et dsigner tous les cadrans que la rose du plaisir et des envies ouvre en cercles concentriques ! Par la relation de charme ou de rencontre sentimentale, par lobscnit ou la crativit pornographique, par les mdias en tout genre, ce dsir qui mne la jouissance devient tangible et palpitant. Orgasme clbr ou maudit, qui rend vivant celui quil secoue de spasmes, quand tu investis les ordinateurs, peu de censures te rsistent et encore moins les verrous de nos conceptions surannes. Enfin, lhumour, ce mystre dont la rvlation rsonne comme un tonnerre en rires dithyrambiques, vient se rpandre sous toutes ces formes travers les crans et les connexions. Il se fait acide corrosif ou miel pacificateur, et ennemi radical pour les plus endoctrins. Grce aux vidos amusantes, aux photos improbables, aux artistes auto-produits, aux mots desprit spirituels, aux paradoxes de la connaissance, de lhistoire et autres cas particuliers du genre comique, il devient ais de sesclaffer, ou faire revenir aux lvres ce sourire franc ou gn, indice dun veil intrieur et dune nouvelle intelligence du monde.Aujourdhui plus que jamais, ces trois fontaines dispensent leurs bienfaits, lexcs pour beaucoup, juste titre pour les plus assoiffs. Elles instituent, petit petit, la joie comme motion centrale et motrice dun partage et dun panouissement existentiel. Autant de plaisirs, non plus seulement hdonistes car tourns vers la seule satisfaction, mais davantage cratifs, inventifs, jouissifs et profondment organiques et humains.Incontestablement, depuis lavnement de lge digital, est intervenu la libration de ces trois champs en pleine expansion grce aux mdias interactifs, quils sagissent des hypermdias (sites web, rseaux socio-numriques, base de donnes) ou des cybermdias (jeux vido, ralits virtuelles). Ils permettent doser, dessayer, dexplorer ses dlires ludiques, ses envies intimes, ses hilarits et gaits sans craindre le jugement, lchec, la honte, la stigmatisation.

    1. Roger Caillois, Les jeux et les hommes, Paris, 1958 / dition revue et augmente dite chez Gallimard en 1992

    tienne-Armand AMATO Le jeu, lrotisme et lhumour, sources souterraines du rgime digital / La Revue du Cube #8

    http://www.gallimard.fr/Catalogue/GALLIMARD/Folio/Folio-essais/Les-Jeux-et-les-hommes

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    Et si senjouer avec le jeu, lrotisme et lhumour, ctait redcouvrir les positivits intrinsques de nos individualits multiples, pour les en nourrir avec gourmandise et srnit. Et sil nous restait ntre que des militants de la joie. Et si nous dcidions de faire lhypothse vitale qualors que les dserts et misres avancent, enfin les rares oasis ludiques, rotiques et euphoriques nen deviennent que plus vidents, rconfortants et partageables Pourvu quils ne soient pas de simples mirages de nos fivres intrieures, et que lon sache les habiter avec grce et flicit.

    tienne-Armand AMATO Le jeu, lrotisme et lhumour, sources souterraines du rgime digital / La Revue du Cube #8

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    Nous sommes passs, en changeant de genre technique, insensiblement de la notion dinformation ponctuelle celle dune information par rseaux. ( ) Cest ce systme complexe de machines information que lon peut qualifier de scnographie lectronique . Cest ainsi que le scnographe Jacques Poliri (1928-2011) analysa insensiblement le basculement de lre mcanique celle de llectronique la fin du dernier sicle. Luvre, par son intgration de la rvolution abstraite dans lart, devient un dpassement des disciplines artistiques dans la vie mme. Lieu dexposition et de reprsentation ne sont plus que des jeux virtuels labors en fonction de rseaux dont la numrisation plantaire contrle avec ambigut lorchestration de nos vies.

    Alors que le prochain TEDxParis sintitule [R]volutions franaises, je place mon cinquime article pour la Revue du Cube sous le signe dune mutation, dune thorie de la scnographie ne en France, sans pour autant faire croire que le numrique serait son cinquime lment. Un hexagone comme ltat dune technique sont trop limits dans la vision de Poliri. Sa scnographie prend sa source depuis des tracs par-del les frontires tant spatiales que temporelles. Pour Poliri, un mandala est aussi une scnographie. Sa vision artistique est celle de la cration dun territoire pour un environnement de formes par-del le spectacle. Si la scnographie shybride dsormais en connexion avec notre environnement digital, elle nest donc plus un mouvement de lumires, un ensemble dactions ou de paroles. Je pose celle-ci comme un rseau ouvert, non limit, numrique, entre une nergie contemporaine et une tradition cratrice.

    Dans leur tribune du journal Libration du 3 avril 2015, deux informaticiens, Laurent Lefvre et Jean-