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Restauration du portail sud de la façade occidentale Cathédrale de Reims Direction régionale des affaires culturelles Champagne- Ardenne

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Restauration du portail sud de la façade occidentaleCathédrale de Reims

Direction régionaledes affaires culturelles

Champagne-Ardenne

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Cathédrale de ReimsRestauration du portail sudde la façade occidentale

La cathédrale et son quartier. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 2Les portails rémois. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 4

Restaurations anciennes de la cathédrale . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 6

Ébrasements . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 8

Image du monde. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 10

Chambranles . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 12

Voussures . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 14

Contrefort . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 18

Restaurations anciennes du portail sud . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 20

Programme général de restauration . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 22

Regard du photographe . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 24

Conservation et respect. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 28

Techniques de restauration. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 30

Quand dépose-t-on? . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 32

Restitutions moulées . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 34

Sculpture . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 36

Une licorne sur la cathédrale . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 38

Maçon, «ciment» du chantier . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 40

Rôle de la documentation . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 42

Lexique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 44

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Environnement architectural

De cet urbanisme ancien subsistent : au sud le palais du Tau, ancien archevêché, qui accueille actuellement le musée de la cathédrale et des sacres ;

Au nord les vestiges de la demeure du trésorier du chapitre, l’actuel Office du tourisme.

Le cloître du chapitre cathédral s’étendait devant la façade nord du transept. Il s’intégrait dans un vaste ensemble de bâtiments avec commerces, prisons, pressoirs, libraires…

La totalité du côté nord du parvis était occupé par l’Hôtel-Dieu* où les chanoines dispensaient aumône et charité ; espace aujourd’hui occupé par le tribunal de Grande Instance et un square.

Les bâtiments du cloître furent progressivement détruits suite à la Révolution. L’Hôtel-Dieu fut transporté au bourg Saint-Remi en 1827. La seconde moitié du XIXe siècle dégagea largement l’espace du parvis. Puis la premièreguerre mondiale continua de gommer le souvenir de l’animation passée du quartier.

Chronologie du bâtiment

Le site, très probablement occupé par un vaste ensemble de thermes à l’époque gallo-romaine, accueille une première implantation religieuse dès le début du Ve siècle. Ce premier édifice fut rebâti à l’époque carolingiennepuis agrandi au milieu du XIIe siècle.La cathédrale qui au XIIIe siècle est renouvelée n’est donc pas homogène:la nef carolingienne est accotée à ses deux extrémités par un chœur et une façade occidentale du XIIe siècle,dans le style du premier art gothique.

Campagne du chœur

Le chantier de la cathédrale actuelle s’ouvre en 1211 et fait table rase des édifices précédents, y compris des parties construites quelques cinquante années auparavant. La première campagne renouvelle le chœur, le transept et les dernières travées* de la nef (travées est) ; qui sont consacrés en 1241.

Campagne de la façade

La construction se déplace ensuite sur la façade principale (ouest), dont les fondations durent être jetéesdans les années 1250. La nouvelle façade fut implantée plus à l’ouest que la précédente, au bout d’une nef plus longue de deux travées.La chronologie des parties ouest ne peut s’appuyer sur aucune source ; son étude stylistique permet cependantd’estimer que la zone des portails dut être terminée vers 1270, et le hautétage de la rose à la fin du XIIIe siècle,peu avant que le chantier se transportesur le flanc sud de la nef en 1299.Les travaux n’avancent plus ensuite avec la même célérité : une partie seulement de la galerie des rois est montée dans la continuité au débutdu XIVe siècle (galerie d’axe et de la toursud). Le reste des parties hautes n’étantachevé que plus d’un siècle plus tard.

Monument inachevé

La cathédrale de Reims ne sera en faitjamais terminée : les flèches des tours,tant de façade que du transept (deux tourssur chaque bras) ne seront jamais édifiées;elles auraient donné à la cathédrale une physionomie, des proportions et une élévation extérieure tout autre.

Place de la cathédrale dans la ville

Le quartier actuel de la cathédrale de Reims n’a plus grand chose à voir avec ce qu’il était auparavant.Le monument cathédrale, aujourd’huiquelque peu isolé au sein d’un urbanismequi lui est étranger, constituait anciennement, bien au contraire, le point central d’un quartier voué à la pratique cultuelle, d’une véritable«ville sainte» située au cœur de la citérémoise.

Population

Une population variée fréquentait ce quartier : les chanoines d’abord, au nombre de 74 au XIIIe siècle, les francs-sergents qui leurs étaient attachés, des serviteurs et officierssecondant le chapitre* ou l’archevêque, les chapelains, qui aidaient à assurer la liturgie dans la cathédrale ; mais aussi des commerçants et artisans nombreuxque l’on retrouve cités dans les sources :apothicaires, barbiers, boulangers, merciers, drapiers, forgerons, orfèvres, et bien sûr hôteliers, aubergistes et taverniers ; sans oublier les ouvriersintervenant sur la cathédrale ou les bâtiments alentours…

La cathédrale achevée.Dessin d’Adrien Leblanc (?). 19e siècle, BMR 10-017.

Quartier cathédral vers la fin du XVIe s. Détail du plan Chastillon-Mérian (BMR XXXI-IIIk2, GF33).

Campagnes de construction.Bas : Cathédrale resituée dans son urbanisme ancien.Violet : extrait du cadastre dit napoléonien, 1819 (ADM). Vert : îlots actuels.

Nicolas de Son : « le somptueux frontispice

de l’Église Notre Dame de Reims » 1625,

BMR 9-321 (détail).

11224411

jonction campagne du chœur

campagne de la façade

vers 11225555//11228800

11221111

La cathédrale et son quartier

Roi de la galerie des rois de la tour sud, début XIVe s.

(état actuel).

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Fruit des changements

D’une part les contreforts latéraux, massifs et nus, jurent par rapport à l’élégance et à la légèreté des formesqu’ils encadrent. D’autre part, la présencede nombreux sujets sculptés sur les flancsde ces mêmes contreforts ne laisse pas d’étonner sur ces parties secondairespeu à la vue.L’explication en est simple : un premierprojet, commencé d’être monté sur les côtés du massif de façade*, fut rapidement abandonné pour laisserplace à une interprétation plus éléganteet dans le style rayonnant*.

Premier projet

Ce premier projet devait prévoir une architecture plus forte scandée par d’épais contreforts et laissant moinsd’espace aux portails. Ceci tout à faitdans la tradition des constructions antérieures de Notre-Dame de Paris(façade) ou des cathédrales de Laon et Noyon.Entre temps l’architecture gothique avait évolué vers plus de légèreté. D’abord sur le chantier de la basiliqueSaint-Denis au nord de Paris, entre 1231 et 1241. Évolution qui devient perceptible sur la plupart des constructions majeures à partir des années 1240 ; la Sainte-Chapelle de Paris inaugurée en 1248 en est peut-être l’exemple précoce le plus abouti.

Façade

Le portail sud de la façade ouest s’intègre dans la chronologie d’ensembledes parties occidentales.

Si la façade ouest dénote d’une assezgrande homogénéité constructive prouvant que l’ensemble de ses parties a été élevé de pair et ses trois portailsprobablement concomitamment, certains détails d’architecture permettent d’avancer que la façade que nous voyonsactuellement n’est pas celle qui était prévue lorsque les travaux de constructionse portent à l’ouest au milieu du XIIIe siècle.

Bijou rayonnant…

La façade rémoise s’inspire semble-t-il à la fois des expériences menées sur les chantiers des cathédralesd’Amiens (disposition et apparence des portails) et de Paris (effet décoratif de l’architecture des portails du transept).Elle n’en reste pas moins profondémentoriginale et innovante. Les portails intègrent une vaste composition illusionniste où les lignes fortes de l’architecture sont camouflées sous l’abondance de la sculpture ; et où les couronnements des gâbles*,très en avant du mur de façade, constituent comme un paraventmonumental ménageant un effet visuelspectaculaire.

Mais fragile

Les portails de Reims sont les plus largement dimensionnésde tous les portails gothiques. Cette hardiesse, si elle étonne toujoursaujourd’hui, leur fut préjudiciableet obligea très tôt à les conforter.La restauration du portail sud s’inscritdans cette logique d’interventionsrépétées sur une zone particulièrementsensible du monument.

Gâbles du portail sud et du contrefort.

Les portails rémois

Portail sud (depuis une nacelle).

Vers 1882 (SAP,MH124872bis).

Les tympans*, habituellementpleins, sont ajourés

d’une rose, disposition fortosée adoptant un vide

pour une partie portante.

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La Révolution se joue ailleurs

La cathédrale de Reims eut peu à souffrirdes effets directs de la Révolution : quelques signes ostensibles de la royautéfurent abattus ou martelés, les reliefs du linteau* du portail central remplacéspar l’inscription «Temple de la Raison»,et c’est probablement à cette occasionque les figurines des chambranles* durent être prises pour cible et mutilées.

L’édifice souffrit bien plus du manqued’entretien qui s’ensuivit pendantprès d’une génération.

XIXe siècle :le temps des expériences

Le second quart du XIXe siècle inaugureune suite de campagnes de restaurationquasi ininterrompues jusqu’à nos jours. De nombreuses sculptures sont remplacées entre 1826 et 1837 aux portails nord et central de la façade,par un artiste parisien, Plantar, «sculpteur d’ornements gothiques».

Sous l’architecte diocésain Arveuf (1837-1859), les interventions se systématisent, notamment après 1849et sa rédaction d’un «Projet de restaurationgénérale et définitive…». Il intervientnotamment à la galerie des rois.

XVIIe et XVIIIe siècles

L’ère des restaurations commencedès le début du XVIIe siècle ; elles touchent alors notamment le portail central qui connaît dès cette époque des problèmes de stabilité et de gel des eauxde pluie qui infiltrent ses maçonneries.Les mêmes soucis sont signalés lors des interventions suivantes, de plus en plus fréquentes.

Bien que, dès cette époque, les architectesmanifestent leur intention de mener les restitutions selon «la même ordonnancequ’auparavant», les sculptures sont produites dans le style du moment. Les thèmes des sujets remplacés sont eux aussi mis au goût du jour, soit par méconnaissance de l’iconographiedu XIIIe siècle, soit pour les adapter à la sensibilité religieuse du moment.

Eugène Viollet-le-Duc (1860-1874), le restaurateur de Notre-Dame de Paris,un des pères fondateurs avec LudovicVitet et Prosper Mérimée du service et de la doctrine des MonumentsHistoriques, se voit attribuer la cathédralede Reims en fin de carrière. Il travaille au chevet, qu’il assainit et dont il modifiel’aspect des parties hautes.

En 1875 le Parlement attribue à la cathédrale d’importants crédits qui permettront la reprise de la nef.Il faut attendre les années 1880 et Victor Ruprich-Robert (1879-1886) pour que les restitutions tiennent davantage compte des acquis de l’Histoire de l’art.

Denis Darcy (1887-1904) s’inscrit dans cette logique d’évolution. Il reprendles deux pignons du transept et terminela restauration du chevet. C’est lui qui commencera la restauration généraledu côté sud du massif de façade, portailsud compris. Chantier qui sera terminépar son successeur Paul Gout (1904-1915)et continué avec le centre de la façade(portail, grande rose…) puis avec le côténord ; la restauration de la tour nord est presque achevée lorsqu’éclate le premier conflit mondial.

Prise de conscience

Le XIXe siècle aura permis une prise de conscience progressive à la fois des enjeux et des difficultés de la restauration. Si le restaurateurapprit progressivement à se montrer respectueux de l’architecture, il se heurtaau difficile problème de la sculpture : les formes produites en «copie à l’identique» sont souvent d’une grandesécheresse, témoin du souci du respectde la forme au détriment de la transmissiondu «souffle» de l’œuvre originale. Par ailleurs, la tentation de la restitutioninterprétative restait forte.Les restaurateurs du XIXe siècle serontaussi les premiers à être confrontés à un des soucis majeurs actuels: la reprise,toujours délicate, des restaurations antérieures.

Restaurations anciennesde la cathédrale

Statuaire du gâble nordpresqu’entièrement refaite en 1826-1837. Détail d’un cliché Bisson, 1857 (BN Eo14aFt6-b2-n°52-54).

Gâble du portail sud.Les pierres grises datentdes restauration des XVIIIe

et début XXe siècles. (Phot. G. Gellert).

Bras sud du transept en restauration. Phot. Mieusement, vers 1882 (SAP, MH14206).

Relevé de la galerie des prophètes sud, restaurée en 1843. Relevé Margotin, imprimé par Lemercier(BMR XIII-Ib, n°2).

Façade de Notre Dame,cathédrale de Rheims.Lithographie de Dauzats,1845 (BMR 8-314).

Sculpture du milieu du XVIIIe siècle : un des tonsde la musique. Cliché Rothier,

vers 1910 (BMR 13-68).

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Axes thématiques

Aux ébrasements* : les grandes statues-colonnes illustrent les «piliers» de la foi,de l’Ancien et du Nouveau Testament ;voire de l’histoire religieuse locale.

Les voussures* et les reliefs du contrefortattenant présentent des scènes de l’Apocalypse, prélude au Jugementdernier figurant au gâble.

Les espaces compris entre les portails et leurs gâbles sont occupés par des superpositions de sculptures en saillie, qui illustrent à la fois les limiteset l’ampleur du monde connu : Fleuves du paradis, peuples et animaux de la terre;il faut y voir une image de la grandeur de la religion, qui règne sur la totalité du monde pris en sa diversité.

Reste à évoquer les sujets de plus petitedimension : Vices et Vertus et calendrieraux chambranles des portes (évocationsde l’inexorabilité de l’existence et incitations au respect de la moralechrétienne) ; vie de saint Paul au linteau et vie de saint Jean sur la face sud du contrefort (face au palais du Tau) : deux saints majeurs de la chrétienté dans la lignée desquels le clergé rémoisaimait à se situer.

Iconographie générale

La façade de la cathédrale de Reims propose un vaste programme iconographique, de signification parfoiscomplexe, mais dont le sens généralsemble s’articuler autour de trois thématiques dominantes : la nécessité de la foi pour obtenir la rédemption au moment du Jugement dernier ; la place prééminente de la métropole de Reims au sein de la hiérarchie ecclésiastique occidentale ; le rôle politique et dynastique du lieu, de ce lieu où les rois de France venaient chercher leur légitimité.

Si la dernière thématique - monarchique -est peu présente au portail sud (elle occupe plutôt l’axe de la façade), les deux autres y sont largement évoquées.

De l’extérieur du portail vers l’intérieur, et détailsde haut en bas : Aaron sacrifiant l’agneau

(moulage), Abraham et Isaac (moulage),Moïse appuyé à la colonne d’Airain, Isaïe,

saint Jean-Baptiste habillé d’une peau de chameau,et Siméon tenant l’Enfant Jésus.

Phot. des statues non restaurées, G. Gellert.

Ébrasement gauche : Six prophètes et apôtres à l’exceptionde deux « étrangers » : l’évêque à l’angle extérieur, et le pape portant tiare conique et rational en milieu d’ébrasement. Face au parvis, le roi Salomon.

Marques de pose

À Reims un système de repérage par signes gravés a permis aux maîtres d’œuvre et aux maçons de se communiquer sans ambiguïté la position de destination de chaquesculpture, et même dans certains cas, de certains éléments d’architecture.Or, certaines statues ne se trouvent pas à l’emplacement codé. Pourquoi? Pour des raisons iconographiques parfois(mise en avant de thèmes au détrimentd’autres) ; pour des raisons formellesensuite (sculptures de style moins innovant écartées du portail central)… et parfois pour des raisons encore inconnues.

Détails. De haut en bas :Roi Salomon, évêque, apôtre, pape (saint Calixte?),prophète, apôtre.Phot. de l’évêquenon restauré : G. Gellert.

Détail sous les pieds du roi Salomon.

Ébrasements

Statues-colonnes

Elles se répartissent en deux groupesclairement distincts. Le plus ancien rassemble tous les personnages de l’ébrasement droit (sud). Ces personnages sont convoqués ici en tant que prophètes annonciateurs de la venue du Christ sur terre, en tantque «Christophore» (littéralement : ceux qui portent le Christ). Leur style est différent de celui des autres sculptures;non seulement du portail sud, mais de toute la cathédrale. Ils sont souvent corpulents, aux larges épaules mais aux jambes courtes et étroites, leurs têtes paraissent disproportionnéespar rapport aux corps. Leurs posturessont plutôt statiques, les mouvementsmanquent de naturel.Une hypothèse récente - et séduisante -voit dans ces productions datables de 1215 environ, un ensemble destiné à mettre au goût du jour la premièrefaçade gothique - celle des années 1150 -en la peuplant de sculptures ; à une époque où probablement on n’envisageait pas de la renouveler.

Face à eux, six autres personnages masculins, souvent impossibles à identifier individuellement, mais qui sont des prophètes et des apôtres. Cette belle ordonnance théorique est perturbée par l’introduction dans ce schéma de deux «étrangers» : un évêque et un pape, personnages qui, d’après leurs marques de pose,auraient dû être placés au portail gauche(nord) de la façade.

À côté d’eux, face au parvis, le roiSalomon dialogue avec la reine de Sabapar delà l’espace du portail central.Ces deux personnages à la fois accueillentle visiteur et délivrent un message «politique»: tout comme la reine de Sabatrouva la sagesse auprès du roi Salomontout bon gouvernant se doit de chercherdans les préceptes de l’Église le guide de son action.

Marques de pose. Chaque ébrasement comporte son signe qui,complété par un décomptedu rang et du niveau, permet de situer tout emplacement à la pierre près.(Phot. G. Gellert).

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latéraux. Ils sont supposés représenterles huit tons du chant psalmodié (quatre tons «authentiques» et quatre tons «plagaux»*) ou bien,à nouveau, l’harmonie du jardin d’Eden :« Il y aura là une joie débordante, des chants de louange et de la musique»(Esaïe 51:3).

Amortissant le tout, les personnagessous des clochetons* isolés entre les gâbles sont en relation iconographiqueavec les sujets des portails. De chaque côtédu gâble sud les deux anges sonnanttrompes font retentir les trompettes de l’Apocalypse évoqué aux voussures.

Style

Le style de ces statues à la fois est ancré dans le passé et annonce les réalisations à venir. En effet, les atlantesrappelent ceux du chœur, et les tons de la musique ceux de la maison rémoise «des Musiciens» (vers 1245), tandis que les Fleuves du paradis adoptent une plus grande liberté de mouvement.

Sculptures superposées

Si les sujets principaux portéspar les statues-colonnes, les voussures…touchent de près au divin, les sujets«secondaires», soit par leur taille soit par leur position, proposent une interprétation plus pragmatique et plus directe du message religieux.

Les plus extérieurs des sujets - les plus proches du parvis et du mondedes hommes - sont les superpositions de sculptures qui scandent les verticalesdes contreforts et des angles de la façade.En partie basse les personnages masculinsrenversant jarre sont des figurations des quatre fleuves sortant du jardind’Eden cités dans la Genèse : le Pichon(ou Pischön), le Guihon (ou Gihön), le Tigre et l’Euphrate.

Au-dessus, après de hauts chapiteauxfeuillagés se tiennent des atlantes,figurations des peuples des quatre coinsde la terre évoqués dans la Bible.

Toujours plus haut : une gargouille, et sur son dos, un musicien assis ; qui sont au nombre de huit, car présentsen plus aux angles de la façade et dans les recoins des contreforts

Linteau

Le linteau du portail sud de façade continuecelui du portail nord. Au nord le païenSaül - le futur saint Paul - est éblouidevant les portes de Damas par la lumièrede la révélation.

Au sud : atteint de cécité pendant troisjours, il retrouve la vue grâce à l’actiond’un disciple du Christ nommé Ananias.Saül immédiatement se fait baptiser et prend le nom de Paul (Actes 9 : 8-18).

Image du monde

Linteau avant restauration.Détail. Saint Paul guéripar Ananias…

… Et baptême du saint.

Après restauration.Ensemble.

Détail.Après restauration.

Chapiteaux : évocations de la luxuriance de la naturedu Créateur ?

Atlante. Un des quatrepeuples de la terre

(original laissé en place).

Ange. Trompette de l’Apocalypse

(copie sculptée).

Gargouille, et tonde la musique (moulage).

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Figurines

Chacune des deux faces extérieure et intérieure est ornée d’une superposition de figurines : sept de chaque côté, plus un ange ou séraphin en partie supérieure, figurines souvent très animées.

Les thèmes aux chambranles intérieurs sont relativement aisés à interpréter : les Vices (à droite, sud) sont affrontés aux Vertus (à gauche, nord).

Les scènes extérieures sont plus difficiles à comprendre, et nombreuses sont celles dont la signification est perdue.

Scènes intérieures

Côté gauche (Vertus) /côté droit (Vices) :

1 Ange céleste. Nuages à ses pieds /Ange terrestre. Pieds posés sur l’architecture.2 L’espérance : femme tournée vers l’entrée / Le désespoir : femme défaite

se transperçait le flanc avec une épée.3 Femme : la sagesse ?/Femme nue sous le manteau (tenait une massue ?) : la folie ?4 La charité : tend sa bourse / L’avarice : compte son argent.5 La chasteté : enveloppée dans un ample vêtement / La luxure : le sein dénudé.6 Le courage (vertu cardinale) : un chevalier / La couardise : fuit devant un lièvre.7 La religion chrétienne: un autel /L’idolâtrie : monument contenant une idole (lacunaire).8 L’Église: tient l’étendart de la foi /La Synagogue: tenait renversées les tables de la Loi.

Scènes extérieures

Côté gauche/côté droit :

1 Séraphin / Séraphin2 Homme assis tête (perdue) sur la main : la paresse ?/ Le travail ?3 Homme pédant : l’insubordination ?/ Homme assoupi dans les pampres : l’automne ?4 Anciennement décrit avec un lion : ? / Homme devant une cheminée : l’hiver ? 5 Homme nu (que tenait-il ?) La luxure ?/ Homme dans les pampres : Le printemps ?6 Cavalier désarçonné : l’orgueil ?/ Homme assis sous un arbre : l’été ?7 Gueule du Léviathan. Dévore les impies / Lacunaire. Licorne ?8 Diable de l’Enfer / La foi : femme tenant un livre et une lampe allumée.

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Chambranles

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Restaurations XVIIIe siècle

Dix sculptures ont été remplacées vers le milieu du XVIIIe siècle et ne respectent plus ni le style de celles du XIIIe siècle, ni leur iconographie. Elles sont toutes situées à gauche (nord), aux cordons extérieurs.

Premier cordon: peut-être un apôtre,saint Jean tenant calice, saint Paul avec l’épée de son martyr, un ange tenant cierge. Second cordon: un ange,deux musiciens, un ange tenant les clous de la Crucifixion et un autretenant une tête (probablement à mettre en relation avec les anges moissonnant les têtes figurant à côté).Troisième rouleau: deux personnages non identifiés, et l’arbre de vie?

Apocalypse

Les voussures du portail sud montrent une succession de scènessouvent vives, et d’une extraordinairevariété ; vivacité générale qui en fait une des zones les plus fameuses des portails rémois.

Les sujets sont tous tirés du texte de l’Apocalypse de saint Jean qui est le dernier livre de la Bible. Il s’agit d’un texte visionnaire - vient du grec Apokalupsis : révélation - relatant la fin du monde et l’instaurationdu royaume de Dieu. Sa portée symbolique en rend la lecture ardue, et son interprétation difficile et souventmultiple. Dans ces pages nous citonsles passages illustrés par les sculptures;qui souvent constituent une lecture littérale de ce texte fortement imaginatif.La lecture s’opère par étages successifs,commence à l’extrémité gauche (côté extérieur), monte vers la clef,puis reprend côté droit en repartant du bas.

Voussures1 « Moi, Jean… déporté

dans l’île de Patmos,parce que j’ai annoncé la parole de Dieu… Ce que tu vois, écris-ledans un livre ». (Ap. 1:9).Phot. G. Gellert.

2 « Ensuite, envoie-le aux sept églises suivantes : à Éphèse,Smyrne, Pergame,Thyatire, Sardes,Philadelphie et Laodicée ». (Ap. 1:11).

Anges des clefs de voûte,XIIIe s. Phot. G. Gellert.

3 « Lorsqu’il ouvrit le cinquième sceau, je vis sous l’autel les âmesde ceux qui furent tuéspour la Parole de Dieu… »(Ap. 6:9,11).Phot. G. Gellert.

7 « Après quoi je vis quatre Anges… retenant les quatre vents de la terrepour qu’il ne soufflât pointde vent, ni sur la terre, ni sur la mer, ni sur aucunarbre » (Ap. 7:1).

6 « Attendez, pour malmener la terre et la mer et les arbres, que nous ayons marquéau front les serviteurs de notre Dieu ».

5 Peut-être six des sept rois qui adoraient le mal (Ap. 17.10-14).

4 « Quelqu’un qui ressembleà un homme… a dans la main une faux bienaiguisée… et la terre futmoissonnée… il en coulatant de sang qu’il montajusqu’au mors des chevaux ».

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Phot. P. Stritt.

SculpturesXVIIIe s.

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Voussures

6 «ils chantaient un cantiquenouveau : Oui, tu es dignede recevoir le livre, et d’en briser les sceaux…»(Ap. 5:8-9).

5 « Ceux qui avaient vaincula bête… se tenaient sur la mer de cristal.S’accompagnant de harpesdivines, ils chantaient le cantique…» (Ap. 15:2-3).

2 « Et l’on relâcha les quatreAnges enchaînés sur le grand fleuveEuphrate qui se tenaientprêts… afin d’exterminerle tiers des hommes. » (Ap. 9:13-14).

1 « le cinquième ange…ouvrit le puits de l’abîme,et une fumée épaisse s’en éleva… De cette fumée sortirentdes sauterelles [qui reçurent l’ordre] de s’attaquer seulementaux hommes qui ne portentpas le sceau de Dieu sur le front… les torturerpendant cinq mois… » (Ap. 9:1-5).

8 « Il y avait un cheval blanc.Son cavalier s’appelle« Fidèle et Véritable »… Il est vêtu d’un manteautrempé de sang… De sa bouche sort une épée à double tranchant pour en frapperles nations » (Ap. 19:11-15).Phot. G. Gellert.

12 « Un ange puissant prit une pierre semblableà une grosse meule et la jeta dans la mer en disant : - Ainsi, avec la même violence,sera précipitée Babylone,la grande ville, et on ne la retrouveraplus ! » (Ap. 18:21).

9 « Rassemblez-vous pour le grand festin de Dieu, pour manger la chair des rois, la chairdes chefs, la chair des puissants, la chair des chevaux et de ceux qui les montent,la chair de tous les hommes,libres et esclaves, petits et grands » (Ap. 19:17-18).

4 « je vis un autre ange…Son visage rayonnaitcomme le soleil, et ses jambes ressemblaient à des colonnes de feu.Dans sa main, il tenait un petit livre ouvert. Il posa son pied droit

sur la mer et le gauchesur la terre… : - Va, prends le livre ouvertdans la main de l’ange…mange-le. Il te rempliral’estomac d’amertume,mais dans ta bouche, il sera doux comme du miel ! » (Ap. 10:1-10).

3 « Alors une bataille s’engagea dans le ciel :Michel et ses anges combattirent contre le dragon… le Serpentancien, qu’on appelle le diable et Satan » (Ap. 12:7-9).

7 « Réjouissons nous…Voici bientôt les noces de l’Agneau. Sa fiancées’est préparée. Et il lui a été donné de s’habiller d’un lin puréclatant… » (Ap. 19:7-8).

10 « Le premier ange versasa coupe sur la terre. Un ulcère malin et douloureux frappa les hommes qui portaientla marque de la bête et qui adoraient son image » (Ap. 16:2).

11 « L’ange tenant la clé de l’abîme… se saisit du dragon, de ce Serpentancien qui est le diable et Satan. Il l’enchaînapour mille ans. Il le précipita dans l’abîmequ’il ferma au-dessus de lui, en y mettant des scellés » (Ap. 20:1-3).

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1918

Face sud. Troisième registre. a. Des années plus tard, saint Jean appelé par Dieu se couche dans son cercueil et exhorte unedernière fois ses disciples. b. Enterrement de saint Jean. c. Assomption de saint Jean. d. Ses disciples devant le cercueilvide. e. Un ange. Détail d’un cliché Le Secq, 1851 (SAP, MH001P77).

Face sud. Registre bas. a. Arrestation de saint Jean devant Éphèse. b. Comparution devant son accusateur. c. Personnagesintermédiaires, témoins à la fois du jugement de saint Jean (à gauche) et de son martyr (à droite).d. Martyr du saint : Jeanest plongé dans une marmite d’huile bouillante. e. Témoins de son martyr. Détail d’un cliché Le Secq, 1851 (SAP, MH001P77). a. État actuel.

Avant restauration.Phot. G. Gellert.

Face sud. Second registre. a. Détruit. Peut-être Aristodème, dénonciateur de saint Jean. Et petit démon (?) b. Conférence des accusateurs du saint suite à l’échec du premier supplice. c. Préparation du poison du second supplice. d. Administrationdu poison à saint Jean et à deux condamés à mort. e. Les deux condamnés à mort rendent l’âme, au contraire de saint Jean.Détail d’un cliché Le Secq, 1851 (SAP, MH001P77).

Contrefort Lacunes

Les reliefs de cette zone, et notammentceux des parties basses et du côté sud,sont aujourd’hui largement lacunaires par le fait de l’action de l’érosion.

Face ouest

L’iconographie des voussures se continuesur le contrefort attenant. Principe de globalisation de l’architecture en tantque support du message caractéristiquede l’esprit de l’art gothique, qui conçoitde plus en plus le bâti comme un toutunifié par le décor.

Face sud

La joue* du contrefort sud est en rupture avec les scènes de la façade:plus d’évocation de l’Apocalypse mais des scènes de la vie de saint Jean-l’Évangéliste et des petits anges agenouillés.Les scènes de la vie de saint Jean s’inspirent de récits légendaires (Vincent de Beauvais : Le Grand miroir du monde, 1230-1260 ; Jacques de Voragine: La légende dorée,vers 1260).

Aucun de ces reliefs n’est à l’emplacementinitialement prévu. Les petits anges sont en fait des figures remployées de voussures (retailles visibles par endroits).Et les larges blocs recevant les scènes de la vie de saint Jean étaient très probablement prévus pour le tympan*du portail sud : la vie légendaire du saint se serait alors trouvée au milieu de la transcription sculptée de son Apocalypse.

Face ouest. Registre bas. a. b. : « je vis… au milieu des vieillards, un Agneau qui se tenait debout… Il avait sept cornes et sept yeux… L’Agneau s’avança pour recevoir le livre… » (Ap. 5:6-9). c. « je visl’Agneau ouvrir le premier des sept sceaux… Et je vis venir un cheval blanc. Son cavalier était arméd’un arc. Une couronne lui fut donnée… Quand l’Agneau ouvrit le deuxième sceau… Un autre chevalsortit : il était rouge feu. Son cavalier reçut le pouvoir de bannir la paix de la terre… une grande épée luifut donnée» (Ap. 6:1-4). Détail d’un cliché Le Secq, 1851 (SAP, MH001P97).

« Quand l’Agneau ouvrit le cinquième sceau, je vis,sous l’autel, les âmes de ceux qui avaient étéégorgés à cause de leur fidélité à la Parolede Dieu » (Ap. 6:9-10).

c. État actuel.

c. État actuel.

Face ouest. Second registre. a. Quand l’Agneau ouvrit le troisième sceau… je vis venir un cheval noir.Son cavalier tenait une balance dans la main. » (Ap. 6:5-6). b. c. « Quand l’Agneau ouvrit le quatrièmesceau… je vis venir un cheval blême. Son cavalier s’appelle La Mort… Il leur fut donné le pouvoir surle quart de la terre de faire périr les hommes par l’épée, la famine, les épidémies et les bêtes féroces. »(Ap. 6:7-8). Détail d’un cliché Le Secq, 1851 (SAP, MH001P97).

b. et c. État actuel.

b. et c. État actuel.

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Une seconde intervention est mentionnée en 1755 : «six figurestombées par les gelées» sont à remplacer.La réception de 1760 nous apprend qu’« il en a été rapporté neuf», facilement localisables, aux voussurescôté gauche.

Il faut ensuite attendre le tournant des XIXe et XXe siècles pour voir le portailsud à nouveau en travaux. À l’occasiond’une intervention générale touchant tout le côté sud du massif de façade,commencée en 1894 par la face est, et qui s’achèvera en 1909. Seule la sculpture décorative est reprise (fleurons, rouleaux feuillagés, rosaces). Le but de cette intervention étant avant tout de restituer l’architecture : son dessin et son rôle protecteur.

Les consolidations entreprises après la première guerre mondiale furent limitées à quelques « recollages» de têtes, mains et attributs ébranlés par les bombardements, et à quelquescompléments au ciment notamment de draperies pour colmater les éclatsd’obus les plus visibles, par exemple aux ébrasements.

Enfin, un nettoyage général, accompagné de consolidations légères fut réalisé en 1968.

Un exemple de restaurationinterprétative abusive

Un devis de 1737 constate que dans la zone des portails : « Il y a une mauvaise couverture en tuilles… ruinée. Il faut ôtercette couverture de tuille inutile et remettreen place… une assise de pierres dures de douze à dix huit pouces de haut, sculptée avec chevrons et larmiers* et trèfles en façon de campane gothiquesuivant le modèle qui subsiste encore sur les massifs». Reprise qui fut bien exécutée comme le confirme la réceptionde 1740.

On suppose aujourd’hui que cette disposition avec couverturelégère datait de l’origine, et s’expliquaitpar la volonté de ne pas interrompre l’élévation verticale de la façade par une ligne horizontale passant de portail en portail. En lieu et place les restaurateurs du XVIIIe siècle ont restitué une horizontale fortementarchitecturée barrant puissamment la zone médiane des portails.

Archives

Le portail sud fut concerné par cinq interventions, mais une seule fut générale;ce qui somme toute est assez peu pourla façade ouest : la restauration menéeentre 1991 et 1994 aux voussures du portailcentral était la onzième connue.

On parle du portail sud dans les archivesde la fabrique* dès 1727 : «une figure…sculptée sur la circonférence de l’arcadede la droitte est ruinée [voussures] et quatre autres dont les têtes sont décolées à la face du portail audessusdesdittes arcades [gâble]…». Premièrecampagne qui n’aboutit que partiellementpour cause de faillite de l’entrepreneur.On peut cependant penser que la figured’ange des voussures au 2e rang du second rouleau, côté gauche, dut résulter de cette campagne. En effet, seule cette sculpture est en pierredu Soissonnais… mentionnée explicitement(pierre de Chermizy) dans le «Cahier des charges» de l’intervention.

Les mêmes problèmes sont à nouveauévoqués dix ans plus tard : «au timpan[gâble] au-dessus de l’arcade à droite il est nécessaire de restaurer les testes,les bras, draperies des cinq figures» ; ainsi que de nouveaux. La réception des travaux de 1740 indique que cette foistous les travaux prévus furent bien réalisés «suivant la teneur du devis».À cette même date, la presque totalitédes soubassements fut renouvelée, y compris « les linceuils [draperies sculptées] quy servent d’ornement».

Authenticité

Le portail sud avec le contrefort attenant est probablement une des zones les plus authentiques de toute la façade.En effet, sa structure plus étroite qu’au portail central protégea la sculpture. D’autre part, cette zone n’eut pas trop à souffrir des méfaits de la premièreguerre mondiale, et notamment du gigantesque incendie qui ravagea tout le côté nord de façade en 1914.

Restaurationsanciennes du portail sud Figure de l’Église

dont « la tête et les brassont mutilés » et qui fut « restaurée et goujonnée »en 1740. Détail d’un clichéMartin-Sabon, vers 1905(SAP, MH52820).

Tête de gargouille, bronze début XIXe siècle ?

Ange des voussures. Campagne de 1727.

Gargouille (XVIIIe-XIXe siècles). Cliché Heuzé, vers 1905 (SAP, MH86719).

Devis de la fabrique, 1727.« sur l’encoignure… il y a une figure qui jouoit du violon et présentementruinée quil faut refaire à neuf… et celle ensuivante de même hauteur, qui sontsur les gueulardes [gargouilles] ».

Détail de la gravure de Nicolas de Son (1625)attestant de la présence d’une couverture en tuiles(BMR 9-321).

Lithographie. J. J. Maquart.Imp. par Lemercier, Paris.Vers 1850 (BMR 10-200).

Un ange du gâble : Empiècements 1740.

Archives départementales(fonds du chapitre) :2G638, no 42 (1727)2G1670, no 72 (1734)2G638, no 108 (1734)2G1670, no 80 (1737)2G1670, no 77 (1737)2G1670, no 83 (1740)2G639, no 170 (1755)2G639, no 186 (1760)

Archives nationales :F19, dossiers 7837, 7838.

Archives des Monumentshistoriques (médiathèque du Patrimoine) :notamment dossiers no 1568 et 80/15/20 (ancienne numérotation).

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Des années écoulées…

Comme toutes ses sœurs cathédrales,Notre-Dame de Reims nécessite régulièrement pour son entretien«normal» de lourds travaux. Les pages précédentes ont montré que de tout temps, le chapitre de la cathédrale a dû réaliser des travauxafin de lutter contre les dégradations que le temps, les agents extérieurs imposent à l’édifice et pour la conservationde son intégrité physique.

Depuis une quinzaine d’années ont ainsi été conduites un certain nombred’opérations de restaurations diverses sur les couvertures, les maçonneries, les vitraux et la statuaire.

C’est ainsi qu’ont été restaurés : • La face est de la tour nord de la façade

occidentale ; à cette occasion une sériede rois ont été remplacés par des copiesen pierre.

• Les voussures du portail central ainsique les deux piédroits qui le cadrent de chaque coté.

• Les faces sud et ouest de la tour suddu bras sud du transept ainsi que les deux travées adjacentes de la nef ; à cette occasion les rois qui ornent cette partie de l’édifice ont été remplacés par des copies en pierre, ou des moulages, les originaux étant exposés dans le Palais du Tau.

• La galerie des prophètes de la face suddu bras sud du transept.

• Les anges des contreforts sud et nordde la nef.

• Les lustres de la nef.• Deux statues de l’ébrasement sud

du portail sud de la façade occidentale,Abraham et Aaron. Les originaux remplacés in situ par des moulages en ciment pierre, ont été exposés dans le Palais du Tau.

• Trois statues de l’ébrasement nord du portail nord de la façade occidentale.Deux d’entre elles, fortement dégradées,ont été remplacées par des moulagesen ciment pierre ; la troisième a été restaurée et nettoyée in situ. La tête du Beau Dieu au portail centraldu bras nord du transept.

• Le portail sud et le contrefort adjacent :objet de la présente plaquette.

Ce sont ainsi 12 017 063 euros de travauxqui ont été réalisés depuis 1995. Le mécénat se doit d’être mentionné. En effet, grâce notamment à la Sociétédes Amis de la cathédrale Notre-Dame de Reims et aux professionnels du champagne, d’importantes contributionsfinancières ont permis la réalisation de ces travaux.

… Et à venir

Au cours des années prochaines sont envisagés :• La restauration du portail nord

de la façade occidentale et le contrefortadjacent.

• Les parties supérieures de cette façade(rose et galerie des rois sud).

• La restauration du chevet.• Enfin une création de vitraux

dans les deux chapelles adjacentes à la chapelle d’axe est programmée afin de répondre 30 ans après ceux que Chagall mit en place avec l’atelierJacques Simon grâce au mécénat de la Fédération régionale du bâtiment.

Interventions achevées récemment

1 Restauration des anges sud 19952 Restauration des anges nord 1998-19993 Tour sud-ouest du transept 1995-20004 Couverture de la tour sud-est du transept 20015 Portail sud et contrefort de la façade occidentale 2001-20056 3 statues de l’ébrasement du portail nord 2003-2004

Interventions en cours

7 Reine de Saba et Homme à tête d’Ulysse - mécénat

Interventions projetées

8 Portail nord, contrefort et parties hautes de la façade occidentaleStatues des ébrasement du portail nord et central (suite)

9 Comblement des fouilles rue Robert de Coucy10 Restauration test d’une travée du chevet11 Création de vitraux12 Maçonnerie, vitraux, statuaire de l’ensemble du chevet

Montant global des travaux effectués : 5 046 063 €Montant total des travaux en cours : 300 000 €Montant global des travaux projetés : façade : 25 000 000 €

Programme général de restauration

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Création de vitraux

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étrange allure. Mais d’abord, c’est une sorte de rite, je monte au plus haut du chantier, pour voir la licorne. Je me souviensqu’un matin d’hiver je l’avais découverte coiffée d’un peu de neige. Plus récemment, un soir tard, profitant de la présence d’unsculpteur encore au travail, j’avais trouvé l’animal fantastique dans une superbe lumière dorée. Après avoir fixé encore unefois son sourire, j’étais resté assez longtemps à profiter de ce moment privilégié. En redescendant vers les statues colonnes, je réaliseque la voussure nord est dégagée, une partie de l’échafaudage ayant été démontée. La vision est toute autre, les sculptures me

baignées dans la lueur jaune d’un projecteur de chantier. Certains jours, le charme de ce quasi-spectacle était troublé par lenuage de poussière du micro-sablage. Elle se glisse partout, fait cligner des yeux et crisser les dents. Je restais toujours un peu àl’écart en prenant des photos pour épargner les appareils. Je continue de redescendre, puis m’arrête devant les statues-colonnessous leur film-plastique pour quelques images encore. Je me dis que bientôt, ce sera le retour sur terre: ces visions vont disparaîtreavec le chantier et je vais redécouvrir ces voussures depuis le sol, la tête penchée en arrière et les yeux tournés vers le ciel.

Pour la Xe fois en deux ans je gravis les marches métalliques de l’escalier du chantier, sac photo sur l’épaule , le trépied à la main.C’est l’une des dernières fois. Avec la fin des travaux de restauration ma mission s’achève. Dès le premier niveau j’aperçois lesgrandes statues-colonnes, elles sont emballées dans de grandes feuilles de plastique transparent, après un dernier traitement.Un étonnement, une vision de plus. L’excitation monte. J’ai tout de suite envie de photographier ces personnages avec leur

paraissent petites et en même temps l’ensemble s’est reconstitué. Pendant des mois, j’avais vu les rangées de personnages par bribes, coincées dans un enchevêtrement de tubes d’acier et de matériel de restauration. Malgré cela, c’était un véritable luxede pouvoir approcher les statues d’aussi près. Il y avait une sorte d’intimité qui s’installait. Je pouvais les « toucher » du regard.Parfois je les trouvais dans une sorte de caverne derrière une bâche plastique protégeant les restaurateurs du froid et du vent,

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Maintien en place

Une chose est certaine : le maintien en place est toujours privilégié ; le butaujourd’hui de toute intervention étant,autant que faire se peut, de prolongerl’existant à son emplacement d’origine,de conserver au maximum l’authenticitédu monument.

En cas de maintien en place, l’intervention est confiée aux soins des restaurateurs/consolideurs qui ont à leur disposition toute une batterieà la fois de techniques, de produits et de matériaux ; qu’il s’agit de choisir au mieux.

Facteurs de choix

Plusieurs facteurs entrent en ligne de compte dans le choix des méthodes et produits utilisés :

• L’état de la sculpture : une sculpture présentant un état de dégradationmoins avancé supportera toujours une intervention plus légère ; et inversement.

• La nature de la pierre : qui détermine les types de produits devant être utilisés.Chaque restauration est précédée de tests, réalisés soit par le Laboratoirede recherche des Monuments Historiques,soit par tout autre laboratoire agréé.

• Le passé - passif - de chaque élément à restaurer: la présence de restaurationsanciennes complique l’intervention.

• La position sur le monument : une sculpture plus exposée aux intempéries sera davantage consolidée.

• Les opérations prévues sur la sculptureet son devenir : une figure amenée à être déposée, ensuite mise en dépôtà l’abri, sera très peu restaurée ; une partie ayant à supporter une prised’empreinte (moulage) sera au moinsassez consolidée pour supporter sans encombre cette opération.

Création d’un comité scientifique en 1988

La complexité des cas à traiter et la difficulté des prises de décision a incité le maître d’ouvrage (ministèrede la culture et de la communication,DRAC Champagne-Ardenne) et le maître d’œuvre (architecte en chef des monuments historiques en charge de la cathédrale) à créer un comité scientifique chargé d’aider les protagonistes dans leurs choix.Comité scientifique qui est à la fois international et pluridisciplinaire (rassemble historiens, historiens d’art,techniciens, praticiens et scientifiques de la restauration, architectes, personnel administratif…). Le comité se réunit en moyenne deux fois l’an. Les décisions sont prises de manière collégiale. Bien que ses avis ne soient que consultatifs, ils furentjusqu’à aujourd’hui toujours suivis d’effet.

Choix difficile

Le choix des options de restauration à retenir est souvent difficile à faire : faut-il maintenir en place, déposer et remplacer? Et dans ce cas par quoi :rien, moulage , sculpture? Et quel niveau de restitution faut-ilaccepter : copier l’état actuel, revenir au premier état connu par la photographie,à l’état donné par le premier moulageconservé lorsqu’il en existe? Peut-on tenir compte des documents plus anciens mais moins précis (gravures, dessins, tableaux…)? Etc…

Conservation et respect

Manques complétéspar ragréage*après traitement des fers.Voussures, côté gauche(Phot. Lithos).

Visage d’ange du contrefort sud. XVIIIe siècle. (Phot. Lithos).

Exemple de démontage(Phot. Lithos) /

recollage de parties éclatées par la rouille

de pitons du XVIIIe siècle.Ange du premier cordon

gauche des voussures.(Phot. Lithos).

Consolidation en cours :application de solins*(Phot. P. Stritt).

Collage/goujonnage* d’une partie détachée.(Phot. P. Stritt).

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Consolidation

La pierre connaît un vieillissement «normal» dû notamment à l’acidité naturelle des eaux de pluie ; accéléré par la pollution (augmentation de l’acidité,apports d’autres éléments agressifs), et par l’effet mécanique de l’érosion. Il se manifeste par un affaiblissement de la structure même du matériau, par une moindre cohésion interne de ses micro-éléments constitutifs (perte de cohésion des grains, augmentation de la porosité).

Le but de la consolidation est de redonnerpartie de cette cohésion, notamment aux couches superficielles plus altérées. Les produits appliqués recapitonnent les pores de la pierre, redonnent du liantentre les grains ; tout en n’obturant jamais la structure poreuse du matériauqui doit pouvoir continuer de « respirer».L’application peut-être générale ou ponctuelle. Le traitement est toujoursrenouvelé plusieurs fois, en général trois fois.

Les vestiges de polychromie, rares à Reims, doivent être traités séparément.

Mode opératoire

Dans le cas présent : • Éventuellement : premier nettoyage,

au laser ou par compresses, sur les parties fragiles très encrasséesou sur les traces de polychromie.

• Préconsolidation : pour permettre à la sculpture de supporter le nettoyage;

• Dépoussiérage, nettoyage à l’eau avec compresses et/ou microsablage ;utilisation ponctuelle du laser.

• Injection des fissures et fractures ; acte parfois mené en même temps que la préconsolidation.

• Collage-goujonnage des élémentsdéstabilisés.

• Ragréages, pose de solins.• Consolidation générale ; à la fois

des parties originelles et des apportsrécents (ragréages, solins…).

• Patine lorsque nécessaire.

systématique, avec des tiges/goujons en inox spécial ou en fibre de verre.

• L’injection : des fissures et des fracturesde la pierre ; pour restituer sa continuitéau matériau ; toujours avec des époxy,mais plus fluides.

• La consolidation du matériau pierre : à l’aide de produits synthétiques très fluides, souvent à base de silicated’éthyle, appliqués soit au pinceau, soit au goutte à goutte.

• Installation de solins*, et ragréage* - colmatage - notamment des éclats, à l’aide de mortiers : pour restituer une continuité aux surfaces sculptées,et éviter la stagnation de l’eau (risques de gel, zones d’action privilégiée de l’acidité…).

• Démontage/ remontage éventueldes parties les plus fracturées ; avec recollages, goujonnages, compléments éventuels (bouchages) au mortier.

• Patine : harmonisation, intégration colorimétrique des interventions ; avec des pigments naturels.

Actes de restauration

Les différents actes techniques pouvantêtre mis en œuvre par les restaurateurssont les suivants :

• Le nettoyage : par compresses, ou par microsablage, ou par nébulisationet brossage doux, ou par laser; différentesméthodes pouvant être associées (les compresses et le microsablage…)Le nettoyage par désintégration laser,plus coûteux, n’a été utilisé que ponctuellement sur ce chantier : en dégagement des traces de polychromie ou pour le traitementdes parties fragiles particulièrementencrassées. L’action du laser étant thermique - et sélective - et non physique,cet outil peut être employé sur les zonessensibles sans préconsolidation préalable.

• Le recollage et/ou goujonnage* : des éléments détachés ou risquant de se détacher (souvent des parties saillantes : mains, têtes…). La plupart des collages sont réalisés à la résineépoxyde ; le goujonnage est quasi

Techniquesde restauration

Contrefort sud (détail).Avant et après nettoyage.

Traces de polychromie.Ébrasement droit, tête de Moïse.

Nettoyagepar microsablage

(ent. SOCRA).

Traitement des fers(agrafes XVIIIe s.)puis recollage et ragréage.Voussure, côté gauche.(Phot. Lithos).

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Place du moulage

Une fois la dépose décidée, reste à choisirla technique de copie de l’original. S’offrent deux possibilités : le moulage ou la sculpture.

Actuellement, le moulage est retenu plutôt lorsque l’élément à remplacer présente encore d’importantes partiesintactes et lisibles, lorsque la part des restitutions d’après documentationest limitée. Le moulage est par ailleurspour l’instant écarté des parties hautesou difficilement accessibles, par «mesurede précaution» : quelle sera la durée de vie des matériaux composites utilisés,résines ou ciment-pierre? Les tests entrepris permettent d’espérer une duréede vie comparable à celle de la pierre,mais le recul manque encore.

Le moulage est par ailleurs utilisé en dehors de tout contexte de dépose :pour conserver la mémoire d’un élémentsoit particulièrement important et/ou peu connu (et non déjà moulé), soit particulièrement inaccessible (pour profiter d’un échafaudage). Une collection de plus de 1300 moulages existe déjà.

Exceptions à la règle

Cependant, certaines sculptures présentant toutes les raisons d’être déposées parfois ne le seront pas.

Ceci lorsque la dépose risque de générer des travaux trop importants. C’est le caspar exemple des reliefs pris en-œuvre.

Ou faute de savoir assez précisément que mettre à la place : par quoi aurionsnous remplacé les reliefs de la face suddu contrefort, déjà illisibles au début du XXe siècle, et documentés uniquementpar quelques rares photographies antérieures trop peu lisibles?

Spécifité rémoise

Enfin, spécificité rémoise, dans certainscas de figure il fut décidé de ne pasremettre en état certaines parties «martyres», témoins du désastre de la première guerre mondiale. Cette décision est l’effet du strict respect de la volonté de conserver le monument «en son vécu».

Émergence d’un nouveau procédé

Entrent en lice ici bien sûr le mouleur,mais éventuellement aussi un sculpteur/stucateur. Le premier étant le techniciende la prise d’empreinte, le second l’artiste chargé de restituer les formes à compléter.

Aujourd’hui le moulage commence à être concurrencé par un tout nouveauprocédé: la numérisation 3D informatiquedes volumes. Si la technique est intéressante pour la mise en mémoireprécise des formes, il n’est pas encorepossible de reproduire automatiquementles volumes de formes complexes.

Pourquoi ?

Dans certains cas de figures, heureusement non majoritaires, il n’est pas possible ou souhaitable de maintenir l’élément d’origine en place. Plusieurs raisons peuvent susciter une dépose :

• La raison conservatoire : l’élément est trop exposé, trop menacé. C’est le cas notamment de certainessculptures peu ou mal protégées par l’architecture, et notamment des sculptures extérieures des portails.Cet argument prend une acuité toute particulière pour les œuvres les plus importantes : si l’ange au sourire était un tant soit peu menacé, il aurait été déposédepuis longtemps.

• La raison sanitaire : l’élément constitue une menace pour le visiteur;et continuerait à être dangereux même restauré.

Quand dépose-t-on?

Tête d’ange de la nef en cours de moulage(empreinte silicone et chape en plâtre).Intervention 2000.

Démoulage d’Abraham(empreinte silicone).Intervention 1996,ent. J.L. Bouvier.

Ange sous clochetonrestitué en sculpture,et personnages du gâble (droite) par moulage.

Copies moulées(ent. J.L. Bouvier).

Reliefs sud du contrefort,pris en-œuvre,et non déposés.

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Restitution du Christ

La restitution des sculptures du gâble a donné lieu à d’intéressants débats au sein du comité scientifique, qui ont notamment concerné le Christ.

Les photographies les plus anciennes(1851) nous montraient le Christ sous sa forme restaurée en 1737-1740.C’est-à-dire un Christ bénissant de la main droite et tenant le globe terrestre de l’autre. Or, une recherchemenée sur les gravures antérieuresa démontré que la disposition initiale était celle d’un Christ montrant ses plaies, les deux mains ouvertes vers l’avant, paumes en présentation.Iconographie confirmée par l’analyse des cas similaires du XIIIe siècle. Après débats, il fut décidé de revenir au sens de cette iconographie initiale ;enfreignant ainsi deux principes de la restauration actuelle : • ne pas remonter au-delà de l’état donné

par les photographies les plus anciennes; • et ne pas restituer un état n’ayant

jamais existé : la disposition du XIIIe siècle des bras côtoieaujourd’hui des parties XVIIIe siècleconservées (têtes et drapés frontaux).Ceci afin de revenir au sens initial en restituant un Christ d’humilitéaccueillant le visiteur bras ouverts.

Techniques

Les moules sont à empreinte silicone(partie en contact avec le sujet à mouler),et à chape (armature) en plâtre ou fibre de verre.Le plâtre est toujours largement utilisé,mais pour le tirage intermédiaire, et pourles compléments (ou parfois la terre).Le tirage final est en «pierre reconstituée»,qui actuellement est un ciment-pierreteinté dans la masse (mélange de ciment spécial et de poudre de pierre). Les premiers témoins de cette techniqueexistant sur la cathédrale - portail du Jugement (bras nord du transept) -avaient été produits, au début des années 1980, en résine et poudre de pierre.

La qualité du résultat obtenu dépend certes de la fidélité des prises d’empreintesuccessives, mais aussi beaucoup de la sensibilité du sculpteur/stucateur et de sa capacité à restituer les formes,souvent complexes, des parties perduesdocumentées par la photographie.

Mode opératoire

• Prise d’empreinte sur l’original :réalisation d’un moule (avec la forme de la sculpture en creux)…

• … à partir duquel on réalise un tirageen plâtre…

• … et sur lequel on ajoute les formesdocumentées. Une fois le résultat souhaité obtenu :

• Moulage du tirage complété (réalisationd’une 2e génération de moule intégrantles parties ajoutées).

• Coulée de la copie qui trouveraplace sur le monument.

Dans certains cas aucune restitution n’est ajoutée ; ce qui permet de fairel’économie d’une génération de moule.La copie moulée est alors l’exact reflet de l’original dans son état au moment de la dépose. Ce cas de figure se produitnotamment lorsque la sculpture, bien que menacée et donc déposée, est encore bien lisible ; ou a contrario,lorsqu’elle est trop lacunaireet de plus mal documentée.

Restitutions moulées

Modèles en atelierpour étude critique.

1. Cliché Le Secq, 1851.(SAP, MH001P48).

2. Avant restauration (Phot. G. Gellert).

3. Après restauration.Moulages en « pierrereconstituée ».

Copie moulée mise en place (ent. J.L. Bouvier).

1. Détail. Avant dépose.(Phot. G. Gellert).2. Modèle plâtre en atelieraprès restitutions.

Analyse critique d’un modèle.

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Mode opératoire

Le mode opératoire n’est pas tout à faitle même s’il s’agit de reproduire une partie ornementale ou de la sculpturefigurée, la phase d’étude étant plus longuedans ce second cas.• Sculpture ornementale : production

d’un modèle en dessin partant des formes éventuellement subsistanteset de la documentation fournie ; lequel sera reproduit en taille directesur la pierre. Seuls les décors les plus compliqués nécessitent un travail préparatoire en volume, en plâtre ou en terre.

• Sculpture figurée : Deux cas de figuressont envisageables. - Si des vestiges de l’original à remplacersubsistent un moulage en est réalisé.Le sculpteur part donc de ce supporten trois dimensions pour mettre en place les parties manquantes documentées. - Si l’original a disparu, le sculpteurdevra alors «monter» en partant de rien le volume de son modèle

en plâtre. Tout travail sur les modèles se fait progressivement, en concertation et sous le contrôle de l’architecte, des conservateurs du monument, du comité scientifique ; jusqu’à aboutir à un résultat aussi proche que possibledes formes relayées notamment par les photographies anciennes.

Le sculpteur aura ensuite à reporter le plus exactement possible sur sa copieen pierre les formes du modèle en plâtreaccepté. Il utilise pour cela une «machineà mettre au point», genre de compasen trois dimensions qui à partir de troispoints de base permet de reproduiretout point du volume du modèle.La densité de prise de points dépendde l’importance et de la complexitédes zones à copier : de très dense sur un visage, elle devient plus lâche par exemple sur une partie de draperietendue. Reste à travailler la surfacecomme l’était l’original : layage éventuel,polissage (visages)… Le délai moyend’exécution d’une grande sculpture est de 6 mois environ, partagé à peu près à égalité entre le tempsd’étude (travail sur le modèle) et l’exécution en pierre.

Artiste

Le sculpteur n’est pas un technicien mais un artiste ; et n’est pas à confondreavec le tailleur de pierre : celui-ci meten pratique un dessin géométrique, tracé avec règle, équerre et compas ;celui-là pour mettre en place les formesqu’il a à restituer dessine à main levée,les formes humaines ou de la nature, tel qu’enseigné aux Beaux-Arts.

Cette fonction difficile demande nombrede compétences. Celle d’un artisteaccompli, maître des moyens techniquesde sont art : le dessin, et bien entendu la sculpture. Il doit aussi connaître l’artqu’il a à reproduire. Et pratiquer l’humiliténécessaire pour pouvoir s’imprégner du «génie» propre à tout lieu.

Les outils du sculpteur sont les mêmesque ceux utilisés au XIIIe siècle : ciseaux,gradines*, goujes*, gratte-fonds*, maillet…Seule différence: le marteau pneumatiqueest toléré pour le dégrossissage des formes.

Place prépondérante

Le sculpteur conserve de nos jours une place prépondérante dans le processusde restauration/restitution. Tout d’abordparce qu’il se partage avec le mouleurle travail de copie des statues; et ensuiteparce qu’il a à renouveler la sculptureornementale abîmée, qui le plus souventest un décor végétal (rouleaux de voussures, frises des corniches, feuillages de polylobes, chapiteaux…).

Sculpture

Détail. Trilobe du petitgâble sud.1. Vers1905. Détail d’un cliché Martin-Sabon(SAP, MH55730).2. Avant dépose.3. Après copie sculptée.

Voussure du petit gâble sud.Détails.1 et 2. Avant dépose et en cours de sculpture.3. Original cotoyant une copie sculptée (atelier Bourdet).

Sculpteur (de la cathédrale?)début XIVe s. (ms du chapitre,BMR ms 40).

Prophète de l’angle sud de la façade. 1. Avant dépose (Phot. G. Gellert). 2. Copie en pierreréalisée par Nicolas Bulloz.

Outils du sculpteur : ciseaux,gradines, goujes, maillet…

Pentalobes des gâbles :1. Après pose de la pierre de remplacement.2. Sculpture en cours (Leandro Berra).3. Original, côté sud (partiellement refaitdébut XXe s.).

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Quête de sens

En effet, sur la gravure de Gentillastrechacun des animaux dessinés derrière les gâbles de façade est précisément personnalisé. Celui se trouvant sur l’arrièredu gâble nord et de sa Crucifixion mériteparticulièrement attention : difficile de diresi on y voit une hermine, une belette, une mangouste… mais il s’agit en tout casd’un viverridé, famille toujours présentéeau Moyen Âge comme symbole du Christet de la Résurrection.Il devenait dès lors plus que probable que l’animal sur l’arrière du portail sudétait lui-aussi en rapport iconographiqueavec le thème du Jugement dernier du gâble.

Emblême du Christ Sauveur

La silhouette fournie par la gravure nous a permis de nous orienter vers la solution de la licorne ; animal qui dès le XIIe siècle est présenté comme le symbole de l’Incarnation et de la Passion du Christ, et donccomme l’emblème du Christ Sauveur.La licorne restituée s’inspire des raresexemples connus de représentations de cet animal datant du XIIIe siècle,et notamment de la figurine au chambranledu portail sud (voir page 13).

Une licorne sur la cathédrale

Silhouette inattendue à l’arrière du gâble

Le gâble du portail s’appuie sur un dosseret-contrefort dont la partiesupérieure était surmontée d’un fleuronrésultant de la restauration du tout débutdu XXe siècle.

L’examen de la seule gravure anciennepermettant d’avoir une vue sur cette partie -gravure de Gentillastre, 1722 - y montrenon pas un végétal, mais un animal ressemblant à un petit cheval ; visible également sur un tout autre support : sur la maquette monumentale de la cathédrale présentée au muséele Vergeur. Il devait dater du XIIIe sièclepuisqu’aucune intervention n’est connuesur cette partie avant la date de la gravure.

Question du choix

Mais faut-il le restituer? Et cet animal,quel est-il ? A-t-il un sens particulier dans l’iconographie de la façade?Dans ce cas également, comme pour le Christ juge du devant du gâble,l’argument qui prévalut fut celui du sens.

Licorne restituéesur l’arrière du gâble.Sculpteurs : L. Berra& N. Bulloz.

En atelier.Modèle en plâtre

(droite) et copie sculptée (gauche).

Copie de la licorne, sous la neige (Phot. P. Stritt).

Détail. Gravurede Gentillastre & Scotin,1722 (BMR X-IIb n°16).Animal à l’arrière du gâble.

Détail. Gravurede Gentillastre & Scotin,1722 (BMR X-IIb n°16).Hermine (?) à l’arrière du gâble du portail nord.

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Pierres de la cathédrale de Reims

La pierre de la cathédrale de Reims vientdes secteurs ouest, juste avant Fismes, à 25 kilomètres de Reims environ. La dernière carrière en exploitation étaitau village de Courville, d’où le nom générique qui lui est aujourd’hui donné.

Il s’agit d'une pierre calcaire du Lutécienmoyen qui se caractérise par sa grandefinesse, sa faible porosité (qui la rendsensible au gel et donc impropreà une utilisation horizontale en extérieur) ;sa couleur chaude tirant plus ou moinssur le jaune-ocre ; et sa grande dureté,qui ne l’empêche pas de bien «prendre l’outil » (accepter la taille).

Les sources ne nous fournissent aucuneinformation précise sur les carrièresanciennes. Il est cependant probable,pour des raisons d’économie de transport,qu’au Moyen Âge les fronts de carrièreles plus proches durent être privilégiés(les bancs les plus proches affleurent à 12 kilomètres de Reims, proche du village d’Hermonville) et que les sitesd’extractions devaient être multiples.Impression confortée par l’examen du monument où se côtoient des pierresde couleurs et structures différentes. Il est probable également que les sitesd’extraction devaient être spécialisés :telle pierre plus poreuse pouvait être utilisée en soubassement, telle autre très fine pour la sculpture…

Rôle essentiel

Le corps de métier servant en quelquesorte de « liant» pendant le chantier est le maçon, l’entreprise de maçonnerie.Qui assure le suivi matériel du chantier,est chargé de la plupart des déposes et reposes, de l’intervention sur le gros-œuvre (nettoyage compris) et de la réfection de l’architecture.Deux métiers interviennent pour cela, le maçon à proprement parler, et le tailleur de pierre. Ce dernier a à sa charge la reproduction «à l’identique» des formes architecturéesdevant être remplacées : dais*, colonnes,structures des gâbles, larmiers architecturés, clochetons, remplages*…

Maître ès pierre

Toute intervention est précédée d’un «calepinage*» permettant d’évaluerles volumes de pierre à remplacer et de relever les formes à reproduire. Le recours aux photographies ancienneslà aussi est monnaie courante, pour la restitution des formes aujourd’hui disparues. La personne responsable de ces relevés est l’appareilleur.

Maçon, «ciment » du chantier

Le maçon s’occupe de l’approvisionnementen pierre pour l’ensemble du chantier. Il la fournit aux sculpteurs après épannelage,c’est-à-dire après avoir «approché la forme» en taillant pans et chanfreins*autour du volume à sculpter.

Les remplacements de pierre se font après refouillement des pierresanciennes à une profondeur suffisantepour permettre la mise en place du nouvel élément, posé «en tiroir».Chaque pierre rapportée est agrafée au bâti ancien (avec des éléments en inox). Ces périodes de «mise à nu»du bâti constituent des momentsprivilégiés permettant de mieux comprendreles méthodes constructives anciennes.

Autres corps de métier

L’énumération des métiers qui intervinrentsur le chantier du portail sud serait incomplet si l’on n’évoquait le couvreur,qui fut chargé de la couverture en plombdes « reins» des portails et du contrefort(dessus) ainsi que du gainage en plombdes conduits menant aux gargouilles ;ainsi que le maître verrier, qui nettoya la rose du tympan (rose refaite en 1959).

Protection d’une sculpture(ange du contrefiort sud).

Un ange des voussures, côté droit (bas). Variété des pierres du XIIIe s.

Petit gâble du contrefortsud et figure de l’Église

avant et après restauration.

Gâble du portail suden cours de pose. (ent. Noël).

Petit gâble du contrefort :1. Avant.2. Après dépose.3. En cours de pose.

Dépose en cours aux voussures du portailcentral. Intervention 1992(ent. Noël).

Dais ouest en 1851,cliché Le Secq (MH001P77).Et après restauration.

À partir du XVIIIe siècle, les restaurationsont apporté nombre de pierres allogènes :de la région de Soissons, de la Meuse,des environs de Paris…

Au XIXe siècle certains devis citent parfois jusqu’à près de dix natures de pierre différentes.

À partir de l’après première guerre mondiale les pratiques sur ce sujet sont demeurées assez stables : emploi de la pierre de type Courville partout où cela est possible et souhaitable(notamment pour la sculpture) et utilisation de la pierre de Saint-Maximin(carrière au nord de Paris) pour toutes les parties exposées et protectrices ;cette dernière étant réputée mieux résister au ruissellement et à l’érosion.

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Pendant la restauration

Une part importante du suivi documentaire bien entendu se déroulependant la restauration. Les restaurateursdoivent décrire au sein de fiches-typestout élément apporté (colle, consolidant,résine, mortier, élément de fixation…).Une couverture photographique des actes techniques est demandée aux restaurateurs. Elle est complétée par celle plus générale entreprise par le chargé de mission, et parfois par une autre plus «artistique» menée par un photographe professionnel.(voir pages centrales).Le moment du chantier est un momentprivilégié de communication entre corpsde métiers permettant d’affiner la compréhension à la fois du monumentet des sources.

Après la restauration

Le travail documentaire se continue de longs mois une fois l’intervention terminée. Il s’agit de traiter les donnéesaccumulées et d’en assurer l’édition et la reproduction pour archivage dans les fonds réglementaires.Les informations sont saisies au seind’une base de données; les attachementsfigurés sont numérisés ; tout comme les images qui sont de plus associées à des fiches descriptives (localisation précise, légende, mots-clefs…).

Écran d’interrogation de l’inventaire des sculpturesen place. Pour une statuedes voussures (côté droit).

Des fiches-types sont complétées par les restaurateurs : des fiches techniques (nettoyage, consolidation,éléments de fixation…), et des documents graphiques (en général des vues sur trois facesmises à l’échelle de chaque sculpture).

Partie des 1300plâtres conservés

en dépôts.

Base de données cathédrale

La base de données cathédrale de Reims(Base cath) a commencé d’être constituéeà partir de l’année 1991. Elle finitpar englober la quasi-totalité des domainespermettant d’appréhender le monument.Elle comporte aujourd’hui près de 30 000 entrées (fiches descriptives).Cette base est à l’aube d’une refontegénérale qui devrait lui permettred’intégrer l’univers de l’Internetet d’être ainsi largement diffusée.

Projet architectural

À partir de ces données et nourri de ses propres observations, l’architecte en charge du monument préparera un projet d’intervention pour chaque partiedont la restauration a été décidée : le «Projet Architectural et Technique». Qui permettra notamment le lancementdes appels à concurrence et la sélectiondes entreprises.

Collecte documentaire

Chaque chantier commence de manière« invisible» dès avant le montage des échafaudages. Les documentsnécessaires à l’intervention sont alorsrassemblés et reproduits pour êtredistribués aux intervenants: photographiesanciennes reproduites en haute résolution(pour chaque sculpture, et l’architecture),détails de gravures parfois, textesd’archives, rapports des restaurationsanciennes…

Monument exceptionnel

Le caractère exceptionnel du monumentdonne à la documentation une placetoute particulière : toute intervention s’y rapportant doit en effet être consignéeavec soin pour l’information des générationsfutures. D’autre part, l’appréhension des sources nombreuses qui l’informentréclame d’y consacrer davantage de temps et de patience.

Études Préliminaires

Très en amont des restaurations, la réflexion engagée au moment des «Études Préliminaires» vise à déterminer les «possibles» documentaires : tel élémentaujourd’hui très endommagé est-il suffisamment documenté pour pouvoirêtre restitué? Les degrés d’urgence d’intervention sont déterminés à cette occasion sur la base de rapidesconstats d’état réalisés à la nacelle.

Rôle de la documentation

Phot. G. Gellert.

Pour l’instant document texte non lié

Archives récentes (fonds

Monuments historiques)

Archives anciennes (Fabrique)

Actes techniquesde restauration(depuis 1991)

Inventaire de la statuaire

en place

Inventaire des réserves

Inventairesanciens

(réserves, fouilleset moulages)

Inventaires des moulages (tous fonds)

Photographiesanciennes

(tous fonds)

Photographiesactuelles en coursde restauration(depuis 1992)

Images numérisées (banque d’images)

Structure simplifiée de la base informatique. Repose sur un repérage codé de chaque reliefsculpté de même principe que les marques de pose du XIIIe siècle, et qui dans l’avenir pourraêtre associé à un géoréférencement tridimensionnel. Le système respecte les normes desbases Palissy (objets) et Illustration.

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Lexique

calepinage: «noter sur un calepin» les dimensions, formes, volumes…chambranle : encadrement vertical, généralement mouluré, d’unebaie ou d’une porte (syn. : piédroit).chanfrein : pan de biais.chapitre : assemblée de clercs appelés chanoines. Le chapitre estchargé de rendre le culte et de gérer les affaires courantes et lepatrimoine.chœur : étymologiquement, partie d’une église prévue pour leschantres ; située dans l’abside après le transept à l’opposé de la nef.clavé : en forme de claveau, avec surfaces latérales concentriques,taillées en biseau, en général pour former un arc.clef de voûte: pierre en forme de coin qui occupe la partie supérieured’une voûte ou d’un arc.clocheton : petit clocher décoratif.contrefort : renfort de maçonnerie élevé massif servant à contenirles effets de la poussée.dais : élément couvrant en surplomb en général au-dessus d’unestatue.ébrasement : mur biais d’une fenêtre, d’une porte ou d’un portail.Reçoit les statues-colonnes.fabrique : organe, assemblée, chargé de la gestion matérielle desbiens et du monument ; à Reims, dépendait du chapitre jusqu’à laRévolution.franc-sergent, ou «bourgeois à chanoine»: localement, serviteurattaché au service d’un chanoine ; titre honorifique qui assuraitl’immunité (d’impôts, de devoir, de charges…).gâble : pignon aigu souvent décoratif, ajouré ou orné, sourmontantl’arc d’un baie.gouje : ciseau dont le tranchant est généralement semi-circulaire.goujonnage : action de goujonner, fixer un goujon.gradine : ciseau à dents.gratte-fond : outil dont l’extrémité, de formes diverses, est disposéeau bout d’une tige de manière à atteindre les parties renfoncées.hôtel-Dieu : établissement d’accueil, d’hébergement et faisantaussi office d’hôpital dépendant des évêques.joue : côté, flanc.larmier : moulure horizontale en saillie destinée à écarter les eauxpluviales.linteau : élément horizontal servant à soutenir le mur au-dessusd’une baie (porte, fenêtre). Repose sur les chambranles ou piédroits.massif de façade : façade prise dans son épaisseur. À Reims lemassif de façade comporte la totalité de la première travée de nef,avec les deux tours.photogrammétrique : procédé de restitution graphique à partir declichés phot.graphiques.ragréage: raccord de mortier sur une partie lacunaire (éclat, trou…).remplage : structure intérieure de la baie ; permet de diminuer etde maintenir l’ouverture.

1 Massif de façade2 Nef3 Transept4 Chœur5 Travée6 Déambulatoire

1 2 3

3

3

4

solin : raccord de mortier réalisé pour permettre une meilleureévacuation de l’eau.style rayonnant : chronologiquement entre le style gothique ditclassique et le style gothique flamboyant. Se caractérise par la hardiesse des ouvertures, la luminosité des volumes, la complexitéet la pureté géométrique des tracés (notamment des remplages).tons authentiques et plagaux : désigne les huit tons de l’église,les tons du plain-chant.travée: unité élémentaire de découpage d’un volume architectural,espace compris entre deux supports principaux (piliers, colonnes…).tympan : surface triangulaire verticale de remplissage d’un arc,située au milieu des voussures, supportant souvent un relief.voussure : partie courbe qui surmonte une porte, une fenêtre.Reçoit souvent une partie du décor des portails.

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Fiche technique du chantier

Propriétaire et maître d’ouvrage:

État, Ministère de la culture et de la communication.

Travaux réalisés :

Restauration du portail Sud et du contrefort sud de la façade occidentale.

Maîtrise d’ouvrage:

Direction régionale des Affaires culturelles de Champagne-Ardenne,Conservation régionale des Monuments historiques.

Maîtrise d’œuvre :

M. Dominique Moufle et M. Lionel Dubois - Architectes en Chefdes Monuments historiques,M. Yvon-Emanuel Petit - Vérificateurdes Monuments historiques,M. Bruno Lenglet - Coordonnateur SPS.

Montant total de l’opération :

6 219 920 eT.T.C.

Financement :

100% État.

Entreprises :

Maçonnerie - Pierre de taille :

Léon Noël.Sculpture :

Atelier Bourdet.Statuaire :

Atelier Bouvier - Atelier Schické.Consolidation - Traitement :

Atelier SOCRA - Lithos.Moulage - Tirage :

Atelier Bouvier.Couverture :

Chanzy Pardoux - Gourdon.Vitrail :

Atelier Simon Marq.Peinture :

Les Compagnons Peintres Champenois.

Restauration du portail sud de la façade occidentaleCathédrale de Reims

Publication de la DRACChampagne-Ardenne/CRMH

3, faubourg Saint-Antoine51037 Châlons-en-Champagne

Dépôt légal :

septembre 2006, ISSN en cours.

Tirage :

3500 exemplaires.

Diffusion gratuite.

Textes :

Bruno Decrock,Frédéric Murienne (p. 22-23),Pascal Stritt (p. 24-25),Relecture : Julien Marasi.

Conception graphique:

Diane Marq.

Photogravure :

L.C. Photogravure.

Impression:

Le Réveil de la Marne.

Sources iconographiques :

BMR = bibliothèque municipale de Reims,SAP = service des archives photographiques (médiathèque du patrimoine, Paris),BN = bibliothèque nationale, département des estampes (Paris),ADM = archives départementalesde la Marne.

Crédits photographiques

(sauf indications) :

Conservation régionale des monuments historiques, Bruno Decrock.

Sources documentaires:

Bruno Decrock.