Ressources de l'architecture pour une ville durable

45
Pierre Lefèvre RESSOURCES DE L’ARCHITECTURE POUR UNE VILLE DURABLE Éditions Apogée

description

À travers une présentation approfondie de quarante-cinq édifices exemplaires et d’autres réalisations urbaines riches de potentialités, l’auteur a voulu partager les connaissances acquises ces vingt dernières années au contact des architectes européens précurseurs de l’architecture urbaine durable.

Transcript of Ressources de l'architecture pour une ville durable

Page 1: Ressources de l'architecture pour une ville durable

Pierre Lefèvre est architecte praticien,

animateur d’ateliers d’habitants de 1974 à

1987 et enseignant chercheur à l’École natio-

nale supérieure d’architecture de Paris la

Villette de 1975 à 2007. En 2000, il initie avec

l’ARENE le concours « L’Esquisse verte ». En

2005, il participe à l’exposition « Nouveaux

paris » à l’Arsenal. De 1995 à 2005, il est

consultant HQE des ateliers Jean Nouvel. Il a

notamment publié Voyages dans l’Europe des

villes durables (éditions PUCA/CERTU, 2007)

et Les Écoquartiers (éditions Apogée, 2009).

L’association Xsitu a pour objet de faire

connaître les pensées et les travaux des

acteurs de l’architecture, des arts, du design,

du paysage, de la ville et des territoires par

des expositions et des éditions. Animée par

Philippe Guillemet & Marc Vaye, enseignants

à l’École spéciale d’architecture, elle a notam-

ment produit « Dessins d’architecture/Shin

Takamatsu » 1988, « Luis Barragan architecte

du silence » 1992, « Séquences d’études/Chris-

tian de Portzamparc » 1996, « Impressionnisme

urbain/Roland Castro, Sophie Denissof » 2000,

« Allons en ville / François Grether » 2004, « Le

client, l’architecte et le menuisier/Fabienne

Bulle » 2008.

www.xsitu.net

À travers une présentation approfondie de quarante-cinq édifices exemplaires et d’autres

réalisations urbaines riches de potentialités, l’auteur a voulu partager les connaissances acquises

ces vingt dernières années au contact des architectes européens précurseurs de l’architecture

urbaine durable, en Angleterre, Allemagne, Hollande, Espagne, Italie et bien sûr, en France. Le choix

a été opéré de manière à couvrir les secteurs de construction et les champs d’expérimentation

les plus significatifs : équipements scolaires, habitats, bureaux, îlots urbains, écoquartiers, agences

de l’environnement et centres culturels.

Parce que les territoires urbains ne peuvent gagner en économie de ressources et en qualité

d’usage qu’à partir d’une architecture et d’un art de bâtir profondément novateurs, ce livre affirme

la nécessité de rompre avec une conception bucolique, nostalgique et fragmentaire d’une archi-

tecture durable se limitant à une série de résidences secondaires ou d’équipements décoiffants

construits dans de merveilleux sites naturels ou loin de la ville.

25 € TTCÉditions ApogéeISBN 978-2-84398-404-4

Ress

ou

Rces

de

l’a

Rch

itec

tu

Re p

ou

R u

ne

vil

le d

uR

abl

ePi

erre

Lef

èvre Pierre Lefèvre

RessouRces de

l’architecturepour une ville durable

Éditions Apogée

couv_Vdef.indd 1 05/03/12 11:18

Page 2: Ressources de l'architecture pour une ville durable

Cet ouvrage accompagne l’exposition « Ressources de l’architecture pour une ville durable »

Producteur : ENSA Paris-Belleville

Avec le soutien de MEDDTL, CNRS, Saint-Gobain

Exposition proposée par Pierre Clément

Auteur : Pierre Lefèvre

Conception graphique et scénographique : Xsitu/Philippe Guillemet & Marc Vaye

----------------------------------------------------------------------------------

Mes remerciements vont aux véritables auteurs de ce livre que sont les cinquante équipes de créateurs qui ont bien voulu

mettre à disposition les plans, coupes et photographies illustrant leurs œuvres.

Sans l’aimable coopération des équipes de concepteurs, ce livre n’aurait pas pu exister.

Si ce livre incite de jeunes générations d’architectes, d’ingénieurs ou d’universitaires à profiter de l’ère de créativité qui s’ouvre à eux,

ni l’exposition ni ce livre qui en constitue le catalogue n’auront été vains.

En couverture :

© Mario Cuccinella, Agence de l’énergie de Ningbo.

© Alan Short, Maison de la construction à Pékin.

© Éditions Apogée, 2012

ISBN 978-2-84398-404-4

Page 3: Ressources de l'architecture pour une ville durable

Pierre Lefèvre

Ressources de l’architecture pour une ville durable

Éditions Apogée

Page 4: Ressources de l'architecture pour une ville durable
Page 5: Ressources de l'architecture pour une ville durable

Sommaire

Préface. Pierre Clément 4Introduction. Jean-Pierre Bobenriether, directeur de l’ENSA Paris-Belleville 7

Éditorial. La ville des quatre saisons 8Quatre décennies d’architecture bioclimatique 10Hiver. S’insérer en ville 18Hiver. S’isoler 28Printemps. Espaces tampons 38Printemps. Double peau 46Été. Se protéger 58Été. Structure creuse 72Été. Microclimats 86Automne. Construction hybride 94Automne. Réhabilitation 102

Écoquartier 110Reconstruire la ville sur elle-même 110La nature en ville 112Ressources humaines 115

L’enseignement de l’architecture et les question environnementales, Christian Enjolras 120Les enseignements de l’ENSA Paris-Belleville, Christian Enjolras 121Maquettes « climats et enveloppes », Christine Simonin 122

Page 6: Ressources de l'architecture pour une ville durable

10 •

Les années 70

En Occident, les années 70 sont marquées par un

début de prise de conscience des risques d’épuisement

des ressources de la planète. Une jeunesse contesta-

taire se révolte contre la société de consommation et

se mobilise La Gueule ouverte en faveur de la planète.

Des décideurs de l’industrie, de l’économie et experts

en prospective lancent une alerte argumentée : le

club de Rome s’inquiète de la gravité d’un télescopage

imminent à l’échelle de la planète, entre la croissance

démographique, le développement économique et

celui des pollutions environnementales. Face aux crises

écologiques et économiques annoncées, quelques mili-

tants quittent la ville pour inventer une nouvelle société

durable en rase campagne. L’architecture bioclimatique

sort de terre dans le désert californien ou en province

française, sous le double signe de la maison autonome

et de la contre-culture. En 1974, de retour d’un voyage

d’étude en Californie, deux jeunes français étudiants en

architecture, Marc Vaye et Frédéric Nicolas, alternent

les calculs et les personnages de la BD pour convaincre

du bien-fondé de l’architecture bioclimatique. Bientôt

rejoins par Jean-Pierre Traisnel, ils publient La Face cachée du soleil qui connaît un grand succès édito-

rial. Fin 1973, la première crise du pétrole commence

à crédibiliser les prévisions du Club de Rome. En 1974,

à la suite d’une première réduction de la production de

pétrole, le prix du baril a quintuplé. En Europe, l’architec-

ture bioclimatique attendra la décennie des années 80

pour avoir pignon sur rue. Quatre réalisations précur-

seurs en témoignent ci-dessous.

Les années 80

Banque ING, Amsterdam

Ton Alberts & Max Van Huut, 1983/1986Les dirigeants de la grande banque NMB (devenue

ING depuis) choisissent, en 1983, une équipe de jeunes

architectes anthroposophes, Ton Alberts & Max Van

Huut, pour construire leur nouveau siège à Amster-

dam, en limite sud-est du centre ancien. Plutôt que

d’implanter une barre d’immeubles le long du périphé-

rique sud d’Amsterdam, les architectes ont fractionné le

programme en créant dix tours de dix étages chacune.

Chaque niveau est configuré en forme de vertèbre.

Selon l’architecte Ton Alberts, « les formes organiques

peuvent offrir des solutions aux problèmes techniques ».

Les orientations des façades sont diversifiées afin d’évi-

ter les parallélismes qui génèrent des phénomènes

de réverbération. Les façades légèrement inclinées

renvoient le bruit du boulevard périphérique vers le

ciel. La fragmentation de l’ensemble en différentes

facettes permet d’augmenter le nombre des façades

ensoleillées. Elle permet également de briser l’impact du

vent. Selon Ton Alberts, « ce modèle biologique conduit

naturellement à un niveau favorable de consommation

énergétique » : 96 kW/h/m2/an au lieu des 700 kW/h/m2/

an de consommation moyenne d’énergie en Hollande, à

l’époque, dans le secteur tertiaire. Les architectes ont

donné à la banque des formes fluides, de préférence

construites en matériaux naturels comme la brique et le

bois, le tout agrémenté de jardins et de jeux d’eau créés

au-dessus des parkings par Jorn Copijn, un des paysa-

gistes et horticulteurs les plus réputés de Hollande.

Quatre décennies d’architecture bioclimatique

Page 7: Ressources de l'architecture pour une ville durable

• 11

Des placettes intérieures ont été ménagées au

centre de chaque tour. Elles servent à la fois de puits de

lumière et de cheminées de ventilation ponctuant une

rue intérieure qui dessert une grande salle de confé-

rence et quatre restaurants. Cette rue est devenue une

galerie d’art où sont exposées des œuvres de créateurs

réputés. Les mains courantes des escaliers d’entrée sont

en bois creusé en forme de rigole où circule de l’eau

comme dans les jardins de Grenade.

Cet édifice qui symbolise la synthèse des arts, compte,

chaque année, des milliers de visiteurs. Lors d’un réfé-

rendum organisé par la presse en 1989, cet édifice a

été désigné comme étant le bâtiment hollandais le plus

intéressant construit depuis 1970. Les critiques le consi-

dèrent comme étant un exemple d’expressionnisme

rationaliste s’inscrivant dans la tradition de Bruno Taut.

Schafbrühl, Tübingen

Joachim Eble, 1984/1985À 60 km au sud de Stuttgart, le premier chan-

tier européen d’écoconstruction s’ouvre en 1984, au

Schafbrühl à Tübingen, ville universitaire du sud de

l’Allemagne. Comme la banque ING d’Amsterdam, le

Schafbrühl se réfère à la philosophie anthroposophique

de Rudolf Steiner qui plaide en faveur d’une relation

étroite et harmonieuse entre l’homme et la nature. Cette

philosophie a inspiré une architecture et un urbanisme

qui ont clairement anticipé sur les exigences environne-

mentales certifiées d’aujourd’hui.

Le Schafbrühl est un ensemble de 110 logements

implantés sur 1,3 hectare. Bien que sa densité, de

85 logements à l’hectare, soit comparable à celle du

Banque ING, Amsterdam

Page 8: Ressources de l'architecture pour une ville durable

12 •

centre d’une petite ville européenne traditionnelle,

le visiteur a le sentiment de se promener dans une

campagne ombragée, le long d’un ruisseau qui suit la

pente du terrain. Ce parcours aquatique mis en place

par le sculpteur d’eau Herbert Dreiseitl, structure l’im-

plantation des immeubles. Les eaux pluviales collectées

depuis les toits sont stockées dans un bassin à ciel

ouvert riche d’une grande biodiversité. L’automobile est

stationnée en périphérie et sur un parking mutualisé

avec le groupe scolaire riverain. Les appartements sont

répartis en neuf immeubles de quatre à seize logements

chacun.

Le chantier vert fut un laboratoire de l’écoconstruc-

tion. Le corps des bâtiments est construit en briques

monomur revêtues d’enduits à la chaux. Des duplex

occupent les deux derniers niveaux dont l’un placé sous

la charpente du toit. La toiture protège les façades nord

tandis qu’au sud, elle s’arrête plus haut pour exposer à

l’ensoleillement ses jardins d’hiver vitrés. L’architecture

se voulait moderne mais avec des citations médiévales,

inscrite dans une continuité historique riche en irrégu-

larités « rien de trop droit, rien de trop régulier ». À partir

d’une approche artisanale, Eble, l’architecte voulait

retrouver l’atmosphère d’un village de vacances.

École d’Architecture de Lyon, Vaulx-en-Velin

Jourda & Perraudin, 1981/1987En France, au début des années 80, la pratique des

concours se généralise pour les édifices publics. En

1981, l’équipe Jourda & Perraudin gagne le concours

organisé pour la réalisation de l’école d’architecture du

Grand Lyon au centre-ville de Vaulx-en-Velin. Les deux

architectes ont 25 ans. Ils font face à un programme

classique qui énumère les salles et leurs dimensions

dont la minutie surprend d’autant plus que personne

ne savait, à l’époque, ce que devait être l’enseignement

de l’architecture. Les deux architectes décident de faire

du projet un instrument pédagogique en soi qui témoi-

gnera de ce que devrait être l’exercice de l’architecture

après l’écroulement du système académique des Beaux-

Arts. Pour résoudre l’écartèlement entre les contraintes

techniques, le rêve immatériel et la commande sociale,

l’équipe choisit le mythe d’Icare et Dédale, celui-

ci symbolisant l’enfermement tandis que celui-là

Schafbrühl, Tübingen

Joachim Eble, 1984/1985

Page 9: Ressources de l'architecture pour une ville durable

• 13

symbolise le désir d’envol. Le projet se compose d’un

socle lourd où se trouvent les salles d’enseignement,

la bibliothèque et les services, au-dessus duquel une

structure arachnéenne abrite les ateliers. Le métier

d’architecte comprend un troisième aspect impor-

tant : le facteur humain. « L’architecte bien qu’étant un

créateur sinon un artiste, est confronté aux autres en

permanence et doit répondre de sa vision du monde

vis-à-vis de la société. C’est un homme public », nous

rappelle Hélène Jourda. Le plan de l’école est orga-

nisé de part et d’autre d’une rue intérieure qui mène

à une placette autour de laquelle sont regroupés les

bureaux de l’administration. Ces deux espaces semi-

publics sont très vite devenus des lieux de rencontre

et d’échange essentiels dans la vie de l’école. « La

question que nous nous étions posée était celle de

École d’Architecture de Lyon, Vaulx-en-Velin

Page 10: Ressources de l'architecture pour une ville durable

18 •

Les synergies

La ville existante offre ses ressources à tout projet

qui s’y construit : accès aux réseaux d’assainissement,

accès aux transports publics (métro, tramway, bus),

accès aux réseaux d’eau, de gaz et de chaleur, sans

compter la qualité de vie en société. L’environnement

construit, notamment l’épannelage des immeubles

préexistants et les mitoyennetés, contribuent à protéger

le nouvel édifice de la violence des intempéries.

On sait que, en hiver, le microclimat urbain est

moins froid en centre-ville qu’en périphérie. Par contre,

en été, la température du centre-ville, victime de ce que

les géographes appellent « l’îlot de chaleur », excède de

5 à 8 °C la température des campagnes environnantes.

Il faut donc veiller à casser l’îlot de chaleur, principa-

lement grâce à des plantations. En contrepartie de ses

avantages, le contexte urbain génère des contraintes de

vis-à-vis, d’ombres portées et de niveau sonore. Par sa

configuration en plan masse, le nouvel édifice réussit ou

pas à capter l’ensoleillement, la lumière extérieure, l’air

non pollué (en toiture ou en façade donnant de préfé-

rence sur un square ou un espace planté).

Toute nouvelle construction profite des ressources

du cadre urbain dans lequel elle s’insère. Par les plan-

tations qu’elle installe, elle réintroduit une certaine

biodiversité. Les végétaux ou les toits verts absorbent

une quantité notable de poussières et combattent l’îlot

de chaleur qui nuit à la santé des personnes les plus

fragiles, enfants et personnes âgées. Tout nouveau

bâtiment a une incidence sur les microclimats urbains.

La ville de Stuttgart l’a compris et interdit l’implantation

d’édifices de grande hauteur susceptibles de faire écran

aux flux d’air qui ventilent parcimonieusement la cuvette

du centre-ville en été. Cette même ville oblige les construc-

teurs à traiter en toit vert une partie des toitures de façon

à combattre l’îlot de chaleur par l’évapotranspiration des

plantations.

Dans les éditoriaux consacrés aux écoquartiers, on

verra que la réhabilitation des friches urbaines telles que

d’anciennes casernes, des entrepôts ou des sites indus-

triels délaissés, contribue à réduire l’étalement urbain et

à requalifier l’environnement dans lequel il s’insère. En

contrepartie, elle doit apporter une plus value au site

urbain qui l’accueille.

L’unité de voisinage

La première ressource est le sol de la ville, ses réseaux

et sa capacité à stocker les eaux pluviales (avec ou sans

nappe phréatique), sa chaleur en hiver et sa fraîcheur en

été. La géothermie et les puits « canadiens ou proven-

çaux » utilisent la température du sol pour préchauffer

l’air extérieur en hiver et le rafraîchir en été.

Depuis que les urbains se soucient d’économiser les

ressources de la planète, tout renouvellement urbain

« durable » se doit d’exploiter les ressources de son envi-

ronnement proche : les mitoyennetés, les orientations, les

densités et leurs ombres portées, les modes d’accès, les plan-

tations, la nature des sols, la présence ou non d’une nappe

phréatique, la proximité d’un cours d’eau, sont autant de

paramètres dont le concepteur doit tirer le meilleur parti.

Hiver S’insérer en ville

Page 11: Ressources de l'architecture pour une ville durable

• 19

Membres d’une équipe qui a initié le projet « Home

for Change » réalisé à Manchester en 1997-1998 dans

le cadre du City Challenge lancé par le gouvernement

de Margaret Thatcher, David Rudlin et Nicolas Falk

ont publié en 1999 un livre qui participe de l’évolu-

tion environnementale de l’urbanisme anglais à partir

des années 90. L’objet central du livre est l’étude de la

Sustainable Urban Neighbourhood qui peut se traduire

par « unité de voisinage durable ». Le problème posé

par la terminologie anglaise provient du fait qu’elle

contient la notion de voisinage aux deux sens du terme,

à la fois sociologique et physique. Au seul niveau

physique, Rudlin et Falk pensent qu’une urbanisation

ne peut être techniquement durable qu’à partir de

10 000 habitants, notamment à cause du seuil de renta-

bilité du tramway mais aussi pour acquérir une mixité

et une identité urbaine nettement perceptibles. Mais si

l’on s’en tient au seul concept social, les urbanistes de

l’agence Urbed assimilent l’îlot urbain durable qu’ils ont

réalisé à Manchester à une Sustainable Urban Neigh-bourhood sans pour autant le dissocier des 45 hectares

du faubourg de Hulme et de ses 4 500 habitants à terme.

L’estimation chiffrée de la « communauté durable »

s’avère très élastique. Quoi qu’il en soit, aujourd’hui

le caractère durable d’une opération urbaine dépend

fondamentalement de son mode d’implantation iden-

titaire à l’intérieur de la ville existante.

La trame urbaine

Aux yeux du thermicien, l’orientation des bâti-

ments est essentielle alors qu’aux yeux des urbanistes,

c’est leur insertion dans la trame urbaine qui compte

avant tout. Pour réussir la configuration d’un projet,

personne n’ignore qu’il faille, au préalable, identifier la

trame urbaine préexistante, en analyser les modifica-

tions successives au cours de l’histoire puis l’adapter

aux exigences du temps présent sans hypothéquer

son évolution. C’est aux concepteurs de détermi-

ner en quoi l’insertion d’un nouveau programme va

devoir conforter le tissu urbain existant ou le modifier

dans une perspective de développement plus durable.

Qu’il s’agisse d’espaces publics, de cœurs d’îlot ou

d’atriums intérieurs, tout nouvel ensemble construit

peut améliorer, par l’aménagement de ses abords, le

quartier où il s’insère.

Ceux qui reprochent à l’urbanisme solaire de bana-

liser la ville en privilégiant la trame nord-sud, sont mal

informés ou de mauvaise foi. Rares sont les immeubles

du fameux quartier Vauban de Fribourg-sur-le-Main qui

ont une façade exposée en plein sud. L’orientation de la

plupart des capteurs solaire disposés en toiture est indé-

pendante de celle des bâtiments qui les portent. Rudlin

et Falk s’interrogent sur le dimensionnement, « le grain »

du ou des nouveaux îlots à construire. Se référant à leur

îlot « Home for Change » de Manchester, mais aussi à

la trame qu’ils préconisent à l’échelle des 45 hectares

du faubourg de Hulme, ils ont une préférence pour un

« grain urbain » d’environ 50 m d’épaisseur sur 120 m de

longueur, ceci dans le cadre d’une densité optimale de

115 units/hectare, incluant les logements et les activités.

Au-delà de cette dimension, ils estiment que les piétons

ont trop de difficulté à contourner l’îlot, à moins que

des passages transversaux n’en améliorent la perméa-

bilité. Dans son projet du Port Marianne, à Montpellier,

Nicolas Michelin propose un îlot d’un hectare qui, au

lieu d’avoir un cœur renaturalisé comme en Scandina-

vie ou dans le vieil Amsterdam, est urbanisé par une

version moderne de la médina constituée de groupe-

ments de logements imbriqués entre eux et de moindre

hauteur que les immeubles périphériques. Cette urba-

nisation intérieure à l’îlot est desservie par des ruelles

et des placettes étroites qui multiplient les ombrages

bienvenus en climat méditerranéen.

Une typologie biodiversitaire

Ces quinze dernières années, quatre îlots urbains

conçus dans une perspective de développement durable

apportent des réponses architecturales différentes à une

problématique analogue. Situés à Neuchâtel, Hanovre,

Manchester et Nuremberg, ils témoignent d’une grande

latitude d’interprétation du concept d’îlot. Il n’existe pas

une seule typologie caractéristique d’aujourd’hui, pas

plus qu’il n’en a existé par le passé. L’îlot ouvert présenté

comme étant caractéristique du dernier des trois âges

de l’humanité constitue un raccourci sans fondement.

Ce discours normatif rassure les administrations mais

Page 12: Ressources de l'architecture pour une ville durable

22 •

Norddeutsche Landesbank, HanovreStefan Behnisch, 1997/2002

Le projet de Stefan Behnisch a été retenu en 1996 parce qu’il était le seul à dégager un grand cœur d’îlot

plutôt que plusieurs courettes étriquées et parce qu’il intégrait des dispositions environnementales convaincantes.

Il correspondait au souhait du client de rompre avec la monumentalité attachée à ce type de programme, pour lui

préférer une échelle humaine. Au stade des études, le client a demandé une extension. L’architecte a créé une tour

qu’il a placée à l’intérieur de l’îlot de façon à éviter de lui donner une allure trop monumentale. Les vingt étages ont

été traités de façon sculpturale. Cette tour qui monte à 80 m devient un signal qui enrichit la silhouette de l’îlot. La

surface de plancher de la banque correspond à cinq terrains de football. Le bâtiment a été inauguré en 2004. Il est

construit en structure métallique et verre (40 000 m2 de vitrage). L’architecte déclare avoir voulu faire un édifice qui

soit à mi-chemin d’un green building et d’un pur high-tech.

La caractéristique environnementale majeure de la Norddeutsch Landesbank est la création d’un microclimat

en cœur de l’îlot. Il s’agit d’une volonté architecturale fondatrice à partir de laquelle l’ingénierie (ici, le bureau

d’études Transolar Energie Technick Gmbh) peut faire des choix technologiques. Une ceinture continue d’immeubles

de bureaux protège le cœur d’îlot de la pollution sonore et aérienne générée par une voie rapide à six voies, la Frie-

drichstrasse, située au droit de la façade nord de la banque. L’architecte a conçu le cœur d’îlot comme une oasis : un

plan d’eau et un toit vert densément végétalisé créent un havre de fraîcheur en été. Sous ce toit vert central se trouve

le restaurant, ouvert sur un bassin périphérique qui agrémente la vue sur l’extérieur et tempère l’îlot de chaleur.

En façade nord, une double peau sert d’écran aux bruits de la voie rapide. Elle passe sous l’immeuble pour

puiser l’air sain en cœur d’îlot puis le distribuer dans les bureaux exposés au bruit et aux gaz d’échappement du

trafic routier. La température locale ne dépasse les 22 °C que pendant 5 % de l’année. Dans les planchers, de l’eau

froide (géothermie) circule en période estivale pour éviter la surchauffe. Pendant les nuits d’été, l’air des bureaux est

renouvelé cinq fois, ce qui contribue également à refroidir le bâtiment. La banque n’est donc pas climatisée. Il n’y a

pas de capteurs photovoltaïques mais des capteurs thermiques pour chauffer l’eau utilisée en cuisine. En hiver, le

chauffage par le sol des bureaux est desservi par le réseau de chauffage urbain. Par rapport aux bâtiments tertiaires

réglementaires, les systèmes en place permettent d’économiser 1 920 tonnes de CO2 par an. En façade sud, des stores

adaptables par chaque occupant permettent d’arrêter l’ensoleillement direct tout en orientant la lumière vers les

plafonds réfléchissants. Les espaces intérieurs sont baignés de lumière. Les 1 500 personnes qui travaillent dans la

banque se repèrent notamment grâce à la coloration différentiée des quelques rares cloisons opaques qui ponctuent

les couloirs.

Page 13: Ressources de l'architecture pour une ville durable

hiver • 23

S’insérer en ville

Page 14: Ressources de l'architecture pour une ville durable

32 •

De Bonne, GrenobleCharron & Rampillon, 2007/2010

L’aménageur de l’écoquartier De Bonne, la société d’économie mixte SAGES, a lancé un concours pour la construc-

tion d’un immeuble tertiaire à très faible consommation d’énergie finale. Le maître d’ouvrage, la Foncière innovation,

et les architectes Charon & Rampillon ont proposé un BEPOS qui produit plus d’énergie qu’il n’en dépense. C’est ce

projet qui a été réalisé au cœur de l’écoquartier De Bonne et achevé fin 2009. Son volume cubique de 19 m de côté,

se compose de quatre niveaux sur rez-de-chaussée, et d’une terrasse couverte. Les architectes se sont concentrés sur

trois outils de la performance : une isolation par l’extérieur complétée par des fenêtres équipées de stores extérieurs

et de volets intérieurs, une structure béton à forte inertie, une centrale photovoltaïque et une ventilation mécanique

double flux avec pompe à chaleur. Les murs en béton de 16 cm d’épaisseur sont isolés par 20 cm de laine de verre. Ce

manteau isolant est revêtu d’une membrane d’Alucobond tendu sur des gabarits en aluminium. Les architectes ont

dû renoncer à créer une paroi luminescente pendant la nuit.

Les fenêtres, dont la surface correspond à 22 % de celle des planchers, sont équipées d’un store extérieur et d’un

volet intérieur basculant entre plafond et fenêtre (à l’instar d’une porte de garage). En se fermant la nuit, ce volet

permet d’obtenir la même résistance thermique qu’une paroi pleine pendant la demi-journée la plus froide. Ce volet

thermique réduit de 15 % la consommation d’énergie. Un système de fibres optiques optimise l’éclairage naturel

au centre du bâtiment. La surface des faux plafonds est minimisée de façon à mettre en contact direct la masse

des planchers avec l’air ambiant. Les planchers peuvent ainsi stocker les frigories apportées par la surventilation

nocturne. Au-dessus de la terrasse un plateau de 425 m2 de panneaux photovoltaïques génère 47 500 kW/h/an, soit

28,74 kW/h/m2/an. Cette production est supérieure à la consommation totale d’énergie qui est de 24,5 kW/h/m2/an.

En raison des subventions obtenues, le surcoût d’investissement n’est que de 10 %. L’eau de la nappe phréatique

existant sous la ville de Grenoble sert au refroidissement d’été grâce à une pompe à chaleur. La ventilation méca-

nique contrôlée à double flux récupère 80 % des calories de l’air extrait en hiver.

Les architectes ont voulu réaliser un bâtiment vivant, sensible, réactif, qui puisse percevoir les variations du

contexte pour s’y adapter. En façade, les architectes ont souligné le rôle déterminant des fenêtres en les insérant

dans des caissons en bois de formes diversifiées. Située à l’interface entre dehors et dedans, la fenêtre capte le soleil

et s’en protège, éclaire sans éblouir, ventile tout en étant étanche. Chaque soir, le volet thermique est fermé par la

gestion technique centralisée. Chaque matin c’est l’occupant qui l’ouvre.

Page 15: Ressources de l'architecture pour une ville durable

hiver • 33

S’isoler

Page 16: Ressources de l'architecture pour une ville durable

38 •

Un amortisseur climatique

Les variations climatiques caractérisent le printemps.

Cette saison intermédiaire hésite entre la prolongation

de l’hiver et le commencement de l‘été. Adossé à un

édifice, l’espace tampon encaisse les chocs thermiques

de courte durée et le protège des intempéries. Il joue

le rôle d’un amortisseur destiné à réduire les écarts de

température entre l’extérieur et l’intérieur. Que le climat

soit continental ou tempéré, au printemps, quand les

variations climatiques se succèdent à un rythme rapide,

il faut veiller à ce que l’architecture, par ses volumes

et ses matériaux, n’amplifie pas ces variations mais au

contraire, les absorbe en partie. L’efficacité des espaces

tampons vitrés culmine au printemps. En hiver ou en

été, sur la longue durée, l’espace tampon perd sa capa-

cité d’amortissement et son rôle de régulateur. En hiver,

il finit par être presque aussi froid dedans que dehors.

En été, il a tendance à s’échauffer d’autant plus vite que

les surfaces d’aération s’avèrent souvent sous dimen-

sionnées. Mal ventilé et en période de forte chaleur,

l’espace tampon vitré devient plus chaud à l’intérieur

qu’à l’extérieur. L’éditorial consacré à la structure creuse

expose quelques-unes des dispositions à prendre pour

éviter l’inconfort estival dû à l’effet de serre. Sur la

courte durée, les matériaux utilisés (selon qu’ils sont

légers ou lourds, conducteurs ou non) amplifient ou

réduisent les contrastes thermiques qui se succèdent.

La température d’un espace construit en structure

métallique va passer très rapidement du chaud au froid

dès qu’un important nuage cache le soleil, et inverse-

ment du froid au chaud dès que le soleil réapparaît. Ce

qui est le cas, par exemple, des salles d’activités du lycée

Jules-Verne réalisé en parois métalliques à Cergy-le-

Haut. Prétendant anticiper sur les temps futurs, certains

équipements high-tech négligent la qualité de vie du

temps présent. Les constructions en bois dotées d’un

isolant à moyenne ou forte inertie s’échauffent moins

vite. Moins il y a d’écart entre la température extérieure

et la température de confort intérieur, moins l’espace

tampon se justifie. Il est utile en climat continental, là

où le contraste est important entre la nuit et le jour,

entre un ciel ensoleillé ou couvert. En climat méditerra-

néen, les espaces tampons sont superflus et dangereux.

L’effet de serre risque d’y être inévitable et redoutable.

Dans les pays du sud, les espaces tampons sont d’autant

plus inopportuns que les gens vivent dehors une grande

partie de l’année. Par contre ils sont très utiles en climat

océanique là où les intempéries sont fréquentes. Ainsi,

dans le campus réalisé à Nottingham en l’an 2000 par

les architectes Michael Hopkins & Partners, une série

d’aulas vitrées disposées entre les bâtiments d’ensei-

gnement abrite des espaces de rencontre informelle et

d’exposition de travaux universitaires.

Un amortisseur économique

En termes de coût global, la notion d’amortisse-

ment financier s’avère d’autant plus pertinente que bon

nombre de grandes verrières n’ont pu être réalisées qu’à

partir du moment où elles jouaient un rôle de centrale

de production d’électricité.

Printemps Espaces tampons

Page 17: Ressources de l'architecture pour une ville durable

• 39

Les verrières du campus de Nottingham portent des

capteurs photovoltaïques qui produisent de l’énergie

renouvelable tout en protégeant l’espace intérieur d’un

excès d’ensoleillement. Au nord de la Ruhr, la grande serre

du Mont-Cenis en grande partie couverte de piles photo-

voltaïques intercalées entre les vitrages, est devenue une

centrale électrique qui produit 2 MW/an. L’usage de cette

serre d’un hectare portée par une forêt de poteaux en

bois massif est double. La grande serre, en partie couverte

de piles photovoltaïques, abrite un vaste déambulatoire

qui dessert toutes les composantes du programme privé

et public. Le coût de la serre a pu être rentabilisé par la

production de la centrale thermique qu’elle porte.

L’atrium de l’Agence fédérale de l’environnement à

Dessau, au sud de Berlin, comme la verrière de l’aca-

démie du Mont-Cenis, a été construit au nord de

l’Allemagne. Dans les deux cas, ces espaces tampons

vitrés de grande dimension bénéficient des déperditions

des bâtiments intégrés. Au printemps, en cas de risque

de surchauffe due à un ensoleillement passager mais

intense, l’espace tampon absorbe la chaleur et limite la

montée en température. C’est en plein été que le pire est

à craindre et que l’espace tampon doit pouvoir s’ouvrir

largement sur l’extérieur.

Si l’espace tampon a une dimension climatique

évidente et plus récemment, une dimension énergétique

donc économique, cela ne doit pas occulter la troisième

dimension qui est sociale : les verrières accompagnent

le citadin dans son passage de l’extérieur à l’intérieur ou

vice versa et favorisent les relations humaines dans un

espace public protégé.

L’espace public couvert

Lorsque le temps est variable, l’espace tampon

devient un espace de rencontre plus convivial que ne l’est

la rue ou la place, toutes deux exposées aux intempéries.

Il peut être, tour à tour, un espace de détente réservé

aux personnels d’une collectivité, ou un espace public

formant parvis à des équipements collectifs. L’atrium de

l’Agence fédérale de l’environnement remplit ces deux

fonctions. Une moitié de la serre est utilisée comme lieu

de détente et de communication des personnels, l’autre

moitié est ouverte au public qui se rend à un spectacle

Campus Millenium, Nottingham

Michaël Hopkins, 2000

ou à la bibliothèque spécialisée attenante à l‘agence.

Lorsqu’il n’est plus adossé mais véritablement inclus

dans l’édifice, l’espace tampon se transforme en gale-

rie, en jardin d’hiver ou en patio vitré : autant de lieux

susceptibles de réconcilier les employés du tertiaire avec

leur espace de travail et leur entreprise. De nombreuses

études anglo-saxonnes ont démontré qu’une part de

Page 18: Ressources de l'architecture pour une ville durable

40 •

l’absentéisme observé dans le secteur tertiaire est due

aux mauvaises conditions de travail. Les halls traver-

sant le siège de Genzyme ou la promenade intérieure

de l’académie du Mont-Cenis ou de la banque NMB/

ING d’Amsterdam favorisent l’art de vivre sur les lieux de

travail. Ces espaces de déambulation favorisent égale-

ment le brassage des populations entre le grand public,

la clientèle et les personnels des différents équipements

ou grandes entreprises dont ils assurent l’accès. Certes,

il existe le précédent des centres-commerciaux qui sont

eux aussi des espaces semi-publics protégés. Pour être

repensées en termes de développement durable, les

grandes surfaces commerciales devraient être réin-

tégrées dans la ville (à l’instar du nouveau centre

commercial construit au cœur de Liverpool) et passer de

la consommation illimitée des ressources à une gestion

économe de l’éclairage, de l’énergie et de l’eau.

Stefan Behnisch a ouvert le plan de rez-de-chaussée

du siège d’Unilever sur les quais de l’Elbe d’un côté et sur

la ville de Hambourg de l’autre. Mario Cucinella, invité

à concourir pour le nouveau centre de recherche de la

société Michelin, a proposé d’urbaniser le site en reliant

entre eux les bâtiments traditionnellement posés sur le

sol comme autant de boîtes isolées les unes des autres.

Au concept d’un département de recherche fédérateur,

Mario Cucinella a donné la forme urbaine d’une rue

couverte par une verrière. Ce projet n’a pas été retenu

et pourtant, en termes de développement durable, la rue

réinventée pourrait revitaliser bon nombre de campus

universitaires ou industriels.

Académie du Mont-Cenis, Herne-Sodingen

Jourda & Perraudin, 1993/1999L’équipe Jourda & Perraudin gagne le concours orga-

nisé par l’IBA Emscher Park en 1993 en vue de construire

un centre de formation à Herne-Sodingen. Ce centre ne

sera réalisé qu’en 1999. Il aura fallu six années pour étudier

la fiabilité du programme fonctionnel, du partenariat et

de l’enveloppe microclimatique qui couvre les différents

bâtiments : centre de formation, immeuble hôtelier,

bibliothèque municipale, salle polyvalente et restau-

rant. Les architectes ont réussi à démontrer qu’il était

possible de créer, au nord de l’Allemagne, un microclimat

équivalent à celui de Nice. L’hiver, dans la serre qui

Concours centre recherche, société Michelin

Mario Cucinella

Unilever, Hambourg

Stefan Benisch

Page 19: Ressources de l'architecture pour une ville durable

• 41

n’est pas chauffée, la température ne descend jamais

en dessous de zéro grâce notamment aux déperditions

caloriques des bâtiments intégrés et à l’ensoleillement.

En été elle n’excède pas celle de Nice. L’équipe de maîtrise

d’œuvre a répondu au programme européen Joule

et obtenu un contrat de recherche pour calculer avec

précision les mouvements d’air à l’intérieur de la serre.

Des études en soufflerie ont permis de déterminer à

quelle hauteur des façades il fallait installer des ouvrants

pour créer des flux traversant. En haut de la serre, la

couche d’air chaud est résorbée par l’ouverture de châs-

sis à projection. L’imperméabilité de la serre a fait l’objet

d’études approfondies, notamment avec les entreprises

concernées. Une hésitation perdurait quant à la réparti-

tion entre double et simple vitrage. Après modélisation,

la serre est en simple vitrage tandis que les bâtiments

sont dotés de double vitrage. Le rapport entre le volume

de la serre et celui des bâtiments qu’elle abrite, le rapport

entre la hauteur de la serre et sa largeur, ont fait l’objet

d’études approfondies. Pour éviter la surchauffe esti-

vale, la serre du Mont-Cenis a été dotée d’un important

bassin d’eau et d’un épandage volumineux de galets au

pied des bâtiments construits à l’intérieur de la serre.

Ces masses peuvent être rafraîchies la nuit par une

ventilation forcée. Elles rétrocèdent leurs frigories dans

la journée. Des escaliers de secours qui desservent les

locaux techniques en sous-sol sont utilisés comme puits

canadiens. En temps normal, au Mont-Cenis, le prin-

cipe de la ventilation naturelle consiste à capter l’air en

partie basse des façades par de nombreux ouvrants, et à

l’extraire par de nombreux châssis à projection ménagés

dans la toiture, à 15 m du sol. Le quartier environnant est

chauffé par le gaz méthane qui provient de l’ancienne

mine de charbon sur laquelle l’académie a été construite.

En plein été, il n’y a aucun système de climatisation

hormis dans la partie basse (semi-enterrée)

de la bibliothèque pyramidale. Les eaux de

pluie récupérées en toiture alimentent les

sanitaires et servent à l’entretien du bâti-

ment. Cette académie constitue l’une des

réalisations les plus spectaculaires de l’IBA

Emscher Park initiateur de la réhabilitation

de la Ruhr de 1989 à 1999.

Académie du Mont-Cenis, Herne-Sodingen

Page 20: Ressources de l'architecture pour une ville durable

42 •

Agence fédérale de l’environnement, DessauSauerbruch & Hutton, 1997/2005

En 1997, après avoir gagné le concours pour la construction de l’Agence fédérale de l’environnement à Dessau,

l’équipe Sauerbruch & Hutton a pris le temps d’intégrer tous les paramètres de l’exemplarité écologique recherchée

pour un tel projet. Le chantier a commencé en 2002, pas très loin du Bauhaus construit en 1926 par Walter Gropius.

Les architectes s’étaient demandé en quoi leur art avait pu changer en 70 ans. L’agence a ouvert ses portes en 2005.

Aujourd’hui, 800 personnes travaillent dans les bureaux qui se succèdent dans un bâtiment linéaire de trois étages,

de 460 m de long et de 12 m de large. Ce linéaire se retourne autour d’un vaste atrium couvert d’une verrière, à 15 m

de hauteur. Trois ensembles de trois passerelles créent des communications entre les parties du « serpent » qui se

font face de part et d’autre de l’atrium. Des escaliers relient les passerelles des différents étages entre elles. La FEA

est construite sur une ancienne friche ferroviaire et industrielle, entre le centre-ville et les boisements qui entourent

une ancienne ferme. En avancée dans le grand parc (qui est en cours d’aménagement à l’ouest du nouvel ensemble)

se trouve le restaurant, un peu à l’écart. Les plantations de l’atrium matérialisent la pénétration de la nature dans les

replis du « serpent ». La moitié nord de l’atrium est réservée à la détente des personnels. L’autre moitié accueille le

grand public et sert de parvis à deux équipements publics : un amphithéâtre et une bibliothèque spécialisée dans le

domaine de l’écologie, placée en limite sud de l’agence.

La consommation globale d’énergie est limitée à 30 kW/h/m2, soit 50 % de moins que la réglementation alle-

mande de 1995. En hiver, l’atrium réduit les pertes caloriques des bâtiments qui le délimitent. En été, les sheds de

la verrière s’ouvrent. S’ouvrent également d’étroits vantaux aménagés dans les façades extérieures et dans le cloi-

sonnement qui sépare chaque bureau du couloir. La ventilation transversale nocturne rafraîchit les bureaux grâce

au stockage du froid dans les dalles de plancher en béton apparent. En conséquence il n’y a pas de climatisation.

En été l’air neuf, avant d’entrer dans les bureaux, passe dans un puits provençal puis dans un échangeur thermique

fonctionnant sur la géothermie. En hiver le même dispositif préchauffe l’air neuf. Des stores incorporés au triple

vitrage assurent la protection solaire des bureaux exposés au sud. Les occupants peuvent moduler le système géné-

ral de ventilation en ouvrant les fenêtres en façade extérieure grâce à des vantaux dotés, chacun, d’une chambre

de décompression qui évite toute entrée brutale de vent. D’inévitables capteurs photovoltaïques sont posés sur les

versants sud des sheds de l’atrium.

Conformément à la directive européenne à échéance 2020, 20 % de l’énergie consommée est d’origine renouve-

lable. L’atrium diffuse la lumière dans les bureaux grâce aux façades intérieures vitrées à 60 % tandis que les façades

extérieures ne le sont qu’à 35 %. Les architectes ont fait appel à la couleur pour casser la répétition monotone des

bureaux. La coloration des panneaux de façades posés entre les allèges linéaires en bois lamellé-collé, est structurée

en sept grandes familles, avec une gamme de trente-trois coloris en tout. Dans toutes leurs réalisations, Sauerbruch

& Hutton attachent une grande importance à la couleur et restent fidèles à la tradition du Bauhaus fondée sur la

synthèse des arts.

Page 21: Ressources de l'architecture pour une ville durable

printemps • 43

Espace tampon

Page 22: Ressources de l'architecture pour une ville durable

58 •

Les protections solaires

L’été est la saison de l’équilibre. Le beau fixe n’est

pas forcément sans inconvénient. En climat méditer-

ranéen mais aussi en climat continental (Strasbourg,

Grenoble, Berlin, Stuttgart), le beau fixe peut corres-

pondre à de fortes chaleurs et générer un inconfort

difficile à endurer lorsque l’architecture n’y remédie

pas, et parfois même y contribue. L’isolation renforcée

pour l’hiver peut s’avérer utile en été lorsqu’il faut se

protéger des fortes températures extérieures. En plein

été, il est contre-performant d’ouvrir les fenêtres et

de laisser la chaleur entrer à l’intérieur d’un édifice.

L’architecture peut, selon les cas, contribuer au rafraî-

chissement des ambiances intérieures ou au contraire

à leur surchauffe. Jean-Louis Izard a créé et animé un

laboratoire de recherche sur le confort d’été dans le

cadre de l’école d’architecture de Marseille-Luminy. En

1993, il a publié un livre remarquable sur les Archi-tectures d’été qui reste une référence irremplaçable

s’agissant de « construire pour le confort d’été ». Dans

cet ouvrage, l’auteur passe en revue tous les disposi-

tifs architecturaux qui permettent de se protéger du

soleil et des fortes chaleurs, en Europe mais aussi au

Moyen-Orient. Pour diminuer la montée en tempéra-

ture des espaces intérieurs, le premier réflexe est de

protéger le bâtiment du rayonnement solaire d’été,

lorsque le soleil se rapproche du zénith en milieu de

journée. La gamme des protections est étendue. Elle va

des stores, persiennes et volets roulants (à condition

qu’ils soient disposés à l’extérieur des façades pour

éviter de se transformer en capteur solaire) jusqu’aux

Été Se protéger

effets d’auvent des avancées de toiture qui arrêtent le

rayonnement dès que le soleil s’élève dans le ciel.

La conception bioclimatique consiste à calculer

précisément la profondeur d’une avancée pour que

celle-ci laisse le soleil entrer en hiver et l’intercepte en

été. Les tableaux en saillie dans le cas de murs épais et

de vitrage en renfoncement peuvent suffire à empê-

cher le rayonnement solaire d’entrer dans une pièce,

en été. Les ombres portées par des parois latérales

formant œillères protègent du soleil de fin d’après-midi

qui est le plus à craindre. Pour éviter que le rayonne-

ment solaire estival n’échauffe les toits terrasses, des

architectes, notamment Le Corbusier à Ahmedabad,

ont mis en place un toit parasol. L’air circule entre le

toit terrasse et à l’ombre du toit parasol. Aujourd’hui, le

recours à la terrasse végétalisée permet de rafraîchir la

toiture grâce au phénomène d’évapotranspiration. Au

début des années 90, un premier bilan institutionnel

de l’architecture scolaire bioclimatique de la première

génération construite en France, fit apparaître un

défaut majeur : certes, les façades entièrement vitrées

et exposées au sud allégeaient notablement la facture

annuelle de chauffage, mais dès les premières périodes

ensoleillées du printemps, elles créaient des surchauffes

difficilement supportables.

Après avoir été parmi les premiers à réaliser des

écoles bioclimatiques dotées de grandes verrières

orientées plein sud, les Anglais ont cherché à remé-

dier à la surchauffe des classes et à l’intensité excessive

de la lumière diffusée à proximité des vitrages. Ils ont

Page 23: Ressources de l'architecture pour une ville durable

• 59

mis en place, au milieu des années 90, les premières

étagères de lumière destinées à protéger d’un enso-

leillement trop intense les élèves assis le long des

ouvertures. Ces étagères, disposées à mi-hauteur des

baies vitrées, portent ombre aux rangées de tables les

plus exposées et renvoient la lumière du jour au fond

de la classe, là où celle-ci est souvent insuffisante. Les

architectes du lycée HQE du Pic Saint-Loup (réalisé

dans la partie nord-ouest de l’agglomération mont-

pelliéraine) ont intégré aux façades sud les deuxième

étagères de lumière réalisées en France — les premières

ayant été réalisées à Caudry dans le lycée Jacquard

dont Lucien Kroll est l’architecte.

Il existe une protection plus flashy qui est à manier

avec circonspection : la pixellisation sérigraphiée. Sur

les façades en verre, elle tamise l’ensoleillement mais

elle contribue à l’échauffement des vitrages. Une

façade plein sud édifiée dans une rue parisienne est

en bonne partie protégée par les effets de masque des

immeubles bâtis en vis-à-vis. Ce sera le cas du futur

siège de la Compagnie des transports publics pari-

siens, rue des Pyrénées. Les pixels colorés et disposés

en dégradés donneront du dynamisme à l’édifice sans

en compromettre la température intérieure. Dans un

contexte plus ensoleillé, les pixels risquent de causer

quelques surfacturations d’air conditionné.

Une chose est sûre, l’architecte peut tirer le meilleur

effet des protections solaires dès lors qu’il choisit d’en

théâtraliser la présence physique. On se souvient des

impressionnants pare-soleil du lycée de Fréjus conçu

par l’architecte anglais Norman Foster. L’Agence de

l’énergie imaginée par Mario Cucinella à Ningbo est un

miracle du genre. L’Institut national des énergies solaires

en cours de construction à Chambéry tire une partie de

sa plasticité sobre mais sculpturale d’une démonstra-

tion quasi pédagogique. Chaque façade a son propre

mode de protection directement lié aux variations de

l’incidence du rayonnement solaire, de l’aube jusqu’à

son coucher. A contrario, quand un édifice présente

un traitement identique des façades dont, pourtant,

chacune se tourne vers l’une des quatre directions

cardinales, on peut s’interroger sur les raisons qui ont

conduit les architectes à faire abstraction du mouve-

ment du soleil. Chaix & Morel associés, les architectes

de la maison de la Région d’Alsace réalisée de 2000 à

2003 à Strasbourg, ont préféré mettre en avant l’unité

de l’institution en utilisant le même mur rideau tout

autour de l’édifice, que l’on soit au nord ou au sud, à

l’est ou à l’ouest. Mais pour ne pas livrer cet ensemble

de bâtiments en peigne à la surchauffe estivale carac-

téristique du climat continental, ils l’ont coiffé d’un

immense parasol horizontal qui n’a véritablement été

mis au point que par tâtonnements successifs. Il fallait

protéger les cours vitrées sans pour autant plonger les

bureaux dans la pénombre.

Le confort d’été dépend de deux dispositions princi-

pales, la protection contre les apports solaires excessifs

et le rafraîchissement des ambiances intérieures. Pour

rafraîchir un espace intérieur, il existe quatre solu-

tions : soit faire appel à la climatisation, soit tirer parti

de la ventilation naturelle nocturne, soit puiser l’air

frais dans un puits provençal ou le rafraîchir par un

système d’évaporation. La première est énergivore, les

Maison d’Alsace, Strasbourg,

Chaix & Morel

Page 24: Ressources de l'architecture pour une ville durable

60 •

trois autres pas. En climat méditerranéen ou continen-

tal comme dans l’ensemble des pays chauds, le confort

d’été est devenu le principal poste de consommation

d’énergie. Comment se passer d’elle ?

La ventilation naturelle assistée

Au Moyen-Orient, les résidences ancestrales étaient

dotées de tours à vent qui allaient capter en hauteur

la moindre brise susceptible de rafraîchir les espaces

intérieurs. Cet air devait emprunter une cheminée où

il était rafraîchi par l’évapotranspiration d’une jarre

remplie d’eau, avant de pénétrer dans les pièces. C’est

en Angleterre, ce pays si souvent balayé par les vents,

que la version contemporaine de la ventilation natu-

relle nocturne s’est développée. D’une façon générale,

les cloisonnements intérieurs doivent laisser passer la

ventilation naturelle lorsque l’air extérieur est le plus

frais, c’est-à-dire à la fin de la nuit. Pour cela, des

panneaux en imposte ou verticaux inclus dans les cloi-

sons et les façades doivent pouvoir s’ouvrir la nuit, au

petit matin, lorsque la température est la plus basse.

Elle est souvent de 8 à 12 °C inférieure à la température

moyenne de la journée. La seule exception concerne le

bord de mer, là où la masse thermique de la mer aplanit

les écarts de température. Partout ailleurs, la ventilation

transversale nocturne, renforcée ou non par ventila-

teur, vide les espaces intérieurs de la chaleur accumulée

durant la journée. Rappelons en passant qu’il est décon-

seillé de capter l’air neuf au ras d’un parking.

À Londres, face à Big Ben, le Portcullis réalisé par

l’architecte Michaël Hopkins pour les parlementaires,

capte l’air neuf sur les toits, au niveau des cheminées, là

où il est le plus pur. À Worcester, la toiture de la biblio-

thèque universitaire s’ouvre vers le ciel, ce qui magnifie

la ventilation et l’éclairage naturels. Dans le tertiaire et

en climat océanique, compte tenu du taux d’occupation

et du taux d’équipement en informatique, les risques

de surchauffe apparaissent dès le mois de mars. Au fil

des années, et au fur à mesure que le niveau d’isola-

tion des bâtiments neufs progresse, les émissions de

chaleur dans les ambiances intérieures sont difficiles à

dissiper. Le réflexe hérité des temps modernes consiste

à faire appel à la climatisation pour éviter la surchauffe.

Si la climatisation permet d’éviter l’inconfort estival,

en contrepartie, elle augmente la facture énergétique.

Les Anglais, qui ont les yeux traditionnellement tournés

vers les États-Unis, avaient importé la climatisation bien

avant et bien plus que les autres pays européens. Pour

progresser dans le domaine des économies d’énergie,

ils sont aujourd’hui parmi les premiers à devoir faire

marche arrière en privilégiant la ventilation naturelle

assistée. En France, la réglementation thermique 2005

a déjà un caractère dissuasif en obligeant à compenser

l’usage de la climatisation par des économies d’éner-

gie supplémentaires. Avec la réglementation 2012 la

climatisation sera, de fait, interdite dans la construction

neuve, à l’exception des édifices dérogatoires tels que

les laboratoires ou les musées. En été l’air neuf doit être

le plus frais possible. Aussi est-il préférable de le capter

à l’ombre de la façade nord. Une fois entré à l’intérieur,

il doit être rafraîchi encore lors de son passage le long

d’éléments constructifs (planchers, plafonds, ossature,

cloisons à forte inertie) dont la température a été abais-

sée grâce à la surventilation nocturne.

Avant de se tourner vers des technologies sophis-

tiquées (comme par exemple la production de froid

à partir du rayonnement solaire), il serait avisé de se

demander en quoi la conception architecturale peut,

la plupart du temps, et notamment dans la concep-

tion de petits édifices, permettre d’éviter la surchauffe,

notamment grâce à la présence de protections solaires

qui peuvent être à la fois expressives et efficaces, mais

aussi par un système de rafraîchissement nocturne de

la structure du bâtiment grâce à la ventilation naturelle

assistée. Ces recommandations basiques n’entraînent

aucun surcoût, la consommation des ventilateurs étant

bien inférieure à celle de la climatisation.

Centre-bus RATP/Bureaux, Paris

Brigitte Métra, 2005/2014L’opération Paris Pyrénées regroupe dans un même

bloc urbain d’un hectare, 44 000 m2 de dépôt RATP,

30 000 m2 de bureaux et 3 500 m2 de collège. Brigitte

Métra a gagné le concours d’architecture en 2005,

obtenu le permis de construire en 2007, ouvert le

chantier fin 2011 avec l’objectif de l’achever à la fin

2014. Il lui aura fallu attendre deux ans pour qu’une

Page 25: Ressources de l'architecture pour une ville durable

• 61

procédure de vente du terrain par la Région Île-

de-France au syndicat des transports parisiens soit

trouvée. Le centre d’entretien et de dépôt de 200 bus

est implanté dans le XXe arrondissement pour éviter aux

bus parisiens de retourner en banlieue en fin de journée.

Les bureaux bénéficient d’un jardin exubérant d’une

centaine de mètres de long qui communique avec le

quartier environnant par des failles. L’accès principal du

jardin se fait au sud par deux escalators montant à 6 m

au-dessus du niveau du sol, au-dessus du dépôt de bus.

L’énergie consommée sera conforme au BBC de 2012.

Les façades sont à 50 % vitrées et à 50 % opaques. Les

strates colorées sont alternativement en tôle émaillée et

en verre sérigraphié.

Centre-bus RATP/Bureaux, Paris

Page 26: Ressources de l'architecture pour une ville durable

70 •

Agence de l’énergie, NingboMario Cucinella, 2008

Construit à Ningbo, une ville située à 300 km au sud de Shanghai et 150 km de Hangzhou, ce centre des énergies

renouvelables, d’une surface de 1 300 m2 utiles, se compose d’un espace d’exposition à moitié enterré accueillant le

public et d’une tour où sont regroupés les laboratoires, les bureaux et les salles de réunion d’un centre de recherche.

La tour s’ouvre au sud par une double peau vitrée. Dans sa partie nord-ouest, elle englobe un puits de lumière qui

sert aussi de cheminée de ventilation. Une double peau opaque protège la façade nord des vents froids.

Les coupes mettent en évidence la gestion des flux d’énergie, d’air et de lumière qui varie selon les saisons. L’hiver

la double peau du sud fonctionne comme une serre qui préchauffe l’air neuf avant de l’envoyer dans les bureaux.

L’ample puits de lumière situé dans l’angle nord-ouest de la tour extrait l’air usé. L’été, l’air neuf est capté au sommet

de ce volume creux vertical pour être envoyé dans les bureaux. L’air usé est extrait par la double peau de la façade sud

qui fonctionne alors en cheminée thermique. Cette gestion des flux ne serait suffisante ni en hiver, la température

moyenne étant de -5 °C, ni en été, l’air extérieur étant à 28 °C en moyenne.

Un dispositif complémentaire a consisté à intégrer aux dalles de plancher en béton un réseau tubulaire où circule

de l’eau froide en été et de l’eau chaude (basse température) en hiver. Selon la saison, l’eau est chauffée par 114 m2

de tubes solaires ou refroidie par une pompe à chaleur (PAC) couplée avec la géothermie. De plus, en été la masse de

la structure en béton est rafraîchie par une ventilation nocturne assistée. La composante horizontale du centre, celle

qui accueille le public, est rafraîchie en été par un puits canadien qui fait chuter la température et l’humidité de l’air.

Le toit vert évite la montée en température du grand hall d’exposition éclairé par des lanterneaux. Seuls les labo-

ratoires affectés aux manipulations chimiques sont nécessairement équipés d’une ventilation mécanique contrôlée

branchée sur la PAC. L’éclairage artificiel, le matériel informatique et la pompe à chaleur sont alimentés par 300 m2

de panneaux photovoltaïques. Enfin une isolation efficace appliquée à l’extérieur des parois en béton contribue à une

neutralisation de l’empreinte carbone de l’édifice.

Les stratégies environnementales utilisées ont été étudiées en association avec l’école d’architecture de l’univer-

sité de Nottingham. Cet édifice a des allures de grand lampion érigé au milieu d’un parc. À partir de l’idée d’assembler

plusieurs éventails entre eux, l’architecte a composé une tour emblématique qui reflète sa luminosité diaphane dans

le fleuve voisin. Cet édifice est une réussite esthétique qui puise à la fois dans une culture spécifique et dans une

compréhension exemplaire des dispositions permettant une réduction drastique de l’impact environnemental de la

construction.

Page 27: Ressources de l'architecture pour une ville durable

été • 71

Se protéger

Page 28: Ressources de l'architecture pour une ville durable

72 •

L’optimisation de l’inertie

Les historiens du début du xxe siècle tel que Choisy,

préoccupés par l’évolution des techniques de construc-

tion décrivaient un processus d’allégement des bâtiments

allant des pyramides jusqu’au Cristal Palace en passant par

les cathédrales gothiques. Les structures métalliques indus-

trielles ont fortement contribué à la dématérialisation de

l’architecture en franchissant des portées grandissantes

avec de moins en moins de matière. De 1962 à 1964, l’ar-

chitecte Édouard Albert a construit le campus de Paris VII

à Jussieu en structure tubulaire. Le tube présente le meil-

leur rapport entre la résistance aux charges et l’économie

de matière. Les structures creuses qui assurent à la fois la

stabilité d’un édifice et son confort d’ambiance participent

de ce processus historique de dématérialisation. Il existe

toutefois une limite à ne pas franchir : éliminer la masse

au point de supprimer l’inertie si utile à la régulation des

ambiances intérieures. Le bâtiment du siège de l’Organisa-

tion mondiale de la météorologie à Genève est porté par

des piliers creux en acier. Les flux d’air chauds en hiver,

frais en été, circulent à l’intérieur de ces piliers. L’Agence de

l’énergie de Séville est, elle aussi, portée par sa double peau.

Autre exemple déjà cité, l’école d’ingénieurs The Queen’s, à

Leicester, utilise des cheminées monumentales pour assurer

tout à la fois le tirage de la ventilation naturelle assistée

et la stabilité de l’édifice. Chaque cheminée construite en

brique pèse une centaine de tonnes, ce qui donne une iner-

tie au bâtiment que certains jugent excessive. La montée en

température du bâtiment, au début de l’hiver, consomme

beaucoup d’énergie. Dans ce domaine comme dans tous les

autres, il importe de trouver un juste équilibre.

Été Structure creuse

Le rafraîchissement nocturne

La grande majorité des édifices particulièrement

adaptés au printemps et à l’été, utilisent le rafraîchis-

sement nocturne pour abaisser la température du

gros œuvre pendant la nuit, ce qui retarde d’autant

la montée en température du bâtiment au cours de la

journée. Dans l’immobilier tertiaire, il est intéressant de

décaler les risques de surchauffe du début à la fin de

l’après-midi, jusqu’au moment où les employés quittent

leur travail. Plus la structure du bâtiment est lourde,

plus son inertie thermique est grande. Mais l’efficacité

de la masse peut être améliorée par l’optimisation des

surfaces de contact entre la structure lourde et l’air. Ce

qui est précisément le cas des structures creuses où les

flux d’air circulent à l’intérieur de la structure porteuse,

qu’il s’agisse de poteaux creux en acier (OMM), de faux

plafonds, de parois ou de planchers creux. Puisque le

rafraîchissement d’un bâtiment est d’autant plus effi-

cace que sa masse structurelle est exposée directement

au passage des flux d’air, il importe de supprimer les

faux plafonds qui font écran au stockage thermique

nocturne ainsi qu’au déstockage diurne des frigories.

Dit comme cela, le propos risque de susciter l’objec-

tion des acousticiens qui s’opposent, à juste titre, à la

suppression des surfaces absorbantes. En Angleterre,

la suppression des faux plafonds est compensée par la

présence de revêtements absorbants au dos des lumi-

naires suspendus ou sur les parois latérales des pièces.

Dans l’école zéro énergie de Limeil-Brévannes les frères

Goldstein ont ménagé des vides entre le faux plafond

acoustique et les parois des classes, de sorte que l’air

Page 29: Ressources de l'architecture pour une ville durable

• 73

puisse circuler entre ceux-ci et la dalle d’étage. Les solu-

tions sont multiples. L’important est que les structures

lourdes soient exposées directement à l’air intérieur

pour que la régulation thermique puisse se faire. La

construction du BRE (l’équivalent anglais du CSTB fran-

çais) a été la première expérimentation de ce principe.

Le plancher creux construit entre le rez-de-chaussée et

l’étage démontre comment il est possible d’agrandir la

surface de contact entre l’air et la structure. La struc-

ture creuse remplace les réseaux de gaines. Le BRE a

forcé le trait pour atteindre son objectif pédagogique,

ce qui justifie le léger surcoût de l’ouvrage et explique

aussi pourquoi le principe du plancher creux n’a pas

été reproduit tel quel, dans les autres équipements

tertiaires conçus ultérieurement par la même équipe

d’architectes. Dans les différents bâtiments tertiaires

allemands qui ont recours au rafraîchissement nocturne,

les concepteurs se contentent d’exposer les planchers

sur une seule de ses deux faces, l’autre étant doublée

soit d’un faux plafond soit d’un double plancher partiel

ou total répondant aux critères acoustiques ou conte-

nant la câblerie. Stefan Behnisch a adopté cette voie

médiane : la climatisation mécanique n’est installée que

dans les rares espaces spécialisés où elle est nécessaire.

British Research Establishment, Watford

Felden Clegg

Page 30: Ressources de l'architecture pour une ville durable

76 •

Judson College, Chicago

Alan Short + K. J. Lomas ingénieur, 2004/2006Cette école d’art adjointe à une bibliothèque univer-

sitaire a été construite dans le campus d’Elgin, à une

soixantaine de kilomètres de Chicago. Alan Short a

gagné le concours en 2001. Le collège a ouvert ses

portes à ses 1 200 étudiants en 2006. Il se compose de

deux bâtiments accolés : la bibliothèque du campus

(un cube de 37 m de côté) et l’école d’art, de design

et d’architecture (Dada : un immeuble de 35 x 9,7 m).

En façade nord du collège, huit salles de classes (deux

par niveau) sont positionnées de part et d’autre d’une

circulation allant du collège à la bibliothèque. Deux

petits patios triangulaires séparent l’école de ses amphi-

théâtres. La bibliothèque organise ses quatre niveaux

(R + 3) autour d’un patio de 8 m de côté. Dans le climat

continental qui caractérise cette partie nord des États-

Unis, la température extérieure peut descendre à -20 °C

l’hiver. La ventilation naturelle assistée ne suffit plus à

assurer le confort d’hiver. Elle a donc été combinée avec

la VMC double flux qui récupère une partie des calories

de l’air extrait. La température estivale dépasse les 25 °C

les deux tiers du temps de travail. Une climatisation

mécanique apporte l’appoint de fraîcheur nécessaire. La

coexistence des deux systèmes mécaniques et naturels

génère une économie d’énergie de 45 % par rapport

au standard des États-Unis. La raison en est simple,

la ventilation naturelle permet de réduire de moitié

le temps de recours à la VMC et à la climatisation. Il

s’agit là comme ailleurs d’une technologie hybride. Ce

sont les mêmes gaines qui servent soit à la ventilation

naturelle soit à la ventilation mécanique contrôlée,

ce qui en réduit fortement le coût. Le renouvellement

d’air à l’intérieur de la bibliothèque est semblable au

système utilisé à Coventry. Comme dans la bibliothèque

Lanchester, le patio éclaire abondamment les espaces de

lecture et extrait une partie de l’air vicié. Mais la double

peau a remplacé les cheminées périphériques. La façade

épaisse (1,2 m) rassemble à la fois les gaines d’extraction

et les gaines de distribution. Ces gaines ont une section

très grande de manière à diminuer leur résistance à la

Logements, Saint-Nazaire

Philippe Madec + Tribu conseil, 2011

Bibliothèque universitaire, Worcester, Felden Clegg Bradley, 2011

Page 31: Ressources de l'architecture pour une ville durable

• 77

circulation de l’air. Elles extraient l’air intérieur en l’ache-

minant dans des cheminées en toiture. Ces cheminées

captent la lumière zénithale (par un oculus horizontal

de 1 m2) et extraient l’air vicié par des vantelles périphé-

riques. Ce type de cheminée est apparu à peu près au

même moment dans la bibliothèque de Forteguerriana

à Pistoïa (Pica-Ciamarra Associati). Les gaines qui distri-

buent l’air neuf à partir d’une centrale de gestion de l’air

(Air Handling Unit) disposée au rez-de-chaussée, ont

elles aussi des dimensions imposantes. La double peau

qui enveloppe les deux bâtiments et rassemble l’en-

semble des gaines est isolée sur ces deux faces. La peau

extérieure est portée par de fines poutrelles en treillis

métallique. Du côté intérieur, les parois et les planchers

préfabriqués sont en béton pour donner de l’inertie à

l’édifice. Cette inertie est mise à profit grâce au rafraî-

chissement nocturne (Night Cooling). Les fenêtres sont

posées en creux dans la double peau, la plus petite est

coiffée d’une étagère de lumière. Elle s’ouvre manuel-

lement tandis que la plus grande qui monte jusqu’au

plafond s’ouvre automatiquement en fonction de la

gestion techniques des ambiances. En 2008, cette réali-

sation a reçu le label d’or de l’évaluation LEED. Alan

Short façonne son architecture à partir d’une gestion

complexe des flux qui régulent les espaces intérieurs.

La modénature des façades, des toits et des cheminées

transformées en puits de lumière témoignent d’une

puissance d’invention plastique exceptionnelle.

Judson College, Chicago

Page 32: Ressources de l'architecture pour une ville durable

78 •

Agence de l’énergie, SévilleRuiz Larrea + SAMA + CENER, 2007/2011

Le siège de l’Agence andalouse de l’énergie est en chantier sur l’île de La Cartuja, là où a eu lieu l’exposition

universelle de Séville de l’été 1992, dédiée à Christophe Colomb. Jaime Lopez De Asiain, l’urbaniste chargé de la

planification de l’exposition, avait créé des microclimats dont la température s’échelonnait de 35 °C (la moyenne de

la température estivale de la ville la plus chaude d’Europe) à 28 °C dans les allées et sur le parvis d’accès des prin-

cipaux pavillons nationaux. À partir de l’année 1997, date du concours, jusqu’à l’ouverture de l’Agence de l’énergie

à l’automne 2011, Jaime Lopez De Asiain, animateur du Séminaire d’architecture et d’environnement (SAMA) et le

Centre de recherche sur les énergies renouvelables (CENER) ont été associés à la conception de ce projet dont Ruiz

Larrea et son équipe sont les architectes. De Asiain a coordonné la direction du chantier jusqu’à la fin des travaux.

Cet édifice de 11 000 m2 s’étend sur sept niveaux coiffés d’une toiture technique, cinq au-dessus du sol et deux

niveaux en sous-sol, l’un occupé par le parking et l’autre réservé aux installations techniques lourdes. Le rez-de-

chaussée est entièrement consacré à l’accueil du public qui y trouve un hall d’exposition temporaire, une bibliothèque

et une salle polyvalente de 250 places. Des verrières, des arbres et des plans d’eau créent une continuité entre l’exté-

rieur et l’intérieur. Les jardins humides et ombragés qui se succèdent à chaque niveau rafraîchissent l’ambiance de

façon passive sans climatisation mécanique. Les étages sont affectés aux bureaux. Le quatrième étage est destiné

à l’administration andalouse de l’environnement. Le cinquième étage est muré en réserve pour un usage ultérieur.

La toiture constitue un sixième étage à ciel ouvert, réservé aux installations techniques légères et aux laboratoires

chargés de les tester et d’en évaluer les performances. La technologie occupe deux niveaux sur sept : deux niveaux

qui font partie du parcours pédagogique ouvert au public, notamment au public scolaire.

Les bureaux sont répartis autour d’un atrium principal de 10 x10 m de côté qui traverse le bâtiment du rez-de-

chaussée jusqu’à la sous-toiture, sur une hauteur de 20 m. Son éclairage zénithal arrête le rayonnement solaire

thermique tout en laissant passer la lumière naturelle, grâce à un jeu de miroirs placés sur toute la hauteur de l’étage

technique. Un ensemble de seize prismes appelé Mocarabes (nom donné aux plafonds du palais de Grenade) cache

ce dispositif et en diffuse la lumière. Trois patios de taille plus modeste (de 8 à 12 m de hauteur) ont été ménagés

dans le volume global de l’agence. Les deux plus petits sont disposés en angle au nord-ouest (au 3e et 4e étage) et

au sud-ouest du bâtiment (rez-de-chaussée et 1er étage). Le troisième se trouve le long de l’entrée principale, dans

l’angle sud-est de l’agence. Il s’enfonce d’un niveau en sous-sol pour constituer un évidemment d’angle (sud-est) sur

trois niveaux. Il est coiffé d’un balcon qui bénéficie d’une belle vue sur Séville et la Cartuja.

Le promeneur qui circule dans l’agence passe d’une ambiance lumineuse à une autre, de l’ombre à la lumière,

dans une succession d’espaces dont la hauteur sous plafond change de façon rythmée. Pour éviter une fragmenta-

tion des espaces intérieurs, les architectes les ont tous peint en blanc. Au cœur de l’agence, dès qu’on s’éloigne des

façades vitrées, l’éclairage naturel est assuré par l’un ou l’autre des trois doubles cylindres de lumière qui traversent

Page 33: Ressources de l'architecture pour une ville durable

été • 79

Structure creuse

Page 34: Ressources de l'architecture pour une ville durable

80 •

l’édifice de haut en bas. Ces colonnes lumineuses se composent d’un premier cylindre de fibres optiques doublé d’un

deuxième cylindre en verre luminescent. Elles ont été installées à titre expérimental par la société LLEDO.

Les architectes Ruiz Larrea et Jaime Lopez De Asiain considèrent le volume compact de l’agence comme étant

une matrice énergétique définie à partir de trois critères : l’orientation solaire, la géométrie urbaine dans laquelle

il s’insère et enfin, la direction des vents dominants ; ces derniers, en provenance du sud-ouest, traversent l’édifice

en diagonale grâce à la perméabilité des façades sud-ouest et nord-est. Ils contribuent, avec les plantations et les

bassins intérieurs, au rafraîchissement de l’ambiance intérieure. La peau bioperformante qui enveloppe l’édifice se

retourne en toiture de sorte que la cinquième façade prolonge les quatre autres, sans rupture. Cette double peau

réagit en fonction des conditions climatiques extérieures.

Des panneaux industrialisés nommés pixels, sont réalisés sur une trame d’1 x 1 m, cette unité de mesure étant

considérée comme propre à la civilisation européenne. Assemblés bord à bord avec un simple vide de dilatation, les

panneaux en acier inox sont de trois types. Dans la partie haute de la façade sud sont placés les capteurs thermiques.

Les deux autres types de panneaux sont soit pleins, soit perforés afin d’assurer la bonne ventilation du vide intérieur

qui les sépare de la structure porteuse. Les baies vitrées constituent un quatrième type de pixel.

Au dos des pixels pleins, une laine de chanvre de 10 cm d’épaisseur assure une première isolation. Une deuxième

isolation est constituée de 4 cm de polyuréthane projetés sur la tôle de contreventement des parois intérieures. Des

colonnes faites de profilés IPN portent l’édifice sur une trame de 5 m. Elles sont contreventées par deux fines parois

en tôle ondulée (doublée d’une plaque de plâtre côté intérieur). Cette double peau dotée d’un vide d’1 m de large

constitue une coque qui enveloppe l’édifice et le porte. Le vide qui sépare la peau intérieure de la peau extérieure

évite la transmission de la chaleur de l’extérieur à l’intérieur. Les pixels perforés vers l’extérieur assurent le renouvel-

lement des flux d’air qui circulent entre l’enveloppe extérieure et l’enveloppe intérieure. Dans une partie de l’agence

une double peau translucide, remplie d’eau, sera expérimentée.

Étant englobée dans la double peau, la structure porteuse n’apparaît ni à l’extérieur ni à l’intérieur du bâtiment.

L’espace intérieur est libre de tout poteau, ce qui lui confère une grande flexibilité. Les gaines diverses sont regrou-

pées dans quatre cylindres opaques qui traversent l’édifice à l’instar des cylindres de lumière. Vue de l’extérieur,

l’Agence andalouse de l’énergie est perçue comme étant une grande boîte métallique fermée. Vue de l’intérieur elle

baigne dans une lumière douce et s’ouvre abondamment sur l’extérieur à la fois par de grandes baies vitrées et par

ses multiples patios qui font entrer la nature dans les espaces intérieurs. La fluidité des espaces intérieurs invite les

visiteurs à la déambulation aussi bien verticale qu’horizontale.

Page 35: Ressources de l'architecture pour une ville durable

été • 81

Structure creuse• 81

Page 36: Ressources de l'architecture pour une ville durable

94 •

La diversification des matériaux

La saison d’automne est à la fois celle de l’âge d’or

du paysage et de la vie humaine. Elle est celle aussi

qui précède la fin de vie et inspire le dépouillement.

L’attrait des matériaux réputés naturels incite certains

architectes à enrichir leur palette, parfois jusqu’à une

explosion de couleurs et d’effets de matière. La variété

des vêtures et des revêtements se prête à ce jeu. Mais

pas seulement, remplir une ossature en bois avec de la

paille compressée nécessite le recours à l’innovation

technique et implique la mise en place de nouvelles

filières de production comme c’est le cas avec l’école

du Fort en construction à Issy-les-Moulineaux, dont

Sonia Cortesse est l’architecte. Un autre architecte,

Yves Perret, a réalisé les parois du siège de la Maison de

l’habitat d’Auvergne à Clermont-Ferrand, un immeuble

de ville, en structure béton avec remplissage en béton

de chanvre.

Ces édifices anticipent sur les pratiques des jeunes

générations d’architectes plus enclins que les géné-

rations précédentes tournées vers l’international,

à utiliser les savoir-faire et les matériaux locaux.

Ils prennent le risque d’utiliser des matériaux qui

faisaient partie de l’architecture vernaculaire d’au-

trefois mais qui doivent aujourd’hui s’adapter à des

approches réglementaires nouvelles et respecter des

niveaux de performance bien plus élevés. Certaines

régions prennent conscience des enjeux économiques

de l’écoconstruction. Par exemple, la Région PACA

subventionne des essais et des études destinés à la

mise en place d’une filière de recyclage de la paille de

Automne Construction hybride

lavande utilisée comme matériaux isolant. Yves Perret

pense qu’à long terme les matériaux cultivés vont se

substituer, en grande partie, aux matériaux extraits

des carrières ou issus de la pétrochimie.

En réalité, l’écoconstruction fait appel à la fois à

des produits traditionnels et à des matériaux indus-

triels. Les maisons tout en paille, tout en terre, tout en

brique, tout en bois relèvent du royaume des contes.

L’acier, le béton, le verre, le bois, la brique cohabitent

harmonieusement dans le lycée Jacquart de Caudry

comme dans la plupart des bâtiments durables. Certes

l’architecte est libre de peindre d’une même couleur

pastel les vêtures bois, les enduits maçonnés et les

parois en béton afin d’unifier son projet comme l’a

voulu Jean-Yves Barrier à la Salvatierra, en s’inscrivant

à la fois dans une certaine tradition locale et dans celle

du charme discret de la bourgeoisie. Lorsque Fernand

Léger projetait de peindre la ville, ce n’était certaine-

ment pas en monochrome ni en teintes pastel.

Sans verser nécessairement dans le coloriage révo-

lutionnaire ni dans une architecture d’enseignes à

l’instar de Las Vegas, l’animation urbaine traditionnelle

se fonde sur la diversité des façades comme on peut

l’observer un peu partout dans le monde. L’habitat

est un espace de vie, pas un espace de représenta-

tion. La biodiversité de l’architecture relève rarement

de la pure fantaisie individuelle. La clinique réalisée

à Lyon par Hélène Jourda exprime son identité qui

est plurielle. Le rez-de-chaussée entièrement vitré

s’ouvre au public, à l’étage le plateau technique

La Salvatierra, Rennes

Jean-Yves Barrier, 1998/2001

Page 37: Ressources de l'architecture pour une ville durable

• 95

manifeste sa modernité et sa technicité par une façade

en panneaux d’aluminium. Enfin les deux niveaux d’hé-

bergement des malades, au 2e et 3e étages, se réfèrent

au confort chaleureux d’une résidence en bois posée

dans la prairie. Ce pluralisme architectural exprime le

pluralisme des préoccupations des différents usagers

de l’équipement.

La ville est hétérogène par définition. Il est logique

que les équipements du pouvoir se réclament de l’unité

et aspirent à instituer un ordre. Mais il ne faut pas

oublier que cette unité est d’autant plus lisible qu’elle

s’affirme en contraste avec un environnement bigarré,

irrégulier, hétérogène qui, lui, exprime la vie sous ses

formes les plus diversifiées.

La diversification des technologies

Un autre champ d’investigations s’ouvre avec

le recours aux technologies hybrides qui associent

plusieurs dispositifs pour en réduire la consomma-

tion énergétique finale. Ainsi, les dix-sept logements

conçus et réalisés par Pascal Gontier, en 2011, dans

l’îlot Fréquel Fontarabie à Paris, font appel à une

cascade de technologies innovantes. Cette expérimen-

tation prouve que pour faire progressivement monter

en température l’air neuf, il est possible d’associer des

équipements de faible puissance dont les économies

énergétiques se cumulent.

La maison d’Auvergne, Clermont-Ferrand

Yves Perret

Dix-sept logements, Fréquel Fontarabie, Paris

Pascal Gontier + MTC, 2008/2010Sur une même parcelle, l’architecte a choisi de traiter

un programme de 1 600 m2 de SHON, en deux bâtiments

séparés par une cour, de façon à multiplier les ouver-

tures et à optimiser l’éclairage naturel. La passerelle

qui relie les deux bâtiments permet de n’avoir qu’une

seule cage d’escalier et un seul ascenseur. La cour pavée

est ponctuée d’une demi-douzaine de regards corres-

pondant chacun à un puits francilien. Le chauffage est

assuré par une montée progressive en température dont

chaque palier est assuré par un équipement de faible

puissance. La somme des équipements est peu énergi-

vore. En saison froide, le chauffage et la ventilation sont

traités conjointement. Six puits franciliens (une boucle

tubulaire) descendent à moins 15 m dans le sol pour

faire circuler de l’eau glycolée à 12 °C. Une prise d’air

dans la cour amène l’air neuf qui gagne 5 °C en passant

dans un premier échangeur. Cet air passe ensuite dans

un deuxième échangeur où il capte les calories prove-

nant de l’air usé avant que celui-ci ne soit évacué en

toiture. L’air neuf est ainsi porté à une température

d’environ 16 °C. Avant d’être insufflé dans chaque

appartement, cet air passe dans un troisième échangeur

où circule l’eau chaude en provenance de la chaudière

à gaz (68 kW/h) installée en rez-de-chaussée. Il gagne

ainsi les derniers degrés manquants par rapport à l’affi-

chage réglé par les locataires. L’air vicié est repris dans

les pièces humides et renvoyé au rez-de-chaussée dans

le deuxième échangeur. La centrale de traitement d’air le

reprend pour l’extraire en toiture où sont disposés 37 m2

de capteurs solaires thermiques pour produire l’eau

chaude sanitaire.

Page 38: Ressources de l'architecture pour une ville durable

96 •

Clinique Mermoz, LyonHélène Jourda, 1998/2010

En 1998, Hélène Jourda a gagné le concours de la clinique privée Mermoz, à Lyon. La réalisation s’est achevée en

2010. Le projet associe trois mondes. Au rez-de-chaussée se trouve l’accueil du public et d’une façon générale tous

les services ouverts au public. Le hall entièrement vitré est protégé du soleil d’été par un retrait sous le niveau supé-

rieur. Ouvert sur l’avenue, il abrite une cafétéria, quelques boutiques dont une pharmacie, les comptoirs d’accueil des

patients et des visiteurs. À l’étage, le plateau technique s’étend sur toute la longueur du bâtiment. Il rassemble tous

les équipements de la médecine high-tech. C’est le moteur de la clinique que l’architecte a enveloppé d’une peau en

aluminium. La dernière strate est affectée à l’hébergement.

Des pavillons en bois regroupent les chambres des malades sur deux niveaux. Ils ont un caractère plus chaleureux

et bénéficient du toit vert qui couvre le plateau technique. Des patios répartis tout au long de l’édifice inondent

de lumière naturelle un établissement de 72 m de profondeur. Ces patios sont plantés d’essences sélectionnées de

façon à éviter toute diffusion de pollens allergisants. Il n’y a pas de ventilation naturelle car celle-ci aurait posé trop

de problèmes insolubles dans un équipement hospitalier. Toutefois l’ouverture partielle des fenêtres des chambres

permet à chaque occupant de respirer à sa convenance. Des volets roulants permettent une occultation à la carte.

Une ventilation mécanique à double flux vient alléger la consommation calorique du bâtiment alimenté par le chauf-

fage urbain.

Le gros œuvre de la clinique est en poteaux et dalles béton. L’attention des concepteurs a porté sur la flexibilité

du bâtiment et l’emploi de matériaux sains et recyclables. Par exemple, l’aluminium pourra être recyclé puisqu’il n’est

pas collé aux autres composants de la façade. Tous les composants intégrés ont été écartés. Les protections solaires

sont en lamelles de bois fixes. Entre les lamelles et le triple vitrage, un passage sur caillebottis facilite l’entretien. En

dehors du complexe hospitalier mais très proche, un bâtiment en verre a valeur de signal, il abrite un cabinet médical

et un centre de cancérologie. En façade, une sérigraphie apposée au triple vitrage fait office de store. Mais attention,

la sérigraphie ne suffit pas à rafraîchir les espaces intérieurs car elle n’évite pas l’échauffement du verre. Une protec-

tion intérieure vient compléter l’écran sérigraphique.

Page 39: Ressources de l'architecture pour une ville durable

automne • 97

Construction hybride

Page 40: Ressources de l'architecture pour une ville durable

104 •

Maison de l’écocitoyenneté, BordeauxOlivier Lehmans, Henrich Fitger, 2009/2010

L’ancien bureau central de main-d’œuvre à Bordeaux, autrefois centre d’embauche des dockers, situé en secteur

sauvegardé, quai Richelieu, a été reconverti en maison de l’écocitoyenneté. La mairie de Bordeaux a souhaité en faire

un lieu exemplaire d’information, de formation et de communication sur l’écocitoyenneté. L’équipe de l’architecte

Olivier Lehmans a été sélectionnée en juin 2008. Le projet a fait évoluer le bâtiment existant en transformant sa

toiture. La nouvelle couverture est constituée de trois ondulations successives qui s’inscrivent dans la dynamique du

paysage urbain et font écho au flux des grandes marées, le mascaret sur la Garonne. Cette forme crée le lien entre

les monuments symboliques de la ville : la façade du xviiie siècle et la flèche Saint-Michel, les berges du fleuve et les

arches du pont de Pierre. L’orientation de la couverture vers le sud favorise l’utilisation optimale du soleil.

Le toit, végétalisé et recouvert d’un tissu de cellules photovoltaïques, est à la fois jardin et producteur d’énergie.

Les plantes, fétuques, graminées et sédums, sont irriguées par l’eau de pluie récupérée. Les ruches, les abris et les

nichoirs accueillent les abeilles, les papillons et les oiseaux. Les trois ondulations apportent également de la lumière

naturelle pour les activités de la maison écocitoyenne.

À l’intérieur, la charpente en bois est faite d’éléments de bois enchevêtrés qui rythment l’espace et l’articulent,

comme autant de connexions et de liens complexes, à l’image de l’écosystème et de ses multiples interactions écolo-

giques. Le volume central s’appréhende immédiatement. Le Carré, décaissé d’1 m au centre, accueille les débats, les

conférences et les ateliers pédagogiques. Il est perceptible depuis les quatre galeries périphériques où sont abordés,

au fil du parcours, les thèmes de l’Agenda 21 et de l’écologie : l’eau, l’air, l’énergie, la gestion des déchets, la vie des

associations, la biodiversité, l’écoconception. Un espace de restauration à l’angle nord-est, ouvert sur l’extérieur,

propose des produits de l’agriculture biologique.

La fréquentation attendue est de 200 personnes/jour : professionnels et particuliers, classes et ateliers pédago-

giques. La réalisation du projet s’est heurtée à une réglementation inadaptée ou inexistante pour certains produits

ou procédés utilisés dans la construction écologique. Il a suscité des débats et un long travail de recherche, notam-

ment avec les bureaux d’études, pour trouver des solutions constructives et acceptables dans le budget et les délais

impartis. Mais il a, dans l’ensemble, suscité beaucoup d’intérêt et d’enthousiasme à la fois de part de la maîtrise

d’ouvrage et des entreprises locales.

Page 41: Ressources de l'architecture pour une ville durable

automne • 105

Réhabilitation

Page 42: Ressources de l'architecture pour une ville durable

110 •

Reconstruire la ville sur elle-même

Un nouvel urbanismeL’un des objectifs majeurs de cette exposition est

de mettre en évidence les synergies entre la ville, ses

espaces publics et l’architecture durable. Un premier

appel à projet lancé par le ministère du Développement

durable (MEEDDM) en 2008 a reçu 160 propositions

d’écoquartiers disséminées dans toute la France. Le

deuxième appel lancé par le MEDDTL en début 2011 a

eu encore plus de succès avec 390 projets déposés. La

mutation de l’urbanisme français est désormais claire-

ment axée sur quelques objectifs majeurs : lutter contre

l’étalement urbain (économiser le sol agricole), diversi-

fier les moyens de transports, restructurer les territoires

urbanisés par la conjonction d’une trame verte et d’une

trame bleue (redéploiement de la biodiversité), mettre

en réseau et diversifier les énergies renouvelables

(épuisement des gisements de pétrole), réduire les

consommations d’énergie dans le secteur du bâtiment,

le plus énergivore de tous.

Formulée par les urbanistes depuis des décennies,

la lutte contre l’étalement urbain est devenue la prio-

rité des priorités en matière de développement urbain

durable. Elle consiste à densifier la ville centre et ses pôles

périurbains de façon à préserver les territoires naturels

et agricoles enclavés ou limitrophes de l’urbanisation

existante. L’aménagement de lotissement de maisons

individuelles (France), comme la duplication de cités

jardin à faible densité (Royaume-Uni) sont condam-

nés à brève échéance. Les écoquartiers devraient avoir

une densité minimale de quarante-cinq logements à

l’hectare. En cœur d’écoquartier, l’immobilier dépassera

les cent logements à l’hectare auxquels s’ajouteront les

équipements et locaux d’activités. Cette densification

favorisera une grande mixité fonctionnelle et sociale

et le développement des transports en commun. Dans

leur grande majorité, les projets d’écoquartiers français

prévoient l’occupation systématique des rez-de-chaus-

sée par des activités : boutiques, services, équipements

de proximité. On sait aujourd’hui que la seule résiden-

tialité ne génère pas de la ville, mais de la ségrégation.

Les deux écoquartiers cités ici font partie intégrante

de la ville. L’écoquartier De Bonne a été construit sur

le site d’une ancienne caserne absorbée par l’extension

du centre-ville de Grenoble. L’écoquartier de l’Union

projeté par la communauté urbaine de Lille, est adossé

à l’implantation d’un Centre européen des textiles inno-

vants et à son parc d’activités. Il porte sur la rénovation

d’un quartier sinistré. Ces deux exemples vont à l’en-

contre d’un préjugé tenace selon lequel l’écoquartier

serait un îlot résidentiel privilégié, à l’écart de la ville.

Il s’agit au contraire de rendre la ville, elle-même, plus

durable. Le contexte urbain dans lequel les concepteurs

de demain interviendront est en pleine mutation. Les

friches industrielles, militaires, ferroviaires sont à réur-

baniser. Les espaces périurbains victimes de l’étalement

pavillonnaire sont à restructurer et densifier. Les projets

d’écoquartiers réussiront-ils à véritablement limiter les

extensions de la grande ville ? Comment savoir s’étendre

sans se répandre ? Dès 2007, la communauté urbaine de

Écoquartier

Page 43: Ressources de l'architecture pour une ville durable

• 113

pour Paris. Lors du Grenelle de l’environnement il a été

convenu de multiplier des couloirs de biodiversité asso-

ciant trame verte et trame bleue. Cette double trame

traversera les territoires urbanisés pour les relier aux

aires protégées des campagnes environnantes. À l’autre

bout de l’échelle, à celle du bâti, les concepteurs sont

invités à inclure des serres plantées dans les volumes

construits avec l’objectif de les utiliser à la régulation

des ambiances intérieures des immeubles riverains.

Écoquartier des Capucins, Angers

Castro Denissof Cassi, 2003/2022L’écoquartier des Capuçins mis en place sur la

période de 2003/2022 couvre un plateau bocager de

100 hectares délimité au sud par le faubourg de la

Doutre et au nord par le nouveau tracé autoroutier

Paris Nantes. Le projet est structuré en trois archipels

construits et séparés les uns des autres par des espaces

verts en lanière occupant 2/3 du site. Pour la première

fois, en France, les urbanistes ont dessiné un plan de

gestion des eaux pluviales. La trame bleue irrigue les

jardins avec les eaux pluviales qui tombent sur l’en-

semble du site. La nature en ville s’urbanise au service

de la qualité de vie des citadins. Cette nature n’a plus

rien à voir avec la forêt primaire. Elle est urbanisée.

Écoquartier du Raquet, Douai

SEURA, 2005/2020La densité de cet écoquartier qui est de quarante

logements à l’hectare, trame verte exclue, peut paraître

faible, elle n’en n’est pas moins quatre fois supé-

rieure à celle des lotissements pavillonnaires habituels

construits en milieu périurbain. La typologie de cet

écoquartier associe des immeubles de cinq niveaux

le long des avenues principales, des immeubles bas et

des villas disposées en limite des parcs. D’une façon

générale le concept d’écoquartier a généré une typo-

logie d’îlot en U, cette évolution est particulièrement

frappante au Raquet. Le long des quatre principales

avenues qui relieront les villes périphériques de Sin-

le-Noble et de Lambres-lez-Douai, les immeubles de

cinq niveaux seront occupés en rez-de-chaussée par

des activités et des services. Côté parc, les immeubles

Page 44: Ressources de l'architecture pour une ville durable

116 •

HQE. Dans le monde artisanal coexistent les résistances

les plus ringardes avec les initiatives les plus créatives.

Comme de tout temps, la véritable architecture d’avant-

garde est indissociable de l’innovation constructive au

service d’une nouvelle culture. Le passage de la culture

de la société de consommation à la culture de la société

durable crée l’opportunité d’un renouvellement de l’art

de construire et de l’art de concevoir l’architecture.

Les nouveaux savoir-vivreUne deuxième ressource réside dans la capacité

de la population à gérer au mieux les outils qui lui

sont proposés. Les professionnels savent tous que les

performances tant attendues en matière d’économie

d’énergie, d’eau, de transports collectifs, de matières

premières, de gestion des déchets ne se concrétiseront

durablement que si les utilisateurs, les gestionnaires,

les habitants, une fois convaincus de leur bien-fondé,

s’efforcent d’adopter de nouveaux comportements.

Fort heureusement l’écoresponsabilité est de moins en

moins un devoir imposé et de plus en plus une aspira-

tion partagée. En matière d’architecture et d’urbanisme,

les ressources humaines vont compter autant que les

ressources techniques. Les premiers signes d’un change-

ment de société se manifestent. Des projets coopératifs

d’écohabitats émergent en nombre de plus en plus

grand, en France comme dans les pays riverains : Scan-

dinavie, Angleterre (Sustainable Urban Communities),

Allemagne (Baugruppen). À ce titre la politique urbaine

de Tübingen est prémonitoire. Cette ville universitaire,

située à 60 km au sud de Stuttgart, lance périodique-

ment depuis 1995, un appel aux citadins en quête de

logement pour les inviter à constituer des groupes

Commune de Tübingen, Allemagne

Page 45: Ressources de l'architecture pour une ville durable

• 117

d’habitants maîtres d’ouvrage. Ces groupes d’autopro-

motion sont sélectionnés en fonction de leur intérêt

écologique et social pour la collectivité, puis réalisés

en concertation avec le service municipal d’urbanisme.

Les appels à l’écocitoyenneté font partie intégrante de

la vie de la cité. Les opérateurs, qu’ils soient aména-

geurs, urbanistes ou architectes, sont amenés à travailler

avec leur client véritable, le citadin. Toutes les formes

de concertation et de participation sont les bienvenues.

Pas d’économie effective de ressources sans consen-

sus social. D’un côté les aménageurs des écoquartiers

font appel à un changement des comportements des

futurs habitants, d’un autre les projets d’autopromotion

cherchent des opportunités pour concrétiser leur désir

de vivre durablement dans un écohabitat. Au moment où

le logement tend à devenir un produit financier destiné

aux investisseurs, les collectivités sont de plus en plus

nombreuses à s’interroger sur les modes de coopération

souhaitables entre les professionnels de l’habitat et les

candidats au logement. En France, la ville de Strasbourg,

à l’occasion des journées nationales de l’habitat groupé

de la fin novembre 2010, a diffusé une brochure rendant

compte d’une action initiée en 2009 : « Dix terrains,

dix immeubles durables ». Comme l’écrit Laurent Ries,

sénateur maire de Strasbourg : « L’autopromotion, c’est

en effet un peu se réapproprier la construction de son

logement et donner forme à de nouveaux modes de vie

ensemble dans la ville. » À l’instar de la municipalité de

Strasbourg, la ville de Lille a lancé un appel à l’écores-

ponsabilité des citadins en les invitant à concevoir des

projets en autopromotion sur quatre terrains dont elle

a la maîtrise foncière. L’impact architectural de ces

approches participatives est observable d’ores et déjà à

Tübingen ou à Freiburg-sur-le-Main. La diversification et

la personnalisation de petits projets rangés le long des

rues redonnent vie au paysage urbain.

Buisson Saint-Louis, Paris

Bernard Kohn, 1979/1983Dans le quartier de Belleville, une demi-douzaine

de familles achètent, en 1979, un lavoir à l’abandon de

1 400 m2, situé en fond de cour d’immeuble. L’architecte,

Bernard Kohn, a scindé le volume charpenté d’un grand

hangar préexistant, en deux volumes de grande hauteur

Buisson Saint-Louis, Paris