reportage_novembre_2012

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leRavi Novembre 2012 n°101 23 Draguignan CONSEIL MUNICIPAL leRavi teste chaque mois un conseil municipal en région Paca pour surveiller le fonctionnement de la démocratie locale... « Notre majorité EST UNITAIRE, ALORS QUE VOUS... » 17H46 Max Piselli, maire UMP, cheveux blancs impeccables et costume gris, trône déjà sur son fauteuil en cuir et surplombe les conseillers municipaux qui arrivent par nuées. 17H50 L’adjoint au sport, Stéphane Plouard , maillot rayé, serre les mains de quinquas lookés à la Domenech, cheveux grisonnants, costumes trois pièces et lunettes high-tech, qui composent le premier rang du public. 17H52 Danielle Desprez, 3ème adjointe en charge de l’hygiène publique, fait fi des microbes hivernaux et embrasse généreusement ses collègues. 17H54 L’opposition fait son entrée… enfin ce qu’il en reste ! Depuis sa dernière défaite en 2008 Christian Martin (PS), chef de file de la liste « une ville pour tous » et ancien maire de 1995 à 2001, ne participe plus aux conseils municipaux et laisse procuration à son chargé de com, Claude Saumier (non encarté) qui s’installe seul en bout de table, à deux chaises vides de Jacqueline Pozzana (PS), elle-même pas franchement copine avec Patrick Seror, responsable de la section PS de Draguignan. 18H01 Olivier Audibert-Troin (OAT), 1er adjoint et grand gagnant des législatives investi par l’UMP (40, 53%) contre Piselli en dissident (éjecté au 1er tour avec seulement 5,38 %), brille par son absence. Son agenda de député au physique d’Austin Power l’annonce à Londres. 18H06 Kevin Maingourd, 24 ans, sorte de « mini- moi » d’OAT (même look, même lunettes, même soutien à Jean-François Copé) dont il est le directeur de cabinet, arrive d’un pas pressé. 18H07 Max Piselli rend hommage à son directeur de cabinet et ami de 20 ans, Jacques Allet, décédé d’une crise cardiaque début octobre. Suit une minute de silence. L’émotion est palpable. La moitié du public quitte la salle. 18H17 Max Piselli propose l’unique candidature de Béatrice Bukala Mercier au poste de déléguée communautaire. Mireille Rougemont (PS) se présente aussi. Patrick Seror, qui a demandé un vote à bulletins secrets, se lève pour mieux se courber sur son micro, lunettes juchées sur le bout du nez. Il revient sur le « malheureux épisode des pains au chocolat, illustration pleine et entière de la politique d’exclusion et des dérives morales ». Il appelle « tous les républicains » à soutenir « la candidature du changement »… « Et Le changement, c’est maintenant », rajoute une jeune femme du public, hilare. 18H22 « J’ai été élu quatre fois maire. Alors quand vous en aurez fait quatre fois autant monsieur Seror, vous pourrez prendre la parole avec beaucoup plus de hauteur !, tacle Max Piselli. Notre majorité est unitaire [ndlr : justifiant l’absence d’OAT] alors que vous… Qui sait où est monsieur Martin ? Faudrait que je prenne sa photo et que de temps en temps je la montre à l’assemblée ! Il n’est pas digne des électeurs qui l’ont élu. Sachez qu’on est toujours là, monsieur Seror ! » Suivi d’un : « Moi je vote Bukala Mercier ! », faisant fi du bulletin secret… 18H24 Les votants défilent : Kevin pose pour la photo du quotidien local, pour le plus grand plaisir des cougars de la majorité. Audrey Giunchiglia, adjointe en charge de la vie (chère) étudiante, abandonne son sac Louis Vuitton pour déposer son enveloppe dans l’urne. Des bottes imprimé zèbre traversent la salle, c’est Véronique Soler Arnéodo de l’opposition, qui se distingue plus par sa tenue que par ses interventions… inexistantes ! Danielle Desprez en profite pour finir son tour de bises. 18H37 Bukala Mercier l’emporte 30 à 7. 18H50 Grand projet du maire : la salle des fêtes. Jacqueline Pozzana rappelle que pour un tel coût, environ 4 millions d’euros, la salle aurait pu être modulable. « Pourtant vous avez fait partie de la commission qui a voté pour ce projet madame Pozzana ! », fait remarquer Max Piselli. L’opposition vote contre, Jacqueline Pozzana et Mireille Rougemont s’abstiennent. 19H13 Gérald Pultrini (opposition DVD) sort fumer sa clope. 19H15 Michel Perrin prend la parole et s’énerve sur son micro : « J’appuie mais ça marche pas ! » 19H17 Stéphane Plouard demande l’adoption de subventions complémentaires pour certaines associations dracénoises allant de 300 euros pour le Triathlon à 16 500 euros pour le club de hand-ball. « Et qu’est-ce qu’on prévoit pour l’accueil des SDF ? », demande Claude Saumier. « Ce n’est pas de notre ressort mais de celui de l’Etat », répond le maire. Le vote tarde à venir, Stéphane Plouard se tourne vers ses « Domenech » et fait un signe de tête qui se veut rassurant. 19H20 Gérard Pultrini revient et s’affale sur son fauteuil. Celui qui n’a d’opposition que le nom n’interviendra pas de la soirée. 19H26 Le premier rang s’impatiente, Stéphane Plouard boit un coup d’eau. Les subventions sont adoptées. Le premier rang respire. 19H40 Le plus attendu pour la fin : le rapport des observations définitives de la Commission régionale des comptes concernant les inondations de juin 2010. S’ensuit un long plaidoyer du maire notant que les documents d’urbanisme ont été instruits par l’Etat : « L’entière responsabilité ne saurait être attribuée au seul maire de la commune », conclut-il. 19H56 « Il aura fallu tout de même 4 rapports pour que vous réagissiez ! ». Jacqueline Pozzana est la seule à prendre la parole. Max Piselli se nettoie les ongles. L’imprimé zèbre frissonne. L’adjoint au sport surfe sur le net et se frotte les yeux… Jacqueline Pozzana poursuit en évoquant le rapport du Sénat et « les maires inconscients du sud de La France et leur soif de construire ». 20H11 « Vous me donnez de grandes leçons sur ce qu’il aurait fallu faire ou ne pas faire… mais lors du drame, nous étions aux côtés de nos concitoyens… par contre, vous, on ne vous a pas vu ! » Jacqueline Pozzana tente de reprendre la parole. « On ne continue pas, vous avez suffisamment parlé et vous n’êtes pas assez courtoise ! Sur ce débat, je lève la séance ! », conclut Max Piselli. C O N T R Ô L E T E C H N I Q U E D E L A D É M O C R A T I E › 36 601 habitants (2009) › 3 fleurs « villes et villages fleuris » › 26 caméras de vidéosurveillance › 14 % de logements sociaux (2009) › 26.56 % pour Marine Le Pen le 22 avril 2012 Le maire : Max Piselli (PS, puis UDF, puis UMP) maire de 1986 à 1995 et de 2001 à 2014. 74 ans, retraité. La majorité : Un groupe de 29 conseillers municipaux de la liste "Notre parti, c'est Draguignan" L’opposition : 8 conseillers de la liste « une ville pour tous » (PS et non encartés) et 2 conseillers de la liste « Donnons de l’ambition à notre ville, donnons un nouvel élan à Draguignan » (DVD) Le conseil municipal soumis au test du Ravi › Durée : 2h10. › Présents : 24 élus de la majorité, 5 élus d’opposition et 1 élu opposition DVD. › Temps de parole cumulé de l’opposition : 35 min. › Le public : 30 personnes au début - 18 à la fin, Draguignan (83) Avignon Marseille Toulon Dignes- les-bains Gap Nice Carpentras REPORTAGES Samantha Rouchard Draguignan

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leRavi › Novembre 2012 n°101 › 23

DraguignanCONSEIL MUNICIPAL

leRavi teste chaque mois un conseil municipal en région Paca pour surveiller le fonctionnement de la démocratie locale...

« Notre majorité EST UNITAIRE, ALORS QUE VOUS... »

17H46Max Piselli, maire UMP, cheveux blancs impeccables et costume gris, trône déjà sur son fauteuil en cuir et surplombe les conseillers municipaux qui arrivent par nuées.

17H50L’adjoint au sport, Stéphane Plouard , maillot rayé, serre les mains de quinquas lookés à la Domenech, cheveux grisonnants, costumes trois pièces et lunettes high-tech, qui composent le premier rang du public.

17H52Danielle Desprez, 3ème adjointe en charge de l’hygiène publique, fait fi des microbes hivernaux et embrasse généreusement ses collègues.

17H54L’opposition fait son entrée… enfin ce qu’il en reste ! Depuis sa dernière défaite en 2008 Christian Martin (PS), chef de file de la liste « une ville pour tous » et ancien maire de 1995 à 2001, ne participe plus aux conseils municipaux et laisse procuration à son chargé de com, Claude Saumier (non encarté) qui s’installe seul en bout de table, à deux chaises vides de Jacqueline Pozzana (PS), elle-même pas franchement copine avec Patrick Seror, responsable de la section PS de Draguignan.

18H01Olivier Audibert-Troin (OAT), 1er adjoint et grand gagnant des législatives investi par l’UMP (40, 53%) contre Piselli en dissident (éjecté au 1er tour avec seulement 5,38 %), brille par son absence. Son agenda de député au physique d’Austin Power l’annonce à Londres.

18H06Kevin Maingourd, 24 ans, sorte de « mini-moi » d’OAT (même look, même lunettes, même soutien à Jean-François Copé) dont il est le directeur de cabinet, arrive d’un pas pressé.

18H07Max Piselli rend hommage à son directeur de cabinet et ami de 20 ans, Jacques Allet, décédé d’une crise cardiaque début octobre. Suit une minute de silence. L’émotion est palpable. La moitié du public quitte la salle.

18H17Max Piselli propose l’unique candidature de Béatrice Bukala Mercier au poste de déléguée communautaire. Mireille Rougemont (PS) se présente aussi. Patrick Seror, qui a demandé un vote à bulletins secrets, se lève pour mieux se courber sur son micro, lunettes juchées sur le bout du

nez. Il revient sur le « malheureux épisode des pains au chocolat, illustration pleine et entière de la politique d’exclusion et des dérives morales ». Il appelle « tous les républicains » à soutenir « la candidature du changement »… « Et Le changement, c’est maintenant », rajoute une jeune femme du public, hilare.

18H22« J’ai été élu quatre fois maire. Alors quand vous en aurez fait quatre fois autant monsieur Seror, vous pourrez prendre la parole avec beaucoup plus de hauteur !, tacle Max Piselli. Notre majorité est unitaire [ndlr : justifiant l’absence d’OAT] alors que vous… Qui sait où est monsieur Martin ? Faudrait que je prenne sa photo et que de temps en temps je la montre à l’assemblée ! Il n’est pas digne des électeurs qui l’ont élu. Sachez qu’on est toujours là, monsieur Seror ! » Suivi d’un : « Moi je vote Bukala Mercier ! », faisant fi du bulletin secret…

18H24Les votants défilent : Kevin pose pour la photo du quotidien local, pour le plus grand plaisir des cougars de la majorité. Audrey Giunchiglia, adjointe en charge de la vie (chère) étudiante, abandonne son sac Louis Vuitton pour déposer son enveloppe dans l’urne. Des bottes imprimé zèbre traversent la salle, c’est Véronique Soler Arnéodo de l’opposition, qui se distingue plus par sa tenue que par ses interventions… inexistantes ! Danielle Desprez en profite pour finir son tour de bises.

18H37Bukala Mercier l’emporte 30 à 7.

18H50Grand projet du maire : la salle des fêtes. Jacqueline Pozzana rappelle que pour un tel coût, environ 4 millions d’euros, la salle aurait pu être modulable. « Pourtant vous avez fait partie de la commission qui a voté pour ce projet madame Pozzana ! », fait remarquer Max Piselli. L’opposition vote contre, Jacqueline Pozzana et Mireille Rougemont s’abstiennent.

19H13Gérald Pultrini (opposition DVD) sort fumer sa clope.

19H15Michel Perrin prend la parole et s’énerve sur son micro : « J’appuie mais ça marche

pas ! »

19H17Stéphane Plouard demande l’adoption de subventions complémentaires pour

certaines associations dracénoises allant de 300 euros pour le Triathlon à 16 500 euros pour le club de hand-ball. « Et qu’est-ce qu’on prévoit pour l’accueil des SDF ? », demande Claude Saumier. « Ce n’est pas de notre ressort mais de celui de l’Etat », répond le maire. Le vote tarde à venir, Stéphane Plouard se tourne vers ses « Domenech » et fait un signe de tête qui se veut rassurant.

19H20Gérard Pultrini revient et s’affale sur son fauteuil. Celui qui n’a d’opposition que le nom n’interviendra pas de la soirée.

19H26Le premier rang s’impatiente, Stéphane Plouard boit un coup d’eau. Les subventions sont adoptées. Le premier rang respire.

19H40Le plus attendu pour la fin : le rapport des observations définitives de la Commission régionale des comptes concernant les inondations de juin 2010. S’ensuit un long plaidoyer du maire notant que les documents d’urbanisme ont été instruits par l’Etat : « L’entière responsabilité ne saurait être attribuée au seul maire de la commune », conclut-il.

19H56« Il aura fallu tout de même 4 rapports pour que vous réagissiez ! ». Jacqueline Pozzana est la seule à prendre la parole. Max Piselli se nettoie les ongles. L’imprimé zèbre frissonne. L’adjoint au sport surfe sur le net et se frotte les yeux… Jacqueline Pozzana poursuit en évoquant le rapport du Sénat et « les maires inconscients du sud de La France et leur soif de construire ».

20H11« Vous me donnez de grandes leçons sur ce qu’il aurait fallu faire ou ne pas faire… mais lors du drame, nous étions aux côtés de nos concitoyens… par contre, vous, on ne vous a pas vu ! » Jacqueline Pozzana tente de reprendre la parole. « On ne continue pas, vous avez suffisamment parlé et vous n’êtes pas assez courtoise ! Sur ce débat, je lève la séance ! », conclut Max Piselli.

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› 36 601 habitants (2009)› 3 fleurs « villes et villages

fleuris »› 26 caméras de vidéosurveillance› 14 % de logements

sociaux (2009)› 26.56 % pour Marine Le

Pen le 22 avril 2012

Le maire : Max Piselli (PS, puis UDF, puis UMP) maire de 1986 à 1995 et de 2001 à 2014. 74 ans, retraité.La majorité : Un groupe de 29 conseillers municipaux de la liste "Notre parti, c'est Draguignan"L’opposition : 8 conseillers de la liste « une ville pour tous » (PS et non encartés) et 2 conseillers de la liste « Donnons de l’ambition à notre ville, donnons un nouvel élan à Draguignan » (DVD)

Le conseil municipal soumis au test du Ravi› Durée : 2h10.› Présents : 24 élus de

la majorité, 5 élus d’opposition et 1 élu opposition DVD.

› Temps de parole cumulé de l’opposition : 35 min.

› Le public : 30 personnes au début - 18 à la fin,

Draguignan (83)

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REPORTAGES

Samantha Rouchard

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24 ‹ n°101 Novembre 2012 ‹ leRavi

REPORTAGES

Au cœur de Martigues (13) se cache la demeure de Charles Maurras. Visite guidée d’une bâtisse qui, dans une municipalité communiste, fait tache alors que des nostalgiques fêtent le 60ème

anniversaire de la mort du fondateur de l’Action française.

est une bastide du XVIIe siècle, entourée d’un jardin tiré au cor-deau, à deux pas de la mairie de Martigues (13). Sur le portail, une pancarte : « Maison du chemin de

Paradis. Visite sur rendez-vous. » Pour cela, il faut appeler le musée Ziem. Avant, c’était Henri Veziano, le voisin, qui assurait les visites. Et qui, en signe de « confiance » (dixit le maga-zine municipal), a gardé les clés du portail d’une demeure bien encombrante pour une municipalité communiste. Car, derrière le stade Turcan, cette maison, c’est celle de Charles Maurras, fondateur de l’Action française, écrivain collaborationniste à l’antisémitisme virulent, académicien déchu mais… fils de Marti-gues et amoureux transi de sa ville natale.

Le rapport que la ville entretient avec le personnage et sa demeure est loin d’être simple. En témoigne la galerie de l’his-toire de Martigues : à l’entrée, un immense texte de Maurras, présenté comme simple « écrivain » et, à côté, un court texte de René Char. Si, dans les années 50, la ville avait refusé l’héritage, pour un franc symbolique, l’ancien maire, Paul Lombard, l’ac-ceptera en 1997. Depuis, Martigues a déboursé plus de 200 000 Euros pour son entretien. Mais, concrètement, la ville ne fait rien de cette bâtisse.

SOUMISSION DE L’INDIVIDUIl faut dire qu’elle a été pensée par Maurras et sa famille comme un musée à sa gloire. Ça com-mence dès le jardin. S’il est censé, dixit notre guide, « inspirer la soumission de l’individu au collectif », on y trouve non seulement un buste du royaliste mais surtout son cœur ! Et, sur le côté de la bâtisse, outre la plaque rappelant l’acceptation du legs par la ville, est reproduite une lettre des pêcheurs de Martigues, une corporation qui tenta de défendre Maurras lors de son procès en 1945 pour « intelligence avec l’en-nemi », à l’issue duquel il sera condamné à perpétuité, perdant au passage son fauteuil à l’Académie française.

Pourtant, dès que l’on pénètre dans la demeure, au milieu des photos, des bustes et autres tableaux, trône, dans une vitrine, son costume d’académicien. Et, au-delà de pièces aussi folk-loriques que son berceau, sa redingote ou ses chaussures, le véritable trésor, ce sont ses 15 000 ouvrages... stockés dans des boîtes en plastique suite à une attaque de termites.

Au premier étage, une partie de la bibliothèque est accessible. Il y a tout Voltaire. Et, en face et en six volumes, une « histoire des Juifs ». Au deuxième étage, une armoire pleine à craquer « des exemplaires de L’Action française que Maurras envoyait à sa mère mais qu’elle n’ouvrait pas », raconte notre guide. Autre curiosité : les dédicaces envoyées à celui qui fut, d’après le guide, « à l’époque un critique littéraire incontournable ». De Gaulle, comme Colette, y seront allés de leur petit mot. Gide, aussi, avec cette nuance : « A Maurras, malgré tout »…

Et, dans sa chambre, sur son lit, à nouveau, son costume d’ « Immortel ». D’après notre guide, si, il y a encore quelques années, « on avait parmi les visiteurs beaucoup de nostalgiques », aujourd’hui, ce ne serait plus le cas. Mais, début septembre, c’est sous l’égide d’un académicien, Michel Déon, ancien secrétaire de rédaction à l’Action française, qu’a été célébré ,un peu en avance, le soixantième anniversaire de la mort de Maurras, le 16 novembre 1952. Une commémoration, annoncée par toutes les

franges d’extrême-droite – des royalistes au groupuscule d’Alain Soral, « Vérité et Réconciliation » - et qui s’est déjà traduite par une messe en provençal et un colloque sur « l’œuvre » dans le jardin de la bastide. De quoi réveiller quelques démons dans une ville

où… le grand-père de Maurras a été maire.

HERITAGE ENCOMBRANTUne ville qui - via le conseil d’administration de la bastide où l’on trouve le maire et son prédéces-seur - continue de gérer cette bâtisse. C’est avec leur aval que le jardin a été ouvert pour les com-mémorations, auxquelles le maire actuel Gaby

Charroux a refusé de se rendre, expliquant dans La Provence que « la commune s’était engagée à maintenir

ce patrimoine » mais qu’« il ne faudrait pas en attendre davantage ».

On est loin de l’emphase d’un Paul Lombard qui, en 1997, avait rappelé que le neveu de Maurras, à l’ori-gine du legs, avait été prisonnier des Allemands (1). La cérémonie en septembre a rouvert quelques bles-sures, d’anciens membres de l’association antifasciste « Ensemble citoyens » se rappelant qu’à l’époque, ils avaient plaidé pour que cet « héritage encombrant »

devienne un « lieu de vigilance contre les intolé-rances ». En vain : les conditions du legs l’interdisent. Et un ancien membre de l’association martégale de se

souvenir qu’en 1999, Paul Lombard avait montré bien des réticences à l’organisation à Martigues de la deuxième édition du salon du livre anti-fasciste.

« Mieux vaut que cet héritage soit géré par le public plutôt que par le privé, nous confie un membre du conseil municipal. Mais, en tant que municipalité, avec cet héritage, on ne peut pas faire n’importe quoi. Martigues, ce n’est pas tout le pouvoir aux Soviets ! » Que deviendrait la maison Maurras si Martigues tombait dans l’escarcelle de la droite ? Nathalie Kosciusko-Mori-zet, l’ancienne porte-parole de Sarkozy, a accusé son conseiller, Patrick Buisson, d’avoir voulu « faire gagner Maurras » ? Lors des visites, le seul élément qui permet de prendre quelque distance face à ce qui a été pensé comme un musée à la gloire de Maur-ras, c’est le commentaire prodigué par le guide du musée Ziem. Comment ne pas s’étonner qu’une municipalité communiste se sente pieds et poings liés par un legs signé avec les descendants d’un anticommuniste notoire ? A croire que, même à Martigues, la dialectique ne peut pas casser des briques…

Certes. Reste que, lors des visites, le seul élément qui permet de prendre quelque distance face à ce qui a été pensé comme un musée à la gloire de Maurras, c’est le commentaire prodigué par le guide du musée Ziem. Qu’en serait-il si Martigues tom-bait dans l’escarcelle de l’extrême-droite (lire encadré) ? Voire même de la droite. Après tout, même Nathalie Kosciusko-Mori-zet, l’ancien porte-parole de Sarkozy, a accusé le conseiller du président déchu, Patrick Buisson, d’avoir voulu « faire gagner Maurras » ! Enfin, comment ne pas s’étonner qu’une municipalité communiste se sente pieds et poings liés par un legs signé avec les descendants d’un anticommuniste notoire ? On a connu le PCF plus offensif. Mais, à voir Martigues se briser les dents sur la bâtisse de Maurras, c’est à croire que la dialectique ne peut pas casser des briques…

1Lire l’étude passionnante faite par le sociologue Jean-Louis Fabiani, « Comment rendre Charles Maurras provençalement correct ? », disponible sur internet..

c'

Leur emblème ? Un brassard rouge et blanc avec, au centre, à la place de la croix gammée, la faucille et le marteau. Ce sont les nazis bolchéviques (ou « nazbol »), des illuminés de Port-de-Bouc auxquels le FN, en atteste un reportage photo de l’agence Myop, a fait appel pour faire la campagne de Marine Le Pen, notamment à Aix. S’ils ont rejoint « Troisième voie », le groupuscule de Serge « Batskin » Ayoub, ils étaient également présents à une réunion des jeunesses nationalistes à Marseille. A Martigues, ils ont tenté de s’inviter au défilé du 1er mai avant de se faire ventiler par le service d’ordre. La ville ne compte pas parmi celles que le Front National pourrait conquérir aux municipales en 2014. Reste que, selon l’Ifop, elle risque d’être cernée avec de nombreuses communes « gagnables » par le FN autour de l’étang de Berre. Lénine, réveille-toi…

Nazis bolchéviques

Maurras AU PAYS DES SOVIETS

Sébastien Boistel

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