Reperes 257 42 Le Savoir Enseignant Dans Le Traitement Lexical Des Textes Au Fil Des Cycles

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    Les savoirs des enseignants franais

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    Christophe Ronveaux

    Le savoir enseignant dans le

    traitement lexical des textes au fil descycles

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    Avertissement

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    Rfrence lectroniqueChristophe Ronveaux, Le savoir enseignant dans le traitement lexical des textes au fil des cycles ,Repres[En ligne], 42 | 2010, mis en ligne le 15 dcembre 2012, consult le 04 dcembre 2013. URL : http://

    reperes.revues.org/257

    diteur : ditions de lcole normale suprieure de Lyonhttp://reperes.revues.orghttp://www.revues.org

    Document accessible en ligne sur : http://reperes.revues.org/257Ce document est le fac-simil de l'dition papier. Repres

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    Le savoir enseignantdans le traitement lexical des textesau fil des cycles

    Christophe Ronveaux1, universit de Genve - GRAFE

    Quels sont les savoirs objectivs de lenseignant de franais dans ce geste spcifique du traitement

    lexical des textes ? Quelles variations de ces savoirs au fil des cycles de lcole obligatoire ? Les

    savoirs objectivs de lenseignant, au sens de Rita Hofstetter et Bernard Schneuwly (2008), com-

    prennent ses interventions verbales, les interactions verbales avec les lves, mais aussi lensemble

    des procdures, exercices, suites dactivits, textes et supports dont il hrite de la profession. Nous

    examinons sur 12 classes, rparties sur les trois cycles de lcole enfantine au cycle moyen puis au

    cycle secondaire (1re, 2e, 4e, 6ede lcole primaire ; 8eA et B de lcole secondaire), les usages queles enseignants font des lexmes mot(s) , phrase(s) et texte(s) , quand ils commentent les

    activits menes dans les classes ; nous croisons lanalyse de ces usages avec une analyse des suites

    dactivits.

    Introduction

    Quel est le savoir enseignant engag dans le traitement lexical des textes ?Quelle variation constate-t-on selon les niveaux de lcole obligatoire ? Si les

    textes sont au centre du travail de lenseignant de franais, lexplicitation des mots difficiles par lenseignant, la recherche dans le dictionnaire par leslves, le dbat interprtatif autour de notions, etc., sont plutt des activitsconnexes de soutien la comprhension, au moment de la mise dispositiondu texte. Quelle fonction ces activits jouent-elle dans lenseignement de lalecture ?

    Notre enqute sinscrit dans le cadre thorique pos par Bernard Schneuwlyet Joaquim Dolz (2009, p. 30 et sq.) selon lequel le travail enseignant consistefondamentalement transformer chez les lves des processus psychiqueshautement complexes que sont les manires de parler, dagir et de penser. Cettevise se ralise travers la mdiation dobjets denseignement ; la langue crite

    1 Avec la participation de Th. Thvenaz, S. Aeby Dagh, G. Sales Cordeiro, M. Jacquin, I. Lopoldoff,A. Soussi, M. Wirthner.

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    est un de ces objets et se travaille peu ou prou partir de diverses activits decomprhension et, dans une moindre mesure, de production. Lexamen desmoyens, notamment le traitement lexical des textes, par lesquels lenseignant

    vise dvelopper ces processus devrait nous renseigner sur ce qui constitueles savoirs fondamentaux du travail enseignant. Nous entendons les savoirsde lenseignant (savoirs enseigner et savoirs pour enseigner) au sens de savoirs objectivs , comme des ensembles dnoncs ou de procdures,systmatiquement labors, incorpors dans des pratiques discursivescirconscrites et socialement constitues et reconnues (Hofstetter et Schneuwly,2008, p. 64). Dans le prsent article, nous montrons que le traitement lexicaldes textes est un analyseur de la pratique enseignante et des savoirs langagiersmis en circulation dans la classe pour enseigner la comprhension en lecture.

    Le travail enseignant se dfinit, entre autres, par les pratiques discursiveset les procdures didactiques par lesquelles lenseignant rend prsent, pourdes lves, un objet denseignement, et pointe certains lments de cet objet.Cette double smiotisation suppose dabord que lenseignable ait t lment;il suppose ensuite que ces lments aient t hirarchiss etmis dispositiondansdes suites dactivits. Ajoutons encore que cette lmentation et cette mise disposition squence et hirarchise ne sont pas seulement le fait dactivitscontextualises dans lici et maintenant dun savoir pratique, en synchronie,mais quelles se sont constitues historiquement dans le cadre dune disciplinescolaire. Cette dernire est hritire, pour une large part, des formes de lcoledu XIXe, partage en ordres denseignement cloisonns. Lexplicitation des motsdifficiles, prsente tant au primaire quau secondaire, est une des procdures delenseignant de franais pour faciliter laccs aux textes. Nous supposons que cequi apparait comme une mme procdure dans les deux ordres denseignementrelve de savoirs objectivs de natures distinctes, historiquement constitus partir du mme projet global dune cole rpublicaine deux degrs selonlexpression de Rene Balibar (1985).

    Depuis la cration de lcole, le traitement lexical est associ de manirecentrale la lecture des textes, tous les niveaux de lenseignement, mais avecdes valeurs diffrentes selon ces niveaux. Il sagit bien, tant pour le primaireque pour le secondaire, de viser le mme objectif de dvelopper la lecture detextes. Mais cet objectif se dcline selon un certain ordre, cumulatif et pardegr, de la comprhension lmentaire linterprtation secondaire destextes littraires2. Dans lexpos des mthodes de lexplication de texte pourle niveau prparatoire aux tudes universitaires, Gustave Lanson (1925, p. 46)fait du vocabulaire lun des deux piliers de lanalysegrammaticaledu texte, ct de la syntaxe. Lexplicitation du vocabulaire de lauteur doit permettre,selon lui, de constituer le sens littralet de prparer les nuances de lide et

    de la forme. En 1954, fustigeant les pratiques des enseignants du secondaire,Pierre Clarac conseille, au lieu de dgager lide gnrale du texte, de partir des

    2 Gustave Lanson (1925, p. 48) a cette formule lapidaire : Linstituteur apprend lire lalphabet, et leprofesseur de lyce ou duniversit apprend lire la littrature .

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    mots qui donnent la signification et la direction du morceau. Dans son enqutesur les pratiques denseignement lcole primaire, Frank Marchand (1971)range le vocabulaire comme discipline, ct de la grammaire. Il dgage

    de son analyse un modle stylistique denseignement qui privilgie lordresyntagmatique de la phrase, y compris dans la manire dont les enseignantssy prennent pour guider les rponses des lves dans une leon de vocabulaire.

    Les grandes rformes des annes septante transforment fondamentalementla discipline. Les questions lexicales sont abandonnes ou mises en veilleuse.Lenqute de Jean-Michel Fournier et Bernard Veck (1997) montre cependant quepersiste au secondaire une activit dlucidation des textes par le truchementdu vocabulaire. Plusieurs publications rcentes tmoignent dun renouveaude la question du fait lexical. Des analyses de pratiques effectives et plusieurs

    expriences menes dans les classes confirment la pertinence du questionnementlexical pour la rsolution des problmes dacquisition de la langue crite, tant encomprhension quen production (Grossmann et Calaque, 2000 ; Grossmann,Paveau et Petit, 2005 ; Grossmann et Plane, 2008 ; Plane, 2010).

    travers la description de ce que recouvre lusage du lexique dans lestches de comprhension, du sens quil prend dans les activits proposespar les enseignants pour dvelopper la lecture, notre propos vise dcrire lessavoirs objectivs de lenseignant de franais au primaire et au secondaire et comprendre le rle de ces savoirs dans la profession. Les jugements de valeurs

    sur cette chasse aux mots difficiles , pour reprendre lexpression chagrinede Catherine Tauveron (2002, p. 81), abondent dans la littrature didactiquesans quune description prcise taye lanalyse des enjeux dun traitementdu lexique dans la configuration actuelle de la discipline. La description etla comprhension de ce que daucuns appellent le curriculum effectif (Rey, 2006), du point de vue dun enseignement du lexique, restent faire,hors de toute intervention prescriptive. Quand bien mme lon admettraitque lexplicitation ponctuelle de mots a peu dincidences sur lacquisitiondu lexique et sur le dveloppement de la comprhension des textes (passeulement littraires !), la catgorie des mots difficiles est problmatique (Plane, 2010, p. 62 et sq.) et correspond une proccupation constante desenseignants. Il est permis de considrer que cette proccupation ne relve pasdune manie denseignant ou dun seul problme pratique mais prend sensdans une problmatique densemble plus vaste. Cet ensemble est travers detensions qui tiennent autant aux problmatiques didactiques et pdagogiques(dordre curriculaire, pratique, disciplinaire) que cognitives (les difficultsdes lves en lecture dans le contexte culturel daujourdhui), quaux dbatsdes thories linguistiques et littraires sur la constitution du sens et de larfrence. Notre propos se centre sur la problmatique des savoirs objectivs

    de lenseignanttout au long de la scolarit obligatoire. La prise en compte despratiques actuelles et llargissement de la question lexicale une rflexioncurriculaire pourraient servir lambition de construire des objets de formationdans la logique dune progression des apprentissages de la langue crite toutau long de la scolarit obligatoire.

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    Trouve-t-on des traces de ce monolinguisme deux degrs que postulaitBalibar (1985), articul aux deux ordres denseignement, assignant au primairelobjectif denseigner une langue lmentaire, tout entire oriente vers la

    conduite morale et les leons de choses, et rservant au secondaire le dve-loppement de la comprhension fine ? Quels lments de structuration de ladiscipline comporte un travail sur le lexique constitu dabord autour du mot,puis autour de la phrase et du fragment de texte, enfin autour du texte ? Quelsmodles sous-tend ce travail ? laide de quels savoirs les enseignants tentent-ils de rpondre ? Ces questions nous renseignent sur la discipline franais enltat, cest--dire ptrie des modles anciens sur lesquels elle sest construite,mais aussi travaille des modles nouveaux qui se superposent plus quils nesimposent.

    Dans un premier temps, nous posons dabord le contexte de notre enqutedans la perspective dune recherche plus large sur lenseignement de la lecture,ensuite les questions de recherche concernant les variations curriculaires au fildes niveaux denseignement et la mthodologie (partie 1). Nous prsentons dansun deuxime temps les rsultats de notre enqute (parties 2 et 3).

    1. Contexte, hypothse et questions de recherche

    Le prsent travail relve dun projet de recherche, dirig par Thrse

    Thvenaz3, sur lanalyse des pratiques denseignement de la lecture Genve.Les questions de la recherche concernent la variation des activits de lecture surlensemble de la scolarit obligatoire de classes genevoises. Le corpus porte surles activits menes en comprhension de lecture dans 12 classes du primaireet du secondaire, rparties et rfrences comme suit :

    Tableau 1. tiquetage de lchantillon 4

    Cycle lmentaire 1reet 2e Cycle moyen 4eet 6e Cycle dorientation 8eA et B

    C2E1P B1P D2P G2P H4P I4P J6P K6P M8COA R8COA N8COB O8COB

    cole primaire cole secondaire

    3 Ont particip ce projet Sandrine Aeby Dagh, Glas Sales Cordeiro, Mariane Jacquin, Irina Lopoldoff,Denis Mtroz, Anne Soussi, Martine Wirthner et moi-mme.

    4 Le codage des classes indique les niveaux (1re, 2e, 4e, 6edu primaire, 8edu cycle), les ordres scolaires (E,pour lmentaire ; P, pour primaire ; CO pour cycle dorientation ), et suit plus ou moins lordrealphabtique. Le codage alphabtique permet de distinguer les classes dun mme niveau. La 8educycle dorientation correspond la 4edu collge franais (lves de 13 ans). Le cycle genevois distingueles filires A et B, correspondant respectivement aux filires effectif normal (24 lves) et aux filires effectif rduit (18). Larticle 29 du rglement du cycle dorientation prvoit de rpartir les lves promusde lcole primaire en 3 regroupements selon leurs rsultats obtenus dans les disciplines de passage.Les disciplines de passage sont le franais I (communication), le franais II (grammaire, vocabulaire,conjugaison, orthographe) et les mathmatiques. Les regroupements 2 et 3 du rglement correspondentrespectivement aux filires B et A. Le codage H4P, par exemple, indique une 4eprimaire ; le codageR8COA, une 8eanne du cycle dorientation en filire A, etc. Sans entrer dans la problmatique desdoubles degrs, lon se contentera dans cette contribution de considrer que lenseignante qui intervientdans le double degr de 2eenfantine et de 1reprimaire (tiquete C2E1P) oriente ses activits davantagevers lentre dans la langue crite (la reconnaissance des mots, la conversion graphophonologique).

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    La slection des niveaux a t conduite sur lhypothse de constater deuxtypes de variations selon les cycles : le premier type de variation, entre lesdeux cycles de lcole primaire, concerne le passage de lenseignement de

    lentre dans lcrit au cycle lmentaire (apprentissage du dcodage en 1re

    et son automatisation en 2eet au-del) celui du contrle de la maitrise de lalangue crite au cycle moyen ; le deuxime type de variation, entre les deux ordres du primaire et du secondaire, concerne le passage dun exercicede la comprhension littrale celui dune exploitation des comptenceslmentaires acquises des fins culturelles sur les textes littraires.

    Deux ensembles de rfrences se prsentent lanalyse : dune part,lensemble des supports matriels, comprenant les questionnaires, les exercices,les documents, les textes,et desactivitsproposs aux lves et dautre part,

    le discours des enseignantssur ces supports et activits. Le premier ensemblerpertorie tout ce que les lves ont ralis sur la lecture durant les deuxsemaines carottes arbitrairement, en hiver et au printemps ; ces activitssont rpertories dans un classeur, par journe pour le primaire, par heure ougroupement dheures pour le secondaire. Lensemble est cens reprsentertous les outils smiotiques labors par lenseignant et soumis aux lves pourdvelopper la lecture pour les priodes slectionnes. Lapproche des activitspar les supports, sans le soutien des enregistrements vidos, nest pas seulementlie une conomie dans la collecte et le traitement des donnes. Lide est biende reconstituer partir de ce que llve a sous les yeuxune image aussi fidle quepossible des outils smiotiques pour apprendre la lecture, et pas seulement lesinteractions verbales.

    Le deuxime ensemble se prsente sous la forme dentretiens anteet post.Dans les entretiens ante, lenseignant dcrit sa planification, met en perspectiveles objets travaills durant les deux semaines dans lconomie dun chapitre deplusieurs sances, dune squence de plusieurs semaines ou dun curriculumannuel. Dans les entretienspost, lenseignant commente les supports et activitsrpertoris dans le classeur, explicite les procdures, dveloppe des maniresde procder, complte les supports, raconte certaines ractions dlves.Les reformulations sont orientes sur le dveloppement dune informationcontextualisant les activits rpertories dans le classeur. Il sagit moins dereconstruire une logique didactique densemble que de focaliser lattention surles activits enseignantes au plus proche de ce que les lves ont effectu dansce contexte-l. Cest surtout cette deuxime srie dentretiens que nous avonsexploite pour la prsente enqute.

    Nous avons renonc tablir les formes invariantes de lorganisationde lactivit de lenseignant, comme a pu le faire Roland Goigoux (2002). Lecaractre arbitraire du moment du prlvement, la brivet de la priode etla limitation de lchantillon ont des effets sur la variabilit des pratiques etrendent difficile toute tentative de gnralisation. Mais surtout lunit mmedanalyse, les suites dactivits conduites par lenseignant dans un tempsdonn, et le choix de partir des supports fournis par lenseignant rendent notregrain danalyse relativement grossier : dune part, nous ne pouvons prtendre

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    reconstituer une logique didactique lchelle dune squence ; dautre part,les interactions didactiques dans le cours de laction enseignante chappent lanalyse.

    La prsente contribution exploite les donnes du projet dcrit ci-dessus dansla vise plus restreinte de dgager une des spcificits du geste de lenseignant, letraitement du lexique et notamment lexplicitation des mots difficiles . Nousavons conduit notre analyse de contenu5en croisant lanalyse des entretiens etlanalyse didactique des supports et des activits sur les units lexicales. Notreunit dobservation, le lexme mot(s) , complt par les lexmes phrase(s) et texte(s) , est le point de dpart de notre analyse. Le reprage systmatiqueet le dcompte des occurrences se sont effectus sur lensemble des entretiens

    post, hiver et printemps, reprsentant le texte de notre corpus. Pour rpondre

    la question de la variation par niveau, nous avons divis ce texte en sous-ensembles ; chacun de ces sous-ensembles contient les deux entretiens postmens en hiver et au printemps. Le corpus de notre analyse sest constitu partir du cotexte de loccurrence des lexmes slectionns. Seules les occur-rences se rfrant explicitement ou implicitement aux caractristiques delunit du sous-domaine de la discipline, le vocabulaire ou le lexique, ont tretenues. Ont t cartes les occurrences appartenant des expressions figes,les locutions (je rajouterai tout lheure un petit motcomme quoi tu ; on a fait un

    petit peu sa biographie en deux trois mots), dsignant lactivit du locuteur (doncl je vais simplement voquer ce qui est crit sur les fiches concernant les mots-cls ;

    jai oubli un motje sais plus oui toute la problmatique) et des exercices commeles mots-croiss (ceux-l ils font la lecture ceux-l ils font des mots-croiss ceux-lils font des fiches Freinet) ou les occurrences prises en charge par linterviewer.

    Prcisons encore que les entretiens qui constituent une partie de notrecorpus nont pas t conduits avec la vise de rendre visible le traitement dulexique, mais bien dobjectiver les activits consacres la comprhension enlecture. Lusage des lexmes et leur frquence dans les entretiens relvent depratiques discursives quil faut rattacher aux supports, procdures et exercicesrpertoris dans les classeurs.

    Nos questions de recherche sont : 1) quelle dimension graphique,smantique, lexicographique, notionnelle du mot correspond la variation deses usages par les enseignants ? 2) Sur quelle tendue, lchelle du cotexte,du contexte de la phrase, du segment, du texte, se construit le travail sur lelexique ? 3) Avec quelle fonction (garantir laccs au texte, lucider le thmeprincipal, aider la comprhension de lhistoire) ? Les rsultats sont expossen deux temps : dabord une vue panoramique des variations et constantes aufil des cycles et des niveaux (partie 2) ; ensuite une spcification des variationsdes dispositifs entre enseignants lintrieur dun mme niveau (partie 3).

    5 Notre approche heuristique, pilote par la thorie , est largement inspire de quelques-uns desprincipes mthodologiques exposs par Daniel Bain et Sandra Canelas-Trevisi (2009, p. 234) avec ladiffrence que notre analyse sapplique des pratiques discursives qui ne sont pas des interactionsverbales, mais des supports (textes, exercices) et un discours denseignants sur des manires de faire,des procdures, des exercices.

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    2. Tableau densemble de la variation des usages de mot(s),phrase(s) et texte(s)

    quelles entits renvoient les usages du lexme mot quand les ensei-gnants dcrivent et commentent les activits conduites pour dvelopper lalecture ? Dans le tableau 2 ci-dessous, les occurrences du lexme mot comptent dimportantes variations qui suivent grosso modo les niveauxdenseignement.

    Tableau 2. Rpartition des occurrences en fonction des niveaux

    Cycle lmentaire Cycle moyen Cycle dorientation

    Niveaux C2E1P B1P D2P G2P H4P I4P J6P K6P M8A R8A N8B O8B

    Nombredoccur-rences de mot(s)

    203 56 18 72 23 23 13 5 36 10 6 3

    Nombredoccur-rences de phrase(s)

    125 34 20 42 14 9 5 1 25 10 5 3

    Nombredoccur-rences de

    texte(s)

    42 63 28 75 39 46 54 48 105 46 11 29

    cole primaire cole secondaire

    En premire approximation, la variation couvre des proprits clectiquesdu mot et suit trois paliers de complexit : un premier palier, dans les niveauxlmentaires, le lexme renvoie aux proprits graphiques dune unit lexicale pour lil ; un deuxime palier, il renvoie aux proprits lexicographiquesdune unit signifie, stable, quon identifie dans un dictionnaire, dans lesniveaux moyens et secondaires ; un troisime palier, il renvoie aux propritssmantiques et encyclopdiques dune unit notionnelle. Cette dernire

    unit, qui nest pas rserve au secondaire, est plutt thmatique, dpasse lacomprhension dune phrase et concerne les mondes rfrentiels, reconstitus partir des rcits essentiellement. Lactivit dexplicitation smantique neporte pas sur les mmes proprits du mot selon les niveaux. Le mot se dcodedans les premiers degrs ; il se comprend dans le traitement de la phrase et destextes au niveau moyen ; il se travaille au niveau suprieur pour constituerle rsum dune intrigue et accder au thme principal de lhistoire. Plusprcisment, dtaillons au fil des cycles les proprits du mot pointes par letravail enseignant et ltendue sur laquelle sexerce le travail lexical daide la

    comprhension.

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    2.1. Variation des lexmes : du mot graphique et lexicographiqueau mot notionnel

    La plus grande variation se manifeste entre les niveaux du cycle lmentaire.

    Un contraste se marque entre la classe de C2E1P (203 occurrences) et les classesde B1P, de D2P et de G2P (respectivement 56, 18, 72 occurrences). La plupartdes occurrences de mot(s) dans C2E1P concerne lunit graphique pourlil , que les lves doivent reconnaitre, peler et localiser dans la chainephrastique ou dans le texte. De multiples supports (tiquettes, criteaux, cahiersde mots, papier java) soulignent matriellement les deux espaces blancs de leurbornage. Pour cette unit graphique, la question du sens et de son explicitation lon sy attendait depuis les descriptions de Goigoux (2002) se pose dans unsecond temps, quand la conversion graphophonmique a t effectue. Si les

    lves ne semblent pas connaitre le sens du mot dabord sorti loral, selon lestermes dune enseignante, la correspondance du signe graphique oralis avec lesignifi est assure de diverses manires. Les enseignants recourent tantt dessupports iconiques (illustration, tableau, carte), tantt des mises en situationmimes ou racontes.

    Entretien B1P, hiver, 34

    E : et a ils savent faire puis bon par exemple moi javais anticip que il y auraitsaute-mouton et puis donc l on a

    I : : oui

    E : on a dit le mot je lai fait sortir oralement avantI : oui parce que a ils savent pas forcmentE : ils savent pas forcment et puis jai deux enfants qui ont mim ce que a voulaitdire saute-mouton quatre pattes devant les autres donc pour montrer ce que faisait

    ce personnage pour quils comprennent quand ils allaient lire

    La correspondance est ralise de manire biunivoque. un signifiantgraphique correspond une reprsentation iconique et une seule. Le travail ne sefait pas seulement dans lassociation de limage et du mot, il concerne parfois lareprsentation dune scne daction complte et la comprhension de lpisode

    dun rcit. En C2E1P, lors de la dcouverte de Gruffalo6, par exemple, aprs avoiroralis la phrase et thmatis llment important pour la comprhension de lalogique de laction, lenseignante renvoie lillustration et pointe sur le dessinune des parties du monstre (E : mais donc l aussi bien il a fallu lire la phrase puisdire ah bien tiens dans cette phrase-l on parle des griffes / est-ce quil y a une image

    qui parle des griffes // des choses comme a).

    La dimension lexicographique de lunit lexicale apparait avec les premiresmanipulations du dictionnaire, ds la 2eprimaire jusquen 8e. Le mot lexicogra-phique renvoie une entit pourvue dune signification stabilise, identifiable

    dans un outil de rfrence, le dictionnaire. Le recours cette signification,externe lusage en discours du mot expliquer, est prsent comme suffisant

    6 De Julia Donaldson (texte) et Axel Scheffler (illustration), publi en 2002 aux ditions Gallimard Jeunessedans la collection Folio Benjamin .

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    pour la comprhension du texte (mais lide cest de chercher dans le dictionnaire /alors tu ouvres hiver et puis tu lis ce qui est crit puis a te donnera la rponse). Dsque les premiers apprentissages de mises en correspondance graphophonmique

    sont assurs, lunit lexicale qui fait lobjet dun traitement particulier prendle statut de mot difficile dans une grande majorit de cas. Le traitement deces mots difficiles , selon les termes de 9 enseignants sur 12, se fait soit parune intervention directe de lenseignant, ponctuelle, sur demande, soit par uneactivit de routine dans un dispositif qui met llve en demeure de chercher audictionnaire les mots quil ne connait pas. Cette dfinition est parfois commenteen collectif.

    Entretien D2P, hiver, 22

    E2 : tu dois chercher dans le dictionnaire de franais

    E1 : oui oui moi je lai eue lhistoire des instruments qui commencent par h Stphaneil est venu me dire mais moi je ne connais pas dinstrument qui commence par h je

    dis mais si tu vas chercher tu vas trouver dans le dictionnaire

    Entretien I4P, printemps, 2

    E : donc si vous voulez il y avait une premire lecture qui se faisait la maison etpuis je vous ai gliss dans la premire / moi javais prpar juste a ce que je leur

    demandais de faire ctait chaque fois quils cherchaient un mot de vocabulaire / je

    crois jen avais parl avec vous dj lautre fois /

    I : oui ouiE : ils devaient crire le numro de la page/ le mot cherch et la dfinition trouve

    Reconnaitre un item dans un ordre alphabtique, distinguer une dfinitiondun exemple, transcrire la dfinition dans un cahier de mots, constituent lesprincipales activits conduites sur le dictionnaire loccasion de la lecturedune phrase ou dun texte. Ces diverses activits font du dictionnaire un outilautonome, et pas seulement un accessoire la comprhension ; ces activitscontribuent dcrocher le travail du lexique de lactivit de construction dusens mene sur le texte. Il sagit dassurer la stabilit du signe dabord pourcomprendre le texte ensuite. Nuanons la porte de ce travail dcroch .Paralllement au travail de mise en dfinition des mots difficiles ou aux acti-vits de manipulation du dictionnaire, les enseignants de tous les niveauxdisent faire le travail de mise en contexte du sens des mots (H4P, E : mm / doncle sens du mot par le contexte on la fait pratiquement toute lanne dans les devoirs)et insistent sur la difficult des lves mener une activit de construction dusens lchelle du texte7.

    Entretien H4P, printemps, 1930

    E : ou le rflexe de lenfant aussi de poser des questions toujours et // de lever la main

    et dire / moi jai pas compris ce mot je vais pas plus loin //

    7 Une certaine tradition critique du travail enseignant, faisant fi de la dynamique systmique de la disciplinescolaire et de lorganisation curriculaire de cette dernire, ne manquerait pas dy voir un des effets dela reprsentation simpliste de la rfrence (Rabatel, 2005, p. 229).

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    Christophe Ronveaux

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    Entretien K6P, printemps, 25

    E : ils arrivent pas se dire / tiens ce mot-l je le comprends pas mais cest pas grave// ils ont besoin de chaque mot sur lequel ils passent

    Entretien M8A, printemps, 1930

    E : mais je leur dis bien si vous lisez un mot sur lequel vous butez vous ne perdez pasde temps comprendre / essayez de comprendre vraiment dans la globalit le texte //

    mais pas dans les dtails mais vraiment dans lensemble / et puis si jamais il y a des

    phrases que vraiment vous comprenez pas on en discute aprs mais essayez de reprer

    le maximum dinformations et si vraiment il y a un passage que vous ne maitrisez

    pas vous le laissez // parce que sinon si je leur dis chaque fois que vous avez un

    problme vous levez la main / ce moment-l cest fini parce que ils lvent la main

    au moindre petit / et sans mme chercher comprendre donc je les laisse vraiment

    autonomes surtout en fin danne surtout avec une 8eA //

    Notons encore cette difficult dun autre type, pas forcment lie aux lvesdits faibles en lecture. Ainsi cette lve, prsente par lenseignante de 4e(I4P)comme une lve consciencieuse et scolaire , loccasion de la lecture deComment crire comme un cochondAnne Fine, revient auprs de lenseignanteavec un glossaire qui couvre lensemble des mots quelle ne comprend pas ousur lesquels elle hsite. Le travail fait domicile avec le soutien de la mamanreprsente plusieurs centaines de mots recopis et complts par une dfinitionsuccincte. Un travail considr par lenseignante elle-mme comme fastidieux

    et peu efficace la comprhension de lironie du texte.

    Lactivit dexplicitation se poursuit tout au long des cycles, du primaireau secondaire. La prsence du dictionnaire (dico, lexique, glossaire) dans lesactivits de lecture suit aussi une variation au fil des cycles : frquente en 2eet en 4edans des activits systmatiques, cette prsence diminue pour devenirune ressource occasionnelle au service de la comprhension en 6P et en 8e A,mais une source de difficults pour les lves de 8eB (O8B, E :parce que avecce type dlves le dictionnaire cest souvent un outil qui est / qui leur apporte pas

    beaucoup daide).

    Quantitativement, une deuxime variation importante apparait partir dela 6P o le nombre doccurrences de mot(s) descend sous la dizaine pour5 classes sur 68. La frquence du lexme tombe zro dans certains niveauxpour certaines priodes. Ainsi en K6P, pour la priode dhiver, et en O8B, pourla priode de printemps, le lexme nest pas mentionn une seule fois. Lelexme phrase(s) suit cette diminution. Cette dernire indique-t-elle que leproblme des mots difficiles a disparu, que le travail sur les faits lexicaux ne sefait plus ? Certes, non, mais partir de la 6P, les usages de mot(s) couvrentdautres objets. Le lexme senrichit de nouveaux traits, qui le rapprochentdavantage de la notion que dun lment de dcoupage de la langue. Ces

    8 Le nombre lev doccurrences dans la classe de M8A appelle un commentaire. Sur les 36 occurrences,8 occurrences apparaissent dans les expressions comique de motsoujeux demotset dsignent un objetdenseignement spcifique de la discipline, ce qui relativise le nombre lev doccurrences.

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    nouveaux traits parfois sajoutent aux traits graphiques ou lexicographiques,parfois les remplacent. Pour complter lanalyse, il faut donc ouvrir le corpus de nouveaux lexmes. Les lexmes terme(s) et notion(s) apparaissent

    parfois comme synonyme de mot(s) (cf. lentretien de R8A ci-dessous). Surles 18 occurrences de terme(s) (2 en G2P, 1 en K6P, 14 en M8A, 1 en O8B),3 seulement couvrent les mmes traits que le mot lexicographique, les 15 autresrenvoient des traits notionnels lis un domaine spcifique ( des termesscientifiques , les termes du thtre ).

    Entretien R8A, hiver, 2230

    E : donc je leur ai fait chercher des mots: on a essay de trouver justement des qui-valents contemporains de ce que cest quune dmocratie quest-ce que cest quune

    dictature []

    E : oui et justement toujours comparer faire une petite discussion avec chaquenotioncomparer enfin parler de ce qui est contemporain a les aide comprendre

    L empire , le primtre (K6P), le gigantisme des cits (M8A), le national socialisme (R8A) ou l intendant (M8A), tous ces mots dcouvertsau fil dune premire lecture sont rapports au contexte dexprience et laconnaissance du monde des lves. Ces mots ou expressions font certes lobjetdune recherche lexicographique, mais leur traitement est subordonn lacomprhension thmatique du texte. Ils deviennent le point de dpart de

    digressions parfois importantes. Les mots incompris et signals par tel lvecrent autant doccasions de dvelopper des informations que lenseignantpense utiles la comprhension des mondes dvelopps par le texte. En M8A, la lecture deLAvarede Molire, le mot incompris d intendant est isolde la phrase, dfini rapidement, mais aussitt replac dans le contexte de lascne, rapport la fonction sociale du mtier de lpoque et la constellationdes personnages impliqus dans lintrigue et associ un objet de luniversrfrentiel des lves, les sites de rencontre. Lenjeu du travail dexplicitationencyclopdique rside dans la comprhension de lhistoire ; cette explicitationdpasse largement le cadre du texte.

    Dans le long extrait ci-dessous, lenseignant rend compte de ce doubletravail dexplicitation lexicographique et thmatique, subordonnant le premierau deuxime en assimilant la dfinition une activit interprtative portantsur ltendue thmatique du texte. Le mot difficile gigantisme est rapportau groupe nominal qui le dtermine, des villes , et transform en notionthmatique, le gigantisme des villes , discut laune du titre.

    Entretien M8A, printemps, 1730

    E :je leur prsente quand mme eh : mais je donne un minimum / par exemple il dit

    mais monsieur XXX le motgigantisme / je leur ai dit pour pas les bloquer tout desuite // je dois quand mme expliquer le titre // le titre a me paraissait quand mme

    vident // eh ici parce quen fait cest tout simple parce que quelquun ma dit mais //

    cest le silence qui menace ou le silence menac //

    I : ah

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    Christophe Ronveaux

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    E : a cest trs intressant parce que cest exactement : cest opposI : ah ouiE : donc partir de l jai dit non cest menac : on a besoin du silence qui est

    menac par le bruit : donc cest et en fait je me suis pas rendu compte parce queeffectivement il y a un / pour changer sans laccent a prend un autre sens et puis on

    lit le texte avec une autre entre : donc effectivement en parlant de a jai pu parler

    quand mme du thme // donc cest bien le silence qui est menac par le bruit et l le

    gigantisme je leur ai fait un peu ltymologie a vient de gant etc. donc cest // donc

    ces villes qui sont trs grandes / alors je sais que pour eux a leur parle pas beaucoup

    parce que Genve rentre pas dans cette catgorie-l / mais je leur ai dit pour ceux qui

    imaginent ces grandes mgapoles amricaines ou asiatiques : imaginez ces grandes

    villes o il y a des quinze vingt millions dhabitants est-ce que vous pensez eh mme

    Paris ou Londres des villes plus proches deux imaginez / puis mettez-vous dans la

    peau de ces gens qui vivent dans ces villes-l et puis lisez // ce texte essayez de voir ceque vous imaginez vous que vous projetez l-dedans //

    Ajoutons encore quau primaire, en 4eet en 6e, trs nettement, les activitssur le lexique se conduisent sur des matires diffrentes du franais, comme lesmathmatiques, les sciences, suivant en cela les injonctions du plan dtudes.Au secondaire, la question lexicale renvoie aussi dautres disciplines quele franais, comme lhistoire. Ainsi, en R8A, au cours de la lecture du romanpistolaire de Kressmann Taylor,Inconnu cette adresse, la recherche dans ledictionnaire dune dfinition pour les mots dmocratie et dictature est

    largie par une discussion sur le fonctionnement des dmocraties et des dicta-tures contemporaines et complte par la lecture de documents historiques.La comprhension du rcit est suspendue par un travail dexplicitation dephnomnes sociaux et politiques (la monte du nazisme en Allemagne, lapropagande et ltablissement du national socialisme dans les annes trente),en lien avec le cours dhistoire.

    2.2. Variation de ltendue sur laquelle sexerce le traitement du mot

    La question du fait lexical enseign est insparable de la question de

    ltendue (la porte , dirait Nonnon, 2008, p. 57) sur laquelle porte le travaildexplicitation. Est-ce lunit lexicale isole qui est implique, travers lasignification dun signe archtypique ? Est-ce le cotexte du mot, lchellede la phrase, lchelle dun segment courant sur plusieurs phrases ? Est-ce lecontexte du mot, lchelle du texte, de lintertextualit ? Ce questionnementrencontre la vise chre Rastier (1998 ; 2000) dclaircir la notion de contexte.Appliqu notre corpus, ce questionnement doit viser claircir les usagesdes lexmes phrase(s) et texte(s) . Rappelons notre hypothse de dpartque dans les deux systmes denseignement du primaire et du secondaireles planifications curriculaires sont donnes comme tanches. Observons la

    variation des tendues sur lesquelles les enseignants des diffrents niveaux fontporter le travail sur le mot.

    Jusquen 4e, le travail dexplicitation se fait majoritairement partir dunitslexicales isoles pour comprendre la phrase dans laquelle cette unit apparait.

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    Mme quand lenseignant utilise le vocable texte pour dsigner lentit laquelle se rapporte le travail sur le sens, le mot, explicit par lenseignant oucherch dans le dictionnaire, relve du sens de la phrase. Aprs la 4e, la phrase

    nest plus lunit de travail. Passe-t-on au palier du texte pour autant ?Quantitativement, on a dj remarqu le contraste entre la diminution, au fil

    des niveaux, de la frquence de mot(s) et phrase(s) et le maintien dunefrquence relativement leve du lexme texte(s) . La diminution se marqueparticulirement entre la 4P, qui compte encore de nombreuses occurrences de mot(s) et de phrase(s) , et les 6P et 8eA/B. Les enseignants des niveauxsuprieurs partir de la 6P utilisent le mot(s) , moins dune dizaine de fois(pour 5 dentre eux sur 6), et la phrase(s) , moins dune dizaine de fois (pour4 dentre eux sur 6). Par contraste, la frquence de texte(s) reste leve dans

    les discours de chaque enseignant, une quarantaine doccurrences par unitpour 8 enseignants sur 12.

    Mais les trois lexmes mot(s) , phrase(s) et texte(s) renvoient-ils des objets de savoirs comparables ? Couvrent-ils des entits langagiresqui sopposeraient seulement sur un critre de longueur ? Un traitementnuanc des correspondances entre lexmes simpose. Jusquen 4P, les lexmes mot(s) et phrase(s) sont prsents comme des notions(certes floues,mais ouvertes , en voie de construction), des lments de dcoupage dela langue. Le lexme mot(s) renvoie lunit minimale du traitement du

    sens, pralable indispensable llaboration des significations et de laccsau texte ; il apparait comme une partie de lunit suprieure, la phrase, dontla limite est essentiellement borne par des critres graphique et syntaxique.Le lexme texte(s) ne reprsente pas proprement parler une notion ; lesenseignants lutilisent pour dsigner unsupport matriel. Le texte est ce morceaude continuum de suites linguistiques, de longueur variable, partir duquel seconduisent toutes les activits de reprage de mots, dexpressions, de segments,pour dgager soit lide principale soit lintrigue. Cest lunit thmatique quifait le bornage du texte. Cette textualit thmatiqueest parfois associe unauteur, au cycle moyen et secondaire, comme aide la contextualisation ducontenu (le plus souvent une histoire).

    La frquence leve des occurrences du lexme texte(s) en G2P appelleune interprtation plus spcifique. Cette frquence se concentre au semestre deprintemps (46 occurrences au printemps pour 29 en hiver) lorsque lenseignantecommente une squence de production quelle a mene sur le texte expositif etquelle considre comme un soutien lenseignement de la lecture. Le cotextedes 46 occurrences est remarquable : 40 occurrences sont immdiatementsuivies soit dun qualifiant ( texte expositif), soit dun groupe nominal ( textedinformation sur les chats), soit dune phrase relative ( texte qui explique).Rfre aux supports extraits du manuel, lexpression texte expositif a lavaleur dune unit lexicalise. La dtermination du lexme, on le voit, concerneles vises dinfluence du texte. Dans ce cadre de travail sur le texte expositif, lelexme ne couvre plus seulement une entit graphique ou lexicographique, ilstend la dimension fonctionnelle du texte. Cette dimension napparait pas

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    comme dsignative, mais comme axiologique. Quand lenseignante voque les vibrisses , ce nest pas pour souligner la difficult du mot dfinir dans lecadre dune leon documentaire sur le chat. Le mot spcifique (ou de spcialit),

    rapport au texte produire, est problmatis dans sa vise spcifique dinformer.Le traitement diffrenci du mot en G2P est corrler la spcificit

    des activits de comprhension ou de production et aux dimensions de latextualit travailles. Selon que le traitement des mots difficiles se rapporte la comprhension dun texte narratif ou la production de textes expositifs,les mots sont traits au plus proche de la situation de rfrence (lhistoire comprendre) ou construits par rapport la situation de communicationet aux enjeux dinfluence du texte (les spcificits de lanimal thmatisdans le texte expositif sur le chat par exemple). Dans le deuxime cas, cest

    lentit communicative et non le contenu thmatique qui semble gouvernerlanticipation des difficults. Le vocabulaire de spcialit, les vibrisses , sert dsigner un objet du monde pourvu de fonctionnalits, en fonction dunprojet dcriture dtermin. Il ne sagit plus seulement didentifier les propritsencyclopdiques dun organe en saidant dune image, par exemple, mais dele rapporter une textualit en construction. Certes, la notion de texte restefloue (le discours de lenseignant hsite entre typeetgenresans quune dfinitionpermette de conclure), mais elle est en voie de dtermination.

    Quand des activits de production apparaissent lappui de la lecture,

    que ces activits portent sur le texte comme entit communicative, dfinipar son contexte de production, les usages que fait lenseignant du lexme texte(s) apparaissent au singulier et ne sont plus spcifis par un complmentdterminatif thmatique. Ce constat nest pas li un niveau denseignementparticulier. Il est remarquable qu des degrs diffrents, chaque fois quelinitiative du locuteur scripteur est sollicite pour une production de texte,la question du lexique apparait comme dpendante de lenjeu dinfluence dutexte. Soit lenseignant le constate et le commente dans la raction de tel outel lve, soit le cotexte du lexme change. La situation de production sembleforcer la question de la congruence du lexique et lorienter vers des oprationslangagires de mise en cohrence, plutt que vers des contenus thmatiques dplier.

    3. Variation des suites dactivits selon les enseignants

    Nous voudrions montrer deux dernires variations : la variation du traitementlexical dans deux dispositifs distincts conduits par la mme enseignante, lunlors de la lecture-dcouverte dun rcit, lautre lors dactivits de vocabulaire

    spcifiques ; la variation de la nature des mots et leurs contenus au fil desniveaux. Il sagit de montrer comment le travail du sens en discours nest pasrserv au niveau du secondaire, que ce travail gagne aussi les activits decomprhension mene au primaire, que cette porosit des niveaux est fonctionde la nature des textes travaills.

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    3.1. Des mots en question pour du sens en dbat

    Deux types de traitement lexical sobservent dans notre corpus : 1) le trai-tement des mots inconnus ou difficiles, simultan ou postrieur la lecture-

    dcouverte dun texte (ce traitement comprend les interventions ponctuellesde lenseignant, les recherches des lves, les listes de mots placs en marge ouen fin de texte) ; 2) le traitement spcifique des faits lexicaux (la polysmie,lhomonymie, lanaphore, la synonymie, etc.) travers des activits scolairesdites dcroches . Nous avons relev ces deux types de traitement chez unemme enseignante en J6P sous deux rubriques, explicitement signales sur lessupports-textes et exercices, pour deux suites dactivits. Lune spcifiquementddie au fait lexical rpond lobjectif du franais de structuration des plansdtudes genevois, lautre ddie la lecture dun album rpond lobjectif

    noyau de la comprhension.Le traitement lexical, tel quil apparait dans les supports-exercices, concerne

    les faits de synonymie, de polysmie, de rfrence. Lensemble se prsente endeux parties : une premire partie comprend un extrait (avec de nombreusescoupures) du roman de Jeanne Bourin (1988),Le grand feu, suivi dun lexique ;une deuxime partie comprend deux sries dexercices, lune ddie auvocabulaire, lautre la structure et la syntaxe. Considrons la premiresrie dexercices sur le vocabulaire. Lunit des extraits, prtexte aux exercices,est thmatique, centre sur une sous-squence de lincendie du chteau : le

    sauvetage de deux jeunes filles par deux jeunes hommes. Le traitement desunits lexicales sont rapportes la phrase ( cocher la phrase dans laquelle lemot est employ correctement , complte les phrases suivantes , retrouvedans le texte les phrases qui ont le mme sens , etc.) et la rfrence du mondereprsent dans le rcit ( relve dans cet extrait les noms de cinq objets quiservent meubler ou dcorer lintrieur du chteau , relve la phrase quiindique quau XIesicle, les chteaux taient essentiellement en bois , laide des indices contenus dans cet extrait, fais la description physique la pluscomplte possible des personnages suivants ). Dans la plupart des exercices,une seule rponse est possible et vise le contenu rfrentiel dunits isoles.

    Par contraste, la suite dactivits menes sur lalbum 9se prsente commeune squence complte. Le traitement lexical sy fait incidemment, sous laresponsabilit des lves, loccasion dun dbat interprtatif. Le rcit estapproch par effraction , cest--dire partir de lartfact didactique cr parlenseignante. Lartfact repose sur lide de sparer texte et illustration et dejouer sur la valeur des signes et lincohrence de certaines units lexicales. Lercit a fait lobjet dune manipulation par lenseignante. Les lves ont sous les

    9 Lalbum de Gilles Bachelet, Mon chat le plus bte du monde, se prsente comme un rcit documentaireet autobiographique dans lequel le narrateur relate les faits et gestes de son animal de compagnie. Cetanimal est dsign sous le vocable chat , alors que limage accompagnant le texte reprsente unlphant. Jouant sur la valeur des signes et les illustrations, le rcit prsente une suite de petits pisodescocasses dans lesquels llphant est croqu dans des attitudes strotypes, attribuables un chat.Un des effets parodiques rsulte, entre autres, de la confrontation de plusieurs points de vue : celuidu narrateur-auteur-illustrateur convaincu de possder un chat et celui du scientifique contestant lareprsentation du squelette de llphant et de sa trompe sur lune des pages de lalbum.

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    yeux deux supports : le premier comprend le rcit complet, sans illustration, etle deuxime est une lettre du narrateur un scientifique. Cette lettre, qui figure lorigine sur une des illustrations de lalbum, rpond lobjection faite par le

    biologiste sur la reprsentation dun squelette dlphant que Gilles Bachelet,narrateur-auteur-illustrateur signataire de la lettre, aurait publi dans un album.Dans cette lettre, le narrateur-auteur-illustrateur renvoie son propre discoursen prtendant quil na jamais fait mention dun lphant, mais dun chat ,selon ses termes, ce que dment lillustration bien sr. Les deux supports nedistillent pas la mme information sur lidentit de lanimal ; dun ct lercit documentaire renvoie une isotopie lexicale du chat ( la gamelle , lespattes , la souris , le pelage ), de lautre la lettre met en scne un pointde vue qui semble renvoyer au rfrent dun lphant.

    Organiss en cercles de lecture par petits groupes de pairs, les lves nedisposent daucun support iconique et dbattent sur la question de savoir quelanimal renvoie le pelage . Le mot na pas fait lobjet dune slection pralablepar lenseignante. Une ambigit persiste sans quaucun lment textuel nepermette de conclure. Cest cette ambigit qui incite les lves slectionnerle mot et le rapprocher dautres mots.

    Entretien J6P, printemps, 8

    E : et l il y a eu des conflits terribles / et l ctait drle parce quils taient vraimentdans du reprage dans le texte dindices trs prcis et ils ont rebondi sur le mot10

    pelage / parce que dans le texte que je leur ai donn en premier on parlait du fait quele chat avait un pelage qui ntait pas trs gai/ et puis aprs on parle dun lphant

    et pour eux un lphant a a pas un pelage / donc : a a des poils oui mais cest pas

    un vrai pelage pour eux cest pas une fourrure en tant que telle / donc l il y a eu des

    gros gros dbats sur le mot pelage / ce qui fait que au lieu de rester sur llphant

    // il y a un groupe je crois qui est rest sur llphant / puis les autres ils sont tous

    plus ou moins partis sur le fourmilier / pourquoi / je sais pas ils taient tous dans

    le dictionnaire en train de chercher ce qui pouvait ventuellement avoir une trompe

    aussi des poils et puis une couleur pas gaie enfin bon : voil

    Dans lextrait ci-dessus, lenseignante relate une saynte qui thmatise ladiscussion entre pairs. Le dbat et le recours au dictionnaire apparaissent commedes soutiens la comprhension du rcit, ils contribuent construire du sens endiscours. Dans ce dispositif, les proprits smantiques du mot sont orientesvers le texte. Les deux dispositifs mis en place par une mme enseignante rel-vent de modles distincts, qui se ctoient sans exclusive. Le mme constat peuttre fait propos de la squence mene en 4P autour du rcit de Fine, Commentcrire comme un cochon. Le rcit de Bachelet et celui de Fine comportent tous lesdeux un narrateur la premire personne comme seule source de rfrenciation(un seul sujet pour dire le monde et sen distancier). Les deux textes jouentsur limplication du lecteur et le poussent construire un point de vue. Est-ce ces particularits quil faut attribuer le fait que les deux dispositifs poussent la construction du sens en discours ? La variation constate pour ces deux

    10 Nous soulignons.

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    enseignantes nous renseigne tout au plus : 1) sur les effets de certains textes etdispositifs sur le traitement du fait lexical et 2) sur leffet de la sdimentationdes pratiques (Schneuwly et Dolz, 2009).

    3.2. Construire du sens en discours ou construire la rfrencepar la langue

    Nous voudrions examiner une dernire variation, relative la nature desmots et leurs contenus thmatiques, et la croiser avec la variation des deuxtypes de traitement lexical que nous venons de prsenter dans la section prc-dente. Nous avons relev de manire exhaustive lensemble des mots signalspar les enseignants ou lists dans les exercices et supports fournis aux lves. Cesmots ont t rpartis en deux sries de listes selon les deux types de traitement :

    la premire srie comprend les mots points par les enseignants loccasion dela lecture de textes, ayant fait lobjet dun traitement particulier (explicitation,dbat interprtatif, recherche dans le dictionnaire, etc.) ; la deuxime sriecomprend les mots prlevs des supports-exercices faisant lobjet dun travailspcifique sur le lexique. Lensemble de ces listes de mots ont t reports sur untableau structur par niveaux et par classes (cf.annexe). Dans certaines classes,nous avons regroup les mots qui apparaissent dans la mme activit par desmarques de ponctuation. Pour certaines listes, trop longues, nous avons retenules premiers items selon lordre (alphabtique ou autre) dapparition dans lac-tivit et signal louverture de la liste ( etc. ).

    Observons les deux sries horizontales (cf. le tableau en annexe). Entre lesdeux types de traitement, une premire variation est manifeste : les mots traitsau fil des textes prsentent une plus grande varit de nature que les listesdes mots ou notions travaills dans les activits scolaires spcifiques. Nomscommuns (42), verbes (12), adjectifs (9), locutions ou expressions figes (3),composent les listes du premier type. Dans le second type, il est frappant deconstater la prsence massive de noms communs dans les premiers degrs ducycle surtout. Ces noms communs concernent en grande majorit des objetsdu monde, regroups selon les domaines dexprience (les mtiers, lincendie)

    ou selon la proximit phonique (les noms comprenant le son []). Les activitsdexplicitation des mots difficiles pour aider la comprhension de textecouvrent dautres ensembles de vocables que ceux mis en circulation dans lesactivits spcifiques de traitement des faits lexicaux. Les difficults rencontrespar les lves dans la comprhension des textes, que les enseignants relaient enexplicitant les mots difficiles , ne couvrent pas les units lexicales vises parles exercices spcifiques. La progression curriculaire pense dans les exercices etmanuels ne correspond pas aux difficults des textes lus en classe.

    Plusieurs constats de variations au fil des cycles ensuite : la variation des

    classes grammaticales (surreprsentation des noms communs dans les petitsdegrs) ; la prsence des mots outils (les dterminants) dans les petits degrs,puis leur absence dans les grands degrs ; le nombre peu lev des autresclasses de mots (adjectifs, verbes) dans les degrs moyens ; la prise en charge duproblme de la polysmie travers les expressions figures partir de la 4P ;

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    partir de la 6P, labondance de notions qui relvent des mondes reprsents dansles rcits, de domaines disciplinaires ( longueur , primtre , nombre ,pour les mathmatiques ; droit humanitaire , empire pour lhistoire), et

    partir de la 8e

    , de notions spcifiques la discipline franais (le vocabulaire duthtre, les registres de langue, les diffrents types de comique). Y a-t-il l aussiune variation significative de la construction disciplinaire dune progressioncurriculaire deux degrs selon lhypothse de Balibar ?

    Conclusion

    Lanalyse lexmatique des entretiens, soutenue par lanalyse didactiquedes activits scolaires et des dispositifs, semble fconde pour rendre compte

    des savoirs objectivs de lenseignant. Le savoir objectiv de lenseignant danssa dimension lexicale ne reprsente pas un ensemble structur de concepts,constituant une thorie linguistique, mais plutt une thorie de la pratique,suivant la progression curriculaire des apprentissages. Les lexmes utilisspar les enseignants et prsents dans les supports-exercices lexicaux renvoient un systme notionnel en construction. Il apparait que le traitement dulexique et en particulier lexplicitation des mots difficiles ne porte pas surles mmes dimensions de lunit lexicale selon les niveaux. Les variationsconstates suivent peu ou prou les niveaux denseignement. Deux variations

    importantes se constatent : la premire, au cycle lmentaire, entre la 1P et la 2P,correspond au passage dun enseignement de la lecture dcodage lexercisationde la comprhension ; la deuxime, entre la 4P et les niveaux suprieurs (6Pet 8eA et B), correspond au passage de la comprhension biunivoque dessignes et de leur rfrence lusage culturel de la lecture pour apprhenderdes univers rfrentiels. Du mot pour lil au mot lexicographique, puis au mot notionnel des discours de spcialit et thmatiques, un enseignementprogressif se conduit au fil des niveaux dans la perspective dtablir unerfrence, puis dlaborer des contenus thmatiques. La lecture comme objetdenseignement se transforme, au fil des niveaux, en comptence traversant

    les domaines de lexprience au service dune ouverture la connaissance dumonde.

    Notre question de dpart sur la variation des proprits du lexme mot(s) peut tre corrle la deuxime question sur la variation de ltendue surlaquelle porte le traitement du mot. Progressivement, jusquen 4P, le travaildexplicitation est conduit partir soit dunits isoles, soit du cotexte (restreint lenvironnement immdiat du mot expliciter ou largi au segment detexte portant sur plusieurs phrases). Ds la 6P, plus lexplicitation porte surun complment thmatique ou encyclopdique, plus ltendue slargit au

    contexte (intertexte, information historique). Cet largissement nimplique pasforcment que, dans les niveaux suprieurs, du sens soit construit en discours.Le lexme texte(s) en usage dans le discours des enseignants ne renvoie pas une notion de discours, mais dsigne plutt un support matriel circonscrivantle plus souvent une unit thmatique.

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    Deux nuances ce dernier constat sur le texte. Prcisons dabord que,dans plusieurs dispositifs et suites dactivits, la construction du sens sefait en discours, presquincidemment, au fil de la lecture. Ces exceptions se

    manifestent lorsque les textes impliqus dans lactivit de comprhension, desrcits exclusivement, jouent sur lancrage nonciatif et impliquent de la partdu lecteur un travail sur la construction dun point de vue sur la narration.Prcisons ensuite que, ds que lactivit de lecture est associe lcrituredun texte, entendu comme une unit de communication, le texte simposecomme notiondans le discours des enseignants, tandis que le lexique prendune fonction oriente en discours. Dans un cas comme dans lautre, les niveauxdenseignement ninterviennent pas.

    De ces variations, on ne peut donc conclure une forme de progression

    curriculaire franchement distincte pour le primaire et le secondaire. Lescloisonnements et ruptures entre les ordres denseignement sont moins marqusque nous ne le supposions. Une certaine porosit se manifeste entre les niveaux ;nous lattribuons surtout aux problmes pratiques daccessibilit lunivers rf-rentiel du texte, dont se plaignent les enseignants depuis les dbuts de lcolerpublicaine, et la configuration particulire dobjets denseignement associs la lecture, notamment la production crite.

    Concernant la didactisation du lexique, une meilleure connaissance de ladynamique systmique des divers lments de la discipline est indispensable

    ltablissement dun savoir objectiv pour la formation. On ne peut rhabiliterle fait lexical sans traiter du souci des mots difficiles du point de vue duneprogression curriculaire. Des tensions subsistent en effet dans cette logiquecurriculaire effective que nous avons montre. La plus vidente de ces difficultsrside dans ce dlicat passage dun travail qui installe la rfrence et se souciede la stabiliser, daprs un modle mentaliste selon lequel le signe est dposi-taire dune signification pose a priori, un travail sur lattention flottante (Grossmann, 2005) et sur la construction de classes lexicales en discours, propres la comprhension des textes, y compris polyphoniques. La mise en cause de cepassage impliquerait de dtourner la lecture de sa fonction de connaissance dumonde, telle que semble lavoir structure le geste fondamental du traitementlexical de lenseignant de franais au fil des cycles.

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    Christophe Ronveaux

    Tableau3.

    Rp

    artition,selonlescycles,desmotscitsoumisdispo

    sitiondansuneactivitexp

    licite

    Cyc

    lelmentaire1ree

    t2e

    Cyclemoyen4eet

    6e

    Cycledorientation8eAetB

    C2E1P

    B

    2P

    D2P

    G2P

    H4P

    I4P

    J6P

    K6P

    M8COA

    R8COA

    N8COB

    O8

    COB

    Tragique

    Rega

    rderle

    silence

    Familier

    Tambourine

    (vb.)

    Inquiet

    Immobile

    Imprudent

    Fairele

    poireau

    Souris

    Pichet

    Sauveteur

    Carpe

    Etang

    Expositif

    Colonne

    Tiret

    Grve

    Listedemots

    difficilestablie

    parleslves

    (donnesnon

    disponibles)

    Degr,la

    diable,calcin,

    calfeutrer,

    chape,choir,

    conjurer,

    dissminer,

    embrasure,

    fournais

    e,etc.

    Trompe

    (n.c.)

    Pelage

    Longueur,

    primtre,

    nombre

    quatre

    chiffres,

    somme

    Droit

    humanitaire

    Empire

    Intendant,

    entremetteuse

    Gigantisme

    Emetteur,

    rcepteur,code,

    transmission,

    message

    Etrelibral

    Dmocratie

    Dictature

    Attentat

    Mtaphore

    Assoup

    i,fuser,

    ample,bas

    rsille,

    stick,

    mygale,tope-

    l,mtine,

    fascin

    e,

    fioul,d

    suet,

    enseigne,

    volutes,

    bunker,

    civilit,freezer,

    bastion

    ,etc.

    Mots difficiles traitsau fil des textes

    Pirate

    Sucre,pain,

    pomme,

    chocolat,

    poupe

    Queue,

    ufs,yeux,

    nud,deux,

    fleur,

    Cheveux,

    neuf,cur,

    pneu

    Chez

    ,sur,

    dans

    Chau

    d,

    froid,

    piquant,

    doux

    ,dur

    Mes,

    tes,

    ses

    Des,

    les

    Une

    chem-

    ine,la

    fum

    e,un

    mur,

    des

    pom

    mes,

    unemoto,

    lech

    emin

    Large,

    troit,petit,

    grand,laid,

    beau,etc.

    (antonymes)

    Ballon,

    parapluie,

    raquette,

    accordon,

    canif,poupe,

    cage,etc.

    Oiseau,lac,

    poulain,

    louveteau,

    poche,

    crinire,etc.

    Griffes,crocs,

    yeux,langue,

    crochus,

    acres,

    noire,orange,

    bosses,

    cornes,poils

    Cuisinier,

    coiffeur,

    ditticienne

    Usine

    Rapide

    comme

    lclair,

    nage

    commeun

    poisson

    Moyende

    transport

    Surplomb

    rocheux,en

    permanence,

    fossile

    Maresdeboue,

    sarcasme,

    commmora-

    tion,tredans

    debeauxdraps,

    bni-oui-oui,

    dubitatif,mettre

    lasourdine,

    lombric,etc.

    Dissmins,

    fournais

    e,

    calfeutrs,

    chape,

    stagnan

    te

    Cldes

    ol,pice

    dethtre,

    couettes,

    degrs,

    etc.

    Chaleur

    ,

    lueur,flamme,

    fournais

    e,feu,

    foyer,to

    rche,

    incendie

    Travailde

    vocabulaire

    surlesens

    figur

    (donnes

    non

    disponibles)

    Didascalies,

    comdie,

    tragdie,scne,

    apart,acte,

    dialogue,

    mono-

    logue,scne

    dexposition,

    dnouement,

    quiproquo,

    nud,

    personnage

    Comiquede

    situation,de

    gestes,demots

    National

    socialisme

    Desromans

    leauderose

    Dermatologue

    Eminent

    Suicide

    Rainure

    Surgissant

    Prolifrantes

    Rafia

    Stthoscope

    Chrom

    Panneaux

    Dissimulant

    Typographie

    Synonymes

    dautomobile,

    bicycle

    tte,

    travail,

    livre,

    chamb

    re,

    argent,emploi

    Argot,

    vulgair

    e,fami-

    lier,sta

    ndard,

    relev

    Juvaqu

    atre,

    poste,

    Byrrh,

    aiguille,

    etc.

    Champ

    lexical

    delap

    che

    Mots faisant lobjet dune activitspcifique et planifie

    cole

    primaire

    colesecondaire