Rente Des Énergies

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Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales Par Monsieur Romain PIRARD Sous la direction de Monsieur Jean-Charles HOURCADE Directeur d’études EHESS Session de septembre 2000 DEA Economie de l'Environnement et des Ressources Naturelles Mémoire majeur Prix des énergies fossiles : de la rareté physique à la contrainte climatique 1

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Rente des énergies

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Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales

Par Monsieur Romain PIRARD

Sous la direction de Monsieur Jean-Charles HOURCADE

Directeur dtudes EHESS

Session de septembre 2000

DEA Economie de l'Environnement et des Ressources Naturelles

Mmoire majeur

Prix des nergies fossiles: de la raret physique la contrainte climatique

Avertissements

L'EHESS n'entend donner aucune approbation ni improbation aux opinions mises dans les mmoires : ces opinions doivent tre considres comme propres leurs auteurs.

Remerciements

Ce mmoire naurait sans doute pas pu tre men son terme, sans la collaboration (presque) inpuisable de Laurent Gilotte. La construction du modle a bnfici de son exprience, et certains problmes techniques me trotteraient encore dans la tte sil navait mis la main la patte. Cest donc avec un grand plaisir et un grand soulagement que je le remercie.

Mon sjour au CIRED a t agrable en plus dtre studieux, et je suis donc reconnaissant Jean-Charles Hourcade de my avoir accueilli.

Daniel Thry, Pierre Matarasso, Abigal Fallot, mont soutenu par leurs marques dattention, ce qui ma permis de me dtendre quand les solutions ne venaient pas.

Quant Frank Nadaud et Pierre Courtois, je leur souhaite bonne chance pour la fin de leur thse.

Introduction

La lutte contre leffet de serre est devenu un thme populaire en quelques annes, alors que les problmes de dgradation de lenvironnement sont de plus en plus prsents dans lactualit. Les socits occidentales sont sensibilises, mais ne semblent pas toujours prtes en assumer les consquences. En cette anne 2000, lEurope smeut dune monte du prix du ptrole, mais se dclare prte faire des sacrifices, pour viter les dommages quentranerait une augmentation de la concentration de latmosphre en GES (Gaz Effet de Serre). Les pays de lOPEP dfendent un prix lev du ptrole brut, et sinsurgent contre la fixation hypothtique de taxes, dont ils seraient les premires victimes conomiques.

Cest dans ce cadre que nous nous sommes interrogs sur lexistence dun prix du carbone. En effet, les conomistes savent depuis larticle fondateur de Harold Hotelling de 1931, que le prix des ressources puisables doit, pour tre optimal, intgrer une rente due au caractre rare de la ressource. Cette thorie a connu de nombreux prolongements, comme la rvaluation rgulire des rserves, ou encore lapparition dun substitut en quantit illimite. Aujourdhui, les nergies fossiles (charbons, ptrole, gaz naturel) sont confrontes lapparition dune nouvelle contrainte, qui est le besoin de limiter la croissance des missions de CO2, pour prvenir un effet de serre trop important.

Pour satisfaire cette exigence, plusieurs solutions sont en discussion lchelon international: faire des changements structurels pour diminuer la part des nergies carbones, abaisser lintensit nergtique, diffuser les techniques propres des pays industrialiss aux pays en dveloppement, autoriser les pays riches metteurs financer des projets peu metteurs dans les pays pauvres, etc. Une des manires dimpulser des changements, consiste imposer une taxe sur les nergies fossiles, afin de prendre en compte le cot implicite dutilisation quengendre terme la contrainte de concentration. En effet, mettre une unit de carbone aujourdhui, cest se rapprocher de linstant o il ne faudra plus lmettre, et donc accepter de prendre en charge les cots gnrs dans le futur (Anderson D., Williams R., 1993).Afin de dterminer les relations entre la rente de raret et le prix du carbone, nous clarifierons ces termes et nous exposerons leurs dveloppements thoriques dans la littrature. Nous insisterons sur les diverses signification du cot du carbone, et nous aborderons les aspects socio-institutionnels qui influencent la diffusion des nergies non fossiles. Puis nous prsenterons le modle que nous avons construit afin dapprhender cette dynamique, et nous en commenterons les rsultats.

1 Premire partie: Elments thoriques

1.1 La rente de raret selon Harold Hotelling

La rente de raret, autrement appele rente dusage, est un concept qui trouva sa prsentation classique dans un article de Harold Hotelling (1931).

Une ressource puisable doit-elle tre vendue un prix de march galisant son cot marginal de production, suivant la thorie micro-conomiqueapplique une situation de concurrence pure et parfaite ? Le caractre non renouvelable de la ressource rend la question lgitime pour une raison simple: produire aujourdhui une unit interdit de produire cette unit demain.

Contrairement des ressources renouvelables telles que les produits de lagriculture, les nergies fossiles ne sont consommes quune seule et unique fois, sans possibilit de renouvellement du stock une priode ultrieure. Cest ce que Hotelling veut dire lorsquil indique que sa thorie ne sapplique qu desactifs absolument irremplaables.

Ainsi, produire aujourdhui une pomme de terre qui dgage un profit positif, aussi minime soit-il, est conomiquement rationnel, car cela nentame en rien les espoirs de profits futurs (si on fait abstraction de la dgradation de la productivit des sols). En revanche, produire aujourdhui une unit de ptrole ou de gaz sans dgager de profit (prix fix au cot marginal de production) a des consquence relles sur les espoirs de gains futurs, car cette mme unit ne pourra tre produite nouveau.

1.1.1 Le principe de Hotelling

Dans son article, Harold Hotelling se pose la question dun instrument conomique qui puisse viter un gaspillage et un puisement trop rapide des ressources minires. Si ceux quil appelle les conservationnistes dsirent une action rgulatrice de la part de lEtat, lui nest pas satisfait par ce moyen, et cherche justifier des mesures conomiques telles que la fixation dune taxe. Son raisonnement est motiv par la recherche dun prix exact de la ressource, tenant compte de son non renouvellement.

Si on considre le problme sous langle de lquit intergnrationnelle, alors on peut estimer quun rythme dextraction nest jamais trop lent. Quelle que soit sa faiblesse, on peut toujours arguer quil implique un puisement une certaine date, et que la gnration suivante est alors lse. Mais plus rationnellement, on peut postuler lexistence dun taux optimal dextraction, au sens de lutilit totale. Un monopole aura alors tendance aller en-dea, et imposer par suite au consommateur des prix trop levs. Or les conservationnistes, en prfrant la rgulation la taxation, avantagent les producteurs au dtriment des consommateurs.

Le calcul de cette taxe est cependant impossible, si on veut utiliser la thorie conomique qui repose sur des quilibres statiques. Lexplication est simple, les ressources concernes, par dfinition, ne peuvent pas tre exploites indfiniment au mme taux. Mais chaque instant, une exploitation trop rapide va faire baisser les prix, tandis quune exploitation trop lente va garder des profits pour le futur, mais qui ne seront sans doute pas suffisants pour compenser la perte due lactualisation de leur valeur.

Si le taux dintrt est r, le propritaire du gisement est indiffrent entre recevoir un profit p0 maintenant, qui peut tre plac au taux dintrt, et recevoir un profit p0.ert la date t. Hotelling en dduit que le profit, cest--dire le prix de vente au consommateur moins le cot dextraction, doit tre de la forme pt = p0.ert.

Rappelons que nous parlons bien, ici, du prix net du cot dextraction, et non du prix de vente au consommateur. Donc, si il arrivait que les cots de production baissent sensiblement, alors le prix de vente au consommateur pourrait aller jusqu diminuer.

Si: - la fonction de demande est q = f(p,t)

- les rserves totales sont A

- la date T les rserves sont puises,

alors nous pouvons calculer la valeur initiale de la rente p0, et la date dpuisement de la ressource.

La question de savoir si lpuisement se fait en temps fini ou infini, dpend de la forme de la fonction de demande. Si celle-ci impose un prix maximum, alors lpuisement est en temps fini, contrairement ce qui se passe si la demande est non nulle quel que soit le prix de vente.

1.1.2 Fixation automatique de la rente?

Cette rente est calcule par un raisonnement bas sur le profit du producteur, dans un contexte de concurrence pure et parfaite. Nous sommes donc loin du problme relev par Hotelling, la recherche dune gestion mnageant lutilit sociale. Or, quand il pose le problme sous langle dune optimisation de cette utilit totale, il retrouve le mme rsultat.

La conclusion qui vient naturellement lesprit est celle de lefficacit du laisser-faire.

Or dans la ralit, les gaspillages, au sens de lexploitation des prix ne refltant pas le cot dusage de la ressource, existent contrairement la rationalit conomique mise en vidence par Hotelling. Lexplication repose sur la difficult de transposer dans la ralit une hypothse fondamentale: la connaissance parfaite des conditions, en particulier celle du montant des rserves totales. En fait, de nouvelles rserves sont dcouvertes progressivement, et changent donc les rgles du jeu, par le biais dun abaissement de la rente de raret, conscutive une diminution de cette raret. En plus de a, la soudainet et limprvisibilit des dcouvertes de nouveaux gisements entrane la prcipitation chez les producteurs.

1.1.3 Aller plus loin que Hotelling

La thorie de Harold Hotelling, si elle sert souvent de rfrence aux travaux des conomistes de lnergie, a connu de nombreux prolongements.

Des critiques gnrales ont t formules par Robert Solow (1974), qui fait remarquer que le principe de Hotelling daugmentation de la rente au taux dintrt ne peut tre respect que si les conditions sont dfinitivement fixes. Dans la ralit, des surprises adviennent: rserves en augmentation, apparition dautres substituts, de nouvelles technologies, changements politiques, etc.

Dans ce mmoire, nous nous bornerons prsenter deux prolongements, ainsi que la mise en vidence dune limite dordre pratique.

1.1.3.1 Un cot li la production cumule

Dans le modle de base de Hotelling, celui que nous avons prsent, le cot dextraction est exogne. Dans une partie de son article, il tudie le cas o ce cot dextraction serait galement fonction de la production cumule. Intuitivement, cette hypothse semble justifie, puisqu mesure que les gisement sont exploits, les producteurs doivent aller chercher la ressource dans des conditions plus difficiles.

Le profit actualis, la date t devient: p0ert = [R(q) C(q,Q)], o R est le revenu, q la production de la date t, et Q la production cumule jusqu t.

Levhari et Liviatan (1977)ont cherch formaliser le phnomne, et ont obtenu le rsultat suivant:

o MC est le cot marginal direct, MC* est le cot marginal total, MR le revenu marginal, et T la date dpuisement.

Le revenu marginal doit donc galer le cot marginal total, et non plus seulement le cot marginal direct, puisquil prend en compte laugmentation du cot dextraction avec la production cumule, chaque date. Concrtement, quand il extrait une unit aujourdhui, le producteur doit considrer le cot supplmentaire quil impose toute sa production future, en plus de lopportunit quil annule de produire cette unit lavenir. Ce cot supplmentaire, subi toutes les dates ultrieures, est appel cot de dgradation par Levhari et Liviatan.

Cette hypothse de cot croissant avec la production cumule, telle quelle est formalise ici, a une consquence majeure. En effet, elle prend le contre-pied du modle de base de Hotelling, au sujet du rythme de production. Alors que Hotelling concluait une extraction de plus en plus faible jusqu lpuisement de la ressource, ce modle montre que le sentier de production optimal est croissant avec le temps. On le comprend intuitivement, en observant quil vaut mieux viter que les cots de dgradation soient prsents sur une priode trop longue. Or, diminuer la priode o les cots de dgradation sont prsents, signifie produire le plus tard possible.

1.1.3.2 Introduction dune technologie backstop

Une technologie backstop correspond lide qu une certaine date, la ressource est substituable de manire illimite un certain prix. Concrtement, dans le cas de lnergie fossile, cela revient dire qu la date t, une nergie renouvelable sera disponible un prix p.

On est alors tent den dduire que la rente va tre calculable selon le principe de Hotelling. Il suffit en effet de reprendre le modle de base, en fixant cette fois la date T dpuisement. Lvolution de la rente est identique, mais son niveau initial peut tre directement dtermin.

Pour Geoffrey Heal (1976) les choses ne sont pas aussi simples. Introduire cette technologie backstop est quivalent dire que la ressource est maintenant disponible en quantit illimite. On ne peut donc plus parler de rente de raret, mme sil existe toujours un dcalage entre le cot marginal de production et le prix de vente.

En fait, ce dcalage serait alors d lanticipation de laugmentation des cots dextraction, tendant vers le prix de la technologie backstop, et amplifis par la priorit donne au dpart aux gisements les moins chers.

Ce raisonnement inverse le rsultat de Hotelling, qui prvoit une hausse de la rente. En effet, Geoffrey Heal conclut au contraire une baisse de cette rente, car le prix de vente se rapproche des cots dextraction, alors quil tait au dpart bien plus lev.

1.1.3.3 Valeur ngligeable et prsence dautres rentes

Si un producteur souhaite appliquer le principe de Hotelling, il risque, aprs calculs, de se demander si cela en valait bien la peine.

En prenant comme hypothses un puisement en 50 ans, un prix de vente maximum de 50$ le baril, un cot dextraction de 20$ le baril, un taux de rendement interne de 17 %, alors le producteur conclurait une rente de raret de lordre de 10 cents le baril! (Giraud P-N., 1999) Certains des paramtres peuvent certes tre discuts (on peut par exemple baisser le taux de rendement interne), mais la valeur trouve pour la rente ne serait jamais leve. Ainsi, cette rente ne serait pas plus quun facteur ngligeable dans lvolution du prix du ptrole.

Ce raisonnement, silest appliqu dautres ressources puisables, ne sera pas plus intressant, car les valeurs des paramtres seront encore plus alatoires.

Dans le cas du ptrole, mais ce nest pas le seul, la rente de raret est de toutes faons domine par une autre rente bien plus significative et aux retombes immdiates: la rente diffrentielle. Cette rente fut mise en vidence et thorise par le grand conomiste classique David Ricardo, qui lappliquait au cas des terres agricoles britanniques au dix-neuvime sicle. Elle est aujourdhui applicable la production ptrolire, et sincarne dans lorganisation des pays exportateurs de ptrole (OPEP).

Dans lanalyse de Ricardo, trois hypothses de dpart sont poses: concurrence et mobilit des capitaux(donc prsence dun taux de profit moyen dans lconomie) ; Location de la terre agricole des fermiers capitalistes, qui ont le choix dinvestir dans dautres branches; la demande augmente avec la croissance, et le stock de terre est exploit par ordre de fertilit dcroissant. Dans ces conditions, le prix dquilibre du bl est gal au prix de production sur les terres marginales, cest--dire les terres les moins fertiles dont la demande exige la mise en culture. Il en dcoule que les propritaires des terres les plus fertiles reoivent une rente, car ils peuvent louer leurs terres au mme prix que les propritaires des terres les moins fertiles. Cette rente est appele rente diffrentielle, et sa valeur est gale lcart entre le prix de production et le prix de vente.

Le mme raisonnement peut tre tenu, au XXme sicle, dans lindustrie ptrolire. En effet, les propritaires des gisements du Moyen-Orient ont des cots de production trs infrieurs ceux du Texas ou de Norvge. Le prix de vente se fixe alors par rfrence leurs cots de production, et les producteurs prsents autour du Golfe Persique peuvent bnficier de marges confortables. Si le grand public sait que ce phnomne a t lorigine des nationalisations des entreprises ptrolires, il sait moins que cest une des raisons qui a encourag les Etats-Unis pousser le prix du ptrole la hausse en 1973. En effet, un prix trop bas du baril de brut, d trop forte production des propritaires des gisements les plus rentables, entranait une relle dpendance des Etats-Unis pour son approvisionnement nergtique, car les gisements situs sur son sol devenaient inexploitables conomiquement.

1.2 Effet de serre et prix du carbone

Nous avons, jusqu prsent, considr la consommation des nergies fossiles sous le seul angle de leur puisabilit. Nous avons raisonn comme si leur production ntait astreinte qu des limitations dans les stocks, et que les prix sajustaient de manire former un sentier optimal dextraction.Cependant, le Protocole de Kyoto en 1996 a constitu une tape dcisive dans la prise en compte dautres contraintes, concernant la consommation dnergies fossiles. Les gaz effet de serre (GES) y ont t officiellement dnoncs pour les risques quils font peser sur lvolution du climat, par le biais de leur concentration dans latmosphre. Or le CO2, qui est le GES le plus menaant, est majoritairement rejet dans latmosphre lors de la combustion dnergies fossiles, quand il est dorigine anthropique.

La raret de ces nergies est-elle suffisante pour viter une concentration trop forte de latmosphre en CO2? La contrainte carbone na-t-elle pas au contraire pour effet de dpasser cette raret, en la rendant inoprante? Le carbone contenu dans le ptrole, le gaz ou le charbon, a-t-il alors un prix, en raison du risque quil fait courir la socit mondiale?

Ces notions sont de maniement dlicat, et ncessitent de poser clairement le problme.

1.2.1 Rente dusage de latmosphre

La contrainte carbone, qui est une contrainte de type environnemental, sur la concentration de latmosphre en CO2 ne pas dpasser, transforme latmosphre en une ressource rare. En effet, rejeter du CO2 dans latmosphre peut sinterprter comme une utilisation de ce rservoir, dont les capacits ne sont pas infinies. Mais cette ressource nest pas non plus puisable au sens propre du terme, contrairement lnergie fossile, grce lexistence dautres rservoirs (forts, ocans) qui permettent de la renouveler. En dautres termes, que le plafond de concentration soit atteint (le plafond de concentration tant fix de manire exogne par les acteurs politiques) ne signifie pas quon ne puisse plus rejeter de CO2 dans latmosphre.

Il est important de se poser la question de linfluence de ces deux contraintes sur lvolution du prix des nergies fossiles. Cest--dire, de se demander quelle est la contrainte de raret, nergie ou atmosphre, qui va constituer la rente.

Khalil Helioui a montr que les deux rentes ntaient pas incompatibles, mais pouvaient saccumuler, supposer que latmosphre fusse bien une nergie renouvelable (donc que les ocans ou les forts pouvaient progressivement diminuer sa concentration en CO2).

Tant que les rserves sont trop faibles pour atteindre la concentration maximum, la contrainte carbone nest pas active, et il ny a donc pas de rente de raret de latmosphre. Mais ds que ces rserves permettent une consommation telle que les missions de CO2 sont trop fortes, alors les prix des nergies concernes sont augments de cette rente. En ce qui concerne la rente de raret de lnergie, elle est active toutes les dates.

Mais la rente de raret de latmosphre nest pas constante. En effet, comme les ocans captent une partie du CO2, il nest pas quivalent dmettre une unit de carbone en t et en t+1, deux dates antrieures au dbut dactivation de la contrainte carbone en T. Car plus lmission a lieu tt, et moins elle a dimpact en T, sa contribution rsiduelle sur la concentration tant plus faible.

Pendant la priode de saturation de la contrainte carbone, la rente de raret de latmosphre varie. Lexplication en est quaprs avoir considrablement rduit la consommation dnergie fossile, ce qui a mcaniquement augment la rente en raison de la dcroissance des rendements dusage (le cot de production diminue, et le prix de vente augmente), il est possible de laugmenter nouveau grce la captation par les forts et les ocans.

1.2.2 Prix du carbone comme cot marginal dutilisation

Satisfaire la contrainte carbone implique de limiter les missions (si les rserves sont suffisantes), ce qui a un cot conomique. Celui-ci peut-tre interprt de diverses faons, que nous rcapitulerons dans la section suivante.

Ici, nous nous intressons au cot marginal dune unit de carbone mis. De mme que la finitude des rserves implique de donner un prix lutilisation dune unit dnergie, le besoin de limiter les missions implique aussi un prix, que nous appellerons le shadow price ou prix implicite du carbone. Dune part le carbone mis aujourdhui ne pourra plus ltre demain, du fait de la contrainte carbone, dautre part son mission engendre des cots. Car ne plus mettre demain cette unit de carbone, aura pour consquence de moins produire ou de faire des substitutions entre nergies.

Dennis Anderson et Robert Williams (1993) ont pos le problme formellement, dans le cadre de leurs travaux pour le GEF (Global Environment Facility), organisme dont la mission est dattribuer un prix au carbone mis afin de justifier des projets, qui seraient autrement non rentables.

Leur parti-pris est denvisager les rductions dmissions par le prisme des substitutions nergtiques, plutt que par celui des augmentations defficacit nergtique ou des baisses dintensit nergtique, qui nont quun rle de soutien. Cest pour cela que les cots assumer sont ceux de lutilisation dune technologie backstop (technologie qui permet de produire une nergie totalement substituable, et dans des quantits illimites).

Soit n le cot marginal de cette technologie, et f celui du cot marginal de lnergie fossile. T est la date laquelle doit soprer la substitution. En T, le cot du passage dune nergie lautre est: n f. En t, consommer une unit dnergie fossile nous rapproche du moment o la substitution deviendra invitable. Autrement dit, elle sera lorigine de la substitution de cette unit en T, et devra donc supporter le cotsupplmentaire de sa production :

(n-f)(1+r)-(T-t), qui est gal au cot en T actualis.

Nous en dduisons que le prix implicite du carbone augmente au taux dintrt, jusquau moment o il galise les cots marginaux des deux types dnergie. Ceci nous fait irrsistiblement penser au principe de Hotelling, tel que prsent plus haut.

De manire plus raliste, le changement ne se fera pas abruptement, en T, sur toute lnergie consomme. Si nous attendions la date T pour enclencher le processus de substitution, la contrainte carbone serait viole du fait de limpossibilit darrter compltement les missions de CO2. En fait, le processus sera plus progressif, et T peut tre interprte comme la date laquelle ces substitutions seront ralises sur une grande chelle.

En ce qui concerne le cot marginal de la technologie backstop, il faut reconnatre quil nest pas homogne, entre nergies et entre priodes.

Certaines nergies renouvelables sont dailleurs dj moins chres lutilisation que certaines nergies fossiles, mais seulement pour un certain volume. Car sil tait besoin de les utiliser pour une production nergtique de grande envergure, alors leur cot serait bien plus lev.

1.2.3 Prix du carbone au sens large

Le cot marginal du carbone prsent dans la prcdente section, nest quun aspect du prix du carbone. Sans parler des cots rsultant de lmission de carbone, bass sur les dommages causs par le changement climatique, lui-mme caus en partie par ces missions, il y a plusieurs manires dapprhender les cots dabattement (de rduction) des missions de CO2.

En conomie, il faut dans un premier temps spcifier si nous parlons de cots marginaux, moyens, ou totaux. Ce nest pas une nuance, car il y a des situations o le cot moyen est nul alors que le cot marginal est trs lev. Cela peut arriver quand on est la frontire entre deux paliers : tant quon se situe sur le palier infrieur, les cots sont nuls ou ngatifs (petites conomies dnergie par exemple); mais ds quon veut aller au-del, des moyens importants et coteux doivent tre mis en uvre (constructions de nouvelles structures de production adaptes lutilisation de la nouvelle nergie).

Si la diffrence entre cot marginal et cot moyen est cruciale, la diffrence entre cot moyen et cot total nest quune question dchelle, car la philosophie est la mme: on se base sur la totalit des efforts qui ont t faits, et non la marge.

Ainsi, Hourcade et al (1996) ont dfini une typologie, dans le cadre du second rapport du GIEC, allant du plus micro au plus macroconomique:

Cot technique. Il correspond au cot dbours concrtement pour faire une substitution nergtique ou pour faire des conomies dnergie.

Cot sectoriel. Il prend en compte, en plus du cot technique, limpact que laction de rduction va avoir sur le secteur dans son ensemble.

Cot macroconomique. Les abattements vont avoir des rpercussions sur lconomie, quon peut mesurer en points de PIB.

Cot en bien-tre. Non seulement les actions dabattement vont se traduire par des modifications dans le niveau dquilibre gnral de lconomie, mais elles vont aussi avoir des manifestations plus qualitatives, par des nouvelles rpartitions de la richesse, ou par limposition de nouveaux modes de vie.

Les abattements dmissions de CO2 ont t abords, jusqu prsent, uniquement sous langle de cots montaires, engendrs par les substitutions nergtiques ou les gains defficacit nergtique. Mais ce nest pas la seule dimension prendre en compte, car les capacits montaires ne sont pas la seule condition remplir, comme nous lexpliquons dans la section suivante.

1.3 La substitution: applications concrtes et obstacles socio-institutionnels

En parcourant lexpos jusqu ces lignes, le lecteur se sera sans doute pos les questions suivantes: la substitution nergtique na-t-elle quun cot montaire, et suffit-il donc dinvestir tel ou tel montant pour satisfaire la contrainte carbone? Certaines conomies dnergie, ou substitutions, me semblent ne comporter aucun cot conomique, mais ne sont pas effectues, pourquoi?

Cest pour y rpondre que nous avons choisi de traiter deux aspects, dbordant de la sphre purement conomique, et qui traitent dobstacles physiques, sociaux ou institutionnels.

1.3.1 La diffusion des nergies renouvelables: un bref tat des lieux

Dans cette section, nous rcapitulons ltat davancement de la production des nouvelles nergies renouvelables, ainsi que les perspectives de dveloppement.

Depuis le premier choc ptrolier de 1973, et les besoins des pays industrialiss de repenser leur stratgie nergtique pour pallier la hausse des cours du ptrole brut, les dpenses publiques dans la R&D au profit des nergies renouvelables ont t trs fortes. Le nuclaire nen a pas beaucoup profit pour diverses raisons, son image ngative nen tant pas une des moindres.

On a souvent dit que les rsultats de cette dbauche de dpenses navaient pas t concluants, et que peu de possibilits de grande envergure en taient sorties. La ralit est plus nuance, car ce constat ne sapplique vritablement quaux annes 1970. Dans la dcennie suivante, et encore plus dans les annes 1990, on peut soutenir le contraire, et dfendre cette orientation.

Certes, les nergies fossiles dans lOCDE constituent encore, en 1996, prs de 83% de lnergie totale. Certes, si nous enlevons la part du nuclaire (passe de 4% 11% entre 1980 et 1996), nous constatons une augmentation de la part des autres nergies renouvelables de seulement 1% entre 1980 et 1996 (respectivement 5% et 6%).

Mais si loffre totale de ces nergies propres a peu vari ces vingt dernires annes, il nous faut remarquer que ce sont les nergies dj prsentes en 1980 qui ont eu une croissance forte (Jacobsson S., Johnson A., 2000). Les nouvelles nergies renouvelables peuvent-elles pntrer significativement ce march?

Pour apprcier les progrs faits par ces nergies, et leurs perpectives de dveloppement, il nous faut les observer individuellement, car le march de lnergie est gigantesque, et donc lent modifier en profondeur.

- Bionergie. Cette nergie nest pas nouvelle, on la qualifie mme parfois de traditionnelle, puisque les socits lont de tout temps utilise, ne serait-ce que pour produire de la chaleur. Mais nous assistons aujourdhui son renouvellement dutilisation, grce de nouvelles techniques qui permettent dlargir son champ dapplication (gazification par exemple).

La Sude est le pays en Europe qui a le plus encourag son expansion. Depuis 1978, la bionergie a augment de 3,8 % par an. La Commission Europenne prvoit en Europe un triplement de sa production dici 2010. Ces chiffres restent modrs en relatif, mais ils reprsentent des quantits dnergie importantes dans labsolu.

- Energie olienne. Cest lnergie dont la progression actuelle est la plus rapide dans le monde. Les capacits de production ont eu une croissance cumule annuelle moyenne de lordre de 55% de 1980 1996. Ces chiffres impressionnants, contrairement ceux de la bionergie, doivent toutefois tre relativiss, car le stock initial tait trs petit.

Les cots de production deviennent progressivement attractifs, et nous pouvons attendre de nouveaux progrs. De plus, les perpectives dinstallation dunits de production sur des sites ocaniques, laisse augurer dun potentiel doffre trs fort.

- Energie solaire thermique. Entre 1990 et 1994, la demande de cette nergie a plus que doubl en Europe. Si la technologie des collecteurs solaires, ou panneaux solaires, est considre comme mature et fiable, en revanche le bt blesse dans la diffusion. En effet, de nombreux freins subsistent son utilisation sur une grande chelle: pas de standardisation, difficults de linstallation, manque flagrant desthtisme, peu de possibilits dconomies dchelle dans la chane de production.

- Energie solaire photovoltaque. Cest la plus jeune des nouvelles nergies renouvelables, et elle reste dailleurs peu connue du grand public (ce qui nest pas sans consquence sur son dveloppement comme nous le verrons dans la section suivante). Elle est de plus trs chre produire, mais les rendements dchelle existent, contrairement lnergie solaire thermique.

1.3.2 Carbon lock-in

Les conomies des pays industrialiss sont toutes construites autour dune utilisation massive des nergies carbones. Certes ces nergies furent longtemps considres comme tant bon march et suffisamment abondantes, contrairement aux nergies renouvelables dites exotiques et peu srieuses. Mais alors que le concept de protection de lenvironnement sest popularis, et que les chocs ptroliers ont branl limage bon march du ptrole, les conomies de ces pays industrialiss continuent tre bases sur ces mmes nergies.

Nous allons donc essayer de comprendre quels sont les facteurs qui jouent en faveur de ce paradigme, et dans quelle mesure il devrait persister lavenir.

Lexpression carbon lock-in signifie quune conomie sest enferme dans un systme technologique bas sur les combustibles fossiles, ce processus ayant t caus et aliment par des facteurs dordre technologique et institutionnel.

Les conomistes qui tudient les moyens de mettre en uvre une transition nergtique, se servent de modles bottom-up de type ingnieur, et identifient de nombreuses possibilits de rduction des missions de carbone. De plus, ils remarquent souvent que ces changements nengendreraient pas toujours des cots supplmentaires, et seraient donc justifis sur un plan purement conomique. Cest ce quon appelle des stratgies win-win, car le gain conomique complte le gain environnemental.

Des explications leur absence de mise en pratique rsident dans la prise de dcision au niveau microconomique, qui est parfois victime dun phnomne de myopie. Cependant, des obstacles bien plus importants sont prsents au niveau macroconomique.

La technologie ne doit pas tre apprhende simplement dans ses manifestations individuelles, cest--dire travers les objets utiliss par le consommateur. Pour comprendre le problme qui se pose avec le carbone, il faut plutt dfinir la technologie comme un systme global. Ce systme technologique est le lien, le rseau, entre de nombreux lments, aussi bien physiques, sociaux, informationnels. Si nous prenons lexemple du transport automobile, le systme est compos des voitures individuelles, des routes, des feux de signalisation, des stations services, des moyens de pression politiques de lindustrie automobile, de la presse spcialise, etc.

Les systmes technologiques sont donc complexes, tendus, stables. Il ne faut pas en conclure quils nvoluent pas, mais que cette volution intervient principalement dans la phase de formation du systme. Plusieurs systmes concurrents essaient de simposer, mais arrive un moment o simpose le dominant design. Ce dernier nest pas ncessairement optimal, contrairement ce que prdisent les arguments conomiques, qui postulent lexistence de marchs parfaitement informs, et la prsence dagents la rationalit conomique infaillible. En fait, il peut simposer comme modle dominant la faveur de circonstances historiques, ou parce quil a pu montrer des capacits de rendements dchelle pendant la phase de slection. Ces rendements dchelle ne sont peut-tre pas les plus forts sur le long terme, mais ils sont suprieurs pendant la phase de slection. On peut les matrialiser par une courbe en forme de S, avec une mesure dchelle en abscisse (volume de production par exemple), et une mesure de performance en ordonne. La premire moiti de la courbe est donc symptomatique dun rendement croissant, tandis que la seconde partie reprsente un rendement dcroissant.

Quand on sintresse une maximisation de lutilit sociale, il faut bien sr sintresser la courbe dans son intgralit. Mais quand on essaie de comprendre le processus de slection dun systme, il ne faut plus considrer que la premire moiti de la courbe.

Le lock-in au niveau de lentreprise ou du consommateur est facilement comprhensible. Mais il est plus intressant dessayer de comprendre le problme en intgrant la socit dans son entier, car alors il se renforce. En effet, les agents microconomiques font leurs propres calculs doptimisation, mais ceux-ci sont influencs par lenvironnement qui les englobe.

Dune part il existe des externalits de rseaux, dautre part les systmes technologiques crent entre eux des interdpendances, et le paradigme dominant exerce son pouvoir dinfluence de faon plus abstraite.

Les externalits de rseau proviennent des relations entre les technologies, les infrastructures, les industries, et le consommateur final. Elles sont positives quand la croissance dun rseau entrane une augmentation de sa valeur, et donc de ses participants. Si nous reprenons lexemple de lindustrie automobile, nous comprenons vite que les propritaires dune voiture ont tout gagner un agrandissement du rseau autoroutier. Un effet dentranement se met donc en place, encourageant le maintien de la domination du systme technologique.

Si nous observons plusieurs rseaux, nous remarquons aussi des interdpendances, qui agissent comme des externalits mutuelles. En effet, si ces systmes sont connects, et se servent lun de lautre, alors chacun encourage le maintien de lautre. Quadvienne la disparition de lun, et tous ceux qui lui sont lis vont se retrouver dans une position dlicate, voire dangereuse. Si lindustrie ptrolire tait menace, cest toute lindustrie automobile qui serait touche, ou qui devrait se transformer (adopter une technologie reposant sur llectricit par exemple).

La domination dun systme est galement soutenue par les institutions publiques. Certes limpulsion a t le fait dentrepreneurs, dune industrie. Mais quand le systme sest impos, et que la socit a intrt ce quil se maintienne en place pour les raisons voques prcdemment, alors les institutions publiques voluent de manire lui crer un environnement agrable. Le systme ducatif, les ingnieurs, les techniciens, sont tourns dans sa direction. Le premier conditionne, perptue le paradigme; les seconds amliorent les techniques et les infrastructures dont il se nourrit; les troisimes appliquent ses techniques.

Gregory Unruh (2000) a gnralis ces sources dinertie, en conceptualisant le Complexe technico-institutionnel (CTI). Limpulsion donne par une nouvelle technologie, volue en synergie avec un cadre organisationnel et institutionnel. Les CTI permettent lavnement de systmes technologiques utiles, qui auraient eu beaucoup de difficults simposer naturellement. Mais leur utilit sociale est une justification de laide publique dont ils ont bnfici. Plus tard, quand ce systme deviendra caduque, quand dautres techniques seront plus appropries et plus rentables pour la socit, le mme CTI qui aura permis lmergence du systme en place empchera son dclin. La diffrence tant, qualors ce sera au dtriment de lutilit.

sociale.

Le dveloppement thorique autour des lock-in sapplique parfaitement au cas du carbone. Un CTI puissant sest form dans les domaines des transports et de la production dlectricit, deux domaines qui reprsentent entre la moiti et les trois quart des missions totales de CO2 dans les pays industrialiss, selon le rapport de lIPCC de 1996.

La consquence est que toute avance rapide dans la transformation du systme nergtique est bloque, mme si ces changements sont reconnus comme bnfiques pour la socit. Les structures en place, intgres dans le CTI, freinent ou empchent ladoption de nouvelles technologies, par la forte inertie quimposent leurs intrts.

1.4 La dynamique ressources-rserves des nergies fossiles

Lors de nos simulations par le modle CASE, nous avons besoin de savoir quelle offre dnergies fossiles est susceptible dexister long terme, afin de calibrer le modle. La question est dautant plus importante que nous voulons dterminer si le montant des rserves a une influence forte sur le prix du carbone, ou si la rente ptrolire sera affecte par la taxe sur le carbone fixe pour satisfaire la contrainte environnementale.

Les deux notions de ressources et de rserves sont explicites dans cette section, et sont valables pour les trois nergies fossiles. Mais pour CASE, nous privilgions lutilisation du concept de ressources plutt que du concept de rserves. En effet, dune part le cot de production des gisements dnergie fossile non dfinis comme rserves est difficile anticiper, et on ne peut affirmer quil sera dissuasif. Dautre part, les nergies fossiles non conventionnelles pourront tre produites si la demande est importante, avec les progrs technologiques que nous anticipons (Masseron J., et al, 1991).

1.4.1 Ptrole brut

Le ptrole brut est lnergie fossile dont on prdit la fin avec insistance depuis de nombreuses annes. Son utilisation est si intense, la recherche de gisements fut si importante, que lon a toujours tendance affirmer que lon est maintenant rentr dans sa dernire phase.

En fait, pour essayer dvaluer quelles quantits de ptrole brut seront disponibles dans le futur, quelles sont ses rserves ou ses ressources, il nous faut expliciter prcisment le sens de ce terme.

Comme le montre ce schma, les rserves sont un concept la fois physique et conomique. En effet, pour quun gisement de ptrole brut soit considr comme une rserve, il faut quil soit non seulement localis, techniquement exploitable, mais aussi conomiquement exploitable. Ainsi, certains gisements sont connus, mais restent des ressources tant quils sont inaccessibles avec les techniques du moment, ou que le prix du baril est trop faible pour quils soient exploits.

Cest la conjonction de ces deux facteurs qui explique les fluctuations dans les valuations des rserves mondiales de brut, outre les dcouvertes progressives.

Jusqu prsent, le renouvellement des rserves ptrolires a t assur principalement par i)lexploration, ii)les facteurs gopolitiques orientant les recherches vers de nouvelles rgions, iii)le progrs technique (production, exploration, etc).

Jean-Nol Boulard (1999) a schmatis ce processus de manire claire :

Le progrs technique joue un double rle dans ce processus de transformation des ressources en rserves : il amliore laccessibilit technique aux ressources, et il en rduit le cot daccs.

Ce dernier rle est particulirement important, car la faisabilit conomique prime sur la faisabilit technique : cest elle qui achve de transformer les ressources en rserves.

Notons que la dfinition de rserves peut tre affine, comme le fait le Conseil Mondial de lEnergie (CME). Sont distingues les rserves prouves rcuprables et les quantits prouves en place. Les premires ne sont que la partie des deuximes qui peut tre rcupre. Le rapport des deux donne donc le taux de rcupration.

Constatant limportance du progrs technique dans lvolution de loffre de brut, il faut nous pencher sur la R&D dans lindustrie ptrolire (Alazard N., 1996; Appert O., Boy de la Tour X., 1997).

Elle fut relativement atone dans les annes 50 et 60, car labondance de loffre de brut cette poque nexerait pas de pressions particulires sur la recherche de gisements.

La situation a chang dans les annes 70 avec les nationalisations des producteurs de brut, et les deux chocs ptroliers. Deux vnements qui ont pouss les groupes ptroliers activer leurs recherches de nouveaux gisements.

Dans les annes 80, les efforts dans la R&D ont provoqu de fortes rductions de cots : entre 1980 et 1992, les cots moyens dexploration et de dveloppement exprims en dollars constants 92 par baril, ont t globalement rduits de moiti dans le monde hors Etats-Unis (mme si la baisse des taux dintrt, ou la rduction des marges des paraptroliers, a aussi jou).

Mais les dpenses de R&D chutent dans les compagnies ptrolires, pour au moins deux raisons : les impratifs de court terme de lindustrie sont en opposition avec la R&D, et les difficults sont grandes de mobiliser des capitaux.

Pourtant, lvolution de loffre de brut dpendra fortement de la R&D. En voici quelques exemples (Alazard N., 1996) :

Amrique du nord : mieux connaitre et exploiter le potentiel du Golfe du Mexique, dvelopper les ressources en eau profonde

Amrique du nord : lexploration demande des mthodes trs avances.

Asie : maintenir le taux de production en amliorant le taux de rcupration.

Afrique : exploration en eau profonde (Golfe de Guinne par exemple).

Mer du nord : permettre le dveloppement des cots acceptables.

Moyen-Orient : maintenir le rythme de production des gros gisements.

CEI : rhabiliter lindustrie ptrolire amont.

Le ptrole est une commodit dont le commerce est international. Nulle raison, donc, de diffrencier les ressources par rgions gographiques.

Lestimation du CME pour les rserves prouves de ptrole brut en 1996 est de 1100 milliards de barils. Tandis que son estimation des ressources ultimes est de 1 750 milliards.

1.4.2 Charbons

Si les ptroles bruts ne sont pas tous identiques, et sont dailleurs cots sur le march suivant leur diffrentiel de qualit avec des bruts de rfrence, les charbons se distinguent encore bien plus radicalement entre eux. A tel point que tous ne sont pas en concurrence sur un mme march, et que leurs usages peuvent tre fort loigns.

Lusage le plus rpandu est la combustion, puis vient lutilisation comme agent rducteur dans la mtallurgie, et enfin quelques usages marginaux.

Pour la combustion, lindice de matires volatiles et le pouvoir calorifique, sont deux lments dterminants. Le premier influe sur la vitesse de combustion, quon peut dsirer faible (pour le chauffage domestique) ou forte (pour le chauffage industriel). Le second influe sur la quantit de chaleur dgage par la combustion.

Pour lutilisation comme agent rducteur, llment essentiel est lindice de gonflement, qui doit tre le plus grand possible pour obtenir le coke le plus performant.

Ce vecteur de caractristiques est utilis pour construire des nomenclatures du charbon, qui sont plus ou moins complexes et prcises.

Sans rentrer dans les dtails, on distingue lanthracite (combustion lente et impropre la fabrication de coke), les charbons coke, les charbons-vapeur courants (combustion rapide, plus ou moins utiliss pour le coke).

Mais ces catgories ne sont pas hermtiques, et des procds, tels que le lavage, peuvent faire passer des charbons intermdiaires dans lune ou lautre de ces catgories (Giraud P-N., et al, 1991)

Il ny a donc pas proprement parler de rserves de coke et de rserves de charbon-vapeur, mais seulement des rserves de charbons, dont loffre qualitative varie avec lvolution des techniques et lvolution de la demande (et donc des prix).

Ceci nous permettra de ne considrer que des estimations de rserves et de ressources de charbons toutes catgories confondues. Mme si en toute rigueur, il nous aurait fallu distinguer les rserves de chaque charbon, nous nous en passerons pour deux raisons : i) ces estimations nexistent pas de manire fiable, ii) dans le modle CASE, lconomie nest pas divise en secteurs, or cest largement le secteur qui indique quel charbon est consomm.

Le problme des ressources se pose diffremment, en termes de quantits, que pour le ptrole brut. En effet, non seulement elles sont largement plus grandes, mais en plus elles nont pas donn lieu une prospection incessante.

Leur volume gigantesque, alors mme que le charbon est exploit massivement depuis les dbuts de la rvolution industrielle, est d son origine (Dumon R., 1981). La simplicit du processus de formation du charbon, qui est une roche sdimentaire dorigine organique, contraste avec les conditions gologiques ncessaires la formation des hydrocarbures (ptrole et gaz naturel). Quant la relative absence de prospection agressive, elle sexplique justement par labondance des rserves.

Les ressources de charbons peuvent tre considres comme des ressources mondiales et non rgionales. Le faible cot de transport de cette nergie, aussi bien par terre que par mer, en est la raison principale. Ajoutons que le charbon pourra tre produit dans le monde entier, et que les lieux de consommation nen seront donc jamais trs loigns.

Lestimation du CME pour les rserves en charbons est denviron 1 000 milliard de tonnes. Quant aux ressources, personne ne se risque en donner la valeur, pour les raisons voques au-dessus. De plus, les rserves sont dj amplement suffisantes pour faire tourner lconomie pendant encore trs longtemps.

1.4.3 Gaz naturel

Le gaz naturel, moins utilis que le charbon dans lhistoire de lindustrialisation, moins clbre que le ptrole au caractre indispensable et laura stratgique, moins encens que les nergies renouvelables aux vertus environnementales, et moins menaant que le nuclaire, est une nergie dont limportance saffirme et dont les caractristiques lui ouvrent un bel avenir nergtique.

Tant sa production que sa consommation et son commerce croissent au niveau mondial. Cest une nergie qui a au moins deux qualits. Dune part elle peut servir de substitut dautres nergies dans de trs nombreux usages (la plupart des applications industrielles et le secteur tertiaire), et dautre part elle est relativement peu polluante entre autre pour les missions de GES.

Alors que le gaz naturel a souvent t dcouvert au cours de recherches de ptrole brut, on parle alors de gaz associ, sa consommation a mis du temps atteindre une part importante de la consommation nergtique totale. La raison principale en est la difficult et la faible rentabilit conomique de son transport. Ce qui a fortement entrav sa diffusion et ses changes. Cest pourquoi de grandes quantits de gaz naturel ont t gaspilles dans le pass, et le sont encore dans des zones peu dveloppes (Chabrelie M-F., 1997).

Deux modes de transport sont possibles actuellement : le gazoducs et les mthaniers. Les gazoducs furent le premier moyen de transporter du gaz naturel ou manufactur, dans des quantits industrielles. Mais pour des raisons physiques, cest un moyen de transport moins rentable que pour le ptrole brut, car le nombre de thermies circulant dans une canalisation est bien plus grand sous forme liquide que sous forme gazeuse.

Ce problme de cot, renforc dans le cas o il faudrait creuser sous la mer, a encourag le dveloppement de la deuxime forme de transport du gaz depuis les annes 1960 : usage de bateaux aprs liqufaction du gaz naturel. Si cette solution technique est bien plus intressante que les gazoducs pour relier des continents ou de simples les, elle ne peut encore rivaliser avec les faibles cots de transport dnergies telles que le ptrole ou les charbons. Pour cette raison, les changes internationaux sont encore largement justifis par des besoins stratgiques. Un bon exemple est celui du Japon, qui sest tourn vers les immenses rserves de gaz de lAsie du Sud-Est aprs le premier choc ptrolier.

A lavenir, le transport GNL (Gaz Naturel Liqufi, par les mthaniers) devrait augmenter plus fortement que celui des gazoducs.

Tous les scnarios de prvision de la demande nergtique mondiale donnent une place privilgie au gaz, principalement pour la production dlectricit. Et linstabilit et les incertitudes des marchs ptroliers sont la base de la croissance rgulire et soutenue du gaz naturel dans lapprovisionnement nergtique mondial.

Mais le gaz naturel tant une nergie majeure depuis relativement peu de temps (14% de la demande dnergie primaire commerciale mondiale en 1960, contre presque un quart aujourdhui), la recherche de gisements a t peu importante par rapport la recherche de gisements de ptrole (o lon trouve gnralement aussi du gaz). Les rserves mondiales prouves de gaz naturel voluent donc trs vite, et il est difficile de pouvoir se fier aux chiffres actuels : elles ont augment de prs de 300% entre 1970 et 1990, et de 15% de 1990 1996. Dautant plus que le nombre des pays encourageant la prospection sur leur sol est en trs forte croissance.

La CEI et le Moyen-Orient reclent la majeure partie des gisements gants et supergants connus, avec respectivement 40% et 30% du potentiel mondial. Derrire, lAsie voit les dcouvertes se multiplier en Malaisie, Indonsie et Australie. Situs proximit de zones de marchs dynamiques, leur activit dexploration est renforce.

Enfin, lAmrique latine, lAfrique du nord et lEurope, devraient mettre au jour de grands gisements dans le futur.

Les infrastructures se mettent en place, et de nombreux projets dexportation sont en cours de construction. Cest pourquoi nous avons dcid de ne considrer que des ressources mondiales et non rgionales, mme si trois marchs du gaz naturel continuent se distinguer : Asie, Europe, Amrique du nord.

D. Finond et C. Locatelli (1999) pressentent mme dj des opportunits dexportation en Extrme-Orient partir de lAsie Centrale ou de la Sibrie.

Lestimation des rserves prouves de gaz naturel par le CME est de 141 trillions de m3, contre sans doute 155 trillions de m3 en 1998. Lestimation la plus optimiste des ressources ultimes est de 450 trillions de m3.

2 Seconde partie: Le modle CASE

2.1 Prsentation du modle CASE

CASE est un modle intgrant des quations de croissance conomique la Ramsey-Solow (Ramsey F., 1928), ainsi que des contraintes environnementales lies la concentration en CO2 de latmosphre.

Les deux aspects, croissance conomique et contrainte environnementale, sont lis par le facteur nergtique. En effet, lvolution de la concentration de latmosphre en CO2 est largement provoque par les missions industrielles de CO2, elles-mmes causes par la consommation dnergies fossiles.

Lnergie nest pas considre comme un facteur de production, mais comme un poste de consommation supplmentaire, en cas de substitution nergtique.

Alors quexiste un sentier optimal dvolution des parts de chaque nergie dans la satisfaction du besoin nergtique, limposition dune contrainte sur les missions de CO2 conduit effectuer des substitutions entre nergies. Ces substitutions se font au dtriment des nergies fossiles, et lavantage des nergies renouvelables. La consquence est que les dpenses dabattement augmentent, et que linvestissement et la consommation diminuent. La croissance future et lutilit sociale sont donc diminues.

De plus, les rserves dnergies fossiles sont intgres, car elles reprsentent aussi un cot en contraignant un transfert vers les nergies renouvelables, ou en forant un gain dintensit nergtique.

2.1.1 Consommations nergtiques

Lconomie repose sur des consommations nergtiques, qui permettent dassurer la production. A une production donne (exprime en dollars) correspond une consommation nergtique exprime en units calorifiques (joules), et il nest possible de produire plus avec autant dnergie quau prix dun gain dintensit nergtique.

2.1.1.1 Intensits nergtiques

Les intensits nergtiques sont des valeurs qui expriment le lien entre une quantit de biens produite, et une quantit dnergie consomme.

Dans CASE, elles sont dsagrges au niveau des rgions, et introduites pour affermir les liens avec les scnarios SRES. En effet, tous les pays, et a fortiori toutes les rgions, nont pas la mme intensit nergtique, car celle-ci est trs dpendante du mode de dveloppement existant.

On peut considrer lintensit nergtique de rfrence comme une contrainte, dans le sens o elle tablit un lien forc entre la consommation nergtique et le PIB.

2.1.1.2 Dcomposition en parts

Lnergie est dcompose en :

gaz naturel G

ptrole P

charbons H

autres nergies (nuclaire, hydraulique, biomasse) N

nergie fictive E, correspondant des gains dintensit nergtique.

Les consommations de ces nergies sont reprsentes par leurs parts dans la consommation nergtique totale, en terme de contenu nergtique :

Parts des nergies

2.1.1.3 Contraintes sur les rserves

En dehors de leur caractre metteur de CO2, qui les handicape quand intervient la contrainte environnementale, les nergies fossiles ont aussi la spcificit dtre en quantit limite.

Lutilisateur peut donc les affecter de rserves totales utilisables, do les trois conditions suivantes (on considre que les autres nergies sont illimites lhorizon considr) :

Contrainte sur les rserves en gaz

Contrainte sur les rserves en charbon

Contrainte sur les rserves en ptrole

2.1.2 Emissions de CO2La contrainte environnementale que nous prenons en compte drive des missions de CO2. Ces missions sont la rsultante de la consommation dnergies fossiles, ainsi que du changement dutilisation des sols.

2.1.2.1 Emissions industrielles de CO2Les missions industrielles de CO2 sont calcules partir des consommations des trois nergies fossiles, et des coefficients standards de conversion. Ces coefficients expriment la quantit de gigatonnes de carbone mises, pour la consommation dun volume dnergie quivalent 1 exajoule (1018 joules).

Nous considrons que les autres nergies nmettent pas de CO2. En ralit, la combustion de biomasse, par exemple, met du CO2. Mais leurs coefficients dmissions sont largement infrieurs, quand on considre lensemble des nergies renouvelables, et il est donc possible de les prendre gaux 0 :

Emissions industrielles fossiles de CO2 par rgion

Emissions industrielles fossiles totales de CO22.1.2.2 Autres missions de CO2Les autres missions de CO2 sont dues aux changement dusages de la terre, de type dforestation. Elles sont dcomposes par rgion, et peuvent tre trs diffrentes dune rgion lautre et dune priode lautre.

2.1.3 Cots dabattement

Les cots dabattement sont considrs sous langle des substitutions entre nergies.

En effet, dcider de rduire ses missions de CO2, revient, selon notre approche, utiliser plus dnergies peu ou non mettrices, et moins dnergies fortement mettrices.

Ces substitutions peuvent tre concrtes, lorsquil sagit de diminuer la part des nergies fossiles au bnfice dnergies renouvelables. Mais elles peuvent aussi tre fictives, lorsquelles correspondent un gain dintensit nergtique, au dtriment dnergies fossiles.

Cette substitution entre nergies est calcule partir dune situation de rfrence chaque priode. Cette situation est celle des scnarios SRES tudis, sans politique dabattement particulire.

2.1.4 Module de croissance et contrainte environnementale

Le modle fait une optimisation sur lutilit actualise, qui est calcule partir des consommations par tte, pondres par le volume de population.

Cette formule permet dviter de privilgier des rgions riches mais relativement peu peuples, ainsi quune rpartition trop ingale (un PIB par tte faible a plus dimpact ngatif quun PIB par tte fort na dimpact positif).

Les variables de commande sont : la consommation, et le partage de la consommation nergtique entre les quatre nergies considres.

La fonction objectif est :

EMBED Equation.3

o est la fonction dutilit, et Rt le taux de prfrence pur pour le prsent, croissant de manire dcroissante.

Le PIB se rpartit entre consommation, pargne, et cots dabattement. Cest la contrainte de budget :

La production seffectue partir de capital et de population, selon une fonction de Cobb-Douglas, et la productivit totale des facteurs varie avec le progrs technique autonome et la proportion de population active dans la population totale (deux effets contenus dans Ati) :

La variation de capital dpend dune part de linvestissement, et dautre part de la dprciation naturelle ( :

La concentration de latmosphre en CO2 volue en fonction des missions actuelles, et de la concentration passe de latmosphre et de la couche suprieure des ocans :

La concentration en CO2 de la couche suprieure des ocans volue en fonction de la concentration de latmosphre et de la couche infrieure des ocans, ainsi que de sa propre concentration passe :

La concentration en CO2 de la couche infrieure des ocans volue en fonction de la concentration de la couche infrieure des ocans, ainsi que de sa propre concentration passe :

La concentration en CO2 ne doit pas excder une certaine valeur chaque priode, ce qui constitue la contrainte environnementale : Mt ( M*

2.1.5 Rcapitulatif des constituants du modle

2.1.5.1 Variables exognes

(tiintensit nergtique de rfrence de la rgion i la priode t (EJ par trillion $)

Etila consommation nergtique totale de la rgion i la priode t (EJ)

Ltipopulation de la rgion i la priode t (millions)

Atitaux de productivit totale des facteurs

g0ti, p0ti , h0ti , n0ti, e0tiles parts nergtiques de rfrence

LUtiles missions de CO2 hors missions industrielles de la rgion i la priode t (GtC)

Rtle taux de prfrence pure pour le prsent chaque priode

(hti, (pti, (gti, (nti, (etiles cots de substitution des nergies de la rgion i la date t (trillions $ par % de substitution)

2.1.5.2 Variables endognes

Ytiproduction de la rgion i la priode t (trillions $)

Cti consommation de la rgion i la priode t (trillions $)

gti, pti , hti , nti, etiparts nergtiques de la rgion i la priode t

Gtimissions industrielles de CO2 de la rgion i la priode t (GtC)

CAticots dabattement de la rgion i la priode t (trillions $)

u(Cti, Lti)fonction dutilit sociale de la rgion i la priode t

Itiinvestissement de la rgion i la priode t (trillions $)

Ktistock de capital de la rgion i la priode t (trillions $)

Mt concentration en CO2 de latmosphre (GtC, avec 1 ppm ( 0,47 GtC)

MUPt concentration en CO2 des upper oceans (GtC)

MLOt concentration en CO2 des lower oceans (GtC)

2.1.5.3 Paramtres

h*, p*, g*contraintes sur les rserves des nergies fossiles (EJ)

(, (, ( coefficients pour les missions de CO2 par consommations dnergies fossiles (GtC par EJ)

((0) taux dactualisation initial

(taux de dprciation du capital

(11, (12, (21, (22, (23, (33taux de captation des trois puits (% par priode)

M0, MUP0, MLO0concentrations initiales des trois puits (GtC)

M*contrainte sur la concentration en CO2K0istock initial de capital (trillions $)

2.2 Les scnarios SRES

LIPCC, dans son travail divers sur tout ce qui touche au problme de leffet de serre, a mis au point des scnarios sur lvolution des missions de GES. Ces scnarios sont regroups dans des rapports spciaux, les SRES, dont le dernier fut commenc en 1996. Cest celui auquel nous ferons toujours rfrence dans ce mmoire.

Dans ce SRES, six groupes modlisateurs se sont attels la formation dun total de 40 scnarios quantifis. Ces 40 scnarios sont rpartis en nombre gal dans 4 familles, chacune reprsentant une certaine vision du monde futur, dcrite par un synopsis littraire, pour reprendre la formule de Franck Lecocq.

2.2.1 Facteurs influents

Le travail de modlisation a t prcd dune rflexion sur les lments qui peuvent orienter le volume dmissions de GES. En effet, si les missions de GES sont la variable intressant les modlisateurs, le monde conomique prsent dans les modles doit intgrer le mieux possible tous les facteurs pesant sur ce volume dmissions.

Par exemple, on pense immdiatement la richesse produite ou bien aux technologies utilises. Mais dune part linfluence de ces facteurs doit tre cerne prcisment (une richesse redistribue a-t-elle le mme impact quune richesse ingalement rpartie?), dautre part il faut aller plus loin dans la dtermination de lensemble de ces facteurs.

Les facteurs dinfluence sont prsents dans ce quon appelle communment lidentit de Kaya:

missions de CO2 = Population * (Pib/Population) * (Energie finale/Pib) * (missions CO2/Energie finale)

Ainsi, un taux daccroissement de chacun de ces quatre lments (Population, richesse par tte, intensit nergtique, intensit en carbone de lnergie) provoque un taux daccroissement identique des missions.

Mais ceci fait abstraction de la ralit, cest--dire des liens existant entre les volutions de ces variables, car leur indpendance est alors postule.

Citons trois raisons fortes de ne pas adhrer laspect rducteur de cette identit, ( la relation additive entre les taux daccroissement des quatre composants et des missions) :

Une premire raison est lhtrognit spatiale. Un accroissement de population dans un pays sous-dvelopp naugmentera pas les volumes dmissions autant quun accroissement de la population dans un pays industrialis.

Une deuxime raison est le lien dj maintes fois dmontr entre la richesse et la dmographie. Non seulement une socit qui se dveloppe conomiquement a tendance baisser son taux de fertilit, mais en plus la richesse permet de jouer sur le taux de mortalit par les biais de la sant et de lducation entre autre.

Une troisime raison rside dans la marge de manoeuvre accorde aux abattements par la richesse. Un pays pauvre ne peut procder des substitutions nergtiques chres, aussi facilement quun pays riche, dont lopinion sera, de plus, souvent mieux sensibilise aux problmes denvironnement.

2.2.2 Population

Trois trajectoires ont t reprises dans la littrature (ONU et IIASA), et reprsentent des variables exognes dans les modles du SRES.

La pyramide des ges devrait voluer, selon toutes les projections, vers une plus grande proportion dindividus plus gs. Les effets sur lconomie en gnral sont cependant difficiles cerner, car ils existent dans les deux sens : plus dpargne disponible, moins de main duvre disponible, etc. Nanmoins, la corrlation inverse entre richesse par tte et augmentation dmographique est plus ou moins reprise dans les modles.

2.2.3 Dveloppement conomique

Le PIB par tte est lindicateur de loin le plus utilis pour dcrire le dveloppement conomique, et lIPCC ne droge pas la rgle. Si cet indicateur est assez fiable pour comparer des pays dvelopps entre eux, en revanche il est trs insuffisant pour dcrire lactivit des PVD. Cette remarque nest pas sans importance dans ltude de modles dont lobjectif final est de dterminer des missions de GES, donc des consommations dnergie. En effet, ces consommations dnergie dans une majorit de pays sont difficiles valuer, car elles ne sont pas enregistres (Bruno Lautier, 1994). Or non seulement la part de cette consommation restera peut-tre importante, mais si ce ntait pas le cas, les relations entre PIB, nergie et missions de CO2 deviendraient tout fait diffrentes dans le futur (du fait de la prise en compte dune consommation autrefois ignore).

La relative simplicit de lindicateur PIB par tte ne le rend toutefois pas particulirement ais manipuler dans le domaine de la prospective. En effet, le rle des institutions, le changement technologique, les changements structurels, sont autant de variables qui affectent le PIB en jouant sur laccroissement de la productivit, mais qui lui restent exognes.

Selon le SRES, le dveloppement conomique va dpendre aussi bien de la crativit technologique et institutionnelle des pays dvelopps, que de sa diffusion dans les pays non encore industrialiss. Mais cest dans ces derniers que lincertitude est la plus grande, que lventail des scnarios est le plus large.

2.2.4 Intensit nergtique

Lintensit nergtique indique combien dunits nergtiques sont utilises pour produire une unit de PIB.

Elle est dtermine dans son volution par au moins trois effets, comme ils sont gnralement dcomposs (Jacques Percebois) :

leffet contenu, qui signifie que lefficacit nergtique a vari dans un secteur au moins , puisquon peut produire autant avec plus ou moins dnergie

leffet structure, qui signifie que lconomie a vu le poids de ses diffrents secteurs changer, puisquun mme PIB est atteint avec plus ou moins dnergie, alors que lefficacit nergtique na pas vari.

leffet activit, qui signifie quune baisse ou une hausse de PIB sest reporte mcaniquement sur la consommatin nergtique, toutes choses gales par ailleurs.

La relation mathmatique est la suivante :

o EFi est la consommation dnergie finale du secteur i, VAi la valeur ajoute du secteur i, Y le PIB, R le rsidu.

2.2.5 Ressources nergtiques

Les missions de CO2 tant en grande partie dues une consommation dnergie, les ressources nergtiques sont llment qui permet davoir une ide des limites aux missions de CO2. Le SRES sinterroge sur les liens futurs entre lvolution technologique et le dveloppement des ressources, adoptant donc une approche dynamique, mme si les volumes futurs de combustibles fossiles et renouvelables sont construits dans les scnarios, sur la base de la comprhension actuelle et de la littrature disponible.

Ainsi, les rserves-ressources dnergies ne sont pas tant une contrainte fixe au dpart, et qui ne changerait pas, mais plutt une variable endogne, voluant au fur et mesure des dveloppements conomiques et technologiques (prix et mthodes de production). Dans certains scnarios les nergies non conventionnelles seront donc utilises mondialement (le scnario A1B MARIA que nous utilisons pousse dailleurs cette logique lextrme), alors que dans dautres le cloisonnement rgional et la faiblesse du progrs technologique encourageront les nergies renouvelables.

2.2.6 Quantification des scnarios

2.2.6.1 rdaction des synopsis

La rdaction des synopsis a t loccasion de rflchir sur la manire de prendre en compte les interactions entre les facteurs dinfluence. En effet, lexpos dun scnario global intgrant lvolution de nombreux aspects de lconomie, dont ceux qui influencent plus directement lvolution des missions, permet de vrifier la cohrence de lensemble (selon les diverses conclusions aperues dans la littrature).

Mais aucun synopsis, et aucun scnario correspondant un synopsis, nest plus probable quun autre, ce sur quoi insistent fortement les rdacteurs du SRES. De plus, il faut rester conscient de labsence de prise en compte de bifurcations imprvisibles, causes par des surprises ou des catastrophes.

Les quatre familles de scnarios (chacune dcrite par un synopsis) dcrivent des mondes futurs gnralement plus riches que maintenant. Les synopsis nincluent pas de politique particulire sur le changement climatique, mais aucune nest sans politique. Ce qui signifie que tel ou tel synopsis peut intgrer une proccupation environnementale, sans toutefois que cette politique ait des objectifs prcis sur une limitation de la concentration en GES.

2.2.6.2 Contenu des quatre synopsis

Nous dcrivons maintenant les quatre futurs imagins par le SRES.

2.2.6.2.1 Famille A1

Le dveloppement conomique est rapide, la croissance du PIB monde est forte, et il y a convergence entre les PIB par tte des quatre rgions. La distinction entre pays riches et pays pauvres sestompe donc largement lhorizon 2100.

Lconomie de march se gnralise dans le monde, tous les pays sy ralliant.

Lducation et lpargne sont privilgies dans les mnages (favorisant croissance et productivit). Aux niveaux national et international, linvestissement et linnovation sont forts dans les domaines de lducation, de la technologie et de des institutions.

Les populations sont mobiles, ainsi que les ides et la technologie, suivant en cela un phnomne de mondialisation par la communication.

Des progrs touchent les transports et les communications, et les politiques dimmigration changent en souvrant.

La croissance dmographique est contenue, et longue esprance de vie et familles rduites se gnralisent, sur le modle occidental.

Les ressources nergtiques et minrales sont extraordinairement abondantes du fait du progrs technique rapide : plus defficacit nergtique, mais aussi plus de ressources conomiques disponibles et des besoins en nergie toujours croissants pour satisfaire la demande. Lintensit nergtique baisse de prs de 1,3% par an.

La consommation alimentaire se tourne vers la viande et les produits laitiers, et dlaisse relativement les crales.

2.2.6.2.2 Famille A2

La diffrence principale avec A2 est labsence de convergence au niveau global : moins de flux, plus dautonomie en ressources, des interactions (conomiques, sociales, culturelles) augmentant moins vite, un clivage nord-sud tojours vrai en termes de richesse, les technologies et le capital se diffusant peu.

La croissance dmographique est donc forte, surtout dans les PVD, avec linfluence constante des cultures locales.

Le PIB par tte est faible globalement, ainsi que le progrs technologique.

Le faible progrs technologique empche de faire appel aux hydrocarbures non conventionnels, et la faible proccupation environnementale permet de compenser ce manque en usant largement des ressources de charbons. Dautant plus que la rgionalisation conomique limite les changes dnergies.

Lintensit nergtique ne diminue alors que faiblement, de 0,5 0,7% par an.

2.2.6.2.3 Famille B1

Le monde a une trs forte considration des problmes denvironnement et des problmes sociaux. Se dveloppe donc une approche soutenable pour le dveloppement.

Le changement technologique est important car dsir, et non comme un facteur li au dveloppement conomique. Ce dernier est quilibr, avec une convergence des PIB par tte, et est relativement fort.

Les fruits de la croissance sont investis largement dans laugmentation de lefficacit de lutilisation de la ressource, ainsi que pour les problmes dquit, sociaux et denvironnement.

La croissance dmographique est faible, en raison principalement dune convergence socio-culturelle globale dans le monde, comme dans A1.

Les transports sont limits en zone urbaine, et lagriculture devient propre.

Les ressources nergtiques sont abondantes et disponibles mondialement.

2.2.6.2.4 Famille B2

La considration environnementale et sociale est forte, comme dans B1. Mais la coopration internationale, les changes dides, lapproche globale, disparaissent comme les rgions de replient sur elles-mmes. Les dcisions se prennent localement et rgionalement. Les politiques sont donc communautaires autant que technologiques et environnementales.

Le dveloppement conomique est assez faible, cest en tout cas le plus faible des quatre synopsis.

Les diffrences de revenu nord-sud ont tendance sattnuer, mais les diffrences locales persistent en raison de la faiblesse de la coopration.

Les rserves dhydrocarbures naugmentent pas de manire significative au-del des rserves non conventionnelles, mais la technologie permet davoir accs des volumes consquents. Nanmoins les options non fossiles sont loin dtre ngliges.

2.2.7 Scnarios de rfrence

Ltape suivante est de modliser les synopsis afin dobtenir des scnarios dmissions.

Six groupes modlisateurs ont quantifi les synopsis. Pour chacun, un modlisateur a eu la responsabilit de crer le scnario de rfrence. Le choix du groupe modlisateur a du rflter i) laquelle des quantifications reflte la mieux le synopsis ii) les capacits des modles relativement au contenu du synopsis iii) lusage de modlisations dapproches diffrentes pour les scnarios de rfrence.

Donc, les scnarios de rfrence ne sont pas ncessairement une moyenne dans une famille de scnarios, mais plutt ceux considrs comme illustrant le mieux un monde dcrit par un synopsis. Leur ont t ajouts 36 scnarios, pour atteindre un total de 40.

Les six modles ont des aggrgations rgionales diffrentes. On les a donc runis en formant quatre grands groupes rgionaux :

OCDE 90 : les pays appartenant lOCDE en 1990 (correspond aux pays de lAnnexe II de la Convention Climat.

REF : les pays de lest europen et de la CEI (Annexe I moins Annexe II).

ASIA : les pays en dveloppement dAsie.

ALM : le reste du monde

Les trois facteurs dinfluence, population, PIB par tte, et consommation dnergie, sont harmoniss troitement dans chaque famille (leurs valeurs rgionales tant, soit gale pour la population, soit variant dans une fourchette de 5% et 10% par rapport au scnario de rfrence respectivement pour les deux derniers).

Par contre, la part des nergies fossiles est libre, et est un facteur primordial de diffrenciation qui dtermine les carts entre les scnarios en termes dmissions de CO2.

2.3 Calibrage du modle CASE

Le modle se base sur des quations reprsentant un objectif, des phnomnes conomiques et environnementaux, et des contraintes respecter.

Cependant, plusieurs de ses paramtres et variables exognes doivent tre fixs, de sorte que les rsultats soient cohrents. En effet, le contrle optimal (une optimisation inter-temporelle) tant un calcul complexe, il est parfois difficile de prvoir la manire dont le modle se comporte. Et des modifications relativement faibles de ces paramtres ,ont une influence majeure sur les rsultats obtenus.

2.3.1 Calibrage du module conomique

Le modle CASE est compos dun modle de croissance la Ramsey-Solow et est rgionalis, ce qui nous incite faire le calibrage du module conomique partir de RICE-99 (Nordhaus W., Boyer J., 2000).

Le but est de chiffrer certains paramtres, de manire avoir un modle qui optimise des trajectoires de croissance identiques celles dautres scnarios. En loccurrence, nous nous basons sur le scnario A1B MARIA, et nous dterminons les paramtres capital initial et productivit totale des facteurs.

2.3.1.1 Le taux dintrt de lconomie

Nous calculons les taux dintrt rgionaux de RICE-99, puis nous ajustons nos paramtres afin de retrouver des valeurs proches.

Le taux dintrt r de lconomie est celui auquel il est quivalent dpargner ou dinvestir. Ceci se traduit, pour une anne donne, par lquation suivante :

Les priodes du modle tant de dix ans, et laugmentation de capital investi au dbut de la priode engendrant la mme augmentation de PIB chaque anne, nous obtenons, pour une unit dinvestissement et pour une priode:

La fonction de production de RICE-99 inclut lnergie comme facteur de production. Ainsi, le taux dintrt est le suivant:

Quand nous avons calcul ces taux dintrt rgionaux de lconomie, nous pouvons valuer le capital et la productivit totale des facteurs. Nous utilisons la relation ci-dessus et la fonction de production. Nous obtenons:

2.3.1.2 La productivit totale des facteurs

Quand K0i et A0i sont obtenus, il reste fixer lvolution de la productivit totale des facteurs. En effet, quand nous tablissons sa croissance partir de la premire valeur, la croissance du PIB obtenue diffre sensiblement de celle du scnario SRES de rfrence.

Alors, nous dcidons de lancer loptimisation pour les quatre rgions sparment, une premire fois avec les valeurs de Ati suivant lquation dvolution de RICE-99, puis, chaque nouvelle itration, avec de nouvelles valeurs calcules suivant lquation suivante:

Cest--dire que la dtermination des Ati se fait de manire les faire converger vers des valeurs qui assurent une quivalence entre les PIB de rfrence et ceux que nous obtenons par le modle CASE.

2.3.2 Calibrage du module environnement

La fonction de cot dabattement que nous utilisons est dlicate manipuler, car sa structure est diffrente de celle des fonctions dabattement gnralement utilises. Elle reste relativement abstraite, mais nous tenterons de prciser sa signification.

Nous considrons un panier de cinq nergies, comprenant lnergie fictive dont le sens sera prcis plus bas. Chaque nergie est reprsente par sa part en contenu nergtique dans lensemble des nergies utilises dans lconomie. La somme est donc gale un.

2.3.2.1 Consommation nergtique dune conomie sans contrainte

Sans la contrainte carbone, cest--dire sans lexistence dun plafond de concentration de latmosphre en CO2 ne pas dpasser, lconomie aurait besoin dune certaine quantit dnergie. Cette nergie totale serait dcompose par les diverses nergies disponibles, la rpartition dpendant du montant des rserves, du cot de production et dutilisation, de lvolution technique, de lvolution sectorielle, du caractre mondialis des changes, des proccupations environnementales, etc.

Pour prendre deux exemples, une dmatrialisation de lconomie ferait chuter lintensit nergtique et permettrait de produire un certain PIB avec une consommation nergtique nettement moindre; une rgionalisation socio-conomique freinerait ladoption de techniques nouvelles dans les rgions les moins dveloppes (absence de catch-up), et limiterait la mondialisation des rserves dnergies fossiles.

2.3.2.2 Contrainte carbone et ajustements conscutifs

Lintroduction dune contrainte carbone introduit le besoin dun dveloppement diffrent de lconomie mondiale. La ncessit davoir une concentration en CO2 de latmosphre un certain niveau oblige limiter ses missions. Celles-ci sont dfinies selon un choix inter temporel, qui dpend des quations dvolution des concentrations des diffrents puits de carbone (atmosphre et ocan profond et de surface), ainsi que de lobjectif davoir une consommation totale actualise qui soit maximale.

Cette limitation des missions de CO2 peut tre atteinte, aussi bien par un moins de production, quune baisse du volume dnergie ncessaire la production dune unit, ou encore par des substitutions nergtiques (plus dnergie propre en carbone et moins dnergie fossile).

CASE connat les parts nergtiques dune conomie sans contrainte carbone, et il fait larbitrage entre ces diffrentes alternatives pour obtenir la plus forte consommation totale actualise.

2.3.2.3 Introduction de lnergie fictive

Quand nous faisons tourner le modle avec la contrainte carbone, nous lui prcisons quelles sont les parts de chaque nergie: charbon, ptrole, gaz, autres (comprenant le nuclaire, les nergies renouvelables, la biomasse).

Mais nous ne pouvons pas occulter les diffrences dintensit nergtique qui existent entre les conomies, avec et sans cette contrainte. En effet, supposer que le modle optimise partir des anciennes parts nergtiques, il ne pourrait pas utiliser le moyen de la baisse dintensit nergtique pour atteindre la contrainte de manire optimale. Or, nous pouvons remarquer que les scnarios SRES en particulier, et les scnarios de croissance sous contrainte nergtique en gnral [introduire des exemples], utilisent tous cette alternative pour atteindre leur objectif.

Alors, si nous voulions calibrer en introduisant les intensits nergtiques du scnario dabattement, nous ne prendrions pas en compte le cot de cet effort supplmentaire: la baisse dintensit nergtique est prsente sans contrainte, mais elle est accentue avec cette dernire. Et si nous voulions calibrer en gardant les intensits du scnario sans abattement, alors nous priverions le modle dun outil invitable.

Mais comment intgrer cet outil? Notre choix est de modliser lintensit nergtique avec lintroduction dune nouvelle nergie, que nous appelons fictive. Cette solution a le mrite de permettre CASE de provoquer une baisse dintensit nergtique, un cot dtermin, si ceci est plus avantageux que de passer dnergies au fort contenu en carbone des nergies plus propres.

Cette mthode implique de recalculer les parts nergtiques.

Avec les nouvelles parts, leur somme doit rester gale un, donc:

ha + pa + ga + na + ea = hs + ps + gs + ns + es

o es =0, s indiquant les coefficients du scnario sans abattement.

De plus, (hs + ps + gs + ns + es). (a = (ha + pa + ga + na + ea). (so ( est lintensit nergtique, car la consommation nergtique doit rester la mme.

Nous en dduisonsea = 1 - (a / (sPuis les autres coefficients, daprs la formule: ha = hs . (a / (s2.3.2.4 Choix des coefficients de cot de substitution

Notre fonction de cot dabattement sarticule autour des coefficients de cot de substitution, attribus chaque nergie. Ce sont eux qui vontorienter le modle vers une solution optimale, en fonction de trois critres :

le cot relatif inter-nergie: orienter le modle vers le choix de telle ou

telle substitution nergtique, une date donne.

Lorsque la contrainte carbone est impose, le modle doit trouver le moyen optimal de la respecter, cest--dire le moyen offrant la plus grande consommation par tte actualise totale.

Pour cela, il va logiquement donner une plus grande part aux nergies peu mettrices, et une part moindre aux plus mettrices. Mais il a de nombreuses possibilits sa disposition, entre lesquelles il doit faire un choix. Ce choix sera dtermin par le prix plus bas de certaines nergies. Et ce prix correspond laugmentation ou la diminution de la part, par rapport celle dune conomie sans contrainte carbone.

le cot absolu des substitutions: imposer un cot plus ou moins grand

lconomie.

Lorsque le modle a effectu ses modifications de rpartition de la charge nergtique, le rsultat est un manque de croissance et de consommation. A rapport donne entre les coefficients de chacune des nergies, la rpartition est indpendante du cot absolu des substitutions. Par contre, le cot final lui est troitement li.

Illustrons-le par un exemple simple. Supposons une conomie disposant de deux nergies A et B , dont les cots de substitution sont respectivement Ca et Cb. Le rapport Ca/Cb est le seul qui dterminera leur rpartition optimale, indpendamment des valeurs Ca et Cb. Par contre, ce sont ces deux valeurs qui causeront un plus ou moins grand cot, rapport Ca/Cb donn.

le cot relatif intertemporel des substitutions: rpartir les substitutions

dans le temps.

La contrainte sexprimant en concentration et non en missions, le modle peut choisir doprer des substitutions nergtiques immdiates ou diffres. Ce choix dpend videmment de lvolution des coefficients dune priode lautre.

Ces coefficients sont nombreux (4 rgions * 12 priodes = 48 coefficients), et leur relative abstraction nous gne pour en faire une approximation. Nous devons donc les approcher de manire analytique, avant de faire le calibrage fin.

Loptimisation de lutilit sous contrainte carbone, revient une minimisation du cot dabattement sous la mme contrainte.

Quand SRES a ralis le scnario dabattement, il en est rsult des missions rgionales pour chaque priode. Nous utilisons ces missions, en les interprtant comme des plafonds dmissions ne pas dpasser chaque priode, afin de remplir la contrainte globale de concentration. Les quations doptimisation sont donc les suivantes, pour la priode t et la rgion i:

Min CAti, sous contraintes Eti ( E0ti, et h + p + g + n + e = 1

La rsolution nous fait obtenir les quatre quations suivantes:

o ( est la variation entre le scnario de croissance de rfrence et le scnario dabattement, et

( est le cot marginal de la contrainte dmissions (le gain dutilit engendr, loptimum, par une petite variation positive du plafond dmissions autoris).

Ces quatre quations contiennent cinq inconnues, qui sont les coefficients de cot. Nous ne pouvons donc pas trouver de solution en les rsolvant. Mais nous pouvons obtenir des quations exprimant les coefficients de chaque nergie, en fonction de celui de lnergie fictive.

Ensuite, nous introduisons une cinquime quation, celle galisant le cot total dabattement la perte de PIB, chaque priode et dans chaque rgion.

Le rsultat est:

Le cot marginal de la contrainte dmissions nous est donc disponible. Il ne reste plus qu fixer la valeur du coefficient de cot de substitution pour lnergie fictive, afin dobtenir les valeurs de tous les coefficients.

Lorsque nous lanons loptimisation rgion par rgion, avec les coefficients que nous avons valus, nous observons une volution des parts nergtiques et des PIB quasi identique elle du scnario SRES dabattement.

3 Rsultats et interprtation

3.1 Transitions nergtiques

3.1.1 Scnario sans contrainte

Dans toutes les rgions, la part du charbon dcrot jusquen 2050,

puis recommence augmenter (mme si elle est trs faible pour ALM).

La part du ptrole ne suit pas une trajectoire homogne suivant les rgions. Il augmente ds 1990 dans ALM et ASIA, et jusquen 2050 pour cette dernire. Dans OCDE90 et REF, cest exactement linverse qui se produit, car la part du ptrole se met augmenter en 2060.

Le gaz a une trajectoire identique pour toutes les rgions, avec seulement des diffrences dchelle. Il augmente jusquen 2060 environ, mais sa part reste alors faible pour ASIA et ALM (respectivement 18% et 32%), tandis quelle est trs forte pour OCDE90 et REF (respectivement 57% et 80%).

Les autres nergies sont en perptuelle augmentation dans les quatre rgions. Mais nous pouvons distinguer deux sous-groupes, comme pour le gaz: OCDE90 et REF ne semblent pas privilgier cette option, car la part des autres nergies passe de 4% 9% dans REF, et de 10% 19% dans OCDE90. La progression est dune toute autre ampleur dans les deux autres rgions: la part des autres nergies passe de 25% 73% dans ALM, et de 25% 63% dans ASIA

3.1.2 Scnario avec contrainte rserves

Le charbon suit une volution identique, en tendance, celle que nous avons observe dans le scnario sans contrainte. Une diffrence dchelle sensible apparat toutefois aprs 2040, dans la partie croissante. Ici, le charbon devient une nergie majeure, et sa croissance, destine contrebalancer lpuisement du ptrole et du gaz, est fulgurante. REF est la rgion qui emploie le plus de ptrole en part de son nergie, avec plus de 40% en 2090.

La part du ptrole chute inexorablement et partout, et nest plus utilis nulle part ds 2070 (dans ALM et dans ASIA, cette fin du ptrole apparat ds 2050 et 2060). Laugmentation perceptible en 1990 dans ASIA et ALM ny change rien, et semble mme acclrer la rapidit de son puisement.

Le gaz suit la mme volution dans toutes les rgions: en progression rgulire jusquau milieu du sicle, il chute trs vite et est puis entre 2070 et 2090 suivant les rgions.

Les autres nergies permettent de pallier lpuisement du ptrole et du gaz. Leur place prpondrante dans le systme nergtique samorce nanmoins plus lentement pour les rgions OCDE90 et REF.

3.1.3 Scnario avec contrainte de concentration

La part du charbon, si elle crot lgrement aprs 2050, ne peut toutefois retrouver des niveaux comparables ceux de 1990. La contrainte joue ici plein, et le charbon, nergie fossile la plus mettrice de CO2, ne peut redevenir une rfrence majeure du systme nergtique.

La contrainte carbone affecte lvolution de la part du ptrole dans la rgion ALM, mais pas dans les autres (ou trs peu). Dans ALM, la part du ptrole chute aprs 2010, et tombe sous les 10% ds 2050. Cette volution ressemble celle qui a lieu dans le scnario avec une contrainte sur les rserves, mais est encore plus accentue.

A la lecture des rsultats concernant le gaz, nous comprenons immdiatement que cest lnergie fossile la moins mettrice de CO2, quelle est propre parmi les nergies polluantes.

Son volution nest en rien modifie par limposition dun plafond maximum de concentration de latmosphre en CO2.

Les autres nergies sont dans une situation intermdiaire, entre le cas sans contrainte et le cas avec contrainte rserves. Cest--dire que OCDE90 et REF y font largement appel aprs 2050, mais pas autant lorsquest active la contrainte sur les rserves.

3.1.4 Scnario avec contraintes rserves et concentration

Les quatre nergies ragissent de la mme faon quand les deux contraintes sont