RENAN, Ernest - 1871 - La réforme intellectuelle et morale
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LA RFORMEINTELLECTUELLE ET MORALE
CHEZ LES MEMES DITEURS
UVRES COMPLTES
D'ERNEST RENANFORMAT IN-8
Histoire gnrale des langues smitiques. 4e dition, revue etaugmente. Imprimerie impriale 1 volume.
Vie de Jsus, 13e dition, revue et augmente 1 volume.Les Aptres 1 volume.Saint Paul, avec carte. . , . 1 volume.
tudes d'histoire religieuse. 6e dition 1 volume.Essais de morale et de critique. 3 e dition 1 volume.
Questions contemporaines. 2e dition 1 volume.La rforme intellectuelle et morale. 3e dition 1 volume.Le Livre de Job, traduit de l'hbreu, avec une tude sur l'ge et le
caractre du pome. 3P dition 1 volume.
Le Cantique des cantiques, traduit de l'hbreu, avec une tude surle plan, l'ge et caractre du pome. 3e dition 1 volume.
De l'origine du langage. 4e dition 1 volume.
Averros et l'averrosme,essais historiques. 3c dition, revue et
comge. . . , 1 volume.
De la part des peuples smitiques dans l'histoire de la civili-sation. 5 e dition Brochure.
La chaire d'hbreu au collge de France, explications mescollgues. 3e dition Brochure.
POUR PARAITRE PROCHAINEMENT :
L'Antchrist 1 volume.
PARIS. J. CLAYK, IMPRIMEUR, 7, RUE S A IN T - B E NO I T. [372]
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LA RFORMENTELLECTDELLE ET MORALE^
PAR
ERNEST RENANMHMBltE DE L INSTITUT
QUATRIME EDITION
6
*gj M-Ljp118948
PARISMICHEL LVY FRRES, DITEURS
RUE AUBER, 3, PLACE DE L'OPERA
A LA LIBRAIRIE NOUVELLEBOULEVARD DES ITALIENS, 15, AU COIN DE LA RUE GRAMMONT
1875Dioits de traduction et de reproduction rservs
LIBRARY ST. MARY'S COLLEGE
- H -&h
PRFACE
Le plus tendu des morceaux contenus dans le
prsent volume renferme les rflexions qui me
furent suggres durant ces douloureuses semaines
o un bon Franais ne dut avoir de pense que
pour les souffrances de sa patrie. Je ne me fais
pas d'illusion sur l'influence que ces pages
peuvent exercer. Le rle des crivains qui est
chu le lot des vrits importunes ne diffre pas
beaucoup du sort de ce fou de Jrusalem qui
allait parcourant sans cesse les murs de la cit
voue l'extermintion, et criant : Voix de
H PRFACE.
l'Orient! voix de l'Occident! voix des quatre
vents! malheur Jrusalem et au temple!
Personne ne l'couta, jusqu'au jour o, frapp
par la pierre d'une baliste , il tomba en di-
sant : Malheur moi ! Le petit nombre de
personnes qui ont suivi en politique la ligne
que j'ai cru devoir adopter, non par intrt ni
ambition, mais par simple got du bien public,
sont les plus compltement vaincues dans la
funeste crise qui se droule sous nos yeux; mais
je tiens essentiellement viter le reproche
d'avoir refus aux affaires de mon temps et de
mon pays l'attention que tout citoyen est oblig
d'y donner. Au point o en sont venues les
socits humaines, il faudrait faire peu d'estime
de celui qui rechercherait avidement une part
de responsabilit dans les affaires de son temps et
de son pays. L'ambitieux l'ancienne manire,
celui qui mettait son plaisir, son honneur et son
esprance de fortune dans la participation au
PREFACE. m
gouvernement, serait de nos jours presque un
non-sens, et si, l'heure qu'il est, nous voyions
un jeune homme aborder la vie publique avec cette
espce d'ardeur un peu vaine, cette chaleur de
cur et cet optimisme naf qui caractrisrent, par
exemple, l'poque de la Restauration, nous ne
pourrions retenir un sourire, ni nous empcher de
lui prdire de cruelles dceptions. Un des plus
mauvais rsultats de la dmocratie est de faire de
la chose publique la proie d'une classe de politi-
ciens mdiocres et jaloux, naturellement peu res-
pects de la foule, qui a vu son mandataire
d'aujourd'hui humili hier devant elle, et qui sait
par quel charlatanisme on a surpris son suffrage.
Toutefois, avant de proclamer que le sage doit se
renfermer dans la pense pure, il faut tre bien
sr qu'on a puis toutes les chances de faire
entendre la voix de la raison. Quand nous aurons
t dix fois vaincus, quand dix fois la foule aura
prfr nos avis les dclamations des complai-
iv PRFACE.
sants ou des exalts, quand il sera bien prouv
que, nous tant lgalement offerts, nous avons t
rebuts, refuss, alors nous aurons le droit de
nous retirer fiers, tranquilles, et de faire sonner
bien haut notre dfaite. On n'est pas oblig de
russir, on n'est pas oblig de faire concurrence
aux procds que se permet l'ambition vulgaire;
on est oblig d'tre sincre. Si Turgot et assez
vcu pour voir la Rvolution, il aurait eu presque
seul le droit de rester calme, car seul il avait bien
indiqu ce qu'il fallait faire pour la prvenir.
J'ai joint cet essai sur les rformes qui sem-
blent les plus urgentes un ou deux morceaux
parus en 4869, qui en sont le commentaire et
l'explication1
. On trouvera, si l'on veut, que ce
sont l des paves d'une politique bien arrire;
les solutions du libralisme modr se voient tou-
\ . Quelques points qui peuvent paratre obscurs dans ces
diverses tudes sont dvelopps plus au long dans mes Ques-tions contemporaines, (Paris, 1868.)
PRFACE. v
jours ajournes par le fait des situations extrmes ;
mais elles ne doivent pas pour cela tre dlais-
ses; car l'opinion y revient tt ou tard. Mal-
gr les dmentis apparents que les faits m'ont
donns, j'ai relu ces morceaux sans amertume,
et j'ai pens qu'ils gardaient encore quelque
prix.
C'est, au contraire, avec une profonde douleur
que j'ai rimprim les deux ou trois morceaux
relatifs la guerre qui se trouvent en ce volume.
J'avais fait le rve de ma vie de travailler, dans
la faible mesure de mes forces, l'alliance intellec-
tuelle, morale et politique de l'Allemagne et de la
France, alliance entranant celle de l'Angleterre,
et constituant une force capable de gouverner le
monde, c'est--dire de le diriger dans la voie de la
civilisation librale, gale distance des empres-
sements navement aveugles de la dmocratie et
des puriles vellits de retour un pass qui
ne saurait revivre. Ma chimre, je l'avoue, est
VI PRFACE.
dtruite pour jamais. Un abme est creus entre
la France et l'Allemagne; des sicles ne le comble-
ront pas. La violence faite l'Alsace et la Lorraine
* restera longtemps une plaie bante; la prtendue
garantie de paix rve par les journalistes et les
hommes d'tat de l'Allemagne sera une garantie
de guerres sans fin.
L'Allemagne avait t ma matresse ; j'avais la
conscience de lui devoir ce qu'il y a de meilleur
en moi. Qu'on juge de ce que j'ai souffert, quand
j'ai vu la nation qui m'avait enseign l'idalisme
railler tout idal, quand la patrie de Kant,de Fichte,
de Herder, de Gthe s'est mise suivre unique-
ment les vises d'un patriotisme exclusif, quand le
peuple que j'avais toujours prsent mes compa-
triotes comme le plus moral et le plus cultiv s'est
montr nous sous la forme de soldats ne diff-
rant en rien des soudards de tous les temps,
mchants, voleurs, ivrognes, dmoraliss, pillant
comme du temps de Waldstein ; enfin, quand la
PREFACE. Vil
noble rvolte de 1813, la nation qui souleva
l'Europe au nom de la gnrosit , a hautement
repouss de la politique toute considration de
gnrosit, a pos en principe que le devoir d'un
peuple est d'tre positif, goste, a trait de crime
la touchante folie d'une pauvre nation, trahie par
le sort et par ses souverains, nation superficielle,
dnue de sens politique, je l'avoue, mais dont
l'unique faute est d'avoir tent tourdiment une
exprience (celle du suffrage universel) dont aucun
autre peuple ne se tirera mieux qu'elle. L'Alle-
magne prsentant au monde le devoir comme ridi-
cule, la lutte pour la patrie comme criminelle,
quelle triste dsillusion pour ceux qui avaient cru
voir dans la culture allemande un avenir de civili-
sation gnrale ! Ce que nous aimions dans l'Alle-
magne, sa largeur, sa haute conception de la raison
et de l'humanit, n'existe plus. L'Allemagne n'est
plus qu'une nation ; elle est l'heure qu'il est la plus
forte des nations; mais on sait ce que durent ces
vin PRFACE.
hgmonies et ce qu'elles laissent aprs elles. Une
nation qui se renferme dans la pure considration
de son intrt n'a plus de rle gnral. Un pays
n'exerce une matrise que par les cts universels
de son gnie ; patriotisme est le contraire d'in-
fluence morale et philosophique. Nous tous qui
avons pass notre vie nous garder des erreurs du
chauvinisme franais, comment veut-on que nous
pousions les troites penses'
d'un chauvinisme
tranger, tout aussi injuste, tout aussi intolrant
que le chauvinisme franais? L'homme peut s'lever
au-dessus des prjugs de sa nation ; mais, erreur
pour erreur, il prfrera toujours les prjugs pa-
triotiques ceux qui se prsentent comme de me-
naantes insultes ou d'injustes dnigrements.
Nul plus que moi n'a toujours rendu justice aux
grandes qualits de la race allemande, ce srieux,
ce savoir, cette application, qui supplent
presque au gnie et valent mille fois mieux que le