Rémunération des études urbaines : un dangereux … · nomie, composition urbaine, faisabilité,...

23
EXTRAIT RÉDACTIONNEL DE D’ARCHITECTURES 176 - OCTOBRE 08 I DOSSIER La ville est le cadre déterminant de notre environnement social, politique et économique. Le développement urbain prend une ampleur inégalée dans l’histoire, mais nous ne savons toujours pas très bien qui décide de son avenir. Politiques, habitants, institutionnels, professionnels : qui prend les décisions et qui en a les compétences, avec quelles formations ? Dans un paysage administratif et réglementaire profondément bouleversé par l’Europe ces dernières années, le savoir-faire des architectes et des urbanistes n’est pas pris en compte à sa juste valeur. C’est du moins ce qui ressort des manières parfois fantaisistes, souvent dérisoires, avec les- quelles leurs études sont considérées et rémunérées. Pourtant, et la crise des banlieues en est un exemple criant, les erreurs de planification ont des conséquences financières sans commune mesure avec les investissements initiaux en étude. D’architectures a mené l’enquête afin de mieux comprendre les mécaniques qui déterminent appels d’offres ou marchés de définition. Quels en sont les dysfonctionnements et quels remèdes peut-on y apporter ? Comment éviter les luttes fratri- cides que se livrent les professionnels ? Rémunération des études urbaines : un dangereux discrédit Dossier réalisé par Jean Audouin Quel est le champ des études ? Le marché des études État des lieux : une logique qui tire le marché vers le bas À qui la faute ? Un grave déficit de compétences Entretien avec Antoine Grumbach Petite histoire de jeu d’acteurs Qui commande des études ? Combien ça coûte ? Quelles rémunérations ? Quelles mises en concurrence ? Y aller ou pas ? Les raisons sont toujours les mêmes Pour en sortir > ^ À gauche : projet lauréat de l’agence Güller Güller pour le Triangle de Gonesse (départements du Val-d’Oise et de la Seine-Saint-Denis). À droite : projet de l’agence Marniquet Associés pour la rénovation du quartier des Doucettes à Garges-lès-Gonesse (Val-d’Oise).

Transcript of Rémunération des études urbaines : un dangereux … · nomie, composition urbaine, faisabilité,...

EXTRAIT RÉDACTIONNEL DE D’ARCHITECTURES 176 - OCTOBRE 08 I

DOSS IER

La ville est le cadre déterminant de notre environnementsocial, politique et économique. Le développement urbainprend une ampleur inégalée dans l’histoire, mais nous nesavons toujours pas très bien qui décide de son avenir.Politiques, habitants, institutionnels, professionnels : quiprend les décisions et qui en a les compétences, avec quellesformations ? Dans un paysage administratif et réglementaireprofondément bouleversé par l’Europe ces dernières années,le savoir-faire des architectes et des urbanistes n’est pas prisen compte à sa juste valeur. C’est du moins ce qui ressort desmanières parfois fantaisistes, souvent dérisoires, avec les-quelles leurs études sont considérées et rémunérées. Pourtant,et la crise des banlieues en est un exemple criant, les erreursde planification ont des conséquences financières sans commune mesure avec les investissements initiaux en étude.D’architectures a mené l’enquête afin de mieux comprendreles mécaniques qui déterminent appels d’offres ou marchés dedéfinition. Quels en sont les dysfonctionnements et quelsremèdes peut-on y apporter ? Comment éviter les luttes fratri-cides que se livrent les professionnels ?

Rémunération des études urbaines :un dangereux discrédit

Dossier réalisé par Jean Audouin

Quel est le champ des études ?

Le marché des études

État des lieux : une logique qui tire le marché vers le bas

À qui la faute ?

Un grave déficit de compétences

Entretien avec Antoine Grumbach

Petite histoire de jeu d’acteurs

Qui commande des études ?

Combien ça coûte ?

Quelles rémunérations ?

Quelles mises en concurrence ?

Y aller ou pas ? Les raisons sont toujours les mêmes

Pour en sortir

>^ À gauche : projet lauréat de l’agence Güller Güller pour le Triangle de Gonesse (départements du Val-d’Oise et de la Seine-Saint-Denis).

À droite : projet de l’agence Marniquet Associés pour la rénovation duquartier des Doucettes à Garges-lès-Gonesse (Val-d’Oise).

II EXTRAIT RÉDACTIONNEL DE D’ARCHITECTURES 176 - OCTOBRE 08

D’où vient alors le fait que le marché desétudes urbaines, leurs commandes, leurscahiers des charges, leurs productions et leursrémunérations laissent autant d’insatisfaits,maîtres d’ouvrage et professionnels confon-dus ? d’architectures a mené l’enquête sur lestraces délaissées d’un rapport réalisé en jan-vier 2003 par Jean-Michel Roux pour laDGUHC2. Nous avons rencontré de nom-breux protagonistes, agences d’architecture,urbanistes, paysagistes, professionnels desétudes, consultants, responsables de maîtrisesd’ouvrage urbaines, développeurs et représen-tants de l’État. Il ne sera question, dans lespages qui suivent, que d’études relatives auxdocuments réglementaires (PLU, ScoT…),d’études préalables pré-opérationnelles auxprojets (programmes, stratégie, montage, éco-nomie, composition urbaine, faisabilité, pré-commercialisation…), à toutes les échelles ter-ritoriales, de missions d’assistance à maîtrised’ouvrage pour de grands projets urbains.Nous parlerons aussi bien d’appels d’offresque de marché de définition, que lesréponses soient apportées par des consul-tants de statut privé ou produites par desorganismes publics (services de l’État ou descollectivités locales, établissements publics,etc.) ou para-publics (Pact Arim, CAUE,agences d’urbanisme, SEM, laboratoires uni-versitaires…) dans le cadre d’une ingénieriepublique. Nous aborderons tour à tour lerôle de plus en plus limité de l’État, la com-plexité de la maîtrise d’ouvrage, les condi-tions de mise en concurrence qui frisent sou-vent l’absurde, sans pour autant garantir lechoix des meilleures propositions.

QUEL EST LE CHAMP DES ÉTUDES ?L’analyse du marché des études urbaines s’avère délicate. Ni les clients, ni les consul-tants n’affichent de données fiables, toutjuste des récriminations les uns envers lesautres. La bibliographie est inexistante.

Malgré les urgences, le secteur des étudesurbaines, du moins celles menées dans lecadre d’un contrat entre un client (le plussouvent de statut public) et un prestataire (leplus souvent de statut privé), n’est pas enbonne santé en France. Cette situation nedate pas d’hier. Le 5 avril 2000, déjà, laDGUHC publiait une « circulaire relativeaux principes généraux d’organisation desappels à la concurrence en matière d’étudesd’aménagement, d’urbanisme et d’habitat »,qui incitait les maîtres d’ouvrage à évaluer lespropositions sur le contenu et à tenir compte des contraintes financières des candi-dats. Dans les mois qui ont suivi, se sont suc-cédé un colloque organisé par le secrétariatd’État au Logement au Cnam, le rapport de Michel Cantal-Dupart sur « l’état de l’urbanisme »3, celui de Jean Frébault suivi

par la mise en place d’un Conseil nationald’orientation de l’urbanisme (Cnou4), le rap-port de Jean-Michel Roux (de janvier 2003)sur la commande et la rémunération de cesétudes, sans réelle évolution autre que les rap-pels successifs des ministres de leur intérêtpour le sujet, quasiment à chaque universitéd’été du Conseil français des urbanistes.Pourtant, la demande de compétence enétudes urbaines et les missions de conseil(aménagement, urbanisme, habitat, dévelop-pement économique, etc.) connaissent un fluxcroissant avec la remise en chantier des docu-ments de planification et de réglementation(ScoT et PLU), le renouvellement urbain, lesprojets urbains, la prise en compte du déve-loppement durable, de la mobilité, de la den-sité… L’acuité des questions urbaines amèneélus et administrations à s’entourer d’avis exté-

DOSSIER > R É M U N É R AT I O N D E S É T U D E S U R B A I N E S : U N D A N G E R E U X D I S C R É D I T

Acad : Association des consultants enaménagement et développement des terri-toires (www.acad.asso.fr).CFDU : Conseil français des urbanistes.Certu : Centre d’études sur les réseaux,les transports, l’urbanisme et les construc-tions publiques.Cete : Centre d’études techniques de l’équipement.DDA : Direction départementale de l’agri-culture.DDE : Direction départementale de l’équi-pement.DDT : Direction départementale du territoire.DGALN : Direction générale de l’aménage-ment, du logement et de la nature.DGUHC : Direction générale de l’urba-nisme, de l’habitat et de la construction.EPCI : Établissement public de coopérationintercommunale.EPF : Établissement public foncier.

FNAU : Fédération nationale des agencesd’urbanisme.MIQCP : Mission interministérielle pour laqualité des constructions publiques.Opah : opération programmée d’améliora-tion de l’habitat.OPQU : Office professionnel de qualifica-tion des urbanistes.OPQIBI : Organisme de qualification del’ingénierie.PADD : projet d’aménagement et de déve-loppement durable.PLH : plan local de l’habitat.PLU : plan local d’urbanisme.ScoT : schéma de cohérence territoriale.SIG : système d’informations géogra-phiques.SEM : société d’économie mixte.ZAC : zone d’aménagement concertée.ZPPAUP : zone de protection du patri-moine architectural, urbain et paysager.

GLOSSAIRE DES SIGLES

C’est encore écrit noir sur blanc dans la circulaire du 21 avril dernier de la DGUHC (Direction générale de l’urbanisme,de l’habitat et de la construction1) : « le développement d’un urbanisme de projet, la recherche d’une meilleure cohérence des politiquespubliques sur un territoire, la montée en puissance des préoccupations liées à la recherche d’un développement et d’un aménagementdurables, se traduisent par un développement continu et nécessaire des études d’urbanisme et d’aménagement. Le nombre important desdocuments d’urbanisme (ScoT, PLU, cartes communales), élaborés ces dernières années ou en cours d’élaboration, en est une illustration. Laconnaissance fine des territoires représente un véritable enjeu pour une intervention ciblée des services de l’État. La qualité des études dansle domaine de l’urbanisme et de l’aménagement conditionne la qualité et la durabilité des aménagements. L’investissement intellectueleffectué en amont au travers d’une étude de qualité permet de mieux cerner l’ensemble des enjeux d’un territoire d’intervention.En anticipantsur certaines difficultés/problèmes, il est un gage d’économie globale du projet. À l’inverse, une économie en matière d’étude se traduitsouvent par des surcoûts et des retards dans la réalisation des projets. »

EXTRAIT RÉDACTIONNEL DE D’ARCHITECTURES 176 - OCTOBRE 08 III

rieurs, a fortiori avec l’arrivée de nouvelleséquipes après les élections, tandis que larecherche de foncier pousse les opérateurs pri-vés à remonter davantage vers l’amont del’aménagement, à susciter des opérations enpartenariat avec les collectivités. La coordina-tion de ces études et la conduite de processusurbains complexes exigent également des compétences accrues en matière de conduitede projet, assurée par les collectivités mais sou-vent en partie sous-traitée. L’urbanisme opéra-tionnel n’est plus une simple succession d’actions normalisées et répétitives mais unprocessus complexe et continu d’investiga-tions, de propositions et de réalisations.Françoise Moiroux rappelait (lire d’a n° 171consacré aux projets urbains) que « la ville nese résume ni à une collection d’objets, degestes ou de signatures, ni à un décor. L’idéedu dessein évolutif et du projet itératif induitune nouvelle gouvernance du projet urbain.Sa concertation entre élus […], sa coproduc-tion alourdissent la charge du concepteur. La

puissance conceptuelle du projet autorise unetrès grande ouverture au partenariat. Le projetappelle les projets et évolue avec eux, commeune “pompe à projets”. »Ce constat s’impose à tous. Si études etconseils ne représentent qu’un modestechamp d’activité en termes d’emplois et dechiffres d’affaires5, leur inadéquation, voireleur absence, peut avoir davantage de consé-quences encore. Aussi apparaît-il paradoxalde constater une crise permanente danslaquelle les consultants semblent se débattre,face à une demande potentielle importanteet sans doute croissante. Aujourd’hui, l’ingénierie dite publique estrecentrée sur les enjeux de l’État (le dévelop-pement durable) et vers les communes dis-posant de moyens en forte diminution et decapacités réduites (voir encadré ci-dessus). Onparle d’un « encadrement renforcé » vers unediminution, voire à terme une disparition,ce qui laissera, notamment pour les villes demoins de 15 000 habitants, « un vide >

Depuis 1999, l’ingénierie publique a connu de profondes évolutions dans ses modalités d’interven-tion : entrée dans le champ concurrentiel en 2001, mise en place de l’Assistance technique fourniepar l’État aux collectivités pour des raisons de solidarité et d’aménagement du territoire (Atesat),enfin incitation à développer des missions de conseil et d’assistance aux maîtres d’ouvrage enamont des opérations. Le 7 juillet dernier, une circulaire du Premier ministre, suivant la réforme del’administration départementale de l’État a décidé de fusionner DDE et DDAF en DDT (directionsdépartementales des territoires). Les considérations d’une circulaire du ministre de l’Équipement(2007-24 du 29 mars 2007) demeurent valables : « la nouvelle vocation que j’ai assignée aux DREet aux DDE réorganisées doit s’accompagner d’une capacité de conduire et de mettre en œuvre lespolitiques publiques sur leurs territoires. Dans ce cadre, l’ingénierie dont disposent les DDE dans leurdomaine de compétence est amenée à jouer un rôle de premier plan […]. L’action des servicesdéconcentrés doit se décliner dans les différents territoires de façon appropriée et lisible en interneet pour l’ensemble de nos partenaires publics et privés. » n

L’aide payante de l’État

Notes1. La DGUHC est devenue entre temps la Directiongénérale de l’aménagement, du logement et de lanature (DGALN) au sein du ministère de l’Éco-logie, de l’Énergie, du Développement durable et del’Aménagement du territoire (Meeddat pour lesintimes).2. Rapport pour la DGUHC : « Les études urbaines :budgets disponibles, prix de revient des consultants,conditions de leur mise en concurrence ».3. « La question de l’urbanisme ou la ville de droit »,secrétariat d’État au Logement, janvier 2002.4. Voir le rapport établi par Jean Frébault pour lasecrétaire d’État au Logement, mars 2002. 5. Sur la base 1999, les dépenses d’études et de conseild’urbanisme (hors maîtrise d’ouvrage) étaient esti-mées par Jean-Michel Roux, avec beaucoup d’incerti-tude, entre 120 000 et 150 000 millions d’euros, cequi, au regard des enjeux, paraît faible : 1,29 % desbudgets d’investissement des collectivités locales ! Lechiffre d’affaires des sociétés de consultants spéciali-sés en urbanisme interrogées dans le cadre de cetteétude dépassaient rarement 91 000 euros par consul-tant. En regard, le budget global des 51 agences d’ur-banisme recensées en 2006 s’est élevé à quelque130 millions d’euros (dont moins de 10 % de subven-tions de l’État) avec plus de 1 500 équivalant à untemps plein, soit un ratio moyen par emploi de85 168 euros (les extrêmes se chiffrant entre 137 826et 56 366 euros). Les agences d’urbanisme ont pour laplupart un statut d’association où se retrouvent,autour des collectivités impliquées, l’État et les autrespartenaires publics du développement urbain.

QUALIFICATIONRÉFÉRENCE

COMMUNE 2006

Expert 1 100 € HTDirecteur de projet 810 € HTChef de projet 540 € HTChargé d’opération 430 € HTAssistant technique 375 € HT

IV EXTRAIT RÉDACTIONNEL DE D’ARCHITECTURES 176 - OCTOBRE 08

qui ne sera pas comblé tout de suite », estime Olivier Frérot, un ancien de la DDEde la Loire, directeur de l’Agence d’urba-nisme de Lyon (voir l’encadré en page de droite). « Le privé prendra difficilement lerelais, tandis que le champ des études d’ur-banisme sur les grandes villes portera sur desterritoires qui vont s’élargir ». Pierre Miquel,de la sous-direction planification et aména-gement à la DGUHC, pointe en outrel’émergence d’exigences supplémentaires fai-sant appel à des compétences qui n’existentpas nécessairement (écologues, environne-mentalistes, biodiversité). Ainsi, « le mot“énergie”, qui ne figure pas dans le code del’urbanisme, ouvre un champ de rechercheset d’études nouvelles et peut servir à alimen-ter le débat sur les formes urbaines ». Le gou-vernement s’efforcerait toutefois de conser-ver une mesure financière pour encouragerdes ScoT vertueux (énergie/climat). S’il fautsans conteste conserver des incitations, ondevra veiller également à instaurer denouvelles compétences. La DGUHC subven-tionne déjà en collaboration avec l’Ademeune étude afin que le bilan carbone puisseservir, avec une entrée consommation éner-gétique/effet de serre, à des scénarios de pla-nification. Mais où sont les spécialistes ?

« Dans le contexte du Grenelle de l’environ-nement, on pourrait imaginer la mise enplace d’un véritable Gosplan », souligneAgnès Vince, de la DGUHC, bureau desprofessions. Le prochain budget confirme-rait l’appui de l’État aux agences d’urba-nisme, même si, innovation essentielle, l’ar-gent sera délégué aux DRE dont les créditsd’études sont jugés « déplorables » par lesintéressées. Quant aux petites communesqui n’ont pas la capacité de formuler unecommande, pas de maîtrise d’œuvre : ellespourront toujours tenter de s’appuyer surles DDT, nées de la fusion DDE/DDA, àcondition que celles-ci soient encore enmesure d’offrir les compétences nécessaires.En outre, un système national d’aide auxétudes a été mis en place, à travers diversprogrammes de la Caisse des dépôts (dont leprogramme de renouvellement urbain, lePRU) qui financent, en général par moitié,des études locales préalables aux projets.

LE MARCHÉ DES ÉTUDES « Y a-t-il pénurie de crédits d’études et deconseils pour l’urbanisme opérationnel ? Parrapport à quel optimum ? Comment mesurerles dépenses d’études dans la longue chaînede procédures et d’investissements quiconduit aux réalisations ? », s’interroge Jean-Pierre Charbonneau, consultant qui conseilleaussi bien Lyon que Copenhague. Une étudeurbaine doit mobiliser beaucoup pour êtrejuste (n’oublions pas que ce que nous faisonsaujourd’hui, c’est pour une grande part répa-rer les erreurs passées !). » Aussi reconnaît-ilque « faire une étude urbaine consiste à assu-mer sa propre insatisfaction face au peu de moyens financiers, au regard de la complexité des problèmes rencontrés : gérerla pénurie en quelque sorte ».Les études doivent permettre de mieux dépen-ser, de faire correspondre l’investissement auxattentes des usagers. Améliorer l’organisationdes acteurs, c’est réduire les coûts, la durée dela mise en œuvre du projet, et s’assurer aumieux de sa pertinence. Or il n’y a pas suffi-samment d’argent pour les études. Chaqueresponsable de projet a vécu le moment oùdes décisions doivent être prises sans que lesétudes nécessaires aient été réalisées. « Ilmanque des enquêtes foncières, des

DOSSIER > R É M U N É R AT I O N D E S É T U D E S U R B A I N E S : U N D A N G E R E U X D I S C R É D I T

ce que nous

faisons

aujourd’hui :

réparer les erreurs

du passé, pour

une grande part

… >

Quartier Port Marianne-Rive gauche à Montpellier.Concours d’urbanisme : avril-mai 2007, 20 900 euros HT.Urbaniste : Marniquet Associés, mandataire.Paysagiste : Babylone.

Le financement des agences d’urbanisme est une question récur-rente. Parmi les 51 agences créées à ce jour, certaines sont auto-suffisantes, d’autres ont besoin de compléments, d’autant que la par-ticipation financière de l’État diminue constamment. Si plus d’unevingtaine d’entre elles ne déclarent aucune recette complémentaire,les autres s’ouvrent à des études « dans le champ concurrentiel »*,en particulier en réponse à une demande des petites villes et desvilles moyennes dans leur environnement, dans les limites statutairesd’un maximum de 20 % de leur budget. De fait, la moyenne natio-nale est de 4,1 % (mais autour de 10 % à Tours, Troyes, Seine-Aval,Iaurif, Longwy). « À Lyon, cela représente 4 à 5 % », confesse sondirecteur, Olivier Frérot. On fait payer le temps qu’on passe. On n’estpas censé faire de bénéfice. Le privé ne peut pas suivre sur tous lessujets. Une agence d’urbanisme offre des compétences différentes,des prestations spécifiques, sans doute une vision plus large. » Pour sa part, Francis Cuillier, directeur de l’agence a-urba deBordeaux, confirme que celle-ci « facture ses prestations externes aucoût de revient. On ne court pas le cacheton et nos prestations exté-rieures sont limitées à 5 %. Mais cela contribue à nous donner uneculture du respect des coûts parce qu’il s’agit d’une comptabilitéidentifiée et qu’on n’a pas le droit de faire du déficit. Nous ne répon-dons à un appel d’offres que lorsqu’il y a une logique stratégiquederrière ; ainsi pour Libourne, en cohérence avec Bordeaux etArcachon. » Évoquant la sous-évaluation fréquente des études,Francis Cuillier cite « le ScoT d’Arcachon qui avait été évalué entre200 000 et 300 000 euros : nous l’avons estimé à 1 million d’euroset nous avons gagné face à trois candidats. Pour les PLH, l’État adonné de mauvaises habitudes avec des coûts prévisionnels trèsfaibles, alors qu’on ne peut pas se contenter de faire de la statis-tique ; cela implique de plus en plus de concertation avec les collec-tivités, avec les promoteurs […]. La DDE prétendait que le PLH deBordeaux coûterait 500 000 euros ; notre évaluation était de 2,5 mil-lions d’euros et nous allons finir à 3 millions d’euros. Pour le PLUcommunautaire de Bordeaux, il a fallu entre 5 et 70 réunions… parcommune ! Il aura coûté 3 millions d’euros pour l’agence et 1 milliond’euros pour la CUB. Ce qui nous tue, c’est la réunionnite (comitétechnique, comité de pilotage, comité de suivi…) dont le poids estpassé en dix ans de 15 à 50 % dans notre comptabilité analytique.Si l’on maîtrise le temps de l’étude, il est très difficile d’évaluer et demaîtriser celui de l’information et celui de la validation », souligne-t-il, observant au passage que les élus n’ont pas d’état d’âme sur lecoût des études pour le tramway. n

* Dans sa réponse à la question écrite du sénateur Jean-Louis Masson (Moselle-NI),publiée au JO du Sénat le 6 septembre 2007, la ministre de l’Intérieur, de l’Outre-mer et des Collectivités territoriales a encore précisé que « les prestations del’agence d’urbanisme qui ne sont pas prévues dans son programme partenarial,même réalisées pour le compte de ses membres, sont soumises aux règles de lacommande publique. Les personnes morales membres des agences d’urbanismesont des pouvoirs adjudicateurs qui doivent se soumettre aux principes d’obligationde publicité et de mise en concurrence fixés par le code des marchés publics. Ainsi,dans le cadre de prestations exercées hors programme partenarial, un syndicatmixte compétent en matière de ScoT ne peut en confier unilatéralement l’élabora-tion à une agence d’urbanisme, qu’il en soit membre ou non, que dans le respectdes règles de la commande publique. »

Agences d’urbanisme :concurrentes ou clientes ?

EXTRAIT RÉDACTIONNEL DE D’ARCHITECTURES 176 - OCTOBRE 08 V

Bon de commande à retourner accompagné de votre règlement à : L’Agence Innovapresse – service abonnements 1, place Boieldieu 75002 Paris Tél : 33(0)1 48 24 08 97 Fax : 33(0)1 42 47 00 76E-mail : [email protected]

nn Je commande …… ex. de « Habitat formes urbaines » au tarif de 31 € TTC*Nom : Prénom : Fonction : Société/organisme :Adresse : Code postal : Ville : Téléphone : Télécopie : E-mail Ci-joint mon règlement par : nn chèque à l’ordre de l’Agence Innovapressenn carte bancaire : ll VISA ll Eurocard/Master Card n° carte :date d’expiration : crypto.(La facture justificative sera jointe à (aux) exemplaire(s)Date : Cachet et signature :

* 6 Euros de frais de port - TVA 5,5 % - TARIF 2009

(tarif étranger et DOM-TOM, nous consulter)

Habitat Formes urbaines est une publication de l’Agence INNOVAPRESSE Sarl - RC Paris B 301 652 988

1, place Boieldieu 75002 Paris - Tél. : 01 48 24 08 97

En savoir plus et commander toutes nos publications :www.innovapresse.com

DA1

76X

> Au sommaire d’Habitat Formes urbaines :• une table-ronde introductive, • 71 exemples pour apprécier les formes urbaines d’hier et d’aujourd’hui • 41 exemples pour distinguer les tendances actuelles…L’ouvrage original étant épuisé, la Fnau et Traitsurbains ont pris l’initiative de rééditer cet ouvrageindispensable à toute discussion sur la densité.(276 pages format 21 x 29,7 cm)

Indispensable à toute discussion sur la densité

!

VI EXTRAIT RÉDACTIONNEL DE D’ARCHITECTURES 176 - OCTOBRE 08

analyses de marché, des mesures de pol-lution… mais nous allons perdre du temps. »Ou ce sont encore le maire, le président dusyndicat intercommunal, le directeur des ser-vices… qui estiment que ces dépenses sontdéjà excessives et qu’on croule sous les études,pourtant souvent méconnues. « La mauvaiseétude, qui coûte cher, est celle qu’on ne faitpas », entend-on aussi. La tradition française distingue entre investi-gations préalables et phases opérationnellesd’une part, entre maîtres d’œuvre et d’ou-vrage d’autre part. Or les limites de ces caté-gories perdent leur ancienne précision :• Le projet urbain, processus plutôt que pro-cédure, n’a ni début ni fin. Études préalableset réalisations partielles ne cessent d’êtreindispensables. L’élaboration de la réglemen-tation elle-même entre dans le projet.Notamment depuis que le contenu tradition-nel du plan d’aménagement de zone d’uneZAC est intégré au PLU.• Tous les intervenants, quelle que soit leurposition, sont appelés à dire leur mot sur laconception et la réalisation. À tout momentse posent conjointement des problèmes decomposition urbaine, de procédure et deréglementation, de programmation, de mon-tage et de financement, d’intervention fonciè-re, d’accompagnement social, etc. « La fabri-cation de la ville est collective. » Selon une enquête menée par RobertSpizzichino (de Partenaires Développement)pour l’Institut des villes, une nouvelle demandeémerge pour « un homme ou un dispositif,proche de la collectivité mais pas tout à faitdedans, capable de piloter le projet sur unecertaine période », entouré de spécialistes. Ilne s’agit pourtant pas exactement d’un chefde projet industriel, ni d’un project manageranglais ou américain, car l’objet final n’estpas un produit industriel, ni un équipementou un bâtiment délimité. Dans les contraintes du secteur public, cesinterventions sont difficiles à définir et àmettre en place. Les missions des urbanistesau sens large évoluent, notamment en ce quiconcerne l’amont des phases opérationnelles

des projets urbains : en bref et pour simpli-fier, depuis le ScoT et le PLU jusqu’aux mon-tages financiers et réglementaires, éventuelle-ment aux conventions publiques d’aménage-ment et au lancement des ZAC. C’est la par-tie des processus urbains qui semble la plusdifficile à évaluer, à financer, à concevoir, ànégocier, à piloter. La preuve en est que cesréflexions préalables s’étirent de plus en plusdans le temps. Il s’agit de prestations mesu-rées à la journée de consultant ou aux salairesd’équipes de pilotage, qui ne peuvent êtrecalées sur des travaux ou des investissementsà terme, dont le montant n’est de toute façon pas encore connu. Ces prestations de « matière grise » amont sont difficiles à nor-maliser, donc à évaluer, donc à payer. Auxquestions techniques s’ajoutent des problèmesde financement et d’organisation.

L’ÉTAT DES LIEUX : UNE LOGIQUE QUI TIRELE MARCHÉ VERS LE BAS Encore faut-il faire la distinction entre étudesurbaines liées à la prospective des territoireset la planification (ScoT, PLU…) et celles liéesà des projets d’opération ou des projetsurbains (ZAC, lotissements, espaces publics).

Sous le vocable générique de « prospectivedes territoires » entrent toutes les étudesamont des démarches de projets de territoires(pays, agglomérations, etc.). Ce marché s’estconsidérablement développé depuis les loisVoynet et Chevènement, selon Jean-FrançoisGuet, directeur urbanisme et habitat auCertu. L’offre s’est structurée autour degrands cabinets de consultants s’attachant, àla demande, des compétences en urbanisme,en cotraitance ou en sous-traitance. Les pres-tataires sont d’autant mieux rémunérés qu’ilssont réputés. Les agences d’urbanisme opè-rent également sur ce marché.Côté « planification », les DDE assuraient lamaîtrise d’œuvre des documents d’urbanismeen régie et gratuitement, au titre de la mise àdisposition des communes. Les agences d’urbanisme également, pour leurs adhérents.La mise en œuvre de la loi SRU a été l’occa-sion pour les DDE d’abandonner ces mis-sions, brutalement ou progressivement,ouvrant ainsi un marché. L’offre s’est alorsstructurée dans l’urgence des réponses auxappels d’offres suivant trois familles de pres-tataires : les architectes urbanistes et paysa-gistes (ceux qui opéraient sur le marché du

DOSSIER > R É M U N É R AT I O N D E S É T U D E S U R B A I N E S : U N D A N G E R E U X D I S C R É D I T

Rénovation urbaine du quartier des Doucettes, Garges-lès-Gonesse (Val-d’Oise). Étude de faisabilité (2004-2005) : 74 300 euros.Mission d’architecte en chef de ZAC (2006-fin 2010) : 167 900 euros HT. Urbaniste : Marniquet Associés.

projet urbain), les géomètres urbanistes (ceuxqui, travaillant sur les communes concernées,en maîtrisaient le fond cadastral sur SIG), lesbureaux d’études pluridisciplinaires spéciali-sés dans l’habitat (études OPH, ZPPAUP,PLH, etc.) et/ou sur l’environnement (étudesd’impact). La logique des consultationspubliques (ce sacré moins-disant) a tiré lemarché vers le bas, beaucoup de prestatairesacceptant d’entrer dans cette spirale parméconnaissance de leurs coûts, de l’existenced’activités annexes rentables ou de la perspec-tive de se récupérer sur le coup suivant.Sur le terrain, l’analyse peut connaîtrequelques bémols. À tout seigneur, tout hon-neur : interrogé par nos soins, Jean-MichelRoux relève, cinq ans après son rapport suivipar la mise en place d’une commission qui« s’est éteinte comme une bougie », que « lasituation reste globalement la même. D’unepart, un très petit nombre stable d’agencesd’urbanistes dessinent, avec une activité régu-lière et significative, souvent avec talent : c’estpapy land qui se finance par ailleurs sur sesactivités d’architecte. D’autre part, les urba-nistes qui écrivent ou qui comptent restentdispersés et peu prospères. Les ScoT

« c’est l’architecture

qui fait vivre la

cellule urbanisme.

Si tu veux bouffer,

il faut faire de la

maîtrise d’œuvre »

… >

EXTRAIT RÉDACTIONNEL DE D’ARCHITECTURES 176 - OCTOBRE 08 VII

D’ARCHITECTURES

D’ARCHITECTURES ,le magazine mensuel de la création architecturaleinformé, critique, indépendant, différent, stimulant,énervant, vivant...d’a est une publication du groupe INNOVAPRESSE1, place Boieldieu 75002 Paris - Tél. : 01 48 24 08 97 En savoir plus : www.innovapresse.com

Bulletin d’abonnement à d’a à retourner avec de votre règlement à : SEA - Service Abonnements - L'Agence INNOVAPRESSE 1, place Boieldieu 75002 Paris - Tél : 33(0)1 48 24 08 97E-mail : [email protected]

nn Je m'abonne à d’a (9 n° par an) au prix de 82 € TTC* (tarif DOM TOM / Etranger 102 €)

*TVA 2,1% - Tarif 2009)

Nom : Prénom :

Fonction : Société/organisme :

Adresse :

CP : Ville :

Téléphone : Télécopie : E-mail Ci-joint mon règlement par : nn chèque bancaire à l’ordre de SEAnn carte bancaire : ll VISA ll Eurocard/Master Cardn° carte date expir. cryptoll mandat administratif (uniquement pour les administrations)Date : Cachet et signature :

DA

176X

(les 3 derniers chiffres inscrits au dos de votre carte bleue)

!

>

VIII EXTRAIT RÉDACTIONNEL DE D’ARCHITECTURES 176 - OCTOBRE 08

avancent peu, les PLU sont extraordinai-rement mal payés. Enfin, le nombre de pro-jets opérationnels (ZAC) diminue dans laconstruction, en nombre et en parts. Les bud-gets publics dominent toujours de loin lemarché. Les opérateurs privés n’ont guère debudgets d’études permanents ; à la rigueur, ilsentretiennent assez chichement en interne deséquipes R&D. Les mises en concurrence surcontrats publics sont désormais systéma-tiques, y compris pour de très petits contrats.Les interventions personnalisées (conférences,colloques, articles, groupes de travail) sontnon rémunérées, ou à peu près. L’épineuxproblème des concurrences des consultantsprivés avec les institutions subventionnéesreste entier. L’Acad, le Conseil français desurbanistes, entreprend quelques actions sur cesujet mais sans effet jusqu’à présent. »

À QUI LA FAUTE ? Le CFDU voit dans la sous-évaluation de lamatière grise des urbanistes en France deuxmécanismes étroitement liés : • La faiblesse des moyens consacrés par lesmaîtres d’ouvrage aux études, notammentaux études amont, et/ou aux études de plani-fication et de prospective territoriale. Onobservera les sous-évaluations originel-les continues. Ainsi la Satel a-t-elle publié, les 27 février et 11 juin derniers, sur le site<Marchéonline.com>, deux appels à concoursconcernant respectivement l’élaboration desdossiers de création, de réalisation et de maî-trise d’œuvre de la future ZAC de la gare deSaint-Paul-lès-Dax à vocation principale d’ha-bitation, de 60 hectares environ ; et l’élabora-tion des dossiers de création, de réalisation etde maîtrise d’œuvre d’une zone d’activité éco-nomique de 50 hectares, chaque consultationétant dotée d’une prime à la clé de5 000 euros HT « pour un projet complet »(cinq mille ! (lire l’encadré en page de droite).• La faiblesse du niveau des offres propo-sées par de nombreux professionnelspour accéder à la commande, les prix basofferts par un certain nombre de profes-sionnels pouvant facilement devenir la

référence pour les maîtres d’ouvrage quiont tôt fait de les inviter à balayer devantleur porte et réciproquement.Le consensus sur cette situation apparaît mal-heureusement à travers le témoignage de noscontacts. Francis Cuillier, grand prix de l’urba-nisme 2006, directeur de l’a-urba/Bordeaux et président du CFDU, « stupéfait par certai-nes pratiques », dénonce « la sous-informationdramatique de la maîtrise d’ouvrage qui necomprend pas les honoraires. [Cette situationest] préoccupante parce qu’elle génère un dialogue vicié avec la maîtrise d’ouvrage. Il y a un refus d’appréciation des honoraires à leur juste valeur et un mépris sur le travailfait. » Exemple : « Un concours pour l’espacepublic d’une commune de l’agglomérationbordelaise ; l’une des équipes avait oublié unepièce du dossier et le service communautaireprenait ce prétexte pour ne pas lui verser d’indemnités. Dans le même temps, on acceptait un contrat de 1 million d’euros paran à Bruno Fortier pour la Bastide. La collectivité est plus ou moins consciemmentfascinée par le star-system et peu tentée de travailler avec des professionnels moinsconnus. Il y a deux poids, deux mesures. Maisla ville banale ne se fera pas avec des grandessignatures et nous avons besoin de bons professionnels, ce qui suppose de ne pas les étrangler pour qu’ils puissent se former et s’informer de manière continue. » Jean-PaulLebas, directeur de Partenaires Développementet président de l’Acad6, dénonce, côté pou-voirs publics, « une gabegie et de mauvaisbudgets, faute d’une bonne organisation de la maîtrise d’ouvrage ». Et de citer Gonesse et ses dix-huit ans d’études !

Richard Trapitzine, directeur du cabinetUrban Consult, le confirme : « Les étudesurbaines d’ordre stratégique, réglementaireou pré-opérationnel ne sont pas rémunéréesà leur juste valeur. Les maîtres d’ouvragepublics rechignent à en préfinancer lesavances et les bureaux d’études n’hésitent pasà faire du dumping sur le montant de leursprestations, souvent dans l’espoir de pouvoirse positionner à la sortie dans la phase opé-rationnelle plus lucrative. Seules les étudesopérationnelles liées à l’acte d’aménager oude construire sont en général rentables, carleurs budgets peuvent à ce stade être intégrésau montage financier des opérations avec,pour le maître d’ouvrage, une garantie deretour sur investissement. » Comme AntoineGrumbach, grand prix de l’urbanisme 1992(lire son entretien pages X-XI), Patrick Baggio,urbaniste architecte, ancien président del’ordre régional Aquitaine des architectes,reconnaît : « aujourd’hui, c’est l’architecturequi fait vivre la cellule urbanisme. Si tu veuxbouffer, il faut nécessairement faire de lamaîtrise d’œuvre. »

UN GRAVE DÉFICIT DE COMPÉTENCES Face à une demande potentielle de plans, deprogrammes et de montages, il existe peut-être un déficit de compétences organisées,d’expertises incontestées et de recherchescumulatives, déficit qui renvoie à la faiblessedu milieu professionnel.L’urbanisme et l’aménagement, à toutes leurséchelles possibles et avec toutes leurs facet-tes scientifiques, techniques, financières,sociales…, représentent directement, et sur-tout conditionnent, une part considérabledes investissements, des dépenses finales etdes enjeux politiques dans notre pays.

DOSSIER > R É M U N É R AT I O N D E S É T U D E S U R B A I N E S : U N D A N G E R E U X D I S C R É D I T

la mauvaise étude,

qui coûte cher,

est celle

qu’on ne fait pas

!

Note6. L’Acad (Association des consultants en aménage-ment et développement territorial) regroupe envi-ron 80 consultants indépendants, exerçant à titreprincipal des missions de conseil et d’aide à la déci-sion auprès des maîtres d’ouvrage publics ou privésen matière d’aménagement et de développement desterritoires et qui ne doivent pas réaliser plus de lamoitié de leur chiffre d’affaires en maîtrise d’œuvre.

Le coût des ScoT

Une enquête* menée sur les coûts de l’élaborationd’un ScoT a détaillé en sept points les frais d’ani-mation de la démarche (salaires et fonctionne-ment), les coûts des études servant à élaborer leScoT et d’éventuelles études complémentaires, lesdépenses liées à l’enquête publique, à la mise enœuvre de la concertation et de la communication.L’échantillon des 51 réponses présente naturelle-ment une grande diversité, tant en termes decaractéristiques territoriales (superficie, popula-tion) que de types de structures porteuses oud’états d’avancement de la démarche. Elle faitapparaître des coûts variants de 1 à 25, entre plusde 100 000 euros et 2,5 millions d’euros selon lenombre d’habitants sur le territoire, notammentceux vivant en zone urbaine, avec un effet d’éco-nomie d’échelle entre le ScoT urbain structuréautour d’un ou deux pôles urbains, le ScoT péri-urbain polarisé sur un pôle urbain éloigné (respec-tivement 2,30 et 2,50 euros). Les ScoT ruraux pré-senteraient les coûts par habitant les plus élevés(entre 3,30 et 3,70 euros). Quarante pour cent desScoT enquêtés ont réalisé des études complémen-taires, en priorité sur les déplacements et le foncier.Si le nombre d’habitants et le degré d’urbanité duterritoire apparaissent comme des variantesinfluant sur le coût d’élaboration d’un ScoT, lesfortes différences observées d’un territoire à l’autresont également fonction de la complexité des pro-blématiques et des pressions auxquelles le terri-toire est soumis, de son organisation administra-tive, de la conduite du projet, de la mobilisationpolitique… et du temps, la durée moyenne d’éla-boration d’un ScoT étant de quatre ans. n

* Enquête menée en 2007 par l’ETD et le Club des maîtres d’ouvrage de ScoT (CMO), en collaboration avec le Certu, auprèsde 234 structures porteuses de ScoT.<www.projetdeterritoire.com/spip/Documents/notes_etd/note_ScoT_2.pdf>.

EXTRAIT RÉDACTIONNEL DE D’ARCHITECTURES 176 - OCTOBRE 08 IX

Bulletin d’abonnement à retourner accompagné de votre règlement à : L’Agence Innovapresse – service abonnements 1, place Boieldieu 75002 Paris Tél : 33(0)1 48 24 08 97 Fax : 33(0)1 42 47 00 76E-mail : [email protected]

nn Je m'abonne à Urbapress Informations (48 n° par an) au prix de 999 € TTC

Nom : Prénom : Fonction : Société/organisme :Adresse : Code postal : Ville : Téléphone : Télécopie : E-mail Ci-joint mon règlement par : nn chèque à l’ordre de l’Agence Innovapressenn carte bancaire : ll VISA ll Eurocard/Master Card n° carte :date d’expiration : crypto.(La facture justificative sera jointe à (aux) exemplaire(s)Date : Cachet et signature :

(TVA 2,1% - Tarif 2009.Tarif étranger ou DOM-

TOM par avion : 1 019 €)

En savoir plus et commander toutes nos publications :www.innovapresse.com

DA1

76X

!

Urbapress Informations est une publication de l’Agence INNOVAPRESSE Sarl - RC Paris B 301 652 988

1, place Boieldieu 75002 Paris - Tél. : 01 48 24 08 97

La référence en matière d’informations sur les villes, les territoires et leurs projets

Nombreux sont ceux qui concourent àces activités à titre professionnel, à tempsplein ou partiel, même si tout recensementreste hasardeux en raison de multiples spécia-lités, positions (maîtres d’œuvre, maîtresd’ouvrage), institutions, en distinguant lesdécideurs des concepteurs et des exécutants.Autant de professionnels qui, dans quelquediscipline que ce soit, estiment leurs fonc-tions mal connues et mal reconnues, tandisque leurs statuts, leur formation, leur profilde carrière, leur rémunération méritent d’êtreaméliorés et sécurisés. Les équipes consé-quentes dans les domaines de la ville et duterritoire sont exceptionnelles (tous âges, qua-lifications et spécialités confondus).Beaucoup d’intervenants travaillent pratique-ment seuls. La faible rentabilité des activités

et les conditions de la concurrence découra-gent le bon fonctionnement de réseaux deformation, information, communication etcoopération. L’accumulation de méthodes etde connaissances dans des structures pérennesest limitée. Accessoirement, les méthodes degestion d’équipes réduites sont souvent rudi-mentaires, les comptabilités analytiques rares,les calculs des prix de revient et des seuils derentabilité intuitifs. Sans jouer les Ponce Pilate, les blâmes pour-raient se répartir ainsi :• À l’intérieur des collectivités localesmaîtres d’ouvrage, selon la taille, les pôles decompétence manquent ou du moins seconstituent très lentement. Les frustrationssont à peine voilées. « Les collectivités et orga-nismes publics utilisent mal le travail de

DOSSIER > R É M U N É R AT I O N D E S É T U D E S U R B A I N E S : U N D A N G E R E U X D I S C R É D I T

Antoine Grumbach : « Il faut tout repenser »

DA : COMMENT EST ORGANISÉE VOTRE AGENCE ?Antoine Grumbach : L’agence emploie unetrentaine de personnes réparties en troisdépartements (grandes études urbaines/urban design/programmation ; architec-ture/bâtiment ; espaces publics et infrastruc-tures). Le département études urbaines étanttotalement déficitaire, il serait difficile detenir sur la durée sans les deux autres unités.Alors pourquoi continuer à faire des étudesurbaines ? Parce que cela me passionne ; c’estpresque un travail de recherche, très lié à monenseignement. Et puis il y a ce défi hallucinantde devoir, d’ici à cinquante ans, accueillir7 milliards d’humains supplémentaires dansdes territoires à vocation urbaine et métropo-litaine. Si l’on continue, dans les écoles d’ar-chitecture, à ne pas s’intéresser aux questionsde la grande échelle, de la transformation desterritoires, on court à la catastrophe. Alorsqu’en architecture, on parle de l’achèvementd’un bâtiment, avec la forme urbaine et leprojet urbain on se trouve face à un inachève-ment perpétuel. Beaucoup d’architectes quitravaillent sur cette question « se prennentles pieds dans le tapis » car ils font seulement de l’architecture à grande échelle. Quant àl’’urbaniste, on ne sait pas s’il fait de la plani-fication (urban planner, c’est-à-dire le déve-loppement économique associé au dévelop-pement territorial), de l’architecture ou dupaysage (urban design). Un urbaniste, c’est

un intellectuel qui réfléchit sur le vivreensemble. Il exerce un passage entre le globalet le local, entre l’immatériel et le contexte.En contribuant à la mise en forme de l’espacepublic, il est un acteur politique. Il ne s’agitpas d’habiller une forme urbaine finie mais demettre en place des dispositifs, des proces-sus qui permettront des évolutions* pour« tenir » ce territoire sur la longue durée.C’est une lourde responsabilité qui devraitêtre reconnue par le politique.

DA : COMMENT VIVEZ-VOUS LA QUESTION DE LARÉMUNÉRATION DES ÉTUDES URBAINES ? AG : En matière d’études urbaines, la maîtrised’ouvrage n’est absolument pas conscientedes coûts d’études et de suivi ; elle ne par-vient pas à comprendre que nous voulons êtrerémunérés comme une profession libérale(avocats, etc.). Sa commande n’est générale-ment pas très structurée et vise des archi-tectes à qui elle demande de concevoir desmégaprojets architecturaux. Les concours etla préparation des marchés de définition coû-tent cher aux collectivités, qui nous proposentaujourd’hui des contrats où tout est option-nel. Cela leur permet de se dégager en coursde route, alors que l’investissement le pluslourd pour nous, c’est l’amont.S’agissant des concours sur les étudesurbaines, les rémunérations sont ridicules auregard du temps passé pour la concertation,

les réunions… La rémunération ne tient pra-tiquement jamais compte de l’allongementdes délais. Une étude de définition dure aumoins un an et se prolonge sans rémunéra-tion (par exemple, Rouen), pour déboucherfinalement sur des concours qui ne nousseront pas attribués. Un projet urbain, c’est :un tiers du temps en conception et échangesavec la maîtrise d’ouvrage sur le problèmedonné ; un tiers pour le dessin ; un troisièmetiers pour les réunions, souvent non rémuné-rées, auxquels il faudrait ajouter, à la Pagnol,un quatrième tiers sur le volet communica-tion (maquettes, films…).On a gagné le concours Porte de Paris (maîtred’ouvrage, SEM Plaine Commune) : on adénombré pas moins de 60 réunions impor-tantes et ce n’est pas fini. À Saint-Julien-en-Genevois, vainqueur de l’étude de définitionlancée par la commune, le projet de1 000 logements est en cours de réalisationpar un opérateur privé sur la base des résul-tats de l’étude de définition ! Aujourd’hui,trois ans après le concours, la Ville nous confieune mission après de nombreuses réunionsqui ont eu lieu sans même que soit proposé leremboursement des frais de déplacement !Aux États-Unis, tous les frais sont remboursés.J’ai gagné les Minguettes il y a vingt ans.Après dix ans d’études très variées, je voisarriver aujourd’hui un certain nombre desprojets que j’ai dessinés et l’on me demande

X EXTRAIT RÉDACTIONNEL DE D’ARCHITECTURES 176 - OCTOBRE 08

leurs prestataires. Les questions sont poséesde façon trop étroite et rigide. Les études nesont pas toujours bien exploitées, ni mêmetoujours lues. Les consultants n’ont pas suffi-samment accès aux véritables décideurs. » Lesconsultants « rendent compte oralement à desaudiences de techniciens, qui présententensuite les conclusions à leurs directeurs deservice, qui eux-mêmes avisent les élus. »Quelques optimistes voient les choses chan-ger. Certains sont consultés sur des problèmesde stratégie générale, mais aussi sur des compétences plus austères, touchant le mon-tage des projets, la programmation, la commercialisation, le développement dura-ble, etc. « Comme pour les tours-opérateurs,on nous demande de plus en plus du allinclusive, c’est-à-dire avec démarche participa-

tive, évaluation environnementale, étudesd’incidences avec de nombreuses incon-nues », témoigne Pierre Tixier, d’Erea (bureaud’études spécialisé en urbanisme, environne-ment, transports, rassemblant une dizaine desalariés et trois directeurs d’études associés).Étienne Parin, architecte, après avoir étémaître d’œuvre pendant un quart de siècle,est passé à la maîtrise d’ouvrage au GIP lesHauts-de-Garonne. Il note que « dans lerenouvellement urbain, avec des mécanismesdifférents, la situation n’est pas aussi catastro-phique. Il est vrai que c’est moins difficilelorsque, derrière les études, il y a une perspec-tive de réalisation. » S’agissant des missionsstratégiques (ScoT, PLU), il observe « une élévation spectaculaire du niveau des compétences depuis une dizaine

des missions ponctuelles d’assistance quidevraient être facturées 1 500 euros/jour. ÀRennes, le plan d’aménagement du Blosnes(8 000 logements) achevé un an avant lesélections, s’est arrêté pendant la campagneélectorale et doit reprendre bientôt !Néanmoins, il a bien fallu s’y rendre plusieursfois pour assurer la continuité avec les nou-veaux élus. À Bordeaux, pour le quartier duBassin à flots, « finalement il n’y aura pas deZAC et c’est le privé qui va reprendre la maincar ce n’est plus une priorité de la communau-té urbaine », nous dit-on sans évoquer unequelconque compensation. Pour toutes cesopérations, il faudrait des forfaits avec uneéquipe affectée, ce qu’Alexandre Chemetoff aobtenu à l’île de Nantes.On prétend que la question de la ville et des territoires est la plus importante duXXIe siècle. Mais cette économie latente n’estsoutenue par aucun investissement public enmatière de recherche et d’enseignement.Passer de Françoise Choay, Pierre Veltz etFrançois Ascher au concret est difficile. Il fauttrouver une articulation entre une vision et lagestion quotidienne, problème auquel, parexemple, les agences d’urbanisme n’appor-tent pas de réponses concrètes. Il faudraitmultiplier les études urbaines par cinq ou dixcar ce sont des outils de création de valeur,d’opportunités de construction, de réorgani-sation de l’espace. L’État et les collectivités

ont un rôle d’investissement à long terme.Les nouvelles dispositions pour l’attributiondes opérations d’aménagement par mise enconcurrence introduisent des opérateurs pri-vés. Pour beaucoup d’entre eux, il s’agitd’une nouvelle expérience et leur habitudede ne rémunérer qu’après les autorisationsadministratives est totalement inconciliableavec la réalité des études urbaines et territo-riales. Il faut absolument distinguer la rému-nération des études et du suivi urbain sur unelongue durée des promesses de maîtrised’œuvre qu’envisagent ces opérateurs. Larémunération devient plus compliquée si l’onfait miroiter des suites.

DA : LA RÉVOLUTION DES ÉTUDES URBAINES ESTTRÈS LIÉE À L’ÉMERGENCE DE NOUVEAUX OUTILS DEVISUALISATION DES TERRITOIRES. QU’EN EST-IL DE LAFORMATION DES PROFESSIONNELS, DE L’AMONT ÀLA FORMATION CONTINUE ?AG : Il y a un avant et un après Google Earth.Il faut tout repenser, de l’enseignement à lagestion des grandes opérations urbaines etterritoriales. Le contexte général des étudesurbaines et du métier d’urbaniste suppose ladisposition d’outils lourds afin de saisir lesterritoires dans un niveau de complexité quel’on ne pouvait pas appréhender avant. Tout àcoup, une matière absolument incroyable estmise à disposition, qui pose la question del’élaboration du projet. On observera qu’une

partie des dix équipes consultées pour leGrand Paris ne dispose même pas des outilspour ouvrir les fonds de plan IGN ! C’est unchantier phénoménal relevant de l’articula-tion entre la connaissance qui se décuple etl’apparition de ces nouveaux moyens dereprésentation de l’espace. Les architectesurbanistes effectueront de plus en plus demanipulations graphiques sur les villes. Et cechangement de méthodes de représentationde territoires connus fait apparaître d’autresproblématiques, à la croisée de la sociologie,de l’économie, de l’histoire… L’enseignementde ces domaines dans les écoles est aujour-d’hui à un niveau de bricolage généralisé.Dans les écoles d’architecture, l’enseignementde l’urbain est embryonnaire. À Paris-Belleville, le DSA sur les grands territoiresn’est pratiquement suivi que par des étran-gers. Dans les instituts d’urbanisme, la forma-tion au projet urbain est très limitée et iln’existe pas de formation à l’urban design.Les élus, eux, se forment sur le terrain et nedisposent souvent pas d’équipes compétentesnécessaires pour la gestion des grands projetsdans la durée. n

Antoine Grumbach est architecte, grand prix nationald’urbanisme 1992 et enseignant.

* Architecture et Construction des savoirs : quellerecherche doctorale ?, ouvrage collectif sous la directiond’Éric Lengereau, éditions Recherches/ministère de laCulture et de la Communication, juin 2008.

les études ne sont

pas toujours

bien exploitées,

ni même

toujours lues

… >

EXTRAIT RÉDACTIONNEL DE D’ARCHITECTURES 176 - OCTOBRE 08 XI

>

XII EXTRAIT RÉDACTIONNEL DE D’ARCHITECTURES 176 - OCTOBRE 08

d’années (peut-être parce que, en find’études, les étudiants se dirigent vers les col-lectivités locales). Ce qui pose à l’élu la ques-tion de sa propre compétence pour être enphase avec son administration. Le développe-ment croissant des services d’urbanisme descollectivités interpelle nécessairement lesprestataires extérieurs sur leur capacité à assu-rer leur formation continue. Cela, à lui seul,justifie de rémunérer la compétence à sonjuste prix. On n’est pas respecté si on ne sefait pas payer cher, ce que la maîtrise d’ouvra-ge est d’ailleurs prête à accepter d’un avocatou d’un communicant », observe-t-il. • Les chefs de projet, essentiels dans lerenouvellement urbain comme dans lesgrands projets, ont un statut variable (salariésde la maîtrise d’ouvrage, salariés mis à dispo-sition par l’État ou une collectivité, membresde sociétés de conseil, etc.) : recrutement dif-ficile, postes souvent mal profilés, rémunéra-tions délicates au regard des grilles de la fonc-tion publique territoriale.• Les consultants sont dispersés dans unemultitude de petites équipes, qui viventmédiocrement et souffrent d’un déficit d’image, à l’exception de quelques « stars »,presque toutes architectes urbanistes (souventplus architectes qu’urbanistes).• « La mise en commun de la matière grisen’existe plus, la documentation a été brû-lée », lisait-on dans le rapport de Jean-MichelRoux. Dans les années soixante-dix, les lieuxde débats et les médias professionnels se sontpeu à peu raréfiés (Métropolis, Macadam), lescollections consacrées à la ville chez degrands éditeurs (Seuil, PUF, Dunod,Moniteur) ont vu leur tirage baisser, des col-lections disparaître. Aujourd’hui, les publica-tions sur l’urbain sont rares : Diagonal (finan-cée par le ministère de l’Équipement),Urbanisme (soutenue par la Caisse des dépôtset l’Anru), Traits urbains. • Les formations en urbanisme, très nom-breuses, restent mal connues, sans représenter« un passage obligé pour les activités tou-chant l’urbanisme ». Dans les écoles d’archi-tecture, dénonce Antoine Grumbach, « l’en-

seignement de l’urbain est embryonnaire.Nous, à Paris-Belleville, avec Bruno Fortier,Francis Nordemann, on a un DSA sur lesgrands territoires mais il n’y a pratiquementque des étrangers. Dans les instituts d’urba-nisme, la formation au projet urbain est trèslimitée et il n’y a pas de formation à l’urbandesign. Quant aux élus, ils ne sont pas for-més. » Jean-Michel Roux relevait déjà que,faute de recettes suffisantes, « la précarité dela profession de consultant oblige les équipesà sacrifier l’essence de leur métier : l’échangedes expériences nationales et internationales,la documentation, le débat, la recherche d’outils et de méthodes nouvelles, l’associa-tion de disciplines complémentaires, bref lareconstruction de l’intelligence. » • Tellement affaiblis, on allait en oublier lesservices de l’État qui perdent de leur sub-stance depuis plusieurs décennies, alorsmême que les nouvelles DDT (les anciennesDDE/DDA) sont invitées à se positionnerdans un champ de compétences élargi (qui necorrespond déjà plus à leurs ressourceshumaines) et dans le champ concurrentiel.

PETITE HISTOIRE DE JEU D’ACTEURS Pourtant, en osant un bref rappel à l’atten-tion de nos plus jeunes lecteurs, notre pays afabriqué plus que d’autres du territoire neufet du tissu urbain au cours des soixante der-nières années : reconstruction (jusqu’en1955) ; croissance autoritaire, étalement etdissémination des villes (grands ensembles,villes nouvelles et zones d’activités, puispavillonnaire, de 1955 à 1980) ; grands projetscitadins (les décennies 1980 et 1990) ; enfin,renouvellement urbain depuis quelquesannées avec, en continu, un effort de réhabi-litation de quartiers historiques. Auraientdonc dû se constituer une culture approfon-die et une ingénierie puissante sur ces sujets,un tissu professionnel aguerri. De fait, aucours des années 1950 et 1960, les structuresse sont multipliées. L’État a mis en place desservices d’études, de planification et de maî-trise d’ouvrage, à l’Équipement après 1966, àl’Agriculture et dans d’innombrables

DOSSIER > R É M U N É R AT I O N D E S É T U D E S U R B A I N E S : U N D A N G E R E U X D I S C R É D I T

« il faut rémunérer

la compétence

à son juste prix.

On n’est pas

respecté si on ne

se fait pas payer

cher »

EXTRAIT RÉDACTIONNEL DE D’ARCHITECTURES 176 - OCTOBRE 08 XIII

missions, établissements publics, orga-nisations régionales d’études (Oréam) issusde ces ministères et de la Datar. On se sou-vient que les DDE comportaient toutes desGEP (groupes d’étude et de programmation)et des UOC (urbanisme opérationnel etconstruction). Parallèlement, de grandsbureaux d’études pluridisciplinaires à statutprivé produisaient doctrines et documents deplanification, au sein du groupe Caisse desdépôts (Sedes, Béture, SCET…) ; Métra inter-national (Otam, OTH, OTU, etc.), voirequelques indépendants (Béru, aujourd’huiCodra), auxquels on ajoutera certainesagences d’architecture importantes sur les ter-ritoires de grands ensembles. Avec le coup d’arrêt symbolique de la « circu-laire Guichard », en 1973, les commandes del’État ont chuté. Les lois de décentralisationde 1982-1983 ont déplacé la responsabilité del’urbanisme de l’État vers les collectivitéslocales. Des années leur seront nécessairespour se doter de services structurés et faireappel à l’extérieur. La crise de l’immobilier dudébut de la décennie 1990 est venue naturelle-ment ralentir le recours à ces professionnels.L’État disparaît complètement. L’aména-gement est en panne : alors qu’en 1994 encore, 18 % des logements commencésétaient en ZAC, ils n’étaient plus que 6 % en2006 ! Nombre de structures privées décli-nent, disparaissent ou réduisent leurs effec-tifs, liquident leurs archives, tandis que leurpluridisciplinarité s’effrite. Les difficultés actuelles rencontrées par lesurbanistes (au sens large), le manque d’expé-rience, de références, de modèles et desavoirs cumulatifs, le peu de confiance et deprestige accordés à ces professions s’inscri-vent en partie dans cette longue crise, mêmesi de grands concours ont donné du lustre àceux qui dessinent (architectes ou paysa-gistes) plutôt qu’à ceux qui écrivent (socio-logues, monteurs d’opérations, etc.) ou quicomptent (économistes, programmistes). La notoriété ne touche cependant qu’unpetit nombre de concepteurs, sans diminuerpour autant leurs problèmes de renta-

bilité, de continuité et de régularité d’activité.Ainsi, Rémi De Nijs, P-DG de la Scet (groupe SNI, Caisse des dépôts), confirmequ’en 2004, sa société est sortie de l’étude desdocuments types ScoT, PLU, PLH « parceque trop chronophage ! Il s’agit souventd’une démarche de commercial amont pourrepérer des terrains sur lesquels réaliser plustard des opérations. Ce type de documentest un produit d’appel, un cheval de Troiequi intéressera plutôt un professionnel local.La mise en place des SIG a ouvert les basesde données à beaucoup de gens, notammentles géomètres experts. »

QUI COMMANDE DES ÉTUDES ? Aujourd’hui, en France, la commande auxprofessionnels de statut privé émane princi-palement d’institutions publiques : État, col-lectivités, établissements publics, SEM agis-sant pour le compte de collectivités dans lecadre de mandats ou de conventionspubliques d’aménagement7. Jusqu’à uneépoque récente, le mode de production del’aménagement était assez simple : à l’aména-gement public, le long terme, la grande échelle, les infrastructures lourdes, le finance-ment des équipements ; à l’aménagementprivé, le risque de marché et le financementde la construction. Public et privé se succé-daient sur le terrain. Peu d’opérateurs privéslançaient des programmes d’investigationconséquents, sur des projets précis. Aujour-d’hui, les collectivités ne peuvent (ou ne veu-lent) pas assumer le risque du long terme etsouhaitent partager le coût du portage fon-cier. D’où la réapparition des acteurs privéssur l’amont. « Pour les Berges du lac, la CUBn’a pas payé un centime d’études ; c’est l’amé-nageur qui a tout payé, relève Patrick Baggio,soulignant que le travail préalable n’entre

le peu de

confiance et de

prestige accordés

à ces professions

s’inscrivent en

partie dans cette

longue crise

Note7. Jusqu’à la crise des années 1990, il était d’usage,bien que cela fût peu orthodoxe d’un point de vuejuridique, que les SEM préfinancent des études et seremboursent sur la réalisation des ZAC. Aujour-d’hui, mises en concurrence après la création de cesdernières, elles ne peuvent plus assurer cette tâche.

XIV EXTRAIT RÉDACTIONNEL DE D’ARCHITECTURES 176 - OCTOBRE 08

pas dans le coût de l’opération, alors que,quand il s’agit d’une ZAC conventionnée,cela ne choque personne que la collectivitépaye. » François Bertière, P-DG de BouyguesImmobilier et néanmoins architecte, recon-naît ouvertement : « Comme tout le monde,on rechigne à payer des études. Ce n’est pasdépenser de l’argent qui nous fait peur maisl’usage que l’on fait ensuite des études. ÀBordeaux-Lac, pour établir le plan d’urbanis-me, nous avons fait réaliser des études hydro-logiques assez fines, quelques études géotech-niques, plus des perspectives, des films, desmaquettes. » Le promoteur entend aujourd’hui « être pré-sent sur l’ingénierie urbaine, la création duprojet, la programmation, le montage juri-dique et financier… », ajoute Philippe Bamas,jusqu’à récemment son directeur de l’aména-gement et des grands projets urbains. Ainsi,« on passe d’un urbanisme très réglementé àquelque chose de plus contractuel », décritBertrand Parcollet (Icade Foncier Dévelop-pement). Et les promoteurs, profitant de l’em-bellie immobilière, étaient soucieux ces der-nières années de remonter vers l’amont enquête de foncier. Ils ont multiplié les outils :Nexity Villes & Projets (Versailles-Chantiers,Gennevilliers-Cœur de Seine, le Tripode deNantes, la gare d’Ermont-Eaubonne),Bouygues Immobilier (Bordeaux-Lac, Corbeil-Essonnes, etc.), Vinci Immobilier, SogepromAménagement, Brémond, Céléos et sa filialeVilles & Territoires, Carrère avec Harmonieurbaine, mais aussi Immochan avec Citania ;sans oublier la remontée de foncières commeGecina à Lyon, Foncière des régions àMarseille ou à Metz… Si les promoteurs commandent des études,c’est parfois en conditionnant une part dupaiement aux autorisations d’aménager et deconstruire. Selon Ingrid Nappi-Choulet, pro-fesseur à l’Essec, les opérateurs privés fran-çais mènent peu de recherches. Le marketingimmobilier8, vu de France, est d’abord uneexploitation de données statistiques et uneanalyse de sites sur fond de bases de donnéeset des études annuelles nationales ou

régionales sur le marché immobilier. Maisl’évolution des produits dans la ville endevenir et la stratégie qui en découle pourles producteurs restent le plus souvent lefruit d’un dialogue entre le management deces derniers et leurs forces de vente.

COMBIEN ÇA COÛTE ? L’organisation et le financement des étudessont particulièrement problématiques aujour-d’hui pour les ScoT, les PLU, voire les cartescommunales, qu’il faut établir rapidement enFrance. Il n’existe aucune norme de coût quipourrait être liée au nombre d’habitants ou àla superficie du territoire concerné. Les docu-ments existants ont souvent été constitués

grâce à des subterfuges budgétaires : assis-tance peu rémunérée des services de l’État,recours aux agences d’urbanisme, consultantsprivés sous-payés. Selon la loi SRU, environ380 ScoT sont nécessaires9. Or la mise aupoint des nouveaux ScoT et PLU s’avère trèslente, en particulier en raison du retard desétudes, des questions mal formulées, desmoyens insuffisants. Pour Jean-MarieBernard, responsable des SEM d’aménage-ment à la Fédération des EPL (anciennementFédération des sociétés d’économie mixte),« la multiplicité des études menées par desstructures différentes (syndicat des transports,syndicat de l’assainissement…) sans hiérarchi-sation, voire en contradiction les unes avec

DOSSIER > R É M U N É R AT I O N D E S É T U D E S U R B A I N E S : U N D A N G E R E U X D I S C R É D I T

les autres, fait que l’on dépense beaucoup enétudes mais mal ». Et le ScoT, « c’est un syn-dicat intercommunal avec encore des gensdifférents. » D’ailleurs, « le code des marchéspublics n’est pas adapté aux études ». Il y a des ScoT réalisés par les agences d’urba-nisme (Dunkerque, Strasbourg, Grenoble,Nîmes, Bordeaux, Nantes Saint-Nazaire, Paysde Rennes, Lorient, Orléans, Le Havre,Besançon, Montbéliard), des ScoT réalisés parle privé (Chambéry, Montpellier, LaNarbonnaise, Le Libournais). Côté PLU, 1 915sont en cours d’élaboration, 11 718 sontapprouvés et 4 839 sont en révision, auxquelsil faut ajouter 90 cartes communales en coursde transformation en PLU. Ces PLU sont réa-lisés en grande partie par les bureauxd’études. L’une des pistes du Grenelle de l’en-vironnement serait d’inciter aux PLU inter-communaux afin de mutualiser les études surdes échelles plus grandes. Mais se pose aussile problème de l’articulation entre les plansclimats et les documents de planification.SCE, un bureau d’études peu médiatique,créé en 1980, et qui emploie 250 personnesdont une quarantaine affectées à l’urbanismeet aux paysages, affiche comme « valeur ajou-tée : aborder une stratégie de projet avectoutes les problématiques réglementaires(hydraulique…) dans une réelle pluridiscipli-narité. Nous faisons des ScoT mais égalementdes PLU de plus en plus complexes et demoins en moins bien payés : de 20 000 à30 000 euros, avec un prix moyen de600 euros/jour. Les études préalables sont bra-dées dans la perspective de récupérer un chan-tier derrière (école, espace public, etc.), enle-vant ainsi peu à peu toute valeur aux étudesurbaines », déplore Patrick Ligeard.Sur les documents amont (PLU, ScoT), « il ya encore chez les élus une culture d’étudesgratuites (DDE…), note Louis Canizarès,président de l’OPQU et directeur de Desseinde ville. Le PLU d’une commune de 3 500 à 4 000 habitants que nous avons gagné en dépit d’un tarif considéré comme élevé(45 000 euros/HT), face à des offres à15 000 euros, nous a coûté 104 000 euros.

Après quelques PLU, j’ai dû licencier.Pourtant, je suis très sélectif sur les appelsd’offres. Aujourd’hui, cette matière grisen’est plus à disposition. Restent ceux quifont du copier/coller, des PLU de piètre qua-lité, de mauvais POS. » Patrick Baggio est au diapason : « Tous lesbureaux d’urbanisme qui ne se sont pas spé-cialisés dans les PLU refusent. Les trois PLUque j’ai faits m’ont coûté le double de ce quej’ai touché. J’ai abandonné le dernier,Périgueux, en cours de route. » Pierre Tixier,du bureau Erea, réalise des ScoT (Carcans ouSoustons) et des PLU. Qui candidate ? « Desurbanistes, des architectes, beaucoup de géo-mètres, les métiers de l’eau, les VRD, etc. Ilpeut y avoir 20 à 25 réponses pour un PLU.Pour une commune rurale, il va coûter entre25 000 et 30 000 euros HT ; pour une com-mune littorale entre 35 000 et 40 000 eurosHT. Mais il faut savoir qu’un PLU, c’est unminimum de 17 réunions… et cela court survingt-quatre à trente mois » : une réunion delancement, trois de diagnostic, trois pour lePADD, cinq pour les zonages, auxquelless’ajoutent des réunions publiques, etc. Biensûr, il y a aussi le PLU qui se paye avec lelotissement. Dans un lotissement, le géo-mètre touche par lot (VRD et règlement)entre 2 300 et 2 500 euros HT, sur lesquelsl’étude d’urbanisme peut arriver à 1 100 euros,soit 40 000 euros pour 40 lots. L’ordre régio-nal des architectes d’Aquitaine a d’ailleurssigné une convention avec le Snal pour favo-riser la constitution d’équipes plurielles. Appartenant à la génération du baby-boom(« on ne faisait pas de différence entre

Notes8. In Marketing et Stratégie immobilière de l’immobilier,Dunod, 1999.9. Au 1er janvier 2008, il y avait 53 ScoT approuvés(dont deux en révision), 38 projets arrêtés (la ges-tion des anciens schémas directeurs, qui doivent dis-paraître d’ici à fin 2010, un délai qui paraît courtpour ceux qui ont préféré attendre les récentes élec-tions municipales), 193 ScoT en cours et 70 en pro-jet (source : Meeddat/DHUHC).

…>

EXTRAIT RÉDACTIONNEL DE D’ARCHITECTURES 176 - OCTOBRE 08 XV

XVI EXTRAIT RÉDACTIONNEL DE D’ARCHITECTURES 176 - OCTOBRE 08

recherche opérationnelle et production,ce qui n’est pas le cas aujourd’hui »), LaurentFagart, architecte urbaniste OPQU, un anciendes Cete, souligne qu’avec le recul de l’État,« les communes sont moins assistées et leurschoix sont guidés par l’économie. L’insuf-fisance des rémunérations fait qu’il n’y a pasde travail pour les jeunes, qui ne peuventexercer qu’au sein d’une collectivité locale ouêtre salarié d’une agence. »

QUELLES RÉMUNÉRATIONS ? (OU LA CUISINE DES ANGES) Le coût quotidien d’un consultant, dans unestructure privée, est le produit de plusieursfacteurs. Une circulaire du ministère del’Équipement, d’avril 1969, remaniée en mai1981, délimitait ce cadre. En juin 1986, lemême type de document a été adopté parl’Équipement (le barème Scet/SFU) mais sixmois plus tard, une ordonnance du ministèredes Finances, appuyée sur des directives euro-péennes, interdisait tous les barèmes10. Lesdevis des études sont établis aujourd’hui surdes tarifs horaires ou quotidiens, mais sansréférence aux prix de revient. Le problème,nous confie Sophie Szpirglas, qui dirigeMethodus, cabinet-conseil en organisationpour les architectes, et qui a collaboré en sontemps au Guide de contrat de maîtrise d’œuvreédité par d’a avec la SFA, « c’est que les pro-cess ne sont pas maîtrisés car les architectes etles urbanistes manquent de recul sur leurmanière de fonctionner. L’architecture estl’une des rares activités économiques qui neconnaissent pas leurs coûts de production (lesystème des barèmes a concouru à ce quebeaucoup d’architectes s’exonèrent deréflexions sur leurs montants). La MIQCPavait sorti, à la suite des décrets MOP, destaux indicatifs d’honoraires. Mais, très vite,ils ont été négociés à la baisse dans unelogique de rapport de forces (l’enfer est pavéde bonnes intentions). En 2000, le Guide decontrat de maîtrise d’œuvre a ouvert la voie à une démarche de professionnalisation. Sans oublier que la rémunération des mis-sions d’urbanisme ne peut être assise sur

un pourcentage de travaux », souligne-t-elle. Philippe Panerai, architecte, urbaniste, grandprix de l’urbanisme 1999, pointe l’origine desmalentendus dans les modalités mêmes de lacommande des études urbaines, « le plus sou-vent traitées comme une fourniture ; les for-mulaires, actes d’engagement… utilisés sontpensés comme s’il s’agissait de biens inerteset donc interchangeables si l’on précise bienles quantités et les caractéristiques (tonnes degraviers, granulométrie, calories des repas decantine…). Cette indifférence justifie desremises en concurrence continuelles au pré-judice de la continuité et de l’approfondisse-ment du travail. Les reports de décisions etl’allongement des délais d’études qui endécoule sont très rarement compensés parune rétribution additionnelle, de même quel’invitation (pressante) à de nouvellesréunions, voire à des réunions publiques,généralement présentée comme naturelle. » Certaines interventions sont souvent considé-rées comme des compléments gratuits de mis-sions ou des activités honorifiques : anima-tions et coordinations de réunions dans descollectivités clientes, comptes rendus finauxdans des présentations médiatisées, confé-rences et colloques, groupes de travail natio-naux ou locaux sur des thèmes urbains,publications, etc. Cela explique en partie lesmauvais coefficients d’imputation d’expertsconfirmés au sein des structures.L’État donne rarement le bon exemple.Comment la dizaine d’équipes consultéespour le Grand Paris pourront-elles s’en sortir« avec un budget de 150 000 euros TTC chacu-ne pour six mois d’études, avec des équipes de30 personnes en moyenne et l’obligation defournir deux maquettes de 4 mètres de long ?C’est notoirement insuffisant », nous confie

DOSSIER > R É M U N É R AT I O N D E S É T U D E S U R B A I N E S : U N D A N G E R E U X D I S C R É D I T

Note10. « Il est constant que le ministère des Financesdéfende le principe du moindre coût dans la miseen concurrence des consultants. Jusqu’à pousser cesderniers à consentir des tarifs absurdes… »

l’un des « chanceux ». Plusieurs architectes(Rem Koolhaas, Herzog et de Meuron…)auraient d’ailleurs refusé de répondre. « Quandil reste deux ou trois candidats, il y a systéma-tiquement des demandes de ristourne », relèveLaurent Fagart. Tandis que Jean-MarieGalibourg, secrétaire général adjoint de laMIQCP, observe que « le conseil municipalmet cinq minutes pour voter les 50 millionsd’euros pour réaliser la médiathèque, maisdeux heures pour débattre de l’indemnité descandidats malchanceux. À l’échelle nationale,nous avons tout intérêt à ce que ces profes-sions du cadre de vie, dont la créativité et les savoirs recèlent une forte valeur ajoutée, seportent bien. C’est du reste pour cette mêmeraison que la MIQCP a toujours défendu,

aux côtés des professionnels, l’indemnisationdes concours de maîtrise d’œuvre. »Chaque mission fait l’objet d’une « cuisine »pour que le devis entre dans le budget (sup-posé ou connu) du client : allongement pos-sible du temps réellement consacré à certainestâches, pondération entre juniors et seniors(les prestations des consultants juniors sem-blent plus faciles à facturer), pondérationentre missions bien et mal payées, pondéra-tion entre spécialités à tarifs variables. Ledevis commercial apparaît alors comme unexercice souvent éloigné de la réalité. Lanotion de bénéfice, par exemple, en estexclue. « Cela fait trois ans que j’affiche750 euros/jour mais on me demande demettre de moins en moins de jours ! On

chaque mission

fait l’objet d’une

cuisine pour que

le devis entre dans

le budget>…

Les hors série de traits urbains, une collection d’ouvrages pour compléter votre information• Lyon confluence, l’ABC d’une consultation (oct. 2005)

• Marseille Euroméditerranée : la consultation Euromed Center (été 2006)

• Foncière Logement : consultations architecturales et urbaines (hiver 2006)

• Foncière Logement II : 52 consultations architecturales et urbaines (printemps 2008)

• Stratégie de concertation : la méthode 3D-GVA (printemps 2007)

• Seine-Arche à Nanterre : terrasses pour ville majeure (printemps 2008)

• Immobilière 3 F : 39 consultations architecturales et urbaines (décembre 2008)

• Paris, ZAC de La Réunion (décembre 2008)

• Paris, Hauts de Malesherbes (décembre 2008)

Pour commander, vous informer, en savoir plus sur nos publications : www.innovapresse.com

traits urbains et ses hors série sont des publications de l’Agence INNOVAPRESSE Sarl - RC Paris B 301 652 988

1, place Boieldieu 75002 Paris - Tél. : 01 48 24 08 97

XVIII EXTRAIT RÉDACTIONNEL DE D’ARCHITECTURES 176 - OCTOBRE 08

se fixe une idée de l’enveloppe, lenombre de jours est une variable d’ajuste-ment et pour faire baisser le prix de journée,on décompose avec des journées de secréta-riat, de documentation, etc., pour arriverentre 600 et 800 euros/jour », nous confie unautre cabinet. Les clients publics, même lors-qu’ils exigent des éléments de coûts détailléset fondés sur une comptabilité, sont rarementprêts à entrer dans le calcul des prix unitaires,ni à accepter des coûts quotidiens dépassant800 à 900 euros HT/jour, même pour des spé-cialistes très qualifiés11. « Nombre de maîtresd’ouvrage des collectivités locales comparent– plus ou moins inconsciemment – les hono-raires à leur salaire et considèrent que noussommes très bien payés, car ils font l’impassesur les frais de fonctionnement. La questiondes coûts de transport est généralement trèsfloue, le Parisien apparaissant alors plus cherque le local », relève Philippe Panerai.Une meilleure connaissance de la comptabi-lité analytique et des prix de revient apparaîtdonc indispensable, aussi bien du côté desfournisseurs que de celui des clients (voir sché-mas ci-contre, source Acad). En attendant, lasituation incite à la baisse des rémunérationsréelles : il y a toujours des consultants prêts àdiminuer leurs tarifs, simplement pour sur-vivre. La présence sur le marché d’équipes oude professions libérales résignées à une faiblefacturation interdit aux autres d’augmen-ter leurs prétentions, tandis que de telles pratiques génèrent vraisemblablement une culture du copier/coller préjudiciable à laqualité des documents produits.

QUELLES MISES EN CONCURRENCE ? On l’a dit, une partie des processus urbainsdemeure difficile à évaluer, à financer, àconcevoir, à négocier, à piloter. Les presta-tions d’études, mesurées à la journée deconsultant ou au salaire des équipes de pilo-tage, ne peuvent être calées sur des travauxou des investissements à terme, dont lemontant n’est, le plus souvent, pas encoreconnu. Valorisation insuffisante des presta-tions, d’un côté, résistance à payer les études

DOSSIER > R É M U N É R AT I O N D E S É T U D E S U R B A I N E S : U N D A N G E R E U X D I S C R É D I T

215 jourseffectifs

de travail

33 jours de formation-information

150 jours facturés

32 jours d’activité commerciale

45 jours de congés,jours fériés

260

jour

s

15%

70 %

15%

PRIX DE REVIENT :135 000 €

Marge nette : 15 000 € (env. 10 %)

Salaire brut :60 000 €

Frais généraux :45 000 €

Charges sociales :30 000 €

PRIX DE VENTE :150 000 €

soit :150 jours à 1000 €/j

LE PRIX DE VENTE ET LE PRIX DE REVIENT

RÉPARTITION DU TEMPS DU CONSULTANT…

(SOURCE ACAD)

à leur juste prix, de l’autre. Jusqu’où porterles budgets ? Comment introduire desméthodes de projets dans les structures descollectivités publiques ? Comment choisirdes consultants ? Comment justifier cechoix, définir leurs missions, communiquersur leurs compétences ? Les préparations de PLU de grandes villes, oude ScoT, demandent plusieurs années, mêmesi la réglementation issue de la loi SRU incite à resserrer les délais. De tels délaisimpliquent des assistances extérieures conti-nues, sous forme d’équipes stables. Mais lesmarchés publics ne permettent que rarementà la maîtrise d’ouvrage de s’assurer des colla-borations sur de telles durées. Enfin, il existeune tendance à la globalisation des études surdes projets complexes. Dans le cadre d’appelsd’offres opérateurs-concepteurs, les opérateursprivés tentent naturellement de minimiserleurs budgets, en promettant aux sous-traitants de se payer sur la bête en cas de succès, ce qui ne peut convenir, à la rigueur,qu’à de futurs maîtres d’œuvre. Dans desétudes de définition, mal payées, les archi-tectes urbanistes (à la rigueur paysagistes)sont mandataires et les autres (BET, écono-mistes, écologues, etc.) jouent les wagons dequeue avec des rémunérations marginales, cequi fait dire à certains que le discours sur laville appartient plus que jamais à des archi-tectes au sens strict. En tout état de cause, cesphases préalables sont impopulaires puisquecoûteuses : elles ne débouchent pas nécessai-rement ni rapidement sur des réalisations etexigent des actions de communication et deconcertation, hasardeuses par définition. Deux procédures sont cependant supposéesréduire quelques-unes de ces difficultés :• Les marchés d’étude de définition recom-mandés par des missions de l’État : MIQCP,DIV12… qui laissent la possibilité d’enclencherultérieurement d’autres tâches avec les mêmesprestataires. Ils ont connu un succès crois-sant13, même si l’Europe ne les aime pas et ainvité fermement la France à y mettre fin ; laMIQCP précise qu’ils figurent toujours dansle code des marchés publics.

Jean-Paul Lebas observe qu’on lance un mar-ché de définition « quand on ne sait pas oùl’on va. La rémunération est généralementinsuffisante. » Il en veut pour exemple leTriangle de Gonesse remporté par GüllerGüller face à Seura (David Mangin) etBruno Fortier, « avec qui nous avons dépensé plus du double des indemnités de120 000 euros ». En outre, « la maîtrise d’ouvrage finit toujours par demander deschoses en plus et se révèle ensuite incapablede passer le marché espéré ». Ces marchés de définition ne traitent pas detous les sujets d’études amont. Généra-lement, ils permettent de désigner troiséquipes, qui proposent de concert dans unepremière phase, puis en compétition dansune seconde, l’image d’un quartier aprèsrestructuration ou construction. Quelquescas d’études de définitions ouvrent, parexemple, sur de l’assistance à maîtrise d’ou-vrage publique. • Les marchés à bon de commande, qui res-tent peu usités.Enfin, nouveauté du code 2006, l’accord-cadre, qui ressemble à un marché à bon decommande et consiste à dire ce que maîtrised’ouvrage et prestataire vont faire

Notes11. Ndlr : si certains professionnels qualifiés affi-chent des prix jusqu’à 1 500-1 650 euros HT/jour,nous avons aussi rencontré des 250 euros/jour ! Cespratiques pèsent sur l’économie des études et surl’ensemble des professions concernées. AnnetteKari, architecte urbaniste, responsable de l’unité« production aménagement » de la Scet, une équipede cinq personnes, se souvient d’un dossier pour lequel, il y a trois ans, le prix était de 1 000 euros/jour, alors que le « juste prix » auraitété de 1 200 euros/jour. Aujourd’hui, il se seraitnégocié à 800 euros/jour. 12. Entre autres publications, DIV : « Marchés dedéfinition, une démarche de projet urbain », janvier2002. MIQCP : « La méthode des marchés de défini-tion simultanés », 2001.13. Voir Epppur/IUP : « Les marchés de définition,évaluation d’une procédure », pour la MIQCP etl’IPAA, 2001. Entre 1996 et 2000, le nombre de cesprocédures de marché est passé de 16 à 103 par an.Soixante-quatorze pour cent concernent des projetsurbains.

…>

EXTRAIT RÉDACTIONNEL DE D’ARCHITECTURES 176 - OCTOBRE 08 XIX

LLee 99ee ffoorruumm ssee ttiieennddrraa llee 1100 nnoovveemmbbrree 22000099 aauu PPaallaaiiss ddeess CCoonnggrrèèss

La présentation d’une soixantaine de projets urbains et une occasion exceptionnelle d’échanges et de débats avec plus d’un millier d’élus et techniciens de collectivités, partenaires, investisseurs, promoteurs,commercialisateurs et prestataires...

……eett ttoouuttee ll’’aannnnééee ssuurr ::wwwwww..pprroojjeettss uurrbbaaiinnss..ccoommwwwwww..iinnnnoovvaapprreessssee..ccoomm

NNoouuss aavvoonnss rreennddeezz--vvoouuss llee1100 nnoovveemmbbrree 22000099ppoouurr llee 99ee FFoorruumm ddeess PPrroojjeettss UUrrbbaaiinnss

XX EXTRAIT RÉDACTIONNEL DE D’ARCHITECTURES 176 - OCTOBRE 08

ensemble et par quels marchés (et l’onpasse les marchés au fur et à mesure pendantquatre ans, et plus si affinités). Cette procédure serait parfaitement adaptéeà l’urbain où l’on peut ajuster le cahier descharges du marché suivant. Gérard Penot,urbaniste, de l’atelier Ruelle (créé il y avingt ans et regroupant environ 25 per-sonnes : architectes, urbanistes, paysagistes)se flatte de « connaître la rentabilité dechaque affaire, mois par mois. Une foisqu’on a le budget, il faut se débrouiller pourque cela marche et qu’on ait malgré tout dela qualité. Cela devient plus difficile avec lesmarchés-cadres : quatre ou cinq équipessont admises à faire une offre compétitive.Il faut répondre avec des références, unenote méthodologique et des coûts. Quandon est choisi, on ne sait pas ce qu’on agagné. » Beaucoup de consultants interrogésrefusent de répondre à des appels d’offrespour des études amont, sauf quand le ter-rain leur paraît « préparé ».

Y ALLER OU PAS ? LES RAISONS SONT TOUJOURS À PEU PRÈS LES MÊMES• Ces procédures d’appels d’offres et demises en concurrence sont « rigides et coû-teuses pour les commanditaires comme pourles prestataires ». Dans les collectivitésdemandeuses d’études comme chez lesconsultants, un relatif consensus est apparusur les coûts engagés globalement avant ladésignation du lauréat d’un appel d’offres,excessifs comparés aux honoraires attribuésensuite pour la réalisation des études14. S’il estpossible de signer des marchés sans formalitéjusqu’à 90 000 euros HT, il devrait être anor-mal de lancer un appel d’offres public complet, en deux étapes, pour moins de30 000 euros TTC. Dans ce cas, l’envoi àquelques équipes d’un cahier des chargessimple, avec une demande de réponse enquelques pages, devrait suffire. • Des cahiers des charges parfois déficients.• Le volume des documents exigés avantsélection (dossier administratif lourd,

notes méthodologiques importantes, deviscomplexes…) fait craindre un formalismeadministratif dans l’examen des candida-tures. Aux exigences réglementaires, il fautajouter les prescriptions de certains servicesde l’État, notamment du ministère desFinances, avec des motifs d’objectivité et demoindre coût des sélections. Un formalismeil est vrai très confortable pour justifier lechoix d’un prestataire, même si la qualité duservice rendu s’en ressent.• Minutieuses, lentes et lourdes, les procé-dures comportent des risques juridiques d’an-nulation et de recours. Elles exigent la mobi-lisation de commissions techniques pour ana-lyser les propositions, de nombreusesréunions de jurys. • De fréquents soupçons pèsent sur l’im-partialité du jugement par un grandnombre de personnes sur des critères changeants et imparfaits : partialité deschoix, incompétence des jurys, insuffisanteattention aux propositions.

DOSSIER > R É M U N É R AT I O N D E S É T U D E S U R B A I N E S : U N D A N G E R E U X D I S C R É D I T

Lexique de typologies des bâtiments et des différents « quartiers ».

Projet lauréat de l’agenceGüller Güller pour le Triangle de Gonesse, 850 hectares à cheval sur les départements du Val-d’Oise et de la Seine-Saint-Denis.

EXTRAIT RÉDACTIONNEL DE D’ARCHITECTURES 176 - OCTOBRE 08 XXI

• L’atomisation des sociétés de consultants,qui ne leur permet pas de s’engager seulesdans des marchés longs et pluridiscipli-naires. Il faut s’associer, monter des équipescomplexes selon des répartitions d’hono-raires et de tâches fixées à l’avance, en dépitde changements de programme de travailpresque systématiques.• Les programmes et les délais d’étudedeviennent de plus en plus rigides, alors quedans les étapes pré-opérationnelles d’un pro-jet, il faudrait laisser place à des recherches.Les conséquences portent sur la forme (délaiset facturation) et le fond (pertinence des solu-tions proposées). La particularité des étudesurbaines est qu’on ne maîtrise ni le temps, niles enveloppes budgétaires et qu’on ne sait pasévaluer le coût de l’interdisciplinarité, pour-tant facteur de choix des prestataires. Or elleest rare aujourd’hui, dans l’état de la profes-sion, car elle implique un coût de coordina-tion et de réflexion en commun. • Après l’accord de principe qui clôt les

négociations commerciales, le consultant estle plus souvent amené à travailler avant et saposition est fragilisée par des délais troplongs de paiement des factures. « Les délaisde paiement dépassent très fréquemment lesquarante-cinq jours et suscitent des difficultésde trésorerie quasi permanentes pour lesstructures modestes (environ dix per-sonnes) », témoigne Philippe Panerai.

POUR EN SORTIR Face à cette analyse, les suggestions quenous avons reçues sont nombreuses. Fauted’intérêt affiché de l’État, elles mériteraientd’être portées vers les associations d’élus etde maîtrise d’ouvrage par les diverses asso-ciations de professionnels, pour que l’on nepuisse pas constater dans quelques annéesque le rapport Jean-Michel Roux de 2003n’a pas été suivi d’effets.Les bureaux d’études sont certes responsablesdu montant de leurs prestations puisque cesont eux qui les proposent, mais ils se trou-

vent en fait prisonniers aujourd’hui d’un sys-tème qui ne peut les amener qu’à casser lesprix et donc à produire des prestations enrapport avec les prix proposés. « Commentrompre la spirale ? », demande RichardTrapitzine, suggérant quelques pistes amont :• Doter la maîtrise d’ouvrage publique d’unevision claire du processus d’évolution des ter-ritoires et de la ville, afin de justifier lesétudes urbaines au regard de ce processus, enles appuyant sur des cahiers des charges etdes missions claires avec garanties de résultat.• Faire réaliser les études stratégiques, régle-mentaires et pré-opérationnelles par la >

La qualité des études suppose l’existence,aux côtés des décideurs, d’un réseau pro-fessionnel diversifié dans ses modesd’exercice, structuré et économiquementviable. Cela implique une juste rémunéra-tion des études, à la hauteur de la réalitédu travail nécessaire et des exigences dequalité attendues des prestataires. À cetégard, il faut éviter une dispersion desmoyens publics dans des procédures deconsultation inappropriées et coûteusespour les maîtres d’ouvrage comme pourles professionnels. Le code des marchéspublics a été sensiblement modifié, en2004 puis en 2006, en réaffirmant lesprincipes de l’achat public que sont l’éga-lité d’accès à la commande, l’égalité detraitement des candidats et la transpa-rence des procédures, tout en laissant àl’acheteur public une certaine liberté demise en œuvre.Une nouvelle version du Guide relatif aux

principes généraux et modalités d’orga-nisation des mises en concurrence enmatière d’études d’aménagement, d’urbanisme et de déplacements, enconformité avec le nouveau code des mar-chés publics1 accompagne une récente cir-culaire (DEVU0812780C du 21 avril 2008).Il réaffirme et actualise ces principes,donne des recommandations pour organi-ser des consultations efficaces dans lesdomaines cités en objet, à l’exclusion desétudes de maîtrise d’œuvre d’ouvrages(bâtiments ou infrastructures). Il précise lesmodes de consultation adaptés au pro-blème posé, au budget disponible et auxfrais à engager par les candidats. Le Guidestipule qu’« en matière d’étude d’urba-nisme, le prix ne peut être le critère déter-minant pour choisir la meilleure offre ».À noter, cas particulier, qu’en matièred’études d’urbanisme opérationnel oud’aménagement, un certain nombre de

prestations peuvent relever de la définitiondes marchés de maîtrise d’œuvre d’urba-nisme2 au sens du code des marchéspublics. Par exemple, lorsque ces prestationsse rattachent à un ou plusieurs éléments demission définis par la loi MOP (diagnostic,études préliminaires ou d’avant-projet) et qu’elles concourent à la réalisation d’unprojet urbain ou paysager. n

Notes1. Ce guide est téléchargeable sur le site de d’a(www.innovapresse.com).2. Pour davantage de précisions, le maître d’ouvragese reportera utilement aux fiches « Médiations »n° 11-1 et 11-2 de la MIQCP.

Modalités d’organisation des mises en concurrence

Note14. Le Gefil (Syndicat national de l’ingénierie de loi-sirs) a estimé que le coût d’un appel d’offres s’élevait,selon la procédure, entre 7 500 et 10 500 euros HTpour la collectivité et entre 15 250 et 30 660 euros HTpour le consultant. On trouvera auprès de l’Acaddes exemples concrets de calcul de prix d’un consul-tant (cf. page XVIII).

XXII EXTRAIT RÉDACTIONNEL DE D’ARCHITECTURES 176 - OCTOBRE 08

maîtrise d’ouvrage publique en touteindépendance par rapport aux acteurs de laphase opérationnelle, mandataires ou conces-sionnaires. Dans le même ordre d’idée, exigerune indépendance de la maîtrise d’œuvredans les phases amont préalables à l’opéra-tionnel (interdiction de cumul). En revanche,développer les missions d’AMO auprès desdonneurs d’ordres publics pour assurer le lienentre chacune des phases du processus (dustratégique au vécu des espaces).• Rechercher des systèmes de retour d’inves-tissement au stade opérationnel pour lesétudes stratégiques, réglementaires et pré-opérationnelles, fiscalité locale propre, por-tage des études par des EPCI au même titreque le portage foncier par les EPF.• Privilégier la méthodologie, dans les cri-tères d’attribution des marchés d’étudesurbaines, les conditions de mise en œuvreet de garantie de bonne fin, plutôt que lecritère de prix. Pour Jean-Michel Roux, « c’est d’abord l’espritqu’il faut changer ». Voici quelques-unes deses propositions financières et juridiques :

• Une modification de la nomenclature du code des marchés publics : limiter à90 000 euros HT par opération la commande de prestations intellectuelles detoute nature. C’est presque ridicule s’agis-sant de grands projets d’urbanisme étaléssur plusieurs années !• L’introduction plus nette dans les textes dela notion de conseil, à côté des études et dela maîtrise d’œuvre. Cela implique des presta-tions durables (plusieurs années), au « taxi-mètre », avec des procédures de questions etde réponses mais sans programme de travailtrop précis.• Des prix de revient horaires ou quotidiensargumentés15. La référence à un barème étantdésormais impossible, cela suppose que lamaîtrise d’ouvrage soit mieux informéequ’aujourd’hui des conditions de fonctionne-ment des prestataires et que l’on établise unedistinction entre des prestations forfaitisées(par exemple, un programme d’études) etd’autres à rémunérer au temps passé(réunions ou actions de communication).• Des honoraires correspondant aux presta-

DOSSIER > R É M U N É R AT I O N D E S É T U D E S U R B A I N E S : U N D A N G E R E U X D I S C R É D I T

…^ Étude de faisabilité pour le secteur des Bournouviers à Herblay (Val-d’Oise). Étude en deux phases : juin 2007-juin 2008. Mission urbaniste (Marniquet Associés,mandataire) : 42 000 euros HT. Mission AMO (Namo) :18 200 euros HT. Mission BET VRD (Techni’Cité) : 8 500 eurosHT. Mission paysagiste (D’Ici Là) : 6 650 euros HT.

tions réellement demandées dans le contrat etnon reportés à d’hypothétiques « suites »,notamment en maîtrise d’œuvre. D’autantque ces « rattrapages » par la maîtrise d’œuvrene peuvent être espérés que par un nombrelimité de professions, architectes ou bureauxd’études techniques. Veiller à ce que les inter-ventions ponctuelles très qualifiées (confé-rences, colloques16, séminaires, groupes de tra-vail, formations, présentations de projets)soient décemment rémunérées. • Un environnement professionnel mini-mum mérite des initiatives publiques. Parexemple, tisser les liens avec l’enseignement,multiplier les professeurs associés, encouragerune politique de publications (livres et revues,traductions et ouvrages originaux), de ren-contres professionnelles17, de centres docu-mentaires, de financement de thèses. Pouraméliorer la qualité de la commandepublique de prestations intellectuelles, desinitiatives ont été prises au conseil régionaldes Pays de la Loire comme au Conseil géné-ral de l’Essonne, développant ainsi uneconnaissance commune du territoire.« Pourquoi n’affiche-t-on pas le prix, que jesache si j’ai les moyens ou non d’y aller ? »,interpelle Laurent Fagart, relayé par LouisCanizarès qui se déclare favorable « à l’affi-chage préalable d’un budget ou au moinsd’une fourchette, notamment pour lesétudes amont, permettant aux structuresd’économiser des jours perdus dans desréponses où l’on est hors budget, d’éviter degaspiller de la matière grise, voire de se posi-tionner différemment ». D’ailleurs, leCFDU, dans une approche optimiste, aformé, durant son université d’été 2008, ungroupe de travail afin de « mieux connaîtrela réalité des prix pratiqués sur les études etréalisations en urbanisme (observatoire ?),organiser une information des maîtres d’ou-vrage privés et publics (élus-techniciens) etdes prestataires en urbanisme ». Certains s’at-tachent déjà à signaler des dysfonctionne-ments comme le font sur les concours lesconseils régionaux de l’ordre des architectes.Pour sa part, Jean-Paul Lebas fait le parallèleavec la situation de l’ingénierie technique ily a une dizaine d’années, qui a amené à ren-forcer le Syntec. Il propose, sans nécessaire-ment être suivi par tous ses adhérents, decombattre la mauvaise rémunération desétudes en « asséchant le marché des presta-tions de basse qualité par une labellisation,à l’instar de ce qu’a réalisé le Gefil18 ». Forte de son expérience et de ses activités d’en-

seignante, Sophie Szpirglas gage que « ce quipeut faire bouger la profession, c’est la réfor-me des études d’architecture (LMD) et la miseen place d’une habilitation à pratiquer la maî-trise d’œuvre en étant informé sur la ges-tion ». Elle se montre donc optimiste surl’évolution des pratiques (« ceux qui arrive-ront sur le marché dans cinq ou dix ans leferont bouger »), plus inquiète pour les paysa-gistes (« par rapport aux architectes, les paysa-gistes, c’est le Moyen Âge ») et franchementpessimiste sur la maîtrise d’ouvrage pourlaquelle elle préconise « la mise en place deformation à la maîtrise d’ouvrage ». Jean-Marie Galibourg enfonce le clou : « Leseul moyen pour sortir de l’impasse est d’ins-tituer une pédagogie de la maîtrise d’ouvragepublique, bien souvent salariée, pas forcémentmal intentionnée mais qui ne soupçonne pasl’ampleur du travail à fournir et celle descharges d’un prestataire privé. Il s’agit d’expli-quer aux maîtres d’ouvrage, en s’écartantd’une logique archaïque de barème et dans laplus grande transparence, comment le prix dela mission est formé, à partir de données éco-nomiques “vraies”. C’est la seule voie, si l’onveut que le travail de la maîtrise d’œuvre soitun jour peut-être reconnu à sa juste valeur. » Les études urbaines mènent à des décisionsqui concernent des investissements publics etprivés, accompagnées d’effets économiques,sociaux et culturels considérables. Dans denombreux cas, le montant de ces investisse-ments peut être approché, même s’il doits’étaler sur une grande période. Il serait doncpossible de s’inspirer de modèles industrielsqui affectent aux études préalables et à laR&D des pourcentages plus ou moins nor-malisés. À l’heure où l’on évoque de plus enplus la notion de coût global, il serait tempsd’aborder une approche plus ouverte sur lafonction et la rémunération des étudesurbaines et sur leur financement. n

Notes15. Liés à des taux d’imputation, des frais de struc-tures, des salaires nets.16. « Si les intervenants étaient rémunérés, dans lescolloques, on éviterait les plateaux de dix personnesoù chacun parle cinq minutes, du moins si le voi-sin ne lui a pas volé son temps. »17. Renforcer et pérenniser notamment les entre-tiens biennaux du club Ville Aménagement et leForum annuel des projets urbains organisé parInnovapresse.18. Le Syndicat national de l’ingénierie loisirs-culture-tourisme regroupe environ 80 entreprises,c’est-à-dire la majorité des cabinets-conseils spéciali-sés dans les secteurs du tourisme et de la culture.

EXTRAIT RÉDACTIONNEL DE D’ARCHITECTURES 176 - OCTOBRE 08 XXIII

DIRECTIONDirecteur de la publication Jean [email protected]

RÉDACTION Rédacteur en chef Direction artistiqueEmmanuel [email protected]édactrice-graphisteMarie-Hélène [email protected] Secrétaire de rédaction Joëlle [email protected] Assistante Hayat Van Bosterhaudt

d’architectures remercie les personnes qui ont participé à cette enquête,particulièrement Louis Canizarès / OPQU,Francis Cuillier / CFDU,Jean-François Guet / CERTU,Jean-Paul Lebas / ACAD,Jean-Marie Galibourg / MIQCP.

DIRECTION PUBLICITAIREDaniel [email protected]

ADMINISTRATIONÉditeur : Société d’éditions architecturales (SEA) - SARL au capital de 3 000 euros

Abonnements : SEA/Innovapresse1, place Boieldieu - 75002 ParisTél. : 01 48 24 08 97/Fax : 01 42 47 00 [email protected] du numéro : 9,50 euros

Abonnement 1 an - 9 numéros (tarif 2009)Tarif normal 82 euros ttcÉtudiant 60 euros ttcDom-Tom et étranger 102 euros

ISSN : 1145-0835.Dépôt légal : octobre 2008Commission paritaire : 0209 T 84293© d’Architectures 2008

Groupe Corlet ImprimeurZI route de Vire - BP 86, 14110 Condé-sur-Noireau

d’aD’ARCHITECTURES

SEA, une filiale du groupede presse indépendant