Relativité restreinte - Bases et applications

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  • SCIENCES SUP

    Cours et exercices corrigs

    SCIENCES SUP

    RELATIVIT RESTREINTE

    Bases et applications

    Claude Semay Bernard Silvestre-Brac

    MATHMATIQUES

    PHYSIQUE

    CHIMIE

    SCIENCES DE LINGNIEUR

    INFORMATIQUE

    SCIENCES DE LA VIE

    SCIENCES DE LA TERRE

    C. SEM

    AY

    B. SILV

    ESTRE-B

    RA

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    ISBN 2 10 049483 X www.dunod.com

    RELA

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    Cet ouvrage sadresse, en particulier, aux tudiants de Licence nayantencore aucune notion de la thorie de la relativit. Il constitue donc unoutil de travail trs utile pour la prparation dexamens, de concours,dexposs ou darticles. La relativit dEinstein est par bien des aspects une thorie trange.Heureusement, cela ninterdit nullement quelle puisse tre bien comprise.Parmi les sujets traits dans cet ouvrage, citons entre autres la cinmatique,la dynamique, les systmes de particules, la thorie lectromagntiqueet le formalisme tensoriel. De plus, une attention toute particulire estconsacre la rsolution de soi-disant paradoxes attribus cette thorie,comme celui des jumeaux de Langevin .Les autres particularits pdagogiques de cet ouvrage sont lutilisationdune reprsentation graphique originale de la relativit restreinte,lillustration de la thorie par de nombreux exemples bass sur les (futurs ?)voyages interstellaires, et la construction des quations de transformationde Lorentz, la fois suivant une dmarche historique et suivant uneapproche moderne beaucoup plus gnrale. La bonne comprhension dune thorie se manifeste par la capacit dersoudre des problmes spcifiques. Cest pourquoi des exercices sontproposs avec leurs rponses la fin de chaque chapitre.

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    Licence Master coles dingnieurs

    Claude Semay Bernard Silvestre-Brac

    RELATIVIT RESTREINTE

    1 2 3 4 5 6 7 81er cycle 2e cycle 3e cycle

    LICENCE MASTER DOCTORAT

    CLAUDE SEMAY

    est chercheur qualifiFNRS, luniversit deMons-Hainaut (Belgique)

    BERNARD SILVESTRE-BRAC

    est charg de recherchesCNRS, au laboratoire dePhysique Subatomique etde Cosmologie deGrenoble

    NordCompoFichier en pice jointe9782100494835_couverture.jpg

  • RELATIVITRESTREINTE

    Bases et applications

    Claude Semay

    Chercheur qualifi FNRS luniversit de Mons-Hainaut (Belgique)

    Bernard Silvestre-Brac

    Charg de recherches CNRSau laboratoire de Physique Subatomique

    et de Cosmologie de Grenoble

    Lim Semay Page I Lundi, 12. septembre 2005 3:08 15

  • Illustration de couverture :

    Raoul Giordan

    Dunod, Paris, 2005ISBN 2 10 049483 X

    Lim Semay Page II Lundi, 12. septembre 2005 3:08 15

  • Avant-propos

    Oui, mais qui a raison en ralit ? insista M. Tompkins. Vous ne pouvez pas poser une question aussi gnrale.

    En relativit, les observations sont toujours rapportes un observateur particulier, un observateur

    dont le mouvement est bien dfini relativement ce qui est observ.

    Extrait dun dialogue entre M. TOMPKINS et le professeur

    Depuis quAlbert Einstein a, en 1905, jet les bases dune des thories les plus fon-damentales de lhistoire des sciences, la relativit restreinte, des centaines de livreset des milliers darticles ont t publis sur le sujet. Rechercher, dans un ouvragecomme celui-ci, loriginalit tout prix naurait donc t ni ais ni, sans doute, pda-gogiquement avantageux. Nous croyons cependant que ce manuel se distingue dau-tres livres par trois caractristiques : premirement, lutilisation dune reprsentationgraphique originale de la relativit restreinte ; deuximement, lillustration de lathorie par des exemples (acadmiques) bass sur les (futurs ?) voyages interstellai-res ; troisimement, la drivation des quations de transformation la fois par unedmarche historique et par une approche moderne beaucoup plus gnrale.

    Nombre de nos concepts, bass sur le sens commun, doivent tre abandonns enrelativit restreinte, dont le plus solidement ancr en nous est sans doute le caractreabsolu du temps. La relativit dEinstein est par bien des aspects une thorie trange.Heureusement, cela ninterdit nullement quelle puisse tre bien comprise si lonveut bien se donner la peine de lui accorder lattention quelle mrite. Un peu daidetant cependant toujours la bienvenue, nous avons illustr aussi souvent que possiblecertains dveloppements formels de la thorie par une approche graphique originaledue F. W. Sears et R. W. Brehme. Nous pensons quune reprsentation graphiquedes concepts de base de la relativit restreinte peut fortement aider la comprhen-sion de la thorie et, en particulier, des fameux paradoxes quon lui attribue.

    Comme dans beaucoup de manuels, nous illustrons la thorie par des applicationstires, aussi souvent que possible, de publications scientifiques. Dans cet ouvrage,nous faisons de plus appel des exercices acadmiques bass sur les vhicules spa-tiaux. Sil est vrai que les fuses, et autres astronefs, ne sont pas des objets relativis-tes, on ne peut toutefois pas rejeter le fait quils le deviennent un jour, dans un futurpeut-tre lointain. Nous pensons en outre que ces applications , toujours dvelop-pes avec rigueur, peuvent apporter un peu de fantaisie et de rve dans un texte par-fois (souvent ?) austre. Cest galement dans le but dagrmenter un peu le manuelque des illustrations issues de vieux magazines de science-fiction ont t ajoutes.

  • Dans ce livre, les quations de transformation de la relativit restreinte sont ta-blies en se basant sur linvariance de la vitesse de la lumire dans le vide. Cettedmarche, qui est la plus utilise et sans doute aussi la plus simple, nest cependantpas la plus gnrale. Nous dmontrerons donc lexistence dune vitesse limite inva-riante dans lunivers en partant dhypothses trs raisonnables sur la structure delespace-temps. Cela se fait indpendamment de la thorie lectromagntique,celle-ci ne fournissant quun cadre pratique pour mesurer cette vitesse.

    Cet ouvrage ne se prtend nullement exhaustif. En particulier, certains points dif-ficiles de la thorie de la relativit restreinte, comme les reprsentations des grou-pes de Lorentz ou de Poincar, ne seront pas abords. Bien quun chapitre impor-tant soit consacr aux connexions existant entre la relativit restreinte etllectromagntisme, cette dernire thorie est loin dtre compltement couverte.

    Ce manuel sadresse avant tout aux tudiants nayant encore aucune notion de lathorie de la relativit restreinte, mais des lecteurs plus avertis doivent pouvoircependant y trouver de nombreuses matires rflexion.

    Nous proposons ici un petit guide de lecture. Certains mots importants, souventpropres la thorie de la relativit restreinte, sont crits en italique lorsquils appa-raissent pour la premire fois dans le texte. Nous insistons sur un mot ou un bout dephrase en lcrivant en gras. Certaines sections marques dun astrisque (*) abor-dent des sujets plus difficiles ou pouvant tre omis dans une premire lecture. Lesnombreuses rfrences cites dans le texte, ainsi que les ouvrages repris dans labibliographie, permettent au lecteur dapprofondir certains points particuliers.Lindication biblio signale quune rfrence est mentionne dans la bibliogra-phie.

    Une bonne comprhension dune thorie se traduit par la capacit rsoudre desproblmes spcifiques. la fin de chaque chapitre, des exercices sont donc propo-ss au lecteur dans un ordre de difficult, approximativement et trs subjective-ment, croissante. Les exercices sont par nature une uvre collective. Certains deceux que nous proposons sont inspirs de problmes parus dans dautres manuels,cits dans la bibliographie ; dautres sont extraits dexamens dont nous avons euconnaissance ; quelques-uns sont de notre cru. Des notes sur ces exercices, donnantles solutions quand elles ne sont pas contenues dans lnonc du problme oudes informations complmentaires, sont rassembles la fin de louvrage.

    Le manuel se clture par quelques annexes. Nous ne saurions trop conseiller leurlecture, en particulier celle consacre aux units dites naturelles et celle o sont dis-cutes les notions (trop souvent confondues) de grandeurs invariantes, conserveset constantes.

    La rdaction de cet ouvrage a bnfici des observations et critiques de nomb-reux lecteurs, tudiants, enseignants et amis. Nous les remercions tous chaleureu-sement, en particulier Fabien Buisseret, Benjamin Fuks et Vincent Mathieu. Nousremercions aussi Daniel Flipo pour ses nombreux conseils de TEXnicien. Noustenons galement exprimer toute notre gratitude Raoul Giordan qui nous a per-mis dillustrer cet ouvrage avec quelques-uns de ses dessins.

    IV Avant-propos

  • Table des matires

    AVANT-PROPOS V

    CHAPITRE 1 LE CONCEPT DE LA RELATIVIT 1

    1.1 La notion de rfrentiel 1

    1.2 Les transformations de Galile 8

    1.3 Michelson, la Terre et lther 10

    1.4 Les postulats dEinstein 13

    1.5 La relativit du temps 16

    1.6 Lexprience de Kennedy-Thorndike 18

    1.7 La vitesse de la lumire 20

    1.8 Avant daller plus loin 21

    EXERCICES 22

    CHAPITRE 2 TRANSFORMATIONS DE LORENTZ SPCIALES 26

    2.1 Transformations de Lorentz 26

    2.2 Approches graphiques 38

    EXERCICES 48

    CHAPITRE 3 LE TEMPS ET LA RELATIVIT 50

    3.1 La notion de simultanit 50

    3.2 Temps propre et dilatation des temps 52

    3.3 Structure causale de lespace-temps 55

    3.4 Vitesses supraluminiques et voyages dans le temps 56

    3.5 Prsents absolu et relatif 58

    3.6 * La flche du temps 60

    3.7 Le paradoxe des jumeaux 61

    EXERCICES 68

  • CHAPITRE 4 LESPACE ET LA RELATIVIT 73

    4.1 Contraction des longueurs 73

    4.2 Invariance de la dimension transversale 75

    4.3 Transformation des angles 76

    4.4 Transformation des volumes 77

    4.5 Mson en mouvement rapide 78

    4.6 Le train et le tunnel 80

    EXERCICES 82

    CHAPITRE 5 LA VITESSE ET LA RELATIVIT 86

    5.1 Composition des vitesses 86

    5.2 Exprience de Fizeau 89

    5.3 Illusions relativistes 91

    EXERCICES 97

    CHAPITRE 6 RECONSTRUIRE LA RELATIVIT RESTREINTE 101

    6.1 Dfinition dun groupe 101

    6.2 * Nouvelle drivation des transformations de Lorentz 102

    6.3 Structure de groupe et rapidit 111

    6.4 Du relatif et de labsolu 113

    EXERCICES 114

    CHAPITRE 7 TRANSFORMATIONS DE LORENTZ GNRALES 116

    7.1 Non-commutativit des transformations spciales 116

    7.2 Transformations de Lorentz avec et sans rotation 118

    7.3 * Prcession de Thomas 123

    7.4 Transformations non homognes 128

    7.5 Loi gnrale de composition des vitesses 129

    EXERCICES 130

    VI Table des matires

  • CHAPITRE 8 QUADRIVECTEURS 133

    8.1 Lespace-temps de Minkowski 134

    8.2 Proprits des quadrivecteurs et mtrique de Minkowski 137

    8.3 Groupe de Lorentz 143

    8.4 Intervalle de temps propre 146

    8.5 Quadrivecteur vitesse 148

    8.6 Vitesse relative 150

    8.7 Quadrivecteur acclration 151

    8.8 Mobile acclration propre constante 154

    EXERCICES 159

    CHAPITRE 9 DYNAMIQUE RELATIVISTE 166

    9.1 quation fondamentale 166

    9.2 quivalence masse-nergie 170

    9.3 Quadrivecteur nergie-impulsion 173

    9.4 Quadrivecteur force 175

    9.5 Particules de masse nulle 176

    9.6 Quadrivecteur frquence 186

    EXERCICES 188

    CHAPITRE 10 SYSTMES DE PARTICULES 195

    10.1 Conservation du quadrivecteur nergie-impulsion 195

    10.2 Astronefs relativistes 197

    10.3 Rfrentiel du centre de masse 203

    10.4 Dsintgrations et collisions 207

    10.5 Systmes deux particules dans la voie finale 214

    10.6 * Systmes trois particules dans la voie finale 220

    EXERCICES 224

    CHAPITRE 11 LE CHAMP LECTROMAGNTIQUE 233

    11.1 Champs tensoriels et drives covariantes 233

    Table des matires VII

  • VIII Table des matires

    11.2 quations de Maxwell et ondes lectromagntiques 235

    11.3 Quadrivecteur densit de courant lectrique 237

    11.4 Quadrivecteur potentiel 238

    11.5 Tenseur lectromagntique 239

    11.6 Transformation du champ lectromagntique 242

    11.7 Force de Lorentz 244

    11.8 Ondes planes 246

    11.9 Mouvement dune charge dans un champ lectrique uniforme 248

    11.10 * Potentiel et champ dune charge en mouvement 249

    EXERCICES 254

    SOLUTIONS DES EXERCICES 260

    POSTFACE 277

    ANNEXE A UNITS NATURELLES 278

    ANNEXE B QUANTITS INVARIANTES, CONSERVES ET CONSTANTES 280

    ANNEXE C GROUPE DE POINCAR 282

    ANNEXE D LES MTRIQUES DE LA RELATIVIT RESTREINTE 284

    ANNEXE E LE PARADOXE EPR 287

    LEXIQUE FRANAIS-ANGLAIS 290

    BIBLIOGRAPHIE 291

    RFRENCES DES CITATIONS 293

    INDEX 294

  • Chapitre 1

    Le concept de relativit

    Je ne peux rien vous prouver si vous ne me laissez faire aucune mesure.La mesure est pour moi le seul moyen de trouver les lois de la nature.

    Je ne suis pas un mtaphysicien.

    Arthur S. EDDINGTON (1921)

    1.1 LA NOTION DE RFRENTIEL

    1.1.1 Systmes de rfrence

    Lhomme dsire comprendre le monde qui lentoure et le pourquoi des choses. Iltire mme une gloire personnelle pouvoir faire des prdictions sur les phnom-nes naturels. Pour ce faire, il doit effectuer des mesures, les plus prcises possible,sur des quantits susceptibles dintervenir dans la description de ces phnomnes.Or ces quantits dpendent de lobservateur et de ce par rapport quoi il effectueses mesures.

    Considrons un homme A assis dans un train en marche. Il pense lgitimementtre au repos car il est immobile par rapport tout son environnement proche : sonvoisin assis en face de lui, son livre sur les genoux, sa valise dans le compartiment bagages sont fixes par rapport lui. Le train passe devant un passage niveau oun autre individu B laisse tomber un caillou en attendant louverture de la barrire.Ce personnage pense galement tre au repos car il est immobile par rapport labarrire, par rapport larbre voisin. Il voit aussi son caillou tomber ses piedsselon la verticale. En revanche, il voit A passer devant lui et manifestement il ne

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  • considre pas ce dernier comme tant au repos. Du point de vue de A, B nest pasau repos non plus puisquil dfile devant lui. De mme la trajectoire du caillou nestpas une droite verticale, mais une courbe qui peut ne pas tre simple selon le mou-vement du train. Pendant le temps de chute du caillou, le train a avanc et, par rap-port au train, le point de contact du caillou au sol nest pas la verticale de son pointde lcher. Les deux personnages A et B ne voient pas les mmes choses, pour-tant ils doivent tre en mesure den dduire lun et lautre ce qui se passe rellement,car les phnomnes naturels et les vnements ont une ralit intrinsque indpen-dante de la faon dont on les apprhende. Connaissant le mouvement du train parrapport lui, B doit tre en mesure de savoir que A est immobile dans le train. Demme A, connaissant le mouvement de larbre par rapport lui, doit tre en mesurede savoir que B est immobile par rapport larbre et, partir de la mesure de la tra-jectoire du caillou dans le train, il doit aussi tre en mesure den dduire que lecaillou tombe verticalement par rapport B.

    Autrement dit, lhomme a besoin de repres dans lespace et dans le temps.Considrons dabord les proprits de lespace. Toute mesure doit tre faite par rap-port quelque chose . Ce quelque chose demande tre prcis et se nommeun systme de rfrence ou rfrentiel. Celui-ci est un ensemble infini continu depoints (au sens mathmatique du terme) tels quils sont fixes les uns par rapport auxautres. Cette proprit est le fait dun corps solide et un systme de rfrence pour-rait tre un solide, condition quil ait une extension suffisamment importante pourrecouvrir tous les phnomnes qui nous intressent. Cest un fait dexprience que,pour dcrire notre espace, il faut dsigner un point spcial O, appel origine, et troisaxes Ox,Oy,Oz , que lon peut prendre mutuellement orthogonaux (formant, parexemple un tridre direct). En termes mathmatiques, on dit que lespace est affine trois dimensions. La donne de lorigine et des trois axes constitue un rfren-tiel despace (ou un repre , ou un systme de rfrence ) et, par dfinition,ces lments sont fixes les uns par rapport aux autres. Un autre rfrentiel est dfinipar une autre origine O et par trois autres axes O x ,O y,O z qui, eux-aussi, sontfixes les uns par rapport aux autres. Par contre, ce nouveau rfrentiel peut se dpla-cer, de manire rigide, dans le premier rfrentiel. La formalisation des phnom-nes physiques dans chacun des rfrentiels et le lien entre les quantits mathma-tiques qui les dcrivent est la question de base du physicien.

    Et le temps ? Le temps est mesur par une horloge et jouit dun statut spcial : enmcanique classique (newtonienne) le temps est absolu, indpendant du repre.Toutes les horloges dans tous les rfrentiels peuvent tre synchronises. Le voya-geur prenant le train Paris rgle sa montre sur lhorloge de la gare. En arrivant Bruxelles, il compare lheure de sa montre celle indique par lhorloge de la garedarrive (qui est suppose synchronise sur celle de Paris) : elle marque exacte-ment la mme heure, et ceci quel que soit le mouvement du train le long du par-cours.

    En relativit, mme restreinte, qui nous intresse ici, il nen va plus de mme. Letemps dpend du mouvement ; il ne peut tre absolu. Ainsi, pour dfinir proprementun rfrentiel, on doit lui affecter galement son propre systme dhorloges syn-

    2 1 Le concept de relativit

  • chronises (voir section 2.1.2). La lecture du temps sur lhorloge dfinit un nouvelaxe, temporel, sur lequel il faut galement dfinir une origine. Il faut toutefois segarder de mettre sur le mme pied le temps et lespace. Sil est vrai que le tempspeut tre considr comme une quatrime dimension, elle est de nature diffrentedes dimensions spatiales, mme en relativit. En effet, dans un rfrentiel donn, unobjet peut explorer une direction spatiale dans un sens ou dans lautre. Par contre,son volution se fait toujours dans un seul sens du temps, vers le futur. La raisonprofonde de cette dissymtrie est encore mal connue (voir section 3.6).

    Pour rsumer cette longue discussion, un rfrentiel R est fix par la donnedune origine O dans lespace et dans le temps, et de 4 axes de reprage : trois axesdans des directions, par exemple, mutuellement orthogonales et un dans la direc-tion du temps . En mcanique classique, on omet souvent laxe des temps car ilnest pas spcifique un repre particulier. En relativit, on utilise abusivement lenom de rfrentiel en se restreignant au rfrentiel spatial lorsquon se concentreuniquement sur la partie espace ; cest de pratique courante et nous tomberons sou-vent dans cet abus de langage qui ne porte pas consquence. Dans la suite, nousutiliserons frquemment la notion de rfrentiel propre : le rfrentiel propre dunobservateur ou dun objet est le rfrentiel dans lequel cet observateur ou cet objetest au repos.

    Signalons enfin que lespace de la relativit restreinte est euclidien et que tous lesthormes de gomtrie euclidienne (rapport du primtre dun cercle son rayon,thorme de Pythagore, somme des angles dun triangle gale 180, etc.) y ontcours. En relativit gnrale, cette proprit nest plus vraie car la gomtrie dpenddu contenu en matire et seul le vide est euclidien. strictement parler, lorsquenous utilisons le terme rfrentiel, nous sous-entendons toujours un espace vide ouun espace pour lequel la densit de matire est trop faible pour induire une modifi-cation significative la gomtrie euclidienne. Dans cet ouvrage, cest toujoursdans ce cadre que nous emploierons le terme rfrentiel.

    1.1.2 Systmes de coordonnes

    Se fixer un rfrentiel est une tape indispensable pour tudier la nature, mais celane suffit pas. Dire par rapport quoi on fait une mesure cest bien, encore faut-ilmaintenant effectuer les mesures proprement dites et affecter des nombres celles-ci. Pour cela, nous avons dabord besoin dune unit de longueur et dune unit detemps. Chaque axe du rfrentiel peut ainsi tre gradu.

    Un vnement est, par dfinition, un point de lespace et du temps. Il repre unphnomne naturel qui a lieu en un point bien prcis de lespace et en un temps bienprcis, par exemple un flash lumineux ou le passage dune particule. Comme nousle verrons plus loin, la relativit restreinte est avant tout une bonne gestion des v-nements. Lvnement est dtermin sans ambigut par 3 nombres (x,y,z) qui don-nent sa position par rapport aux 3 axes spatiaux, que nous prenons orthonorms(orthogonaux et norms) par commodit, et un temps t repr sur laxe du temps.

    Comment fait-on, en pratique, la mesure dun vnement ? Pour la coordonnetemporelle, on utilise une horloge talonne suivant lunit de temps ou une sous-

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  • unit. Pour les coordonnes despace, on utilise une rgle talonne aussi suivantlunit et ses sous-multiples (on supposera que ce sont les mmes sur chacun desaxes). Par la pense, on peut faire, grce cette rgle, un dcoupage rgulier delunit, repr par des traits, aussi fins que souhait, sur chacun des axes despace. partir de ces axes, on construit un maillage de tous les points despace qui ontpour coordonnes lun quelconque des repres sur chacun des axes. On obtient unesorte de cristal dont chaque sommet est tiquet de faon unique par les coor-donnes correspondant aux multiples de lunit ou de ses sous-units. Enfin, chaque sommet on affecte une horloge. Le cadran des horloges est gradu par lu-nit de temps choisie, et ventuellement des sous-multiples de cette unit. Les hor-loges, supposes identiques et parfaites, de tous les points du rfrentiel sont syn-chronises (nous prciserons comment synchroniser celles-ci dans la section 2.1.2).Un vnement dclenche, par un mcanisme appropri, le blocage de lhorloge surune graduation et lallumage du sommet du cristal o il a lieu. La mesureconsiste lire lindication de lhorloge, qui fournit le temps t , et lexamen du som-met allum fournit les trois coordonnes despace (x,y,z). Ces nombres (t,x,y,z),obtenus par projection sur chacun des axes, sappellent les coordonnes cartsien-nes de lvnement. On recommence cette opration pour tous les vnements quinous intressent et, si on veut des mesures encore plus prcises, on rduit lcart dumaillage en utilisant une sous-unit plus petite, et on rduit lcart entre les gradua-tions des horloges. On a reprsent sur la figure 1.1 un tel cristal dhorloges quiest ncessaire pour dfinir correctement un vnement.

    4 1 Le concept de relativit

    Figure 1.1 Un cristal dhorloges, toutes synchronises en tous les points du maillage delespace, est ncessaire pour dfinir les coordonnes des vnements.

    Cette faon de structurer lespace et le temps comme un cristal dhorloges estune vue idale qui permet de dfinir proprement un vnement et qui simule la qua-trime dimension, relative au temps. Dun point de vue pratique, on ne met vi-demment pas une horloge en chaque point tiquet de lespace. Pour dcrire un ph-

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    1. Pour des informations dtailles sur la mcanique classique, on peut consulter, par exemple,les ouvrages suivants : le cours de Berkeley (biblio) ; louvrage de H. Goldstein, C. Poole etJ. Safko (biblio) ; Philippe Spindel, Mcanique, Gordon and Breach Science Publishers, vol. 1et 2, 2001-2002 ; Claude Gignoux et Bernard Silvestre-Brac, Mcanique. De la formulationlagrangienne au chaos hamiltonien, EDP Sciences, 2002.

    nomne se droulant dans lespace et dans le temps, on se borne en gnral met-tre une horloge au dpart de celui-ci, une autre la fin, puis on interpole tous lespoints intermdiaires par une loi mathmatique adquate et vraisemblable. Dans lasuite de cet ouvrage, il sera trs souvent question dvnements, et on sous-entendque ceux-ci peuvent tre dtermins de faon prcise par lexistence implicite dun cristal dhorloges ou dun procd qui lui est quivalent.

    Concentrons-nous sur la position dans lespace. Nous lavons compris, un pointest dtermin par trois nombres : ses coordonnes cartsiennes sur chacun des axes.Dans ce cas prcis, ces nombres ont pour dimension une longueur. Mais lutilisationdes coordonnes cartsiennes, bien que trs pratique, nest pas une ncessit. Il noussuffit davoir une prescription qui dfinit un point de lespace de faon non ambigu.Pour cela il nous faut 3 nombres (u,v,w) et un procd permettant de dterminer lepoint de faon unique. Ce procd consiste souvent en pratique dfinir ces nomb-res comme fonctions des coordonnes cartsiennes (u(x,y,z),v(x,y,z), w(x,y,z)),permettant une correspondance univoque. Une fois cette transformation effectue,on dit quon a dfini un autre jeu de coordonnes et on appelle ce nouveau jeu lescoordonnes curvilignes, par opposition aux coordonnes cartsiennes (voirannexe D).

    Les tudiants ont souvent tendance confondre le concept de rfrentiel et celuide systme de coordonnes. Prcisons nouveau la diffrence. Un rfrentiel dfi-nit un cadre, un contenu dans lequel on effectue des mesures, indpendamment dela faon dont on effectue celles-ci. Un systme de coordonnes est un procd per-mettant, dans un rfrentiel donn, de dterminer de faon unique un point de cerfrentiel. On peut trs bien imaginer travailler avec des coordonnes cartsiennesdans deux rfrentiels diffrents (et vous verrez par la suite que nous ne nous en pri-verons pas !) ; on peut aussi, dans le mme rfrentiel, utiliser des systmes de coor-donnes diffrents. Les systmes de coordonnes cylindriques et sphriques sonttrs utiliss en pratique.

    1.1.3 Rfrentiels dinertie

    Parmi tous les rfrentiels imaginables, certains vont jouer un rle incontournable, cesont les rfrentiels dinertie, ou rfrentiels inertiels, ou rfrentiels galilens. Pourcomprendre ce point, il convient de remarquer que la vitesse ou la trajectoire dunpoint matriel sont des quantits qui dpendent du rfrentiel. La faon dont les quan-tits cinmatiques se modifient en fonction des perturbations extrieures, nommesforces, fait lobjet de lois. Les lois de la mcanique classique 1 ont t nonces parNewton, aprs que Galile ait grandement dblay le terrain du point de vue concep-tuel. La premire loi peut tre formule de la faon suivante :

  • Il sagit dun postulat, mais cautionn par plusieurs sicles dexpriences. De cepostulat mme, on conclut que les rfrentiels galilens se dduisent les uns des au-tres par un mouvement rectiligne uniforme. On peut dire quil existe une relationdquivalence au sens mathmatique du terme entre les rfrentiels dinertie, cest--dire une relation qui possde les proprits suivantes :

    Rflexivit : tout rfrentiel R est quivalent lui-mme ; Symtrie : si un rfrentiel R est quivalent un rfrentiel R, alors la rciproque

    est vraie ;

    Transitivit : si les rfrentiels R et R sont quivalents et quil en est de mmepour les rfrentiels R et R, alors les rfrentiels R et R sont quivalents. Nous verrons que ces proprits sont cohrentes avec la seconde loi. Celle-ci sti-

    pule :

    6 1 Le concept de relativit

    Il existe une classe de rfrentiels particuliers, nomms rfrentiels galilens,dans lesquels tout corps conservera son tat de repos ou de mouvement rectiligneuniforme, en labsence de force extrieure agissant sur lui.

    Dans un rfrentiel galilen, la rsultante des forces F applique un corps est leproduit de sa masse m par son acclration

    F = m . (1.1)

    En gnral lexpression de la force dpend de la position et de la vitesse, et cetteseconde loi, aussi nomme principe fondamental de la dynamique, permet de dter-miner par calcul lvolution dans le temps de ce corps matriel. La troisime loiconcerne lgalit des forces daction et de raction. Elle suppose une interactioninstantane entre les corps et ne peut saccommoder de la relativit restreinte. Nousnen ferons pas usage par la suite, mais nous en reparlerons brivement dans la sec-tion 11.10.

    Navement, on a limpression que la seconde loi contient la premire puisque sion annule la force, on dduit que la vitesse est constante. En fait il nen est rien. Sion veut pouvoir noncer la seconde loi, il faut au pralable dire dans quel rfren-tiel on se place et, pour cela, il faut se baser sur la premire loi. On veut noncer deslois simples. Mais cette simplicit ne peut pas tre universelle, et le cadre danslequel elle sapplique est celui des systmes dits galilens.

    Prsupposer lexistence de rfrentiels dinertie est une chose ; avoir la certitudeque nous effectuons nos mesures par rapport un de ceux-ci en est une autre, autre-ment plus difficile vrifier. On effectue toujours des mesures avec une certaineprcision ; si le rfrentiel utilis nest pas tout fait galilen, mais que les correc-tions apportes de ce fait sont infrieures la prcision de nos mesures, ce nest pastrs gnant, et on peut dire quavec une bonne approximation on travaille dans unrfrentiel galilen.

  • 1.1 La notion de rfrentiel 7

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    Pour la plupart des expriences de la vie courante, un systme rfrentiel li laTerre peut tre considr comme galilen. Mais la Terre tourne sur elle-mme etautour du Soleil et, pour des expriences concernant les mouvements clestes, onchoisit plutt le systme de Copernic centr sur le Soleil et dont les axes pointentvers des toiles fixes . Mais ces toiles sont emportes dans un tourbillon autourdu centre de la Galaxie et la Galaxie elle-mme se dplace par rapport aux galaxiesenvironnantes. La qute dun vrai rfrentiel dinertie nest donc pas une sincure !Dans la section suivante, nous donnons une piste pour sa dtermination.

    Heureusement, pour mettre au point la thorie, il nest pas ncessaire de se pr-occuper trop de ces dtails pratiques . On se borne dire quil existe des rf-rentiels dinertie et quon travaille dans leur cadre. Cest ainsi que fonctionne lathorie de la relativit restreinte. Le but de la relativit gnrale est de se dmarquerde cette contrainte et dtablir les lois de la physique dans des rfrentiels quel-conques.

    1.1.4 * Le rfrentiel universel

    LUnivers est baign par un rayonnement de corps noir, le rayonnement cos-mique de fond, dont la temprature absolue est denviron 2,7 K. Cette radiationlectromagntique, reliquat du big-bang, provient de toutes les directions du ciel.On dtecte toutefois une anisotropie qui peut sinterprter comme un effet Doppler(voir sections 3.7.2 et 9.5.2) d au dplacement de la Terre dans lespace 2. Il sem-ble donc exister un rfrentiel dinertie privilgi (plus prcisment une classe pri-vilgie de rfrentiels) que lon peut considrer, dans un certain sens, comme aurepos par rapport aux grandes structures de lunivers (amas de galaxies) car lerayonnement cosmique de fond y est parfaitement isotrope ; appelons-le rfren-tiel universel .

    Si on fait lhypothse quil existe bien un rfrentiel dinertie privilgi le rf-rentiel universel est un bon candidat, il est possible de dvelopper une thorie test diffrente de la relativit restreinte. Des observations exprimentales sontalors en mesure de trancher en faveur dune des deux thories. Jusqu prsent,aucune dviation notable par rapport la thorie dEinstein na pu tre mise en vi-dence 3.

    2. Voir, par exemple, louvrage de Bernard Schutz, Gravity from the ground up, CambridgeUniversity Press, 2003, p. 355. Lanisotropie mesure correspond une vitesse de dplacementde la Terre denviron 350 km/s par rapport au rfrentiel universel.

    3. Pour plus dinformation, on peut consulter les rfrences suivantes : H. P. Robertson, Postulate versus Observation in the Special Theory of Relativity , Reviews of Modern Physics,vol. 21, n 3, July 1949, p. 378-382 ; Reza Mansouri et Roman U. Sexl, A Test Theory ofSpecial Relativity: I. Simultaneity and Clock Synchronization , General Relativity andGravitation, vol. 8, n 7, 1977, p. 497-513 ; Id., A Test Theory of Special Relativity: II. FirstOrder Tests , General Relativity and Gravitation, vol. 8, n 7, 1977, p. 515-524 ; Id., A TestTheory of Special Relativity: III. Second-Order Tests , General Relativity and Gravitation,vol. 8, n 10, 1977, p. 809-814 ; G. Saathoff et al., Improved Test of Time Dilatation in SpecialRelativity , Physical Review Letters, vol. 91, n 19, 7 November 2003, p. 190403/1-4.

  • 1.2 LES TRANSFORMATIONS DE GALILE

    Comme nous lavons vu, la mcanique fait jouer un rle particulier aux systmes derfrence appels rfrentiels dinertie. La figure 1.2 montre les parties spatiales dedeux tels rfrentiels dans une configuration particulire o leurs axes sont parall-les deux deux et leur mouvement relatif est parallle un des axes. Une telle confi-guration sera frquemment utilise par la suite.

    Au dpart de toute thorie, il y a des postulats. La mcanique classique est base,entre autres, sur un postulat fondamental appel postulat de la relativit galilenne :

    8 1 Le concept de relativit

    Les lois de la mcanique sont identiques dans tous les rfrentiels dinertie.

    Bien entendu, pour pouvoir effectuer des calculs sur un mme phnomne phy-sique dans deux rfrentiels distincts, il faut se donner des rgles qui permettent depasser de lun lautre. En particulier, il faut connatre les rgles qui permettent depasser dun jeu de coordonnes dans un rfrentiel celui dun autre rfrentiel.Ces rgles sappellent les quations de transformation. Celles qui respectent le pos-tulat de la relativit galilenne sappellent les transformations de Galile.

    Figure 1.2 V tant une vitesse constante, si R est un rfrentiel dinertie,R lest galement.

    R R

    O O

    y y

    V

    x

    x

    z z

    Considrons un rfrentiel dinertie R se dplaant avec une vitesse constante Vdans un rfrentiel dinertie R, de telle manire que les deux systmes daxes soientconfondus quand les horloges des deux rfrentiels marquent linstant 0. Un ph-nomne quelconque se produisant la coordonne r et linstant t dans R se pro-duit la coordonne r et linstant t dans R. Les quations de transformationentre ces deux rfrentiels scrivent alors

  • r = r + V t , (1.2)t = t . (1.3)

    Ces relations sinversent simplement en remplaant V par V. Remarquons que,pour ces transformations, le temps est considr comme absolu : il scoule de lamme manire pour tous les observateurs, quel que soit leur tat de mouvement.

    Vrifions que ces transformations respectent bien le postulat de relativit gali-lenne. La relation fondamentale de la dynamique pour une particule de masse mscrit

    F = m d2r

    dt2, (1.4)

    o F est le vecteur force qui sexerce sur cette particule. Notons quen mcaniqueclassique, la masse m, appele plus prcisment masse dinertie, est considrecomme un attribut de la particule et ne peut dpendre de son tat de mouvement.Dans un autre rfrentiel dinertie, les transformations de Galile donnent

    d2r dt 2

    = d2

    dt2(r V t) = d

    2rdt2

    . (1.5)

    En outre, en mcanique classique, on suppose que la force qui agit sur la masse mest indpendante du rfrentiel par rapport auquel elle est mesure. En effet, elle nepeut dpendre que des positions relatives et ventuellement des vitesses relativesdes corps avec lesquels interagit la particule considre ; ces deux caractristiquessont des grandeurs indpendantes du rfrentiel et, par consquent, il en est de

    mme de la force. On a donc F = F , ce qui implique

    F = m d2r

    dt 2. (1.6)

    Autrement dit, la loi est la mme dans les deux rfrentiels. En fait, une autremanire dnoncer le postulat de la relativit galilenne est :

    1.2 Les transformations de Galile 9

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    Les expriences de mcanique faites lintrieur de rfrentiels dinertie ne per-mettent pas de dceler la vitesse relative de ces rfrentiels.

    Une consquence immdiate des quations de transformation de Galile est la loidaddition des vitesses. Si un objet est anim dune vitesse v dans le rfrentiel Ret dune vitesse v dans le rfrentiel R, alors, en vertu des quations (1.2) et (1.3),on a

    v = v + V . (1.7)

  • La lumire est une onde lectromagntique dont le comportement est rgi par lesquations de Maxwell. Si la lumire est affecte de la mme manire que les parti-cules par la loi de transformation (1.7) (voir section 11.6), alors la vitesse dunrayon lumineux dpend du mouvement relatif de la source et de lobservateur. Nousallons voir que cela nest en fait pas observ exprimentalement, en ce qui concernele module de cette vitesse.

    1.3 MICHELSON, LA TERRE ET LTHER

    Avant daller plus loin, il convient de parler dune notion introduite au XIXe siclepour expliquer un certain nombre de phnomnes physiques. Lexprience a mon-tr que les ondes mcaniques, comme les ondes sonores par exemple, ncessitent unmilieu matriel pour se propager. Les ondes lectromagntiques se propagent ga-lement dans certains milieux matriels, mais elles possdent en outre la proprittrs remarquable de se propager dans le vide. Les physiciens du XIXe sicle, et enparticulier Fresnel, nadmettaient pas lide dune propagation sans support mat-riel. Ils imaginrent donc un milieu hypothtique baignant tout lunivers, quils bap-tisrent ther, et dont les vibrations assuraient la propagation des ondes lectroma-gntiques dans le vide 4. La lumire ne devait alors se propager avec une vitessebien dfinie c, prdite par la thorie lectromagntique, que dans les milieux aurepos par rapport lther 5. Remarquons que lther devait possder des propritscontradictoires : il ne devait offrir aucune rsistance aux dplacements plantaires,mais pour transmettre des ondes transversales comme la lumire, il devait tre pra-tiquement incompressible.

    Vers 1880, les physiciens, pour qui lther restait le substrat indispensable lapropagation des rayons lumineux, vont imaginer un certain nombre dexpriencespour mettre en vidence son existence. Telle est lorigine de lexprience, resteclbre, de Michelson en 1881, renouvele en 1887 par Michelson et Morley, etultrieurement de nombreuses fois avec une prcision sans cesse accrue.

    Partant du principe que la Terre est en mouvement dans lther et que la vitessede la lumire est constante par rapport lther, Michelson suppose que la mesurede la vitesse de la lumire doit donner des rsultats diffrents suivant lorientationde la vitesse de la Terre par rapport lther. Lide est alors dessayer de mettre envidence ces variations en faisant intervenir des phnomnes dinterfrence lumi-neuse dont on connat lintrt en mtrologie lorsquon veut raliser des mesuresfines.

    10 1 Le concept de relativit

    4. Lide quun fluide pouvait baigner tout lunivers fut introduite ds lAntiquit. Aux qua-tre lments (eau, air, terre et feu) supposs former le monde sublunaire ou monde terrestre,introduits par Empdocle et comments par Platon, Aristote proposa dajouter un cinquime l-ment, lther, constituant inaltrable du monde cleste.

    5. Autrement dit, les quations de propagation de la lumire ne devaient prendre exactement laforme (11.14) que dans ces milieux (voir section 11.2).

  • La figure 1.3 montre le schma de principe de lexprience 6. Un faisceau lumi-neux issu dune source S est divis en deux par une lame semi-transparente faisantun angle de 45 par rapport ce faisceau. Un des rayons dcrit la trajectoire allerretour AC avant dtre rflchi par la lame vers lobservateur. Lautre rayon parcourtle bras AB puis traverse la lame avant datteindre lobservateur. Un tel dispositif estappel un interfromtre. Pour lexprimentateur, lclairement au point dobserva-tion O dpend de la diffrence des temps de propagation t des deux rayons lumi-neux issus de S et se recombinant en O. Plus prcisment, laspect interfrentieldpend de la diffrence de phase 2t , o est la frquence du rayonnement. Lestrajets S A et AO tant communs pour les deux rayons, t ne dpend que des tempsde parcours t (AB) et t (AC) des rayons dans les bras AB et AC. Nous allons main-tenant calculer la quantit t (AB) t (AC) pour deux configurations diffrentes delinterfromtre.

    La figure 1.3 montre en fait la situation pour laquelle le dispositif serait immo-bile par rapport lther. Supposons maintenant que lensemble soit en mouvementpar rapport lther dans lequel la lumire se propage, selon lhypothse delpoque, avec la vitesse c. Considrons, par exemple, quau moment de lexp-rience, la vitesse dentranement du systme, V , qui est en gros la vitesse de la Terrepar rapport lther, soit parallle 7 la direction du bras AB. Posons l1 = AB etl2 = AC. Calculons le temps que met un rayon lumineux pour parcourir le bras ABpour un trajet aller retour. Pour valuer ce temps, t1 , plaons-nous dans un rfren-tiel li la Terre. Les vitesses sajoutant algbriquement, on aurait

    1.3 Michelson, la Terre et lther 11

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    Figure 1.3 Schma de principe de lexprience de Michelson et Morley.

    S

    A

    B

    C

    O

    6. Les difficults exprimentales inhrentes sa ralisation sont prsentes dans un article deR. S. Shankland, The Michelson-Morley experiment , Scientific American, vol. 211, 1964,p. 107-114.

    7. Si ce nest pas le cas, il faut introduire des variables angulaires, ce qui complique les calculssans changer la conclusion.

  • t (AB) = t1 = l1c V +

    l1c + V . (1.8)

    Dans le bras AC, le temps t2 pour un trajet aller retour se calcule plus aisment dansun rfrentiel li lther (voir figure 1.4). Le rayon lumineux parcourt dans ce casles deux bras dun triangle isocle (de base 2h) avec la vitesse c. On obtient

    t (AC) = t2 = 1c

    2

    l22 + h2 avec V t2 = 2h, (1.9)

    puisque la distance 2h est parcourue en une dure t2 la vitesse V . On en tire ais-ment

    t (AC) = t2 = 2l2c2 V 2 . (1.10)

    Les franges dinterfrence observes pour cette configuration dpendent donc de ladiffrence des temps de propagation t (AB) t (AC) = t1 t2.

    On peut maintenant changer le rle des deux bras de linterfromtre en faisantpivoter lensemble de lappareil dun quart de tour. On obtient alors

    t (AB) = t3 = 2l1c2 V 2 et t (AC) = t4 =

    l2c + V +

    l2c V . (1.11)

    La diffrence des temps de propagation t (AB) t (AC) = t3 t4 contrle mainte-nant laspect des franges dinterfrence.

    12 1 Le concept de relativit

    Figure 1.4 Trajet du rayon lumineux dans le bras AC de linterfromtre de Michelson etMorley pour le rfrentiel li lther. La flche paisse montre le sens de dplacement de

    linterfromtre par rapport lther.

    2h

    A

    A

    C

    l2

    V

  • La diffrence T des diffrences de temps de propagation des rayons lumineuxdans les deux configurations de linterfromtre est donne par

    T = (t1 t2) (t3 t4) (l1 + l2)V2

    c3, (1.12)

    o on utilise le fait que V c pour faire un calcul approch. En effet, la vitessedentranement du rfrentiel dans lther tant suppose proche de la vitesse de la

    Terre autour du Soleil, cest--dire 30 km/s, on a V/c 104. Aprs rotation dudispositif exprimental, on sattend donc observer une variation de la diffrencede phase gale

    = 2T 2

    (l1 + l2)V2

    c2, (1.13)

    o = c/ est la longueur donde la lumire utilise. Cela se traduit par un dfile-ment de n = /(2) franges dinterfrence, puisquun dplacement dune frangecorrespond un retard de phase gal 2. Lexprience, rpte plusieurs fois (enparticulier des poques diffrentes de lanne : lorientation de la vitesse de laTerre change tout au long de lanne dans un rfrentiel dinertie li au Soleil), atoujours donn le mme rsultat : T = 0 ! Aucun effet attribuable au mouvementorbital de la Terre, ni au mouvement du systme solaire par rapport au rayonnementcosmique de fond (voir section 1.1.4), na jamais pu tre observ 8. Nous verronsdans la section suivante comment interprter correctement ces rsultats.

    1.4 LES POSTULATS DEINSTEIN

    Le dsaccord est flagrant entre observation et calcul thorique dans lexprience deMichelson et Morley. Comment lexpliquer ? Lexpression des diffrences destemps de propagation de la lumire dans cette exprience sobtient en supposant quela loi galilenne daddition des vitesses est valable pour les rayons lumineux. Cettehypothse de travail est une consquence directe de la manire dont se transformentles quations de Maxwell, qui rgissent le comportement de la lumire, souslaction des transformations de Galile. Or, il apparat que les quations de

    1.4 Les postulats dEinstein 13

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    8. Des expriences modernes ont t ralises avec des masers (T. S. Jaseja, A. Javan,J. Murray et C. H. Townes, Test of Special Relativity or of the Isotropy of Space by Use ofInfrared Masers , Physical Review, vol. 133, n 5A, 2 March 1964, p. A1221-A1225) et deslasers (A. Brillet et J. L. Hall, Improved Laser Test of the Isotropy of Space , Physical ReviewLetters, vol. 42, n 9, 26 February 1979, p. 549-552). Signalons quil est galement possible detester linvariance de la vitesse de la lumire en utilisant le GPS (Rainer Mller, The EtherWind and the Global Positioning System , The Physics Teacher, vol. 38, April 2000, p. 243-246).

  • Maxwell, contrairement aux quations de la mcanique classique, ne sont pas inva-riantes pour les transformations de Galile (voir section 11.6).

    Comment donc concilier la mcanique classique de Newton, la thorie lectro-magntique de Maxwell, la relativit galilenne et les rsultats de lexprience deMichelson et Morley ? Plusieurs solutions soffraient aux scientifiques du XIXe si-cle :

    Admettre que la thorie de llectromagntisme de Maxwell tait fausse ; Rendre compatibles les postulats de la mcanique classique et de llectromagn-

    tisme ; Admettre que les postulats de la mcanique classique taient faux.

    La premire solution est vite apparue inacceptable. Toute une srie de belles ex-priences prouvaient nettement que toutes les prdictions de la thorie de Maxwellse vrifient trs bien. La deuxime voie conduit llaboration du concept dther,rfrentiel privilgi servant de support la propagation des ondes lectromagn-tiques et seul rfrentiel o les quations de Maxwell seraient strictement valables.Cependant, toutes les expriences, du type de celle de Michelson et Morley, tentantde mettre en vidence lexistence de lther ont chou.

    Finalement cest la troisime voie qui se rvle tre la bonne : reconnatre que lamcanique classique se fonde sur des postulats qui doivent tre abandonns. Lachose se fait graduellement, avec des scientifiques comme FitzGerald puis Lorentzet Poincar, mais cest Einstein en 1905 (alors g de 26 ans) qui fait le pas dcisifen postulant le caractre non absolu du temps et de lespace 9. Il labore une nou-velle mcanique qui permet dexpliquer lensemble des rsultats thoriques et exp-rimentaux concernant les ondes lectromagntiques. Cette thorie, la relativit res-treinte, est base sur deux postulats extrmement simples. Le premier de cespostulats est llargissement toutes les lois de la physique du principe de relativit.

    14 1 Le concept de relativit

    Premier postulat : tous les rfrentiels dinertie sont quivalents ; autrement dit,la formulation mathmatique des lois de la physique doit tre la mme dans tousces rfrentiels.

    9. On peut trouver quelques lments sur lhistoire de la gense de la thorie de la relativit res-treinte, par exemple, dans le livre de M. Boratav et R. Kerner (biblio), et dans les ouvrages devulgarisation de Kip S. Thorne (biblio) et de Jean-Paul Auffray, Lespace-temps, Flammarion,1998.

    Aucune exprience de physique ralise dans un rfrentiel dinertie ne permetde dceler le mouvement de ce rfrentiel : il nexiste pas dtat de mouvementabsolu. Le seul mouvement que lon puisse observer est le mouvement relatifdun objet par rapport un autre.

  • Le deuxime postulat rige en principe limpossibilit de la mesure de la vitessede la lumire par rapport un hypothtique rfrentiel absolu 10.

    1.4 Les postulats dEinstein 15

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    10. Prenons garde au fait que si le module de la vitesse de la lumire est invariant pour un chan-gement de rfrentiel, il nen est pas de mme de la couleur de la lumire (ou frquence ou lon-gueur donde) qui, elle, dpend du mouvement relatif de lobservateur et de la source. Nous tu-dierons en dtail ce phnomne, connu sous le nom deffet Doppler, plus loin dans le livre (voirsections 3.7.1 et 9.5.2).

    11. Quand on parle de vitesse de la lumire , il faut toujours comprendre module de la vitessede la lumire dans le vide, habituellement not c, moins que ce ne soit prcis autrement. Lavitesse de la lumire dans un matriau transparent peut tre infrieure c et mme infrieure celle dune particule de matire se dplaant dans ce milieu.

    12. Voir par exemple louvrage de M. Boratav et R. Kerner, chap. 2 (biblio).

    Deuxime postulat : la vitesse de la lumire dans le vide est indpendante deltat de mouvement de la source.

    En fait, lintrt du deuxime postulat est surtout historique, puisque son noncpeut se dduire naturellement du premier postulat et de quelques proprits natu-relles de lespace et du temps. En effet, nous verrons dans la section 6.2 commentil est possible de se passer de linvariance de la vitesse de la lumire 11 pour cons-truire la thorie dEinstein. Cependant, dans la suite, nous tablirons les quationsde transformation de la relativit restreinte en nous basant sur le deuxime postulat.Cette dmarche, conforme lhistoire et base sur des faits exprimentaux solide-ment tablis, a le mrite dtre dun abord plus simple que la thorie trs gnraledveloppe dans la section 6.2.

    Ces postulats impliquent que les lois de transformations de Galile doivent treremplaces par de nouvelles lois de transformations qui, en particulier, laissent inva-riante lquation de propagation des ondes lectromagntiques. Llaboration de ceslois et lexamen de quelques-unes de leurs extraordinaires consquences fontlobjet des chapitres suivants.

    Les rsultats de lexprience de Michelson et Morley peuvent tre trs simple-ment expliqus par lapplication du second postulat. Si la vitesse de la lumire estbien identique pour tous les rfrentiels dinertie, les temps de propagation desrayons lumineux le long des deux bras de linterfromtre sont

    t1 = t3 = 2l1c

    et t2 = t4 = 2l2c

    , (1.14)

    ce qui conduit bien T = 0, cest--dire aucun dfilement de franges.Dautres expriences, comme celle de Fizeau (dont nous reparlerons dans la sec-

    tion 5.2), qui avaient reu une interprtation classique peu satisfaisante, nont putre correctement interprtes que dans le cadre de la relativit dEinstein 12.

  • Prcisons immdiatement que cette thorie a fini par simposer lpoque parce quectait la seule thorie cohrente expliquant lensemble des observations et exp-riences faites jusque-l.

    1.5 LA RELATIVIT DU TEMPS

    16 1 Le concept de relativit

    Figure 1.5 Trajets aller retour du photon dans lhorloge photonspour les rfrentiels R et R .

    Vt

    d

    R R

    Une consquence immdiate et a priori surprenante des postulats dEinstein estquil nexiste pas de temps absolu, et que lcoulement du temps dpend de ltatde mouvement de lobservateur par rapport un systme de rfrence donn. Il estpossible dillustrer simplement ce phnomne en construisant mentalement unehorloge battant la mesure du temps au moyen de photons. Imaginons deux miroirsparallles se faisant face lun positionn au-dessus de lautre spars par unedistance d. Un observateur du rfrentiel propre R de ces deux miroirs observe unphoton faisant des allers retours perpendiculaires ces deux miroirs, laller dfinis-sant le tic et le retour le tac de lhorloge (voir figure 1.5). Ce systme estappel horloge photons (ou horloge dEinstein-Langevin, ou horloge deFeynman). Le temps aller retour dun photon est videmment

    t = 2dc, (1.15)

    o c est la vitesse de la lumire.Supposons maintenant que le rfrentiel R soit anim dune vitesse V parallle

    aux miroirs par rapport un rfrentiel R. Un observateur de R ne constatera pasque le photon fait des allers retours perpendiculaires aux miroirs. Il va observer untrajet oblique comme indiqu sur la figure 1.5.

    Un aller retour dans le rfrentiel R prend videmment plus de temps que dansle rfrentiel R car le photon se dplace toujours la mme vitesse c mais doit par-courir une distance plus grande. En fait, si t est le temps dun aller retour dans lerfrentiel R, la distance D parcourue par le photon est gale

  • D = 2

    d2 +(

    V t2

    )2. (1.16)

    Do on dduit que

    t = 2c

    d2 +

    (V t

    2

    )2. (1.17)

    Par de simples manipulations algbriques, il est possible de relier t et t , cest--dire le temps dun aller retour dans le rfrentiel R o lhorloge est mobile et dansle rfrentiel R o elle est stationnaire. On trouve

    t = t

    1 V

    2

    c2

    . (1.18)

    Notons que cette quation se rduit bien t = t quand V = 0, cest--direquand les deux rfrentiels sont immobiles lun par rapport lautre.

    La relation (1.18) est la fameuse formule dEinstein de dilatation des temps quimontre que t t et que t = quand V = c . Autrement dit lhorloge photons en mouvement bat la mesure du temps plus lentement quune horloge qui-valente dans un rfrentiel stationnaire. Lorsque V > c , lquation (1.18) indiqueque lintervalle de temps t devient imaginaire, ce qui est dj une indication quilest impossible de dpasser la vitesse de la lumire.

    Une modification similaire des longueurs (mesures dans la direction du mouve-ment) apparat quand V =/ 0. Tandis quun observateur au repos par rapport unobjet mesure la longueur de cet objet comme tant , un observateur en mouvementpar rapport cet objet observera une longueur contracte

    =

    1 V2

    c2. (1.19)

    Cet effet est appel la contraction des longueurs ou contraction de Lorentz, ouencore contraction de Lorentz-FitzGerald, puisque le mathmaticien FitzGeraldavait avanc la mme ide quelques annes avant Lorentz. Lutilisation de lhorloge photons permet de dmontrer facilement cette relation (voir aussi exercice 4.2).

    Notons que pour faire nos calculs avec lhorloge photons, nous avons supposque la distance d entre les deux miroirs tait la mme pour les observateurs des rf-rentiels R et R. Cette hypothse est correcte car le trajet des photons est perpendi-culaire la direction de la vitesse relative entre les deux rfrentiels. Cette inva-riance des dimensions transversales sera discute plus loin (voir sections 4.2 et 6.2).

    1.5 La relativit du temps 17

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  • Le phnomne de dilatation du temps est prsent icide faon intuitive, simple et pdagogique grce lhorloge photons. Il sera dmontr de faon plusrigoureuse dans le chapitre 3.

    Le ralentissement du temps ne devient perceptibleque pour des vitesses proches de celle de la lumire.Le tableau 1.1 illustre cet effet. Par exemple, une hor-loge voyageant 99,99 % de la vitesse de la lumirepar rapport la Terre enregistrera le passage dun antandis que presque 71 ans scouleront sur Terre.

    Une objection possible cette analyse est quelle at faite pour une horloge particulire. Commentsavons-nous quune autre horloge (utilisant un pen-dule et des roues dentes par exemple) ne sera pasaffecte diffremment par le mouvement ? La

    rponse vient de la relativit elle-mme qui nous dit quil nest pas possible de dce-ler un mouvement absolu. Si deux horloges se comportaient diffremment, alorscette diffrence pourrait tre utilise comme dtecteur de mouvement. Cela tantimpossible, toutes les horloges, quel que soit leur mcanisme interne (incluant leshorloges biologiques complexes de nos organismes), doivent rpondre au mouve-ment prcisment de la mme manire. Insistons sur le fait quil ny a rien de mys-trieux dans le comportement des horloges. Sil y a quelque chose de mystrieuxdans la relativit restreinte, cest linvariance de la vitesse de la lumire. Une fois cephnomne tabli, tout le reste suit naturellement. Notons que si on avait supposvalable la loi galilenne daddition des vitesses, alors le phnomne de dilatationdes temps nexisterait pas (voir exercice 1.1).

    1.6 LEXPRIENCE DE KENNEDY-THORNDIKE

    Lexprience de Michelson et Morley a videmment t le germe des rflexions surune nouvelle faon de voir lespace et le temps. De grands savants ont t impliqusdans cette rflexion : citons seulement les grands noms de FitzGerald, Lorentz,Poincar et, bien sr, Einstein qui a assis dfinitivement la thorie de la relativitrestreinte. Dans les annes qui suivirent, un certain nombre dexpriences ont tentdamliorer la prcision de lexprience de 1887.

    1.6.1 Les expriences pionnires

    Toutes les expriences qui suivent celle de Michelson et Morley en sont finalementdes variantes, bases sur la prcision extraordinaire des mthodes interfrom-triques (voir tableau 1.2). La longueur des bras de linterfromtre est une donneimportante ainsi que la longueur donde de la radiation choisie. Lcart des frangesdinterfrence en dpend de faon cruciale. Nous indiquons ci-dessous les exp-riences pionnires qui ont permis de conforter un peu plus la thorie de la relativit.

    18 1 Le concept de relativit

    TABLEAU 1.1FACTEUR DE DILATATION DES TEMPS.

    V

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    2

    c2

    0,1 1,0050,2 1,0210,5 1,1550,7 1,4000,9 2,2940,99 7,0890,999 22,3660,9999 70,712

  • 1.6 Lexprience de Kennedy-Thorndike 19

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    Nom(s) Anne(s) Endroit D(m) a(frange) m(frange)Michelson 1881 Potsdam 1,2 0,04 0,01

    Michelson et Morley 1887 Cleveland 11 0,40 0,005

    Morley et Miller 1902-04 Cleveland 32,2 1,13 0,007 3

    Miller 1921 Mt Wilson 32 1,12 0,04

    Miller 1923-24 Cleveland 32 1,12 0,015

    Miller 1924 Cleveland 32 1,12 0,007

    Tomascheck 1924 Heidelberg 8,6 0,3 0,01

    Miller 1925-26 Mt Wilson 32 1,12 0,044

    Kennedy 1926 Pasadena 2 0,07 0,001

    Illingworth 1927 Pasadena 2 0,07 0,000 2

    Piccard et Stahel 1927 Mt Rigi 2,8 0,13 0,003

    Michelson, et al. 1929 Mt Wilson 25,9 0,9 0,005

    Joos 1930 Jena 21 0,75 0,001

    TABLEAU 1.2 VARIANTES DE LEXPRIENCE DE MICHELSON ET MORLEY.D REPRSENTE LA LONGUEUR DES BRAS, a REPRSENTE LE DPLACEMENT DES FRANGES ATTENDU EN SUPPOSANT

    LTHER AU REPOS PAR RAPPORT AU SOLEIL ET UN DPLACEMENT DE LA TERRE LA VITESSE DE 30 KM/S,m REPRSENTE LE DPLACEMENT DES FRANGES MESUR DANS LEXPRIENCE14.

    14. Les donnes proviennent de larticle : R. S. Shankland, S. W. McCuskey, F. C. Leone et G.Kuerti, New Analysis of the Interferometer Observations of Dayton C. Miller , Reviews ofModern Physics, vol. 27, n 2, April 1955, p. 167-178.

    15. Roy J. Kennedy et Edward M. Thorndike, Experimental Establishment of the Relativity ofTime , Physical Review, vol. 42, November 1932, p. 400-418.

    Aprs avoir ralis leur fameuse exprience, Michelson et Morley ne sintres-sent plus que de loin ce type de recherches et passent le flambeau Miller. Bienque les rsultats des expriences de Miller, tout en confirmant ceux de Michelson etMorley, soient un peu dcevants sur le plan de la prcision atteinte, le mrite decelui-ci est davoir beaucoup mieux cern les sources dincertitudes, notamment leseffets de la temprature et de la magntostriction sur lacier de lappareillage dus auchamp magntique terrestre. Ces tudes srieuses ont normment aid les succes-seurs de Miller et la prcision a t sans cesse amliore. Lexprience qui, malgrtout, a assis dfinitivement lisotropie et linvariance de c, et donc la thorie de larelativit restreinte, est celle de Kennedy et Thorndike en 1932.

    1.6.2 Une exprience dcisive

    Dans son esprit, la technique exprimentale de Kennedy et Thorndike est la mmeque celle de Michelson et Morley15. Il sagit dun dispositif interfromtrique avecune lame semi-rflchissante qui spare en deux un rayon monochromatique vert(raie 5461 du mercure) ; ces deux rayons parcourent les deux bras de linterfro-

  • mtre et se recombinent la sortie pour former un systme dinterfrences (voir sec-tion 1.3). Le dplacement des franges a t mesur avec une grande prcision toutau long de lanne.

    Les principales diffrences entre cette exprience et celle de Michelson et Morleysont essentiellement dordre technique de faon limiter au maximum les sourcesderreur :

    Les bras de linterfromtre ne sont plus perpendiculaires et nont plus la mmelongueur. Cela permet davoir plus de latitude pour la mesure des effets, notam-ment sur la diffrence de chemins optiques.

    Les auteurs ont utilis un appareillage rvolutionnaire pour maintenir la tempra-ture de la chambre vide de linterfromtre stable moins de 0,001 C, touteheure et en toutes saisons.

    Les miroirs sont soutenus par un dispositif en quartz, pour limiter au maximum leseffets de dilatation et de magntostriction. Leur rotation la fois par rapport lhorizontale et la verticale est assure, non plus la main, mais par un dispositiflectrique trs fin.

    Les franges dinterfrence sont examines travers un tlescope et sont photogra-phies toutes les douze heures pour essayer de dceler des effets diurnes.

    Les auteurs ont cherch la fois des effets priodiques sur quelques jours, maisaussi sur des priodes de plusieurs mois. Lanalyse des donnes est videmmentcruciale et, l encore, ils ont pris dnormes prcautions. Toutes les sries de mesu-res montrent des dcalages infrieurs 0,000 05 franges, compatibles avec un dca-lage nul. Aprs cette brillante exprience, la cause est entendue : plus personne neremet en cause lisotropie et linvariance de la vitesse de la lumire dans le vide.

    1.7 LA VITESSE DE LA LUMIRE

    La vitesse de la lumire dans le vide est la constante fondamentale de la thorie dela relativit restreinte, comme lest la constante de Planck pour la mcanique quan-tique ou la constante de la gravitation universelle pour la relativit gnrale. Lapremire tentative de mesure de cette vitesse dont nous ayons connaissance a tfaite par Galile au XVIe sicle. Bien que son exprience nait pas conduit un rsul-tat concluant, une autre de ses dcouvertes, celle des satellites de Jupiter, fournit lesbases pour la premire mesure relle de la vitesse de la lumire. En 1676, lastro-nome danois Roemer dduisit, en observant les clipses de Io (satellite le plusinterne de Jupiter), que la lumire met environ 11 minutes pour franchir le rayon delorbite terrestre. Avec les donnes de lpoque, la vitesse de la lumire fut value environ 215 000 km/s, ce qui est le bon ordre de grandeur (se reporter lexercice1.6 pour une explication de la mthode). En 1849, le physicien franais Fizeau cons-truisit un dispositif dont la partie principale consistait en deux roues dentes de

    20 1 Le concept de relativit

  • mme axe tournant grande vitesse. Grce cet appareil, Fizeau calcula une vitessede 315 000 km/s, rsultat comparable celui de Roemer16.

    Longtemps mesure avec une prcision de plus en plus grande, la vitesse de lalumire dans le vide est dsormais fixe exactement par convention17 :

    c = 299 792 458 m/s.Cela entrane une nouvelle dfinition du mtre qui devient :

    Le mtre est la longueur du trajet parcouru dans le vide par la lumire pendantune dure de 1/299 792 458 de seconde.

    Prcisons quen 1967 la dfinition suivante de la seconde a t adopte :

    La seconde est la dure de 9 192 631 770 priodes de la radiation correspondant la transition entre les deux niveaux hyperfins de ltat fondamental de latomede csium 133.

    Lerreur relative faite en assimilant la vitesse de la lumire 300 000 km/s est inf-rieure 0,1 %.

    1.8 AVANT DALLER PLUS LOIN

    La relativit restreinte admet lquivalence de tous les rfrentiels dinertie pour laformulation des lois physiques. Cela implique quil est impossible de mettre en vi-dence un mouvement rectiligne uniforme par des expriences internes, cest--diredes expriences menes sans se rapporter dautres rfrentiels que son rfrentielpropre. Or il semble en premire analyse que les mouvements non uniformes soienten contradiction avec la relativit restreinte, puisquune acclration peut tre mesu-re par une exprience interne. Alors que la vitesse est une grandeur relative pourun observateur, lacclration est donc une grandeur absolue. Cest en ce sens quela premire version de la thorie de la relativit dveloppe par Einstein est res-treinte. Il ne faudrait pas croire pour autant quil est impossible dans ce formalismede traiter le cas de rfrentiels en mouvement acclr (voir section 8.8). En fait, descontradictions apparaissent lorsque lon essaie de dcrire le comportement dobjetssoumis un champ de gravitation dans le cadre de la thorie de la relativit res-treinte. Lintroduction des forces de gravit dans le formalisme dEinstein ne peutse faire quau prix dune refonte de la relativit restreinte en une autre thorie, larelativit gnrale. La relativit restreinte dcrit, en fait, un univers idalisdpourvu de gravitation.

    1.8 Avant daller plus loin 21

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    16. Pour obtenir plus de dtails sur ces expriences, on peut consulter, par exemple, le cours deBerkeley, chap. 10 (biblio). Voir galement larticle de Albert Van Helden, Roemers speed oflight , Journal for the History of Astronomy, vol. 14, 1983, p. 137-141.

    17. Harry E. Bates, Resource Letter RMSL-1: Recent measurements of the speed of light andthe redefinition of the meter , American Journal of Physics, vol. 56, n 8, August 1988, p. 682-687.

  • Le principe de relativit restreinte peut tre considr comme un mta-principeen ce sens quil nest pas lui-mme une loi de la physique mais plutt un schmaauquel doit obir toute loi de la physique. Ce principe doit tre la pierre angulairede toute nouvelle thorie propose. Si une nouvelle loi est bien identique dans tousles rfrentiels dinertie, alors elle a une chance de dcrire une partie du comporte-ment de lunivers. Si elle ne respecte pas ce principe, alors elle doit tre rejete.Toute lexprience accumule depuis 1905 suggre que la relativit restreintedEinstein doit effectivement tre rige en principe gouverneur des lois de laphysique.

    Peu aprs la publication des travaux dEinstein, la relativit restreinte rencontraune vive opposition de la part de nombreux physiciens. La controverse finit par steindre dans les annes 30, quand la technologie devint suffisamment avancepour permettre les premires vrifications exprimentales des prdictions de lathorie. Aujourdhui, il ny a plus de place pour le doute : le comportement des par-ticules se dplaant des vitesses proches de celle de la lumire dans les acclra-teurs est en parfait accord avec les lois de la relativit restreinte dEinstein.

    Le succs de la relativit restreinte ne signifie pas que nous devons abandonnerla mcanique classique. Les lois de Newton sont parfaitement applicables dans lavie de tous les jours, dans la plupart des disciplines scientifiques et dans presquetoute la technologie. On ne doit pas se proccuper du phnomne de dilatation destemps pour planifier un voyage en avion, ni prendre en compte le phnomne decontraction des longueurs dans la conception dun vhicule. Les prdictions de lathorie dEinstein et de la thorie de Newton sont presque identiques pour les ph-nomnes dont les vitesses caractristiques sont petites par rapport celle de lalumire. Elles ne commencent diverger fortement que lorsque les vitesses misesen jeu sont proches de la vitesse de la lumire.

    EXERCICES

    Les rponses ces exercices sont donnes la page 260.

    1.1 Lhorloge photons galilenne

    Montrer que si la loi galilenne daddition des vitesses est correcte, alors lexp-rience de lhorloge photons dcrite dans la section 1.5 nimplique pas le phno-mne de dilatation des temps.

    1.2 Utilisation dhorloges atomiques dans les avions

    Une vrification possible de la thorie de la relativit restreinte consiste mesurerexplicitement le phnomne de dilatation du temps. Pour ce faire, on embarque dansun avion de ligne volant la vitesse constante de 800 km/h une horloge atomique

    22 1 Le concept de relativit

  • de prcision ; on laisse au sol une horloge atomique identique qui sert de tmoin. Ilsuffit de comparer les temps (cest plus facile dire qu faire !) des deux horloges lissue dun voyage commenc au temps t = 0 sur chacune des horloges. (a) Quelle doit tre la prcision minimale des horloges pour mettre en vidence le

    phnomne de dilatation des temps ?

    (b) Sur une telle horloge, quel serait lcart maximum mesur (par rapport unehorloge infiniment prcise) sur une dure dune anne ?

    1.3 Voyage vers Andromde

    La galaxie dAndromde est situe 2,3 millions dannes-lumire de la Terre. Onconsidre que la Terre et Andromde sont des points, sans mouvement relatif. Ondcide de visiter Andromde grce une fuse voyageant vitesse constante depuisla Terre jusqu Andromde.

    (a) Si le temps mis pour faire le voyage est de 2,31 millions dannes pour les ob-servateurs terrestres, quelle est la vitesse de la fuse ? Quelle est la dure duvoyage pour les passagers de la fuse ? Seront-ils encore vivants la fin duvoyage ? Et leurs descendants ?

    (b) Mmes questions si on embarque sur une fuse plus puissante qui ne met que2,301 millions dannes.

    (c) On dsire que le voyage en fuse nexcde pas 20 ans pour les passagers. Quelleest la vitesse minimum communiquer la fuse pour raliser ce projet ?Combien de temps dure ce voyage pour un observateur terrestre ?

    1.4 La course infernale

    Un proton cosmique voyage la vitesse v = 0,999 999 c pendant 4 annes-lumireentre ltoile du Centaure et la Terre (1 anne-lumire = 9,461 1015 m).Supposons que ce proton engage une course avec un photon (qui se dplace lavitesse de la lumire dans tous les rfrentiels) le long de ce trajet. Quelles sont lesdiffrences de temps de vol pour un observateur sur la Terre, pour le proton et pourle photon ?

    1.5 Vitesse relative de deux fuses

    Soient deux fuses F et F en mouvement de translation rectiligne uniforme surdeux droites parallles. On appelle R et R les rfrentiels inertiels lis respective-ment F et F . Les observateurs du rfrentiel R mesurent la vitesse de la fuse F ,qui a pour module VR/R . Les observateurs du rfrentiel R mesurent la vitesse dela fuse F qui a pour module VR/R. En appliquant le principe de la relativit, mon-trer que VR/R = VR/R.

    Exercices 23

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  • 1.6 Roemer et les clipses de Io

    En se basant sur les clipses de Io, satellite le plus interne de Jupiter, lastronomedanois Roemer a conclu, en 1676, une vitesse finie pour la propagation de lalumire dans le vide. Dans ce problme, nous indiquons le principe de sa dmarche,sans nous encombrer de toutes les subtilits affrentes. Nous adoptons un modlesimplifi pour illustrer la mthode.Le Soleil (S), la Terre (T), Jupiter (J) et Io (I) sont reprsents par des points. Il ya occultation de Io lorsque T, J et I sont aligns avec J entre T et I (Jupiter inter-cepte la lumire que Io nous envoie). En fait Jupiter nest pas un point et possdeune zone dombre ; il y a clipse lorsque Io se trouve dans la zone dombre. Lorbitede la Terre est situe dans le plan appel cliptique, et peut tre considre commeun cercle de centre S de rayon ST = R = 1,49 108 km. Cette orbite est parcou-rue en Tt = 1 an = 365,25 jours. Lorbite de Io est un cercle, dans le plan de lclip-tique, de centre J, accomplie en Ti 42,5 heures. La Terre et Io tournent dans lemme sens sur leur orbite. Les priodes donnes sont valables dans un rfrentielinertiel li aux toiles. Nous nous intressons lvolution du systme au maximumsur une demi-anne ; pendant ce laps de temps, Jupiter a peu boug sur son orbite.Nous faisons lhypothse que S et J sont fixes.En fait, Roemer a travaill sur des clipses et non sur des occultations. Il y a plu-sieurs raisons cela : dabord loccultation peut avoir lieu aprs le dbut de lclipse(Io est par consquent invisible au moment de loccultation) et, surtout, la dureentre deux occultations varie en fonction de la position de la Terre, alors que ladure entre deux clipses reste plus ou moins constante.Il y a opposition lorsque Jupiter est au plus prs de la Terre (T est entre S et J).Il y a quadrature lorsque le triangle ST J est rectangle en T. Nous notons c lavitesse de la lumire. Ainsi, le moment o lclipse est observe sur Terre est galau temps vrai augment du temps qua mis la lumire pour effectuer la distanceI T J T . (a) Donner une estimation du nombre N dclipses visibles de la Terre en une demi-

    anne.

    (b) Se placer au voisinage de lopposition et calculer le temps T sparant n(n N ) clipses vues de la Terre (on se place dans la situation symtrique den/2 clipses avant lopposition et n/2 clipses aprs lopposition). On noteTa = T/n la dure apparente dune clipse. Montrer que Ta Ti.

    (c) Rsoudre la mme question que la prcdente, en se plaant maintenant au voi-sinage de la quadrature. Montrer que Ta > Ti ; les clipses semblent prendre duretard. Que se passe-t-il au voisinage de la seconde quadrature lorsque la Terreest de lautre ct de son orbite ?

    (d) Calculer le retard cumul T nTi sur n clipses au voisinage de la premirequadrature. Roemer a mesur un retard denviron 10 min au dbut novembre delanne 1676. Il a dduit que le temps mis par la lumire pour parcourir une

    24 1 Le concept de relativit

  • unit astronomique R tait de 11 min. La valeur de R connue lpoque taitR = 1,45 108 km. En dduire la vitesse de la lumire mesure par Roemer18.

    (e) La valeur la plus mal mesure lpoque ntait finalement pas R, mais . Lavaleur actuelle de cette quantit est = 8 min. Quelle est la valeur de c cor-respondante ?

    Exercices 25

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    18. Roemer na pas calcul la vitesse de la lumire ; il sest content de montrer quelle est finie.Le calcul explicite de cette vitesse a t fait par son lve Horrebow.

  • Chapitre 2

    Transformations de Lorentzspciales

    Manifestement, continua l'Explorateur du Temps, tout corps rel doit s'tendredans quatre dimensions. Il doit avoir Longueur, Largeur, paisseur et Dure.

    Herbert George WELLS (1895)

    2.1 TRANSFORMATIONS DE LORENTZ

    Dans le premier chapitre, nous avons vu que les transformations de Galile doiventtre remplaces par de nouvelles transformations qui, en particulier, laissent inva-riante lquation de propagation des ondes lectromagntiques. Ces transformationssont appeles transformations de Lorentz.

    Avant de dterminer la forme de ces transformations, nous allons reparler duconcept dvnement, notion centrale dans la thorie de la relativit restreinte. Nousallons galement nous assurer de la possibilit de dfinir un temps commun pourtoutes les horloges immobiles dun mme rfrentiel dinertie.

    2.1.1 Notion dvnement

    Un vnement est un phnomne physique suppos infiniment localis danslespace et dans le temps, son tendue tant rduite un point et sa dure uninstant infiniment court. Dans un rfrentiel donn, un vnement sera complte-

  • ment caractris par ses trois coordonnes spatiales (x,y,z) et le temps t , indiqupar une horloge immobile de ce rfrentiel au moment o se produit cet vnement.Un vnement peut donc tre reprsent par un point dun espace quatre dimen-sions, appel espace-temps 1. Ses coordonnes sont (t,x,y,z) ou (ct,x,y,z), lacoordonne temporelle ayant dans cette dernire notation la mme dimension queles coordonnes spatiales. Remarquons que si un vnement a pour coordonnes(t,x,y,z) dans un rfrentiel dinertie R et pour coordonnes (t ,x ,y,z) dans unautre rfrentiel dinertie R, alors on peut faire correspondre cet vnement lescoordonnes respectives (ct,x,y,z) et (ct ,x ,y,z) car la vitesse de la lumire estla mme dans tous les rfrentiels dinertie.

    Dans la suite, les trois coordonnes spatiales seront toujours rapportes unrepre cartsien orthonorm (voir annexe D pour dautres possibilits). Loriginespatiale dun rfrentiel dsignera le point de lespace (x = 0, y = 0, z = 0) uninstant quelconque. Le point de lespace-temps qui a pour coordonnes(t = 0, x = 0, y = 0, z = 0) sera appel origine spatiotemporelle du repre. Cesdeux origines seront indiffremment notes O.

    2.1.2 Mesures des positions et des temps, synchronisationdes horloges

    Dans un rfrentiel dinertie R, les coordonnes spatiotemporelles dun vnementsont mesures localement par un observateur, muni de son horloge, au repos dansce rfrentiel : il enregistre la concidence entre lvnement qui se produit l o ilse trouve et le temps marqu par son horloge (voir section 1.1.2). Le deuxime pos-tulat permet de dfinir lunit de longueur partir de lunit de temps. Lobservateurpeut mesurer, par exemple, la distance qui le spare de lorigine spatiale O de sonrfrentiel en faisant rflchir un signal lumineux sur un miroir plac en O. La dis-tance est le produit par c/2 du temps coul entre lmission du signal et la rcep-tion du signal rflchi.

    On voit quil est loisible de fabriquer une rgle simplement par des mesuresde temps, en cochant sur un bton solide et immobile dans le rfrentiel R despoints correspondant des multiples dun temps donn, choisi comme unit. Ceprotocole de construction dune rgle est loin dtre artificiel. Rappelons que notreunit de longueur, le mtre, est dfinie partir de lunit de temps, via linvariancede la vitesse de la lumire dans le vide (voir section 1.7). Il existe de trs nombreuxcas pour lesquels une mesure de longueur se dduit dune mesure de temps : ce sontles situations o le transport dune rgle physique savre matriellement impossi-ble. Un exemple difiant est celui de la mesure de la distance Terre-Lune obtenuepar le temps sparant lmission et la rception, aprs rflexion sur le sol lunaire,dun signal lectromagntique2.

    2.1 Transformations de Lorentz 27

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    1. On parle aussi de continuum spatiotemporel ou continuum espace-temps, un continuum dsi-gnant, en physique, un ensemble dlments de mme nature.

    2. Voir, par exemple, larticle de Kenneth Nordtvedt, La Lune au secours dEinstein , LaRecherche, n 295, fvrier 1997, p. 70-76.

  • Dans ce rfrentiel R, on peut synchroniser toutes les horloges qui y sont aurepos. En effet, puisque la vitesse de la lumire est une constante universelle, il suf-fit de placer au milieu du segment de droite qui joint deux horloges une source qui, un instant quelconque, envoie un signal lumineux dans toutes les directions ; lesdeux horloges considres sont synchronises si elles indiquent le mme temps larception de ce signal, puisque la vitesse de la lumire est identique dans toutes lesdirections 3 (voir figure 2.1). Ce protocole de synchronisation permet dviter ledplacement des horloges, empchant ainsi le phnomne de dilatation des tempsdaffecter la marche de ces horloges (voir section 1.5).

    28 2 Transformations de Lorentz spciales

    3. Dautres procdures de synchronisation des horloges peuvent tre utilises : voir, par exemple,le livre de M. Ludvigsen, p. 23 (biblio), ou larticle de N. David Mermin, Relativity withoutlight , American Journal of Physics, vol. 52, n 2, February 1984, p. 119-124.

    Figure 2.1 Synchronisation de deux horloges au repos dans un rfrentiel dinertieau moyen de signaux lumineux.

    Le processus de synchronisation est, de fait, bas sur la proprit que le tempsscoule de la mme faon pour toutes les horloges, supposes parfaites et iden-tiques, immobiles les unes par rapport aux autres dans un rfrentiel dinertie.Lhorloge, situe par exemple lorigine spatiale, peut servir de rfrent pour lasynchronisation de toutes les horloges de notre cristal dhorloges par le proto-cole prcdent ou un autre protocole quivalent (voir exercice 2.1). Il nest pas dif-ficile de montrer que, si toutes les horloges sont synchronises sur lhorloge de rf-rence, elles sont synchronises entre elles. Mathmatiquement, la relation tresynchronise est une relation dquivalence. La classe dquivalence de cette rela-tion est dsigne simplement comme le temps dans le rfrentiel R .

    Les mesures de temps et de distances peuvent seffectuer suivant les mmes prin-cipes dans un autre rfrentiel dinertie R. Le premier postulat garantit en effet quetous les observateurs inertiels peuvent construire des horloges quivalentes basessur le mme talon de frquence (voir section 1.7). De plus, il assure que la phy-sique ne dpend pas du choix de ce standard. On peut galement synchroniser tou-tes les horloges au repos dans cet autre rfrentiel dinertie. Toutefois nous avonsvu quil fallait abandonner la notion de temps absolu. Cela signifie que le tempsindiqu par les horloges au repos dans le rfrentiel R ne pourra en gnral plustre pris identique au temps indiqu par les horloges au repos dans le rfrentiel R.

  • 2.1 Transformations de Lorentz 29

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    otoc

    opie

    non

    aut

    oris

    e e

    st u

    n d

    lit

    .

    Figure 2.2 Propagation dun front donde lumineux sphrique.

    yy

    zz

    xx

    t > 0t = 0

    ct

    2.1.3 Transformations homognes

    La vitesse de la lumire dans le vide est indpendante des mouvements de la sourceet du rcepteur. Considrons un observateur immobile dans un rfrentiel dinertieR. Les positions et les temps mesurs par cet observateur sont nots x , y, z et t .Supposons quune source lumineuse ponctuelle, situe sur lorigine spatiale O durfrentiel R, mette linstant t = 0 une impulsion lumineuse dans toutes lesdirections. un instant ultrieur t , lquation du front donde sphrique de rayon Rest donne par R =

    x2 + y2 + z2 = ct (voir figure 2.2), ce qui peut scrire

    x2 + y2 + z2 = c2t2. (2.1)Considrons un autre rfrentiel dinertie R, anim dune vitesse V par rapport R, dans lequel un observateur note ses mesures de positions et de temps par x , y,z et t . Pour simplifier, nous allons galement supposer que les origines spatiales Oet O des deux rfrentiels concident en t = t = 0. Autrement dit, le front dondelumineux sphrique est mis linstant zro depuis lorigine spatiale dans les deuxrfrentiels. Pour lobservateur du rfrentiel R, lquation du front donde sph-rique de rayon R est donc donne par R =

    x 2 + y2 + z2 = ct , cest--dire

    x 2 + y2 + z2 = c2t 2, (2.2)car la vitesse de la lumire c est la mme dans les deux rfrentiels.

    Les transformations de Lorentz se trouvent ainsi dfinies comme les change-ments de coordonnes

    t = t (t ,x ,y,z),x = x(t ,x ,y,z),y = y(t ,x ,y,z),z = z(t ,x ,y,z),

    (2.3)

  • tels que lquation du mouvement (2.1) est transforme en lquation du mouve-ment (2.2), cest--dire que

    c2t2 x2 y2 z2 = 0 c2t 2 x 2 y 2 z 2 = 0. (2.4)Nous allons maintenant supposer que lespace et le temps sont homognes, cest--dire quil nexiste pas dorigine spatiotemporelle absolue. Cela entrane la linaritde la transformation. En effet, regardons des vnements caractriss parx = y = z = 0. Imaginons quau lieu dune relation linaire du type t = A t ,nous ayons une relation du genre t = S t 2, o S est une constante. Trois vne-ments se produisant cet endroit dans le rfrentiel R, des instants t = 1, 2 et 3secondes, se produisent des instants t = 1S , 4S et 9S secondes dans le rfrentielR. Ces vnements ne sont pas galement espacs dans le temps pour un observa-teur de ce rfrentiel. Supposons maintenant que lorigine spatiotemporelle du rf-rentiel R soit dplace sur le premier vnement. Dans ce cas, les trois vnementsapparaissent aux temps t = 0, 1 et 2 secondes dans le rfrentiel R, ce qui se tra-duit par des instants t = 0, 1S et 4S secondes dans le rfrentiel R. Les intervallesde temps entre les mmes vnements sont donc modifis dans ce rfrentiel. Celane peut logiquement rsulter dun simple choix dorigine spatiotemporelle. Onobtient un rsultat similaire pour une transformation quelconque sur les temps, sielle est non linaire. On en conclut donc que les transformations de Lorentz doiventtre linaires, aussi bien pour lespace que pour le temps (voir section 6.2.2 pourune dmonstration rigoureuse).

    On vrifie aisment que lquivalence (2.4) ne peut pas tre satisfaite pour unetransformation de Galile. Lquivalence recherche peut scrire

    c2t 2 x 2 y2 z2 = (c2t2 x2 y2 z2). (2.5)La transformation tant linaire, le coefficient ne peut dpendre que du param-tre caractrisant la transformation, savoir V . Nous allons maintenant faire lhypo-thse supplmentaire que lespace est isotrope. Dans ce cas, le coefficient ne peut dpendre que du module de V et non de son orientation. De plus, si nous consid-rons trois rfrentiels R1, R2 et R3, tels que V12 caractrise la transformation desrfrentiels R1 vers R2, que V23 caractrise la transformation des rfrentiels R2vers R3 et que V13 caractrise la transformation des rfrentiels R1 vers R3, onsattend avoir

    (| V13|) = (| V12|)(| V23|). (2.6)Puisque | V13| ne dpend pas seulement de | V12| et | V23|, mais aussi de langle entreV12 et V23, est ncessairement une constante. En vertu de la relation (2.6), on adonc = 1, ce qui implique

    c2t 2 x 2 y2 z2 = c2t2 x2 y2 z2. (2.7)

    30 2 Transformations de Lorentz spciales

  • Ces transformations sont dites homognes : elles sont telles que les repres spatiauxet la synchronisation des horloges dans chacun des rfrentiels R et R sont choisisde sorte que

    x = y = z = ct = 0 x = y = z = ct = 0. (2.8)Autrement dit, les origines des repres spatiaux dans les deux rfrentiels conci-dent au moment o les horloges synchronises de ces deux laboratoires marquenttoutes linstant zro.

    2.1 Transformations de Lorentz 31

    Dun

    od. L

    a ph

    otoc

    opie

    non

    aut

    oris

    e e

    st u

    n d

    lit

    .

    Dans un rfrentiel dinertie, t tant la coordonne temporelle, (x,y,z) les coor-donnes dun repre cartsien orthonorm et c la vitesse de la lumire dans levide, les transformations de Lorentz homognes sont les transformations linairesqui laissent invariante la forme quadratique c2t2 x2 y2 z2.

    Les transformations de Lorentz les plus simples que lon puisse raliser neconcernent que deux des quatre coordonnes despace-temps. Une premire famillecomprend les transformations qui mlangent une coordonne despace avec lacoordonne temporelle. Il sagit de rotations despace-temps :

    y = y, z = z et (x,t) (x ,t ) tel que c2t2 x2 = c2t 2 x 2,x = x , z = z et (y,t) (y,t ) tel que c2t2 y2 = c2t 2 y2,x = x , y = y et (z,t) (z,t ) tel que c2t2 z2 = c2t 2 z2.

    (2.9)

    Comme nous le verrons dans la section suivante, chacune des trois transformations(2.9) dpend dun paramtre sans dimension qui est le rapport entre la vitesse rela-tive V des deux rfrentiels dinertie et la vitesse de la lumire.

    Une autre famille de transformations, qui satisfait la condition (2.7), consiste entrois rotations spatiales deux dimensions :

    t = t , z = z et (x,y) (x ,y) tel que x2 + y2 = x 2 + y2,t = t , y = y et (x,z) (x ,z) tel que x2 + z2 = x 2 + z2,t = t , x = x et (y,z) (y,z) tel que y2 + z2 = y2 + z2.

    (2.10)

    Chacune de ces trois rotations dpend dun seul paramtre qui est langle de rota-tion. Une rotation quelconque trois dimensions est donc caractrise par troisangles de rotation, par exemple les angles dEuler 4. Nous reparlerons des rotationsdans le chapitre 7.

    Les rotations et les rotations despace-temps sont des transformations continuesen ce sens quelles dpendent de paramtres que lon peut faire varier continment.Notons enfin que les transformations discrtes suivantes sont galement des trans-formations de Lorentz :

    4. Voir, par exemple, louvrage de H. Goldstein, C. Poole et J. Safko, p. 150 (biblio).

  • t t renversement du temps (2.11)(x,y,z) (x,y,z) rflexion despace (parit). (2.12)

    2.1.4 Transformations spciales

    Dterminons maintenant la forme explicite dune rotation despace-temps. Pourcela, nous allons considrer une situation physique particulire.

    Deux rfrentiels dinertie R et R sont unis