Regime General Des Obligations 2003-2004 Cours

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RGIME

GNRAL DES OBLIGATIONS

Introduction gnrale

Quest-ce que le rgime gnral des obligations ? Il sagit des rgles communes toutes les obligations, quelle que soit leur source : contrat, dlit, loi Ces rgles concernent toute la vie des obligations, de leur naissance leur disparition. Toutefois, la naissance des obligations est intimement lie leur source et est donc variable selon celle-ci ; elle relve donc de chaque source et est tudie ce moment. Le rgime gnral des obligations comprend donc concrtement ltude des diffrentes modalits dont peuvent tre affectes les obligations, les diffrences techniques qui les caractrisent. Elle vise galement la dtermination de la manire dont on teint ces obligations, que ce soit simplement par leur paiement ou par tout autre procd plus complexe. Il s'agit encore de ltude des oprations juridiques trois personnes, quelles constituent un moyen dteindre ou de transmettre ces obligations. Intrt de la matire. Le rgime gnral des obligations est une matire centrale du droit civil et plus largement du droit priv. Cest la structure centrale de toutes les obligations et on sait bien que lobligation est la relation juridique de base dans toutes les branches du droit. Parfois nglige, cette matire est pourtant indispensable pour comprendre le fonctionnement des autres mcanismes juridiques. Il en va ainsi notamment des oprations juridiques trois personnes essentielles pour le droit cambiaire. Les modes de paiement en matire commerciale et la transmission des obligations se ralisent toujours en faisant intervenir une troisime personne dans le rapport dobligation originaire. Ces oprations sont dune forte complexit technique et requirent donc absolument une connaissance des techniques de base des obligations. Outre son intrt thorique, le rgime gnral des obligations prsente un indniable intrt pratique, notamment pour la vie des affaires. En effet, par sa haute technicit et sa grande souplesse, les obligations sont une caisse outils inpuisables pour les praticiens. Quelle que soit la situation, il est toujours possible de trouver une construction qui corresponde aux besoins quelle fait apparatre. Cest pourquoi, malgr la difficult de certains chapitres quil ne faut pas se dissimuler, cette tude est primordiale et ne peut tre abandonne. Annonce du plan. En essayant dallier cohrence et progression didactique, nous tudierons le rgime gnral des obligations en trois parties. Nous commencerons par prsenter la diversit des obligation, par del leurs sources, en raison de leurs formes ou de leurs modalits. Cela fait, nous 1

prsenterons les rgles les plus classiques qui prsident leur extinction ou qui visent la permettre. En raison des difficults quelle prsente, nous laissons pour la fin les modifications susceptibles daffecter les obligations durant leur vie, quil sagisse de leur transformation ou de leur circulation, mme fins de paiement. Premire partie : la varit des obligations Deuxime partie : lextinction traditionnelle de lobligation Troisime partie : la transformation de lobligation Quatrime partie : la circulation de lobligation

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Premire partie : la varit des obligations

Introduction : de lobligation morale lobligation civile, lobligation naturelleArticle 1235 Tout paiement suppose une dette : ce qui a t pay sans tre d, est sujet rptition. La rptition n'est pas admise l'gard des obligations naturelles qui ont t volontairement acquittes.

Lobligation naturelle est moins importante numriquement que thoriquement. Elle constitue une bizarrerie tant par sa place au regard des notions juridiques quen raison de son rgime. Ceci nous conduit envisager successivement son domaine et ses effets. A) le domaine de lobligation naturelle On distingue classiquement lobligation avorte de lobligation dgnre, auxquelles il faut adjoindre le cas de lobligation connotation morale. Obligation civile avorte : il sagit dune obligation civile qui na pu natre cause dun vice qui laffectait ds sa naissance. Un exemple classique peut tre trouv dans le cas dune obligation contracte par un mineur proche de la majorit : quoiquelle ne soit pas valable puisque le dbiteur tait incapable, son excution volontaire aprs la majorit sera elle valable. Obligation civile dgnre : cest une obligation civile qui a perdu sa force, par exemple lobligation prescrite Obligation connotation morale : cest une obligation correspondant un devoir moral suffisamment puissant pour tre pris en considration par le droit. On cite souvent lobligation alimentaire entre frres et surs, Ou lobligation lgard des enfants adultrins avant la reconnaissance de lgalit de traitement entre tous les enfants ; elle est galement parfois invoque entre concubins. Cette forme manifeste parfaitement le passage de la morale au droit. Est parfois voqu le paiement de la dette de jeu en raison de son rgime : larticle 1965 C.civ. interdit au gagnant dexiger le paiement tandis que larticle 1967 interdit au perdant qui a pay de rpter. Linvalidit de la promesse de payer est toutefois contraire lide dobligation naturelle, on songe donc plutt la contrarit lordre public. 3

B) Les effets de lobligation naturelle Le premier effet est de ne pas tre obligatoire, ou plu exactement de ne pas permettre au crancier dexiger du dbiteur quil accomplisse cette obligation. Cest ce qui distingue lobligation naturelle de lobligation civile, tant on sait que le propre de lobligation civile est ce lien de droit entre crancier et dbiteur. Ce qui rattache tout de mme lobligation naturelle lobligation civile, lloignant par l mme de lobligation simplement morale, cest la valeur reconnue son excution volontaire : lorsque le dbiteur la excut, il ne peut plus tirer argument du fait quil ny est pas tenu, on estime que lobligation sest transforme de naturelle en civile et le crancier est assur de pouvoir conserver le bnfice de la prestation ainsi ralise. Outre par lexcution, le dbiteur peut galement faire de lobligation naturelle une obligation civile par son engagement personnel. Aprs avoir parl de novation pour rendre compte du changement de nature de lobligation, la jurisprudence a abandonn cette explication, intenable en raison mme du changement de nature, pour parler de transformation (Cass. civ. 1e, 10 oct. 1995): Attendu, ensuite, que la transformation improprement qualifie novation d'une obligation naturelle en obligation civile, laquelle repose sur un engagement unilatral d'excuter l'obligation naturelle, n'exige pas qu'une obligation civile ait ellemme prexist celle-ci ; http://www.legifrance.gouv.fr/WAspad/UnDocument? base=CASS&nod=CXCXAX1995X10X01X00352X000 Ce faisant, cest une nouvelle application reconnue lacte unilatral, capable de participer la cration dune obligation civile, mme si ce nest pas ex nihilo. Restera prouver la transformation en obligation civile, preuve ncessaire pour que le dbiteur puisse exiger lexcution de la nouvelle obligation civile. Cette preuve obit aux rgles traditionnels de la preuve. Si lon entre de plein pied dans le domaine des obligations civiles, leur diversit saccrot car lunit qui les entoure, vu de lextrieur, vole en clat ; cest ce qui apparat dj travers les obligations objet complexe, cest ce qui se vrifiera propos de la solidarit et de ses avatars, cest ce qui se confirmera propos du terme et de la condition.

Titre 1 : les modalits des obligations relatives leur objetOn distingue sous cette expression le cas des obligations indivisibles ainsi que lhypothse dans laquelle lobligation a plusieurs objets, autrement dit est objet complexe. 4

Chapitre 1 : les obligations divisibles et indivisiblesSection I : Des obligations divisibles et indivisibles Article 1217 L'obligation est divisible ou indivisible selon qu'elle a pour objet ou une chose qui dans sa livraison, ou un fait qui dans l'excution, est ou n'est pas susceptible de division, soit matrielle, soit intellectuelle. Article 1218 L'obligation est indivisible, quoique la chose ou le fait qui en est l'objet soit divisible par sa nature, si le rapport sous lequel elle est considre dans l'obligation ne la rend pas susceptible d'excution partielle.

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Article 1219 La solidarit stipule ne donne point l'obligation le caractre d'indivisibilit. Paragraphe I : Des effets de l'obligation divisible Article 1220 L'obligation qui est susceptible de division, doit tre excute entre le crancier et le dbiteur comme si elle tait indivisible. La divisibilit n'a d'application qu' l'gard de leurs hritiers, qui ne peuvent demander la dette ou qui ne sont tenus de la payer que pour les parts dont ils sont saisis ou dont ils sont tenus comme reprsentant le crancier ou le dbiteur. Article 1221 Le principe tabli dans l'article prcdent reoit exception l'gard des hritiers du dbiteur : 1 Dans le cas o la dette est hypothcaire ; 2 Lorsqu'elle est d'un corps certain ; 3 Lorsqu'il s'agit de la dette alternative de choses au choix du crancier, dont l'une est indivisible ; 4 Lorsque l'un des hritiers est charg seul, par le titre, de l'excution de l'obligation ; 5 Lorsqu'il rsulte, soit de la nature de l'engagement, soit de la chose qui en fait l'objet, soit de la fin qu'on s'est propose dans le contrat, que l'intention des contractants a t que la dette ne pt s'acquitter partiellement. Dans les trois premiers cas, l'hritier qui possde la chose due ou le fonds hypothqu la dette, peut tre poursuivi pour le tout sur la chose due ou sur le fonds hypothqu, sauf le recours contre ses cohritiers. Dans le quatrime cas, l'hritier seul charg de la dette, et dans le cinquime cas, chaque hritier, peut aussi tre poursuivi pour le tout ; sauf son recours contre ses cohritiers. Paragraphe II : Des effets de l'obligation indivisible Article 1222 Chacun de ceux qui ont contract conjointement une dette indivisible, en est tenu pour le total, encore que l'obligation n'ait pas t contracte solidairement. Article 1223 Il en est de mme l'gard des hritiers de celui qui a contract une pareille obligation. Article 1224 Chaque hritier du crancier peut exiger en totalit l'excution de l'obligation indivisible.

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Il ne peut seul faire la remise de la totalit de la dette ; il ne peut recevoir seul le prix au lieu de la chose. Si l'un des hritiers a seul remis la dette ou reu le prix de la chose, son cohritier ne peut demander la chose indivisible qu'en tenant compte de la portion du cohritier qui a fait la remise ou qui a reu le prix.

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Article 1225 L'hritier du dbiteur, assign pour la totalit de l'obligation, peut demander un dlai pour mettre en cause ses cohritiers, moins que la dette ne soit de nature ne pouvoir tre acquitte que par l'hritier assign, qui peut alors tre condamn seul, sauf son recours en indemnit contre ses cohritiers.

Une obligation est indivisible lorsquelle nest pas susceptible dtre excute en plusieurs fois, lorsque son excution doit tre ralise comme un tout. Toutes les obligations ne sont pas indivisibles et selon quelles le sont ou non, lgard de certaines ou de toutes les parties concernes, le rgime qui leur sera applicable sera diffrent. La plupart des obligations sont divisibles (le paiement dune somme dargent par exemple peut se faire par fraction), ce qui justifie que lon sintresse aux obligations indivisibles ; ce sont celles qui prsentent un intrt au regard de leur rgime juridique. Section 1 : les sources des obligations indivisibles Il existe trois origines lindivisibilit de lobligation dont la distinction nest pas toujours trs nette. Lobligation peut tout dabord tre indivisible raison de sa nature (art. 1217). Les obligations de somme dargent sont par nature divisibles puisquelles peuvent sans mal tre excutes en plusieurs parts. A linverse, lobligation de raliser un portrait est indivisible, quand bien mme il serait concevable de nen faire que la moiti dans un premier temps en retardant la fourniture de lautre moiti. Sont encore indivisibles par leur nature toutes les obligations de ne pas faire puisque toute prestation qui y contrevient, si minime soit elle, en ralise linexcution : lobligation de non concurrence ne souffre pas la moindre atteinte sous peine dtre viole. A ct de lobligation indivisible par sa nature figure lobligation indivisible par la volont des parties, lindivisibilit conventionnelle. Il sagit dune obligation qui pourrait tre divise mais que les parties dcident de traiter comme si elle tait indivisible. Entre les deux, larticle 1218 fait une place une indivisibilit tierce, difficile cerner. Il sagit dune obligation divisible par sa nature mais qui, compte tenu de la manire dont elle est envisage par les partie, nest pas susceptible dune excution divise. Les parties nen prvoient pas explicitement lindivisibilit mais celle-ci sinfre de leur convention, il sagit dune indivisibilit implicite. Dautres auteurs parlent dindivisibilit relative en voquant la construction dune maison qui fait apparatre des prestations tout fait distinctes et divisibles mais qui, par lobjet du contrat, peuvent tre tenues pour indivisibles pour les parties. 8

Quelle que soit lorigine de lindivisibilit, celle-ci une fois consacre emporte des consquences. Section 2 : le rgime des obligations indivisibles Il convient dabord de prciser que les obligations divisibles et indivisibles sexcutent de la mme manire entre le dbiteur et le crancier lorsquils sont lun et lautre uniques. Les consquences de la distinction ninterviennent que lorsquil y a plusieurs cranciers ou dbiteurs. Cest le cas, soi ds lorigine, soit au cas de dcs de lune des parties qui laisse plusieurs hritiers. Au cas de pluralit de crancier, lun dentre eux peut seul, donc sans lintervention des autres cranciers, rclamer le paiement. En revanche, il ne peut seul disposer de la crance (remise de dette, consentement une dation en paiement) ; ceci nuirait aux autres cranciers. Cette indivisibilit lgard du crancier se double dune possibilit de recours entre ceux-ci. Lorsque lun a reu paiement, les autres peuvent lui rclamer leur part. Entre les dbiteurs, les consquences sont semblablement opposes : le paiement peut tre exig de nimporte lequel dentre eux. Par son rgime, lindivisibilit peut tre rapproche de la solidarit. Des lments les distinguent toutefois, notamment quant leur dfinition. Lie la nature des obligations, lindivisibilit est susceptible de disparatre lorsque lobjet de lobligation est modifie : si la suite de son inexcution une obligation indivisible par sa nature se rsout en dommages-intrts, lindivisibilit disparat puisque lobjet devient une somme dargent. Il existe une autre utilisation de lindivisibilit, spcifique la matire contractuelle. Il est possible de prvoir contractuellement que plusieurs obligations seront lies, indivisibles. Lintrt est alors de lier leur sort : si une seule dentre elle est inexcute, cest lensemble du contrat qui sera mis en cause puisque la deuxime ne peut tre excute indpendamment de la premire. Ce peut tre une garantie pour un crancier qui considre plusieurs prestations comme inter-dpendantes : la livraison dun vhicule automobile ainsi que celle dune caravane. Lindivisibilit est galement utilise comme protection pour la personne qui contracte des obligations juridiquement distinctes mais conomiquement lies avec des cocontractants diffrents ; grce cette notion, la jurisprudence a permis des pharmaciens qui avaient conclu un crdit-bail pour lacquisition dun matriel tlmatique permettant la diffusion dinformations de rsoudre le crdit-bail au motif de la cessation de fourniture dinformations : http://www.legifrance.gouv.fr/WAspad/UnDocument? base=CASS&nod=CXCXAX2000X02X04X00029X00

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Nous ninsistons pas sur ce point propre au droit des contrats mais cet usage manifeste la vigueur de lindivisibilit en droit des obligations. Chapitre 2 : Les obligations objet complexe Les obligations sont dites objet complexe lorsque lobjet est multiple : par exemple, aux termes dun contrat de vente dimmeuble, lacheteur sengage payer le prix mais galement ne pas installer de boulangerie dans le local acquis ; lacheteur a deux obligations, lobjet est complexe. Parmi les objets complexes, on distingue deux types dobligations : les obligations conjonctives et les obligations disjonctives. Lobligation conjonctive consiste dans une obligation qui met la charge du dbiteur deux obligations quil doit excuter lune et lautre. La complexit de lobjet est toute relative, elle se limite devoir assumer deux objets au lieu dun, on pourrait mme dire quil a plus simplement deux obligations sil ne venait sadjoindre une question de divisibilit ou dindivisibilit. Plus intressantes sont les obligations disjonctives car la pluralit dobjets est adjointe une modalit particulire dans lexcution : seul lun des deux objets doit tre excut. Il convient prsent de dterminer lequel en distinguant les obligations alternatives des obligations facultatives.

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Section 1 : lobligation alternativeSection III : Des obligations alternatives Article 1189 Le dbiteur d'une obligation alternative est libr par la dlivrance de l'une des deux choses qui taient comprises dans l'obligation. Article 1190 Le choix appartient au dbiteur, s'il n'a pas t expressment accord au crancier. Article 1191 Le dbiteur peut se librer en dlivrant l'une des deux choses promises ; mais il ne peut pas forcer le crancier recevoir une partie de l'une et une partie de l'autre. Article 1192 L'obligation est pure et simple, quoique contracte d'une manire alternative, si l'une des deux choses promises ne pouvait tre le sujet de l'obligation. Article 1193 L'obligation alternative devient pure et simple, si l'une des choses promises prit et ne peut plus tre livre, mme par la faute du dbiteur. Le prix de cette chose ne peut pas tre offert sa place. Si toutes deux sont pries, et que le dbiteur soit en faute l'gard de l'une d'elles, il doit payer le prix de celle qui a pri la dernire. Article 1194 Lorsque, dans les cas prvus par l'article prcdent, le choix avait t dfr par la convention au crancier, Ou l'une des choses seulement est prie ; et alors, si c'est sans la faute du dbiteur, le crancier doit avoir celle qui reste ; si le dbiteur est en faute, le crancier peut demander la chose qui reste, ou le prix de celle qui est prie ; Ou les deux choses sont pries ; et alors, si le dbiteur est en faute l'gard des deux, ou mme l'gard de l'une d'elles seulement, le crancier peut demander le prix de l'une ou de l'autre son choix. Article 1195 Si les deux choses sont pries sans la faute du dbiteur, et avant qu'il soit en demeure, l'obligation est teinte, conformment l'article 1302. Article 1196

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Les mmes principes s'appliquent au cas o il y a plus de deux choses comprises dans l'obligation alternative.

Pour lobligation alternative, on dit que les deux objets sont in obligatione, cest--dire que les deux objets sont dus, mais que seul lun deux est in solutione, cest--dire quil nen sera finalement pay quun. Par ailleurs, les deux objets sont sur un mme plan, aucun des deux na de prsance sur lautre. Ainsi, si lun des deux objets vient disparatre ou savre ne pouvoir tre excut, avant que loption ne soit effectue, lobjet restant est d purement et simplement et lobligation originairement alternative devient donc pure et simple. Puisquun seul des deux objets doit tre finalement remis au crancier, il faut dterminer lequel. Le Code civil (a. 1290) confre ce choix au dbiteur. Cet avantage comporte toutefois deux limites : dune part, cette disposition est suppltive. Dautre part, cette option, une fois faite, est irrvocable : le dbiteur ne peut choisir lun des deux objets et finalement changer davis pour choisir dexcuter lautre. Lobligation alternative est une sorte de garantie pour le crancier puisquil double ses chances dtre pay. Si lune des deux choses vient prir, le dbiteur reste redevable de lautre. Si les deux choses prissent mais que le dbiteur est responsable de la perte de lune dentre elles au moins, il devra payer le prix de la dernire qui a disparu. Section 2 : lobligation facultative L encore les deux objets sont in obligatione tandis que lun des deux seulement est in solutione. Mais, la diffrence de lobligation alternative, lun des deux objets dpend de lautre puisque lun deux nest que facultatif. Lobligation facultative apparat comme une faveur faite au dbiteur, cest la possibilit qui lui est reconnue de se dcharger de son obligation en livrant lobjet facultatif en lieu et place de lobjet principal. Il y a toujours une option qui revient ncessairement au dbiteur et que celui-ci exerce au moment de lexcution. Par ailleurs, puisque lobjet facultatif est dans la dpendance du principal, la disparition de lobjet principal dcharge le dbiteur. Le crancier ne peut plus exiger la dlivrance de lobjet facultatif qui ntait quun substitut du principal. Ces modalits de lobjet de lobligation techniquement importantes, nen sont pas moins peu frquentes dans la pratique. Il en va tout diffremment des modalits qui affectent les sujets des obligations. 12

Titre 2 : les modalits des obligations relatives leurs sujetsLes obligations sont susceptibles de connatre des modalits particulires au regard de leur sujet ds lors quil existe plusieurs sujets, quil sagisse dune pluralit de cranciers ou de dbiteurs. Bien sr, la multiplicit peut tre la seule caractristique et alors lobligation reste pure et simple. Sil y a seulement plusieurs dbiteurs, chacun dentre eux est tenu dune partie de la dette et le crancier ne peut donc lui demander le paiement que de cette partie, sauf faire jouer les rgles de lindivisibilit. On voit linconvnient quil y a pour le crancier. En consquence, des amnagements sont possibles qui unissent les dbiteurs autour de lobligation, ceux-ci ntant plus alors tout fait des trangers les uns avec les autres. Dans la ligne du droit romain, le Code civil consacre la solidarit. A cette modalit traditionnelle, la jurisprudence a ajout une autre catgorie attnue, lobligation in solidum. Chapitre 1 : la solidarit Une obligation est dite solidaire lorsquil existe un lien entre tous les dbiteurs ou tous les cranciers en vertu duquel les actes accomplis par lun au sein du rapport dobligation sont opposables aux autres. Selon que lon est en prsence dune obligation active ou passive, ce sont les cranciers ou les dbiteurs qui sont tenus solidairement.Paragraphe I : De la solidarit entre les cranciers Article 1197 L'obligation est solidaire entre plusieurs cranciers lorsque le titre donne expressment chacun d'eux le droit de demander le paiement du total de la crance, et que le paiement fait l'un d'eux libre le dbiteur, encore que le bnfice de l'obligation soit partageable et divisible entre les divers cranciers. Article 1198 Il est au choix du dbiteur de payer l'un ou l'autre des cranciers solidaires, tant qu'il n'a pas t prvenu par les poursuites de l'un d'eux. Nanmoins la remise qui n'est faite que par l'un des cranciers solidaires, ne libre le dbiteur que pour la part de ce crancier. Article 1199 Tout acte qui interrompt la prescription l'gard de l'un des cranciers solidaires, profite aux autres cranciers.

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La solidarit active se caractrise par la possibilit pour le dbiteur de se dcharger entre les mains de nimporte lequel des cranciers. Ce paiement sera opposable aux autres cranciers qui ne pourront plus le demander au dbiteur. Il appartiendra aux cranciers de rpartir entre eux le paiement ainsi effectu. Inversement, tout crancier peut seul demander le paiement au dbiteur, cette demande vaut galement pour les autres cranciers. Tout se passe comme si chaque crancier reprsentait les autres. Compte tenu des effets de la solidarit active, elle ne peut se prsumer et doit tre prvue par les parties. De cette sorte dunit ralise entre les cranciers, il rsulte que les exceptions qui valent lgard de lun valent lgard des autres. Cest ainsi que la prescription ralise pour un crancier dcharge le dbiteur vis-vis de tous. Lide de reprsentation entre les cranciers connat toutefois une limite en raison des dangers quelle leur fait courir. Si un crancier dcide de consentir une remise de dettes, celle-ci ne vaudra que pour sa part. Sil y a trois cranciers, la remise de dettes accorde par lun deux nteindra quun tiers de la dette. Les deux autres cranciers pourront toujours exiger le paiement de la dette mais seulement pour les deux tiers restant. Beaucoup plus frquente que la solidarit active, dont on trouve tout de mme comme exemple le compte bancaire joint, est la solidarit passive. Cest cette forme de solidarit que nous nous attacherons. Nous en envisagerons les sources avant den prsenter les effets. Section 1 : les sources de la solidarit passive Aux termes de larticle 1202, la solidarit ne se prsume pas et ne peut simposer que par la loi. Les deux sources de la solidarit sont donc la volont des parties et la loi. Puisque la solidarit ne se prsume pas, le silence des partie signifie que lobligation, quand bien mme elle aurait plusieurs dbiteurs, est une obligation simplement conjointe. Seule la volont expresse des parties peut faire tomber la prsomption. Celle-ci peut sexprimer dans une convention, elle peut galement figurer dans un testament et prvoir la solidarit des lgataires. Les hypothses lgales de solidarit passive sont varies et il est difficile de les classer ; nous en indiquons quelques exemples sans aucune exhaustivit. Au titre de la communaut dintrts des dbiteurs, mentionnons les comandants qui ont donn mandat un mandataire commun, les poux 14

pour limpt sur les revenus ou pour les dettes mnagres La solidarit est parfois prvue pour les dbiteurs de responsabilit : responsabilit des pre et mre du fait de leur enfant mineur, responsabilit du fait des fabricant de la partie et du tout pour le dommage caus du fait du produit intgr au tout, responsabilit des fondateurs de socit du fait dinexactitude ou de mentions manquantes lors de la fondation de la socit Au titre du renforcement du crdit, on relve la solidarit des signataires dun mme titre cambiaire, les associs dune socit en nom collectif ou les commandits dune socit en commandite Il faut encore relever une exception aussi classique quimportante la prsomption de non solidarit. En matire commerciale, en labsence mme de toute disposition lgale, la coutume veut que la solidarit se prsume. Cest l lhypothse la plus connue de coutume contra legem. Section 2 : Les effets de la solidarit passive Ces effets se font sentir aussi bien en ce qui concerne les relations entre dbiteurs et crancier quentre les codbiteurs eux-mmes. 1 : les relations entre dbiteurs et crancier Il est traditionnel de distinguer les effets principaux de la solidarit qui lui sont inhrents et les effets secondaires, rattachs lide de reprsentation entre les codbiteurs. A) Les effets principaux Ces effets sont gnralement expliqus par deux affirmations parallles : il y a unicit de la dette mais pluralit du lien dobligation.

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1- Lunicit de la dette Puisque la dette est unique, le crancier peut exiger le paiement par nimporte lequel des dbiteurs. Celui-ci ne peut lui opposer le bnfice de division, il ne peut exiger que chaque dbiteur soit poursuivi pour sa part. Tout au plus peut-il appeler en garantie ses codbiteurs. Paralllement, le paiement fait par nimporte lequel des dbiteurs est valable. 2- La pluralit des liens dobligation La consquence la plus directe mais pas la plus importante est que chaque obligation peut tre affecte de modalits diffrentes quant son existence ou son exigibilit : condition, terme En consquence, le terme accord un dbiteur ne peut tre invoqu par un autre dbiteur son profit. 3- Le jeu des exceptions Il faut distinguer, en application de lunicit de dettes travers la pluralit des liens obligatoires, les exceptions inhrentes la dette des exceptions purement personnelles. Sont inhrentes la dette celles qui ressortissent son existence en raison de sa nullit, celles qui sont tires de son extinction dont sinfre la disparition de son objet (paiement, novation consentie entre le crancier et un dbiteur, dation en paiement, prescription, remise de dettes sauf volont exprime de ne pas dcharger les autres dbiteurs). Les exceptions purement personnelles sont les exceptions lies au lien obligatoire chaque dbiteur, qui ne peuvent donc tre invoques par les autres. Peuvent tre ranges parmi celles-ci la nullit de lobligation lie la situation dun dbiteur (erreur, incapacit), lextinction conscutive une modalit spcifique du lien obligatoire (condition, non dclaration dans une procdure collective). A ct de ces deux catgories principales, on trouve ce que lon appelle les exceptions simplement personnelles. Elles peuvent tre invoques par tous les dbiteurs mais elles nont deffet que dans la limite du lien obligatoire du dbiteur propos duquel elles se sont produites. Lexemple le plus parlant est celui de la remise de dette pour laquelle le crancier a expressment exclu leffet gnral ; dans cette hypothse, tous les dbiteurs peuvent invoquer cette remise de dette mais celle-ci ne leur permet pas dchapper la solidarit, elle rduit seulement la dette de la part du dbiteur qui la remise a t consentie. On trouve une exception qui prsente une physionomie inverse : la compensation. Celle-ci ne peut tre invoque que par le dbiteur disposant 16

dune crance remplissant les conditions pour que joue cette compensation. Mais une fois ralise, elle vaut lgard de tous les dbiteurs, dans la limite bien sr du montant de la crance qui a permis la compensation. B) Les effets secondaires Les effets secondaires sont des effets drivant de la communaut qui sinstaure entre les dbiteurs solidaires sans quils puissent se rattacher lunicit de la dette. Il en va ainsi de la mise en demeure, de linterruption de prescription ou du serment dcisoire qui faits lgard dun dbiteur valent lgard des autres. De nombreuses discussions doctrinales ont eu lieu et persistent pour fournir une explication satisfaisante de ces solutions. Traditionnellement, on recourt la notion de reprsentation de tous les dbiteurs par chacun dentre eux. Certains en limitent les effets au seul bnfice des dbiteurs, dautres, aprs DUMOULIN et POTIER, distinguent les actes de conservation ou de perptuation des droits et les actes tendant accrotre la dette qui chapperaient la reprsentation. Plus rcemment, il a t propos de substituer cette explication par la reprsentation le souci defficacit. Sans pouvoir conclure la dispute, il faut admettre que les solutions positives sexpliquent par des raisons dopportunit dont lefficacit est le cur. Mais on ne peut pour autant nier que le mode de ralisation des effets secondaires se rapproche de la reprsentation. Si les limites de ces effets ne peuvent tre systmatiss, c'est bien l'ide d'une communaut entre les dbiteurs solidaires qui explique que, l o cela apparat opportun, le droit fait jouer chacun deux un rle de reprsentant. La technique a mme paru si apprciable que la jurisprudence en a tendu le jeu hors des limites lgales. Cest ainsi que ds la fin du XIX me sicle, elle a affirm lautorit de la chose juge dune dcision rendue contre un dbiteur opposable aux autres. Cette solution a dailleurs t consacre par la loi, galement au regard des voies de recours. Les solutions sont toutefois nuances, ouvrant une tierce opposition aux dbiteurs non parties linstance et limitant lautorit absolue aux dbiteurs appels qui nont pas particip linstance. Pareillement, les dlais pour intenter les voies de recours ne courent que du jour o lappelant a reu notification de la dcision, la notification lun dentre eux ne faisant pas courir le dlai lgard des autres. Quoique la transaction ne puisse en principe avoir deffet lgard des autres intresss, la Cour de cassation admet quil en aille autrement lgard des codbiteurs solidaires dans la mesure o la transaction leur est favorable. 2 : les relations entre codbiteurs

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Entre codbiteurs, le principe est celui de la division des dettes : le dbiteur qui a pay le crancier ne peut demander chacun de ses codbiteurs que leur part dans la dette globale. Le montant de la part contributive de chaque dbiteur se dfinit en principe par part virile. Il nen va autrement que si la convention en a dcid autrement ou si les codbiteurs nont pas, ds lorigine ou au moment du paiement, un intrt gal dans lopration. Si un dbiteur tablit quil na pas dintrt dans lopration, il peut tre dcharg de sa part dans les rapports entre codbiteurs. En cas dinsolvabilit dun dbiteur, le poids de la dfaillance se rpartit entre tous les codbiteurs. Le dbiteur qui aura pay pourra donc poursuivre chacun des codbiteurs au prorata de leur part dans la dette, sans que soit compt le dbiteur dfaillant pour valuer cette part. Pour exercer son recours, le dbiteur qui a pay plus que sa part dispose son choix de deux actions. Il peut tout dabord exercer son action personnelle, ce qui lui permet de rclamer des intrts depuis le jour de son propre paiement ; il est alors un crancier chirographaire. Mais une autre voie lui est ouverte, il peut exercer un recours subrogatoire. Il perd son droit aux intrts dont ne disposait pas le crancier mais il bnficie des garanties du crancier aux droits duquel il est subrog. Le dcs fait disparatre la solidarit lgard des hritiers puisque larticle 1219 prvoit la divisibilit de la dette leur gard. Pour remdier cette situation, les contrats qui donnent naissance une obligation solidaire prvoient souvent la solidarit lgard des hritiers. Chapitre 2 : lobligation in solidum La doctrine nest pas unanime quant la nature de lobligation in solidum. Certains auteurs insistent sur les diffrences qui la sparent de la solidarit passive pour en tirer son autonomie. Ils estiment que lobligation in solidum est le fruit dune indivisibilit de lobligation elle-mme. La doctrine majoritaire ne sest pas rallie cette analyse et y voit plutt une varit de solidarit passive. La proximit du domaine et des effets de lobligation in solidum confortent cette opinion. Le domaine dapplication de lobligation in solidum se trouve dans la responsabilit. Les responsables dun mme prjudice, sont dclars tenus in solidum par la jurisprudence toutes les fois que la loi ne les dclare pas dbiteurs solidaires. Ils sont dbiteurs solidaires lorsquil y a une infraction pnale, ils sont tenus in solidum dans tous les autres cas. Les effets de lobligation in solidum sont proches de ceux de lobligation solidaire. A quelques nuances prs, la seule diffrence qui les spare tient 18

aux effets secondaires lgard du crancier. Dans lobligation in solidum, ceux-ci ne se produisent pas : au plan procdural, les dbiteurs ne sont pas considrs comme reprsentants les uns des autres.

Titre 3 : les modalits des obligations relatives leur exigibilit ou leur existenceLorsquon parle dexigibilit, cest la notion de terme qui est en cause ; lorsquil sagit de lexistence, cest la condition. Chapitre 1 : le termeSection II : Des obligations terme Article 1185 Le terme diffre de la condition, en ce qu'il ne suspend point l'engagement, dont il retarde seulement l'excution. Article 1186 Ce qui n'est d qu' terme, ne peut tre exig avant l'chance du terme ; mais ce qui a t pay d'avance ne peut tre rpt. Article 1187 Le terme est toujours prsum stipul en faveur du dbiteur, moins qu'il ne rsulte de la stipulation, ou des circonstances, qu'il a t aussi convenu en faveur du crancier.

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Article 1188 Le dbiteur ne peut plus rclamer le bnfice du terme lorsque par son fait il a diminu les srets qu'il avait donnes par le contrat son crancier.

Le terme est un vnement qui retarde lexigibilit de lobligation. Il convient de dterminer quel est cet vnement et en quoi consiste exactement ce dplacement de lexigibilit. Section 1 : la dfinition Le terme est un vnement futur dont la survenance est certaine, ce qui le distingue de la condition. Sont ainsi des termes la mort, une date fixe. Ces vnements sont susceptibles dtre envisags par les parties dans la dtermination des obligations qui les lient afin de les amnager plus finement. On trouve deux distinctions au sein des termes. Dun ct on distingue les termes certains et incertains selon que la date de survenance de lvnement est connue ds lorigine ou non. Est un terme certain une date fixe ou un vnement dont la date est dores et dj connu (la prochaine coupe du monde de football) tandis quest incertain le terme dont la date est indtermine, lidal type en est la mort. De lautre ct, on distingue selon que le terme est stipul dans lintrt du dbiteur, du crancier ou dans leur intrt commun. Mineures, ces diffrences influent sur les possibilits de renonciation au terme par lune ou lautre des parties. Larticle 1187 prsume quil est fix dans lintrt du dbiteur, donc seul pouvoir y renoncer. Section 2 : les effets Une nouvelle distinction simpose. Le terme peut en effet tre suspensif ou extinctif. Le terme extinctif est un vnement la survenance duquel lobligation disparatra ; cest un moyen pour encadrer les obligations qui durent dans le temps, dautant plus utile que notre droit prohibe les engagements perptuels. La survenance du terme na aucun effet rtroactif. Le terme suspensif est le terme par lequel lexigibilit dune obligation est retarde. Lobligation ainsi affecte dun terme existe ds lorigine mais le crancier ne peut en exiger lexcution avant la survenance de lvnement. Durant cette priode intermdiaire, le crancier peut prendre des mesures conservatoires, lobligation peut tre transmise 20

Gnralement dfavorable au crancier, le terme ne doit pas devenir un pige pour celui-ci, priode durant laquelle la situation du dbiteur volue son dtriment. En consquence, le Code prvoit dans certaines hypothse la dchance du terme, cest--dire lexigibilit immdiate de lobligation en raison de la disparition du terme.

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Ces hypothses sont au nombre de trois : - la mise en liquidation judiciaire du dbiteur (art. L.622-22 C. com.), - la diminution des srets du crancier du fait du dbiteur (a. 1888 al. 2), - pour une cause prvue par le contrat. Somme toute, les obligations terme sont relativement simples. Le jeu de la rtroactivit et lincidence sur lexistence mme de lobligation font de la condition une modalit beaucoup plu complexe. Chapitre 2 : la conditionSection I : des obligations conditionnelles Paragraphe I : De la condition en gnral, et de ses diverses espces Article 1168 L'obligation est conditionnelle lorsqu'on la fait dpendre d'un vnement futur et incertain, soit en la suspendant jusqu' ce que l'vnement arrive, soit en la rsiliant, selon que l'vnement arrivera ou n'arrivera pas. Article 1169 La condition casuelle est celle qui dpend du hasard, et qui n'est nullement au pouvoir du crancier ni du dbiteur. Article 1170 La condition potestative est celle qui fait dpendre l'excution de la convention d'un vnement qu'il est au pouvoir de l'une ou de l'autre des parties contractantes de faire arriver ou d'empcher. Article 1171 La condition mixte est celle qui dpend tout la fois de la volont d'une des parties contractantes, et de la volont d'un tiers. Article 1172 Toute condition d'une chose impossible, ou contraire aux bonnes murs, ou prohibe par la loi est nulle, et rend nulle la convention qui en dpend. Article 1173 La condition de ne pas faire une chose impossible ne rend pas nulle l'obligation contracte sous cette condition.

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Article 1174 Toute obligation est nulle lorsqu'elle a t contracte sous une condition potestative de la part de celui qui s'oblige. Article 1175 Toute condition doit tre accomplie de la manire que les parties ont vraisemblablement voulu et entendu qu'elle le ft. Article 1176 Lorsqu'une obligation est contracte sous la condition qu'un vnement arrivera dans un temps fixe, cette condition est cense dfaillie lorsque le temps est expir sans que l'vnement soit arriv. S'il n'y a point de temps fixe, la condition peut toujours tre accomplie ; et elle n'est cense dfaillie que lorsqu'il est devenu certain que l'vnement n'arrivera pas. Article 1177 Lorsqu'une obligation est contracte sous la condition qu'un vnement n'arrivera dans un temps fixe, cette condition est accomplie lorsque ce temps est expir sans l'vnement soit arriv : elle l'est galement, si avant le terme il est certain l'vnement n'arrivera pas ; et s'il n'y a pas de temps dtermin, elle n'est accomplie lorsqu'il est certain que l'vnement n'arrivera pas. Article 1178 La condition est rpute accomplie lorsque c'est le dbiteur, oblig sous cette condition, qui en a empch l'accomplissement. Article 1179 La condition accomplie a un effet rtroactif au jour auquel l'engagement a t contract. Si le crancier est mort avant l'accomplissement de la condition, ses droits passent son hritier. Article 1180 Le crancier peut, avant que la condition soit accomplie, exercer tous les actes conservatoires de son droit. Paragraphe II : De la condition suspensive Article 1181 pas que que que

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L'obligation contracte sous une condition suspensive est celle qui dpend ou d'un vnement futur et incertain, ou d'un vnement actuellement arriv, mais encore inconnu des parties. Dans le premier cas, l'obligation ne peut tre excute qu'aprs l'vnement. Dans le second cas, l'obligation a son effet du jour o elle a t contracte. Article 1182 Lorsque l'obligation a t contracte sous une condition suspensive, la chose qui fait la matire de la convention demeure aux risques du dbiteur qui ne s'est oblig de la livrer que dans le cas de l'vnement de la condition. Si la chose est entirement prie sans la faute du dbiteur, l'obligation est teinte. Si la chose s'est dtriore sans la faute du dbiteur, le crancier a le choix ou de rsoudre l'obligation, ou d'exiger la chose dans l'tat o elle se trouve, sans diminution du prix. Si la chose s'est dtriore par la faute du dbiteur, le crancier a le droit ou de rsoudre l'obligation, ou d'exiger la chose dans l'tat o elle se trouve, avec des dommages et intrts. Paragraphe III : De la condition rsolutoire Article 1183 La condition rsolutoire est celle qui, lorsqu'elle s'accomplit, opre la rvocation de l'obligation, et qui remet les choses au mme tat que si l'obligation n'avait pas exist. Elle ne suspend point l'excution de l'obligation ; elle oblige seulement le crancier restituer ce qu'il reu, dans le cas o l'vnement prvu par la condition arrive. Article 1184 La condition rsolutoire est toujours sous-entendue dans les contrats synallagmatiques, pour le cas o l'une des deux parties ne satisfera point son engagement. Dans ce cas, le contrat n'est point rsolu de plein droit. La partie envers laquelle l'engagement n'a point t excut, a le choix ou de forcer l'autre l'excution de la convention lorsqu'elle est possible, ou d'en demander la rsolution avec dommages et intrts. La rsolution doit tre demande en justice, et il peut tre accord au dfendeur un dlai selon les circonstances.

De faon trs banale, nous commencerons par dfinir la condition avant den prsenter les effets. Section 1 : la dfinition de la condition Dfinir la condition implique tout dabord de prciser ce quelle signifie exactement, notamment au regard des notions voisines, mais exige ensuite que lon distingue les conditions licites de celles qui sont prohibes. 24

1 : les limites de la condition Nous avons dfini la condition comme un vnement futur et incertain ; il en rsulte quun vnement pass, ft-il inconnu des parties, ne peut tre une condition, en dpit de la lettre de larticle 1181. La doctrine est gnrale sur ce point : si lobligation dpend dun vnement pass, celle-ci est pure et simple ou inexistante selon que lvnement a eu lieu ou non. La condition doit encore tre prcise au regard des abus de langage juridique. On parle couramment, trop sans doute, de condition pour envisager la validit dune obligation. Il ny a de condition que sur un lment accessoire de lobligation ; toute incertitude sur un lment essentiel de lobligation empche sa naissance et la runion de llment essentiel manquant ne peut jamais avoir deffet rtroactif. Le contrat de mariage, qui nest valable que si le mariage est clbr, nest pas conclu sous cette condition suspensive. Avant que le mariage ne soit form, le contrat de mariage nest pas pleinement form ; la consquence en est que la survenance du mariage na aucun effet rtroactif : le contrat de mariage ne produit deffets qu compter du jour du mariage et non de sa propre signature. Il en va de mme des autorisations administratives auxquelles un nombre croissant de contrats sont soumis. Elles sont des lments de la formation du contrat et non des conditions au sens technique du terme. La difficult provient de ce que le sens courant du mot condition se retrouve dans lexpression condition de validit dont lutilisation et si pratique quil nest pas prt de steindre. 2 : les critres de licit de la condition Il est classique denvisager ici deux types de difficults susceptibles de se poser. Dune part, il sagit de savoir si la condition est suffisamment extrieure aux parties pour que leur engagement ne soit pas soumis leur propre volont. Dautre part, on trouve lhypothse des conditions impossibles ou immorales. A) Lemprise des parties sur la condition Le Code civil distingue trois types de conditions (a. 1169-1171) : la condition casuelle, potestative ou mixte. La condition casuelle est celle dont la survenance dpend exclusivement dvnements naturels : sil pleut. La condition est potestative lorsquelle dpend de la volont des parties : si je machte un poisson rouge. 25

La condition mixte est celle qui dpend tout la fois de la volont dune des parties et de celle dun tiers : si je me marie avec X. Lintrt de cette distinction est que larticle 1174 prvoit la nullit des obligations formes sous la condition potestative de la part de celui qui sengage. Cette solution se comprend : soumettre son engagement une condition dont la ralisation ou la non ralisation dpend de sa propre volont nest pas sengager. Pour la scurit des transactions et la protection du crancier, il est donc cohrent de dclarer lobligation nulle, autrement dit prendre au srieux labsence dengagement du dbiteur. Pourtant, cette solution a pour inconvnient de limiter la souplesse contractuelle. La doctrine du XIXme sicle a donc cherch en limiter le domaine. Elle a pour cela distingu la condition purement potestative, nulle, de la condition simplement potestative, valable dans certaines hypothses. Etait considre comme simplement potestative la condition qui dpend de la volont du dbiteur mais dont la ralisation comportait suffisamment de consquences pour que cette volont soit limite : si je dmnage pour Paris. Ces raffinements sont aujourdhui gnralement contests et on considre plus pragmatiquement que la condition est potestative, donc nulle, ds lors que sa survenance ressortit au pouvoir du dbiteur. Pour rsumer, les obligations conclues sous condition potestative du dbiteur sont nulles tandis quelles sont valables lorsquelles dpendent de la volont du crancier. Quant aux conditions casuelles ou mixtes, elles sont toujours valables. B) Le contrle du droit sur la condition Le systme juridique exige encore que la condition manifeste un ala sous peine de quoi elle perd sa propre nature. Par ailleurs, le droit ne peut valider une condition contraire ses valeurs juridiques. Conditions impossibles. Larticle 1172 dispose que les conditions impossibles SONT nulles ET RENDENT NULLES LES conventions qui laccompagnent. En revanche, au cas particulier des actes titre gratuit, larticle 900 dicte la nullit de la seule condition, laissant subsister lobligation purement et simplement, titre de sanction pour lauteur de la libralit. Cette opposition traditionnelle tend tre aujourdhui attnue par la jurisprudence qui dcide en fonction du caractre dterminant de la condition, quelle que soit la nature du contrat en cause. En tout tat de cause, larticle 1173 prcise que les obligations formes sous la condition quune chose impossible ne se ralise pas sont valables tout en tant pures et simples. Cest l respecter au mieux lintention des parties. Conditions contraires lordre public ou aux bonnes murs. Ces conditions sont soumises au mme rgime que les conditions impossibles. Il sagit essentiellement de ne pas donner defficacit juridique aux considrations 26

que les parties ont pu avoir pour des vnements contraires larticle 6 du Code civil. Cette solution sexplique parfaitement. Section 2 : les effets de la condition Les effets de la condition sont trs diffrents selon quil sagit dune condition suspensive ou rsolutoire, il faut donc prsenter ces deux hypothses successivement. 1 : la condition suspensive En prsence dune condition suspensive, il faut distinguer deux priodes selon que lon se situe avant ou aprs le moment qui forme la matire de la condition ; lorsque ce moment est pass, il faut encore faire la diffrence des cas dans lesquels la condition sest ralise et ceux dans lesquels elle ne sest pas ralise. A) La condition pendante Le premier aspect est que lobligation est inexistante. Il nest donc pas question pour le crancier dexiger quoique ce soit du dbiteur, le paiement quil effectuerait serait dpourvu de cause et par l susceptible de rptition de lindu. Pourtant, le crancier dispose dun germe de droit, un droit en puissance. Il peut le transmettre, sans que cela ne modifie la nature de ce droit pas encore parfait. Il peut galement le protger, en le publiant par exemple en matire immobilire, en prenant des mesures conservatoires. B) La condition dfaillie Si la condition est dfaillie, le germe de droit na pas prospr et est mme ananti. Le propre de la condition est de produire un effet rtroactif, le germe de droit est donc cens navoir jamais exist. En consquence, les actes qui avaient t passs sur cette base sont remis en cause : lacompte vers doit tre restitu, lhypothque prise est anantie La question peut en revanche se poser de savoir quel moment la condition est dfaillie. Elle lest lorsque lvnement qui devait avoir lieu nest pas intervenu : lengagement de louer la villa tait subordonn ce quil fasse beau au mois daot et arriv au premier septembre le ciel na pas fini de dverser son courroux. Il en va de mme si lvnement ne sest pas produit et sil est certain quil ne se produira pas. 27

C) La condition survenue Lorsque la condition est survenue, lobligation conditionnelle est rtroactivement transforme en pure et simple. Tous les actes passs par le titulaire de ce qui ntait quun germe de droits sont valids. En cas dobligation de donner, le transfert de proprit est rtroactivement ralis au jour de la formation de lobligation ce qui devrait galement modifier la charge des risques. Larticle 1181 en dispose autrement puisquil prvoit que les risques durant la priode o la condition est pendante appartiennent dfinitivement au vendeur, sauf stipulation contraire. Quant au moment de la survenance de la condition, elle se matrialise par la ralisation de lvnement convenu. Il faut toutefois prciser que, au cas o lvnement ne se produit pas du fait du dbiteur, larticle 1178 assimile alors sa non ralisation une ralisation et la condition est sense ralise. 2 : la condition rsolutoire La condition rsolutoire est la condition symtrique de la condition suspensive et sa prsentation sera donc beaucoup plus brve. La symtrie se double souvent dune rversion : le dbiteur dune obligation rsolutoire a souvent pour corollaire le crancier dune obligation suspensive. En cas de vente sous condition, lacheteur achte sous condition suspensive, ce qui signifie que le vendeur est propritaire du bien sous condition rsolutoire. La condition rsolutoire est en effet lvnement par lequel lexistence dune obligation est susceptible dtre remise en cause au cas o celui-ci se produirait. Durant la priode dincertitude o la condition est pendante, lobligation est pure et simple et le titulaire du droit peut en exercer toutes les prrogatives, notamment exiger lexcution par le dbiteur. Lorsque la condition ne se ralise pas, son droit se trouve confirm et son caractre pur et simple est dfinitivement acquis. Lorsquau contraire elle se ralise, lobligation est remise en cause pour tre cense navoir jamais exist. En consquence, tous les actes accomplis durant la priode dincertitude devraient tre remis en cause. Conformment aux rgles gnralement applicables en matire de rtroactivit, les actes de conservation et dadministration chappent cette solution drastique. Il en va de la scurit juridique.

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Deuxime partie : lextinction traditionnelle de lobligation

Lextinction la plus traditionnelle de lobligation consiste dans le paiement qui assure au crancier une parfaite satisfaction. Il se trouve que celui-ci se prsente dans de mauvaises conditions en raison de la situation du dbiteur et le droit accorde donc au crancier des moyens pour lobtenir, notamment des mesures prventives. Par ailleurs, au moment du paiement, des circonstances particulires peuvent conduire lextinction de lobligation sans que le paiement nintervienne. Nous tudierons donc successivement ces trois moments dans le paiement, de faon chronologique : les mesures prventives, le paiement, les autres modes dextinction de lobligation. Titre 1 : Les mesures prventives de linsolvabilit du dbiteur Le Code civil prvoyait ds 1804 deux types de mesures prventives : laction oblique et laction paulienne. Depuis, le lgislateur est intervenu dans des domaines dtermins pour permettre une troisime action, laction directe. Chapitre 1 : laction obliqueArticle 1166 Nanmoins les cranciers peuvent exercer tous les droits et actions de leur dbiteur, l'exception de ceux qui sont exclusivement attachs la personne.

Sans originalit, envisageons successivement les conditions et les effets de laction oblique. Section 1 : les conditions Il y a trois types de conditions : relatives au dbiteur, au crancier et aux droits et actions exercs. 1 Les conditions relatives au dbiteur Si laction oblique a pour objet dassurer la protection du crancier, elle na de lgitimit quautant quelle simpose ; il faut donc que le dbiteur soit tout la fois ngligent et insolvable.

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A) Linsolvabilit du dbiteur Cette condition dinsolvabilit se justifie pleinement : si le dbiteur est solvable, le paiement du crancier nest pas compromis et il ny a pas de raison de permettre au crancier de simmiscer dans la gestion des biens de son dbiteur ; le dbiteur comme le tiers peuvent donc sopposer laction. . La question consiste alors simplement savoir quand il y a insolvabilit. Linsolvabilit peut dabord tre notoire, il ny a alors aucune discussion possible. Mais le souci de la protection du crancier a conduit une conception relativement large de linsolvabilit, admettant laction oblique ds lors que le rglement de la crance est en pril. En outre, laction nest pas subordonne une proportion entre la crance en cause et limportance pcuniaire de laction exerce. Mais la jurisprudence semble tendre encore cette notion dinsolvabilit aux obligations autres que les obligations de somme dargent. En effet, au sens propre, la solvabilit nest concevable que sagissant de somme dargent ; pourtant, linaction du dbiteur est susceptible de nuire au crancier dans bien dautres hypothses. Ainsi, un propritaire qui ne fait pas respecter les obligations du bailleur peut par-l causer un prjudice ses cranciers, autres locataires par exemple ; la jurisprudence fournit des illustrations dactions exerces par ces cranciers au nom de leur dbiteur, dclares recevables, marquant ainsi une atteinte directe au principe de leffet relatif des conventions : Cass. civ. 3e, 4 dc. 1984 : http://www.legifrance.gouv.fr/WAspad/UnDocument? base=CASS&nod=CXCXAX1984X12X03X00203X000 Mais ceci nest pas suffisant, encore faut-il que le comportement du dbiteur soit susceptible de porter prjudice au crancier. B) La ngligence du dbiteur L encore se retrouve le souci de protection du dbiteur contre les incursions du crancier. Il nest pas question de lui permettre de se substituer son dbiteur parce que ses choix ne lui paraissent pas opportuns. Autrement dit, le crancier nest fond invoquer larticle 1166 que lorsque le dbiteur nexerce pas des droits qui lui reviennent. Le retard dans laction du dbiteur ne peut sanalyser en une inaction tandis quune action intente mais abandonne en cours dinstance peut manifester cette ngligence. Tout est donc affaire de circonstance apprcie par le juge du fond. 2 Les conditions relatives au crancier

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Ces conditions sont intimement lies la nature de laction paulienne. Des discussions se sont leves pour savoir sil sagissait dune mesure conservatoire ou dexcution. En faveur de la premire analyse, on fait valoir que larticle 1166 a pour objet de permettre au crancier de se prmunir contre les risques dinsolvabilit de son dbiteur ; linverse, lassimilation une mesure dexcution pouvait invoquer le fait que linstance ait souvent pour fin lattribution dune somme au crancier. Finalement, ni lune ni lautre des qualifications nest acceptable et laction paulienne apparat donc comme un intermdiaire entre ces deux types de mesures. Laspect prventif de laction oblique conduit la dclarer recevable ds lors que le crancier fait tat dune crance certaine, liquide et exigible sans exiger quil dispose dun titre excutoire. La certitude de la crance exclut les droits simplement ventuels. La liquidit de la crance require que son montant en soit dtermin ; encore faut-il prciser que le juge saisi de laction oblique pourra lui-mme lvaluer si son montant manque de prcision. Finalement, cest surtout le fait que la crance doive tre terme qui peut faire obstacle laction. Ne constituant pas une mesure dexcution, laction oblique nest pas soumise ses conditions de recevabilit. Ainsi, il nest pas ncessaire que le crancier dispose dun titre excutoire ; il ne doit pas davantage pralablement mettre le dbiteur en demeure. Il nest pas non plus indispensable de mettre le dbiteur en cause, laction tant tourne contre un tiers. Toutefois, cet appel linstance du dbiteur est souhaitable et peut mme savrer ncessaire si le crancier dsire se faire attribuer dans la mme instance les sommes que lui doit le dbiteur. 3 Les conditions relatives aux droits et obligations exercs Larticle 1166 permet au crancier dexercer les droits et actions de son dbiteur, cela signifie que laction du crancier nest pas cantonne au domaine judiciaire. Sil est certain que le crancier peut exercer des droits de son dbiteur, il est plus difficile de dterminer lesquels. Il a t propos de distinguer selon que lon est en prsence de facults, doptions, de droits natre ou dactes destins les faire natre. Ces distinctions sont trop subtiles et force est de reconnatre que la jurisprudence est fluctuante. La loi accorde parfois expressment la possibilit pour le crancier dagir au nom de son dbiteur, comme larticle 815-17 du Code civil pour la demande en partage de lindivision laquelle est partie son dbiteur. Dans les autres cas, le juge apprcie entre la protection du crancier et les limites fixer lingrence dans les affaires du dbiteur. Lautre question, pour laquelle la jurisprudence est plus abondante se rapporte au fait de savoir quand on est en prsence de droits et actions 31

exclusivement attachs la personne, que larticle 1166 exclut expressment de son champ dapplication. Sont videmment exclus tous les droits qui nont aucune dimension pcuniaire comme une demande de divorce. Il sagit ensuite dexclure tous les droits et actions que le caractre moral fait chapper laction oblique, comme par exemple laction en rvocation de donation pour ingratitude. Cest ici que la difficult est la plus grande car se mlent considration patrimoniale et extra-patrimoniale. A titre dexemple, la Cour de cassation a fait primer lintrt du donataire sur celui de ses cranciers en leur interdisant dagir en leve de linsaisissabilit du bien donn, Cass. civ. 1e, 29 mai 2001 : http://www.legifrance.gouv.fr/WAspad/UnDocument? base=CASS&nod=CXCXAX2001X05X01X00150X000 Sagissant des actions en responsabilit, on distingue pour lessentiel selon quelles tendent la rparation dun prjudice moral ou matriel, seule la rparation du dernier pouvant faire lobjet dune action oblique. Section 2 : les effets Les effets de laction oblique sont premire vue simple puisquils consistent faire produire les effets quaurait eu laction du dbiteur ngligent lui-mme. Cest en ce sens quon parle de reprsentation. Ainsi, lorsque le crancier agit en revendication dun bien que son dbiteur avait nglig de dfendre, le bien rintgre la fortune du dbiteur. Une autre consquence de cette ide de reprsentation est la possibilit pour le tiers dinvoquer lencontre du crancier toutes les exceptions quil aurait pu opposer au dbiteur lui-mme. Mais cette ide de reprsentation doit tre nuance. Tout dabord, si le dbiteur na pas t appel linstance, la dcision ne lui est pas opposable et il peut la contester par la voie de la tierce opposition. En outre, laction de son crancier ne bloque pas son initiative, il peut parfaitement se rapproprier laction engage, voire transiger avec le tiers, la seule condition que ce ne soit pas par fraude. Une autre consquence propre laction paulienne et qui en marque les limites pour le crancier, cest le caractre collectif de ses effets. Le crancier qui a agi na pas de droit prfrable aux autres cranciers du dbiteur inactif sur les ventuelles augmentations de sa fortune, il peut tre amen les partager avec les autres cranciers qui voudraient en profiter. Notons toutefois quil nexiste pas de publicit pour avertir dune action oblique et que le crancier qui la exerc se trouve donc aux premires loges pour en tirer profit. Nul doute cependant que dautres actions peuvent tre plus efficaces, correspondant dautres situations, comme laction directe. Chapitre 2 : laction directe

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Laction directe est une action par laquelle le crancier dune personne agit contre le dbiteur de celle-ci afin dobtenir directement le paiement de sa propre crance. Ce faisant, il obtient un traitement qui le garanti contre linsolvabilit de son dbiteur. De nombreuses discussions thoriques ont eu lieu sur la nature de cette action et son tendue, notamment pour distinguer les vraies et fausses actions directes. Nous ne nous y attarderons pas mais envisagerons simplement les hypothses gnralement analyses comme actions directes (section I) pour en prciser les effets (section II). Section 1 : les hypothses dactions directes Laction directe, qui permet au crancier dagir en paiement de sa dette contre une personne qui nest pas son dbiteur, constitue une exception larticle 1165 du Code civil. Elle ne peut donc rsulter que de textes expresses. En labsence de texte gnral, il faut rechercher les diverses hypothses consacres par le lgislateur. Nous laissons de ct la question controverse des groupes de contrats, en rappelant simplement que si la jurisprudence inclut dans un mme rapport contractuel des personnes qui nont pas conclu un mme contrat, le rsultat en est une action directe de lun lgard de lautre. Toutefois, il nest pas certain que lon puisse parler daction directe au sens propre et, en tout tat de cause, la thorie des groupes de contrats ressortit au cours de droit des contrats. Le Code civil consacre trois hypothses daction directe : au bnfice du bailleur lencontre du sous-locataire (a. 1753), au bnfice des ouvriers dun entrepreneur lencontre du matre de louvrage (a. 1798), du mandant contre le mandataire substitu (a. 1994 al. 2). En dehors du Code, de nombreuses hypothses ont t consacres par la loi, par exemple en matire de transport permettant au transporteur dagir contre le destinataire, mais il y a surtout deux cas qui mritent dtre brivement exposs. Le premier cas, sans doute le plus connu, est la possibilit offerte la victime dun dommage dagir directement contre lassureur du responsable (a. L.124-3 C. assu.). Au lieu que le responsable agisse contre son assureur pour indemniser la victime, celle-ci agit elle-mme, vitant des dlais et le concours dautres dbiteurs du responsable. En matire de sous-traitance, la loi du 31 dcembre 1975 a entendu protger les sous-traitants contre les trop nombreux cas de difficult financire des entrepreneurs principaux qui risquent toujours de conduire leur propre perte. Lhypothse est simple : un entrepreneur dcroche un gros chantier et, pour diverses interventions, sollicite le concours dun ou 33

plusieurs sous-traitants ; si lentrepreneur principal devient insolvable, les sous-traitants courent le risque de ne jamais tre pays. Pour lviter, il leur est permis dagir contre le matre de louvrage mais la condition toutefois quils aient fait lobjet dune dclaration par lentrepreneur principal et que leurs conditions de paiement aient t agres par le matre de louvrage, linitiative de lentrepreneur principal. Au cas o ces conditions ne seraient pas remplies, le sous-traitant conserve la possibilit dagir contre le matre de louvrage sur dautres fondements, que ce soit lenrichissement sans cause ou la faute si celui-ci a eu connaissance de lexistence du soustraitant et na rien fait. Si toutes ces hypothses ont en commun de permettre un crancier dtre dispens dagir contre son dbiteur, les effets de laction directe qui lui est ouverte sont diverses. Section 2 : Les effets des actions directes Laction directe connat toujours une double limite tenant aux deux rapports dobligation en cause : dune part le crancier ne peut demander plus que ce que lui doit son dbiteur, dautre part le dbiteur final ne peut tre condamn payer plus que ce quil ne doit son propre crancier. Ainsi, sen tenir lexemple de la sous-traitance, le sous-traitant ne peut demander au matre de louvrage davantage que ce quil aurait pu demander lentrepreneur principal ; de son ct, le matre de louvrage ne peut tre condamn payer plus que ce quil ne doit lentrepreneur principal, son crancier du prix de lentreprise ralise. Mais par-del cette unit, les effets de laction directe sont plus ou moins forts selon quelle produit simplement une indisponibilit de la crance ou plus fortement une attribution exclusive au crancier. 1 Lindisponibilit de la crance. Lindisponibilit de la crance engendre deux types deffets, dune part quant aux exceptions que le dbiteur actionn peut invoquer, dautre part quant au concours avec les autres cranciers du dbiteur intermdiaire. Sagissant des exceptions, il est enseign que le dbiteur peut invoquer contre le titulaire de laction toutes les exceptions quil aurait pu opposer son propre dbiteur dans la mesure o elles sont nes avant louverture de laction. Il en est ainsi des exceptions de nullit par exemple. A linverse, comme les exceptions dont lorigine est postrieure laction sont irrecevables, le dbiteur final ne pourra opposer un paiement effectu son crancier aprs cette date, ni a fortiori une transaction. Ceci nest pas sans consquence dans les relations du crancier agissant avec les autres cranciers de son dbiteur. Ds lors quil a intent laction, la crance lui est exclusivement rserve et il ne subira aucun concours, 34

ft-ce de cranciers privilgis. Cette protection est particulirement efficace lorsque le dbiteur intermdiaire est mis en redressement judiciaire ; le crancier agissant na alors mme pas dclarer sa crance dans la procdure collective. Mais attention, ces effets ne se produisent qu dater de laction proprement dite, auparavant il ny a aucun lien de droit entre crancier primaire et dbiteur final ; cest la raison pour laquelle on parle parfois daction directe imparfaite par opposition aux hypothses daction directe parfaite. 2 Lattribution de la crance Le cas essentiel daction directe dite parfaite se trouve dans la matire de lassurance de responsabilit. Ici, ds la naissance de la crance et pas seulement la date de laction, lassureur ne peut se librer quentre les mains de la victime et aucun des autres cranciers du responsable na daction sur cette crance. Cette solution sexplique par la situation particulire puisque la crance delassur ne sexpliqe que par le dommage subi par la victime et il serait choquant que lassur ou un autre de ses cranciers puisse en profiter. Dicte par le souci de protger le crancier contre les risques dinsolvabilit du dbiteur, cette action est complte par une action plus gnrale o ce risque se ralise par le fait du dbiteur lui-mme, par fraude. Chapitre 3 : laction paulienneArticle 1167 Ils peuvent aussi, en leur nom personnel, attaquer les actes faits par leur dbiteur en fraude de leurs droits. Ils doivent nanmoins, quant leurs droits noncs au titre "Des successions" et au titre "Du contrat de mariage et des rgimes matrimoniaux", se conformer aux rgles qui y sont prescrites.

Comme lindique larticle 1167 du Code civil, sige de la matire, laction paulienne est laction ouverte au crancier pour attaquer les actes que leur dbiteur a passs en fraude de leurs droits. Devant le risque de ne pas tre pays de leur crance, les cranciers ont la possibilit de remettre en cause les actes qui leur sont nuisibles. On se trouve nouveau dans une configuration connue, limmixtion du crancier dans les affaires de son dbiteur et un mme souci dquilibre doit tre appliqu. Cet quilibre transparat travers les condition mises louverture de laction ; quant ses effets, nous verrons quils assurent une protection suprieure lautre action gnrale de protection quest laction oblique. Section 1 : les conditions douverture de laction paulienne 35

Pour que le crancier soit en droit de contester un acte quil na pas pass lui-mme, il est naturel que son prjudice soit requis. Paralllement, pour justifier limmixtion dans les affaires du dbiteur, on exige sa mauvaise foi. 1 Le prjudice du crancier Le prjudice du crancier ne se rencontre que lorsque deux lments se trouvent runis : dune part il faut que le dbiteur se soit appauvri, dautre part il faut que cet appauvrissement saccompagne de son insolvabilit. Si lun de ces deux aspects fait dfaut, le crancier na perdu aucune chance de voir sa crance paye et il na donc nul intrt agir. A) Lacte dappauvrissement Au sens strict, lacte dappauvrissement est un acte par lequel la fortune numraire du dbiteur est amoindrie. Ainsi, tous les actes synallagmatiques qui ne manifestent pas de dsquilibre devraient chapper laction paulienne puisqu la dpense correspond toujours dans ces hypothses une recette : contre limmeuble vendu le paiement de son prix. Ne seraient alors concerns que les actes teints de gratuit, apparente ou dissimule. Si les actes gratuits sont incontestablement des actes dappauvrissement, la jurisprudence a reu une conception plu large de lappauvrissement en lui assimilant tous les actes rendant plus incertain le recouvrement de sa crance par le crancier. En effet, le dbiteur peut tre plus fin et simplement soustraire ses cranciers des biens aisment saisissables pour leur substituer des biens facilement dissimulables, tels du numraire (ou des parts sociales) en change dun immeuble. Dans ce cas, lacte pass pourra tre contest par la voie paulienne. Une autre condition est classiquement pose pour que laction paulienne soit recevable, il faut que lacte dappauvrissement soit postrieur la naissance de la crance du crancier. Au cas contraire, lappauvrissement tait dj intervenu au moment o le crancier a trait avec le dbiteur et il na donc pas souffert dun acte dj pass ; la condition de prjudice interdit alors den tenir compte. Il nen irait autrement, hypothse rare, que si le dbiteur avait pass lacte dans la considration de la naissance future de la crance. La jurisprudence a encore tendu aux situations dans lesquelles le crancier disposait ds avant lacte dappauvrissement dune crance certaine dans son principe, mme si elle ntait ni liquide ni exigible ; il en est ainsi par exemple de la caution qui sappauvrit sachant que le dbiteur principal est en tat dinsolvabilit. Il nest pas suffisant quil y ait appauvrissement, encore faut-il quil y ait galement insolvabilit. 36

B) Linsolvabilit du dbiteur L encore, sil ny a pas insolvabilit, le crancier ne subit aucun prjudice et na donc aucun intrt agir. La solution inverse conduirait faire peser sur tout individu, quelquacte quil passe, le risque dune remise en cause ultrieure par lun de ses cranciers ce qui serait une atteinte insupportable sa libert. La consquence est donc que le dbiteur ou le tiers, comme au cas daction oblique, peuvent toujours opposer laction paulienne la solvabilit du dbiteur ; cest mme au crancier tablir linsolvabilit. Mais quelle est cette insolvabilit ? Il peut sagir dune insolvabilit notoire mais galement de limpossibilit pour le crancier de recouvrer sa crance. Cette insolvabilit peut tre antrieure la naissance de la crance, il faut simplement alors que lacte attaqu lait aggrav. Il nest donc pas ncessaire que linsolvabilit rsulte de lacte en cause, il suffit quil influe sur elle. A ct de ces conditions dordre objectif figure une autre condition, dordre subjective, la fraude.

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2 La fraude du dbiteur Dfinir la fraude est toujours une opration dlicate. Dans son sens plein, il sagit de lintention de porter prjudice un tiers, ici au crancier. Le problme est que rapporter une telle preuve est trs difficile dautant quune telle intention nexiste bien souvent pas. Les dbiteurs ne sont pas des sadiques qui se rjouissent du prjudice de leurs cranciers, ce sont plus banalement des personnes en difficult financire qui cherchent tirer profit des opportunits qui soffrent, quitte causer prjudice leurs cranciers. La jurisprudence tient compte de cet tat de fait et tend donc la fraude la conscience de causer un prjudice. Il nest donc pas ncessaire dtablir lintention frauduleuse mais plus simplement la conscience du prjudice. Mais une autre question se pose. Sil est certain quil faut une fraude du dbiteur, il ne faut pas omettre que lacte attaqu tait conclu entre le dbiteur et un tiers et que sa remise en cause naura pas deffets qu lgard du dbiteur mais aussi du tiers. Autrement dit, ne faut-il pas exiger en sus de la fraude du dbiteur celle du tiers ? La question reoit une rponse diffrente selon la nature de lacte en cause. Lorsquil sagit dun acte titre gratuit, on se contente de la fraude du dbiteur sans gard celle du tiers. En effet, quand bien mme il aurait tout ignor de la situation financire du dbiteur, la remise en cause de lacte le prive dun gain inattendu mais ne lui cause pas un appauvrissement direct ; il semble donc lgitime de lui prfrer le sort du crancier qui, lui, subit un prjudice immdiat par lacte en cause. Au contraire, en prsence dun acte titre onreux, lintrt du tiers redevient aussi lgitime que celui du crancier et, pour que lacte quil a pass avec le dbiteur soit remis en cause, il est exig quil soit galement de mauvaise foi, cest--dire quil ait eu connaissance de linsolvabilit du dbiteur et des consquences que lacte tait susceptible de produire sur sa situation et donc sur celle de ses cranciers. A toutes ces conditions, lacte frauduleux est remis en cause et profitera au crancier qui la attaqu. Section 2 : les effets de laction paulienne Les effets de laction paulienne ont pour trait caractristique que lacte attaqu est dclar inopposable au crancier qui a intent laction. A contrario, lacte nest pas nul. Lacte est inopposable au crancier quia intent laction paulienne. Cela signifie dabord que le bien dont le dbiteur avait voulu se dfaire peut lui profiter, il peut demander son attribution et le tiers ne peut sy opposer puisque lacte par lequel il en avait fait lacquisition est inopposable au crancier. Ainsi, lacte dappauvrissement est considr comme nexistant 38

pas lgard de celui qui la contest et le crancier voit refleurir ses chances dobtenir paiement de sa crance. Mais un second avantage sattache cette action car, pour le reste, lacte est valable. Puisquil nest pas nul, il reste efficace lgard de tous les autres et donc lgard des autres cranciers du dbiteur. Le crancier qui a agi par la voie paulienne est le seul profiter des suites de son action, rsultat beaucoup plus favorable que dans le cas de laction oblique. Il ne subira pas le concours des autres cranciers sur le bien dont le dbiteur avait tent de se dfaire. Une autre consquence de cette inopposabilit, indiffrente au crancier mais importante pour le tiers, est le maintien de lacte attaqu dans les rapports entre ce tiers et le dbiteur, le cocontractant du tier. Ainsi, le tiers peut se retourner contre son cocontractant, solution peu utile puisque par hypothse celui-ci est insolvable. Mais il peut galement conserver la valeur du bien restante aprs le dsintressement du crancier ; il peut mme dsintresser lui-mme le crancier et conserver le bien en cause. Finalement, le droit manifeste ainsi que, dans la limite de ses possibilits, il essaie tout de mme de maintenir les quilibres entre crancier et dbiteur, mme lorsque la situation du dbiteur laisse prsager des difficults conomiques, afin de parvenir au paiement.

Titre 2 : le paiement proprement ditContrairement au langage courant pour lequel le paiement consiste dans le versement dune somme dargent, le langage juridique en a une conception beaucoup plus large : le paiement consiste dans lexcution de toute obligation. Ainsi, la livraison dune bicyclette constitue un paiement au mme titre que le versement de son prix. En outre, le paiement revt deux aspects. Comme nous venons de le dire, il est lexcution dune obligation. Mais dans le mme temps, il en matrialise lextinction. Cest dailleurs ce titre que le Code civil lenvisage. Une controverse doctrinale classique porte sur la nature du paiement. Traditionnellement, il tait analys comme une convention entre le dbiteur et le crancier, lun fournissant la prestation que lautre acceptait, cet accord ralisant lextinction de lobligation. La Professeure Nicole CATALA a, dans les annes 60, contest cette qualification dacte juridique. Selon elle, la volont la base de tout acte juridique est ici vanescente et le plus souvent inexistante : le dbiteur est parfois introuvable puisque le paiement peut tre ralis par un tiers, le crancier refuse parfois le paiement que le dbiteur peut alors faire valider judiciairement Le paiement consisterait donc, selon cet auteur, en un fait juridique, la fourniture de la prestation, duquel la loi tirerait automatiquement un effet juridique, lextinction de 39

lobligation. Cette analyse a fortement impressionn la doctrine qui, malgr cette marque destime, demeure gnralement attache la conception traditionnelle et penche pour une conception mixte du paiement. Si certaines solutions positives, notamment quant aux modes de preuve du paiement, sont difficilement compatibles avec lanalyse en termes de fait juridique, nous marquons pourtant notre adhsion cette thse, plus proche de la ralit concrte. Quoiquil en soit, le paiement est lacte final dans la vie dune obligation, celui par lequel le crancier obtient satisfaction. Si celui-ci rsulte normalement dun fait volontaire du dbiteur, il nen va pas toujours ainsi. Lorsquil ne sexcute pas volontairement, le crancier a la possibilit de recourir lexcution force. Nous envisagerons successivement ces deux hypothses. Chapitre 1 : le paiement volontaireParagraphe I : Du paiement en gnral Article 1235 Tout paiement suppose une dette : ce qui a t pay sans tre d, est sujet rptition. La rptition n'est pas admise l'gard des obligations naturelles qui ont t volontairement acquittes. Article 1236 Une obligation peut tre acquitte par toute personne qui y est intresse, telle qu'un cooblig ou une caution. L'obligation peut mme tre acquitte par un tiers qui n'y est point intress, pourvu que ce tiers agisse au nom et en l'acquit du dbiteur, ou que, s'il agit en son nom propre, il ne soit pas subrog aux droits du crancier. Article 1237 L'obligation de faire ne peut tre acquitte par un tiers contre le gr du crancier, lorsque ce dernier a intrt qu'elle soit remplie par le dbiteur lui-mme. Article 1238 Pour payer valablement, il faut tre propritaire de la chose donne en paiement, et capable de l'aliner. Nanmoins le paiement d'une somme en argent ou autre chose qui se consomme par l'usage, ne peut tre rpt contre le crancier qui l'a consomme de bonne foi, quoique le paiement en ait t fait par celui qui n'en tait pas propritaire ou qui n'tait pas capable de l'aliner. Article 1239

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Le paiement doit tre fait au crancier, ou quelqu'un ayant pouvoir de lui, ou qui soit autoris par justice ou par la loi recevoir pour lui. Le paiement fait celui qui n'aurait pas pouvoir de recevoir pour le crancier, est valable, si celui-ci le ratifie, ou s'il en a profit. Article 1240 Le paiement fait de bonne foi celui qui est en possession de la crance, est valable, encore que le possesseur en soit par la suite vinc. Article 1241 Le paiement fait au crancier n'est point valable s'il tait incapable de le recevoir, moins que le dbiteur ne prouve que la chose paye a tourn au profit du crancier. Article 1242 Le paiement fait par le dbiteur son crancier, au prjudice d'une saisie ou d'une opposition, n'est pas valable l'gard des cranciers saisissants ou opposants : ceux-ci peuvent, selon leur droit, le contraindre payer de nouveau, sauf, en ce cas seulement son recours contre le crancier. Article 1243 Le crancier ne peut tre contraint de recevoir une autre chose que celle qui lui est due, quoique la valeur de la chose offerte soit gale ou mme plus grande.

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Article 1244 Le dbiteur ne peut forcer le crancier recevoir en partie le paiement d'une dette, mme divisible. Article 1244-1 Toutefois, compte tenu de la situation du dbiteur et en considration des besoins du crancier, le juge peut, dans la limite de deux annes, reporter ou chelonner le paiement des sommes dues. Par dcision spciale et motive, le juge peut prescrire que les sommes correspondant aux chances reportes porteront intrt un taux rduit qui ne peut tre infrieur au taux lgal ou que les paiements s'imputeront d'abord sur le capital. En outre, il peut subordonner ces mesures l'accomplissement, par le dbiteur, d'actes propres faciliter ou garantir le paiement de la dette. Les dispositions du prsent article ne s'appliquent pas aux dettes d'aliments. Article 1244-2 La dcision du juge, prise en application de l'article 1244-1, suspend les procdures d'excution qui auraient t engages par le crancier. Les majorations d'intrts ou les pnalits encourues raison du retard cessent d'tre dues pendant le dlai fix par le juge. Article 1244-3 Toute stipulation contraire aux dispositions des articles 1244-1 et 1244-2 est rpute non crite. Article 1245 Le dbiteur d'un corps certain et dtermin est libr par la remise de la chose en l'tat o elle se trouve lors de la livraison, pourvu que les dtriorations qui y sont survenues ne viennent point de son fait ou de sa faute, ni de celle des personnes dont il est responsable, ou qu'avant ces dtriorations il ne ft pas en demeure. Article 1246 Si la dette est d'une chose qui ne soit dtermine que par son espce, le dbiteur ne sera pas tenu, pour tre libr, de la donner de la meilleure espce ; mais il ne pourra l'offrir de la plus mauvaise. Article 1247 Le paiement doit tre excut dans le lieu dsign par la convention. Si le lieu n'y est pas dsign, le paiement, lorsqu'il s'agit d'un corps certain et dtermin, doit tre fait dans le lieu o tait, au temps de l'obligation, la chose qui en fait l'objet. Les aliments allous en justice doivent tre verss, sauf dcision contraire du juge, au domicile ou la rsidence de celui qui doit les recevoir. Hors ces cas, le paiement doit tre fait au domicile du dbiteur.

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Article 1248 Les frais du paiement sont la charge du dbiteur.

Nous savons dj que leffet du paiement est dteindre lobligation. Pour que cet effet se produise, certaines conditions doivent tre respectes, aussi bien au regard des parties au paiement que de lobjet du paiement et de ses circonstances. Section 1 : les parties au paiement Les parties au paiement sont en principe le dbiteur et le crancier, le droit les appelle ici le solvens et laccipiens ; nous verrons que cette diffrence terminologique nest pas sans raison. 1 : le solvens Le solvens est en principe le dbiteur qui sacquitte ainsi de sa dette. Mais le Code civil (a. 1236) permet toute personne de payer la dette dautrui, par intention librale, en tant que mandataire ou grant daffaires Le crancier ne peut sopposer un tel paiement, sauf si lobligation est telle quil a intrt au paiement par le dbiteur lui-mme ; cest le cas des obligations de faire faisant apparatre un fort intuitu personae, lobligation de raliser un tableau par exemple. Qui que soit le solvens, il doit revtir certaines qualits pour que le paiement soit valable. Tout dabord, il ne doit pas avoir pay dans la croyance errone quil tait le dbiteur car alors il pourrait agir en rptition de lind (a. 1235). Si lobligation consistait en une obligation de donner, autrement dit si le paiement consiste en un transfert de proprit, le solvens doit encore tre le vritable propritaire et capable daliner la chose. Au cas contraire, le paiement serait nul de nullit relative. En outre, en cas de dfaut de proprit, le vritable propritaire pourrait revendiquer la chose et le crancier pourrait lui aussi agir en nullit. Le paiement effectu par un autre que le dbiteur satisfait le crancier et dcharge le dbiteur, larticle 1236 al. 2 prvoyant quil nentrane pas de subrogation du solvens aux droits du crancier. La solution inverse pourrait toutefois tre convenue en accord avec le crancier. 2 : laccipiens 43

Contrairement lindiffrence porte la personne du solvens, laccipiens doit normalement tre le crancier. Le paiement qui serait fait une autre personne ne librerait pas le dbiteur qui pourrait se voir contraint de payer deux fois. Il nen irait autrement que si laccipiens tait apparemment le crancier, la condition que le dbiteur ait t de bonne foi et victime dune erreur commune. Laccipiens peut encore tre le mandataire du crancier. Ce mandat rsulte normalement dun contrat mais la loi prvoit parfois des reprsentations spcifiques : outre les hypothses dincapacit, il en va ainsi notamment en ce qui concerne les huissiers ayant reu un titre excutoire pour exercer des poursuites, il a qualit pour recevoir paiement. Laccipiens doit runir certaines qualits, commencer par sa capacit recevoir paiement. A dfaut, le paiement est nul, sauf au dbiteur prouver que le paiement a tourn lavantage du crancier.

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Section 2 : lobjet du paiement Lobjet du paiement est vari tout autant que le paiement lui-mme. Il est toutefois un objet particulirement frquent qui appelle des prcisions spcifiques : le paiement de sommes dargent. 1 : les rgles gnrales Deux rgles sappliquent lobjet du paiement. Le paiement doit consister dans la chose convenue. Cela signifie que le dbiteur ne peut se dcharg par une autre chose de son choix sauf obtenir laccord du crancier, ralisant alors une dation en paiement. Cette rgle peut tre contrarie par le jeu de la charge des risques comme le rappelle larticle 1235. Puisque les risques appartiennent au propritaire, le solvens qui a conserv la chose nest tenu de la livrer que dans son tat, moins que les dommages soient de son fait ou que la convention en ait dcid autrement. En labsence de toute prcision pour les choses de genre, cest une chose de qualit moyenne qui doi tre livre (a. 1236). Le paiement est indivisible. Le dbiteur ne peut se dcharger partiellement en livrant une partie de la chose due si le crancier ny consent pas. Cette rgle connat toutefois des exceptions. Tout dabord, on sait que larticle 1220 prvoit la division des dettes de plein droit entre les cohritiers. Par ailleurs, le pouvoir reconnu au juge daccorder des dlais de paiement (a. 1244-1 s.) lui permet dchelonner son paiement et donc de contraindre le crancier des paiements partiels. Finalement, certaines techniques ont pour rsultat le paiement partiel. Il en va notamment ainsi de la compensation. 2 : le paiement de somme dargent A) Les modes de paiement La premire caractristique est que tout paiement doit se faire en euro. Si lobligation tait libelle en une monnaie trangre, celle-ci ne peut valoir que comme monnaie de compte, seul lEuro ayant valeur de monnaie de paiement sur le territoire. Une seule exception est possible, concernant les contrats internationaux. Le mode de paiement le plus simple est en pices, monnaie de billon. Il ne sagit toutefois que due monnaie dappoint et un crancier nest tenu de 45

recevoir un paiement sous cette forme qu concurrence dun certain montant, dtermin pour chaque pice. Les billets de banque ont un pouvoir libratoire suprieur de ce point de vue. Le paiement doit toutefois imprativement tre effectu en monnaie scripturaire (chque, virement, carte de crdit) pour tout paiement suprieur 750 euro entre professionnels, mme pour tout montant infrieur sil est la fraction dune obligation suprieur cette somme (a ; L.112-6 C.mon.fin.) et pour tout montant suprieur 3000 euro pour les rapports impliquant les particuliers (a ; L.112-8). Le crancier nest jamais oblig daccepter un paiement par chque en raison des risques quil court. Prcisons toutefois que le paiement ne se ralise pas par la remise dun chque mais par le transfert de la provision. Quant la carte de crdit, son acceptation ou son refus dpend de la convention que le commerant a avec ltablissement de crdit metteur de la carte. Le crancier doit en revanche accepter le paiement par virement bancaire. B) Les clauses dindexation Le principe est celui du nominalisme montaire cest--dire que toute dette contracte doit tre excute au montant stipul dans lacte. Avec les priodes dincertitude montaire que nous avons connues, cette solution tait trs inconfortable pour les crancier qui se voyaient parfois rembourss